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1 Association Nationale des Organisations Professionnelles d’Eleveurs de Ruminants (ANOPER) Tél. : +229 23635352 Fax : +229 23635352 E-mail : [email protected] Union Communale des Producteurs de Zogbodomey (UCPZ) CAPITALISATION DES INITIATIVES ECONOMIQUES L’EXPÉRIENCE DES BOUTIQUES D’INTRANTS AGRICOLES AUTOGÉRÉS ALGMB / ANOPER (BÉNIN) Mai 2016

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Association Nationale des Organisations Professionnelles d’Eleveurs de Ruminants

(ANOPER)

Tél. : +229 23635352 Fax : +229 23635352 E-mail : [email protected]

Union Communale des Producteurs de Zogbodomey (UCPZ )

CAPITALISATION DES INITIATIVES ECONOMIQUES

L’EXPÉRIENCE DES BOUTIQUES D’INTRANTS AGRICOLES AUTOGÉRÉS

ALGMB / ANOPER (BÉNIN)

Mai 2016

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RESUME

L’association du marché de Gogounou est dénommée Association locale de Gestion du Marché a bétail (ALGMB). Elle a pour objet (i) d’apporter un appui moral et matériel aux éleveurs pour la promotion de la santé animale ; (ii) d’œuvrer pour réduire les influences négatives des intermédiaires commerciaux, (iii) de faciliter le commerce du bétail entre éleveurs, acheteur et consommateurs, (iv) d’assurer de façon régulière l’approvisionnement du parc-marché de bétail en bêtes sur pieds , (v) d’animer et de gérer le marché, (vi) d’assurer l’éducation et la formation associative des membres, (vii) de faciliter à ses membres, la pratique de la mutualité, de l’entraide, et de la solidarité et (ix) de mener toutes les activités légales capables d’apporter un soutien moral social et matériel à ses membres. La gestion des marchés à bétail autogérés est assurée par une association reconnue officiellement par les pouvoirs publics, dénommée Association locale de gestion du marché à bétail (ALGMB) qui a été créée par les différents acteurs dont les principaux sont les agro éleveurs, les commerçants de bétail, les bouchers, les tresseurs de corde, les femmes restauratrices, etc. Elle s’est constituée en 1998 à Gogounou. L’initiative de l’autogestion est partie des éleveurs réunis autour de leurs leaders (notamment Aboubacar TIDJANI actuel président de l’Association Nationale des Organisations Professionnelles d’Eleveurs de Ruminants (ANOPER) qui se sont soulevés contre le système traditionnel de gestion de leur marché. La fonction de l’intermédiation jusqu’alors a été remise en cause. Les éleveurs ont estimé que l’intermédiation en vigueur était en leur défaveur. Les résultats et avantages des marchés à bétail autogérés au Bénin sont divers : l’amélioration des transactions a eu des retombées positives sur les revenus des éleveurs ; la création d’emplois et la revalorisation du métier d’intermédiaire ; l’amélioration de la sécurité dans le marché ; la création d’un réseau de marchés autogérés au Bénin ; l’offre de services aux commerçants burkinabè en transit vers le Nigeria ; une impulsion à la structuration des éleveurs à travers des unions départementales (UDOPER) ; l’amélioration de la santé animale ; l’intégration des femmes ; l’amélioration des relations avec l’administration locale. Des difficultés sont à relever : le maintien et de l’animation du réseau des marchés à bétail ; le faible accompagnement et suivi des activités des comités de gestion ; l’insuffisance de la capacité d’hébergement des commerçants de bétail ; l’insuffisance des infrastructures adéquates au niveau de tous les marchés à bétail autogérés ; l’autonomie limitée en alimentation en eau potable. Parmi les obstacles à lever pour la mise à l’échelle des BEA, on peut citer : la recherche de financement pour la construction des infrastructures adéquates au niveau des marchés à bétail autogérés ; la révision de la charte de partenariat pour une meilleure implication des différents acteurs et utilisateurs des services du MAB

SOMMAIRE

I. PRÉSENTATION DE L’ASSOCIATION LOCALE DE GESTION DU MARCHE A BETAIL (ALGMB) .................................................... 3

II. PRÉSENTATION DE L’EXPÉRIENCE DES MARCHÉS À BÉTAIL AUTOGÉRÉS ............................................................................... 3

