l'estime de soi des adolescents dyslexiques
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estime-de-soi-adolescents-dyslexiques-houssais
MEMOIRE DE RECHERCHE DE MASTER 1
Spcialit PSYCHOLOGIE DU DEVELOPPEMENT ET DE LEDUCATION
Prsent par Muriel GAILLOT HOUSSAIS Etudiante 79628
LESTIMELESTIME DEDE SOISOI DESDES ADOLESCENTSADOLESCENTS
DYSLEXIQUESDYSLEXIQUES
"Quand on est enfant, on adhre au moindre "Quand on est enfant, on adhre au moindre rayon de soleil" (Ruforayon de soleil" (Rufo , 2005, 2005 ))
Directrice de Recherche : Carole LEFEVRE
Anne 2009/2010
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RESUME
Lestime de soi suscite lintrt en psychologie par son impact sur la personnalit et sur la
motivation quelle engendre. Ladolescence est une tape importante de consolidation dans un
processus continu de valorisation de soi construit depuis la naissance (Rodriguez-Tom, 1997). La
dyslexie dveloppementale fait natre des troubles du langage crit ds les premiers apprentissages
chez des enfants intelligents, sans troubles perceptifs, voluant dans des milieux familiaux,
socioculturels et scolaires adquates (Ramus, 2005a).
A partir de lEchelle Toulousaine dEstime de Soi (Oubrayrie et al., 1994), cinq modalits,
outil ayant lavantage dtre multidimensionnel, lobjectif de cette tude est de mesurer linfluence
de la dyslexie sur lestime de soi de deux groupes dadolescents, vingt dyslexiques et vingt tmoins,
gs de 15;0 19;5 ans.
Cette recherche indique une tendance gnrale de dvalorisation de lestime de soi dans
toutes les dimensions pour les adolescents dyslexiques, davantage marque pour les jeunes suivant
un cursus gnral par rapport lenseignement technologique et professionnel, et tout
particulirement pour les jeunes filles.
Un adolescent dyslexique a tendance se dvaluer du fait de ses difficults spcifiques. Il a
besoin dtre soutenu et encourag dans ses efforts, un ge o les interactions travers les
attitudes et les opinions des autres son gard (Bariaud, 1997) deviennent essentielles.
Mots-cls : Estime de soi Dyslexie - Adolescence
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Je remercie Carole Lefvre, directrice de recherche et les membres du Jury de lintrt
port ce long investissement personnel.
Je remercie pour leur confiance et leur aide :
Tout particulirement les adolescents participants sans lesquels ce travail n'aurait
pas de sens,
Les orthophonistes et infirmire scolaire du Val dOise concernes par le sujet,
Les associations de parents denfants dyslexiques,
Le Lyce Saint-Sulpice de Paris pour son coute,
Nathalie Oubrayrie du Laboratoire de Neuropsychologie de Toulouse, pour
lautorisation de lETES cinq modalits,
Ma famille pour sa patience
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SOMMAIRE RESUME .... p. 2
TABLE DES ILLUSTRATIONS . p. 7
INTRODUCTION . p. 9
CHAPITRE 1 : ETUDE THEORIQUE
1. LESTIME DE SOI . p. 10 1.1. LES DEFINITIONS .. p. 10
1.1.1. Le concept destime de soi .. p. 10 1.1.2. Les autres conceptions autour du soi p. 11
1.2. LA CONSTRUCTION DE LESTIME DE SOI p. 12
1.2.1. Petite enfance et enfants dge prscolaire ... p. 12 1.2.2. Enfants dge scolaire (7/8 ans) et pr-adolescence ..... p. 14 1.2.3. Adolescence ................. p. 14
1.3. LES DIFFERENTS FACTEURS DEXPERIENCE DE LESTIME DE SOI
A LADOLESCENCE . . p. 16
1.3.1. Linfluence de lestime de soi sur le plan social p. 16 1.3.2. Linfluence de lestime de soi sur les plans familiaux et ducatifs . p. 17 1.3.3. La diffrence filles/garons de lestime de soi p. 18 1.3.4. Linfluence de lestime de soi sur la sant .... p. 20 1.3.5. Linfluence de lestime de soi sur le plan scolaire ... p. 21
1.4. LES MESURES DE LESTIME DE SOI . p. 23
1.4.1. Les dimensions de lestime de soi . p. 23 1.4.2. Les mthodes pour mesurer lestime de soi . p. 24
2. LA DYSLEXIE DEVELOPPEMENTALE p. 25 2.1. LA DEFINITION DE LA DYSLEXIE .. p. 25
2.2. LA SEMIOLOGIE DE LA DYSLEXIE ... p. 26
2.3. LES TROUBLES ASSOCIES ... p. 28
2.3.1. Les troubles associs principaux . p. 28 2.3.2. Les autres caractristiques associes p. 28
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2.4. LES CAUSES DE LA DYSLEXIE ... p. 30
2.4.1. Le processus dapprentissage de la lecture p. 30 2.4.2. Le dficit cognitif de la dyslexie . p. 32
2.4.2.1. Le dficit phonologique . p. 33
2.4.2.2. Le dficit de la mmoire p. 34
2.4.2.3. Les autres dficits lis la dyslexie .. p. 35
2.4.3. Les bases crbrales de la dyslexie .... p. 36 2.4.3.1. La matire grise et la matire blanche .. p. 37
2.4.3.2. La migration neuronale . p. 37
2.4.3.3. Le planum temporale .... p. 38
2.4.3.4. Les autres thories sur lorigine de la dyslexie . p. 39
2.4.4. Les facteurs gntiques de la dyslexie .. p. 40 2.5. LES EVALUATIONS ET LES TRAITEMENTS DE LA DYSLEXIE . p. 41
2.5.1. Lorthophonie ... p. 41 2.5.2. Les mthodes alternatives .. p. 43
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES p. 45
CHAPITRE 2 : ETUDE EXPERIMENTALE
1. LA METHODOLOGIE . p. 47 1.1. LA POPULATION p. 47
1.1.1. Les adolescents dyslexiques . p. 48
1.1.2. Le groupe contrle . p. 49
1.2. LES OUTILS p. 50
1.2.1. Un questionnaire de prsentation gnrale . p. 50
1.2.2. LEchelle Toulousaine dEstime de Soi p. 51
1.3. LA PROCEDURE DE RECUEIL DES DONNEES p. 52
1.4. LES VARIABLES .. p. 52
1.5. LE TRAITEMENT DES DONNEES .. p. 52
2. LES RESULTATS . p. 53
2.1. HYPOTHESE 1 . p. 53
2.1.1. Lestime de soi motionnel .. p. 54
2.1.2. Lestime de soi social .... p. 54
6
2.1.3. Lestime de soi scolaire p. 55
2.1.4. Lestime de soi physique . p. 55
2.1.5. Lestime de soi futur p. 56
2.1.6. Les informations supplmentaires .. p. 56
2.1.6.1. Le critre ge p. 56
2.1.6.2. Le critre place dans la fratrie . p. 57
2.1.6.3. Le critre du projet davenir p. 58
2.1.6.4. Le critre pratique dactivits extra-scolaires . p. 58
2.1.6.5. Le critre dagrgation familiale . p. 59
2.1.6.6. Le critre li la pratique orthophonique p. 59
2.2. HYPOTHESE 2 . p. 59
2.3. HYPOTHESE 3 . p. 61
3. DISCUSSION .. p. 62
CONCLUSION ... p. 70
BIBLIOGRAPHIE . p. 71
ANNEXES ... p. 76
Annexe 1 : Formulaire de consentement ... p. 77
Annexe 2 : Questionnaire de prsentation . p. 78
Annexe 3 : Echelle Toulousaine dEstime de Soi 5 modalits ... p. 80
Annexe 4 : Grille de dcodage de lETES p. 81
Annexe 5 : Rsultats de lETES par item .. p. 83
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLEAUX
Tableau 1 : Erreurs typiques faites par des enfants dyslexiques ..... p. 27
Tableau 2 : Caractristiques de la population dyslexique ..... p. 49
Tableau 3 : Caractristiques de la population appartenant au groupe contrle . p. 50
Tableau 4 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle,
selon le critre dge .... p. 57
Tableau 5 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle,
selon la place dans la fratrie p. 57
Tableau 6 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle,
selon le projet davenir .. p. 58
Tableau 7 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle,
selon la pratique dactivits extra-scolaires .. p. 58
Tableau 8 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle,
selon lagrgation familiale .. p. 59
Tableau 9 : Moyennes de lestime de soi des adolescents dyslexiques,
selon la dure dorthophonie p. 59
Tableau 10 : Moyennes de chaque dimension de lestime de soi,
selon le statut scolaire ... p. 60
Tableau 11 : Moyennes de chaque dimension de lestime de soi
selon la diffrence filles / garons .... p. 61
FIGURES
Figure 1 : Description des deux voies utilises dans l'acte de lecture .. p. 31
Figure 2 : Les rgions crbrales de la lecture prsentant une activit rduite chez
les dyslexiques .. p. 36
Figure 3 : Enregistrement de lactivit crbrale par TEP (Tomographie
par Emission de Positons), pendant la lecture dune suite de mots . p. 38
Figure 4 : Activation crbrale produite sur lhmisphre gauche .. p. 39
Figure 5 : Rpartition des groupes selon les variables mises dans les hypothses . p. 48
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GRAPHIQUES
Graphique 1 : Histogramme prsentant les moyennes et carts-types de lestime
de soi des adolescents dyslexiques et du groupe contrle, selon les cinq dimensions
de lETES . p. 53
Graphique 2 : Histogramme prsentant les moyennes et carts-types de lestime
de soi des dyslexiques suivant un enseignant gnral et de lestime de soi des
adolescents du groupe contrle suivant un enseignement technologique
ou professionnel p. 60
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INTRODUCTION
Au carrefour de laffectif, du cognitif et du monde social, lestime de soi est un indice
essentiel de la personnalit, baromtre de lquilibre individuel. Enjeu de socit, lestime de soi est
value et considre tout propos. Elle motive trouver de bonnes stratgies et permet
lengagement dans l'action. Mais sa conception renferme une grande subtilit du fait de son
caractre multidimensionnel et de son volution tout au long de lexistence.
Selon sa construction initiale et le cours de son dveloppement, lestime de soi peut tre
branle face aux difficults, comme la dyslexie. Lapprentissage du langage crit est laborieux et
suit la plupart du temps un retard du langage oral. De nombreux troubles associs peuvent faire leur
apparition. Dans le meilleur des cas, cest en faisant beaucoup defforts que les dyslexiques
russissent se maintenir au niveau des autres. Sur le plan scolaire, la comparaison est flagrante et
les malentendus frquents.
