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Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur adaptateur au service d’élèves déficients visuels. par Nicolas Eglin, Directeur du Centre technique régional pour la déficience visuelle (CTRDV), établissement géré par les PEP 69. Nicolas Eglin dirige un centre ressources régional en Rhône Alpes. Il est par ailleurs animateur du réseau Soins et Accompagnement en Rhône Alpes pour la déficience visuelle (SARADV), un réseau rassemblant les Services médico-sociaux qui accompagnent plus de 450 jeunes déficients visuels de 0 à 20 ans en Rhône Alpes. Le CTRDV assure les transcriptions et les adaptations nécessaires à la scolarisation de ces jeunes déficients visuels (DAO / DER / Adaptations de livres scolaires). De formation initiale en communication, diplômé de Sciences Po Paris autour de la Gestion et des Politiques du Handicap, il souhaite développer le travail en réseau, la mutualisation d’outils et de pratiques au service des personnes en situation de handicap, particulièrement en faveur de l’accès aux livres adaptés. Je dirige aujourd’hui un centre ressources régional 1 , dispositif médico-social, qui assure l’ensemble des transcriptions et adaptations pour les jeunes déficients visuels de la région Rhône-Alpes, en appui aux services médico- sociaux existants, services que l’on appelle aujourd’hui Services d’Aide à l’Acquisition de l’Autonomie et à la Scolarisation (SAAAS). À ce titre, je vais essayer de vous faire partager mes interrogations concernant les évolutions nécessaires du métier de transcripteur adaptateur et du cadre d’exercice de ces professionnels pour répondre au plus près des besoins de ces jeunes. La scolarisation des élèves en situation de handicap, et parmi eux, des élèves aveugles et malvoyants, a beaucoup évolué depuis les 15 dernières années. Depuis la mise en place des groupes départementaux Handiscol en 1999 2 , jusqu’à la loi du 11 février 2005 et son article 19 3 , nous sommes passés en France d’une scolarisation qui était plutôt cantonnée à des établissements dits « spécialisés », à un accueil au plus près du domicile des familles, au sein de l’école de quartier. 1 Voir http://www.ctrdv.fr 2 Voir la Circulaire n° 99-181 du 19 novembre 1999. 3 Article 19 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 : « […] il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. » 7e forum européen de l’accessibilité numérique – Intervention Nicolas Eglin - 1

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Page 1: Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur ... Eglin/08_Nicol…  · Web viewAujourd’hui, nos transcripteurs travaillent essentiellement avec Word, DBT, des logiciels

Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur adaptateur au service d’élèves déficients visuels.

par Nicolas Eglin,  Directeur du Centre technique régional pour la déficience visuelle (CTRDV), établissement géré par les PEP 69.

Nicolas Eglin dirige un centre ressources régional en Rhône Alpes. Il est par ailleurs animateur du réseau Soins et Accompagnement en Rhône Alpes pour la déficience visuelle (SARADV), un réseau rassemblant les Services médico-sociaux qui accompagnent plus de 450 jeunes déficients visuels de 0 à 20 ans en Rhône Alpes. Le CTRDV assure les transcriptions et les adaptations nécessaires à la scolarisation de ces jeunes déficients visuels (DAO / DER / Adaptations de livres scolaires).De formation initiale en communication, diplômé de Sciences Po Paris autour de la Gestion et des Politiques du Handicap, il souhaite développer le travail en réseau, la mutualisation d’outils et de pratiques au service des personnes en situation de handicap, particulièrement en faveur de l’accès aux livres adaptés.

Je dirige aujourd’hui un centre ressources régional1, dispositif médico-social, qui assure l’ensemble des transcriptions et adaptations pour les jeunes déficients visuels de la région Rhône-Alpes, en appui aux services médico-sociaux existants, services que l’on appelle aujourd’hui Services d’Aide à l’Acquisition de l’Autonomie et à la Scolarisation (SAAAS).À ce titre, je vais essayer de vous faire partager mes interrogations concernant les évolutions nécessaires du métier de transcripteur adaptateur et du cadre d’exercice de ces professionnels pour répondre au plus près des besoins de ces jeunes.

