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Misère de l’anti-développement (Version provisoire : ne pas diffuser, ne pas citer) Stéphanie Treillet 1 A la fin des années 60, moment où les grandes stratégies et modèles développement ont commencé à rencontrer leurs limites, aussi bien théoriques que pratiques, et à faire l’objet de critiques venues de différents bords 2 , est apparu, essentiellement dans les pays industrialisés, un ensemble d’approches qu’on pourra regrouper sous l’appellation de « refus du développement », ou théories de l’ « anti- développement ». Si l’on devait résumer en une phrase la proposition commune à tous les auteurs qui s’y rattachent, on pourrait dire qu’ils affirment que le développement, à la fois comme ensemble de théories et comme stratégies mises en applications, n’a constitué pour les pays du Tiers-monde, depuis la décolonisation, qu’un nouvel avatar de la domination des pays industrialisés et de l’occidentalisation du monde, sur tous les plans (économique, social, culturel…). Toutefois, on verra que ces théories ne peuvent pas se résumer à cette idée, et que le « refus du développement » n’est qu’un aspect d’une conception cohérente et beaucoup plus globale qui peut être abordée par d’autres angles d’attaques : la question du travail, la lecture de l’histoire humaine, l’appréhension des différentes identités et cultures, etc. En effet, derrière la conception du développement, on trouve un ensemble d’approches épistémologiques d’une part, d’approches anthropologiques, d’autre part, et une position politique enfin, même si elle ne s’affiche pas explicitement comme telle. Il importe donc, pour bien cerner les enjeux véritables de ces orientations, d’analyser leurs considérants et soubassements - philosophiques, anthropologiques comme économiques et sociologiques - leur enracinement dans l’histoire des théories, la façon dont elles s’inscrivent dans les débats, etc., même si ici le point de vue de départ adopté est surtout économiste et est donc de ce point de vue incomplet. 1 Maître de conférences en économie à l’IUFM de Créteil 2 Critiques de la part des courants « radicaux » et des théories de la dépendance, mais aussi début des remises en causes libérales…. 1

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Misère de l’anti-développement 

(Version provisoire : ne pas diffuser, ne pas citer)

Stéphanie Treillet1

A la fin des années 60, moment où les grandes stratégies et modèles développement ont commencé à rencontrer leurs limites, aussi bien théoriques que pratiques, et à faire l’objet de critiques venues de différents bords2, est apparu, essentiellement dans les pays industrialisés, un ensemble d’approches qu’on pourra regrouper sous l’appellation de « refus du développement », ou théories de l’ « anti-développement ». Si l’on devait résumer en une phrase la proposition commune à tous les auteurs qui s’y rattachent, on pourrait dire qu’ils affirment que le développement, à la fois comme ensemble de théories et comme stratégies mises en applications, n’a constitué pour les pays du Tiers-monde, depuis la décolonisation, qu’un nouvel avatar de la domination des pays industrialisés et de l’occidentalisation du monde, sur tous les plans (économique, social, culturel…). Toutefois, on verra que ces théories ne peuvent pas se résumer à cette idée, et que le « refus du développement » n’est qu’un aspect d’une conception cohérente et beaucoup plus globale qui peut être abordée par d’autres angles d’attaques : la question du travail, la lecture de l’histoire humaine, l’appréhension des différentes identités et cultures, etc. En effet, derrière la conception du développement, on trouve un ensemble d’approches épistémologiques d’une part, d’approches anthropologiques, d’autre part, et une position politique enfin, même si elle ne s’affiche pas explicitement comme telle. Il importe donc, pour bien cerner les enjeux véritables de ces orientations, d’analyser leurs considérants et soubassements - philosophiques, anthropologiques comme économiques et sociologiques - leur enracinement dans l’histoire des théories, la façon dont elles s’inscrivent dans les débats, etc., même si ici le point de vue de départ adopté est surtout économiste et est donc de ce point de vue incomplet.

Quel intérêt d’effectuer ce travail ? De mon point de vue il est double. En premier lieu, le simple affichage du « refus du développement » a souvent contribué à faire classer ces courants dans le champs multiforme de la pensée radicale et/ou hétérodoxe à propos du développement, et, aujourd’hui, dans celui de la critique de la mondialisation libérale, qui semble leur procurer depuis quelques années un nouvel appel d’air. Par leur vocabulaire, leurs références théoriques, la radicalité qu’elles affichent dans la remise en cause globale du système sur les plans non seulement économique mais aussi social et culturel (sans qu’il soit jamais question du politique, mais nous verrons que ce n’est peut-être pas un hasard…), ces courants sont situés, au niveau de la lecture publique aussi bien qu’académique qui en est faite, dans l’espace du progressisme et de la lutte pour une autre mondialisation. Une question importante est donc de déterminer si ce classement est justifié, ou si au contraire, derrière l’affichage de la radicalité, on a affaire à un courant de pensée dont un des axes essentiel est le refus de toute transformation sociale, et qui compte-tenu de son affichage à l'opposé, entretient une confusion théorique qui tend à brouiller les enjeux. En second lieu, dans la mesure ou l’argumentation de ces auteurs repose, on le verra, en grande partie sur le flou et la pluralité des significations du mot développement et sur les impasses réelles des stratégies de développement passées, le fait de se prononcer par rapport aux thématiques et argumentations qu’ils avancent oblige du même coup à entreprendre un

1 Maître de conférences en économie à l’IUFM de Créteil2 Critiques de la part des courants « radicaux » et des théories de la dépendance, mais aussi début des remises en causes libérales….

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effort de précision de la conception du développement sur laquelle une théorie hétérodoxe contemporaine du développement devrait s’appuyer. Il peut être important également de se demander ce qui dans une argumentation « anti-mondialisation » mal comprise, pourrait donner prise à de telles proximités

Pour essayer de cerner plus précisément les enjeux théoriques et politiques de ces controverses, on commencera par présenter les différentes sensibilités regroupées autour de la thématique du refus du développement, leurs filiations et leurs prolongements actuels, ainsi que les différentes thématiques que croise l’antidéveloppement. On tentera ensuite d’effectuer un classement des principales propositions théoriques mises en avant par ces auteurs depuis leur apparition jusqu’à aujourd’hui, en examinant pour chacune d’entre elles quels sont leurs enjeux et leurs arrière-plans.

N.B. Pour lancer ce débat, je tiens à préciser d’ « où je parle », selon une expression consacrée. Mon point de vue est triple : - une démarche d’économiste critique du développement, consciente de la nécessité de refonder collectivement une nouvelle hétérodoxie du développement, mais qui ne ferait pas forcément table rase de tout ce qui s’est écrit il y a trente ou quarante ans, disqualifié par les rapports de force sociaux et internationaux plus que par des arguments théoriques….- un refus de l’anti-économisme et des illusions de la fin du travail, et l’affirmation de la nécessité d’une autre conception de l’économie, contre la « pensée unique ». - une opposition féministe de principe, affirmant l’universalité des droits.

1/ De quoi s’agit-il ?

1.1/ Les thèses du «refus du développement » : auteurs, institutions

1.1.1/ François Partant (1926-1987) est souvent considéré, du moins dans les pays francophones, comme le fondateur de ce courant. Il est l’auteur de La Guérilla économique, 1976, Que la crise s’aggrave, 1978,3 Le Pédalo Ivre, 1980, La fin du développement, naissance d’une alternative ? (1982, réédition 1997), La Ligne d’horizon, 1988, Cette crise qui n’en est pas une, 1994 et d’une série de films. Il existe une association, « La ligne d’horizon - les amis de François Partant », (dont Serge Latouche est le président) qui se donne pour objectif de promouvoir ses analyses. Un récent colloque sur « l’après développement lui a rendu hommage (cf Annexe 2)

1.1.2/ Le promoteur le plus actif de ces théories est Serge Latouche, économiste et philosophe : Faut-il refuser le développement, 1986, L’occidentalisation du monde, essai sur la signification, la portée et les limites de l’uniformisation planétaire, 1989, La Mégamachine, dans son versant « critique » qu’on peut résumer par cette phrase : « Si le développement, en effet, n'a été que la poursuite de la colonisation par d'autres moyens, la nouvelle mondialisation, à son tour, n'est que la poursuite du développement avec d'autres moyens ».4 ; La planète des naufragés, essai sur l’après-développement, L’autre Afrique, entre don et marché), dans son versant d’exploration d’ «alternatives ». On trouve aussi sur les mêmes thèmes différents articles dans la Revue Tiers-Monde, (notamment la coordination d’un n° spécial sur la notion de développement), dans l’Homme et la Société, dans le Monde

3 vient d’être réédité avec une préface José Bové et une postface de Serge Latouche. 4 Colloque international: «Défaire le développement. Refaire le monde», Du 28 février au 3 mars 2002, à Paris, organisé par La ligne d'horizon, Le Monde diplomatique, avec le soutien de l'Unesco, Le développement n'est pas le remède à la mondialisation, c'est le problème!Par Serge Latouche, Professeur émérite à l'université de Paris-Sud.

