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IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT : Professeur des écoles L’implicite dans les albums de jeunesse. COMPAGNAT Laëticia Directrice de mémoire : Mme BOURBON Année : 2005

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Page 1: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

IUFM DE BOURGOGNECONCOURS DE RECRUTEMENT : Professeur des écoles

L’implicite dans les albums de jeunesse.

COMPAGNAT Laëticia

Directrice de mémoire : Mme BOURBON

Année : 2005

Page 2: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

N° de dossier : 04STA00340

SOMMAIRE

INTRODUCTION ………………………………………………………………3

I) LES ALBUMS ETL’IMPLICITE....................................................4

1 / Théorie de l’implicite……………………………………………………….4

a) L’implicite…………………………………………………………………………4

*Définition :……………………………………………………………………………..4

* Implicite et inférences :……………………………………………………………...5

b) Implicite et compréhension : ………………………………………………...6

c) Implicite et interprétation……………………………………………………..7

2 / L’implicite dans les albums……………………………………………...8

a) Le support album………………………………………………………………8

* Définition de l’album : ……………………………………………………………….8

* L’album : un genre en plein essor : ………………………………………………..8

*L’album : un support de qualité …………………………………………………….9

* L’album : un support privilégié pour les apprentissages ……………………….10

* L’album de jeunesse à l’école : .......................................................................11

b) L’album : un genre littéraire bivalent : .................................................11

* Le rapport de redondance : ……………………………………………………….11

Page 3: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

*Le rapport de complémentarité : …………………………………………………..12

* Le rapport de divergence : ………………………………………………………...12

c) Albums et implicites : ………………………………………………………...12

II Quelles démarches adopter ? ....................................................15

A) Quels programmes ? ............................................................................15

B)Quelles attitudes attendues de l’enseignant ? .............................18

a) L’enseignant : un lecteur expert de l’album ........................................18

b) L’enseignant et la construction d’une culture commune…………...19

C) Quel lecteur ? ...........................................................................................20

a )Texte et lecteur potentiel …………………………………………………...20

b)Un lecteur actif…………………………………………………………………..21

c)Un lecteur respectueux……………………………………………………….22

III DE LA REFLEXION A LA PRATIQUE…………………………22

Des exemples d’implicites dans les albums…………………22

A) En maternelle ……………………………………………………………….22

a) Présentation de la classe…………………………………………………...22

b) Un « état des lieux culturel » ………………………………………………23

c) Une mise en réseaux…………………………………………………………25

** Promenons-nous dans les bois de Frédéric STEHR………………………..26

**Loup d’Olivier DOUZOU…………………………………………………………...27

** Loulou de Grégoire SOLOTAREFF……………………………………………..29

d) D’autres exemples d’implicite dans l’album……………………………30

* L’album et la découverte du monde du vivant ………………………..30

*Album et interprétation……………………………………………………..31

e) Bilan………………………………………………………………………………..32

f Prolongements……………………………………………………………………33

B/ En cours moyen première année : …………………………………….33

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a)Présentation de la classe……………………………………………………..33

b) La notion de point de vue …………………………………………………...33

c) Implicite et décalage texte / images ………………………………………36

d) L’histoire au travers de l’album…………………………………………….38

e) Bilan………………………………………………………………………………..40

f) Prolongements : …………………………………………………………………41

CONCLUSION …………………………………………………………………….41

REMERCIEMENTS……………………………………………………………….42

BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………….43

ANNEXES……………………………………………………………………………45

INTRODUCTIONLa littérature occupe une place prépondérante dans les programmes officiels de

l’école primaire parus en 2002. L’acquisition d’une première culture littéraire dès

la maternelle semble un des objectifs majeurs développés dans les textes. Pour

ce faire, les enseignants doivent aider les enfants à la construire en leur

proposant une fréquentation régulière d’œuvres afin que la classe puisse se

constituer un socle de références communes. Aussi, il est nécessaire de

proposer des œuvres de qualité aux élèves, matière à analyse et à réflexion.

Une liste d’ouvrages de références pour le cycle III a été publiée par le ministère

de la jeunesse, de l’éducation et de la recherche pour permettre aux

enseignants d’effectuer au mieux leurs sélections. On peut trouver au sein de

celle-ci, des classiques de l’enfance et des œuvres contemporaines de la

littérature de jeunesse, dont les albums.

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Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus

particulièrement l’album se sont développés en France. Cet essor est lié à

l’intérêt que l’album suscite en tant que support riche et varié d’activités et ce

dès la maternelle.

L’album est un genre littéraire plus complexe qu’il n’y paraît. Il suscite la réflexion

du lecteur car tout n’est pas dit ouvertement. Comme dans tout énoncé oral ou

écrit il y a une grande part d’implicite, il y a des vides à combler. Mais comment

l’enseignant peut- il amener les élèves à comprendre ce qui n’est pas dit

clairement dans un album ? Comment rendre sensible aux informations

supposées ? Et comment construire le sens d’un ouvrage avec une somme

d’informations implicites ?

L’implicite est à prendre en considération pour la compréhension d’une œuvre et

son interprétation. Cette notion peut être définie de la manière

suivante « Implicite et explicite sont deux termes opposés. Est implicite ce qui

est contenu dans une proposition ou un fait sans être formellement exprimé, et

peut en être tiré par voie de conséquence par déduction, induction. Dans un

texte littéraire, ce qui est implicite, et que le lecteur doit découvrir, c’est ce que

sous entend la situation d’énonciation ».

Pour comprendre véritablement le texte qu’on lit, il faut donc être en mesure

d’expliciter ce qui n’est pas dit clairement. Comment amener les élèves à passer

de la compréhension littérale à la compréhension fine ? Qu’est ce que l’implicite

dans les albums ?

Il conviendra donc de définir cette notion puis de réfléchir aux formes qu’elle

peut revêtir dans l’album, ensuite nous envisagerons quelles démarches doivent

adopter maîtres et lecteurs en fonction des instructions officielles. Enfin, je me

suis penchée sur les questions suivantes : comment favoriser la prise de

conscience de l’implicite ? Et quels travaux proposer à partir de là, en maternelle

et en élémentaire ?

I) LES ALBUMS ET L’IMPLICITE

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1 / Théorie de l’implicitea) L’implicite*Définition :

Par nature, ce qui est implicite n’est pas dit ouvertement, n’est pas exprimé

formellement, clairement. Alors, on peut noter que dans chaque énoncé oral ou

écrit, il y a souvent une grande part d’implicite. Récits et discours ne peuvent

tout dire par économie mais aussi par dynamisme de communication. De plus,

tout dire paraît impossible. En revanche, ce qui n’est pas dit explicitement peut

l’être plus ou moins intentionnellement…

Jean-Paul ROCQUET, inspecteur de l’Education Nationale de la circonscription

de Perpignan-Sud, déclare au sujet du concept d’implicite : « Il y a des manières

de dire qui en sous-entendent d’autres. Dans le domaine de l’implicite, on peut

distinguer ce qui est présupposé, ce qui est impliqué et ce qui est sous-

entendu. » L’auteur distingue alors trois types d’implicite.

Pour lui, des informations sont présupposées quand elles peuvent être

comprises par le récepteur du message sans être clairement explicitées par le

locuteur. Pour ce faire, il est donc important que les informations contenues

dans le message appartiennent aux connaissances du récepteur. En outre : « le

présupposé rend intelligible le message dès lors que ce qui est présupposé,

c’est cet univers commun aux interlocuteurs […] qui est partagé et qui n’a pas

besoin d’être posé ». On peut donc dire que ce type d’implicite tait des

informations supposées connues.

L’auteur définit ensuite l’impliqué : « ce qui est implicite peut être impliqué

[…] ce qui n’est pas énoncé est déduit. La déduction qui est opérée dans ce

processus de lecture est appelée inférence ». Ainsi, dans un récit, des

informations ne sont pas données car elles peuvent être déduites, on peut leur

inférer un sens en faisant preuve de logique.

Enfin, Jean-Paul ROCQUET développe l’idée de sous-entendu : « entre ce

qui est impliqué et ce qui est sous-entendu, il y a l’intention. L’implicite fait

référence à des codes sociaux et des visions du monde partagées. Le sous-

entendu est un implicite volontaire. Une histoire drôle est fondée sur le sous-

entendu […].Pour que l’humour fonctionne, il convient que les interlocuteurs

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partagent un univers de références présupposé. » On peut alors noter que le

sous-entendu est intentionnel mais que cela n’a de valeur que s’il est entendu,

compris par le récepteur du message.

Un texte contient alors des éléments implicites, des informations qui ne sont pas

ouvertement exprimées et qui se superposent aux contenus explicites. En effet,

pour Umberto ECO, le texte est « une machine paresseuse » qui ne dit pas tout

car cela est impossible et parfois aussi voulu. Au sein de celui-ci se trouve

presque toujours une part plus ou moins grande d’implicite que le lecteur doit

repérer et décrypter. Selon Renée LEON « l’implicite du texte peut revêtir des

formes variées parmi lesquelles : l’implicite du récit, l’implicite des personnages,

l’implicite du message et l’humour. »

A partir de là on peut dire que l’implicite est polymorphe et qu’il nécessite parfois

des inférences de la part du lecteur.

* Implicite et inférences :

Des auteurs de la Télé Formation Lecture (TFL) tels que Nicolas CAMPION

psychologue et Daniel MARTINS professeur de psychologie cognitive, se sont

penchés sur la notion d’implicite et plus particulièrement sur celle d’inférence

comme Jean-Paul ROCQUET.

Il semble tout d’abord que les inférences fassent partie intégrante des activités

cognitives et notamment de la compréhension de texte. Pour Nicolas CAMPION,

« faire une inférence, c’est produire des informations disponibles […] des

connaissances qui doivent être récupérées en mémoire à long terme […]. Pour

ce qui concerne la lecture, les inférences engendrent de nouvelles propositions

à partir des propositions du texte et des connaissances associées à ces

propositions ». Il semble donc, d’après l’auteur que le lecteur doit faire des

inférences pour établir des liens entre le texte et ses connaissances. Daniel

MARTINS va plus loin en expliquant que les inférences « facilitent la

compréhension ».

On peut donc dire que les inférences sont des aides à la compréhension,

qu’elles peuvent être de deux ordres : fondées sur le texte ou bien sur les

connaissances du lecteur. En ce qui concerne le développement de la capacité

à inférer, Jocelyne GIASSON explique qu’elle augmente avec l’âge mais elle

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commence très tôt, et est fondée sur les expériences antérieures : « les jeunes

lecteurs sont capables de faire des inférences mais ils ne sont pas toujours

organisés dans leur démarche. »

Dans l’activité de lecture, il est alors capital de faire des inférences car les

informations données dans un texte restent parfois implicites. Il revient donc au

lecteur la lourde tâche d’établir des inférences pour les rendre explicites.

Mais pour parvenir à faire des inférences, le lecteur ne doit-il pas dépasser la

compréhension littérale ? Quel est donc le lien entre implicite et

compréhension ?

b) Implicite et compréhension : Comme nous l’avons dit précédemment, un texte ne peut tout dire, il est alors

nécessaire de faire des inférences pour rétablir la cohérence du texte lu pour le

comprendre. Mais qu’est-ce que comprendre un texte ?

Pour Caroline GOLDER et Daniel GANAC’H « comprendre un texte, c’est

décoder les mots et c’est aussi mettre en œuvre un ensemble de traitements

cognitifs de haut niveau pour rétablir les informations implicites, et ainsi

construire une représentation cohérente, en convoquant les connaissances

préalables du lecteur. » C’est ainsi que le lecteur peut construire une

représentation cohérente de la situation évoquée. On peut alors dire que faire

des inférences est un processus faisant partie intégrante de la compréhension.

Par cette définition, il semble que comprendre ce qui est suggéré dans un texte,

ce n’est pas seulement le comprendre littéralement mais c’est aller au-delà de

ce type de compréhension. Ainsi, percevoir l’implicite relèverait de la

compréhension fine. Pour Elisabeth CALAQUE la compréhension fine est « une

analyse intégrant le thème ou l’idée essentielle du texte et les réseaux de

relation qui le constituent : les relations à l’intérieur d’un énoncé, entre énoncés

voisins, entre différents passages du texte. »Il s’agit donc de chercher dans le

texte plus d’informations que celles données explicitement, ce serait alors un

second niveau de lecture demandant plus d’implication de la part du lecteur. De

plus, comprendre un texte reviendrait à « le reconstruire » sémantiquement en

s’appuyant sur le texte et ses connaissances. Selon André OUZOULIAS

professeur de l’IUFM de Versailles, « sans la reconstruction du non-dit du texte,

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on ne peut pas vraiment parler de compréhension du texte. » Ainsi, comprendre

un texte, c’est bien plus que comprendre la somme des mots qui le constituent.