Pour des enfants du cycle primaire, des diffrences ont t constates uniquement sur la
variable cognitive (Pakzad, et al., 2005), le reste des valeurs tant plutt bien prserves. Mais dans
une autre tude (Humphrey, 2002), les enfants dyslexiques compris dans une tranche dge de 8
15 ans, poursuivant un cursus scolaire traditionnel ont une estime de soi infrieure aux autres
groupes dans tous les cas, et Leonova (2008) alerte mme sur le niveau lev de dpression des
jeunes dyslexiques, gs de 8 16 ans. Le dveloppement de lestime de soi parait difficile dans la
situation particulire de la dyslexie mais la majorit des tudes sarrte aux annes collge.
Bariaud et al. (1998) en utilisant le terme de plasticit de lestime de soi rendent compte de
limportance de la priode charnire quest ladolescence. Louverture sur le monde extrieur et la
capacit utiliser des stratgies labores modifient langle de penses. Dautres proccupations
simposent. Le regard est dsormais tourn vers lge adulte, avec ses inconnues et ses aspirations.
Cette recherche opre comme une photographie instantane dun chantillon dadolescents
dont certains vivent avec la singularit dyslexique. Le questionnement tend savoir, ce stade du
dveloppement o dautres valeurs entrent en jeu, si les adolescents dyslexiques en profitent pour
restaurer une estime de soi malmene dans lenfance ou si au contraire, les obstacles les
dvalorisent par rapport aux jeunes du mme ge.
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CHAPITRE 1 : ETUDE THEORIQUE
1. LESTIME DE SOI
Lestime de soi suscite lintrt dans le domaine de la psychologie grce son implication
essentielle sur la personnalit.
1.1. LES DEFINITIONS
Depuis James (1890), les auteurs se sont penchs sur les diffrents critres de lestime de soi
et lui ont galement rapproch dautres notions.
1.1.1. Le concept destime de soi
Lestime de soi est la reconnaissance de sa propre valeur (Petit Larousse, 2005) en tant que
personne. Elle nest pas seulement construite sur les qualits et comptences de soi, mais aussi sur
la juste perception que lon se fait de ses difficults et limites. Il sagit donc dun quilibre entre la
connaissance de ses aptitudes relles, celles quon a conscience de possder et celles qui nous
manquent. Le processus est complexe, dynamique, en volution constante et en interrelation. Pour
Coopersmith (Bouissou, 1998), lestime de soi est un besoin fondamental de ltre, favorisant son
quilibre psychologique. Elle est considre comme facteur de motivation.
James (Tap, 1998) dfinit lestime de soi comme tant "la conscience de la valeur du moi"
(p. 17). Il insiste sur la dynamique intrapersonnelle et intrapsychique de la diversit du moi, sur le
rle minent des motions et lmergence de la valeur personnelle. Nous nous estimons exactement
daprs ce que nous prtendons tre et prtendons faire. Nous mesurons notre valeur par le rapport
existant entre les rsultats obtenus (succs) et ceux attendus (prtentions) :
Estime de soi = Succs / Prtentions
Cette fraction peut tre augmente de deux faons : en diminuant le dnominateur ou en
augmentant le numrateur (James, 1890 in Bolognini et al., 1998). Si lindividu na pas de succs
dans un domaine qui est sans importance pour lui, alors son estime de soi nen ptira pas (Harter,
1998). Rosenberg (Bariaud et al., 1998) confirme cette formule en termes de distance entre le soi
peru et le soi idal. Avec subtilit, Rodriguez-Tom (Tap, 1998) considre cet quilibre non
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seulement par le bon rapport entre le soi rel et le soi idal mais aussi par la relation entre le soi
peru et le soi attribu.
Cooley (Tap, 1998) associe lestime de soi leffet de "miroir social" (looking glass self)
dont la valeur est dtermine par les autres. Les valuations de soi-mme seraient ainsi construites
par les interactions sociales avec les autres, dj durant lenfance. A ce propos, Harter (1998) cite
Mead (1925) : "Nous adoptons lattitude que les autres ont envers nous. Nous prenons le rle de
lautre gnralis" (p.60).
Lestime de soi a une dimension trs importante dans le processus du dveloppement de soi
(Allport in Gohier, 1990). Elle parat nettement se concrtiser dans la valorisation par laction. Une
bonne estime de soi facilite lengagement, est associe une autovaluation plus fiable et plus
prcise et, permet une meilleure stabilit motionnelle (Andr, 2002). Lestime de soi encourage
prendre toute exprience de la vie comme une opportunit dapprentissage sans craindre lchec ou
le jugement, saffirmer en osant exprimer ses besoins, ses sentiments et ses ides, en apprenant
formuler des demandes claires et en sachant dire "non" quand il le faut. Andr (2002) remarque
quil y a un cercle vertueux de la bonne estime de soi et un cercle vicieux de la mauvaise. Avec une
haute estime de soi, lindividu se lance dans laction. Avec le succs, il se flicite et cela la renforce.
En cas dchec, il relativise et lestime de soi se maintient. En revanche, avec une basse estime de
soi, il hsite sengager dans laction. La russite nempche pas le doute et, lestime de soi
demeure inchange. Mais sil choue, alors elle baisse.
Si lestime de soi dpend du jugement des autres, Tap (1998) ajoute quelques drives de
lestime de soi dans la culture judo-chrtienne o elle y apparat associe lgosme et la
culpabilit. Par ailleurs, du ct de certains chercheurs, lestime de soi nest voque que lorsquelle
a t perdue ou est en danger de ltre.
Si lestime de soi en exprime la valeur, le soi gnre quant lui plusieurs autres ides la
fois lies et distinctes, imbriques diffrents niveaux de comprhension.
1.1.2. Les autres conceptions autour du soi
La base de lensemble de ces concepts est le soi qui se rfre la manire dont la personne
se conoit, un ensemble de caractristiques multidimensionnelles (gots, intrts, qualits,
dfauts), de traits personnels, de rles et de valeurs que la personne sattribue (LEcuyer, 1994).
Les processus psychologiques par lesquels des phnomnes (sensations, reprsentations,
ides, dsirs, tats corporels) sorganisent dans un ensemble dordre interne - dnomm moi -
dfinissant la vie psychique et distincte du monde environnant (Perron, 1991), forment la
conscience de soi. Elle ne se dveloppe que si lon a une reprsentation de soi, cest dire si lon
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est capable dvoquer dans son espace psychique interne la perception de soi (visuelle, tactile ou
kinesthsique) en son absence (Perron, 1991). Dpendant de la relation affective lautre et du
dveloppement des facults cognitives capables dassurer la distance ncessaire, le sujet va
progressivement sindividualiser, se caractriser et se diffrencier tout en se conformant aux
exigences sociales, sous lincitation de groupes de rfrences pour former une identit de soi (Tap
in Gohier, 1990). Lensemble de ces caractristiques est la base de limage de soi, dabord limage
de soi propre puisquil sagit de son point de vue personnel (Perron, 1991), puis limage de soi
sociale nexistant que par le regard des autres (Mead in Chapelle, 1999). Cette image de soi peut
renvoyer au narcissisme si le soi devient objet damour ou dadulation. Par rapport toutes les
autres conceptions, lestime de soi a une dimension globale valuative qui sacquiert tout au long du
dveloppement de la personne.
1.2. LA CONSTRUCTION DE LESTIME DE SOI
Lestime de soi ne peut pas exister sans les notions identitaires qui simposent en conditions
pralables : lidentit de soi permet lvaluation de soi. Cette notion singulire va voluer
progressivement au cours du dveloppement de lenfant pour aboutir un processus destimation
fondamentale pour la construction de la personne.
1.2.1. Petite enfance et enfants dge prscolaire
La construction de lestime de soi prend son origine avant la naissance de lenfant, dans
limaginaire de ses parents. Lenfant idal est fantasm. Des qualits et des valeurs lui sont
attribues.
A sa naissance, "la mre suffisamment bonne" (Winnicott, 1956), totalement dvoue son
enfant dans les premires semaines de sa naissance, favorise un dveloppement sain et promeut ses
sentiments de toute puissance. La qualit des interactions mre-enfant a un impact sur le
dveloppement de soi. Erikson (de Lonardis et al., 1998) ajoute que la qualit de la relation
primitive la mre est dterminante. La thorie de lattachement de Bowlby (1978 in Jendoubi,
2002) suppose la construction dun modle interne dans le contexte des premiers liens sociaux que
le nourrisson tablit avec sa mre, son pre ou toute personne qui soccupe rgulirement de lui.
Au cours de la premire anne, lenfant qui vit avec des parents disponibles et qui
soutiennent ses efforts, va construire un modle interne du soi aimant et comptent. La rponse
parentale ainsi que le niveau dapprobation favorisent une intriorisation de perceptions positives de
soi (Harter, 1998). Le nourrisson simprgne des traits saillants de son milieu et les incorpore
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(Jendoubi, 2002). Du fait de ses besoins lmentaires, lenfant est en situation de dpendance vis--
vis dautrui et ses progrs sont lis la matrise du corps propre. Sa conscience de lui-mme est
troitement lie aux actions immdiates (de Lonardis et al., 1995). Lenfant dcouvre peu peu le
lien causal entre les mouvements quil produit et ceux du monde extrieur. Il dcouvre aussi sa
capacit faire ragir autrui par ses pleurs ou ses gazouillis (Chapelle, 1999). Ds quon reconnat
lenfant le droit tre, le "je suis" peut saffirmer en "je suis cela" (Gohier, 1990). La scurit dtre
et lassurance pour agir sont la base de lestime de soi, sexprimant dans la confiance en soi et
lamour en soi (Bariaud, 1998).
Ds la deuxime anne, lenfant manifeste des conduites dappropriation, de doute ou
daffirmation dans ses activits (Tap, 1998). En tudiant les actions des autres, les enfants
tablissent des relations avec leurs propres actes et les changements provoqus chez les autres
(Cooley, 1902 in Bolognini et al., 1998). Cela pousse lenfant adopter des conduites dimitation
linguistique, motrice ou affective, en suivant des rgles ou des modles.
Vers 18 mois, lenfant prsente des comportements contradictoires o laffection, la
dpendance et lidentification alternent avec la jalousie, la possessivit ou lopposition. Ces
premiers signes rvls traduisent le dsir de lenfant de prendre de la distance dans ses relations,
notamment avec sa mre, premire source didentification.
