livre blanc - les jeunes et lentrepreneuriat familial

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LES JEUNES ET L’ENTREPRENEURIAT FAMILIAL 2016 PROPOSITIONS POUR LEVER LES FREINS à LA CRéATION OU L’INTéGRATION D’ENTREPRISES FAMILIALES LIVRE BLANC Miruna Radu Lefebvre @RaduLefebvre Vincent Lefebvre @VLEntrepreneur @audencia

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Les jeunes et L’entrepreneuriat famiLiaL

2016

ProPositions Pour lever les freins à la création ou l’intégration d’entrePrises familiales

livre blanc

miruna radu Lefebvre@radulefebvre

Vincent Lefebvre@vlentrepreneur

@audencia

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2Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

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3Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

sommaireprÉfaCe p4

mÉthodoLogie et rÉsuLtats p7

mÉthodoLogie de L’Étude p8

entreprendre en famiLLe p13

saLariÉ dans une entreprise famiLiaLe p26

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4Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

prÉfaCeMagnifiques par leurs performances, les entreprises familiales ont une image paradoxale et souvent erronée.

Leur image est paradoxale. D’un côté on leur reconnait d’immenses qualités : parce qu’elles s’inscrivent dans la durée au sein de communautés humaines solides, on sait qu’elles réussissent mieux à long terme. De même, elles présentent un visage souvent plus humain et responsable de l’entreprise. D’une autre coté pourtant, force est d’admettre que les entreprises familiales ne parviennent pas à séduire totalement…. Pourquoi ? D’où vient ce paradoxe ?...

C’est l’immense mérite du présent « livre blanc sur l’entrepreneuriat familial » de s’attaquer à ce mystère. Sans aucun tabou, on découvre enfin la nature des préventions des jeunes générations à l’encontre de l’entrepreneuriat familial et des entreprises familiales. Par-delà le diagnostic et les questions posées, l’intérêt de ce premier «  livre blanc  » réside dans les recommandations proposées et les nombreux témoignages de professionnels.

On découvre alors que les préventions à l’encontre des entreprises familiales sont très souvent erronées. Car les entreprises familiales ont évolué et ne

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5Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

correspondent plus à la caricature qu’elles portent trop souvent encore. Loin d’être des lieux de conservatisme, de népotisme ou de conflits, les entreprises familiales sont un formidable terreau pour quiconque souhaite réellement travailler en groupe, entreprendre et grandir.

En tant que dirigeant familial, je peux témoigner de mon expérience. Fleury Michon est une entreprise vendéenne centenaire qui compte 3.800 salariés pour un chiffre d’affaire de 750 M€. Nous sommes la 2nde marque alimentaire la plus achetée en grande surface et voulons devenir la marque alimentaire préférée des français. Leader sur tous nos marchés, nous progressons plus vite que nos concurrents qui sont souvent d’immenses multinationales. Nous connaissons une forte croissance à l’international (Amérique du nord, Italie, Espagne). Nous voulons devenir un acteur majeur des nouveaux services alimentaires liés au digital. Ce projet, ambitieux mais réaliste, est celui d’une entreprise familiale. Une entreprise familiale qui a compris la nécessité absolue de s’ouvrir pour avancer. Chez Fleury Michon ce n’est pas la famille mais l’intérêt général qui préside. Le mérite est notre seul critère de promotion. Comme dans beaucoup d’entreprises familiales, les rejetons familiaux ne bénéficient d’aucun passe-droit et n’occupent pas les principaux postes de direction. Quiconque nous rejoint est donc garanti de faire une belle carrière, avec de nombreuses possibilités d’évolution et la possibilité un jour peut-être de diriger le Groupe  ! Cotés en Bourse, nous voulons avant tout grandir et faire grandir les Hommes qui nous rejoignent. Etre une entreprise familiale nous donne la sérénité de travailler dans la durée, en assumant totalement notre vocation d’entreprise responsable.

Bravo donc à cette initiative du « livre blanc » sur l’entrepreneuriat familial. Il contribue à poser les bonnes questions et à interpeller les préjugés de chacun. Longue vie à nos entreprises familiales qui sont le cœur trop caché mais pourtant vibrant de notre économie !

grégoire gonnordPrésident de Fleury MichonMembre fondateur de la Chaire Entrepreneuriat Familial et Société d’Audencia Business School

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6Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

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dr Vincent LefebvreAudencia Business SchoolProfesseur associé en entrepreneuriatResponsable de la majeure entrepreneuriatResponsable de l’animation du Startup Lab

7Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

L a Majeure Entrepreneuriat d’Audencia Business School a réalisé au cours du second semestre 2015 un travail de fond visant la réalisation d’un Livre Blanc sur l’Entrepreneuriat Familial. Ce travail a été abordé au travers de deux axes

permettant de mieux comprendre le monde de l’entrepreneuriat familial. Dans un premier temps, les étudiants se sont intéressés à la question de l’entrepreneuriat familial sous l’angle de la création d’entreprise en famille : avec quel autre membre de leur famille les étudiants d’Audencia envisagent-ils de créer une entreprise et quels sont selon eux les principaux risques et difficultés liés au fait d’entreprendre en famille ? Dans un deuxième temps, les étudiants ont exploré un autre questionnement, celui du travail en tant que salarié au sein d’une entreprise familiale déjà existante : souhaitent-ils rejoindre ce type de structure en tant que salariés et quels sont les principaux freins qu’ils perçoivent quant à ce choix de carrière ?

mÉthodoLogie et rÉsuLtats

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8Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

mÉthodoLogie de L’ÉtudePour identifier les problèmes, les freins ou les difficultés qui se posent quant à ces deux perspectives sur l’entrepreneuriat familial, un premier travail d’identification a été réalisé avec les 25 étudiants de la majeure entrepreneuriat. les éléments de réponse ont été ensuite soumis à l’ensemble des étudiants d’audencia group et de l’ensa afin d’aboutir à un classement des 5 enjeux les plus cités pour chaque problématique - entreprendre en famille et rejoindre une entreprise familiale. 102 répondants se sont ainsi prononcés sur le questionnaire proposé, ce qui a permis de recueillir des avis conduisant à un ensemble de 10 enjeux les plus cités.

c’est à partir de ce classement que les étudiants de la majeure entrepreneuriat ont travaillé en équipe afin de formuler des propositions concrètes visant à lever les 10 principales difficultés identifiées.

les étudiants de la majeure ont ensuite confronté leurs propositions aux avis experts des acteurs de l’écosystème de l’entrepreneuriat familial (créateurs et successeurs d’entreprises familiales, accompagnateurs d’entreprises familiales).

ce livre blanc est le reflet de leur travail.

l’étude réalisée a aussi permis au travers du questionnaire administré d’identifier des résultats inédits ainsi que de mettre en lumière certaines corrélations qui reflètent des intuitions que l’on peut avoir quant à l’entrepreneuriat familial, tout en nous surprenant parfois avec des renseignements inattendus.

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9Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

Variables indépendantes le questionnaire a été administré auprès des étudiants d’audencia business school, de l’eac, de sciences com et de l’ensa. ci-dessous la répartition des 102 répondants.

Origine des répondants

Plusieurs variables individuelles ont été prises en compte afin de mieux qualifier l’échantillon de répondants. nous avons pris en compte :

• Le genre• L’intention entrepreneuriale• Le désir de rejoindre en tant que salarié une entreprise

familiale• L’expérience antérieure dans le cadre d’une entreprise

familiale• La présence d’un entrepreneur dans le cercle familial.

voici les différents résultats relatifs à ces variables. une majorité de femmes a répondu au questionnaire (60 femmes et 42 hommes). Parmi les répondants, l’intention entrepreneuriale est élevée : sur une échelle de 1 à 10, la majorité de répondants (58) a indiqué une intention supérieure ou égale à 7  ; 28 répondants ont indiqué une intention d’entreprendre entre 4 et 6  ; enfin, 16 répondants ont déclaré une intention entrepreneuriale basse.

majoritairement, les répondants ont un désir mitigé de rejoindre une entreprise familiale : 55 répondants indiquent, sur une échelle de 1 à 5, une intention de 2 à 3 ; 10 répondants indiquent une intention faible alors que 37 répondants ont indiqué une intention forte de 4 à 5.

Niveau de désir pour rejoindre une entreprise familiale

Presque la moitié des répondants a déjà eu une expérience dans le cadre d’une entreprise familiale (48 étudiants).

Expérience antérieure dans une entreprise familiale

enfin, les étudiants répondants ont très majoritairement des entrepreneurs dans leur cercle familial  : 69 étudiants ont des entrepreneurs dans leur famille.

Entrepreneurs dans le cercle familial

L’identification des problèmesl’objectif de cette étude était d’identifier les principaux problèmes et difficultés relatifs d’une part à l’acte d’entreprendre avec un membre de sa famille et d’autre part au fait de rejoindre en tant que salarié une entreprise familiale.Pour ceci, dans une première phase de l’étude, les étudiants de la majeure entrepreneuriat ont identifié 20 problèmes et difficultés pour les deux problématiques. dans la deuxième phase de l’étude, nous avons repris la liste de ces problèmes et difficultés et nous les avons soumis à notre échantillon. les répondants étaient invités à s’exprimer sur le degré d’importance du problème ou de la difficulté en utilisant des échelles likert allant de 1 (pas du tout pertinent) à 5 (totalement pertinent).

a

faible

audencia business school

moyen

eac

nonoui

Haut

ensasciences comuqam Québecfamille d’un étudiant

nonoui

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10Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

Les 5 problèmes ayant réuni le plus haut score concernant le fait d’entreprendre avec un membre de sa famille sont les suivants (le score indique la somme des scores attribués, le score moyen indique le positionnement moyen sur l’échelle de likert en 5 points) :

Les 5 problèmes ayant réuni le plus haut score concernant le fait de rejoindre une entreprise familiale en tant que salarié sont les suivants :

Score Score moyen

Les conflits familiaux risquent d’influencer la vie de l’entreprise

et les problèmes de travail risquent d’affecter les relations au sein

de la famille

410 4,02

Il est difficile de dissocier vie professionnelle et vie personnelle en raison du mélange des relations

familiales et professionnelles

392 3,84

Il est difficile de dire à un membre de sa famille que sa performance en entreprise n’est pas adéquate

383 3,75

Il y a un risque financier pour la famille qui peut perdre

ses investissements et son travail en même temps

350 3,43

Il est difficile d’évaluer des compétences et de rémunérer

correctement des membres de sa famille

338 3,31

Score Score moyen

L’attachement familial peut entraver la flexibilité et la rapidité

de la prise de décision

334 3,27

L’entreprise risque de disparaître en cas de problèmes au sein

de la famille

333 3,26

Il y a un risque de népotisme dans le processus de recrutement

324 3,18

Il y a un risque d’absence d’évolution sur des postes

stratégiques si l’on n’est pas de la famille

319 3,13

Les salaires risquent d’être plafonnés car choix financiers

guidés par une vision patrimoniale

304 2,98

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11Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

Les membres de la famille avec lesquels je pourrais entreprendrenous avons également souhaité savoir avec quels membres de leur famille les étudiants envisageraient d’entreprendre si l’occasion se présentait. ci-dessous, le nombre d’occurrences des différents membres de la famille cités par les répondants:

B

FrèrE

COUSIN

SœUr

COUSINE

PèrE

ONCLE

MèrE

TANTE

51%

47%

44%

34%

30%

27%

9%

7%

Coup de projecteur sur certains résultatspréférence d’association pour entreprendre  : une affaire de génération, de degré et de genre

nous avons réalisé certains tests afin de vérifier quelles sont les tendances relatives au profil des personnes avec lesquelles les étudiants envisageraient de s’associer au sein de leur famille.cela nous a éclairés sur certains aspects :les étudiants préfèreraient s’associer avec des membres de la même génération (155 citations contre 94 pour la génération d’au-dessus),les étudiants préfèreraient s’associer avec des membres de leur famille du premier degré (176 citations contre 73 pour les membres de la famille du second degré),les étudiants ne manifestent pas de préférence notable en fonction du genre (134 citations sont des figures masculines et 115 des figures féminines).

nous avons également souhaité examiner s’il y avait un écart entre les répondants hommes et femmes. un écart notable est apparu. s’il n’y a pas d’écart quant aux figures masculines et féminines au niveau de l’échantillon total, il en est autrement lorsque l’on regarde les résultats en fonction du genre du répondant. ainsi, on peut constater que les hommes s’associeraient davantage avec des hommes là où les femmes s’associeraient de manière équivalente avec des hommes ou des femmes. l’écart entre les deux sexes est de 7 points et il est significatif d’un point de vue statistique.

