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L’élan sociodynamique Jean-Christian FAUVET Préface de Jean-René FOURTOU 2 e édition © Éditions d’Organisation, 1996, 2004 ISBN : 2-7081-3038-X Alliance des consultants industriels francophones - http://www.acifr.org

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Jean-Christian FAUVET

Préface de Jean-René FOURTOU

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Avant-propos

par Hervé Lefèvre, Président de Kea & Partners

Pourquoi certaines organisations bougent-elles alors que d’autresvégètent ? Pourquoi certaines s’adaptent, se régénèrent et prospèrent,alors que d’autres paraissent irrémédiablement condamnées à lasclérose ? À qui la faute ? La conjoncture ? Le management ? Lalégislation ? Le manque de capitaux ? Le climat social ? Ne cherchezpas, « on n’a jamais vu un haut-fourneau prendre de lui-même uneinitiative

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», seul l’homme est générateur d’action de changement etde progrès, pour peu qu’on le mette au centre du jeu.

Cessons d’incriminer les choses et misons sur le dynamisme deshommes. Nous prenons le pari que les organisations sociodynamiquesau sein desquelles les hommes trouvent un plaisir à produire, innover etsatisfaire leurs clients sont plus performantes. L’expérience nous a apprisqu’il est plus difficile de faire sourire une, cent, mille caissières d’hyper-marché, que de régler une ligne de montage d’articles électroménagers.Dans un monde où les entreprises et les organisations sont de plus enplus ouvertes et où le service est la clef de la réussite, chaque collabora-teur est ou sera au contact de l’extérieur. Nous devons faire en sorte quece jour-là ce collaborateur, tout comme la caissière, sourie.

Lorsque Jean-Christian Fauvet m’a proposé de réactualiser avec lui sondernier ouvrage, il m’a fait grand honneur car il fut au sein de BossardConsultants l’un de mes mentors professionnels. Penseur infatigable etfécond, Jean-Christian a développé pendant 30 ans une vision singulièreet novatrice du management, puisant ses idées dans une longue tradi-tion humaniste.

Jeune consultant chez Bossard, frais émoulu d’une école scientifique etplein de certitudes « mécanistes », j’ai d’abord appris, grâce aux outilsde la sociodynamique, à susciter et à polariser les énergies humaines. Dixans plus tard, j’ai développé avec Jean-Christian le management global,

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branche de la sociodynamique traitant de la complexité et de l’auto-organisation. Créé en octobre 2001, Kea & Partners compte aujourd’huiquatre-vingts consultants pour qui les hommes sont les moteurs de laperformance durable de l’entreprise. Ils reprennent ainsi le flambeau dela sociodynamique, que ce soit pour eux-mêmes en s’associant au sein deKea dans un partenariat vivant et actif, ou bien chez leurs clients enintégrant pleinement la dimension humaine dans leur pratique duconseil en stratégie et management.

Le titre de l’ouvrage nous invite à donner à nos organisations un élansociodynamique. C’est bien connu, faute de rouler, le cycliste tombe.L’élan nous met dans la position de profiter des événements, puis derebondir et d’innover plus vite et mieux. L’élan favorise l’initiative,amplifie le réflexe d’auto-organisation et donne au corps social le désirde se dépasser. Ainsi, transformer les comportements devient possible.

La sociodynamique constitue un guide pour l’action : « Mieux discernerpour mieux agir. » Elle ne s’érige surtout pas en « modèle », un de plus !Elle offre plutôt au manager des grilles de lecture pour l’aider à trouversa propre voie.

Si l’aventure vous intéresse, empruntez avec nous ce sentier de « granderandonnée » et trouvez la voie de votre propre cheminement vers un« au-delà de l’efficacité » tel qu’il est présenté à l’étape 78. Terminez parle « test des blasons » qui vous révélera quel élan nouveau, organisation-nel et managérial, vous voulez et vous pouvez donner à votre entreprise.

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8Étapes

59 La complexité, espace-temps de la plupart des actions

60 Gérer les crises, une affaire complexe

61 Développer l’auto-organisation une réponse au complexe

62 Pratiquer la stratégie du jeu de go, une autre réponse au complexe

63 Mettre en œuvre un management subtil par « vide contrôlé »

64 Les enjeux sociodynamiques de l’auto-organisation

65 Étape récapitulative : l’organisation holomorphe

L’AUTO-ORGANISATION ET LA CONCERTATION (1<2+3e MODES)

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59La complexité, espace-temps

de la plupart des actions

« Sa Majesté le Hasard fait les trois quarts de la besogne »(Frédéric II).

« Nous sommes menacés par deux calamités :l’ordre et le désordre »

(P. Valéry).

Une autre application capitale du paradigme Unité/multiple apparaîtsur le pli majeur ordre/désordre d’où l’action semble prendre son élan etd’où l’acte émerge comme un éclair d’orage. La dialogique ordre/désordre s’affiche comme créatrice d’énergie, de forces, de forme,et peut-être même d’un projet. Depuis que les philosophes grecs, nospères en sagesse, ont tiré Gaia (la Terre) des abîmes primitifs, leshommes ont toujours pensé que l’action ordonnée pouvait être issued’un état désordonné ou turbulent. Le bouddhisme n’hésite pas àfaire du vide une matrice d’être et la théorie moderne du chaos se plaît àfaire sortir l’ordre économique ou social du désordre ambiant.

C’est pourquoi derrière l’idée d’ordre et de désordre peuvent se cacherd’autres concepts plus actifs qu’on retrouve partiellement à l’œuvre dans

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toutes les organisations et la société globale, ceux, par exemple, d’agrégat,d’agglomérat, de magma, de chaos, de complication et de complexité.

Heureusement, et pour une part, notre monde est seulement compliqué. Lacomplication se définit comme un désordre apparent qui masque unordre réel discret. À nous de le découvrir. Toute énigme policière pose unproblème compliqué : il existe un coupable, qui est-il ? Ici, l’action est une affairede renseignements, de sagacité et de temps. Le compliqué n’est rien d’autre qu’unordre défait, un désordre en mal d’unité rompue. L’unité est provisoirement et hypo-thétiquement cachée sous le multiple. Le changement par réglage est plus simpleque le changement par réforme, lequel est bien souvent et seulement compliqué.

À la complication passive s’opposent le magma, qui épouse la nature dans sondéveloppement vers un ordre en devenir1, et le chaos, gros d’un changement quel-conque. Contrairement au magma, le chaos fonctionne dans tous les sens. Il estune tension instable qui s’établit entre des forces d’ordre et dedésordre jusqu’au moment où une action, même insignifiante, lefait basculer dans un système plus simple, plus chaotique ou pluscomplexe2. Le chaos nous est utile pour la tension féconde qu’il crée entre l’ordreet le désordre. Non seulement un chef doit accepter un certain chaos au sein del’organisation, mais il doit peut-être le susciter.

La complexité se présente comme un cycle limite, un métasystèmefort de ses déterminations et travaillé par ses libertés – donc de sesincertitudes –, qui est parvenu à établir une tension équilibrée entreles forces d’ordre et de désordre – mais pour combien de temps ?

L’acteur prend ici conscience que son environnement est partiellementinextricable et imprévisible sur les plans économique, interculturel,événementiel, sociodynamique... Que faire ?