La scolarisation des élèves en situation de handicap, et parmi eux, des élèves aveugles et malvoyants, a beaucoup évolué depuis les 15 dernières années. Depuis la mise en place des groupes départementaux Handiscol en 19992, jusqu’à la loi du 11 février 2005 et son article 193, nous sommes passés en France d’une scolarisation qui était plutôt cantonnée à des établissements dits « spécialisés », à un accueil au plus près du domicile des familles, au sein de l’école de quartier. Souhait des familles et des jeunes, cette nouvelle donne a imposé aux enseignants et à ces structures spécialisées de modifier leurs pratiques d’accompagnement.

Ainsi en Rhône-Alpes, il existe un établissement - la Cité Scolaire René Pellet – avec un statut « spécialisé » d’EREA DV4. Cet établissement était jusqu’en 2005 le dispositif unique de scolarisation des jeunes DV venant de toute la région, même s’il accompagnait un petit nombre d’élèves scolarisés au plus près de leurs domiciles.En 2005, et suite à une réflexion engageant l’Education Nationale et la DASS, un redéploiement des ressources de cet établissement a abouti – tout en maintenant la Cité Scolaire - à la création d’un réseau régional médico-social « Soins et Accompagnement en Rhône Alpes pour la déficience visuelle » (SARADV), composé de six SAFEP / SAAAS, dans les huit départements de la région. Le CTRDV est donc le lieu de production de l’ensemble des adaptations pour les élèves de la région Rhône-Alpes. L’équipe de

1 Voir http://www.ctrdv.fr 2 Voir la Circulaire n° 99-181 du 19 novembre 1999.3 Article 19 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 : « […] il est proposé à chaque enfant, adolescent ou adulte handicapé, ainsi qu'à sa famille, un parcours de formation qui fait l'objet d'un projet personnalisé de scolarisation assorti des ajustements nécessaires en favorisant, chaque fois que possible, la formation en milieu scolaire ordinaire. »4 Etablissement Régional d'Enseignement Adapté pour Déficients de la Vue.

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Page 2: Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur ... Eglin/08_Nicol…  · Web viewAujourd’hui, nos transcripteurs travaillent essentiellement avec Word, DBT, des logiciels

transcription est composée de huit personnes, 6 de ces personnes ayant suivi la formation de transcripteur-adaptateur proposée par la FISAF5. Un service reprographie-bibliothèque avec deux personnes, intervient aussi pour la fourniture d’ouvrages en agrandi.

Aujourd’hui, nos transcripteurs travaillent essentiellement avec Word, DBT, des logiciels d’OCR, et s’agissant des dessins en relief (DER) et des dessins adaptés par ordinateur (DAO), ils les réalisent avec Illustrator, en vectoriel. Une base importante de cartographies et de schémas a été constituée à partir du logiciel Visio, qui n’est plus utilisé pour les nouvelles productions.

Le réseau SARADV accompagne aujourd’hui plus de 460 élèves malvoyants et non-voyants, dont 130 environ sont encore scolarisés à la Cité Scolaire René Pellet.

Il s’agit d’élèves dont le niveau scolaire va du CP au BTS, en passant par le collège, par les différentes options existantes en lycée général et en lycée professionnel, c’est à dire des matières scientifiques, des langues différentes, etc.

En fonction de la classe, il faut compter entre 8 et 12 livres scolaires différents par élève. Du fait de la scolarisation dans tous les établissements de la région Rhône-Alpes, et de la liberté pédagogique des enseignants pour le choix des ouvrages – ce que je ne remets pas en cause, il est hélas très rare que nous puissions travailler sur les mêmes ouvrages pour deux élèves différents.

Nous travaillons pour une partie de ces 460 élèves et proposons, selon leurs besoins, des adaptations en caractères agrandis, en braille, des dessins en relief (DER) et des dessins adaptés par ordinateur (DAO).

Pour la grande majorité de ces élèves (plus de 200), nous réalisons des reproductions en format A3 par photocopie laser couleur de leurs ouvrages scolaires. Il n’y a dans ce cas pas ou très peu d’adaptations des ouvrages d’origine.Nous sommes conscients que ces reproductions ne sont pas adaptées aux besoins réels de ces élèves. Les documents produits sont lourds, prennent beaucoup de place sur le bureau. On ne peut pas changer la police de caractère, ni jouer sur l’interlignage. On ne peut pas simplifier les schémas et illustrations, et malgré des progrès importants sur la qualité des photocopieurs utilisés, le rendu des couleurs n’est pas toujours au rendez-vous. Pour les familles qui le souhaitent, nous pouvons aussi mettre à disposition ces mêmes ouvrages en format PDF image, PDF qui sont alors aussi réalisés à partir des photocopieurs laser couleur.