C

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12Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

L’expérience en entreprise familiale relativise la perception des problèmesles répondants ayant eu une expérience dans le cadre d’une entreprise familiale ont tendance à faire baisser les scores attribués aux différentes difficultés relatives au fait de rejoindre une entreprise familiale. en d’autres termes, mieux on connait les entreprises familiales, moins on y perçoit des difficultés et plus ces difficultés semblent peu importantes.

Le désir de rejoindre une entreprise familiale impacte la perception des difficultésil en est de même lorsque l’on prend en compte les scores attribués aux difficultés par les étudiants qui sont désireux de rejoindre une entreprise familiale. leur perception des difficultés est minorée.

L’intention entrepreneuriale impacte la perception des problèmes relatifs à l’entrepreneuriat en famillePlus le niveau d’intention entrepreneuriale est faible, plus les scores attribués aux différentes difficultés sont élevés. ceux qui souhaitent entreprendre pensent que les freins sont moins importants alors que pour ceux qui ne souhaitent pas entreprendre, les barrières perçues à la création en famille sont plus fortes.

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13Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

entreprendre en famiLLe

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14Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

1. Les conflits familiaux risquent d’influencer la vie de l’entreprise et les problèmes de travail risquent d’affecter les relations au sein de la famille. arthur Bara - Clément de monts - paul Loiseau

il n’existe pas de définition universelle de l’entrepreneuriat familial. de nombreux auteurs se sont prêtés à l’exercice, mais nous nous retrouvons avec autant de définitions que d’auteurs. selon litz (2008), toutes les définitions s’appuient sur l’un ou plusieurs des critères suivants:l’actionnariat familial (le contrôle)l’implication de la famille dans le management de l’entreprisele désir de transmettre aux générations suivantes.toutefois, on a beau prendre en compte le management ou les critères de propriété de l’entreprise relatifs à la famille, ceci ne suffit pas à définir une entreprise familiale. selon chua (1999), « il faut aussi prendre en compte les intentions de la coalition dominante contrôlée par la famille et leur vision de l’entreprise par rapport aux générations suivantes ».

le monde de l’entreprise et celui de la famille sont deux univers très différents, qui reposent sur des relations de nature différente entre les acteurs et sur des objectifs distincts. lorsque ces deux univers s’articulent et s’entrecroisent afin de constituer une entreprise familiale, de nombreuses difficultés peuvent surgir en raison des enjeux émotionnels très profonds entre les membres de la famille travaillant dans l’entreprise. la principale approche que nous allons développer concernant la prise en compte de ce risque va être celle de la perméabilité entre les sphères professionnelles et familiales. la spécificité des entreprises familiales réside dans les interactions quotidiennes entre ces deux sphères. le risque principal est la propagation des conflits d’une sphère à l’autre. ainsi il convient de réfléchir à des solutions permettant « d’imperméabiliser » ces deux sphères.

propositions1. afin de limiter les impacts qu’ont les problèmes familiaux sur la vie en entreprise, une définition précise des postes occupés est nécessaire.

2. Plus la part des employés extérieurs est forte, plus on diminue le risque de conflits entre membres de la même famille.

3. Plus de personnes externes à la famille interviennent dans la prise de décision, moins les conflits familiaux ont d’impact sur cette dernière.

4. une culture et des valeurs familiales proches de celles de l’entreprise auront tendances à limiter les conflits entre membres de la famille.

5. bien délimiter les moments consacrés à l’entreprise des moments consacrés à la vie familiale. (par exemple, décider qu’au diner on n’aborde aucun sujet d’ordre professionnel).

6. les bénéfices tirés par chacun des membres de la famille au sein de l’entreprise doivent être répartis avec équité, c’est à dire proportionnellement à l’investissement personnel de chacun.

7. népotisme encadré  : le népotisme est une pratique familiale très courante, il convient de l’encadrer avec des règles claires afin d’éviter des conflits. Par exemple, s’assurer que l’intégration d’un membre de la famille apparaît comme légitime et rationnelle aux yeux des autres collaborateurs.

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15Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

entretien aVeC…

pouvez-vous nous présenter dynamique entrepreneuriale en quelques mots ?« dynamique entrepreneuriale représente aujourd’hui un ensemble de médias à destination des entrepreneurs. d’abord, c’est un magazine diffusé à 69 000 exemplaires, aujourd’hui leader sur son secteur, et ensuite un site internet. Plus récemment, nous avons développé un club de dirigeants qui compte désormais un peu plus de 90 membres et qui connait une croissance qui s’accélère.  »

Comment avez-vous réparti les rôles entre vous et votre frère julien ?« Julien supervise les pôles développement web, le pôle commercial publicitaire et tout ce qui touche au graphisme. Pour ma part, je m’occupe de ce qui touche à la rédaction (print et web), du club ainsi que de la gestion. Je suis également sur un projet d’un troisième média - télévision.cela n’a pas toujours été ainsi, car au début Julien supervisait la gestion et je m’occupais du commercial. nous avons inversé nos fonctions car le commercial m’ennuyait et la gestion le stressait même si en réalité avec le club je suis un peu revenu au commercial et lui, il a mis en place

les outils de facturation donc a repris un peu de gestion. »

avez-vous mis en place des dispositifs particuliers afin de distinguer vie privée et vie professionnelle ?« Pas vraiment et il n’y a pas de frontière réelle qui existe dans notre cas car nous travaillons tous les deux énormément. nos deux vies sont un peu confondues, peut-être parce que notre vie professionnelle est devenue une passion. Je pense que nous évitons de nous appeler le soir pour parler de travail sauf urgence, même si nous avons d’autres moyens de communiquer. »

olivier nishimataDG et rédacteur en chef, Dynamique entrepreneuriale

si un conflit surgit dans la sphère privée, comment faite-vous pour qu’il n’impacte pas le travail ?« nous sommes frères donc depuis que nous sommes petits nous nous disputons. nous évitons tant que possible que le conflit éclate au travail aujourd’hui, même si cela n’a pas toujours été le cas. mais comme ni lui ni moi ne sommes rancuniers, cela ne rejaillit pas vraiment sur notre vie privée. »

avez-vous un exemple d’une situation où vous avez pu éviter qu’un problème de travail affecte la relation personnelle avec votre frère ?«  Pas vraiment car cela n’affecte jamais notre relation personnelle, comme je le disais. au bout de 10 minutes après une dispute, c’est comme s’il ne s’était rien passé (rires). »

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16Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

2. il est difficile de dissocier vie professionnelle et vie personnelle en raison du mélange des relations familiales et professionnelles. marie Betbeze - maxime Chartier - thibault Biard

nous avons tendance à séparer le travail et la famille ; en effet, il nous a été souvent répété qu’il faut dissocier la sphère personnelle et la sphère professionnelle. cette idée est tout à fait recevable, et même acceptée par de nombreuses personnes. toutefois, il peut arriver dans certains cas que l’on soit obligé de mélanger ces deux mondes que tout oppose. c’est le cas de l’entrepreneuriat familial. Pourquoi associer entrepreneuriat et famille ? de nombreuses études ont montré un lien entre ces deux termes. en effet, l’entrepreneuriat se distingue par ses valeurs, le savoir, le savoir-faire et le savoir être qu’il faut posséder pour créer son entreprise. or, quel est le meilleur vecteur de ces valeurs si ce n’est la famille ? la corrélation semble alors évidente. dans une famille, si l’un des parents est entrepreneur, il existe une probabilité forte que leurs descendants deviennent également créateurs d’entreprises. il est donc plus aisé d’entretenir « une flamme entrepreneuriale » dans une entreprise familiale. la création d’une entreprise familiale a de fortes chances de garder ses valeurs pendant de nombreuses années, ce qui peut constituer un avantage face aux concurrents, car cette entreprise sera plus innovante, à la recherche de nouveaux produits, procédés. mais d’un autre côté, il a toujours été compliqué de concilier la vie professionnelle et la vie personnelle, et c’est d’autant plus vrai dans une entreprise familiale.notre objectif est de proposer ici des solutions afin de concilier ces deux termes, afin que la vie dans l’entreprise n’influe pas sur la vie de famille et inversement. mais nous verrons que le cloisonnement pur et simple de chaque partie de vie n’est pas forcément la meilleure solution.

propositions1. Créer un code de conduite notre première proposition est de créer un code de conduite stricte qui serait en fait une « charte familiale » qui lierait tous les membres de la famille. comme la populaire expression « les paroles s’envolent, les écrits restent », avoir un document signé de sa propre main a beaucoup plus de poids que de simples paroles. cette charte familiale devrait faire l’objet d’une discussion approfondie avant même la création d’une entreprise. le but premier de cette charte serait de déterminer les mo-ments durant lesquels il est adéquat de parler d’affaires et les mo-ments durant lesquels il ne l’est pas : passé une certaine heure, durant le déjeuner, le week-end, etc. la résultante de cette charte, si bien suivie, serait de ne pas rapporter de travail à la maison et de toujours être en mesure de dissocier le travail et la famille. de ce fait, on évite également de lier des problèmes professionnels aux problèmes fami-liaux. de plus, ceci permet aux membres de la famille d’être toujours clairs sur la portée de leur conversation : soit elle est personnelle, soit elle est professionnelle.

