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Yaovi Ouézou AZOUMA Université de Lomé, École Supérieure d’Agronomie [email protected] Diane RIOPEL École Polytechnique de Montréal, Département de mathématiques et de génie industriel, CIRRELT La fabrication d’équipements à petite échelle en Afrique éprouve d’énormes difficultés d’approvisionnement en matière d’œuvre. Le Soutien Logistique Intégré, facilite l’exploitation, la maintenance et améliore la durée de service de l’équipement. Ce concept ne prévoit pas le retour des produits en fin d’usage, l’organisation de l’approvisionnement en matériaux de récupération et la protection de l’environnement. À partir d’une analyse croisée des méthodes utilisées dans les pays industrialisés et des pratiques dans les pays d’Afrique une démarche logistique combinant le Soutien Logistique Intégré et la Logistique Inverse : Logistique Totalement Intégrée, peut générer des économies et réduire le coût de possession. Introduction La majorité des pays en développement (PED) est caractérisée par un faible revenu national et de ce fait, dispose de peu d’épargne à investir (Fremy, 2006). Malgré la nécessité d’une plus grande productivité agricole pour nourrir une population au taux d’accroisse- ment élevé et l’intérêt du producteur pour la plus value qu’offre la transformation des pro- duits agricoles, cette situation contraint les petites et moyennes industries (PMI), particu- lièrement les équipementiers d’Afrique, à la fabrication à petite échelle des équipements agricoles et agroalimentaires (EAA). Face donc à la faiblesse de la capacité d’investisse- ment des producteurs africains, la survie de ces PMI réside dans la réduction autant que possible du coût global de l’équipement qui influence le coût de possession de l’utilisa- teur. Pour ce faire, l’une des solutions à ce problème consiste à minimiser le coût de revient des matériaux et matières d’œuvre. Pour y parvenir, nous préconisons l’adoption à la fois du Soutien logistique intégré (SLI) et de la Logistique inverse (LI) que nous appelons Logistique totalement intégrée (LTI) dès la conception de l’équipement. Après avoir précisé l’environnement socio- technique et économique africain puis démontré la pertinence du concept de la LTI par rapport à la conception d’équipements pour ce contexte, nous discutons des résultats d’enquêtes auprès des équipementiers et des utilisateurs d’équipements et traitons des questions relatives au marché de la LI et aux aspects législatifs, moteurs de la protection de l’environnement. Enfin, nous présentons une démarche LTI dans la conception d’EAA pour l’Afrique. Démarche méthodologique Dans le cadre de l’enrichissement des démar- ches de conception d’équipements pour les Logistique & Management Vol. 18 – N°1, 2010 69 Logistique totalement intégrée lors de la conception d’équipements pour les pays en développement Les auteurs remercient les évaluateurs pour leur travail et leurs commentaires très constructifs. Ces travaux ont été réalisés grâce au soutien financier obtenu de l’UNESCO dans le cadre de l’Appui des domaines de programme prioritaires (2006-2007) et du CRSNG du Canada.

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Yaovi Ouézou AZOUMAUniversité de Lomé, École Supérieure d’[email protected]

Diane RIOPELÉcole Polytechnique de Montréal, Département de mathématiques et de génie industriel, CIRRELT

La fabrication d’équipements à petite échelle en Afrique éprouve d’énormesdifficultés d’approvisionnement en matière d’œuvre. Le Soutien Logistique Intégré,facilite l’exploitation, la maintenance et améliore la durée de service del’équipement. Ce concept ne prévoit pas le retour des produits en fin d’usage,l’organisation de l’approvisionnement en matériaux de récupération et laprotection de l’environnement. À partir d’une analyse croisée des méthodesutilisées dans les pays industrialisés et des pratiques dans les pays d’Afrique unedémarche logistique combinant le Soutien Logistique Intégré et la LogistiqueInverse : Logistique Totalement Intégrée, peut générer des économies et réduire lecoût de possession.

Introduction

La majorité des pays en développement(PED) est caractérisée par un faible revenunational et de ce fait, dispose de peu d’épargneà investir (Fremy, 2006). Malgré la nécessitéd’une plus grande productivité agricole pournourrir une population au taux d’accroisse-ment élevé et l’intérêt du producteur pour laplus value qu’offre la transformation des pro-duits agricoles, cette situation contraint lespetites et moyennes industries (PMI), particu-lièrement les équipementiers d’Afrique, à lafabrication à petite échelle des équipementsagricoles et agroalimentaires (EAA). Facedonc à la faiblesse de la capacité d’investisse-ment des producteurs africains, la survie deces PMI réside dans la réduction autant quepossible du coût global de l’équipement quiinfluence le coût de possession de l’utilisa-teur. Pour ce faire, l’une des solutions à ceproblème consiste à minimiser le coût derevient des matériaux et matières d’œuvre.

Pour y parvenir, nous préconisons l’adoptionà la fois du Soutien logistique intégré (SLI) etde la Logistique inverse (LI) que nousappelons Logistique totalement intégrée(LTI) dès la conception de l’équipement.