Il semble donc important de se distancer par rapport au texte pour le

reconstruire, d’avoir un regard critique pour le comprendre et en saisir tous les

effets. Mais étant donné qu’un texte ne dit pas tout, ne peut-on pas également

interpréter le non-dit ?

c) Implicite et interprétationY a t-il un lien entre comprendre et interpréter ? A-t-on à faire à deux opérations

indépendantes ou hiérarchisées ? Une des définitions que l’on peut donner de

l’interprétation est la suivante : c’est « l’action d’expliquer, de chercher à rendre

compréhensible ce qui est dense, compliqué, ambigu. » Catherine TAUVERON

va plus loin en énonçant : « l’interprétation n’est pas un processus second,

supérieur à la compréhension mais un processus intégré à la compréhension :

pour apprendre à comprendre, il convient d’apprendre à interpréter. » Alors on

aurait deux opérations cognitives étroitement liées lors d’une lecture littéraire.

Tous les auteurs ne sont pas d’accord sur cette notion d’interprétation. Pour

certains, elle est l’aboutissement suprême de l’acte de lecture, dépassant la

compréhension considérée comme nécessaire mais réductrice. Pour d’autres, le

lecteur élabore un travail sur le texte durant la lecture, c’est le travail

d’interprétatif. La compréhension d’un texte arrive à la fin de la lecture. Il peut

également y avoir une interprétation seconde pour donner un sens global à

l’œuvre. Dans les programmes de l’école élémentaire, on peut lire : « le sens

d’un texte littéraire n’est jamais totalement donné, il laisse une place importante

à l’intervention personnelle du lecteur »…

A la lumière de ce que j’ai pu lire sur ce sujet, il me semble que l’interprétation

est sollicitée dès lors que le lecteur cherche à rendre explicite une information

qui n’est ni donnée clairement par le texte ni par l’image (en ce qui concerne

l’album). Le lecteur n’a plus d’indices précis textuels ou iconographiques pour y

répondre. Il y a alors plusieurs façons d’interpréter un texte qui dépendent des

connaissances du lecteur, de ses intentions de lecture et du contexte : c’est à

dire de sa subjectivité. Pour Catherine TAUVERON « un texte littéraire vous

autorise et plus encore vous encourage à rechercher plusieurs interprétations, il

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ne vous oblige pas de surcroît à choisir, il y a même une jouissance de

l’indécidabilité.» Cependant, il faut tout de même noter qu’au delà de

l’investissement personnel et intime, le lecteur ne peut interpréter n’importe quoi,

il est relativement contraint par le texte même s’il le confronte à son point de

vue, par exemple. En effet, pour Catherine TAUVERON, « l’interprétation pour

être reconnue plausible, doit être soumise à une procédure de validation. » soit

par un retour au texte, soit par confrontation avec des données ou

connaissances extérieures.

On peut donc dire que compréhension et interprétation sont étroitement liées,

nécessaires et constitutives de la lecture littéraire. Mais qu’en est-il de l’implicite

dans les albums ?

2 / L’implicite dans les albumsa) Le support album* Définition de l’album :

L’album de jeunesse est dans sa définition la plus simpliste « un grand livre

abondamment illustré ». En développant cette définition quelque peu restrictive,

on peut d’abord définir l’album par la matérialité qui lui est propre. C’est un livre

comprenant peu de pages dont les dimensions sont souvent plus grandes que la

plupart des autres livres et dont la couverture est généralement rigide. Son

contenu est essentiellement narratif : une histoire est racontée aux moyens d’un

texte et/ou d’une image. Il est élaboré pour un public particulier : celui des

enfants.

* L’album : un genre en plein essor :

Depuis la création des Albums du Père Castor en 1931 par Paul FAUCHER, aux

éditions Flammarion, les albums et la littérature de jeunesse de manière plus

générale, ont connu une belle et grande expansion. Des albums du Père Castor

à ceux de l’école des loisirs, des productions de qualité vont s’accroître,

bénéficiant de réseaux de diffusion. La littérature doit son développement à une

conception de l’enfant perçu comme une personne « à part entière ».

Les auteurs et les maisons d’édition se sont peu à peu multipliés pour : élaborer

des supports attirants, proposer des thèmes proches des centres d’intérêts des

enfants, diversifier les productions plastiques et littéraires, permettre des lectures

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plurielles… « Ainsi le livre objet s’est métamorphosé pour mieux répondre aux

exigences de son lecteur. »

L’essor du genre album est également lié aux progrès techniques des arts

graphiques et à l’intérêt qu’il suscite en tant que support riche et varié d’activités

et ce dès la maternelle. Ainsi, en France, l’album est depuis plusieurs années un

genre reconnu par les professionnels du livre et de la lecture.

*L’album : un support de qualité :

En considérant que l’album est un genre destiné aux plus jeunes, on pourrait

penser que ce support est simpliste, pauvre de sens, et ainsi facile à

comprendre étant dépourvu de toute difficulté. Raisonner ainsi reviendrait à se

méprendre car, dans la majorité des cas, il n’en est rien. En effet, l’album de

jeunesse est un genre élaboré qui offre aux enfants, dès leur plus jeune âge,

des œuvres de qualité parfois plus complexes qu’il n’y paraît. Il ne faut ainsi pas

croire que la littérature de jeunesse raccourcit, coupe ou simplifie le texte ou

l’histoire qui est proposée. Les albums sont certes pour l’enfance et la jeunesse,

mais les thèmes qui y sont abordés sont diversifiés et il existe des ouvrages sur

des sujets sérieux tels que la mort , par exemple La découverte de Petit-Bond de

Max VELTHUIJS publié par l’école des loisirs en 1999. On trouve également des

albums traitant de l’exclusion, de la différence, on peut alors citer Benji de Guido

VAN GENECHTE aux éditions Milan. D’autres sujets plus ou moins « tabous » y

sont aussi abordés : le racisme, le divorce ou l’identité sexuelle…

On peut alors dire qu’au-delà d’une apparence de simplicité, on peut rencontrer

des œuvres résistantes, de qualité, invitant les élèves à de véritables réflexions.

Le secteur de la littérature de jeunesse semble être un lieu d’une grande

richesse inventive et plus particulièrement en ce qui concerne l’album : ils sont

abondants, disponibles et en perpétuel renouvellement.

Il est à remarquer cependant que certains albums sont originaux, qu’ils sollicitent

l’imaginaire de l’enfant, que la qualité de la langue employée et leur construction

sont remarquables tandis que d’autres sont médiocres et publiés parce qu’ils

plairont à un grand nombre et rapporteront de l’argent. Selon Renée LEON, « la

littérature de jeunesse est une littérature à part entière.».

En effet, un nombre important d’albums propose des constructions artistiques

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savamment élaborées par les auteurs et les illustrateurs. Malgré de lourds

préjugés sur ce genre du fait qu’il s’adresse aux enfants, il semble que l’on peut

parler de vraie littérature pour de vrais lecteurs. Son développement, ses

réussites et sa diversité en sont des preuves incontestables.

Les albums de jeunesse permettent une véritable entrée en littérature par le

foisonnement de signification et les parcours multiples qu’ils génèrent. Certains

auteurs contemporains jouent sur les ambiguïtés, les secrets ou non-dits, les

polysémies pour créer davantage de connotations, des illustrateurs proposent

des images étranges et cryptées…

On peut donc dire que la plupart des albums de jeunesse sont de véritables

œuvres d’art incitant l’enfant à la réflexion par le texte et /ou les images. Ils

sollicitent l’imagination de l’enfant et leurs constructions sont de qualité. Voici

pourquoi un tel support mérite notre attention car c’est en effet « un art

contemporain ».

* L’album : un support privilégié pour les apprentissages :

On peut tout d’abord dire que l’album permet d’enrichir et de développer le

langage des enfants. Les textes sont souvent de qualité et les élèves peuvent

s’approprier le lexique ou des tournures de phrases qu’ils ont rencontrés et

compris lors de lectures, du fait que l’œuvre rend souvent compte des normes

de l’écrit.

L’album est également un support d’échanges dans la mesure où il est

l’occasion d’engager le dialogue pour redire l’histoire à partir du texte et/ou des

images. Il peut aussi être support de débat par le thème qu’il aborde : les

enfants peuvent s’exprimer et justifier leur point de vue.

L’album semble également un support privilégié pour éduquer le regard de

l’élève. En effet, il semble important de savoir décrire les illustrations mais aussi

de les comprendre voire de les interpréter.

L’album est aussi un support intéressant pour travailler sur le sens, la

compréhension, du fait qu’il soit l’union d’un langage textuel et d’un langage

iconographique. Ainsi une double entrée est possible.

L’album est un support d’apprentissages multiples qui peut aussi être utilisé

comme support de lecture, en histoire et en sciences…

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* L’album de jeunesse à l’école :

Comme nous l’avons vu précédemment, l’album est un support d’apprentissage

et beaucoup militent depuis longtemps pour qu’une place authentique soit faite à

l’enseignement de la littérature de jeunesse de la maternelle au CM2 et même

au-delà. Selon Anne-Marie MERCIER, « il faut que la littérature ait sa place à

l’école quel que soit l’âge des enfants si l’on veut former de futurs lecteurs ».

Ainsi, depuis plus de trente ans, de nombreux projets ont contribué à installer

l’album à l’intérieur de l’école et il ne cesse d’investir les lieux de lecture pour

enfants tels que la bibliothèque de classe, la bibliothèque centre documentaire.

Depuis 2002, l’album fait partie intégrante des nouveaux programmes et une

liste de titres de références est publiée par le ministère de l’éducation nationale

pour proposer des sources de qualité aux enseignants.

L’album occupe une place importante à l’école car il concrétise le premier

contact de l’enfant avec la lecture. Ainsi, les fonds de livres doivent être

suffisamment diversifiés pour que tous les appétits de lecture puissent être

satisfaits. Mais quelle est la particularité de l’album ?

b) L’album : un genre littéraire bivalent : L’album est un genre littéraire qui associe texte et images pour raconter une

histoire. Au sein du support se rencontrent deux techniques : une littéraire et

l’autre graphique. C’est ainsi que « les auteurs les combinent avec justesse

pour créer un langage propre au genre qu’est l’album ».

Pour construire et comprendre une histoire issue d’un album, il est donc

important de prendre en compte et de façon équivalente le texte et l’image.

Ainsi, le plus souvent, ils vont de pairs mais quels peuvent être leurs rapports ?

* Le rapport de redondance :

Dans ce cas, les informations apportées par le texte et les illustrations peuvent

être redondantes et donc dire la même chose mais l’un par l’écrit et l’autre par le

graphisme. Cependant, on peut noter que texte et images sont rarement

redondants à cent pour cent étant donné que par le texte on ne peut jamais tout

dire et que l’image ne peut retranscrire un dialogue et qu’il est difficile de

représenter l’ensemble d’une série d’évènements par exemple. Dans Chien bleu

de NADJA lutin de poche 1989, il semble que texte et images peuvent être

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compris indépendamment.

*Le rapport de complémentarité :

Ici, il est important de mettre en relation texte et illustrations car ils se complètent

l’un, l’autre. Leur rapport est « fusionnel » dans le sens où l’un ne va pas sans

l’autre, ils sont tous deux nécessaires à la compréhension de l’histoire. En effet,

dans certains albums comme dans Le petit garçon étoile de Rachel

HAUSFATER- DOUIEB et Olivier TALYK, albums Duculot, édition Casterman

2001, le texte ne peut être compris sans le support des images. De ce fait, les

illustrations vont donner du sens au texte.

Pour d’autres albums, ce sera le texte qui donnera du sens aux images : Sur la

branche de Claude PONTI, lutin de poche 2000, en fait bien l’illustration.

