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PARLEMENT EUROPÉEN DOCUMENT DE TRAVAIL LES STRATÉGIES DES MEMBRES DE L'OMC DANS LE DOMAINE DE LA PÊCHE Tome I - Rapport principal FISH 109 FR Direction Générale des Études Série Pêche

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PARLEMENT EUROPÉEN

DOCUMENT DE TRAVAIL

LES STRATÉGIES DES MEMBRES DE L'OMCDANS LE DOMAINE DE LA PÊCHE

Tome I - Rapport principal

FISH 109 FR

Direction Générale des Études

Série Pêche

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Ce document de travail est publié en français (Tome I: Rapport principal et Tome II -Annexes).

Éditeur: Parlement européenL-2929 Luxembourg

Auteur: COFREPECHEM. Gildas BORELCentre Ifremer de BrestBP 70F-29280 Plouzane

Responsable: Mme Beatriz OLIVEIRA-GOUMASDivision Agriculture, Politique régionale, Transports et DéveloppementTél: +352/43.01.200.91Fax: +352/43.01.277.19E-mail: [email protected]

Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la positiondu Parlement européen.

Reproduction et traduction autorisées, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de lasource, information préalable de l'éditeur et transmission d'un exemplaire à celui-ci.

Manuscrit achevé en juillet 2001.

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PARLEMENT EUROPÉEN

DOCUMENT DE TRAVAIL

LES STRATÉGIES DES MEMBRES DE L'OMCDANS LE DOMAINE DE LA PÊCHE

Tome I - Rapport principal

FISH 109 FR05-2002

Direction Générale des Études

Série Pêche

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RÉSUMÉ

1. Introduction

Ce travail a été réalisé en réponse à la demande de la commission de la pêche et a pourobjectif la description détaillée des différentes stratégies de négociation des membres del’OMC dans le domaine de la pêche (à la veille d’un nouveau cycle de négociation) ainsi quel’évaluation de leur impact pour l’UE et, en particulier, pour la réforme de la politiquecommune de la pêche (PCP).

2. Présentation de l’étude

Cette étude se décompose en trois grandes parties: le cadre général, les positions et stratégiesde pays membres (ou futurs membres) de l’OMC dans le domaine de la pêche et del’aquaculture et enfin les impacts pour l’UE et la PCP.

Une première partie permet de rappeler le cadre du sujet en expliquant l’importance de lapêche dans les relations internationales, due notamment aux évolutions et aux enjeuxconcernant les espaces maritimes (ZEE, conventions internationales régissant la haute mer).Cette présentation du contexte, se poursuit par une description des caractéristiques principalesdu commerce international des produits de la pêche et de l’aquaculture puis, plusprécisément, du régime des importations (régime tarifaire, mesures sanitaires etphytosanitaires, barrières techniques).

Afin de compléter cette approche, les annexes de cette première partie présentent un rappelde la genèse et des règles de fonctionnement de l’OMC (et du GATT à qui il a succédé) et demieux approfondir des points fondamentaux, comme l’importance de la mer dans lesrelations internationales ou le fonctionnement technique du commerce international desproduits de la pêche et de l’aquaculture.

Le rappel de l’impact des dernières négociations pour le secteur de la pêche a permisd’introduire une seconde partie présentant une analyse des stratégies de négociation desmembres et groupements de membres de l’OMC dans le domaine de la pêche.

Cette analyse a débuté par un rappel des discussions concernant le secteur de la pêche (prisesde position lors des cycles de négociations du GATT, dernières discussions de l’UruguayRound, réclamations adressées à l’OMC, communications présentées lors de la dernièreconférence ministérielle). Ce travail se concentre aussi sur les différentes prises de positiondurant les discussions précédentes, une évaluation des intérêts objectifs des différents pays ougroupe de pays. À l’issue de ces réflexions, l’étude tente de souligner les conséquences decertaines stratégies de négociation sur le secteur de la pêche.

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Les annexes de la seconde partie présentent des pays tiers exportateurs de produits de lapêche et de l’aquaculture en matière de production (halieutique et aquacole) et de commerce(exportation, importation, politique).

Classés parmi les principaux exportateurs de produits de la pêche et de l’aquaculture, cespays sont surtout des riverains du Pacifique, en outre moins connus que les pays ACP qui ontété présentés dans des études effectuées pour le compte du Parlement européen1. Ils ont étéregroupés par grandes zones géographiques (Amérique anglo-saxonne, Amérique latine, Asiedu Nord-Est (dont la Chine), Asie du Sud-Est, Inde...).

Enfin, une troisième partie est consacrée aux impacts des négociations de l’OMC pour l’UEet la PCP. Ces retombées sont analysées en considérant les alliances possibles entre des paystiers et l’UE (comme exportateur et comme importateur), l’évolution des négociations dans ledomaine de la pêche et leurs conséquences sur la PCP.

Pour approfondir cette analyse ont été présentées les caractéristiques du commerce desproduits de la pêche et de l’aquaculture de l’UE et les aspects de la PCP concernantl’approvisionnement du marché européen.

3. Les intérêts de l’UE comme importateur et exportateur

L’Union européenne est avant tout un importateur de produits de la pêche et de l’aquaculture.La mise en place d’un régime des importations se heurte à la difficulté de conciliation dedivers intérêts parfois contradictoires: producteurs primaires, transformateurs etconsommateurs.

L’UE est également un important exportateur de produits de la pêche et de l’aquaculture,même si la valeur des exportations n’atteint pas le cinquième de celle des importations.

3.1. L’UE: principalement un importateur de produits de la pêche et de l’aquaculture

Il convient de rappeler que l’UE est le plus grand marché mondial des produits de la pêche etde l’aquaculture et représente, en valeur, le tiers des débouchés des pays tiers exportateurs dela planète.

Si l’on considère l’origine des importations de l’UE, on peut souligner:

- une très grande diversité d’origine géographique;

- la dimension mondiale de l’approvisionnement;

- l’importance des voisins nordiques de l’UE – la Norvège et l’Islande – qui représentent àeux seuls plus du quart (respectivement 19,8 et 8,4 %) de la valeur totale des importationsextra communautaires de produits de la pêche et de l’aquaculture (10,7 milliards d’Eurosen 1999);

1 "Les pêches artisanales dans les PVD associés avec l’UE", document de travail, Série Agriculture, W 14,

1994; "Les accords bilatéraux et les conventions internationales de pêche", document de travail, SérieAgriculture, E 5, 1996; "La coopération entre l’UE et les pays ACP dans le secteur de la pêche au-delà del'an 2000", document de travail, Série Pêche, FISH 106, 1999.

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- la part importante des pays développés tempérés - avec outre les deux pays précités, celledes États-Unis (4,5 %) de la Russie (3,5 %) et du Canada (3 %) - ne doit pas dissimuler laprésence de pays émergents ou en développement (situés en zone tropicale ousubtropicale) parmi les 10 premiers fournisseurs - Maroc (3,8 %), Argentine (3,7 %)Thaïlande (3,6 %), Équateur (3 %) - et ceux qui les suivent immédiatement (Chine,Sénégal, Namibie, Chili, Pérou dont les valeurs respectives des importations dépassent les200 millions d’Euros soit entre 2,2 et 2,5 % de la valeur totale des importations).

En considérant tous les modes de conditionnement, quelques espèces occupent une placeparticulièrement importante dans la valeur des importations de produits de la pêche et del’aquaculture de l’UE. Il s’agit des crevettes (19,1 % soit environ le cinquième de la valeurtotale), des morues (8,9 %), des thons (8,2 %) et des saumons (7,5 %).

Pour garantir l’approvisionnement de l’UE, les autorités communautaires sont proches deceux qui militent pour une baisse des tarifs, comme l’a illustré le dernier régime douanierpour des espèces comme les colins d’Alaska et les crevettes (dont les droits de douane sontaujourd’hui nuls), indispensables produits de base pour nombre d’usines de transformationeuropéennes.

Il en va de même pour certaines espèces comme la morue, aux droits de douane réduits, maisqui concurrencent davantage les produits issus de la pêche européenne (les pêcheurs de l’UEn’étant pas satisfaits de la réduction du quota européen tandis que le TAC global dansl’Atlantique Nord Est augmente). Cependant la juridiction communautaire a évolué dans lesens d’une attribution de contingents – à droits de douane réduits - toujours plus élevés entre1995 et 2000 pour disparaître entre 2001 et 2003. Cette évolution vers une réductiongénéralisée des tarifs douaniers révèle clairement le choix effectué en faveur du libreapprovisionnement, même si la persistance d’un taux de douane pour certaines espèces doitêtre considérée comme une concession aux producteurs européens.

Le maintien, tout du moins dans les principes, d’une préférence communautaire et le souci desauvegarder la pêche européenne incitent tout de même à limiter les importations de produitsnon transformés de certains pays tempérés.

La question qui se pose est de savoir si, à l’avenir, le maintien de cette préférencecommunautaire sera possible. En effet, l’approvisionnement des industries de transformationde l’UE, confronté aux limites d’exploitation des ressources, à l’émergence de nouvellesentreprises – et de nouveaux besoins – dans d’autres pays (notamment en Chine), constitueun sujet d’inquiétude pour l’avenir et laisse présager une féroce compétition.

L’industrie de transformation européenne, encline à favoriser l’entrée de produits de base, apar contre tendance à militer pour une meilleure protection face aux importations de produitstransformés. Par exemple, si les conserveries pèsent aujourd’hui d’un poids moins lourd, ellestraitent avec défiance les importations de conserves de petits pélagiques du Maroc. Les autresentreprises de transformation sont davantage concernées par les importations de Norvège,d’Islande, des États-Unis et de Thaïlande.

L’UE est ainsi dans la position du pays importateur souhaitant protéger son industrie et celapourrait laisser présager une attitude commune avec d’autres pays. Cependant, la réalité estplus complexe, certaines industries devant être plus protégées que d’autres, d’autant que lesouci de satisfaire les consommateurs pourra inciter à favoriser ou du moins à ne pas entraverl’entrée de certains produits transformés.

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On doit également prendre en compte la politique de l’UE avec les pays ACP dans le cadredes Conventions Post-Lomé. Si les avantages ne sont plus aussi intéressants, il sembledifficile que l’UE abandonne du jour au lendemain tout appui aux industries de certainspartenaires (par exemple aux conserveries des Seychelles, de Maurice, de Fidji… ).

Il est donc difficile de prévoir des alliances en ce domaine. On peut simplement signalerl’existence de préoccupations communes avec des pays, à la fois désireux d’approvisionnerleur marché en raison de l’insuffisance de la production nationale (parfois en raison de sondéclin) et la protection de leur activité de pêche ou de leur industrie de transformation.

L’UE partage ainsi le souci de protéger son industrie de la pêche avec le Japon, les États-Unis, la Corée du Sud, Taïwan et sans doute demain la Chine, qui sont à la fois de grandesnations de pêche et des marchés importants. Elle souhaite également préserver son industriede transformation, préoccupation qu’elle partage avec des pays engagés dans la recherched’une plus grande valeur ajoutée comme la Malaisie, Singapour et demain la Thaïlande (pourcertains produits) ou la Chine dont les marchés deviennent également plus importants de jouren jour.

L’exemple de la Thaïlande est révélateur d’une coexistence de préoccupations communes etd’intérêts différents.

Mais en dehors de ces intérêts globaux, le marché des produits de la mer est si segmenté, etcelui de l’UE si complexe, qu’il est difficile d’adopter des stratégies communes avec des paystiers. On peut ici répéter la question déjà posée: sur quelle base des décisions si contingentées,répondant à des besoins spécifiques - et si différents - vont-elles pouvoir permettre à l’UEd’adopter des positions communes avec tel ou tel pays en matière d’importation des produits dela pêche et de l’aquaculture ?

3.2. L’UE: un grand exportateur de produits de la pêche et de l’aquaculture

Les exportations de produits de la pêche et de l’aquaculture sont bien moins importantes envaleur que les importations (1,8 milliard d’Euros en 1999 contre 10,7 milliards pour lesimportations soit un rapport de 1 à 6).

Même si le rapport est moins contrasté en quantité (de 1 à 3): 1,2 million de tonnes exportéesen 1999, l’UE est davantage un marché qu’une puissance exportatrice.

Les espèces exportées sont:

- les thons frais et réfrigérés, congelés et en conserves (17 % de la valeur totale exportée parl’UE);

- les petits pélagiques (17,7 %) dont, par ordre d’importance, les maquereaux congelés(4,9 %), les harengs congelés et en préparation et conserves (4,3 %), les chinchardscongelés (4,1 %), les sardines congelées et en conserves (3,6 %) et les anchois enconserves (0,8 %);

- les crevettes brutes ou conditionnées (6,8 %);

- les saumons frais et réfrigérés ou fumés (4,8 %);

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- les céphalopodes: poulpes congelés, séchés, salés (2,5 %), seiches et calmars (1,4 %) quireprésentent 3,9 %.

Si l’on considère les destinations des exportations extra communautaires de l’UE de produitsde la pêche et de l’aquaculture par pays et par grands groupes d’espèces en 1999, on peutremarquer:

- la prépondérance des poissons non transformés (63 % de la valeur des exportations desproduits de la pêche et de l’aquaculture de l’UE);

- une grande diversité géographique;

- l’importance du marché japonais qui représente à lui seul le cinquième (21,8 % en 1999)de la valeur des exportations de produits de la pêche et de l’aquaculture de l’UE et la partd’un petit pays comme la Suisse (8,7 %);

- la part des pays développés, notamment des quatre premiers de la liste: les deux pays ci-dessus complétés par les États-Unis (7,7 %) et la Norvège (6 %);

- l’importance de certains pays en développement, notamment de trois d’entre eux - leNigeria (5,3 %), la Côte d’Ivoire (3,8 %) et l’Égypte (3,0 %) - parmi les dix premiersdestinataires qui représentent 12 % de la valeur des exportations de produits de la pêche etde l’aquaculture de l’UE. Il faut également mentionner l’importance de la Chine (3,1 %).

En tant qu’exportateur l’UE souhaite le maintien des facilités d’accès:

- à des marchés de produits de faible valeur ajoutée que l’UE exporte en grandes quantités(petits pélagiques au Nigeria, en Pologne, Égypte, Côte d’Ivoire, thons congelés pour lesconserveries des Seychelles, d’Équateur ou de Thaïlande). L’accès à ces marchéscontribue en effet au maintien des flottes de grands chalutiers pélagiques et des importantsthoniers senneurs opérant sous pavillon communautaire et relevant d’États membres del’UE;

- à des marchés de produits de valeur plus importante (Japon, États-Unis, Hong Kong,Taïwan, Corée du Sud et, de plus en plus, la Chine).

L’Europe devrait donc se retrouver aux côtés des pays en développement, cette fois-cicomme exportateur, pour demander une facilité d’accès aux marchés des pays développés,mais elle est objectivement intéressée par toutes les formes de réciprocité en matièred’ouverture des marchés de pays en développement. Ces derniers devraient également êtreouverts à ces questions, soit en raison des besoins liés à la satisfaction de leur population enterme de sécurité alimentaire ou à l’approvisionnement de leurs conserveries de thons.

L’UE opte pour une approche des barrières non tarifaires, fondée sur des éléments pertinents.Dans ce domaine, elle peut donc trouver un terrain d’entente avec de nombreux paysexportateurs qui partagent la même inquiétude. Il y a là, pour l’UE, l’opportunité d’appuyerles revendications de pays en développement à l’OMC, et ainsi de trouver l’occasion derenouveler une politique de coopération sur des bases nouvelles.

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En tant qu’exportateur, l’UE peut donc s’associer avec d’autres pays pour demander:

- la justification de barrières non tarifaires, notamment de barrières techniques (enparticulier celles liées aux méthodes de capture pour la pêche et de production pourl’aquaculture). Celles-ci sont largement employées par les États-Unis dont les tarifsdouaniers sont par ailleurs particulièrement bas. Ces obstacles doivent être fondés sur desarguments solides afin d’éviter que ces décisions dissimulent un protectionnisme déguisé;

- l’harmonisation et la transparence dans l’application de ces barrières non tarifaires,notamment en ce qui concerne des mesures sanitaires et phytosanitaires. Celles-ci doiventêtre fondées sur des critères définis avec précision en référence au Codex Alimentarius etles normes HACCP, toujours pour éviter que ces décisions dissimulent un protectionnismedéguisé;

- une plus grande facilité d’accès aux marchés asiatiques. Il s’agit en effet d’améliorerl’accès au marché japonais où les droits de douane sont encore relativement élevés pourles produits de la pêche et de l’aquaculture: 5 % pour la majorité des produits, 10 % pourd'autres (notamment les petits pélagiques, les céphalopodes, les crustacés...), 15 % pour lespoissons fumés et certains mollusques. D’autres marchés d’Asie sont aussi visés comme laChine et Hong Kong, la Corée du Sud et Taïwan.

La tendance actuelle de la PCP est de réduire ou supprimer toute subvention qui n’encouragepas une pêche durable, et on a pu noter une convergence de vues sur la question. Il convientcependant de demeurer prudent étant donné les divergences d’appréciation qui peuventapparaître dans la définition d’une pêche durable.

Ainsi, certains des pays signataires de la communication à l’OMC visant à interdire lessubventions à des activités de pêches non durables, sont des partisans de la gestion des pêchespar quota individuel transférable (QIT). Certains de ces pays - c’est notamment le cas de laNouvelle-Zélande - ont tendance à avancer qu’une activité gérée par QIT est forcémentdurable. Mais il convient de signaler que l’existence de rejets dans des pêcheries gérées parces moyens vient démentir une attribution systématique d’un caractère durable.

3.3. Rappel de l’importance commerciale de certains partenaires de l’UE

Au sein de ces échanges, l’interdépendance entre la Norvège, membre de l’Espaceéconomique européen, et l’UE, mérite d’être signalée. Premier fournisseur de l’UE (20 % envaleur, notamment pour les poissons non transformés, farines et huiles) et en troisièmeposition pour les produits transformés et les conserves, la Norvège est également un clientimportant de l’UE (6,0 % en valeur) en première position pour les farines et huiles, et entroisième pour les préparations et conserves.

On doit ensuite mentionner les États-Unis qui sont le troisième fournisseur de l’UE (4,5 %en valeur en 1999) - notamment pour les poissons non transformés et les gros crustacés - etson troisième client (7,7 % en valeur en 1999), en particulier pour les poissons nontransformés et pour les préparations et conserves.

On peut encore citer comme pays partenaires, à la fois fournisseurs et clients, des pays aussidivers que la Russie (3,8 % des importations et 2,5 % des exportations en valeur), le Maroc(3,8 % des importations et 1,2 % des exportations en valeur), le Canada (3 % desimportations et 1,2 % des exportations en valeur), la Chine (2,2 % des importations et 3,1 %des exportations en valeur), la Côte d’Ivoire (1,3 % des importations et 3,8 % des

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exportations en valeur) et l’Équateur (1 % des importations et 3 % des exportations envaleur).