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diplomatique dont un très récent résumant tous les arguments du refus du développement («Pour en finir une fois pour toutes avec le développement », juin 2001.). Mais on ne peut comprendre ses théories qu’en les replaçant dans cadre théorique du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste dans les Sciences sociales), regroupement de différents chercheurs en sciences humaines (anthropologues, sociologues mais aussi économistes, entre autres). Les objectifs du MAUSS ont été explicités entre autres dans un "manifeste" intitulé Critique de la raison utilitaire (Alain Caillé, 1989). Le MAUSS a publié successivement Le Bulletin puis la Revue du MAUSS (à partir de 1988). En quelques mots, le MAUSS propose "de penser et d’analyser autrement l’économie" (Caillé, Guerrien, Insel, 1994), notamment via une certaine lecture anthropologique, mettant au centre la généralisation du paradigme du don (opposé à l’intérêt et au calcul maximisateur). S. Latouche formule ainsi cette démarche. « Le M.A.U.S.S., d’une certaine façon, est né d’une protestation contre l’une des formes et des conséquences principales de l’universalisme occidental : l’impérialisme de l’économie au plan de la réalité et de la pensée. De nombreuses contributions dans les premiers numéros de ce qui était alors le Bulletin du M.A.U.S.S. développaient la critique de l’universalisme occidental »

Quelques sommaires représentatifs de la revue du MAUSS sont présentés en Annexe 1 à titre d’information. Deux remarques à ce sujet : - la plupart des titres peuvent sembler sans grand rapport avec le sujet du « refus du développement ». Or répétons qu’il est important de bien comprendre les soubassements philosophiques et anthropologiques de ce courant pour bien cerner les enjeux de cette théorie.- quelques article dont les titres sont soulignés présentent un intérêt particulier à cet égard.

1.1.3/ La thématique est reprise plus récemment par Gilbert Rist, professeur à l'Institut Universitaire d'Études du Développement (IUED), qui vient de rééditer Le développement, histoire d’une croyance occidentale, (1°éd. 1996), et avait déjà dirigé un ouvrage collectif La culture otage du développement ? en 1994. On retrouve par ailleurs dans cette approche l’essentiel des chercheurs de l’IUED. La plupart d’entre eux ont participé au colloque organisé par le Most -Unesco et l’association « La ligne d’horizon » l ' « après-développement », en février 2002. On retrouve les noms de ces auteurs dans différentes publications sur le même thème, ainsi que d’un grand nombre d’auteurs de différents pays (cf Annexe 2 ). Exemples : Wolfgang Sachs, auteur de The development dictionary, a guide to knowledge as power, Londres, 1992 ; Majid Rahnema, Gustavo Esteva (Les ruines du développement, Montreal, 1992), tous deux auteurs avec Gilbert Rist de Repères pour l’après-développement, Lausannes, 1992 ; François de Ravignan, Peut on en finir avec le développement ? Conclusion du colloque "Silence, on développe... la pauvreté", Paris, janvier 1996.(entre autres..), avec des références réciproques de ces auteurs entre eux, les trois références principales étant Partant, Latouche et Rist. On trouve aussi de nombreuses publications dans des revues comme L’Ecologiste, Silence, The Ecologist… La lecture de ce programme semble appeler plusieurs remarques : - Il existe autour de ce courant théorique tout un réseau, international, pluridisciplinaire et appuyé sur plusieurs institutions académiques et revues dans différents pays - même si comme on l’a vu il est assez peu présent dans les pays du Tiers-monde eux-mêmes. Mais il entretient aussi des liens avec plusieurs mouvements militants ou ONG.

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- En dépit de la radicalité affichée de ses positions, et de la volonté de s’inscrire à contre-courant des démarches militantes habituelles ou en extériorité par rapport à elles, ce courant n’est pas isolé. On note en effet de nombreux intervenants, individus ou mouvements sociaux, qui font partie du mouvement contre la mondialisation libérale, pour une autre mondialisation et un autre développement, une autre société. Malentendu ? Confusion ? Il paraît urgent de s’interroger à ce sujet. - Les développements les plus récents de ce courant font le lien entre la production théorique ancienne (années 60-70) et la plus récente, comme le montrent les diverses rééditions, références, hommages, etc.

1.2 Les antécédents revendiqués

En remontant plus loin dans l’histoire des idées, on peut relever pour ces théories d’autres parrainages théoriques.

1.2.1/ Antécédents indirects

On passera rapidement sur les antécédents « indirects », dont l’essentiel de l’élaboration et des écrits sont par ailleurs nettement plus ancien, mais qui constituent pour ce courant une référence, peut-être au prix d’une lecture partielle des théories elles-mêmes. * L’anthropologie de Marcel Mauss (1872-1950), principalement L’essai sur le don, dont ce courant retient essentiellement deux idées interdépendantes : l’accent mis sur la notion de « phénomène social total », et la relativisation dans la vie sociale du calcul marchand, auquel est substitué comme paradigme alternatif le don contre don, comme vecteur de la circulation des biens.* Plus indirectement encore l’anthropologie structurale de Claude Lévi-Strauss est revendiquée au sens où elle introduit une rupture épistémologique dans le champs des sciences humaines en considérant sur un même plan la cohérence structurelle internes de toutes les cultures.

1.2.2/ Antécédent direct : Ivan Illich

La point de départ de la démarche d’Illich au sujet du développement (Libérer l'avenir (Seuil, 1971), traduction de l'ouvrage publié en 1969 sous le titre Celebration of Awareness) est une critique de l’aide occidentale au développement (notamment dans le cadre de l’Alliance pour le Progrès) : il développe l’idée qu’elle permet d’exporter un modèle de développement standardisé (vecteur d’une « domestication des masses »), comportant la croissance de la consommation, la course au superflu, l’obsolescence organisée, l’abondance pour quelques uns et la pénurie pour la majorité ; mais au-delà de cette critique du modèle économique, il pointe la domination culturelle, qui passe selon lui par l’«emprisonnement dans les hôpitaux et les salles de classe ». Le sous-développement est donc un état d’esprit, un complexe d’infériorité de la population qui provient de l’aspiration à des solutions occidentales inaccessibles (dont la généralisation des écoles). Il stigmatise la manipulation des besoins humains par les  « vendeurs d’écoles et de coca-cola ». Il oppose à la scolarisation obligatoire, vue «comme un asservissement et un endoctrinement », «l’éducation véritable » : « L’éducation par laquelle la conscience s’éveille à de nouvelles possibilités de l’homme, l’éducation qui et l’imagination créatrice au service d’une vie plus humaine. »Tout cela doit être replacé dans une approche mettant en valeur les dimensions de «convivialité », de solidarité, d’autonomie etc. par opposition à la société moderne atomisant, aliénant les

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individus…François Partant écrit ainsi «ce n’est guère que depuis vingt-cinq ans qu’un courant de pensée, né aux États-Unis, a commencé à mettre en doute le caractère bénéfique de l’évolution technico-économique, en soulignant ses aspects négatifs et en s’interrogeant sur la valeur sociale des progrès accomplis. Il a été fortement marqué par Ivan Illich, qui s’est employé à démythifier les institutions et réalisations dont nous sommes le plus fiers, celles qui sont les plus représentatives de notre développement, tels que les systèmes d’enseignement, de santé, de transport…. Bien que demeurant encore marginal, il s’est considérablement renforcé avec la montée du mouvement écologique. « . (La Fin du développement, p 15)Dès lors, le parallèle sera fait entre l’aliénation des individus et l’aliénation des sociétés.

1.3 Les prolongements et croisements thématiques.

Sans développer trop longuement ici cet aspect afin de bien cibler le sujet, il paraît important de recenser les différentes thématiques (cf Annexe 1) qui croisent le refus du développement dans ses différents considérants, dans la mesure où elles forment système (ce dont attestent par ailleurs encore une fois les multiples références réciproques dans les écrits)On peut citer notamment

1.3.1/ Les théories de la fin du travail et du revenu d’existence, dans une certaine approche. Cf, Revue du MAUSS n° 15-16, et 1996 n° 7 « Vers un revenu minimum inconditionnel ? », sur la base de la renonciation à l’objectif du plein-emploi et d’une souhaitable sortie du travail salarié, Alain Caillé notamment défend une « inconditionnalité faible » du revenu d’existence, c’est-à-dire avec un critère de ressource et d’activité. Ce «revenu minimum de citoyenneté » serait versé à «tout chef de famille de plus de 20 ans », égal à la moitié du salaire minimal, et «tout autre membre adulte du ménage ne recevrait qu’un quart » et il préconise l’ »encouragement au temps partiel, l’État subventionnant la moitié de la perte de salaire.5 »

1.3.2/ L’ethnopsychiatrie : notamment les «thèses » de Tobie Nathan. Pour une critique de cette démarche cf «les dérives de l’ethnopsychiatrie »6. On retrouve le culturalisme (l’identité de l’individu est définie par «sa culture » et exclusivement par celle-ci, relativisme culturel, ce qui conduit à des orientations analogues à celles qu’on peut trouver dans la revue du MAUSS (défense de l’excision, de la polygamie, au nom de la cohérence des cultures…).

- L’écoféminisme : Comme le dit Vandana Shiva : " Sous le masque de la croissance se dissimule, en fait, la création de la pénurie". Cité par S. Latouche (en introduction au colloque « après-développement ». Ce courant se réclame de luttes de femmes contre la marchandisation généralisée et contre la destruction de l’environnement, pour développer une thématique de méfiance par rapport à tous les éléments de modernisation de rupture des liens communautaires traditionnels, et une thématique essentialiste de l’attachement spécifique des femmes à la nature et à la paix.

- Le postmodernisme : déconstructivisme, relativisme scientifique (Latour). La rationalité est considérée comme un point de vue contingent parmi d’autres (cf revue du MAUSS n °1, « Le grand partage »).

