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Cabinet d’Avocats
LETTRE D’INFORMATION N°21
NOS ACTUALITES
Vincent Courcelle-Labrousse est intervenu le 10
octobre 2016 à l’Ecole Nationale de la Magistrature
lors de la session de formation continue des
magistrats consacrée à « la preuve pénale : évolutions,
controverses et perspectives » sur le thème de « la
procédure accusatoire devant les juridictions pénales
internationales ».
NOS ACTUALITES : DECLARATION
D’ILLEGALITE EN MATIERE DE
FISCALITE DU GAZ NATUREL
Par un arrêt du 5 octobre 2016 (req. n° 390679), le
Conseil d'Etat a annulé l'article 2 du décret du décret
n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 tel que modifié
par le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012, qui
concerne le champ d’application de la taxe intérieure
de consommation sur le gaz naturel.
Il avait été saisi en 2015 par deux fabricants
d’ammoniac français qui utilisent du gaz naturel, lequel
répond à un double usage : il sert à la fois de matière
première entrant dans la constitution de l’ammoniac et
de combustible.
La question se posait de savoir dans quelle mesure
ces sociétés pouvaient bénéficier de la mise « hors du
champ » d’application de la directive n° 2003/96/CE du
27 octobre 2003 qui prévoit que le « double usage »
des produits énergétiques ne relève pas de la
directive, et partant de la taxation des produits
énergétiques. Cette directive précise que « l’utilisation
de produits énergétiques pour la réduction chimique et
l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est
considérée comme un double usage. »
Même si les Etats membres restaient libres de taxer le
« double usage », la France avait transposé
littéralement l'article 2 de la directive dans les articles
265 C et 266 quinquies du Code des douanes fin 2007.
Le « double usage » ne devait donc pas être taxé en
cas de réduction chimique. Cependant, le décret
précité de 2012 avait apporté une définition indûment
restrictive du « double usage » dans celui de 2008,
pour ce qui concernait certains procédés de
« réduction chimique ». Une demande d’abrogation de
cette disposition avait été faite et implicitement
rejetée.
Le Conseil d'Etat annule la décision implicite de rejet et
considère que l'article 2 est illégal.
Après avoir rappelé que le législateur avait transposé
la directive sans chercher à taxer en tout ou partie le
gaz utilisé pour la « réduction chimique », le Conseil
d'Etat a jugé que « le pouvoir réglementaire n'était pas
compétent pour inclure dans le champ d’application de la
taxe intérieure de consommation les combustibles utilisés
dans des procédés de réduction chimique ne comportant
pas de réaction endothermique. Les dispositions de
l’article 2 du décret du 24 septembre 2008, dans leur
rédaction issue de l’article 2 du décret du 19 mars 2012,
sont ainsi entachées d’illégalité en tant qu'elles limitent les
procédés de réduction chimique aux seuls procédés
d’oxydoréduction comportant une réaction
endothermique. »
Cabinet d ’Avocats
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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
CENSURE L’AMENDE POUR NON
DECLARATION DE COMPTE OUVERT À
L’ETRANGER
Par une décision n°2016-554 QPC rendue le 22 juillet
2016, le Conseil constitutionnel a statué sur la légalité
de l’article 1649 A du Code général des impôts qui
impose aux personnes physiques, associations et
sociétés n'ayant pas la forme commerciale de déclarer,
en même temps que leurs résultats, les références des
comptes ouverts utilisés ou clos à l’étranger.
Cette obligation est réprimée par l’article 1736 du CGI
dont le § IV prévoit une amende de 1.500,00 € par
compte non déclaré (10.000,00 € lorsque l’Etat
détenteur du compte n’a pas conclu avec la France
une convention ou coopération).
Le second alinéa du § IV prévoyait depuis 2012 que si
les soldes étaient supérieurs à 50.000,00 €, l’amende
était égale à 5% du solde créditeur sans pouvoir être
inférieur aux montants de 1.500,00 € ou de 10.000,00
€ précités.