Entre 20 et 30 mois, laptitude se nommer (utilisation du "je"), se reconnatre dans le
miroir, jouer des personnages et des rles imaginaires signifient sa capacit se ddoubler,
changer de position, sparer le rel de limaginaire. Grce la sparation et la communication,
lenfant apprend intrioriser et se reprsenter.
A partir de la troisime anne, les progrs linguistiques et intellectuels et louverture sur le
monde social permettent lenfant de dpasser la relation duelle et la pense par couple. Il parvient
des catgorisations cognitives et sociales (de Lonardis et al., 1995). Lidentit vient de la
certitude et de la confiance que lenfant a dtre lui-mme, de la conscience quil a de la valeur de
son sexe et de son ge et, de la place quil est en droit doccuper dans le monde. Cette place qui lui
revient et que personne ne peut prendre, comme lui ne doit pas prendre la place du voisin (Dolto,
1988 in Gohier, 1990).
Vers 3-4 ans, lenfant est confront un monde social de plus en plus largi dans lequel de
nouveaux adultes apparaissent et prennent le relai des parents, influenant leur tour le
dveloppement de lestime de soi. Lenfant commence se proccuper de son acceptation sociale
(Jendoubi, 2002).
Jusqu lge de 7-8 ans, lenfant dpend totalement du jugement de ses parents et peu peu
il prend conscience de sa propre valeur (Harter, 1998) en comprenant le lien entre ses propres
actions et les rsultats obtenus. Il intriorise son propre systme dautovaluation qui saccompagne
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de lintriorisation dun systme de normes ou de buts atteindre (Jendoubi, 2002). Lamia (1998)
note quil se passe quelques chose avant cet ge qui fait que les enfants semblent se conformer
moins aux modles vhiculs (parfois mme imposs) par leur environnement (familial et scolaire),
en laissant la place un systme de valeurs et/ou de besoins plus personnels. Lentre lcole
primaire entrane une prise de conscience du rle intrinsque de lenfant.
1.2.2. Enfants dge scolaire (7/8 ans) et pr-adolescence
Ce nest qu partir de 8 ans que les enfants peuvent conceptualiser une reprsentation de soi
sur le plan cognitif. Ils peuvent fournir des valuations globales de leur valeur en tant que personne
et peuvent galement donner des valuations spcifiques selon certains domaines (Harter, 1998).
Lestime de soi est influence par la manire dont lenfant peroit ses comptences dans des
domaines o la russite est considre comme primordiale (Jendoubi, 2002). Grce au processus
dintriorisation, cette ide de soi se modifie au cours du dveloppement (Harter, 1998). En
sidentifiant lenfant renforce son estime de soi mais aussi ses capacits dautonomisation (Tap,
1998).
La pradolescence se caractrise par un stade transitoire entre lenfance et ladolescence
(10/12 ans), nomm "diffrenciation du moi" par LEcuyer (Bouissou, 1998). Cest une priode de
changement durant laquelle se construit et saffirme lidentit de soi. Le pr-adolescent exprimente
des changements au niveau de son corps (pubertaires), des comptences cognitives, de ses relations
sociales (famille et camarades). Il commence porter plus dattention lui-mme. Lvaluation de
soi change. Cest une priode dintensification des rles sexus durant laquelle garons et filles
subissent des pressions qui les conduisent se diffrencier dans leurs intrts et activits. La
priode concide avec le moment o des choix pour lavenir doivent tre effectus (Bolognini et al.,
1998). Lcole va jouer un rle dterminant dans la faon dont lenfant va se reprsenter le monde
qui lentoure, mais aussi et surtout, dont il va se reprsenter lui-mme en tant quindividu unique et
diffrent des autres, tout en partageant les caractristiques propres son groupe dappartenance
(Lamia, 1998).
Cette priode de transition prpare la phase de ladolescence, primordiale pour la
construction de la personnalit et sa valorisation.
1.2.3. Adolescence
Ladolescence est peut-tre la priode la plus importante pour consolider une bonne estime
de soi. Pour Erikson (in Mallet et al., 2003), ladolescence constitue une crise psychosociale quil
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faut traverser. La faon dont les conflits sorganisent rcapitule ceux de la premire enfance. Le
processus dlaboration identitaire de ladolescent ncessite du temps pour poser les problmes,
faire des choix et rsoudre des conflits afin dintgrer le tout dans un ensemble cohrent qui
constitue lidentit personnelle. Cest ce quErikson (in Ricaud-Droisy et al., 2008) appelle la
priode "moratoire". Rodriguez-Tom (1997) pense galement que le sentiment de valeur de soi se
forge ds lenfance puis se redfinit ou se restructure lors des changements physiques et
psychologiques de ladolescence. Ce changement traduit le passage exprim par Inhelder et Piaget
(1955 in Bariaud, 1997) de la pense concrte la pense abstraite et, le dveloppement de celle-ci.
Ladolescent pose de faon catgorique la question de sa valeur en tant que personne totale, selon
ses propres critres et ses propres valeurs et, se projette dans le temps.
Le statut pubertaire na gure dinfluence sur lestime de soi si ce nest le rythme de
maturation qui est associ au degr destime de soi (avec des diffrences entre filles et garons).
Bariaud (1998) argumente dans le sens dune plasticit de lestime de soi. Lidentit ne saurait tre
lucide par le sujet sans en rfrer au corps, tant donn la rapidit et lampleur des
transformations qui font de la pubert un processus spectaculaire, pouvant saccompagner de
quelques inquitudes. La perception de la sexualisation de son corps et du regard diffrent des
autres sur soi affirme lidentit de genre et les connotations sexues des interactions humaines
(Bariaud et al., 1994).
Les changements corporels, les sautes dhumeur, la ncessit de prendre de la distance face
aux parents et de trouver son identit propre positionnent ladolescent dans une situation de
vulnrabilit. Malgr des contacts parfois difficiles, ladolescent a besoin non pas de surprotection,
mais plutt de complicit reconnatre sa valeur et consolider son sentiment de fiert (Duclos,
2004). Il acquiert la libert de pense ncessaire pour parvenir une vision personnelle, diffrencie
de ce quil est en tant que personne (Bariaud, 1998). Il en rsulte des modifications au plan
motionnel (Rodriguez-Tom et al., 1997). Sordes-Ader et al. (1998) mettent lhypothse que la
capacit de contrle des motions constituerait ladolescence un enjeu important dans la
dtermination ou le renforcement dune estime de soi positive. Une bonne estime de soi permet
lenfant confront des difficults, dadopter des stratgies adaptes de rsolution de problmes.
Tandis quune faible estime de soi est souvent associe des stratgies inverses : repli sur soi ou
rticence parler de ses soucis, autocritique excessive ou dni des difficults, vitement du
problme (Andr, 2002).
Au cours du dveloppement, les pairs prennent de plus en plus dimportance mais
ladolescence, limpact de lapprobation parentale sur lestime de soi reste fondamental. Bariaud
(1998) insiste sur le fait que les parents continuent de jouer un rle essentiel dans le dveloppement
de leur enfant. Ce nest que lorsque les jeunes quittent la maison que ce rle diminue. Lapprobation
16
des pairs et dautres personnes rencontres dans des groupes sociaux continue dinfluencer de faon
importante lestime de soi (Harter, 1998).
Une bonne estime de soi favorise linvestissement dans lavenir. Le projet prend un intrt
particulier pendant cette priode privilgie de construction de lidentit personnelle. Il amne le
sujet sassurer de sa continuit, se raliser comme ayant un pass, un prsent et un avenir
(Safont-Mottay, 1997).
Lestime de soi se construit tout au long de lenfance et de ladolescence, en obissant des
mcanismes dlaboration et de rgulation de plus en plus complexes et en sinspirant de diffrentes
sources dinformations charges daffects (Bariaud, 1998).
1.3. LES DIFFERENTS FACTEURS DEXPERIENCE DE LESTIME DE SOI A
LADOLESCENCE
Les exigences sociales spcifiques cette priode de ladolescence offrent autant
doccasions de prouver sa russite ou son adquation et donc dobtenir lapprobation des autres,
dans des secteurs nouveaux qui marquent la progression vers la maturit adulte (Bariaud, 1998).
1.3.1. Linfluence de lestime de soi sur le plan social
"Le soi nest pas seulement intimiste, il est aussi relationnel" (p.56) (Bariaud, 1997). Harter
(1994) affirme que les diffrences individuelles dans lestime de soi sont plus directement relies
aux comptences particulires et aux expriences de socialisation de ladolescent. Le regard des
autres est un paramtre essentiel de lestime de soi. Sa construction ncessite des reprsentations de
soi et des autres lgard de soi, ainsi que des identifications successives aux modles ou des
systmes rfrents qui favorisent ces reprsentations. Lestime de soi est donc ncessairement
sociale dans sa gense et sa structure (de Lonardis et al., 1995).
Mead (1934 in de Lonardis et al., 1995) dveloppa lide que le soi assimil au soi social
ne peut tre directement peru. Lindividu prend en compte le point de vue du groupe et adopte
leurs attitudes afin dexister en tant que soi. Cest par le jeu de la comparaison sociale (Festinger,
1954 in de Lonardis et al., 1995) et de ses progrs opratoires que lenfant construit ses identits
sociales, apprend se reconnatre la fois semblable et diffrent, des catgories ou des groupes
dappartenance socialement dfinis, dans lesquels il est insr.
Lappartenance sociale des parents explique le positionnement de soi de lenfant. Dans une
tude de Bouissou (1998), une estime de soi contraste (trs faible et/ou trs forte) est corrle une
appartenance sociale trs dfavorise. Cest linverse pour une estime de soi modre (faible et/ou
17
forte). Une personne insre dans les classes sociales les plus dfavorises se dfinit davantage par
lappartenance un collectif alors quune personne socialement favorise se peroit en tant
quindividu singulier, acteur volontaire, libre et autonome, sujet de laction voire de lhistoire pour
Deschamps (Bouissou, 1998).
Au cours du dveloppement, les personnages significatifs dont la position est dterminante
pour lestime de soi vont se dplacer des parents aux enseignants, puis aux pairs et enfin dautres
modles sociaux (Prteur, 2002). Les jeunes qui sidentifient fortement leur groupe de pairs ont
aussi tendance sidentifier davantage leur famille (Jackson, 1997). Harter (1998) fait la
distinction entre deux types de support des pairs aprs avoir dcouvert que les camarades de classe
avaient beaucoup plus dinfluence sur lestime de soi que les amis proches. La reconnaissance par
les pairs dans des domaines plutt extrieurs a plus de poids que la considration personnelle dun
ami proche, moins objectif. Il faut se tourner vers le "miroir social" de Cooley (Tap, 1998) pour
valider limage de soi, sans perdre de vue la base familiale.
