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Cabinet dAvocats LETTRE D INFORMATION N°21 NOS ACTUALITES Vincent Courcelle-Labrousse est intervenu le 10 octobre 2016 à l Ecole Nationale de la Magistrature lors de la session de formation continue des magistrats consacrée à « la preuve pénale : évolutions, controverses et perspectives » sur le thème de « la procédure accusatoire devant les juridictions pénales internationales ». NOS ACTUALITES : DECLARATION DILLEGALITE EN MATIERE DE FISCALITE DU GAZ NATUREL Par un arrêt du 5 octobre 2016 (req. n° 390679), le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 du décret du décret n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 tel que modifié par le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012, qui concerne le champ dapplication de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel. Il avait été saisi en 2015 par deux fabricants dammoniac français qui utilisent du gaz naturel, lequel répond à un double usage : il sert à la fois de matière première entrant dans la constitution de l ammoniac et de combustible. La question se posait de savoir dans quelle mesure ces sociétés pouvaient bénéficier de la mise « hors du champ » dapplication de la directive n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 qui prévoit que le « double usage » des produits énergétiques ne relève pas de la directive, et partant de la taxation des produits énergétiques. Cette directive précise que « lutilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage. » Même si les Etats membres restaient libres de taxer le « double usage », la France avait transposé littéralement l'article 2 de la directive dans les articles 265 C et 266 quinquies du Code des douanes fin 2007. Le « double usage » ne devait donc pas être taxé en cas de réduction chimique. Cependant, le décret précité de 2012 avait apporté une définition indûment restrictive du « double usage » dans celui de 2008, pour ce qui concernait certains procédés de « réduction chimique ». Une demande dabrogation de cette disposition avait été faite et implicitement rejetée. Le Conseil d'Etat annule la décision implicite de rejet et considère que l'article 2 est illégal. Après avoir rappelé que le législateur avait transposé la directive sans chercher à taxer en tout ou partie le gaz utilisé pour la « réduction chimique », le Conseil d'Etat a jugé que « le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour inclure dans le champ dapplication de la taxe intérieure de consommation les combustibles utilisés dans des procédés de réduction chimique ne comportant pas de réaction endothermique. Les dispositions de larticle 2 du décret du 24 septembre 2008, dans leur rédaction issue de larticle 2 du décret du 19 mars 2012, sont ainsi entachées dillégalité en tant qu'elles limitent les procédés de réduction chimique aux seuls procédés doxydoréduction comportant une réaction endothermique. » Cabinet d Avocats SEPTEMBRE—OCTOBRE 2016 Godin Associés 69 rue de Richelieu 75002 PARIS - +33 (0)1 44 55 38 83 www.godinassocies.com[email protected]

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Cabinet d’Avocats

LETTRE D’INFORMATION N°21

NOS ACTUALITES

Vincent Courcelle-Labrousse est intervenu le 10

octobre 2016 à l’Ecole Nationale de la Magistrature

lors de la session de formation continue des

magistrats consacrée à « la preuve pénale : évolutions,

controverses et perspectives » sur le thème de « la

procédure accusatoire devant les juridictions pénales

internationales ».

NOS ACTUALITES : DECLARATION

D’ILLEGALITE EN MATIERE DE

FISCALITE DU GAZ NATUREL

Par un arrêt du 5 octobre 2016 (req. n° 390679), le

Conseil d'Etat a annulé l'article 2 du décret du décret

n° 2008-1001 du 24 septembre 2008 tel que modifié

par le décret n° 2012-382 du 19 mars 2012, qui

concerne le champ d’application de la taxe intérieure

de consommation sur le gaz naturel.

Il avait été saisi en 2015 par deux fabricants

d’ammoniac français qui utilisent du gaz naturel, lequel

répond à un double usage : il sert à la fois de matière

première entrant dans la constitution de l’ammoniac et

de combustible.