A. QU’EST-CE QU’UN MARCHE A BETAIL AUTOGERE ? ................................................................................................................................3 B. UNE INNOVATION DICTEE PAR UN SOUCI DE TRANSPARENCE DANS LES RELATIONS ENTRE ACTEURS DE LA FILIERE ...................................................4 C. QUI SONT LES ACTEURS DES MARCHÉS À BÉTAIL ? ..................................................................................................................................5 D. LES DIFFERENTES PHASES DE L’OPERATION ...........................................................................................................................................6 E. LE FONCTIONNEMENT D’UN MARCHÉ À BÉTAIL AUTOGÉRÉ .......................................................................................................................6

III. LES FAITS MAJEURS ............................................................................................................................................................. 9

A. LES RESULTATS ET AVANTAGES DES MARCHES A BETAIL AUTOGERES AU BENIN ..............................................................................................9 B. LA LEÇON TIREE DE L’EXPERIENCE : UNE STRATEGIE QUI REQUIERT LA PARTICIPATION DE TOUS LES ACTEURS .......................................................11

IV. LES ENSEIGNEMENTS ......................................................................................................................................................... 12

A. LES FACTEURS DE REUSSITE ............................................................................................................................................................12 B. LES LIMITES ET INSUFFISANCES ........................................................................................................................................................12 C. QUELS OBSTACLES A LEVER POUR LA MISE A L’ECHELLE DES BEA .............................................................................................................12 D. LES CONDITIONS DE DUPLICATION DE L'EXPERIENCE .............................................................................................................................12

Ce document est réalisé dans le cadre du programme «Processus de capitalisation des initiatives des OP en Afrique de l'Ouest » porté par le ROPPA et ses partenaires techniques (GRET, Inter-réseaux) qui ont bénéficié d’un soutien à travers des projets et programmes financés par le CTA, l’UE, le FIDA, le CFSI et Fondation de France. Ce processus a six objectifs majeurs qui sont les suivants : (i) enclencher une approche systématique de capitalisation des pratiques, expériences et innovations des OP et des autres acteurs touchant le développement agricole et rural ; (ii) mettre en perspective et valoriser les expériences et connaissances des OP dans divers domaines et thématiques de travail prioritaires du ROPPA et des plateformes nationales et disséminer les résultats ; (iii) contribuer à assurer un passage à l’échelle des expériences et initiatives réussies des OP ; (iv) recueillir des informations et des éléments d’analyse approfondie pour définir et/ou renforcer les stratégies et actions du ROPPA et des plateformes nationales dans divers domaines, notamment le développement des services économiques, la gouvernance, la formation et l’apprentissage de paysans à paysans ; (v) renforcer les capacités du ROPPA en valorisant l’expertise interne des membres ; (vi) créer un hub de capitalisation concernant les OP en Afrique de l’Ouest pour une allocation efficiente des ressources.

La rédaction a été coordonnée par Dr Daouda DIAGNE , Sociologue rural en collaboration Dramane OROU GUETIDO MALAN, Coordonnateur de l’ANOPER.

Sincères remerciements à toutes celles et tous ceux qui ont participé à sa réalisation.

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I. PRÉSENTATION DE L’ASSOCIATION LOCALE DE GESTION DU MARCHE A BETAIL (ALGMB) L’association du marché de Gogounou est dénommée Association locale de Gestion du Marché a bétail (ALGMB). Elle a pour objet (i) d’apporter un appui moral et matériel aux éleveurs pour la promotion de la santé animale ; (ii) d’œuvrer pour réduire les influences négatives des intermédiaires commerciaux, (iii) de faciliter le commerce du bétail entre éleveurs, acheteur et consommateurs, (iv) d’assurer de façon régulière l’approvisionnement du parc-marché de bétail en bêtes sur pieds , (v) d’animer et de gérer le marché, (vi) d’assurer l’éducation et la formation associative des membres, (vii) de faciliter à ses membres, la pratique de la mutualité, de l’entraide, et de la solidarité et (ix) de mener toutes les activités légales capables d’apporter un soutien moral social et matériel à ses membres. La gestion des marchés à bétail autogérés est assurée par une association reconnue officiellement par les pouvoirs publics, dénommée Association locale de gestion du marché à bétail (ALGMB) qui a été créée par les différents acteurs dont les principaux sont les agro éleveurs, les commerçants de bétail, les bouchers, les tresseurs de corde, les femmes restauratrices, etc. Elle s’est constituée en 1998 à Gogounou. L’ALGMB a trois principaux organes qui assurent sa gestion : 1. L’Assemblée générale des membres qui examine, approuve ou rectifie les comptes par activité

économique (ou infrastructure). Elle donne ou refuse son quitus aux administrateurs, arrête les modalités de répartition du résultat d’exercice. Elle procède aussi à l’élection des membres du Conseil de Gestion et du Comité de Contrôle.