Enfin, quelques pays méritent d’être signalés en raison de leur importance:

- comme fournisseurs de l’UE:

- l’Islande (avec 8,4 % des importations en valeur, en seconde position pour lespoissons non transformés et les conserves et préparations);

- l’Argentine (3,7 % des importations en valeur, en seconde position pour lescéphalopodes, en troisième pour les crustacés);

- la Thaïlande (3,5 % des importations en valeur et en première position pour lespréparations et conserves);

- les Féroé (3,3 % des importations en valeur);

- le Sénégal (2,2 % des importations en valeur, en troisième position pour lescéphalopodes);

- la Namibie et le Chili (chacun contribuant également à 2,2 % des importations envaleur), en bonne position pour les poissons non transformés (merlu dans le premiercas, le saumon dans le second).

- comme destinataires des exportations de l’UE:

- le Japon, destinataire de près de 22 % des importations en valeur en 1999, largementen première position pour les poissons non transformés (notamment pour les petitspélagiques) et les mollusques;

- la Suisse (8,7 % des exportations en valeur) en première position pour lespréparations et conserves;

- le Nigeria (5,3 % des exportations en valeur) en troisième position pour les poissonsnon transformés, notamment les petits pélagiques;

- la Pologne (3,5 % des exportations en valeur);

- l’Égypte (3,0 % des exportations en valeur) en seconde position pour les farines ethuiles.

4. L’OMC et la PCP

La PCP ne semble pas aller à l’encontre des demandes plus fortes concernant les barrièresnon tarifaires et leur harmonisation. Il ne semble pas qu’il y ait eu de velléités de porter àl’OMC les interdictions temporaires d’entrée de produits en provenance de certains pays endéveloppement, sans doute parce que ces mesures se fondaient sur des critères précis,rigoureux et similaires à ceux exigés au sein de l’UE. On doit encore rappeler que les pays endéveloppement ne contestent pas le bien-fondé de ces interdictions, mais veulent être assurésqu’elles sont bien fondées.

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La PCP ne semble pas devoir aller à l’encontre des autres mesures comme celles quiconcernent les obstacles techniques au commerce, notamment dans la phase de production,aussi bien en matière de pêche que d’aquaculture. Dans ces domaines, il est difficiled’accuser l’UE d’être plus sévère envers les produits des pays tiers que ceux originaires del’UE.

Les mesures antidumping sont un autre type de barrière non tarifaire, que la réglementationcommunautaire a elle-même appliqué vis-à-vis des saumons d’élevage de Norvège, à lagrande satisfaction des producteurs européens, peut-être moins à celle des transformateurs.

La question d’attribution des subventions à des pêches non durables, si elle a pu se poser,semble moins d’actualité. Le développement des moyens de capture de petits pélagiquesconcerne des stocks qui semblent aujourd’hui moins menacés. L’UE peut également arguerde la poursuite de réduction des flottes de chalutiers démersaux opérant sous pavilloncommunautaire.

L’UE devrait alors pouvoir justifier le caractère durable de sa politique de restriction deflotte. Dans son Livre vert, la Commission a reconnu la faiblesse de sa politique passée en lamatière (altérée par les progrès techniques permettant l’augmentation de l’effort de pêche)mais annonce que ces progrès techniques sont désormais pris en compte dans les modalités decalcul de réduction des flottilles. Ces mesures témoignent d’un souci manifeste de réduirel’effort de pêche dans un objectif de conservation de la ressource.

En conclusion, on peut remarquer qu’il n’existe pas d’opposition fondamentale entre lesprincipaux questionnements de l’OMC et la Politique Commune des Pêches.

La PCP conserve une orientation très libérale en terme de liberté des échanges, tout enprenant progressivement en compte la nécessité de protection de l’environnement, même sijusqu’à une date récente elle était plus orientée vers la conservation des ressourceshalieutiques que vers la protection des écosystèmes. Mais au sein de la Commission, la DGDéveloppement a adopté cette approche qui rejoint d’autres préoccupations communautairescomme la protection de l’environnement marin, que de récentes pollutions maritimes ontravivé.

De même, les positions divergentes de la DG Pêche et DG Développement, dans le domainedes accords de pêche par exemple, ont considérablement évolué pour désormais prendre encompte les objectifs de développement, même si les intérêts des producteurs européensentraînent parfois des positions de compromis où ces préoccupations se voient réduites.

S’il n’y a pas d’opposition globale, c’est donc dans les modalités d’application et dans lesdéfinitions de certains concepts que des différends pourront survenir. Il conviendra donc desuivre avec attention les échanges de vues concernant le concept de pêche durable et lesconséquences qui en seront tirées.

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5. Conclusion générale

On pourrait résumer la position officielle de l’UE vis-à-vis de l’OMC, dans le domaine desproduits de la pêche et de l’aquaculture, comme un appui à une mondialisation "ouverte" etnon "fermée" au seul service des intérêts des grandes puissances. "L'Après-Lomé" amènerapeut-être l’UE à apporter sa propre vision du monde et à soutenir les pays en développementdans leur stratégie d’exportation.

Ce souci, exprimé par nombre de pays exportateurs, semble se justifier pleinement pour desespèces à haute valeur destinées avant tout à à l'accumulation de devises (ex: crevettes) oupour d’autres de moins grande valeur, à la sauvegarde des emplois (ex: conserveries dethons). En revanche, il convient de signaler qu’il peut se poser tôt ou tard la question de lapertinence de cette stratégie d’exportation de produits qui auraient pu être plus utiles àl’alimentation des populations des pays concernés.

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LISTE DES TABLEAUX

Évolution du classement mondial de la pêche (capture) des nations 9

Les principaux producteurs mondiaux de produits de la pêche et de l’aquacultureen 1998 10

Classement en valeur pour les principaux pays exportateurs 12

Classement en valeur pour les principaux pays importateurs 13

Réduction des tarifs pour les produits de la pêche et de l’aquaculture dans lespays développés avant et après l’Uruguay Round 24

PMA membres de l’OMC ou sur le point de l’être 37

Variation de la marge préférentielle Lomé/SPG pour quelques secteurs"agricoles" 39

Synthèse des différentes organisations régionales d’Europe, d’Afrique etdu Moyen-Orient 46

Synthèse des différentes organisations régionales d’Asie, d’Amérique etdu Pacifique 47

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LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES UTILISÉS

ACP: Afrique Caraïbes PacifiqueAELE: Association européenne de libre échangeAFTA: ASEAN Free Trade AreaALENA: Agence de libre échange de l’Amérique du NordAPEC: Asia Pacific Economic CooperationASEAN: Association of South East Asian NationsATL: Accelerated Tariff LiberalisationBED: By-Catch Exclusive Device (engin de pêche sélectif destiné à éviter les capturesaccessoires)CCALMAR: Commission for the Conservation of Antarctic Marine Living ResourceCEDAEO: Communauté Economique pour le Développement des États de l’Afrique del’Ouest.CEI: Communauté des Etats Indépendants (Ex-URSS)CFCE: Centre français du commerce extérieurCOMESA: Common Market for Eastern and Southern AfricaCPPS: Commission Permanente du Pacifique SudCNUCED: Conférence des Nations unies pour le commerce et le développementCNUDM: Convention des Nations unies sur le droit de la merCOFI: Comittee of Fisheries (Comité des pêches de la FAO)CPANE: Commission des pêches pour l’Atlantique Nord EstCTE: Comité sur le commerce et l'environnementECOWAS: Economic Community of Western African States (sigle anglais de la CEDAEO)EEE: Espace économique européenEICI: Export Inspection Council of IndiaFAO: Food and Agriculture OrganisationFFA: Forum Fishery AgencyFTAA: Free Trade Agreement of the AmericasGATT: General Agreement on Tariffs and TradeGFTA: Global Free Trade AssociationGMP: Good Manufactures PracticesHACCP: Hazard Analysis and Critical Control PointsHK: Hong KongICCAT: International Convention for the Conservation of Atlantic TunasICSTD: International Centre for Trade and DevelopmentIDH: Indicateur de développement humainISDH: Indicateur sexospécifique de développement humainIUCN: Institut de Conservation de la NatureJETRO: Japan External Trade OrganisationLAES: Latin America Economic System (sigle anglo-saxon de la SEAL)MERCOSUR: sigle espagnol du Marché commun du Cône sud (de l'Amérique latine)

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MNFS: (source) Marine National Fisheries Service (Service National des Pêches des Etats-Unis)MPO: Ministère des pêches et des océans (Canada)MOU: Memorandum of UnderstandingMPEDA: Marine Products Export Developement Authority (Inde)MSC: Marine Stewardship CouncilNAFO: North Atlantic Fisheries Organisation (plus employé que le sigle français OPANO)NAFTA: North American Free Trade AssociationNPF: Nation la plus favoriséeOCDE: Organisation de coopération et de développement économiqueOIC: Organisation internationale du commerce (projet précédent l’OMC)OMC: Organisation mondiale du commerceONG: Organisation non gouvernementaleONU: Organisation des Nations uniesOPANO: Organisation des pêches pour l’Atlantique Nord OuestORD: Organe de règlement des différends (de l’OMC)PARTA: Pacific Regional Trade AgreementPCP: Politique commune de la pêchePIB: Produit intérieur brutPMA: Pays les moins avancésPNB: Produit national brutPVD: Pays en voie de développementQIT: Quota individuel transférableQMP: Quality Management Programm (Canada)SAARC: South Asian Association for Regional CooperationSADC: Southern Africa Development Communauty (Communauté de développement del'Afrique australe)SEAL: Système économique de l'Amérique latineSPF: South Pacific ForumSPG: Système de préférences généraliséesSPS: Sanitary and Phytosanitary (mesures sanitaires et phytosanitaires)TBT: Technical Barriers to Trade (obstacles techniques au commerce)TDC: Tarif douanier communTED: Turtle Exclusive Device (voir BED)UE: Union européenneUNEP: United Nations Environment ProgramUR: Uruguay RoundWWF: World Wildlife FundZEE: Zone économique exclusive

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SOMMAIRE

Résumé iii

Liste des tableaux xii

Liste des abréviations et acronymes utilisés xiii

Introduction 1

Première partie: L'importance du secteur de la pêche dans le cadre desnégociations de l’OMC 3

1. Importance de la pêche dans les relations internationales 3

1.1. La pêche dans les phénomènes d’appropriation des espaces maritimes 31.2. La pêche en haute mer 61.3. Conclusion sur l’importance de la pêche dans les relations internationales 7

2. Le commerce international des produits de la mer: caractéristiques principales 8

2.1. Une production totale en développement 82.2. Un commerce en plein essor 102.3. Les principaux exportateurs 102.4. Les marchés 11

3. Les mesures concernant les importations des produits de la pêcheet de l’aquaculture 14

3.1. Le régime tarifaire 143.2. Les mesures sanitaires et phytosanitaires 153.3. Les barrières techniques 17

4. L’impact des dernières négociations pour le secteur de la pêche 19

Seconde partie: Analyse des stratégies de négociation des membres etgroupes de membres de l’OMC dans le domaine de la pêche 23

1. Débats et discussions concernant le secteur de la pêche 23

1.1. Les prises de position lors des cycles de négociations du GATT 23

1.2. Rappel des dernières discussions de l’Uruguay Round 241.2.1. Les tarifs 241.2.2. Les mesures non tarifaires 25

1.3. Les réclamations adressées à l’OMC 251.3.1. Les mesures sanitaires et phytosanitaires 251.3.2. Les obstacles techniques au commerce 261.3.3. Les mesures antidumping 271.3.4. Les procédures de licences d’importation 271.3.5. Les subventions et les mesures compensatoires 28

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1.3.6. Les mesures de sauvegarde 28

1.4. Les communications présentées lors de la dernière conférenceministérielle 29

1.4.1. La question des subventions 291.4.2. Une accélération de la libéralisation des tarifs douaniers 301.4.3. Les discussions sur le contrôle des importations 30

2. Analyse des différentes prises de positions 31

2.1. Les prises de position lors des conférences ministérielles de l’OMC 312.2. Analyse des demandes faites lors de l’Uruguay Round 33

3. Intérêts objectifs des différents pays ou groupes de pays 33

3.1. Les enjeux généraux des négociations dans le commerce international 333.2. Les différentes catégories de pays 353.3. Des stratégies communes? 36

3.3.1. Les intérêts des pays en voie de développement exportateurs 363.3.2. Des solidarités régionales? 43

4. Impact de certaines stratégies de négociation sur le secteur de la pêche 47

5. Conclusion 50

Troisième partie: Impact des négociations pour l’UE et la PCP 51

1. Analyse de l’impact des stratégies de négociations pour l’UEdans différents domaines 51

1.1. Les alliances possibles 511.1.1. L’UE importateur 511.1.2. L’UE exportateur 541.1.3. L’UE et la pêche durable 55

1.2. Les forces et faiblesses de l’UE 551.2.1. Rappel de la dépendance de l’UE 551.2.2. Les principaux partenaires 56

2. Appréciation de l’évolution des négociations dans le domaine de la pêcheet conséquences sur la PCP 57

2.1. Appréciation de l’évolution des négociations dans le domaine de la pêche 572.2. Conséquences sur la PCP 58

3. Conclusion 60

Bibliographie 63

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INTRODUCTION

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a succédé aux accords du GATT, est,depuis un peu plus d’un an, souvent présente dans l’actualité internationale. En effet, lesmanifestations de rue de Seattle de la fin 1999, qui ont certes perturbé l’organisation de laconférence ministérielle de l’OMC, ont surtout contribué à faire connaître au grand publicune organisation internationale jusque-là surtout réputée dans le secteur plus restreint ducommerce international.

La mondialisation des échanges, résultant des progrès techniques dans le domaine destransports, de la circulation de l’information et des moyens de paiement, est un phénomèneancien qui connaît depuis quelques années une accélération très rapide. L’OMC est donc,comme le GATT, un lieu de négociation des différents États pour tenter de mettre sur piedune réglementation du commerce mondial et une organisation en charge de l’application decette réglementation.

L’objet de cette étude consiste à étudier les stratégies des États membres de l’OMC dans unsecteur particulier de l’économie: la pêche, entendue plutôt comme filière pêche-aquaculturepuisque cela concerne aussi bien les activités de capture proprement dites que lacommercialisation des produits de la pêche comme de l’aquaculture.

À la veille de la révision de la PCP, l’Union européenne est particulièrement intéressée par laquestion et une étude sur le sujet est d’autant plus pertinente que la filière pêche n’apparaîtpas en tant que telle dans les négociations de l’OMC.

C'est pourquoi la présente étude fournit les éléments de réflexion essentiels à la préparationdes nouveaux enjeux concernant la filière pêche, en présentant successivement, dans le cadrede l’OMC:

• l’importance du secteur de la pêche dans le cadre des négociations;

• la politique concernant les produits de la mer (pêche, marché, … ) suivie par certains paysou groupes de pays;

• les stratégies de négociation des membres de l’OMC dans le domaine de la pêche;

• une analyse de l’impact de ces stratégies de négociation pour l’UE (en termes d’alliance,de flexibilité, de forces et des faiblesses des prises de position de l’UE).

Afin de permettre une consultation plus aisée de cette étude, elle a été structurée en deuxtomes: le premier contient le rapport principal et le second des annexes qui apportent desexplications plus détaillées sur certains des thèmes développés.

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PREMIÈRE PARTIE

L’IMPORTANCE DU SECTEUR DE LA PÊCHEDANS LE CADRE DES NÉGOCIATIONS DE L’OMC

Pour le lecteur non-spécialiste de l’OMC, un rappel de l’historique du GATT et de lacréation de l’OMC ainsi qu’une présentation de cette organisation sont exposés dansl'annexe I.1. (Tome II)

1. Importance de la pêche dans les relations internationales

Le commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture a une dimension internationale nonnégligeable mais n’occupe qu’une place très modeste dans les échanges de marchandises.

L’importance de la pêche dans les relations internationales est davantage liée à la naturemaritime de cette activité et à la mer qui abrite les ressources halieutiques. Cela résulte durôle qu’ont toujours joué les océans dans la vie internationale, auquel il faut ajouter lesévolutions passées du droit international de la mer qui ont contribué à l’apparition denouveaux enjeux géopolitiques entre les nations.

C’est pourquoi le lecteur trouvera en annexe 2 de la première partie, un rappel del’importance des enjeux maritimes dans les relations internationales.

1.1. La pêche dans les phénomènes d’appropriation des espaces maritimes

La pêche a été un des facteurs de l’extension des zones sous contrôle d’États côtiers(notamment les Zones économiques exclusives portées à 200 milles). En effet, l’historique del’évolution du droit de la Mer (annexe 2 de la première partie) montre que c’est ledéveloppement considérable de l’activité des flottes de pêches hauturières, au lendemain dela seconde guerre mondiale, qui a suscité certaines réactions d’États côtiers vers un désird’appropriation des eaux qui les bordent. Dans les décennies suivantes, ce nationalismemaritime se renforce considérablement avec l’accès à l’indépendance de nombreux pays enAfrique et dans le Pacifique insulaire.

En effet, jusqu’à la seconde guerre mondiale, les activités des flottes de pêche lointaineeuropéennes s’effectuent essentiellement dans l’Atlantique Nord (pêche séculaire de la moruesur les bancs de Terre-Neuve au Canada et en Islande) à l’exception notable de l’exploitation demammifères marins dans les parages de l’Antarctique.

Dès les années cinquante, les flottes des États membres de l’UE développent considérablementleurs activités de pêche au large de l’Afrique occidentale (du Maroc au Sénégal) et dans unemoindre mesure au large de l’Amérique latine. Cette activité s’intensifie en Afrique dans lesdeux décennies suivantes en direction du golfe de Guinée. Puis, les activités européenness’étendent au large de l’Afrique Australe (notamment en Namibie), dans les parages des îles del’Océan Indien (Madagascar pour les crevettes, les Seychelles, Maurice et les Comores pour lesthonidés) et jusqu’aux côtes de l’Argentine.

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Parallèlement à cette évolution, les flottes de pays de l’Europe de l’Est - et de l’URSS del’époque - qui opéraient surtout dans les eaux de l’Europe occidentale, se déploient égalementau large des côtes africaines (notamment mauritaniennes et sénégalaises) puis dans le grand sudde l’Atlantique et de l’océan Indien.

Dans la seconde moitié du XXème siècle, Américains et Japonais étendent également leursactivités dans le Pacifique. Les flottes de pêche japonaises entament leurs opérations de pêchelointaine – essentiellement thonières - dans les îles du Pacifique dans les années 20. Mais leurexpansion à une très large échelle débute dans les années 50, après avoir été interrompue par laseconde guerre mondiale et ses conséquences immédiates (interdiction des activités de pêcheslointaines dans les premières années de l’occupation américaine). Dès les années 60, ilsfréquentent l’ensemble du Pacifique Sud. En 1985, 75 % des unités de pêche hauturièresrecensées dans le Pacifique sont japonaises.

Les flottes américaines, axées également sur la capture des thonidés, restent longtemps limitéesaux rivages du Mexique et de l’Amérique Centrale. Elles ne gagnent l’ensemble du Pacifiqueque dans les années 70.

Avec le développement d’activités de pêche hauturières dans d’autres pays, les flottes venuesjusque-là, essentiellement des pays riches, seront rejointes par celles d’autres nations alors enplein essor économique, (notamment la Corée du Sud et Taïwan qui ont depuis rejoint le rangdes pays riches), puis d'États moins riches (Mexique, Philippines, Indonésie, … ).