1.3.2. Linfluence de lestime de soi sur les plans familiaux et ducatifs
Pour tout ducateur, il est important de trouver lquilibre entre la scurit (montrer
lenfant quon laime) et la loi (rappeler les rgles incontournables). Cest donc une qualit
dducation globale qui est la base du dveloppement de lestime de soi (Prteur, 2002).
Selon Vondracek (1993) cit par Kracke et Noack (in Rodriguez-Tom et al., 1997), une
atmosphre familiale favorable se caractrise par la confiance que les parents ont en leur adolescent,
leur tolrance lgard des ides et des actions qui lui sont propres et par leur ouverture desprit.
Les adolescents prsentent alors une bonne estime de soi qui les incite explorer des situations
nouvelles, et leur donne de la ressource pour surmonter les difficults.
Des pratiques ducatives refltent galement des diffrences sociales. Les familles plus
favorises utilisent un langage abstrait, riche, permettant chacun de se dfinir en tant que personne
part entire, dont on valorise les intentions, les sentiments et pas uniquement les actes. Cela
favorise une plus grande libert daction et dtre. A linverse, les familles peu responsabilisantes
prsentent un code linguistique plus restreint. Leurs interactions sont fondes sur les statuts de
chacun plutt que sur leur individualit (Bouissou, 1998). Dans le cadre dune ducation de type
contractualiste avec une autorit plus ngociatrice que coercitive, lestime de soi de ladolescent est
plus leve que lorsque lducation est de type statutaire, avec une discipline contrle assez stricte
et une grande distance parent-enfant (Bariaud, 1998).
Lintrt manifest par les parents au travail scolaire influence aussi linvestissement
scolaire de leur enfant. Meyer (1987 de Lonardis et al., 1998) confirme que les lves qui ont un
18
bon statut scolaire ont une estime de soi encore plus favorable si leurs parents sy intressent
(renforcement du caractre valorisant les bons rsultats).
En raison de la diffrence de rythme pubertaire et des valeurs identitaires sexues, les
garons et les filles ne vivent pas la priode de ladolescence de faon analogue.
1.3.3. La diffrence filles/garons de lestime de soi
Toutes les tudes ont montr chez les filles une tendance plus nette la dprciation que
chez les garons (Oubrayrie et al., 1994, Koff et al. 1990 in Bolognini et al., 1998). Lamia (1998)
remarque des carts importants dans le domaine des comptences physiques (sportives), de type
social et cognitif, avec un avantage pour les garons. Elle constate pour les garons une tendance
la surestimation avec des valuations nettement htrognes alors que les filles malgr une tendance
gnrale la sous-valuation restent dans une perception plus cohrente.
Le garon va attacher plus dimportance des performances quil peut comparer celles de
ses pairs alors que la fille svaluera plus en fonction de critres personnels et dun modle idalis.
Les filles sont aussi caractrises par une estime de soi plus globale, moins diffrencie
selon les domaines (Bolognini et al., 1998). Sur un intervalle de neuf ans qui dpasse ladolescence
(14/23 ans), Block et Robins (Bariaud, 1998) constatent pour leur part que les diffrences
interindividuelles de positions se maintiennent plus fortement chez les filles, avec une augmentation
moyenne de lestime de soi chez les garons. Le dclin modr chez les filles pourrait sexpliquer
par la conscience accrue de leurs difficults daccomplissement personnel et social.
Les diffrents travaux portant sur la relation significative entre pubert et estime de soi sont
controverss. Rodriguez-Tom (1997) cite une tude longitudinale de Simmons et al. (1987) qui
nobserve soit aucune relation, soit une corrlation ngative entre la maturation biologique et
lestime de soi chez les filles. Chez les garons, les corrlations sont positives mais faibles. En fait,
il sagirait plutt de laccumulation des changements qui constituerait un facteur de risque pour
ladolescent et non pas la pubert elle-mme. Rodriguez-Tom (1994 in de Lonardis et al., 1998)
constate que la satisfaction des garons de leur corps serait lie la maturation physique alors que
pour les filles, elle est lie la qualit des relations avec les garons.
Baudelont et Establet (1992 in Safont-Mottay, 1997) insistent sur lide que pour saffirmer
comme sujet, il est ncessaire dassumer les attributs sociaux de son sexe : "Douter de son sexe,
cest douter de soi" (p. 176). Il apparat important que chacun sidentifie en tant quhomme ou
femme afin de pouvoir asseoir son identit, mais il semble quen ce qui concerne lestime de soi,
tre une fille ou un garon nait pas le mme impact. Lamke (1982 in de Lonardis et al., 1998) a
montr que lestime de soi positive tait lie la masculinit, chez les garons comme chez les
19
filles. Lauteur observe que les individus masculins et androgynes ont une meilleure estime de soi
que les individus fminins et indiffrencis. Cest un constat li aux strotypes dune socit qui
privilgie limage masculine. Les hommes constituent, en termes de valorisation sociale et de statut
socio-conomique, un groupe dominant. Lorenzi-Cioldi (1988 in Safont-Mottay, 1997) ajoute que
les hommes et les femmes partagent une mme tendance sidentifier davantage aux idaux
masculins que fminins.
Les filles tendent se valoriser socialement en sidentifiant aux parents et en respectant leur
dominance, tandis que les garons, surtout les plus jeunes et les plus gs, se dvalorisent
socialement (de Lonardis et al., 1995). Le phnomne de moindre estime chez les filles
proviendrait du fait quelles utilisent leur intelligence pour dcrypter et devancer les attentes des
adultes et mieux sy conformer (Safont-Mottay, 1997). Les garons, lors des conflits
interpersonnels, feraient plus frquemment lexprience danxit et de frustration, et acquerraient
ainsi une confiance dans leurs propres capacits rsoudre seuls leurs problmes. Les filles sont en
position de forte comptence sociale avec une bonne prise en compte des moyens et des obstacles,
les garons sont en position de faible comptence mais avec une meilleure prise en compte du
temps.
Malgr une meilleure russite lcole, les filles ne savent pas, ne veulent pas ou ne peuvent
pas valoriser leurs acquis. Elles sont plus attentives, plus stables et plus appliques que les garons.
Mais elles seraient plus dpendantes des institutions, et tendraient sapproprier les strotypes lis
la division du travail par sexe, et intrioriser au passage, la minimisation et la dprciation dont
leur sexe serait lobjet.
Dans ltude de Safont-Mottay (1997), les reprsentations de soi des adolescents de deux
sexes sont elles-mmes trs conformistes : le garon est sr de lui, ambitieux, matre de ses
motions et fort physiquement et, la fille est peu sre delle-mme et soucieuse des normes sociales.
Pour Duru-Bellat (1991 in Saffont-Mottay, 1997), le fonctionnement actuel de la famille, structur
par des rles sociaux diffrencis, apparat au cours des choix dorientation des filles (Safont-
Mottay, 1997). Les filles de milieux dfavoriss sont celles qui prsentent une image de soi
gnrale nettement plus dvalorise que les garons.
Sil est clair que la tendance des filles se dprcier globalement provient essentiellement
dune forte dvalorisation sur les plans physique et motionnel, il est tout aussi clair que cest dans
les domaines scolaire, social et projectif que se produit la revalorisation lorsquelle a lieu. De
mme, sur le plan des activits et des changes sociaux, ainsi quen ce qui concerne les projets
davenir, la jeune fille a delle-mme une image qui nest pas moins mauvaise que celle du garon
(de Lonardis et al., 1997).
20
Lidentit sexue pse dun poids indniable sur le projet professionnel. Plus de filles que de
garons affirment tre fixes sur leurs choix professionnels en terminale (Boutinet, 1980 in
Rodriguez-Tom et al., 1987), en seconde ou en 1re anne de BEP (Bacher et al. in Rodriguez-
Tom et al., 1987). En dpit dune volution certaine des attitudes, les filles proposent encore des
projets socialement moins ambitieux (Demangeon, 1980 in Rodriguez-Tom, 1987). Les filles
envisagent moins que les garons les postes haute responsabilit. Alors que leur russite scolaire
est meilleure, elles abandonnent davantage les tudes suprieures dans lesquelles elles se sont
engages (Larcebeau, 1983 in Rodriguez-Tom, 1987). Plusieurs auteurs notent quelles sont plus
pessimistes quant la ralisation de leur projet professionnel (Boutinet, 1980 in Rodriguez-Tom,
1987). Limage habituelle des filles vis--vis de lavenir professionnel est strotype, avec des
mcanismes rgressifs (identification et prfrence pour lenfance) et avec lvocation dun projet
familial et sentimental. La quasi-totalit des filles abordent ce thme de la constitution du couple et
de la famille contre moins de la moiti des garons (Boyer et al., 1991 in Safont-Mottay, 1997).
La priode pubertaire, vcue diffremment par les filles et les garons, provoque des
rpercussions physique et psychique sur ladolescent et par consquent sur la valeur du soi.
1.3.4. Linfluence de lestime de soi sur la sant
Harter (1994) a montr que lestime de soi avait un impact trs important sur lhumeur de
ladolescent ou sur son tat affectif gnral, tout au long dun continuum allant de la gaiet la
dpression. Lestime de soi est souvent lie lanxit, langoisse ou le stress, dans des situations
supposes dstructurantes (Tap, 1998) et provoque une raction motionnelle trs forte, telle la
dpression, pour lindividu qui a une faible estime de soi. Baumeister (Bolognini et al., 1998) cite
aussi plusieurs valuations montrant limportance de la relation entre estime de soi et sant,
notamment en ce qui concerne les troubles dpressifs. Des sentiments dchec ou dinadquation
vis--vis des aspirations personnelles, provoqueraient un tat danxit (Lamia, 1998), davantage
exprim chez les filles (Rodriguez-Tom et al., 1997).
Les rsultats montrent que laffect a aussi un effet dterminant sur le niveau dnergie de
ladolescent (Harter, 1994).
Des sujets estime de soi instable, dpendante des vnements extrieurs, sont plus souvent
victimes dtats motionnels polarit ngative (peur, colre) que ceux dont lestime de soi est plus
stable et rsistante. Enfin, Andr (2002) la compare un vritable systme immunitaire du
psychisme en protgeant de ladversit. Cette chane deffets rvle donc que lestime de soi a bien
un rle fonctionnel, tant donn son impact sur les affects et les motivations (Harter, 1994).
21
Ladolescent est dans une priode transitoire o il est contraint de suivre un cursus scolaire
mais o se profile sa vie professionnelle dadulte. Lcole est le lieu de prdilection o sinscrivent
les valeurs motionnelles et sociales.