* Le rapport de divergence :

Ce rapport semble un cas particulier du lien de complémentarité qui unie le texte

et l’image. Dans ce cas, les deux types de langages semblent apporter des

éléments distincts et /ou se contredisent. Ce rapport permettrait de créer un effet

humoristique ou de surprise pour casser le confort de lecture et/ou pousser le

lecteur à la réflexion. On peut alors citer L’Afrique de Zigomar de Philippe

CORENTIN, Ecole des loisirs 1993. Il semble que ce type de rapport renvoie à

l’implicite le plus spécifique de l’album c'est-à-dire le décalage texte/images.

On peut aussi noter qu’au-delà des rapports qu’entretiennent le texte et les

illustrations, tous deux peuvent être de grande qualité. L’album comme œuvre

littéraire rend compte des normes spécifiques de l’écrit. Les images sont

élaborées par des illustrateurs, ce « sont souvent de vrais artistes qui donnent

chacun un point de vue subjectif sur la vie, sur le monde ». Auteurs et

illustrateurs ont donc souvent la volonté d’offrir aux enfants matière à réflexion.

c) Albums et implicites : Comme nous avons pu le démontrer, l’album est un genre littéraire complexe où

tout n’est pas dit ouvertement. Ce sont souvent des œuvres résistantes qui

suscitent la réflexion du lecteur. En effet, pour Catherine TAUVERON, « il existe

dans la littérature de jeunesse comme dans toute littérature, des récits résistants

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et parmi eux des récits réticents. »Ce sont des textes qui en disent moins qu’ils

ne devraient dire, on pourrait alors parler de « béances à combler » par le

lecteur.

Certaines situations sont parfois déficitaires et provoquent une résistance à la

compréhension, des énigmes doivent être résolues car l’auteur ne rend pas

immédiate la saisie de l’œuvre pour solliciter la médiation du lecteur. L’implicite

dans l’album peut se cacher dans le texte ou bien dans les images, ce qui le

rend d’autant plus riche. Il est polymorphe, ainsi on pourrait parler d’implicites

multiples au sein des albums. Comme nous l’avons dit, il peut revêtir différentes

formes parmi lesquelles l’implicite des illustrations, du récit, des personnages, du

message, l’humour… De manière plus précise, dans l’album on peut rencontrer

des lieux d’incertitude tels que :

• des blancs : Dans ce cas, le texte et /ou les images sont lacunaires. Des

informations sont tues, font défaut. On peut parler de silences plus ou

moins intentionnels comme par exemple sur le comportement ou le

ressenti d’un personnage ou bien la fin d’une histoire. Dans La grenouille

à grande bouche de Francine VIDAL et Elodie NOUHEN, Didier jeunesse,

2001, la fin de l’histoire est passée sous silence. L’auteur laisse à son

lecteur l’initiative de poursuivre le récit pour combler les blancs.

• L’intertextualité : Cette notion désigne le fait qu’un texte peut renvoyer à

d’autres textes. Ainsi, on peut parler de liens qui se tissent d’un ouvrage à

l’autre, de relations qui se manifestent à l’intérieur du support album par

exemple. L’intertexte, écrit Michel RIFFATERRE « est la perception, par

le lecteur, des rapports entre une œuvre et d’autres qui l’ont précédée ou

suivie. » Il existe plusieurs formes d’expression de l’intertextualité dont la

réécriture (pastiches, parodies…), l’allusion, la citation…Frédéric STEHR

dans son album Promenons-nous dans les bois, Ecole des loisirs, 1990

cite clairement la comptine du même nom. Loup d’Olivier DOUZOU,

Rouergue, 1995, fait lui aussi référence à la comptine mais en la

parodiant. L’auteur détourne le texte pour créer un effet sur le lecteur.

Pour comprendre ces albums, il est alors nécessaire de percevoir les

miens, les renvois…en bref, l’intertextualité.

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On peut donc dire qu’au sein de l’album, le texte peut faire référence à

d’autres textes. Mais l’image ne peut-elle pas, elle aussi, faire référence à

des textes ?

• Les clins d’œil iconographiques : L’album est la rencontre entre un

langage textuel et un langage graphique. Ainsi, texte et /ou images

peuvent renvoyer à d’autres œuvres. L’illustration peut faire référence à un

texte (à un conte par exemple) et dans ce cas il s’agit d’intericônité. ; ou à

une œuvre d’art (un tableau). Dans Le Tunnel de Anthony BROWNE,

Kaléidoscope, 1989, les images font références au conte traditionnel du

Petit Chaperon rouge alors même qu’il n’en n’est pas question dans le

texte. On a donc bien à faire à l’intertextualité qui concerne les illustrations

appelée l’intericônité. Le même auteur, par Une histoire à quatre voix,

Kaléidoscope, 1998, propose un album aux illustrations revoyant à des

personnages de fictions et à des tableaux. Là encore, ces informations ne

sont pas présentes dans le récit.

Pour repérer ces clins d’œil picturaux, il est alors important de faire de

réelles lectures d’images.

• L’humour : Par définition, « l’humour est une tonalité particulière qui se

caractérise par la capacité à considérer la réalité sous un aspect insolite et

plaisant. » Percevoir l’humour, c’est prendre ses distances par rapport au

texte, c’est réfléchir aux décalages entre l’attendu, les horizons d’attente

que l’on a d’une œuvre et son contenu, considérer les décalages entre le

texte et les images…Dans Loup, l’humour naît du décalage entre ce que

symbolise le loup, les stéréotypes liés au personnage et son attitude finale

inattendue de manger une carotte.

• Les anaphores implicites : Dans un texte, le traitement de l’anaphore est

une opération difficile pour les élèves. Lorsqu’il rencontre une anaphore, le

lecteur doit en rechercher l’antécédent en mémoire pour comprendre de

qui ou de quoi il est question.

Selon Caroline GOLDER et Daniel GADNAC’H, « il y a anaphore lorsque

la compréhension d’un segment du texte repose sur un segment lu

antérieurement ». On peut même noter que parfois, au-delà du repérage

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de ces anaphores et de leur référent, il faut des connaissances sur le

monde pour pouvoir les comprendre. Moins une anaphore est précise,

plus elle est difficile à saisir. Un album présente ce type d’anaphores :

Sous la pluie avec Bébé canard d’ Amy HEST et Jill BARTON, Ecole des

loisirs, 1997.

• La notion de point de vue : Toute narration, tout témoignage, toute

discussion est déterminée par un regard particulier, une vision qui

hiérarchise et dirige la signification. Ainsi, le point de vue renvoi aux

notions de personnage, de narrateur, d’énonciation…Une histoire à quatre

voix est un album polyphonique raconté par quatre narrateurs différents.

Cette liste n’est pas exhaustive, l’album peut comporter d’autres lieux

d’incertitude mais les plus fréquents ont été cités. Mais comment les aborder

avec les élèves ?

II Quelles démarches adopter ? Comme nous avons pu le démontrer, l’album est un genre complexe qui ne dit

pas tout. Il contient souvent une grande part d’implicite qui devra être élucidée

par le lecteur. Mais comment l’école peut-elle susciter un comportement de

lecteur qui vise à rendre sensible aux informations qui ne sont que suggérées ?

Comment aider l’élève à construire le sens d’un texte avec une somme

d’informations implicites? Comment le faire entrer en compréhension fine ?

Il est important de réfléchir aux démarches qui peuvent être adoptées en classe,

aux situations d’apprentissages pouvant être mises en places…

Mais que disent les programmes officiels ?

A) Quels programmes ? Les programmes 2002, donnent une place nouvelle à l’acquisition d’une

première culture littéraire. Celle-ci doit être engagée dès l’école maternelle et

occupe une place importante au cycle des approfondissements. Mais qu’est-ce

que la culture littéraire à l’école primaire ?

Les documents d’application définissent cette notion par les termes suivants :

« une culture littéraire se constitue par la fréquentation régulière des œuvres.

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Elle suppose une mémoire des textes, mais aussi de leur langue, une capacité à

retrouver chaque fois qu’on lit, les résonances qui relient les œuvres entre elles.

Elle est un réseau de références autour desquelles s’agrègent les nouvelles

lectures. Bref, qu’il s’agisse de comprendre, d’expliquer ou d’interpréter, le

véritable lecteur vient sans cesse puiser dans les matériaux riches et diversifiés

qu’il a structuré dans sa mémoire et qui sont, à proprement parler, sa culture. »

Il s’agit donc d’amener les élèves à comprendre, à interpréter, à relier des textes

dans un parcours de lecteur qui s’enrichit de références partagées. En effet, « la

littérature est un univers dans lequel chaque élève expérimente

intellectuellement et personnellement la langue française. Elle donne des

références communes et constitue la base d’une culture partagée. » L’école doit

donc multiplier les occasions où l’élève peut faire cette expérience de la

littérature et faciliter le plus possible l’accès aux textes littéraires. « L’effort de

familiarisation avec la littérature de jeunesse, commencé oralement à l’école

maternelle, est poursuivi avec les mêmes méthodes et la même détermination »

à l’école élémentaire. Ce qui semble important, c’est que les élèves aient des

contacts réguliers et fréquents avec ces textes et qu’ils en rencontrent

beaucoup. Les lectures littéraires doivent donc être choisies avec soin et être

organisées en parcours. Une bibliographie courante mise régulièrement à jour

par le Ministère permet aux enseignants d’effectuer au mieux leurs sélections.

Un des objectifs les plus importants de l’école est de proposer des œuvres pour

tous car « l’inégalité sociale, […] est d’abord une inégalité culturelle : c’est à

l’école qu’il appartient de réduire cette distance par rapport au savoir et à la

culture.» Il est donc nécessaire de constituer en classe un socle de références

communes par la rencontre d’œuvres littéraires. Mais qu’en est-il de l’album ?

Appartient-il à cette littérature ?

Les albums constituent le plus souvent « une littérature d’excellente qualité tant

par les thèmes qu’elle traite que par la manière de les aborder dans un subtil

échange entre texte et images. » On peut alors dire que l’album est un support

de choix de par sa bivalence car il est la rencontre entre un langage textuel et

graphique. « Il sont l’occasion d’une première rencontre avec l’un des

constituant important d’une culture littéraire vivante et doivent tenir une place

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centrale dans le quotidien de l’école maternelle. » Ainsi, l’album concrétise une

première prise de contact avec le livre en maternelle. Mais qu’en est-il en

élémentaire ?

Au cycle III, un trajet de lecture « doit être varié et permettre la rencontre des

différents genres littéraires et éditoriaux habituellement adressés à l’enfance

(l’album, bandes dessinées, contes, poésie, romans et récits illustrés, théâtre). »

Ainsi, comme à l’école maternelle, les albums doivent être présents à l’école

élémentaire. Mais peut-on parler de littérature en ce qui concerne l’album ?

Les auteurs de la littérature de jeunesse et notamment d’albums « tissent de

nombreux liens entre les textes qu’ils écrivent et ceux qui constituent le contexte

culturel de leur création. On ne peut comprendre véritablement un livre […] sans

retrouver ces relations. » Alors l’album est une vraie littérature pour de vrais

lecteurs. Ainsi, il faut amener les élèves à faire des inférences, anticiper, mettre

en résonance l’œuvre qu’on est en train de lire par rapport à une culture.

L’album est un support intéressant car il propose un double langage et l’on peut

trouver des références à d’autres œuvres aussi bien dans le texte que dans les

illustrations. Il paraît donc nécessaire d’assurer la compréhension du texte mais

aussi d’éduquer à la lecture d’images. « Dans l’album […] l’image joue souvent

un rôle encore plus décisif que le texte. C’est donc bien l’ensemble texte/images

qui, le plus souvent doit être compris et interprété. » En ce qui concerne

l’implicite, on peut lire : « on ne peut se contenter d’exiger des élèves une

compréhension des informations données littéralement dans le texte. On doit les

engager à retrouver les informations implicites qui sont à leur portée (la

compréhension des lacunes d’un message suppose que l’on dispose des

connaissances permettant de les retrouver) ». Cela implique de l’enseignant des

choix de supports de qualité et un questionnement précis sur l’implicite, y

compris sur ce qui lui paraît le plus évident. On peut dire que c’est ainsi que les

enfants pourront comprendre les textes qu’ils lisent. Les programmes ajoutent

ensuite : « il est tout aussi important de conduire les élèves à une attitude

interprétative, le sens d’un texte littéraire n’est jamais totalement donné, il laisse

une place importante à l’intervention personnelle du lecteur. » Il semble donc

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important de permettre compréhension et interprétation des œuvres proposées

mais on peut noter « qu’un autre moyen de rendre plus assurée la

compréhension d’un texte est d’articuler celle-ci avec un travail d’écriture. » Alors

l’univers de cette littérature peut se découvrir aussi par la pratique de l’écriture.

