livre et lire - n° 255 - octobre 2010

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Mon idiot Mon idiot se contente d’un rai de lumière et du chant des oiseaux lorsque j’écris parmi les ombres. Avec obstination, il bégaye des mots mala- droits. Il pense que je devrais faire autre chose qu’écrire pour des gens qui ne me lisent pas et ne me liront sans doute pas plus à ma mort. Il dit qu’écrire avec autant d’entêtement est une occupation d’élitiste doté d’une estime et d’une confiance en soi déme- surées, une perte de temps dissimulée par un manque d’humour. Il n’a pas tort. J’aime secrètement l’absurde et l’inutilité. Je suis tel un chien stupide lorsqu’un éditeur accepte un manuscrit qui aura occupé deux ou trois ans de mon exis- tence indigente. Si j’atteignais un jour 70 ans, je serais honoré de vivre avec mes 10 % de droits d’auteur. Mon idiot se moque : « Tous les livres, même les pires, finissent par être édités par des fripouilles ! Si ton livre nous rapportait au moins 35 % ou 45 % de son prix ! Et si les diffuseurs- distributeurs reversaient ne serait-ce qu’1 % symbolique de leurs bénéfices faramineux aux organismes qui aident les auteurs, tu ne serais pas aussi désespéré et pauvre à mendier ! » Je lui rétorque que je n’écris pas pour l’argent, mais pour nous consoler : « Je suis pauvre et j’existe. Toi, tu vis. » « Tu essayes d’exister lorsque je tente de vivre, il dit. En attendant que monsieur l’écrivain se charge de peines illusoires, je le sers, le lave, lui fais à manger, bref, je le prépare à nous appauvrir. » Je lui renvoie que nous avons fait un choix, presque un vœu de dénuement et de sagesse, et que s’il ne croyait pas en moi – ne serait-ce qu’un peu – nous finirions au fond d’un canal ou accrochés à un arbre ; remontant à la surface comme une bulle d’air, ou tom- bant sous le poids de l’attraction terrestre tel un fruit trop mûr. Le vide ou le trop. L’idiot sourit et va fumer au jardin bleu de facélies, alors qu’il ne fume pas. Je pour- suis ces mots que je finirai par effacer au milieu d’un mirage. Tout en espérant qu’il en reste une trace. Alexandre Bergamini n°255 - octobre 2010 le mensuel du livre en Rhône-Alpes en +++++++++ Le 4 octobre, la Région Rhône-Alpes organise une concertation sur le numérique : « nouvelle donne, nouvelle politique culturelle ? », organisée avec l’Observatoire des politiques culturelles. L’occasion de faire le point pour l’ensemble des secteurs culturels sur la révolution numérique et ses enjeux. www.culturenumérique.rhonealpes.fr > www.arald.org les écrivains à leur place L’automne des revues Hippocampe arrive, Le Croquant s’en va… Chaque année, on voit naître et mourir des revues. À retracer le parcours du Croquant, on comprend que ces rythmes ont quelque chose de « naturel », ou tout au moins qu’ils sont consubstantiels à ce curieux objet, éventuellement lit- téraire, qui enflamme les esprits et dévore les énergies, individuelles ou collectives. Tout n’est donc pas qu’une question de moyens. Depuis 2008, la Région Rhône-Alpes soutient pourtant ces aventures éditoriales fragiles et souvent talentueuses. Pourtant, le printemps des revues est assurément derrière nous, mais l’au- tomne reste une belle saison. Preuve en sera donnée du 15 au 17 octobre, à Paris, pour le 20 e anniversaire du Salon de la revue. À découvrir dans ce numéro (p.2-3), quelques- unes de ces aventures singulières qui ont fait et font leur chemin en Rhône-Alpes. L. B. librairie/p.5 10 ans de Passages La librairie lyonnaise fête ses dix ans cet automne. L’occasion d’une rencontre avec ses fondateurs, Françoise Charriau et Érik Fitoussi. zoom/p.6 Rousseau, quand tu nous tiens… Coup de projecteur sur la mission d’Éliane Baracetti, adjointe à la Culture de la Ville de Grenoble, chargée par la Région d’orchestrer les préparatifs de la célébration du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. rentrée littéraire/p.7-8 Suite et fin Après les romans présentés en septembre, Robert Alexis, Nicolas Cano, Pierre Ducrozet, Romain Monnery et Philippe Napoletano concluent cette rentrée littéraire d’automne. !!!!!!!!!!!! Patrimoine en Isère Le Département de l’Isère présente les résultats de l’inventaire du patrimoine du Pays de Bourgoin-Jallieu : un instantané de ce qui caractérise le territoire exploré. Des marais aux collines, des granges aux usines, Frédéric Dard côtoie ici Saint- Theudère et le rugby. Patrimoine tous azimuts à découvrir jusqu’au 2 janvier 2011 au Musée de Bourgoin-Jallieu. www.bourgoinjallieu.fr Label LIR 2010 Le label LIR (Librairie indépen- dante de référence) a été lancé l’an dernier pour soutenir le travail des libraires indépen- dants. 58 nouvelles librairies ont été labellisées en 2010 par le ministère de la Culture, portant ainsi leur nombre à 464. En Rhône- Alpes, quatre librairies viennent s’ajouter aux 46 précédentes : La Hulotte, à Annonay, BD en Bulles, à Lyon, La Procure-Le Vieil Annecy et La Librairie L’Imaginaire, à Annecy. En 2011, les critères d’at- tribution du label devraient être réformés, afin de l’ouvrir à un plus grand nombre de librairies de qua- lité jusque-là exclues. Un nouveau formulaire de demande de label sera mis en ligne sur le site du Centre national du livre en janvier. librairie © Librairie Passages © John Dilnot John Dilnot, Screen print Caterpillars, une œuvre à retrouver dans les Cahiers intempestifs n°25, Made in Britain et au Salon de la revue à Paris du 15 au 17 octobre (lire p.2 et 3).

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L'Arald publie chaque début de mois "livre & lire", journal d'information sur la vie du livre en Rhône-Alpes. Ce mensuel de douze pages est un supplément aux revues professionnelles Livres-Hebdo et Livres de France, publiées par le Cercle de la librairie.

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Page 1: livre et lire - n° 255 - octobre 2010

Mon idiotMon idiot se contente d’un rai delumière et du chant des oiseauxlorsque j’écris parmi les ombres. Avecobstination, il bégaye des mots mala-droits. Il pense que je devrais faire autrechose qu’écrire pour des gens qui neme lisent pas et ne me liront sansdoute pas plus à ma mort. Il ditqu’écrire avec autant d’entêtement estune occupation d’élitiste doté d’uneestime et d’une confiance en soi déme-surées, une perte de temps dissimulée

par un manque d’humour.Il n’a pas tort. J’aime secrètement l’absurdeet l’inutilité. Je suis tel un chien stupidelorsqu’un éditeur accepte un manuscrit quiaura occupé deux ou trois ans de mon exis-tence indigente. Si j’atteignais un jour70 ans, je serais honoré de vivre avec mes10 % de droits d’auteur. Mon idiot semoque : « Tous les livres, même les pires,finissent par être édités par des fripouilles !Si ton livre nous rapportait au moins 35 %ou 45 % de son prix ! Et si les diffuseurs-distributeurs reversaient ne serait-ce qu’1 %symbolique de leurs bénéfices faramineuxaux organismes qui aident les auteurs, tune serais pas aussi désespéré et pauvre àmendier ! » Je lui rétorque que je n’écrispas pour l’argent, mais pour nous consoler :« Je suis pauvre et j’existe. Toi, tu vis. » « Tu essayes d’exister lorsque je tente devivre, il dit. En attendant que monsieurl’écrivain se charge de peines illusoires, jele sers, le lave, lui fais à manger, bref, je leprépare à nous appauvrir. » Je lui renvoieque nous avons fait un choix, presque unvœu de dénuement et de sagesse, et ques’il ne croyait pas en moi – ne serait-cequ’un peu – nous finirions au fond d’uncanal ou accrochés à un arbre ; remontantà la surface comme une bulle d’air, ou tom-bant sous le poids de l’attraction terrestretel un fruit trop mûr. Le vide ou le trop.L’idiot sourit et va fumer au jardin bleu defacélies, alors qu’il ne fume pas. Je pour-suis ces mots que je finirai par effacer aumilieu d’un mirage. Tout en espérant qu’ilen reste une trace.

Alexandre Bergamini

n°255 - octobre 2010le mensuel du livre en Rhône-Alpes

en + + + + + + + + +Le 4 octobre, la Région Rhône-Alpesorganise une concertation sur lenumérique : « nouvelle donne, nouvellepolitique culturelle ? », organisée avecl’Observatoire des politiques culturelles.L’occasion de faire le point pour l’ensembledes secteurs culturels sur la révolutionnumérique et ses enjeux.www.culturenumérique.rhonealpes.fr

> www.arald.org

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des revuesHippocampe arrive, Le Croquants’en va… Chaque année, on voitnaître et mourir des revues. Àretracer le parcours du Croquant, oncomprend que ces rythmes ontquelque chose de « naturel », ou toutau moins qu’ils sont consubstantielsà ce curieux objet, éventuellement lit-téraire, qui enflamme les esprits etdévore les énergies, individuelles oucollectives. Tout n’est donc pas qu’unequestion de moyens. Depuis 2008,la Région Rhône-Alpes soutientpourtant ces aventures éditorialesfragiles et souvent talentueuses.Pourtant, le printemps des revues estassurément derrière nous, mais l’au-tomne reste une belle saison. Preuveen sera donnée du 15 au 17 octobre,à Paris, pour le 20e anniversairedu Salon de la revue. À découvrirdans ce numéro (p.2-3), quelques-unes de ces aventures singulièresqui ont fait et font leur chemin enRhône-Alpes. L. B.

librairie/p.510 ans de PassagesLa librairie lyonnaise fête

ses dix ans cet automne.

L’occasion d’une rencontre

avec ses fondateurs, Françoise

Charriau et Érik Fitoussi.

zoom/p.6Rousseau, quand tu nous tiens…Coup de projecteur sur la mission

d’Éliane Baracetti, adjointe à la

Culture de la Ville de Grenoble,

chargée par la Région d’orchestrer

les préparatifs de la célébration

du tricentenaire de la naissance

de Jean-Jacques Rousseau.

rentréelittéraire/p.7-8Suite et finAprès les romans présentés en

septembre, Robert Alexis, Nicolas

Cano, Pierre Ducrozet, Romain

Monnery et Philippe Napoletano

concluent cette rentrée

littéraire d’automne.

! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !Patrimoine en IsèreLe Département de l’Isèreprésente les résultats del’inventaire du patrimoine

du Pays de Bourgoin-Jallieu : un instantanéde ce qui caractérise le territoire exploré.Des marais aux collines, des granges auxusines, Frédéric Dard côtoie ici Saint-Theudère et le rugby. Patrimoine tousazimuts à découvrir jusqu’au 2 janvier2011 au Musée de Bourgoin-Jallieu. www.bourgoinjallieu.fr

Label LIR 2010Le label LIR (Librairie indépen-dante de référence) a été lancél’an dernier pour soutenir letravail des libraires indépen-

dants. 58 nouvelles librairies ontété labellisées en 2010 par leministère de la Culture, portantainsi leur nombre à 464. En Rhône-Alpes, quatre librairies viennents’ajouter aux 46 précédentes :

La Hulotte, à Annonay, BD en Bulles,à Lyon, La Procure-Le Vieil Annecyet La Librairie L’Imaginaire, àAnnecy. En 2011, les critères d’at-tribution du label devraient êtreréformés, afin de l’ouvrir à un plusgrand nombre de librairies de qua-lité jusque-là exclues. Un nouveauformulaire de demande de labelsera mis en ligne sur le site duCentre national du livre en janvier.

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John Dilnot, Screen print Caterpillars, une œuvre à retrouver dans les Cahiers intempestifsn°25, Made in Britain et au Salon de la revue à Paris du 15 au 17 octobre (lire p.2 et 3).

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sociale, qui sait combien il est difficilede transmettre une revue.Si l’association des Amis de la poésie,présidée par Paola Pigani, reste enéveil à travers une collection d’ou-vrages coéditée avec L’Harmattan, son« organe d’expression » cesse donc deparaître avec ce numéro double 65-66intitulé Défi poétique – Défi politique.On reconnaît là tout l’esprit de larevue : volonté de se situer aux fron-tières, de refuser la manière verticalede la spécialisation au profit d’unetransversalité qui entend échap-per aux jargons disciplinaires.Vingt-quatre ans d’inlassable acti-vité, faite de revues, de colloques,de rendez-vous littéraires, « unimbroglio qui donnait tout sonsens à ce projet, mais aussi toutesa vulnérabilité, car à l’encontredu modèle dominant ». On le sait,dans l’univers aussi riche qu’in-stable de la revue, un tel parcoursest souvent en symbiose aveccelui des créateurs. En l’occur-rence, pour cette aventure, MichelCornaton et Fabienne Boullier :« Ces revues-là sont très liées à des

Le Croquant cède la place

Fin derévolteAprès une aventure longue deprès d’un quart de siècle, la revueLe Croquant cesse de paraître.Dans l’éditorial de l’ultimelivraison sortie avant l’été, MichelCornaton, son fondateur, retrace lespositions et le chemin parcouru,tout en rendant hommage à la poé-sie, cœur battant de cette revue.

Le Croquant est arrivé au bout deson chemin. À entendre MichelCornaton, père fondateur et direc-teur de publication, la décision étaitdans l’air depuis quelque temps,s’imposant peu à peu à mesure quel’utopie d’un tel projet devenait unecharge trop lourde. Besoin de passerla main, nécessité d’une refondationet de nouvelles énergies : « Le projet nepeut plus être le même lorsque les genschangent », explique l’universitaireretraité, spécialiste de psychologie

Salon de larevue : 20 ans !Depuis 20 ans, l’associationEnt’Revues organise le Salon de larevue à Paris. L’occasion, chaque

année, d’un large panorama nationalet d’une multitude de rendez-vousconsacrés à l’actualité de ces publica-tions. Fidèles ou nouvelles, elles secroisent, se renouvellent, changent etéchangent, dans un mouvementd’une grande vitalité.On trouve en Rhône-Alpes un nombreimportant d’éditeurs de revues, et laRégion soutient leur présence à cesalon incontournable. Cette année,du 15 au 17 octobre, on pourra doncdécouvrir ou retrouver de nombreuxéditeurs et revues de Rhône-Alpes àl’Espace des Blanc-Manteaux, dans leMarais : L’Act Mem, Écarts d’identité,Africultures, APA, Les Cahiers intempes-tifs, Les Cahiers de l’ogre, La Cave lit-téraire, Centre international d’étudedu XVIIIe siècle, Ellug, ENS Éditions,Faire part, Hippocampe, Maison de lapoésie Rhône-Alpes, Orages, Pré#Carré,Sens Public et Verso.Parmi la trentaine de rencontres pro-posées pour cette 20e édition, on retien-dra deux rendez-vous autour du numé-rique dans le monde des revues :François Nawrocki, chargé de missionà l’économie numérique au CNL, pré-sentera le dispositif en faveur de lanumérisation des revues et du déve-loppement de leur site Internet (le 16octobre à 11h30) ; on s’intéressera aussià la présence des revues sur la Toile etaux évolutions (économiques et for-melles) qu’Internet a suscitées dans cedomaine (le 17 octobre à 11h30). M. B.

www.entrevues.org

parcourant des plans de villes) yreviennent, les ailes des papillonsou des hirondelles proposantcomme un écho aux feuillets déta-chables de la revue. Pour VéroniqueGay-Rosier, rédactrice en chef, cetteinterrogation sur la forme et lastructure du livre traduit un regain

Les Cahiers Intempestifs n°25

So britishLes Cahiers intempestifs éditentdepuis 17 ans une magnifiquerevue semestrielle. Grand format,belle maquette, papier Velin,présentation en cahiers dans unboîtier plexiglas, chaque numéroest un objet d’art, presque uneœuvre en soi.

Le n°25 des Cahiers intempestifs,intitulé Made in Britain (vol. 1), nousentraîne à la rencontre d’une jeunegénération anglaise de créateurs,injustement méconnus en France.Véritablement en effervescence, leRoyaume-Uni constitue en effetl’habitat naturel de nombre d’ar-tistes phares de la création contem-poraine internationale.À travers les images, une sorte degéographie se fait jour : celle du livrelui-même. Ce thème traverse lesœuvres, se décline amplement.Même les travaux flirtant avec une« histoire naturelle » (planches dedessins d’insectes, vol d’oiseaux

d’intérêt pour le livred’artiste. L’équipea d’ailleurs travailléavec le Centre d’artcontemporain deBristol, spécialisédans ce domaine,pour concevoir lesdeux numérosconsacrés à cesartistes.Un numéro jumeausortira en décembre,à l’occasion d’unpartenariat avec lefestival Back Stagede la Comédie deSaint-Étienne, dontl’édition de cetteannée porte lemême titre : « Madein Britain  ». Deux

opus ne sont pas de trop pour décou-vrir cet art si singulier. On attend lasuite avec impatience. M. B.

Les Cahiers intempestifs n°25Made in Britain56 p., 53 €ISBN 978-2-911698-58-3

histoires d’amour et d’amitié, et c’estaussi ce qui rend l’aventure éditorialepassionnante. »C’est vrai, toutes ces années, Le Croquant n’a pas manqué de pas-sion, s’immergeant avec délice dansles débats contemporains, qu’ilssoient politiques, philosophiques oulittéraires : l’enseignement, l’antisé-mitisme, les rapports entre cultureet politique, l’Europe… Le Croquant,par ses analyses et ses créations,

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revues /

a contribué à nourrir la complexitési chère à Edgard Morin. Jusqu’à cetultime numéro, qui revient au portde la poésie. Et y demeurera. Find’un Croquant qui avait le sens duterritoire et le goût des idées. L. B.

Le Croquant n°65-66224 p., 20 €

Lire aussi l’article consacré au dernier livre deMichel Cornaton (p.11 ).

+ + + + + + + + + + + + + + +d’actualités sur www.arald.org

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John Dilnot, Mouth of the Thames et Tracey Bush, Beloved. Cahiersintempestifs n°25, Made in Britain.

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éditeur, à avoir lancé cette revue en 2008, sousforme de fascicules, tout d’abord, jusqu’à cetimposant cahier de 158 pages sur le thème« Signatures », avec un dossier consacré à la figurede Casanova, lancé au printemps 2010. « Il y avaitchez nous une grande envie de se lancer et de fairedes choses, même si tout n’était pas parfait »,explique Gwilherm Perthuis.

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costume de mots stricts et tailleurdes idées de rigueur. Sans image oupresque. Mais peu importe laforme. Le fond des problèmesabordés suffit amplement : lalangue de bois, l’émotion, lesrévolutions, le politiquementsportif, les rumeurs, etc. Il s’agitd’interroger le langage politiquesous toutes ses formes, sans res-triction de méthodeou de champs d’inves-tigation. On y lit tour àtour un historien desidées, un spécialiste del’information, un autrede la communication.On ne s’interdit pas deparler genre, sexe, uto-pies. Parmi les derniers

ENS Éditions : la revue Mots,les langages du politique

Mots pourle direMots, Les langages du politique, sur-tout ne pas oublier son sous-titre,qui fait tout le menu de la presquecentaine de numéros déjà parus.Mots est une revue née en 1980,autant dire il y a un siècle, d’abordéditée par les Presses de laFondation nationale des sciencespolitiques ; hébergée aujourd’huipar ENS Éditions.Mots est une revue universitaire,cela se voit un peu mais pas trop.Pas frivole pour deux sous, certes :

revues /

Revue piquanteHippocampe, comme son nom l’indique :revue à la fois animale et cervicale.Sauvage et penseuse. Piquante. Sesréférents sont des références : Bataille,Benjamin, Warburg. Façons de remonterle temps, façons de remontrer l’histoire.Des arts, mais pas seulement.À ses débuts, pas si lointains d’ailleurs,Hippocampe sentait la jeunesse et seserreurs, coquilles tout autour des idées etnotes de bas de pages pas toujours misesà jour. Un teint fanzineux. Et puis est venule temps de la maturité, progressivementHippocampe a mué, grandi, mûri commeseul un hippocampe sait le faire. Papierglacé juste comme il faut, couleurs àl’avenant qui font passer du savoir auvoir en un tournemain.Ouvrez par exemple le numéro, daté avril2010. Il est entièrement consacré auxsignatures et à ses avatars : trace du Moi,geste politique, surprise picturale, perfor-mance artistique, destin littéral ou litté-raire, on dirait que tout passe par leparaphe et que le paraphe passe partout.À cet égard, prière de ne pas sauterl’entretien avec Jacques Aubert : « Joyce,Lacan et la signature ». Ne ratez pas nonplus le dossier consacré à Casanova. Ilcondense et déplace judicieusement lesquestions de signature sur l’auteur desMémoires, avec, entre autres articles, uneréflexion sur la quête du nom propre parJean-Claude Hauc. Des illustrations dequalité complètent le tout, comme cettesérie de dessins anatomiques/oculairesde Frédérique Loutz, qui donnent à notreHippocampe une fière et belle allure.Qu’on le lise. Et qu’on se le dise ! R.-Y. R.

