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www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 3 )( 3 )LA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE www.memoria.dz

Lettre de l'Editeur

Pour une vive mémoire

AMMAR [email protected]

es nations se hissent par le savoir et se maintiennent par la mémoire. C’est cet ensemble d’évé-nements qui se créent successivement aujourd’hui pour qu’un jour on ait à le nommer : Histoire. Sans cette mémoire, imbue de pédagogie et de ressourcement, l’espèce humaine serait tel un atome libre dans le tourbillon temporel et cosmique.

L’homme a eu de tout temps ce pertinent besoin de vouloir s’amarrer à des référentiels et de se coller sans équivoque à son histoire. Se confondre à un passé, à une ancestralité. Cette pertinence va se confiner dans une résistance dépassionnée et continue contre l’amnésie et les

affres de l’oubli. Se contenir dans un souvenir, c’est renaître un peu. L’intérioriser, c’est le revivre ; d’où cette ardeur permanente de redécouvrir, des instants durant, ses gloires et ses notoriétés.

En tant que mouvement dynamique qui ne s’arrête pas à un fait, l’Histoire se perpétue bien au-delà. Elle est éga-lement un espace pour s’affirmer et un fondement essentiel dans les domaines de prééminence et de luttes. Trans-mettant le plus souvent une charge identitaire, elle est aussi et souvent la proie pitoyable à une éventualité faussaire ou à un oubli prédateur. Seule la mémoire collective, comme un fait vital et impératif, peut soutenir la vivacité des lueurs d’antan et se projeter dans un avenir stimulant et inspirateur. Elle doit assurer chez nous le maintien et la perpétuation des liens avec les valeurs nationales et le legs éternel de la glorieuse révolution de Novembre.

Il est grand temps, cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance nationale, de percevoir les fruits de l’interaction et de la complémentarité entre les générations. Dans ce contexte particulier et délicat, les moudjahi-date et moudjahidine se doivent davantage de réaffirmer leur mobilisation et leur engagement dans le soutien du processus national tendant à éterniser et à sacraliser l’esprit chevaleresque de Novembre. Ceci n’est qu’un noble devoir envers les générations montantes, qui, en toute légitimité, se doivent aussi de le réclamer. A chaque dispari-tion d’un acteur, l’on assiste à un effacement d’un pan de notre histoire. A chaque enterrement, l’on y ensevelit avec une source testimoniale. Le salut de la postérité passe donc par la nécessité impérieuse d’immortaliser le témoi-gnage, le récit et le vécu. Une telle déposition de conscience serait, outre une initiative volontaire de conviction, un hommage à la mémoire de ceux et de celles qui ont eu à acter le fait ou l’événement. Le témoignage devrait être mobilisé par une approche productive d’enseignement et de fierté. Raviver la mémoire, la conserver n’est qu’une détermination citoyenne et nationaliste. Toute structure dépouillée d’histoire est une structure sans soubassement et toute Nation dépourvue de conscience historique est une nation dépourvue de potentiel de créativité et d’inté-gration dans le processus de développement.

C’est dans cette optique de rendre accessibles l’information historique, son extraction et sa mise en valeur que l'idée de la création de cette nouvelle tribune au titre si approprié : Memoria, a germé. Instrument supplémentaire dédié au renforcement des capacités de collecte et d’études historiques, je l’exhorte, en termes de mémoire objec-tive, à plus de recherche, d’authenticité et de constance.

[email protected]

Rédaction

Adel FAthi

Boualem touArigt

Dr Boudjemaâ hAiChour

hassina AMrouNi

Mohamed LAMiNe

Zoubir KheLAiFiA

Direction Artistique

halim BOUZID

Salim KASMI

Contacts :

SARL COMESTA MEDIA

N° 181 Bois des Cars 3

Dely-ibrahim - Alger - Algérie

Tél. : 00 213 (0) 661 929 726

+ 213 (21) 360 915

Fax : + 213 (21) 360 899

E-mail : [email protected]

[email protected]

Fondateur Président du Groupe

AMMAR KHELIFA

Direction de la rédaction

Zoubir KheLAiFiA

Coordinatrices

Meriem Khelifa

Chahrazed Khelifa

Reporter - Photographe

abdessamed Khelifa

Sanae Nouioua

www.memoria.dz

P.23

P.27

P.31

P.35

P.39

P.43

Histoirekrim belkacemle Parcours inacHevé d’un Homme d’etat

Histoirekrim belkacem et le grouPe des « six »

Histoireun maquisard à la tête de la diPlomatie

Histoirela fin tragique d’un Héros de la révolution

Histoireface aux traquenards

HistoireWilaya 7 Historiquela révolution dans l’antre du colonisateur

N°39 - Septembre - 2015Supplément

GUERRE DE LIbÉRAtIOn

la constitution du gPra

P.07

Youcef benkhedda

mohamed lebjaoui

P.46

krim belkacem

P.21

ferhat abbas

P.10

P.41

P.45

P.07

P.13

Histoirela constitution du GPra la renaissance de l’etat

Histoire57e anniVersaire du GPra« le gPra ou la marcHe vers la restauration de l’etat » ...

LE GpRA

Histoirele bras civil armé du fln en france

HistoirePorteurs de valises et d’esPoir

Histoireomar boudaoudle resPonsable Historique de la fédération de france

P.47

P.59

P.63

Histoirele chahid hafsi mabrouk dit chambale footballeur révolutionnaire

Histoirel’émigration ou le nerf de la guerre révolutionnaire

P.69

P.51

SOM

MA

IRE

ferHat abbas

P.07

youcef benkHedda

P.10

krim belkacem

P.21

omar boudaoud

P.63

Wilaya 7 Historique

francis jeanson

P.60

bou saâda, ou la cité du bonHeurP.75

HIStOIRE D'UnE VILLE

Supplément du magazine ELDJAZAIR.COM

Consacré à l’histoire de l'algérie

Edité par :

LE GROUPE DE PRESSE ET DE COMMUnICATIOn

Dépôt légal : 235-2008iSSN : 1112-8860

hafsi mabrouk

P.69

bou saâda

P.43

La constitution du GPRa La renaissance de l’Etat algérien

La constitution du GPRa La renaissance de l’Etat algérien

Par Boualem TOUARIGT

( 8 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Le 19 septembre 1958 est une date importante dans l’histoire du mouvement national algérien. Depuis l’apparition des pre-mières formes de luttes politiques, dès le début du XXème siècle, les militants du mouvement national n’ont cessé d’af-firmer le refus de l’assimilation, exprimant la personnalité al-gérienne, celle d’un peuple qui a sa propre histoire et ses spé-cificités. Pour eux, l’Algérie n’était pas la France, elle était un pays qui avait son histoire propre, sa langue, ses traditions. Ils se retrouvaient lorsqu’ils affirmaient avec fierté que l’Algérie était une nation, que l’Etat algérien avait existé et avait même traité d’égal à égal avec des puissances qui l’avaient reconnu.

Les Historiens nationalistes avaient mis en avant l’existence d’un Etat algérien avant et pendant la période ottomane en rele-vant les accords que cet Etat avait passés avec de grandes puis-sances (dont la France qui avait été son alliée dans la guerre contre l’Empire de Charles Quint) telles que l’Angleterre, la Hollande les Etats-Unis, alors récemment indépendants.

L’affirmation d’une identité nationale

Le 19 septembre 1958, était annoncée la constitution du pre-mier Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA). Pour le mouvement national c’était une réponse à une ancienne reven-dication : l’affirmation de l’existence d’un Etat algérien, appartenant à son peuple, un Etat distinct de la France. Cette Nation algérienne, tirant sa légitimité d’une longue histoire, s’appuyant sur une idée na-tionale forgée par des décennies de refus de l’assimilation à la France,

Le GPRA au Caire

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 9 )

HistoireGuerre de libération

et d’affirmation d’une identité spé-cifique dans la pratique culturelle, sociale, associative et politique, émerge de la lutte armée pour l’indépendance qui accélère et radi-calise le sentiment d’appartenance des Algériens à une communauté de passé et de destin.

La constitution du GPRA n’annonce pas seulement une réor-ganisation de la direction de la guerre de libération nationale. Le FLN se place sur un autre terrain. C’est comme s’il affirmait : « nous sommes l’Algérie, la vraie, la seule, l’authentique, la légitime. L’Algé-rie n’est pas ce que le colonialisme veut montrer : une population sans culture et sans passé, forgée par la France qui lui a apporté la civilisa-tion et à laquelle elle est soumise ». La constitution du GPRA répond également à cette soif de recon-naissance de la population algé-rienne qui montre au Monde entier qu’elle existe, qu’elle n’est pas la France. Les militants du mouve-ment de libération nationale, bien avant le déclenchement du 1er no-vembre 1954, avaient rejeté l’Etat colonial et le refus de soumission à l’administration coloniale s’était accompagné d’une volonté de faire apparaître les formes d’un Etat nouveau, celui des Algériens. Des témoignages récents d’anciens militants montrent la volonté de ceux-ci de faire apparaître les pre-mières formes d’un Etat algérien avec son administration et son ar-mée et ce, lors des premières cam-pagnes dites « de pénétration poli-tique » bien avant le déclenchement de la guerre de libération natio-

Les membres du GPRA

Réunion du GPRA au Caire en 1958

Délégation du GPRA avec le président yougoslave Jozip Broz Tito

( 10 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

nale. Ceux qui avaient pris les armes très tôt et que l’histoire française officielle a considérés comme des « bandits d’honneur » pour retirer tout sens politique à leur démarche ont affirmé dans leurs témoignages qu’ils obéissaient à des ordres de dirigeants connus du mouvement national avant le 1er novembre 1954 et que leur objectif principal était de contrer l’administration française en particulier les agents algériens de celle-ci qu’ils avaient contraints à se mettre au service du « nidham » cette organisation nouvelle de la vie admi-nistrative qui avait été constituée dans l’opposition aux services de la colonisation. La pénétration poli-tique des populations algériennes avec la diffusion des idées d’indé-pendance s’accompagnait d’une pré-

sence administrative pour affirmer l’existence d’un nouvel Etat, celui des Algériens, par opposition à celui imposé par le colonialisme.

Peu de temps après la tenue du congrès de la Soummam, Lakhdar Bentobbal, alors adjoint de Zighoud Youcef à la tête de la wilaya 2 écri-vait dans El Moudjahid : « Le FLN contrôle seul la situation. Il a sa disposition une armée, une administration avec diffé-rentes branches : commissions judiciaires, police, gardes forestiers, etc… Le peuple paye son impôt régulièrement au FLN ». La construction d’une administra-tion nouvelle en remplacement de celle imposée par le système colo-nial était dans la stratégie du FLN. Dans le même numéro, Larbi Ben M’hidi alors membre du CCE parlait de la mission des « moussebiline »,

ces militants qui avaient en charge la logistique et les liaisons des combat-tants armés. Il décrit la mission du commissaire politique qui accom-pagnait les combattants de l’ALN durant leurs déplacements : « De son côté le commissaire politique, entreprend ses contacts, réunit les membres du comité local du FLN et, le cas échéant, donne le dernier coup de crayon à la conférence qu’il prononcera le soir. Les cas financiers, ceux de justice, et les problèmes sociaux et cultu-rels en suspens reçoivent une solution. Sou-vent les cadres de l’unité stationnée dans le douar et leur officier vont rendre visite aux élèves de la médersa, aux familles de com-battants et parfois faire une tournée dans tel jardin ou champ pour discuter, avec nos fellahs, des problèmes d’irrigation, de culture. » C’est Larbi Ben M’hidi qui parlait avec ferveur : « de la grande

Benkhedda au Vietnam chez Ho Chi Minh

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 11 )

HistoireGuerre de libération

Révolution politique, économique, sociale, culturelle qui prépare l’Algérie démocra-tique de demain où tous ses enfants sans distinction – si ce n’est le mérite et le dé-vouement- vivront libres, unis et heureux ».

Le nouvel Etat algérien émerge de la lutte de libération nationale

La plate-forme adoptée par le congrès de la Soummam précisait l’organisation politico-militaire du FLN : « Les assemblées du peuple seront élues. Elles seront composées de cinq membres dont un président et s’occuperont de l’état-civil, des affaires judiciaires et islamiques, des affaires financières et économiques et de la police ». Un document du FLN d’août 1957 parlait de cette assemblée du peuple : « Elle demeure pleinement responsable sur le plan local et c’est à elle que revient la tâche de gérer les affaires de la collectivité. Toutes les initia-tives lui sont laissées dans ce domaine…Elle organise l’activité des moudjahidine, recense la communauté, lève l’impôt, veille à la sécurité et recueille les renseignements re-latifs aux mouvements de l’ennemi… Elle rend la justice, tranche les litiges d’ordre privé, et exerce toutes les fonctions qui in-combent à une municipalité : entretien des registres d’état-civil, création de magasins et de silos, construction d’établissements sco-laires, ouverture de chantiers, recherches de points d’eau, etc… » (El Moudjahid n° 9 du 20 août 1957). On le voit, le FLN a toujours eu comme préoccupation l’action politique envers la popula-tion pour la gagner à l’idée d’indé-pendance et de former les premiers noyaux d’un Etat algérien, pendant la lutte armée.

Bâtir un Etat nouveau, éma-nant des populations algériennes elles-¬mêmes, jusque-là spoliées et humiliées, était un objectif straté-gique du FLN. La plate-forme de la Soummam reprenait également l’affirmation d’une identité algé-rienne quand elle proclamait : « La date humiliante du 5 juillet 1830 sera effacée avec la disparition de l’odieux régime colonial » et plus loin, le document du FLN faisait un rappel historique : « Avant 1830, l’Al-gérie partie intégrante du monde musulman et du Maghreb arabe, formait un Etat : la Régence d’Alger. La France a supprimé cet Etat et a annexé son territoire. Pour justifier cette annexion, elle nie froidement l’évidence…Ce mensonge historique est gra-tuit. L’Etat algérien était l’équivalent des Etats tunisien et marocain. Sur le plan national, aussi bien qu’international, son

existence ne souffre d’aucun doute ». Cette affirmation avait été celle du FLN dès sa création et contenue dans la déclaration du 1er novembre 1954 qui réclamait « La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclara-tion officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l’Algérie une terre française en déni de l’histoire, de la géographie, de la langue, de la religion et des mœurs du peuple algérien ».

Le sentiment national algérien, son désir d’indépendance se sont nourris de cette croyance : l’Algérie a une histoire glorieuse, elle appar-tient au monde musulman et arabe. Le rejet de la domination coloniale n’était pas exclusivement centré sur les spoliations et le refus des droits sociaux pour les Algériens. La do-mination coloniale était plus rejetée en raison de sa négation de l’iden-

Le président tunisien Habib Bourguiba félicite le président du GPRA, Ferhat Abbas et la délégation algérienne qui a participé aux négociations d’Evian

( 12 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

tité algérienne, du fait qu’elle consi-dérait dans son discours officiel que les Algériens ne constituaient même pas un peuple, mais une sé-rie de populations éparpillées sans cohésion entre elles, et surtout elle ne leur reconnaissait aucune exis-tence en tant que population avec son identité, son histoire et ses tra-ditions. Toute l’action des militants du mouvement national a tendu très tôt à faire admettre aux Algériens qu’ils avaient une histoire propre, une identité, une culture et que la libération nationale signifiait le re-couvrement de leur dignité et une renaissance. Cette volonté d’affir-mer cette spécificité, cette identité s’est traduite notamment par l’éveil des couches populaires. L’apparition des associations exclusivement algé-riennes dans les différents domaines (culturel, social, éducatif, humani-taire et sportif) a commencé dès les premières années du XXème siècle. L’action des Oulémas réformistes a accentué cet élan à partir des années 1930. Le regroupement d’Algériens au sein d’associations et de cercles dans lesquels ils affirmaient leur identité et leur spécificité a grande-ment servi le renforcement du sen-timent national algérien. Il a connu son prolongement dans la lutte poli-tique au sein des différentes organi-sations du mouvement national que le FLN regroupera dans son combat politique et militaire pour l’indépen-dance.

19 septembre 1958 : l’Etat algérien renaît

Le 19 septembre 1958, ce n’est pas seulement une réorganisation de la direction du FLN. C’est la volonté, qui a toujours eu une place détermi-nante dans le mouvement national, d’affirmer l’existence d’une Algérie qui n’est pas celle de l’image donnée par les colonialistes. L’Algérie est une nation qui a son identité spécifique, qui a son histoire glorieuse qui a son appartenance au monde arabo mu-sulman. La constitution du GPRA a été ainsi une sorte de résurgence de l’Etat algérien, celui d’une nation qui a été occupée, spoliée, humiliée et qui est en train de renaître par une guerre de libération.Cela a été aussi compris comme un parachève-ment d’un Etat algérien en cours de construction dont les structures de base avaient été installées sur le ter-ritoire algérien. La composition du GPRA a aussi été un fort message d’unité nationale en regroupant des militants qui avaient eu des parcours différents au sein du mouvement national. Comme elle avait une si-gnification politique claire. En met-tant à leur tête un militant connu du mouvement national pour son esprit de dialogue et d’ouverture, Ferhat Abbas, les dirigeants du FLN mon-traient leur disponibilité à négocier une sortie honorable à la guerre à condition que soit reconnu le droit à l’indépendance du peuple algérien. Le premier président du gouverne-

ment algérien faisait partie de ces citoyens algériens issus des couches moyennes cultivées, « francisées » et qui avaient pendant des décennies accepté la lutte politique pour faire évoluer l’Algérie, à pas lents, vers plus d’égalité et de droits dans le cadre du respect des lois françaises qu’ils ne rejetaient pas. Son adhé-sion au FLN en 1956 a été une leçon pour tous ceux qu’on a considérés comme des « modérés », et rapide-ment beaucoup d’élus algériens pré-sents dans les différentes instances de l’administration coloniale se pro-nonçaient pour l’indépendance et suivaient les consignes du FLN en répondant à sa politique d’ouverture et de rassemblement. Ferhat Abbas a aussi été très proche des différentes tendances du mouvement national, en particulier des Oulémas réfor-mistes et des militants indépendan-tistes radicaux qu’il a regroupés au sein du mouvement AML. Le prési-dent du gouvernement algérien était un personnage respectable, connu pour son ouverture au dialogue et sa volonté de trouver un compromis honorable avec le gouvernement français. Il jouissait d’une écoute auprès de cercles politiques français et d’une crédibilité sur la scène inter-nationale.