La question se posait de savoir dans quelle mesure

ces sociétés pouvaient bénéficier de la mise « hors du

champ » d’application de la directive n° 2003/96/CE du

27 octobre 2003 qui prévoit que le « double usage »

des produits énergétiques ne relève pas de la

directive, et partant de la taxation des produits

énergétiques. Cette directive précise que « l’utilisation

de produits énergétiques pour la réduction chimique et

l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est

considérée comme un double usage. »

Même si les Etats membres restaient libres de taxer le

« double usage », la France avait transposé

littéralement l'article 2 de la directive dans les articles

265 C et 266 quinquies du Code des douanes fin 2007.

Le « double usage » ne devait donc pas être taxé en

cas de réduction chimique. Cependant, le décret

précité de 2012 avait apporté une définition indûment

restrictive du « double usage » dans celui de 2008,

pour ce qui concernait certains procédés de

« réduction chimique ». Une demande d’abrogation de

cette disposition avait été faite et implicitement

rejetée.

Le Conseil d'Etat annule la décision implicite de rejet et

considère que l'article 2 est illégal.

Après avoir rappelé que le législateur avait transposé

la directive sans chercher à taxer en tout ou partie le

gaz utilisé pour la « réduction chimique », le Conseil

d'Etat a jugé que « le pouvoir réglementaire n'était pas

compétent pour inclure dans le champ d’application de la

taxe intérieure de consommation les combustibles utilisés

dans des procédés de réduction chimique ne comportant

pas de réaction endothermique. Les dispositions de

l’article 2 du décret du 24 septembre 2008, dans leur

rédaction issue de l’article 2 du décret du 19 mars 2012,

sont ainsi entachées d’illégalité en tant qu'elles limitent les

procédés de réduction chimique aux seuls procédés

d’oxydoréduction comportant une réaction

endothermique. »

Cabinet d ’Avocats

SEPT EMBRE —OCT OBRE 2016

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LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

CENSURE L’AMENDE POUR NON

DECLARATION DE COMPTE OUVERT À

L’ETRANGER

Par une décision n°2016-554 QPC rendue le 22 juillet

2016, le Conseil constitutionnel a statué sur la légalité

de l’article 1649 A du Code général des impôts qui

impose aux personnes physiques, associations et

sociétés n'ayant pas la forme commerciale de déclarer,

en même temps que leurs résultats, les références des

comptes ouverts utilisés ou clos à l’étranger.

Cette obligation est réprimée par l’article 1736 du CGI

dont le § IV prévoit une amende de 1.500,00 € par

compte non déclaré (10.000,00 € lorsque l’Etat

détenteur du compte n’a pas conclu avec la France

une convention ou coopération).

Le second alinéa du § IV prévoyait depuis 2012 que si

les soldes étaient supérieurs à 50.000,00 €, l’amende

était égale à 5% du solde créditeur sans pouvoir être

inférieur aux montants de 1.500,00 € ou de 10.000,00

€ précités.

Le Conseil constitutionnel a, exceptionnellement,

relevé d’office le fait que les dispositions du deuxième

alinéa du § IV méconnaissaient le principe de

proportionnalité des peines (article 8 de la Déclaration

des Droits de l’Homme de 1789).

Le Conseil constitutionnel a constaté que cette

amende proportionnelle « est encourue même dans

l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont

pas été soustraites frauduleusement à l’impôt. » et en a

conclu que « en prévoyant une amende proportionnelle

pour un simple manquement à une obligation déclarative,

le législateur a instauré une sanction manifestement

disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu

réprimer. »

Le Conseil constitutionnel a également considéré que

sa décision devait s’appliquer immédiatement, ce qui

est de moins en moins fréquent, y compris aux affaires

n’ayant pas donné lieu à un jugement définitif ou pour

lesquelles une réclamation a été formée.