■ Une situation simple appelle une solution simple. Une situationcompliquée exige la découverte du ou des fils cachés dont la manipulationnous ramène au problème précédent. Quand une situation devientcomplexe, les fils cachés sont trop nombreux et imprévisibles pour êtredémêlés. Il devient impossible par conséquent de saisir les choses dans

1. Cornélius CASTORIADIS, L’Institution imaginaire de la société, Seuil, 1999.

2. James GLEICK, La Théorie du chaos – Vers une nouvelle science, Flammarion, 1999.

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leurs rapports mécaniques. Il faut chercher le métapoint de vue d’où leurcombinaison est partiellement décodable et où une métaction sur elles estpartiellement possible.■ En milieu compliqué, le chef réussit par conviction soutenue par debonnes raisons stratégiques ; en milieu complexe, le même chef tientson succès de la chance (!) ou d’une habileté manœuvrière supérieure àl’embrouille…

Le passage du chaos au complexe est facilité par l’action d’un attracteurétrange. Cet outil fascinant de la science moderne a la propriété de faireapparaître et, par extension, de créer un niveau d’ordre précaire àpartir des turbulences du chaos. L’opinion publique et la culture sestructurent provisoirement dans un cycle limite, ou point fixe, sous la formed’une idée politique (la démocratie !) ou philosophique (la justicesociale !). L’attracteur étrange a des parentés en chimie avec le catalyseur.Il tient le rôle d’une macroforce discrète ou métaction qui a la propriétéde créer autour d’elle un champ d’énergie polarisé. C’est ainsi quel’amélioration de la qualité ou le changement du système de rémunéra-tions pour une équipe de vendeurs peut réintroduire un ordre positifdans un désordre technique ou motivationnel.

Le complexe concerne donc d’autres réalités irréductibles au simple. Laphysique des particules, l’économie de marché, la sociodynamique del’action ne sont pas compliquées mais complexes, en ce sens qu’onne parviendra jamais à les enfermer dans un modèle susceptible d’enexpliquer totalement la logique interne, et a fortiori d’en tirer une stra-tégie universelle.

Le complexe est irréductible au simple pour deux raisons :

1. D’abord parce que, en ces domaines, l’unité du simple n’existepas. « Seul existe le simplifié » (G. Bachelard).

Depuis l’apparition du fameux principe d’incertitude d’Heinsenberg, l’indétermi-nation a fait irruption dans toutes les sciences, à commencer par la physique – làoù l’on s’y attendait le moins ! – pour finir, bien entendu, dans les disciplines plussoft, notamment dans la praxéologie. La problématique de l’action a connu unemutation profonde dès lors que fut donnée une place éminente à l’aléatoire quan-

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tique, à l’imprévisibilité humaine, à la contradiction et au doute, à l’incomplétudede toute théorie, à l’instabilité des organisations, aux phénomènes chaotiques, auxbifurcations événementielles...! L’action ne relève plus désormais de la trop linéairemécanique où la force quantifiable et prévisible se transmet par pression ou parchoc. Il en résulte que les changements par rénovation, refondation et rhétoriquerequièrent quasiment toujours l’emploi d’actions plus globales ou, si l’on préfère,de métactions.

D’une certaine façon, les métactions ont des affinités avec le principe de variété-multiple, en ce sens qu’elles s’exercent dans un système semi-obscur où s’agitent,s’opposent, se composent une multitude de paramètres dont l’évolution est partiel-lement aléatoire. Mais d’une autre façon, les métactions ont des velléitésd’identité-unité, parce que – plus que toutes les autres – elles tentent des’inscrire dans un système global, d’établir un diagnostic global etd’apporter aux problèmes des solutions globales.

2. Parce que les projets de l’acteur, sa perception de la situation,son système culturel, son évaluation du rapport de pouvoir, sonjugement, ses modes de décision... sont eux-mêmes complexes.

En avance sur toutes les sciences, c’est encore la physique quantique qui découvritl’influence perturbatrice de l’observateur et, plus généralement, de l’observationdans la chose observée. Les pratiques de laboratoire montrent que les protocolesd’expérimentation sont constitués de restrictions techniques, elles-mêmes issuesd’a priori sur les résultats de l’observation. Tout acteur se représente mentalementles conditions dans lesquelles se déroule l’action, et cette représentation n’est passimple mais troublée par des erreurs d’observation et de jugement, par des attitu-des tendancielles favorables à telle ou telle stratégie, par des partis pris sur les chan-ces mêmes d’atteindre le résultat final.

Ainsi, non seulement certaines situations sont intrinsèquementcomplexes, mais l’acteur leur ajoute sa propre complexité, recons-tituant au bout du compte une réalité mégacomplexe, partiellementimaginaire. C’est pourtant sur cette réalité-là que porte l’action.E. Morin1, J.-L. Le Moigne2, D. Génelot3, chacun dans son registre, ontbeaucoup contribué à dégager certaines caractéristiques d’un environne-ment complexe :

1. E. MORIN, Introduction à la pensée complexe, ESF.

2. J.-L. LE MOIGNE, La Modélisation des systèmes complexes, Dunod.

3. D. GÉNELOT, Manager dans la complexité, Insep Éditions.

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■ riche d’innombrables potentialités, le complexe a des parentéscertaines avec le chaos et le vide physique et métaphysique, matricede vie ;

■ les jeux de l’ordre et du désordre, du nécessaire et du contingentsont générateurs d’énergie endogène ; à la rétroactivité mécaniques’ajoute la récursivité des systèmes complexes : tout réagit sur tout ;

■ les interactions sont inextricablement enchevêtrées : les principes dela mécanique sont dépassés ;

■ le tout et les parties sont liés dans une dialectique dynamique :l’organisation forme un ensemble animé ;

■ ...mais les sous-ensembles demeurés indépendants entretiennent desrapports imprévisibles de soutien ou de rupture ;

■ la logique classique (disjonction-exclusion) s’efface devant ladialogique disjonction/conjonction, pierre d’angle de la sociody-namique : je ne pense plus en termes de « blanc ou noir », mais« blanc et noir » ; par conséquent, le fameux tiers exclu se meut entiers inclus, lieu de métissage des contraires ;

■ métastable, l’organisation complexe n’est jamais achevée : elle sefait et se défait en permanence ; telle une bicyclette, son équilibretient à son mouvement.

À l’inverse, que penser des organisations figées dans la simplicité origi-nelle de leur fondation ? et des chefs en quête perpétuelle d’un ordrecaché, d’un rouage mal monté, d’un ressort manquant, comme sil’enchaînement des causes et des effets relevait d’une simple logique dela... complication. Vous aurez reconnu le cas d’entreprises en développe-ment dans un marché en évolution constante, et celui des nations ou despeuples en recherche d’identité dans un monde turbulent. L’anaction182

des organisations mécanistes ne leur sera d’aucun secours. Leur cas relèveplutôt d’une métaconnaissance des situations, au service d’une métac-tion globale là où A = A ≠ B = A...

Apparemment simples, nos actes quotidiens eux-mêmes résultentd’une métaction mentale complexe, et ne sont performants que s’ilsprennent en compte tous les paramètres de la situation. Au niveaude l’organisation, l’holomorphisme constitue une métaction organisation-

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nelle plus complexe encore, puisqu’elle intègre de multiples actes indi-viduels.

Éviter de traiter les affaires complexes comme si elles étaient seulementcompliquées.pe

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60Gérer les crises,

une affaire complexe

« Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve »(F. Hölderlin).

Avant d’aborder l’auto-organisation susceptible de contribuer à lagestion des situations complexes, il est bon de se pencher sur le phéno-mène de crise, cas extrême de débordement chaotique.