Avec l’instauration des ZEE, une large part des zones d’action de ces flottes hauturières seretrouve désormais sous contrôle d'États côtiers ou insulaires qui convoitent les mêmesressources halieutiques.

Il s’agit donc pour les flottes hauturières de pouvoir assurer la pérennité de leur activité. Pourcelles de l’UE, ces possibilités sont vitales pour certains types de pêche spécialisés (pêcheaux thonidés dans les eaux tropicales) et pour d’autres réalisées dans les zones tempéréesmais confrontées à la baisse des ressources dans les eaux européennes.

Cette situation nouvelle entraîne trois types de scénarios:

• l’éjection des flottes hauturières ou une très forte restriction de leur activité. Ce type descénario se produit dans des États côtiers désireux à la fois d’exploiter eux-mêmes leursressources et disposant des moyens de cette politique. C’est ainsi que de nombreusesflottes de pêche japonaises ont été évincées des aires sous contrôle des États-Unis et ontsubi de fortes restrictions dans des pays comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie. Demême les flottes de pêche espagnoles ont durant un certain temps été évincées deNamibie avant d’y être acceptées de manière restrictive. Actuellement, les flottes del’Union européenne ne disposent plus de possibilités de pêche au Maroc;

• l’acceptation de la présence de flottes étrangères dans le cadre d’accords de pêche avecdes contreparties en matière d’accès au marché, d’assistance à l’évaluation desressources, à la surveillance voire au contrôle des pêches, et parfois de politique decoopération;

• la mise en place d’entreprises conjointes dans le cadre ou hors cadre des accords depêche.

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Une attention spécifique sera accordée aux deux derniers scénarios correspondant à deuxcontextes différents d’intervention de flottes étrangères dans les ZEE relevant de lajuridiction d’États côtiers: les accords de pêche et les sociétés mixtes.

Les accords de pêche concernant l’UE ont déjà été présentés dans diverses études réaliséespar le Parlement européen. On ne rappellera ici que quelques aspects essentiels de cesaccords qui se divisent en plusieurs catégories2:

• les accords de réciprocité (accès aux ressources/accès aux ressources) dans lesquels l’UEoffre aux pays tiers des possibilités de captures dans les zones de pêche des États membresen échange de droits réciproques pour les navires communautaires dans les eaux de ces pays;

• les accords donnant lieu à contrepartie financière (accès aux ressources/contrepartiefinancière) dans lesquels l’UE acquiert des possibilités de pêche en échange d’unecontrepartie financière globale à la charge du budget communautaire et des armateurs. Cetype d’accord – qualifié souvent de première génération – est de nature essentiellementcommerciale; toutefois, il concède des financements de programmes scientifiques, desbourses d’études et de formation en addition des droits de pêche proprement dits. Il seraitdonc plus exact de parler d’accord donnant principalement lieu à contrepartie financièremais incluant des mesures de coopération (accès aux ressources contrepartie financière etmesures de coopération). Certains d’entre eux identifient un volet spécifique de soutien à lapêche (administration, secteur artisanal);

• les accords donnant lieu à une contrepartie financière et à un accès au marché de l’UE(accès aux ressources/contrepartie financière et accès au marché). Ce type d’accordprésente les mêmes caractéristiques que la catégorie précédente en y adjoignant des facilitésd’accès au marché (réductions de droits de douane) expressément prévues dans les termes;

• les accords donnant lieu à une contrepartie financière – en majorité consacrée à faciliterl’association d’entreprises – et un accès au marché de l’UE (accès auxressources/contrepartie financière, encouragement à la constitution d’entreprises mixtes etaccès au marché). Ce type d’accord reprend les conditions de la précédente catégorie mais yadjoint une mention spécifique au financement d’associations d’entreprises, que ce soit demanière durable – par le biais de sociétés mixtes – ou limitée dans le temps – dans le cadred’associations temporaires d’entreprises.

On peut encore mentionner deux autres catégories d’accords qui ne concernent plus l’UE:

• les accords autorisant un accès aux excédents de pays tiers (accès aux stocks excédentaires)dans lesquels les navires de l’UE étaient autorisés à capturer certaines ressources;

• les accords permettant un accès au marché de l’UE (accès aux ressources/accès aumarché) dans lesquels les produits de pays tiers pouvaient bénéficier d’une réduction dedroits de douane en échange d’un accès à leurs ressources pour les navires de l’UE.

2 "Les pêches artisanales dans les PVD associés à l’UE", document de travail, Série Agriculture, W 14,

1994; "Les accords bilatéraux et les conventions internationales de pêche", document de travail, SérieAgriculture, E 5, 1996; "Coopération entre l’UE et les pays ACP dans le secteur de la pêche au-delà del’an 2000", document de travail, Série Pêche, FISH 106, 1999.

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Une attention particulière sera portée ultérieurement aux types d’accords prévoyant desfacilités d’accès au marché européen.

À ce stade, il convient de rappeler l’importance de ces accords pour:

• l’activité économique des flottes de pêche européennes (l’approvisionnement n’étant pasla cause principale car pouvant être assuré par les importations);

• les relations politiques entre l’UE et des pays tiers.

Une autre réponse à l’instauration des ZEE a consisté pour les entreprises de pêcheindustrielle lointaine à créer des sociétés mixtes associant leurs intérêts et ceux d’entreprisesde pays tiers.

La constitution de ces sociétés relève soit de la contrainte (interdiction d’activité étrangèreautre que sous cette forme), soit de la stratégie de l’entreprise qui y trouve son compterapidement ou souhaite se prémunir de changement brutal de contexte, soit des incitationsdans le cadre d’accords bilatéraux (exemple de l’accord de pêche signé entre l’UE etl’Argentine).

1.2. La pêche en haute mer

Les activités de pêche en haute mer peuvent relever de conventions internationales ou derèglements ou recommandations spécifiques.

Les conventions internationales résultent de la volonté d’organismes supranationaux,comme la FAO et d’États concernés par la conservation de certaines ressources. Un certainnombre de conventions ont été créées au cours des années soixante-dix et quatre-vingt. Ellessont à l’origine de commissions généralement en charge d’organiser, recueillir et publier desrésultats de recherches scientifiques. Au vu des résultats de ces recherches ces commissionspeuvent recommander des mesures de gestion des stocks concernés.

Les recommandations peuvent rester facultatives ou devenir obligatoires pour les Étatscontractants. Elles concernent:

• l’établissement de limites de quantités prises par fixation d’un contingent global ou dequota pour des espèces déterminées;

• la création de zones interdites à la pêche;• l’interdiction de pêche à certaines périodes;• l’interdiction ou la réglementation de l'usage de certains engins de pêche.

Ces conventions peuvent couvrir des zones géographiques particulières comme l’AtlantiqueNord Ouest - OPANO (plus connue sous son sigle anglo-saxon NAFO), l’Atlantique NordEst - CPANE (NEAFC), la mer Baltique tout en précisant les espèces concernées. Ellespeuvent également concerner à la fois une catégorie d’espèces et une zone donnée comme laConvention Internationale pour la Conservation des Thons de l’Atlantique (ICCAT) ou laCommission des Thons de l’océan Indien.

Les règlements et recommandations spécifiques résultent de deux logiques: le désir des Étatsde contrôler des ressources situées en dehors de leur ZEE et une volonté réellementinternationale de sauvegarde des stocks.

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Les réglementations concernant les stocks chevauchants et les poissons grands migrateurss’inscrivent dans les deux logiques. L’attitude volontaire du Canada en la matière l’illustrebien. Il n’a pas hésité à saisir en haute mer des navires de pêches américains capturant descoquilles Saint-Jacques et des navires de l’UE pêchant des flétans noirs. Strict avec sespropres pêcheurs – le Canada n’a pas hésité à leur imposer une interdiction de la pêche à lamorue - ce pays entend voir poursuivre ses efforts en matière de gestion des stocks au-delàdes limites de sa zone de pêche. Des pays comme le Chili et l’Argentine l’ont rejoint dans cetobjectif de permettre à leur législation nationale de légaliser des saisies en haute mer denavires étrangers en cas de constat de non-respect de recommandations internationales (VanDyke J.M, 1995).

L’accord sur les stocks chevauchants se fixe comme objectif de faciliter les mesures decoopération nécessaire à assurer la conservation et l'usage optimal des stocks. À cette fin, ilsouhaite que les mesures de conservation et de gestion prises en haute mer soient compatiblesavec celles qui ont été adoptées dans les espaces relevant de législations nationales.

Concernant les poissons migrateurs, cet accord trouve surtout son application dans lePacifique Sud où les États insulaires membres du Forum du Pacifique Sud ont vu conforterleurs pouvoirs de pression sur les pratiques des flottes hauturières d'États riverains. C’estainsi que leur combat contre l’utilisation de filets géants par certaines flottes asiatiques, à lafin des années quatre-vingt, se trouve désormais appuyé par une législation internationale.

Le souci d’une meilleure réglementation des activités de pêche situées en dehors de ZEE n’apas été seulement exprimé par certains États côtiers. Il a également été partagé par desorganisations internationales comme la FAO et plus précisément son comité des pêches(COFI) qui, dès 1991, a invité à définir des concepts nouveaux pour responsabiliser lesprofessionnels de la pêche et assurer un caractère durable à cette activité. L’année suivantes’est tenue une conférence internationale sur les pêches responsables.

Fortement impliquée dans l’accord concernant les stocks chevauchants et les espèceshautement migratrices, la FAO a recommandé la formulation d’un code mondial deconduite pour une pêche responsable qui définisse des principes et des normes applicablesà la conservation, à l’aménagement et à la mise en valeur de toutes les pêcheries. Ce code, quine revêt pas de caractère obligatoire, a été adopté le 31 octobre 1995 par la Conférence de laFAO.

1.3. Conclusion sur l’importance de la pêche dans les relations internationales

Les aspects internationaux de la pêche proprement dite revêtent une importance particulièreavec les mutations du droit de la mer qui ont remis en question la liberté totale des activitésen haute mer. La création de ZEE a amené les États côtiers et les flottes hauturières (dontcelles de l’UE) à s’adapter à ce nouveau contexte.

Cela s’est traduit par des accords de pêche ou la constitution d’entreprises mixtes. Dans lepremier cas, des accords bilatéraux ont permis aux États côtiers de mieux définir leurspotentialités et d’accorder des droits de pêche aux flottes étrangères. Si les États côtiers enont globalement retiré des bénéfices, cela n’a pas empêché les pêcheurs nationaux de seconstituer en lobby, soit pour obtenir de meilleures compensations à la présence des flottesétrangères, soit à limiter - voire interdire - l’activité de ces flottes étrangères.

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Dans le même temps, le souci de combattre la surexploitation de la ressource a conduit à lacréation d’organisations destinées à mieux contrôler les activités de pêche dans de vastesespaces, dépassant les limites des ZEE pour englober des zones de la haute mer. Diversesconventions internationales ont vu le jour. Elles édictent des recommandations qui ne sontobligatoires que pour les membres signataires, mais qui ont pu constituer des basesd’argumentation pour justifier des initiatives d'États côtiers contre des flottes d'États nonsignataires dans des zones situées en dehors des ZEE.

Les activités de pêche s’effectuent donc soit dans des espaces sous contrôle d’États riverains -qui pourraient se voir étendus – soit en haute mer où une réglementation internationale tend às’imposer.

2. Le commerce international des produits de la mer: caractéristiquesprincipales

2.1. Une production totale en développement

La production totale de produits de la mer est en augmentation depuis le début de la décennie1990 (d’environ 100 millions de tonnes au début des années 90, à environ 125 millions detonnes entre 1996 et 1998), mais ce constat global dissimule une disparité de situation entreles deux composantes de cette production avec:

• une stagnation des apports de la pêche mondiale (aux environs de 95 millions detonnes);

• un fort essor de la production aquacole (qui se rapproche des 30 millions de tonnes en1997).

Remarque: Comme dans toute statistique de pêche, il convient d’être prudent. Les chiffres avancésici sont ceux de la FAO qui ne correspondent pas nécessairement avec d’autres sources comme parexemple celles d’Eurostat qui, dans son tout dernier rapport, évoque plutôt le chiffre de 36 millions detonnes pour l’aquaculture (40 millions de tonnes en 1998).

En matière de pêche, le classement des producteurs a connu de grands changements dans lesdeux dernières décennies. On a ainsi pu observer l’effondrement de la production d’anciennesgrandes nations pêcheuses (comme le Japon autrefois en tête du classement mondial) etl’émergence de nouvelles comme la Chine.

Cependant, depuis quelques années, la stagnation générale se retrouve dans la plupart despays, comme en témoigne le tableau suivant. Durant la dernière décennie, rares sont les paysen véritable progression (comme la Chine ou l’Islande).

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Évolution du classement mondial de la pêche (capture) des nations

Volume des captures(en millions de tonnes)

Pays (par ordre declassement en 1997)

1991 1997

Chine 13,10 15,72Pérou 6,95 7,87Japon 9,30 5,88Chili 6,00 5,81États-Unis 5,49 5,01Russie 5,89 4,66Indonésie 3,25 3,64Inde 4,04 3,60Thaïlande 2,96 2,91Norvège 2,09 2,85Islande 1,05 2,20Corée du Sud 2,52 2,20Source: FAO

NB: La comparaison avec le tableau suivant (distinguant la pêche de l’aquaculture) laisseprésager de possibles erreurs pour certains pays où les productions théoriquement de la pêcheseule peuvent aussi inclure des productions aquacoles. Il convient donc d’interpréter cesdonnées avec prudence.

En aquaculture, l’essor provient, en tonnage, essentiellement de la Chine de manièreglobale, de pays comme la Norvège et le Chili pour les salmonidés, de l’Inde ou del’Indonésie pour les crevettes.

La situation générale de la production de produits de la pêche et de l’aquaculture pour lesprincipaux pays producteurs en 1998 est présentée dans le tableau suivant. Il présente lesimportances respectives des deux principales composantes. On y pourra noter la poursuite desévolutions constatées en matière de pêche (augmentation de la Chine, baisse du Japon).

Il convient tout de suite d’attirer l’attention du lecteur sur la brutale chute du Pérou et duChili: il s’agit d’une situation exceptionnelle en 1998, année marquée par le phénomèneEl Niño qui perturbe la circulation océanique, notamment les remontées de riches eaux desprofondeurs au large des côtes Pacifique de l’Amérique latine.

Les principaux producteurs mondiaux de produits de la pêche et de l’aquaculture en 1998 (production totale > 2 Mt)

Production 1998 en millions de tonnesPaysPêche Aquaculture Totale

Chine 17,23 20,80 38,03Japon 5,14 0,76 5,90Inde 3,70 1,80 5,50États-Unis 4,71 0,44 5,15Russie 4,45 0,63 4,51Indonésie 3,70 0,70 4,40Pérou (1) 4,34 0,01 4,35Chili (1) 3,26 0,29 3,56Thaïlande 2,91 0,58 3,49Norvège 2,85 0,41 3,26Corée du Sud 2,03 0,32 2,35Philippines 1,83 0,31 2,14(1) rappel: année El NiñoSource: CFCE dans Produits de la Pêche et de l’Aquaculture, N° 9, septembre 2000 - d’après FAO

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2.2. Un commerce en plein essor

Le commerce international des produits de la pêche et de l’aquaculture suit le mêmedéveloppement que celui des autres marchandises. Cependant, certaines caractéristiquesessentielles inhérentes à ces produits, notamment ceux issus de la pêche, viennent tempérercette évolution qui mérite d’être observée d’une part en terme de quantités, d’autre part enterme de valeur marchande.

En tonnage, le volume des exportations des produits de la pêche et de l’aquaculture est ainsipassé de moins de 40 millions de tonnes, en 1993, à près de 46 millions, en 1997. Cependant,la production totale augmentant grâce à l’aquaculture, le pourcentage total de quantitésexportées demeure stable (oscillant entre 36 et 39 % entre 1987 et 1997).

L’essor de la production exportée concerne avant tout les poissons frais, réfrigérés etcongelés tandis que dans les autres secteurs la progression est moins accentuée (farines depoissons, crustacés et mollusques frais, réfrigérés et congelés ou les conserves de poisson) ouinexistante (poisson séché ou fumé, huiles, crustacés et mollusques et conserves).

En tonnage, le segment des poissons frais, réfrigérés et congelés, est donc de loin en tête avecenviron 51 % (près de deux fois et demie plus que les farines qui arrivent en seconde positionavec 18 %) et trois fois plus que les crustacés et mollusques (14 %).

En valeur, le commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture, a connu undéveloppement considérable en vingt ans. Il est ainsi passé de 8 milliards de dollars US en1976 à 50 milliards de dollars US en 1998.

Les principales espèces contribuant à cette valeur sont:

• les crevettes (environ 20 % de la valeur totale);• les poissons de fond (11 %);• les thonidés (9 %);• les salmonidés (7 %);• les petits pélagiques (7 %);• les céphalopodes (5%).

Certes la valeur des exportations des produits de la mer en 1998 ne représentait que 1 % decelles de toutes les marchandises et 11 % des produits agricoles.

2.3. Les principaux exportateurs

La quasi-totalité des États du monde est impliquée dans l’exportation des produits de la pêcheet de l’aquaculture, puisque, environ 195 États ont exporté une partie de leur production.

Les principaux exportateurs (en valeur) sont:

• certains pays de l’OCDE dont l’Amérique du Nord (les États-Unis - le quatrièmeexportateur mondial - et le Canada) et l’Europe notamment celle du Nord (avec laNorvège - second exportateur mondial avec 7 % des exportations mondiales à elle seule -et l’Islande) et l’UE (notamment le Danemark);

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• l’Asie de l’Est et du Sud-Est (notamment la Thaïlande, premier exportateur mondialgrand exportateur de conserves), la Chine, l’Indonésie, la Corée du Sud;

• l’Asie du Sud (Inde, Bangladesh, Pakistan);

• l’Amérique latine (Chili, Équateur, Argentine, Pérou);

• l’Afrique occidentale (Maroc, Mauritanie, Sénégal, Côte d’Ivoire) et australe (Afrique duSud, Namibie);

• la Russie et l’Europe de l’Est.

Si l’on considère plus précisément les grands pays exportateurs, le classement en valeurs’établissait comme suit, en 1998 et 1999:

Classement en valeur pour les principaux pays exportateurs

Valeur des exportations en Millions de dollars USPays1998 1999

Thaïlande 4 023,90 4 090,4Norvège 3 511,60 3 662,0Chine 2 659,7 2 968,8États-Unis 2 256,8 2 859,2Canada 2 253,9 2 619,8Danemark 2 103,2 2 132,2Indonésie 1 619,0 - Nd -

Source: CFCE dans Produits de la Pêche et de l’Aquaculture, N° 9, septembre 2000,d’après COMTRADE et services des douanes nationaux

Le tableau original qui est à la base du document ci-dessus, présente également les différentescatégories de produits. En effet, le détail par secteur révèle pour les différents pays:

• l’énorme part des préparations et conserves en Thaïlande (environ la moitié de la valeurtotale) qu’on ne retrouve que peu ailleurs, à l’exception peut être de la Chine;

• au contraire l’écrasante majorité des poissons, mollusques et crustacés, frais congelé,séché et salé pour certains pays riverains de l’Atlantique Nord (Norvège, États-Unis) et àune moindre échelle pour d’autres (Canada, Danemark) et pour l’Indonésie.