COUR DE CASSATION –

COMMISSIONNAIRES EN DOUANES

Par un arrêt du 6 septembre 2016 (pourvoi n°15

-12.281), la chambre commerciale de la Cour de

cassation a statué sur l’application de la

prescription contractuelle d’un an prévue par les

conditions générales de vente proposées par la

Fédération Transport et Logistique de France

(TLF) à ses adhérents commissionnaires en

douane depuis 2001. Ceux-ci peuvent les faire

entrer dans le champ contractuel de leurs

relations avec leurs mandants. Ces CGV

prévoient que le délai de prescription d’un an

(légalement applicable par ailleurs aux relations

de transports) couvre également les relations

entre les commissionnaires en douanes et les

importateurs.

La Cour de cassation a toutefois cassé un arrêt

de la Cour d’appel de Paris qui avait dit que

l’action était contractuellement prescrite dès lors

que l’importateur « était en relation d'affaires avec

la société X depuis 2002, qu'elle a expressément

accepté ses conditions générales de vente en lui

donnant mandat et qu'il résulte de leur accord

qu'elles ont entendu appliquer à leurs relations les

conditions générales de vente établies par la

Fédération » alors même « qu'il n'était pas contesté

que les conditions générales de vente établies par la

Fédération des entreprises de transport ne

figuraient ni sur le mandat ni sur les factures ».

La Cour de cassation rappelle ainsi sa

jurisprudence classique, selon laquelle « les

clauses dérogatoires au droit commun contenues

dans des conditions générales ne sont opposables

au cocontractant que si elles ont été portées à sa

connaissance et acceptées par lui. »

Bien plus singulier est un autre arrêt rendu le 6

septembre 2016 (pourvoi n°14-29.724) dans

une affaire qui opposait un commissionnaire à

l’éditeur de logiciel douanier CONEX. Le

commissionnaire avait dédouané la

marchandise sous une position tarifaire

emportant l’application de droits de douanes

plus élevés que ceux qui auraient pu être payés.

L’importateur s’en était aperçu et avait demandé

le remboursement des droits impayés. Il n’avait

eu que partiellement satisfaction et s’était donc

retourné auprès de son commissionnaire pour

être indemnisé à hauteur du surplus.

Le commissionnaire avait appelé en garantie la

société CONEX dès lors qu’il apparaissait que le

logiciel n’était pas à jour. En effet, un règlement

de classement déterminant pour ce produit

manquait dans la base de données CONEX. La

Cour d’appel de Rouen avait partagé la charge

de l’indemnisation par moitié en retenant une

responsabilité partagée du commissionnaire et

de CONEX.

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La Cour de cassation a validé l’arrêt de la Cour

d’appel de Rouen en considérant qu’elle avait

souverainement apprécié la proportion dans

laquelle le préjudice devait être réparti entre les

deux sociétés. C’est surtout sur le principe que

la décision est étonnante puisque même si la

Cour de cassation admet que « l'absence, dans la

base de données Conex, des informations de

classement apportées par le règlement de

classement du 22 juillet 2005 a induit en erreur la

société X et est en partie à l'origine du dommage

allégué », elle valide la très abstraite motivation

de la Cour d’appel de Rouen, à savoir que

« l'utilisation d'un outil informatique d'aide au

classement des marchandises ne dispensait pas la

société X, commissionnaire en douane, de son

devoir de prudence, que la société X devait, en

conséquence, avant les opérations douanières

concernées, procéder aux recherches et

vérifications nécessaires en vue d'effectuer des

déclarations conformes à la réglementation en

vigueur et qu'en ne procédant pas à ces

vérifications, elle a commis une faute qui est pour

partie à l'origine de son propre dommage ».

À l’heure où les processus deviennent de plus

en plus dématérialisés et que la charge de

gestion de systèmes informatiques de plus en

plus complexes et multiples accapare le temps

des professionnels du dédouanement, il est

tout même extrêmement singulier et très

critiquable de pénaliser un commissionnaire qui

s’est reposé sur la base de données payantes

éditées par un professionnel du suivi de la

règlementation communautaire.