Pour faire de chaque enfant un lecteur assidu, il faut permettre à l’œuvre de

venir s’inscrire dans la mémoire de chacun, attirer l’attention sur les aspects les

plus ouverts de l’œuvre ou l’album étudié.

Mais quels sont alors les rôles et attitudes à développer par l’enseignant ?

B)Quelles attitudes attendues de l’enseignant ? Un des principaux buts de l’enseignant est la réussite de tous les enfants, il doit

ainsi proposer un accès riche et concret à la littérature et ce, dès la maternelle.

Mais quelles sont ses responsabilités ?

a) L’enseignant : un lecteur expert de l’album. On peut tout d’abord noter que tous les enseignants ne sont pas des littéraires.

Comme nous l’avons dit, tous les albums ne sont pas d’égales qualités mais une

liste d’ouvrages de référence a été publiée pour aider les enseignants à faire

leurs choix. Mais au-delà de cette liste, il semble important que chaque

enseignant parte à la découverte de l’album…

En effet, les instructions officielles font une place à la littérature dans ce qu’elle a

de plus artistique et culturel. Pour les auteurs de Littérature : l’album cycle II , on

ne peut « mettre en application ces textes en dehors d’une solide formation

initiale des enseignants, car pour transmettre la culture du livre, il faut lire, lire et

encore lire. »

Il semble donc nécessaire que chaque enseignant puisse rencontrer, découvrir

le support album. Car la connaissance de la littérature de jeunesse se construit

par une lecture personnelle. En effet rien ne peut remplacer la fréquentation

directe et régulière des albums. Ainsi, l’enseignant construira peu à peu sa

propre culture pour ensuite la transmettre aux enfants. Le maître devra d’abord

s’approprier les albums pour ensuite les faire découvrir à ses élèves. Il est

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important qu’il entre dans le livre pour interroger sa construction , note des

procédés, des allusions , qu’il aille à la recherche de clés, des secrets de l’album

qu’il pointe ce qui le touche, le perturbe, qu’il cerne les enjeux les plus

importants du livre, repère les intentions du texte…

Ainsi, l’enseignant se doit d’être au clair sur la littérature jeunesse, et construire

ses propres outils pour identifier les ressources propres aux livres pour enfants.

Il élaborera peu à peu des critères de choix pour sélectionner des albums

pertinents. L’enseignant a donc une responsabilité dans la programmation de la

rencontre avec les livres. Il est nécessaire de proposer un maximum d’ouvrages

à lire mais cela est loin de suffire. L’enseignant doit donner matière à analyse

aux enfants en choisissant des textes de qualité, lisibles et résistants.

Pour Jean HEBRARD, Inspecteur général de l’Education National, qui a

participé à la rédaction des programmes, il faut proposer aux enfants des livres

« qui ne donnent pas de solution, des textes qui restent ouverts ».

Les textes choisis doivent résister à la première lecture et donner au lecteur

toute sa place. C’est une des spécificités du texte littéraire. L’enseignant doit

devenir médiateur du livre, construire des passerelles entre les enfants et le

livre mais aussi réfléchir à la place que peut prendre la littérature dans son

enseignement. Il est également important que l’enseignant prenne en

considération les capacités du lecteur et qu’il réfléchisse aux manières dont il

pourra l’apprivoiser et encourager son goût de lire.

Il est donc nécessaire que l’enseignant soit un lecteur expert de l’album, mais on

peut ajouter « Un enseignant qui lit, qui montre qu’il lit, qui parle de ses lectures,

qui n’hésite pas à les insérer explicitement dans les activités de la classe, est un

enseignant qui suscite la lecture autour de lui. »

On peut donc dire que l’enseignant a un rôle prépondérant à jouer, (par ses

« spectacles de lecture ») s’il veut que les enfants deviennent lecteurs.

b) L’enseignant et la construction d’une culture communePour que l’implicite contenu dans l’album soit détecté par le lecteur, il faut que le

suggéré puisse être mis en relation avec les connaissances antérieures du sujet.

En effet, quand un élément est évoqué, le lecteur n’a d’horizons d’attentes, ne

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peut combler correctement un vide que s’il a une certaine idée de ce qui est

évoqué. Tous les enfants n’arrivent pas à l’école avec les mêmes références

culturelles. En effet tous ne connaissent pas le fond culturel et traditionnel des

contes par exemples. Il est donc très important que chaque classe puisse se

constituer les outils de références communes. En rencontrant régulièrement le

support album, les élèves auront une culture commune : celle de la classe. Pour

les auteurs de Littérature : album cycle II l’album est « un bien culturel à

partager pour qu’une mémoire commune soit construite tout au long de la

scolarité ».

Il s’agit en quelque sorte d’un patrimoine commun permettant l’émergence de

références, la mise en relation d’œuvres littéraires et /ou iconographiques, leurs

comparaisons….

Ainsi, cette pratique incite au retour sur le texte ou l’image. Il semble donc

capital que l’enseignant puisse développer très tôt une véritable pratique

culturelle du livre. Plus les futurs lecteurs disposeront de références culturelles

plus ils entreront facilement dans la lecture. Il est donc important que

l’enseignant permette un partage des clés culturelles pour s’assurer que tous les

élèves puissent accéder au sens d’un texte. Bruno GERMAIN, professeur des

école, va plus loin en énonçant : « C’est à l’enseignant de proposer du sens, des

liens, entre lectures et références culturelles.[…] . Ces parcours organisés dans

le milieu scolaire, établissent tout autant de références communes qu’un chemin

de connaissance qui se personnalise pour chaque enfant »

On peut donc dire qu’un des dispositifs qui doit être mis en place dès la

maternelle est un fond de références communes, une culture. La culture des

élèves est une nécessité qui permettra aux enfants lors d’une lecture d’œuvre de

faire des inférences , de mettre en résonance l’œuvre qu’on est en train de lire

avec une culture…. Il s’agit donc bien ici d’une véritable lecture littéraire. Ainsi

les élèves pourront par cette culture, repérer des ambiguïtés, les clins d’œil de

l’auteur, les non-dits ….et en comprendre les sens, choses qui seraient

impossibles sans références culturelles.

Mais quel lecteur l’enseignant attend-il ?

C) Quel lecteur ?

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Les deux grandes composantes que l’on peut dégager de la lecture

compréhension sont le texte et le lecteur. Mais quelles relations entretiennent-

ils ?

a )Texte et lecteur potentiel Selon l’expression d’Umberto ECO, quand un écrivain écrit un texte, il postule

plus ou moins consciemment un « lecteur modèle ». Pour Elisabeth CALAQUE

« tout texte a une dimension dialogique dans la mesure où il s’adresse à un

lecteur potentiel et n’existe en tant que tel que s’il est reçu et interprété. Le

lecteur peut correspondre à la représentation que l’auteur se ferait d’un lecteur

modèle pour lequel il écrit. »

L’auteur du texte s’adresse donc à un lecteur capable de percevoir tous les

effets du texte, de construire le sens de l’œuvre, de repérer les clins d’œil et d’en

chercher le sens…Aussi, on peut noter que pour que cela soit possible, il faut

que l’auteur et le lecteur partagent la même culture même si une liberté

d’interprétation est laissée au lecteur.

En ce qui concerne l’album, les auteurs sollicitent un lecteur enfant et s’efforcent

de proposer des œuvres lisibles et de qualité. Ainsi, les œuvres sont souvent

complexes et les implicites sont souvent repérables et peuvent être élucidés par

les enfants.

Cependant on peut noter que l’album perd sa signification dès lors que l’implicite

devient opaque. Mais le sens que le lecteur doit comprendre est il dans le texte,

immuable ou est il aussi dans la construction qu’en fait le lecteur ?

b)Un lecteur actif« Les livres les plus fertiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié,

ils étendent les pensées dont on leur présente le germe, ils corrigent ce qui leur

semble défectueux et fortifient par leur réflexion ce qui leur paraît

faible »VOLTAIRE

Par cette citation, il semble que l’on ait bien une définition de la lecture littéraire,

de plus c’est bien celle-ci à laquelle il faut initier les élèves dès la maternelle.

Autrefois, on pensait que le sens se trouvait dans le texte et que le lecteur devait

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l’en extraire pour saisir l’œuvre. Selon Jocelyne GIASSON « on croyait que le

lecteur ne faisait que transposer dans sa mémoire un sens précis déterminé par

l’auteur ». Aux antipodes de cette conception, on pense aujourd’hui que le

lecteur créé le sens du texte en se servant de ses connaissances, du texte, de

ses intentions de lecture…

De ce fait on est bien loin de l’idée traditionnelle selon laquelle l’enfant est un

« vase vide » pour lequel l’enseignant devait transvaser les savoirs dans la tête

de l’apprenant. De nos jours, on perçoit l’élève comme un apprenti, un chercheur

de sens à ce qu’il fait. C’est donc à lui de créer un univers de sens notamment

dans les espaces qui sont tus.

On admet alors que l’élève doit être actif .En effet « aucun apprentissage ne

peut se faire sans la participation de l’apprenant. » Il est donc important que le

lecteur entre, fasse irruption dans le texte. Il doit questionner le texte et son

contenu, chercher son sens et le reconstruire. On pourrait comparer la lecture

littéraire à une activité de résolution de problème. On aurait alors un problème

ouvert par le texte au lecteur. Celui-ci devrait être actif et résoudre le ou les

problèmes identifiés au sein du texte.

Le lecteur aborde le texte avec les structures cognitives et affectives qui lui sont

propres, les références et les informations interagissent avec lui, il est alors

plongé au cœur du texte et de ses sensations. Pour être actif, le lecteur doit

« convoquer sa culture livresque » et « déployer des inférences au cours même

de sa progression dans le texte ; ce qui garantit une attitude de lecture active et

dynamique. »

Lire de façon littéraire, c’est être un lecteur actif, s’attendre à ce que tout

élément fasse signe, se mettre en alerte, combler les manques, faire des

rapprochements entre les œuvres, trouver les liens….

Mais il n’y a-t-il pas de limites à cette recherche de sens ?

c)Un lecteur respectueux Selon Umberto ECO, « un texte veut laisser au lecteur l’initiative interprétative,

même si en général, il désire être interprété avec une marge suffisante

d’univocité.» Par ces mots, on peut dire que le lecteur peut interpréter l’œuvre de

façon singulière mais il ne peut pas comprendre ou interpréter n’importe quoi, ne

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peut pas donner n’importe quel sens à un texte .L’auteur donnerait des limites à

cette création de sens. Alain BENTOLILA va plus loin en expliquant que

« l’auteur tient ainsi la bride haute à mon imagination, il tient en laisse ma liberté

de rêve et j’en dois accepter le joug dût-il me peser ». On pourrait alors parler de

trame de lecture donnée par l’auteur. Il faudrait donc trouver un équilibre entre

son interprétation personnelle et les conventions du texte. Pour Alain

BENTOLILA, il est donc important que le lecteur prenne conscience que « la

lecture n’est ni servile ni irrespectueuse, qu’elle est à la fois contraignante et

libératrice, qu’elle impose d’obéir aux injonctions du texte et en même temps

propose un investissement personnel et intime ».

Il est alors nécessaire que le lecteur comprenne quels sont ses droits et ses

devoirs face à un texte ; c'est-à-dire « un droit d’interprétation et un devoir du

respect du texte. »

Mais que faire en classe ?