1.3.5. Linfluence de lestime de soi sur le plan scolaire
Il est facile de faire le lien entre une estime de soi leve et de bons rsultats scolaires : un
lve confiant se sent souvent capable de russir et russit. Une faible estime de soi peut dmotiver
un lve puisquil se croit vouer lchec (Prteur, 2002).
Si un lve nest pas intgr dans son nouvel environnement scolaire, son estime de soi tend
diminuer. Labsence de soutien de la part des pairs et/ou des enseignants peut galement avoir un
effet ngatif. Si les exigences fixes sont plus importantes que ses capacits, il perd confiance
(Perron et al., 1994).
Dans une recherche de Bariaud (1998), les rsultats indiquent que lestime de soi, value
un an avant, prdit de manire significative, la nature des stratgies mises en place la rencontre de
la premire difficult scolaire. Ainsi, une estime de soi leve au collge, sassocient des
modalits dajustement de type motionnel, cognitif ou comportemental. Inversement, un faible
degr destime de soi au collge prdit des modalits maladaptes : tristesse, fatalisme, anticipation
ngative de lissue de la difficult, vitement, fuite, passivit, dni.
Une mauvaise estime de soi pourrait rendre difficile voire empcher, une bonne adaptation
lenvironnement scolaire et amener lenfant vers une situation de difficults qui peut aboutir des
checs, un sentiment de mal-tre (Perron et al., 1994). Cependant, les lves en chec scolaire ne
se dvalorisent que de faon slective (dans le domaine des comptences intellectuelles et/ou
scolaires). Ils peuvent compenser en sestimant sur le plan physique, cest dailleurs frquemment le
cas chez les garons.
Les lves frquentant les cursus spcialiss (rservs ceux qui sont en grande difficult),
se dvalorisent moins au plan scolaire que les lves ayant redoubl. Dans ces classes spciales, les
lves se sentent soulags de ne plus avoir supporter la pression des classes ordinaires. De plus,
les enseignants spcialiss de ces classes ont dautres attentes et adoptent des attitudes
pdagogiques diffrentes (Prteur, 2002). Pierrehumbert et al. (1998) supposent que la pdagogie
pratique dans les classes cursus spcialiss, oriente vers le renforcement des succs davantage
que celui des checs, contribue restituer aux lves une relle satisfaction deux-mmes.
Toutefois, lhypothse que ces enfants nont simplement plus loccasion de se comparer leurs
pairs peut tre mise. Ils nauraient donc plus de motifs de dvalorisation, et de surcrot
laccompagnement pdagogique positif propos pourrait favoriser une survalorisation, peu raliste
22
chez ces enfants dont le niveau de comptences scolaires et cognitives demeure objectivement
faible. Limportance de la situation de lindividu dans son groupe et la confrontation aux autres peut
tre souligne.
Les lves qui ont confiance en leurs capacits dapprentissage dans une matire choisissent
de prfrence des activits prsentant un dfi en leur donnant loccasion de dvelopper leurs
habilets. Ils se fixent en gnral des objectifs dapprentissage plus levs, cherchent comprendre
en profondeur et donner du sens ce quils tudient, grent mieux leur temps de travail, se laissent
moins distraire de leurs objectifs et persvrent face aux difficults. Ils dominent galement mieux
le stress et lanxit, et aboutissent finalement souvent de meilleures performances. Inversement,
les lves ont tendance se dsintresser des activits dans lesquelles ils se sentent peu efficaces, ce
qui peut avoir des rpercussions sur leurs choix dtudes. Cette manire de faire leur permet de
conserver une bonne estime deux-mmes, mais peut conduire certains jeunes se dsinvestir de la
scolarit.
Guichard et al. (in Rodriguez-Tom et al., 1997) concluent que ceux qui ont choisi une
filire peu prestigieuse ont en gnral, transitoirement, une image de soi dprcie puis, ils la
revalorisent en lui attribuant des caractristiques positives car ils croient en leurs capacits
dapprentissage (Galand, 2006). Bandura (Galand, 2006) stipule que cette confiance provient de
quatre sources dinformation : les performances passes, lobservation des performances dautrui,
les messages de lentourage et les tats physiologiques et motionnels.
Thomas (1980 in Gohier, 1990) identifie lcole comme le deuxime facteur influenant le
concept destime de soi de lenfant (le premier tant la famille). Lcole procure un sentiment de
comptence qui pse sur limage de lenfant en le situant dans un groupe lintrieur duquel sa
popularit agit sur son image. Lestime de soi scolaire joue donc un rle rgulateur. Elle exprime
des stratgies de positionnement de soi qui permettent llve darticuler son besoin de
valorisation lcole avec sa vie familiale et sa vie scolaire, ses comptences et son intgration dans
le groupe-classe. A ladolescence pourront apparatre chez certains des stratgies de retrait par
rapport cette identit dlve (Prteur et al., 1998).
La filire de formation scolaire est discriminative quant lge prvu dinsertion dans la vie
active. Elle lest aussi quant au degr de prcision du projet dans son ensemble. Les projets les
moins nourris proviennent des lycens de lenseignement classique. Les lves du technique court
sont trois fois plus nombreux mentionner leur future progression dans la carrire quils envisagent
(Rodriguez-Tom et al., 1987). La raison provient probablement de leur scolarit pratique et
concrte, plus facilement projetable vers lavenir.
23
Ces critres se transforment tout au long de la vie et fluctuent selon les facteurs
situationnels. Des techniques dvaluation permettent dapprhender les diffrents statuts et les
volutions de lestime de soi.
1.4. LES MESURES DE LESTIME DE SOI
Plusieurs projets de recherche, essentiellement anglo-saxons, se sont penchs sur
lvaluation de lestime de soi. Des instruments de mesure ont t labors en tenant plus ou moins
compte de ses diffrents aspects.
1.4.1. Les dimensions de lestime de soi
James (1890) a propos un modle multidimensionnel du soi, en distinguant trois
composantes : le soi matriel, le soi social et le soi spirituel mais il a admis le concept dune estime
de soi globale. Cooley (1902) a suggr peu prs la mme chose en postulant pour un sentiment
gnral de respect de soi (Harter, 1998).
La diversit des expriences de vie affecte tel ou tel aspect de la personne, ce qui se traduit
par le caractre multidimensionnel de lestime de soi, longtemps nglig au profit de la dimension
globale. Cette tendance sest progressivement inverse, amenant les chercheurs analyser la
relation entre les dimensions spcifiques du soi et le soi global (Prteur, 2002). Rosenberg (1969 in
Bariaud, 1998) a dfendu lide quil fallait la fois retenir la notion destime de soi globale et se
centrer sur les composantes de cette entit.
Dune part, lestime de soi nest pas unidimensionnelle et dautre part, lestime de soi
globale nest pas la somme des sous-chelles. La personne a des identits multiples, chacune
associe un rle (sexe, ge, scolaire, familial, professionnel), des pratiques et des lieux de vie.
Harter (in Prteur et al., 1998) considre le soi comme un concept multidimensionnel o lautre
joue un rle dterminant : il y aurait autant destimes de soi que de domaines de rfrence, ce qui
irait lencontre dune image de soi gnralise.
Il est difficile dapprhender lestime de soi par des mesures regroupant en un seul score
synthtique des valuations dans divers domaines car cela masque les distinctions valuatives que
les enfants et les adolescents sont capables de faire. Il ny aurait pas une ralit psychologique
assimilable la notion de soi mais autant de sentiments de satisfaction ou dinsatisfaction de soi,
que de contextes dans lesquels lenfant est susceptible dexercer ses comptences. Harter (1998)
observe par ailleurs, que lestime de soi tant en dveloppement, la mesure ralise ne sera quune
donne temporaire.
24
Le nombre de domaines augmente avec le dveloppement. La vision de soi se nuance au fil
de ladolescence. Les valuations donnes sur des listes de qualits ou de comptences se
diffrencient de plus en plus par domaines de vie (Bariaud, 1997). Chez les adolescents, en raison
du dveloppement de leurs capacits laborer des projets davenir, le soi futur est galement
apprhend ct des soi motionnel, social, scolaire, physique et global (Prteur, 2002).
Ces conceptions personnelles de lestime de soi ont dbouch sur llaboration
dinstruments de mesure qui diffrent mais dont la mthode est comparable, base sur des chelles
dauto-valuation.
1.4.2. Les mthodes pour mesurer lestime de soi
Lestime de soi se mesure par des mthodes introspectives. Le chercheur prsuppose que la
personne est apte valuer sa propre valeur. Il doit proposer des instruments permettant danalyser,
qualitativement et quantitativement le rsultat de cette auto-analyse (Tap, 1998). Les rsultats des
recherches rvlent qu partir de huit ou neuf ans, les enfants peuvent fournir des valuations
globales de leur valeur en tant que personne (Harter, 1998). Le sujet svalue diffremment en
fonction des domaines considrs, aboutissant un profil correspondant aux diffrentes situations
existentielles.
Selon leurs propres conceptions, les auteurs ont labor diffrents types de questionnaires.
Parmi eux, Coopersmith (1967 in Andr, 2002) a conu lInventaire dEstime de Soi et rvle une
analyse globale par le biais de trois dimensions principales : gnrale, familiale et sociale. Il existe
une forme scolaire, adapte aux enfants et aux adolescents scolariss et une forme adulte.
A loppos, le travail multidimensionnel dHarter distingue en 1985, cinq domaines de
comptences : scolaire, athltique, relationnelle, apparence physique et comportement, dont chacun
dfinit un facteur spar, dans le Profil de la Perception de Soi pour Enfant. Dans sa version pour
adolescent, Harter ajoute trois nouveaux domaines : amis proches, relations sentimentales et
comptences professionnelles. Chaque domaine correspondant une nouvelle fois un facteur
indpendant (Harter, 1998).
Constatant que la majorit des outils taient en langue anglaise et ncessitaient un double
travail dadaptation et de validation la population franaise, le laboratoire de neuropsychologie de
Toulouse a dcid dlaborer son propre instrument en 1994. Lquipe sest inspire dchelles
existantes mais estimant quaucune dentre elles ne permettait dexaminer des domaines tels que le
contrle des motions et lvaluation du soi dans le futur (Sordes-Ader, 1998), elle a dfini
lEchelle Toulousaine dEstime de Soi selon cinq dimensions : sociale, physique, futur,
25
motionnelle et scolaire, avec trois versions : adulte, adolescent et enfant et, (Oubrayrie et al.,
1994).