2. Le Comité de gestion dont les membres sont élus à la base. Il est composé d’un président, d’un vice – président, d’un secrétaire, d’un secrétaire adjoint, d’un trésorier adjoint et d’un organisateur.

3. Le Comité de contrôle dont le rôle est de veiller à l’application rigoureuse des principes coopératifs, des statuts et du règlement intérieur de l’ALGMB, de contrôler les documents de gestion financière du CG et de présenter aux assemblées générales ordinaires un rapport écrit de ses activités.

Les marchés à bétail autogérés fonctionnent comme une association paysanne (OP) qui dispose d’un statut légal, des documents de gestion, d’outils de marché (tickets de transaction, journal de caisse etc.), et, d’un comité de Gestion qui regroupe tous les acteurs concernés (éleveurs et agro éleveurs, bouchers, commerçants, chargeurs, etc.). L’ALGMB est membre de l’Association Nationale des Organisations Professionnelles d’Eleveurs de Ruminants (ANOPER) Organisation paysanne de 35.000 éleveurs présents dans 48 communes (75% du territoire béninois).

II. PRÉSENTATION DE L’EXPÉRIENCE DES MARCHÉS À BÉTAIL AUTOGÉRÉS

A. Qu’est-ce qu’un marché à bétail autogéré ? Un marché à bétail est non seulement une simple espace physique de ventes des bestiaux mais c’est aussi un ensemble de circuit d’échanges d’animaux à divers niveaux : local, régional, national (voire international). C’est aussi un groupe d’acteurs ayant entre eux des relations d’ordre social et interprofessionnels basées sur l’achat ou la vente des animaux, sur des règles et habitudes. C’est encore un jeu de transactions entre vendeurs et acheteurs de bétail. Au Bénin on distingue deux types de marchés à bétail : les marchés à bétail de type traditionnel qui sont très anciens et les nouveaux marchés à bétail autogérés (MBA) qui datent d’une vingtaine d’années environ. La caractérisation de ces deux types de marchés est nécessaire pour mieux comprendre les avantages du nouveau système MBA.

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Les marchés à bétail de type traditionnel sont caractérisés par des transactions indirectes entre le vendeur (éleveur) et l’acheteur (commerçant ou boucher) par le biais d’un intermédiaire communément appelé le « Dilani » en fulfulde. Puisqu’il n’y a pas de relation entre l’acheteur et le vendeur, c’est l’intermédiaire ou « Dilani » qui détient le secret des prix et tire sa rémunération de la différence entre le prix d’achat et celui de la revente.

Les marchés à bétail autogérés (MBA) sont caractérisés par des transactions directes entre l’éleveur et l’acheteur, facilitées et authentifiées par un témoin, le <<seedêjo>> en fulfulde, et un secrétaire qui délivre des tickets à l’acheteur et au vendeur. Une taxe est prélevée sur chaque transaction pour développer le marché (réalisation d’infrastructures, prestations de services). Dans ce type de marché la rémunération des seedêjo (témoins) et des tickettiers est fixée par tête de bétail vendu ou par marché.

La grande différence entre les marchés à bétail de type traditionnel et les Marchés à Bétail Autogérés réside dans le mode de transactions. Les transactions sont « transparentes » dans les MBA tandis qu’elles sont « opaques » dans les marchés de type traditionnel. Notons que, si le système traditionnel est aux mains des intermédiaires qui assurent la gestion des marchés au détriment des vrais acteurs (éleveurs-vendeurs et acheteurs-commerçants), le nouveau système des MBA a le mérite d’instaurer un système de transactions « claires » dans lequel les vendeurs et les acheteurs se parlent directement et maîtrisent la vérité des prix d’achat ou de vente de leurs animaux et de leurs gains. Aussi les MBA présentent l’avantage de regrouper tous les acteurs autour de la gestion du marché à bétail et génèrent des ressources pour le financement du cadre et des conditions d’animation des marchés et le développement local.