La gestion des crises s’applique à une menace sérieuse affectant lesfondements d’une organisation sociale soumise à de fortes pressionsexternes et perturbations internes. Celles-ci créent un climat de hauteincertitude et de haute tension psychologique qui nécessite une priserapide de décisions cruciales. Cette définition, inspirée d’U. Rosenthal,fait de la crise un chaos qui ne peut pas être résolu par les méthodeslinéaires classiques. Seul un système complexe d’actions (ou métac-tions) est susceptible d’apporter une solution globale : les enjeuxsont élevés, la relation dedans/dehors est gravement perturbée, l’identitésociale est menacée, toutes les décisions envisagées risquent d’amplifierle phénomène et de provoquer un cataclysme. La crise naît d’une atro-phie apparente de l’unité (A = A) au profit d’une tyrannie visible du

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multiple (A ≠ B) : l’incertitude se fait fatalité, l’aléatoire devientrègle du jeu.

Le tableau de la page suivante montre quelques-uns des motifs de crisequ’un dirigeant d’entreprise peut avoir un jour à maîtriser. S’inspirantd’E. Morin1, P. Lagadec2 présente la crise comme un triple défi :

■ C’est une situation d’urgence qui déborde les esprits : les repèresstratégiques ont disparu, le temps s’emballe, les difficultés s’amoncellent et se croi-sent, la logistique est impuissante, les protections sont illusoires, l’aléatoire envahitle champ, les exigences tactiques contradictoires se multiplient.

■ C’est une menace de désagrégation du système : le désordredéborde l’organisation, les difficultés deviennent des blocages, les inflexions mineu-res se font aiguillages irréversibles, les structures se disjoignent, les flux cessentd’alimenter le système, les capacités d’autocorrection se perdent, l’affectivité desacteurs n’est plus contrôlée par la raison, les antagonismes s’exacerbent, les allian-ces deviennent précaires, les réseaux se font et se défont en permanence, les atti-tudes sont incohérentes, aucun scénario de changement n’est pertinent et efficace.

■ C’est une menace de désintégration des fondements*: le contextedevient assourdissant, les options et les valeurs fondamentales sont inaudibles,l’équilibre des pouvoirs est rompu, on assiste à une fuite dans l’imaginaire, la crisefinit par prendre sa propre autonomie. Il y a déferlement, dérèglement et risqued’effondrement...

Face à une telle situation, on comprend le désarroi des acteurs quidécuplent la dimension chaotique de la crise en la nourrissant de leurpropre angoisse. Et que dire du chef, décideur ultime ? Face à l’inconnu,c’est le trou noir.

À l’inverse, observez la façon dont de Gaulle a géré la crise politiqueissue de la guerre d’Algérie : il en a profité pour inaugurer un nouveaupli constitutionnel, autrement dit pour imaginer le nouveau drapé poli-tique de la Ve République. Seuls les chefs de haut niveau sont capablesd’engager un changement de type refondation, et ce par le moyen d’unstyle 4.1.4., celui du lion. Du métapoint de vue où ils se placent, leschefs construisent sur les décombres de l’ordre ancien un nouveau

1. E. MORIN, « Pour une cristologie », Communications, no 18.

2. P. LAGADEC, La Gestion des crises, Mac Graw-Hill.

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paradigme qui redonne à chacun le sens de l’unité (A = A) et de l’iden-tité. Dans l’absolu, on pourrait espérer un plus grand emploi de la tran-saction, mais, le temps étant compté, les esprits surchauffés, l’heure desdébats démocratiques est passée.

■ De même qu’il est impossible – en vertu du théorème de Gödel – dejuger d’un système à partir d’un point de vue situé en son sein, il estimpossible de gérer une crise autrement qu’en se situant au-delà de lacrise, à partir d’un métapoint de vue permettant une métaction... À cettecondition, la crise cesse d’être exclusivement pénalisante, elle peut semuter en une opportunité génératrice d’une organisation plus sociody-namique, tirée par un projet nouveau.■ Prenant à partie chaque individu dans ce qu’il a de plus profond, lacrise devrait être résolue idéalement avec la coopération de tous.Confrontée à cette difficulté, seule une équipe auto-organisée autourd’un chef légitime* peut prétendre en venir à bout.

P. Lagadec insiste justement sur un certain nombre de points pratiques :

– éviter la disqualification immédiate par des gesticulations ou des mesuresaggravantes ;

– se doter d’une capacité autonome de recueil de l’information ; experts froidscapables de circonscrire la crise ou de dégager le champ opératoire ;

– s’assurer les moyens d’une stratégie globale, notamment grâce à une cellule decrise disposant d’outils appropriés ;

– travailler sur plusieurs scénarios différents et les évaluer ;– maîtriser l’information médiatique ;– ramener le calme dans les esprits par une débauche de crédit d’intention* ;– gérer la crise dans sa durée, etc.

Aucune de ces mesures n’est spécifique, mais comme elles doivent êtremises en œuvre concurremment dans un climat de grande tension, vousconviendrez que le chef joue là un rôle discret mais capital. Samaîtrise du stress, issue d’une bonne ascèse personnelle, constituesouvent le dernier rempart devant la crise. Un bon remède anticrise,mais sans garantie, est une entreprise auto-organisée, donc holomorphe.

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En situation de crise, apparaissent plus clairement les faiblesses intrinsèquesdes organisations mécanistes.

Défauts de produitsRuptures graves destocks oud'approvisionnements

Accidents d'installationPanne informatiqueInformation erronéeAccidents corporelsMaladiesprofessionnelles

Boycotts, grève générale,sabotage, racket

Guerre économique

Crise politique

OPA inamicale

Contrefaçons

Faillite

Catastrophe naturelle

Guerre civile

Pollution majeure

Incapacité de s'adapterMauvais choix stratégiquesDéfaillances organisationnellesLutte de pouvoirVide managérialGrèves à répétition

Facteurs de crise internes (facteurs socio-organisationnels aggravants)

Facteurs de crise externes(facteurs naturels, politico-économiques aggravants)

HYPER-CRISE

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61Développer l’auto-organisation

une réponse au complexe

« L’œil par lequel je me vois et l’œil par lequelDieu se voit sont le même œil »

(Maître Eckhart).

L’auto-organisation, ou holomorphisme, transpose dans les organisa-tions sociales les propriétés de la complexité. Elle rend opérationnellela dialectique de l’unité/multiple, elle installe le global au sein dulocal et, à l’inverse, rend possible l’appropriation du centre par lapériphérie. En effet, par approches successives, les analogies proposéespar la science nous conduisent à concevoir un monde complexe danslequel les structures paraissent davantage emboîtées bizarrement que super-posées logiquement. L’histoire de la neuropsychologie nous en donne unexemple. L’existence de zones spécialisées au niveau du cortex cérébralfut d’abord établie par Brodman et Broca. Devenait alors possiblel’établissement d’une carte représentant les différentes aires d’activité ducerveau : aire du langage, aire du mouvement, aire de la perception, dela pensée abstraite, etc. Un vrai patchwork. Cette école localisatrice estaujourd’hui complétée et dépassée par les travaux de Lashley, qui a

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démontré en 1923 la capacité équivalente des différentes aires corticalesde participer aux fonctions supérieures. Cette propriété, appelée équipo-tentialité, se retrouve dans la complexité du management : chaqueservice et, à l’extrême, chaque acteur, bien que spécialisé, a voca-tion à participer à la stratégie de l’ensemble.