2. différencier au maximum les activités professionnelles des membres de la famillenotre deuxième proposition consiste à penser que plus les compé-tences professionnelles sont différentes, moins il y aura de possibi-lité d’exporter les conversations à l’extérieur du lieu de travail. dans le meilleur des mondes, les membres de la famille devraient avoir des connaissances complémentaires et non similaires. de ce fait, chacun devrait se spécialiser dans un domaine particulier et y acquérir de la légitimité. a titre d’exemple, pour un diplômé d’école de commerce, il y

a moins de risques de mélanger vie professionnelle et vie familiale avec un membre de la famille ayant une formation d’ingénieur ou de juriste. Plus les tâches de chacun des membres de la famille seront distinctes et distantes l’une de l’autre, plus facile il sera de dissocier vie pro-fessionnelle et personnelle. nous savons pertinemment que dans le cas d’une jeune entreprise, une start-up par exemple, les membres touchent à tout. il faut donc être particulièrement prudent dans ce contexte afin d’introduire de la différence et de la distance permettant de protéger la vie personnelle par rapport à la vie professionnelle.

3. L’emploi d’un médiateurnotre dernière proposition concerne les conflits au travail. bien que l’on essaie tous de le faire, il est humainement impossible de parfaitement dissocier le travail de notre vie familiale. des études ont également révélé que les conflits familiaux survenant dans le milieu du travail ont beaucoup plus de chances de refaire surface en situation purement familiale qu’une simple conversation professionnelle. ainsi, de nom-breux problèmes trouvent leurs genèses dans des conflits de travail non réglés et qui continuent en dehors des lieux de travail. afin de ré-gler cette situation, nous proposons l’appel à un médiateur. lorsqu’une décision importante doit être prise et que les membres de la famille ne peuvent aboutir à une entente, ce doit être un médiateur, non issu de la famille, et reconnu pour sa neutralité qui intervienne. idéalement, ce médiateur devra avoir été nommé à l’unanimité par tous les membres de la famille. cela ne réduira pas le risque ou le nombre de conflits, mais cela empêchera que le conflit s’envenime et qu’il se transpose sur les relations extra-professionnelles. les administrateurs indépendants sont susceptibles de pouvoir jouer ce rôle de manière efficace.

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17Les jeunes

et l’entrepreneuriat familial

Que pensez-vous de l’utilité de la création d’un code de conduite ou d’une charte familiale ?

« nous, on a créé la société, et avant de la créer on a beaucoup échangé sur les ambitions de chacun et les objectifs afin de fixer des règles. au démarrage, on a rédigé chacun une lettre, ensuite on l’a mise en commun et on a fixé ces règles, que l’on a chacun de son côté signé et que l’on garde, et qui sont les règles de base de notre relation afin d’éviter tous les travers que peut avoir l’entrepreneuriat familial. Par exemple, on s’est fixé comme règle de ne pas travailler après 20h, ni le week-end. l’avantage de le faire au démarrage, c’est qu’au démarrage il n’y a rien, c’est facile de discuter. Pour nous c’est une des clés. un démarrage ou une reprise d’ailleurs. mais c’est de pouvoir discuter quand tout va bien, et qu’il n’y a rien encore, de pouvoir poser des règles. on s’est posé des règles aussi si ça n’allait pas, si on ne s’entendait pas pour qu’il n’y ait pas de risques sur notre relation personnelle, pour qu’il n’y ait pas de préjudice sur notre relation personnelle. on était assez d’accord sur les différentes règles. »

avez-vous des profils similaires ou différents d’un point de vue professionnel ?

« nous, on a eu de la chance, mon frère est ingénieur et moi je suis de

entretien aVeC…

frédéric arnaudco-fondateur et DG délégué d’Emulsar

Il y a plus de dix ans, Frédéric Arnaud a monté avec son frère Christophe une entreprise spécialisée dans la conception, le développement et la production d’ingrédients innovants destinés à fabriquer des produits agroalimentaires, chimiques, cosmétiques et pharmaceutiques.

formation ecole de commerce, donc pour le coup on a des compétences très différentes et chacun au jour le jour a son travail, bien défini. ensuite il y a des décisions globales à prendre, mais je pense que c’est une bonne chose d’avoir des gens qui ont des compétences différentes, qu’ils soient salariés ou associés, mais plus les compétences sont complémentaires, plus il est facile d’éviter des problématiques d’entente. » 

avez-vu fait appel à des avis externes  ? des médiateurs ?

« on a mis en place dans cette charte familiale, si vraiment ça n’allait pas, de prendre chacun au démarrage deux associés. chacun a choisi deux amis, deux proches à qui on a demandé de jouer éventuellement des rôles de médiateur. ils ont été dans les statuts au démarrage de la société et depuis ils sont toujours là, et il s’est avéré que ça nous a été utile une fois. une fois de manière forte, après ils sont là à chaque assemblée générale, ils nous aident. mais une fois, la communication était un peu brouillée et on a fait appel à l’un des médiateurs avant que ça ne dégénère, et le médiateur a joué son rôle. c’était le médiateur de mon frère et il a réussi à prendre de la hauteur. donc c’est bien aussi d’avoir des gens extérieurs qui permettent de prendre un peu de hauteur. Quand on est dans une affaire familiale, il y a toujours des sentiments qui peuvent entrer en compte dans les décisions, et des gens extérieurs peuvent aider des associés d’une même famille à se comprendre.  […] Je pense que c’est un bon garde-fou pour que les relations professionnelles ne viennent impacter les relations personnelles. c’est-à-dire que demain si on est à 50/50 et qu’on ne prend pas un médiateur, on peut « s’engueuler », et ça va faire peser des conséquences sur la société et sur la vie personnelle qui peuvent être néfastes. » 

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18Les jeunes et l’entrepreneuriat familial

3. il est difficile de dire à un membre de sa famille que sa performance en entreprise n’est pas adéquate. marlène Blaise - antoine minetau sein d’une entreprise familiale, les liens familiaux s’accompagnent de liens professionnels, certains membres de la famille occupant des postes d’encadrement qui les conduisent à devoir évaluer leurs collaborateurs. dans certains cas, ceci suppose d’évaluer des membres de sa famille en position de subordonnés, ce qui peut créer des tensions, en particulier lorsque la performance d’un collaborateur est estimée comme insuffisante ou inadéquate. cependant, il peut être difficile de dire à collaborateur membre de la famille que son travail est insatisfaisant. comme la relation professionnelle est sans cesse parasitée par la relation personnelle, il y a un risque de briser la relation qui unit les deux personnes. d’une part, la relation professionnelle peut pâtir de cet échange car la remarque peut être prise comme une attaque personnelle. d’autre part, la relation personnelle peut également souffrir de ce jugement. il est possible que le collaborateur accepte la remarque sur le plan professionnel mais qu’il garde une certaine forme de rancœur et qu’il en fasse le reproche à l’autre au sein de la sphère privée. il y a alors un risque d’éclatement de la relation personnelle, qui, à terme, peut déboucher sur une dégradation des relations professionnelles. de manière générale, la gestion des émotions en entreprise n’est pas toujours aisée. la gestion d’émotions bien plus intenses, comme celles qui existent dans une famille, peut s’avérer encore plus compliquée. Plusieurs difficultés peuvent émerger dans ce contexte :

• Le croisement des deux mondes peut entraîner une confusion des relations professionnelles et familiales,

• La confusion des relations professionnelles et familiales peut générer une communication défectueuse autour des questions ardues à débattre, comme celle de la performance au travail,

• La confusion des relations professionnelles et familiales peut entraver la bonne identification des problèmes de performance et leur attribution à un membre de la famille.

comme la sauvegarde des relations familiales au sein de l’entreprise familiale est cruciale pour la survie de la firme et de la famille, il est important de savoir trouver le bon moment et le bon endroit pour aborder ces enjeux.

propositions1. Communiquer ouvertement et sincèrement, dans le respect d’autrui et des règlesPour pouvoir parler de performance, il faut travailler en amont sur les postures et la stratégie de communication interpersonnelle, ainsi que sur la différenciation des rôles professionnels et familiaux. Pour cela, il est nécessaire de prendre le temps de définir les rôles de tous les ac-teurs au travail et en famille, avec des descriptions de poste explicites et claires. il faut par ailleurs être conscient du schéma familial, des rôles joués par chacun, des tensions qui existent, et poser une barrière par rapport aux relations professionnelles afin de ne pas reproduire ce schéma familial en contexte d’entreprise. il s’agit en somme de dé-connecter les rôles familiaux des rôles professionnels. il s’agit aussi de déconnecter les façons de faire familiales et professionnelles, en rendant explicite le mode de décision par exemple, et les périmètres de compétences de chacun. en plus de travailler sur ces postures, il faut travailler sur l’organisa-tion du travail : quels moments sont dédiés à parler des objectifs, des ressentis de chacun, ces moments doivent être identifiés et connus par tous.Pour éviter de « mal dire », il est nécessaire de travailler sur les émo-tions et leur gestion, en s’appuyant par exemple sur des techniques comme la communication non violente.

faire en sorte de ne pas avoir à le dire de façon personnelle, mais uni-quement de façon professionnelle afin de séparer les domaines. en effet, dans une famille on prend plus à cœur les remarques des autres et on est plus vulnérables car on se connait très bien. Par ailleurs, dans une famille, il y a de nombreux événements liés aux émotions, qu’elles soient agréables ou difficiles. ainsi, lorsque les émotions s’en mêlent, cela peut amener à des difficultés de communication au travail entre membres de la famille, ou à trop de “précautions” lorsque l’on souhaite protéger un membre de la famille.

Par ailleurs, il y a un risque lorsque la relation personnelle est trop prégnante par rapport à la relation professionnelle  : celui de ne pas être pris au sérieux. certains peuvent considérer ces remarques comme une sorte de jeu, une sorte de rivalité comme il peut y en avoir dans la sphère privée. la prégnance de la relation personnelle peut alors provoquer un déséquilibre dans les relations professionnelles. celui qui a un profil plus dominant dans les relations personnelles peut ne pas prendre au sérieux les remarques qui lui sont faites. dans ce cas, la solution est de faire appel à des critères d’évaluation clairs et par-tagés. il est donc nécessaire de prévoir des processus définis par les membres de la famille afin d’évaluer le travail de chacun selon des critères précis. ces évaluations devraient reposer sur des indicateurs objectifs liés aux rôles pris par la personne dans l’entreprise, et sur des indicateurs subjectifs qui seront alors dans l’idéal évalués par dif-férentes personnes afin que cela ne puisse être considéré comme un retour personnel.