Le GPRA a été le « premier gou-vernement algérien libre ». Celui d’une Algérie sous domination étrangère et dont il dirigeait la lutte légitime du peuple algérien pour le recouvre-ment de son indépendance.

Boualem Touarigt

« LE GPRA OU LA MARCHE VERS LA RESTAURATION DE L’ETAT »

« DE L’INSTANCE REVOLUTIONNAIRE A L’INSTANCE REPUBLICAINE »

« UNE REVOLUTION-UN PEUPLE- UN GOUVERNEMENT »

« LE GPRA OU LE CHEMIN DE LA SOUVERAINETE NATIONALE »

ANNIVERSAIRE DU GPRA

Dr Boudjemâa HAICHOUR. Chercheur universitaire,

ancien ministre

57 è57 è

( 14 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Alors que la Révolution continue dans sa quatrième année sa marche triom-phante vers les horizons d’une décolonisation, l’idée d’Aït Ahmed, d’annoncer au monde la naissance d’un Gouvernement provi-soire de la République al-gérienne se concrétise par la décision d’instances di-rectionnelles de la Révolu-tion, le 19 septembre 1958.

Dans sa déclaration pu-blique depuis Le Caire, Ferhat Abbas est désigné officiellement premier pré-sident du GPRA, en exé-cution des décisions prises par le CNRA lors de sa réunion tenue du 22 au 28 août 1958, au cours de laquelle le Comité de coordination et d’exécution (CCE) a été chargé d’annoncer la création d’un Gouvernement provi-soire afin de parachever la mise en place des institutions dans le cadre de la restauration d’un Etat algérien moderne.

En revenant à la genèse de la création du GPRA, après la réunion consacrant le deuxième CCE, les trois « B » détiennent la réali-té du pouvoir. Une sorte de configuration d’un gouvernement, le CCE est considéré comme un pré-GPRA. Les politiques du pre-mier CCE ne sont pas tous limogés.

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 15 )

HistoireGuerre de libération

La révolution se fraie le

chemin de la République

La nouveauté fut celle de l’arrivée au pouvoir du général de Gaulle dans un contexte marqué à l’Est par le conflit du COM, prélude à la formation du GPRA. Il faut dire que la situation née des deux conférences maghrébines, Tanger en avril et Tunis en juin, orienta le CCE à s’installer au Caire. Durant l’été 1958, le CCE instruisit Ferhat Abbas et Krim Belkacem de rencontrer en Suisse des émissaires français de l’entourage du général de Gaulle. Finalement, les maghrébins acceptèrent l’idée de la création du GPRA. Il semblerait que le CNRA n’ait pas été consulté, alors que le CCE se transforma en pré-GPRA en créant deux commissions. L’une, présidée par Krim Belkacem comprenant Benkhedda Benyoucef, Ahmed Francis, Abdelhamid Mehri et Mhamed Yazid avait pour mission de rédiger un exposé des motifs destiné aux ambassades et à l’ONU expliquant l’antériorité de l’Etat algérien avant même la conquête française. La partie juridique fut confiée à Mohamed Bedjaoui qui plaide de la légalité en droit constitutionnel de former un gouvernement. L’autre commission, présidée par Abdelhafid Boussouf et Abdellah Bentobbal, avait comme tâche de définir les contours d’un gouvernement, de proposer des candidats pour chaque ministère et de choisir un président. Les

trois « B » ne voulant pas que parmi eux soit réservé le poste de Président. Ils voulaient d’un Président malléable, sans attaches révolutionnaires en un mot une personnalité d’apparat. Le choix a été porté en la personne de Ferhat Abbas car sa candidature a aussi un écho favorable au niveau de l’opinion internationale de par son parcours d’homme politique modéré et maniant l’éloquence du discours.

La résonnance du GPRA dans le monde

Abdelhafid Boussouf fut en-voyé au Maroc tandis que Krim Belkacem et Mahmoud Chérif furent dépêchés en Tunisie. Leur mission était d’obtenir la recon-

naissance du GPRA. La procla-mation fut annoncée le 19 sep-tembre 1958 depuis Le Caire par Ferhat Abbas. Le premier GPRA conservait pratiquement les noms du second CCE. A lui seul, Krim devenait ministre des Forces ar-mées avec la référence de vice-pré-sident du Conseil au même titre que Ahmed Ben Bella, alors que Mohamed Boudiaf n’avait pas eu cet honneur, lui qui fut coordina-teur du FLN à sa création.

Les autres chefs historiques emprisonnés en France n’étaient que des « ministres d’Etat sans portefeuille», ce qui allait créer des mécontents. Abdellah Bentobal et Abdelhafid Boussouf étaient en charge, le premier de l’Intérieur et le second des Liaisons générales et des Communications (MLGC).

La délégation du GPRA en Tunisie

( 16 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Les « 3B » ont eu chacun un se-crétaire d’Etat parmi leurs fidèles tels Omar Oussedik pour Krim, Lamine Khene pour Bentobal et Mostefa Stambouli pour Bous-souf. Lamine Debbaghine aux Af-faires extérieures, Mahmoud Ché-rif succédait à Ouamrane pour le ministère de l’Armement et du Ravitaillement général (MARG). Le noyau central restait aux mains des « 3B ».

Pour Ferhat Abbas, on lui fit venir Ahmed Francis, ancien de l’UDMA, au ministère des Finances et des Affaires éco-nomiques. Abdelhamid Mehri sera chargé du ministère des Affaires Nord-africaines, alors que Benyoucef Benkhedda lui succéda aux Affaires sociales et M’hamed Yazid, représentant du FLN à l’ONU en tant qu’expert des affaires extérieures et connu dans les milieux américains, sera le ministre de l’Information. Ah-

med Tawfik El Madani était aux Affaires culturelles.

Le premier GPRA

ou la structuration du pouvoir d’Etat

Il faut dire que ce premier GPRA était un savant dosage entre les différentes factions du paysage politique dont les nou-veaux élus appartenaient aux dif-férentes sensibilités antérieures à la Révolution. Le FLN venait de structurer un pouvoir d’Etat en instaurant un fragile équilibre où le consensus devenait une logique de gouvernance pour absorber les éventuelles oppositions. « La fusion autour de la matrice du pouvoir d’Etat des élites, surtout celles légitimées ou générées par le combat entrepris en Novembre 1954, prépare en effet leur agréga-tion à la classe dominante natio-nale en gestation.» L’origine géo-

graphique des uns et des autres s’estompait au fur et à mesure, car ces ancrages devenaient incertains au regard des ambitions et des egos.

Il faut dire que l’Etat en deve-nir n’était plus celui de l’Etat tri-bal grâce à une incorporation et à une intégration consensuelles au pouvoir d’Etat où les équilibres politiques étaient jalousement préservés afin de ne pas connaître de cassure. Krim Belkacem aura connu de rudes problèmes dès sa prise en charge du ministère des Forces armées dans le premier GPRA. Il trouvera d’ailleurs les séquelles de la bleuïte, ou complot bleu initié par le colonel Godard et le capitaine Léger qui ont fait un ravage dans les rangs infiltrés de l’ALN et du FLN en provo-quant des accusations non fon-dées et des trahisons. En plus du complot « Lamouri » qui allait va-ciller le GPRA, la crise des fron-tières amplifia les conflits de per-sonnes durant toute l’année 1959 à la veille de la réunion des dix colonels.

Le siège du GPRA entre Tunis et Le Caire

Avec l’offensive Challe, l’ALN vivait de mauvais moments. Ferhat Abbas n’avait pas de réel pouvoir ou d’autorité pour coordonner un gouvernement miné par les luttes de clans et leurs clientélismes. A l’hiver 1959, une convocation du GPRA par Boussouf sous l’autori-té de Ferhat Abbas allait, depuis le 5e étage du Garden-City au Caire,

Le 19 septembre 1958 a été constitué et proclamé le premier Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), au Caire

Le 19 septembre 1958 a été constitué et proclamé le premier gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), au Caire

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 17 )

HistoireGuerre de libération

entériner l’hostilité déclarée des moukhabarat égyptiens et ceux de Boussouf donnant la décision de transférer les services du GPRA vers Tunis. Avec la défenestration d’Amira, Lamine Debbaghine démissionne du GPRA. Les dif-férentes sessions du CNRA se tiennent en territoire neutre, c’est-à-dire en Libye et les quatre réu-nions statutaires du CNRA vont se tenir de 1960 à 1962 à Tripoli.

Krim demanda de déposer Ferhat Abbas de la présidence du GPRA au motif de renforcer la lutte ; tentative avortée par les deux autres « B ». Selon un manus-crit cité par Mohammed Harbi dans ses archives et rapporté par Gilbert Meynier dans son livre Histoire intérieure du FLN, Krim proposait à ses pairs l’institution d’un gouvernement de 14 officiers présidé par lui-même, composition dosée par l’équilibre des forces en présence des dix colonels réunis durant l’été 1959.

La proposition échoua et ce fut Ferhat Abbas qui dénoua la situa-tion en convoquant une réunion du CNRA les 10 et 11 juillet 1959, faisant assister les colonels afin de diluer la puissance des « 3B » pour régler le conflit au sommet. Une véritable abdication du GPRA au profit des militaires qui régleront cette crise du pouvoir. Le CNRA majoritairement militaire dirigeait en fait et le FLN et le GPRA.

Le GPRA et l’arbitrage des 122 jours des colonels

C’était à la veille de la réunion dénommée « les cent jours des co-lonels » du 11 août au 16 décembre 1959 que sera entamé ce replâtrage entre les divers clans du pouvoir. Certains des colonels avaient une méfiance pour les ascensions ra-pides.

Le CNRA de Tripoli 1 du 16 décembre 1959 au 18 janvier 1960 dura trente-trois jours et fut le théâtre d’affrontements person-nels à travers les divergences qui surgissaient. Il désigna un bureau permanent et mandata le GPRA, à travers une feuille de route pré-cisant les nouvelles missions de ce dernier.

Le deuxième GPRA va gou-verner de janvier 1960 à août 1961 avec l’étoile vacillante de l’EMG. Boumediene tirera grand profit.

En fait le CNRA 1 marqua la fin de la dominance des « 3B », malgré la création du Comité interminis-tériel de Guerre (CIG) dirigé col-légialement par le triumvirat, mais doublé opérationnellement par l’Etat-major général (EMG) qui, en théorie, relevait du CIG. Les trois « B » avaient fait l’objet de critiques des membres de l’EMG dont l’institution devenait le véri-table pouvoir. Les départements ministériels du deuxième GPRA furent installés pour ménager les frères d’Egypte, de Tunisie et du Maroc dans les capitales de ces pays : le ministère des Affaires extérieures et des Finances au Caire, la présidence du Conseil, les Affaires sociales et culturelles, l’information et l’intérieur à Tu-nis, le MALG fut installé à la fois en Tunisie, au Maroc et en Libye (Base Didouche-Mourad à Tri-poli). L’expression rapportée dans le livre de Gilbert Meynier carac-

Bourguiba, Ferhat Abbas et N’krumah président du Ghana, à Tunis en 1963

( 18 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

térise le deuxième GPRA de « conglomérat consensuel de chefs, de clans et de clients ». Liberté a été laissée à chaque ministre de choisir le personnel de son dépar-tement.

Le deuxième GPRA à l’épreuve du temps

Le deuxième GPRA verra le Président Ferhat Abbas reconduit, mais dépourvu de tout pouvoir. Il en va de même pour Krim Belka-cem qui garde la vice-présidence, mais sera déchargé du départe-ment des Forces armées pour de-venir ministre des Affaires étran-gères. Ahmed Ben Bella garde la vice-présidence et se voit attribuer le poste de ministre d’Etat comme les autres compagnons en prison, à savoir Hocine Aït Ahmed, Moha-med Boudiaf, Rabah Bitat en plus de Saïd Mohammedi. Abdelha-mid Mehri, ministre des Affaires

sociales, Lakhdar Bentobal à l’In-térieur, Abdelhafid Boussouf aux Liaisons générales et Communi-cation, Ahmed Francis aux Af-faires économiques et Finances, M’hamed Yazid à l’Information.

Le deuxième GPRA du 18 août 1960 au 9 août 1961 a vu Bentobal prendre en mains la population à l’intérieur, les refugiés et l’émi-gration en Europe. Il était le plus informé surtout lors des tournées et des conférences qu’il animait dans les pays du Maghreb pour expliquer la crise et comment pré-parer l’avenir. En filigrane, il met-tait en garde contre «d’éventuels prétendants au pouvoir ».

Les ministères techniques ont bien préparé les dossiers pour mettre déjà les prémices de l’Etat postindépendance avec l’élabora-tion du budget et sa répartition aux secteurs prioritaires tels la santé et les œuvres sociales qui touchent la population démunie

et vivant dans un dénuement to-tal. Au plan diplomatique, Krim Belkacem s’est entouré d’un brain-trust qui a développé des relations internationales où de nombreuses missions furent préparées dans les pays asiatiques, les républiques populaires de l’Europe de l’Est. L’URSS ainsi que les pays occi-dentaux font partie de l’agenda de visites. C’est l’Irak qui reconnaît le premier le GPRA et qui vote un budget spécial pour la révolution.

L’appel lancé par Ferhat Abbas dès le 22 août 1961 aux Nations unies pour l’organisation d’un référendum en Algérie est le fruit du travail entamé par Krim sur-tout avec l’admission de l’Algérie à la Conférence des non-alignés de Belgrade en septembre 1961. Les manifestations de décembre viennent couronner le travail ac-compli par le deuxième GPRA à travers l’adhésion en masse du peuple au FLN. Ce qui prouve le soutien au GPRA, d’autant que Krim dirigeait une délégation et était accompagné de M’hamed Yazid, d’Ahmed Francis, de Bou-mendjel à l’ONU. Une résolution afro-asiatique fut adoptée le 19 décembre reconnaissant le droit de l’Algérie à l’indépendance.

Le deuxième GPRA et de Gaulle dans sa

stratégie énergétique

Ainsi dès sa prise de fonction, le GPRA définit toute négocia-tion avec les Français, en impo-sant la seule reconnaissance du FLN en tant qu’interlocuteur

Le 2e GPRA

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unique, c’est-à-dire que le MNA sera exclu de tous les entretiens. De Gaulle veut sortir la France de l’isolement et accepte, dès dé-cembre 1960, en faisant évoluer sa stratégie sur le devenir énergé-tique de son pays en s’agrippant au pétrole du Sahara.

Les multiples contacts com-mencent sérieusement avec les Français après Melun. C’est enfin sous la médiation et les bons of-fices d’officiels suisses que le re-présentant du FLN à Rome Tayeb Boulahrouf prépare le terrain des négociations d’Evian. Une délé-gation composée de Mohamed-Seddik Benyahia, de Tayeb Bou-lahrouf, d’Ali Mendjli et d’Ahmed Kaïd présidée par Krim Belkacem se rendra à Evian.

Le GPRA et la crainte de la partition de de Gaulle

Ferhat Abbas est critiqué par Dahlab et Benkhedda sur son laxisme de n’avoir pas défendu la question du Sahara. Et c’est Be-nyoucef Benkhedda qui convoque une réunion du CNRA pour arrê-ter une feuille de route qui per-mettra à la délégation de définir les voies et moyens ainsi que les objectifs des négociations. Déjà Boumediene savait qu’en laissant la responsabilité au GPRA de négocier il en tirera profit le mo-ment venu. La stratégie de l’EMG est de laisser faire le GPRA et de critiquer les négociations si des concessions avaient été faites à la partie française.

L’algerianité du Sahara

Une nouvelle session du CNRA devait être convoquée au printemps 1961 pour expliquer et voir comment l’EMG parle d’un bradage. Dès lors, le GPRA inter-rompt les négociations. Mais dès le 13 juin, les pourparlers seront interrompus unilatéralement par les Français du fait des désaccords nés du statut des Européens, des bases militaires à concéder à la France et du statut du Sahara considéré comme terre revenant aux Français.

A partir de ce blocage, le GPRA appelle à l’arbitrage du CNRA, Parlement de l’Algérie en guerre, par une pétition signée des membres notamment Moha-med-Seddik Benyahia et Omar Boudaoud contre la partition de l’Algérie et pour l’algérianité du Sahara.

Les négociations reprennent le 20 juillet à Lugrin, alors que l’EMG est démissionnaire collec-tivement. L’intérim est assuré par Abdelaziz Bouteflika et le capi-taine Zerguini. Les négociations s’interrompent le 28 du même mois, l’EMG ne voulant en aucun cas cautionner les négociations.

En fin de compte, la convoca-tion du CNRA était inévitable car la crise EMG/GPRA s’accentua. Mais il y avait aussi le différend EMG/CIG sur le contrôle des Wilaya historiques. C’est l’affaire du pilote français qui dénoua le différend EMG/GPRA grâce à la menace proférée par Bourguiba

sur les camps de l’ALN. Le pilote qui se trouvait prisonnier à l’EMG fut libéré et c’est Bentobal qui ira le récupérer du camp ALN de Mallègue.

Depuis, l’EMG se comporte comme une direction politique et non comme un groupe d’experts militaires. Alors que les « 3B » se sont rangés définitivement dans le GPRA. Les intrigues nées du CNRA de Tripoli 2 du 9 au 27 août 1961 entre EMG/GPRA/ et les 3B vont précipiter la chute de Ferhat Abbas et l’émergence de Benyoucef Benkhedda à la pré-sidence du troisième GPRA. Le choix porté sur la personne de Benkhedda venait de Bentobal suivi après de Saâd Dahlab.

L’EMG est le pré-carré du GPRA

Il faut dire que deux commis-

sions ont préparé les contours de ce qui va être le troisième GPRA. Les deux commissions, l’une pré-sidée par Bentobal et l’autre par Ali Mendjeli, opèrent un sondage dont les deux rapports rédigés sont aux antipodes et contradic-toires. En fait personne ne voulait d’un Président effectif au pouvoir réel. Les « 3B » se sont réunis en aparté pour avaliser les choix pro-posés. Ainsi, le CIG fut supprimé et l’armée relevait théoriquement de l’autorité du Gouvernement. Benyoucef Benkhedda cumulera, outre la présidence du GPRA, l’Economie et les Finances, déte-nues auparavant par Ahmed Fran-cis.

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Le troisième GPRA et

l’exercice du pouvoir virtuel

Nous entamons les nomina-tions des membres du gouverne-ment du troisième GPRA du 27 août 1961 à février 1962 qui conti-nuera les négociations algéro-françaises et la gestion de la crise GPRA/EMG. Le maître-mot du troisième GPRA est de faire ad-mettre le GPRA comme direction politico-militaire de la Révolu-tion. Est-ce qu’il réussira à apla-nir les difficultés inhérentes aux ambitions des uns et des autres ? Benkhedda revient sur la décision de la suppression de l’EMG après avoir été déserté par les troupes aux frontières.