2.4. Les marchés

Si l’on considère la consommation mondiale de produits de la pêche et de l’aquaculture, ellese montait à 92,5 millions de tonnes en 1997 et se concentrait dans trois grandes régions dumonde:

• l'Asie de l’Est et du Sud-Est (62 % de la consommation mondiale) avec notamment- la Chine et Taïwan (23,5 millions de tonnes)- le Japon et la Corée du Sud (11 millions de tonnes)- l’ASEAN (environ 11 millions de tonnes);

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• l'Europe (20 % de la consommation mondiale) et notamment l’Union européenne(8,6 millions de tonnes);

• l'Amérique du Nord (avec 6,5 millions de tonnes).

Les grands marchés d’importation correspondent aux grandes régions de consommation quine disposent pas de production suffisante pour satisfaire leurs besoins.

Ils recoupent les pays membres de la "triade" regroupant les aires les plus riches du mondeavec dans l'ordre en valeur des importations puis en tonnage (chiffre Eurostat-FAO en 1997et 1998, données OCDE en 1997).

• L’Union européenne, qui représente plus du tiers des importations mondiales desproduits de la mer en valeur (35 % en 1997 et 41 % en 1998) comme en tonnage (43 %en 1998), avec cinq grands marchés nationaux (dans l’ordre Espagne, France, Italie,Allemagne, Royaume-Uni);

• le Japon qui, avec une population près de trois fois inférieure à celle de l’UE, représentehabituellement plus du quart des importations mondiales en valeur (27,6 % en 1997 et23, 6 % en 1998, année exceptionnelle en raison du phénomène El Niño, et, surtout pourle Japon, de la crise asiatique de 97-98); la part du Japon est par contre bien plus modesteen tonnage (aux environ de 15 % en 1997 et 1998);

• l’Amérique du Nord, et notamment les États-Unis (avec moins de 15 % en valeur en1997 et 1998 des importations à eux seuls), qui, bien que sans doute aux tous premiersrangs pour la consommation, est un moins gros importateur, ceci notamment en raison del’importance de sa propre production (il est en outre le quatrième exportateur mondial deproduits de la mer). Sa part est encore plus modeste en tonnage (moins de 10 %).

En tout, les pays de l’OCDE représentaient en 1997, environ 80 % des importations deproduits de la mer.

Il fallait y joindre en 1997 un quatrième ensemble assez hétéroclite: l’Asie de l’Est et du Sud-Est. Il est en effet composé de pôles de redistribution avec des nouveaux pays industriels àhaut niveau de vie (Singapour, Taïwan, la Corée du Sud), de pays émergents à revenuintermédiaire (Malaisie, Thaïlande) et d’autres pays émergents (Chine, PhilippinesIndonésie). Il convient de rappeler le choc de la crise financière puis économique de 1997.Cependant les traces commencent à s’estomper en début 2001 (sauf pour l’Indonésie quin’est pas encore sortie de troubles politico-économiques).

Des données plus récentes (1998 et 1999) laissent encore apparaître les 3 ensembles. Ilsconfirment un essor des États-Unis (qui atteignent les 17 % de la valeur totale en 1998) unemontée en puissance de la Chine, qui est encore à un niveau modeste eu égard à sapopulation, mais qui progresse néanmoins rapidement, en liaison avec la forte croissance del’économie.

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Classement en valeur pour les principaux pays importateurs

Valeur des exportations en millions de dollars USPays1998 1999

Japon 12 575,2 14 478,8États-Unis 8 524,1 9 359,9Espagne 3 569,4 3 339,0France 3 437,6 3 223,4Italie 2 746,5 2 676,1Chine (avec HK)(*) 1 606,2 2 478,8Allemagne 2 555,4 2 192,5Royaume-Uni 2 149,5 2 077,1Canada 1 133,7 1 291,6Danemark 1 210,0 1 223,3

Source: CFCE, dans Produits de la Pêche et de l’Aquaculture, n° 9, septembre 2000, d’après COMTRADE et services des douanes nationaux

(*) Hong Kong

Le fonctionnement technique du commerce international des produits de la pêche et del’aquaculture permettant de mieux appréhender la complexité des activités d’échanges faitl’objet d’une annexe 3 de la première partie présentant:

• les modalités en matière d’acheminement des produits en fonction de leurs modes deconservation notamment en:

- frais et réfrigérés;- congelés;- conserves;- préparations;- farines et huiles.

• les différents marchés segmentés selon les différentes espèces ou, plus souvent, engroupes d’espèces notamment:

- les poissons de fonds;- les petits pélagiques;- les thons;- les salmonidés;- les crevettes;- les céphalopodes;- les coquillages bivalves.

On pourra ainsi encore distinguer les marchés des plats préparés, terrines et pâtés, dusurimi, des conserves ou encore souligner l’importance des produits de la pêche et del’aquaculture non destinés à la consommation humaine mais à l’alimentation animale(farines de poissons pour les élevages aquacoles ou terrestres, "pet-food" destinés auxanimaux domestiques… ).

En conclusion, le marché mondial des produits de la pêche et de l’aquaculture, présente degrandes tendances générales simples:

• essor de la demande dans les trois grandes zones traditionnelles (Europe occidentale,Asie de l’Est - Japon, Corée du Sud -, Amérique du Nord), mais aussi le monde chinoisen général;

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• compétition de plus en plus forte, surtout sur les produits de la pêche dont l’offre estaujourd’hui en stagnation, phénomène auquel tente de répondre aujourd’hui le fortdéveloppement de l’aquaculture.

La simplicité de ces grandes tendances d’ensemble contraste fortement avec la très grandecomplexité de ce marché, très fragmenté, sectorisé, suivant les zones géographiques, lesespèces, les types de conditionnement, sans compter les variations dues aux modifications descontextes économiques et financiers (taux de change des monnaies).

3. Les mesures concernant les importations des produits de la pêche et del’aquaculture

L'acte final de l'accord qui institue l’OMC (1994) mentionne des secteurs spécifiques commel’agriculture, mais la pêche n’y apparaît pas de manière explicite et distincte. Le domaine dela pêche est néanmoins abordé dans certaines rubriques (mesures à adopter en faveur de paysen voie de développement, négociation sur les produits provenant des ressources naturelles,etc.).

Les produits de la pêche sont directement concernés dans les domaines de la qualité desproduits et des règles sanitaires. Ainsi, les dernières mesures du GATT, adoptées àMarrakech en 1994, ont largement concerné l’instauration des normes HACCP (HazardAnalysis and Critical Control Points) qui seront explicitées par la suite.

Une fois que les possibilités techniques d’exportation existent (connaissance des marchés, deleur fonctionnement, disposition d’une clientèle, moyens logistiques d’entreposage etd’acheminement du produit), il est nécessaire que les produits satisfassent aux exigenceslégales des pays importateurs.

Le dernier cycle de négociation du GATT - l’Uruguay Round -, qui s’est achevé en 1993,comprend des accords sur la réduction des barrières non tarifaires. En effet les partisansde ces négociations, après avoir engagé une bataille pour la réduction des tarifs douaniers,souhaitaient également la réduction - voire la suppression - des autres barrières, surtoutlorsqu’ils les soupçonnaient, à tort ou à raison, de relever davantage d’un protectionnismequ’ils voulaient combattre.

Les mesures prises sont principalement d’ordres sanitaire, technique et de tarification.

3.1. Le régime tarifaire

Le régime tarifaire perd progressivement de son importance en raison de la forte réductiondes droits de douane sur les marchandises résultant de la série de négociations du GATTdans la seconde moitié du XXe siècle. Cependant, du fait de mesures dérogatoires comme lesclauses de sauvegarde et d’exception sur certains produits, ce régime tarifaire joue encore unrôle.

Au terme de l’Uruguay Round, les droits d’importation sur les produits de la mer ont étéconsidérablement réduits. Cependant, la situation est très variable selon les types de produits,comme en témoignent le cas des États-Unis et du Japon.

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• Aux États-Unis, selon le International Custom Journal - l’organisme en charge de lapublication des tarifs douaniers - d’août 19963, le montant des taux de douane étaient:

- nuls pour la majorité des produits;

- très réduits (entre 0,7 et 2,5 %) pour les poissons frais: plies, soles, sardines etrequins (plus proches de 0,7 %) et les filets de poissons démersaux frais oucongelés (cabillaud, lieu, merlu);

- un peu plus important (5 à 6 %) pour les poissons fumés (notamment le saumon);

- encore élevés (12 %) pour les œ ufs d’esturgeon.

• Au Japon, selon les mêmes sources ils étaient:

- encore assez importants (5 %) pour la majorité des produits;

- doubles (10 %) pour les petits pélagiques, le cabillaud, la sériole fraîche oucongelée, les céphalopodes et les crustacés;

- triples (15 %) pour les poissons fumés et certains mollusques.

Les droits de douane constituent donc encore un aspect important des conditions d’accès aumarché. Le cas de l’UE est précisé dans les annexes de la troisième partie, mais on peutmettre en évidence les problèmes qu’une telle réduction de tarifs pose pour les pays ACP quibénéficiaient déjà de tarifs préférentiels.

3.2. Les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)

Ces mesures sont adoptées dans un objectif de santé publique (axé sur la protection de lasanté des consommateurs) ou de préjudice économique (axé sur la santé des animauxconcernés susceptibles d’être retirés de la vente) ou écologique (éviter les maladies ou laperturbation liée à l’introduction de nouvelles espèces pour les plantes).

L’objectif de santé publique est dominant pour les produits de la pêche ce qui n’empêche pasde concerner également ceux qui sont issus de l’aquaculture. En effet, les poissons oucoquillages capturés ou récoltés dans le milieu naturel doivent, jusqu’à l’achat par leconsommateur – et même jusqu’à leur consommation – être indemnes d’éléments pathogènessusceptibles d’entraîner une intoxication. Cela est également valable pour les produitsd’élevage.

Les poissons ou coquillages issus de l’aquaculture sont en outre concernés par des maladiespouvant entraîner une mortalité et des pertes qui peuvent être considérables pour les acteurséconomiques impliqués dans la production.

Ce souci a inspiré des mesures sanitaires qui ne sont contestées par personne dans leur bien-fondé. Elles sont par ailleurs similaires dans les pays ou groupes de pays développés, que ce

3 Année citée dans le Vol. 65 de Globefish, de février 2000, consacré aux conséquences de l’OMC sur le

commerce mondial des produits de la mer.

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soit les directives de l’UE, les normes FDA (Food and Drug Administration aux États-Unis)ou les critères du JETRO ou de la loi sur la nourriture et les aspects sanitaires au Japon.

En effet, ce sont les pays développés qui accordent le plus d’attention à ces problèmes. Cecin’est pas surprenant car ce sont eux qui possèdent les niveaux de vie les plus élevés, donc lesmoyens de se préoccuper de ces problèmes, souvent encore trop ignorés dans de nombreusesrégions du monde. Le développement de l’information, la présence d’organisations deconsommateurs efficaces, la structure démocratique même, ont constitué autant de facteursincitant les autorités de ces pays à être particulièrement vigilants en la matière.

Des pays en voie de développement n’ont généralement pas le même degré d’exigence enmatière sanitaire et leurs produits peuvent se voir refuser l’accès aux marchés des pays richespour des raisons sanitaires.

Les normes adoptées par les pays développés se fondent sur les critères du Codexalimentarius de la FAO et sur le concept HACCP.

• Le Codex alimentarius est, comme son nom l’indique, un code alimentaire, institué par laFAO, au début des années soixante, avec le soutien de l’OMS, l’OCDE et la CEE del’époque. Cette naissance officielle est en fait la consécration universelle de tentativesd’harmonisation de normes alimentaires entamées dès le début du XXe siècle par desfabricants et négociants de produits alimentaires.

Le Codex alimentarius constitue donc aujourd’hui une référence internationale qui faitautorité pour une large gamme d’acteurs de la filière alimentaire: les producteurs,transformateurs et négociants, mais également pour les consommateurs, dont laprotection est devenue un des objectifs principaux de ce code, surtout après 1985.

Il n’est donc guère surprenant que les mesures SPS se basent sur les normes, les lignesdirectrices et les mesures internationales à adopter pour faciliter le commerce des denréesalimentaires, et que les principales réglementations nationales concernant lesimportations de produits alimentaires s'en soient inspirées.

Le code définit des mesures assez précises par catégories de produits, et ceux de la pêchey sont précisément identifiés (Volume 9: Codex Standards for Fish and Fisheryproducts) avec des critères détaillés pour des conditionnements précis d’espèces biendéfinies comme les conserves de thons, sardines, saumons, crabes ou les filets depoissons ou de calmars congelés. Il existe également des recommandations de pratiquepour le traitement du poisson frais, congelé, fumé, séché, etc.

• Les normes HACCP constituent une méthode de prévention visant à minimiser lesproblèmes dans les processus de fabrication ou dans le bon fonctionnement d’une filière.Le principe est donc fondé tant sur un suivi de sécurité dans le processus de fabricationdes produits alimentaires que sur l’inspection du produit au terme de son élaboration.

Le concept HACCP (pour rappel: Hazard Analysis and Critical Control Points) est, seloncertains auteurs, assez ancien (il aurait été élaboré dans les années soixante dans le cadredu Codex alimentarius). Il a été remis au goût du jour par l’industrie américaine deproduits de la mer dans l’objectif de rassurer les consommateurs en matière de qualité deces produits. Il a été adopté dès le début des années quatre-vingt-dix dans les législationsde l’UE et de certains pays (Canada, Islande), puis par l’Australie et un peu plus tard

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(1994) par les États-Unis, mais seulement les industries de ce pays. En Nouvelle-Zélande, les autorités ont tout d’abord procédé par incitation, avant de recourir à laréglementation en 1995.

En ce qui concerne les importations, les normes HACCP ont été progressivementadoptées dans des pays ou groupes de pays, comme l’UE en 1994 (directive 491/93) etles États-Unis en décembre 1997. À cette date, la réglementation annoncée par la Foodand Drugs Administration est entrée en application pour tous les poissons et produits dela pêche commercialisés aux États-Unis, qu’ils soient produits dans le pays ou importés.Pour les producteurs et transformateurs de pays étrangers, la situation est depuis cettedate très claire: ils doivent maintenant prouver qu’ils ont adopté cette méthode.

La Commission du Codex alimentarius encourage l’application de la méthode HACCPpar le biais de l'usage des guides méthodologiques et l’intégration des pratiques HACCPdans les modalités d’application du codex.

D’autres normes du même type se sont développées et leur sont parfois associées. Ainsi, estsouvent évoquée la nécessité de respecter des "pratiques de bonne fabrication" (dont le sigleinternational est GMP: Good Manufactures Practices). Au Canada, le QMP (QualityManagement Programme) se base peut-être davantage sur cette notion de GMP que deHACCP.

Certains concepts mettent davantage l’accent sur la méthode que sur les résultats, sur lesaspects sanitaires ou sur les aspects de qualité. Si donc les normes européennes, américaines,canadiennes ou japonaises s’inscrivent dans les mêmes orientations dans le cadre égalementdu Codex alimentarius et des normes HACCP, il en découle pour les exportateurs de paystiers une grande complexité de compréhension de la nature exacte des normes adoptées.

C’est pourquoi les exportateurs, notamment ceux de pays en voie de développement, sontdemandeurs d’une certaine harmonisation des systèmes et critères concernant les normessanitaires et phytosanitaires.

Des tentatives en ce sens ont déjà été entreprises, sous l’impulsion de la Commission duCodex alimentarius ou dans le cadre d’accords multilatéraux ou bilatéraux.

3.3. Les barrières techniques

Les barrières techniques peuvent être de plusieurs sortes. On distingue ainsi:

- les obstacles techniques au commerce (TBT: Technical Barriers to Trade) et parmi eux:

• la labellisation qui consiste à dénommer une espèce sous un nom correct afin de ne pastromper le consommateur (par exemple l’appellation de sardines par le Canada pour lesconserves de harengs, un autre petit pélagique bien distinct);

• les procédés de fabrication (qui doivent, par exemple en Thaïlande, être fournis àl’administration concernée par les produits alimentaires);

• les procédures de goutage qui peuvent prendre un temps supérieur à la durée deconservation du produit, ce qui est préjudiciable aux intérêts de l’expéditeur (desprocédures de ce type existent notamment aux États-Unis dans le cadre de la "PerishableFood Policy");

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• les procédures de contrôle de présence de métaux préjudiciables à la santé, qui sontparfois différentes selon les pays;

• les méthodes de capture ou de production (illustrées par l’embargo appliqué par les États-Unis aux produits mexicains dans le cadre des exigences de dolphin safe, car le Mexiquen’avait pu prouver que les taux de mort accidentelle de dauphins étaient comparables àceux établis par la législation des États-Unis).

Ces dernières mesures peuvent être rattachées au concept d’éco-labellisation également envogue. Contrairement aux normes HACPP qui est maintenant une composante de politiquesgouvernementales et internationales, l’éco-labellisation est une initiative privée. Elle peutnéanmoins, comme l’exemple du dolphin safe l’illustre, conduire à un boycott deconsommateurs. Sa vocation est en effet d’informer les consommateurs sur le respect del’environnement pour les produits labellisés pendant les phases de capture ou de production.

Le concept a connu un regain de faveur depuis la création d’un "conseil de surveillancemarin" (plus connu sous son sigle en langue anglaise de MSC, Marine Stewardship Council)créé en 1996 par une initiative conjointe d’une célèbre ONG environnementaliste - le WWF -et une multinationale de l’agro-alimentaire, Unilever. Il a été repris par de grandes chaînes dedistribution européennes et a suscité des réunions des ministres de pays du Nord de l’Europepour tenter de mettre sur pied des outils de vérification de la pertinence des critères retenus.En effet, l’éco-labellisation s’appuyant sur les concepts de pêches "soutenables" ou"durables", il s’agit de pouvoir bien définir ces notions.

Certains auteurs considèrent que, de mesure privée, le concept d’éco-labellisation pourrait àl’avenir - notamment sous la pression des organisations de consommateurs - être intégré dansles législations régissant les importations et, dans ce contexte, il rejoindrait pleinement lacatégorie des barrières techniques au commerce (TBT).

- les mesures antidumping:

Ces mesures sont moins employées que les deux catégories précédentes dans le commerceinternational des produits de la mer. Mais elles le sont parfois comme aux États-Unis où destaxes antidumping ont été imposées sur des morues salées canadiennes ou des saumonsnorvégiens frais ou réfrigérés.

- les procédures de licences d’importation:

Des licences d’importations sont encore largement utilisées par la majorité de pays en voie dedéveloppement ou émergents (ex: Thaïlande, Brésil, Venezuela… ) et certains Étatsdéveloppés comme le Japon, la Corée du Sud, la Norvège, la Suède et la Finlande.