Avec sa nouvelle maquette très soignée, quimet en scène le numéro 3 sorti en avril,Hippocampe confirme la place singulièrequ’elle entend tenir dans le paysage de la revue.Exigence de la réflexion, textes inédits,entretiens et cahiers iconographiques, la revuelyonnaise fait le pari de la confrontation et dela diversité des contributeurs.

« Privilégier la friction entre les textes,donner le goût des liens qui peuventproduire du sens dans une revue, sanspour autant s’imposer de limites disci-plinaires », c’est toute la liberté ques’imposent les créateurs de la revueHippocampe. Ils sont trois : GwilhermPerthuis, jeune historien de l’art, l’artisteFrédérick Khodja et Cyrille Noirjean,

Avec deux numéros par an tirés à cinq centsexemplaires, l’un consacré à un pays, l’autre conçude manière thématique, Hippocampe se tournevolontiers vers le passé pour regarder le présent.Hippocampe, un mot singulier, un animal singu-lier, une partie du cerveau essentielle pour lamémoire… Après une première incursion artis-tique et culturelle en Suisse, en 2009, la prochainedestination – elle aussi plutôt inattendue – choi-sie par les revuistes pour ce mois d’octobre est laNouvelle-Zélande. Pour Gwilherm Perthuis, « l’idéeest d’aborder un territoire plus ou moins insulaire,qui est en bascule avec d’autres territoires, maisaussi de choisir des zones géographiques donton ne parle pas souvent ou sur lesquelles sont véhi-culés de nombreux clichés ». Grâce à des contri-butions d’artistes, d’écrivains, d’universitaires,mais aussi des documents et un travail iconogra-phique, il s’agira de proposer aux lecteurs unregard original sur ce pays marqué par la culturemaorie et fort éloigné de la scène artistiqueinternationale. Avant de revenir, en 2011, vers lesgrandes expositions qui ont marqué le XXe siècleet de développer un site Internet lié plus directe-ment à l’actualité artistique. Hippocampe veutprendre et comprendre son temps. Laurent Bonzon

Hippocampe n°3 – avril 2010158 p., 12 €www.revue-hippocampe.org

numéros, deux, passionnants, quifont un retour sur la présidentiellede 2007, « Débats pour l’Élysée » et« Scènes de genre », avec des ana-lyses et des mises en perspectivesconvaincantes, notamment sur lafiction/friction d’images entre lescandidats du second tour, Royal etSarkozy, à travers les unes du journalLibération. Conclusion : Mots est

une revue encore plusnécessaire, dans unmonde (politique) oùl’image a pris le dessus.Roger-Yves Roche

Mots, Les langages du politiqueENS Éditions

Hippocampe au Salon de la revueDimanche 17 octobre De 15h à 16h, salle Kostas Axelos

« Casanova multiple » : conversation entreGwilherm Perthuis, responsable de la revueHippocampe, et Jean-Claude Hauc, spécialistedes aventuriers et libertins du XVIIIe siècle.

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Arts visuels, philosophie, littérature : à la croisée des chemins

La signature de l’Hippocampe

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actualités /manifestations

grandissant : les auteurs montantsur scène pour donner lecture deleurs propres textes, dans le cadrede performances sonores, visuelles,musicales, théâtrales. Pour DanielaDi Blasi, responsable adjointe à l’ac-tion culturelle de la médiathèque,c’est « une façon pour les auteursd’être véritablement dans leurtexte.  » Une affaire de présencedonc. Les éditeurs accompagnentparfois ce mouvement. C’est le casde Verticales, qui organise de nom-breuses lectures avec ses auteurs etcompte dans son catalogue plu-sieurs livres-CD.

Les journées professionnelles desmanifestations littéraires, qui se sontmultipliées ces dernières années,sont des espaces d’échange et deprospective où se développe unepart importante de la réflexion surla littérature d’aujourd’hui et sesévolutions. C’est dans cet espritque la Fête du livre a travaillé avecla médiathèque municipale. Lethème retenu, « La littérature : del’écrit à la scène », interroge avanttout la capacité des manifestationsà remettre la littérature au centredu jeu. Mais il fait aussi référenceà un phénomène contemporain 

La table ronde du matin, « Festival,fête du livre, salon : quels enjeuxpour la diffusion de la création lit-téraire ? », réunira Harold David,directeur du Festival Est-Ouest de

Die, Odile Depagne Roulot, pré-sidente des Cafés littéraires deMontélimar et Colette Gruas,directrice de la Fête du livre deBron. Celle de l’après midi, inti-tulée « Les nouveaux territoiresdu roman contemporain : lecturesmusicales, mise en voix, perfor-mances sonores et visuelles », ras-semblera des écrivains pratiquantcet art de la lecture-performance(Arno Bertina, Noëlle Revaz et,sous réserve, Brigitte Giraud), etl’éditeur Yves Pagès (Verticales).Illustration de cette probléma-tique avec une lecture de LaBorne sos77 par Arno Bertina etLudovic Michaud. Cette journée

d’étude ouverte à tous est gratuitesur inscription. Marion Blangenois

14 octobre, 10h-16h30Médiathèque municipale20-24, rue Jo Gouttebarge - Saint-Étiennehttp://fete-du-livre.saint-etienne.fr

Les 13e Rendez-vousde l’histoire de BloisCette année, du 14 au 17 octobre,les Rendez-vous de l’histoire de Bloisauront pour fil rouge le thème« Faire justice ». Parmi les 150 expo-sants du salon du livre, six maisonsd’édition de Rhône-Alpes : Créaphis,Lieux Dits, Éditions Jérôme Millon,Presses universitaires de Lyon,Publications de l’Université de Saint-Étienne et Champ Vallon, qui serontparticulièrement à l’honneur à l’oc-casion de leur trentième anniversaire.

Le travail de Patrick Beaune etMyriam Monteiro Braz bénéficierad’un premier coup de projecteuravec une carte blanche offerte pourle lancement de leur nouvelle collec-tion « L’environnement a une his-toire ». S’y ajoute le privilège de voirdeux de leurs récentes publications(La Nature du peuple. Les Formes del’imaginaire social (XVIIIe-XXIe siècles)de Déborah Cohen, et Peinture etsociété à Naples (XVIe-XVIIIe siècles),de Gérard Labrot, en compétitionpour le prix des Rendez-vous del’histoire. Émilie Pellissier

www.rdv-histoire.com

Au plus près descompositeursLes éditions Symétrie lancent unenouvelle collection d’ouvrages auformat poche faisant la part belleaux écrits de musiciens et à des prixabordables (15 €, prix maximum).Deux premiers livres viennent deparaître : la réédition d’un texte quia plus de dix ans, mais dont l’ambi-tion est de nous faire aimer ouencore mieux aimer Frédéric Chopin.Une réédition qui garde toute sonactualité en cette année du bicente-naire de sa naissance. Le deuxièmelivre propose le texte intégral des

Mémoires d’Hector Berlioz, introduitpar le spécialiste du romantismemusical français Alban Ramaut. Avectrois à quatre nouvelles parutions paran, cette collection constituera unegamme importante au sein du richecatalogue de l’éditeur spécialisé enmusique. É.P.

Pierre BrunelAimer Chopin280 p., 10,20 €, ISBN 978-2-914373-75-3

Hector BerliozMémoires728 p., 14,80 €, ISBN 978-2-914373-71-5

Titres publiés en collaboration avec lePalazzetto Bru Zane – Centre de musiqueromantique française.

Fête du livre de Saint-Étienne : une première journée d’étude

La littérature autrementPour sa 25e édition, la Fête du livre de Saint-Étienne propose sapremière journée d’étude sur un thème original : « La littérature :de l’écrit à la scène »

/éditionChambéry Savoie BDChambéry Savoie BD est l’unedes plus anciennes manifesta-

tions du livre en Rhône-Alpes. Elleaccueille 20 000 visiteurs et les plusgrands noms de la BD d’aujourd’hui.Retour sur cette aventure avecSerge Ripoll, président du festival.

Chambéry Savoie BD est né il y a 34ans. Depuis, le nombre de salons dédiésà la bande dessinée a explosé. Pourquoicelui-ci reste-t-il incontournable ?Notre festival est le deuxième plusgrand et plus ancien après Angoulême.C’est dans la durée que nous avonsgagné une légitimité. Chambéry SavoieBD a toujours été une manifestationgrand public, invitant des auteurs etdes illustrateurs très connus. C’est celaque nos visiteurs viennent chercher etnous l’assumons. Cette année, nousinvitons notamment le très attenduSobral, ainsi que deux artistes deTaïwan, une première dans un festivaleuropéen.

Depuis 2009, le festivals’appelle ChambérySavoie BD. Quel rapportentretenez-vous avecce territoire ?Ce nouveau nom permetde mieux nous localiser.On nous demandait sou-vent où est Chambéry !Au niveau régional, le

festival est un moteur pour le dévelop-pement de la création. C’est dans cetesprit que nous avons ouvert l’ENAAI(ENseignement des art appliqués et del’image), qui rassemble une centained’élèves. En 2007, nous avons créél’Inter festival transalpin de la BD, quiréunit 16 festivals de Rhône-Alpes.Mais les efforts d’échanges et demutualisation ne portent pas leursfruits pour l’instant. Enfin, nous inter-venons régulièrement dans les écoles,collèges et lycées, en milieu péniten-tiaire et à l’hôpital, dans le bassinchambérien et au-delà.

Vous dirigez ce festival depuis 20 ans.Quelles sont les évolutions mar-quantes du secteur de la BD ?Je dirais qu’il y a eu un creux après lesannées 70-80. Le public vieillissait enmême temps que les albums, malgréquelques sursauts, bien sûr, avec Bilalpar exemple. Aujourd’hui, il y a un vrairenouveau grâce, entre autres, auManga. On constate un rajeunissementdu lectorat. Et les très bonnes ventesdu Manga permettent aux éditeursde prendre des risques et de publier

des découvertes dansd’autres secteurs dela BD. C’est pourquoinous le mettons àl’honneur cette année. Propos recueillis par M.B.