S’il faut, avant chaque dédouanement, examiner

toute la règlementation au JOUE, en épluchant

chaque journal officiel depuis 1968 pour ne pas

engager sa responsabilité professionnelle, il est

certain que l’on ne voit pas à quoi cela peut

servir de continuer à payer des abonnements

de cette nature pour un prix élevé.

COUR DE CASSATION - PROCEDURE

CONTRADICTOIRE

Un arrêt du 18 octobre 2016 (15-10952) illustre la

jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour

de cassation concernant les conséquences du non-

respect d’une procédure contradictoire préalable en

matière de contributions indirectes.

La Douane française avait interrogé son homologue

britannique concernant l’apurement de titres de

transit de produits alcooliques (documents

commerciaux d’accompagnement encore sur papier)

et obtenu sa réponse en décembre 2009. La Cour

d'appel avait validé la procédure alors même que le

résultat des investigations britanniques n’avait été

présenté à l’entrepositaire agréé expéditeur français,

redevable des droits d'accises « que le 23 novembre

2010, soit le jour même de l'établissement du procès-

verbal de notification des infractions et deux jours avant

l'établissement de l'AMR ». L’arrêt est cassé au visa du

« principe du respect des droits de la défense ».

CJUE – ARRÊTS RECENTS SUR LE

CLASSEMENT TARIFAIRE

Dans un arrêt du 14 juillet 2016 Sprengen/

Pakweg Douanes BV (aff. C-97/15), la CJUE s’est

prononcée sur le classement tarifaire de

« screenplays » qui sont des appareils

permettant de stocker des fichiers multimédias

et les reproduire sur un téléviseur ou un

moniteur vidéo. Il s’agit de disques durs

connectés avec des câbles, d’abord à un

ordinateur pour charger un programme, puis à

la télévision pour le décoder et le lire. Aux yeux

des autorités néerlandaises, ces appareils

étaient des « appareils de reproduction

vidéophonique » relevant de la position 8521 90

00 passible d’un taux de 13,9% de droits de

douanes. Selon Sprengen, il s’agissait d’une

unité de mémoire à disque dur relevant de la

position 8471 70 50 exonérée de droits.

La Cour de justice a suivi la position de

l’administration néerlandaise et statué au

regard de la note 3 de la section XVI de la

nomenclature combinée (« les combinaisons de

machines différentes destinées à fonctionner

ensemble et ne constituant qu’un seul corps, ainsi

que les machines conçues pour assurer deux ou

plusieurs fonctions différentes, alternatives ou

complémentaires, sont classées suivant la fonction

principale qui caractérise l’ensemble. »).

La Cour a retenu une application large de la

position 8521 concernant les appareils de

reproduction vidéophonique, alors la société

Sprengen faisait valoir qu’une note explicative

du système harmonisé (NESH), relative à cette

position 8521, n’y classait que les appareils

« uniquement » destinés à reproduire

directement les images et le son sur le

récepteur de télévision. Apparemment, ces

appareils avaient d’autres fonctions.

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La CJUE s’est toutefois livrée à une interprétation

de cette NESH, puis a écarté la portée restrictive

que l’importateur lui prêtait.

La CJUE a jugé également que la note 5 E du

chapitre 84 de la nomenclature combinée ne

peut pas conduire à inclure ces appareils dans la

position 8471 aux motifs que

ces « screenplays » exercent « une fonction propre

autre que le traitement de l’information au sens de

cette note 5 E ». Aux yeux de la Cour, la

reproduction d’image et de son sur un écran de

télévision caractérise une fonction qui ne saurait

« être regardée comme une fonction de traitement de

l’information au sens de la position 8471 de la

NC. » (point 45).

Par un arrêt du 8 septembre 2016 Schenker (aff.

C-409/14) la CJUE a statué sur les très

intéressants problèmes d’articulation qui peuvent

exister entre les procédures douanières

suspensives et le régime de circulation des

produits soumis à accises qui reposent

également sur une procédure suspensive de ces

droits de consommation.