Dans son livre Heureux les martyrs qui n’ont rien vu (pp. 112-113), Mohand Arab Bessaoud écrit : « Si Benkhedda avait pris la décision de dégrader Boumediene onze mois plus tôt, nul doute que l’Algérie n’aurait pas connu la fièvre actuelle… » Le troisième GPRA du 9 août 1961 au 22 juil-let 1962 présidé par Benyoucef

Benkhedda aura trois vice-prési-dent : Krim Belgacem, ministre de l’Intérieur, Ahmed Ben Bella, ministre d’Etat, Mohamed Bou-diaf, ministre d’Etat. Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider, Rabah Bitat, Saïd Mohammedi, Lakhdar Bentobal seront des ministres d’Etat, Saâd Dahlab, ministre des Affaires étrangères, Abdelhafid Boussouf, ministre des Liaisons générales et de la Communica-tion, M’hamed Yazid, ministre de l’information.

GPRA/EMG ou l’été de la discorde

Après la signature des accords d’Evian, la crise de l’été s’ouvre après la dernière réunion de Tri-poli dont les travaux restent ina-chevés. Le troisième GPRA n’a pas pu rassembler, au regard de l’EMG, considéré comme une force organisée et disciplinée sous les ordres de Houari Boumediene. C’est l’été de la discorde tel que décrit par Ali Haroun ; le 18 dé-cembre, Mohamed-Seddik Benya-hia finit par convaincre l’un des

cinq historiques Ahmed Ben Bella de rejoindre l’EMG.

Le pouvoir est enfin tranché. C’est le groupe d’Oujda qui détient les clés de l’Algérie indépendante. Le bureau politique de Tlemcen va concrétiser avec l’arrivée de Fe-rhat Abbas l’élection de l’Assem-blée constituante. Ainsi se forma le premier Gouvernement officiel de la République algérienne dé-mocratique et populaire sous la présidence d’Ahmed Ben Bella et comme vice-président, ministre de la Défense, Houari Boume-diene jusqu’au 19 juin 1965, date de la déposition du Président Ben Bella et la création du Conseil de la Révolution présidé par Houari Boumediene, ministre de la Dé-fense.

Dr Boudjemâa HAICHOUR Chercheur Universitaire- Ancien Ministre

Bibliographie :

1-André-Clément DECOUFLE : « Sociologie des Révo-lutions » P.U.F Paris 1983.

2- Gilbert Meynier : « Histoire intérieure du FLN » 1954/1962 Casbah Editions-Alger 2003.

3-Mohamed Harbi : « Le FLN- mirage et réalité-des ori-gines à la prise du pouvoir » Editions Jeune Afrique. Paris 1980.

4- Mokhtar Sakhri : « L’Algérie du Paradis perdu- Echec d’une Révolution». Boofzeim, ACM Editions 2001.

5- Mohamed Teguia : « L’Algérie en guerre » Alger OPU-1980.

6- Guerin Daniel : « Quand l’Algérie s’insurgeait 1954/1962», la pensée sauvage éditions Paris.

7-Xavier Yacono : « De Gaulle et le FLN 1958/1962» Versailles Edit Atlantrope, 1989.

8-Yves Courrière : « La guerre d’Algérie :les fils de la Toussaint-le temps des léopards- l(Heure des Colonels- les Feux du Désespoir-Fayard éditions.

9-Mabrouk Belhocine : « Le Courrier Alger-Le Caire-Alger» Casbah Alger 2000.

10-Benkhedda Benyoucef : « Les Accords d’Evian » Alger OPU 1986.

11- Long Olivier : « Le dossier des Accords d’Evian »Alger OPU 1989.

12- Bernard Tricot : « Les Sentiers de la paix » Algérie 1958/1962 Editions -Plon 1972.

13- Dr Salah Belhadj : « Les origines du pouvoir algérien-crises internes du FLN-1956/1965.

14- Ferhat Abbas : « Autopsie d’une guerre » Garnier 1980.

Ferhat Abbas présidant une réunion du GPRA

Par Adel Fathi

Krim BelkacemLE parcourS iNachEvé d’uN hommE d’Etat

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Son parcours mili-tant et révolution-naire parle pour lui. Les étals regorgent d’ouvrages ou de

témoignages évoquant ce hé-ros de la guerre de Libération nationale. Il y a même un long métrage consacré à sa vie ; mais son parcours est tellement vaste et intense qu’il sera diffi-cile de cerner le personnage et de connaître toutes les facettes d’une vie riche et tumultueuse.

Connu pour être l’un des premiers à avoir pris le maquis en Kabylie, et ce dès 1947, Krim Belkacem n’en redescendra que pour participer à la mise en place des instances politiques de la Révolution, après avoir installé les premiers maquis dans sa région, et même dans la future Wilaya IV (Algérois et Ouarsenis), et structuré les pre-miers moudjahidine.

Membre des « 22 », puis des « Six » qui ont déclenché l’insurrection armée, «le lion du Djudjura» fera partie des prin-

cipaux architectes, avec Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi, du Congrès de la Soummam, le 20 août 1956, qui s’est tenu dans la zone qu’il dirigeait.

Sa stature de dirigeant se cristallisera à la création du CCE, dont il devient naturel-lement membre influent. De Tunis, où il est installé avec toute la direction politique, il continuera à avoir la même influence sur les maquis, dans sa région et le même ascendant sur les hommes qu’il a propul-sés au commandement, notam-ment des Wilayas III et IV. Avec cet appui interne solide et une aura politique de plus en plus imposante, il devient rapi-dement l’un des hommes clés du GPRA, créé en septembre 1958. Avec Abdelhafid Bous-souf (ministre des Communica-tions) et Lakhdar Bentobal (mi-nistre de l’intérieur), il formera le triumvirat le plus redoutable de l’histoire de la révolution algérienne : les « 3 B », comme on les appelait, sont parfois

Quarante-cinq ans après sa mort, le nom de Krim Belka-cem revient toujours dans les débats d’histoire. Maqui-sard de la première heure, organisateur hors pair, homme d’Etat et diplomate de la plus belle eau, il a été de tous les combats, et son parcours résume toutes les étapes traver-sées par le mouvement national depuis au moins la nais-sance du MTLD, en 1947.

Le père Hadj-L’hocine Krim

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associés à une forme de dictature, voire à une entreprise de terreur, alors qu’ils constituaient un Comité interministériel de guerre (CIG) qui coordonnait les principales actions et décisions liées à la lutte armée.

Le 27 décembre 1957, Abane Ramdane est assassiné au Maroc. Tous les doigts sont pointés vers Krim et ses deux collègues. Mais ni lui ni les autres n’ont jamais assumé publiquement cette décision d’éli-miner l’homme de la Soummam. Des historiens et des chercheurs

ont tenté d’établir des preuves pal-pables impliquant les « 3B » dans cet assassinat, en s’appuyant sur un recoupement de témoignages et d’informations. Sur cette ques-tion, le président de l’Association du MALG, l’ex-ministre de l’Intérieur, Dahou Ould-Kablia, a révélé lors d’une conférence de presse tenue début août qu’un dossier détaillé sur «le procès» d’Abane Ramdane existerait dans les archives natio-nales qui devraient être déclassifiées bientôt pour être mises, enfin, à la

disposition des chercheurs et des historiens. On attendra de voir ce qu’il en sera.

Impliqué ou non dans cette af-faire, le prestige de Krim Belkacem s’en trouvait à un moment entaché auprès des moudjahidine de l’inté-rieur qui vouaient un respect sans commune mesure à Abane.

Dans la foulée de la crise de l’été 1962, qui divisait gravement et irré-médiablement le commandement de la Révolution, entre le GPRA et certaines wilayas de l’Intérieur, d’un

Krim Belkacem Le frère Krim Rabah

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côté, et l’état-major de l’armée et le groupe dit de Tlemcen, conduit par l’ex-président Ahmed Ben Bella, de l’autre, Krim Belkacem tenta vaille que vaille de contrebalancer le si-tuation en faveur du GPRA. Hélas ! Il entra en Algérie pour essayer de mobiliser ses fidèles, mais en vain.

A la proclamation de l’Indé-pendance et la mise sur pied d’un premier gouvernement de l’Algérie indépendante, il se trouvera de fait hors-course. Son choix de l’oppo-sition le mettra de fait en confron-tation avec le pouvoir en place. Il tente une première fois de regrou-per les opposants politiques et mili-taires à Tizi-Ouzou pour former ce qui est historiquement connu sous le nom du « groupe de Tizi-Ou-zou », qui regroupait, entre autres, Hocine Aït-Ahmed, Mohamed

Boudiaf et d’autres anciens chefs de maquis des Wilaya III et IV. Après l’échec de cette initiative, il se réfu-gia quelque temps en France, tout en gardant ses liens avec le pays, et avec la politique.

Après le «redressement» du 19 juin 1965, Krim Belkacem ne lâche pas prise. Il essaye de constituer un nouveau front d’opposition, avec le même noyau, mais fut obligé de s’exiler dès 1967, pour fuir une condamnation à mort par contu-mace. Un épisode dont on sait très peu de choses. Cela coïncidait avec le mouvement qu’avait initié le chef de l’état-major de l’ANP de l’époque, le colonel Tahar Z’biri, contre le président Boumediene.

Une année plus tard, en 1968, Krim créa avec d’anciens militants qui lui sont restés fidèles, à l’image

d’Amar Oumarane, de Slimane Amirat ou encore du dernier chef de la Wilaya III, Mohand Oulhadj, le Mouvement démocratique pour le renouveau algérien (MDRA).

Deux ans plus tard, le 18 octobre 1970, on le retrouve étranglé avec sa cravate dans une chambre d’hôtel à Francfort, en Allemagne. Jusqu’à présent, les raisons et les circons-tances exactes de cet assassinat ne sont pas encore totalement éluci-dées. Là encore, la loi de l’omerta s’est imposée.

Réhabilité à titre posthume, sa dépouille sera rapatriée le 24 oc-tobre 1984, pour être inhumée au « Carré des Martyrs » à El Alia. Son histoire reste à écrire.

Adel Fathi

1-Krim Belkacem. 2- Youcef Benkhedda. 3- Ali Kafi

1

2 3

Par Adel Fathi

et le groupe des « Six » Par Adel Fathi

Krim Belkacem

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Tout commence le 9 juin 1954, jour où il rencontre, à Alger, le chef historique des Aurès, Mostefa

Benboulaïd, puis Mohamed Bou-diaf et Didouche Mourad, qui parviennent à le convaincre de la nécessité d’une «troisième force», en rapport avec la lutte qui s’exa-cerbait au sein du PPA/MTLD de Messali Hadj avec lequel il ne rompra définitivement qu’en août 1954, encore sans tenir au cou-rant les militants de son initiative. Convaincu du propos de Benbou-laïd, Krim accepte de mettre à la

disposition de l’Organisation tous les moyens dont il dispose. Cette convergence de points de vue s’ex-plique par le fait que Krim avait toujours considéré que «les Aurès et la Kabylie étaient les deux zones les plus aptes à accomplir un tra-vail révolutionnaire effectif en rai-son de leur bonne organisation et de la présence de 1 700 hommes armés et entraînés».

Devenu le sixième membre de la direction intérieure du FLN («les six chefs historiques»), Krim Belkacem assiste à toutes les réunions, tout en maintenant le contact avec ses proches colla-

borateurs et tous les militants en Kabylie.

Le 10 octobre 1954, au 24, rue Bachir-Bedidi, dans le quartier de Raïs-Hamidou sur la côte ouest d’Alger, les six dirigeants parache-vaient le texte qui donnera le coup d’envoi à l’insurrection armée. En costume-cravate, ils se rendent à Bab El Oued chez un photographe pour immortaliser ce moment qui va marquer l’histoire contempo-raine algérienne. Ce sera l’unique photo de ce groupe que la guerre va séparer. Après avoir fixé la date de l’insurrection, Krim Belkacem se rend aussitôt dans sa zone, au

Dernier à rallier le noyau dur de l’insurrection, composé de cinq anciens militants de l’OS, responsables du groupe des «22» (Ben M’hidi, Bitat, Boudiaf, Benboulaïd et Didouche), Krim Blekacem retrouva vite sa place de précurseur et fut le plus enthousiaste et le plus actif sur le terrain des prépa-rations de la lutte armée.

Mostefa Benlouaid Mohamed Boudiaf Mourad Didouche

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village d’Ighil Imoula, siège du Comité de Kabylie, une structure du MTLD. C’est là qu’il remet à Ali Zamoun, ancien messaliste et futur officier de l’ALN, la Pro-clamation du 1er novembre, et le charge de la faire tirer en plu-sieurs milliers d’exemplaires.

Le 31 octobre, il fait parvenir une lettre à ses militants mobi-lisés, au nombre de 450, selon les estimations : «Début des opérations : cette nuit, à partir de l’heure du matin. Respecter scrupuleusement les consignes, ne tirer sur aucun civil européen et musulman. Tout dépassement sera sévèrement réprimé. Bonne chance et que Dieu vous aide.»

Avec son fidèle compagnon, Amar Ouamrane, il s’employa à organiser les structures et à les préparer à mener des opérations armées à l’heure « H », tout en as-sistant aux ultimes réunions pré-paratoires avec les autres respon-sables nationaux. Les éléments étaient triés en fonction de leur expérience et de leur savoir-faire militaires.

Sous sa férule, la zone III était non seulement prête pour le déclenchement de la Révolution, mais aussi sollicitée pour aider les autres zones en butte à des diffi-cultés pour être au rendez-vous. C’est ainsi que le chef de la zone IV (l’Algérois), Rabah Bitat, aler-té par son adjoint opérationnel, Souidani Boudjemaa, demanda à Krim et Ouamrane de doter sa zone en combattants, après avoir constaté l’impréparation des mi-litants, notamment à Blida. Les

deux dirigeants kabyles ont, alors, mis à la disposition de cette zone 21 éléments aguerris pour lancer des actions programmées pour la nuit du 1er novembre dans la région de Blida. Selon des témoi-gnages, Krim et Ouamrane ne se contentèrent pas d’aider Souidani

à Boufarik et à Blida, ils infor-mèrent Bitat qu’ils étaient prêts à déployer 200 hommes dans la capitale. Ces initiatives illustrent la vision nationale de Krim Bel-kacem et son souci de réussir le projet de l’insurrection, loin de tous calculs étroits.

A gauche, Mouloud Tighilt dit Si Mouloud et Ali Zamoum

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C’est dans cette maison à Ighil Imoula qu’a été tirée la proclamation et l’appel du 1er novembre 1954

Le soir du 31 octobre 1954, tout s’est passé comme prévu, en Ka-bylie. Les attaques furent lancées simultanément le 1er novembre 1954 à minuit dans plusieurs ré-gions de Kabylie suivant le plan préétabli. La première action eut lieu à Azazga, où les combattants de l’ALN attaquèrent le poste de gendarmerie avant d’incendier le dépôt de liège de l’administration des forêts. D’autres opérations de sabotage ont été effectuées notam-ment à Boghni, Dellys, Akbou... A Draa El Mizan, région natale de Krim Belkacem, un garde cham-

pêtre a été visé par une attaque menée par les moudjahidine. Mais de l’avis de la plupart des acteurs de ces événements, les actions synchronisées dans les régions de Kabylie étaient en deca des attentes, comparativement aux autres zones. D’aucuns pointent du doigt le manque d’armes. Krim Belkacem est alors intervenu dès les premiers jours qui ont suivi les événements, pour s’expliquer sur ce problème épineux de l’arme-ment, et surtout pour galvaniser le moral des combattants à ce mo-ment fatidique de la lutte.

Dans une réunion avec des combattants réunis dans une hui-lerie près d’Aït Aissi (près de Tizi Ouzou), il fit un point de situa-tion, tout en les exhortant à main-tenir le cap malgré les difficultés. Selon l’historien Yahia Bouaziz, qui a relaté cette rencontre à la-quelle assista Ali Zamoum, Krim Blekacem s’adressa aux militants en ces termes : «Je sais ce qui vous préoccupe. C’est une réalité et on ne peut accuser nos frères dans les Aurès ou à l’extérieur. Il se peut que les armes aient été saisies en cours de route dans certains en-droits par les troupes coloniales, alors qu’elles étaient acheminées vers nous. Nous avons en face de nous une armée puissante dotée en permanence de matériel alors que nous ne possédons rien. Alors que faire ? Dites-le-moi ! Cer-tains combattent avec des armes moyennes mieux que nous et avec une volonté de fer. Dans certains cas de lutte de libération, il y avait un seul fusil pour dix hommes qu’ils attachaient avec une corde et ils combattaient avec à tour de rôle jusqu’à ce que mort s’ensuive. Alors réfléchissez bien et il vous est possible de penser à nous. Nous sommes vos dirigeants qui avons promis des armes et nous voilà avec vous et parmi vous, au maquis, à mener ensemble la guerre avec les armes que nous avons et avec celles que nous al-lons récupérer auprès de l’enne-mi.» Les armes tarderont à venir, mais la lutte n’a jamais fléchi.

Adel Fathi

uN maquiSard à La têtE dE La dipLomatiE

Par Adel Fathi

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C’est naturellement qu’il devient membre permanent du pre-mier CNRA (Conseil national de la Révolu-

tion algérienne) et du CCE (Comité de coordination et d’exécution), mis en place à l’issue du congrès. Sa pré-sence était même longtemps domi-nante. Car, c’est lui qui, de Tunis, dirigeait de fait cette instance com-posée de cinq membres : Abane, Ben M’hidi, Benkhedda, Dahleb et lui-même. Les deux premiers étant trop pris par les vicissitudes de la Bataille d’Alger (octobre 1957), il s’appuya sur une nouvelle généra-tion de militants et d’officiers affec-tés en Tunisie, après la création du premier COM (Commandement des opérations militaires) qui cha-peautait les wilayas de l’intérieur ou leurs représentants installés en exil. S’il n’avait pas encore les pleins pou-voirs, il avait néanmoins pu placer ses hommes de confiance (à com-mencer par le colonel Mohammedi Saïd dit Si Nacer) à des postes de responsabilité importants.