Lestime de soi est une dimension essentielle dans le processus de dveloppement individuel
et ladolescence est une priode privilgie pour sa consolidation. Mais quen est-il lors dun
dveloppement atypique comme celui de la dyslexie ?
2. LA DYSLEXIE DEVELOPPEMENTALE
Le terme de dyslexie a probablement t introduit au cours du premier congrs international
de psychiatrie de lenfant Paris par Ombredane (1937). Mais les premiers cas ont t rapports ds
la fin du XIXme sicle par Pringle-Morgan (1896). La dyslexie de lenfant est apparue quand
lenseignement de la lecture sest gnralis. Les quipes de Broca en France (1865) et de Wernicke
en Allemagne (1874) ont t les premires tablir que le fonctionnement du langage dpendait de
zones spcifiques de lhmisphre gauche du cerveau. Le renouveau des tudes sur la dyslexie est
d lmergence de disciplines nouvelles telles que la psychologie cognitive et les neurosciences,
dans les annes 1970. Les quipes de Galaburda et Geschwind ont mis en vidence les dficiences
spcifiques du cerveau des dyslexiques (Sprenger-Charolles, 2003).
Lidentification des enfants dyslexiques repose sur une dfinition spcifique et la dyslexie
est inscrite dans le cadre de la classification internationale.
2.1. LA DEFINITION DE LA DYSLEXIE
La dyslexie dveloppementale est un trouble svre, durable et persistant de lapprentissage
du langage, malgr des capacits intellectuelles normales, une absence de troubles psychiatriques ou
neurologiques, sans troubles perceptifs visuels ou auditifs, un milieu familial et socioculturel
normalement stimulants et une scolarisation adquate. Habib (1997) explique que "le dyslexique est
un enfant sain de corps et desprit dont le seul tort est dtre n avec un cerveau dont certains
modules sont connects de faon insolite" (p.14). Le terme rsulte dune analogie avec les troubles
spcifiques de la lecture acquis par lsions crbrales lge adulte (dyslexies acquises ou alexies)
mais est distinguer des enfants ayant des difficults dapprentissage de la lecture.
Ce trouble, diagnostiqu partir dun retard de lecture de 18 24 mois aprs lentre au CP
reflte un dysfonctionnement du systme cognitif responsable de la lecture. Ces enfants
reprsentent entre 3 et 7% de leur classe dge (Ramus, 2005a). Ces chiffres dpendent du seuil de
svrit de la dyslexie.
26
Elle touche plus frquemment les garons que les filles (de lordre de 2 garons pour 1 fille).
Les dyslexiques se trouvent dans tous les milieux, y compris les plus favoriss et quelles que soient
les mthodes denseignement utilises.
La Classification Internationale des Maladies (OMS 1994 in Ecalle et al., 2007) dfinit la
dyslexie dveloppementale sous la rfrence : F.81.0 Trouble spcifique de la lecture : "La
caractristique essentielle est une altration spcifique et significative de lacquisition de la lecture,
non imputable exclusivement un ge mental bas, des troubles de lacuit visuelle ou une
scolarisation inadquate. Les capacits de comprhension de la lecture, la reconnaissance des mots,
la lecture orale et les performances dans les tches ncessitant la lecture peuvent toutes tre
atteintes. Le trouble spcifique de la lecture saccompagne frquemment de difficults en
orthographe, persistant souvent ladolescence, mme quand lenfant a pu faire quelques progrs
en lecture. Les enfants prsentant un trouble spcifique de la lecture ont souvent des antcdents de
troubles de la parole ou du langage. Le trouble saccompagne souvent de troubles motionnels et de
perturbations du comportement pendant lge scolaire".
2.2. LA SEMIOLOGIE DE LA DYSLEXIE
Cest sur le plan comportemental, par le trouble de la lecture, que se repre la dyslexie.
Nanmoins, dans de nombreux cas, des signes avant-coureurs sont prsents avant lentre au CP.
Les tudes rtrospectives et longitudinales mettent en vidence que les enfants dyslexiques ont eu
plus frquemment que les autres des retards ou des difficults de langage oral (suffisamment
svres pour justifier un diagnostic).
Lenfant dyslexique a des difficults particulires avec lidentification des mots plutt quau
niveau de la comprhension du texte. Il a le plus souvent de grosses difficults acqurir les
correspondances graphmes-phonmes, et par consquent dcoder les mots selon la procdure
phonologique, ce qui est constat en lecture de pseudo-mots. Cette limitation initiale entrave
lacquisition du lexique orthographique dont dpend lautomatisation de la lecture, moins que
lenfant ne dispose de trs bonnes capacits de discrimination et de mmoire visuelle, qui lui
permettront de compenser spontanment par une mmorisation directe de la forme visuelle des
mots. Certaines manifestations dune lecture immature, visibles chez de nombreux enfants en tout
dbut dapprentissage (confusion et inversion de lettres, lecture en miroir, ) peuvent perdurer
(Ecalle et al., 2007).
La voie phonologique affecte galement de manire secondaire, la voie orthographique
directe (reconnaissance de la forme visuelle du mot) et la pauvret du lexique qui en dcoule. Cest
souvent le symptme le plus durable.
27
Il existe une multitude derreurs tout fait caractristiques de la dyslexie. La frquence et la
svrit sont variables dun sujet un autre, en fonction notamment du degr de compensation mis
en place.
Tableau 1 : Erreurs typiques faites par des enfants dyslexiques (Bosse, Coridys, Apedys, 2000) Difficults Exemples
Confusion de phonme. Confusions auditives ou phontiques p/b ; t/d ; k/g ; f/v ; s/z ; ch/g ; goifeur pour coiffeur ;
anchine pour angine
Erreur de lettres symtriques. b/d ; p/q ; m/n ; u/n ; qourri pour pourri
Inversion de lettres dans un graphme complexe ou dans une
syllabe.
plamier pour palmier ; lion pour loin ; cla/cal ; sta/sat
Omission de phonme. abre pour arbre
Addition de phonme. prartir pour partir
Erreurs orthographiques sur les mots outils frquents. den pour dans ; aveque pour avec
Erreurs orthographiques en copie.
Erreurs dorthographe sur des noms frquents. Fame pour femme ; istoire pour histoire
Ecriture dun mme mot de plusieurs faons diffrentes dans un
mme texte.
Planaite, puis planette pour plante
Oubli de mots, rendant ainsi une phrase incorrecte.
Erreurs de segmentation des mots. Longard pour lont gard ; a rive pour arrive
Manque de temps pour faire un exercice, lenteur.
Troubles dorientation spatiale.
Troubles dorientation dans le temps. Problmes de chronologie. Difficults lire lheure.
Troubles de lcriture. Graphisme mal form.
Prise de notes.
Ecriture de faon confuse de certaines lettres. b ressemble l ; a ressemble o
Contaminations. Dorure/rorure ; palier/papier
Substitutions. chauffeur/faucheur
Lecture du texte hsitante, saccade, dbit syllabique.
Ignorance de la ponctuation.
Problme de comprhension de texte : le dyslexique ne retire
pas ou partiellement de sens de ce quil a dchiffr. Le message
lui chappe.
Comprendre les consignes des problmes mathmatiques.
Mmoire immdiate auditive insuffisante : rythmes, posies,
mmorisation de plusieurs consignes.
Mauvaise latralisation.
Soin nglig.
Pauvret du lexique.
Ecriture en miroir.
Inversion des signes mathmatiques.
Confusion dans lcriture des chiffres et nombres. 6/9 ; 12/21
28
Au-del des signes prsents concernant les difficults en lecture, il existe toute une cohorte
de troubles associs qui peuvent aggraver la dyslexie.
2.3. LES TROUBLES ASSOCIES
Lenfant cumule les critres diagnostiques de plusieurs troubles associs qui, sils sont
handicapants peuvent faire lobjet dune intervention, en plus du traitement spcifique de la
dyslexie (Ecalle et al., 2007).
2.3.1. Les troubles associs principaux
La dyslexie entrane plusieurs types de troubles associs avec une frquence importante :
- Lenfant dyslexique a souvent des troubles du langage oral : lger retard dapparition du
langage, lger manque de mots, faible mmoire verbale court terme. Il justifie dun vritable
diagnostic de trouble spcifique du langage oral. Ltude de McArthur et al. (2000, in Ecalle et al.,
2007) a trouv que parmi une cohorte denfants dyslexiques, 55% avaient un niveau de langage oral
dau-moins un cart-type sous la norme pour leur ge. Un diagnostic de troubles du langage oral
augmente trs significativement le risque ultrieur de dvelopper une dyslexie. Il faut noter quaprs
quelques annes dcole primaire, le niveau de langage des enfants dyslexiques peut avoir tendance
baisser (relativement aux enfants du mme ge) du fait de linfluence croissante de la lecture sur
lacquisition du vocabulaire et des subtilits du langage.
- Les enfants dyslexiques prsentent souvent des troubles dficitaires de lattention avec
hyperactivit (TDAH) une frquence denviron 30%.
- Des troubles moteurs (dyspraxie, trouble de la coordination, dysgraphie) avec une
prvalence pouvant atteindre 50% sont souvent observs.
La dyslexie saccompagne dune importante comorbidit et galement dune constellation
de caractristiques associes.
2.3.2. Les autres caractristiques associes
Une srie dautres troubles associs est frquemment rapporte ainsi que des spcificits
lies la dyslexie comportant :
- des problmes dorientation spatiale (droite-gauche),
- des problmes de reprage dans le temps,
29
- des problmes darithmtique, avec de forts soupons dune comorbidit entre dyslexie et
dyscalculie (Gross-Tsur et al., 1996 in Ecalle et al., 2007) qui pourrait tre en partie confondue avec
les difficults de calcul mental (apprentissage des tables de multiplication) quengendre
invitablement le dficit de mmoire verbale court terme des dyslexiques (Ecalle et al., 2007).
- des troubles anxieux ou dpressifs conscutifs des problmes et checs scolaires, difficults
dinsertion sociale et professionnelle, saccompagnant parfois de manifestations
psychopathologiques secondaires : dmoralisation, faible estime de soi, dpression, anxit, faible
intrt pour la scolarit et les disciplines acadmiques (Zesiger, 2004). La majorit des enfants
dyslexiques est confronte quotidiennement un vritable fardeau psychologique que reprsentent
la confrontation quotidienne avec lchec, le poids de la diffrence, lincomprhension gnrale des
enseignants face un phnomne qui leur chappe. Tout cela est gnrateur de tensions et de
conflits qui ne pourront parfois tre rsolus qu laide dune psychothrapie (Habib, 1997).