1.4/ Quelle unité de ce courant ?

5 C’est moi qui souligne….6 cf « La dérive de l'ethnopsychiatrie », Alain Policar (ancien directeur des Cahiers Rationalistes)

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Affirmer que toutes ces idées forment système, et qu’elles vont dans une direction particulière, ce qu’on tentera de démontrer dans le 2/, ne signifie pas pour autant que l’homogénéité et l’unité de ce courant sont totales. Il pourrait y avoir des débats. On peut se demander notamment si tous les auteurs se reconnaissent dans les positions les plus extrêmes, et si compte tenu de l’évolution du contexte économique ou social (par exemple luttes contre la mondialisation libérale, luttes des femmes à l’échelle internationale et notamment dans les sociétés du Tiers-monde), ils ont été amenés à nuancer ou à faire évoluer leurs positions. Globalement dans les deux cas il n’en est rien.

1.4.1/ Peut-on attribuer à tous les positions les plus extrêmes ? - Un exemple particulièrement significatif : les développements de certains auteurs de la revue du MAUSS (Martine Lefeuvre, repris par d’autres dans le n° 4) sur l’excision. On trouve bien des débats portant sur la question de déterminer jusqu’où on peut, dans l’abstrait, pousser le relativisme culturel (n° 1, Jorion-Sperber), mais la controverse n’est pas appliquée à cette question particulière. On trouve encore moins de démenti des arguments développés dans ces articles, ce que la gravité de la question aurait au moins requis.7 Dans la mesure où les arguments développés entrent en cohérence avec les soubassements philosophiques du courant, on a l’impression d’avoir affaire à une vaste palette à partir de laquelle chaque auteur brosse dans une direction particulière, sans que des points de clivage ou des désaccords de fonds soient clairement explicités et débattus.- Autre exemple d’impasse de la critique interne : dans un entretien publié dans Post-development Reader, 1997, M. Rahmena, tout en se réclamant pour l’essentiel des théorie de Illich, lui oppose l’objection suivante : ces théories remettent en cause les certitudes établies, à tel point qu’il se reste plus rien pour guider l’action et qu’elles semblent au contraire logiquement inspirer une position de retrait de la vie sociale et d’impuissance face à la marche du monde. Illich dans sa réponse reconnaît le bien-fondé de l’objection ; 1.4.2/ Quelle évolution de ce courant ? On peut noter qu’elle va plutôt dans le sens d’une radicalisation et d’une réaffirmation.

- une radicalisation : on peut citer encore une fois l’exemple d’Illich qui affirme lui-même en 1997 être passé de la critique des moyens du développement (l’école, l’hôpital) à la critique de ses fins (l’éducation, la santé en tant que telles).

- une réaffirmation : S. Latouche déclare vouloir « en finir une fois pour toutes avec le développement » et résume dans un article en 2001 l’essentiel des arguments de ses premiers ouvrages sur le sujet.Même si la présentation des idées est plus complexe chez G. Rist, qui prend en compte certaines des critiques avant de les réfuter, et semble plus ouvert à la discussion avec les différents courants de la pensée du développement, les propositions les plus essentielles sont réaffirmées. Cela rejoint la revendication forte, qu’on a déjà notée, de la part des théoriciens contemporains, de continuité avec les pères fondateurs de ce courant.

2/ Les enjeux théoriques et politiques.

2.1 / Les différentes facettes du « refus du développement »

7 La Revue du MAUSS a même soutenu en 1988 un appel contre la criminalisation de l’excision, signé par plusieurs chercheurs et fondé sur les mêmes arguments, ….

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Une partie de l’argumentation semble procéder de contresens, de confusions ou de malentendus sur le sens du mot « développement ». Mais le débat va au-delà : une fois les concepts éclaircis, des problèmes de fond demeurent.

2.1.1/ Développement et croissance : la confusion.

- Dans un grand nombre d’écrits (Partant, Latouche), développement semble confondu avec croissance. L’argumentation se confond alors avec l’argumentation en faveur de la croissance zéro, soit au nom des limites écologiques de celle-ci à l’échelle mondiale, soit au nom de ses effets pervers dans chaque société (inégalités, exclusion, etc.). Or il s’agit d’un autre débat 8. Il est ici en général traité fort rapidement, en occultant totalement l’idée qu’une croissance du surplus économique serait de toute façon nécessaire dans beaucoup de pays pour parvenir à plus de justice sociale, et de démocratie (cf expériences de redistribution de la pénurie renforçant les dérives bureaucratiques dans certaines expériences révolutionnaires ou de développement autocentré) : cette question n’est pas discutée. Mais surtout, l’économie du développement ne s’est constituée qu’en rupture avec la notion de croissance, - même si celle-ci est jugée nécessaire -, la dimension qualitative et structurelle étant clairement distinguée de la dimension quantitative : à cet égard la démarcation théorique opérée par Perroux est fondatrice, en tout cas en France. On constate la même confusion par rapport à l’évolutionnisme : la plupart des auteurs semblent considérer Rostow comme l’auteur de référence du développement. Bien sûr, cela est compréhensible dans la mesure où il prennent comme point de départ de leur critique la politique des institutions internationales, notamment l’aide, que fonde le schéma de Rostow. Il n’en reste pas moins que, justement, la théorie du développement s’est élaborée sur la base de la critique du schéma de Rostow, et c’est un point commun entre des courants hétérodoxes (structuralistes, dépendantiste) et des auteurs plus orthodoxes (Lewis, Chenery etc..), mais qui reconnaissent une spécificité du sous-développement. Ce point commun peut se décliner en deux idées qui sont bien connues : - le sous-développement n’est pas un retard du développement mais une situation historique spécifique produite notamment par la colonisation- il comprend une série de discontinuités, désarticulations, cercles vicieux, effets de domination, etc., rendant justement inapplicables un modèle de croissance standard. A la suite de quoi, un certain nombre d’auteurs, marxistes ou non, ont analysé comment non seulement croissance et sous-développement pouvaient coexister, mais encore comment une certaine croissance pouvant engendrer le sous-développement, vu comme un processus et non un état (cf par ex : René Dumont, Le mal-développement en Amérique latine, P. Salama, P. Tissier, L’industrialisation dans le sous -développement). Or justement dans les théories du « refus du développement » , il n’y a pas d’analyse du sous-développement : celui-ci disparaît du champs de l’analyse.

- De plus, non seulement pour ces théories développement = croissance, mais il ne s’agit pas de n’importe quelle croissance, mais de la croissance de l’économie de marché.9 Cela 8 Cf J-M Harribey, L’économie économe, L’Harmattan., 1999.9 Ce qui correspond à la définition du développement donnée par l'OCDE/CAD : le développement est un processus intégré de stabilité politique et économique qui combine la bonne gestion des affaires publiques et laparticipation des populations, l'investissement dans les ressources humaines, la confiance dans le jeu des forces du marché, le souci de l'environnement et l'existence d'un secteur privé dynamique. - définition dont on voit tout de suite qu’elle est assez

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n’est pas non plus évident si l’on considère l’ «ère du développement » proprement dite, c’est-à-dire de 1950 à 1980  ou un peu après : un certain nombre des stratégies de développement où l’acteur principal est l’Etat (souvent faute tout simplement de secteur privé et de bourgeoisie nationale !), quelques expériences se réclament du socialisme (quoi qu’on puisse penser par ailleurs de la réalité de cette référence sur le terrain), et un plus petit nombre encore de tentatives de développement endogène, autocentré (Tanzanie, Burkina-Faso, Nicaragua…) - dans tous ces cas, cela ne veut pas dire que la loi de la valeur ne domine pas en dernier ressort, mais  que les décisions stratégiques obéissent à d’autres critères que ceux de la rentabilité immédiate (investissements dans l’industrie lourde, etc.). L’ère de l’extension du marché coïncide justement avec la renonciation à l’objectif de développement. Enfin et surtout tout un courant de l’économie du développement (dépendantiste, radicaux), envisage le développement non comme la transposition du capitalisme du Nord mais comme une transformation globale de la société et des rapports de production.