Après avoir précisé l’environnement socio-technique et économique africain puisdémontré la pertinence du concept de la LTIpar rapport à la conception d’équipementspour ce contexte, nous discutons des résultatsd’enquêtes auprès des équipementiers et desutilisateurs d’équipements et traitons desquestions relatives au marché de la LI et auxaspects législatifs, moteurs de la protection del’environnement. Enfin, nous présentons unedémarche LTI dans la conception d’EAA pourl’Afrique.

Démarche méthodologique

Dans le cadre de l’enrichissement des démar-ches de conception d’équipements pour les

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Logistique totalement intégréelors de la conception d’équipementspour les pays en développement

Les auteurs remercient lesévaluateurs pour leur travail etleurs commentaires trèsconstructifs. Ces travaux ont étéréalisés grâce au soutienfinancier obtenu de l’UNESCOdans le cadre de l’Appui desdomaines de programmeprioritaires (2006-2007) et duCRSNG du Canada.

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pays en développement, une étude bibliogra-phique sur les méthodes et pratiques de fabri-cation et de maintenance dans les pays duNord et du Sud (PdS) et une collecte d’infor-mations auprès de 12 équipementiers de 3pays d’Afrique de l’Ouest respectivement 6au Bénin, 2 au Burkina Faso et 4 au Togo ontété réalisées de 2001 à 2004. Au cours de cettemême période, une enquête a été faite auprèsde 28 utilisateurs possédant en tout 71 équipe-ments constituant 21 types de machines, dont7 agricoles et 14 agroalimentaires. Parallèle-ment, la validation au Togo de plusieurs résul-tats issus de ces études a eu lieu au cours de laconception participative d’une charrette épan-deuse de fumures organiques, en ingénierieconcourante (Azouma et al., 2007). Ces tra-vaux qui ont permis de proposer plusieursméthodes et outils d’intégration de la fabrica-tion et de la maintenance dans une démarchede conception pluridisciplinaire pourl’Afrique (Azouma, 2005) sont croisés avecune étude bibliographique sur la LI (Gupta etIsaacs, 1997 ; Rogers et Tibben-Lembke,1998 ; Guide et Jayaraman, 2000 ; Fleis-chman, 2001 ; Lambert et Riopel, 2005 ; Yanget Wang, 2007 ; Feng et Zhijun, 2008 ; Srivas-

tava, 2008). Aussi, en 2008, la recherche surle terrain a permis de collecter des informa-tions sur les pratiques de LI en Afrique del’Ouest. Cette approche méthodologique per-met de prendre en compte ce concept. Enoutre, à partir des réalités du milieu, ce travailétudie la mise en œuvre de chaque critère duSLI dès la définition d’un équipement. Enfin,la recherche de relations contribue à une meil-leure intégration de ces deux concepts dansune démarche de conception. Pour une meil-leure compréhension de l’analyse des ques-tions abordées et des approches de solutionproposées, il est indispensable de présenter lecontexte de l’étude.

Contexte sociotechniqueet économique africain

Les PME et PMI évoluent dans un environne-ment contraint caractérisé par les 12 constata-tions présentées au Tableau 1 sous forme decontraintes et leurs impacts (Starkey, 1994;Spinelli, 1996; ONUDI, 2000; Diallo, 2000;Rozas, 2001; Azouma, 2005; Minouiu, 2005;Fremy, 2006; Bationo, 2007).

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Tableau 1 : L’environnement des PME et PMI

Contrainte ImpactFaible capacité d’investissement et de pouvoir d’achat des populations Limitation de la productivité et par conséquent du marché commercial

Manque d’accès fluvial à un port maritime Un tiers de la population totale en Afrique vit dans des pays enclavés (14pays en tout), sans accès fluvial à un port maritime

Investissements très souvent dominés par les bailleurs de fondsétrangers et les projets

Déviation des politiques nationales de développement, solutions exogènespas toujours adaptées

Accès au crédit très limité Frein au développement des activités de production et d’innovation

Analphabétisme, production agricole et agroalimentaire à petiteéchelle

Ralentissement de l’adoption des techniques et technologies modernesplus performantes

Secteur informel qui rend difficile l’action des pouvoirs publics entermes de prélèvement des impôts et de prise de décisions pour lesPME et PMI

Contribution au déficit du budget des États, peu d’entreprises compétitivessur le marché international

Comportements socioculturelsEmpêchement d’une gestion plus rationnelle des entreprises (gestion detype familial, peu ou pas d’enregistrement et d’analyse approfondie desinformations liées aux activités de production et de maintenance)

Préférences des utilisateurs d’équipements pour les pièces « bonmarché »

Pièces « bon marché » disponibles localement au détriment des piècesd’origine plus chères mais résistantes à l’usure

Exploitation faible ou irrationnelle des matériaux locaux ou localementdisponibles et des dérivés d’activités locales

Augmentation du coût de possession des équipements fabriquéslocalement

Importation de produits coûteux et exportation de produits bruts Fuite des capitaux et la pauvreté : problème d’équité des prix et pas devaleur ajoutée pour le producteur

Infrastructures de transport, de communication, d’énergie et d’eauinexistantes ou peu développées dans les zones rurales

Vente de produits bruts, peu ou pas d’unités de transformation et de cefait, pas de plus-value pour les agriculteurs