Le Conseil constitutionnel a, exceptionnellement,
relevé d’office le fait que les dispositions du deuxième
alinéa du § IV méconnaissaient le principe de
proportionnalité des peines (article 8 de la Déclaration
des Droits de l’Homme de 1789).
Le Conseil constitutionnel a constaté que cette
amende proportionnelle « est encourue même dans
l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont
pas été soustraites frauduleusement à l’impôt. » et en a
conclu que « en prévoyant une amende proportionnelle
pour un simple manquement à une obligation déclarative,
le législateur a instauré une sanction manifestement
disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu
réprimer. »
Le Conseil constitutionnel a également considéré que
sa décision devait s’appliquer immédiatement, ce qui
est de moins en moins fréquent, y compris aux affaires
n’ayant pas donné lieu à un jugement définitif ou pour
lesquelles une réclamation a été formée.
COUR DE CASSATION –
COMMISSIONNAIRES EN DOUANES
Par un arrêt du 6 septembre 2016 (pourvoi n°15
-12.281), la chambre commerciale de la Cour de
cassation a statué sur l’application de la
prescription contractuelle d’un an prévue par les
conditions générales de vente proposées par la
Fédération Transport et Logistique de France
(TLF) à ses adhérents commissionnaires en
douane depuis 2001. Ceux-ci peuvent les faire
entrer dans le champ contractuel de leurs
relations avec leurs mandants. Ces CGV
prévoient que le délai de prescription d’un an
(légalement applicable par ailleurs aux relations
de transports) couvre également les relations
entre les commissionnaires en douanes et les
importateurs.
La Cour de cassation a toutefois cassé un arrêt
de la Cour d’appel de Paris qui avait dit que
l’action était contractuellement prescrite dès lors
que l’importateur « était en relation d'affaires avec
la société X depuis 2002, qu'elle a expressément
accepté ses conditions générales de vente en lui
donnant mandat et qu'il résulte de leur accord
qu'elles ont entendu appliquer à leurs relations les
conditions générales de vente établies par la
Fédération » alors même « qu'il n'était pas contesté
que les conditions générales de vente établies par la
Fédération des entreprises de transport ne
figuraient ni sur le mandat ni sur les factures ».
La Cour de cassation rappelle ainsi sa
jurisprudence classique, selon laquelle « les
clauses dérogatoires au droit commun contenues
dans des conditions générales ne sont opposables
au cocontractant que si elles ont été portées à sa
connaissance et acceptées par lui. »
Bien plus singulier est un autre arrêt rendu le 6
septembre 2016 (pourvoi n°14-29.724) dans
une affaire qui opposait un commissionnaire à
l’éditeur de logiciel douanier CONEX. Le
commissionnaire avait dédouané la
marchandise sous une position tarifaire
emportant l’application de droits de douanes
plus élevés que ceux qui auraient pu être payés.
L’importateur s’en était aperçu et avait demandé
le remboursement des droits impayés. Il n’avait
eu que partiellement satisfaction et s’était donc
retourné auprès de son commissionnaire pour
être indemnisé à hauteur du surplus.
Le commissionnaire avait appelé en garantie la
société CONEX dès lors qu’il apparaissait que le
logiciel n’était pas à jour. En effet, un règlement
de classement déterminant pour ce produit
manquait dans la base de données CONEX. La
Cour d’appel de Rouen avait partagé la charge
de l’indemnisation par moitié en retenant une
responsabilité partagée du commissionnaire et
de CONEX.
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La Cour de cassation a validé l’arrêt de la Cour
d’appel de Rouen en considérant qu’elle avait
souverainement apprécié la proportion dans
laquelle le préjudice devait être réparti entre les
deux sociétés. C’est surtout sur le principe que
la décision est étonnante puisque même si la
Cour de cassation admet que « l'absence, dans la
base de données Conex, des informations de
classement apportées par le règlement de
classement du 22 juillet 2005 a induit en erreur la
société X et est en partie à l'origine du dommage
allégué », elle valide la très abstraite motivation
de la Cour d’appel de Rouen, à savoir que
« l'utilisation d'un outil informatique d'aide au
classement des marchandises ne dispensait pas la
société X, commissionnaire en douane, de son
devoir de prudence, que la société X devait, en
conséquence, avant les opérations douanières
concernées, procéder aux recherches et
vérifications nécessaires en vue d'effectuer des
déclarations conformes à la réglementation en
vigueur et qu'en ne procédant pas à ces
vérifications, elle a commis une faute qui est pour
partie à l'origine de son propre dommage ».