Chambéry Savoie BD15-17 octobreCentre des Congrès Le Manègewww.chamberybd.fr

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pour une rentrée festive, marquéepar un programme d’animationsparticulièrement riche, une soiréed’anniversaire et la publication d’unpetit livre des dix ans concocté pardeux écrivains proches de la mai-son : Laurent Mauvignier et TanguyViel. En attendant ces réjouissances,qui ont déjà débuté avec une « jour-née  spéciale Fusaro  », l’un deslibraires de l’équipe également écri-vain, c’est un couple de librairesheureux qu’on peut rencontrer dansla presqu’île lyonnaise.

La librairie Passages fête sonanniversaire

J’ai 10 ansEn une décennie, Passages estdevenue “la” librairie lyonnaise deréférence. Une aventure menéetambour battant par FrançoiseCharriau et Érik Fitoussi, couplequi dure, à la ville et en rayon.

Cet été on a repeint et fait quelquestravaux. Quinze jours de fermeture

«  Ce métier est magnifique », s’exclame Érik Fitoussi en ouverture.Presque en préambule. Bien sûr, il ya les heures de travail que l’on necompte plus depuis longtemps et lessoucis quotidiens (ampoules à chan-ger, aspirateur en panne…), mais« ça aide aussi à ne pas se prendrepour ce qu’on n’est pas ». Ce qu’ilssont tout de même, ce sont les res-ponsables d’une librairie qui n’apas mis dix ans pour devenir unpartenaire culturel incontournableà Lyon : « Ce n’était pas un calcul,explique Françoise Charriau, nousavions seulement envie de faire unebonne librairie et de nous adresser àtous les publics. »La librairie a donc été conçuecomme un lieu (250 m2) très ouvert,où l’équipe (huit libraires, dix per-sonnes en tout) se veut réactive àla demande des gens. Pour cela,deux commandements, selon ÉrikFitoussi : « Être de gros lecteurs etsoigner particulièrement l’accueil ».Les clients ne s’y trompent pas,lisent avec gourmandise les com-mentaires posés ici et là sur les tables,plébiscitent le conseil, sont fidèles à la cinquantaine d’animations

proposées chaque année. Résultat,la moitié du chiffre d’affaires dela librairie (1,5 M€) provient de lalittérature, le deuxième pôle leplus important étant les scienceshumaines.Et puis, la librairie, c’est aussi toutce qui se passe en dehors de lalibrairie : la présence dans les grandsévénements littéraires de la ville,l’engagement militant de FrançoiseCharriau, vice-présidente du SLF, etcelui de Passages dans le premierréseau de libraires indépendants surInternet, 1001libraires. com*. « C’estune nouvelle phase qui s’ouvre pourla librairie », commente FrançoiseCharriau, attentive à ce chantiernumérique et confiante dans lacapacité de mobilisation et demutualisation des libraires. Trèscertainement de quoi s’occuperpendant dix années de plus pource couple dont la vie se construitchaque jour autour de la librairie.Depuis seulement dix ans surtrente-neuf ans d’histoire. L. B.

* 1001libraires. com, le portail de la librairieindépendante sur Internet, ouvrira ses portesfin octobre. En attendant, plus d’informationssur http://pl2i.org.

actualités / librairies

des adolescents, la rencontre avecl’auteur-illustrateur Fred Bernard…La saison reprend en octobre avecune présentation de la rentrée litté-raire par une librairie. Musique etbibliothèque, lecture et constructionpsychique, création littéraire etInternet, bien d’autres idées sontdans les cartons et viendront nour-rir ce programme au fil des mois.Ce type d’initiative est rare dans lesBDP. L’enjeu ici étant d’ouvrir cetétablissement, qui n’accueille habi-tuellement pas de public, et de don-ner une visibilité à un service dépar-temental méconnu. Les Rendez-voussont donc ouverts à tous, profession-nels des 250 bibliothèques du dépar-tement, mais aussi grand public.Une initiative ambitieuse d’un toutjeune pôle d’action culturelle. M. B.

Depuis janvier 2010, la Bibliothèquedépartementale de prêt de l’Ain orga-nise « Les Rendez-vous de la lecturepublique », un cycle de conférencesautour du livre et de l’édition, etplus largement du monde culturel.Chaque année, la BDP propose huitrencontres avec une personnalité :auteur, éditeur, traducteur, mais aussisociologue, historien… L’occasion de« prendre un peu de hauteur » et deréfléchir sur le métier de bibliothé-caire ainsi que sur les pratiquesculturelles des lecteurs (actuels oupotentiels), comme l’explique CoralieDondé, responsable du pôle actionculturelle de la BDP de l’Ain, né il ya deux ans. Les Rendez-vous ontmêlé cette année des thèmes aussidivers que la littérature jeunesse norvégienne, les pratiques culturelles

Cette première étude d’ampleur sur laquestion de l’accès des libraires aux mar-chés d’achats de livres des bibliothèquesdresse un état des lieux quantitatif etqualitatif, au terme d’une décennie demodifications du cadre législatif et régle-mentaire (loi du 18 juin 2003 et réformessuccessives du code des marchés publics).Elle a été réalisée entre avril 2009 et août2010 par le Service du livre et de la lec-ture de la Direction générale des médiaset des industries culturelles en partena-riat avec la Fédération interrégionale dulivre et de la lecture (Fill) et six structuresrégionales du livre dont l’ARALD.Le volet quantitatif est constitué de lapremière exploitation à des fins statis-tiques des données recueillies par laSofia sur les achats de livres des biblio-thèques de prêt et d’une étude des« générations de marchés » d’achats delivres par les bibliothèques à travers l’ana-lyse des avis publiés au Bulletin officieldes annonces des marchés publics et auJournal officiel de l’Union européenne,

recueillis par l’Observatoire de l’écono-mie du livre depuis 1998.Le volet qualitatif s’appuie sur plus de150 entretiens avec les acteurs concernés(libraires, bibliothécaires, services des mar-chés des collectivités), menés par les struc-tures régionales du livre dans les sixrégions participant à l’enquête et sur lessynthèses régionales qu’elles ont réalisées.Cette enquête qualitative a fait appa-raître la lourdeur des procédures de pas-sation des marchés publics de livres, tantpour les bibliothécaires que pour leslibraires, au risque de distendre leursliens naturels. Ces difficultés conduisentles différents acteurs interrogés à formu-ler un large éventail de demandes et derecommandations, qui vont de la miseen place d’outils de mutualisation à desdemandes d’évolution législative ouréglementaire. Mais l’étude montre éga-lement qu’une partie des difficultés etdes coûts proviennent d’une formalisa-tion excessive des procédures et qu’ilspourraient être atténués si les acheteursmettaient en application la souplesseque permet le code des marchés.

L’étude est téléchargeable sur :www.arald.org

Une journée de restitution est prévue à Lyon début 2011.

publication/bibliothèquesLes rendez-vous dela lecture publique

Librairie Passages11 rue de Brest - 69002 Lyon04 72 56 34 84http://librairiepassages.wordpress.com

Les marchés d’achats de livresdes bibliothèques : état des lieux

Une étudenationale

Programme etrenseignement :Coralie DondéDirection de lalecture publiqueBourg-en-Bresse04 74 45 22 06

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cette région – et si on l’a oublié, lacommande passée à l’écrivainLionel Bourg, qui a mis ses pas dansceux de Jean-Jacques, est là pournous le rappeler. Avec Rousseau2012, on va ainsi peu à peu découvrircomment l’université, les arts vivants,la chaîne du livre, les musées, maisaussi les parcs naturels régionaux vontaller à la rencontre du philosophe.Pour Éliane Baracetti, il s’agit toutd’abord de « faire un état des lieuxdes possibilités et du sens d’une tellecommémoration, puis de proposerdes projets transversaux et collectifsqui s’inscrivent dans les différents ter-ritoires et qui laissent des traces après2012 ». Car outre les différents aspectsde la célébration, l’important est quel’on « prenne la mesure du rayonne-ment de Jean-Jacques Rousseau. »Un rayonnement dont on peut d’oreset déjà se faire une idée sur le blogRousseau 2012, mis en place parl’ARALD en collaboration avec laRégion et chargé de faire le lienentre les acteurs et les projets. CarRousseau 2012 est aussi et simple-ment un appel à la citoyenneté. L. B.

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zoom

C’est en 2012 que la France et laSuisse fêteront ensemble Jean-Jacques Rousseau. En Rhône-Alpes, la mobilisation est grande,suscitée notamment par ÉlianeBaracetti, chargée par la Régiond’orchestrer les préparatifs.

L’adjointe à la Culture de la Ville deGrenoble ne cache pas son enthou-siasme : « Depuis janvier 2009, je mesuis passionnée pour cette mission etpour cet homme qui déclenche juste-ment les passions ». L’occasion pourcette historienne de formation de lelire véritablement et de comprendrela « forme d’humanité qui émane deRousseau et la force de son œuvre qui,non seulement a traversé les siècles,mais fait encore résonner aujourd’huibien des questions. »Aux yeux d’Éliane Baracetti, l’affairepourrait se «  résumer  » à deuxmots : liberté et égalité. Un horizonde pensée qui, on le comprend aisé-ment, n’a pas cessé de s’étendredevant nous. Mais cette commémo-ration, c’est aussi l’occasion dedécrypter le lien patrimonial dugrand homme avec Rhône-Alpes. Onsait combien Rousseau a parcouru

La commémoration du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau

Rousseau, avec nous !

Salon du livre d’Ambronay3 octobre, Ambronay (01)Un concours, six prix littéraires etdes rencontres avec des auteurs,c’est ce que propose la bibliothèquemunicipale, autour du thème « Ciel

promis, Enfer promis ».http://salondulivreambronay.free.fr

Belles Latinas Littératures contemporainesd’Amérique latineDu 6 au 22 octobre, Lyon (69)Le festival célèbre le bicentenaire del’indépendance d’une dizaine de payslatino-américains. Sur les thèmes« Indépendances » et « Histoires d’éman-cipations », les Belles Latinas 2010 fontentendre ces sonorités venues del’Amérique du Sud.

Salon du livre des pays de l’Ain9 & 10 octobre, Attignat (01)Un salon des littératures de l’Ain et d’ailleurs,et un grand concours de nouvelles.http://salondulivre01.hautetfort.com

Salon du livre d’Hermillon16 & 17 octobre, Hermillon (73)Depuis 21 ans, Hermillon propose de décou-vrir les richesses des littératures de terroir.« Un nouveau monde : 150e anniversaire durattachement de la Savoie à la France » estle thème de cette édition.www.salon-du-livre.fr

Littératures voyageusesDu 18 au 24 octobre, Albertville (73)Avec pour titre « Sur la route », la 4e éditionde ce salon nous entraîne pour un tourdu monde en compagnie de nombreuxauteurs, journalistes, conteurs et autresarpenteurs du verbe.