B. Une innovation dictée par un souci de transparen ce dans les relations entre acteurs de la filière

L’histoire des marchés à bétail autogérés remonte aux années 80 à Gogounou. L’initiative de l’autogestion est partie des éleveurs réunis autour de leurs leaders (notamment Aboubacar TIDJANI actuel président de l’ANOPER) qui se sont soulevés contre le système traditionnel de gestion de leur marché. La fonction de l’intermédiation jusqu’alors a été remise en cause. Les éleveurs ont estimé que l’intermédiation en vigueur était en leur défaveur. Ils percevaient le système « dilani » comme une escroquerie et proposaient plutôt un modèle plus transparent profitable à tous les acteurs y compris à la localité. Ce processus de changement de l’ancien système au nouveau système a pris du temps (10 à 15 ans) et a connu beaucoup de controverses. Les leaders peulh ont subi l’influence et des intimidations. Les éleveurs n’ont pas baissé les bras et le principe de gestion transparente des transactions autour du commerce du bétail va progressivement s’installer, sans exclure les intermédiaires. Ces derniers ont été reconvertis à la fonction de témoins (Sèèdêbè). L’initiative du MBA de Gogounou doit son évolution, sa maturité et sa durabilité actuelles non seulement à la détermination et la vision des responsables de son comité de gestion, mais aussi aux divers programmes d’appui accompagnement à la base ; apportés simultanément et/ou conjointement, depuis 1995 par les services agricoles de l’état (CARDER), l’ancien Programme de Professionnalisation de l’Agriculture au Bénin (PPAB), le fonds social de développement (FSD) de l’Ambassade de France, L’Association Français pour le développement International (AFDI), l’Inter-Réseau/CTA, la SNV, ADF , Coopération suisse, etc. Ces appuis accompagnements dans les domaines techniques et financiers concernent :

• La formation et l’appui conseil sur la dynamique coopérative ; • La formation à la gestion financière et la tenue des documents ; • La formation en santé animale de base ; • La formation à la gestion et la résolution des conflits ; • La planification des actions ; • L’appui au suivi périodique des activités ; • L’appui au suivi de la gestion financière ; • L’appui au bilan des actions ; • Les appuis financiers pour la réalisation des infrastructures du marché ;

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La délégation de la gestion du marché par la Mairie au comité de gestion du marché constitue un grand soutien de la bonne marche de la dynamique de l’Association Locale de Gestion Marché à Bétail (ALGMB) de Gogounou.

C. Qui sont les acteurs des marchés à bétail ? On distingue les acteurs communs aux deux types de marchés qui sont différents des nouveaux acteurs des marchés à bétail autogérés et les acteurs d’appui technique.

1. Les acteurs communs aux deux types de marchés

Les acteurs communs aux deux types de marchés (traditionnel et autogéré) autour des transactions sont les éleveurs ou producteurs de bétail, les bouchers et les commerçants de bétail. Ce sont surtout des éleveurs Peulh sédentaires ou semi sédentaires, et des éleveurs transhumants. Il y a aussi des agro éleveurs qui pratiquent la traction animale. Au Bénin l’activité de boucherie est surtout pratiquée par des étrangers : Haoussa et Yoruba originaires du Niger et du Nigeria. Mais l’on note de plus en plus des autochtones qui pratiquent ce métier. On trouve dans les rangs des commerçants de bétail des Haoussa, Zerma, et des peulh. Ils sont les plus nombreux sur les marchés. Au niveau du commerce, on distingue plusieurs niveaux allant du petit revendeur de bétail aux gros importateurs qui fonctionne sur l’international. D’autres acteurs existent dans la filière notamment les démarcheurs de camions, les chargeurs de bestiaux dans les camions et les contrôleurs ainsi que les nouveaux acteurs des marchés à bétail autogérés que sont les témoins, collecteurs/secrétaires, et membres des comités de gestion des marchés. Devenus des témoins dans le nouveau mode de gestion, les anciens intermédiaires facilitent les transactions directes de bétail et apportent leurs témoignages en cas de perte d’animaux vendus sur le marché. Le secrétaire du comité de gestion du marché assure la direction de l’animation du marché. C’est lui qui assure la tenue des outils de gestion du marché. Il a donc à charge la coordination de tous les agents employés dans l’animation du marché : collecteurs, témoins, chargeurs, gardiens des vélos gardiens de nuit. Il rend compte de ces activités au comité de gestion du marché. Le secrétaire Permanent du marché existe seulement à Gogounou qui a le marché autogéré le plus évolué. A Gogounou, son travail consiste à gérer quotidiennement le marché. Il dispose dans son bureau au marché, d’ordinateur+imprimante, des tables de travail et d’armoires de rangements des documents administratifs et financiers.

2. Les acteurs d’appui technique

Il s’agit notamment du comité de gestion du marché et des autres acteurs d’accompagnement :

• Les acteurs d’accompagnement : Il s’agit d’une part des agents du CARDER ; notamment les spécialistes en organisation paysanne, des actuel techniciens spécialisés en éducation et information (TSEI), des techniciens en santé animale (TSA), des vétérinaires privés, de la Mairie et l’UDOPER et ses démembrements.