- les subventions et les mesures compensatoires:

Bien que les subventions soient largement employées dans les filières pêche et aquaculture,elles ont rarement donné lieu à des mesures compensatoires. On doit en effet souligner qu’aumoins pour les pays développés, ces subventions ne constituent pas une contrainte majeure.Les États-Unis ont néanmoins adopté des taxes compensatoires sur les saumons frais etréfrigérés.

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- les mesures de sauvegarde:

Ce type de mesures est adopté dans le cas où les importations de certains produits viendraientmenacer certains secteurs de la filière pêche. C’est le cas de l’UE.

4. L’impact des dernières négociations pour le secteur de la pêche

De nombreux pays exportateurs ont manifesté le souci que les mesures relevant des barrièrestechniques n’aient pas pour objectif d’effectuer une discrimination préjudiciable à leursproduits. Cette préoccupation est notamment répandue dans les pays en voie dedéveloppement ou dans les pays émergents.

• Les mesures sanitaires et phytosanitaires

Certains pays ayant effectué des efforts dans ce domaine ont noté des déficiences dans lesjustifications de pays adoptant des mesures de précaution très restrictives concernant l’entréede produits en provenance de pays tiers. C’est pourquoi lors du dernier cycle de négociationdu GATT, de nombreux États ont demandé d’intégrer leurs préoccupations. Les accords SPSont ainsi développé la notion "d’équivalence" déjà retenue par le Codex alimentarius pourprogresser dans la voie d’une meilleure harmonisation.

C’est ainsi que figurent dans les accords de Marrakech (FILHOL A. 1995):

- une demande d’harmonisation dans l’établissement de règles et standards dans les paysimportateurs agréés dans les institutions internationales concernées;

- une demande - lorsque des critères internationaux n’existent pas ou lorsqu'uneharmonisation n’est pas appropriée - de principes d’équivalence par lesquels le paysimportateur accepte que des mesures sanitaires et phytosanitaires atteignent un niveauapproprié de protection;

- une demande de preuve ou d’évaluation si un pays a l’intention de fonder ses restrictionsdavantage sur des critères domestiques que sur les notions d’harmonisation etd’équivalence;

- une plus grande transparence en matière de publication de la réglementation,l’établissement de points d’enquête nationaux de procédures de notification;

- des mesures d’assistance technique et de traitement différentiel pour les pays en voie dedéveloppement;

- une demande d’établissement d’un groupe de conseil d’experts techniques dans le cas deconflits.

• Les obstacles techniques au commerce

Un accord sur ces obstacles techniques au commerce a également été sollicité par les nationsexportatrices lors du dernier cycle du GATT avec pour objectifs:

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- d’harmoniser les critères internationaux, la réglementation et les systèmes d’évaluationen matière de conformité;

- d’établir un code de bonne pratique pour la préparation, l’adoption et l’application decritères pour fournir l’information concernant les procédures d’établissement des mesurestechniques concernées;

- étendre la zone d’action de l’accord à des entités infra-nationales et élargir sonapplication pour les produits aux méthodes de production (ou de capture) et detransformation concernant les caractéristiques du produit proprement dit.

• Les mesures antidumping

Les accords de Marrakech ont réaffirmé la possibilité d’utiliser de telles mesures, mais, làencore, il a été préconisé davantage de rigueur pour le calcul de la marge des mesures dedumping, les procédures d’enquête et la durée d’application de ces mesures.

Le calcul de l’importance du dumping doit se baser sur la différence entre le prix àl’exportation, et:

- le prix en vigueur dans le pays exportateur, si la vente du produit constitue 5 % ou plus desventes aux pays destinataires,

- le coût de production dans le pays d’origine complété d’un montant raisonnable de coûtssupplémentaires (taxes, vente, transport, marge bénéficiaire).

Il est prévu qu’une mesure antidumping ne peut être adoptée tant que les autorités en chargedes enquêtes n’ont pas établi que cela a concerné la moitié de l’industrie nationale, que laproduction totale des réclamants représente plus de la moitié de la production totale duproduit concerné.

Par ailleurs la durée de la période de taxes antidumping ne doit pas dépasser cinq ans, àmoins que des enquêtes complémentaires démontrent que la suppression des taxes conduiraitau retour des dommages causés par les mesures de dumping.

En conclusion, les diverses limitations à l’application de mesures finalement recevableslorsque le dommage est véritablement important réduisent la portée de telles mesures.

• Les procédures de licences d’importation

Dans l’accord de Marrakech, les négociations ont insisté sur la nécessité:

- d'améliorer la transparence par la publication d’informations suffisantes pour que lesacteurs du commerce connaissent bien les bases d’accords de licence;

- de faciliter les procédures d’application;

- de limiter dans le temps la durée d’attribution d’une licence.

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• Les subventions et les mesures compensatoires

Dans les accords de Marrakech, les négociateurs ont reconnu que certaines subventionsspécifiques à la pêche ne sont généralement pas perturbatrices pour le commerce des produitsde la mer et ne sont donc pas susceptibles d’entraîner des mesures compensatoires. On peutainsi citer:

- les aides à la recherche et au développement;

- l’aide aux régions défavorisées à l’intérieur d’un même ensemble national;

- l’appui à l’adaptation à des nouvelles exigences dans le domaine de l’environnement.

Par contre, l’accord considère que d’autres subventions qui ne sont pas spécifiques à la pêchepeuvent avoir des répercussions dans le commerce des produits de la mer. Cependantcertaines mesures ont été adoptées, telles que:

- l’exemption de taxes compensatoires quand les subventions sont minimales (- 1 % de lavaleur, - 2 % pour les pays développés);

- la limitation de taxes compensatoires à cinq ans;

- l’exigence que le domaine d’application de l’action compensatoire représente plus de50% de la production nationale des espèces importées concernées.

Reconnaissant que les subventions peuvent jouer un rôle important dans les programmes dedéveloppement, l’accord envisage un traitement spécifique aux pays en voie dedéveloppement. Cela s’appliquera notamment aux subventions qui, pour des pays plus riches,seraient interdites (comme les subventions aux exportations ou favorisant l'usage demarchandises importées en trop grandes quantités).

Toutefois, certaines restrictions viennent tempérer ces avantages comme les conditionsd’application sans limite de durée réservées aux pays figurant sur la liste des États les moinsdéveloppés. On peut également citer la fin de ces avantages pour certaines espèces pourlesquelles le commerce d’une espèce donnée représente plus de 3,25 % du commercemondial pendant deux années consécutives.

Les accords de Marrakech en acceptent le principe mais le soumettent aux conditionssuivantes:

• Les mesures de sauvegarde

- Prise en compte de critères précis et stricts pour définir un dommage ou une menacesérieuse pour un secteur de la filière du pays importateur;

- la publication de tous les éléments justifiant de telles mesures;

- une clause (sunset clause) limitant dans le temps la durée d’applicabilité de tellesmesures;

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- l’interdiction de nouvelles mesures de grey zone et la suppression de celles déjàexistantes, dans un délai de quatre ans après l'entrée en vigueur de l'accord établissantl'OMC;

- un traitement spécifique plus favorable pour les pays en voie de développement.

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SECONDE PARTIE

ANALYSE DES STRATÉGIES DE NÉGOCIATIONDES MEMBRES ET GROUPEMENTS DES MEMBRES DE L’OMC

DANS LE DOMAINE DE LA PÊCHE

1. Débats et discussions concernant le secteur de la pêche

1.1. Les prises de position lors des cycles de négociations du GATT

Les quatre premiers cycles de négociations du GATT (de 1947 à 1961) se sont focalisés surl’abaissement des tarifs douaniers produit par produit. Durant les trois premiers cycles (1947-1951), ces négociations se sont déroulées de manière bilatérale entre les principauxfournisseurs d’un produit. Elles aboutirent à l’établissement d’un nouveau droit de douaneappliqué aux autres parties contractantes en vertu de la règle de la nation la plus favorisée. Enfin de période, le GATT concerne 23 pays – appartenant surtout au monde développé.

Le dernier cycle de cette période (le Dillon Round) se transforme en négociation multilatéraleet conduit à un abaissement linéaire des droits de douane pour la CEE (alors en pleineconstruction). Mais de toute manière l’abaissement des tarifs des produits européens neconcerne pas les produits agricoles (qui comprennent les produits de la pêche dont le volumed’échange est encore faible).

Ce n’est qu’avec le Kennedy Round (1964-67) que l’attention se focalise sur les produitsagricoles sous l’action des États-Unis, soucieux de protéger leur secteur productif national etde faciliter l’accès de leurs produits sur les marchés étrangers. Ce cycle de négociations setermine par une réduction de 20 % des droits de douane sur les produits agricoles, maisl’agriculture dans son ensemble n’est pas encore véritablement concernée.

Ce fut, à l’époque, un domaine nouveau pour le GATT, certains pays (dont les États-Unis)s’étant jusque-là opposés à ce que les produits agricoles soient intégrés dans les accords.C’est le groupe de Cairns, impulsé par l’Australie (avec la Nouvelle-Zélande, l’Argentine… ),qui a obtenu que certains produits agricoles relèvent du GATT.

Le Tokyo Round de 1973-1979 marque un nouveau tournant. Le nombre d’acteurs a doublé(ils sont 99 contre 48 lors du "Kennedy Round") et les pays en développement y sont mieuxreprésentés. Les discussions sur l’agriculture deviennent plus âpres (notamment entre la CEEet les États-Unis) mais aucun forum de discussion n’est consacré aux produits de la pêche etde l’aquaculture (contrairement à la viande ou aux produits laitiers). Enfin, les mesures nontarifaires prennent une importance nouvelle.

Durant toute cette phase, il est difficile d’évoquer des prises de position sur la pêche, même sicertains produits de la mer (conserves de poissons, produits salés ou séchés… ) ont fait l’objetde discussions dans un cadre plus général.

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1.2. Rappel des dernières discussions de l’Uruguay Round

L’Uruguay Round, entamé en 1986 et devant s’achever en 1990, ne s'est conclu en faitqu’avec les accords de Marrakech en avril 1994. Il a constitué une nouvelle phase dans uncontexte de forte expansion du commerce mondial des produits de la mer qui a été multipliéepar 3 en tonnage et par 5 en valeur par rapport au Kennedy Round (8 milliards de USD en1976, contre 44 milliards de USD en 1993). Le commerce international a également changéde nature et concerne davantage les produits frais et congelés.

Il faut également mentionner que les produits de la pêche et de l’aquaculture, jusque làintégrés dans l’agriculture, ont été placés dans le groupe de négociation des "produitsprovenant des ressources naturelles" lors du démarrage de l’Uruguay Round. En 1991, ils ontété de nouveaux déplacés dans un autre groupe et rangés parmi les "produits industriels".

1.2.1. Les tarifs

Les réductions tarifaires sur les produits de la pêche et de l’aquaculture ont été bien moinsimportantes que celles appliquées à la plupart des autres produits industriels. En effet, pources derniers, la réduction des tarifs douaniers dans les pays développés a été d’environ 40 %(passant de 6,3 à 3,8), et elle n’a été que de 26 % pour les produits de la pêche (se situantencore entre 4,5 % et 4,8 % suivant l’origine des produits - voir tableau suivant).

Réduction des tarifs pour les produits de la pêche et de l’aquaculturedans les pays développés avant et après l’Uruguay Round (UR)

Importations (milliards USD) Tarif moyen sur importationsToutes sources Pays développésToutes

sourcesPays

développés AvantUR

AprèsUR

%réduction

AvantUR

AprèsUR

%réduction

18, 5 10,6 6,1 4,5 26 6,6 4,8 27Source: Secrétariat du GATT, 1994, cité dans GLOBEFISH, vol 65, février 2000

Les pays développés, qui constituent les principaux marchés (Japon, UE, États-Unis, … )hésitent d’autant moins à abaisser leurs droits de douane qu’ils ont besoin d’approvisionnerleurs marchés respectifs en produits de la pêche et de l’aquaculture. Dans certaines filières(correspondant à des espèces particulières), ces pays peuvent toutefois être soumis à lapression de leurs producteurs et conduits à adopter des positions plus nuancées. Certains,disposant d’une industrie de transformation importante confrontée à des difficultésd’approvisionnement, tendent à faciliter l’entrée des produits qui vont constituer leur matièrepremière. Ils sont moins enclins à favoriser l’accès à leurs marchés de produits transformésvenant concurrencer leurs propres activités (c’est notamment le cas en Europe pour lesconserves de thon).

Cette baisse des tarifs est, évidemment, souhaitée par tous les pays exportateurs etparticulièrement par les pays en développement, pour lesquels l’exportation de produits de lapêche et de l’aquaculture constitue une précieuse source de devises.

1.2.2. Les mesures non tarifaires

Il convient de rappeler que, lors des dernières négociations du GATT qui ont donné naissanceà l’OMC, une des principales préoccupations des pays exportateurs consistait à combattre les

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mesures discriminatoires à l’égard de leurs produits qui ne seraient pas fondées sur deséléments solides.

Le cas de ces mesures ayant été examiné dans la première partie, on rappellera seulementl’importance croissante qu’elles occuperont; les questions tarifaires ne constituant déjà pluspour certains pays (par exemple, les États-Unis) l’obstacle majeur au commerce des produitsde la mer.

Ainsi, les principales réclamations adressées à l’OMC ont concerné l’application de cesdifférentes mesures, comme l’illustre la section suivante.

1.3. Réclamations adressées à l’OMC

Les pays exportateurs ont effectivement considéré que, dans certains cas, les accords del’Uruguay Round établissant les bases des règles de l’OMC n’étaient pas respectés.

1.3.1. Les mesures sanitaires et phytosanitaires

Les réclamations déposées (cf. supra) rappellent que les exportateurs ne remettent pas enquestion ce type de mesures, mais souhaitent qu’elles soient clairement utilisées à des finssanitaires et non à des fins non avouées de protectionnisme. Des contestations portentprécisément sur les justifications scientifiques avancées par les pays invoquant ces mesurespour interdire l’importation de certains produits, comme l’illustrent les exemples suivants:

• depuis 1975, l’Australie argue de raisons de protection de la santé des saumons vivantdans ses eaux pour interdire toute importation de saumon frais, réfrigéré ou congelé. Enavril 1997, le Canada, qui conteste le bien-fondé de cette mesure, adresse une plainte àl’OMC. En juin 1998, l’OMC considère qu’une telle mesure ne peut être justifiée selonles critères de l’accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires. L’Australie fait appelde cette décision, mais l’OMC confirme sa décision.

• L’adoption de mesures d’interdiction d’importations de farines animales liées à la crise dela vache folle - y compris les produits à base de poisson - par la France et l’Allemagne endécembre 2000, a suscité certaines inquiétudes. Cela a été, notamment, le cas au Pérouqui, craignant que toute l’UE édicte une mesure similaire, a menacé l’UE de prendre desmesures de rétorsion et d’adresser une plainte à l’OMC (voir fiche Pérou au chapitre 2).

En effet, l’Association Nationale des Pêches péruviennes a dénoncé cette mesure, enarguant du manque d’arguments techniques ou scientifiques pour ce qui concerne lesfarines de poisson péruviennes. L’association a alors avancé qu’au Pérou la fabrication defarines de poisson n’a aucun lien avec les produits à base de viande, os ou résidus etqu’elle est, d’une part, soumise à des contrôles sanitaires et, d’autre part, produite selondes normes HACCP.

Cependant, si, début décembre 2000, l’UE adopte une mesure provisoire d’interdictiond’importation de farines animales pour une durée de six mois, elle précise que les farinesde poisson ne sont pas concernées par cette mesure, au grand soulagement du Pérou. Enfévrier 2001, la France précise également qu’elle exclut désormais les farines de poissondes produits interdits à l’importation.

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Il n’y a donc pas eu de dépôt de plainte à l’OMC, mais si cela avait été le cas, cetteréclamation aurait concerné cette catégorie de mesures sanitaires et phytosanitaires.

• L’interdiction d’importation de thons en boîte de Thaïlande, conservés dans de l’huile desoja, prise par l’Égypte (et également par l’Arabie saoudite qui n’est pas concernée par laplainte en question), en raison de l’incertitude pesant sur le possible usage de graines desoja génétiquement modifiées, a amené la Thaïlande à déposer une plainte devant l’OMCen septembre 2000. Cette affaire peut également relever de la catégorie ci-après.

1.3.2. Les obstacles techniques au commerce

Pour mémoire (cf. chapitre 1, partie 4), on trouve diverses mesures relevant de cette catégoriequi font référence à la labellisation, aux procédés de fabrication, aux procédures de goûtage,ou aux méthodes de captures ou de production.

On peut donner des exemples, en ce qui concerne les méthodes de capture ou de production,qui ont fait l’objet de plaintes adressées à l’OMC ou au GATT.

• Le plus célèbre concerne les campagnes Dolphin safe qui vise les conserves de thonprovenant de pêcheries qui ne respectent pas les mesures préconisées aux États-Unis pouréviter les captures accidentelles de dauphins lors des opérations de captures. À la fin desannées quatre-vingt, les États-Unis ont ainsi refusé l’accès de leur territoire aux conservesde thons en provenance du Mexique, sous prétexte que rien ne pouvait garantir le respectdes pratiques désormais imposées par la loi américaine à ses nationaux.

En 1991, le Mexique a porté l’affaire devant le GATT qui a considéré que les États-Unisne pouvaient décider d’un embargo sur un produit au motif que le cadre législatifréglementant les modes de capture des pêches mexicaines ne respectait pas les lois desÉtats-Unis en la matière.

• Quelques années plus tard, au milieu des années quatre-vingt-dix, les États-Unisinterdirent les importations de crevettes de pays qui ne pouvaient justifier de pratiquesévitant la capture accessoire de tortues, notamment par l’usage de dispositifs sélectifs dustyle TED (Turtle Exclusive Device).

• En octobre 1996, plusieurs pays asiatiques en voie de développement (l’Inde, la Malaisie,le Pakistan, la Thaïlande) ont demandé l’examen de cette question par l’OMC. Enmai 1998, le comité de l’OMC en charge de cette question a conclu que l’interdictiond’importations de crevettes ou de produits à base de crevettes par les États-Unis n’étaitpas justifiée. Suite à l’appel interjeté par les États-Unis, l’OMC a reconnu que la mesureadoptée servait un objectif louable de protection de l’environnement, mais a confirmé quela décision d’embargo prise de manière arbitraire et sans consultation n’était pasjustifiable. En octobre 1996, les Philippines ont également présenté une demande deconsultations concernant l’importation de crevettes et de produits à base de crevettes parles États-Unis.

• En 2000, l’UE manifeste son intention de déposer une plainte contre le Chili qui refuseque des navires de pêche à l’espadon débarquent leurs captures dans ses ports. Si, du côtéchilien, ce conflit peut relever d’un autre type de mesures (voir, ci-après, mesures liées auxsubventions), du coté de l’UE, cette plainte est considérée comme concernant surtout lesbarrières techniques. Le différend semble également perçu de cette façon par l’Argentine

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qui manifeste son intention de soutenir le Chili en cas de soumission de son cas à l’OMC,arguant que l’exploitation des ressources halieutiques argentines par des navireseuropéens, dans le cadre des accords de pêche, a mis en danger l’état des ressources.L’Argentine ayant mis en cause les techniques de pêche des flottes de l’UE, c’est doncdans cette catégorie de mesures techniques (concernant les méthodes de captures)qu’aurait pu être classé ce différend. Mais il a finalement pu être résolu par un accordentre l’UE et le Chili et a ainsi évité d’être porté devant l’OMC.