Coûts de l’énergie (électricité et carburant), du transport et descommunications restent encore très chers pour les petites entreprises

Augmentation du coût de possession des équipements et du coût desproduits et des services

Barrières douanières et taxes à l’importation atteignent 20 à 30 %Certaines décisions politico-économiques pénalisent lourdement lafabrication locale de matériels : la taxation inopportune des matériauximportés nécessaires à la fabrication de matériels sur place

Introduction de matériels agricoles et agroalimentaires completsautorisée en exonération des taxes

Fabrication locale de matériels n’est pas assez encouragée et favorisée envue de la maîtrise des technologies

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Pertinence de la logistiquetotalement intégrée - LI

Soutien Logistique Intégré – SLI

Le SLI est « une approche globale et itérativedu management et des techniques nécessairespour assurer à un système, ses performancesaux meilleurs coûts et délais tout au long ducycle de vie » (Pons et Chevalier, 1996). L’en-vironnement du soutien logistique dit « inté-gré » est composé du « sous-systèmelogistique » en corrélation avec le « sous-sys-tème équipement ». « Les activités consistantà spécifier, définir, développer, produire etlivrer en temps utile l’ensemble des produitsconstituent le « sous-système de soutien »(Dumez, 1993). Le SLI est caractérisé par 9critères qui doivent être en adéquation avecles besoins et l’environnement de l’utilisateurd’équipement : la documentation technique,le plan de maintenance, la formation des utili-sateurs, la manutention et le transport, le sou-tien informatique, les infrastructures, lesapprovisionnements (pièces de rechange etintrants, etc.), le personnel et les équipementsde soutien.

L’armée américaine a introduit un dixièmecritère de SLI, le « Design interface » qui sedécline en dix sous-critères : la fiabilité, lamaintenabilité, la standardisation, l’interopé-rationnalité, la sûreté de fonctionnement, lasécurité, la maniabilité ou facilité d’utilisa-tion, l’environnement et la disposition desmatières dangereuses, la confidentialité et lalégislation.

Ce critère du SLI comprend également 2concepts : la conception pour la testabilité etla conception pour l’élimination de l’équipe-ment (US ARMY, 2005 ; Anon.1, 2007). Lemaintien en condition opérationnelle des sys-tèmes interopérationnels tout en garantissantà la fois la sûreté de fonctionnement et la sécu-rité puis en prévoyant les risques système, esttrès complexe et coûteux. À titre d’exemple,l’ensemble du système opérationnel d’avionsde combat et d’avions ravitailleurs en vol quidoit être maintenu en condition opération-nelle par le soutien logistique. En outre,concernant la protection de l’environnement,les conditions : les traitements, les risques etles coûts indispensables à la disposition res-ponsable des armes nucléaires et chimiquesfabriquées par des industries de pointe ne sontpas comparables à ceux d’une batterie devéhicule et d’un réfrigérateur fabriqués pardes PME et PMI. Ainsi, en considérant l’en-semble des sous-critères proposés par l’armée

américaine pour le «design interface», ce cri-tère s’apparente plus à un concept en soi qu’àun simple critère. C’est une approche éla-borée surtout pour des systèmes très com-plexes comme les systèmes d’armement et dedestruction massive, de plus en plus sophisti-qués, qui ne convient pas aux entreprises deproduction des services et des biens. De cefait, un dixième critère allégé de SLI, plusaccessible aux entreprises de type PME etPMI, est proposé à la section 6.3 qui préciseles relations entre le SLI et la LI.

En Afrique, les forgerons ont acquis la capa-cité de fabrication et de maintenance de proxi-mité des équipements agricoles manuels et àtraction animale. Les institutions de dévelop-pement et les équipementiers forment les uti-lisateurs et multiplient les dépôts de pièces derechange en collaboration avec les commer-çants. En ce qui concerne les équipementsagroalimentaires et les tracteurs, ces mêmesconditions ne sont pas très souvent assuréesdans les zones rurales. Il faut alors rechercherdes solutions pour fournir un soutien logis-tique plus efficace à ces équipements, d’oùl’intérêt de l’adoption du SLI. L’ensemble descritères du SLI peut être pris en compte à par-tir de la définition d’un équipement, pour faci-liter son exploitation et sa maintenance puisaméliorer sa durée de vie ou de service. Dessolutions pour la mise en œuvre de chaque cri-tère du SLI permettent à une équipe deconception d’appliquer concrètement ceconcept dans l’environnement sociotechniqueet économique africain.

Logistique Inverse – LI

Des définitions orientées écologie, protectionde l’environnement et meilleure gestion desflux des retours de produits dans les entrepri-ses, sont données par plusieurs auteurs (Wu etDunn, 1995 ; Rogers et Tibben-Lembke,1998 ; Stock, 1998 ; Rodrigue et al., 2001).Dans cette étude, nous adoptons la définitionproposée par Lambert et Riopel (2005). « Lalogistique inverse est le processus de planifi-cation, d’implantation et de contrôle de l’effi-cience, de la rentabilité des matièrespremières, des en-cours de production, desproduits finis et l’information pertinente dupoint d’utilisation jusqu’au point d’originedans le but de reprendre ou générer de lavaleur ou pour en disposer de la bonne façontout en assurant une utilisation efficace etenvironnementale des ressources mises enœuvre ». Elle est illustrée par la figure 1 quiprésente les interrelations entre les deuxaspects complémentaires de la LI.