Les faits portaient sur une importation de tabac

qui avait été placé sous document de transit

externe T1 lors de son entrée en Slovénie puis en

entrepôt en Hongrie dans l’attente d’une

réexportation en Ukraine. L’Administration des

douanes hongroise avait contrôlé la marchandise

et considéré que la nomenclature indiquée sur

les documents à savoir la position SH 2401

(produit non soumis à accise) était inexacte et

retenait la position 2403 (tabac soumis à accises).

Elle en déduisait que ce produit avait été introduit

illégalement en Hongrie au regard du régime

général des accises. La question se posait donc

de savoir si la procédure douanière qui avait été

suivie pouvait être considérée comme suspensive

également au regard de la législation sur les

accises, faute de quoi les droits d'accises hongrois

étaient dus.

La CJUE a d’abord considéré, qu’il s’agissait d’un

tabac qui était suffisamment travaillé pour relever

de la position 2403 10 90 de la nomenclature

combinée.

La question devenait donc cruciale sur le point de

savoir si l’on devait considérer que cette

marchandise incorrectement déclarée au regard

de sa position tarifaire devait être considérée

comme ayant été introduite irrégulièrement au

sens de l’article 202 du Code des douanes

communautaire – CDC (fait générateur de droits

de douane et, corrélativement, de droits

d'accises). Si tel était le cas, elle était en

irrégularité concernant les droits de douane et

d’accises.

Après avoir rappelé longuement sa jurisprudence

Papismedov concernant l'article 202 (aff. C-195/03,

arrêt 3 mars 2005), la Cour de justice a considéré

qu’il n’y a eu, contrairement à cette précédente

affaire, aucune introduction irrégulière générant

une dette douanière dès lors que

« la marchandise a été déclarée sous une

dénomination correcte, seule la sous‑position

tarifaire étant erronée, et la marchandise a été

correctement identifiée quant à son type, à sa

quantité et à son conditionnement. » (point 107).

Même si l’on pouvait ainsi admettre que la

marchandise avait ainsi été correctement

présentée en douane, une ultime question se

posait sur le point de savoir si son placement

sous le régime du T1 était valable, cette fois au

regard de l’article 204 du CDC. Certains

manquements sont considérés comme étant

restés sans conséquence réelles sur le

fonctionnement du régime douanier considéré.

Leur liste, dont la Cour a souvent rappelé le

caractère exhaustif, a été fixée par l'article 859

des DAC pris pour l’application de l'article 204 du

CDC. La Cour n’a pas statué sur ce point,

renvoyant le juge à l’examen desdites conditions

(point 117).

Enfin, interrogée sur le point de savoir si on devait

considérer qu’il pouvait exister une « irrégularité »

au sens de l’article 38 de la directive n°2008/118/

CE du 16 décembre 2008 qui régit les

mouvements des produits soumis à accises et,

partant, les cas de naissance de dettes de droits

d’accises au profit de l’Etat membre où la mise à

la consommation a lieu, la CJUE répond par la

négative, dès lors que « les marchandises en cause

au principal n’ont pas été mises à la consommation

en Slovénie étant donné qu’elles ont été placées sous

une « procédure douanière suspensive ou un régime

douanier suspensif », au sens de l’article 4, point 6,

de la directive 2008/118, et, d’autre part, elles n’ont

pas fait l’objet d’une détention commerciale en

Hongrie pour y être livrées ou utilisées, mais sont

destinées à être réexportées vers l’Ukraine. »

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Par un arrêt du 22 septembre 2016 Kawasaki

Motors Europe (aff. C-91/15), la Cour de justice

s’est prononcée sur le classement tarifaire de

tracteurs et plus particulièrement de la validité

d’un règlement n°1051/2009 du 3 novembre

2009 qui avait procédé au classement de petits

tracteurs servant à des travaux forestiers dans

des terrains difficiles, l’un des deux tracteurs

étant équipé d’un treuil. Il s’agit d’un litige ancien

entre la société Kawasaki et l’administration

néerlandaise qui a déjà donné lieu à un arrêt du

27 avril 2006 de la Cour de justice (C-15/05).