L’ascension fulgurante du chef de la Kabylie dans le comman-dement de la Révolution prendra toute sa signification lors du congrès de la Soummam du 20 août 1956, où il joua un rôle pré-pondérant à la fois dans l’organisation des assises et dans les orientations politico-idéologiques qui y sont imprimées. Avec Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi, il a réussi à donner à la révolution un cadre pérenne et une organisation moderne avec des structures, une armée et une plateforme politique cohé-rente.

De g. à dr. : Krim Belkacem, Mohamedi Said (Si Nacer), Slimane Déhiles (Si Sadek) et le colonel Amar Ouamrane

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Avec Abdallah Bentobbal et Abdelhafid Boussouf, il formera un triumvirat qui règnera longtemps comme le centre de gravité de la direction de l’Extérieur : les fameux « 3 B » auxquels on attribuera no-tamment l’élimination de «l’encom-brant» Abane. Il fut aussi confronté au grave problème dit «complot des colonels» qui le visait, lui person-nellement. Plusieurs officiers de la Wilaya I, dont trois colonels (La-mouri, Naouaoura et Aouacheria) furent condamnés et exécutés suite à cette première tentative de coup d’Etat contre le commandement de la Révolution.

Jouissant des pleins pouvoirs, ce trio formera le Comité interminis-tériel de guerre (CIG, instance peu connu mais qui avait un rôle décisif) qui coordonnait toutes les décisions stratégiques.

Après la conférence de Tanger d’avril 1958, réunissant les princi-paux partis nationalistes des trois pays maghrébins (Algérie, Maroc et Tunisie), la délégation algérienne

remit ses conclusions au CCE, lequel décida rapidement, sous l’impulsion de Krim Belkacem et de ses compagnons, de mettre en place un gouvernement provisoire en exil, nonobstant les réserves du gouvernement tunisien et du palais royal du Maroc. Sa création avait été à plusieurs reprises annoncée, puis retardée devant les objections qui se multipliaient. Habib Bour-guiba et Mohammed V appréhen-daient notamment les répercussions sur leurs rapports avec la France et craignaient que ce gouvernement provisoire algérien, loin de favori-ser un règlement du conflit, «ne soit un nouvel obstacle», en ce sens qu’il exacerbera davantage les tensions et mettra l’armée française en état d’alerte permanent. Or, l’objectif de la direction politique du FLN, à tra-vers cette initiative, était de reven-diquer essentiellement l’organisa-tion d’un référendum et d’imposer, parallèlement, le débat à l’ONU sur la question algérienne.

Dans cette lutte diplomatique, Krim Belkacem révéla des dons ex-ceptionnels ; puisque, c’est à lui que va échoir la mission de conduire la délégation algérienne aux négocia-tions de paix qui seront couron-nées en 1962 par les fameux accords d’Evian qui ouvraient la voie à l’au-todétermination, puis à l’indépen-dance. Et c’est à lui que revient l’in-signe honneur de signer ces accords au nom de la partie algérienne.

De l’avis des autres membres de la délégation, Krim mena les pour-parlers avec brio et élégance, mais tout en gardant un esprit d’équipe du début à la fin. Les Français qui avaient un préjugé sur sa person-nalité (« fruste », « maquisard »…) en auront eu pour leur grade. Lors de la première séance, le chef de la délé-gation française, Pierre Joxe, énonce les conditions et les garanties d’ap-plication de l’autodétermination. Krim Belkacem insiste sur l’inté-grité du territoire national et l’unité du peuple algérien : «P as question d’exclure le Sahara du champ d’application

Abdelhafid Boussouf Lakhdar Bentobal Krim Belkacem

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de l’autodétermination » ; « Pas de régime à part pour les minori-tés ». En fait, pour satisfaire les exigences du GPRA, les négociateurs français vont être amenés à abandonner une à une toutes les conditions qu’ils jugeaient indispensables. Sauf un point : ils refusent de reconnaître le GPRA, tout en sachant qu’une bonne partie des neufs membres de la délégation algérienne en faisait partie.

Les Algériens retiennent de ce moment historique de la guerre de Libération nationale, l’image du chef de la dé-légation, Krim Belkacem, altier et solennel, prononçant devant les caméras du monde entier la déclaration finale à l’issue de la signature des accords avec le gouvernement français : « En vertu d’un mandat du Conseil national de la république algérienne et au nom du Gouvernement provisoire de la République algérienne, nous avons signé ce jour, à 17 h 30, un accord général avec les représentants mandatés du gouvernement français. En conséquence de cet accord général, un cessez-le feu a été conclu. Ce cessez-le-feu entrera en vigueur sur tout le territoire le lundi 19 mars 1962, à 12 heures précises. En cette heure historique nos pensées vont à tous ceux qui, depuis le 1er Novembre 1954, ont fait le sacrifice de leur vie pour que vive l’Algérie libre et indépendante et qui sont dignes de la reconnais-sance de notre vaillant peuple. Notre pensée va également à nos glorieux moudjahidine et à tous les militants de la cause nationale. »

Adel Fathi

Mohamed Lamouri Ahmed NouaouraMustapha Lakehal

Déclaration de Krim Belkacem après les accords d’Evian

La fin tragique d’un héros de La révoLution

Par Adel Fathi

( 34 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Tous les historiens sont formels quant à l’exé-cution préméditée de l’ancien ministre des Affaires étrangères

du GPRA, un 18 octobre 1970, dans sa chambre d’hôtel à Francfort, en Allemagne. Crime exécuté par des mains inconnues –mais que certains acteurs ont cru pouvoir identifier –,

qui l’auraient étranglé à l’aide de sa propre cravate.

Une fin tragique, voire scan-daleuse, que le « lion du Djurdjura» – comme aimaient l’appeler ses compagnons moudjahidine – ou «le lion des djebels» – comme le surnom-maient les auteurs français –, ne mé-ritait sans doute pas, après avoir sur-vécu à une impitoyable guerre dans

laquelle il se dévoua corps et âme. Pionnier de la lutte armée en Kaby-lie, membre des «Six historiques» qui ont déclenché la Révolution du 1er Novembre 1954, membre principal du CCE, puis du GPRA, chef de la Délégation algérienne aux accords d’Evian, l’homme résume à lui seul un pan important de l’histoire de la guerre de Libération nationale.

Promis à jouer des rôles-clés dans l’Algérie indépendante, après avoir fait tout ce parcours depuis les années 1940 et mené lui-même les négociations qui devaient aboutir au recouvre-ment de la souveraineté, Krim Belkacem connut un sort tra-gique qui restera comme un point noir dans l’histoire contem-poraine du pays.

Si Hmimi, Krim Belkacem, Mohamed Boudiaf au village de Tnain à Beni Maouche, Béjaia en 1962

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Que pouvait-on, alors, bien reprocher à Krim Belkacem pour vouloir l’éliminer physiquement ? Aujourd’hui, on parle d’un règle-ment de comptes, à l’image de ce-lui dont avait été victime trois ans avant lui un autre géant de la Révo-lution : Mohamed Khider. Mais, règlement de comptes au profit de qui, et pour quel motif ? On n’en sait rien. D’autres évoquent la thèse de l’assassinat politique. Redoutant son influence sur les partis et per-sonnalités de l’opposition, le régime de Boumediene n’aurait pas trouvé d’autre choix pour neutraliser ce leader historique qui était vénéré,

notamment dans sa région, la Kaby-lie, qui, il ne faut pas l’oublier, venait de sortir d’une guerre civile qui avait fait 500 morts. Quarante-cinq ans après ces événements, une chape de plomb pèse encore sur cette affaire.

Une chose est sûre : Krim Bel-kacem n’aurait jamais pardonné aux dirigeants politiques qui avaient accepté de s’allier avec l’Etat-ma-jor de l’armée pour constituer le pouvoir, à l’indépendance. Dans la foulée de la crise de l’été 1962, qui divisait irrémédiablement le com-mandement de la Révolution, entre le GPRA et certaines wilayas de l’intérieur, d’un côté, et l’Etat-major

général de l’ALN et le groupe dit de Tlemcen, conduit par l’ex-président Ahmed Ben Bella, de l’autre, Krim Belkacem a mobilisé tous ses relais, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays, pour essayer de contrebalancer l’autorité en faveur du GPRA, mais en vain. Il se trouvera de fait hors-course dès la proclamation de l’In-dépendance et la mise sur pied d’un premier gouvernement de l’Algérie indépendante. Ne désespérant pas, il tenta une première fois de regrou-per les opposants politiques et mili-taires à Tizi-Ouzou pour former ce qui est historiquement connu sous le nom du « groupe de Tizi-Ouzou »,

Krim et Boumediene au centre de la photo

( 36 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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qui regroupait, entre autres, Hocine Aït-Ahmed, Mohamed Boudiaf et d’autres anciens chefs de maquis des Wilaya III et IV. Après l’échec de cette initiative, il se réfugia quelque temps en France, tout en gardant ses liens avec le pays, et avec l’acti-vité politique.

Aprèts le redressement du 19 juin 1965, il tentera de constituer un nouveau front d’opposition, avec le même noyau, mais fut obligé de quitter le pays dès 1967, pour fuir une condamnation à mort par contumace qui avait été rendu contre lui par une cour martiale pour tentative d’assassinat du chef du Conseil de la révolution, le colo-nel Houari Boumediene. Un épi-sode dont on ne sait que très peu de choses, faute de témoignages et d’écrits. Cette tentative coïncidait avec le mouvement de rébellion lancé par le chef de l’état-major de l’ANP de l’époque, le colonel Tahar Z’biri, contre le président Boume-diene et son autorité. Une année plus tard, en 1968, Krim créa avec

d’anciens compagnons qui lui sont restés fidèles, à l’image d’Amar Ou-marane, Slimane Amirat ou encore le dernier chef de la Wilaya III, Mo-hand Oulhadj, le Mouvement dé-mocratique pour le renouveau algé-rien (MDRA). Deux ans plus tard, le 18 octobre 1970, on le retrouve étranglé avec sa cravate dans une chambre d’hôtel à Francfort. La presse occidentale et une partie de l’opposition algérienne mettaient en

cause les services de renseignement algériens. Mais, jusqu’à présent, les raisons et les circonstances exactes de cet odieux assassinat ne sont pas encore totalement élucidées.

Réhabilité à titre posthume, sa dépouille sera rapatriée le 24 oc-tobre 1984, pour être inhumée au « Carré des Martyrs » à El Alia, à Alger. Mais sa mort, comme celle de tant d’anciens dirigeants morts dans des conditions opaques, resta long-temps un sujet tabou en Algérie.

Un film retraçant son parcours de combattant et de leader révolu-tionnaire, et entièrement financé par l’Etat, lui est dédié ; ultime hom-mage à celui qui se sacrifia pour que vive l’Algérie digne et libre, même si certains critiques estiment que le parcours exceptionnel de ce héros national y est traité de façon «sélec-tive» par les producteurs, et que des épisodes de ce parcours, dont celui de sa mort, ont été « sciemment censu-rés », pour éviter toute controverse ou toute atteinte à l’image de la Ré-volution.

Adel Fathi

Reda Malek en compagnie des deux filles de Krim Belkacem.A g : Karima Krim. A dr. : Kaouthar Krim

Krim Belkacem, au maquis

facE auxtraquENardSPar Adel Fathi

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Il faut dire qu’avant même le déclenchement de l’insur-rection, la Wilaya III his-torique avait déjà son chef politico-militaire tout dési-

gné, et avait une organisation bien huilée, prête à affronter l’ennemi. Et ce n’est pas un hasard si les princi-paux dirigeants de la Kabylie, Krim Belkacem et son fidèle compagnon, Amar Ouamrane, avaient pris part à toutes les rencontres ayant présidé au déclenchement de la lutte armée ; à savoir notamment la fameuse réu-nion des «22», la création du CRUA par les « Six historiques », en juin 1954, qui a désigné les responsables des futures wilayas.

Le passage de Krim Belkacem à la tête de la zone III, sera assez court mais déterminante pour son essor futur. Sa double vocation d’homme d’action et de politique, a été un atout majeur qui impulsa à cette organisa-tion une formidable dynamique qui en fera bientôt un modèle de comba-tivité. Profitant de la concentration de l’armée coloniale dans la région des Aurès-Nemamchas (zone I) durant les premiers mois de la Révolution, les chefs de la Kabylie se sont dé-ployés pour poursuivre la campagne de sensibilisation et de mobilisation. Et c’est là que Krim va encore s’affir-mer en tant que chef charismatique

Toute la vie militante de Krim Belkacem était semée de pièges qu’il arrivait toujours à déjouer, grâce à sa perspicacité, à son ingéniosité innée et à son sixième sens qu’il a acquis pendant les longues années de clandestinité qu’il avait menées depuis son engagement contre le colonialisme au milieu des années 1940

Si Nacer et Krim Belkacem

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et incontesté, grand organisateur et surtout comme un visionnaire. C’est lui qui le premier, eut l’idée de réu-nir tous les dirigeants de la Révolu-tion pour relancer la lutte et tracer une stratégie d’action.

C’est pourquoi les difficultés et obstacles de toutes sortes ne tar-daient par à surgir. Ses deux années passées à la tête de la zone de Ka-bylie, furent des plus éprouvantes à plus d’un titre. Il fallait affron-ter l’ennemi sur deux fronts : lut-ter contre les groupes messalistes du MNA, qui étaient encore bien implantés en Kabylie et dans les régions avoisinantes, et poursuivre les actions de sabotage et de gué-

rilla. Mais le plus dur, pour Krim Belkacem et ses adjoints, s’avéra être le danger des traquenards qui leur étaient tendus par l’ennemi. L’affaire diabolique dite « l’Oiseau bleu », mon-tée par les services secrets français, est illustrative de cette bataille de renseignement qui sera acharnée et déterminante sur le terrain. Ce fut la première grosse épreuve pour toute la wilaya III, mais qui, grâce au gé-nie de son chef, en sortira plus forte.

Les servies français avaient mon-té cette opération qui dura dix mois (de novembre 1955 à septembre 1956) dans l’objectif de monter des Kabyles contre d’autres Kabyles, en instrumentalisant les conflits tri-

baux et les rivalités sanglantes avec les messalistes, afin de créer la ziza-nie et laisser les djounoud de l’ALN s’entretuer. Le plan machiavélique visait à créer des «contre-maquis», ou ce qui était appelé la «force K», en recrutant au sein de la population des éléments n’appartenant pas au FLN. Mais le piège s’est vite refermé sur ceux-là mêmes qui l’avaient posé. Ainsi, les services ennemis, mal ren-seignés, ne savaient pas qu’un grand nombre de ceux qu’ils considéraient comme étant leurs agents étaient des militants FLN, agissant sous les ordres de Krim Belkacem. Celui-ci sélectionna les plus loyaux pour les faire passer pour des membres de la

A g. : Omar Boudaoud, Krim et Kaci Hamaï

( 40 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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« force K ». Le comble est que l’armée fran-çaise les avait dotés des armes les plus sophis-tiquées, au grand bonheur des moudjahidine et de Krim Belkacem. Celui-ci s’en régala dans une lettre qu’il adressa au gouverneur général, dans laquelle il écrit : « Monsieur le Ministre, vous avez cru introduire, avec la «force K» un cheval de Troie au sein de la résistance algérienne. Vous vous êtes trompé. Ceux que vous avez pris pour des traîtres à la patrie algérienne étaient de purs patriotes qui n’ont jamais cessé de lutter pour l’indé-pendance de leur pays et contre le colonialisme. Nous vous remercions de nous avoir procuré des armes qui nous serviront à libérer notre pays. »

Retenant la leçon, les services de rensei-gnement français tenteront un autre coup fourré visant à déstabiliser la Wilaya III, qui eut un impact dévastateur : il s’agit de l’af-faire dite de «la bleuïte», qui a fait des cen-taines de victimes parmi les djounoud de l’ALN. Mais à cette époque, Krim Belkacem n’était déjà plus chef de la Kabylie. Plusieurs témoignages attestent que depuis Tunis, où il était installé, Krim s’est démené pendant des semaines, essayant de mobiliser tous ses relais, pour faire cesser l’engrenage fatal dans lequel était plongée la Wilaya III, en en-voyant notamment des messages au colonel Amirouche, l’avertissant contre le piège que lui avait tendu l’armée ennemie, mais en vain.

Durant cette période, la Kabylie connut d’autres épisodes douloureux, qui étaient autant d’épreuves pour les chefs de maquis locaux. Ce fut le cas de la « nuit rouge de la Soummam» , où Krim Belkacem dut, encore une fois, intervenir pour stopper la machine infernale qui avait provoqué des tueries en avril 1956, dans cette région de la Basse-Ka-bylie, contre des villageois soupçonnés de collaborer avec l’armée coloniale.

Adel Fathi

Debout de Dr à g . Ali Kafi, Krim Belkacem, Lakhdar Bentobal, Benyoucef Benkhedda, Hocine Rouibah et d’autres maquisards. Photo prise en 1957 en Wilaya II

M’hamed Yazid, Saâd Dahlab et Krim Belkacem aux accords d’Evian 1962

Ahmed Boumendjel, Ahmed Francis et Krim Belkacem aux accords d’Evian

La RévoLution dans L’antRe du colonisateur

Par Mohamed Lamine

Wilaya 7 historique

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Cette wilaya s’appellera la Fédération de France du FLN. Son idée était non seulement de faire entendre la voix du FLN en France

et donc, à l’étranger, mais aussi et surtout, de sensibiliser et d’encadrer les milliers d’émigrés algériens en métropole, sur les objectifs de la Révolution algérienne, qui étaient alors sous l’influence des Messalistes. Il fallait au nouveau parti de la Révolution, le FLN, supplanter le parti de Messali Hadj, le Mouvement national algérien (MNA), né en France, pour avoir le soutien des compatriotes dans le pays colonisateur. Boudiaf entame alors des contacts avec des militants et sympathisants de la cause nationale, dès le début de l’année 1955, pour installer les premières cellules du FLN dans les grandes villes françaises où vivent les Algériens, notamment la capitale, Paris, évalués à quelque 110.000 âmes, en 1954, selon les statistiques de l’époque. Ce n’était pas une simple sinécure, d’autant que le FLN, nouvellement créé, n’était pas considéré comme un mouvement de libération, chez la majorité des compatriotes, plutôt, influencés par Messali. D’où la naissance laborieuse de la Fédération de France du FLN, qui allait demander du temps et un travail de longue haleine des dirigeant de la Révolution. A ce sujet,

le Docteur Lazhar Bedida, professeur d’histoire à l’université d’Alger écrit, en 2011, dans la Revue Recherches et Etudes, n° 11: « La mise en

place de la Fédération de France du FLN est l’œuvre de Mohamed Lebjaoui et Omar Boudaoud en 1957, sans

oublier le rôle de Mohamed Boudiaf et Mourad Tarbouche et (Salah) Louanchi.