La géométrie fractale n’a pas son pareil pour représenter la même choseà des échelles différentes, comme si l’homothétie commandait chaqueniveau de réalité. On parle aussi d’autosimilarité pour désigner lephénomène de répétition des mêmes formes à toutes les échelles.

Mieux : tout le monde connaît la propriété des hologrammes (de holos,entier) de restituer des images en relief. Mais les responsables savent-ilstirer toutes les conséquences de cette autre propriété de l’hologramme :n’importe laquelle de ses parties porte l’image du tout ? Vous brisezun hologramme et vous éclairez n’importe lequel de ses morceaux ;qu’observez-vous ? Chaque fragment vous redonne une image del’ensemble. Au sens fort, l’holomorphisme est donc la propriété d’unsous-ensemble de porter en lui-même la forme du tout. Chaquegène de notre corps ne porte-t-il pas le programme génétique du corpsentier ?

Les conséquences pratiques de cette disposition de la nature sont consi-dérables. L’holomorphisme établit une sorte de synthèse entre la tensionqui pousse l’entreprise à se fermer sur son dedans et celle qui la contraintà s’ouvrir sur le dehors. Du reste, il prend sa plus haute signification surle pli majeur dedans/dehors, d’où sont tirées les plus intéressantes appli-cations de la sociodynamique. Polycellulaire et multicentrique, l’orga-nisation holomorphe fonctionne en réseau, un peu comme notre cerveau,qui travaille sans hiérarchie permanente explicite.

Le jeu d’équipe sportif donne un bon exemple d’holomorphisme. Chaque joueurn’est-il pas à la fois au service du projet de l’équipe qui confère son identité audedans (« Rentrez des buts, bon Dieu ! ») et de la stratégie vis-à-vis de l’équipeadverse, ici le dehors (« J’ai le ballon, et je sais comment jouer pour gagner ») ?Au chef statutaire d’une organisation mécaniste s’oppose ici un responsableélu... par l’événement ! À l’extrême, le chef est celui qui a le ballon,autrement dit le mieux placé et le plus compétent pour gérer la situation. Bref,l’acteur le plus proche de l’événement est jugé par principe le plus capable, pour la

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double raison qu’il est plus au fait des vrais problèmes et qu’il joint à l’action saferveur pour l’intérêt global. Dans une organisation holomorphe àdécideurs multiples, chaque acteur est donc à la fois libre mais enclin àn’appliquer sa liberté que dans la ligne du projet global.

Ce type d’organisation (moins futuriste qu’on l’imagine) conduit à uneplus grande transparence de l’information, à une meilleure réactivitéaux agressions et opportunités, à une plus forte participation de chaqueacteur aux mesures permanentes de réorganisation, aux réflexions straté-giques, aux prises de décision. Les responsables hiérarchiques, toujoursprésents, jouent un rôle plus éducatif. Cette organisation en réseauxcellularisés et structurés en paliers de profondeur est rendue possible parla GAO ou PAO, par la téléaction. Elle tend à faciliter le développementdu management à distance en temps réel et à libérer les forces d’initia-tives convergentes. Convergentes ? Être responsable, ici, c’est répondrede soi, des autres parties de l’organisation et... du Tout.

Le grand T. Burns détaillait ainsi les caractéristiques de ce qu’il appelait à l’époquel’organisation organique : « Une continuelle redéfinition des tâches individuelles,une participation de chacun, bien au-delà de ses limites de responsabilité, un réseaucompliqué de contrôle, d’autorité et de communication, une localisation de laconnaissance des problèmes partout dans la structure et non seulement à la tête,de nombreuses communications latérales qui sont plutôt des informations que desinstructions, une connaissance technique plus appréciée que la loyauté... telles sontles caractéristiques de l’organisation dite organique. »

La même logique inspire toute décision en milieu complexe. On alongtemps pensé que la maîtrise de situations complexes relevait essen-tiellement de la décision unilatérale d’un chef compétent (1er mode). Cechef n’est-il pas le mieux informé ? le plus expérimenté ? le plus respon-sable en droit ? celui qui a le plus de chance d’établir une synthèse judi-cieuse de toutes les informations et d’être obéi sans murmure ? Oui etnon. Ce qui est vrai, c’est que le management unilatéral convient bienaux situations simples et compliquées. Mais la complexité de notre envi-ronnement a changé le jeu. Elle devient si extrême qu’un homme seul ade moins en moins de chance de tout connaître et d’établir correctementles synthèses appropriées. Paradoxalement – E. Morin nous pousse danscette direction –, pour répondre à une situation complexe, il faut s’en

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remettre moins naïvement au management par le simple et se fierdavantage à l’hyperréactivité d’un management plus complexeencore que la situation à maîtriser.

■ Au sein d’une auto-organisation, se fier au management concertatif.Celui-ci est issu de l’action de multiples acteurs compétents et respon-sables entretenant une relation d’or* : tendus vers un même projet, au contactdirect de toutes les informations utiles, en interrelations actives, soucieux d’élabo-rer les meilleurs scénarios, en recherche de leur validation sur le terrain, puis pardes allers et retours critiques, ils sont en quête de la stratégie la plus performante.Le chef scelle l’affaire en dernière instance.

Ça paraît peu vraisemblable au premier abord. Mais, toutes proportionsgardées, c’est ainsi que fonctionne notre cerveau privé d’un neurone-chef :les décisions y sont prises par assemblées démocratiques de neurones (dixitE. Morin) ! À peu de chose près, il en va de même dans l’organisationholomorphe. Une équipe de footballeurs sur le terrain, les membres d’unorchestre de jazz et (en principe) les citoyens d’une nation démocratiquefonctionnent ainsi. Chez FAVI SA, équipementier à Hallencourt, nousne sommes pas éloignés de cette démarche.

Mais comment en arriver là ? Notamment, vis-à-vis des acteurs de base etde tous les B1 sociopassifs, que faire ? Reprenons. Motiver tel ou telcollaborateur n’est pas suffisant et dégage un parfum d’impositionunilatérale. Mieux vaut que chacun se motive lui-même et s’impli-que librement avec les autres. Appréciez le charme discret du verberéfléchi... Par construction donc, l’implication (se mettre dans les plis duprojet) est plus une affaire de transaction et d’animation (2e + 3e modes)que d’imposition.

■ Comme sur un terrain de football, chaque membre d’une auto-orga-nisation 1) veut être performant ; 2) trouver du plaisir au jeu et 3) vivreun stress positif, celui de tous les battants et gagneurs. PERFOR-

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MANCE, PLAISIR et STRESS, voilà la recette à succès des organisa-tions les plus sociodynamiques.

Oui, « la joie est le nerf de toutes les affaires humaines » (P. Bayle).Nous sommes loin du travail, mot clé du 1er mode, dont l’étymologie(tripalium) nous renvoie à l’idée... de torture.

Les propriétés sociodynamiques de l’organisation holomorphe nedoivent pas faire oublier que, pour la maintenir sous tension, il importeque ses effectifs ne dépassent pas ceux d’un supermarché, d’une clinique,d’un service fonctionnel, d’une petite usine ou d’un bureau d’études. Enoutre, certains grands groupes industriels peuvent avoir à gérer unarchipel comprenant des centaines d’îlots holomorphes situés au cœur de lapyramide hiérarchique ou en périphérie. Dans ce cas, le centre institu-tionnel (léger...) ne conserve (en 1er mode ?) que quatre pouvoirs réga-liens nécessaires : la gestion générale des affaires juridiques, financièreset stratégiques, et la nomination des responsables des unités régionaleset locales. À celles-ci reviennent les actions à entreprendre sur tous lesautres plans : administratif, marketing, commercial, production,qualité, ressources humaines, etc. : le cœur de l’entreprise et souvent dumétier ! Bref :

■ Dans le cadre d’un management sociodynamique, chercher à dévelop-per des îlots auto-organisés partout où c’est possible, au niveau appro-prié, à coût raisonnable, mais sans exclusive. Pourquoi ne serait-ce pasd’abord le cas des équipes de direction ?