• L’animateur des marchés à bétail autogérés : Il est recruté par les responsables du marché avec l’aide des acteurs d’accompagnement (projets ou programmes de développement) et mis à la disposition des comités de gestion de marché pour le suivi rapproché de la gestion. Il est généralement un fils d’éleveurs, ayant des capacités dans les techniques d’animation, de programmation, et d’assistance des responsables dans la tenue des finances des marchés. Sa rémunération provient souvent d’un cofinancement apporté par les revenus des marchés et les PTF.

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D. Les différentes phases de l’opération

1. La sensibilisation et la mobilisation de tous les acteurs

La nécessité d’une bonne préparation, la sensibilisation et la mobilisation de tous les acteurs concernés par le marché à savoir : les éleveurs, les commerçants de bétail, les bouchers, les intermédiaires, la Mairie, les services agricoles de l’état (le CARDER), le Comité de gestion du marché (s’il en existe), les femmes du marché, etc. Cette étape peut prendre du temps car il s’agit d’un changement d’approche de gestion qui bouleversera les anciennes habitudes et comportements. Les intérêts de certains acteurs seront revus à la baisse. Des résistances pourraient être observées. Il est souhaitable que tous les acteurs soient d’abord convaincus avant le démarrage des activités, pour éviter les dérapages.

2. Le diagnostic participatif des problèmes

Pour réussir cette étape d’identification et d’analyse des problèmes du marché, il faut d’abord rechercher le concours d’une personne ressource (modérateur) qui a de l’expertise dans l’animation de ces genres de débats et la gestion des conflits d’intérêts. Toutes les parties prenantes devront prendre part à ce forum de discussions. Les problèmes majeurs généralement soulevés par les éleveurs sont souvent ceux de la transparence dans les transactions, les complicités entre les intermédiaires et les commerçants en leur défaveur. D’autres problèmes tels que ceux des vols d’animaux, de santé animale, du foncier pastoral, des conflits entre agriculteurs et éleveurs, et d’alphabétisation seront aussi soulevés.

3. L’élaboration d’un plan d’action, la fixation du cadre juridique et la détermination des besoins en formation

C’est l’étape du plan d’action qui permet aux acteurs de fixer quelques actions clés (cadre juridique, formations, etc.) pour régler les problèmes mis en relief dans l’étape précédente et d’atteindre les objectifs assignés.

4. La mise en œuvre et le suivi du plan d’action

C’est l’étape de l’exécution des actions prévues dans le plan d’actions : adoption de statuts et règlement Intérieur, mise en place des organes (Comité de gestion), formations des membres, visites échanges, recrutement d’animateur de base, montage de réseau, et vulgarisation de la stratégie MBA, etc. un suivi périodique est aussi nécessaire pour constater le degré et le rythme de réalisation des activités du plan d’action.

5. Le bilan et la programmation des activités

L’Assemblée générale de fin d’année est le cadre privilégié pour les acteurs du marché à bétail de faire le bilan des actions mises en œuvre au cours de l’année. Elle permet d’apprécier le fonctionnement et la gestion du marché et de programmer les actions de l’année suivante.

E. Le fonctionnement d’un marché à bétail autogéré 1. La place du marché à Bétail Gogounou

La place du marché de Gogounou est une parcelle couvrant une superficie de 2 ha, attribuée à l’ALGMB le 18 mars 1998 par un arrêté sous-préfectoral. Elle est entièrement sécurisée. Elle abrite plusieurs infrastructures socio marchandes à savoir : clôture, bureau, salle de réunion, magasins, pharmacie vétérinaire, chambres de passage, puits, quai d’embarquement et de débarquement, paillote, magasins, hangars, mosquée, salle de toilette (WC) etc.

2. L’animation et le recouvrement des taxes

C’est le Comité de Gestion du marché qui se charge de l’animation et de la gestion quotidienne du marché à bétail. Il le fait à travers son secrétaire qui détient tous les outils financiers et comptables du marché (carnets de reçus, bon de caisse, cahiers de recettes, cahier de banque (CLCAM), autres fiches etc. Le travail du Secrétaire est hebdomadaire, conformément au rythme d’animation du marché. Chaque semaine, il gère l’animation du marché en collaboration avec les agents à savoir : les collecteurs (Tickettiers, Témoins) des taxes, les chargeurs etc. Dans le marché de

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Gogounou, le secrétaire a une assistante ou aide qui centralise et enregistre les données financières du marché. Les activités du secrétaire et de son assistante sont devenues permanentes ou quotidiennes à Gogounou (et non hebdomadaire comme c’est le cas dans les petits marché).