Quelques mois après le déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954, Mohamed Boudiaf, l’un de ses artisans chargé de la coordination, décide de la mise en place d’une septième wilaya, dans l’antre même du colonisateur, la France où vivait une forte communauté algérienne, mais aussi en Europe.

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» Citant quelques sources (peu d’écrits ont été produits sur cette naissance), l’universitaire ajoute que « la vraie émergence de cette fédération est venue après un longue défi : moral et matériel, d autre part, la structuration de la Fédération connut plusieurs progrès entre 1955-1962, que ce soit sur le plan administratif et politique ou sur le plan militaire. » En janvier 1955, Boudiaf rencontre en Suisse Terbouche, ancien du PPA, installé en France depuis 1946, avec qui il évoque les modalités de mettre en place des cellules FLN, mais aussitôt qu’il entame ses contacts dans ce sens, qu’il est arrêté par les services de renseignements français, au printemps 1955, sur dénonciation des messalistes et son action stoppée. Il restera en prison jusqu’en 1961. Selon Mohammed Harbi et Ali Haroun, la tentative d’implantation reprit en mai 1955, sous la houlette d’une direction collégiale composée notamment de Mohamed Mechati, Fodil Bensalem, Abderrahmane Gherras et Ahmed Doum, qui parvinrent à

constituer les structures FLN et à subdiviser la Wilaya VII en zones géographiques, qui commencèrent à activer. Toutefois, cette implantation allait faire long feu, du fait que les dirigeants de la Fédération allaient être arrêtés l’un après l’autre, durant l’été puis l’automne de l’année 1956. La mission fut alors confiée à Louanchi, par le CCE, au lendemain du congrès de la Soummam (août 1956). Mais la véritable naissance de la Wilaya VII intervient en janvier 1957, avec la désignation par le CCE de Mohamed Labjaoui, qui entame la structuration de l’organisation, mais le 26 février de la même année, il est arrêté et mis en prison par la police française. Son arrestation déstabilise l’organisation, déjà mal en point. Il est remplacé pour quelques mois, par Tayeb Boulahrouf, et il faudra attendre l’été 1958, pour qu’un nouveau dirigeant soit désigné par la Direction de la Révolution, en la personne de Omar Boudaoud. Le nouveau chef, et ses adjoints, Ali Haroun, chargé de l’information, Kaddour Ladlani, chargé de l’organisation

interne, Saïd Bouaziz, chargé de l’organisation des réseaux, des groupes armés et du renseignement, et Abdelkrim Souici, chargé des finances, réussirent en moins d’une année à jeter les bases de la Wilaya VII, et à porter de durs coups aux messalistes. Entre temps, nombreux furent les militants du FLN qui étaient tués et blessés par les activistes MNA, mais aussi arrêtés et emprisonnés par la police française, le plus souvent sur dénonciation des messalistes, qui voyaient en eux des représentants d’un mouvement

Mohamed Lebjaoui Omar Boudaoud Mohamed Boudiaf

Salah Louanchi

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concurrent, surtout en ce qui concerne son financement par le biais des cotisations des ouvriers et commerçants algériens. Face à cette double adversité, le FLN non seulement résiste, mais active et parvient au prix de lourds sacrifices à prendre l’ascendant sur son rival le MNA, dès 1958. Parfaitement structurée, la Wilaya VII, qui avait réussi également à rassembler le gros des travailleurs algériens en France, mais aussi en Allemagne, en Belgique et en Suisse, décide sous la houlette de Boudaoud à installer son quartier général à Cologne, pour échapper notamment à la surveillance de la police française et aux résidus des messalistes. De

plus de 8 000 militants en 1956, la Wilaya VII qui améliora les recrutements, atteindra les 136 345 membres en 1960, en France (avec ses quatre Zones), parmi eux 878 éléments en Belgique et dans la Sarre en Allemagne. En juillet 1958, lors d’une réunion à Cologne, le Comité fédéral avec l’aval de la direction de la Révolution décida de porter la guerre en France alors que les maquis en Algérie commençaient à être étouffés sous les opérations militaires lancées par l’armée française. Afin de desserrer l’étau sur les maquis en Algérie, la Wilaya VII lance, en août 1958, des actions spectaculaires de sabotage ciblant diverses infrastructures

économiques en France, bien choisies, de sorte d’éviter de faire des victimes civiles, pour ne pas affecter la sympathie de milieux français anticolonialistes et de l’opinion internationale en général. Ces actions sont exécutées par les groupes de choc, rassemblés au sein de l’Organisation spéciale (OS) de la Fédération (voir l’article sur l’OS). Du 25 août au 27 septembre 1958, les groupes de choc de la Wilaya VII, préparent et exécutent avec succès pas moins de 56 actes de sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs économiques, militaires et politiques, « sans recourir au terrorisme aveugle ». Ces actions, bien répercutées dans les médias français et internationaux, rajoutaient à l’aura de la cause algérienne à l’échelle internationale, même si les milieux colonialistes les qualifiaient par réflexes d’autoconservation, d’actes de terrorisme et de banditisme. Sur ces actions, El Moudjahid, organe central de la Révolution, délivre un message politique sans nuances et écrit : « Aucune exécution n’est ordonnée sans que le coupable ait été jugé criminel. Seuls sont châtiés, et seuls le seront, les policiers reconnus coupables. Certes, il arrive que, lors du juste châtiment des harkis mercenaires, les policiers qui les protègent, y compris le chauffeur du car, soient atteints par des coups qui ne leur étaient pas précisément destinés. M. (Maurice) Papon (le préfet de Paris) aura voulu leur mort. »

Mohamed Lamine

En haut, à gauche : Omar Boudaoud, au centre : Abdelkrim Souici, à droite : Ali Harounci-dessous à gauche : Kaddour Ladlani, à droite : Said Bouaziz.

LE BraS civiL armé du fLN EN fraNcE

Par Mohamed Lamine

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Elle est confiée à Rabah Bouaziz, membre de la direction de la Wilaya VII, secondé par Nacereddine Aït

Mokhtar. Cependant, sa création avait été marquée, en cette période d’instabilité du comité fédéral de la Wilaya VII, par des hauts et des bas, d’autant que ses membres même dé-terminés à exécuter jusqu’au bout leur mission, manquaient d’expérience dans la lutte armée en général et le travail clandestin propre à ce genre

d’organisation surtout, à l’extérieur. La Spéciale avait, malgré ces contin-gences, réussi à réaliser des « coups de main » qui ont fait parler d’elle dans les milieux de l’émigration, du MNA son principal rival et de la po-lice et des renseignements français. Selon les statistiques policières, les groupes armés du FLN, même non encore rodés, exécutent des dizaines d’opérations en 1956, contre les mes-salistes principalement, faisant 76 tués et 510 blessés suivies d’autres actions en 1957, qui se sont soldées par 817 tués et plus de 3.000 blessés. La principale action armée et la plus spectaculaire à l’actif de cette organi-sation fut sans conteste celle exécu-tée contre Ali Chekal, vice-président de l’Assemblée algérienne et pro-co-lonialiste zélé, un dimanche 29 mai 1957 au stade de Colombes, dans la région parisienne, lors de la finale de la coupe de France de football, entre Toulouse et Angers, par Moha-med Bensadok, alors âgé de 26 ans. Malgré une sécurité extrêmement renforcée, du fait de la présence au stade du chef de l’Etat français de l’époque, René Coty, le jeune Bensa-dok doté d’une détermination à d’un sang-froid à toute épreuve, parvint à

déjouer toutes les vigilances en abat-tant le traître à la fin de la rencontre. Par cette action d’éclat, le FLN ve-nait de réaliser un exploit médiatique sans précédent en France. C’est à partir de 1958 que la Spéciale allait accentuer ses actions armés contre les intérêts français, les col-laborateurs des services français, les traîtres et autres harkis membres de la police, mais aussi certains policiers particulièrement zélés et nuisibles. L’organisation fonctionnant selon le principe du cloisonnement, pour des raisons évidentes de sécurité dictées par la survie, était constituée d’une cinquantaine d’éléments agissant en groupes très restreints. On ignore jusqu’à aujourd’hui le nombre réel de sa composante, mais l’historien Daho Djerbal, qui lui a consacré un travail de recherche basé sur le témoignage de certains de ses diri-geants, évoque le chiffre approxi-matif de plus d’une quarantaine. Or, d’autres sources françaises, parlent d’effectifs plus larges. « Le FLN se réorganise alors en s’adaptant aux règles de sécurité basée sur de petits groupes de trois ou de six. Le FLN peut ainsi compter sur environ 450 hommes en région parisienne pour

L’organisation spéciale de la Fédération de France du FLN, en tant que bras armé de la Révolution algérienne, au cœur du co-lonisateur, est née en 1956, deux ans après le déclenchement de la lutte armée en Algérie. La création de cette OS, appelée alors par les initiés, « la Spéciale » fut décidée par le CCE, avec pour principale mission de contrer les actions violentes des messa-listes en France et plus tard, réduire leur influence sur l’émi-gration algérienne.

Rabah Bouaziz

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former ses groupes de choc en marge desquels il faut rajouter les 8 katibas (compagnies), de 31 hommes chacune, qui constituent l’Organisa-tion spéciale. Cette organisation de combat, formée de tireurs confir-més et de techniciens des explosifs, est chargée des missions difficiles et de l’élimination des (traîtres), particulièrement des personnalités algériennes réputées pro-françaises. Elle infiltre aussi une cellule FLN de policiers algériens au sein même de l’appareil français et organise un réseau de renseignements », selon les historiens français, Jean-Paul Brunet et Gilbert Meynier. La Spéciale dis-posait donc, de sa logistique, de ses formateurs en maniement d’armes, de ses artificiers, de ses poseurs et poseuses de bombes, de son rensei-gnement qui avait partout ses « yeux et oreilles », de ses exécuteurs de missions... La Spéciale qui poursui-vait sa chasse aux messalistes, exé-cuta, en août 1958, une série d’atten-tats contre des cibles stratégiques en France, ayant fait les manchettes des médias hexagonaux et européens, mais aussi arabes, mettant le pays en émoi pendant plusieurs jours. Ses éléments ont effectué dans la nuit du 25 août et les jours suivants des opérations de sabotage ciblant notamment, la Cartoucherie de Vin-cennes, un hangar de l’aéroport du Bourget, une usine de Villejuif. Il y a eu les incendies des dépôts de pé-trole à Vitry, à Gennevilliers, dans la région parisienne, et aussi aux Ayga-lades près de Marseille ainsi qu’à La Mède, à Frontignan, à Toulouse et à Mourepiane, le plus grand dépôt du Midi de la France. Les historiens

ajoutent « quelques incendies » dans les forêts du Midi, d’autres près de Nancy et dans les Vosges. Le bilan de ces opérations spectaculaires s’est élevé à 24 morts et 17 blessés, selon des sources policières, qui firent état pour toute l’année 1958 de la mort de 12 policiers et de la blessure de 24 autres, suite à des attentats ciblés de l’OS. Conséquence, « lorsque les autorités françaises comprennent que les 400 000 Algériens de France représentent un potentiel de com-battants considérable, la décision de démanteler l’OS pour lutter efficace-ment contre la révolution algérienne s’impose d’elle-même », écrit l’histo-rienne Linda Amiri, dans La bataille de France (2004). « De fait, en sep-tembre 1958, la police parvient à dé-sorganiser l’appareil du mouvement en fichant ses différents membres puis en les brassant dans différents hôtels et foyers, en les raflant et les internant dans des centres d’assigna-tion à résidence surveillée, comme le camp du Larzac, ou en leur ap-pliquant la procédure du rapatrie-ment forcé ». Pour en finir avec les activistes de l’OS, les autorités fran-çaises recourent à un procédé inédit : créer une police constituée d’élé-ments arabes. C’est ainsi que le 30 novembre 1959, le Premier ministre d’alors, Michel Debré, institue la « Force de police auxiliaire » (FPA), la bien nommée « harkis de Paris ». « Il s’agit d’une brigade quasi-militaire composée de (natifs) volontaires, sur le modèle des forces auxiliaires utilisées en Algérie, et commandée par le capitaine Raymond Monta-ner », explique Brunet. « Les harkis, avec leur connaissance intime du

milieu algérien et de ses coutumes, représentent une formidable force d’opposition au FLN. Ils agissent en toute impunité, comme une force de police parallèle », témoignent les historiens Jim House et Neil Mac-Master, dans Les Algériens, la ter-reur d’Etat et la mémoire. Pour ces deux historiens, la FPA combat le FLN sur son propre terrain... Toute personne au teint mat est soupçon-née de cotiser au FLN et susceptible de donner des informations. « La méthode utilisée par les hommes de Montaner est invariable : occu-pation d’hôtels habités par les tra-vailleurs algériens, infiltration et recueil de renseignements, violences policières, tortures. » Cependant, l’organisation ne désarmait pas, continuait d’exister en se renouve-lant et poursuivait ses opérations militaires. Au cours de l’année 1959, il a été dénombré 4 policiers tués et 16 autres blessés et malgré la pour-suite de l’usage de dures méthodes policières, les groupes de choc du FLN éliminent, en 1960, neuf poli-ciers et en blessent une trentaine, selon les données officielles, qui font état de 22 policiers tués et de 76 autres blessés, en 1961. Evoquant un bilan des sacrifices des militants de la Wilaya VII durant la Révolu-tion, Ali Haroun affirme qu’elle « a enregistré 250.000 condamnés, dont 50 condamnés à mort et 22 exécutés après les événements du 17 Octobre 1961 (voir l’article), avant de voir gracier le reste grâce à la mobilisa-tion des avocats et du peuple qui ont soutenu les prisonniers ».

Mohamed Lamine

L’émigRation ou Le neRf de La gueRRe RévoLutionnaiRe

Par Mohamed Lamine

( 50 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Supplément n° 39- Septembre 2015.

«Composés d’ouvriers de la maison Renault dans la plu-part du temps, les militants de la Fédération de France versaient la moitié de leurs

salaires pour soutenir la Révolution algérienne, soit 30.000 sur 60.000 (anciens) francs à l’époque», a af-firmé à cet égard, Ali Haroun. Les fonds recueillis auprès des cotisants, qui servaient surtout, à l’achat d’ar-mements au profit de l’ALN, étaient acheminés à Tunis, via la Suisse et autres pays européens, le plus sou-vent, par les «Porteurs de valises» (lire l’article). Les milieux colonialistes relayés par l’ensemble des médias dans l’Hexagone et en Algérie qui étaient leurs porte-parole naturels, toutes tendances confondues, justi-fiaient à leur manière, à tort bien sûr, les affrontements violents en France, entre les messalistes et le FLN, par «la course pour le contrôle des coti-sants». Lorsque les artisans du dé-clenchement de la lutte armée le 1er

Durant la lutte de libération nationale, les travailleurs émigrés principalement en France, grâce à leurs cotisations, assuraient à hauteur de 80 % le financement de la Révolution. L’émigration était alors le nerf de la guerre révolutionnaire, reconnu comme tel par tous les dirigeants du FLN-ALN, les dirigeants colonia-listes et les historiens français, ces derniers déformant la réalité quand ils évoquent la question des cotisants. Pour Ali Haroun, l’un des chefs de la Wilaya VII, la communauté algérienne en France versait de l’argent au profit de la Révolution d’une façon volontaire, assurant que beaucoup d’émigrés faisaient don de la moitié de leurs revenus mensuels à la cause nationale.

Omar El-Ghazali, membre de la Fédération de France, dans la prison de Fresnes

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HistoireGuerre de libération

novembre 1954, décidèrent d’im-planter en France et dans d’autres pays d’Europe, des représentations du FLN, leur premier souci était de rallier l’émigration à la cause algérienne. Il s’agissait pour eux de soustraire l’émigration algérienne en France de l’emprise des messa-listes opposés au déclenchement de la lutte armée en tant qu’ultime recours pour l’indépendance de l’Algérie. Il est vrai que l’émigration algérienne était acquise totalement à Messali Hadj, qui avait affiché ses premières idées nationalistes au sein de l’émigration en France. De sorte que tous les partis nationa-listes qu’il créa de 1926 au dernier- né, le MTLD, en 1947, avaient leurs

structures au sein de l’émigration, qui assuraient entre autres activités, la récolte des finances auprès des adhérents et sympathisants au pro-fit de ces mouvements. C’est dire que la naissance du FLN et surtout sa décision de s’implanter au sein de l’émigration n’arrangeait guère les «affaires» des messalistes, qui avaient alors créé le MNA, un parti faisait du culte de la personnalité une seconde religion. Et c’est tout naturellement que le MNA, action-né par son chef Messali, se lance dans «la mise à nu» des thèses du FLN, considéré comme un intrus, y compris en recourant à la violence armée contre ses militants et sym-pathisants et parfois en renseignant les services et la police française sur leur identité et actions, en vue de leur neutralisation, en vertu du vieux principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami». Il a fallu au FLN quatre longues années de lutte, sacrifiant plus de 1.300 de ses mili-tants, pour se débarrasser du MNA

et s’imposer en tant que seul repré-sentant de l’émigration algérienne. En 1954, l’émigration algérienne en France était évaluée à quelque 211 000 âmes, une population consti-tuée en majorité d’hommes venus gagner leur survie et celle de leurs familles laissées en Algérie. Cette population fortement concentrée dans la région parisienne mais aus-si, dans certains pôles industriels dans le Rhône (Lyon) et dans le sud (Marseille) allait croître d’année en année, pour atteindre entre 350 et 400.000 personnes en 1962. C’était la plus importante population émi-grée en France, même si, à l’époque, les Algériens étaient considérés comme des Français-musulmans, certes de statut inférieur, mais un statut consacré dans la Constitu-tion française de 1958. Ces Fran-çais de seconde zone contribuaient à reconstruire l’économie française ravagée par la Seconde Guerre mondiale et l’occupation allemande et vivaient reclus aux périphéries des villes dans des bidonvilles.