- la corrlation positive de lincidence leve de troubles immuns, de migraines, dallergies, et
plus accessoirement dune concentration leve de lantigne Ro (protine ribonuclaire soluble)
dans les tissus cardiaques et crbraux des mres de dyslexiques (Behan et al., 1985 in Habib,
1997).
Il est souvent voqu lide dune association entre la dyslexie et certains talents particuliers
(artistiques, mathmatiques et autres) ou la prcocit intellectuelle (Ecalle et al., 2007). Des
personnages clbres comme Vinci, Galile, Rodin, Edison ou Einstein sont supposs avoir t
dyslexiques (Sprenger-Charolles, 2003). Le fait de retrouver un nombre consquent de dyslexiques
dans des professions faisant appel aux aptitudes spatiales (architectes, ingnieurs) et dans des
activits sportives ncessitant une prcision spatiale (escrime, tennis) est sans doute mettre en
relation avec ces capacits particulires (Habib, 1996). La dyslexie nest en rien incompatible avec
des talents exceptionnels et/ou un quotient intellectuel lev et cela a t observ dans de nombreux
cas. Nanmoins, aucune donne solide ne permet daffirmer que ce soit le cas plus frquemment
dans la dyslexie que dans le reste de la population. Concernant les dons artistiques, il est
envisageable de penser que les dyslexiques investissent ce domaine comme mode dexpression et
de communication en compensation de troubles du langage.
Les symptmes voluent avec le temps, en fonction de la maturation de lenfant, de
lenseignement et de laide thrapeutique quil reoit. Mais la dyslexie ne se gurit jamais
vritablement. Nanmoins, certains adolescents dyslexiques finissent par atteindre un niveau de
lecture normal (pas plus dun cart-type sous la norme), le plus souvent en mobilisant fortement les
ressources intellectuelles prserves pour contourner le trouble et au prix defforts personnels
considrables. Malgr tout, des symptmes du trouble sous-jacent perdurent, notamment la lenteur
de lecture (alors mme que la prcision est bonne) et de grosses difficults avec lorthographe des
30
mots, qui peuvent rester le seul symptme remarquable chez le dyslexique adulte (Ecalle et al.,
2007).
La comprhension des troubles spcifiques des enfants dyslexiques et de ses modalits
causales renvoie en pralable la prsentation du processus complexe dapprentissage de la lecture.
2.4. LES CAUSES DE LA DYSLEXIE
Le sujet dyslexique rencontre des difficults dans lapprentissage du langage crit car la
nature de ses troubles est dorigine cognitive par consquent crbrale mais aussi gntique. Afin de
comprendre les difficults spcifiques des dyslexiques, il est ncessaire de revenir sur le processus
utilis dans lacte de lecture.
2.4.1. Le processus dapprentissage de la lecture
Lapprentissage de la lecture intervient sur deux voies utilises par lenfant apprenti
(Pelletier, 2006) :
- La voie d'assemblage (phonologique) est utilise lorsque le lecteur commence son apprentissage
de la lecture, rencontre des mots nouveaux et des non-mots. C'est le dcodage des mots son par son.
La connaissance des lettres, la correspondance graphme-phonme, la discrimination auditive, la
conscience phonologique et la mmoire sont sollicites dans cette voie.
- La voie d'adressage (globale) est utilise lorsque le lecteur a emmagasin dans son lexique de
mots et fait face des mots irrguliers. II n'a plus besoin de dcoder les mots qui sont dans son
lexique, il les reconnat. La mmoire et l'accs lexical sont sollicits dans cette voie.
31
Figure 1 : Description des deux voies utilises dans lacte de lecture (Pelletier, 2006)
Pour comprendre le principe alphabtique, lenfant doit effectuer une analyse consciente de
la structure du langage parl - la conscience phonmique - qui correspond la capacit didentifier
et de manipuler intentionnellement les sons de la parole. Elle conduit lenfant comprendre que les
mots parls sont constitus de sons lmentaires dont les lettres sont les correspondants visuels. En
utilisant les associations lettres-sons, il pourra lire les mots par la procdure phonologique (Lambert
et al., 2006). Il va acqurir la conscience phonologique, capacit raliser quen de du mot, la
parole se dcompose en sous-units (syllabes et phonmes) qui forment une combinatoire. Elle
merge vers lge de 5-6 ans sur la base dune sensibilit phonologique acquise antrieurement.
Cest seulement au moment o ce pr-requis cognitif est en place quil est possible denseigner la
lecture un enfant (Ecalle et al., 2007).
Au dbut de lapprentissage de la lecture, les enfants sappuient principalement sur le
dcodage, lent et laborieux au dpart. Cela leur permet dapprendre lire tous les mots qui ont des
correspondances rgulires entre graphmes et phonmes. Ils font beaucoup derreurs quand ils
doivent lire des mots irrguliers mme trs frquents, comme sept lu comme septembre. De plus, la
facilit de cet apprentissage dpend de la transparence des relations entre code crit et code oral.
Plus lcriture est proche de loral, plus vite et mieux les enfants apprennent lire. Les bons
dcodeurs prcoces sont ceux qui progressent le plus vite, y compris pour la lecture de mots
irrguliers.
32
Un autre point important est que mieux lenfant sait lire, plus il va percevoir limage sonore
des mots. Cela a t montr en utilisant des tches dites damorage, dans lesquelles deux mots
crits sont prsents successivement et trs rapidement : un mot cible et une amorce suppose
faciliter sa reconnaissance, la relation entre les deux pouvant tre sonore (fraisefrze), visuelle
(fraise-froise) ou smantique (fraise-fruit) (Sprenger-Charolles, 2003).
Un enfant intelligent ne peut comprendre un texte crit que sil a automatis les mcanismes
qui permettent didentifier les mots crits. Chez un lecteur expert, le caractre automatique de
lidentification des mots crits est mis en relief par leffet dit stroop qui rsulte dune interfrence
entre le sens dun mot et sa forme ("vert" crit en rouge). Lexpert a accs presque immdiatement
la forme mais aussi au sens des mots (Sprenger-Charolles, 2003). Casalis (1997) affirme que
lanalyse des mouvements oculaires indique que les lecteurs experts regardent tous les mots.
Lautomatisation de lidentification des mots est une condition essentielle pour que soient
disponibles des ressources attentionnelles mobilisables pour des activits de traitement.
Lenfant doit apprendre le systme orthographique propre sa langue qui prsente trois
difficults :
- la mme lettre peut prendre des valeurs diffrentes, seule (valeur du s dans rose et soupe) ou en
fonction des combinaisons avec dautres lettres (c dans ch, s dans ss, a dans ain, i dans in),
- le mme phonme [] peut tre reprsent par des graphmes diffrents (vin, vins, vain, vainc,
vingt).
- de nombreuses lettres ne se prononcent pas, leur prsence est due des raisons grammaticales
(nombre, genre) ou tymologiques (vingt du latin viginti).
Si lenfant apprend lire essentiellement sous leffet de lenseignement, il acquiert
implicitement, bien avant le dbut de linstruction formelle, des connaissances sur les
caractristiques structurales du langage oral et crit (Ecalle et al., 2007).
La dyslexie survient lorsque l'une des deux voies (assemblage/adressage) ou les deux ne sont
pas fonctionnelles. Si lapprentissage spcifique du langage crit nest pas acquis par lenfant
dyslexique, au-del de toute autre considration (intellectuelles, sociales, ), cest en particulier
pour des questions dordre cognitif donc crbral.
2.4.2. Le dficit cognitif de la dyslexie
Lhypothse de lorigine de la dyslexie dveloppementale est celle dun dficit cognitif
relativement spcifique qui affecterait particulirement lacquisition du langage crit. La dyslexie
conduit au dcalage entre le niveau de lecture attendu et le niveau de lecture observ chez un enfant
dun ge mental donn, avec un dcalage dun an et demi ou deux ans. Dans la ralit, les enfants
33
atteints dune dyslexie peu svre ou dont lintelligence leur permet de compenser seuls leur dficit,
natteignent pas ce dcalage de 18 mois (Ramus, 2005a).
2.4.2.1.Le dficit phonologique
Au niveau cognitif, lhypothse dominante considre que les enfants dyslexiques souffrent
dun dficit du systme de reprsentation mentale et de traitement cognitif des sons de la parole, ce
qui nuit lapprentissage des correspondances graphmes-phonmes et leur manipulation en
temps rel au cours de la lecture (Sprenger-Charolles et al., 2003). Plus gnralement, la cause de la
dyslexie dfendue par Snowling (2000, in Ramus, 2002), est un dysfonctionnement des
reprsentations phonologiques.
Le dficit de conscience phonologique est mis en vidence dans des tches mettant en jeu la
sensibilit phonologique, telles que la dtection orale dintrus sur les rimes ou allitrations. En effet,
un enfant est capable de dtecter lintrus avant mme de matriser explicitement la notion de rimes.
Par exemple, on prononce les mots clin, kilo, tl et lenfant ds 5-6 ans est capable de trouver
lintrus mme sil na pas les concepts ncessaires pour expliquer quil na pas le mme phonme
initial que les autres mots (Ramus, 2002). Des tches plus complexes sont proposes aux enfants
plus gs et de fait plus agiles avec leur conscience phonologique, telles que les contrepteries. Il
sagit par exemple de proposer, toujours loral, deux mots et de demander dchanger leurs sons
initiaux (citron-bateau bitron-sateau).
Les difficults ne sont pas la consquence dun mauvais apprentissage, mme si apprendre
explicitement les liens graphmes-phonmes renforce la conscience phonmique (Morais et al.,
1986 in Ecalle et al., 2007). Les enfants dyslexiques ont des capacits phonologiques infrieures
celles des enfants apparis en ge de lecture (donc plus jeunes) (Van Alphen et al., 2004 in Ecalle et
al., 2007).
Le dficit de conscience phonologique affecte galement de manire secondaire, la voie
orthographique directe (reconnaissance de la forme visuelle du mot). En effet, cest force de lire
frquemment des mots que lenfant va progressivement les mmoriser dans son lexique
orthographique et donc devenir capable de les reconnatre directement. On voit donc quun dficit
spcifiquement phonologique affecte le dveloppement de lensemble du systme cognitif de la
lecture dans la dyslexie dveloppementale (Ecalle et al., 2007).
