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L'imitation en publicité: Conception et test d'une échelle de mesure Douniazed Filali * Doctorante Université Paris1 Panthéon Sorbonne Joël Jallais ** Professeur Émérite des Universités Université de Rennes1 * 14 rue Marmontel, 75015 Paris/ E-mail : [email protected] / Tel : 06 19 39 82 95 ** E-mail : [email protected]

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L'imitation en publicité:

Conception et test d'une échelle de mesure

Douniazed Filali *

Doctorante

Université Paris1 Panthéon – Sorbonne

Joël Jallais **

Professeur Émérite des Universités

Université de Rennes1

* 14 rue Marmontel, 75015 Paris/ E-mail : [email protected] / Tel : 06 19 39 82 95

** E-mail : [email protected]

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L'imitation en publicité: Conception d'une échelle de mesure

Résumé

L’objectif principal de cette étude est le développement et le test d’une échelle de mesure de

l’imitation dans un contexte de persuasion publicitaire. Une première étude nous a permis

d’identifier deux dimensions suivant l’importance accordée au produit (Im Produit) et

l’importance accordée à la publicité (Im Pub). Une évaluation de la structure factorielle de

l’échelle réduite a été effectuée sur deux échantillons (exploratoire et confirmatoire) et a

confirmé la première composition de l’échelle. Les analyses additionnelles menées sur

l’échelle de mesure finale ont mis en évidence des qualités psychométriques acceptables.

Mots-clés : Persuasion publicitaire – Modèle LISA – Imitation

The imitation in advertising: Conception of a measurement scale

Abstract:

The main purpose of this study is the development and the test of a measurement scale of

imitation in a context of advertising persuasion. A first study had enabled the identification of

two dimensions according to the importance placed upon the product (Im Product) and the

importance placed upon the advertisement (Im Ad). An assessment of the factorial structure of

the last scale was carried out on two samples (exploratory and confirmatory) and had

established the first composition of the scale. Further analyses carried out on the measurement

scale have highlighted acceptable psychometric qualities.

Key-words: Advertising persuasion – LISA model – Imitation

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L'imitation en publicité: Conception d'une échelle de mesure

Introduction

De tout temps la publicité n’a eu pour objet que l’adhésion du consommateur. Pour ce faire,

des études et des concepts de persuasion ont tenté de se mettre en place à partir des années 70

à travers, en premier lieu, une approche strictement cognitive centrée sur le traitement

rationnel du message publicitaire par le consommateur (Fishbein et Ajzen, 1975 ; Lutz et

Swasy, 1977 ; Olson, Toy et Dover, 1982…etc.). Cette vision réductrice de la notion de

persuasion évolue au cours de la décennie suivante avec notamment l’ajout d’une seconde

approche dite affective (Zajonc, 1980) qui sera intégrée aux modèles d’efficacité publicitaire.

On retrouve, par exemple, le modèle ELM de Petty et Cacioppo (1981), le modèle

heuristique/systémique de Chaiken (1980), le modèle de Mitchell (1981), les travaux de Lutz,

McKenzie et Belch (1983,1986) sur les mécanismes de persuasion publicitaire et bien

d’autres…

Le concept central de la majorité des modèles de persuasion publicitaire est l’attitude, ses

composantes, son rôle médiateur dans l’effet publicitaire et ses processus de changement chez

le récepteur. En d’autres termes, l’objectif central de ces modèles se résume dans la

conceptualisation, parfois simpliste et hiérarchique, des connexions entre les différentes

variables influençant les attitudes, et la détermination des paramètres et des critères pouvant

aider à la prédiction d’un comportement. Toutefois, et par opposition à la simplification de

l’effet publicitaire exprimée dans les modèles à domination cognitive et/ou affective, un

modèle sort du lot et nous apporte un nouveau regard sur la recherche dans le domaine de la

persuasion publicitaire : le modèle LISA. Ce modèle décrit les interactions entre les quatre

Portes le la persuasion : la Logique, l’Imitation, les Sentiments et les Automatismes.