Pour S. Latouche, cette distinction n’a pas lieu d’être : «Qu'il soit « durable », « soutenable » ou « endogène », il s'inscrit toujours, de manière plus ou moins violente, dans la logique destructrice de l'accumulation capitaliste ».(Monde diplomatique, juin 2001)G. Rist quant à lui intègre une partie de cette critique dans sa réflexion : « Une définition scandaleuse ?» (chapitre 1), faisant référence à la définition qu’il propose du développement au début de son ouvrage : Le développement est constitué d'un ensemble de pratiques parfois contradictoires en apparence qui, pour assurer la reproduction sociale, obligent à transformer et à détruire, de façon généralisée, le milieu naturel et les rapports sociaux en vue d'une production croissante de marchandises (biens et services) destinées, à travers l'échange, à la demande solvable.Il anticipe donc les critiques possibles de cette définition, au nom d’une définition comme celle du PNUD établissant une interdépendance entre croissance et aspect qualitatifs. Mais selon lui cette distinction n’existe qu’en théorie : elle est nulle et non avenue dans la pratique : les stratégies de développement sur le terrain reviennent exclusivement à rechercher la croissance maximale. En cohérence avec son titre, il renvoie la distinction revendiquée entre la pratique constatée et le « vrai développement », celui qui est poursuivi comme objectif, à un simple acte de foi. Quant à son analyse des courants de la dépendance ou radicaux (chapitre 7), elle mobilise une argumentation curieuse : il reconnaît les apports des analyses de la dépendance, tout en faisant le diagnostic de leur échec, - échec qu’il ne caractérise ni n’explique, sinon par l’accession à la présidence de la République au Brésil de FH Cardoso  ! - dont il reprend par ailleurs le bilan : fondamentalement ce qu’il semble reprocher aux théories de la dépendance est surtout d’avoir une dimension révolutionnaire au moins en projet. Or ce débat sur la qualification des modèles et des stratégies de développement « hétérodoxes » (structuralistes, dépendantistes) est un débat central. On peut considérer qu’ils ont échoué pour des raisons intrinsèques à leur logique propre, soit parce que leurs hypothèses étaient erronées (argumentation libérale), soit parce leur objectif était vicié à la base (refus du développement, quel qu’il soit). On peut à l’opposé considérer, et c’est peut-être plus compliqué mais plus intéressant, qu’ils ont échoué pour des raisons de rapports de forces politiques et sociaux, tant nationaux qu’internationaux, et qu’aucune stratégie de développement véritablement cohérente n’a été mise en application sans faire l’objet très vite d’accommodements, de déformations, etc . (défaut de planification, défaut de démocratie, renoncement aux réformes agraires et fiscales, concessions aux FMN, etc) ou sans être vite

différente de celle du PNUD !

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défaites d’une manière ou d’une autre par la disproportion des rapports de force internationaux (Nicaragua, Burkina Faso, Tanzanie….)

2.1.2/ Refus des dimensions structurelles et qualitatives du développement.

Une fois évacuée cette confusion dans les définitions, il reste cependant que le problème de fond dans l’objectif du développement réside bien, pour tous les auteurs, également dans ses dimensions structurelles et qualitatives, dans la mesure où celles-ci ne sont que la transposition forcée du modèle occidental à des sociétés auquel il est intrinsèquement inadapté. S. Latouche met ainsi en avant l’idée du caractère ethnocentrique de toutes les définitions (renvoyées dos à dos). Il écrit (1989) que «le développement, c'est l'aspiration au modèle de consommation occidentale, à la puissance magique des Blancs, au salut lié à ce mode de vie » . «Il signifie en clair, pour les masses affamées du Tiers Monde, une consommation comparable à celle des Américains moyens et pour les gouvernements des pays humiliés, l'entrée dans le club des grandes puissances» . Mais ce n’est pas seulement l’objectif « économique » qui est en cause ici : "Or, ce noyau dur, que tous les développements ont en commun avec cette expérience-là, est lié à des « valeurs » qui sont le progrès, l'universalisme, la maîtrise de la nature, la rationalité quantifiante. Ces valeurs, et tout particulièrement le progrès, ne correspondent pas du tout à des aspirations universelles profondes. Elles sont liées à l'histoire de l'Occident et recueillent peu d'écho dans les autres sociétés Les sociétés animistes, par exemple, ne partagent pas la croyance dans la maîtrise de la nature. L'idée de développement est totalement dépourvue de sens et les pratiques qui l'accompagnent sont rigoureusement impossibles à penser et à mettre en œuvre parce qu'impensables et interdites. Ces valeurs occidentales sont précisément celles qu'il faut remettre en question pour trouver une solution aux problèmes du monde contemporain et éviter les catastrophes vers lesquelles l'économie mondiale nous entraîne. " (2001).

G. Rist quant à lui commente une définition qui intègre d’autres dimensions que la croissance, celle du PNUD en 1991. « Le principal objectif du développement humain […] est d'élargir la gamme de choix offerts à la population, qui permettent de rendre le développement plus démocratique et plus participatif. Ces choix doivent comprendre des possibilités d'accéder au revenu et à l'emploi, à l'éducation et aux soins de santé, et à un environnement propre ne présentant pas de danger. L'individu doit également avoir la possibilité de participer pleinement aux décisions de la communauté et jouir des libertés humaines, économiques et politiques. »Une telle définition, pour Rist, est entachée d’"évolutionnisme social", d’"économisme", et d’ «individualisme ». On verra plus loin ce qu’on peut penser de cette notion d’ «économisme ». Concentrons-nous pour l’instant sur l’ «individualisme », cible récurrente de la plupart des critiques. Cet individualisme (qui n’est d’ailleurs jamais réellement défini) est considéré comme fondamentalement contradictoire avec les structures de fonctionnement et les normes de la plupart de sociétés. Dès lors, son caractère contradictoire disparaît de l’analyse : il est considéré comme obligatoirement aliénant, mais sa dimension émancipatrice potentielle, en particulier pour les femmes, n’est jamais envisagée. G. Rist écrit que Marx, dans le Manifeste du Parti communiste « s’indigne » de ce que la bourgeoisie a fait disparaître le «voile de sentimentalité » sur les relations humaines. Or il ne semble pas que Marx s’en indigne, ayant une approche dialectique, et considérant, dans ce fameux passage, que «la bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Partout où elle a conquis le pouvoir, elle

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a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Etc. » De plus l’évolution réelle est confondue avec la méthode puisque G. Rist renvoie à la fois à l’évolution constatée par Marx - l’extension des «eaux glacées du calcul égoïste »,- et à l’analyse que fait G. Becker du calcul dans la famille, donc à l’individualisme méthodologique. Une confusion de niveau gênante….

2.1.3/ L’impensé des rapports sociaux et du conflit social

Le « progrès social » ainsi décrié est pensé sous la forme d’une transposition mécanique d’une société à une autre, jamais comme le produit de luttes sociales (ou alors celles-ci font le jeu de l’occidentalisation). Bien sûr, il est normal et moral, écrit G. Rist avec un brin de condescendance, que l’humanité nourrisse des espoirs d’amélioration de son sort, de fin de la misère, etc. mais il renvoie ce «noble objectif » à la croyance religieuse comme on l’a vu, ou à l’illusion irréalisable, dans la mesure où il n’existe pas de forces sociales, notamment au Sud, pour le porter. On trouvait déjà cette affirmation chez F. Partant : « Il n’existe aucune possibilité de la (l’organisation politique et sociale du monde) transformer, aucune force sociale capable de le faire, aucun schéma politique permettant d’y songer ». Il serait fastidieux de citer chez tous les auteurs les innombrables passages montrant que ce qui est absent de manière persistante de ces analyses, ce sont les classes et les groupes sociaux en conflit, quel que soit par ailleurs le déterminant de ce conflit (rapports de production, rapports de genre, ou autres.) Les sociétés sont envisagées comme totalité harmonieuse (on croise ici le relativisme culturel). Par ailleurs, la toile de fond permanente est un anti-marxisme probablement encore plus énergique que l’antilibéralisme, certes une critique d’une version stalinisée du marxisme (évolutionnisme des sociétés, optimisme technologique), mais aussi un refus profond de la notion de lutte des classes.

Toute lutte étant inexistante, manipulée ou inévitablement dévoyée, cela implique pour F. Partant de s’en remettre à l’évolution économique spontanée, c’est à dire à la décomposition du système, «un rééquilibrage par le bas ». C’est ce qu’on retrouve chez S. Latouche dans l’autre Afrique, avec la généralisation du système D comme alternative.

2.1.4 Cela rejoint l’absence de dimension politique du concept de développement.

L’idée d’une stratégie systématique et cohérente de l'État en fonction de certains objectifs est refusée : ces analyses se caractérisent par une méfiance foncière à l’égard de tout volontarisme du développement ou de la transformation sociale en général, l’Etat - quel qu’il soit - étant couramment renvoyé dos à dos avec le marché. On ne trouve aucune réflexion sur les stratégies propres des États issus des indépendances ou des luttes de libération nationale : elles sont vues comme un modèle uniquement imposé de l’extérieur par les pays du Nord et les institutions internationales, en l’absence de toute dynamique endogène ni de politique nationale qui soit autre chose que l’imitation des modèles occidentaux. D’où encore une fois le repli sur l’informel, l’initiative spontanée.

2.1.5/ Enfin les contresens dans les définitions du développement reposent sur une absence de périodisation correcte, notamment par rapport à rupture des années 80. Ainsi, F. Partant écrit en 1982 « Cette ouverture sur le marché mondial est le résultat du développement, tel que le conçoivent les gouvernants du tiers-monde et les organisations prétendues internationales…. ». On reprendra la phrase de S. Latouche citée plus haut : « Si le

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développement, en effet, n'a été que la poursuite de la colonisation par d'autres moyens, la nouvelle mondialisation, à son tour, n'est que la poursuite du développement avec d'autres moyens ».10 Si la première partie de la phrase paraît critiquable, la deuxième est carrément fausse : la mondialisation libérale, et avec elle l’ajustement structurel, se sont justement traduits par la renonciation à tous les modèles et les stratégies de développement des années 80. Il suffit de lire n’importe quel rapport de la Banque mondiale dans les années 80 pour constater que toute perspective de long terme y est disqualifiée d’avance, et le mot développement disparaît alors tout à fait. Aujourd’hui, on observe une certaine adaptation du discours, mais qui se traduit peu dans les faits, où dominent toujours l’ajustement structurel, qui est bien l’opposé d’une politique de développement même telle que la caractérisent ces auteurs. De la même façon S. Latouche au colloque déjà cité fait allusion à « l'offensive développementiste des années 80 » en Argentine, c’est-à-dire au moment où ce pays amorce une vague de désindustrialisation sans précédent…. !