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et l’entrepreneuriat familial

si les outils n’ont pas été mis en place, en cas d’urgence on peut faire appel à quelqu’un d’extérieur à l’entreprise, qui pourra dire ce que les membres de la famille ne se sentent pas capables de dire à quelqu’un d’entre eux, par un intermédiaire : un consultant, un mentor…

2. dissocier relations familiales et relations professionnelleles tensions au sein d’une entreprise familiale sont les mêmes qu’au sein d’une entreprise classique, cependant, l’historique des relations entre les individus rend les tensions plus personnelles. de plus, l’impli-cation dans l’entreprise est parfois plus importante puisque l’entreprise appartient à la famille.

les sphères familiales et professionnelles n’ont pas les mêmes carac-téristiques et intérêts. la sphère professionnelle concerne le compor-tement en entreprise, les interactions avec ses collaborateurs, et elle

est régie par un ensemble de conventions. la sphère privée concerne les relations familiales et le monde en dehors de la sphère profes-sionnelle. elle est également régie par des conventions. or, même si ces conventions ne sont pas antinomiques, elles ne s’accordent pas toujours. les comportements que l’on a dans la sphère familiale ne sont pas tous acceptés dans la sphère professionnelle, et inversement. c’est pourquoi, lorsque ces deux mondes entrent en contact il peut y avoir des tensions. elles s’aggravent à cause de la relation familiale et de l’implication dans l’entreprise.

il faudrait ainsi réussir à cloisonner ces deux sphères afin de les pré-server. les relations seraient alors déconnectées. cependant, il est très difficile de réaliser cela. l’historique entre deux frères ou un père et sa fille ne permettent pas de réaliser une séparation parfaite. il ne s’agit ici de renier l’une de ces sphères mais de savoir prendre du recul et prendre les critiques qui peuvent être apportées à son travail comme un facteur pour avancer et s’améliorer.

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entretien aVeC…

florent BocquetDirigeant Chronopropre

pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots ?« on a créé la société avec mes deux frères (entreprise de nettoyage de locaux pour les professionnels). elle a eu 10 ans au mois de janvier 2016 et on a des agences à rennes, nantes, st malo, redon. au début nous faisions les prestations de nettoyage. aujourd’hui, nous employons plus de 150 personnes dans le groupe. romain est le plus jeune (30 ans), moi au milieu (33 ans) et sébastien le plus grand (39 ans). »

Qu’est-ce que ça fait de travailler avec ses frères ?« lorsqu’on parle de travailler en famille, il y a 2 manières de réagir : “ah, ouais c’est super” ou “ah, je sais pas comment tu fais, moi je pourrais pas”. dans les boîtes familiales où ça se passe mal c’est lorsque comme dans la famille, on n’ose pas dire quand ça va pas. c’est ça le vrai enjeu. c’est vrai avec les associés lambda mais encore plus avec la famille. chez nous, comment ça marche ? on se dit les choses franchement. notre solution c’est d’avoir pour chacun des objectifs clairs et un moyen très objectif de vérifier que les objectifs sont atteints. soit c’est fait, soit non. Ça nous arrive de ne pas atteindre ses objectifs, mais alors on ne peut pas nier. on doit regarder ce qui s’est passé et trouver des solutions. la clé c’est de ne jamais attendre. si on sent qu’il y a un problème, il faut l’aborder, sinon un petit problème qui pourrait être résolu rapidement est gardé, ça créé de la rancune puis plus tard ça sort et ça explose de façon disproportionnée. si chaque problème est pris au fur et à mesure, la réaction est en corrélation donc ça passe mieux aussi. le dire, quand ça va pas, c’est protéger la personne. le choix le plus dur c’est d’affronter ça, d’aider la personne à en sortir. »

Comment les rôles professionnels ont-ils impacté les rôles personnels ? «  au niveau de l’organisation et des rôles, du fait des relations professionnelles, nos relations de frères ont aussi évoluées, on est en quelque sorte devenu équivalent. dans l’entreprise nous sommes

associés à un tiers chacun. nous nous sommes répartis par service, ce qui permet aussi de voir que chacun a son service, des comptes à rendre sur ses objectifs, mais pas sur les moyens employés.

on se voit aussi beaucoup, nos familles s’entendent bien, on fait du sport ensemble. dans chaque famille il y a aussi des choses entre frères et sœurs qui peuvent brouiller les relations. ces choses ont été abordées concernant des choses de notre enfance. on est partis sur des bases saines.

mais tout cela, ce n’est pas naturel. les premières années ce n’est pas évident. le frère ainé a plus d’expérience professionnelle, puisque c’est l’ainé… on a appris à travailler ensemble et à sortir du schéma familial avec le frère aîné qui donne les directives etc. c’est au fur et à mesure.  »

Que pensez-vous du fait d’entreprendre en famille ?« l’entrepreneuriat familial, c’est quand même une force ! Je n’aurais pas envie de le faire seul, c’est beaucoup de travail. a trois on peut se reposer et échanger avec les autres, c’est plus valorisant aussi parce qu’on peut partager. en termes d’efficacité et de management, on a les mêmes envies, on veut aller au même endroit. un salarié qui nous verra l’un de nous trois aura le même son de cloche sur tous les sujets. Ça c’est une vraie force. Parce qu’on a le même projet d’entreprise, les mêmes valeurs, avec bien sûr des nuances en fonction de nos personnalités. »

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et l’entrepreneuriat familial

4. il y a un risque financier pour la famille qui peut perdre son investissement et son travail en même temps. elsa jaubert – marine arcolle – romain petit

le risque est intrinsèque à la notion d’entrepreneuriat. en cas d’échec, l’entrepreneur peut perdre tout l’investissement qu’il a injecté dans son projet. cependant, la perte liée à l’échec d’une entreprise est loin d’être uniquement financière : l’entrepreneur qui s’emploie lui-même est susceptible de perdre son capital, mais aussi son travail. la perte d’un capital qu’on aurait investi en tant que salarié dans le cadre d’activités immobilières ou boursières, par exemple, c’est une difficulté qui peut être surmontée au moyen du salaire perçu. Perdre un emploi suite à un licenciement ou en démissionnant, c’est une difficulté également surmontable, de surcroît si l’on a du capital disponible pour garder son niveau de vie le temps de gagner de nouveau un salaire avec un nouvel emploi. l’entrepreneur qui échoue, lui, perd les deux en même temps : son capital et son travail donc, a priori, son salaire. ainsi, pour l’entrepreneur le risque encouru va bien au-delà du simple aspect financier, l’entrepreneur prend le risque de perdre ses revenus et ainsi d’engendrer des changements importants dans sa vie professionnelle et personnelle. de plus, les entrepreneurs ne sont le plus souvent couverts par aucune assurance « perte d’emploi » privée et doivent être en mesure de faire preuve de réactivité afin d’assurer la sécurité de leurs intérêts professionnels et familiaux. Pour résumer, dans le cas de la perte de son emploi en tant qu’entrepreneur, il n’existe pas de prime de licenciement ou d’avantages de sortie permettant à l’entrepreneur d’encaisser le coup et de se laisser le temps de réagir. si l’entrepreneur est soutenu par son cercle familial, cette double perte peut être amortie à l’aide de l’entourage. Qu’en est-il alors de l’entreprise familiale ? si une famille est investie financièrement et professionnellement au sein de la même société et que celle-ci fait faillite, comment réagir pour remonter la pente ? Prenons par exemple le cas d’un couple de quinquagénaires, parents de plusieurs enfants, propriétaires et directeurs d’une Pme vacillante, si celle-ci venait à entrer en liquidation judiciaire, comment rebondir sur le marché du travail et subvenir aux besoins familiaux ? de la même façon, l’auto-entrepreneur qui n’opte pas pour la distinction entre son capital et ses biens personnels, s’il est marié et pas protégé par un régime de séparation des biens, en cas de dettes, son couple peut se retrouver rapidement dans une situation extrêmement difficile. finalement, la problématique du risque de la perte de travail et de capital simultanée dans le cas de l’entrepreneuriat familial illustre bien l’adage populaire «il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier». comment limiter ces risques à effet boule de neige qui peuvent être lourds de conséquences ?

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propositions1. Le réseau d’un entrepreneur, une assurance chômagePerdre son entreprise est un lourd sacrifice dans la vie d’un entrepre-neur qui peut alors perdre d’un seul coup un projet familial, son capital et son travail. Heureusement, les entrepreneurs sont souvent bien pla-cés pour savoir faire face à cette triple peine contrairement aux idées préconçues.

le réseau professionnel d’un entrepreneur est en général beaucoup plus vaste et riche que le réseau d’un salarié, en raison de la nature même de l’activité entrepreneuriale qui se déroule sur un marché et en lien avec de nombreux acteurs externes à l’entreprise. il est tout à fait opportun de capitaliser sur ce réseau dans l’industrie de l’entreprise familiale défaillante pour retrouver un emploi rapidement et retrouver une situation acceptable. Être recruté chez un fournisseur, chez un client ou chez un concurrent n’est pas rare et peut être très utile pour ces parties prenantes qui engagent un spécialiste du secteur. savoir se ménager ces possibilités est important pour l’entrepreneur puisqu’il s’agit en quelque sorte d’une « assurance pour entreprendre ».

2. savoir mesurer le risque de son investissement dans le cas de l’entrepreneuriat familial, l’investissement groupé dans une seule société paraît plus risqué que lorsque les différentes personnes qui s’engagent financièrement dans un projet n’ont pas de lien familial. en effet, si l’un des membres d’une famille se retrouve confronté à des difficultés financières, les autres membres du cercle familial lui viennent en général en aide de manière efficace. ceci de-vient plus ardu dans le cas d’une entreprise familiale. Par exemple, si un couple investit tout son capital dans une société qu’ils souhaitent monter ensemble, en cas de faillite, si l’investissement est perdu, l’autre membre du couple ne peut pas soutenir son conjoint face à un coup dur financier. le schéma est similaire dans le cas d’une fratrie qui s’associe pour fonder une société : les parents auront plus de mal à soutenir financièrement les deux enfants simultanément en cas de faillite, qu’un seul enfant.

ainsi, une solution que l’on peut proposer pour pallier à ce risque est de limiter l’investissement à une perte acceptable. en d’autres termes, les entrepreneurs familiaux n’investissent dans leur société que le mon-tant qu’ils sont prêts à perdre, c’est-à-dire une somme qui, si elle est perdue, n’ébranle pas ou peu l’équilibre familiale. c’est un conseil que l’on peut donner à tous les entrepreneurs, mais qui est d’autant plus pertinent dans le cas de l’entrepreneuriat familial.

3. prévoir une diversification des revenus de la familleil semble pertinent qu’au moins l’un des associés garde une solution de repli en cas de problème pour récupérer un emploi. la solidarité familiale permettra alors à l’associé n’ayant pas conservé d’emploi salarié de ne pas se retrouver en difficulté en cas d’échec. dans un couple par exemple, il est délicat de mettre en danger le bien-être familial et d’impliquer les enfants dans l’aventure car toute la famille serait alors mise en danger. si au moins l’un des deux partenaires peut subvenir aux besoins du ménage, cela permettrait aux créateurs de lancer leur entreprise dans un climat plus apaisé.

cette solution doit être envisagée dès le début de la création d’entreprise, sur la base d’une décision conjointe et les termes de ce contrat moral doivent être clairement explicités : lequel des associés doit garder un lien avec le salariat ? en cas de problème, comment la solidarité familiale se manifestera-t-elle ? comment les tâches au sein de l’entreprise créée seront-elles réparties en conséquence? on peut ainsi :

• Débuter sa création d’entreprise dans le cas d’un congé de création d’entreprise. ce congé s’adresse à tout salarié et permet de suspendre le contrat de travail afin de pouvoir retrouver au terme du congé, si nécessaire, son précédent emploi.

• L’un des associés peut garder un emploi en temps partiel tout en ayant du temps pour se consacrer à ses activités entrepreneuriales.