Représentants du FLN dans un meeting

( 52 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Leur adhésion et leur sympathie pour le FLN qui venait de se lancer dans une guerre d’indépendance et d’émancipation étaient alors tout à fait naturels et spontanés, matéria-lisés, entre autres, par leur partici-pation au financement de la Révo-lution comme le font leurs frères restés au pays, avec les moyens du bord. «Pour la plupart contraints à l’exil pour leur survie alimentaire et celle de leurs familles, ils sont adolescents quand ils arrivent en métropole déjà marqués et trauma-tisés par les injustices coloniales vé-cues au quotidien dans leur région natale. Manœuvres, ouvriers, ven-deurs à la sauvette, garçon de café, ils portaient déjà en eux l’engage-ment nationaliste de par leur condi-tion de vie en métropole et l’état

désastreux dans lequel ils ont laissé leur famille au pays», écrit à ce sujet l’historien Daho Djerbal. La Wilaya VII avait organisé la collecte des fonds auprès des travailleurs algé-riens (cotisants volontaires et non pas forcés comme se plaisaient à le rapporter, dans l’intention de nuire à la Révolution, les milieux colo-nialistes) selon le niveau de leurs revenus. Dans un article consacré à ce sujet, paru dans l’hebdomadaire français, l’Express (du 24 au 30 avril 1987), se référant à la Fédération de France du FLN, on apprend que l’apport financier des travailleurs algériens en France, de 1955 à 1962, estimé par le ministère français du Travail, à 250.000, se chiffrait à 40 milliards d’anciens francs. Selon une liste des cotisations par catégo-

rie professionnelle, publiée dans le livre 7 ans de guerre en France, de Raymond Muelle, ancien parachu-tiste français, un ouvrier ou ma-nœuvre verse 2 000 Anciens francs (AF) par mois, une femme musul-mane, 500 AF, un chauffeur de taxi musulman, 8 000 AF, un com-merçant, 10 000 AF, soit des taux variant entre 5 et 9 % des revenus mensuels. Alors que les dirigeants de la Révolution parlaient de cotisa-tions volontaires, l’officier français et d’autres ténors de la colonisation et de l’Algérie française qualifiaient ces contributions à la juste cause nationale, d’«impositions révolu-tionnaires».

Mohamed Lamine

Quelques figures emblématiques de la Fédération de France lors de la guerre de libération

uN crimE d’Etat impRescRiptibLe

Par Mohamed Lamine

Les massacRes du 17 octobre 1961 à ParisLes massacRes du 17 octobre 1961 à Paris

( 54 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Le couvre-feu a été dé-cidé par un conseil in-terministériel du gou-vernement de Michel Debré, fervent parti-

san de l’Algérie française, à la suite duquel le préfet de police d’alors, le criminel de guerre Maurice Papon, rend public un communiqué dans lequel « il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s’abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus par-ticulièrement entre 20h 30 et 5h 30 du matin. » La police parisienne qui réclamait l’instauration de cette mesure, allait substituer à l’expres-sion « il est conseillé... », le vocable « il est obligatoire... », pour accentuer la répression envers les Algériens, relancée depuis début octobre de cette année-là. Cette mesure dis-criminatoire et raciste pousse les ressortissants algériens, hommes, femmes et enfants, à l’appel du FLN, à sortir de nuit, sans armes, manifester leur opposition pacifi-quement, en ce 17 octobre 1961, qui allait être tragique pour une bonne partie des manifestants. Quelque 30.000 Algériens de la région pari-sienne sont sortis pour protester contre la mesure discriminatoire

les empêchant de circuler de nuit. La police les attendait sur ordre du préfet Papon qui avait dès le matin de ce jour-là, dit à ses troupes qu’« il s’agissait de mener une guerre et non pas de rétablir l’ordre républi-cain ». Les manifestants ignoraient ce qui les attendait. Les renseigne-ments généraux français avaient dans un rapport, estimé que « la Fédération de France du FLN est en train de sacrifier ses 20 000 mili-tants des deux wilayas de Paris (...)

Pour accepter la perte de tels cadres et un démantèlement de l’organi-sation à Paris, où elle était toute puissante, il faut que la Fédération de France considère la partie enga-gée comme décisive ». Les milieux colonialistes en France justifiaient la répression engagée par la police française contre les manifestants algériens désarmés par ce qu’ils ont appelé les attentats contre des policiers et des harkis durant ces années-là. Selon ces milieux, la

Les massacres du 17 octobre 1961 et des jours suivants à Paris perpétrés par la police française contre les manifestants algé-riens qui protestaient pacifiquement contre l’instauration d’un couvre-feu envers eux seuls, demeurent pour la mémoire col-lective algérienne et de tous les hommes libres dans le monde, un crime d’Etat imprescriptible.

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 55 )

HistoireGuerre de libération

police française était « remontée » contre les éléments nord-africains, c’est pourquoi, ses membres atten-daient l’occasion pour « se venger ». Et l’occasion est venue. Aussitôt sortis défiler dans les principales ar-tères parisiennes, nos compatriotes étaient accueillis par des groupes de policiers en armes qui n’ont pas hésité à les utiliser. Et la chasse aux

Arabes commença. Durant la nuit du 17 octobre et les jours suivants, il y eut des centaines de morts et de blessés et une centaine d’autres parmi nos compatriotes disparus, jetés dans la Seine. Les plus chan-ceux, soit plus de 11.000 manifes-tants, étaient mis aux arrêts, dans des centres d’internement, brimés, insultés, torturés. Tous avaient été

assimilés au FLN. Après la tempête, les médias évoquaient quelques tués et blessés comme le leur avait dicté le sanguinaire préfet Papon. On a parlé d’ « affrontements » entre ma-nifestants et forces de répression, alors qu’il s’agissait d’un massacre de civils qui voulaient fuir la police déchaînée contre eux. Quelques jours plus tard, un conseiller mu-

La carte des cortèges de la manifestation du 17 octobre 1961

( 56 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Supplément n° 39- Septembre 2015.

nicipal de Paris, Claude Bourdet, avait interpellé en plein conseil, Papon, lui demandant la vérité sur des écrits dans la presse concernant le repêchage dans la Seine de 150 cadavres d’Algériens, noyés lors des manifestations. « J’en viens d’abord aux faits. Il n’est guère besoin de s’étendre. Parlerai-je de ces Algé-riens couchés sur le trottoir, bai-gnant dans le sang, morts ou mou-rants, auxquels la Police interdisait

qu’on porte secours ? Parlerai-je de cette femme enceinte, près de la place de la République, qu’un policier frappait sur le ventre ? Par-lerai-je de ces cars que l’on vidait devant un commissariat du quar-tier Latin, en forçant les Algériens qui en sortaient à défiler sous une véritable haie d’honneur, sous des matraques qui s’abattaient sur eux à mesure qu’ils sortaient ? », s’était-il demandé. Le conseiller qui disait

disposer de « témoignages de Fran-çais et des témoignages de journa-listes étrangers », évoquait en outre « cet Algérien interpellé dans le métro et qui portait un enfant dans ses bras ». Il ajoutait que « comme il ne levait pas les bras assez vite, on l’a presque jeté à terre d’une paire de gifles ». Pour lui, il s’agit de faits qui, s’ils sont vérifiés, « ne peuvent pas s’expliquer par une réaction de violence dans le feu de l’action. Ce sont des faits qui méritent une investigation sérieuse, détaillée, impartiale, contradictoire ». Bien entendu, il n’aura aucune réponse à ces questionnements. La chape de plomb jeté officiellement sur ces massacres se prolonge pour des années encore ! Ce n’est que dans les années 1990 qu’on commença en France à évoquer ces massacres dans les médias. L’actuel président français, François Hollande, ren-dait public en 2012, un communi-qué dans lequel il expliquait que « le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La Ré-publique reconnaît avec lucidité ces faits. » Cependant, il évite de don-ner des chiffres sur les massacres. S’il rendait hommage aux « vic-times de la tragédie », il ne présente pas aux familles des victimes et aux Algériens en général, les excuses de l’Etat français. Les Algériens eux, n’oublient pas cette journée du 17 octobre 1961, ni les nombreuses autres journées noires du colonia-lisme français, en Algérie.

Mohamed Lamine

Arrestations et répressions

valises et d’espoir porteurs de

Par Mohamed Lamine

( 58 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

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Supplément n° 39- Septembre 2015.

Ces fonds sont réunis, comp-tés et mis dans des valises pour être transportés

en Suisse par ces Français courageux et engagés dans la cause algérienne, avant d’être livrés aux sièges de la Révolu-tion en tunisie, au Maroc et au Caire. Le réseau qui comp-tait quelque 80 engagés dont une soixantaine de femmes, appartenant aux milieux mé-diatico-intellectuel, chrétiens de gauche, trotskistes et syn-dicalistes, se chargeait éga-lement de préparer de faux papiers d’identité faits par « l’excellent » faussaire antico-lonialiste, Adolfo Kaminsky, aux militants pour pouvoir circuler librement sans être

Les porteurs de valises sont ces Français anticolonialistes qui aidèrent le FLN à travers des réseaux qu’ils mettent en place, surtout à financer la Révolution algérienne. Le plus connu était le réseau Jeanson fondé par le philosophe Francis Jeanson (1922-2009). Fondé le 2 octobre 1957, au terme d’une réunion clandes-tine, le réseau Jeanson se chargera jusqu’à son démantèlement par les services français en février 1960, à transporter, à héber-ger en secret les militants du FLN, les armes et les fonds collec-tés auprès de la communauté algérienne en France et en Europe.

Le philosophe Francis Jeanson (1922-2009)

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 59 )

HistoireGuerre de libération

découverts. Jeanson et ses cama-rades engagés auprès du FLN étaient qualifiés de « traîtres » en France et naturellement honnis comme tels surtout, par les partisans de l’Algérie française. Ce fut l’écrivain français, Jean-Paul Sartre, dont Jeanson était un disciple, qui surnomma ces mili-tants anticolonialistes de « porteurs de valises ». Peu avant le déclenche-ment de la Révolution algérienne, Jeanson, « le futur partisan de la ré-volution algérienne fait le pont entre les revues Les Temps modernes et Esprit, ainsi qu’avec les éditions du Seuil, lui-même étant un collabora-teur de ces trois maisons », relèvent ses proches. Ces trois maisons re-groupaient des écrivains anticolonia-listes. C’est ainsi, qu’en 1955, Jean-son et sa première épouse Colette, publient L’Algérie hors-la-loi, une virulente critique du colonialisme, qui allait renforcer leur engagement aux côtés des révolutionnaires algé-riens. Lorsque Jean Lacouture, jour-naliste, évoque la naissance du réseau

de soutien au FLN, il dit de lui, que «Francis Jeanson est passé de l’autre côté : c’est par lui que le scandale – glorieux – est arrivé ». En 1956, une année avant la création du réseau de soutien, Jeanson et son épouse ai-daient déjà clandestinement le FLN, se chargeant de l’hébergement de ses responsables en France, comme le second dirigeant de la Wilaya VII, Salah Louanchi. « Il lui arrive, ainsi qu’à d’autres militants algériens, de passer la nuit dans l’appartement que Francis et Colette ont loué au Petit Clamart. Il demande aussi certains menus services : par exemple d’être conduit en voiture d’un endroit à un autre », révèlent les historiens Hervé Hamon et Patrick Rotman dans leur livre paru en 1979, Les Porteurs de valises. Alors que la guerre battait son plein en Algérie, les exactions des parachutistes contre les militants du FLN s’amplifiaient, dénoncées en France par les milieux anticolonia-listes. En ces années-là, les actions de masse sont menées « contre la guerre

des soldats rappelés, des trains blo-qués, des militants couchés sur les voies. Et aussi, de nombre de ces rappelés, qui, dans les djebels, ont fait de la résistance et ont subi, de ce fait, une répression sauvage des cadres militaires ». On assista au « refus de combattre » les Algériens. Les engagements de personnalités dans le réseau Jeanson se multiplient au point que son fondateur confiait que « si nous avions pu passer des pe-tites annonces, nous aurions refusé du monde ». Parmi les personnalités connues figurent, outre les Jeanson, Hélène Cuenat, Dr. Chaulet et sa femme Anne-Marie, Jacques Charby, les prêtres de la Mission de France: Abbés Pierre Mamet, Robert Dave-zies, les comédiens Paul Crauchet, André Thorent, Jacques Rispail, François Robert, Serge Reggiani, Ca-therine Sauvage, l’écrivain Georges Arnaud, Georgina Dufoix, Paul-Ma-rie de la Gorce, Michel Rocard, Jean Daniel, Henri Curiel et son épouse Rosette, Hervé Bourges, Henri Al-

( 60 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

leg, Françoise Sagan, Jacques Verges, l’éditeur François Maspero, Pierre Vidal-Naquet. Lorsque les princi-paux animateurs du réseau sont ar-rêtés en février 1960, Jeanson réus-sit à échapper aux mailles des filets de la DST, et quitte la France. Il est remplacé par Curiel qui poursuit la mission jusqu’à son arrestation en octobre 1960. Ce sera Georges Mat-tei, autre militant anticolonialiste et anti-guerre d’Algérie, qui prendra la relève jusqu’à la fin de la guerre. Le procès des 18 Français membres du

réseau et des 6 militants algériens ar-rêtés qui s’ouvre le 5 septembre 1960, allait permettre à la vingtaine d’avo-cats qui les défendaient, de faire le procès du colonialisme. Parmi leurs défenseurs, Jacques Vergès et Roland Dumas, ancien ministre français des Affaires étrangères, utilisèrent le procès comme une tribune qui allait sensibiliser l’opinion française et in-ternationale sur la guerre d’Algérie. Malgré le lourd verdict prononcé par le tribunal à l’encontre des princi-paux meneurs, la cause était enten-

due, d’autant que 121 intellectuels, personnalités de gauche publiaient le Manifeste des 121, soutenant l’engagement des accusés et dénon-çant l’envoi de soldats faire la guerre en Algérie. 15 des inculpés sont condamnés à 10 ans de réclusion criminelle, peine maximum pour « haute trahison », dont Jeanson par contumace, 3 d’entre eux écopent de 5 ans, 3 autres de 8 mois et 9 sont acquittés.

Mohamed Lamine

61

HIST

OIR

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U M

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GOmar Boudaoud

LE rESpoNSaBLE hiStoriquEdE La fédératioN dE fraNcE

Par Adel Fathi

Supplément n° 14 - Juin 2013.( 62 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

PortraitGuerre de libération

Omar Boudaoud

Il a fait partie des précurseurs du mouvement national et de la révolu-tion de Novembre 1954 et pris part à presque tous les grands rendez-vous historiques, dont le dernier en date, le congrès de Tripoli de mai-juin 1962, qu’il a eu à co-présider avec Ali Kafi, mais n’a jamais voulu s’impli-quer dans les luttes de pouvoir qui ont émaillé l’ascension de l’Algérie vers son indépendance. Ce qui explique un peu son « effacement », dans les dernières heures. Au contraire, il a toujours essayé d’arbitrer les conflits et d’apporter humblement sa pierre dans cet édifice qui se construisait dans la douleur. Dans le pire des cas, il choisit le silence comme attitude politique et humaine. Mais son par-cours parle pour lui.

De g.à dr. : Benyounes (Daniel), Omar Boudaoud, Abdelkrim Souici, Kaddour Ladlani, Mohamed Flici, Said Bouaziz, Ali Haroun, au 1er plan: Ahmed Doum.

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 63 )

PortraitGuerre de libération

Natif de Tigzirt en 1924,Omar Bou-daoud adhéra dès son jeune âge au seul parti

nationaliste radical de l’époque, le Parti du peuple algérien (PPA). Arrêté en mai 1945, il sera libéré après la proclamation de l’amnistie générale en mars 1946. Il renoua aussitôt avec l’activité militante et prit part au premier congrès du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en février 1947, où il fut désigné responsable régional de l’Organi-sation spéciale en Basse-Kabylie. Arrêté en 1949 dans la région de Baghlia, il fut libéré en 1951 et par-tit en France où il intégra directe-ment le FLN, à sa création.

Son dynamisme le mène à deve-nir responsable de la Fédération de France du FLN, sous l’impulsion d’Abane Ramdane, puis membre du Conseil national de la révolu-tion (CNRA) de 1959 à l’Indépen-dance en 1962.

Le rôle incommensurable qu’au-ra joué la Fédération de France du FLN, durant cette période cruciale, que ce soit dans la col-lecte de fonds (80% du budget de fonctionnement du GPRA prove-naient des cotisations de l’immi-gration algérienne), l’achat d’arme-ment, les contacts avec les réseaux de soutien ou dans la mobilisation de la communauté algérienne qui culmina par les manifestations historiques du 17 octobre 1961, il-lustre la persévérance et la comba-tivité de ce meneur infatigable. Le

De g. à dr.: Laroussi Khalifa, Colonel Lotfi, Ali Kafi, Omar Boudaoud, lors d’une session du CNRA à Tripoli, à l' hôtel Méhari

De g. à dr. : Abdelkrim Souici, Omar Boudaoud, Ali Haroun en 1959

Supplément n° 14 - Juin 2013.( 64 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

PortraitGuerre de libération

difficile défi qu’il eut à relever, lui et les membres de la fédération, c’était de mener la guerre contre le colo-nialisme français sur le sol-même de la France, et surtout de mener une guerre « sans armes ». Expli-cation : « Notre Révolution, assure aujourd’hui Omar Boudaoud, est une Révolution juste. Ce qui me préoccupait à l’époque, c’était qu’il y avait eu bavures contre les Français. On avait fait la guerre contre ceux qui nous faisaient la guerre. On n’a pas touché au peuple français, même si on avait les moyens de le faire. Notre communauté était très organisée et nous avions des armes. On aurait pu déposer des bombes dans toutes les villes françaises. »

De g. à dr. : Omar Boudaoud, Belkacem Krim, commandant Kaci à Tunis.

De g. à dr. : Le colonel Athmane, Commandant Azzedine, Dehiles (Colonel Sadek), Medeghri, Omar Boudaoud, à Tripoli.

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 65 )

PortraitGuerre de libération

A son arrivée en France, il était confronté à « de petites divisions » au sein d’une im-migration ciblée par des groupuscules liés au MNA de Messali Hadj. Il réussit rapi-dement à instaurer « une discipline et une justice de fer », affirme-t-il. Les différentes infiltrations ont été vite neutralisées, et l’es-sentiel de la communauté continuait à affi-cher une adhésion sans faille au FLN et à la cause nationale.

Beaucoup d’écrits ont été consacrés à cette page de notre histoire, par des membres importants de la Fédération de France du FLN (La 7e wilaya, d’Ali Haroun, Editions Rahma, 1992) et des enquêtes de plus en plus osées sur les événements tragiques du 17 octobre 1961, mais le public algérien au-rait souhaité confronter toutes ces versions avec le témoignage de Omar Boudaoud,

L'école des cadres à Hagen (RFA) 1959-1960 : Au 1er rang accroupis de g. à dr : Omar Boudaoud, Abdelkrim Chitour, Belkacem Benyahia. Assis : à droite, Mourad Terbouche.