Certaines stratégies peuvent compléter ce dispositif :

■ Pratique de coopération marketing : ouverts sur le marché, lescollaborateurs d’une unité locale élaborent leur propre stratégie dansle respect de la stratégie d’ensemble.

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■ Stratégie d’interdépendance : les alliés fondent leur identité sur leprojet commun d’une fédération. L’alliance est soutenue et doit durer.La fidélité est de règle.

■ Stratégie du projet latéral1 qui s’établit moins à partir du centrehiérarchique que des volontés locales partagées et promues par tous etavalisées par le centre.

■ Stratégie d’ouverture vis-à-vis des opposants, qui bénéficient malgrétout d’un crédit d’intention. Cette stratégie est fondée sur unerecherche opiniâtre de points d’accord, quelles que soient lesdifficultés.

■ Stratégie non violente. S’il y a conflit, celui-ci porte exclusivementsur l’objet du litige. Les adversaires sont traités avec respect, sansprocès d’intention ; l’emploi du pouvoir se limite à un refus de toutecollaboration ; le but poursuivi est de provoquer peu à peu desmouvements de bonne volonté chez des adversaires qui sontcensés perdre en chemin leurs raisons d’être hostiles2. C’est la straté-gie employée par Gandhi face aux forces britanniques.

À défaut d’être une panacée, l’auto-organisation revendique un statut opéra-tionnel comparable à celui des autres modes d’organisation.

1. O. D’HERBEMONT et B. CÉSAR, La Stratégie du projet latéral, Dunod.2. J.-M. MULLER, La Stratégie de l’action non-violente, Fayard.

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62Pratiquer la stratégie du jeu de go,

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Certaines organisations sociales, politiques ou commerciales caracté-risent leurs actions par un jalonnement d’innombrables événementsanimés en sous-œuvre par un projet fort : voyez le cycle des fêtesfamiliales, républicaines et liturgiques ; observez l’extension progressivedes langues, des monnaies, des marchés, des idées, des religions ; cons-tatez le jeu d’enveloppement mutuel des partis politiques, des territoirescommerciaux, des zones d’influence que s’attribuent les clubs d’intellec-tuels, les syndicats, les groupes de pression, les bandes d’adolescents etles… mafias. La stratégie du jeu de go relève de cette démarche.L’origine de ce jeu remonterait à l’empereur chinois Yao, 2 300 ans avantnotre ère. Le go est devenu un maître jeu inspirant la conduite de la poli-tique et le management des affaires.

Deux joueurs posent tour à tour sur un damier des pierres blanches et des pierresnoires, lesquelles, juxtaposées, constitueront des territoires. Il s’agit bien d’une stra-tégie de déploiement de pierres toutes identiques et tous azimuts,sur un damier vide en début de partie, réputé infini dans le tempset l’espace, symbole des libertés innombrables qui s’offrent à un acteur pouragir. Le but de chaque joueur consiste à construire des territoires les plus étendus,c’est-à-dire à entreprendre un projet par extension.

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Comme tout acte et événement, chaque pierre posée (ou pion) tire savaleur de sa triple relation avec 1) l’espace libre environnant (le vide, lieude potentialités !) ; 2) les autres pierres en attente de territoires àconstruire ; 3) le bord du damier, figure de la puissance octroyée par lenombre d’intersections qui y figurent (la masse des B1 et des pros-pects...). Faire travailler une pierre consiste à étendre et à renforcerson réseau de liaisons avec les autres pierres proches et lointaines.Mais, pour être performante, chaque pierre (ou événement), et aussichaque territoire (unité de travail), doit avoir une attitude holomorphe,donc s’inscrire dans le projet global. Au passage, appréciez l’humilité despions du jeu de go face à la hiérarchie orgueilleuse des pièces du jeud’échecs !

Toutefois, le jeu de go s’expose au risque de devenir pervers dans lesmains d’un joueur qui mettrait le moyen du jeu de go (la fluidité) auservice de la finalité du jeu d’échecs (le mat). C’est ce à quoi aboutit letotalitarisme.

La pratique du jeu1 nous enseigne quelques conseils majeurs pourl’action :

– Les actes posés doivent toujours ouvrir de nouveaux espaces deliberté, lesquels, à leur tour, permettent de nouvelles extensions. Chaque pionposé, sur quelque coin du damier, est une sorte d’avant-poste du projet, unepierre d’attente d’un territoire futur.

– Le jalonnement dans le temps et l’espace. Celui-ci, qui s’effectue par demultiples actes-événements modestes, résistants aux épreuves, répétés, bienconnectés entre eux, orientés vers le même horizon ou projet, est souvent plusperformant qu’une action frontale.

Le tableau ci-après montre qu’un événement E1 (par exemple, la visite de l’usinepar un gros client) peut donner lieu à une communication interne portant sur desvaleurs de culture V1, V4, V5, V6, concernant par exemple la propreté des locaux,la stratégie commerciale, la réduction des coûts, etc. Le jalonnement de nombreuxévénements programmés et/ou inopinés permet ainsi la constitution de territoiresculturels plus ou moins étendus. La connexion mentale de tous ces territoires est unagent majeur de changement du champ culturel, donc de modification des habitu-

1. R. GIRARD, La Stratégie du jeu de go, L’Impensée radicale ; Scott A. BOORMAN, Gô et Mao, Seuil ;

Francis TOUAZI et Cécile GEVREY, Management d’entreprise et stratégie du Go, Nathan, 1994.

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des et des comportements. Sur une longue période, les acteurs s’approprient lesvaleurs du projet. De la même manière, la rhétorique publicitaire obtient son effetau terme d’un jalonnement méticuleux de messages commerciaux.

D’une façon plus générale, le jeu de go et la sociodynamique prolongent la penséede Saint-Simon et de Karl Marx. En leur temps, ces auteurs avaient introduit l’idéeque l’administration des choses devait remplacer le gouvernement des personnes.Ici, on est en droit de dire que « la gestion collective des événements doit se subs-tituer à l’administration des agents et des choses ».

– Connecter les pierres-événements avec soin. Comme tout acte etévénement, chaque pierre posée tire sa valeur de sa relation avec l’espace libreenvironnant, les autres pierres et le bord, figure de la puissance. Faire travaillerune pierre consiste à étendre et renforcer son réseau de liaisons avec les autrespierres proches et lointaines : viser large et tenir serré.

– Prendre appui sur le bord du damier, c’est jouer le nombre, la masse(les B1) le corps social, la puissance ; c’est miser sur une implication, à terme,de tout le personnel dans le projet. À cette fin, le joueur cherche à « tenir laquatrième ligne à partir du bord », celle des responsables de proximité : agentsde maîtrise, chefs de service, directeurs d’agence bancaire... À l’inverse du jeud’échecs où le contrôle du centre constitue un avantage stratégique, ici, « quitient la quatrième ligne tient le bord, et qui tient le bord tient le centre »,symbole de l’unité de l’institution.