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Dans cet article, nous nous attarderons sur la mesure de la Porte de l’Imitation. En effet, au-

delà de la pertinence théorique de ce modèle, il convient de se pencher sur la question de la

mesure concrète des concepts qui le caractérisent. Bien des études se sont consacrées à la

mesure des effets cognitifs et affectifs de la publicité (Miniard, Bathla et Rose, 1990 ;

Derbaix, 1995; Burton & al., 1998…etc.). De ce fait, il nous semble pertinent de nous attarder

sur la mesure d’une autre Porte du modèle LISA : l’Imitation. Pour cela, nous avons

développé une échelle de mesure psychométrique de l’Imitation auprès de 119 étudiants et

procédé à son évaluation.

1. Le modèle LISA

Instauré par les travaux de Derbaix et Grégory en 2004, le modèle LISA est un modèle de

persuasion identifiant l’impact du message publicitaire à travers quatre Portes distinctes : la

Logique, l’Imitation, les Sentiments et les Automatismes. Il suit une logique élaborée à partir

de cinq propositions inspirées de quelques mécanismes de la physique quantique, résumée

sous sa version LISA Q : la Diversité, la Simultanéité, l’Interaction, les Effets diffus, et le

Moindre temps.

Le modèle LISA (Derbaix et Grégory, 2004) se distingue par son caractère intégrateur des

nombreux acquis dans le domaine de l’effet publicitaire. En effet, il regroupe les différentes

formes de réponses à la publicité en quatre Portes distinctes interagissant entre elles selon le

principe de simultanéité. Ainsi, la Porte « L » considère le comportement d’achat comme

reposant sur une activité mentale de traitement cognitif de plusieurs facteurs y compris les

composantes de la publicité. L’individu évalue les solutions proposées pour répondre à son

besoin et décide en fonction de ses connaissances et/ou de ses expériences généralisées à sa

situation actuelle. Ainsi, on parle de processus raisonné ou d’apprentissage cognitif. La Porte

« I » traduit une tendance à adopter un comportement résultant d’une influence

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interpersonnelle telle que la reproduction du comportement d’un « modèle », ou d’une

identification à une situation donnée dans le but de ressembler et/ou d’avoir un résultat précis.

La Porte « S » désigne le rôle démontré des réactions affectives dans les mécanismes de la

persuasion publicitaire. La Porte « A », quant à elle, nous renvoie vers les processus

automatiques rattachés au conditionnement. Ce concept conduit, par exemple, à une

association entre des stimuli répétés et une marque donnée entrainant, par ce fait, une réponse

attitudinale favorable automatique à la marque du message publicitaire.

On parle d’ « ouverture de Porte » lorsqu’un individu exposé à une annonce publicitaire

emprunte une (ou plusieurs) des Portes du modèle LISA afin d’adopter une certaine attitude à

l’égard de cette annonce. Ainsi, la pertinence de ce modèle se résume dans sa synthèse des

acquis de la recherche en persuasion publicitaire, et son explication plus complète de ce

phénomène en prenant simultanément en considération les quatre Portes, leur interaction et

leur connectivité : les Portes sont communicantes (LISA Q).

2. Le concept d’ « Imitation »

La Porte « I » repose sur le postulat de l’observation et de l’apprentissage d’un comportement

par son imitation et sa reproduction. Elle considère l’influence sociale comme un moteur

fondamental de cette volonté d’imitation.

Derbaix et Grégory (2004) distinguent deux aspects de l’influence sociale : la normative et

l’informationnelle. La première s’exprime à travers la pression des normes sociales et trouve

son exemple dans l’expérience de Asch (1955) qui démontre l’influence des groupes dans la

communication persuasive. Quant à la seconde, elle se situe au niveau du transfert des

informations entre les individus et se manifeste par des exemples tels que le bouche à oreille

et l’apprentissage vicariant (Bandura, 1976, 1977). Ce dernier s’appuie sur l’observation et la

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comparaison des comportements des autres (appelés des « modèles ») ainsi que la

reproduction de comportements selon les conséquences qu’ils engendrent.