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Le modèle intégrateur de la LI se déploie en 5phases : Barrière, Collecte, Tri, Traitement,Système d’expédition, dont l’étape de traite-ment se décline en plusieurs choix de disposi-tions ou traitements (Figure 2).

En général, 2 raisons majeures sont à l’originedes retours d’EAA en Afrique : la réparationsous garantie et le remplacement pour des rai-sons de mauvais fonctionnement. Cette situa-tion, souvent pas réglementée, est traitée àl’amiable entre l’équipementier ou le com-merçant et le client. Une autre raison de retourdes produits est le recyclage des équipementsen fin de service (Yang et Wang, 2007 ; Fenget Zhijun, 2008). Ce recyclage n’est pasencore organisé ni surtout obligatoire pour lecouple «utilisateur - fabricant» en Afrique.Les mécaniciens, les forgerons, les fonderieslocales et les PMI utilisent des matériaux etmatières d’œuvre d’occasion ou de récupéra-tion dans la fabrication et la réparation deséquipements. Par exemple, des tôles, des cor-nières et des fers ronds récupérés sont utiliséspour la fabrication ou la réparation d’EAA. Il

s’agit d’une pratique irrationnelle et nonorganisée de la LI.

Pour ce faire, 2 sources d’approvisionnements’offrent aux équipementiers : la casse desautomobiles, des tracteurs, des chariots, desappareils électroménagers et de diversesinfrastructures métalliques et le retour en find’usage d’EAA fabriqués localement ouimportés. L’exploitation de ces 2 sources dematières par une planification et organisationrationnelles de stocks doit permettre : de pro-téger l’environnement en débarrassant lesespaces et ruelles souvent jonchés de ferrail-les et de carcasses d’engins; de disposer etrentabiliser au mieux les matières premières;de reprendre des pièces et ferrailles pourgénérer de la valeur. À partir de l’analyse desenquêtes sur le terrain et des choix de disposi-tion de la LI, des approches de solution d’inté-gration sont proposées.

Marché de la LI

Pirot (1998) écrivait : « les pays africains sontfortement dépendant des conditions d’appro-visionnement en machines et en pièces déta-chées : problèmes de devises, de délais,d’acheminement, de disparité de marques etdes modèles ». Face à cette situation, il s’avèreindispensable d’explorer les solutions qu’of-frent les potentialités du marché de la LI. EnAfrique, les artisans utilisent principalementles matériaux de récupération ou les ferraillespour la fabrication de tout ou partie d’EAA(Makinde, 1993 ; Le Thiec, 1996). Les aciersà ressort, les aciers de voies ferrées et certainsaciers pour les essieux permettent de fabri-quer des outils de forge, tels que les dégor-geoirs, les étampes d’enclume, etc., dont ladurée de vie utile est satisfaisante (Stokes,1994). Au Nord du Cameroun, la récupérationconstitue la principale source d’approvision-nement en fer pour 95 % des artisans. Les prixdes matériels souvent de qualité inférieure,produits par les forgerons, varient entre 40 et90 % des prix de ceux importés. Au Sénégal,les pièces sont vendues 2 à 3 fois moins chèresque les modèles d’origine. Par exemple àBobo-Dioulasso au Burkina Faso, paysenclavé, les matières d’œuvre coûtent 20 à54 % plus cher qu’au Ghana (Ouattara et Oué-draogo, 1998). Les charrettes à traction ani-male, fabriquées à l’aide d’essieux de vieillesvoitures, sont très répandues au Nigeria, auGhana, au Zimbabwe, au Botswana, enNamibie, au Malawi central, en Tanzanie cen-trale et septentrionale (Starkey, 1993). Holt-kamp (1991) affirme que le succèsremarquable de petits tracteurs d’Ayudhaya

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Figure 1 : Logistique inverse : relations entre la distribution inverseet la logistique verte (Azouma et Riopel, 2007)

Figure 2 : Étapes du traitement (Lambert et Riopel, 2005)