Le MAB de Gogounou L’auberge du MAB

Le QUAI au MAB Le puits à grand diamètre au MAB

3. Le rôle du secrétaire permanent (SP) du marché à bétail

Les bestiaux sont généralement mis sur le marché à partir de la veille du jour d’animation du marché et au petit matin du même jour. Ainsi donc, pendant les jours d’animation du marché à bétail (les vendredis pour Gogounou), sous l’égide du Secrétaire Permanent du marché à bétail de Gogounou :

• Les collecteurs de taxes (les tickettiers, les témoins), les chargeurs, les « gardes vélos », se mettent en place au plus tard à 08 heures ; un cahier de présence constate leurs heures d’arrivée (chaque retardataire paie 200F CFA). Ils sont habillés en uniforme pour permettre aux usagers du marché de les distinguer et de leurs demander des services au besoin ;

• Les vendeurs et les acheteurs se rencontrent pour discuter sur le prix de l’animal devant les témoins ;

• Après la fixation du prix (entente entre l’acheteur et le vendeur), les témoins font appel à un collecteur pour délivrer le ticket de collecte des taxes : un à l’acheteur et un autre au vendeur ;

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• L’animal acheté est alors conduit au quai d’embarquement pour être chargé dans un camion après paiement par l’acheteur d’un droit constaté par un ticket ;

• A la fin de la journée, les collecteurs font le point des taxes collectées à l’aide des souches des tickets et reçoivent de la part du secrétaire permanent du comité de gestion du marché un bon de caisse constatant l’entrée des fonds ;

• Le Secrétaire Permanent du marché, avec son assistante remplissent alors le journal de caisse qui constate aussi les autres types de recette (garde-vue, vente de médicaments vétérinaires, location de chambres de passage etc.) de même que les dépenses et le solde à la fin de chaque journée ;

• A la fin du mois, un état de suivi sur la performance des collecteurs de taxes (tickettiers et témoins) est fait et les meilleurs sont récompensés ;

• Des bilans mensuels et annuels des opérations sont établis.

Les petits ruminants

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III. LES FAITS MAJEURS

A. Les résultats et avantages des marchés à bétail autogérés au Bénin

1. L’amélioration des transactions a eu des retombées positives sur les revenus des éleveurs

La transparence instaurée dans les transactions rassure les éleveurs et favorise un gain de temps très important pour tous les usagers du marché. Cela est contraire à ce qui se passe dans certains marchés traditionnels où les bestiaux sont vendus parfois tard dans la soirée histoire de « casser les prix de ventes ». Les éleveurs témoignent de l’amélioration de prix de cession du bétail dans les marchés à bétail autogérés qui encourage la transparence dans les transactions.

EVOLUTION DES TAXES PRELEVEES SUR LE MARCHE A BETAIL DE GOGOUNOU

Année 2009 2010 2011 2012 2013

Gros ruminant (FCFA) 21 064 000 22 100 000 20 154 000 19 794 000 18 008 000 Petit ruminant (FCFA) 3 262 800 3 657 800 3 946 600 3 509 600 2 944 400

Total 24 326 800 25 757 800 24 100 600 23 303 600 20 952 400 Source : ALGMB, juillet 2014

EVOLUTION DES TRANSACTIONS EFFECTUEES SUR LES GROS ET PETITS RUMINANT S (FCFA)

Source : ALGMB, Août 2014.

2. La création d’emplois et la revalorisation du métier d’intermédiaire

Les marchés à bétail autogérés ont permis de créer plusieurs emplois pour la jeunesse. Aujourd’hui, le marché de Gogounou compte par exemple 43 employés.

3. L’amélioration de la sécurité dans le marché

Le système de transaction gérée par le couple de collecteurs, tickettier-témoin et les reçus conçus à cet effet, permettent de détecter facilement les voleurs de bétail, qui sont livrés aux forces de l’ordre. De même la clôture de marché et le système de gardiennage utilisé rassurent les usagers du marché. Cette capacité du marché à offrir aux usagers la sécurité des animaux constitue une des principales raisons qui les amènent à fréquenter le marché autogéré.