Le niveau de motivation à imiter un comportement dépend des conséquences attribuées à ce

dernier et de leur aptitude supposée à répondre aux besoins du consommateur. Bon nombre

d’imitations se justifient par le désir de reconnaissance sociale et le besoin d’adhésion et/ou

de conformité à un groupe particulier.

Toutefois, la capacité d’imaginer les conséquences d’un comportement à imiter présume un

traitement cognitif qui renvoie à la Porte de la Logique et souligne un lien entre les deux

Portes.

Nous pouvons donc définir l’imitation dans un processus de communication comme étant la

propension à reproduire un comportement (et/ou une information) suggéré(e) par une

annonce publicitaire dans le but d’avoir un résultat précis. Ce résultat se justifie souvent par

le désir d’adhérer et/ou d’être en conformité avec le groupe (ou la personne) auquel (à

laquelle) on s’identifie.

3. Développement de l’échelle de mesure

Ce qui précède met clairement en évidence les deux aspects de la Porte de l’Imitation :

observation et reproduction d’un comportement sous influence sociale et/ou interpersonnelle.

Le désir de reconnaissance et d’approbation sociale a largement été étudié en Marketing dans

des contextes de leadership d’opinion, de leaders d’opinion, d’influences interpersonnelles et

sociales appliquées à des comportements de consommation (Rogers et Cartano, 1962 ; King et

Summers, 1970 ; Roux, 1978 ; Childers, 1986 ; Darden et Reynolds 1972 ; Goldsmith et

Desborde, 1991…etc ).

La principale difficulté, dans notre étude, réside dans le choix d’une échelle adéquate et

cohérente avec la mesure de cette Porte dont le principal moteur est l’influence sociale. Ainsi,

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nous nous sommes intéressés en premier lieu aux travaux de Roux (1978) sur l’influence

interpersonnelle dans le cadre de la consommation ostentatoire. Son travail s’est appuyé sur

l’échelle de Darden et Reynolds (1972) inspirée par celle de King et Summers (1970)

traditionnellement utilisée pour mesurer le leadership d’opinion. Nonobstant, Flynn,

Goldsmith et Eastman (1994 – 1996) trouvent que ces échelles traditionnelles, notamment

celle de Childers (1986) inspirée elle aussi de King et Summers (1970), mesurent plus une

tendance à partager de l’information qu’une réelle influence. Dans la même veine, Ben Miled

et Le Louarn (1994) démontrent bien que ces échelles reposent surtout sur une méthode

d’auto – désignation du fait qu’elles demandent au répondant d’évaluer sa propre influence

dans un domaine précis.

Au regard de ce qui précède, nous nous sommes penchés sur le concept de comparaison

sociale que nous avons jugé mieux adapté à notre contexte publicitaire. Toutefois, il nous

semble bon de préciser que plusieurs chercheurs, dans le domaine de la psychologie en

général et de la comparaison sociale en particulier, ont constaté une importante incohérence

dans les propos des personnes interrogées sur leur propension à se comparer aux autres. En

effet, l’approche d’auto – évaluation de certaines échelles, dans le domaine médical par

exemple, ne rend pas compte des réticences à admettre certaines comparaisons sociales dans

lesquelles ils sont déjà engagées (Helgeson et Taylor, 1993 ; Hemphill et Lehman, 1991 ;

Wood, 1996). Dès lors, et en cohérence avec le même constat, les travaux de Gibbons et

Buunk (1999) ont développé une échelle de mesure des différences individuelles dans le

penchant à la comparaison sociale. Cette échelle aborde la comparaison sociale sur des sujets

d’accomplissement dans la vie en général ainsi que sur des sujets particuliers en essayant de

savoir, par exemple, si le répondant s’intéresse à ce que les autres pensent d’un sujet qui peut

l’intriguer. Elle a été le point de départ de notre processus de production d’items.