Festival Parole AmbulanteDu 18 au 24 octobre, Vénissieux etagglomération lyonnaise (69) Cette année, Parole Ambulante met le« monde à l’envers ». Mêlant humour del’art et amour des langues, poétique et poli-tique, cette 15e édition interroge le mondequi nous entoure, en pointe les dérègle-ments, s’amuse des décalages du quotidien. http://espacepandora.free.fr

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Blog Rousseau 2012 :www.arald.org/rousseau

Trois questions à AbrahamBengio, directeur général adjointde la Région Rhône-Alpes

Construirel’identitéd’une régionLe projet Rousseau 2012 est-il autre

chose que la célébration d’un anni-

versaire ?

La date n’a évidemment pas été choi-

sie au hasard : il s’agit bien du tricen-

tenaire de la naissance de Rousseau,

et si l’on peut déplorer les excès de

la commémorationnite, maladie très

répandue en France comme chacun

sait, il ne faut pas sous-estimer le pou-

voir de mobilisation de certains anni-

versaires, qui fonctionnent comme des

signes de ralliement. Souvenez-vous de

Victor Hugo : « quand la nuit essaie de

revenir, il faut allumer les grandes dates

comme on allume des flambeaux ! ».

Mais si nous avons décidé de traiter le

tricentenaire de Rousseau de façon tout

à fait exceptionnelle, c’est parce que

son œuvre pose des questions d’une

étonnante modernité.

Quel sens cela a-t-il aujourd’hui,

selon vous, de commémorer Jean-

Jacques Rousseau et quel peut être

l’apport d’une telle commémoration

sur le plan des contenus et de la

perception de Rousseau ?

Rousseau a fait l’objet – de son vivant

déjà… – des interprétations les plus

contradictoires et a pu être « revendi-

qué », non sans quelques arguments,

par les courants les plus divers. Au cœur

de la crise culturelle que nous traver-

sons, il est tentant de réinterroger

Rousseau ; de faire le point sur une

œuvre qui ne semble pas avoir livré

encore tous ses secrets. Certes, 300 n’est

un chiffre rond que dans le système

décimal et c’est donc un nombre arbi-

traire, mais je ne connais pas de

moyen plus efficace de mobiliser

autant d’universitaires, de profession-

nels de la culture, de responsables

associatifs ou politiques !

Que cherche-t-on à susciter au niveau

d’une région à travers ce genre d’évé-

nement et de travail mémoriel ?

Le travail admirable que mène à notre

demande Éliane Baracetti nous a

confirmés dans ce qui n’était qu’une

intuition : non seulement Rhône-

Alpes – enfin, les territoires qu’on

désignerait ainsi bien plus tard ! – a

«  partie liée  » avec Jean-Jacques

Rousseau, plus encore que nous ne

pouvions le penser, mais de plus la

richesse et la complexité du person-

nage permettent de mobiliser les

réseaux les plus divers, tout étonnés

d’être invités à coopérer : le monde

du livre, l’université, le milieu de la

musique et des spectacles, les péda-

gogues, les parcs naturels régionaux

dont le promeneur solitaire et herbo-

risant pourrait être le saint patron,

et j’en oublie ! Cette mise en relation

est sans doute la mission la plus exal-

tante pour des responsables culturels

régionaux : cela revient à construire

l’identité, entendue comme un projet,

d’une région comme la nôtre.

Propos recueillis par L. B.

entretien

Octobre : une pluie de manifestations

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Jeu de 32 cartes, dit « Jeu des Philosophes ». J.J.Rousseautenant le contrat Social), Musée de la Révolution française© Domaine de Vizille / Musée de la Révolution française

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Voir son premier roman figurer dans une rentréelittéraire, est-ce l’aboutissement d’un rêve ou ledébut d’un cauchemar ?(rires) Un aboutissement ! Cela fait douze ans quej’écris sérieusement ; mais durant les derniersmois, tout s’est accéléré, tout a changé : pendantdes années, j’ai suivi la rentrée et le journalisme lit-téraires. Aujourd’hui, j’en fais partie. J’ai été agréa-blement surpris, car Requiem pour Lola rouge estun livre un peu « bizarre ». Je ne pensais pas qu’ilserait aussi bien reçu. Je l’avais envoyé à plusieursmaisons d’édition il y a dix-huit mois. Deux d’entreelles – des petites – m’ont fait un bon retour. Etpuis Charles Dantzig chez Grasset m’a répondu aubout de six mois, en me disant qu’il y avait despoints à revoir. On a retravaillé le roman ensemble.Et le livre est paru. C’est cela qui est grisant dansla littérature : on peut adresser son manuscrit à unéditeur comme Grasset – avec lequel on n’a a prioriaucun lien – et le voir publié.

En 2008, vous avez été lauréat du concoursQuelles nouvelles, organisé par la DRAC Rhône-Alpes. Votre passage au roman signifie-t-il que vousavez définitivement abandonné les textes brefs ?Non, pas du tout : j’ai très envie de revenir à la nou-velle, c’est une passion. Ma participation à ceconcours – qui m’a permis d’être, pour la premièrefois, publié dans un «  vrai  » livre, d’avoir deséchanges et des encouragements de la part desorganisateurs – n’était pas un hasard. Et à la suitede « Quelles nouvelles ? », tout est allé vite : j’aiécrit un livre pour enfants et Requiem pour Lolarouge a été accepté. Si j’ai fait un détour par leroman, c’est par nécessité. Le roman permet eneffet des libertés et offre un espace qui n’existepas dans la nouvelle : on peut aisément partir,revenir et changer de voie.

Justement, Requiem pour Lola rouge est scandépar des parenthèses oniriques, qui sont commeautant de respirations poétiques et d’anti-chambres surréalistes à l’action…C’est le sujet de ce roman qui m’a dicté cetteconstruction alternée : le personnage principal,P., évoluant entre le rêve et la réalité, j’avais besoinde montrer ces espèces d’échappées, ces chapitresqui présentent les avatars, les « moi » possibles queP. se crée la nuit. Cette idée de balancement estvenue d’un livre ayant une double structure, W oule souvenir d’enfance, de Georges Perec : on y suitdeux récits distincts qui n’ont pas forcément delien entre eux, et qui font apparaître un troisième espace, supplémentaire – c’est extraordinaire !Cette instabilité me permettait de plonger monpersonnage dans un réel un peu déformé.

Dans le sillage de Lola, P. voyage de Lyon (oùvous êtes né) à Barcelone (où vous résidezactuellement), et passe par bien d’autresmétropoles. Faut-il lire dans cette successionde villes un itinéraire intime particulier ?Ce sont des lieux que je connais, ils ne sont pas làau hasard. J’ai placé des villes d’Amérique du Sudou du Mexique qui m’ont fait rêver, mais aussid’autres, comme Kyoto ou Ispahan que j’aimeraisdécouvrir. Il n’y a pas de références externes.Disons que ces lieux appartiennent à ma géogra-phie personnelle. J’ai toujours aimé aller ailleurs…pour en repartir afin de voir qu’il y avait encoreun ailleurs. En cela, je suis comme Lola. Propos

recueillis par Vincent Raymond

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Pour le meilleur et pour le pirePhilippe Napoletano sait ouvrir un roman. « Lavie est là, pourtant. » Tout est dans la premièrephrase, dans le dernier mot de cette premièrephrase, dans ce « pourtant ». Marque d’unétonnement pérenne, en dépit de…Le dernier roman de Napoletano ne présenteaucun cousinage avec l’œuvre de ChristianBobin, pas de malentendu. On songe plutôtà Pascal Garnier et à sa nouvelle « Vue impre-nable sur l’autre », dont Napoletano auraitpu voler le titre. Pas comme ça, c’est quaranteannées d’une vie revue (et non corrigée) aufil de trois journées banales. Le ton ? Celuid’un monologue intérieur à la deuxième per-sonne du singulier, d’un va-et-vient entre unecertaine familiarité et une distance tenue. Lenarrateur semble capable de lire dans les

pensées des autres (ce qui n’a rien d’extraordi-naire…). Son cadre de vie : une « ville sanscharme », un « décor familier mais factice ». Maisde considération sur le tabac (« dernier véritableami » ?) en anticipation de la mort d’AlainSouchon (l’occasion pour lui de se rappeler com-ment son père a réagi à celle de Brassens), il flirteavec la ligne blanche. Une fête vintage entre amislui donne l’occasion d’embrasser une relationdéguisée en Casimir (avant de lui casser la figure).Pas comme ça est un texte fragile et, par

moments, d’une rarepuissance. D’autant plusque ne s’y niche pas lamoindre complaisancegénérationnelle. F. H.

Philippe NapoletanoPas comme çaLe Mot Fou Éditions128 p., 12 €ISBN 978-2-9184-0105-6

Un rêve éveilléDans Requiem pour Lola rouge, premierroman de Pierre Ducrozet, jeune écrivainlyonnais vivant en Espagne et lauréat duconcours « Quelles nouvelles ? » 2008*organisé par la DRAC Rhône-Alpes etl’Espace Pandora, Lola, une ravissantebrunette, a développé la faculté de sepromener dans le territoire des rêves etd’y emprunter tous les raccourcis. Elleinvite P. – un jeune désœuvré vaguementvoleur – à la rejoindre dans sa cavale, aunez et à la barbe des gardiens du sommeil.Sensuelle et magique, la balade au paysdes songes n’est cependant pas qu’unepartie de plaisir, et les réveils peuvents’avérer brutaux. Enfin, quand on seréveille… V. R.

rentrée littéraire

Pierre DucrozetRequiem pour LolarougeGrasset176 p., 16 €ISBN 978-2-246-77331-3

* Pierre Ducrozet a été lauréat du concours« Quelles nouvelles ? » 2008. Sa nouvelle, « Un mort à l’arrière », a été publiée dansl’ouvrage En morceaux…, aux éditions La Passe du vent, en 2009.

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Pierre Ducrozet : itinéraire d’un premier roman

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rentrée littéraire

récits sont entrecoupés d’un retourà une situation initiale, qui nousmet en présence d’un homme seconfiant à une femme fascinante,Nora. De courts entractes, commedes respirations, avant de plongerdans l’enfer que décrivent les sixcontes, immersion en eau troubleoù toute notion de morale com-mune est abolie.Le deuxième conte, « Garçon », estsur ce point révélateur. Il racontecomment un jeune garçon placédans un pensionnat religieux se livreà une série de jeux sexuels avec lesecclésiastiques. Ce qui ne serait pastrès original si l’adolescent n’était lavictime de manipulations perversesde la part des prêtres. Mais ici, il estau moins autant le pervertisseurque le perverti : « Et là, lové au creuxd’une argile odorante, prisonnierdes bras qui lentement resserraient

Nora, recueil de six contes, per-met à Robert Alexis d’explorerles zones les plus troubles de lasexualité humaine.