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événement E3 à fortimpact culturel

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territoire de 4"pierres culturelles"

Jalonnementd'événements

Vers l'approbationcollective du PROJETMarquage de la culture

par rappel de valeurs

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– Fractionner les territoires, ne pas chercher à construire de grands empiresqui seront grignotés peu à peu par l’autre joueur ou au gré des circonstances ;préférer une organisation polycellulaire, constituée d’unités d’appartenancesemi-indépendantes où l’auto-organisation est praticable.

– Jouer deux tiers des pierres en extension et un tiers seulementen contention, afin de maintenir l’autre partenaire à distance. Cela revient àprivilégier l’extension de son propre projet à toute action centrée sur les inten-tions de l’adversaire. À l’extrême, il n’y a plus d’adversaire (a fortiorid’ennemi), mais seulement des handicaps : « Mes alliés et moi, nous contour-nons et dépassons tous les obstacles qui freinent la mise en œuvre de notreprojet, pour construire au-delà. »

– Ne rien brusquer, épouser le temps que mettent les grandes choses à sefaire, naturellement, comme poussées par leur propre élan.

Loin des manœuvres du jeu d’échecs, la conduite de l’action peut se ramenerà un jalonnement d’événements auto-actifs.pe

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63Mettre en œuvre un management

subtil par « vide contrôlé »

« Dieu créa l’homme comme la merfit les continents, en se retirant »

(prêté à F. Hölderlin).« Le non-agir est la forme supérieure de l’action »

(Lao-tseu).

Style de management capital que celui-ci ! Il résume probablement ceque la sociodynamique offre de plus élaboré pour concourir à la perfor-mance de l’entreprise, peut-être parce qu’il répond à la fois aux critèresdu 1er, mais surtout des 2e et 3e modes de management. Ce dosage 1er<2e + 3e n’est-il pas le signe encourageant d’une propension à l’excel-lence ? Et la raison du succès de certains patrons éducateurs, en avancesur leur temps1.

Le management par vide contrôlé est d’abord une philosophie del’action inspirée des règles du jeu de go, dont les parentés avec lathéorie du yin et du yang sont évidentes. Dans la culture chinoise, le yin

1. Ricardo SEMLER, L’Entreprise la plus extraordinaire du monde, Nathan.

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(vide, liberté, indétermination, chaos) est la matrice du yang (plein,matière, vie, lumière), lequel retourne au yin dans un mouvement cycli-que permanent : la nuit engendre le jour, la liberté engendre l’initiative...Appliquée au management, cette démarche réconcilie deux stratégiesopposées :

– Celle du plein, dont le 1er mode fait souvent un usage immodéré. Pour lesautres acteurs, le chef apparaît ici comme étant plein de diplômes, de droit, desavoir, de pouvoir et de privilèges ! Devant un tel niveau de perfection, un B1,notamment, est gêné, infériorisé, voire incapable de prendre une initiative quisoit à la hauteur des compétences reconnues du chef. « De toute façon, je feraismoins bien que lui... donc, je ne fais rien, ou rien d’autre que ce qui m’estdemandé explicitement. » À quoi bon rivaliser avec le soleil ! En d’autrestermes, la stratégie du plein est aussi peu sociodynamique que possible. Elle nepousse pas les acteurs à développer leur synergie et à franchir cette fameuseligne bleue, signe tangible de leur coopération et de leur engagement. C’est laméthode du chef qui fait par lui-même, et en définitive fait tout. À l’inverse,dans la stratégie du vide contrôlé, le 1er mode n’intervient quesi les 2e et 3e modes sont défaillants.

– Celle du vide, dans laquelle le responsable met provisoirement entre parenthè-ses ses droits, ses pouvoirs... ouvrant ainsi aux autres acteurs desespaces de liberté. Offerts spontanément ou négociés, ces espaces n’ensont pas moins d’authentiques lieux d’initiative. Seul inconvénient : les subor-donnés laissés à eux-mêmes peuvent prendre des positions désastreuses. C’estla stratégie du laisser-faire, qui conduit souvent au laisser-aller. Par contre, il enva tout autrement quand le 2e et le 3e mode se combinent dans l’auto-organisation ; ici, la liberté négociée des acteurs s’exerce sur un fond de consen-sus socioprofessionnel. En principe, chacun est libre de ses actions,mais enclin à ne les mettre en œuvre que dans le respect desvaleurs, des habitudes et des pratiques de l’organisation. « Le roi, dit Lao-tseu, est pensif et se tait sur ses œuvres pour que le peuple s’en dise l’auteur. »

Le tao privilégie la relation active yin/yang, « mère des dix mille êtres »,dans laquelle le yin assure une fonction d’ouverture centrifuge et leyang, de concentration centripète. Devant l’extension des initiativespositives (yin) des acteurs, le tao recommande un effacement mesurédes responsables. Il n’est pas abandon, ni dépossession, mais ouvertured’un vide contrôlé qui appelle l’initiative. Il est repli, mais repli élastique :le yang retrouve immédiatement son rôle face à toute absence d’initia-tive, tout manquement grave ou erreur manifeste. « Jouer dans les vides

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laissés par le partenaire » est une pratique commune du jeu de go. Dansle management par vide contrôlé, le chef effectue un doublemouvement de recul et de retour éventuel ; de la sorte, il libère desespaces d’initiative (les vides : 2e mode) à vocation synergique (3e mode),tout en conservant le contrôle en cas de défaillance (le plein : 1er mode).Deux conséquences : le management par vide contrôlé n’est praticableque 1) par un chef n’ayant pas franchi son seuil de Peter. Les chefs incom-pétents n’en usent jamais. C’est à ce signe qu’ils sont souvent reconnus ;2) par un chef humble, dont l’amour-propre professionnel s’efface devantles talents manifestes des autres membres du groupe.

■ Si vous voulez que vos collaborateurs s’impliquent... soyez insuffisant,autrement dit : ne suffisez pas à tout. « Garde-toi de te césariser » (MarcAurèle).■ Il faut beaucoup de pouvoir pour y renoncer, il en faut très peu pourl’exhiber.

Un outil particulièrement adapté ici est la délégation à rebours. Celle-ci consiste à organiser à l’envers la pyramide des responsabilités. Leniveau hiérarchique le plus local possible s’approprie toutes lestâches et prend toutes les initiatives qu’il peut assurer dans debonnes conditions de qualité et de coût, et ce dans la perspective duprojet. Les autres tâches sont remontées au niveau supérieur, et ainsi desuite, jusqu’au décideur le plus global qui assume... le solde. Cetteméthode, de type bottom up, s’oppose à la délégation mécaniste de typetop down, où c’est le niveau N qui délègue en 1er mode aux niveaux N-1,N-2… les tâches qu’il ne veut ou ne peut assurer lui-même. Ici, c’est enquelque sorte le niveau N-1 qui délègue une tâche au niveau N, sousréserve de l’aval de celui-ci. La délégation à rebours octroie un droitconsidérable au niveau local (le bord du damier), celui de s’approprier peuà peu toutes les tâches accessibles et par conséquent de définir a contrariocelles des niveaux les plus responsables. La délégation à rebours conduità ce qu’il y ait toujours plus de rameurs et de... barreurs ! On aurareconnu le principe de subsidiarité1 évoqué par saint Thomas qui

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donne la priorité aux initiatives de l’homme et de sa famille sur celles dela cité.

Le management par vide contrôlé est l’apanage des chefs éducateurs oudéveloppeurs, certainement pas commissaires31.