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Cette réflexion étant fixée, nous avons procédé à une rétro–traduction1 de l’échelle de

Gibbons et Buunk (1999). Parallèlement, il nous semblait important d’identifier le groupe de

référence de notre population cible. Une étude qualitative a été menée auprès de 81 étudiants

à l’aide d’entretiens semi-directifs en face à face sur le site des études, afin d’identifier la

catégorie de personnes (faisant partie de l’entourage, imaginaire ou célèbre) à laquelle le

répondant s’identifie dans son comportement en général. Une tendance à s’identifier à ses

ami(e)s s’est nettement dégagée de cette étude.

Ainsi, suivant les termes inspirés de la revue de littérature, l’échelle de Gibbons et Buunk

(1999) et les résultats de l’étude précédente, nous avons généré une nouvelle échelle à tester

(11 items / Likert en 5 points). Il est important de signaler que si le groupe de référence dans

la nouvelle échelle était bien « les amis », le produit quant à lui, n’était pas formellement

désigné et variait d’une annonces à l’autre. En effet, plusieurs annonces ont été utilisées dans

cette étape. Néanmoins, nous avons veillé à ce que les annonces publicitaires clairement

destinées aux femmes étaient bien administrées aux étudiantes (exemples : maquillage, sacs à

main… etc.), de même pour les hommes.

4. Purification et évaluation psychométrique de l’échelle

Une première étude de purification est conduite auprès de 136 étudiants (âgés entre 18 et 25

ans), 119 questionnaires ont été retenus. Une quarantaine d’annonces publicitaires a été

administrée, et chaque répondant n’était exposé qu’à une seule annonce.

A la suite de cette première étude, les données de l’enquête ont été soumises à diverses

analyses statistiques visant à identifier les dimensions de l’imitation dans le contexte

publicitaire. Une analyse en composantes principales a été effectuée sur la matrice des

données en vue d’examiner sa structure factorielle. L’analyse exploratoire a permis d’éliminer

1 Traduction des items de l’échelle originale en français par une personne bilingue (français/anglais),

puis re-traduction de l’échelle française obtenue par une autre personne bilingue (français/anglais).

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quatre items de notre première échelle et a mis en évidence deux dimensions distinctes :

l’importance accordée au produit (Im Produit) et l’importance accordée à la publicité (Im

Pub) avec une corrélation factorielle de 0,2342. Les qualités psychométriques de l’échelle de

l’imitation ont été évaluées et chaque facteur a été examiné.

L’analyse en composantes principales a été menée suivant une rotation du type oblimin. Seuls

les deux premiers facteurs ont une valeur propre supérieure à un. Ensemble, ils expliquent

62,78% de la variance. L’analyse a révélé un bon indice KMO (0,707), et le test de Bartlett

(p= 0,000) est satisfaisant. Les résultats de l’étude exploratoire sont résumés dans le tableau 1.

La fiabilité de l’échelle a été estimée à l’aide du coefficient alpha de Cronbach (Peterson,

1994) qui nous donne 0,740 pour l’échelle, avec 0,720 pour Im Produit et 0,781 pour Im Pub.

Le rhô de Jöreskog (l’échelle : 0,919), de plus en plus préféré à l’alpha de Cronbach en

marketing (Roussel et al., 2002), a également été calculé : 0,841 pour Im Produit et 0,860

pour Im Pub.

La vérification de la bonne corrélation entre les indicateurs supposés mesurer le même

phénomène s’est faite à partir du rhô de validité convergente ( de Jöreskog (Jolibert et

Jourdan, 2006). Ce dernier est jugé bon (l’échelle : 0,621 / Im Produit : 0,638 / Im Pub :

0,608). Concernant la validité discriminante, elle est déterminée par l’examen de la différence

entre le rhô de validité convergente et le pourcentage de variance que partage le facteur étudié

avec les autres (Fornell et Larcker, 1981). Ce qui nous donne une bonne validité discriminante

(Cov² (facteur1, facteur2) : 0,055).