« La sexualité est ici un point dedépart, non une finalité. » Ainsisommes-nous prévenus par la qua-trième de couverture du dernierlivre de Robert Alexis. Précautioninutile pour qui connaît les précé-dents romans d’Alexis, où l’explora-tion du sexe vient toujours soutenirdes problématiques plus vastes,notamment les questions d’identitéou de transgression. La constructionde l’ouvrage témoigne d’ailleursd’une volonté d’aller dans plusieursdirections et plusieurs époques, touten se plaçant sous de multiplesinfluences. C’est une manière derecueil puisqu’il se constitue de sixcontes. À ceci près que ces courts

leur étreinte, je savourail’exquise faiblesse dela soumission ». Cettesujétion totale, quel’on pourrait rappro-cher de celle décritepar Sacher-Masoch, onla retrouve dans letroisième récit. Maisd’une façon encoreplus extrême, confi-nant à la monstruosité fantasma-tique. On y découvre en effet unejeune fille franchissant toutes lesétapes de la dégradation sexuelleet de l’humiliation, jusqu’à unefin dont on ne révélera pas icil’horreur absolue.Mais le masochisme n’est pas laseule perversion mise en lumièrepar Alexis. Celui-ci examine avec aumoins autant d’attention son pendantdépeint par le Marquis de Sade,

singulièrement dans l’antépénul-tième conte, dont le titre,« LeDahlia noir », est en forme de clind’œil à James Ellroy. L’écrivainretrace la trajectoire d’un tueur (et vio-leur) en série qui joint à l’animalité laplus féroce un fétichisme inattendu.Fétichisme, sadisme, masochisme,violence, cruauté… Autant de tra-vers humains qu’Alexis décortiqueavec une précision et un raffine-ment troublants. Nicolas Blondeau

jambes par la fenêtre ouverte. »C’est ainsi, de manière aussi brutalequ’irrémédiable, que le couplemaître/élève renaît une nouvelle foislittérairement dans Bacalao. Du pre-mier regard à la première parole, despremiers échanges aux premiersgestes, de la gêne de l’un à la décon-traction de l’autre, Nicolas Canodécortique cette ascension amou-reuse un peu folle entreprise parl’enseignant subjugué par la jeu-nesse et le naturel du garçon.Rapports coupables, fascination etrejet, labyrinthe amoureux danslequel l’un s’amuse et l’autre se perd.Les collègues, l’administration, lesautres élèves, rien n’empêcheraVincent Bergès d’aller au bout de sapassion. Nicolas Cano la détaille très

Un premier roman de Nicolas Cano

DépendanceUn professeur et son élève,l’amour et le renoncement… La musique intime et cruelle de Nicolas Cano contraint les personnages de Bacalao à entrerdans la danse de la désillusionamoureuse. Au cœur de ce pre-mier roman, l’éblouissementdes amours interdits.

Un professeur de français dans unlycée privé, un nouveau venu dansla classe de seconde. Beau, insou-ciant, provocateur, Ayrton Ribeiraporte un bermuda et le maillot duBenfica de Lisbonne, club de foot-ball qu’il admire, comme tout ce quivient de son pays d’origine. Alorsque le jeune professeur peine à fairede la Princesse de Clèves une héroïnemoderne susceptible de tirer lesadolescents de leur torpeur, iltombe dans une folle extase : « Ily eut un instant insensé, cerné defrêles parenthèses, un moment deblanc et d’oubli aussi léger que lecontour des rêves, un instant oùVincent eut l’envie folle d’être sonbermuda et de s’envoler avec ses

sobrement, avec beaucoupde finesse, jusqu’à d’impro-bables vacances dans uneîle de l’Atlantique, où lespectre de la désillusionapparaît sous diversesformes. Bacalao est unvoyage irraisonné dansles eaux du trouble et dela culpabilité, d’où lejeune professeur rappor-tera la beauté secrète et

persistante de ses éblouissements. L. B.

Nicolas CanoBacalaoArléa144 p., 15 €ISBN 978-2-86959-09-3

GénérationprécairePremier roman d’un jeune hommede trente ans, Libre, seul et assoupiest à mettre entre les mains desdiplômés de toutes espèces.Romain Monnery fait en effet lerécit scrupuleux et drôle d’une viefaite de ratés et de petits boulots,

de bière et de programmes télé, de soli-tude et de désœuvrement. Car quefaire lorsqu’on est prié par ses parentsde bien vouloir prendre le large etqu’on a compris depuis bien long-temps que les cinq années d’étudesmenées au ralenti à l’université per-mettaient, au mieux, de s’ouvrir lesportes des stages à répétition, au pire,celles de l’arrière-cuisine d’un Mac Do ?« J’étais un enfant de la génération pré-caire et, très vite, je compris que viserun emploi dès la sortie de ma scola-rité revenait à sauter d’un avion sansparachute. » Si « Machin » n’avoue quedeux passions – la première pour lesommeil, la deuxième pour les pâtes –,son manque d’ambition chroniquefinira par se révéler constructif. Unemorale goguenarde et rassurante dansce monde de battants et de jeunesloups qu’on essaye toujours de nous

vendre. L. B.

Romain MonneryLibre, seul etassoupiAu diable vauvert308 p., 18 €ISBN 978-2-84626-251-4

Un recueil de contes immoraux

Robert Alexis dans tous ses ébats

Robert AlexisNoraJosé Corti288 p., 17 €ISBN :978-2-7143-1036-6

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À LA CROISÉE

Pas à pas. Essai sur le cheminementquotidien en milieuurbainde Jean-FrançoisAugoyardCet essai se penche sur la question de la marche enmilieu urbain et, à traverselle, sur les pratiquesd’habitation. Pour sa secondeédition, il est accompagnéd’une postface de DavidAmes Curtis, philosophe et traducteur.

224 p., 25 €ISBN 978-2-912934-20-8

L'ACT MEM

Comme en remontantun fleuve. Choix depoèmesde Jean-Pierre FayeRemonter le temps à traversdes mots, des livres,jusqu'au premier souffle,

poème inédit de 1939,jusqu'à ce jour d'une violence furieuse.

collection Faut suivre366 p., 25 €ISBN 978-2-35513-056-4

ÉDITIONS ANNACHANEL

La Neige en étéde Régine Joséphine ; Bing Liu, ill.Dans un lointain paysd'Asie, une princesse espère des jours meilleurset trouvera finalement son bonheur grâce à un cerisier enchanté.

collection De toi à moi40 p., 15 €ISBN 978-2-917204-30-6

ÉDITIONS STÉPHANEBACHÈS

Le Bio-logique, le guide pratique à l'usage de l'éco-consommateur de Valérie Robert À partir d’une enquêtefouillée, l’auteur nous livreun décryptage des

COLOR GANG ÉDITIONS

Triptyque.com ou… ma langue au diablecollectif Après avoir proposé àplusieurs auteurs d'écrire un texte de théâtre sur le thème du diable ou descommunications modernes,le groupe des 20, associationréunissant 26 théâtres de villeen Rhône-Alpes, a sélectionnétrois textes. Regroupés danscet ouvrage, ils seront mis en scène dans un spectaclecoproduit avant la fin de l'année.

collection Exercices78 p., 14 €ISBN 978-2-915107-50-0

livres & lectures /récits

Un art de laisseraffleurerDans ce bref Rivages dudésordre, Fanny Gondran seplace au plus aigu, au plusdangereux de l’expériencelittéraire. En une sorte defunambulisme entre l’ur-gence à parler et la crainte dese montrer, dans la quêteinquiète du mot vrai, de l’émo-tion à vif, d’un rythme quipréserve silences et cassures.

Les quelques moments évoqués(autour de l’enfance, de la guerred’Algérie, de la rencontre avec lapsychanalyse) se révèlent autantépreuves du langage qu’épreuves desoi. Fanny Gondran cerne ces instantsoù la blessure ressentie pourrait menerà la désintégration. Mais aussi ceux oùelle parvient à s’avancer au-dessus duvide sans trébucher, grâce à la compa-gnie des mots, ceux de la littérature oùelle se ressource sans cesse, ceux de lapoésie au bord de laquelle elle se tient.Rivages du désordre : la cruauté dumonde est terriblement présente dèsl’enfance ; l’histoire est violente etinjuste, comme elle le ressent auprèsd’un père vilainement calomnié aprèsguerre ou d’un soldat aveugle auretour d’Algérie. Mais à la menace dechavirement, la justesse tremblée desphrases, timides et résolues à la fois,vient mettre sa très fragile bordure.La démarche autobiographique restediscrète, secrète, l’exposition de soi tou-jours proche du retrait, mais le tran-chant des mots s’impose, net, musical,

dans cette ponctua-tion de quelques ins-tants décisifs d’unevie. Un très beaulivre, tout de frémis-sements. C. B.

Fanny GondranRivages du désordreTarabuste85 p., 12 €ISBN 978-2-84587-203-5

cela s’avère néces-saire. Pour le reste ?« La tronçonneuse, cesera pour demain ».L’auteur a sûrementlu American Psycho,de Bret Easton Ellis,mais il a beaucoupplus d’humour que cedernier (« si tous lesenfants du monde setenaient la main, celam’éviterait de leurcourir après ») et vabeaucoup plus loinen croquant les agis-sements de son prédateur.Et quand il se protège (ou fait minede), c’est pour mieux enfoncer leclou. Ainsi de sa précision finale :« Les activités délictueuses des sociétésBouygues et TF1 sont totalementimaginées par le personnage pourcette fiction. Toute ressemblance, etc. »Julien d’Abrigeon est un fieffémenteur. Frédérick Houdaer

Julien d’AbrigeonLe ZaroffÉditions Léo Scheer, « collection Laureli »130 p., 15 €ISBN 978-2-7561-0213-9

Julien d’Abrigeon est un auteurpoli. Il tient à préciser, à la fin deson ouvrage, Le Zaroff, « qu’aucun

être humain ne fut tué, blessé ou

maltraité lors de l’écriture de ce

livre ». La précision n’est pasinutile, au regard de la centainede meurtres et de chasses quicomposent ce Zaroff en autantde courts textes.