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4. La création d’un réseau de marchés autogérés au Bénin

L’exemple du MBA de Gogounou a été suivi par d’autres marchés à bétail. Un réseau de marchés à bétail autogérés a été mis en place sous le leadership du MBA de Gogounou. Il s’agit du « Réseau MarefujiLumonSago » (RLMS) qui comptent aujourd’hui plus d’une dizaine de marchés autogérés. Les marchés membres du réseau ont l’appui du marché de Gogounou et des Partenaires Technique et Financiers qui leur apportent des appuis techniques et un suivi périodique de leurs activités.

5. L’offre de services aux commerçants burkinabè en transit vers le Nigeria

Le marché à bétail autogéré de Gogounou, du fait de son organisation et de son expérience, offre des services d’accueil aux commerçants de bétail burkinabé qui convoient leurs marchandises vers le Nigeria. Ce trafic de bétail se déroule surtout pendant la saison sèche de septembre à mars. Cette collaboration des commerçants de bétail burkinabé avec le marché de Gogounou leur a permis de limiter les tracasseries policières. Elle leur offre des facilités de transit de leur bétail sur le territoire du Bénin (réduction des faux frais de plus de la moitié). Ils sont aussi hébergés gratuitement dans les locaux du marché de Gogounou. Ils paient seulement les prestations de chargement des bestiaux dans les camions et les frais d’utilisation du quai d’embarquement. Dans ce cadre le marché enregistre plus de 10 000 têtes de bétail du Burkina-Faso en transit vers le Nigeria. Cela constitue une opportunité à l’observation des mouvements des bestiaux commercialisés en transit entre le Burkina-Faso, le Bénin et le Nigeria.

6. Une impulsion à la structuration des éleveurs à travers des UDOPER

Le marché à bétail autogéré de Gogounou a impulsé la structuration professionnelle des éleveurs de ruminants au nord du pays (UDOPER). Il a contribué au financement des premières tournées de sensibilisation et de mobilisation des éleveurs par les leaders peulh éleveurs de la région.

7. L’amélioration de la santé animale

Le développement des marchés à bétail autogérés couplé avec la structuration du monde des éleveurs au nord du Bénin a permis l’amélioration de la santé animale à travers la formation des fils d’éleveurs aux notions techniques sur les soins vétérinaires de base, la création d’une pharmacie vétérinaire de base sur le marché qui permet aux éleveurs d’acheter des produits vétérinaires de première nécessité et de qualité. Les MBA offrent aussi un cadre rassurant et crédible de vente des tourteaux de coton par les huileries implantées au sud du pays.

8. L’intégration des femmes

Le comité de gestion de l’ALGMB de Gogounou a démontré sa volonté pour la promotion des femmes et la prise en compte de la spécificité de la gent féminin dans sa stratégie. Il a organisé les femmes adhérentes du marché autour de la vente de nourriture et leur offre des conditions d’accès aux hangars du marché et les appuis dans l’alphabétisation.

Les femmes au niveau du MAB

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9. L’amélioration des relations avec l’administration locale

En vertu des nouvelles lois sur la décentralisation, une charte tripartite a été signée entre la mairie, l’UCOPER et MBA de Gogounou, qui détermine les droits et devoirs de chaque partie. Dans le cadre de ce partenariat, la gestion du MBA a été confiée à ALGMB qui assure la collecte des taxes et verse à la mairie la part qui lui revient, soit 500 FCFA par tête de bœuf vendu. Ce montant sera revu à la hausse pour passer à 1.000 FCFA, tel que conclu entre les trois parties. En outre, des négociations sont en cours pour qu’il soit prélevé au profit de la mairie une somme de 2.000F.CFA par camion chargeant les animaux. L’ALGMB participe aussi matériellement et financièrement à la réalisation des infrastructures sociocommunautaires (créations constructions et équipements d’écoles primaires dans les campements ou villages d’éleveurs), aux œuvres sociales, aux manifestations officielles et aux financements des activités sportives de la jeunesse. Dans ce domaine, le comité de gestion du marché a entrepris des démarches de délimitation des couloirs de passage pour les animaux et la préservation du foncier des lieux de vaccination des animaux. Ceci évite les conflits liés aux divagations des animaux. Tous les marchés du réseau ont pu avoir des conventions légales de cession ou de vente du terrain qui fait office de la place du marché.

1. Un comité de gestion constitué de quatre membres et techniciens a été mis en place dans les BIA composé d’un gestionnaire de la boutique, de deux élus du CA -UCP et d’un producteur non élu.

2. Cette structuration encadrée par un manuel de gestion a permis à chaque acteur de connaître son rôle et sa responsabilité dans la BIA.