En 2012, l’équipe de transcription a travaillé directement pour 147 jeunes. La majeure partie de ces jeunes étant braillistes, la production était essentiellement orientée vers du braille papier, et du fichier numérique lisible sur bloc notes braille.

Nous avons toutefois décidé d’ouvrir plus largement notre activité en faveur des jeunes malvoyants, par une augmentation de notre production de documents en caractères agrandis.

5 Voir http://www.fisaf.asso.fr/formation-qualifiante/transcripteur-adaptateur-.html

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En 2012 toujours, nous avons produit 45.300 pages, dont 15.500 en braille, 18200 en numérique (fichier en html ou txt essentiellement), environ 3500 pages en DER ou DAO, et 8000 pages en caractères agrandis. Il s’agit à la fois de parties d’ouvrages scolaires, de cours rédigés par les enseignants, ou d’ouvrages dits « de loisirs ». Une partie de cette production correspond à des retirages de documents déjà réalisés. J’insiste sur le fait que notre

production est essentiellement une production fondée sur des livres scolaires, c’est à dire des documents où le ratio texte/image est très important, et où les mises en page sont souvent complexes.

Quelques informations sur ce qu’est un livre scolaire aujourd’hui.

Voici une double page tirée du Livre Histoire Terminale ES et L – regard historique sur le monde actuel - sous la direction de Hugo Billard – programme 2012 chez Magnard : 383 pages avec en moyenne 4 à 5 illustrations par double page, illustrations pouvant être des frises, des photos, des cartes (soit plus de 800 illustrations dans l’ouvrage total). Une mise en page « chargée » présentant différents documents en encadré, avec une police de caractères en corps 9.Cette double page intègre 1 titre (Le XXe siècle, siècle américain), une citation en chapeau de JF Kennedy avec une photo en illustration (JFK lors de son discours d’investiture), une frise temporelle de 1917 à 2010 avec différentes dates importantes pour les États-Unis dont les différentes guerres, 5 paragraphes présentant des évènements et périodes précises, illustrés par 6 photos avec des légendes (sommet de Yalta, une photo d’un champignon nucléaire sur Hiroshima, la photo d’un barrage dans le Colorado financé par le New Deal, l’entrée d’un Apple Store, une escadrille d’avions de chasse en vol, et une photo d’Elvis Presley en concert). Les paragraphes et les photos sont disposés sur la double page sans respecter de grille de mise en page très claire. Les textes ne sont pas justifiés, mais cadrés à gauche pour les paragraphes, et cadrés à gauche ou à droite pour les légendes des photos.

Un calcul rapide en tenant compte de notre production annuelle et de la complexité d’un livre scolaire montre qu’il ne nous est hélas pas possible actuellement de répondre aux besoins de tous les élèves DV de la région Rhône Alpes.L’ensemble des ouvrages scolaires nécessaire à un élève malvoyant de Terminale à lui seul pour son année scolaire représente plus de 3000 pages initiales, soit 4500 à 5000 pages à produire, une fois l’adaptation réalisée, et près de 2500 à 3000 DAO !

Il faut de plus noter que les modifications régulières des programmes limitent fortement la durée de vie des ouvrages scolaires : beaucoup sont obsolètes au bout de 3 à 4 ans maximum et les probabilités que des adaptations produites puissent être utilisées par plusieurs élèves déficients visuels sont hélas faibles.

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Avec l’organisation actuelle de notre centre de transcription, nous ne pouvons pas répondre aux attentes de l’ensemble des élèves que nous accompagnons.Mais il est rare que les enseignants utilisent la totalité des manuels scolaires pour leur enseignement. Nous avons mis en œuvre des procédures de commandes avec des délais de réalisation qui imposent aux enseignants de préciser en amont les pages à transcrire des différents manuels tout au long de l’année scolaire. Nous parvenons ainsi à répondre au plus près des besoins des élèves, en réalisant des adaptations partielles des différents livres scolaires.

Notre défi aujourd’hui est d’augmenter la productivité globale de l’ensemble des transcripteurs en France pour enfin répondre aux besoins de tous les élèves déficients visuels.