D’Abrigeon est un poète (l’un desmembres fondateurs du collectif« Boxon »), et il est bon de se rappe-ler à quel point il faut se méfier despoètes. N’est-ce pas Rimbaud qui,déjà, prévenait à la fin d’Enfance :« Il y a enfin, quand l’on a faim etsoif, quelqu’un qui vous chasse » ?N’est-ce pas un célèbre auteurlyonnais qui a baptisé Affûts l’unde ses recueils de poèmes ?Qui dit « chasse », dit « traque »,« cavale ». Zarroff épie « un gars enforme de type », se promène « à pasde loup », joue au chat et à la sou-ris, écrase un professeur d’arts mar-tiaux « qui connaît le nom de sesmuscles », flingue une ou deux célé-brités (pas de noms, on risquerait demoins les reconnaître), n’hésite pasà s’équiper chez Kiloutou quand

Le Zaroff : un récit signé Julien d’Abrigeon

Est-ce ainsi que leshommes chassent ?

nouveautés des éditeursSélection des nouveautés des éditeurs de Rhône-Alpesréalisée par Émilie Pellissier

normes, labels, injonctionset mises en garde quirégissent le monde de l’éco-consommation. Accessible,pratique et illustré, ce guides’adresse à tous ceux quisouhaitent faire du bio un usage au quotidien.

collection Santé120 p., 12.50 €ISBN 978-2-35752-081-3

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CRÉAPHIS ÉDITIONS

Tanger, côté merde Michel Séonnet ;Olivier Pasquiers,photographiesUn texte littéraire divisé en neuf parties, complétéde neuf images, constituele portrait d'une ville port,une ville pauvre, entrenoirceur et soleil. Les photographies en noiret blanc, très contrastées,accentuent la dualitédécrite par les mots d'une vie où le labeur le dispute à l'espoir.

collection L'Animal fabuleux48 p., 9,5 €ISBN 978-2-35428-031-4

auteurs les plus marquantsde la science-fictionfrançaise.

collection La Bibliothèquevoltaïque413 p., 26 €ISBN 978-2-915793-95-6

PRÉ # CARRÉ

Le Grand Garçonde Pierre Présumey

Un livre-poème sur lemalheur, la douleur de la perte ou celle de grandir ; un mal si grand qu'il prend la forme d'un géant avançantdans la neige et le vent.

38 p., 15 €ISBN 978-2-915773-39-2

PUL (PRESSESUNIVERSITAIRES DE LYON)

Élire domicile : la construction socialedes choix résidentielsJean-Yves Authier, Catherine Bonvalet et Jean-Pierre Lévy, dir.Comment choisit-onaujourd'hui son logement et quels sont les facteurs qui contraignent nos choix ?Cette étude se penche sur la question en abordant

ses aspects économiques,sociologiques et géographiques.Avec de nombreux exemplespris au Québec mais aussi enEspagne, en Suisse, en Italie, enGrande-Bretagne ou en France.434 p., 22 €ISBN 978-2-7297-0828-3

ASSOCIATION ADATE

Écarts d'identité n°116.Vol. 1. Envolées féminines,égalité Homme-Femme, les voies de l'insertionQuestionnant toujoursl'intégration d'une populationdans un pays d'accueil, larevue s’attache à la doublediscrimination subie parcertaines femmes immigrées.

100 p., 11 €, ISSN 1252-6665

LES MOUTONSÉLECTRIQUES

Voix du futur.Entretiens avec 8auteurs de science-fictionde Richard ComballotDans une démarche à la fois littéraire, identitaireet patrimoniale, RichardComballot fait parler les

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regard

Chaque mois, retrouvez Géraldine Kosiak, en texte et en image, pour un regard singulier, graphique, tendre et impertinent sur l'univers des livres, des lectures et des écrivains...

Au travailCapitaine FictionLa rencontre du bon éditeur – entité incontournable,nécessaire – a toujours été une opération délicate.Mais, faut-il publier à tout prix ? Et que cherche-t-on,vraiment ? Surtout, à partir de quand un textedevient-il un livre ? Difficile d’y voir clairdans un manuscrit, une masse defeuillets en vrac, objet biscornu,en construction, trop court,ou souvent trop long, quoiqu’en pense l’auteur.De fait, pour le commun deslecteurs, il est assez rare de lireun « livre » à l’état brut, avantqu’il ne soit passé entre les mainsd’un éditeur digne de ce nom.Débutants, publié aujourd’hui, fait exception à la règle. Il s’agit dumanuscrit original d’un des ouvrages les plus célèbres de RaymondCarver, Parlez-moi d’amour, paru aux États-Unis en 1981, cela après avoirété amputé de moitié par son éditeur, Gordon Lish.Les deux hommes se connaissaient depuis 1967. L’année suivante, Lishavait publié une première nouvelle de Carver dans le magazine Esquire.De nombreuses autres suivirent. Fin mai 1977, l’écrivain avait cessé deboire. Il faut mettre chacune de ces étapes dans la perspective dulivre qui allait durablement modifier sa vie.

Gordon Lish n’était pas un perdreau de l’année,il se surnommait « capitaine Fiction ».Il a su mettre en relief toute l’étrangetédes récits de Raymond Carver. Pour cela,il n’a pas hésité à sabrer, remodeler lesparagraphes, simplifier une phrase, modi-fier une chute, changer un titre. Est-ilallé trop loin ? Les larmes aux yeux,Carver pensait que oui, trouvait quenon, hésitait. Nous ne saurons jamaissi Débutants (What We Talk When We

Talk About Love, titre original) auraitconnu le même succès que Parlez-moi

d’amour. Mais une chose est sûre, cesuccès a rassuré Carver, lui a donné une

confiance dont il avait tou-jours manqué auparavant :« Toutes les bonnes chosesqui me sont arrivées depuisParlez-moi d’amour m’ont

donné le désir de travaillerencore plus et encore mieux.

Ça m’a énormément stimulé.Aujourd’hui, je me sens plus fort que

jamais, et je n’ai jamais eu une visionaussi claire de mes buts. La “célébrité” m’a

rendu plus sûr de moi, et j’en avais bien besoin. »Raymond Carver considérait Gordon Lish comme son éditeur et sonami : « Après ma femme, et aujourd’hui Tess, vous êtes et avez été dansmon existence l’individu le plus important. »En dépit ou à cause de cela, l’une et l’autre, collaboration et amitié,prendront fin en 1983.

Raymond CarverParlez-moi d’amour et DébutantsÉditions de l’Olivier

chronique Géraldine Kosiak 16 /

ELLUG (ÉDITIONS LITTÉRAIRESET LINGUISTIQUES DEL'UNIVERSITÉ STENDHAL)

Walter Pater critiquelittéraire. Theexcitement of theliterary sensede Bénédicte CosteÀ travers cet ouvrage, c'est une vision singulière de l'histoire littéraire qui nous est transmise,celle du critique et essayisteanglais Walter Pater (1839-1894), plus connu pour ses écrits sur l'art.

collection Esthétique etreprésentation : mondeanglophone (1750-1900)260 p., 26 €ISBN 978-2-84310-162-5

REVUES

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livres & lectures /essais

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mais invisibles à autrui. Et c’estun combat toujours en partieperdu que de vouloir les mettreen mots. Notre vie psychiqueconstruit et colore ces imagesavec une liberté, une sensorialité,une mobilité inépuisables. Maisces images qui ont une telle forcede présence gardent un pouvoird’énigme. Tout en utilisant des

éléments de la réalité, c’est la force obscure denos exigences pulsionnelles qui leur donneleur intensité et leur plénitude.Et c’est un des merveilleux accomplissementsde la peinture que de restituer ou de créer desscènes, des lieux, des êtres qu’on sente ainsivisités par les yeux de l’âme. L’évocation ou lalecture très subtile de tableaux de Fra Angelico,Vermeer, Velasquez, Cézanne viennent étayer

et étoffer le propos de Rolland.« L’épiphanie de l’imagerequiert le silence du discours ».En même temps, « l’imagen’accède à la conscience qu’àla condition de se lier à desmots ». Champ du langage etdomaine de l’image sont com-plémentaires tout en s’ex-cluant… Cette contradictionest un des leviers comme undes défis avec lesquels la psy-chanalyse, qui est histoire demots (Talking Cure), travaille.La présence insistante etfuyante de ces images danslesquelles s’inscrivent et semêlent différentes strates denotre vie psychique y estsans cesse confrontée auxarêtes et aux découpes des

mots. Ce va-et-vient entre cet « en-deçà dulangage » que sont les images et les mots pourles transmettre à défaut de les dire donne unepart de sa complexité au parcours analytique.Il faut saluer le courage de Jean-Claude Rollandqui s’affronte au long de ce parcours tenduet exigeant à des questions théoriques viteabyssales. Il le fait avec une rigueur incisiveet une ferme élégance des formulations –comme avec une évidente passion pour lalittérature et l’art qui vient sans cesse relanceret aérer la pensée. Claude Burgelin

Jean-Claude RollandLes Yeux de l’âmeGallimard, « Connaissance de l’inconscient »268 p., 19 €ISBN 978-2-07-012940-9

Exils de CamusLes Douze Exils d’Albert Camus ne sont pas, loins’en faut, de doux exils. Ils ont pour nom l’exilfilial, l’exil maternel, social, politique, géogra-phique bien sûr (comment ne pas parler dubeau ciel lointain d’Algérie, celui de la GrandeKabylie qui lui manquera toujours terriblement)et sept autres formes de séparations radicalesque Michel Cornaton a choisi de désigner et dedécliner à la façon de cercles concentriques, spi-rales de sentiments et de ressentiments, agrégatsde sensations et de souffrances.On sent l’amoureux-spécialiste qui parvient à sefrayer un chemin entre l’homme et l’œuvre, fai-sant entendre avec empathie la voix exigeantede l’auteur du Mythe de Sisyphe, son style plusque passionné. Un mélange de mots brûlants etd’images somptueuses qui nous montre Camusdans toute sa vérité d’être irréductible, sa bles-sure intime aussi : « Point de patrie pour le déses-péré et moi, je sais que la mer me précède et mesuit, j’ai une folie toute prête. Ceux qui s’aimentet sont séparés peuvent vivre dans la douleur,mais ce n’est pas le désespoir : ils savent quel’amour existe. Voilà pourquoi je souffre, les yeuxsecs, de l’exil… » R.-Y. R.

Michel CornatonLes Douze Exils d’Albert Camus suivi deD’Albert Camus à Pablo NerudaL’Harmattan87 p., 11 €ISBN 978-2-296-11218-6

APA, ASSOCIATION POURL'AUTOBIOGRAPHIE

La Faute à Rousseaun°54. L'OubliComment l'art traite-t-il ou se sert-il de l'oubli, cetteimmensité qui est l'envers dela mémoire et touche autantà la question de l'identitéqu'à celle de la mort ? Une succession d'articlesrépondront à leur manière à cette question, s'appuyantsur des exemples divers, deDuras à Modiano, en passantpar Christian Boltanski.