• Conserver une activité annexe en tant qu’auto-entrepreneur permet également de conserver une certaine flexibilité ainsi que de garder une base de clients réguliers.

 

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entretien aVeC…

florent turpeauGérant de l’entreprise GIL Turpeau Bâtiment à Nantes

où créer son réseau ?« il est tout d’abord possible de se créer un premier cercle professionnel au cours de sa formation. florent turpeau a fréquenté l’ecole supérieure des Jeunes dirigeants qui consiste en une semaine de cours par mois pendant seize mois. cela lui a permis d’acquérir une certaine légitimité dans ses fonctions mais également de rencontrer de jeunes dirigeants partageant les mêmes problématiques que lui au quotidien. une fois diplômé et en fonction, il est possible d’intégrer d’autres cercles de jeunes entrepreneurs ayant un rythme de vie similaire. florent turpeau est membre du cJd (centre des Jeunes dirigeants). l’objectif est de constituer un groupe de dirigeants autonomes dans leurs décisions qui partagent les mêmes valeurs et qui ont un réel désir de s’engager dans la vie de la section et de s’entraider. »

a quoi sert le réseau ?« selon florent turpeau, il s’agit tout d’abord de posséder un réseau de clients. en effet, en cas d’échec avec une première entreprise, il est plus aisé de rebondir et de créer dans le même secteur puisque nous avons déjà un réseau de clients fidèles qui connaissent notre savoir-faire. les débuts sont donc moins difficiles. de plus, les différents cercles fréquentés (cJd ou autres) permettent de créer des relations avec d’autres entrepreneurs partageant les mêmes problématiques et les mêmes coups durs. en cas de difficultés, il est alors plus facile de rebondir, de trouver de nouveaux investisseurs, par exemple. « on est toujours prêt à aider un copain qui s’est planté » affirme florent turpeau. »

Quelles sont les limites du réseau ?d’une part, florent turpeau souligne le fait que «  l’entrepreneur a le réseau de son statut ». en d’autres termes, le jour où il n’est plus entrepreneur, il perd son réseau. d’autre part, le statut est une source de business très opérationnelle. il est possible de trouver une mission ponctuelle auprès d’un autre entrepreneur pour une période de temps courte et définie. mais il est

rare de retrouver un emploi salarié au sein d’une entreprise appartenant à un membre de son réseau d’entrepreneur.

Comment mesurer la perte acceptable lors de son investissement en tant que successeur ? en reprenant une société familiale qui existe depuis plusieurs générations, avec un nombre assez important de salariés (92 personnes dans le cas de florent turpeau) et dans un secteur d’activité assez traditionnel comme le bâtiment, les risques sont limités. en effet, ces 3 facteurs sont des piliers pour assurer la stabilité d’une entreprise. malgré cela, la famille turpeau a conscience que le risque d’échec ne peut être écarté et pour cela, elle n’a pas réfléchi en terme de « perte acceptable » puisque vu l’importance de l’investissement, cette perte est difficilement acceptable. elle a donc élaboré un plan pour limiter encore le risque de faillite suite à la reprise de florent en procédant en 4 étapes : la phase terrain ou florent a travaillé directement avec les plus anciens de l’entreprise sur des chantiers, le management, en prenant par la suite la responsabilité d’une équipe, la stratégie, en participant aux choix d’orientation stratégiques de l’entreprise avec son père puis l’investissement qui officialise la reprise de l’entreprise familiale.

La diversification des revenus de la famille, qu’en pensez-vous ? il y a plusieurs écoles dans l’entrepreneuriat. certains prônent le travail en famille en intégrant dans l’entreprise de nombreux membres d’une même famille et d’un même foyer. travailler ensemble a des avantages mais aussi des inconvénients et ce choix doit être fait sans autre considération que le projet de vie de la famille. le tout étant d’éviter le processus des « 3d » : dépôt de bilan, divorce et dépression bien connu par certains entrepreneurs. Parmi les inconvénients, il y a en effet le fait que tous les revenus reposent sur la bonne santé de l’entreprise. concernant florent turpeau, sa femme a décidé de travailler en dehors de l’entreprise, et le foyer a donc des sources de revenu diversifiées. cependant, cela reste une « assurance » assez limitée et en tant qu’entrepreneur il faut savoir investir sur des valeurs stables comme l’immobilier par exemple. en cas de coup dur, disposer de ses propres locaux d’entreprise ou de locaux annexes sous forme de sci permet d’avoir des revenus et un patrimoine annexe aux dividendes de l’entreprise.

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5. il est difficile d’évaluer les compétences et de rémunérer correctement les membres de sa famille. olga maciejewska - sarah abarro - marion fenetaud

propositions1. Création d’un système de gestion des compétences, soft skills et hard skills, au moyen de fiches de postes détaillées et mises à jour tous les ans, afin d’évaluer l’apport du collaborateur sur la base de ces critères écrits et objectifs.en effet, l’essentiel est de délimiter le périmètre d’action de chacun ; ceci peut se matérialiser au moyen de fiches de postes, facilement modulables (en fonction des changements et des défis du marché). ces fiches permettent en temps normal de connaitre les rôles des autres membres de l’entreprise et en cas de problème de s’y référer afin d’évi-ter toute incompréhension/ malentendu.

ces fiches de poste devraient ainsi présenter l’intitulé du poste, le temps de travail, les conditions statutaires, le service auquel est rat-taché le poste, les liaisons hiérarchiques qui définissent son niveau de responsabilité, les activités principales et secondaires du poste, ses

modalités d’exercice et les risques professionnels encourus, les res-sources matérielles attribuées au salarié et enfin les conditions de la rémunération.

2. rendre le système de rémunération transparent et l’adapter à l’évaluation des compétences. dans des entreprises familiales, la mise en place d’entretiens rH/sala-rié permet de tenir informés les collaborateurs du système d’évaluation des compétences et le service ressources humaines des évolutions des salariés. ensuite, des entretiens d’évaluation annuels et d’auto-évalua-tion du collaborateur permettent de confronter les deux évaluations et de rendre le processus transparent.

3. trouver des arbitres en dehors de la famille.Par exemple, recruter un responsable rH ou un drH en temps partagé en dehors du cercle familial pour plus d’objectivité dans l’évaluation des compétences, la décision concernant les rémunérations et les éventuelles augmentations. ceci permettrait par ailleurs d’éviter les conflits entre les membres de la famille quant à ces questions.

comment réussir à être objectif dans l’analyse des compétences et dans la fixation de la rémunération pour un membre de sa famille qui travaille dans son entreprise ? en effet, ces sujets étant déjà très délicats dans les entreprises classiques, ils le sont d’autant plus dans une entreprise familiale. lorsque l’on embauche un membre de sa famille, les autres salariés peuvent se sentir désavantagés et croire à du favoritisme. les salariés qui n’ont pas de liens familiaux avec le dirigeant peuvent penser que la personne a été recrutée uniquement grâce à ses liens familiaux et qu’elle est par conséquent moins compétente que les autres. de même, la rémunération d’un salarié membre de sa famille doit être juste par rapport à celle des autres employés, qui seront dans tous les cas plus critiques. le dirigeant peut aussi avoir tendance à être plus exigeant avec un membre de sa famille au travail afin d’éviter ces critiques.de même que la rémunération d’un membre de sa famille peut poser problème au dirigeant qui va avoir tendance à éviter les conflits, le sujet est difficile à aborder en famille.

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entretien aVeC…

thomas gisclardDirecteur commercial, The Watch Observer

pouvez-vous nous présenter votre entreprise en quelques mots ?«  the Watch observer est un guide d’achat sur internet fait pour les amateurs de montres et les néophytes. l’idée est de pouvoir offrir à chacun un conseil objectif par le biais de tests fiables et neutres réalisés par des rédacteurs indépendants. aujourd’hui, notre offre éditoriale s’étend au-delà en proposant une couverture de l’actualité du monde de l’horlogerie sous la forme d’articles, de reportages photos et vidéos. »

Comment vous êtes-vous organisé avec votre frère pour travailler ?«  nous avions chacun des compétences spécifiques qui ont facilité la division du travail  : il avait une connaissance de l’environnement éditorial et des annonceurs et, pour ma part, j’avais une expérience de commercial. a la création, Pierre a pris la direction de l’entreprise, quant à moi, j’assurais et j’assure toujours le développement commercial de l’entreprise. »

est-ce que le partage des tâches a évolué depuis la création de l’entreprise ?« si les fonctions principales sont restées les mêmes, ce sont les activités périphériques inhérentes à la startup qui ont évolué : là où nous étions sur tous les terrains, nous avons aujourd’hui des interlocuteurs spécialisés pour répondre aux différentes tâches nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. »

avez-vous eu des difficultés dans ce contexte d’évaluation des compétences ? «  on se connaissait suffisamment pour connaitre nos forces et nos faiblesses, et notre avantage a été de savoir dès le départ sur quels points on aurait besoin d’appui externe. cela a permis de répondre aux défis de l’entreprise qui est aujourd’hui stabilisée et en développement, tout en évitant les conflits entre nous. »

Quels sont vos conseils pour permettre aux entrepreneurs qui créent en famille d’évaluer les compétences ? « a la création d’une entreprise familiale, les dirigeants doivent gérer une multitude de tâches, parfois imprévisibles, et souvent la répartition des activités entre les membres de l’entreprise n’est pas établie dès le début et ne fait pas partie des priorités. or, lorsque tout se passe bien au sein de l’entreprise, c’est facile à gérer mais dès que l’entreprise rencontre une période de crise, tout devient plus compliqué notamment lorsque cela concerne des membres d’une même famille.il est important de répartir les tâches de façon équitable dès le début de l’activité et en fonction des compétences de chacun tout en laissant de la place à l’agilité, et permettre à la société de s’adapter en période de croissance. »

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saLariÉ dans une entreprise famiLiaLe

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et l’entrepreneuriat familial

1. L’attachement familial peut entraver la flexibilité et la rapidité de la prise de décision Louise doridant - Benjamin Le tarnec

une entreprise familiale est une structure dont le capital est détenu majoritairement par une ou plusieurs familles fondatrices. bien que le capital soit ouvert à des acteurs extérieurs, on remarque souvent au sein de ces structures un manque de flexibilité et des prises de décision plus longues que dans des entités dites classiques.en effet la dimension émotionnelle et les liens affectifs entre les employés et la direction peuvent empêcher une évaluation objective des compétences et des capacités de chacun et ralentir le changement. alors que l’aspect économique et les notions de rentabilité et de réactivité au marché dominent dans les structures classiques, les entreprises familiales gardent un profond respect des hommes ainsi qu’un désir de permanence des traditions et coutumes. la marge de manœuvre est donc plus mince. la dimension temporelle joue également un rôle important. contrairement aux entreprises classiques, la performance des entreprises familiales s’évalue sur une durée plus longue. la stabilité et le travail de fond sont en effet privilégiés.notre étude a confirmé ce premier constat : l’attachement familial peut apparaître comme un réel frein dans la prise de décision et entraver la flexibilité des structures. face à cela, diverses possibilités existent pour les établissements qui cherchent à accroître leur réactivité tout en protégeant leurs valeurs.

propositions1. promouvoir la mixité au sein des équipes : membres de la famille et personnel extérieur au sein des entreprises familiales, la prise de décision est souvent ralentie à cause de l’importance que représentent les membres d’une famille dans les organes décisionnaires et opérationnels. en effet, le manque de recul et l’absence de regards extérieurs entravent la mobilité de la structure. certains dirigeants par exemple ont tendance à adopter le statut quo par crainte du changement et des risques potentiels. des recrutements à l’extérieur du cercle familial peuvent être une solution car ils permettent d’éviter l’entre soi. trop attachés à leurs habitudes, les dirigeants d’entreprises familiales n’osent pas toujours entreprendre de profonds changements, ce qui peut avoir de lourdes conséquences en termes de stratégie et de réorientations en cas de changements structurels. en apportant un regard neuf, les salariés externes à la famille peuvent favoriser le changement et accélérer la prise de décision. la mixité des équipes apparaît donc comme une réelle source de richesse pour l’entreprise familiale. alors que les membres de la famille véhiculent les valeurs essentielles à la structure, le personnel extérieur peut apporter un point de vue différent et utile pour l’organisation. ce mélange de compétences et d’expériences permet ensuite d’accroître l’efficacité au quotidien.