2.2/ La conception anthropologique sous-jacente : culturalisme, relativisme culturel

2.2.1/ L’analyse des conséquences du « développement » est fondée sur la thématique de la domination culturelle, de l’occidentalisation des sociétés du Tiers-Monde, de l’uniformisation culturelle. Ce processus est présenté par tous les auteurs comme un rouleau compresseur, une tendance unilatérale et pratiquement achevée. Or, plusieurs études d’anthropologues, de sociologues de la culture aboutissent à des résultats bien différents (cf J-P Wargnier, La mondialisation de la culture, Repères La Découverte) et relèvent des phénomènes contradictoires, d’hybridation des cultures (Quiminal)

2.2.2/ La conception de l’histoire humaine qui sous-tend le développement est considérée comme incompatible avec la plupart des sociétés : avec leur mode de fonctionnement et de régulation, leurs mythes et leur imaginaire, leurs normes. Les raisons avancées sont les suivantes : - Elle suppose en effet la conception d’un temps cumulatif, contradictoire avec une temporalité souvent cyclique ou circulaire. - Elle suppose une démarche volontariste, une relation prométhéenne de l’être humain à la nature, contradictoire avec les formes de relation de la plupart des sociétés avec celle-ci.. - La croyance inconditionnelle dans les progrès liés à la technologie découle de ces deux prémisse et est donc étrangère à la plupart des cultures.

Cette argumentation appelle plusieurs remarques :

- En premier lieu on peut noter à cet égard que l’approche de l’évolution technologique développée dans la plupart de ces analyses reste celle d’un déterminisme technologique quasi- absolu : les changements économiques et sociaux induits par les technologies «modernes » ne peuvent aller que dans un seul sens, celui de l’occidentalisation, du mimétisme par rapport aux sociétés industrialisées. Une seule organisation sociale est possible. Or on remarquera la contradiction interne à la démarche, puisque c’est cette même croyance dans les pouvoirs de la technologie qui est critiquée, aussi bien chez les libéraux que chez les marxistes. On peut opposer à cette approche celle de Dockès et Rosier (Dockès, L’Histoire ambiguë, 1988,

10La ligne d'horizon, Le Monde diplomatique, avec le soutien de l'Unesco, Colloque international: «Défaire le développement. Refaire le monde»Le développement n'est pas le remède à la mondialisation, c'est le problème! Serge Latouche

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Rosier, "Le développement économique, processus univoque ou produit spécifique d'un système économique ?", Economies et sociétés, PUG, 1982.) : s’il est légitime, compte-tenu de leurs résultats(dépendance renouvelée, endettement goulots d’étranglement industriels…) de remettre en cause le mimétisme technologique des stratégies de développement, c’est à partir d’une posture théorique contestant le déterminisme technologique qu’on est fondé à le faire. - Par ailleurs la référence à l’ « Occident » qui est le plus couramment utilisée manque de rigueur et n’est pas exempte de contradictions : on ne distingue pas quel est le critère de délimitation. Soit il s’agit de la référence à des sociétés laïcisées et « sécularisées » - l’Europe occidentale, mais comment analyser alors l’expansion de la culture américaine ? Comment analyser le développement d’un pays comme le Japon ? Soit il s’agit d’une référence à totues les puissances impérialistes, mais comment alors tenir compte des différences culturelles entre elles ? Et par ailleurs quel est le ressort de ces impérialisme ? - En effet, l’idée que le système a besoin d’exercer sa domination culturelle sur d’autres sociétés pour se reproduire est fondée, chez S. Latouche comme chez G. Rist, sur le postulat - de la tendance à l’entropie du capitalisme (absence d’autodynamisme). Mais d’une part cette hypothèse, pourtant fondamentale, n’est pas véritablement justifiée. D’autre part, on aboutit ainsi à une séparation entre la sphère de la reproduction du capital du capital et la sphère culturelle.

2.2.3/ Culturalisme et relativisme culturel

- Dans cette optique, les sociétés sont définies par leur culture, qui surdétermine tous les autres aspects. Cette grille de lecture a plusieurs conséquences.

* tout d’abord, elle constitue un des fondements de l’ «anti-économisme » qui caractérise cette approche. Cet anti-économisme constitue en lui-même une contradiction interne de ces théories. En effet, dans la lignée d’Illich, elles critiquent l’autonomisation de la sphère économique, par rapport à la sphère sociale entendue au sens large, qui caractérise selon elles les sociétés occidentales. Elles plaident pour un « réencastrement ». Or justement c’est leur analyse qui consacre cette dichotomie, en n’envisageant l’économie que sous l’angle de l’économie néoclassique libérale prétendant abusivement au statut de science et coupée de toute détermination culturelle ou sociale. (La plupart des définitions du développement qui peuvent nous intéresser ici se gardent bien d’une telle dichotomie et considèrent le développement comme un phénomène total. 11 ). Culturel, social et économique (réduit au jeu du calcul de l’intérêt individuel) sont ici définitivement séparés.

* chaque culture - et donc la société qu’elle définit - est considérée comme et une et homogène. C’est ce que sous-tend cette analyse de G. Rist : « Une société étend à toutes les autres les valeurs, historiquement construites, auxquelles elle croît » Or, explique-t-il, cette extension est abusive, car rien ne dit «que toutes les sociétés désirent la même chose ». Une telle formulation est lourde de conséquences : elle signifie que dans tous les cas de figure une société tout entière -fermée sur elle-même - a une seule «fonction de préférence » et définira pour elle-même un seul et unique ensemble d’objectifs et donc de normes. On peut être tenté au contraire de poser la question : qui dans la société parvient à faire entendre ce souhait ? Quel groupe social ?

11 Cf par exemple cette définition proposée par Perroux : le développement comme « la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit réel global». (L'économie du XXe siècle, 1961).

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- Cette question ne peut pas être posée, puisque par hypothèse ce qui définit la culture d’une société, c’est justement sa cohérence interne. Dès lors, les conflits, les relations sociales d’oppression ne sont jamais envisagées comme telles. C’est tout le sens de la controverse sur l’excision dans laquelle la revue du MAUSS a pris clairement position : loin d’être la marque d’une oppression sociale exercée sur les femmes, cette pratique n’est, dans les sociétés où elle trouve sa cohérence (vue comme un simple rite d’initiation et non une mutilation définitive), la condition pour que la société ne soit pas divisée et que les pratiques sociales trouvent leur sens. On rencontre ici les thématiques du relativisme culturel : toutes les pratiques ou normes sociales sont équivalentes, le seul critère étant le sens qu’elles trouvent dans une culture donnée. On est dans une sorte d’indétermination comparable à celle de l’optimum parétien, dont chacun sait qu’il existe une infinité : toute situation sociale est un optimum du fait même de constituer un équilibre, et modifier la situation d’un individu ou d’un groupe pourrait dégrader la situation d’un autre ! Plus sérieusement, aucun progrès social n’est envisageable à l’échelle de l’histoire humaine, dans la mesure où le progrès n’est jamais vue comme le résultat de luttes (comme on peut considérer que c’est le cas pour l’abolition de l’esclavage), mais comme une culture parmi d’autres (celles des « Lumières »en Europe) historiquement déterminée et contingente, et dont la généralisation ne peut relever que d’une démarche, l’ethnocentrisme.

Le corollaire de cette optique est une fétichisation des cultures « traditionnelles », qui à la fois sont vues comme ne pouvant changer et comme étant toujours déjà là, de façon a-historique : elles échappent à tout conflit et à tout changement social. Leurs règles et normes elles-mêmes sont considérées comme immanentes et non le produit d’un rapport à la nature et d’un rapport de force social historiquement constitués. On peut faire référence à nouveau à l’analyse de S. Latouche citée p 12 de ce texte, qui postule qu’une société peut être, dans sa totalité, animiste par essence, toujours et à tous les niveaux. G. Rist affirme (chapitre 1) : « Dans la plupart des sociétés - autres que la société moderne - la circulation des biens s’organise en fonction des rapports de parenté ou des statuts hiérarchiques, ce qui confère aux objets un rôle particulier, subordonné aux liens sociaux. Certains biens (réservés par exemple l’acquittement de la dot) ne peuvent s’échanger qu’entre certaines personnes - les aînés - lors de circonstances précises (échange restreint) -«  .Notons au passage que l’exemple choisi, celui de la dot, n’est pas anodin…Par ailleurs le fait que ces sociétés aient pu être détruites dans leur cohérence par la colonisation et être en grande partie des reconstructions a-posteriori, tout en étant admis, n'est pas pris en compte dans le raisonnement : la dot, pour ne reprendre que cet exemple, est peut-être une tradition, mais singulièrement réactivée en Inde depuis quelques décennies par l’extension des relations marchandes ! On trouve dans plusieurs études des exemples de l’interaction féconde entre le capitalisme transnational et les traditions les plus oppressives. C’est le cas pour celles qui sont, apparemment, les plus pures de toute contamination par l’occidentalisation (exemple de l’enfermement des femmes au Bengladesh, mis à profit par la sous-traitance des multinationales du textile pour le travail à domicile, Cahiers du GEDISST, n° 21, les paradoxes de la mondialisation, Hirata, le Doaré). A considérer les sociétés comme figées et juxtaposées sans communication entre elles, et sans autre perméabilité que l'exposition passive au rouleau compresseur de l’occidentalisation, on est théoriquement à l'opposé de la "contemporanéité de plusieurs mondes" mise en avant par plusieurs anthropologues, et de la possibilité que les différentes cultures soient traversées par des identités sans cesse redéfinies collectivement (Catherine Quiminal, «Les associations de femmes africaines en France : nouvelles formes de solidarité et d'individualisation", Cahiers du GEDISST, n° 21). Alors que nombre d’études anthropologiques ont au contraire mis en

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avant les processus d'hybridation à l'œuvre, et les modalités selon lesquelles des sociétés récupèrent des éléments exogènes pour se les approprier avec leurs propres grille de lecture….Cette conception ignore aussi totalement les processus par lesquels des groupes dominés, dans toutes les sociétés, reprennent à leur compte un certain nombre de valeurs universelles qui fondent leur lutte. (Quiminal).