2 Méthode d'extraction : Analyse en composantes principales. Méthode de rotation : Oblimin avec

normalisation de Kaiser.

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N = 119

Poids

factoriels

Qualité de

représentation

Facteur 1 : Im Produit 23,12%

Je me compare souvent à mes ami(e)s au sujet de

l’acquisition de ce type de produit

0,753 0,571

J'accorde toujours beaucoup d'importance au type de ce

produit que je possède par rapport à celui de mes ami(e)s

0,862 0,749

Je compare souvent ce type de produit détenu par mes

proches (petit(e) ami(e), membres de la famille, etc.) à

celui choisi par les autres personnes

0,778 0,606

Facteur 2 : Im Pub 39,66%

Cette publicité m’incite à vouloir savoir ce que mes

ami(e)s pensent de ce produit

0,710 0,524

Cette publicité me donne envie de savoir ce qu’en

penseraient mes ami(e)s s’ils (si elles) la regardaient au

même moment que moi

0,749 0,562

J’aimerais parler de cette publicité à mes ami(e)s 0,866 0,751

Je veux comparer mon avis sur cette publicité à celui de

mes ami(e)s

0,785 0,632

Variance restituée 62,78%

Tableau 1. Première étude exploratoire sur l’échelle de l’Imitation

5. Evaluation psychométrique de l’échelle réduite

A ce stade de notre étude nous avons jugé bon de mesurer l’effet publicitaire par rapport à une

catégorie spécifique de produits. La même étude qualitative qui nous a permis de déterminer

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le groupe de référence de notre population cible, nous a également aidé à identifier les

produits informatiques comme les principaux produits sur lesquels porte l’intérêt de notre

cible (Ordinateur portable : forte implication / Disque dur externe : faible implication). Une

adaptation de l’échelle aux nouvelles annonces publicitaires a fait l’objet d’une autre étude

exploratoire (n = 200 / n = 640) et une étude confirmatoire finale (n = 640). Il est bon de

préciser que les deux échantillons comprenaient pour moitié des annonces traitant

d’ordinateurs portables et pour moitié des annonces portant sur les disques durs externes.

5.1. L’analyse factorielle exploratoire

Nous avons suivi la même logique expérimentale dans cette seconde étude, à savoir,

l’administration d’un seul type d’annonce publicitaire par répondant. Le tableau 2 résume les

items de l’échelle réduite.

Indiquez votre degré d’accord ou de désaccord pour chacune des affirmations suivantes :

Im1 : Je me compare souvent à mes amis(e)s au sujet de l’acquisition de ce type de produit

Im2 : J'accorde toujours beaucoup d'importance au type d’ordinateur portable/de disque dur

externe que je possède par rapport à celui de mes ami(e)s

Im3 : Je compare souvent l’ordinateur portable / le disque dur externe détenu par mes

proches (petit(e) ami(e), membres de la famille, etc.) à celui choisi par les autres personnes

Im4 : Cette publicité m’incite à vouloir savoir ce que mes amis(e)s pensent de ce produit

Im5 : Cette publicité me donne envie de savoir ce qu’en penseraient mes amis(e)s s’ils (si

elles) la regardaient au même moment que moi

Im6 : J’aimerais parler de cette publicité à mes amis(e)s

Im7 : Je veux comparer mon avis sur cette publicité à celui de mes amis(e)s

Tableau 2. Première échelle réduite

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L’étude factorielle exploratoire nous a permis de réduire le nombre des items sans

compromettre la qualité de l’échelle. Elle a confirmé la nature bidimensionnelle de notre

échelle : Im Produit et Im Pub (tableau 3). Les indices KMO pour les deux échantillons

(Echantillon exploratoire = 0,716 / Echantillon final = 0,745) sont jugés bons et le test de

Bartlett (p=0,000) est satisfaisant pour les deux.