Parmi les plaintes concernant la labellisation, on peut citer celles qui ont été déposées en1995 contre l’UE par le Canada, le Pérou et le Chili à la suite de la publication d’un arrêté parun État membre (la France) interdisant la désignation officielle des pectinidés (ce qui risquaitd’entraîner l’arrêt des ventes de leurs produits sous l’appellation de "coquille Saint-Jacques").Un mémorandum a permis d’aboutir à un accord entre les parties, et a mis fin à l’actionengagée devant l’OMC, en 1996.

1.3.3. Les mesures antidumping

Ces mesures ne sont pas fréquemment adoptées. Cependant, on peut évoquer les mesuresprises par les États-Unis, d’une part, envers le saumon originaire de Norvège et, d’autre part àl’encontre de celui provenant du Chili.

• En effet, dès 1989, les États-Unis ont commencé à appliquer une taxe de 23,8 % sur lessaumons entiers en provenance de Norvège, accusés d’être vendus dans des conditions de"dumping".

• En 1997, le Chili, qui a profité des mesures imposées à la Norvège, se voit à son tourreprocher, d’une part, de trop subventionner son aquaculture de salmonidés (voir, ci-après, le cas des mesures de subventions et compensation) et, d’autre part, de pratiquer dudumping. Ces accusations visent plus précisément cinq grandes entreprises totalisant50 % de la production nationale. Malgré cela, les exportations du Chili vers les États-Unisrestent stables.

1.3.4. Les procédures de licences d’importation

Cette catégorie recouvre des procédures de licences d’importation et de restrictions de quotasqui ont été notifiées par des membres de l’OMC pour certains types de produits. Ilsconcernent le mode de conditionnement (poisson vivant, frais, réfrigéré ou congelé), lesespèces (petits pélagiques, poissons volants, morue, saumon, coquilles Saint-Jacques,calmar...) ou les deux (truites fumées… ).

D’autres discussions au sein de l’OMC visent à réduire le montant des quotas, le typed’espèces concernées notamment dans des pays développés (Japon) ou dans les paysémergents (Corée du Sud, Taïwan). Ainsi des améliorations du système ont pu être obtenuespour les produits de l’UE accédant au marché japonais (plus grande distinction d’espèces,comme le chinchard ou le maquereau qui ont été séparés d’un quota global d’importation deproduits de la pêche ou de l’aquaculture).

1.3.5. Les subventions et les mesures compensatoires

Certaines subventions et mesures compensatoires peuvent être considérées comme deséléments de concurrence déloyale et sont, à ce titre, combattues par l’OMC. Cependant,

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l’organisation reconnaît des exceptions pour les PVD, dans certains domaines (la recherche)et tolère une marge dans le montant de la subvention.

Les conditions fixées par les précédentes négociations ont permis d’identifier des critèresinvoqués pour certaines réclamations. Ceci peut être illustré par quelques cas:

• en 1997, le Chili a été accusé par les États-Unis de trop subventionner son aquaculture desalmonidés mais cette plainte a été rapidement réfutée par l’OMC (contrairement auxaccusations de pratiques de dumping pour certaines firmes);

• c’est aussi dans cette catégorie que peut être rangée (vu du côté chilien) la plainte déposéepar l’UE en 2000 contre le Chili qui refusait d’autoriser des navires de pêche à l’espadonà débarquer leurs productions dans ses ports. Le Chili présentait comme argument lanécessité de protéger la filière nationale contre une activité subventionnée (tandis que, vudu côté européen, il se serait plutôt agi d’une mesure technique, comme il l'a été évoquéprécédemment).

Subventions et mesures compensatoires se sont vues accorder une attention spécifiquedans les conférences ministérielles de l’OMC et c’est le domaine qui semble avoir faitl’objet de plus de communications spécifiques (voir point 1.3.: les communicationsadressées à l’OMC).

1.3.6. Les mesures de sauvegarde

À la différence des mesures antidumping ou celles concernant les subventions, ce type demesure est appliqué indépendamment des pratiques du pays exportateur, dans le seul objectifde protéger les intérêts du pays importateur.

En janvier 2000, la Thaïlande adresse une plainte à l’OMC contre l’UE qui a mis en place unnouveau tarif douanier en 1997, dans le cadre de l’abandon progressif des avantages liés ausystème européen de préférence généralisée (SPG) qui est passé de 5,1 % à 9,7 %. Elleaccepte difficilement cette mesure (basée sur le niveau de sa richesse) qui ne s’applique pas àson voisin malais dont le PNB/hab. est plus élevé. Elle redoutait déjà, en 1998, l’instauration,prévue pour le 1er janvier 1999, d’une taxe de 14,4 % sur les crevettes crues et de 20 % surles produits cuits ou transformés qui profiterait à ses concurrents sur le marché européen(Indonésie, Inde, Bangladesh, Sri Lanka… ).

Ces craintes semblent justifiées puisque, durant les dix premiers mois de 2000, le volume desexportations de crevettes thaïlandaises a chuté de près de 49 % et la valeur de plus de 57 %.La suspension des avantages liée au système européen de SPG a provoqué des mesures derétorsion de l’association thaïlandaise de producteurs d’aliments qui ont décidé de boycotterles farines en provenance de l’UE. La Thaïlande est d’autant plus décidée à monter aucréneau qu’elle a accepté, à la suite de l’Uruguay Round, de réduire ses droits de douane surles produits frais et congelés à destination du marché intérieur de 45 % à 5 %, pour 1999(ceux destinés à la réexportation bénéficiaient d’exemption de tarifs).

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1.4. Les communications présentées lors de la dernière conférence ministérielle

1.4.1. La question des subventions

La majorité des communications adressées à l’OMC pour la conférence ministérielle deSeattle, en 1999, a concerné les subventions à la pêche pouvant porter atteinte àl’environnement. Ces questions avaient déjà été abordées au cours de la rencontreministérielle de Singapour, en 1996, et d’autres sessions (comme, par exemple, celle ducomité du commerce et de l’environnement de Genève en mars 1998).

Elles ont été formulées essentiellement par des pays développés exportateurs de produits dela pêche et de l’aquaculture, l’Australie, l’Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et lesÉtats-Unis, auxquels se sont joints deux pays en développement: le Pérou et les Philippines.

Ces trois communications qui se recoupent partiellement ont concerné :

• des subventions à la pêche (communication présentée par l’Islande);

• l’élimination des distorsions affectant le commerce et des subventions pouvant porteratteinte à l’environnement (communication adressée par la Nouvelle-Zélande);

• des subventions à la pêche (communication présentée, de manière conjointe, parl’Australie, l’Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, les Philippines et lesÉtats-Unis).

Ces communications ont favorisé les discussions sur la réduction des subventions et ont faitde ce sujet le principal point de discussion concernant les produits de la pêche et del’aquaculture.

L’importance accordée à ce sujet fait suite à diverses discussions et interventions au seinmême de l’OMC (au sein du CTE: Comité sur le commerce et l’environnement, en 1997-98)ou dans d’autres organisations comme l’atelier conjoint, Programme des Nations unies surl’Environnement (UNEP) et WWF (World Wild Fund for Nature) en juin 1997, le Comité despêches de l’OCDE depuis 1997 et le Comité des pêches de la FAO (COFI) en 1999.

De nombreuses études sur la question ont aussi été entreprises dans le cadre de la FAO,l’OCDE, l’UNEP, la Banque mondiale, entre autres.

Enfin, parmi les organisations régionales, il convient de souligner l’APEC (Asia PacificEconomic Cooperation), qui regroupe de nombreux États d’Asie, d’Amérique et d’Océanieriverains du Pacifique et a également lancé une étude sur la question fin 1997.

Dans sa communication d’août 1999, la Nouvelle-Zélande s’appuie sur les diverses étudesévoquées précédemment, et souligne que les subventions ont été identifiées comme une desprincipales causes de la surcapacité de pêche. Concernant les effets de ces politiques desubvention sur le commerce international, la communication avance que:

• les subventions versées dans les pays industriels ont de profonds impacts sur leséchanges;

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• le développement des capacités permises par les subventions a un impact surl’environnement;

• le versement de ces subventions par les États les plus riches limite la capacité des paysnon industrialisés à développer leur propre pêcherie et à accéder aux marchés extérieurs àdes prix réels.

La communication présentée le même mois conjointement par le groupe de pays - constituépar la Nouvelle-Zélande, l’Islande, l’Australie, la Norvège, le Pérou, les Philippines et lesÉtats-Unis - souligne le fait que les sommes considérables dépensées pour soutenir despêcheries qui ne sont pas "durables" pourraient être employées dans des projets dedéveloppement qui répondraient davantage à ce type d’objectif. La communication proposedonc que les membres de l’OMC s’accordent pour éliminer les subventions qui contribuent àla surcapacité de pêche.

Les textes du GATT et de l’OMC distinguent quatre grandes catégories de subventions enfonction de leur destination qui peut être:

• le secteur de la capture;• la construction navale;• l’industrie de transformation;• diverse (recherche, développement, commercialisation, etc.).

Lors de la session du comité du commerce et de l’environnement de mars 1998, desdélégations avaient déjà réagi à ces propositions en arguant que les subventions n’étaient pasla seule cause de surexploitation des ressources et que toutes n’étaient pas dangereuses pourl’environnement. Un consensus semble s’être dégagé sur la nécessité de poursuivre lesrecherches sur cette question.

1.4.2. Une accélération de la libéralisation des tarifs douaniers

L’APEC a proposé à l’OMC d’accélérer les processus de libéralisation des tarifs douaniersdans divers domaines, incluant les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Cette initiative, identifiée par le sigle ATL (Accelerated Tariff Liberalisation) a été contestéepar des groupes environnementalistes et par certains états membres de l’APEC – et de l’OMC–, notamment le Japon et la Corée, qui souhaitaient soustraire la pêche et la forêt de cetteproposition. Ils ont proposé la création d’un groupe de négociation spécifique à ces deuxsecteurs. Le Japon et la Corée ont mis en avant la fonction sociale et les aspectsenvironnementaux. Le risque d’épuisement, qui serait encouragé par les mesures visant àlibéraliser le commerce de ces produits, nécessite à leurs yeux un traitement spécifique.

1.4.3. Des discussions sur le contrôle des importations

Tandis que les pays en développement réclament un accès plus facile aux marchés des paysdéveloppés, certains de ceux-ci prônent au contraire un contrôle renforcé des importations surcertains marchés, dans un objectif de sauvegarde de la ressource. Ces demandes appellent àconsidérer ces mesures au cas par cas. Parmi les membres de l’OMC à l’origine de tellesdemandes, le Japon estime qu’un contrôle sur les importations serait le seul moyen efficaced’orienter l’effort de capture vers certaines espèces dans les pêcheries faiblement contrôlées.

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2. Analyse des différentes prises de position

2.1. Les prises de position lors des conférences ministérielles de l’OMC

Les débats sur la pêche lors des conférences ministérielles proprement dites n’ont pas été trèsvariés. Ils ont surtout concerné les questions des subventions et ont débouché sur laproposition conjointe, évoquée plus haut, de suppression des subventions contribuant à lasurcapacité de pêche dans les pays développés.

Cet objectif est clair (éliminer les subventions contribuant à la surcapacité de pêche), maislaisse de nombreuses questions dans l’ombre: comment définit-on une activité durable?Considère-t-on l’effort de pêche d’un pays ou groupe de pays dans son ensemble, ou pargrande catégorie d’activité? Comment définit-on les diverses catégories (l’éternelle questionde la délimitation entre pêche industrielle et pêche artisanale)?

Il convient de signaler que trois des pays signataires (Australie, Islande, Nouvelle-Zélande)sont également des fervents promoteurs – et des pionniers – de l’usage des quotas individuelstransférables (QIT) pour la gestion des pêcheries. Dans une publicité datant de 1994, vantantles mérites de ses produits, l’office de promotion des produits de la mer néo-zélandais, aumoment où le concept de pêche durable commence à se diffuser, vantait déjà son système degestion par QIT "basé sur la conservation des espèces" et permettant de pérenniser leurapprovisionnement. Les idées de suppression de subventions pour toute activité non durablene peuvent être dissociées de l’usage des QIT.

Ceci renforce la pertinence des questions soulevées à ce sujet: une pêche durable est-ellesynonyme de pêcherie gérée par des QIT? Or, si ce système de gestion, âprement discuté, estséduisant dans son principe – le propriétaire d’une ressource est en effet supposé accorderplus d’attention à ce qu’il possède que celui qui y accède dans un système ouvert où lepremier servi remporte la mise – il suscite, néanmoins, quelques interrogations. Des pêcheursartisans, notamment, craignent des difficultés d’accès accrues pour les petits opérateurs quine disposent pas de moyens financiers assez importants pour l'acquisition de QIT.

Ce second aspect rappelle la concurrence possible entre pêche industrielle et pêche artisanale,avec toutes les questions relatives aux frontières entre les deux types d’activité et auxstratégies qui y correspondent. C’est toute la question de l’exploitation des pêcheries: desressources capturées par qui, pour qui, ou encore quelle sorte de pêcheries veut-on privilégieret dans quelle optique (approvisionnement du marché au meilleur coût et de la manière laplus efficace possible, création d’emplois dans la capture, dans le conditionnement, latransformation, la logistique… ).

Il semble évident aujourd’hui, dans un contexte de surexploitation qui varie selon les espèces(ce problème concerne essentiellement les poissons démersaux) et les zones géographiques,que subventionner lourdement une activité de pêche, qui n’intègre pas de souci depréservation de la ressource, semble problématique. Mais il faut rappeler la diversité destechniques, l’existence de catégories de pêche parfois difficiles à distinguer car, d’une part,elles font appel à des critères variables suivant les régions, les pays et à l’intérieur même despays et, d’autre part, elles peuvent elles-mêmes se subdiviser en plusieurs catégories (petitepêche, pêche côtière, au large pour la pêche artisanale… ).

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Aussi, lorsqu'on évoque le problème de subventions aux pêches durables – surtout lorsqu'onveut permettre aux pays pauvres de développer leur pêcherie - quelles activités précisémentpeut-on qualifier de la sorte? Une pêche industrielle capturant des espèces de stocks peumenacés peut être considérée comme plus durable qu’une petite pêche artisanalesurexploitant des zones côtières dans un pays plus pauvre comme aux Philippines où sont, enoutre, employées des méthodes portant de graves atteintes à l’environnement.

L’argumentation développée par la Nouvelle-Zélande dans sa communication d’août 1999fait appel à des arguments très différents: le débat purement environnementaliste sur laconservation des ressources est une chose, celui sur le développement des pêches des payspauvres en est une autre.

C’est pourquoi toutes les études lancées sur la question doivent faire l’objet d’une attentionparticulière. Nombre d’entre elles devraient être prochainement achevées, comme celle del’OCDE sur les "transferts financiers publics affectant la transition vers une pêcheresponsable" ou celle du groupe de travail sur les pêches de l’APEC qui a entrepris une étudesur la libéralisation du commerce et de l’investissement dans le secteur de la pêche (qui inclutdes questions concernant les subventions).

Concernant l’initiative de certains pays comme le Japon, en faveur d’un meilleur contrôle desimportations, on peut souligner que ce genre de propositions a également été présenté dansd’autres cadres. C’est ainsi un élément important des suggestions américaines à la conférencede la CCALMAR (Organisation internationale en charge de la gestion des ressources vivantesde la zone Antarctique) de 1998 sur les pêches illégales de légines. Les États-Unispréconisaient une réglementation très sévère des importations, comme cela a été le cas pourles tortues. Après plusieurs tentatives infructueuses pour combattre les trafics liés à cetteactivité, il a en effet été décidé d’interdire le commerce de tortues quelle que soit leur origine.

Ces questionnements se rapprochent des précédents et on doit reconnaître le bien-fondé d’unetelle approche. Si la commercialisation des espèces n’ayant pas la taille réglementaire ou destocks de poissons menacés était, dans le premier cas, rigoureusement interdite et, dans lesecond, sévèrement contrôlée, cela irait dans le sens d’une gestion durable des pêches.Cependant, il s’agit là encore de définir des critères objectifs permettant d’affirmer que tellepêcherie de tel pays est en état de surexploitation. Il s’agit de veiller à ce que les restrictions àl’importation soit réellement motivées par un souci de sauvegarder une ressource halieutiqueet ne constituent pas une mesure de protectionnisme déguisé.

- la réaction d’États membres de l’APEC, comme le Japon et la Corée du Sud, auxpropositions d’accélération de libéralisation des tarifs douaniers, émanant de l’organisation,est révélatrice des préoccupations de ces deux États, qui sont – notamment le Japon –réticents à de trop grandes facilités d’importation de produits de la pêche et de l’aquaculture.Ils mettent en avant, surtout pour la pêche, la nécessité d’éviter l’épuisement de certainsstocks – sujet auquel ils sont réellement sensibles par expérience et par souci de préserver lesintérêts de leurs producteurs.

Il apparaît légitime qu’étant donné le fort degré de surexploitation des pêches mondiales, lesacteurs soient soucieux de préserver leur activité à l’avenir, en veillant à la conservation de laressource et en tentant de réduire l’effort de pêche. Mais on doit également souligner que lavolonté affichée de protection de l’environnement peut aussi conduire de nombreux Étatsfavorables à l’ouverture des marchés à utiliser ce motif pour protéger les intérêts de leursproducteurs nationaux.

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Ce dilemme se retrouve dans l’analyse des demandes de l’Uruguay Round.

2.2. Analyse des demandes faites lors de l’Uruguay Round

Les États exportateurs ont exprimé le souhait que les barrières non tarifaires soient appliquéessuivant des normes et des références précises (comme le Codex Alimentarius et les normesHACCP), de manière transparente (largement diffusées) et harmonisées. Ils veulent aussi unejustification claire, précise et acceptable des décisions de refus ou de limitation desimportations.

La plupart des réclamations ou menaces de plaintes adressées à l’OMC sont basées sur cespositions. Pour les éviter, il est nécessaire d’énoncer clairement les motifs de l’interdiction etsa justification.

Il ne semble pas avoir eu de contestation après l’arrêt des importations de l’UE de produits dela pêche et de l’aquaculture en provenance d’Inde, du Bangladesh et de Madagascar, en 1997,ou de poissons frais du Kenya, de Tanzanie, du Mozambique et de l’Ouganda la même année.Par contre la Thaïlande a protesté contre la suppression de ses avantages liés au SPG, lorsquel’UE a justifié cette décision par le niveau de développement atteint par la Thaïlande (alorsque la Malaisie, au PNB/hab et, plus encore, au PIB/hab beaucoup plus élevés, continuait àen bénéficier). Il semble qu’il s’agissait en fait d’une mesure de sauvegarde mais qui nesemble pas avoir été présentée comme telle.

Les demandes des pays exportateurs – notamment des pays en développement – semblentdonc tout à fait pertinentes lorsqu’elles concernent la nécessité d’une meilleure définition,transparence et harmonisation des barrières non sanitaires.