Or, justement, l’universalité des droits est niée, et c’est une position de principe à laquelle ont ne peut qu’opposer une autre position de principe ...mais aussi un fait : la convergence croissante des luttes à l'échelle mondiale (notamment des luttes de femmes au Sud).

2.3/ Une position épistémologique.

2.3.1/ L’équivalence post-moderne

G. Rist se situe dans la continuité des positions de l’essentiel des chercheurs du MAUSS sur la rationalité : il revendique en effet de qualifier le développement de «religion moderne » (ch. 1) « face à l’arrogance d’une société sécularisée et rationnelle » ;   « il faut refuser le grand partage entre « traditionnel » et moderne ». Il fait ainsi référence à Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique. La Découverte, 1991 », (théories qu’on retrouve dans « Le grand Partage », revue du MAUSS, n° 1) « car «  écrit-il, « la modernité elle-même s’inscrit dans une tradition »On se retrouve en gros dans le paradigme de B. Latour, celui d’une équivalence entre savoirs rationnels et irrationnels, justifiée par le fait qu’ils sont tous construits historiquement.

2.3.2/ Une forme d’individualisme méthodologique

La généralisation du paradigme du don, inspirée de Marcel Mauss, ne se justifie que comme l’envers du paradigme du calcul économique individuel généralisé. Or ces auteurs ne voient de l’intérêt individuel partout chez leurs adversaires que parce qu’ils refusent de penser les rapports sociaux. On prendra comme exemple leur critique de la sociologie de Bourdieu, qu’il analysent comme une transposition du paradigme de l’intérêt dans le champ du social. On peut penser qu’au contraire « Bourdieu prend soin de souligner le caractère particulier de l’intérêt qui n’est jamais désincarné du social: chez Bourdieu, il n’y a pas de sujet transcendantal en dehors de la société qui se retrouve devant un objet dans un rapport consciemment déterminé. L’intérêt se construit socialement à l’intérieur des champs de la pratique qui possèdent leur logique irréductible (le champ économique, le champ culturel, le champ social) en fonction des rapports sociaux qui traversent et constituent ces champs  » (Renouveau de la sociologie économique de langue française : originalité et diversité des approches, B. Lévesque, G.Bourque, É. Forguesa). 3/ Tentative de caractérisation globale de ces théories 

Peut on considérer que ces théories constituent de mauvaises réponses à de bonnes questions, qu’elles ont au moins le mérite d’être un salutaire pavé dans la mare, un ébranlement des certitudes établies ? Je défens ici le point de vue opposé, considérant que la critique reste en surface derrière le radicalisme de façade : tout est dans tout, les différentes stratégies sont renvoyées dos à dos mais la critique ne va pas à la racine, n’explique pas les mécanismes ni les contradictions, puisque se situant en extériorité totale à tout mouvement social et à tout projet de transformation de la société. A titre d’exemple de ce qu’on peut lui opposer, on

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citera une fois de plus la critique du mimétisme technologique et social dans le développement, formulée par Dockès et Rosier, entre autres, qui fait un sort au dévoiement des objectifs de développement dans la simple poursuite de la croissance quantitative, sans pour autant sacrifier la prise au sérieux de la notion de développement ; resituer dans l’histoire le fonctionnement des systèmes sociaux, en dévoilant les rapports sociaux qui le sous-tendent ressemble plus à une démarche véritablement radicale.. Une grande partie des limites de la radicalité est due à l’absence de rigueur des développements théoriques, particulièrement nette chez F. Partant et S. Latouche, moindre chez G. Rist qui, comme on l’a dit, a du intégrer un certain nombre de critiques pour tenter de les désamorcer. On trouve des confusions dans les concepts, parfois volontairement entretenues, des contresens ou contrevérités flagrants (entre autres chez F. Partant l’idée que le Nord dépend des matières premières du Sud, depuis longtemps démenti  notamment par P. Bairoch), des anachronismes, etc. qui tendent brouiller les références. De façon non explicite, ces auteurs (surtout F. Partant) reprennent à leur compte d’autres théories (notamment dépendantistes) ce qui peut contribuer à la perte de repère constatée en première partie et à la proximité de mouvements dont les objectifs semblent bien différents.

Cependant, cela ne doit pas dissimuler l’analyse de fonds des enjeux et des clivages véritables, qu’on trouve bien chez G. Rist où l’argumentation et les concepts sont exposés de façon plus rigoureuse. On peut ainsi affirmer que ce courant dessine un choix de société rien moins que progressiste : - une défense de l’ordre social, et notamment de l’ordre social sexué : La cohérence des cultures qui est défendue en tant que telle n’est rien moins qu’une légitimation culturelle de la différence et de la complémentarité des sexes dans l’ordre social. Si cette différence ne trouve pas son fondement dans la sphère biologique, elle le trouve dans la sphère culturelle (cf le registre des arguments en défense de l’excision chez M. Lefeuvre : le passage de la nature à la culture par l’inscription d’une forme de langage à même les corps humains). On peut parler ici d’essentialisme culturaliste. A cela s’ajoute chez certains des auteurs des dérives plus qu’inquiétantes : chez I. Illich une valorisation de l’« art de souffrir » dans différentes cultures, en déplorant le fait que cet aspect soit affecté négativement dans l’esprit de la modernité, ce qui selon lui crée des formes de souffrance plus intolérables ; une dimension moralisante chez F. Partant (certaines améliorations dans les conditions de vie ne sont pas du tout indispensables, l’apologie de la réhabilitation de l’effort, et même l’idée qu’après tout la prolongation »artificielle » de la vie, au prix de techniques médicales coûteuses, est peut-être un luxe…).

- la porte ouverte aux thématiques néo-libérales : La fausse radicalité rejoint celles-ci par plusieurs points. On en citera trois  : * La thématique de la fin du travail, notamment du travail salarié : on a vu

qu’elle était surtout développée par Alain Caillé, mais on la retrouve également entremêlée à la thématique de l’anti-développement, à partir de plusieurs considérations : le déterminisme technologique (avec l’argument de la disparition des besoins en travail humain, surtout chez F. Partant) ; l’assimilation du salariat à l’occidentalisation et à l’aliénation, ses aspects contradictoires n’étant pas pris en compte. A noter que cet aspect rejoint la tendance, évoquée ci-dessus, au renforcement de la domination patriarcale (cf Rachel Silvera, Anne Eydoux : De l’allocation universelle au salaire maternel il n’y a qu’un pas, 12 qui citent notamment les conceptions du MAUSS).

12 Communication au colloque de l’Appel des économistes contre la pensée unique, "Le bel avenir du contrat de travail ».

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* La thématique du ciblage : on la trouve notamment chez I. Illich et chez F. Partant : remise en cause des technologies de pointe y compris pour l’enseignement et la santé (au nom de la satisfaction des besoins essentiels), « Une fois que l’imagination d’une population dans son ensemble a été «scolarisée », c’est-à-dire persuadée que l’école possède le monopole absolu de l’éducation, alors l’analphabète peut être frappé d’impôts qui permettront d’offrir une éducation secondaire et universitaire gratuite aux enfants de riches » (Illich) ; remise en cause des dépenses élevées pour l’enseignement, particulièrement secondaire et supérieur en Amérique latine, alors que la plupart des élèves n’accomplissent pas cinq années complètes d’école : on aura reconnu une argumentation chère à la Banque mondiale. Dans le même ordre d’idée, on trouve chez F. Partant des développements dénonçant les prélèvements obligatoires, le nombre des fonctionnaires, le mode de vie de la classe moyenne….

* La thématique des alternatives : chez F. Partant, comme chez S. Latouche, l’utopie se situe aux marges, dans la décomposition du système, dans quelque chose qui ressemble beaucoup au secteur informel réellement existant…G. Rist envisage aussi cette solution dans sa conclusion, même s’il est plus dubitatif.

Conclusion : le mérite de ces théories est de constituer une incitation à revisiter à fond et avec précision une conception du développement, qui ne peut passer que par une analyse du sous développement, qui suppose déjà elle-même une analyse du capitalisme…Mais il faut pour cela ne pas se tromper dans le regard porté sur les modèles et les stratégies de développement passés.