En haut, de g. à dr. : : Omar Boudaoud, Abdelkrim Souici et Ali Haroun.En bas de g. à dr. : Kaddour Ladlani et Said Bouaziz.

Supplément n° 14 - Juin 2013.( 66 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

PortraitGuerre de libération

pour une lecture plus exhaustive, dirait-on, de ces événements, mais aussi du fonctionnement de la structure qu’il a eu à diri-ger et ses ramifications à travers la France métropolitaine et toute l’Europe.

Dans un hommage qui lui a été rendu en 2013 à Alger par une association nationale, Machaal Cha-hid, Réda Malek, ancien négociateur des accords d’Evian et ancien Pre-mier ministre, témoigne que « la Révolution algé-rienne a triomphé grâce aux hommes de la trempe de Omar Boudaoud. Il était un homme très dis-cipliné, fort d’une volon-té inébranlable et d’une

grande intelligence politique qui lui ont permis d’assumer conve-nablement sa mission au sein de la Fédération de France. Il est le prototype du révolutionnaire

moderne », clame-t-il. Omar Boudaoud est aujourd’hui âgé de 90 ans.

Adel Fathi

Devant la maison familiale à Bouzareah (Alger). La mère et le père de Omar Boudaoud. De g. à dr. : son frère Mansour, Lounès et le frère cadet Ali. Boudaoud est à côté du père.

De g. à dr.: Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider et Rabah Bitat

LE footBaLLEur révoLutioNNairE

Par Zoubir Khélaifia

Le chahid HAFSI MABROUK

dit CHAMBA

( 68 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Dans les Aurès-Nememchas, dès le 1er novembre 1954, date de l’ouverture des

hostilités, des jeunes, à la fleur de l’âge, ont tout laissé tomber pour répondre à l’appel de la patrie. Hafsi Mabrouk, dit Chamba, en faisait partie. Footballeur, promis à un bel avenir, il n’a pas hésité un seul instant à raccrocher les crampons pour s’investir dans le

combat libérateur. Plusieurs autres footballeurs, tous originaires d’Ain Beida, érigée en secteur 3 de la zone 4 de la Wilaya I à l’issue du congrès de la Soummam, ont emprunté le même chemin que Chamba et sont presque tous tombés au champ d’honneur. L’USM Ain Beida, club phare de la ville des Haraktas, a, à l’image des autres équipes musulmanes du pays, payé son tribut dans la guerre de libération. Méziani Smaïl dit Boulezoual, Méziani Abderrahmne, Zaïdi Mohamed et Mansouri Lazhar ont payé de leur vie leur adhésion à la révolution et, signe du destin, et à l’exception de Zaïdi Mohamed, ils étaient tous célibataires. Chamba a rejoint l’équipe à la fin des années 1940 où il a évolué dans les petites catégories avant d’être promu dans l’équipe senior. Au début des années 1950, il faisait parler la poudre sur les terrains de football avant de faire parler les armes dans le maquis et de mener des actions tonitruantes dans sa ville natale

Ils sont entrés dans la guerre sans reculade, avec conviction, prêts à mourir pour leur idéal. Ils étaient très nombreux à re-joindre l’ALN à un âge précoce mais aguerris par les années de misère et d’oppression d’un colonialisme des plus cruels. Dès leur jeune âge, ils n’avaient qu’un seul objectif, celui de monter au maquis pour libérer le pays. Certains sont morts héroïquement, les armes à la main, d’autres, des compagnons d’armes, sont sortis indemnes d’une guerre des plus meur-trières de l’histoire contemporaine.

Hafsi Mabrouk

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 69 )

HistoireGuerre de libération

et à Lyon où il a émigré en 1956. Tout en pratiquant le football, il exerçait le métier de cordonnier en plein cœur de la ville d’Ain Beida et c’est précisément son métier qui servira la révolution puisque dès son déclenchement, il confectionnait des chaussures pour l’ALN et alimentait le maquis de ravitaillement. Il était également mandaté pour la collecte de l’argent et du renseignement,

notamment le mouvement des troupes qu’il transmettait à l’ALN. Dès le début de l’année 1955, Chamba était dans le collimateur de la police française qui le tenait à l’œil et suivait ses mouvements. Il n’en avait cure. A cette époque, l’oppresseur ne lésinait pas sur les moyens pour terroriser les Algériens soupçonnés de collaborer avec l’ALN. Une année durant, Hafsi Mabrouk

s’acquitta fort convenablement de sa dangereuse mission. Delfi Brahim était à cette époque le chef de la région d’Ain Beida où des combattants menaient la vie dure aux soldats français. Se sachant épié et surveillé de près et sur le point de tomber dans les souricières tendues par la police coloniale, il préféra faire ses valises et traverser la Méditerranée pour se faire oublier sans pour autant

USMAB des années 1950. Derrière de g.à dr. : Sebti Diar, Hamza Bizet, Ahmed Laribi, Khelladi, Bendada, Zemouchi Damana, Nechnech, Si El Mekki Zemmouchi.

Devant, de g. à dr. : Smail Boulezoual, Chamba, Robio avec le ballon.

( 70 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA.

HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

renoncer à ses convictions. Il émigra en France en 1956 avec comme seul bagage sa détermination à continuer la lutte. Il posa pieds à Lyon où des connaissances lui ont déniché un travail dans une usine de fabrication de cabas, de sacs et de valises en cuir. Bien évidemment, il est mis en contact avec la Fédération de France du FLN dirigée à cette époque par Mohamed Labjaoui. Homme d’action, Chamba ne tarda pas à se distinguer dans un attentat contre un commissaire de police sur lequel il a vidé le chargeur d’un pistolet automatique. Un attentat qui a fait beaucoup de bruit dans la ville du Rhône où le FLN était fortement ancré et où les attentats se multipliaient. Pour faire diversion et échapper à la police, Hafsi Mabrouk se coupa intentionnellement le doigt à l’usine où il travaillait. Transféré à l’hôpital, il reçut des soins et à sa sortie il rejoignit sa ville natale où il commit d’autres attentats aussi retentissants que celui de Lyon. Ain Beida se souvient toujours de l’attentat commis à la grenade de l’horloger Morio, connu pour sa brutalité contre les Algériens. Ce dernier, italien de nationalité, échappa miraculeusement

Hafsi Chamba et Ali Habchi à Lyon

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HistoireGuerre de libération

à la mort mais souffrant de lourds handicaps. L’objectif de cet attentat était de semer la terreur que le FLN et son bras armé l’ALN voudraient qu’elle change de camp. Chamba ne s’arrêta pas là puisque quelque temps plus tard il récidiva en plein cœur de la ville. La cible était, cette fois-ci, un magasin photo régulièrement fréquenté par les parachutistes.La grenade jetée par le fidaï causa d’énormes dégâts autant matériels qu’humains. La devanture est criblée d’impacts. A l’intérieur du magasin, le souffle de l’explosion a fait voler en éclats la vitrine alors que des cadavres de parachutistes jonchaient le sol. Plusieurs morts et blessés sont dénombrés et l’impact de cet attentat était tel que tout le monde s’est terré chez-soi. L’oppression qui s’ensuivit était terrible et des citoyens sans défense furent froidement abattus, victimes de la corvée de bois. Ce qui tout naturellement poussa Hafsi Mabrouk, l’auteur de cet héroïque attentat, à rejoindre le maquis. Au début de l’année 1957, ce dernier est enrôlé dans le redoutable groupe de combattants dirigé par Boudjemaâ Ilihem, alors chef de section, terriblement craint par l’armée française. De dr. à g . : Hafsi Chamba, Rachid Derri, Hamid Samri à Lyon

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HistoireGuerre de libération

Supplément n° 39- Septembre 2015.

Désormais, Hafsi Mabrouk a divorcé d’avec la guérilla pour épouser celle du maquis. A cette époque, la région d’Ain Beida, érigée en secteur 3 de la zone 4 de la Wilaya I, était dirigée par Benzaoui Harkati et où plusieurs attentats et accrochages ont eu lieu, y compris dans les douars environnants où la guerre faisait rage. En plus des batailles de Djebel Boutekhma et Guern H’mar où plusieurs combattants sont tombés au champ d’honneur, la ville est, elle aussi, assiégée par les moudjahidine. Lakhdar Fadhli dit El Merouani et Salah Chergui, tous deux héroïquement morts pour la juste cause, ont fait

trembler les soldats français. Ils ont incendié l’usine Guig et attaqué à l’arme le siège de la gendarmerie en plein centre-ville. Le ferme Bourahli à, quant à elle, reçu la visite de Benzaoui Babay, auteur d’un attentat à la grenade qui a fait beaucoup de dégâts. Le parcours de Hafsi Mabrouk, alias Chamba, durera jusqu’à l’année 1958. Victime d’une délation, le groupe des 19 combattants agissant sous les ordres de Boudjemaâ Ilihem est encerclé chez Ammi Belkheir au douar Tarf, à El Medfoun, situé à l’est de la ville d’Oum El Bouaghi. Une dure bataille opposera ces moudjahidine à toute une armée dépêchée sur les

lieux. Ils résistèrent héroïquement aux assauts de l’ennemi appuyé par l’artillerie lourde. Boudjemaâ Ilihem, Hafsi Mabrouk, Sellam, Maouche et tous les autres combattants tombèrent au champ d’honneur, à l’exception d’Amiar miraculeusement sorti indemne de l’une des batailles les plus meurtrières dans la région. Le parcours de Chamba prit fin, mais son nom restera pour toujours gravé dans les mémoires, tant son courage et son engagement pour la cause n’avaient d’égal que son sacrifice pour le recouvrement de la liberté.

Zoubir Khélaifia

L’équipe de l’USMAB dans les années 1940

Par Hassina Amrouni

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Si, chercheurs et historiens ren-voient la fondation de cette ville aux alentours du VIe siècle de l’Hégire, il n’en demeure pas moins que les fouilles archéologiques

entreprises dans la région ont permis la dé-couverte de gravures et de dessins rupestres qui témoignent d’une présence humaine re-montant à l’ère préhistorique et ce, après la découverte sur les bords de l’oued, entre les deux localités de Bou Saâda et d’El-Hamel, de différents outils préhistoriques. Par ail-leurs, sur la route menant à Sidi-Ameur, plus précisément à Tafza, des peintures rupestres ont été mises au jour sur les parois rocheuses. Ceci, sans oublier les couches archéologiques contenant des outils lithiques découvertes au niveau des gisements du « Zaccar », «Es-Sayar » et « El-Onçor ».

Les Romains ont pris possession des lieux, en y établissant un poste militaire, probable-ment avant le IIIe siècle, il sera construit à proximité de celui de Medjebel, datant, lui, de 144, sur la piste menant au fort d’Aïn Rich et à la place forte de Castellum Dimmidi (Mes-saâd). Bien que la présence romaine dans la région soit attestée, il demeure presque évi-dent qu’elle ait été modeste et de nature pure-ment militaire, vu l’absence de ruines datant de l’époque.

Naissance d’une ville saharienne

Plaque tournante du commerce carava-nier et lieu de ravitaillement des convois transitant par la région, Bou Saâda aurait vu le jour grâce à deux hommes de foi : Sidi-Slimane Ben Rabia El Fassi et Sidi-Thameur qui décident de s’établir dans cette oasis, déjà occupée par des tribus bé-douines. Les deux saints hommes auraient acheté, aux alentours du XVe siècle, une parcelle de terre à la tribu des Bedarna sur laquelle ils auraient fondé cette « Cité du bonheur ». Cette dernière deviendra le lieu de refuge des habitants de la Kalaâ de Beni Hammad après sa destruction, des lettrés musulmans fuyant Grenade après la Reconquista en 1492 ou encore des Sou-

Située à environ 70 km de M’Sila, le chef-lieu de wilaya, Bou Saâda est située au sud-ouest du Hodna au pied des monts des Ouled Naïl et de l’Atlas saharien. Elle est surnommée la « Cité du bonheur » ou la « Porte du désert », étant l’oasis la plus proche du littoral

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dafis venus de Fez et séduits par cette région baptisée Hodna.

Le ksar prend forme autour de la mos-quée de Sidi-Thameur (El Masdjid El Attik), se développant au gré de la des-cendance du saint homme : les Ouled-Ha-mida, les Ouleds-Attig, les Zoghom, les Ouleds Harkat et les Mouamine.

Conçus dans une configuration archi-tecturale particulière, les quartiers du ksar seront étroits et sinueux, pour des raisons évidentes de sécurité, à savoir prémunir les habitants contre les agressions extérieures mais aussi les aléas du climat (tempêtes de sable…). En forme de pyramide, elle se terminait en son sommet par une sorte de tour de guet d’où l’on pouvait prévenir tout danger menaçant, arrivant de loin.

La vie à l’intérieur de la cité était bien

animée. Chaque quartier possédait, en effet, une place publique qui faisait office de lieu de rencontres et d’échanges com-merciaux. On y trouvait, par ailleurs, une écurie, un foundouk et une fontaine pu-blique. Au centre et à l’instar de la plupart des villes du sud, se trouvait la mosquée, point nodal autour duquel gravitait toute la vie communautaire.

Le ksar deviendra, au fil du temps, une oasis verdoyante, où viendront se ressour-cer hommes et bétail. Les alentours de la cité serviront à l’élevage du cheptel, d’où l’on extrayait du lait et autres produits lai-tiers, de la laine, des peaux pour la confec-tion de selles, ….

La quiétude dans laquelle vivait la population prendra, néanmoins, fin avec l’invasion française. Après une première

La ville de Bou Saâda

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tentative d’incursion conduite par le géné-ral d’Arbouville en 1845, c’est finalement, celle du colonel Barral, en 1849 qui finira par faire tomber la ville, après la défaite des Zaâtcha dans la bataille menée par Cheikh Bouziane qui périra décapité.

Naissance de la cité coloniale

Rattachée à la subdivision militaire de Médéa, la ville se développera, dès lors, sous des airs européens. Des rues droites se dessinent, des habitations, une école, le siège de la mairie, un hôpital militaire… verront le jour.

Avec le temps, deux villes finiront par se côtoyer. Au nord, le ksar ancien et, au sud, la ville coloniale. Deux paysages ur-bains distincts mais communiquant dans une ligne continue. A partir de 1912, la commune mixte de Bou Saâda est ratta-chée aux territoires civils du département

d’Alger. Malgré tout, Bou Saâda demeu-rera boudée par les colons européens, c’est pourquoi, les Français œuvreront à en faire, à tout le moins, une destination tou-ristique. Et ils réussiront fort bien puisque la ville recevra grand nombre de touristes étrangers mais aussi, des artistes en villé-giature dans la région, certains s’y établis-sant même, à l’image du grand Etienne « Nacer-Eddine » Dinet.

Aujourd’hui encore, Bou Saâda a gardé son cachet touristique. Elle est une desti-nation de choix pour les nombreux tou-ristes – algériens ou étrangers – désirant aller à la découverte des paysages sublimes du sud algérien.

Hassina Amrouni

Sources : *Divers articles de la presse quotidienne nationale

Le village d’El Hamel

Par Hassina Amrouni

Mohamed Lakhdar Hamina

Barkahoum Ferhati Djelloul Marbrook Lalla Zineb Mohamed Kacimi

Cheikh Bayoud Attia

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da Convaincus que c’était par le savoir que l’on pouvait un jour briser le joug

du colonialisme, Bou Saâda a fait en sorte que ses enfants puissent accéder au savoir et à la connaissance, ceci, au cœur de la domination française, et en dépit des campagnes d’acculturation menées par l’occupant français. De ce fait, et durant la période coloniale, cette ville enregistrera le plus haut taux de scolarisation et de réussite scolaire. Bien évidem-ment cela avait un prix : un sacrifice total des parents pour que leurs enfants puissent sor-tir de l’enclavement de leur ksar et pouvoir se faire une situation avantageuse dans les

grandes villes du nord du pays. A ce titre, Baiod Attia, doyen des enseignants boussaâdis, a été admis sur concours en 1865 à l’Ecole normale de Bouzaréah. Trois indigènes et une trentaine d’Européens constitueront cette première promotion. Quelques années plus tard, en 1891, ils seront seize Boussaâdis à suivre ses pas.

Bou Saâda enfantera d’autres érudits, notamment des médersiens dont une femme, Zoubida Bisker Ab-dellatif, tandis que d’autres se feront remarquer dans le domaine des sciences isla-miques, à l’image de Belkacem El Hafnaoui et Abderrahmane Eddissi, prédécesseurs de cheikh Abderrahmane Djillali.

Mais il n’y a pas que dans le domaine de la théologie ou de la religion que les Boussaâdis se démarqueront. La cité du bonheur verra la naissance de personnalités qui marqueront la scène culturelle et artis-tique nationale et internatio-nale, à l’image des réalisateurs Mohamed-Lakhdar Hamina et Ahmed Rachedi dont les œuvres cinématographiques seront saluées dans les plus grands festivals, des écrivains comme Mohamed Kacimi, Barkahoum Ferhati ou Souad Khodja ou Djelloul Marbrook, poète et écrivain américain, né à Bou Saâda en 1934.

Hassina AmrouniSources :

*Divers articles de la presse quotidienne nationale

Ayant été le point de rencontre de populations venant des quatre coins du Maghreb et ayant vu, surtout défiler les occupants étrangers, Bou Saâda a tiré le meilleur de son passé, héritant du savoir, de la culture et des traditions de ses prédécesseurs.

Belkacem El Hafnaoui Cheikh Bayoud Attia Sidi El Mokhtar Mohamed El Kacimi et Abderrahmane Eddissi

Par Hassina Amrouni

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Les Bisker ont, en effet, lutté contre l’occupant français, aux côtés de l’Emir Abdelkader et lorsque ce dernier part en exil en Syrie, ils continueront à lui

manifester un soutien indéfectible. C’est pourquoi, lorsque son fils, l’Emir El Hache-mi, décide de revenir au pays en 1894, après la mort de son père, c’est à Bou Saâda qu’il se rendra, suivant les recommandations de son père qui lui dit un jour : « Si tu dois retourner au cher pays natal, je te conseille de te diriger vers Bou Saâda où je conserve encore de fidèles amis parmi les Cherif et les Bisker. »

Forte de cet héritage dont elle s’enor-gueillit, Hafsa Bisker avait la voie toute tra-cée pour suivre les pas de Kouider Bisker, de ses enfants M’Hamed et Mohamed et de tous les autres aïeux qui se sont affirmés par leur courage contre l’envahisseur.