À l’heure où les processus deviennent de plus
en plus dématérialisés et que la charge de
gestion de systèmes informatiques de plus en
plus complexes et multiples accapare le temps
des professionnels du dédouanement, il est
tout même extrêmement singulier et très
critiquable de pénaliser un commissionnaire qui
s’est reposé sur la base de données payantes
éditées par un professionnel du suivi de la
règlementation communautaire.
S’il faut, avant chaque dédouanement, examiner
toute la règlementation au JOUE, en épluchant
chaque journal officiel depuis 1968 pour ne pas
engager sa responsabilité professionnelle, il est
certain que l’on ne voit pas à quoi cela peut
servir de continuer à payer des abonnements
de cette nature pour un prix élevé.
COUR DE CASSATION - PROCEDURE
CONTRADICTOIRE
Un arrêt du 18 octobre 2016 (15-10952) illustre la
jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour
de cassation concernant les conséquences du non-
respect d’une procédure contradictoire préalable en
matière de contributions indirectes.
La Douane française avait interrogé son homologue
britannique concernant l’apurement de titres de
transit de produits alcooliques (documents
commerciaux d’accompagnement encore sur papier)
et obtenu sa réponse en décembre 2009. La Cour
d'appel avait validé la procédure alors même que le
résultat des investigations britanniques n’avait été
présenté à l’entrepositaire agréé expéditeur français,
redevable des droits d'accises « que le 23 novembre
2010, soit le jour même de l'établissement du procès-
verbal de notification des infractions et deux jours avant
l'établissement de l'AMR ». L’arrêt est cassé au visa du
« principe du respect des droits de la défense ».
CJUE – ARRÊTS RECENTS SUR LE
CLASSEMENT TARIFAIRE
Dans un arrêt du 14 juillet 2016 Sprengen/
Pakweg Douanes BV (aff. C-97/15), la CJUE s’est
prononcée sur le classement tarifaire de
« screenplays » qui sont des appareils
permettant de stocker des fichiers multimédias
et les reproduire sur un téléviseur ou un
moniteur vidéo. Il s’agit de disques durs
connectés avec des câbles, d’abord à un
ordinateur pour charger un programme, puis à
la télévision pour le décoder et le lire. Aux yeux
des autorités néerlandaises, ces appareils
étaient des « appareils de reproduction
vidéophonique » relevant de la position 8521 90
00 passible d’un taux de 13,9% de droits de
douanes. Selon Sprengen, il s’agissait d’une
unité de mémoire à disque dur relevant de la
position 8471 70 50 exonérée de droits.
La Cour de justice a suivi la position de
l’administration néerlandaise et statué au
regard de la note 3 de la section XVI de la
nomenclature combinée (« les combinaisons de
machines différentes destinées à fonctionner
ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi
que les machines conçues pour assurer deux ou
plusieurs fonctions différentes, alternatives ou
complémentaires, sont classées suivant la fonction
principale qui caractérise l’ensemble. »).
La Cour a retenu une application large de la
position 8521 concernant les appareils de
reproduction vidéophonique, alors la société
Sprengen faisait valoir qu’une note explicative
du système harmonisé (NESH), relative à cette
position 8521, n’y classait que les appareils
« uniquement » destinés à reproduire
directement les images et le son sur le
récepteur de télévision. Apparemment, ces
appareils avaient d’autres fonctions.
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La CJUE s’est toutefois livrée à une interprétation
de cette NESH, puis a écarté la portée restrictive
que l’importateur lui prêtait.