De même, la demande, pour des pays en voie de développement de droits spécifiques, etl’octroi d’aides spécifiques, dans certains domaines (aides à la recherche et audéveloppement, adaptation aux nouvelles exigences en matière d’environnement) ou àcertaines régions défavorisées, s’intègrent dans les préoccupations désormais affichées pardiverses organisations – y compris l’OMC (surtout depuis la dernière conférence de Seattle) –de prendre en compte les problèmes de développement dans les échanges commerciaux.

Tout cela n’empêche pas que les négociations, concernant véritablement le monde de lapêche, restent peu nombreuses et il convient de se tourner vers les intérêts objectifs des paysou groupes de pays pour appréhender les possibilités de stratégies de négociations dans cesecteur de la pêche.

3. Intérêts objectifs des différents pays ou groupes de pays

3.1. Les enjeux généraux des négociations dans le commerce international

Les exemples évoqués précédemment révèlent déjà que les principaux enjeux desnégociations du GATT et de l’OMC reposent sur une donnée fondamentale du commerceinternational que les multiples débats finissent parfois par occulter: le rapport entre des paysvendeurs qui souhaitent un accès le plus facile possible pour leurs produits au meilleur coût

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(le plus cher) et des pays acheteurs qui souhaitent pouvoir les acheter également au meilleurcoût pour eux (le moins cher), mais sans mettre en danger leur activité de production.

Ce rapport simple soulève déjà une première complication - et une première contradiction –au niveau du pays importateur qui souhaite à la fois concilier l’intérêt de ses consommateurs(accès à un produit de qualité au meilleur coût) et de ses producteurs (pénalisés par cetobjectif).

Une seconde contradiction apparaît dans l’expression "intérêts des producteurs", lorsqu’oncherche à identifier ces producteurs - qui, dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture,fournissent, les uns des produits entiers – les pêcheurs et les aquaculteurs, les autres desproduits élaborés à partir des précédents – les transformateurs.

Or les intérêts de ces deux grandes catégories d’acteurs sont souvent contradictoires: lespremiers ne souhaitant pas voir leurs produits se trouver en trop forte concurrence avecl’étranger, ce qui pourrait faire chuter leurs cours; les seconds souhaitant au contraire pouvoirdisposer – de produits, certes de qualité, mais en quantité suffisante, à des prix qui ne soientpas trop élevés.

Face à ces contradictions, il s’avère que les enjeux seront loin d’être simples, notammentpour des pays ou groupes de pays – comme c’est le cas de l’UE – qui sont à la foisexportateurs et importateurs, et qui doivent donc satisfaire les intérêts de leursconsommateurs, de leurs pêcheurs, de leurs aquaculteurs et de leurs transformateurs.

S’y greffent les conflits d’intérêt éventuels, au sein d’un même État, entre pêcheurs etaquaculteurs, entre ces producteurs et ces transformateurs.

Il convient également de rappeler que le commerce des produits de la mer s’opère à traversdes marchés spécifiques, correspondant à certaines espèces (les marchés respectifs de lacrevette, du thon, des céphalopodes, des petits pélagiques, des poissons de fonds, … ) ou à desgammes de produits (frais ou congelés entiers, filets ou longes fraîches ou congelées, blocscongelés, conserves, produits surgelés ou fumés… ).

Interviennent aussi d’autres éléments comme les variations des taux de change des monnaies,les évolutions dans les modes et les coûts de transports, l’état des productions et desressources halieutiques, etc. Dans toute négociation internationale, les enjeux se limitentrarement au domaine concerné et ne peuvent être détachés du contexte général des relationsdiplomatiques entre pays, des rapports de forces géopolitiques, etc.

Dans les faits, la position exprimée par un État – ou un groupe d’États – ne pourra pastoujours être dénuée d’ambiguïté, face à des intérêts contradictoires. Si sont parfois effectuésdes choix clairs entre différentes catégories de professions, bien souvent les gouvernantstentent, soit de trouver des compromis entre les différents intérêts, soit d’avantager l’un oul’autre au gré des circonstances.

Il va de soi que selon les pays, ces contradictions seront d’autant plus sensibles que lastructure des filières pêche ou aquaculture sera plus complexe. Un pays qui n’est quasimentqu’exportateur pourra se consacrer uniquement à défendre l’accès de ses produits auxmarchés étrangers. Un pays consommateur qui ne compte pas ou peu de producteurs (parexemple, un pays enclavé riche comme la Suisse qui n’a quasiment pas de pêcheurs et peud’aquaculteurs) fera en sorte de pouvoir avoir facilement accès à des produits de qualité.

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Par contre, nombre d’États devront gérer des intérêts parfois contradictoires, situationrésultant de la complexité de leurs activités, par exemple s’ils importent des petits pélagiqueset exportent des céphalopodes, s’ils importent des thons et exportent des crevettes, et, plusencore, s’ils importent et exportent le même type de produit.

Bien des pays seront donc amenés dans un premier temps à opérer des choix internes, puis,une fois les intérêts prioritaires dégagés, se lancer dans les négociations avec desrevendications précises.

Les discussions pourront concerner des points différents où les prises de position respectivesde chaque membre de l’OMC pourront varier et donc des alliances de circonstances sedessiner avec d’autres pays ayant le même objectif, même si ces pays auront pu se retrouveren position d’adversaires dans un autre domaine.

Ce n’est qu’après l’exposé de tous ces problèmes et contradictions qu’il sera possible dedéfinir les intérêts objectifs des différents pays ou groupes de pays.

3.2. Les différentes catégories de pays

Si l’on considère le cas des pays riverains du Pacifique et de l’Inde et celui des pays ACP4,on peut regrouper les pays en fonction de leurs caractéristiques:

• Les pays en développement, exportateurs de produits bruts ou peu transformés (poissonentier ou en filet, frais, congelé, réfrigéré, farines de poissons) et importateurs trèsmodestes.

Dans cette catégorie, on trouvera par exemple sur les rives du Pacifique, le Viêt Nam, lesPhilippines, le Pérou et, parmi les pays ACP, de nombreux États de l’Afrique de l’Ouestpour le poisson frais (Mauritanie, Guinée… ).

• Les pays en développement, exportateurs de produits bruts ou peu transformés (poissonentier ou en filet, frais, congelé, réfrigéré) et de conserves dont l’importation se limitesurtout à l’approvisionnement de leurs conserveries.

Ce sont des pays comme l’Indonésie, les Philippines, le Maroc, le Sénégal, la Côted’Ivoire, la Namibie, le Mexique, l’Équateur, les Seychelles, Maurice, Madagascar,Fidji…

• Des pays riches et développés avant tout exportateurs, même s'ils peuvent égalementconstituer des marchés. Ce sont des États favorablement situés au niveau de l’exploitationdes ressources halieutiques, souvent peu peuplés et constituant en dépit de leur niveau devie des marchés d’importations réduits.

On peut citer les cas de l’Islande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande et dans une moindremesure l’Australie (dont les ressources halieutiques sont relativement modestes au vu deleur étendue mais qui exportent des espèces de haute valeur comme les langoustes, lescrevettes, les ormeaux et les salmonidés).

4 "La coopération entre l’UE et les pays ACP dans le secteur de la pêche au-delà de l'an 2000", document de

travail, Série Pêche, FISH 106, 1999.

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• Un grand producteur, exportateur et un marché naissant: la Chine.

C’est un cas spécifique. En effet, premier producteur mondial de produits de la pêchecomme de l’aquaculture, la Chine est devenue le troisième exportateur mondial, triplantses quantités exportées au cours de la décennie. Mais c’est également un marché enpleine croissance, sans compter que la rétrocession de Hong Kong, toujours comptée àpart dans les statistiques en raison de son statut spécial, apporte au pays une des grandesplaces mondiales du commerce des produits de la mer. Si on totalise les donnéesd’importation de la Chine continentale et de Hong Kong, l’ensemble se situe désormaisau sixième rang mondial.

• Des pays émergents, exportateurs de produits divers engagés dans une recherche deproduction à plus haute valeur ajoutée et qui sont également des marchés naissants.

On peut citer ainsi la Thaïlande et la Malaisie (exportateurs de crevettes sous des formesbrutes ou élaborées), le Chili (exportateur de salmonidés).

• Des pays nouvellement développés dont les activités de pêches stagnent ou se réduisentet dont les exportations concernent des espèces à haute valeur et qui deviennent de plusen plus des marchés.

On peut citer: la Corée du Sud, Taïwan.

• Des pays développés dont les activités de pêche sont en déclin, et qui sontessentiellement des grands marchés.

On peut citer: l’UE, le Japon, les États-Unis, le Canada.

3.3. Des stratégies communes?

Les pays appartenant à chacune de ces catégories sont confrontés à des difficultés similaireset auraient intérêt à trouver des solutions communes, ce qui n’est pas toujours le cas.

3.3.1. Les intérêts des pays en voie de développement exportateurs

L'analyse suivante concerne essentiellement la période qui s'est achevée en 2000. Lacatégorie des pays en développement est très hétérogène et recouvre de grandes disparités.

• La notion de pays émergeants a permis de faire sortir de cette catégorie les pays quiavaient atteint un certain niveau de développement.

• À l’opposé, les États les plus pauvres ont été regroupés dans une catégorie de pays lesmoins avancés (PMA).

• Entre ces deux extrêmes, existe une gamme de pays intermédiaires, liste établie enfonction de leur PIB/hab.

La différenciation est difficile à établir avec précision, en raison de la diversité de critèresutilisables. Pendant longtemps, les seuls critères utilisés ont été des critères quantitatifs(comme le PNB/hab, Produit National Brut par habitant, qui concerne la valeur produite parles nationaux du pays, dans le pays ou à l’étranger) et le PIB/hab, Produit intérieur brut par

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habitant révélateur de la richesse produite dans le pays que ce soit par des entreprisesnationales ou étrangères. Souvent les deux données sont proches mais peuvent parfois êtred’une valeur très différente: c’est notamment le cas d’un pays comme la Malaisie déjàimportante en Asie du Sud-est par son PNB/hab, mais plus encore par son PIB en raison de laprésence de nombreuses entreprises étrangères.

Depuis quelques années, on fait appel à d’autres critères moins sommaires et qui rendentmieux compte de la complexité des choses. On peut citer l’IDH (indicateur de développementhumain, valeur prenant davantage en compte les équipements de santé, l’espérance de vie… .)ou celui encore plus spécifique d’ISDH qui adjoint le critère sexospécifique, qui revient enfait à prendre en compte le statut des femmes.

Il existe néanmoins des catégories précisément identifiées: c’est le cas des PMA, les pays lesmoins avancés, qui sont au nombre de 48 dont 29 sont membres de l’OMC et six autres sonten voie d’adhésion.

Ces 35 membres et futurs membres se répartissent en différentes zones géographiques.

PMA membres de l’OMC ou sur le point de l’être

PMA Afriquecontinentale

Asie Amériquelatine

Pacifique Océan Indien

Membresde l’OMC

- Angola- Bénin- Burkina Faso- Burundi- Djibouti- Gambie- Guinée Bissau- Lesotho- Mali- Mauritanie- Mozambique- Niger- Ouganda- Rep. Centrafr.- R.D. Congo- Rwanda- Sierra Leone- Tanzanie- Tchad- Togo- Zambie

- Bangladesh- Myanmar

- Haïti - Salomon - Madagascar- Maldives

Processusd’adhésionen cours

- Soudan - Népal- Cambodge

- Samoa- Vanuatu

Ces PMA font de plus en plus l’objet de mesures de réduction tarifaires douanières, dans lebut de favoriser leurs exportations et, par ce biais, leur participation au commerce mondial.

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Les réclamations et contestations successives des pays en développement ont amené l’OMC àaccorder une attention plus grande à ces pays, par exemple, en leur facilitant l’accès auxréunions de négociations.

• Le cas spécifique des pays ACP et de ses relations avec l’UE jusqu'à l'an 2000

Les pays ACP bénéficient de conditions spéciales d’accès à certains marchés en raison ducadre général qui fixe les relations entre l’UE et ces pays: les conventions de Lomé, signéesrégulièrement depuis 1975 (faisant suite aux conventions de Yaoundé).

Ces conventions ont permis aux pays ACP de bénéficier d’un régime spécifique d’accès auxmarchés de l’UE. La fin du siècle dernier a été le théâtre de profondes mutations dans ledomaine des relations entre l'UE et les pays ACP (création de l’OMC en 1994, fin de LoméIV en 2000, révision de la PCP et donc de l’OCM (Organisation Commune des Marchés), cequi a amené le Parlement européen à faire le point sur ces questions, dans le cadre d’uneétude antérieure5.

Dans cette étude, il a été souligné que les perspectives en matière d’échanges commerciaux – etnotamment en matière d’accès au marché européen de produits de la mer des pays ACP – étaientde nature à inquiéter les pays ACP et en particulier:

• La remise en cause du régime préférentiel existant, dans le cadre des conventions UE-ACPet notamment pour la période actuelle, dans Lomé IV révisée, et son remplacement par unrégime moins favorable.

Cette remise en cause a été envisagée en raison de l’échéance (29 février 2000) de ladérogation spécifique à l’article I du GATT relatif au traitement de la Nation la PlusFavorisée (NPF). Or, c’est cette dérogation qui rendait la Convention de Lomé compatibleavec les règles de l’OMC.

Pour le moment, les produits agricoles – dont font partie les produits de la mer- ont mieuxrésisté que d’autres secteurs à l’érosion de la marge préférentielle accordée aux ACP parrapport au régime autonome, mais aussi au régime NPF (de la Nation la Plus Favorisée) ouau régime SPG (Système de Préférence Généralisée).

Si l’on compare les réductions offertes dans le cadre de Lomé IV révisées et cellesinhérentes au régime SPG, la baisse de la marge préférentielle des produits de la pêche et del’aquaculture devait ainsi être très faible entre 1996 et 2000, en comparaison d’autresproduits "agricoles". Cependant, il convient de spécifier que cette marge est déjà très faiblecomme le montre le tableau suivant:

5 "La coopération entre l’UE et les pays ACP dans le secteur de la pêche au-delà de l'an 2000", document de

travail, Série Pêche, FISH 106, 1999.

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Variation de la marge préférentielle Lomé/SPG pour quelques secteurs "agricoles"

Produits "agricoles" Préférence Lomé/SPGen 1996

Préférence Lomé/SPGen 2000

Laits et produits laitiers 54,6 % 32,6 %Préparations viandes ou poissons 23,8 % 23,5 %Préparations de légumes, fruits, … 17,6 % 14,6 %Légumes, plantes, racines, … 9,4 % 8,6 %Poissons et crustacés, mollusques 7,3 % 6,8 %Fruits comestibles, … 5,8 % 3,3 %Préparations alimentaires diverses 4,9 % 3,3 %Graisses et huiles anim. ou végét. 3,7 % 2,4 %

Outre le secteur des poissons et crustacés, il convient d’accorder une attention particulière àcelui des préparations de poissons associé à celui des viandes, qui a subi une très faibleérosion entre 1996 et 2000. Cela constitue un facteur important pour l’industrie detransformation des pays ACP d’autant que les exportations de ces types de produits ontfortement augmenté durant la dernière décennie (+ 110 % entre 1988 et 1997). Par contre,une remise en cause du système actuel au profit du SPG actuel représenterait une pertesupérieure à 10 %.

Il convient également de souligner qu’il sera nécessaire de prendre en compte les différencespropres à chaque pays, en distinguant d’abord les PMA qui, on l’a vu, continueront àbénéficier de très fortes réductions, et les autres pays qui connaîtront des situations diverses.La marge préférentielle Lomé/SPG devrait – tous secteurs confondus – rester très forte danscertains pays ACP non PMA pour lesquels le secteur des exportations des produits de la merest important comme les Seychelles (+ 21%), le Sénégal (+6,5 %), la Namibie (+ 5,5 %),Maurice (+ 5,5 %) ou le Suriname (+ 3,9 %). Ces pays ACP risquent donc d’êtreparticulièrement pénalisés par un nouveau régime du type SPG.

• L’annulation de leur avantage par des réductions du même ordre pour des produitsconcurrents en provenance de pays tiers n’appartenant pas au groupe des ACP. Cela nesignifie pas que l’on assiste à certains alignements par le haut, mais à ce jour, il semble que,même si les produits des pays ACP ne sont pas assujettis à des taxes douanières, les mesuresde réductions générales de ces tarifs, préconisées par l’OMC, viendront réduire leursavantages comparatifs.

Ainsi, la multiplication des systèmes SPG en Amérique latine, mais également les autresaccords préférentiels divers pourraient avoir des conséquences importantes sur lesexportations des produits de la mer de certains pays ACP.

Pour illustrer les impacts des changements pressentis, l’étude de 1999, déjà citée, a présentédeux exemples concernant deux espèces particulièrement importantes dans les exportations despays ACP: le thon, et plus précisément la conserve de thon, et la crevette sous forme fraîche oucongelée.

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Les conserves de thon

Outre les caractéristiques particulières évoquées ci-dessus, le secteur de la conserve de thonconstitue un exemple intéressant de commerce de produits de la mer entre les pays ACP etl’UE, car:

• il concerne 9 pays ACP respectivement d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal etGhana), de l’océan Indien (Madagascar, Maurice, Seychelles) et du Pacifique (Fidji,Papouasie/Nouvelle-Guinée, Salomon) qui accueillent, en tout, 14 conserveries;

• l’UE est de loin le premier marché mondial pour les conserves de thon, avec 40 millions decartons (correspondant chacun à 48 boîtes de 185 gr.) ce qui équivaut à environ 800 000tonnes.

Pour les pays ACP concernés, les conserveries constituent une activité qui leur apporte:

• des devises;• des emplois directs (environ 9000 pour l’ensemble des 6 pays de l’Afrique et de l’océan

Indien);• des emplois indirects (environ 20 000 pour les mêmes pays).

Ces pays sont confrontés à la concurrence des grands pays producteurs-exportateurs de conservesd’Asie du Sud-est (Thaïlande, Philippines, Indonésie) et d’États andins de l’Amérique latine(Colombie, Équateur) ainsi que de pays exportateurs plus modestes (Venezuela, Costa Rica,Malaisie… ). Dans certains États ACP, notamment les petits pays insulaires, les coûts deproduction de conserves de thon ne sont pas très compétitifs. Un accès plus facile au marchéeuropéen, par le biais d’exemptions de droits de douane de produits de pays tiers ne bénéficiantpas de la Convention de Lomé – actuellement de l’ordre de 24 % -, constituerait une menacepour la sauvegarde de l’industrie de ces pays ACP.

Les mesures adoptées ces dernières années et la remise en cause de la Convention de Loméconstituent de sérieux facteurs d’inquiétude pour l’avenir de ces activités.

Parmi les facteurs affectant déjà la filière thonière UE-ACP, on peut signaler la fin de larestriction en quantité des importations des pays tiers non-ACP – depuis le 1er janvier 1997 -pour se conformer aux règles de l’OMC, et les facilités accordées, depuis 1991, aux produitsconcurrents en provenance des pays andins dans le cadre du SPG–Drogue.