1. C. MILLON-DELSOL, Le Principe de subsidiarité, « Que sais-je ? », PUF, 1993.

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64Les enjeux sociodynamiques

de l’auto-organisation

La sociodynamique n’a pas pour vocation de prendre parti pourtel ou tel mode d’organisation ou de management. Elle a pour projetde développer la performance in situ. Certes, la Table d’orientationfondatrice (-> étape 2) et toutes les applications proposées tendentinexorablement vers le coin nord-est de tous les schémas, là oùtrône l’auto-organisation. La sociodynamique n’est pas dupe de ceprivilège topographique. Elle en tire deux conclusions, l’une semi-néga-tive, l’autre franchement positive. La 80e étape nous donnera l’occasionde proposer une démarche qui tienne compte de ces deux aspects,réaliste et idéal.

■ Sans barguigner, ces schémas et analyses (inspirés de l’œuvre indis-pensable d’E. Morin) situent tous l’auto-organisation dans lemonde semi-chaotique de la complexité. De ce fait, l’auto-organi-sation hérite d’une position opérationnelle difficile. Pour deuxraisons : 1) elle utilise au minimum l’inertie utile des organisa-tions mécanistes et 2) elle assure une délicate synthèse des turbu-lences et fusions des organisations individualistes et tribales.

De la sorte et par définition, elle est performante et fragile, dyna-mique et brouillonne, pérenne et éphémère, vécue dans l’enthou-

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siasme et la désillusion, riche en initiatives positives et risquées,sujette à la générosité et à l’humeur des chefs, capable de maîtrisermagistralement les situations les plus tordues et de bafouiller devantles événements de la vie courante… La complexité, toujours ! Ellesuppose la relation d’or* largement pratiquée ! De plus, dans lesgrands groupes, il est malaisé d’en coordonner les actions avecles autres services…

■ Mais l’auto-organisation s’offre aussi à nous comme le casméthodologique exemplaire de la performance. Elle apparaîtcomme une synthèse optimisée de toutes les dialectiques étudiées :institution/corps social, dedans/dehors, centre/périphérie, synergie/antagonisme, etc. Aucune autre forme d’organisation, mécaniste,individualiste ou tribale, ne peut revendiquer un tel score. Ainsi, sacapacité à la variété (donc, son adaptabilité pertinente à l’environnement)est sans comparaison. Elle dispose du Plus Grand Commun Culturel,un atout sans équivalent. Observez ses propriétés singulières dans sarelation au dehors* (réactivité locale spontanée et proactivité indivi-duelle) et au dedans (attachement social aux choses et exportation dusens), vous constaterez son auto-dynamisme hors pair. De plus, sur leplan politique, elle réunit dans un même élan tout ce que la Démocratiea imaginé pour justifier sa prééminence incontestée sur la Républiquearistocratique, la Monarchie, le Despotisme… catégories chères àMontesquieu. Mieux encore, elle donne sens à rebours aux autresformes plus habituelles d’organisation dont les tares sont pourtantreconnues mais subies comme des fatalités. Il en va ainsi de la règled’incapacité foncière en milieu complexe qui vise prioritaire-ment les chefs isolés à la tête de vastes structures... mécanisées ;de la sorte et contrairement aux autres modes d’organisation (notam-ment mécaniste et individualiste), l’auto-organisation peut se targuerde posséder une propriété indépassable, celle des corps biologiques etd’Homo sapiens sapiens : l’auto-fonctionnement-et-connaissance-de-soi.

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Les enjeux sociodynamiques de l’auto-organisation

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■ Dès lors que chacun des membres d’une auto-organisation s’appliqueà renforcer l’auto-organisation, celle-ci est accomplie.

Pour son action à moyen et long terme, aucun chef d’entreprise sérieux ne peutfaire l’impasse sur cette visée lumineuse, de haute perspective, qu’est l’auto-organisation.

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65L’organisation holomorphe

AUTRES CARACTÉRISTIQUES :

– Énergie collective de nature plus culturelle que matérielle, issue de lapropre morphologie de l’organisation

– Proaction : présents actifs créateurs de temps nouveau

– Management par vide contrôlé et délégation à rebours

– Argent : équilibre optimisé entre le capital et le travail – Profitspartagés – Rétribution de croissance liée à l’autonomie et au potentielde chaque acteur

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tribaleholomorphe

ou auto-organisation

individualistemécaniste

DEDANS - Identité - A = A

DEHORS - Variété - A ≠ B

Connaissance complexe et diagnostic globalActeurs considérés comme des associésDouble appartenanceSystème complexe haute tensionEntreprendre : initiatives par jeu d'équipeFonctionnement dominant : vide contrôléDécision concertéeStyle : 1er<2e+3e modesPlus Grand Commun CulturelBonheur privé de dépassementPolitique de changement permanent obtenupar une mise sous tension globale

c. appropriation affective et culturelle d. identification au projet3. conduit le mouvement et engage le changement 4. précède et force le changement

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L’organisation holomorphe

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– Institution et corps social en compétition pour une communautéd’intérêts

– Dynamisme des valeurs : autonomie, potentialité, développement,souci d’intégrer l’intérêt commun dans chaque action locale, compé-tence élargie

– Organisation polycellulaire, en réseaux, se prolongeant à l’extérieur,notamment sur le plan commercial

– Concertation étendue à tous problèmes stratégiques, tactiques,globaux, locaux

– Contrôle de gestion par subsidiarité

– Formation de développement personnel par immersion dans dessituations réelles

– Marché personnalisé : on vend un « service pour vivre ». Partenariatavec la clientèle, les fournisseurs, les concurrents, les médias

– Production décentralisée (investissements, maintenance, méthodes...)

– Information-communication globale récursive, sans exclusive, facili-tée par une informatique de pointe, en réseau transparent ; délo-calisation des traitements

– Qualité : auto-contrôle, auto-amélioration au plus bas niveau hiérar-chique

– Innovation audacieuse intégrée, capable de rupture avec les fonde-ments, mais dans une perspective de dépassement

– Le progrès prime sur le suivi et la mesure – Effort par initiative auplus bas niveau, auto-réorganisation maîtrisée localement

– Projet global/local : challenge, aventure, exploit ou défi à releverensemble. Par exemple : « Tous marketing ». Contrôle des tableauxde bord par tous.

RISQUES ET LIMITES :

Réservé aux unités de faible effectif (< 500). Unités locales moins sensi-bles aux impératifs globaux que locaux – Dans les grands groupes, diffi-cultés de coordination – Dégradation lente sous l’effet de microréactionsindividuelles exercées de bonne foi, mais quelquefois peu pertinentes etmal coordonnées. Coûteux en temps de communication, de formation,de concertation, de management, etc.

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L’élan sociodynamique

Jean-Christian FAUVET

Préface de Jean-René FOURTOU

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édition

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© Éditions d’Organisation, 1996, 2004ISBN : 2-7081-3038-X

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Sommaire

Cet ouvrage est un guide. Il ouvre un

sentier de grande randonnée

permettant devisiter, tour à tour, les « paysages, sites et monuments » qui jalonnent le pano-rama de nos actions. Pour faciliter l’exploration, il propose de parcourir une

dizaine d’itinéraires

spécialisés comprenant chacun plusieurs étapes.