Pour cela, il me semble nécessaire de jouer sur plusieurs facteurs :

1/ Rapprocher le métier de transcripteur adaptateur des compétences professionnelles du monde de l’édition, incluant maitrise de logiciels et gestion des process de production en pré-presse.

2/ Développer des partenariats avec les éditeurs eux-mêmes.

3/ Favoriser la mutualisation des productions entre centres de transcription.

4/ Enfin, il nous faut aussi répondre aux attentes grandissantes des jeunes déficients visuels en supports numériques pouvant être utilisés sur toute la gamme des produits technologiques (ordinateurs, tablettes, lecteurs mp3, daisy, etc…)

Premier chantier   : rapprocher le métier de transcripteur des compétences professionnelles issues du monde de l’édition.

Je l’ai déjà évoqué, s’agissant des DER et DAO, nous avons fait le choix d’utiliser le logiciel Illustrator, un logiciel de dessin vectoriel de la Créative Suite d’Adobe6. La production est ainsi fondée sur une technique vectorielle et non « point par point », et des formats de fichiers standards. L’utilisation des courbes vectorielles permet d’agrandir ou réduire tout ou partie d’une illustration sans perte de qualité. L’utilisation des calques permet aussi de modifier facilement une illustration déjà réalisée pour l’adapter aux besoins spécifiques d’un autre élève, de même que l’utilisation des palettes de couleurs.La maitrise d’Illustrator n’est pas aisée. Ce logiciel, utilisé par les infographistes, demande beaucoup de temps de formation, et de pratique. Mais il permet ensuite de produire plus rapidement cartes et schémas divers.

Vous retrouverez sur notre site internet une base de données présentant l’ensemble de notre production7.

Les évolutions de la réglementation, et en particulier de l’exception droit d’auteur8 en faveur des personnes déficientes visuelles, nous permettent maintenant d’accéder aux

6 Voir http://www.adobe.com/fr/products/creativesuite/designstandard.html 7 Voir http://www.ctrdv.fr/GaleriePhoto/

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Page 5: Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur ... Eglin/08_Nicol…  · Web viewAujourd’hui, nos transcripteurs travaillent essentiellement avec Word, DBT, des logiciels

fichiers sources de certains ouvrages via la plateforme Platon. C’est une véritable avancée pour la production adaptée.

Nous avons eu, lors d’un colloque précédent9, la présentation par le SAAAS de Montpellier du process de production de documents adaptés à partir de fichiers sources au format Indesign. La parfaite maitrise des feuilles de style du document permet de changer très simplement sur l’ensemble de l’ouvrage les polices, les tailles de caractères, les interlignages, les couleurs des titres. L’insertion de pages supplémentaires permet ensuite de re-dérouler la maquette globale et de déplacer les blocs texte et images selon un ratio de une page dans le document original pour deux pages dans le document final. Enfin, les liens vers les images sources créées sous Illustrator permettent de faire les adaptations nécessaires avec un gain de temps évident.

Mais cela pose des contraintes importantes pour nos services :- La loi n’impose pas aux éditeurs l’utilisation de « standards » en terme de fichiers

sources. Lorsque nous en faisons la demande auprès de Platon10, le fichier qui sera fourni par l’éditeur pourra être un fichier PDF destiné à l’impression, un fichier produit par un logiciel de mise en page (Indesign ou Xpress en particulier) et plus rarement d’autres formats.

- La transformation d’un fichier PDF en document adapté réduit les étapes d’acquisition du contenu en OCR pour le transcripteur, mais au final le volume de travail reste sensiblement le même par rapport à l’adaptation d’un ouvrage papier.

- Le coût d’équipement en logiciels professionnels est difficilement supportable pour des services de transcription : La licence individuelle pour la créative suite CS6 d’Adobe (avec Illustrator, Photoshop et Indesign) coûte 1800 euros en tarif standard. Quark Xpress version 9 coûte autour de 1700 euros. Même avec des tarifs négociés « éducation » qui permettent des réductions certes conséquentes, il est parfois difficile de supporter ce coût d’équipement pour des services médico-sociaux aux budgets contraints.

- Ces logiciels nécessitent aussi des formations et un accompagnement important pour une bonne maitrise des différents outils.

- Je passe sur le poids des fichiers sources et la nécessité d’avoir un accès internet et serveur informatique configuré convenablement.