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(en Thaïlande) ou de Tinkabi (au Swaziland),imparfaits sur le plan de la technique, reposesur la proximité des fabricants par rapport auxprincipales régions d’utilisation de leur pro-duit. La plupart des pièces sont disponibles en1 ou 2 jours. Les tracteurs d’Ayudhaya sontassemblés à partir de pièces neuves et de com-posants d’occasion révisés. Au sortir de laguerre, plusieurs pays ont fait l’expérience del’utilisation de pièces d’occasion pour assem-bler un tracteur « neuf » à des coûts de produc-tion sensiblement réduits : RFA, Égypte et«Jeepney» aux Philippines. Suite à la direc-tive 2000/53/CE, en Europe, dès la construc-tion d’un nouveau véhicule, sont prévues lesprocédures de désassemblage décrivant lemode de démontage, la liste des pièces à récu-pérer et leur composition (J.O.C.E, 2000). Lesprocédures de désassemblage de la RenaultLaguna ont ainsi été transmises aux démolis-seurs au moment même de son lancementcommercial (Pimor, 2001). Aux États-Unis,Gupta et Isaacs (1997) expliquent que le recy-clage des véhicules automobiles est en placedepuis plusieurs années et se fait en deux éta-pes, la première consiste à démonter les piè-ces de valeur pour les réutiliser et ladeuxième, à envoyer le reste de la carcasse aurecyclage pour les matériaux. Les épaves devéhicules contenant 80 % de métaux consti-tuent une importante source de matières pre-mières pour les industries de recyclage ou demétallurgie en Taiwan. Sont également recy-clées, les motocyclettes (Lee, 1997). Minneret Kleber (2001) déclare qu’il y a des raisonséconomiques et écologiques de réutiliser lespièces récupérées de vieux produits, soit pourles utiliser dans de nouveaux produits ou s’enservir comme pièces de rechange pour le ser-vice après-vente. 70 % des clients considèrentque leur décision d’achat est conditionnée parla garantie de pouvoir retourner le produit(Feng et Zhijun, 2008). Selon ces auteurs, lesfabricants d’équipements très coûteux etcomplexes, tels que ceux de l’industrie dedéfense, la remise à niveau et la réutilisationdes composants pourraient réduire de façonsubstantielle le besoin d’achat de nouveauxéquipements. Ils indiquent également que lafonction LI est un facteur déterminant dans lechoix d’un fournisseur de serviceaprès-vente.

Protection de l’environnement et gestiondes ressources

Certes, plusieurs pays africains adoptent desdispositions règlementant l’importation, lacommercialisation, l’utilisation et la réexpor-tation des substances qui appauvrissent la

couche d’ozone et des équipements les conte-nant (U.E.M.O.A, 2005 ; U.E.A.C, 2005). Cen’est pas suffisant, car plusieurs autresactions, tout aussi indispensables sont entre-prises ailleurs pour le développement durable.Pour preuve, la directive de la Communautéeuropéenne sur le matériel d’emballage sti-pule que le client peut le laisser au détaillant etce dernier doit en assurer le recyclage (Fleis-chmann et al, 1997). Cette loi basée sur leconcept allemand, « Green Dot » est égale-ment adoptée dans plusieurs pays d’Asie(Stock, 1998). Par exemple, à Taiwan, « TheEnvironmental Protection Administration » arépertorié 16 produits tels que les PVC, lesbouteilles, les véhicules, les acides de batte-ries, les huiles usées, etc., pour lesquels, en finde vie ou après usage, il confère la responsabi-lité de la bonne disposition et du recyclage auxproducteurs, importateurs et aux détaillants(Lee, 1997). La directive 2002/96/CE du Par-lement européen et du Conseil fixe des mesu-res visant à prévenir la formation de déchetsélectriques et électroniques ainsi qu’à pro-mouvoir leur réutilisation, leur recyclage etd’autres formes de valorisation. En outre, envue de contribuer à la valorisation et à l’élimi-nation des déchets des équipements électri-ques et électroniques, ainsi qu’à la protectionde la santé humaine, les directives2002/95/CE fixent des mesures relatives à lalimitation de l’utilisation de substances dan-gereuses dans ces équipements. Ces directivessont suivies de plusieurs modifications etdérogations par rapport aux progrès techni-ques enregistrés jusqu’en 2006 (J.O.C.E,2002a) et (J.O.C.E, 2002b). Des modèlesmathématiques sont proposés en vue d’assu-rer une gestion conservatoire des matièrespremières, la réduction des rebuts ou déchetsen optimisant les opérations des réseaux dechaîne logistique et de logistique inverse(Kocabasoglu et al, 2007 ; Min et Ko, 2008).Srivastava (2008) a défini un nouveauconcept, la gestion de la chaîne logistiqueverte soit « Green supply chain management -GrSCM ». Ce concept préconise l’intégrationde l’environnement dans la gestion de lachaîne logistique en tenant compte de laconception, des matières d’œuvre, des procé-dés de fabrication, de la livraison du produitfinal aux clients et de la gestion de la fin de viedu produit. Cette approche rejoint ladémarche qui consiste à intégrer la LI dès laconception d’un équipement.

Les normes ISO 14000, 14001 et 14004 don-nent des directives d’écomanagement (Stock,1998), promoteur du développement durable

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et moteur de la LI dans les entreprises et socié-tés de services dans les pays industrialisés.Ainsi, pour une meilleure protection de l’en-vironnement et une gestion plus économiquedes ressources en Afrique, des directives enmatière de LI sont indispensables pour com-pléter les dispositions sus-mentionnées.

L’analyse des critères du Soutien logistiqueintégré (SLI) et de la Logistique inverse (LI),les résultats d’enquêtes sur les pratiques defabrication et de maintenance d’équipementsagricoles et agroalimentaires, le contextesociotechnique et économique africain puisl’étude des directives de protection de l’envi-ronnement promues dans le monde, permet-tent de proposer des solutions pragmatiquesd’application du LTI dans la conception d’é-quipements.