2. favoriser la transparence dans la gestion des ressources humaines et des prises de décisionles entreprises familiales rassemblent deux types de personnes : les membres de la famille et les salariés recrutés à l’extérieur. on parle de favoritisme lorsque des parents sont intégrés à la structure de manière privilégiée, en détournant les circuits classiques du recrutement. les conséquences en interne peuvent être lourdes pour les responsables car les salariés ne considèrent pas ce type d’embauche comme légitime. l’ambiance générale risque ensuite de se dégrader. Parfois, les traditions dans la gestion des ressources humaines sont très fortes et réduisent inévitablement la flexibilité de ces structures car les membres de la famille conservent un statut privilégié. Par exemple, la pression familiale obligera le responsable des recrutements à embaucher un parent de la famille sans même évaluer ses connaissances ni ses compétences. le manque de flexibilité est ici

notoire. dès lors, le recours à un cabinet extérieur en ressources humaines fait sens et s’avère être une solution pertinente. ce juge externe apporte un regard objectif et ces recrutements sont considérés comme plus transparents car ils peuvent ensuite être justifiés auprès de l’ensemble des salariés. la rémunération ainsi que le détail des fiches de poste peuvent être communiqués et expliqués en interne. cela permet ensuite au dirigeant de mettre le côté affectif de côté lors de la prise de décision car il sera à même de traiter l’ensemble de son personnel de la même manière. cette transparence aura un effet très positif. elle amènera le décisionnaire à être plus rapide et flexible dans ses actions. il pourra s’appuyer sur des critères justes, objectifs et compris par tous.

3. mise en place d’un conseil de surveillance/directoirePour répondre à l’isolement et au risque d’aveuglement de certains dirigeants dans la prise de décisions, la mise en place d’un conseil de surveillance/directoire apparaît comme une solution intéressante. l’instauration d’une présidence tournante (nomination respective du président et du vice-président à fréquence régulière) fait également sens. certaines familles peuvent aussi avoir recours à cette solution pour faciliter les transmissions de poste. dans tous les cas, il s’agit d’adapter la structure au contexte actuel. le danger demeure l’attachement à des traditions qui structurellement ne servent pas l’ensemble de l’entreprise. les structures familiales ou classiques doivent alors comprendre l’importance de telles évolutions. le conseil de surveillance par exemple délibère sur la stratégie générale de la société qui est soumise à son approbation. ces nouvelles options favorisent les transmissions de postes et apparaissent comme un réel remède face à l’aveuglement de certains dirigeants. le groupe dubreuil par exemple dirigé par Jean-Paul dubreuil désormais âgé de soixante-douze ans illustre ce choix d’organisation. il y a quelques années, il a en effet choisi de modifier la gouvernance du groupe dont il a hérité à vingt-quatre ans, après le décès brutal de son père. en 2009, il opère un changement du mode de gouvernance afin de céder progressivement les commandes à ses trois enfants. Paul-Henri, le fils, est nommé président du directoire, et sophie et valérie deviennent les deux directrices générales. cela permet ainsi de transmettre la direction de l’entreprise à d’autres membres de la famille sans entraver la flexibilité de la structure.

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entretien aVeC…

françois macéassocié au cabinet Ernst & Young de Nantes

notre témoin a accompagné au cours de sa carrière de nombreuses entreprises familiales. riche de son expérience, il connaît les caractéristiques de ces entités et estime qu’il faut analyser avec prudence leur processus de prise de décision. le manque de flexibilité et de rapidité dans la prise de décision sont des caractéristiques qui doivent être nuancées. « Je suis d’accord avec vous en ce qui concerne les premières générations. l’engagement familial diminue ensuite, les générations suivantes sont souvent plus éloignées du fondateur et se sentent généralement moins concernées et font évoluer leur mode de fonctionnement ». la notion de temps est donc essentielle pour étudier le fonctionnement de ces structures. 

il rappelle qu’une entreprise familiale doit être observée sur une longue durée, contrairement aux structures dites classiques qui évoluent plus rapidement. elles gardent en effet un profond attachement aux valeurs qui leurs sont chères et souhaitent une permanence des coutumes et de leurs traditions. « les valeurs sociales et familiales jouent un rôle clé » nous rappelle françois macé, ce qui justifie donc en partie les réflexions et les débats lors d’une prise de décision stratégique. dans des entreprises où la logique économique et la rentabilité financière sont les principaux objectifs, la réactivité est essentielle. l’intégration des nouvelles générations se fait donc de manière progressive, plusieurs années sont nécessaires à la transition des responsabilités et des savoir-faire. dans un premier temps, les nouveaux membres de la famille sont intégrés comme de simples salariés, qui découvrent ainsi l’entreprise en profondeur, son organisation en interne, les relations entre les équipes. ensuite, ils acquièrent petit à petit des responsabilités. la passation de pouvoir est ainsi accompagnée de manière progressive et toujours justifiée auprès des membres extérieurs à la famille. lorsqu’il y a rupture, un comité transitoire peut être mis en place en attendant la formation de la nouvelle génération au futur poste de dirigeant. françois macé plébiscite cette solution qui accompagne au mieux le changement de dirigeants.

en ce qui concerne le problème de l’isolement de certains membres du groupe familial qui pourrait nuire à la flexibilité de l’entreprise, françois macé nous informe sur une pratique courante  : la transition d’une génération à une autre est souvent accompagnée par la mise en place

d’un conseil de surveillance/directoire avec quelquefois une présidence tournante au sein de chaque groupe familial (président et vice-président sont nommés mutuellement à fréquence régulière). cette solution d’organisation au sein de laquelle un président et un vice-président se font nommer alternativement est intéressante car elle palie au sentiment d’isolement ainsi qu’au manque d’intégration ressentis par les membres de la famille qui ne sont pas dans l’opérationnel.

face au manque de transparence dans la nomination des membres familiaux à des fonctions dans l’entreprise familiale, françois macé conseille l’intervention de conseillers extérieurs lors des processus de recrutement par exemple. il y a quelques années encore, les pères fondateurs avaient du mal à solliciter des cadres extérieurs. Par soucis d’économie et d’attachement à la structure, l’arrivée de profils extérieurs était rare. « aujourd’hui la donne a changé ! » nous rappelle françois macé. lorsqu’un dirigeant recherche des compétences spécifiques, il n’hésite plus à recruter à l’extérieur. le responsable du recrutement doit alors se poser les bonnes questions : où puis-je trouver le meilleur élément ? est-il déjà dans nos équipes ? dois-je aller le chercher en dehors ?

selon françois macé, le recours au conseil extérieur est dans ces circonstances particulièrement judicieux. si des membres de la famille aspirent à rejoindre l’entreprise alors leur recrutement via un processus externe sera considéré comme plus objectif et d’autant plus respecté par les équipes en place. connues pour leur stabilité et leur capacité à persévérer notamment en tant de crise, les entreprises familiales demeurent très attachées aux valeurs sociales et traditionnelles. cela justifie notamment leur refus à agir dans l’urgence. Pour conserver leur pérennité, elles doivent toutefois évoluer progressivement  : recrutement à l’extérieur, choix dans la gouvernance.

selon françois macé, la relative lenteur dans la prise de décision dans une entreprise familiale est plus liée à sa culture sociale qu’à son attachement familial. cela ne semble pas être un point négatif selon notre interlocuteur, puisqu’elle rend l’entreprise familiale solide et stable dans le temps.

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et l’entrepreneuriat familial

alors qu’une entreprise familiale devrait être perçue comme une structure pérenne et stable aux vues de son antériorité et de son ancienneté, ces entreprises sont souvent considérées par des observateurs extérieurs comme étant des entités fragiles et exposées à plus de risques en raison de la nature des liens entre certains de leurs membres. comment parvenir à garantir une transparence totale afin de rassurer de potentiels nouveaux collaborateurs? il est primordial de prendre en compte les différents aspects suivants : optimiser les aides publiques existantes, conseiller les entreprises sur le choix de leur mode de gouvernance et de leurs statuts juridiques, définir des règles de vie au sein de la famille et de l’entreprise afin d’apporter de la clarté dans le fonctionnement de chacune et, enfin, assouplir les processus de succession d’une entreprise familiale.

2. L’entreprise familiale risque de disparaître en cas de problème au sein de la famille Clarisse tonon - Victoria motte

propositions1. faciliter l’accès aux outils publics de médiation

des outils publics de médiation pour les entreprises qui traversent une phase conflictuelle sont mis à leur disposition. cependant, ces derniers restent souvent inconnus ou peu utilisés car inconnus et/ou trop chers. il serait donc judicieux de faciliter la mise à disposition de ces outils en communiquant localement auprès des entreprises concernées (services mis à disposition par les mairies mais aussi par les tribunaux de commerce) et en rendant ces services moins onéreux.

2. inciter les entreprises familiales à bien définir leurs statuts il est indispensable dans une entreprise de bien choisir ses statuts

juridiques dès sa création et qu’ils soient connus de tous afin d’éviter tout abus en cas de litige, succession ou cession. Par exemple il peut être judicieux de choisir le modèle sarl qui permet le départ libre d’un des associés sans que l’existence de l’entreprise soit menacée.

3. organiser en amont la succession

la succession dans une entreprise familiale représente son talon d’achille lorsque les modalités de succession ne sont pas définies à l’avance. il est donc important de s’organiser en mettant en place des organes de gouvernances clairs et une structure organisationnelle précise. cela permettra une transmission du capital familial en douceur et sans litige.