On le comprend bien, aux compétences spécifiques du transcripteur adaptateur doit venir se rajouter la maitrise de logiciels professionnels utilisés dans le monde de l’édition et une fine compréhension des processus de production des livres par les infographistes et metteurs en page.

Deuxième chantier   : développer des partenariats avec les éditeurs eux-mêmes.

Aujourd’hui, la rationalisation de la production d’ouvrages adaptés est fortement dépendante en amont de la mise à disposition des fichiers sources par les éditeurs eux-

8 Il s’agit de la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI, et des décrets 2008-1391 du 19 décembre 2008 et 2009-131 du 6 février 2009.9 Journée de l’édition adaptée du 23 novembre 2012, organisée par l’INJA.10 Plateforme de Transfert des ouvrages numériques. Voir https://exceptionhandicap.bnf.fr/platon-web/ Il s’agit d’une plateforme gérée par la Bibliothèque Nationale permettant le transfert des fichiers sources entre éditeurs et centres de transcription en toute sécurité.

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mêmes. La « standardisation » des formats de fichiers fournis permettra bien entendu à l’ensemble de nos centres de transcription de mieux et plus produire au bénéfice des élèves déficients visuels.

Mais plus encore, un véritable travail en partenariat au sein des équipes de production des éditeurs pour tenir compte des contraintes de lisibilité pour un public en situation de handicap, permettrait ensuite de faciliter les adaptations, voire même de les limiter.

Un infographiste n’a aujourd’hui pas la formation nécessaire pour tenir compte des contraintes et des limitations des personnes déficientes visuelles. Intégrer un transcripteur adaptateur directement dans la chaine de production du livre pourrait orienter la création graphique en faveur d’une meilleure lisibilité pour tous.La prise en compte le plus en amont possible de la notion « d’accessibilité universelle » est à terme un facteur d’économie (gain de temps pour la production des versions numériques par exemple) mais aussi un plus commercial évident par l’accessibilité à une base de lecteurs potentiels plus grande, dans un contexte (hors livres scolaires) d’une population vieillissante de lecteurs avec des déficiences visuelles liées à l’âge.Les maisons d’éditions sont pour moi de nouveaux lieux possibles d’exercice professionnels pour les transcripteurs adaptateurs.

L’accessibilité universelle ne résout pas tout. Le partenariat entre éditeurs et centres de transcription pourra prendre la forme suivante :- les éditeurs mettent en œuvre les aménagements permettant une accessibilité aux documents produits pour le plus grand dénominateur commun, les centres de transcription réalisent ensuite des adaptations au plus près des besoins spécifiques de chaque élève déficient visuel.

Enfin, les productions actuelles sont encore orientés « production papier » prioritairement, et non « production de contenus » globalement, même si Indesign et Xpress intègrent des options d’exportation dans des formats « numériques ». En clair, la phase de production « numérique » en format XML, E-pub ou Daisy reste encore souvent postérieure à la production papier, et elle est sous-traitée à des prestataires extérieurs.L’utilisation de ces formats « numériques » permettrait, par l’utilisation des feuilles de style, de produire plus vite encore les documents adaptés.

Les transcripteurs doivent intégrer les codes des professionnels de l’édition.

Troisième chantier   : favoriser la mutualisation des productions entre centres de transcription.

La charte du Comité National de l’Edition Adaptée11 pose dans son second paragraphe le cadre global de la mutualisation et de la collaboration entre centres de transcription signataires :

2. En ce qui concerne la production de l’édition adaptée   : - à adapter, transcrire et diffuser des manuels scolaires correspondant aux programmes de l’Education Nationale demandés par les établissements. Le recours à des transcriptions courtes des manuels en vigueur peut également être envisagé ;

11 Voir sur le site de l’INJA : http://www.inja.fr

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Page 7: Les évolutions nécessaires du métier de transcripteur ... Eglin/08_Nicol…  · Web viewAujourd’hui, nos transcripteurs travaillent essentiellement avec Word, DBT, des logiciels

- à coordonner et à organiser, au plan national, autour des centres signataires de la présente charte, l’adaptation, la transcription, la diffusion de tous types d’ouvrages ou de documents ;- à recenser les demandes d’adaptation et de transcription, sur la base de données de la messagerie du CNEA, afin de les ventiler en fonction des possibilités et, le cas échéant, des spécificités des centres de production d’édition adaptée ;- à indiquer systématiquement, grâce à cette base de données, les projets d’adaptation et de transcription, les transcriptions en cours, ainsi que les manuels ou  documents adaptés et transcrits afin de les faire figurer au catalogue collectif de l’édition adaptée, pour consultation et information.Le C.C.E.A. est accessible sur Internet www.inja.fr.- à fixer d’un commun accord un prix de vente des manuels transcrits et à adopter une position commune sur la question des droits d’auteur ;- à mettre en réseau informatique les centres de production de l’édition adaptée.