Chaque étape est un lieu commenté de découverte locale. Pour le confort duvisiteur, elle offre un « service complet », au risque d’une certaine redondance.L’étape est aussi un carrefour ouvert sur d’autres sentiers (page

56

ou *), de tellesorte que le visiteur familiarisé, pressé ou imaginatif peut abandonner le siteet suivre son propre parcours. L’enrichissement typographique en gras despassages importants est destiné aux amateurs de lecture rapide, en préalable àune découverte plus approfondie. L’index final qui regroupe les mots-clés etconcepts de la sociodynamique (marqués d’un astérisque [*] dans le texte), enindiquant les passages où ces derniers sont particulièrement explicités, chercheà répondre à la curiosité des lecteurs soucieux de bien en maîtriser le vocabu-laire.

BONNE PROMENADE dans un monde si proche et si secret...

itinéraire 1. Vue panoramique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

étape 1.

Développer la sociodynamique de l’entreprise . . . . . . . . . . . . 3

étape 2.

Disposer d’une table d’orientation globale pour l’action . . . . 6

étape 3.

Fonder l’action sur une tension entre l’Unité et le multiple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

étape 4.

L’Unité révèle l’harmonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

étape 5.

Le multiple stimule le mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

itinéraire 2. Le jeu des acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

étape 6.

Être un acteur, auteur de ses actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

étape 7.

Devenir « chef » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

étape 8.

Tenir l’affectivité pour le carburant de l’action . . . . . . . . . . 35

étape 9.

Adopter la « bonne » attitude appropriée à chaque situation 38

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L’élan sociodynamique

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étape 10.

Honorer le « oui » fécond de la synergie . . . . . . . . . . . . . . .42

étape 11.

Savoir pratiquer le « non » utile de l’antagonisme . . . . . . . .48

étape 12.

Établir la carte des attitudes qui révèle le jeu mutuel des acteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

étape 13.

Se préoccuper des B1, ces acteurs... qui le sont le moins . . . .59

étape 14.

Tenir les tiers pour des témoins précieux . . . . . . . . . . . . . . .63

étape 15.

Tout acteur dispose d’un pouvoir relationnel . . . . . . . . . . . .66

étape 16.

Seuls les chefs disposent d’un pouvoir de gestion structurant 71

itinéraire 3. Les basiques de l’organisation . . . . . . . . . . . . . . . . 75

étape 17.

Considérer l’organisation comme un champ d’énergie . . . . .77

étape 18.

Repérer les forces qui composent le champ d’énergie . . . . . .80

étape 19.

Maîtriser le système de forces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .83

étape 20.

Faire du système une organisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .88

étape 21.

Distinguer les forces de structure, de flux, de culture, de management . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .91

étape 22.

Enrichir la relation institution/corps social . . . . . . . . . . . . . .96

étape 23.

Servir les bonheurs privés dans le bien commun . . . . . . . . .100

étape 24.

Renforcer la relation dedans/dehors . . . . . . . . . . . . . . . . . .108

étape 25.

Rééquilibrer la relation centre/périphérie . . . . . . . . . . . . . .112

étape 26.

Consolider les fondements, pierres d’angle de l’organisation 115

étape 27.

Tendre vers une certaine forme d’autonomie politique . . . .118

étape 28.

Être trois fois légitime . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122

itinéraire 4. Les basiques de l’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127

étape 29.

Faire de la chaîne des actes une action positive . . . . . . . . . .129

étape 30.

Miser sur la force immatérielle de l’action . . . . . . . . . . . . .132

étape 31.

Entreprendre, c’est exister . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .136

étape 32.

Maîtriser la volonté, ce tigre dans le moteur . . . . . . . . . . . .139

étape 33.

Soigner la décision, initiatrice d’un acte événement . . . . . .144

étape 34.

Faire de la rationalité, un régulateur de l’action . . . . . . . . .148

étape 35.

Trancher un enjeu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .152

étape 36.

Maximiser la puissance, première condition de réussite . . .155

étape 37.

Compter sur le temps pour transformer attitudes et pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .160

étape 38.

Développer l’art de l’action, seconde condition de réussite .165

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étape 39.

Adopter le “bon” style, signature de l’action . . . . . . . . . . . 168

étape 40.

Travailler l’approche stratégique, qui combine les moyens 173

étape 41.

Affiner la tactique, qui assure l’action de proximité . . . . . . 176

itinéraire 5. L’organisation mécaniste et l’imposition (1

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mode) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

étape 42.

L’inertie, force de maintenance et de sauvegarde . . . . . . . . 181

étape 43.

Exercer l’imposition à bon escient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

étape 44.

Accompagner l’imposition de la pratique dite des « grandes oreilles » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188

étape 45.

Bien gérer le conflit, forme exacerbée de l’imposition mutuelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

étape 46.

Survol des stratégies d’imposition, toujours un peu rudes . . 198

étape 47.

L’organisation à dominante mécaniste . . . . . . . . . . . . . . . . 202

itinéraire 6. L’organisation individualiste et la transaction (2

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mode) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .205

étape 48.

Rééquilibrer les relations au moyen de la transaction . . . . . 207

étape 49.

Faire de la stratégie d’alliance, le grand pivot de la transaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212

étape 50.

S’investir dans un réseau d’alliances . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

étape 51.

Faire de la négociation l’instrument naturel de l’organisation individualiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220

étape 52.

Se familiariser aux techniques de négociation . . . . . . . . . . 224

étape 53.

L’organisation à dominante individualiste . . . . . . . . . . . . . 228

itinéraire 7. L’organisation tribale et l’animation (3e mode) . . 231étape 54. Animer, c’est donner la vie sociale à une organisation . . . . 233étape 55. Renforcer le sentiment d’appartenance,

force sociale colossale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237étape 56. La symbolisation consolide la culture . . . . . . . . . . . . . . . . 243étape 57. Le projet, c’est le chemin ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246étape 58. L’organisation à dominante tribale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251

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L’élan sociodynamique

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itinéraire 8. L’auto-organisation et la concertation (1<2+3e modes) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253étape 59. La complexité, espace-temps de la plupart des actions . . . .255étape 60. Gérer les crises, une affaire complexe . . . . . . . . . . . . . . . . .261étape 61. Développer l’auto-organisation une réponse au complexe . .265étape 62. Pratiquer la stratégie du jeu de go, une autre réponse

au complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .271étape 63. Mettre en œuvre un management subtil par

« vide contrôlé » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .275étape 64. Les enjeux sociodynamiques de l’auto-organisation . . . . . .279étape 65. L’organisation holomorphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .282

itinéraire 9. La préparation de l’action. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 285étape 66. Tendre vers une connaissance en surplomb, globale/locale. .287étape 67. Connaître et aménager le champ culturel . . . . . . . . . . . . . .291étape 68. « Évaluer » l’indice de pouvoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .293étape 69. Se familiariser avec la morphologie de l’organisation . . . . .297étape 70. Faire des rééquilibrages un prélude aux stratégies

de changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .301étape 71. Le changement, c’est la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .305étape 72. Inventorier les gluons, contre-pouvoirs du changement . . .309étape 73. Sélectionner la stratégie de changement adaptée

à chaque cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .312étape 74. S’exercer à la méthode des scénarios au service

du bon choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .317

itinéraire 10. Les finalités de l’action . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321étape 75. « Ne faites pas... » ou « les interdits vertueux »

de la sociodynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .323étape 76. « Faites... » ou « rédigez votre propre carnet de route » . . .327étape 77. Développer une éthique de la réciprocité . . . . . . . . . . . . . .331étape 78. Au-delà de l’efficacité : viser la performance . . . . . . . . . . . .335étape 79. Pratiquer la relation d’or . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .339étape 80. Donner un élan sociodynamique à l’entreprise . . . . . . . . . .342

Index des termes sociodynamiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .349Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .353

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