III DE LA REFLEXION A LA PRATIQUEDes exemples d’implicites dans les albumsA) En maternelle Percevoir l’implicite, est-ce une compétence de lecteur expert ou des élèves de

maternelle peuvent-ils déjà le saisir?

a) Présentation de la classeJ’ai effectué mon premier stage en responsabilité en l’école maternelle de

CRAVANT où j’avais la responsabilité de 26 élèves. La classe était composée

de onze élèves de moyenne section et de quinze enfants de grande section. Il

est également intéressant de noter qu’un enfant primo, arrivant originaire du

Kosovo, faisait partie de cette classe depuis quelques mois.

b) Un « état des lieux culturel » Un des dispositifs qui doit être mis en place dès l’école maternelle est la

constitution d’une mémoire, de repères culturels communs, susceptibles d’être

partagés. J’avais donc au départ la volonté de mettre en réseau des albums

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autour du thème du loup, personnage énigmatique de la littérature, mais aussi

d’aborder des textes pour développer des compétences de lecture fine. En y

réfléchissant, il m’a semblé qu’avant même de proposer une lecture, il serait

intéressant de connaître les représentations mais aussi les références d’enfants

de ces âges en ce qui concerne le personnage. Le loup est un personnage

prépondérant de la littérature et de nombreuses légendes et contes ont marqué

son empreinte. Mais à quoi pensent les enfants à l’annonce du mot « loup » ?

Quelles images apparaissent à leurs esprits ?

Que symbolise ce personnage pour des enfants de quatre à cinq ans ? Inspire t-

il la peur, est-ce un animal qui effraie ou qui suscite l’admiration ? Et les enfants

connaissent-ils des histoires de loup ?

* Description de la démarche

Chaque matin, lors du regroupement collectif, un jeu de Kim était ritualisé et mis

en scène. Chaque jour, Biscotte la souris, la marionnette de la classe cachait

une surprise à l’intérieur de la boîte magique, dans un joli sac, et ce à l’attention

des enfants. Quelques élèves avaient pour tâche de découvrir et de décrire des

objets par le jeu. Ainsi une image de loup avait été placée dans la boîte. J’ai

longuement hésité quant à la nature de la représentation du loup à proposer aux

élèves, mais il m’a semblé qu’une photographie aurait été trop difficile à

reconnaître. J’ai donc fait le choix d’une image tirée de l’album L’apprenti loup

de Claude Boujon, publié par l’Ecole des loisirs en 1984. L’objectif spécifique

était l’émergence des représentations des enfants sur le loup. Après avoir

touché le contenu du sac, fait des hypothèses, trois enfants ont observé ce qu’il

y avait à l’intérieur du sac. Deux élèves ont cru voir un chien et le troisième plutôt

un loup. Les enfants ont eu du mal à justifier leur point de vue étant donné que

l’image n’avait été vue qu’une seule fois et était en absence. Seul un enfant a

dit « j’ai vu plein de poils ». L’illustration a ensuite été découverte par le reste

de la classe puis décrite. Plus de la moitié des enfants étaient d’accord sur le fait

qu’il s’agissait bien d’une image de loup et l’ont justifié par la couleur de l’animal,

les longues dents et les oreilles pointues. Les autres voyaient plutôt un chien ou

un renard. J’ai ensuite donné la source de l’image en donnant le titre de l’album

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dont elle était tirée, et ils ont compris qu’il était bien question d’un loup. Je leur ai

alors demandé d’expliquer à Biscotte ce qu’était un loup, car elle n’en avait

jamais vu hormis cette image. Ils ont d’abord redit ce qui avait été énoncé lors

de la description, puis je leur ai demandé de dire autre chose que ce qu’ils

voyaient sur l’illustration. Les enfants ont eu d’abord du mal à se détacher de

l’image mais les suggestions sont intéressantes.

Je leur ai enfin demandé s’ils connaissaient des histoires de loups, si on leur

avait déjà lu des livres qui parlaient de loup. Seul deux titres ont été évoqués :

- Un loup génial Alex SANDERS

Un album lu en classe par la maîtresse et de ce fait connu de tous les élèves.

-Le Petit Chaperon rouge

Conte évoqué par une élève de grande section.

On peut noter que le titre et le nom de l’auteur de l’œuvre étudiée en classe ont

été mémorisés par les enfants.

Par la suite, je leur ai demandé de raconter ces histoires à Biscotte. La tâche

demandée, de reformulation d’une histoire est difficile mais ils y sont parvenus

pour la première, même si quelques éléments étaient parfois oubliés.

En ce qui concerne l’histoire du Petit Chaperon rouge, l’élève n’a pas pu

restituer l’histoire ou peut-être n’a-t-elle pas osé. Un autre enfant a expliqué « le

loup veut manger la grand-mère et la petite fille ». Il m’a semblé que certains

élèves ne connaissaient pas le conte, que d’autres en avaient une connaissance

vague (onze d’après un sondage à main levée). De ce fait, j’ai décidé dès le

lendemain de lire Le Petit Chaperon rouge de Jakob et Wilhelm GRIMM. J’ai fait

le choix de ce texte plutôt que celui de PERRAULT par commodité au départ car

j’ai trouvé plus rapidement le texte des frères GRIMM mais aussi car le conte

était illustré.

Lors de la lecture, les enfants étaient plutôt attentifs. Suite à celle-ci, ils ont

essayé de redire l’histoire avec leurs propres mots puis je les ai questionnés sur

leurs ressentis et le personnage loup.

Analyse : J’ai donc choisi comme point de départ, de partir des représentations

des enfants pour comprendre ce que symbolisait ce personnage pour les élèves

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de maternelle. Cela m’a permis par la suite d’anticiper leurs attentes par rapport

à une œuvre dont le loup est le personnage. Dans tous les cas, le loup apparaît

comme une bête féroce et méchante qui suscite plutôt l’effroi des enfants. Il était

également intéressant de savoir si la classe avait déjà une certaine culture

littéraire liée à ce personnage. J’ai choisi de lire Le Petit Chaperon rouge car

leurs connaissances du conte étaient lacunaires, voire inexistantes pour l’enfant

primo arrivant. Il me semblait donc important de répondre à leurs besoins. De

plus c’est un conte traditionnel, source de nombreux autres ouvrages. C’est un

texte de référence qui a donc permis une première entrée dans la culture.

Remarque : Je pense que ce travail de repérage de représentations aurait pu

également se faire à partir de la première de couverture d’un des albums

sélectionnés pour la mise en réseau ou simplement à partir d’un titre donné

Loup. En effet, l’illustration proposée n’a-t-elle pas influencé les enfants du fait

qu’elle soit un peu sombre? Aurais-je obtenu les mêmes résultats si j’avais

proposé une photographie ou bien une représentation un peu plus caricaturale

du loup ?

c) Une mise en réseauxL’intérêt d’une mise en réseaux réside dans le fait que c’est un dispositif

intéressant pour instaurer une culture, un socle de références communes à la

classe. J’ai fait le choix d’une mise en réseaux autour d’un thème, d’un

personnage : le loup par goût personnel mais aussi parce qu’il existe un grand

nombre d’albums de qualité sur ce thème. Les objectifs de cette mise en

réseaux étaient :

• La constitution d’une culture commune

• L’éducation à un comportement de lecteur (aider à mettre en relation)

• Aider à percevoir l’implicite dans les albums

J’ai choisi une adaptation de la comptine Promenons-nous dans les bois portant

le même nom, de Frédéric STEHR publié par l’Ecole des loisirs en 1990, Loup

d’Olivier DOUZOU, Rouergue, 1995 où le texte fait référence à la comptine mais

de manière détournée et Loulou de Grégoire SOLOTAREFF, Ecole des loisirs,

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1989 qui a comme particularité de casser les stéréotypes liés au loup en se

focalisant sur les émotions que ce personnage peut éprouver.

Description de la démarche

**Promenons-nous dans les bois de Frédéric STEHR

L’album de départ est donc Promenons-nous dans les bois de Frédéric STEHR.

Nous avons tout d’abord découvert l’objet livre pour susciter la curiosité et l’envie

d’entrer dans l’histoire. Lors d’un moment de temps calme de l’après-midi, les

enfants ont été invités à observer la première et la quatrième de couverture puis

ont défini le type de livre qu’ils connaissaient déjà. Ils ont décrit la couverture

puis ont fait des hypothèses quant aux contenus possibles de l’histoire.

Je leur ai ensuite lu le titre de l’album et donné le nom de l’auteur puis de

l’éditeur. Je pensais que les élèves trouveraient le lien avec la comptine mais il

n’en fut rien. J’ai donc lu l’histoire de manière magistrale en faisant des pauses

pour laisser s’exprimer les enfants et en montrant les illustrations au fur et à

mesure de la lecture. J’ai fait une lecture monocorde des deux premières

doubles pages car, dès la deuxième, on pouvait trouver une citation claire de la

comptine : « Promenons- nous dans les bois pendant que le loup n’y est pas. Si

le loup y était, il nous mangerait ». Par cette lecture recto-tono, je ne souhaitais

pas influencer les enfants et je voulais voir si cette intrusion de la comptine dans

le récit était perceptible. Ce fut le cas, des remarques importantes ont surgi :

« Maîtresse, c’est comme dans la chanson »

« C’est la chanson de la salle de motricité »

Puis un enfant s’est mis à chantonner la comptine et les autres ont suivi. Il est

alors à noter que les élèves ont été capables de faire des rapprochements entre

le texte lu et une comptine c'est-à-dire qu’ils ont perçu l’intertextualité. En effet,

cette comptine fait partie d’un jeu collectif d’oppositions individuelles mis en

place par l’enseignante titulaire. Loup y es-tu ? De ce fait, les élèves

connaissaient la chanson mais avaient également des horizons d’attentes par

rapport à l’histoire car dans le jeu, les lapins doivent trouver une maison à la fin

de la chanson pour ne pas être dévorés par le loup.

Page 30: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

J’ai continué la lecture en mettant le ton cette fois-ci et en chantonnant avec les

enfants lorsque l’on retrouvait la comptine. Les enfants ont tout de même

remarqué que les paroles n’étaient pas tout à fait les mêmes que celles qu’ils

connaissaient.

Il faut noter que dans cet album, le loup est omniprésent par le biais d’une

ombre mais ce n’est en fait que l’ombre du père qui cherche à faire peur à ses

enfants car ils lui ont désobéi. Pour comprendre cet implicite, il faut se distancier

par rapport à ses attentes liées à la comptine. Les élèves étaient sûrs que le

loup allait surgir et dévorer les oursons. Seuls trois enfants de grande section ont

eu un doute avant la fin de l’histoire : « C’est pas le loup c’est le papa », « Oui

c’est le père », « Il se cache », « Il veut leur faire une farce ».

L’avant dernière double page répond à cet implicite par l’illustration, le museau

du père sort du bois. A ce moment clef, les enfants ont pour la plupart souri.

Suite à la lecture, les enfants se sont exprimés et ont bien compris qu’il ne

s’agissait pas du loup mais du papa des oursons, et en ont conclu «c’est un

coquin quand même ce papa !».

Analyse : Il m’a semblé que ce premier travail sur l’album s’était assez bien

passé. Les deux types d’implicites ont été décodés. En effet, l’intrusion de la

comptine dans le récit, l’intertextualité par la citation a été perçue grâce au travail

fait en motricité. On peut dire que celle-ci a certainement dû agir sur les attentes

des enfants quant à l’histoire. Mais n’est-ce pas en bousculant les lecteurs dans

leurs attentes que l’on pourra les rendre actifs, sceptiques et chercheurs ? Et

n’est-ce pas agréable d’être surpris à la fin d’une lecture ? L’implicite du

personnage lié à l’ombre a été compris par les enfants, ils ont alors pu apprécier

l’humour qui lui était lié.

**Loup d’Olivier DOUZOU

Cet album joue sur la peur et le rire. L’auteur reprend de manière détournée la

comptine Promenons-nous dans les bois. Longuement le loup se prépare à

apparaître, d’abord le nez puis les oreilles et les dents terrifiantes. Un loup

féroce, grognant horriblement qui finalement s’attable devant une carotte. Cet

Page 31: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

album est intéressant car il contient deux types d’implicite :

• cette histoire de loup en rappelle une autre

• l’humour lié à la fin de l’histoire

Mais des élèves de maternelle peuvent-ils les percevoir ?

Les enfants connaissent la comptine mais dans Loup, les paroles sont plus ou

moins parodiées, l’intertextualité est beaucoup plus difficile à repérer. Les élèves

ont des idées du « régime alimentaire » du loup comme nous avons pu le

constater lors de l’émergence des représentations des enfants sur le

personnage. Mais le fait qu’il mange une carotte va-t-il les surprendre ?