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entretien aVeC…

miruna radu LefebvreTitulaire de la Chaire Entrepreneuriat Familial et Société, Audencia Business School

Y a-t-il vraiment un risque de disparition pour ces entreprises en cas de conflit familial ?« oui, ceci pourrait paraître extrême à première vue, mais la réalité le confirme à travers de multiples cas d’entreprises qui ont dû vendre à des investisseurs externes en raison de conflits entre les actionnaires familiaux. l’un des cas les plus récents est celui de lacoste, entreprise familiale qui a été vendue en 2012 au groupe suisse maus frères à cause d’un conflit familial. »

Comment expliquer ces événements très perturbants pour la vie de ces entreprises ?« les entreprises familiales sont souvent définies comme des « arènes émotionnels  » où l’entreprise et la famille s’entrecroisent et parfois s’affrontent sur des enjeux financiers importants pour la survie de la famille et de l’entreprise tout à la fois. avec le passage de la deuxième à la troisième génération, des problématiques nouvelles apparaissent : la multiplication des parties prenantes internes, avec plusieurs cousins et tantes qui sont actionnaires internes pas toujours impliqués de manière opérationnelle dans l’entreprise mais engagés émotionnellement, est une bombe à retardement potentielle pour l’entreprise. »

Comment font les entreprises familiales pour éviter les dénouements dramatiques ?« les spécialistes soulignent que les entreprises familiales ont besoin de mettre en place une gouvernance efficace, permettant de bien distinguer les sphères professionnelle et privée, et de faire en sorte que les conflits familiaux n’impactent pas l’entreprise. des montages juridiques particuliers permettent de répondre à ces problématiques. Par exemple, certaines entreprises familiales créent une holding regroupant les actionnaires familiaux et remontant les dividendes de l’entreprise, d’autres entreprises, comme michelin ou bonduelle, créent des sociétés en commandite par actions. »

L’actionnariat familial est donc un enjeu crucial dans ce contexte !« effectivement, l’actionnariat familial est essentiel et il faut y penser en amont, en créant aussi bien des instances business en charge de la gouvernance de l’entreprise, comme le conseil d’administration, et des instances familiales, comme le conseil familial, permettant de gérer le projet familial et d’amener les actionnaires familiaux à s’entendre sur une vision commune. »

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le népotisme, dans le processus de recrutement en entreprise familiale traduit la tendance de certains dirigeants à favoriser l’ascension de leur famille ou de leur entourage, au détriment du mérite et de l’intérêt général. le népotisme fait ainsi beaucoup parler de lui dans le processus de recrutement des entreprises familiales. faut-il réagir positivement face à cette situation où s’en inquiéter ? l’accession « au pouvoir » d’un élément familial est le gage d’une certaine stabilité du management et donc du développement stable et solide de la société. certes, les entreprises familiales sont aujourd’hui parmi les plus performantes en termes de rentabilité et de performance boursière. mais leur mode de recrutement est souvent implicite pour le reste des employés de la société, et peut être mal vécu en interne et en externe lorsqu’il conduit au recrutement d’un membre de la famille qui n’a pas les compétences requises. l’égalité des chances est alors remise en cause au sein même de l’entreprise. ce qui nous amène aux propositions suivantes permettant la réduction du népotisme dans les processus de recrutement des entreprises familiales.

propositions1. favoriser l’intérêt général plutôt que l’intérêt familial 

l’entreprise familiale retrouve une forme de légitimité sociale lorsque l’intérêt privé vient se confondre avec l’intérêt collectif. toute perte de cette légitimité provoque une absence de reconnaissance et d’esprit d’entreprise, incluant l’ensemble des employés de celle-ci, ce qui suppose de mettre en premier l’intérêt collectif de l’entreprise et non pas celui des membres de la famille.

2. Créer un service rh indépendant de toute influence familiale l’influence familiale est l’une des influences les plus importantes dans l’entreprise familiale. aussi, l’ensemble des décisions importantes et des recrutements effectués sont influencé par l’ambiance et la culture familiales. cependant, cela provoque systématiquement la monté du népotisme. la mise en place d’un service de recrutement indépendant voir externe à l’entreprise est donc indispensable. la mise en place d’un service opérationnel indépendant de toute influence familiale représente la solution adéquate.

3. Créer des outils d’évaluation et de mesure de la performance en fonction des objectifs fixés 

la progression au sein de l’entreprise doit dépendre de la performance effective et non d’une affiliation familiale. la mise en place d’outils d’évaluation transparents pour l’ensemble des employés permet la validation et la crédibilité des changements de postes et des évolutions de carrière sans que ceux-ci ne soient mal perçus. les objectifs doivent être établis avec l’ensemble des parties prenantes et non uniquement avec les membres de la famille impliqués dans l’entreprise.

4. intégrer les membres familiaux là où ils sont le mieux et non là où nous souhaiterions qu’ ils soient

la place de chacun des membres d’une entreprise est directement liée aux compétences de chacun. cela s’applique aux membres familiaux. chacun des membres doit se trouver à sa place en fonction de ce qui lui plait et de ce qu’il est capable de faire. sans cela, certains postes de direction seront assurés par des membres de la famille qui se retrouvent sur des postes pour lesquels ils manquent de compétences et qui, de ce fait, risquent de se réfugier derrière une autorité de façade.l’ensemble de ces propositions ont été confronté au regard expert de mathieu Pichon, directeur du Pôle energie nouvelles au sein du groupe dubreuil.

3. il y a un risque de népotisme dans le processus de recrutement. jean-Baptiste de Chaisemartin - aliaume Breteau

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entretien aVeC…

mathieu piChonDirecteur Pole Energie Nouvelles - Groupe Dubreuil

selon mathieu PicHon, directeur Pole energie nouvelles - groupe dubreuil, le groupe dubreuil est aujourd’hui composé de 8 pôles de développement, incluant 3500 employés, et générant 1,4 milliards d’euros de chiffres d’affaire. l’ensemble du groupe est géré par une holding familiale présidée par monsieur Paul-Henri dubreuil. cette holding gère plusieurs filiales. le directoire de la holding est constitué exclusivement par des membres de la famille dubreuil à l’exception du directeur financier, monsieur Patrice brochard alors qu’aucun des directeurs généraux de filiales n’appartient à la famille. ces directeurs ont été choisis par le directoire en tant qu’experts dans leur domaine. Parmi les 8 pôles, monsieur Pichon dirige le pôle energies nouvelles. mathieu Pichon explique que les axes stratégiques pris par les directeurs généraux, présentés notamment lors des budgets sont validés par la holding familiale. en revanche, celle-ci n’intervient pas dans la gestion opérationnelle, confiée de façon autonome aux dirigeants avec l’appui de services transversaux (rH, financier, marketing, juridique).

la holding familiale gère la stratégie du groupe au travers de financements et d’investissements, elle consolide les objectifs mensuels, gère les infrastructures et les services transversaux du groupe. aussi, une grande autonomie est ressentie par monsieur Pichon entre la holding familiale et les filiales associées. ce fonctionnement permet également d’éviter tout népotisme dans les processus de recrutement. 

cependant, cette autonomie comporte certaines règles et certaines barrières. aucun directeur de filiale ne pourra accéder de manière significative au capital de l’entreprise. une offre par la holding leur est faite pour cela, mais toujours avec une proposition de part très minoritaire. de plus, l’ensemble des budgets, proposés par les directeurs de pole, ou les dépenses exceptionnelles significatives sont validés par le directoire lors des assemblées générales.

aussi, la stratégie mise en place par les dirigeants de chaque entité doit convaincre le directoire, afin d’obtenir les moyens associés et d’assurer la pérennité de la collaboration des 2 parties. si une divergence de point de vue stratégique venait à naître, le dirigeant est contraint de se ranger logiquement à l’avis de son actionnaire majoritaire.

conscient de ces règles et caractéristiques propres au groupe dubreuil, mathieu Pichon est très satisfait du fonctionnement de son pôle, et des liens entre son pôle et la holding. tel que décrit précédemment, aucun aspect de népotisme n’est ressenti dans l’opérationnel de la société. la holding est aujourd’hui vue par monsieur Pichon « comme une source de financement des projets qui pourraient naître au sein de son pôle et comme une source de sécurisation du paiement de l’ensemble des employés de l’entreprise».

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4. il existe un risque d’absence d’évolution sur des postes stratégiques si l’on n’est pas de la famille gwen ferret - alexandre macé - maxime de ponfillyon constate que certaines entreprises familiales ont des difficultés quant à l’embauche de jeunes talents. afin de savoir si le fait qu’une entreprise soit familiale constitue intrinsèquement un frein au recrutement de talents, il est important de prendre en compte les aprioris que les français ont par rapport aux entreprises familiales en général. l’un de ces aprioris est que les candidats considèrent que leur évolution au sein de ces entreprises est limitée et que les postes stratégiques sont réservés aux membres de la famille. cela entraîne la perte, pour l’entreprise, de recrutements potentiels de collaborateurs compétents et à fort potentiel, susceptibles d’être intéressés par la société. il nous semble important pour les entreprises familiales de lutter activement contre cette idée reçue afin de lever un frein potentiel à l’embauche ou à la capacité de fidéliser ses collaborateurs. nous préconisons donc une transparence accrue, que ce soit lors des processus de recrutement ou dans la communication interne et externe, afin de faire connaître, voire d’impliquer, les collaborateurs dans le système de mobilité horizontale et verticale.

propositions1. L’entreprise familiale pourrait véhiculer la culture de la promotion liée au mérite dès les premiers contacts avec les candidats

les fiches de postes constituent le premier moyen de communication avec les candidats. elles peuvent décrire l’entreprise en insistant sur les valeurs qu’elle défend et sur lesquelles elle fonde sa culture et aborder les possibilités d’évolution à des postes clefs. la présentation de l’entreprise en entretien est également un bon moyen de prouver que l’évolution à des postes stratégiques est possible. il faut alors bien expliquer et montrer avec des exemples concrets que l’ascension hiérarchique est possible et que l’entreprise fait attention à éviter le népotisme. il serait également positif de faire témoigner un employé hors famille ayant atteint un poste stratégique grâce à ses performances à la fin du processus de recrutement.

2. L’entreprise familiale peut fidéliser et motiver ses talents en communiquant en interne sur l’existence de réelles perspectives d’évolution aux postes clefs

l’entreprise familiale dispose de différents moyens de communication interne pour démontrer les perspectives d’évolution à ses salariés. elle peut

par exemple mettre en place une newsletter sur la promotion en interne des différents profils ou créer une culture book avec des témoignages de collaborateurs ayant atteint des postes stratégiques ne faisant pas partie de la famille. elle peut aussi mettre en place une grille interne de postes et de rémunération afin que tous les employés connaissent les perspectives d’évolution qu’ils peuvent avoir. il est également possible de collecter les informations relatives à chaque employé auprès de ses supérieurs afin de leur proposer des évolutions adaptées à leur profil lors de l’entretien individuel annuel. ainsi, l’entreprise pourra garantir à chacun une possibilité d’évolution en termes de responsabilités à l’issue des entretiens annuels individuels, en cas de bonne implication et de bons résultats.

3. L’entreprise familiale peut construire une image externe autour de la culture du mérite 

des moyens de communication externes existent également pour les entreprises familiales pour se construire une image valorisant la culture du mérite. Par exemple, introduire un onglet «interview» sur leur site internet, dans lequel se trouvent des témoignages d’employés extérieurs à la famille ayant évolué au sein de l’entreprise et atteint des postes stratégiques. rendre le culture book, évoqué précédemment, disponible au grand public sur le site internet permettrait aussi de valoriser la culture du mérite.