La CJUE a jugé également que la note 5 E du
chapitre 84 de la nomenclature combinée ne
peut pas conduire à inclure ces appareils dans la
position 8471 aux motifs que
ces « screenplays » exercent « une fonction propre
autre que le traitement de l’information au sens de
cette note 5 E ». Aux yeux de la Cour, la
reproduction d’image et de son sur un écran de
télévision caractérise une fonction qui ne saurait
« être regardée comme une fonction de traitement de
l’information au sens de la position 8471 de la
NC. » (point 45).
Par un arrêt du 8 septembre 2016 Schenker (aff.
C-409/14) la CJUE a statué sur les très
intéressants problèmes d’articulation qui peuvent
exister entre les procédures douanières
suspensives et le régime de circulation des
produits soumis à accises qui reposent
également sur une procédure suspensive de ces
droits de consommation.
Les faits portaient sur une importation de tabac
qui avait été placé sous document de transit
externe T1 lors de son entrée en Slovénie puis en
entrepôt en Hongrie dans l’attente d’une
réexportation en Ukraine. L’Administration des
douanes hongroise avait contrôlé la marchandise
et considéré que la nomenclature indiquée sur
les documents à savoir la position SH 2401
(produit non soumis à accise) était inexacte et
retenait la position 2403 (tabac soumis à accises).
Elle en déduisait que ce produit avait été introduit
illégalement en Hongrie au regard du régime
général des accises. La question se posait donc
de savoir si la procédure douanière qui avait été
suivie pouvait être considérée comme suspensive
également au regard de la législation sur les
accises, faute de quoi les droits d'accises hongrois
étaient dus.
La CJUE a d’abord considéré, qu’il s’agissait d’un
tabac qui était suffisamment travaillé pour relever
de la position 2403 10 90 de la nomenclature
combinée.
La question devenait donc cruciale sur le point de
savoir si l’on devait considérer que cette
marchandise incorrectement déclarée au regard
de sa position tarifaire devait être considérée
comme ayant été introduite irrégulièrement au
sens de l’article 202 du Code des douanes
communautaire – CDC (fait générateur de droits
de douane et, corrélativement, de droits
d'accises). Si tel était le cas, elle était en
irrégularité concernant les droits de douane et
d’accises.
Après avoir rappelé longuement sa jurisprudence
Papismedov concernant l'article 202 (aff. C-195/03,
arrêt 3 mars 2005), la Cour de justice a considéré
qu’il n’y a eu, contrairement à cette précédente
affaire, aucune introduction irrégulière générant
une dette douanière dès lors que
« la marchandise a été déclarée sous une
dénomination correcte, seule la sous‑position
tarifaire étant erronée, et la marchandise a été
correctement identifiée quant à son type, à sa
quantité et à son conditionnement. » (point 107).
Même si l’on pouvait ainsi admettre que la
marchandise avait ainsi été correctement
présentée en douane, une ultime question se
posait sur le point de savoir si son placement
sous le régime du T1 était valable, cette fois au
regard de l’article 204 du CDC. Certains
manquements sont considérés comme étant
restés sans conséquence réelles sur le
fonctionnement du régime douanier considéré.
Leur liste, dont la Cour a souvent rappelé le
caractère exhaustif, a été fixée par l'article 859
des DAC pris pour l’application de l'article 204 du
CDC. La Cour n’a pas statué sur ce point,
renvoyant le juge à l’examen desdites conditions
(point 117).
Enfin, interrogée sur le point de savoir si on devait
considérer qu’il pouvait exister une « irrégularité »
au sens de l’article 38 de la directive n°2008/118/
CE du 16 décembre 2008 qui régit les
mouvements des produits soumis à accises et,
partant, les cas de naissance de dettes de droits
d’accises au profit de l’Etat membre où la mise à
la consommation a lieu, la CJUE répond par la
négative, dès lors que « les marchandises en cause
au principal n’ont pas été mises à la consommation
en Slovénie étant donné qu’elles ont été placées sous
une « procédure douanière suspensive ou un régime
douanier suspensif », au sens de l’article 4, point 6,
de la directive 2008/118, et, d’autre part, elles n’ont
pas fait l’objet d’une détention commerciale en
Hongrie pour y être livrées ou utilisées, mais sont
destinées à être réexportées vers l’Ukraine. »
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Par un arrêt du 22 septembre 2016 Kawasaki
Motors Europe (aff. C-91/15), la Cour de justice
s’est prononcée sur le classement tarifaire de
tracteurs et plus particulièrement de la validité
d’un règlement n°1051/2009 du 3 novembre
2009 qui avait procédé au classement de petits
tracteurs servant à des travaux forestiers dans
des terrains difficiles, l’un des deux tracteurs
étant équipé d’un treuil. Il s’agit d’un litige ancien
entre la société Kawasaki et l’administration
néerlandaise qui a déjà donné lieu à un arrêt du
27 avril 2006 de la Cour de justice (C-15/05).