Résultats d’enquêtes auprèsdes utilisateurs d’équipementset des équipementiersDes enquêtes réalisées auprès de 28 utilisa-teurs d’équipements en Afrique de l’Ouestmontrent que 88 % des agriculteurs choisis defaçon aléatoire pour répondre aux questionssont analphabètes, mais les transformateursont au moins fréquenté l’école primaire. Il s’a-git essentiellement de système de production

de type familial ou coopératif (Azouma,2005). Au Nord du Cameroun, 71 % des arti-sans qui fabriquent les équipements agricolesà traction animale sont analphabètes(Tchinda, 2000). Une enquête effectuée auBurkina Faso par Bationo (2007) auprès de 39unités de transformation agroalimentairemontre que 71 % des opérateurs ont une for-mation par « apprentissage sur le tas ». Cesopérateurs sont d’un niveau scolaire générale-ment très faible et ont des difficultés pour lireet écrire. Ce constat doit être pris en comptedans la caractérisation de la formation à dis-penser, dans l’élaboration du manuel d’utili-sation et la mise en place du soutieninformatique. Parmi les problèmes que ren-contrent les 12 équipementiers interrogés,83 % considèrent que la disponibilité desmatériaux et des matières d’œuvre est prépon-dérante.

Les difficultés d’approvisionnement concer-nent les fer plats de 30 x 10, 50 x 20, 40 x 12,l’acier au mangano-silicium, les aciers durs,les barres en acier doux de diamètre 20 à100 mm, l’acier en inox de diamètre 60 mm, letube de diamètre 160 x 16. La plupart de cesmatières ne sont pas fabriquées dans les paysd’Afrique. Les commandes passées enEurope, en Amérique ou en Asie ne sont rece-vables par les fournisseurs et rentables pourles équipementiers, aux fonds de roulementsouvent limités, qu’à partir d’une certainequantité. L’une des solutions adoptées par leséquipementiers pour réduire les coûts defabrication et rester rentables est l’utilisationdans la mesure du possible des matériaux derécupération (Tableau 2) et (Figure 3). Defaçon générale, dans le cas de la conceptiondes équipements à petite échelle qui caracté-rise l’Afrique, au regard de la littérature et despratiques, il y a lieu de faire les remarques sui-vantes : au cours du cycle de vie, l’unique trai-tement de la LI que les équipes de conceptionconfèrent aux équipements fabriqués, est lafonction « réparé »; le SLI n’est pas pris encompte dès la conception de l’équipement; iln’y a pas encore de législation qui oblige lesentreprises et fournisseurs de produits ou ser-vices à intégrer la LI. Ainsi, nos différentespropositions vont permettre de pallier cesinsuffisances.

Démarche de LTI dans laconception d’équipementspour les pays d’Afrique

Nous préconisons 3 types de proposi-tions pour une prise en compte efficace et effi-

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Tableau 2 : Matériaux de récupération et leur utilisation dans lafabrication

Désignation Utilisation dans la conceptionLames de ressort de véhiculeRessort en spirales de véhicule

Socs de charrue, becs de soc, pointes debutteurs, dents de râteau

Châssis de véhiculeTôles de citernes et de tanks

Bâtis de machines, châssis de chariots, decharrettes, de remorques

Essieux avant de véhiculesDemi-arbre de camion

CharretteRemorque

Pièces en bronze des blocs Bagues, coussinets

Pignons de boîtes de vitesses, chaînes,roulements

Chaînes cinématiques de matérielsagricoles et agroalimentaires

Pompes hydrauliques de véhicules lourds Système de levage, presses

Figure 3 : Marché de la récupération à Akodésséwa à Lomé au Togo

Photo: Azouma, 2008.

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ciente du SLI et de la LI dans une démarche deconception pour l’Afrique : 1) principes etméthodes pratiques d’intégration du SLI dansla conception; 2) approches de solution pourl’intégration de la LI dans la conception et 3)relations et recommandations d’ordre géné-ral.

Méthodes d’intégration du SLIdans la conception

Le tableau 3 indique la démarche d’applica-tion du SLI au cours de la conception d’unéquipement pour l’Afrique. Les figures 4 et 5complètent cette démarche et présentent lesprincipes d’intégration de la maintenabilitéd’un équipement à concevoir.

La définition d’un Cahier des Charges Dispo-nibilité (CdCD) au cours de l’analyse dubesoin et de l’état de l’art, permet de caractéri-ser en collaboration avec l’équipementier etles utilisateurs d’un équipement à concevoir,les critères de fiabilité et de maintenabilitéattendus (Azouma, 2005). Les questions àprendre en compte concerneront : 1) la résis-tance des pièces et sous-ensembles à l’usure età la rupture ; 2) le taux de qualité des produits(équipement et produits alimentaires prove-nant de cet équipement) ; 3) la charge effectiveannuelle de travail ou la production agricoleannuelle ; 4) le fonctionnement manuel,motorisé ou automatisé ; 5) les pannes fré-quentes des équipements utilisés ; 6) les coûtsmoyens de réparation ; 7) la détermination descritères de maintenabilité par rapport à l’envi-ronnement technologique.

Ces critères de maintenabilité sont : la norma-lisation et la standardisation par rapport auxcomposants des équipements fabriqués loca-lement et aux matières d’œuvre disponibles,la réduction du nombre de systèmes de fixa-tion, les compétences en maintenance dans lemilieu ou la région d’utilisation, les tâches demaintenance généralement exécutées par lesutilisateurs, les temps d’attente du réparateuret la durée moyenne des réparations, lesconséquences vécues de non-maintenance.