Lors de l’observation de la couverture, les enfants ont d’abord été surpris par la

grandeur des dents du loup. La vision qu’ils en ont avant la lecture est encore

celle d’une bête effroyable. L’album a été lu de manière magistrale avant les

ateliers matinaux. La lecture était très expressive ce qui a attiré les enfants. Ils

ont très vite compris le jeu des répétitions et certains m’ont accompagné dès la

première lecture. Cette fois-ci, je n’ai pas fait de pause lors de la lecture hormis

celles imposées par la ponctuation (notamment les points de suspension qui en

induisent beaucoup). Les enfants ont été très attentifs lors de la lecture et la fin

les a fait beaucoup rire. Suite à la lecture, de nombreuses remarques ont été

faites.

Je les ai ensuite questionnés et ils m’ont expliqué que le loup leur faisait peur au

début mais qu’à la fin de l’histoire, il mange une carotte comme un lapin et ils

trouvaient cela plutôt amusant. A la question « Pourquoi est-ce que le loup

mange une carotte ? » Certains m’ont répondu qu’ils ne savaient pas, d’autres

« parce qu’il aimait bien cela ». En ce qui concerne la comptine, les enfants n’ont

pas fait le lien.

Analyse : A la fin de l’histoire, les enfants ont beaucoup ri. L’humour n’est

compréhensible ici qu’à condition que les enfants aient des connaissances sur le

monde ou qu’ils aient déjà des idées stéréotypées. En effet, la carotte est le plat

préféré des lapins et non du loup. L’humour naît aussi du décalage entre

l’attendu et ce que l’on peut lire. Il semble donc que les enfants aient été

capables de comprendre l’humour qui leur était destiné. Je souhaite tout de

Page 32: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

même noter qu’un élève a énoncé après la lecture « Il est marrant avec sa petite

voix ». En effet, durant toute la lecture j’ai pris une grosse voix de loup puis à la

fin pour la phrase « Et je mange ma carotte » j’ai pris une petite voix. Ainsi, il

semble que j’ai influencé certains enfants par ma lecture. Et la lecture du maître

n’est-elle pas déjà son interprétation de l’œuvre ?

Cet enfant n’avait donc pas perçu l’implicite, l’humour mais a plus ri de mon

oralisation inattendue du texte. Après réflexion, je me rends compte que la fin

aurait pu être lue différemment et ainsi revêtir d’autres sens (la tristesse de ne

rien avoir à manger, la joie de déguster son plat préféré, la colère d’y être

contraint…).

En ce qui concerne la comptine, je n’ai pas su comment amener les élèves à

faire le lien, même au moment des relectures. Le détournement était ici trop

subtile à percevoir.

Si c’était à refaire : Pour ne pas influencer les enfants en donnant mon

interprétation, j’aurais pu lire le dernier passage monocorde ou ne pas le lire du

tout et demander aux élèves de le faire car les illustrations permettent de trouver

le texte. Pour amener les enfants à faire des liens entre la comptine et le texte,

j’aurais pu relire les deux œuvres et leur demander de les comparer (similitudes

et différences).

** Loulou de Grégoire SOLOTAREFF

J’ai choisi enfin cet album pour permettre aux enfants d’aller au-delà des

stéréotypes, des idées préconçues qu’ils ont sur le loup.

Résumé de l’histoire : Loulou, un jeune loup fait la rencontre de Tom un petit

lapin. Ils se lient d’amitié et grandissent ensemble, jouent tantôt à « peur du

loup » tantôt à « peur du lapin » jusqu’au jour où Loulou effraie tellement Tom

que celui-ci décide de ne plus sortir de chez lui… Loulou finit par connaître lui

aussi la peur du loup. Les deux amis se réconcilient pour ne plus se quitter.

Déroulement : Les élèves ont décrit la première de couverture puis ont fait des

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hypothèses quant au personnage représenté. Pour eux, c’est un loup qui a l’air

méchant. « Il court après quelqu’un pour le manger ». L’histoire a été lue en

classe entière en début d’après-midi dans le coin regroupement. Suite à cette

lecture, les élèves ont énoncé « il est gentil quand même le loup », « il est gentil

avec son copain », « j’ai pas peur parce qu’il est gentil… ».

Les enfants ont donc rencontré un personnage allant à l’encontre de leurs a

priori. Pour achever ce travail de mise en réseaux, je leur ai demandé de

comparer les loups rencontrés. J’ai placé devant eux les trois supports : les

albums et le conte illustré. J’ai ensuite posé les questions : « Comment sont les

loups dans ces textes », « Que pensez-vous de ces loups ? Vous font-ils

peur ? », « Peut-on faire des familles de loups ?».

Les élèves m’ont d’abord décrit les loups un par un puis ils ont dit que le loup du

Petit Chaperon rouge faisait peur, était méchant tandis que Loulou était gentil.

Loup a posé problème car il avait l’air méchant mais les faisait rire et ne

mangeait que des carottes. Enfin, ils ont fini par dire qu’il était gentil parce qu’il

ne mangeait pas les gens et l’ont placé avec Loulou.

Analyse : Je pense que Loulou de Grégoire SOLOTAREFF a permis aux enfants

de réajuster leurs représentations sur le loup. Ils ont eu à faire à un personnage

bien loin de leurs horizons d’attentes. Avoir présenté une œuvre de la sorte

permettra peut-être aux enfants d’être plus sceptiques lorsqu’on leur proposera

une nouvelle œuvre sur le loup. Ils auront peut-être d’autres attentes…

Bilan de la mise en réseaux :

Il faut d’abord noter que ces albums ont été relus plusieurs fois chacun et que

les enfants ont pris du plaisir en y participant notamment pour Loup où le mime

était une aide à la mémorisation. En effet en maternelle, les albums doivent être

régulièrement repris pour être intégrés, entrer dans la mémoire des enfants et

constituer de véritables références communes. Ainsi, les élèves ont pu si

modestement soit-il établir des comparaisons entre les personnages, faire des

liens entre les œuvres et leurs connaissances et acquérir une première culture

littéraire. Ces enfants de maternelle ont développé une première lecture littéraire

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en percevant différents types d’implicites et en étant de véritables «lecteurs

actifs».

d) D’autres exemples d’implicite dans l’album * L’album et la découverte du monde du vivant Avec les élèves, nous avons travaillé sur la germination des graines de

haricots en découverte du monde En parallèle, j’ai proposé aux quatre groupes

d’atelier la lecture de l’album : L’histoire du bonbon de Anaïs VAUGELADE ,

Ecole des loisirs 1997.

Résumé de l’histoire : Coralie ne veut pas partager ses bonbons avec son petit

frère Jean .Agacée par son insistance, elle finit par lui en donner un et lui

suggère de le planter « ça fera un arbre à bonbons, et tu me ficheras la paix ! ».

Le petit Jean plante avec précaution son bonbon, vient le voir, lui chante des

comptines pour qu’il ne s’ennuie pas, attend le jour, la nuit …. Finalement une

petite fleur mauve sort de la montagne. « Peut être à cause du bonbons, ou

peut être parce que c’était le printemps ».

Démarche : J’ai commencé par lire cette histoire aux élèves de moyenne section

puis aux grandes sections. Après la lecture, les enfants ont essayé de me

restituer le contenu de l’histoire puis je leur ai posé un certain nombre de

questions ;

« Est- ce le bonbon qui a poussé ?

« Est- ce possible ? » « En êtes vous sûr ? »

« Comment pourrait-on en être sûr ? »

Pour les deux groupes de moyenne section, le fait qu’un arbre à bonbons puisse

pousser semble difficile. Mais à la question « En êtes vous sûrs ? » le doute

s’installe pour certains (quatre sur les deux groupes). Pour en être certains, un

groupe propose d’essayer en plantant un bonbon, le deuxième groupe n’ayant

pas d’idée, je leur ai suggéré.

En ce qui concerne les plus grands, la réponse est unanime, c’est impossible !

Cette histoire les a même fait sourire.

Page 35: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

Analyse : Pour comprendre l’implicite ou l’humour, il faut des connaissances sur

le monde. Tous les élèves ne les ont pas et ce, certainement à cause de la

différence d’âge. On peut dire qu’un des moyens pour comprendre l’implicite est

ici l’expérimentation. En effet tant que les enfants ne l’auront pas testé, ils

resteront dans le doute ou le fantasme. Cette expérience a permis de

comprendre qu’on ne peut obtenir un arbre à bonbon en plantant un bonbon et

que la fleur mauve est certainement le fruit du hasard. On peut espérer qu’après

ce travail tous les enfants auront acquis cette connaissance du monde.

Remarque : Avant de lire cette histoire en atelier, je l’avais lue une première fois

en collectif mais les plus grands ont immédiatement dit que c’était impossible en

riant mais j’ai lu le doute dans les yeux de certains plus jeunes c’est donc pour

cela que j’ai changé de dispositif.

*Album et interprétation J’ai présenté l’album La grenouille à grande bouche de Francine VIDAL et

Elodie NOUHEN , Didier jeunesse, 2001 , aux élèves en début d’après midi lors

d’un temps de langage. J’ai choisi cet album car je l’ai trouvé très amusant,

intéressant pour la mise en voix et propice à l’interprétation : la fin étant passée

sous silence, le texte étant lacunaire.

Résumé de l’histoire : Une grenouille à grande bouche se promène en Afrique,

lasse d’avaler des mouches. Elle parcours le pays à la recherche d’autres festins

et rencontre de nombreux animaux et leur demande ce qu’ils mangent. A la fin

de son aventure, elle rencontre son prédateur : le crocodile….

Démarche : Après un travail rapide sur la couverture, j’ai lu le texte en le mimant

et en jouant de ma voix. Ce fut un moment fort de lecture qui a permis l’attention

de tout l’auditoire. J’ai fait de nombreuses pauses pour permettre anticipations et

hypothèses des enfants. Les enfants avaient pour tâche de lire les images pour

en comprendre l’implicite (exemples : ce que l’on dit être un ruban est en fait une

langue de tamanoir, la forêt représente les jambes des girafes…).

Page 36: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

Après les remarques spontanées des enfants et un questionnement sur le texte,

nous nous sommes intéressés à la fin de l’histoire.

A partir de la dernière image ambiguë de l’album, les élèves devaient interpréter

la fin de l’histoire, combler le blanc ou le silence. Je les ai guidés par deux

questions : « A votre avis que va-t-il se passer avec le crocodile ? » et «

Comment pourrait se terminer notre histoire ? ».

J’ai essayé de solliciter les enfants afin qu’ils donnent leurs points de vue.

Quelques un n’en avaient aucune idée ou peut-être n’ont-ils pas osé prendre la

parole. D’autres pensaient que la grenouille serait dévorée par le crocodile

ayant la gueule ouverte. D’autres encore supposaient que le crocodile ne la

mangerait pas, croyant que ce n’était pas une grenouille à grande bouche. Un

enfant pensait que la grenouille allait se sauver ayant peur du crocodile.

Analyse : On peut donc dire que les interprétations de cette fin d’histoire

lacunaire sont nombreuses. Les enfants ont interprété le silence selon leur point

de vue et en respectant la cohérence du texte. Il faut noter que les suggestions

des enfants étaient toutes plausibles, celles-ci étaient également variées.

J’ai essayé de favoriser l’écoute en demandant aux enfants volontaires

d’expliquer leur point de vue un par un. J’ai tout de même remarqué que les

enfants de manière générale avaient plutôt du mal à recevoir les idées des

autres, à les valider du point de vue de la cohérence. Pour certains, seule leur

idée était la bonne.

e) Bilan Il semble donc que des enfants de maternelle soient capables de

percevoir l’implicite contenu dans les albums avant même de savoir lire. Pour

cela, il faut les solliciter et les encourager à parler de ce qui n’est pas dit

clairement, à décrire des images et à trouver des liens entre les œuvres…

La mise en réseaux semble un moyen d’intégrer des albums, de mettre en

relation des œuvres, des personnages, et de permettre une première culture

littéraire qui leur permettra d’effectuer un va et vient entre les œuvres, et d’y faire

référence. Il est également important que les élèves développent une attitude

réflexive face aux œuvres proposées. Il faut donc les solliciter à aller au-delà du

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support pour le comprendre.

f) ProlongementsEn ce qui concerne la mise en réseaux, si le temps me l’avait permis, j’aurais

aimé proposer aux enfants une réécriture du Petit Chaperon Rouge pour

observer s’ils auraient été capables de trouver les liens qui unissent les œuvres.