Le tableau 4 présente la matrice de corrélation des deux facteurs identifiés dans cette échelle

pour l’échantillon exploratoire ainsi que l’échantillon final. Méthode d'extraction : Analyse en

composantes principales. Méthode de rotation : Oblimin avec normalisation de Kaiser.

Echantillon exploratoire

N= 200

Echantillon final

N= 640

Poids

factoriels

Qualité de

représentation

Poids

factoriels

Qualité de

représentation

Facteur 1 : Im Produit 26,05% 60,67%

Im1 0,814 0,663 0,882 0,778

Im2 0,880 0,779 0,903 0,816

Im3 0,806 0,652 0,888 0,789

Facteur 2 : Im Pub 47,21% 21,86%

Im6 0,802 0,644 0,934 0,873

Im7 0,962 0,925 0,933 0,870

Variance restituée 73,26% 82,53%

Tableau 3. Résultats du test de l’échelle finale

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Echantillon exploratoire Echantillon final

Im Produit Im Pub Im Produit Im Pub

Im Produit 1,000 0,442 Im Produit 1,000 0,449

Im Pub 1,000 Im Pub 1,000

Tableau 4. Matrice de corrélation factorielle des dimensions de l’échelle finale

Echantillon exploratoire

(N= 200)

Echantillon final

(N= 640)

Fiabilité

α de Cronbach ( > 0,6) 0,824 0,837

Facteur 1 : Im Produit 0,869 0,869

Facteur 2 : Im Pub 0,869 0,852

de Jöreskog ( > 0,7) 0,931 0,959

Facteur 1 : Im Produit 0,872 0,920

Facteur 2 : Im Pub 0,878 0,931

Validité

Validité convergente ( > 0,5)

0,731 0,825

Facteur 1 : Im Produit 0,696 0,794

Facteur 2 : Im Pub 0,784 0,871

Validité Discriminante

Cov² (facteur1, facteur2) 0,195 0,202

facteur 1 > Cov² (facteur1, facteur2)

facteur 2 > Cov² (facteur1, facteur2)

Tableau 5. Validité et fiabilité de l’échelle finale

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L’analyse de la fiabilité (alpha de Cronbach et rhô de Jöreskog) pour chacun des deux facteurs

de l’échelle réduite a engendré des coefficients très acceptables pour les deux échantillons

puisqu’ils sont supérieurs à 0,80 (tableau 5). Comme c’était le cas avec la première échelle,

l’examen de la validité convergente (rhô de validité convergente ( de Jöreskog) ainsi que

la validité discriminante est plus que satisfaisant.

5.2. L’analyse factorielle confirmatoire

L’évaluation de la représentativité des items par rapport à la définition de notre construit

passe également par une analyse factorielle confirmatoire qui exige des critères d’adéquation

bien précis. L’ajustement des données de l’expérimentation finale a été traité via le logiciel

AMOS.

En premier lieu un choix de méthode d’estimation doit être fixé. Notre choix s’est porté sur la

méthode la plus employée dans l’estimation et le test des modèles de mesures intégrant des

variables latentes et des variables observables : la méthode du maximum de vraisemblance

(ML). Cette méthode nécessite un corpus de données sans valeurs manquantes, un échantillon

important et des observations indépendantes les unes des autres. Elle requiert également des

variables observables mesurées sur des échelles de rapport ou d’intervalle ainsi qu’une

distribution normale des items (Evrard, Pras et Roux, 2003). L’examen des coefficients

d’asymétrie (Skewness) et d’aplatissement (Kurtosis) a montré que les items de notre échelle

sont distribués normalement.

L’examen des indices d’ajustement de l’analyse confirmatoire de l’échelle finale est satisfait.

En effet, les indices absolus ont révélés : Ch² = 4,884 et ddl = 4 / GFI = 0,997 / AGFI = 0,989

/ RMR = 0,011 / RMSEA = 0,019. Les indices incrémentaux : NFI = 0,997 / CFI = 0,999. Et

l’indice parcimonieux : Chi²/ddl = 1,221. Une représentation schématique du modèle et des

estimations standardisées est présentée à la figure 1.