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entretien aVeC…

sophie georger menereauPDG de PRAMAC

selon notre témoin, dans une petite structure, les perspectives d’évolution se limitent en général à du moyen terme. il est en effet difficile de proposer à un employé un plan de carrière dépassant les 5 ou 6 ans. Par ailleurs, c’est quelque chose qui est même déconseillé pour certaines fonctions. un commercial, par exemple, doit changer d’entreprise tous les 5 ans maximum afin de ne pas perdre en réactivité et en efficacité.

afin de prendre en compte ces constats, mais également d’éviter toute déception de la part de l’employé vis-à-vis de son employeur, il est nécessaire de communiquer avant même l’embauche sur ces points. cela se traduit donc par des entretiens transparents, durant lesquels les perspectives d’évolution au sein de l’entreprise sont clairement explicitées. cela permet ainsi à tout candidat ayant des attentes différentes de se rétracter et de chercher un poste dans une structure lui proposant un plan de carrière sur un plus long terme.

une fois ces limites posées, l’employeur et le candidat peuvent, ensemble, mettre en place un programme d’accompagnement de carrière. cela se traduit, par exemple, par des formations continues permettant à l’employé de progresser lors de son séjour dans l’entreprise. l’objectif est donc de créer une valeur ajoutée pour sa carrière à venir. il pourra ensuite prétendre à un poste plus valorisant en sortant de l’entreprise. cette considération de l’employé fait également naître un intérêt de ce dernier pour l’entreprise grâce à la transparence et à la prise en compte de ses besoins, qui le font se sentir respecté et qui le poussent à être plus efficace dans son travail.

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5. Les salaires risquent d’être plafonnés car choix financiers guidés par une vision patrimoniale marion poullain - rudy Bertrand

selon les résultats de notre enquête, le fait que le dirigeant d’une entreprise familiale mène une politique patrimoniale peut être un frein à la motivation des jeunes diplômés à rejoindre une telle entreprise. d’une manière générale, les politiques rH des entreprises familiales sont souvent perçues comme paternalistes, archaïques et obscures. Plus particulièrement, il est ressorti au terme de notre enquête que la rémunération proposée dans les entreprises familiales est perçue comme inférieure à celle de la concurrence et plutôt défavorable aux employés ne faisant pas partie de la famille. exemples de ressentis issus de notre enquête :

• Accès aux postes à responsabilités réservés aux membres de la famille du fondateur• Salaires moins intéressants dans les entreprises familiales que dans les autres entreprises du marché (à poste équivalent)• Moins de perspectives d’augmentation et/ou d’évolution au sein de l’entreprise• Pas de transparence sur les grilles salariales• Entrées au capital rares (le dirigeant protège son patrimoine familial)

nous souhaitons proposer des pistes permettant de mettre fin à ces idées reçues.

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matière d’embauche. avant tout, il convient de bien définir la politique rH de l’entreprise (grille salariale, définition précise de chaque poste, responsabilités incombant à chaque niveau hiérarchique etc.), comme le ferait un grand groupe. ensuite, il faut établir une communication claire, cela peut être en matière de rémunération et d’augmentation, en numéraire et avantages en nature. ceci peut supposer également de comparer la rémunération de l’entreprise familiale à celles des entreprises concurrentes du même secteur, afin de montrer que les salaires ne sont pas inférieurs au marché. ou encore, communiquer sur l’égalité des salaires et des chances d’être promu. communiquer de manière transparente sur ces différents aspects rassurerait les jeunes diplômés extérieurs au cercle familial de l’entreprise.

cette communication efficace doit également mobiliser les canaux de communication modernes et privilégiés par les étudiants et jeunes diplômés, tels les réseaux sociaux.

3. proposition d’outils à mettre en place dans les entreprises familiales afin de structurer et formaliser leurs pratiques rh

afin de palier à ces aprioris négatifs de la part des étudiants et jeunes diplômés, une structuration et formalisation des pratiques rH nous semblent primordiales. l’embauche et l’intégration de nouveaux collaborateurs en seraient facilitées. Plusieurs pistes peuvent être exploitées :Pour attirer les jeunes diplômés lors des recrutements, il paraît important de mettre en application des pratiques rH mentionnées ci-dessus  : informer les candidats des perspectives salariales et d’évolutions de carrière et les comparer avec celles du marché, insister sur l’égalité des chances entre les nouvelles recrues et les membres de la famille. il pourrait aussi être pertinent de mettre en place un questionnaire de satisfaction sur les pratiques rH et plus généralement sur l’ambiance de travail dans l’entreprise familiale, afin d’améliorer continuellement le quotidien des collaborateurs d’une part, et de montrer les résultats aux candidats pour les attirer, d’autre part. l’apprentissage peut être aussi un excellent moyen afin que les étudiants puissent se faire leur propre avis et expérience au sein d’une entreprise familiale. il permet aussi de faciliter le recrutement des anciens apprentis.afin de mettre en avant le facteur humain très présent dans les entreprises familiales, certaines entreprises, notamment dans les domaines techniques (comme la mécanique), mettent en place un accompagnement des collaborateurs, en facilitant leurs accès à des formations par exemple.

propositions1. aider les étudiants et les jeunes diplômés à appréhender l’intérêt d’une vision patrimoniale en entreprise (grâce à des conférences et interventions au sein des universités, écoles et centres de formation)

mettre en œuvre une stratégie patrimoniale en entreprise n’est pas nécessairement un point négatif. au contraire  : la vision patrimoniale permet bien souvent de pérenniser l’entreprise au travers de décisions pensées à long terme afin de la transmettre à la descendance, plutôt que des décisions servant à satisfaire les désirs à court terme des investisseurs.

les aspects humain et éthique sont aussi des qualités très fortes des entreprises familiales. dans ces entreprises les collaborateurs sont souvent placés au sommet des préoccupations et sont bien plus que de simples employés. les entreprises familiales sont reconnues pour peu licencier lors de difficultés financières, elles sont généralement plus solides et essaient de limiter les conséquences humaines. un intérêt tout particulier est également porté à l’ambiance de travail. dans une entreprise familiale les relations interpersonnelles sont très importantes, l’esprit d’équipe et de cohésion y est très fort.

cependant, même si l’intérêt de la vision patrimoniale n’est plus à prouver, la vision qu’en ont les jeunes diplômés reste négative. Pour corriger ces aprioris erronés et faire prendre conscience des avantages à intégrer une entreprise familiale (explicités ci-dessus), il serait bon que les entreprises familiales s’ouvrent et communiquent sur leurs pratiques, directement vers les jeunes diplômés. cela pourrait se faire lors de conférences, d’interventions ou d’after works au sein des universités, écoles et centres de formation. en effet, nous avons pensé qu’il serait intéressant de donner la possibilité aux étudiants de rencontrer les dirigeants d’entreprises familiales et d’échanger avec eux. les dirigeants, quant à eux, auraient ainsi une opportunité de rencontrer un vivier de potentiels futurs collaborateurs.

2. faire prendre conscience aux dirigeants d’entreprises familiales de l’importance de définir et mettre en place des pratiques de rh claires

comme l’analyse frédéric robin, directeur cic banque privée, « certaines entreprises familiales pensent ne pas avoir besoin d’ouverture, elles se trompent. » le recrutement est un marché comme un autre, sur lequel la concurrence peut être rude. la rémunération et les opportunités de carrière sont les deux préoccupations premières des jeunes diplômés. malheureusement ces deux points sont perçus comme moins attractifs et moins transparents dans les entreprises familiales.

définir, mettre en place et communiquer sur des pratiques rH claires permettraient d’améliorer l’attractivité des entreprises familiales en

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entretien aVeC…

frédéric robinDirecteur CIC Banque Privée, en charge de la commission transmission à NAPF

d’après votre expérience professionnelle aux côtés d’entreprises familiales, pensez-vous que le dirigeant d’une entreprise familiale tend à favoriser les membres de sa famille ?« c’était vrai, mais je crois que ça ne l’est plus, ou beaucoup moins. désormais, on privilégie vraiment les compétences. Je peux vous donner l’exemple du groupe charier, une entreprise de travaux publics située en loire atlantique, qui a recruté ces dernières années deux membres de la famille. ces deux personnes avaient débuté leur carrière dans d’autres entreprises et ont suivi le processus de recrutement standard, c’est finalement leurs compétences qui ont prévalu. »

Ces entreprises offrent-elles, en général, un niveau de rémunération moins élevé à postes équivalents ?« les entreprises familiales offrent beaucoup d’opportunités directes ou indirectes. intégrer une entreprise c’est aussi intégrer un état d’esprit, un adn. les salaires proposés sont peut-être moins probants mais il est possible d’avoir d’autres attributs, comme des voitures de fonction par exemple. de plus, l’intérêt à sa mission est beaucoup plus fort, on peut plus facilement être associé aux décisions stratégiques, à des comités de pilotage, etc. que dans un grand groupe. au niveau des salariés des entreprises familiales que je connais, la satisfaction globale est plus importante. »

selon vous, les entreprises familiales sont-elles moins attractives au niveau de l’embauche ?«  il existe probablement un décalage au départ, une sorte de «  handicap de départ  » qui fait que les entreprises familiales sont moins attrayantes. c’est un a priori négatif qu’il faut relativiser en se faisant sa propre expérience ou un prenant des exemples de grands groupes familiaux reconnus, tels que fleury michon. de plus, le facteur humain est un élément clé dans une entreprise familiale, ce qu’il

faut bien prendre en compte. en effet, les entreprises familiales sont généralement plus solides en période de crise parce qu’on se sert tous les coudes, on essaie de limiter les conséquences humaines. »

Que peuvent faire ces entreprises pour être plus attractives ?«  attirer un peu plus, c’est déjà s’ouvrir un peu plus. certaines entreprises familiales pensent ne pas avoir besoin d’ouverture, elles se trompent. mais il faut les aider à s’ouvrir, elles ne devraient pas hésiter à aller plus vers des structures du type cci (chambre du commerce et de l’industrie) ou la chaire entrepreneuriat familial d’audencia, par exemple. de plus, ces entreprises doivent mettre en avant les avantages qu’elles offrent, traditionnellement elles utilisent moins les outils de communication d’aujourd’hui, tels que les réseaux sociaux, il y a des efforts à fournir à ce niveau-là. enfin, elles peuvent aussi mettre en place un accompagnement (notamment dans le cas des métiers techniques, avec des accès à la formation) ou un système d’intéressement avec l’actionnariat. »

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Chaire entrepreneuriat familial et société lancée en juin 2013, la chaire entrepreneuriat familial et société d’audencia est soutenue par le groupe cic, eY, fleury michon, le medef vendée, le groupe dubreuil, europcar atlantique (groupe sepamat) et le conseil départemental de la vendée. c’est une chaire de recherche au service des entreprises familiales du grand ouest, qui développe des travaux de recherche et propose des formations spécialisées, ainsi que des événements et des rencontres avec les acteurs de l’entrepreneuriat familial.

www.audencia.com