A trouble biologique gal, les symptmes de la dyslexie sont dautant plus graves que
lorthographe de la langue est irrgulire (Paulesu et al., 2001 in Ramus, 2005a). En particulier, ils
sont bien plus graves en anglais, danois et franais que dans les langues criture rgulire ou
quasi-rgulire comme lallemand, lespagnol, litalien ou le finnois (Ramus, 2005a). Grigorenko
34
(2001) fait la comparaison entre langues diffrentes ; la proportion de dyslexiques, daprs les
donnes recueillies dans 26 pays, est en moyenne de 7% avec une fourchette qui va de
1% (Chine et Japon) 33% (Vnzuela) en passant par 5% en Allemagne, 10% dans les pays
scandinaves et 20% dans les pays de langue anglaise. Elle en conclut quun dficit mme lger sera
apparent dans une langue complexe mais pas dans une langue simple. Les donnes dimagerie
crbrale montrent que les mmes zones sont sous-actives chez tous les dyslexiques, quelle que
soit leur langue. Cela confirme que le dficit du dcodage pourrait avoir une mme origine : une
dficience des traitements phonologiques (Sprenger-Charolles, 2003).
Il est galement important de noter que lanalyse des sons du langage est spcifiquement
dficiente chez les dyslexiques. Ils nont pas par exemple de difficults similaires quand ils doivent
reproduire sur un xylophone les deux dernires notes dune mlodie de trois notes (Sprenger-
Charolles, 2003). La mmoire verbale fait donc aussi partie du dysfonctionnement.
2.4.2.2.Le dficit de la mmoire
Les enfants dyslexiques rencontrent galement de grandes difficults dans la mmoire
verbale court terme (Shankweiler et al., 1979 in Ecalle et al., 2007). Pour la lecture, cette
mmoire permet de mmoriser le rsultat de lopration de dcodage grapho-phonmique et, soit de
retrouver le mot lu quand il est connu dans notre lexique interne, soit de crer un nouveau mot qui
sera stock dans ce lexique (Sprenger-Charolles, 2003). Cela se manifeste notamment dans lempan
des chiffres qui ncessite le maintien temporaire des reprsentations phonologiques des chiffres afin
de pouvoir les restituer (Ecalle et al., 2007). Ils auront par exemple plus de mal retenir un numro
de tlphone avant de le composer, tche qui ncessite de maintenir actives pendant un temps les
reprsentations phonologiques des nombres correspondants (Ramus, 2002). Un autre exercice peut
constituer rpter des non-mots et des squences de non-mots (Ecalle et al., 2007). Il en va de
mme pour lcriture sous dicte, qui ncessite que linformation soit rpte mentalement, dautant
plus longtemps que lenfant a plus de difficults pour convertir les sons en lettres.
Les enfants dyslexiques sont aussi plus lents dans les tches de dnomination rapide qui
consistent prsenter 50 images dobjets les unes la suite des autres, en demandant lenfant de
les nommer (Denckla et al., 1976 in Ecalle et al., 2007). Il sagit de rcuprer la forme
phonologique du mot dans la mmoire long terme et den planifier rapidement larticulation. Leur
lenteur reflte sans doute une difficult accder rapidement aux reprsentations phonologiques en
vue de les articuler (Ramus, 2002 ; Alegria et al., 2004).
35
La conscience phonologique et le dficit de la mmoire verbale sont les facteurs de causalit
fondamentaux de la dyslexie. Dautres hypothses sont envisages, en particulier sur le dficit
visuel, mais la nature des troubles demeure mal comprise.
2.4.2.3.Les autres dficits lis la dyslexie
Deux hypothses sur le dficit visuel ont t proposes mais le pouvoir explicatif nest pas
encore bien tabli. La premire est que les enfants dyslexiques souffriraient dune instabilit
binoculaire, de problmes de convergence et de planification des saccades oculaires, qui induiraient
des distorsions de la perception des mots, des mouvements apparents, une difficult se dplacer au
sein du texte et une fatigue visuelle (Eden et al., 1994 in Ecalle et al., 2007). Le stress visuel
entrane des symptmes similaires la migraine apparaissant du fort contraste entre lencre noire et
le papier blanc. Ils peuvent engendrer des dformations visuelles qui nuisent la fluidit de la
lecture (Ramus, 2003). La deuxime hypothse est celle de troubles visuo-attentionnels soit sous
forme dune lgre hmingligence gauche (Facoetti et al., 2006 in Ecalle et al., 2007) soit sous
forme dune rduction de lempan visuo-attentionnel, observs chez une partie des enfants
dyslexiques. Cependant, les enfants qui prsentent ce trouble visuel prsentent typiquement aussi un
dficit phonologique. Il pourrait donc tre non pas la cause mais la consquence du trouble
dapprentissage de la lecture caus par un dficit phonologique. En effet, lapprentissage de la
lecture implique un entranement intensif de certains aspects de lattention visuelle et du contrle
binoculaire ; des enfants ayant moins lu ne prsentent pas les mmes performances (Ecalle et al.,
2007).
Dautres hypothses concernant des dficits cognitifs existent mais sont controverses.
Ecalle et al., (2007) citent en particulier la thorie du traitement auditif temporel de Tallal (1980),
affectant la perception des sons brefs et des transitions rapides. De tels lments sont cruciaux dans
la parole car ils permettent de diffrencier de nombreux phonmes et mots, comme bon et don. Cela
peut conduire des reprsentations phonologiques confuses. Certains enfants dyslexiques ont des
difficults dans ces tches lorsque les sons sont courts et rapprochs accrditant lide quils ont une
perception auditive dsordonne (Ramus, 2002).
Une thorie crbelleuse (Nicolson, 2001 in Ramus, 2002) insiste sur le fait que les
dyslexiques sont des gens relativement maladroits, ayant des problmes dquilibre, et galement de
squenage des vnements temporels. Ces symptmes ont conduit proposer quune dficience du
cervelet soit lorigine de la dyslexie (Ecalle et al., 2007).
La proportion des dyslexiques prsentant des troubles auditifs est faible (de 0 50%), de
troubles visuels (de 0 25%), de troubles moteurs (de 0 80% selon les tudes). En revanche, la
36
grande majorit des dyslexiques prsente des troubles phonologiques (de 75 100%). Si les
troubles phonologiques concernent tous ou presque tous les dyslexiques, les troubles
sensorimoteurs ne concernent quune fraction plus ou moins grande dentre eux (Ramus, 2003).
Ces dficits cognitifs tiennent leur origine dans la structure spcifique du cerveau du
dyslexique et plusieurs hypothses sont avances pour expliquer cette singularit.
2.4.3. Les bases crbrales de la dyslexie
Toutes les informations entrant par lil atteignent le cerveau pour tre traites par le cortex
occipital. Cest l quaboutit limage de la lettre capte sur la rtine et commence le traitement de la
lettre et de la forme du mot. Ltape suivante est la conversion dans les formes phonologiques et
lexicales qui sopre en remontant le long du lobe temporal jusqu la scissure de Silvius jusquaux
zones parito-temporales. Les zones frontales sont plutt en charge de la mmoire verbale court
terme et de la production de la parole (Ramus, 2005a).
Figure 2 : Les rgions crbrales de la lecture prsentant une activit rduite
chez les dyslexiques (Ramus, 2005)
Trois principales zones de lhmisphre gauche du cerveau humain sont impliques dans la
lecture et son acquisition (Dmonet et al., 2004 in Ecalle et al., 2007) : la jonction occipito-
temporale, le gyrus frontal infrieur et la jonction parito-temporale. Chez les sujets dyslexiques,
lactivit neuronale dans ces trois zones est plus faible que chez des sujets tmoins (Paulesu et al.,
2001 in Ecalle et al., 2007). Limagerie crbrale fonctionnelle montre ainsi le pendant neural de ce
qui est observ sur le plan comportemental (Ecalle et al., 2007). Plusieurs particularits ont t
observes dans ces zones crbrales spcifiques la lecture, chez les dyslexiques.
37
2.4.3.1.La matire grise et la matire blanche
Le cerveau est divis en matire grise (cortex) situe essentiellement la surface, et en
matire blanche compose de fibres reliant les aires du cortex (Ramus, 2005a). Grce limagerie
structurale effectue sur le cerveau des dyslexiques, une rduction du volume de matire grise est
observe dans deux des aires lies la lecture : laire frontale et laire parito-temporale mais pas
dans la zone occipito-temporale (Eckert, 2004 in Ecalle et al., 2007). Son hypo-activation est
suppose reflter simplement le fait que les reprsentations orthographiques de lenfant dyslexique
ont t faiblement alimentes et entranes, en raison du dysfonctionnement organique des deux
autres aires, plus spcifiquement relies au dficit phonologique.
Limagerie de diffusion permet dobserver les fibres de matire blanche reliant les aires
corticales. Chez les dyslexiques, cette technique montre une connectivit plus faible sous les aires
parito-temporales. Ces dernires ont donc non seulement un volume moindre de matire grise,
mais sont en outre moins bien connectes entre elles et aux autres aires du cerveau (Ecalle et al.,
2007). Dans ces zones, dautres anomalies ont t observes.
2.4.3.2.La migration neuronale
Des chercheurs (Galaburda et al., 1985 in Krifi, 2004) ont pu examiner post-mortem le
cerveaux danciens dyslexiques et ont observ des dysplasies (disposition anarchique au sein des
couches cellulaires), des ectopies (amas de milliers de neurones en position aberrante la surface du
cortex) prsentes surtout dans la rgion prisylvienne gauche et, des polymicrogyri (accumulations
focales de neurones observs surtout dans laire de Wernicke). A un certain stade du dveloppement
ftal (16-24 semaines), les neurones situs dans la zone ventriculaire du cerveau doivent migrer
vers leur destination dans le cortex. Au cours de la migration neuronale, il peut arriver quun groupe
de neurones manque sa cible dans une des six couches du cortex et saccumule au-del. Chez les
dyslexiques, ces ectopies sont situes majoritairement dans les aires frontales et parito-temporales
impliques dans la phonologie et la lecture. On peut donc y voir le phnomne neuronal sous-jacent
aux anomalies de matire grise et de connectivit, et la cause directe du dficit phonologique (et
donc de lecture) des dyslexiques (Ecalle et al., 2007). Geschwind et Galaburda mettent lhypothse
que ces anomalies seraient dues un dysfonctionnement du systme immunitaire conjugu leffet
de la testostrone chez les garons pendant la vie intra-utrine (Habib, 2002 in Krifi, 2004).
Dans une autre tude ultrieure portant sur trois nouveaux cerveaux de dyslexiques mais
cette fois-ci de sexe fminin, Galaburda et al. (1990 in Habib, 1997) ont retrouv des anomalies
dune autre nature, appeles cicatrices gliales corticales ayant la particularit de comporter de la
38
myline, ce qui semble dater une priode plus tardive, probablement aprs la 40me semaine de
grossesse.
Un autre phnomne spc