La Cour de justice a invalidé le règlement de

classement dès lors qu’il n’était pas conforme à la

solution qu’elle avait arrêtée dans le cadre de son

arrêt Kawasaki de 2006. Le point 2 de l’annexe du

règlement n°1051/2009 a donc été considéré

comme étant invalide « en tant qu’il opère le

classement du véhicule qui y est décrit dans la

position 8701 90 90 de la NC, et non dans celle des

positions 8701 90 11 à 8701 90 39 de la NC qui

correspond à la puissance du moteur de ce

véhicule. »

LES AUTRES ARRÊTS DE LA CJUE EN

MATIERE DOUANIERE

Dans un arrêt du 21 juillet 2016 Argos Supply

Trading BV (aff. C-4/15), la CJUE a statué sur le

régime économique du perfectionnement passif

et plus particulièrement des « conditions

économiques » devant être remplies pour pouvoir

obtenir une autorisation.

La société néerlandaise Argos avait demandé le

bénéfice d’une autorisation de recourir au régime

de perfectionnement passif concernant de

l’essence d’origine communautaire destinée à

être exportée afin d’être incorporée à du

bioéthanol provenant d’un Etat tiers ; celui-ci était

stocké en entrepôt douanier dans l’UE. Argos

entendait procéder audit mélange en haute mer

dans un navire transportant à la fois l’essence et

le bioéthanol originaire du pays tiers, tous deux

étant versés au départ dans des citernes

séparées par des cloisons étanches.

Il était prévu que le navire quitte les eaux

territoriales de l’UE et que ces cloisons soient

alors ouvertes de façon à ce que le mélange

intervienne, « l’effet des vagues stimulant ce

processus » précise la Cour, avant que le navire ne

revienne aux Pays-Bas.

Ce procédé extrêmement astucieux –trop sans

doute– a semble-t-il plongé la Douane

néerlandaise dans la perplexité dès lors qu’elle a

saisi la Commission européenne sur le point de

savoir si les « conditions économiques » pour le

recours à ces autorisations étaient remplies. Le

comité du Code des douanes avait, fait rare,

rendu un avis négatif en considérant que la

réimportation du mélange ainsi obtenu

(dénommé « E85 », 85% de bioéthanol et 15%

d’essence) aurait été en concurrence directe avec

le bioéthanol communautaire, au moment même

où « selon la Commission l’industrie communautaire

du bioéthanol ferait face à une situation de

surcapacité » (point 21).

La question préjudicielle, qui portait sur l’article

148 c) du CDC est intéressante dès lors que,

comme le résume la Cour « par sa question, la

juridiction de renvoi demande, en substance, si

l’article 148, sous c), du code des douanes doit être

interprété en ce sens que, dans le cadre d’une

demande d’autorisation de recourir au régime du

perfectionnement passif, afin d’apprécier si les

conditions économiques auxquelles est subordonné

le recours à ce régime sont remplies, il y a lieu de

tenir compte non seulement des intérêts essentiels

des producteurs communautaires des produits

analogues au produit fini qui résulterait des

opérations de perfectionnement envisagées, mais

également de ceux des producteurs communautaires

des produits analogues aux matières premières ou

aux produits semi-finis non communautaires

destinés à être incorporés aux marchandises

communautaires d’exportation temporaire au cours

de ces opérations. »

La Cour a constaté que si la société Argos avait

importé le bioéthanol elle aurait payé 40% de

droits de douane au total, alors que le « produit

compensateur » qu’elle entendait réimporter à la

suite du perfectionnement passif n’aurait été

imposé qu’à hauteur de 6,5%. Elle a considéré

qu’une telle opération n’était pas conforme aux

intérêts des opérateurs économiques, en ce

compris les producteurs des matières premières

similaires, et, partant, ne pouvait pas être

autorisée.