Percevoir l’intertextualité me semble difficile losqu’il s’agit de parodie mais cela

aurait peut être été possible par le biais des illustrations.

J’avais également prévu de travailler autour de l’anaphore implicite à partir de

l’album Sous la pluie avec Bébé Canard de Amy HEST et Jill BARTON publié

par l’Ecole des loisirs 1997 mais les trois semaines de stage ne me l’ont pas

permis. Cet album est intéressant car à aucun moment, le sexe de Bébé canard

n’est donné clairement. Il faut chercher des indices textuels pour pouvoir élucider

l’implicite du récit.

Mais qu’en est-il au cycle III ?

B/ En cours moyen première année : a)Présentation de la classeJ’ai effectué mon second stage en responsabilité en l’école élémentaire Victor

HUGO d’Avallon, dans une classe de 22 élèves.

b) La notion de point de vue Les notions de personnage, de narrateur, d’énonciation et de point de vue

peuvent être abordées en classe car le concept de point de vue existe bel et

bien dans certains albums. Le support choisi pour travailler cette notion est Une

histoire à quatre voix d’Anthony BROWNE, Kaléidoscope, 1998. Cette œuvre est

une façon d’introduire une notion parfois difficile à saisir par les plus jeunes.

Dans ce livre, une promenade au parc est vue selon quatre angles de vue

différents, il y a quatre narrateurs pour une seule et même histoire.

Résumé de l’histoire : Au cours d’une promenade matinale au parc, Charles

accompagné de sa maman et de sa chienne croise Réglisse, son papa et son

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chien. Les parents s’ignorent. Les enfants s’apprivoisent et chacun raconte à sa

manière l’épisode.

Démarche : J’ai choisi de travailler cet album en lecture suivie, et ce, durant dix

séances. Chaque voix était étudiée durant deux séances. Les deux dernières

séances ont été consacrées à la mise en voix et en scène de l’histoire, à

l’élaboration d’hypothèses quant aux intentions de l’auteur, et à la production

écrite de la cinquième voix.

Pour chaque voix, j’ai proposé le même type d’approche :

• une lecture magistrale de la voix sans montrer les images

• les enfants devaient ensuite trouver les personnages dont il était question

• à partir d’illustrations de tous les personnages affichées au tableau, les

élèves devaient trouver le narrateur et justifier leurs propositions (à l’aide

d’indices repérés lors de l’écoute)

• seconde lecture par l’enseignante ou par un élève ayant préparé la lecture

pour valider ou invalider les hypothèses

• une lecture silencieuse et individuelle par les enfants

• étude de la voix (élaboration de la carte d’identité du narrateur)

• observation fine des illustrations

• puis (dès la deuxième voix) comparaison des récits.

Mes objectifs étaient de d’amener les enfants à comprendre ce qu’est un

narrateur, d’aborder la notion de point de vue et de percevoir les implicites de

l’album.

En ce qui concerne le point de vue, il me semblait important que les élèves

dressent les cartes d’identités des personnages, qu’ils les caractérisent

physiquement et moralement, qu’ils cherchent à les comprendre pour saisir leur

vision des choses. En effet, chacun raconte l’histoire à partir de ce qu’il a vu, de

ce qu’il sait, de ce qu’il a compris, de ce qu’il est.

Ainsi, grâce à une mise en relation entre les indices textuels (le temps du récit,

le registre de langue…) et iconographiques (le rapport texte/images, le

symbolisme de l’illustration…), les enfants ont pu dégager les caractères et états

d’âme des différents personnages et comprendre que leur point de vue était lié à

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leur état psychologique. Malgré la comparaison des voix et de certaines

illustrations, les enfants ont eu du mal à concevoir qu’il s’agissait de la même

histoire. En effet, des éléments iconographiques ont perturbé leur étude, par

exemple la représentation des différentes saisons. Ainsi, la notion de point de

vue n’a pris tout son sens qu’après l’étude de chaque voix et un travail de

comparaison des quatre voix à partir de photocopies couleurs disposées voix par

voix au tableau. Alors, les élèves ont compris que ces quatre récits se passaient

au même instant, que les personnages relataient le même événement mais avec

une vision personnelle des choses liée à leur état d’esprit. En ce qui concerne

les illustrations de cet album, elles sont très complexes : de nombreux clins d’œil

de l’auteur suscitent l’interrogation. On peut parler ici d’intericônité. L’auteur fait

références à des personnages issus de la fiction (comme King-Kong, Mary

POPPINS…), à des tableaux (La Joconde, Le chevalier souriant...) et présente

des symboles. Les élèves ont découvert peu à peu les détails des images. Dans

ce cas, l’implicite peut être repéré par les élèves (par une recherche d’indices

étranges) mais ne peut être compris que s’ils ont déjà rencontré les œuvres.

Dans cette classe, les élèves ont fait de réelles lectures d’images repérant tous

les indices. Ils ont pu reconnaître Mona Lisa, car c’est une référence commune à

la classe. En effet, l’enseignante titulaire avait proposé un travail sur les portraits

détournés de La Joconde en arts visuels en présentant notamment le portrait de

Léonard de Vinci, le tableau de Fernando BOTERO et celui de Marcel

DUCHAMP. Les élèves ont également reconnu Mary POPPINS et King-Kong.

Pour les autres références telles que Le chevalier souriant de HALS et Le cri de

Edvard MUNCH, les informations ont été repérées dans l’album puis les

reproductions ont été présentées aux élèves. On donne ainsi aux enfants un

socle de références communes en arts visuels et des clefs pour la

compréhension. Alors il faut les solliciter à observer finement les illustrations

pour en percevoir tous les effets. C’est ainsi que l’on peut parler d’éducation au

regard.

Cette lecture a ensuite donné lieu à un projet d’écriture : celui de produire la

cinquième voix. Les enfants avaient le choix du narrateur : Victoria ou Albert : les

deux personnages évoqués et qui ne prennent pas la parole. Cependant, à partir

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de ce que nous avions pu remarquer sur chaque voix, j’ai demandé aux élèves

de me redire tout ce qui était nécessaire à l’écriture de cette voix, ils ont ainsi

élaboré une grille de travail voire d’évaluation sur le récit à la première personne

et la notion de point de vue. Il m’a semblé que les enfants avaient pris du plaisir

à la tâche. Certaines productions sont très intéressantes. En effet, la plupart des

écrits sont de qualité. La grille élaborée par les élèves est apparue comme une

aide, une fiche outil à la rédaction. La majorité des enfants l’ont respectée et ont

alors produit une cinquième voix cohérente et pouvait être intégrée à la suite de

l’histoire. Pour quelques uns, le travail a semblé difficile. Certains élèves ont eu

du mal à respecter les liens entre les personnages (chiens) et leurs maîtres.

D’’autres n’ont pas évoqué les autres personnages dans l’écriture du récit. Ainsi,

cette production d’écrit apparaît comme une mise en pratique concrète de la

notion de point de vue étudiée auparavant. L’ultime travail sur l’album était

l’interprétation des intentions de l’auteur et plus particulièrement du sens à

donner à l’œuvre. Les élèves avaient alors pour tâche de traiter l’implicite du

message. Les propositions sont plutôt satisfaisantes.

Analyse : On peut dire que cet album présentant un point de vue polyphonique

sur une même histoire a été compris par les élèves qui ont découvert que

l’histoire était racontée à travers une émotion, une subjectivité différente typique

de chaque personnage. Le texte seul n’aurait pas permis aux élèves de prendre

conscience que les quatre récits relatent un seul et même évènement. Les

illustrations sont riches en implicite, les clins d’œil iconographiques sont

nombreux et sollicitent la réflexion du lecteur. Certaines références peuvent être

démasquées, pour les autres, il appartient au maître de donner des clefs pour

les rendre intelligibles par ses élèves. Ainsi, trois types d’implicite ont été

abordés : l’implicite du récit, les clins d’œil picturaux et celui lié au message.

c) Implicite et décalage texte / images Comme nous l’avons déjà dit, le décalage texte/image est l’implicite le plus

spécifique de l’album. La contradiction entre le texte et les images est souvent

un moyen de créer un effet humoristique.

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Dans l’album L’Afrique de Zigomar de Philippe CORENTIN publié par l’Ecole

des Loisirs en 1990, le rapport entre ces deux instances est divergent, c’est

donc pour cela je j’ai choisi de le présenter aux élèves. Ainsi, il est impossible

de lire le texte sans prendre en considération les images si l’on veut

véritablement saisir l’œuvre.

Résumé de l’histoire Pipioli, le souriceau, souhaiterait partir en Afrique avec

Ginette, son amie l’hirondelle. Etant donné sa taille, cela est impossible. C’est

alors que Zigomar, le merle, lui propose de l’emmener avec une petite grenouille

qui veut voyager. Zigomar refuse d’admettre qu’il s’est trompé de chemin, alors il

fait croire que le Pôle Nord est l’Afrique.

Démarche : L’album a été découvert dans un premier temps par le biais des

illustrations, le titre et le texte étant cachés. La tâche des élèves était d’observer

les illustrations, de les décrire et de faire des hypothèses de contenu. J’ai

ensuite demandé aux enfants d’imaginer quel pourrait être le titre de cet album.

La lecture de l’album dans un second temps permet ici de vérifier les

hypothèses. Les élèves ont ainsi pris conscience du fait que le texte et les

images étaient contradictoires. Suite à la lecture, les élèves semblaient étonnés :

plus par les noms erronés donnés aux animaux que sur le lieu du voyage. A

partir de là ; les enfants ont essayé de comprendre l’attitude de Zigomar. Pour

eux, c’est un personnage très bête qui ment, ou dit n’importe quoi à ses amis,

voire même un peu fou. « Il est trop bête s’il croit qu’un ours c’est un lion ! … »

Le personnage est perçu comme ridicule et ce, par le décalage texte/images.

J’ai tout de même posé une ultime question : « A votre avis, l’illustrateur s’est-il

trompé en dessinant ces images ou l’a-t-il fait exprès ? » Tous ont été d’accord

sur le fait que cela était volontaire et que cela rendait le personnage encore plus

bête et ridicule.

Analyse : Ce travail a permis aux élèves de comprendre les rôles importants du

texte et des images, et la nécessité de leurs prises en compte (notamment dans

un rapport de divergence) pour accéder à la compréhension d’une histoire.

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L’implicite lié à ce rapport de contradiction a été démasqué ici grâce à une

véritable réflexion des élèves qui se sont distancés par rapport au support, ont

discuté la vraisemblance du contenu. En bref, ils ont adopté une attitude critique

face à l’œuvre en essayant de trouver un sens à cette contradiction. On pourrait

dire que l’auteur a trouvé une façon de faire participer le lecteur et de le rendre

attentif et curieux.

Si c’était à refaire : Il me semble que j’aurais pu choisir d’autres dispositifs pour

aborder ce rapport de divergence. Il aurait été judicieux, si le temps me l’avait

permis, de proposer aux élèves un travail de recherche par groupes à partir des

illustrations du voyage. Ils auraient pu produire un écrit, une histoire possible et

on aurait pu comparer les résultats obtenus à la véritable histoire.

d) L’histoire au travers de l’albumEn lien avec l’actualité et plus particulièrement le soixantième anniversaire de la

libération des camps de concentration par les Alliés, les enseignants de cette

classe avait fait le choix d’aborder la seconde guerre mondiale en histoire et plus

précisément l’histoire du peuple juif à cette période. Outre les documents

historiques qui ont été présentés, les professeurs ont abordé des extraits de

récits de vie tels que Un sac de billes de Joseph JOFFO et Le journal d’Anne

FRANCK. De ce fait, j’ai décidé de proposer aux élèves en guise de

prolongement ou de réinvestissement, un album magnifique intitulé Le petit

garçon étoile de Rachel HAUSFATER-DOUIEB et Olivier LATYK publié chez

Casterman en 2001. J’ai fait le choix de cet album car lorsque je l’ai découvert, il

m’a beaucoup ému, c’est un livre dédié aux victimes de la Shoah destiné à de

jeunes enfants. Il me semble que ce livre soit un véritable objet de mémoire.