La Cour de justice a invalidé le règlement de
classement dès lors qu’il n’était pas conforme à la
solution qu’elle avait arrêtée dans le cadre de son
arrêt Kawasaki de 2006. Le point 2 de l’annexe du
règlement n°1051/2009 a donc été considéré
comme étant invalide « en tant qu’il opère le
classement du véhicule qui y est décrit dans la
position 8701 90 90 de la NC, et non dans celle des
positions 8701 90 11 à 8701 90 39 de la NC qui
correspond à la puissance du moteur de ce
véhicule. »
LES AUTRES ARRÊTS DE LA CJUE EN
MATIERE DOUANIERE
Dans un arrêt du 21 juillet 2016 Argos Supply
Trading BV (aff. C-4/15), la CJUE a statué sur le
régime économique du perfectionnement passif
et plus particulièrement des « conditions
économiques » devant être remplies pour pouvoir
obtenir une autorisation.
La société néerlandaise Argos avait demandé le
bénéfice d’une autorisation de recourir au régime
de perfectionnement passif concernant de
l’essence d’origine communautaire destinée à
être exportée afin d’être incorporée à du
bioéthanol provenant d’un Etat tiers ; celui-ci était
stocké en entrepôt douanier dans l’UE. Argos
entendait procéder audit mélange en haute mer
dans un navire transportant à la fois l’essence et
le bioéthanol originaire du pays tiers, tous deux
étant versés au départ dans des citernes
séparées par des cloisons étanches.
Il était prévu que le navire quitte les eaux
territoriales de l’UE et que ces cloisons soient
alors ouvertes de façon à ce que le mélange
intervienne, « l’effet des vagues stimulant ce
processus » précise la Cour, avant que le navire ne
revienne aux Pays-Bas.
Ce procédé extrêmement astucieux –trop sans
doute– a semble-t-il plongé la Douane
néerlandaise dans la perplexité dès lors qu’elle a
saisi la Commission européenne sur le point de
savoir si les « conditions économiques » pour le
recours à ces autorisations étaient remplies. Le
comité du Code des douanes avait, fait rare,
rendu un avis négatif en considérant que la
réimportation du mélange ainsi obtenu
(dénommé « E85 », 85% de bioéthanol et 15%
d’essence) aurait été en concurrence directe avec
le bioéthanol communautaire, au moment même
où « selon la Commission l’industrie communautaire
du bioéthanol ferait face à une situation de
surcapacité » (point 21).
La question préjudicielle, qui portait sur l’article
148 c) du CDC est intéressante dès lors que,
comme le résume la Cour « par sa question, la
juridiction de renvoi demande, en substance, si
l’article 148, sous c), du code des douanes doit être
interprété en ce sens que, dans le cadre d’une
demande d’autorisation de recourir au régime du
perfectionnement passif, afin d’apprécier si les
conditions économiques auxquelles est subordonné
le recours à ce régime sont remplies, il y a lieu de
tenir compte non seulement des intérêts essentiels
des producteurs communautaires des produits
analogues au produit fini qui résulterait des
opérations de perfectionnement envisagées, mais
également de ceux des producteurs communautaires
des produits analogues aux matières premières ou
aux produits semi-finis non communautaires
destinés à être incorporés aux marchandises
communautaires d’exportation temporaire au cours
de ces opérations. »
La Cour a constaté que si la société Argos avait
importé le bioéthanol elle aurait payé 40% de
droits de douane au total, alors que le « produit
compensateur » qu’elle entendait réimporter à la
suite du perfectionnement passif n’aurait été
imposé qu’à hauteur de 6,5%. Elle a considéré
qu’une telle opération n’était pas conforme aux
intérêts des opérateurs économiques, en ce
compris les producteurs des matières premières
similaires, et, partant, ne pouvait pas être
autorisée.