Méthodes pour les EAA

La figure 6 montre le système de LI envisagépour les équipementiers d’Afrique avec leschoix de traitement retenus. Considérant quel’équipementier doit contribuer à l’élimina-tion et à la revalorisation de son produit aucours ou en fin de service, l’étape de la bar-rière du modèle intégrateur (Lambert et Rio-pel, 2005), dans notre cas d’étude, n’est pasnécessaire.

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Tableau 3 : Méthodes pratiques d’intégration des 9 critères du SLIdans la conception pour l’Afrique

Critères du SLI Méthodes pratiques d’intégrationDocumentationtechnique

Rédaction d’un manuel d’utilisation essentiellement sur la basede pictogrammes et de symboles

Plan de maintenance CdCD - Démarche d’élaboration d’un plan de maintenance -Maintenance Distribuée pour l’Afrique (MDA) (Figure 4)

Formation desutilisateurs

Travaux Pratiques : utilisation + maintenance préventive +automaintenance - Suivi temporaire du couple« utilisateur-équipement » si possible — Alphabétisation

Manutention ettransport

Automotricité de l’équipement — Réduction du poids del’équipement — Désassemblage possible en sous-ensembles

Soutien informatiquePour les PME de production agricole et agroalimentaire, prévoirun programme de saisie de données aux fins d’analyse et demaintenance des équipements

Infrastructures

Approvisionnements(pièces & intrants)

Fonctionner uniquement si possible à partir de la Chaîne deSoutien Logistique du milieu d’exploitation de l’équipement(Figure 5)

Personnel

Réseau local de maintenance centrée sur les tâches- Utilisateurs : Maintenance de niveau 1 (Norme FDX 60-000)Forgerons ruraux : Maintenance de niveau 2Mécaniciens : Maintenance de niveaux 3, 4 et 5

Équipements desoutien

Pouvoir exploiter l’équipement conçu sans équipements desoutien non intégrés ou avec ceux disponibles localement

Figure 4 : Démarche d’élaboration d’un plan de maintenanced’un équipement en Afrique

Figure 5 : Chaîne de soutien logistique aux équipements en Afrique

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Aussi, les traitements retenus se justifient parles deux raisons majeures à l’origine desretours d’EAA évoquées par le contextesociotechnique et économique africain décritdans le sous titre 3 puis dans la section 4.2.

Collecte et inspection

Les utilisateurs rapportent leurs équipementsà traiter chez l’équipementier ou dans lespoints de vente : dépôts ou chez le commer-çant. À partir de points de ramassage établisde commun accord avec les différents acteurset en se servant des points de vente commecentres d’information, il est possible d’envi-sager la programmation de collectes grou-pées. L’équipementier devra signer un contratou avoir une entente ferme avec le commer-çant sur le retour des produits. L’inspectionpermet d’une part de différentier les équipe-ments en fin de service et de ceux partielle-ment amortis et d’autre part, de s’assurer de laconformité de la demande du client avec l’étatde l’équipement avant le transport versl’atelier de fabrication.

Tri et entreposage

Les équipements sont classés selon les critè-res d’inspection énoncés et par types : agri-cole et agroalimentaire. Il faut aménager unespace pour ranger les équipements en toutesécurité.

Traitement

Nous préconisons 5 choix de traitement. Unedynamique de R&D au sein de l’entreprisepermet une meilleure exploitation de 2 offresde service aux clients : la remise à niveau et lareconfiguration du produit. La remise àniveau est réalisée sur demande du client ousur décision du fabricant pour la revente. Lerecyclage concerne les équipements en find’usage ou service qui subissent des opéra-tions de récupération de pièces puis les car-casses sont vendues à la fonderie.

Le système d’information privilégie lesmoyens de communication adoptés par lesdifférents acteurs : les équipementiers, lesopérateurs dans les points de vente et les utili-sateurs. Il s’agit du téléphone ou de la télé-copie en zones urbaines, de commissions parl’intermédiaire de voyageurs, de courrierstransmis par les chauffeurs de véhicules detransport en commun, des déplacements dechaque acteur pour affaire dans les zones rura-les. Cette approche de LI est complétée par unsystème d’approvisionnement en pièces etmatériaux récupérés, illustré par la figure 7 etplusieurs préconisations. L’équipementiermène des activités de désassemblage de véhi-cules, d’appareils électroménagers et de cons-tructions métalliques dans un rayon régionaléconomiquement accessible; c’est une nou-velle source de revenus : vente de diverses piè-ces de rechange aux utilisateurs et de lacarcasse aux fonderies. Le dépôt d’équipe-ments neufs par l’équipementier et la reprisede ceux en fin d’usage rapportés par les utili-sateurs dans les points de vente ou chez lescommerçants permettent d’éviter des frais detransport imputés exclusivement à l’activitédes retours. Les retours vont engendrer troisoffres de service très peu ou pas exploitées : laremise à niveau et surtout la remise à neufcomme alternative à la réparation, la reconfi-guration d’EAA puis la vente de carcassesmétalliques à des fins de recyclage en fon-derie. À partir de l’étude des coûts des réseauxde collecte et de traitements des équipementsrenvoyés, Srivastava (2008) estime que dansle contexte indien, la refabrication ou laremise à neuf à petite échelle n’est pas écono-miquement viable. Fort de cette expérience,pour la mise en œuvre de la LI en Afrique, il

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Figure 6 : Démarche de la logistique inverse pour les équipementiersen Afrique

Figure 7 : Système d’approvisionnement en matériaux et matièresd’œuvre orienté LI pour l’Afrique

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faut minimaliser les investissements et traiterune masse critique d’équipements.