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L’examen des coefficients standardisés de chaque item ainsi que le coefficient

d’intercorrélation entre les deux dimensions confirme la validité de la structure de l’échelle

finale.

Figure 1. Modèle de la structure factorielle de l’échelle finale

Discussion et conclusion

Le principal apport de cet article est la constitution d’une échelle de mesure de l’imitation

dans un contexte publicitaire. Cela peut contribuer à l’opérationnalisation concrète de

l’éclairage théorique nouveau et peu exploité du modèle intégrateur LISA (Derbaix et

Grégory, 2004), et s’inscrit dans le cadre d’une pertinence évidente du modèle visant à

augmenter sa validité d’intégration des mécanismes de la persuasion publicitaire.

Cette nouvelle approche de la mesure des effets d’une annonce publicitaire devrait s’avérer

utile aux praticiens du marketing, et plus spécifiquement aux professionnels de la publicité

qui souhaitent comprendre le rôle des influences sociales véhiculées par leurs annonces

publicitaires. La validité externe de cette étude étant faible, il conviendrait au professionnels

de la publicité de bien identifier le groupe de référence de leur population cible avant toute

tentative de mesure du degré d’imitation que suscitent leurs annonces.

L’utilisation de cette échelle dans des recherches futures peut visée d’autres segments de

consommateurs suivant des stratégies de ciblages bien différentes de celles employées dans

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notre étude. Ainsi, des paramètres additionnels devraient être pris en considération tel que le

groupe de référence de la population cible choisie. Dès lors, de futures recherches pourraient

explorer d’autres facettes de l’imitation et étendre ses applications.

Dans le cadre de la version LISA Q du modèle et de la connectivité des différentes Portes,

l’échelle de mesure de l’imitation ne devrait pas être vue comme substitut aux autres mesures

cognitives et/ou affectives de l’effet publicitaire, mais plutôt comme un complément. En effet,

la capacité d’imaginer les conséquences d’un comportement à imiter suppose un traitement

cognitif qui renvoie vers la Porte de la Logique et souligne un lien entre les deux Portes (L &

I). De plus, nous pouvons remarquer que sans un attachement affectif aux valeurs que

véhicule un certain comportement et/ou un « modèle », il serait difficile pour l’individu de

céder à une influence interpersonnelle (S & I). Egalement, l’adoption d’un comportement à

partir des conséquences positives qu’il peut engendrer peut, avec le temps, devenir un

automatisme et s’effectuer sans aucun guidage conscient (I & A).

Bibliographie

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Annexe 1

L’échelle de Gibbons et Buunk (1999) après rétro-traduction :

Je me compare souvent aux autres concernant ce que j'ai pu accomplir dans ma vie

Si je veux en apprendre plus sur un sujet, j'essaie de savoir ce que les autres en pensent

J'accorde toujours beaucoup d'attention à ma façon d’accomplir les choses par rapport à

celle dont procèdent les autres

Je compare souvent la façon de faire les choses de mes proches (petit(e) ami(e),

membres de la famille, etc.) à celle des autres personnes

Je veux toujours savoir ce que les autres auraient fait dans une situation similaire à la

mienne

Je ne suis pas le genre de personne qui se compare souvent aux autres (item inversé)

Si je veux savoir à quel point mon travail est bien fait, je le compare à celui des autres

Souvent j'essaie de savoir ce que pensent les gens qui rencontrent les mêmes problèmes

que moi

J'aime souvent parler avec les autres d'opinions et d'expériences mutuelles

Je ne compare jamais ma vie à celle des autres (item inversé)

Je compare souvent ma vie sociale (popularité, savoir- vivre… etc.) à celle des autres

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Annexe 2

Exemples d’annonces expérimentales

Première étude :

Seconde étude :