C’est un album de qualité qui aborde le thème de l’holocauste sous un angle

métaphorique. En effet, le texte comporte de nombreux implicites, il reste

mystérieux sans le support des images. Aussi, aucun mot clef n’est présent dans

le texte, à aucun moment les mots : juif, camps de concentration, croix gammée,

guerre mondiale… ne sont employés. Dans cet album, ce sont les images qui

éclairent le texte. Mais pour comprendre cet album, il faut percevoir tous les

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effets des illustrations…

C’est donc un sujet délicat abordé avec une grande poésie et de superbes

illustrations, un texte symbolique et poignant sur la guerre et l’antisémitisme.

* Résumé de l’histoire : C’est l’histoire d’un petit garçon qui ne savait pas qu’il

était une étoile mais on le lui avait dit. D’abord enchanté d’en être une, il finit par

en avoir honte. Les autres étoiles cherchent à échapper aux chasseurs d’étoiles

qui les capturent pour les emmener dans des trains noirs et les éteindre. Alors,

pour ne pas s’éteindre, le petit garçon étoile est contraint de cacher toute la

lumière qui est en lui. L’obscurité l’envahit dehors et dedans. Quand la nuit

s’achève, l’enfant sort mais il n’y a plus d’étoiles filantes… Heureusement,

d’autres gens lui permirent de briller à nouveau.

*Démarche : Sur un temps d’histoire, j’ai d’abord lu l’album aux élèves de

manière magistrale sans leur montrer les images et en cachant la première et la

quatrième de couverture.

Mes intentions étaient les suivantes :

- me rendre compte si les enfants étaient capables de percevoir l’implicite du

texte ou du récit sans le support des images,

- faire prendre conscience aux enfants de l’utilité des images pour saisir l’album.

J’ai suggéré aux enfants de fermer les yeux en écoutant mon histoire. Suite à la

lecture, les remarques spontanées des enfants portaient plutôt sur leur

étonnement, le caractère un peu ridicule du thème : un enfant étoile par rapport

à leur âge… Ils ont reformulé brièvement l’histoire. Les élèves avaient ensuite

pour tâche de dessiner l’enfant étoile tel qu’ils l’imaginaient et d’indiquer une

couleur s’ils en avaient vu une en fermant les yeux.

Les dessins ont ensuite été présentés lors d’une mise en commun. Les enfants

ont comparé puis expliqué leurs productions.

Elles sont de trois types :

• des étoiles

• des étoiles ‘’à visages humains’’

• des étoiles ‘’à corps humains’’.

On peut donc dire que dans la plupart des cas, l’enfant étoile est une étoile

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humanisée. Les élèves ont remarqué que certaines productions représentaient

un personnage triste, tandis que d’autres un plutôt joyeux. Les élèves

concernés l’ont expliqué soit en évoquant la honte, la tristesse du personnage

soit son bonheur de briller à nouveau.

En ce qui concerne la couleur perçue lors de la lecture, seule une élève a

colorié son personnage en noir et a expliqué qu’il avait l’air malheureux car il

devait se cacher.

A ce moment de la démarche, on peut dire que les enfants n’ont pas conscience

de l’implicite du récit, n’ont pas accès au sens de l’œuvre.

Une seconde lecture s’imposait donc, mais cette fois-ci en montrant les

illustrations. Dès la découverte de la première de couverture, certains enfants

ont reconnu l’étoile jaune imposée aux Juifs à cette époque. Les élèves ont

ainsi très vite fait le lien entre ce qu’ils avaient étudié auparavant et l’œuvre

proposée. Mais les références iconographiques aux Schutz Staffel (S.S), aux

trains de la mort, aux camps de concentration, aux passeurs d’enfants n’ont pas

été perçues d’emblée. J’ai donc proposé un travail de recherche par groupes de

quatre enfants sur un passage. A l’aide de questions les élèves devaient trouver

le sens des illustrations, découvrir les informations suggérées. Il s’agit dans ce

cas d’une véritable lecture d’images, faisant partie d’une éducation au regard.

La mise en commun fut très riche et très fructueuse. Les enfants avaient

effectivement de bonnes connaissances des faits, ce qui leur a permis de

retrouver des termes exacts et précis et d’accéder au sens de l’œuvre par le

biais de la recherche en groupe. Une image leur a tout de même posé

problème, celle représentant le passeur d’enfants. Ils en ont compris la fonction

mais n’en connaissaient pas l’existence.

Analyse : On peut dire que ce travail sur l’implicite du récit en histoire a été très

agréable, intéressant et bénéfique. Les élèves ont fait de nombreuses inférences

pour retrouver des termes exacts et précis qui n’étaient que suggérés par

l’album, pour mettre un lien des faits historiques étudiés et un album au texte

poétique. Les élèves ont été réellement actifs lors de la lecture de l’œuvre car ils

devaient établir des relations, trouver des liens et construire le sens.

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Il faut tout de même noter que ce travail a été possible car les enfants avaient

déjà des connaissances et des références communes sur le sujet abordé.

Mais quelle est la place de l’album par rapport au document historique en

histoire ?

e) Bilan : On peut dire que les travaux proposés à ces élèves de CM1 pour

comprendre le suggéré des albums proposés, étaient plus longs et plus subtiles

que ceux proposés en maternelle. Pour saisir les œuvres présentées, il était

capital que les élèves prennent en considération et de manière identique le texte

et les illustrations. Il semble que la tâche la plus difficile à réaliser par les élèves

ait été de percevoir les clins d’œil picturaux, les références induites par les

illustrations (notamment pour Histoire à quatre voix). Toutes les mises en

relations entre les œuvres ne sont possibles que grâce à la médiation de

l’enseignant donnant des clefs, quand les enfants n’ont pas toutes les références

nécessaires. Cela participe activement à la constitution d’un socle commun de

références.

Il me semble que ces élèves de l’école élémentaire sont capables d’écouter les

propositions de leurs pairs et de les valider tandis que les petits sont plus

égocentriques et restent plus souvent focalisés sur leurs idées. Ils ont une

lecture beaucoup plus critique et font preuve d’argumentation.

f) Prolongements : En ce qui concerne la notion de point de vue, j’aurais

aimé poursuivre l’étude par le biais d’un roman. L’œil du loup de Daniel

PENNAC Nathan Collections Pleine lune Pocket Junior 1994, paraît intéressant

car le changement de point de vue est fréquent et la structure narrative est

particulière : deux récits parallèles sont enchâssés.

J’aurais également pu proposer une mise en réseaux autour d’un auteur

Anthony BROWNE pour permettre aux enfants de comprendre l’univers de cet

auteur, de comparer quelques -unes de ses productions…

CONCLUSION

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Les textes de la littérature de jeunesse et plus particulièrement les albums ne

sont pas seulement de belles histoires. Ce sont souvent des œuvres

séduisantes et résistantes donnant la part belle à l’initiative et à réaction des

élèves. Ce sont des œuvres de qualité invitant à la réflexion et permettant une

véritable entrée en littérature par le foisonnement de significations et les

parcours multiples qu’ils génèrent. L’album est un support complexe qui ne dit

pas tout. Aussi, l’implicite peut rendre la compréhension de l’œuvre difficile. En

effet, sans la reconstruction du non-dit, on ne peut pas vraiment parler de

compréhension. L’implicite de l’album peut se cacher dans le texte et/ou les

images et est polymorphe. J’ai essayé de mettre en place des dispositifs

susceptible d’amener les élèves à percevoir l’implicite. En effet, il semble

important que les élèves puissent percevoir le non-dit avant même de savoir lire.

Au-delà du repérage des lieux d’incertitudes, il faut amener les enfants à les

comprendre voire à les interpréter. Dès leur plus jeune âge, il faut les

encourager à parler de ce qui n’est pas dit clairement, il faut les amener à être

actifs, à faire irruption dans le texte pour le questionner, adopter une attitude

réflexive. Il faut leur permettre de faire des inférences, à mettre en résonance

l’œuvre abordée par rapport à ses connaissances et surtout à la culture de la

classe. Un des dispositifs intéressant pour construire un socle de références

communes est la mise en réseaux d’œuvres. Ainsi, comprendre et interpréter

l’implicite font partie intégrante de la lecture littéraire. Mais en maternelle,

lorsque l’enseignant lit une œuvre à sa classe, ne lui présente-t-il pas déjà une

interprétation personnelle de l’œuvre ? Est-ce en lui proposant des

interprétations que l’élève interprétera à son tour ?

REMERCIEMENTS

Page 47: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

Je tiens à remercier ma directrice de mémoire, madame BOURBON,

pour son aide et ses conseils.

Sincères remerciements aux élèves de MS-GS de l’école maternelle

de CRAVANT et aux élèves de CM1 de l’école élémentaire Victor

HUGO d’AVALLON, sans qui ces projets n’auraient pu être les

mêmes.

Page 48: L’implicite dans les albums de jeunesse.€¦ · Au cours des cinquantes dernières années, la littérature de jeunesse et plus particulièrement l’album se sont développés

BIBLIOGRAPHIE

* Les textes officiels : - Qu’apprend-on à l’école maternelle ? CNDP, 2002

- Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? CNDP, 2002

- Littérature cycle III, Documents d’application des programmes CNDP, 2002

- Livres et apprentissages à l’école,Ministère de l’éducation nationale, de la

recherche et de la technologie Observatoire National de le Lecture Lectures en

jeu, Collection Scéren CNDP, 2003

- La maîtrise de la langue à l’école, CNDP, 1990

* Ouvrages théoriques : - Caroline GOLDER et Daniel GAONAC’H Lire et comprendre Psychologie de la

lecture Hachette Education, 2004

- Jocelyne GIASSON La compréhension en lecture Pédagogies en

développement Pratiques méthodologiques DE BOECK UNIVERSITE, Gaëtan

MORIN éditeur, 1990

- Elisabeth CALAQUE Lire et comprendre « Itinéraire de lecture » Collection 36 –

Collèges – Lycées, CRDP Grenoble

- Dominique ALAMICHEL Albums, mode d’emploi cycles I, II, III Argos

Collection, CNDP réseau 2000

- Catherine TAUVERON Comprendre et interpréter le littéraire à l’école et au-

delà

Didactique des disciplines, INRP 2001

- Catherine TAUVERON Lire la littérature à l’école. Pourquoi et comment

conduire cet apprentissage spécifique de la GS au CM Hatier, 2002

- Anne-Marie MERCIER-FAIVRE Enseigner la littérature de jeunesse ?

Collection IUFM Pul ,1999

- Ludovic-Jérôme GOMBAULT, Nadia MIRI, Anne RABANY Littérature : l’album

cycle II Enseigner Aujourd’hui Bordas Pédagogie, 2002

- J.C. BOURGUIGNON, B. GROMER, R. STOECKLE L’album pour enfant :

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Pourquoi ? Comment ? Pratique Pédagogique Armand Colin-Bourrelier, 1985

* Albums- Max VELTHUIJS La découverte de Petit-Bond Ecole des loisirs ,1999

- Guido VAN GENECHTE Benji Milan

- NADJA Chien Bleu Lutin de poche 1989

- Rachel HAUSFATER-DOUIEB et Olivier TALYK Le petit garçon étoile Albums

Duculot Casterman, 2001

- Claude PONTI Sur la branche Lutin de Poche, 2000

- Philippe CORENTIN L’Afrique de Zigomar Ecole des Loisirs, 1993

- Francine VIDAL et Elodie NOUHEN La grenouille à grande bouche, Didier

jeunesse, 2001

- Frédéric STEHR Promenons-nous dans les bois, Ecole des loisirs, 1990

- Olivier DOUZOU Loup, Rouergue, 1995

- Anthony BROWNE Le Tunnel , Kaléidoscope, 1989

- Anthony BROWNE Une histoire à quatre voix, Kaléidoscope, 1998

- Amy HEST et Jill BARTON Sous la pluie avec Bébé canard, Ecole des loisirs,

1997.

- Claude Boujon L’apprenti loup Ecole des loisirs , 1984.

- Grégoire SOLOTAREFF Loulou, Ecole des loisirs, 1989

- Anaïs VAUGELADE L’histoire du bonbon, Ecole des loisirs ,1997.

* Autres- Jakob et Wilhelm GRIMM Le Petit Chaperon rouge

- Daniel PENNAC L’œil du loup Nathan Collections Pleine lune Pocket Junior

1994

- site de la TFL (Télé Formation Lecture)

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ANNEXES