3. Des outils de gestion ont été mis en place et utilisés pour assurer la transparence dans la gestion des BIA.

4. Les intrants ont été mis en place à temps, avant le début de la campagne agricole. 5. Le système de vente groupée de surplus de récolte par les membres des OP a été renforcé

à travers la définition d’une stratégie dont les étapes étaient détaillées dans un manuel de procédures.

B. La leçon tirée de l’expérience : une stratégie q ui requiert la participation de tous les acteurs

La stratégie MBA se révèle comme un outil de développement des marchés à bétail autogérés et de la promotion de la filière bétail et viande dans un contexte de décentralisation et de développement local. Elle se structure autour des grands principes de l’approche participative et permet aux

• acteurs de base concernés de créer une organisation représentative autour du marché à bétail, de planifier, exécuter et évaluer un programme d’action autour de ces marchés ;

• organismes d’appui d’orienter leurs termes de références relatifs aux appuis à donner aux acteurs locaux. Ces derniers expriment de plus en plus clairement leurs besoins et leurs critiques (ou satisfactions) par rapport aux services d’appui ;

• autorités décentralisées de prendre en compte les aspirations des éleveurs et autres acteurs (quant à la commercialisation du bétail) dans les plans de développement et d’étoffer leur budget sur la base des taxes à collecter dans les marchés à bétail.

Ses principes s’opposent à l’exclusion. Au contraire, c’est une approche qui encourage la participation de tous dans le respect de la diversité des acteurs, la conciliation des différents intérêts, et la responsabilisation des acteurs. Il est important de vérifier et de valider l’adhésion de toutes les parties prenantes aux idéaux pour éviter les difficultés de reconversions effectives ou réelles des intermédiaires (Dilani).

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IV. LES ENSEIGNEMENTS

A. Les facteurs de réussite Quatre (4) éléments fondamentaux peuvent être retenus :

1. L’engagement des organisations et de leurs leaders ; 2. La persévérance dans le processus ; 3. La démarche inclusive ; 4. L’accompagnement des partenaires.

B. Les limites et insuffisances Les difficultés rencontrées sont de plusieurs ordres. Elles concernent :

1. les difficultés du maintien et de l’animation du réseau des marchés à bétail ; 2. le faible accompagnement et suivi des activités des comités de gestion ; 3. l’insuffisance de la capacité d’hébergement des commerçants de bétail ; 4. Insuffisance des infrastructures adéquates au niveau de tous les marchés à bétail

autogérés. 5. l’autonomie limitée en alimentation en eau potable.

C. Quels obstacles à lever pour la mise à l’échelle des BEA Les acteurs du système des BEA se focalisent sur deux (2) principaux obstacles :

1. La recherche de financement pour la construction des infrastructures adéquates au niveau des marchés à bétail autogérés.

2. La révision de la charte de partenariat pour une meilleure implication des différents acteurs et utilisateurs des services du MAB.

D. Les conditions de duplication de l'expérience Même si le marché autogéré de Gogounou a fait tache d’huile au Bénin, il est cependant nécessaire pour pouvoir reproduire cette expérience d’avoir une volonté et la participation active des membres et le respect des décisions communes. Le développement d’un marché à bétail autogéré passe nécessairement par :

• l’adhésion de la mairie à concéder la gestion du marché au comité de gestion ; • l’élaboration et la mise en place d’un plan de renforcement des capacités de gestion et de

contrôle des différents organes du marché. Cela permet de mettre en place les outils de gestion et de contrôle, et de clarifier les rôles au profit des différents acteurs et d’organiser les formations nécessaires pour ces derniers ;

• un suivi ou un accompagnement de base de proximité par un animateur local est indispensable. Il assure un travail de suivi des responsables dans la mise en œuvre, les remplissages réguliers des fiches ou outils de gestion. Il contrôle le degré de la gestion de la transparence des transactions ;

• la mobilisation des fonds propres du marché et des appuis financiers extérieurs pour la mise en place d’infrastructures ou d’équipements du marché ;

• l’établissement d’une bonne communication interne et externe à travers d’une part de la tenue régulière des réunions statutaires et des réunions extraordinaires, et la création et la gestion des relations extérieures.

Dans les autres marchés du réseau, un travail d’accompagnement et d’encadrement à faire au niveau des comités de gestion et des au niveau des élus locaux. Il est nécessaire de dynamiser la synergie traditionnelle entre l’organisation des éleveurs (GPER/UCOPER/UDOPER/ANOPER) et les marchés à bétail autogérés dans l’objectif d’inscrire dans le cahier de charge des animateurs des actions d’accompagnement des acteurs des marchés à bétail, cumulativement à leurs fonctions traditionnelles