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Annexe 1

Revue du MAUSS n° 1 (1988 3e trim.) Rationalisme et Relativisme I, La DécouverteJORION Paul, SPERBER Dan (débat) : Le relativisme en anthropologieLATOUR Bruno   : Le grand partage LEFEUVRE Martine   : Le devoir d’excision SCUBLA Lucien : Diversité des cultures et invariants transculturelsCAILLÉ Alain   : Pour un universalisme relativiste… BERTHOUD Gérald : Pensée religieuse : survivance ou permanence ?COMBEMALE Pascal : Leur morale et la nôtreRevue du MAUSS n° 2 (1988 4e trim.) Rationalisme et Relativisme II. Les embarras de la raisonBARILIER Etienne : La « crise de la raison »DUPUY Jean-Pierre : Common knowledge et sens communSCUBLA Lucien : Diversité des cultures et invariants transculturels (fin)KILANI Mondher : Le culte du cargoWEINER Annette B. : La richesse inaliénableHommage à Alexandre GROTENDIECKRevue du MAUSS n° 3 (1989 1er trim.) De l’économie non politiqueFOURQUET François : Économie et pouvoirKLEINSCHMAGER Richard : Max Weber en 1895WEBER Max : L’État national et la politique économiqueLATOUCHE Serge : Sur les limites de l’analyse régulationnisteCAILLÉ Alain   : Le crépuscule de l’économie politique SACHS Wolfgang : Le culte de l’efficience absolueBERTHOUD Gérald : Le corps humain comme marchandiseTAIEB Paulette : Amour de soi et policeDENIS Henri : Hegel et l’utilitarismeCAILLÉ Alain : Embedded ou disembedded ?…COMBEMALE Pascal : Petite histoire d’une discipline… les sciences économiques et socialesRevue du MAUSS n° 4 (1989 2e trim.) L’impossible objectivité ?GOULDNER Alvin W. : Pour une sociologie réflexiveFREITAG Michel : Les sciences sociales contemporaines et le problème de la normativitéFREITAG Michel : La quadrature du cercle : la « description de l’activité significative »QUÉRÉ Louis : L’impératif de description. Remarques sur FreitagCIBOIS Philippe : Pour une science sociale synchroniqueLANTZ Pierre : La peur du symbolismeDOUGLAS Mary : Il n’y a pas de don gratuit. Introduction à l’essai de MaussCAILLÉ, LEFEUVRE, INSEL, MONGIN, PAQUOT   : La querelle de l’excision Revue du MAUSS n° 5 (1989 3e trim.) Mémoires de l’utilitarisme I. Pour le plus grand bonheur du plus grand nombreGOULDNER Alvin W. : La classe moyenne et l’esprit utilitaireLATOUCHE Serge : Le luxe guillotinéHALÉVY Elie : Bentham et l’utilitarisme dans la période révolutionnaireBENTHAM Jeremy : Les calculs des plaisirs et des peinesBENTHAM Jeremy : DéontologieROTHKRUG Lionel : La réforme laïque. Les précurseurs français de l’utilitarismeBUGRA Ayse : La « science » de l’économie au prix de son réalismePLATON : La pesée des plaisirs et des peinesRevue du MAUSS n° 6 (1989 4e trim.) Mémoires de l’utilitarisme II. Le don contre l’utilitéHYDE Lewis : La communauté du donWEINER Annette : La kula et la quête de la renommée DUMESNIL Pierre : L’archipel des idiots ou les îles de la propriétéCAILLÉ Alain : L’utilitarisme dans la République de Platon (I)BERTHOUD Gérald : De la division des tâches entre l’économie politique et la sociologieVERGARA Francisco : En défense de l’utilitarisme CAILLÉ Alain : L’utilitarisme caméléonQUILLET Juvénal, VISINE Pascal : CorrespondanceRevue du MAUSS n° 9 (1990 3e trim.) La socio-économie, une nouvelle discipline ? Une plate forme minimale pour la socio-économie

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ETZIONI Amitaï : Pour une science sociale déontologiqueSWEDBERG Richard : Vers une nouvelle sociologie économiqueJORION Paul :Déterminants sociaux de la formation des prix de marché : l’exemple de la pêche (I)HAESLER Aldo : Le MAUSS a-t-il perdu son âme ?GODBOUT Jacques :Aantiutilitarisme ou anti-intérêtisme ?COMBEMALE Pascal : Recherche désespérément une morale anti-utilitaristeGUERRIEN Bernard : La théorie économique : mythes et réalité FRYDMAN Roger : Le marché : un système économique incomplet MARSEILLE Jacques : Pour une histoire économique optimiste TAIEB Paulette : Aristote : la réciprocité (trad. de L'Éthique à Nicomaque)Revue du MAUSS n° 13 (1991 3e trim.) Droite ? Gauche ?MONGIN Olivier : Les eaux troubles de la conflictualité politiqueMAFFESOLI Michel : « Secessio plebis »MORIN Edgar : Les maîtres motsDE BENOIST Alain : Droite ! Gauche !VINCENT Jean-Marie : De la gauche domestiquée à la gauche critiqueBIDET Jacques : Approche métastructurelle du couple droite/gaucheMOUFFE Chantal : Droite/gaucheGUERRIEN Bernard : Résolument à gaucheLATOUCHE Serge : Le MAUSS est-il apolitique ?JACOB Jean : L'appât anti-économiciste de la nouvelle droiteCAILLÉ Alain : Questions à Alain de BenoistDE BENOIST Alain : Réponses à A. CailléCOMBEMALE Pascal : How much is too much ?BRES Jean-Pierre : Contre la défense de la démocratieD’IRIBARNE Philippe : L’économie « pure », cas limite d’une socio-économieDENIS Henri : L'économie politique et le tournant actuel de l’histoireGENTET Daniel, MAUCOURANT Jérôme : La question de la monnaie en Égypte ancienneRevue du MAUSS n° 14 (1991 4e trim.) Que des milliers d’espaces politiques fleurissentGORZ André : Droite/gauche, essai de redéfinitionMOUFFE Chantal : Vers un socialisme libéral ?INSEL Ahmet : La gauche et l’éclosion du politiqueVANDAMME Ralf : Le MAUSS est-il un mouvement social ?PUERTO MARTINEZ Roland : La gauche approximativeCOMBEMALE Pascal : « Que le guerrier agôn-ise »BOILLEAU Jean-Luc : Réponse à P. CombemaleFABRE Gérard : Le procès de Georges BatailleBERTHOUD Gerald : Somlo et l’ordre généralisé du donLAMBERT Jean-Pierre : Plaidoyez pour l’usologieCAILLÉ Alain : Postface au manifeste du MaussJORION Paul : Le frère de ma mère sera toujours mon oncleORLÉAN André : L’origine de la monnaie (I)TERESTCHENKO Michel : Réévaluation de l'intérêt égoïste dans l’utilitarisme classiqueRevue du MAUSS n° 15-16 (1992 1er & 2e trim.) Dix ans d’évolution des sciences socialesCAILLÉ Alain : Faut-il créer une nouvel discipline dans les sciences sociales ?GAGNÉ Gilles : La théorie a-t-elle un avenirD’IRIBARNE Philippe : Comment l’économie assure-t-elle sa clôture ?GUERRIEN Bernard : Quelques réflexions sur la théorie des jeuxBERTHOUD Arnaud : L’économie politique redécouvre-t-elle Aristote ?JORION Paul : Le prix comme proportion chez AristoteORLÉAN André : L’origine de la monnaie IIANSPACH Mark : L’économie comme processus rituelBOILLEAU Jean-Luc : Le détournement d’Agôn (sociologie du sport)LAMBERT Yves : Les religions face à la maximisation (sociologie des religions)BUSINO Giovanni : Abandonner la notion d’objectivité dans les sciences humaines ?DOSSE Françoise : Les transformations de l’histoire contemporaine en FranceANSPACH Mark : L’anthropologie dans le monde du « post »BERTHOUD Gérald : Anthropologie générale ou « clôture disciplinaire » ?GODBOUT Jacques : La circulation par le donCOMBEMALE Pascal : Donner c’est donnerFIXOT Anne Marie : Donner c’est bien, recevoir c’est mieuxGODBOUT Jacques : Brèves remarques à propos du modèle de l’agapèINSEL Ahmet, GLACHANT Jean-Michel : La crise du politique et la recherche d'une nouvelle gaucheCAILLÉ Alain   : Fondements symboliques du revenu de citoyenneté INSEL Ahmet   : L’aide au temps partiel comme complément du revenu de citoyenneté OGIEN Albert : Prévoir ou gouvernerO’CONNOR Martin, ARNOUX Rosemary : Écologie… (sur le don et le développement durable) BÉNEY Guy : Au delà d’Eco 92 (Contenir le conflit éco-humaniste) COMBEMALE Pascal : Un certain goût du paradoxe au risque de l'ambiguïté JACQUIER Charles : La part maudite de G. Bat