Même si le cadre semble clair, dans la pratique, il subsiste des zones d’ombre et des points de friction dans la mise en réseau entre centres de transcription. La Banque de données de l’édition adaptée (BDEA) permet de visualiser les transcriptions en cours… mais tous les transcripteurs ne déclarent pas les adaptations en cours de réalisation.

Par ailleurs, la BDEA donne des indications sur le type de disponibilité des fichiers  : il peut s’agir de mise à disposition gratuite ou payante. Sur quelle base certains centres mettent à disposition leurs productions gratuitement et d’autres non ? Mystère…

Toujours s’agissant de cette mutualisation entre centres, dans le courant de l’année 2012, nous avons sollicité parfois d’autres centres pour accéder aux fichiers déjà produits et ainsi éviter d’avoir à refaire le travail. Si nous avons souvent obtenu les fichiers, il reste que pour certains centres, après 2 à 3 mois d’attente, l’envoi du fichier demandé ne s’est fait qu’après intervention auprès de la direction de l’association gestionnaire en rappelant le principe de la charte de l’édition adaptée.

Enfin, travailler en réseau, c’est harmoniser les pratiques, utiliser les mêmes conventions lors de la production de DER par exemple, échanger entre enseignants et transcripteurs sur l’introduction des différents niveaux de complexité du braille en fonction des niveaux d’apprentissage des élèves.

La fluidité des échanges entre centres de transcription repose sur une compréhension de tous les transcripteurs, et je vais rajouter de toutes les associations concernées, des bénéfices liés à ces échanges, en lien avec une information très précise de la teneur de chaque adaptation réalisée. C’est parce qu’un transcripteur a pu déjà bénéficier d’un fichier déjà produit par un collègue, qu’il sera plus enclin à prendre du temps pour transmettre sa propre production en retour.

Un transcripteur doit maitriser l’animation du travail en réseau avec l’ensemble de ses collègues et la gestion électronique de documents (GED) pour en faciliter la diffusion.

Quatrième chantier et non des moindres   : répondre aux attentes grandissantes des jeunes déficients visuels en supports numériques pouvant être utilisés sur toute la gamme des produits technologiques.

L’heure n’est plus à la production de documents papier. Nous constatons tous une demande grandissante en fichiers numériques, pour une lecture visuelle ou audio sur

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des outils informatiques divers. Répondre à cette demande nécessite de maitriser les outils de production correspondant, de comprendre les différences existantes et les spécificités des formats de fichiers (Daisy ? E-pub ? XML ?), de pouvoir répondre aux attentes légitimes des ayant-droits sur la sécurisation des envois de fichiers, enfin de rester à la pointe des innovations technologiques et des différentes plateformes existantes (PC / Mac / iOS / Android / Linux / …)On pourrait considérer que ce chantier doit être confié à des informaticiens en priorité, mais la réalité de l’exercice du métier de transcripteur est telle qu’il n’est pas toujours possible de s’appuyer sur un informaticien en interne aux équipes des services de transcription.

Un transcripteur doit avoir une maitrise technique dans les supports numériques.

Pour conclure, adapter un document, et particulièrement un document pédagogique c’est d’abord :

- savoir à quoi il sert,- savoir à qui il est destiné pour tenir compte des capacités et incapacités du

lecteur à qui l’adaptation est destinée,- comprendre la démarche pédagogique associée au document,- maitriser le braille,- connaître la basse vision et les techniques d’adaptation correspondantes

Mais c’est aussi :- Maitriser des techniques du champ professionnel des infographistes et des

metteurs en page,- Connaître les codes et les pratiques du secteur de l’édition,- Travailler en réseau,- Maitriser la gestion électronique des documents- Avoir des compétences en informatique et en NTIC.

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