SEPT EMBRE —OCT OBRE 2016

Godin Associés 69 rue de Richelieu 75002 PARIS - +33 (0)1 44 55 38 83 www.godinassocies.com— [email protected]

La Cour de justice a donc dit pour droit qu’il

résulte de l’article 148 c) du CDC que « afin

d’apprécier si les conditions économiques auxquelles

est subordonné le recours à ce régime sont remplies,

il y a lieu de tenir compte non seulement des intérêts

essentiels des producteurs communautaires des

produits analogues au produit fini qui résulterait des

opérations de perfectionnement envisagées, mais

également de ceux des producteurs communautaires

des produits analogues aux matières premières ou

aux produits semi-finis non communautaires

destinés à être incorporés aux marchandises

communautaires d’exportation temporaire au cours

de ces opérations. »

Cette décision de la CJUE est instructive, dès lors

qu’elle dénote une approche globale d’un circuit

économique et non pas simplement au stade

d’une transformation particulière. En prenant en

compte les matières premières, la CJUE permet

d’éviter une opération à la limite de l’abus de droit

qui se serait avérée préjudiciable à l’industrie UE.

Par un arrêt du 28 juillet 2016 rendu dans une

affaire Robert Fuchs AG (aff. C-80/15) la CJUE a

examiné la portée du régime de l’admission

temporaire des moyens de transport à usage

commercial, au regard de l’article 555 des

Dispositions d'Application du Code des douanes

communautaire.

La société Robert Fuchs, une société suisse,

proposait des vols de formation et

d’entrainement sur hélicoptère. Elle avait obtenu

l’autorisation d’admission temporaire de ses

hélicoptères en Allemagne en 2009. Toutefois, en

2010 l’administration allemande avait considéré

qu’il s’agissait d’un usage commercial qui

méconnaitrait les conditions d’admission

temporaire en exonération totale des droits à

l’importation prévues à l’article 558 des DAC. C’est

donc l’article 555 qui s’appliquait selon elle au

motif que des personnes avaient été acheminées

à titre onéreux au cours des vols de formation,

alors même qu’il semblait, comme le relève la

CJUE au point 25 que « les sommes versées par les

élèves pilotes [l’avaient] été en compagnie de leur

formation et non de leur acheminement. »

La Cour de justice a jugé qu’il n’existait aucun

usage commercial au sens d’un transport pour un

acheminement des personnes. Selon elle, dès lors

que « les moyens de transport sont utilisés à des fins

de formation, le transport de personnes, à supposer

qu’il ait eu lieu, n’est que le corollaire de l’activité de

formation qui, en tant qu’objet principal du contrat,

est la prestation de services en contrepartie de

laquelle les élèves-pilotes ont versé une

rémunération. »

Dans un arrêt du 21 septembre 2016

Etablissement FR. Colruyt (aff. C-221/15), la CJUE a

rejeté l’argumentation d’un distributeur belge qui

entendait vendre des tabacs manufacturés à un

prix inférieur à celui figurant sur le timbre fiscal.

La Cour a écarté cette tentative au regard de

l’article 15 § 1 de la directive 2011/64/UE du 21

juin 2011 concernant la structure et les taux des

accises applicables aux tabacs manufacturés,

l’article 34 du TFUE (libre circulation des

marchandises) et de l’article 101 du TFUE (entrave

à la concurrence). La Cour de justice a

notamment considéré que le prix apposé sur le

timbre fiscal résulte d’un équilibre obtenu entre

d’un côté la prise en compte des droits d’accises,

la nécessité pour l’importateur de fixer librement

le prix auquel il souhaite vendre la marchandise

et les exigences de santé publique.

Dès lors que le prix ainsi fixé dans un Etat

s’applique pour tous les produits, qu’ils soient

originaires de l’Etat en question ou d’un autre Etat

membre, ce procédé n’a pas été considéré

comme étant discriminatoire.

Stéphane Le Roy

SEPT EMBRE —OCT OBRE 2016

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