88 p., 9 €, ISSN 1168-4704

GLÉNAT

L’Alpe 50 – Le Tourismepour métierDepuis 13 ans, journalistes et spécialistes en scienceshumaines se penchent sur les cultures et lespatrimoines de l’Europealpine. Un zoom est cettefois proposé sur ce que sontdevenus aujourd’hui lesmétiers de la montagne.Quelles évolutions ont subices activités de gestion et de mise en valeur d’unpatrimoine collectif ? Quellessont leur implication dansl’économie touristique ? Cecinquantième numéro tentede répondre à ces questions.

96 p., 15 €

ISBN 978-2-7234-7823-6

Une somme aux ÉditionsJérôme MillonC’est un pari fou qu’ont réalisé les Éditions JérômeMillon en proposant une traduction française dufameux Dictionnaire des sentences latines et grecquesde Renzo Tosi. 1 792 pages constituent cette somme de2 286 proverbes, locutions et citations littéraires issusde la littérature antique et chrétienne comme desauteurs du Moyen Âge et de la Renaissance. On y décou-vrira l’origine des sentences, leur signification et leurhistoire, et surtout à quel point notre monde moderne estl’héritier de la culture classique, omniprésente dans le

langage quotidien. Un véritableévénement éditorial. L.B.

Renzo TosiDictionnaire des sentenceslatines et grecquesTraduit de l’italien par RebeccaLenoirÉditions Jérôme Millon1792 p., 29 €ISBN 978-2-84137-258-4

La présence des images selon Jean-Claude Rolland

L’image et sa magieLes Yeux de l’âme poursuivent les pistes ouvertes par le pré-cédent ouvrage de Jean-Claude Rolland, Avant d’être celui

qui parle (2006). Cette suite d’études continue d’explorer unedes questions les plus difficiles qui soient : les rapports del’image et du langage dans la construction archaïque du sujet.

Alors que tout un pan de la psychanalyse (Lacan) a tentéd’éclairer comment le langage structure la formationde l’inconscient, c’est sur les pouvoirs fondateurs del’image, « outil premier de la vie de l’esprit », qu’insisteJean-Claude Rolland.Dès notre proto-histoire s’ouvrent les « yeux del’âme ». Ce qu’on voit grâce à eux – dans le fantasme,le rêve, la mémoire – est justement ce qui ne se peuttransmettre. Ce sont des images pour nous visibles,

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ERRATUM : Parmi les nouveautésde septembre, nous annoncions chezSymétrie le livre de Nicole Wild,Dictionnaire des théâtres parisiens auXIXe siècle, or cet ouvrage ne paraîtrapas avant la fin de l’année et seravendu au prix de 120 € (et non 92 €).

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carnet de voyage

Livre & Lire : journal mensuel, supplément régional à LivresHebdo et Livres de France, publié par l'Agence Rhône-Alpespour le livre et la documentation.

Je suis à KribiLe Théâtre des marionnettes Guignol de Lyon et l’as-sociation de Yaoundé Le Jeune Auteur ont organiséune résidence internationale d’écriture au Cameroun,en juillet, avec quatre auteurs camerounais et fran-çais. Au programme, séances d’écriture sur le thèmede la marionnette, ateliers avec des enfants, lecturescritiques des textes et fabrication de marionnettes.Le projet, soutenu par la Région Rhône-Alpes, l’am-bassade de France au Cameroun et la Mairie de Kribientend promouvoir le frottement des écritures fran-cophones. En attendant l’édition et/ou la mise enscène des textes, l’ambiance de la résidence est àdécouvrir sur : http://ecrireakribi.blogspot.com.

Carnets croisés de Stéphanie Lefort (coordinatrice)et Judith Lesur (auteur)

Épisode 11er juillet 2010 – Vol RAM en partance pour Kribi,CamerounEst-ce que la ville de Kribi existe avant le 1er juillet 2010 ?Est-ce que ça n’est pas une fausse espérance ? Kribi…Ça me racle dans la gorge, en trois consonnes et unevoyelle orpheline, ce kre-kre-kre creuse une tranchéefroide dans mon estomac : Kribi, le Cameroun avec desgens dedans.(590 km de côtes atlantiques, une jolie piscine à vaguespeuplée de sirènes mangeuses d’enfants).Se mettre en branle pour Kribi. (Ville située dans le sudouest du pays, à l’embouchure du fleuve Kienké)

Il faudra simplement écrire. Personne ne me demanded’écrire l’Afrique. C’est moi que je trimballe là-bas, avecma peau-éponge et la marmite de mon inconscient.

Épisode 2Gare routière de Douala. 3 juillet 2010, une date englou-tie dans les soutes de l’autocar qui accuse deux heuresde retard. Sur un banc, me faisant face, une femme serépand, de toute sa lourde fatigue envahit une rangée desièges. M’asseoir dessus ?

Les pores de mon éponge sont béantes ; c’est la moiteur.Je laisse faire mes yeux, et leur filtre, un tamis. Le tempsque les choses s’infiltrent, se déposent, sédimentent, et lesclichés de surface auront disparu. En attendant, palmiers,poussière, dents blanches, moustiques.

Épisode 6Les jours suivants.Je prends à droite, passe devant une baraque qui ren-seigne fièrement « on est bien ici », répond aux salutsdes femmes, je fais encore quelques pas et rejoins la sallecommunautaire où nous attendent les enfants. Chaquejour, pendant vingt jours, le même chemin, on est bienici, le coq a pris de l’âge et moi aussi, ça grimpe dur, etretour, à l’heure où le soleil est le plus chaud, encore lelendemain, je découvre une épicerie à l’angle de maroute, tout est si sombre, j’avais pris cette petite mai-son de planches pour autre chose, un débarras, un lieude possible repos à même le sol, un abri pour les joursde pluie, un espace de quatre mètres sur quatre danslequel, un jour, on stockerait toute une quincaillerie, dela ferraille et des ficelles, des pneus, des tuyaux, des bou-teilles d’essence, mais non, juste une épicerie, chaquejour le même chemin, il devient délicieux, je le digère.

J’écoute mes collègues d’écriture. Sang de palme et peaude coco. J’ai le tamis tout frémissant, ça coule, ça débordede la marmite. Je nage dans leur Afrique, brasse coulée,papillon. Je leur présente Massibotu. Ils ne me deman-dent pas ce qu’il y a à l’intérieur de la bourse qu’il porteà son cou. Ils savent.

Épisode 724 juillet 2010. Un ciel de bois écrase le village de Kribi.Je me lève. Je vais dans la salle de bain. Je tourne le robi-net dans un sens, dans l’autre, quatre fois de gauche àdroite jusqu’à ce qu’il me reste dans les mains. Le plusétonnant n’est pas cette mollesse avec laquelle je merésigne à cette troisième journée sans eau. C’est autrechose, c’est dehors, c’est l’épisode suivant, c’est moi,indifférente, suivant du regard un gamin qui porte sursa tête une lourde bassine remplie d’eau. Voilà, je le suisdu regard et je l’enterre lâchement dans le sable d’oùrien ne poussera jamais.Kribi m’a mangée.

Je quitte Kribi, mais Kribi ne me quitte pas. La peaugorgée d’images. À mon cou, une bourse retenue parun lacet de cuir. Dedans, l’histoire de Massibotu.

Épisode 37 juillet 2010. Sur le parapet d’une baraque en bois, uncoq. Il est là depuis mille ans. Je traîne mes guêtres surun chemin rouge, je n’y suis pas encore, je tourne autourdes arbres. J’ai mangé des feuilles et sucé la tête dumaquereau, sucé mes doigts, poissé ma bouche. Je croisedes sorciers sans les reconnaître, me sens maraboutée,perds pied, me noie.

Je ne sais pas qui est Massibotu. Sous ses talons, lapoussière rouge de la brousse se mélange au sable deKribi. Il a sous le bras un coq noir à crête rouge sang.Il a au cou un lacet de cuir retenant une bourse. Je nesais pas encore ce qu’il y a à l’intérieur. Il traverse lesmailles de ma moustiquaire et s’installe sur ma feuille.

Épisode 4Oublié le décompte des jours, ne sais plus l’heure, mesurele temps aux pas traînants des hommes de Mboamanga.Ce matin, je rencontre la petite marchande d’allumettes,demain je boirai du vin de palme, je suis suis suis, je suis,je suis à Kribi. Je suis. Je sue aussi.

Chaque nuit, Massibotu me présente un nouveau membrede sa famille. La jambe de sa mère. La langue de sonfils. Il brasse le tamis de mes yeux et les feuilles du bada-mier bruissent à travers, la mer joue son ressac sous mespaupières. Kssst kssst la blanche, elle vient, ton histoire ?

Épisode 5Plus tard, dans la nuit. Tango fiévreux des margouillatssur le toit de tôle.Devenir Kribi. (40 000 habitants, autant de pirogues,approximativement).Un matin, j’entends l’océan gémir au pied des coco-tiers. Ça y est, j’y suis, je surprends de leurs lointainespirogues la supplique des pêcheurs et déjà je salivedu poisson braisé qu’une femme batanga me cuisi-nera ce soir. C’est promis, j’offrirai de la nourritureau Miengu pour m’attirer les bonnes grâces dupeuple de l’eau. J’y suis, je suis là et je vais, commeles initiés, nager entre les cuisses de mamie Watta.Je passe inaperçue. J’ai mangé Kribi.

Donc, j’écris. Quand je marche. Quand je mange. Dans lapâte caoutchouteuse du bâton de manioc. Sous l’étoffedu boubou coloré. Sur l’échine pelée du chien. Entre lesvagues. Mes pieds dans les empreintes de Massibotu.

Directeur de la publication : Geneviève Dalbin

Rédacteur en chef : Laurent Bonzon

Assistante de rédaction :Marion Blangenois

Ont participé à ce numéro : Alexandre Bergamini, NicolasBlondeau, Claude Burgelin, Frédérick Houdaer, Géraldine Kosiak, StéphanieLefort, Judith Lesur, Émilie Pellissier, Vincent Raymond et Roger-Yves Roche.Remerciements à Véronique Gay-Rosier.

Livre & Lire / Arald 25, rue Chazière - 69004 Lyon tél. 04 78 39 58 87 fax 04 78 39 57 46 mél. [email protected] www.arald.org

Siège social / Arald1, rue Jean-Jaurès - 74000 Annecy tél. 04 50 51 64 63 - fax 04 50 51 82 05

Conception : PerluetteImpression : ImprimerieFerréol (Imprim'Vert). Livre & Lire est imprimé sur papier 100% recyclé avec des encres végétales

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