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La Cour de justice a donc dit pour droit qu’il
résulte de l’article 148 c) du CDC que « afin
d’apprécier si les conditions économiques auxquelles
est subordonné le recours à ce régime sont remplies,
il y a lieu de tenir compte non seulement des intérêts
essentiels des producteurs communautaires des
produits analogues au produit fini qui résulterait des
opérations de perfectionnement envisagées, mais
également de ceux des producteurs communautaires
des produits analogues aux matières premières ou
aux produits semi-finis non communautaires
destinés à être incorporés aux marchandises
communautaires d’exportation temporaire au cours
de ces opérations. »
Cette décision de la CJUE est instructive, dès lors
qu’elle dénote une approche globale d’un circuit
économique et non pas simplement au stade
d’une transformation particulière. En prenant en
compte les matières premières, la CJUE permet
d’éviter une opération à la limite de l’abus de droit
qui se serait avérée préjudiciable à l’industrie UE.
Par un arrêt du 28 juillet 2016 rendu dans une
affaire Robert Fuchs AG (aff. C-80/15) la CJUE a
examiné la portée du régime de l’admission
temporaire des moyens de transport à usage
commercial, au regard de l’article 555 des
Dispositions d'Application du Code des douanes
communautaire.
La société Robert Fuchs, une société suisse,
proposait des vols de formation et
d’entrainement sur hélicoptère. Elle avait obtenu
l’autorisation d’admission temporaire de ses
hélicoptères en Allemagne en 2009. Toutefois, en
2010 l’administration allemande avait considéré
qu’il s’agissait d’un usage commercial qui
méconnaitrait les conditions d’admission
temporaire en exonération totale des droits à
l’importation prévues à l’article 558 des DAC. C’est
donc l’article 555 qui s’appliquait selon elle au
motif que des personnes avaient été acheminées
à titre onéreux au cours des vols de formation,
alors même qu’il semblait, comme le relève la
CJUE au point 25 que « les sommes versées par les
élèves pilotes [l’avaient] été en compagnie de leur
formation et non de leur acheminement. »
La Cour de justice a jugé qu’il n’existait aucun
usage commercial au sens d’un transport pour un
acheminement des personnes. Selon elle, dès lors
que « les moyens de transport sont utilisés à des fins
de formation, le transport de personnes, à supposer
qu’il ait eu lieu, n’est que le corollaire de l’activité de
formation qui, en tant qu’objet principal du contrat,
est la prestation de services en contrepartie de
laquelle les élèves-pilotes ont versé une
rémunération. »
Dans un arrêt du 21 septembre 2016
Etablissement FR. Colruyt (aff. C-221/15), la CJUE a
rejeté l’argumentation d’un distributeur belge qui
entendait vendre des tabacs manufacturés à un
prix inférieur à celui figurant sur le timbre fiscal.
La Cour a écarté cette tentative au regard de
l’article 15 § 1 de la directive 2011/64/UE du 21
juin 2011 concernant la structure et les taux des
accises applicables aux tabacs manufacturés,
l’article 34 du TFUE (libre circulation des
marchandises) et de l’article 101 du TFUE (entrave
à la concurrence). La Cour de justice a
notamment considéré que le prix apposé sur le
timbre fiscal résulte d’un équilibre obtenu entre
d’un côté la prise en compte des droits d’accises,
la nécessité pour l’importateur de fixer librement
le prix auquel il souhaite vendre la marchandise
et les exigences de santé publique.
Dès lors que le prix ainsi fixé dans un Etat
s’applique pour tous les produits, qu’ils soient
originaires de l’Etat en question ou d’un autre Etat
membre, ce procédé n’a pas été considéré
comme étant discriminatoire.
Stéphane Le Roy
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