À cet effet, depuis quelques années, dessociétés indiennes mènent d’intenses activitésd’achat de carcasses de tout genre, véhiculeset constructions métalliques qu’ils exportentvers l’Inde à partir de plusieurs ports : Lomé(Togo), Cotonou (Bénin), Abidjan (Côted’Ivoire). En dehors des équipements horsusage collectés dans ces pays côtiers, d’im-portantes quantités de carcasses arrivent dedifférents pays enclavés d’Afrique del’Ouest : Burkina Faso, Mali, Niger (Figure8). Dans le système de fabrication à petiteéchelle, il y a souvent des périodes mortessans ou avec des productions très faibles. Onassiste souvent à des licenciements temporai-res ou « congés techniques » non rémunérés.Ces temps seront consacrés aux différentstraitements inhérents à l’adoption de la LI :c’est une nouvelle solution de plein emploi.

Relations entre le SLI et la LIet recommandations

L’étude des concepts du SLI et de la LI permetde relever plusieurs interrelations: la mainte-nance (réparer ou remettre à neuf les équipe-ments); l’approvisionnement (pièces derechange, matériaux et intrants neufs ou récu-pérés); la manutention et le transport, les cri-tères de facilitation de l’exploitation et desretours de produits (désassemblage, mise enkits, portabilité de l’équipement); l’utilisationrationnelle de l’équipement (amélioration dela productivité et économie des ressources).Le SLI doit évoluer vers un dixième critèreadapté aux conditions des entreprises de pro-duction des services et des biens qui porte surla reprise du produit ou de l’équipement en finde service pour une meilleure disposition oupour des traitements adéquats. Ce nouveaucritère est conforme aux nouvelles législa-tions déjà imposées aux fabricants en Europe,en Asie et en Amérique du Nord et qui vontcertainement s’étendre au monde entier.Ainsi, nous obtenons un concept actualisé duSLI (Tableau 4) que nous nommons « le SLIvert », car il prend en compte la gestionconservatoire des matières et la dispositionresponsable des matières dangereuses.

Plusieurs recommandations sont proposéespour faciliter et permettre une prise en compteefficace et efficiente du SLI et de la LI dès laconception d’un équipement.• Faire une étude technicoéconomique pour

la mise en place progressive des activités dela LI dans les PMI : moyens matériels ettechniques indispensables, espace d’entre-

posage, acquisition de plans de désassem-blage s’ils existent, organisation du travailet du système d’information.

• Former les travailleurs aux techniques dedésassemblage et à la disposition des ma-tières dangereuses de façon responsable.

• Élaborer une politique commerciale et demarketing autour des nouvelles offres deservice aux clients : intérêts des utilisateurspour le retour des équipements (indemnitésforfaitaires, offres de conditions incitativespour le remplacement d’un équipementrapporté par un utilisateur) et sensibilisa-tion pour la participation à la protection del’environnement.

• Enrichir le répertoire des types de pièces ré-cupérées (Tableau 2) qui composent lesEAA. Inciter les États d’Afrique à prendredes directives pour promouvoir la LI, enfaisant obligation aux équipementiers, im-portateurs et commerçants de reprendre leséquipements pour en assurer les meilleurstraitements. Ils auront l’obligation de re-prendre les équipements en fin de servicesans taxer l’utilisateur.

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Figure 8 : Ferrailles en attente de mise en conteneurs dans le port deLomé au Togo

Photo: Azouma, 2008.

Tableau 4 : Les 10 critères du SLI vert

N Critère

1 La documentation technique

2 Le plan de maintenance

3 La formation des utilisateurs

4 La manutention et le transport

5 Le soutien informatique

6 Les infrastructures

7 Les approvisionnements (pièces de rechange et intrants)

8 Le personnel

9 Les équipements de soutien

10 Le retour des équipements hors usage ou en fin de service*

*Nouveau critère introduit dans le SLI

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Conclusion

Ce travail a permis de proposer un nouveauconcept, la LTI obtenue à partir de l’étude dela pertinence du SLI et de la LI par rapport à laconception d’équipements pour les PdS et dela recherche des interrelations entre ces 2concepts. Des solutions d’intégration du SLIet de la LI complétées par un système d’appro-visionnement en matériaux et matièresd’œuvre orienté LI puis des recommandationspermettent de prendre en compte la LTI dansune démarche de conception pour l’Afrique.Malgré quelques pratiques observées sur leterrain qui relèvent de la LTI, la conception enentreprise d’un nouveau produit par uneéquipe pluridisciplinaire sera le lieu de la vali-dation de l’ensemble des propositions de cetteétude.

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