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Annexe 2

Colloque international sur l'après-développementMOST-UnescoFévrier 2002

1. Habits neufs du développement Responsable: Marie-Dominique Perrot.Derrière les nouveaux vocables (développement durable), les nouvelles priorités des organismes internationaux (la lutte contre la pauvreté de la Banque Mondiale), l'intérêt porté par des multinationales sur des expériences «alternatives» (l'épargne populaire encouragée par Monsanto) ou la floraison des comités d'éthique dans les entreprises, assiste-t-on à une conversion de l'économie? L'atelier, engagé dans une critique épistémologique du développement, cherchera à décrypter les phénomènes de récupération, d'instrumentalisation et de manipulation qui, sous couvert de faire du «bon» développement, confortent en fait les situations de domination. Bref, il s'agit de faire apparaître les maux derrière les mots.Avec : Gilbert Rist IUED (Suisse), François Brune écrivain, (France), Georges Lawson Body Université Antilles-Guyane (France). 2. L'économie criminelle: avenir ou vérité du développement?Responsable: Roberto Santino.La dérive criminelle des économies de nombreux Etats, que ce soit au Sud ou au Nord, nous interroge. Derrière cette déliquescence de l'Etat et son remplacement par des mafias, des systèmes de corruption généralisée ou des trafics en tous genres, n'est-ce pas la caricature d'un modèle économique qui apparaît? En ce sens l'économie criminelle serait déjà en germe dans nos sociétés policées et les mafieux et trafiquants ne nous tendraient rien d'autre qu'un miroir.Avec : Tonino Perna Université de Messine (Italie), Belem Torres ANUC-UR (Colombie), Jean de Maillard magistrat (France). 3. A vos risques et périls: le développement suicidaire Responsable: Wolfgang Sachs.Voilà un atelier où seront remises en cause quelques grandes «croyances occidentales»: la croissance bénéfique, le progrès salvateur, la technique au service de l'homme... En étudiant les conséquences de ces dogmes dans la réalité, ce sont les rapports de l'homme à son environnement, de l'économie à la nature qui feront l'objet d'une réflexion qui conduit raisonnablement à crier «halte là!».Avec : Jean Pierre Berlan INRA (France), Frédéric Lemarchand Lasar, (France), Gérald Narbonne GENE (France), Jean-Marc Ela, Teddy Goldsmith The Ecologist (Royaume-Uni). 4. Get off their back! Laissez donc les pauvres tranquilles !Responsable: Majid Rahnema.Il faut sortir les pauvres de la pauvreté; il faut aider le tiers monde; il faut permettre aux pauvres de profiter de nos richesses... Et si le meilleur service que l'on pouvait rendre aux «pauvres» était en fait de ne pas s'occuper d'eux? De les laisser tranquilles? De s'abstenir, selon le principe de précaution, d'aller faire plus de dégâts qu'autre chose en jouant les bons samaritains? Outre une critique de la notion et de la pratique de l'aide, cet atelier s'interrogera sur les définitions «techniques» de pauvreté, de richesse, de besoins, etc. Et si le plus grand scandale n'était pas dans la pauvreté, mais dans la richesse?Avec : Lakshman Yapa Pennsylvania State University (Sri-Lanka/Etats-Unis), Serge Latouche, La ligne d'horizon (France), Oswaldo de Rivero, diplomate (Pérou). 5. Répondre à l'oppression politique du développementResponsable: Emmanuel N'Dione.Les effets négatifs du développement ne sont pas seulement d'ordre économique ou écologique. Derrière les discours sur la démocratie, la participation et le rôle des acteurs, s'organisent de fait des formes de domination plus sournoises que celles qui prévalaient du temps de la brutale mais finalement plus «honnête» colonisation. Dépossédés du pouvoir qu'ils peuvent avoir sur leurs vies, les gens en arrivent à être incapables de donner du sens à ce qu'ils font et à ce qu'ils sont. Cependant, des contre pouvoirs, localement et plus globalement aussi, arrivent à retourner cette situation qui n'est donc pas fatale. Des femmes et des hommes réussissent à reprendre le pouvoir sur leurs propres vies. Avec certains d'entre eux, l'atelier réfléchira à cette «prise de pouvoir» par le bas qui est peut-être à la portée de tout le monde.Avec : Jean-Louis Bato Solidarité (France), Neeti Bhai, travailleur social (Inde), Leonardo Viteri OPIP (Equateur). 6. Les à-côtés et les au-delà du développementResponsable: Michael Singleton.Cet atelier, délibérément distancié et décalé, nous propose de regarder le développement et l'après développement avec des yeux très différents des nôtres, occidentaux «développés». Objectif: rompre avec l'ethno-centrisme et l'occidentalo-centrisme dont nous sommes tous peu ou prou porteurs, même quand on est une ONG bien intentionnée... Qu'en ont-ils à faire de nos discours, même critiques, ces relégués marginalisés drogués et prostitués? Quel curieux regard portent-ils sur nos appels universels anti-mondialisation les adeptes des nouveaux mouvements religieux? Comment nous jugent-ils les prophètes africains ou les imams islamistes? Ces réalités sont pourtant autrement plus importantes et porteuses de sens pour des populations nombreuses de la planète qui vivent à des années lumières de la déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen...Avec : Pierre-Joseph Laurent, Université catholique de Louvain (Belgique), Pascale Jamoulle anthropologue (Belgique), Gilles Séraphin, sociologue (France). 7. Survivre au développement

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Responsable: Smitu Kothari.A côté du rouleau compresseur de la mondialisation, souvent de façon tout à fait invisible et silencieuse, des gens s'organisent dans l'urgence et la débâcle. Peu à peu des stratégies de survie se concrétisent, des systèmes informels se mettent en place, des pratiques vernaculaires sont remises au service de la collectivité, des bricolages permettent de s'en sortir, la débrouille supplante les «programmes de développement»... Hors cadre, c'est un peu la vraie vie! «Des alternatives qui s'ignorent» dirions-nous? Peut-être ferions-nous mieux de nous taire et, d'abord, de les écouter.Avec : Claude Lléna, Bidon 5 (France), Suleymane M'Baye, Université Paris XI (France), Hassan Zaoual Université du littoral (Maroc/ France), Mouvement des paysans sans terre, les Zapatistes, Dipak Gyawali Nepal water conservation foundation (Nepal), Rajagopal Ekta Parishad (Inde). 8. Retrouver le sens de la mesureResponsable: Jacques GrinvaldRemettre en cause le développement c'est d'une certaine manière remettre en cause nos besoins «illimités», nos désirs «démesurés», nos utopies «éternelles» et nos aspirations «universelles»... Pas difficile à franchir pour nos sociétés qui s'imaginent déjà mortes si elles ne croissent pas chaque jour. Interrogeons-nous donc sur ces notions qui nous sauveront peut-être: les limites, la durée, le provisoire, l'aléatoire, le temps humain. Soyons plus modestes. Devenons raisonnables. Retrouvons le sens de la mesure.Avec : Marie Dominique Perrot IUED (Suisse), Frédérique Apffel-Marglin, Smith College Northampton (Etats-Unis), Wolfgang Sachs, Wuppertal Institut (Allemagne), Jeremy Seabrook, journaliste (Royaume-Uni). 9. Se réapproprier l'argentResponsable: Tonino Perna.Alors qu'une tendance à considérer l'argent comme «l'instrument du diable» a toujours existé dans les milieux «alternatifs», l'atelier confrontera expériences et théories autour de la monnaie remise à sa place d'un outil au service de l'homme. Comment détourner l'argent, l'utiliser et le considérer autrement. Sont appelés à témoigner et à confronter leurs pratiques et leurs points de vue les Sels, les financements alternatifs, les expériences de micro-crédits, les monnaies fondantes, etc.Avec : Serge Latouche, Alain Bertrand, SEL Paris (France), Heloisa Primavera, Red global de trueque (Argentine), Maurice Decaillot, économiste (France), Paolo Coluccia, chercheur social indépendant (Italie).10. Se réapproprier les savoirsResponsable: Kalpana Das.Dépossédées de savoirs traditionnels jugés obsolètes par les prophètes occidentaux de la science et de la technique, souvent convaincues elles-mêmes de leur incompétence, des populations entières sont devenues par la grâce de l'aide et du développement des analphabètes dans leur propre langue! Des initiatives existent qui montrent que la prise de conscience de cette dépossession peut être source d'une réappropriation bénéfique.Avec : Emmanuel N'Dione Enda-Graf(Sénégal), Lakshman Yapa, Pennsylvania State University (Sri-Lanka/Etats-Unis), Teodor Shanin, sociologue (Russie), Helena Norberg-Hodge ISEC (Norvège/Royaume-Uni), La nef des fous (France), Mia Shiva, médecin (Inde). 11. Peut-on résister sur internet? Responsable: Yvonne Mignot Lefebvre.La résistance à la mondialisation s'organise partout et avec tous les moyens. Internet est ainsi devenu un outil que de nombreux militants à travers le monde se sont mis à utiliser, parfois avec des résultats appréciables. Mais dans cette toile serons-nous l'araignée... ou la mouche? La résistance sombrera-t-elle dans le virtuel ou saura-t-elle profiter d'internet pour organiser de nouveaux réseaux? Utilisateurs, défenseurs et adversaires de cette démarche débattront dans cet atelier d'un thème qui est loin de faire aujourd'hui l'unanimité.Avec : Keith Hart, anthropologue (Royaume-Uni), Meryem Marzouki, IRIS (France), Paul Mouketa, internaute gabonais (Gabon/France), Kodjo Gonçalves, webmaster (Togo/ Canada), Dana Word, Pennsylvania State University (Etats-Unis), Frédéric Couchet, APRIL (France), Pascal Renaud, Réseau Rio (France). Coluccia, chercheur social indépendant (Italie). 12. Autosuffisance, commerce international ou commerce équitable? Responsable: Silvia Perez-Vitoria.Face à la «méchante» OMC, le «gentil» commerce équitable est-il la solution? En s'interrogeant sur les échanges, l'atelier tentera d'imaginer quel rôle peut tenir chacun des trois termes qui forment son intitulé.Avec : Maurizio Meloni Rete Lilliput (Italia), Les jardins de Cocagne (France), Olivier Hauville, la Plate-forme du commerce équitable (France), François de Ravignan, socio-économiste (France), Martin Khor, Third World Network (Malaysia), Enrique Perez, SOC of Andalusia (Spain).

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