Hafsa Bisker a vu le jour le 7 mai 1933 à Bou Saâda, au sein d’une famille d’intel-lectuels. Son grand-père Mohamed était, en effet, poète, journaliste et disciple d’Ibn Ba-dis, Mohamed Abdou, Djamel El Afghani et jouera un rôle important dans la Nahda, ce mouvement de renaissance arabe tout aussi politique que littéraire, culturel et religieux. Ses écrits dans Al Bassaïr démontreront son haut degré d’engagement et sa pensée fera des émules.

Le père de Hafsa, Aïssa Bisker, sera lui aussi l’une des figures marquantes du tout Bou Saâda. Homme de grande culture, il enseigna les mathématiques et les sciences au cours élémentaire. Parmi ses illustres élèves, figurait le défunt président Moha-med Boudiaf. Marquée par la personnalité riche de cette figure paternelle, Hafsa ne pourra qu’être inspirée pour en suivre vail-lamment les traces.

Entamant son cursus scolaire au sein de l’école primaire des Plateaux à Bou Saâda, la petite fille ira vivre à Alger où son père est nommé par les oulémas au poste d’inspec-teur. Enseignant à l’école Sarrouy, il aura, là encore, comme élèves Amar Bentoumi, Ou-charef, Kaddache, Gadiri ou Derouiche qui deviendront plus tard, des figures célèbres. Après un passage par l’école Chabiba, à la Rampe Valée, dans le quartier de la Casbah, Hafsa rejoint l’école de Fontaine-Fraîche, au lendemain du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Les Bisker quittent la capitale

Mais alors que le climat dans la capitale commence à devenir de plus en plus délé-tère, Aïssa Bisker décide de mettre sa fa-mille à l’abri. Ils quittent alors Alger pour

Hafsa Bisker appar-tient à l’une des plus vieilles familles de Bou Saâda. L’histoire de ses aïeux se confond avec l’histoire révolu-tionnaire de l’Algérie.

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partir s’installer à Aïn La-hdjel, une ville, située entre Sidi Aïssa et Bou Saâda. La petite Hafsa reprend le chemin de l’école ; les journées sont éprouvantes mais ne la découragent pas pour autant à mani-fester beaucoup d’assiduité dans les études. A la fin de la Seconde Guerre mon-diale, les Bisker reviennent à nouveau dans la capitale où le père est enseignant à Belcourt, plus précisément à l’école de l’Allée des Mû-riers (actuelle rue Ahmed Adim). Deux ans plus tard et à la suite d’une nou-velle mutation, en tant que directeur, ce sera à nou-veau le retour au bercail, à Bou Saâda. Hafsa avait, auparavant, passé avec suc-cès à Alger son brevet au lycée de Maison-Carrée, aujourd’hui lycée Ourida-Meddad à El Harrach. Poursuivant ses études avec brio, la jeune fille passe en 1951 le probatoire du bac en sciences élémentaires. Admise ensuite au lycée Fromentin (Descartes), elle décroche la deuxième partie du baccalauréat. Voulant faire des études de médecine, elle sera dissua-dée par son père qui voyait en ce métier beaucoup de sacrifices et de risques, sur-tout à l’époque. Il lui sug-gérera de suivre la voie de l’enseignement et bien que

cela n’ait pas du tout été une vocation pour la jeune fille, elle acceptera. Enseignant durant une année à l’école des filles de Bou Saâda, la fille retrouvera vite ses études scientifiques, après

l’intervention de son père. Voyant, en effet, que sa fille ne s’épanouissait pas dans ce qu’elle faisait, Aïs-sa Bisker lui débrouille un stage en pharmacie qu’elle suivra parallèlement à l’en-

Photos de la moudjahida Hafsa Bisker

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seignement. En 1953, elle passe l’examen final à Alger et réussit avec succès.

Premier pas dans la Révolution

Alors que la guerre se prépare active-ment dans les coulisses, Hafsa n’a qu’une seule envie, y prendre part. Avec son amie Izza Bouzekri, elles en parlent souvent mais surtout, elles tentent de trouver le moyen d’intégrer l’organisation. C’est Izza – deve-nue plus tard l’épouse de Abane Ramdane – qui trouve un contact et dès juillet 1955, les deux jeunes femmes sont enrôlées. Ac-tivant avec Amara Rachid, Lounis, Sabor et d’autres encore, Hafsa sera chargée par le FLN de recruter des jeunes filles pour s’engager dans la guerre de libération. Cette mission lui permettra de rencontrer mais surtout de faire rentrer au FLN de jeunes lycéennes au courage exemplaire et à l’enga-gement sans failles, dont Ourida Meddad et Ouassila Kebaili.

Lorsque sont organisées les élections de l’Ugema qui désigneront Mohamed Benya-hia président, Hafsa Bisker sera nommée se-crétaire générale. Investie de cette nouvelle responsabilité, la jeune femme s’impliquera totalement dans la Révolution. L’activité militante bouillonnait, Hafsa sera mise en contact par Abane Ramdane avec Nassima Hablal et Izza, tout en lui suggérant d’en-trer dans la clandestinité pour plus de sécu-rité. Hébergée un temps chez une famille française acquise à la cause algérienne, les Coudre dont le mari était surveillant général à l’Ecole normale de Bouzaréah, Hafsa est, dès 1956, au maquis. Elle rencontre Si Salah Zamoun, ainsi que M’hamed Bouguerra à Bordj Menaïel, ainsi que Si Cherif Mellah à Berrouaghia, après le congrès de la Soum-mam en 1956. Là, elle avait pour tâche de soigner les nombreux blessés et d’approvi-sionner l’infirmerie en médicaments grâce à l’aide de son père. Elle formera également des infirmières afin de panser les blessures des blessés au front.

Hafsa Bisker finit par se faire remarquer par les autorités coloniales qui lancent des avis de recherche contre elle. Le FLN lui demande de partir pour se mettre à l’abri. Elle quitte donc le pays en 1958, direction Lyon, puis la Suisse avant de rallier la Tuni-sie où elle est engagée comme surveillante dans un lycée, en parallèle, elle s’inscrit en fac de droit et poursuit des études de phy-sique-chimie et biologie.

Continuant à activer jusqu’en 1962, elle ouvrira au lendemain de l’indépendance une pharmacie à Bab El Oued. Cela ne l’em-pêchera pas de militer pour les droits des femmes, un combat qu’elle mènera active-ment pendant de nombreuses années. Elle est retraitée depuis 1989.

Hassina AmrouniSources :

*El Watan, mars 2010 et autres documents

Hafsa Bisker

Par Hassina Amrouni Par Hassina Amrouni

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Né le 28 mars 1861 au sein d’une famille de la grande bourgeoisie parisienne, Alphonse-Etienne Dinet ne connaissait de l’Algé-

rie que ce qui était peint sur les cartes pos-tales. Après l’obtention de son baccalauréat, il s’inscrit en 1881 à l’Ecole des Beaux-arts de Paris, l’année d’après, il expose pour la première fois au Salon des artistes français. Alors que nombre de ses contemporains – écrivains et artistes-peintres –, effectuent des séjours réguliers en Algérie, attirés par ses paysages « exotiques », son peuple d’in-

digènes et ses traditions séculaires, Etienne Dinet éprouve lui aussi le désir de faire le voyage pour découvrir ce pays immortalisé par les œuvres de Delacroix ou encore les écrits de Dumas, Fromentin ou Flaubert.

Débarquant sur les côtes algériennes en 1884, il descend dans le sud, accompagnant une équipe d’entomologistes en expédition scientifique à Bou Saâda. Pour Dinet, c’est le coup de foudre, la fascination. Une année plus tard, il revient visiter Laghouat et la vallée du Mzab. La découverte du sud algé-rien lui inspire deux œuvres à la touche im-pressionniste : « Les Terrasses de Laghouat

Lorsqu’on évoque Nasreddine Dinet, on pense immé-diatement à Bou Saâda et vice-versa. L’artiste et la ville oasienne restent intimement liés par le temps et l’his-toire, une histoire qui a débuté en 1884 lorsque le peintre orientaliste débarque pour la première fois à Bou Saâda. Il en sera subjugué, fasciné et épris à jamais.

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» et « L’Oued M’Sila après l’orage ». L’une de ces toiles sera rachetée par l’Etat français pour enrichir le fonds de l’ancien musée du Luxembourg.

Alors qu’il se met à l’apprentissage de la langue arabe pour mieux comprendre la culture musulmane, Dinet revient en Algé-rie en 1887. A partir de ce troisième voyage, il décide d’y passer la moitié de l’année pour se rapprocher de ce peuple qu’il trouve pé-tri de qualités et de bonté mais aussi pour peindre et créer par la même la Société des peintres orientalistes.

Peignant sans relâche et glanant au pas-sage plusieurs distinctions, le cœur de Dinet reste inexorablement accroché aux rives sud de la Méditerranée. C’est pourquoi, en 1900, il installe son premier atelier de peinture à Biskra, oasis verdoyante, bercée de soleil où il flirte allègrement avec la muse créatrice. Celle-ci, loin de lui inspirer uniquement des œuvres plastiques, l’amènera aussi sur les chemins sinueux de l’écriture, avec la publication chez Piazza de « Rabia el Kou-

loub » (Printemps des cœurs), un recueil de trois légendes sahariennes. La même année, c’est-à-dire en 1902, sa toile « l’Arabe en prière » s’avère être un signe avant-coureur de son imprégnation de la foi musulmane, sa conversion ne tardera pas suivre. Il est désormais Nasreddine Dinet.

Début de vie à Boussaâda

En 1905, Etienne-Nasreddine Dinet qui éprouve de plus en plus le besoin de vivre au plus près du peuple et de partager avec lui les choses simples du quotidien, décide d’acheter une maison à Bou Saâda, où il passe les trois quarts de l’année.

Observant les Boussaâdis dans leurs tâches quotidiennes, il les peindra avec beaucoup de réalisme et parfois d’intimité. Les enfants, les jeunes, les vieux mais sur-tout les femmes tiendront une place consi-dérable dans son œuvre. Ces dernières sont représentées dans leur nudité, au bain, à la rivière … Ses toiles choqueront les puri-

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datains autant qu’elles bénéficieront de cri-tiques positives pour sa touche pleine de sensibilité et d’éloquence. Sa conversion à l’islam n’apportera pas, pour autant, plus de pudeur à ses peintures, en témoignent cer-taines de ses célèbres huiles sur toile « La fuite des baigneuses » (1908), « Au bord de l’oued » (1913), « Sous les lauriers roses »…

Touché par la foi

Etienne-Nasreddine Dinet qui met de plus en plus son cœur et son art au service de son algérianité et de sa foi musulmane, transforme, durant la Première Guerre mondiale, le château familial d’Héricy en hôpital pour recevoir les blessés de guerre. S’inquiétant du moral des troupes musul-manes, il esquisse des projets de stèles mortuaires pour les combattants musul-mans tombés au front. Après l’armistice, en collaboration avec son ami Sliman Ben Ibrahim, il écrit « La Vie de Mohammed, Prophète d’Allah » chez Piazza. Première biographie en français sur le prophète Mohamed (QSSSL), illustrée de superbes œuvres de peinture de Dinet et d’enlumi-nures raffinées du miniaturiste algérien Mohamed Racim. Œuvrant à l’édification de la mosquée de Paris, il réaffirme, par ail-leurs, sa conversion à l’islam en 1927, cette fois à la Grande mosquée d’Alger (Djamaâ El Kébir), avant d’effectuer, en 1929, en compagnie de Sliman ben Ibrahim, le pèle-rinage à la Mecque. Décédant d’une crise cardiaque devant son domicile parisien, le 24 décembre, à l’âge de 68 ans, sa dépouille sera déposée à la mosquée de Paris, avant d’être transférée à Bou Saâda pour y être enterré le 12 janvier 1930, dans la koubba qu’il a fait ériger cinq ans auparavant.

Musée Nasreddine Dinet

Bien que l’idée ait été émise des années auparavant, la création d’un musée immor-talisant la vie et à l’œuvre de Dinet au cœur

de la cité oasienne sera décidée en 1969 par des amis proches et des artistes, notamment le miniaturiste Mohamed Racim avec lequel il collabora. Finalement, il faudra attendre 1993 pour que le musée voie effectivement le jour, par décret.

Le musée est composé de deux bâtisses, à savoir une partie ancienne ayant abrité à l’origine l’atelier de l’artiste-peintre et ayant fait l’objet d’une restauration et la seconde, réalisée en 1993 et constituée de deux salles d’exposition et d’un bloc administratif.

Alors que la première œuvre acquise par l’établissement en 1995 est un portrait d’homme, le musée finira par réunir une belle collection constituée notamment d’une œuvre de Dinet intitulé « Portrait d’homme », de deux livres d’or, d’un mé-daillon de légion d’honneur appartenant à l’artiste, de livres anciens…

Hassina Amrouni

Sources : www.orientxxi.info/Pierre Prier

Divers articles de presse nationale quotidienne

La tombe de Naceredine Dinet

Par Hassina Amrouni

Par Hassina Amrouni

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Supplément n° 39 - Septembre 2015.( 88 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

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De nombreux touristes, en visite à Bou Saâda n’hé-sitent pas à aller sur les pas du célèbre peintre Etienne-Nasreddine Dinet. De sa

maison au musée qui lui est consacré, en passant par son tombeau, les passionnés de peinture orientaliste partent à la décou-verte de la vie et de l’œuvre de l’un des plus grands artistes de son époque. Cependant, Bou Saâda recèle d’autres sites touristiques tout aussi chargés d’histoire qui méritent le détour.

Plusieurs sites de gravures rupestres

Témoins d’une présence humaine re-montant à plusieurs milliers d’années, les différents sites préhistoriques disséminés à travers les localités de la région restent un pôle touristique de choix. Depuis 1979, date à laquelle les premières fouilles ont permis la mise au jour de nombreux vestiges, Bou Saâda et ses environs recèlent aujourd’hui de nombreuses stations, en l’occurrence la sta-tion d’El Arais, de Themar, d’El Khalil, les gisements épipaléolithiques, celui Dekhlat Es-Saâdane, de Themar, d’El Hamel, sans

oublier les gravures rupestres d’Es-Sakhar où l’on peut reconnaître sur les gigantesques parois (3 à 6 ha) un lion, un oiseau et divers animaux ou personnages.

Les ruines romaines

Preuve tangible de la présence romaine dans la région, quelques traces ont été re-trouvées à Tarmount, El Gahar, Maâdhid, Hammam Delaâ, Medjedel, Sidi Aïssa, Dehahna, Oued Chair, Ben Srour, Ced El Djir et Mcif. Il s’agit de vestiges d’une ville ensevelie, de tombeaux mégalithiques et d’une mosaïque représentant une scène de chasse aux dimensions assez imposantes (6,18 mx4,4 m).

Lorsqu’on arrive à Bou Saâda, le charme opère immédiate-ment. « La Cité du bonheur » a plusieurs atouts pour séduire le visiteur, à commencer par son riche patri-moine mais aussi ses traditions séculaires et sa gastronomie ty-pique de cette région du sud.

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daLa zaouïa d’El Hamel

Située dans la région d’El Hamel, à 10 km au sud-ouest de Bou Saâda, la zaouïa, vieille de deux siècles, relève de la confrérie Rahmania. En effet, fon-dée en 1845 par Mohamed Ben Belga-cem, personnalité religieuse influente, cette zaouïa s’étalant sur une superfi-cie de 3 ha, sera, à la mort de son fon-dateur, placée sous l’autorité religieuse de sa fille, Lalla Zineb et ce, jusqu’à en 1904. La zaouïa abrite les sanctuaires où reposent le saint homme et sa fille.

Moulin Ferrero

La zaouïa d’El-Hamel

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Supplément n° 39 - Septembre 2015.( 90 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

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Le moulin Ferrero

SSitué à 2 km de Bou Saâda, le moulin Ferrero a été fondé par Antoine Ferrero. Ce natif de Carona (province de Turin) où il a vu le jour en 1849, émigre en Algérie en 1867. Débarquant à Bejaïa, il y reste quelque temps, où il est employé dans plusieurs mi-noteries, avant de décider de partir s’installer à Bou Saâda. Là, il ouvre son propre mou-lin qui portera son nom. Quelques années plus tard, il acquiert un autre moulin, cette fois à M’sila dit le moulin des Rosiers. Alors qu’il se charge de la direction de ce dernier,

il confie le moulin de Bou Saâda à son frère Denys. Il est à noter que le moulin Ferrero a été érigé près d’une cascade car il avait un système de rotation hydraulique. Ce moulin, popularisé par les films américain et français Samsom et Dalila et D’homme à homme, tournés sur les lieux, est depuis, très prisé par les touristes qui viennent visiter Bou Saâda.

La vieille médina de Bousaâda

La vieille Médina qui a été érigée par Sidi-La vieille Médina qui a été érigée par Sidi-Slimane Ben Rabia El Fassi et Sidi-Tha-

L’Oued de Bou Saâda

Histoire d'une

ville

www.memoria.dzLA REVUE DE LA MÉMOIRE D'ALGÉRIE ( 91 )

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meur, aux alentours du XVe siècle a long-temps bravé les aléas du temps mais elle semble avoir perdu la bataille contre les pelleteuses des hommes. Heureusement, quelques maisons et quartiers, encore visibles aujourd’hui, semblent avoir vail-lamment résisté.

Située au nord, cette médina se carac-térise par ses ruelles en pente, épousant le relief du piton rocheux sur lequel elle a été érigée. Au sommet, se dresse majes-tueusement le minaret de la mosquée Sidi Brahim, entourée des vieilles maisons. La position géographique de cette cité avait fait d’elle, par le passé, un carrefour com-mercial vers lequel convergeaient tous les commerçants des régions environnantes qui venaient y faire des échanges com-merciaux de toutes sortes. C’est son côté pittoresque qui a attiré également des cinéastes qui sont venus y tourner des films dont le seul western jamais réalisé en Algérie, en l’occurrence Trois pisto-lets contre César (1966) d’Enzo Peri avec Moussa Haddad à la coréalisation.

Hassina AmrouniSources :

www.dtmsila-dz.com

Histoire d'une ville

Supplément n° 39 - Septembre 2015.( 92 )Groupe El-Djazaïr.com . MÉMORIA .

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La piscine de l’hôtel Kerdada