Toute remise en cause des avantages concernant les conserves en provenance des pays ACP dansle cadre de la prochaine Convention de Lomé constitue une menace pour de nombreusesconserveries de pays ACP, notamment celles où les coûts de production sont élevés, comme, parexemple, Seychelles et Maurice, ou qui sont dans une situation déjà fragile, comme Fidji.

Selon la Fédération française de la conserve, le différentiel de 24 % sur les droits de douane enfaveur des pays ACP leur permet d’affronter la concurrence asiatique. Leur position serait plusdélicate si cette différence tombait à 12 % et intenable dans le cas où les taxes sur les conservesen provenance d’Asie seraient supprimées. La Fédération se trouve concernée au premier chefcar certaines conserveries, notamment en Côte d’Ivoire et à Madagascar, font appel à unpartenariat européen (français en l’occurrence). C’est pourquoi les conserveries françaises seretrouvent solidaires des pays ACP concernés dont les craintes en la matière ont été exprimées,

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notamment en ce qui concerne le Pacifique (Grynberg R. 1996).

Les crevettes

Les crevettes originaires des États ACP sont des espèces tropicales du genre Penaeus, ce quiexplique leur appellation de Pénéides. Produit à haute valeur marchande, elles constituent unimportant poste d’exportation pour certains pays. Ainsi au Mozambique, où les produits de lamer contribuent un tiers de la valeur exportée, la quasi-totalité de ces produits sont des crustacés,et notamment des crevettes tout comme à Madagascar. Même si elles n’y ont pas la mêmeimportance, les crevettes constituent un important poste d’exportation des produits de la mer auSénégal, au Cameroun, au Nigeria, au Surinam, en Guyana, … , à quoi s’ajoute le fait que lesproductions d’origine aquacole sont également en développement. C’est le cas à Madagascar.

Les pays ACP africains exportent la majorité de leurs crevettes sur le marché européen mêmes'ils ne négligent pas les deux grands marchés mondiaux que sont les ÉTATS-UNIS et le Japon.La plupart des crevettes sont exportées en congelé, souvent conditionnées, parfois de manièreélaborée.

Suite aux dernières négociations qui ont marqué la fin du GATT et la naissance de l’OMC en1995, les TDC (Tarifs Douaniers Communs) communautaires fixés concernant la crevette (dugenre Pénéide classé sous la rubrique "autres") sont certes demeurés fixes à 18 %, entre 1995 et1997, pour les taux autonomes mais sont passés de 16,8 % à 13,2 % pour les tauxconventionnels.

Cette évolution a porté une première atteinte aux crevettes des pays ACP dont la compétitivités’est trouvée amoindrie. Exonérés de tous droits de douane, les produits originaires de ces payssont toujours théoriquement avantagés, mais ils se sont trouvés davantage menacés par lescrevettes – d’origine aquacole – en provenance de pays comme la Thaïlande ou l’Indonésie.

Les crevettes originaires des pays ACP sont encore plus menacées par les SPG dont bénéficientles produits en provenance d’importants pays producteurs concurrents. Il s’agit des pays andinsbénéficiant du SPG drogue et de PMA, comme le Bangladesh, qui sont tous exemptés de droitsde douane. Même si d’autres pays ne bénéficient pas de conditions si favorables (Inde, Chine… ),le tarif douanier qui s’applique à eux n’est que de 4,5 %.

L’étude a également attiré l’attention des parlementaires sur l’importance des pays ACP enpetits pélagiques, en congelé ou en conserves. Si l’on considère que les relationscommerciales entre pays ACP et UE accorderont plus d’importance à l’introductiond’obligations de réciprocité, toujours dans le cadre de l’adéquation aux règles de l’OMC, undéveloppement des importations de petits pélagiques risque d’entraîner une concurrenceaccrue pour les secteurs de production de pays ACP, mais aussi ceux de la transformation etde la distribution. Or ces deux secteurs constituent d’importantes sources d’emplois et derevenus pour certaines catégories de la population, notamment les femmes en Afrique del’Ouest.

L’échange de réflexions entre les pays ACP et l’UE a évoqué la possibilité d’un accord cadrevisant à définir les objectifs et principes de la future relation commerciale entre les deux groupeset un SPG amélioré. S'il semble que ce système permettrait un meilleur accès au marché de l’UEpour les États ACP qui sont des PMA, pour les autres les perspectives sont moins favorables.

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En effet, un tel système induirait des coûts supplémentaires très élevés pour des États commeMaurice, la Côte d’Ivoire ou Fidji. L’éventuel remplacement du régime en vigueur dans laconvention de Lomé IV, révisée par un SPG sous sa forme actuelle ou en version améliorée,semble très problématique. Il semble difficile d’y apporter des modifications qui permettraient àla fois de sauvegarder les avantages des produits de mer provenant des pays ACP et de respecterl’engagement des parties à la négociation UE-ACP de mettre en place un régime d’échangescommerciaux qui soit compatible avec les règles de l’OMC.

L’étude de 1999 a souligné l’incompatibilité entre le désir de maintenir, et à plus forte raison dedévelopper, la notion de partenariat dans les relations UE-ACP et le souci de satisfaire auxrègles de l’OMC dont la philosophie va à l’encontre de toute préférence. On se trouvaitfinalement devant l’alternative suivante: ou renoncer à ce partenariat – tout du moins en matièrede relations commerciales - ou comme cela a été proposé par certains parlementaires européens,unir les efforts des pays de l’UE et des pays ACP pour apporter certaines modifications auxrègles de l’OMC et permettre aux États membres de l’organisation qui le souhaitent de concluredes accords préférentiels se traduisant par des politiques tarifaires particulières.

En avril 1999, l’Assemblée paritaire UE-ACP a demandé expressément au Conseil, à laCommission et aux États ACP, comme à ceux de l’UE, de tout mettre en œ uvre pour que lesprochaines négociations de l’OMC permettent la reconnaissance des accords préférentielscomme instruments d’aide au développement. Elle a également réclamé l’élaboration d’unestratégie commune visant à promouvoir la reconnaissance par l’OMC des normes sanitaires,environnementales et sociales qu’elle considère comme des entraves au commerce mondial. LesÉtats ACP se sont implicitement engagés à souscrire aux exigences sanitaires du marchécommunautaire. En y adjoignant des normes sociales, ils ont manifesté une volonté de ne pas selimiter aux seuls critères commerciaux. L’UE a également défendu cette position à Seattle.

Il convient cependant de rappeler que le maintien du régime préférentiel n’empêche pas unebaisse générale des droits de douane qui réduit la compétitivité.

• Des pays en développement non-ACP bénéficient également d’accords préférentielsfavorisant l’accès de leurs produits au marché de l’UE, sous certaines conditions:

- dans le cadre de conventions bilatérales concernant des accords conclus dans unobjectif de développement avec des pays méditerranéens (Algérie, Tunisie, Turquieauxquels on joint le Maroc);

- dans le cadre de certains accords de pêche du type "Accès au marché contre accèsaux ressources" (Argentine, Islande, Groenland et dans le cas du Marocprécédemment cité);

- dans le cadre d’exceptions autonomes comme les systèmes des préférences généralisées(SPG) valables pour deux grandes catégories de destinataires:

* certains pays tiers, en fonction de leur niveau de développement sur une baseunilatérale et sans réciprocité aux termes de la Conférence des Nations unies pourle Commerce et le Développement (CNUCED) tenue à New Delhi, en 1968. Lespays strictement considérés comme PVD bénéficient de réductions tarifaires surcertains produits, tandis que les PMA – les plus pauvres – ont un droit àl’exemption totale de droits de douane, sur certains produits, dont ceux issus de la

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pêche. Ainsi, dans le domaine des produits halieutiques, les PMA bénéficient dumême avantage que les pays ACP;

* plusieurs pays d’Amérique latine, dans le but de favoriser le développement d’autresactivités que la culture de produits utilisés pour la fabrication de stupéfiants dans lecadre de "SPG Drogue" accordés à quatre pays (Équateur, Pérou, Colombie,Venezuela).

Il va de soi que ces pays tiennent à leurs avantages et une illustration en est donnée par laThaïlande qui a perdu le bénéfice d’un SPG en 1999 - ce qui a pénalisé ses exportations sur lemarché européen - et a adressé une plainte à l’OMC.

D’une manière générale, les pays en développement souhaitent tous accéder aux marchés despays développés en bénéficiant de droits réduits et en n’étant pas victimes de mesures nontarifaires. Mais les différences de compétitivité peuvent menacer leurs industries, notammentles conserveries d’États insulaires comme les Seychelles ou Fidji.

3.3.2. Des solidarités régionales?

On peut s’interroger sur les solidarités entre pays non-ACP, au sein de diverses organisationsrégionales.

Ainsi, les îles de la Commission de l’océan Indien ont en commun une partie de leursactivités halieutiques: les exportations de conserves de thon concernent aussi bienMadagascar que Maurice ou les Seychelles. Mais cette solidarité peut effectivement céder lepas dans le cadre ACP où ces États insulaires peuvent partager leurs préoccupations avecd’autres pays exportateurs de conserves de thon (Fidji et les Salomon dans le Pacifique, leSénégal et la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest).

La SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) a pu adopter des stratégiescommunes dans certains domaines (surveillance des pêches) mais pas en matièrecommerciale en raison de trop fortes disparités dans les activités de pêche.

Par contre, les États ACP du Pacifique appartiennent également au Forum du Pacifique Sud,depuis 2000, avec l’intégration des pays membres du Forum qui jusque-là n’appartenaientpas aux pays ACP.

• Le Forum du Pacifique Sud

Le Forum comprend 14 États ACP (États Fédérés de Micronésie, Fidji, Kiribati, îlesMarshall, Nauru, Niue, Palau, Papouasie/Nouvelle Guinée, Samoa, îles Salomon, Tonga,Tuvalu, Vanuatu) auxquels s’ajoutent deux pays développés, la Nouvelle-Zélande etl’Australie.

Le Forum – par son agence des pêches la FFA (Forum Fishery Agency) – a permis dedéfendre une politique commune en matière de pêche face à l’activité des flottes hauturièresextérieures à la région (négociation d’un accord de pêche commun avec les États-Unis,pression sur les flottes de Taïwan utilisant des filets dérivants… ).

Le Forum dispose également d’une division consacrée au commerce. En 2000, les paysmembres ont convenu d’un projet d’aire de libre échange – le PARTA (Pacific Regional

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Trade Agreement). Dans ce projet, les deux pays développés devraient aboutir à une rapidesuppression des taxes douanières, tandis que les pays en développement auraient un délai pluslong (huit à dix ans suivant leur niveau de richesse). Une aire de libre échange total devraitêtre en place en 2012. Il convient de signaler que ce projet est soutenu par l’UE et devraitdémarrer en 2002.

Les exportations de produits de la mer concernent essentiellement le thon entier, en filets oulonges fraîches, congelés ou en conserve. Comme pour les pays insulaires de l’océan Indien,les pays exportateurs de conserves (Fidji, Salomon… ) pourront lors des négociationss’appuyer sur d’autres pays ACP. Il en ira sans doute de même pour le thon congelé; parcontre, pour les produits frais, une activité moins orientée vers les exportations à longuedistance du Pacifique (Japon, Corée, États-Unis… ), le Forum pourra peut-être constituer uncadre plus approprié. Il convient également de tenir compte des relations avec certains de cesmarchés, notamment de celui du Japon, dont la coopération en matière de pêche estparticulièrement active.

• L’ASEAN et l’AFTA

L’ASEAN (Association of South East Asian Nations) est une association de dix pays del’Asie du Sud-Est qui a été constituée dans les années soixante-dix par six États (Brunei,Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande), dans un contexte géopolitiquedominé par la crainte de l’expansion du communisme. Le retour de la paix dans la région et lafin de la guerre froide ont conduit à intégrer les anciens "ennemis", le Viêt Nam, le Laos et leCambodge ainsi que la Birmanie. En dépit d’un manque de solidarité dans la traversée de lacrise asiatique, l’ASEAN a continué à renforcer ses liens et a créé une organisationéconomique, l’AFTA (ASEAN Free Trade Area).

Au sein de cet ensemble, les six membres fondateurs se sont convenus d’une réductionmassive de leurs droits de douane sur la majorité de leurs marchandises (équivalent à 90 % ducommerce intra-ASEAN).

Dans le domaine des produits de la pêche et de l’aquaculture, cela concerne les exportationsde leurs membres vers Singapour (le grand "hub" régional des produits de la mer avecHong Kong) vers la Thaïlande ou vers les pays producteurs de crevettes (farines de poissonsexportées de Thaïlande vers la Malaisie et l’Indonésie). Déjà, dans certains de ces pays,comme la Malaisie ou la Thaïlande, les produits destinés à la réexportation ou aux entreprisesde transformation sont exempts de tarifs.

De telles facilités n’empêchent nullement l’adoption de stratégies nationales et concurrentessur certains marchés. On peut, à cet égard, citer la compétition entre produits de Malaisie etde Thaïlande sur le marché européen et les critiques par celles-ci des avantages que conserveson voisin du sud en matière de réduction tarifaire. Il convient également de rappeler quenombre de pays de l’ASEAN sont en situation plus ou moins conflictuelle pour l’exploitationdes ressources; c’est le cas de la Thaïlande à la recherche de nouvelles zones de pêche et quis’est, à un moment ou un autre, retrouvée en conflit avec le Myanmar, la Malaisie,l’Indonésie, le Viêt Nam et le Cambodge.

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• Les exportations au sein de l’APEC

L’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation), on l’a vu, est une organisation créée en 1989,sous l’égide de l’Australie, qui regroupe 21 pays riverains du Pacifique d’Asie (Chine,Hong Kong, Taïwan, Japon, Corée du Sud, Indonésie, Malaisie, les Philippines, Singapour, laThaïlande Brunei) mais également d’Amérique du Nord (États-Unis, Canada, Mexique,Pérou, Chili) et d'Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie/Nouvelle-Guinée).

Cette organisation a été mise en place pour créer une zone de libre échange et éliminer toutesles barrières tarifaires et non tarifaires d’ici 2010, pour les pays développés, et 2020, pour lespays en développement. Si le programme de cette organisation est respecté, dans moins d’unedizaine d’années, les produits de pays de l’Asie du Sud-est et d'Amérique latine, comme ceuxde la Papouasie/Nouvelle-Guinée devraient pouvoir pénétrer sans droits de douane sur lesmarchés des États-Unis, du Japon, du Canada ou de Corée du Sud.

• Les organisations régionales américaines actuelles

L’Amérique latine est divisée en plusieurs organisations régionales, dont les plus importantessont le Pacte andin, créé en 1969, qui regroupe la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Pérouet le Venezuela) et le Mercosur (Marché commun du cône sud), créé en 1991, qui regroupeplusieurs pays de la façade atlantique (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay).

Enfin, à l’échelle du continent sud-américain, le Système économique de l’Amérique latine(sigle anglo-saxon LAES) regroupe les 27 États d'Amérique du Sud, centrale et des Caraïbes.

Toutefois, en matière de pêche, les positions communes transcendent ces organisations,comme le montre l’alliance des principaux États riverains du Pacifique (Chili, Pérou,Équateur, Colombie), au sein de la Commission Permanente du Pacifique Sud, pour uneréflexion commune sur les stocks chevauchants et les espèces hautement migratrices.

Si l’on tient compte des facilités d’accès au marché européen accordées par l’UE à quatrepays (Équateur, Pérou, Colombie, Venezuela), dans le cadre du "SPG Drogue", on constatedes recoupements entre les différentes organisations. Ceci ne présage pas l’adoption depositions communes qui ont plutôt tendance à se manifester sur des points précis au gré decirconstances, comme l’illustre le cas cité dans le précédent paragraphe.

Si l’on considère le groupement le plus solide – le Mercosur -, il est difficile d’envisager despositions communes dans le cadre d’une organisation qui reste limitée dans ses objectifs. Onpeut ainsi souligner les intérêts différents, respectivement de l’Argentine - un des importantsexportateurs mondiaux de produits de la mer (valeur de 1 milliard de $ US) et dont leprincipal client est l’UE (1/3 des exportations en valeur) - et du Brésil, exportateur modeste,et un marché qui compte de plus en plus à l’échelle du continent dans ce domaine.

• Les stratégies des États-Unis

Ces stratégies s’orientent dans deux directions:

- le développement d’organisations régionales

* les États-Unis ont inspiré un autre accord, celui-ci davantage tourné versl’Amérique latine, l’Accord de libre échange des Amériques (FTAA: Free Trade

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Agreement of the Americas) qui va beaucoup plus loin que l’ALENA – (Agencede libre échange de l’Amérique du Nord) ou le NAFTA - (North American FreeTrade Association) - créé en 1989;

* l’ALENA, qui regroupe les États-Unis, le Canada et le Mexique, envisage uneréduction considérable des droits de douane tout d’abord entre les ÉTATS-UNISet le Canada puis avec le Mexique. Déjà, les relations commerciales entre les troispays se sont considérablement développées.

- la recherche d’une stratégie globale

Ces arrangements n’empêchent pas la création d’accords bilatéraux comme ceux quiont été signés en janvier 2001 entre les États-Unis, le Chili et Singapour. Selon le clubde réflexion américain "Heritage Foundation"6, ces accords constituent les premierspas vers une stratégie globale basée sur des accords bilatéraux et multilatéraux.

La fondation – d’inspiration très libérale – considère que les accords régionaux dugenre FTAA facilitent les échanges commerciaux mais n’ont pas permis unelibéralisation totale des économies. C’est pourquoi elle s’est associée au Wall StreetJournal pour lancer début 2001 une nouvelle stratégie: l’Association pour un libreéchange global (GFTA: Global Free Trade Association) ouverte à tout pays qui aurapréalablement satisfait à quatre conditions:

* une politique de commerce ouverte;* des politiques transparentes et ouvertes aux investissements étrangers;* des règlements minimaux concernant la création de nouvelles entreprises;* la sécurisation des droits de propriétés.

Synthèse des différentes organisations régionales d’Europe,d’Afrique et du Moyen-Orient

UE CEI COMESA ECOWAS L.E.ArabesProduction totale (1)Quantités 7 600 5 243 1 945 1 687 1 803% production (2) 6,3 4,3 1,6 1,4 1,5

CommerceValeur importation (3) 19 352 500 307 336 359% importations (4) 34,0 0,9 0,5 0,6 0,6

Valeur exportation (3) 11 015 1 877 501 842 1 152% exportations (5) 21 3,6 1,0 1,6 2,2

(1) Pêche et aquaculture, marine et continentales(2) Part de l’organisation par rapport à la production mondiale(3) En millions de USD(4) Pourcentage de la valeur des importations mondiales(5) Pourcentage de la valeur des exportations mondialesSource: FAO – données 1996

6 US trade agreements with Chile and Singapore: Steps to Global Free Trade Agreement, The Heritage

Fundation executive memorandum, n° 715, 30 janvier 2001.

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Synthèse des différentes organisations régionale d’Asie,d’Amérique et du Pacifique

NAFTA LAES ASEAN SAARC SPFProduction totale (1)Quantités 7 865 22 091 13 357 7 441 865% production(2) 6,5 18,3 11,0 6,1 0,7

CommerceValeur importation (3) 8 321 1 039 2 072 76 584% importations (4) 14,6 1,8 3,6 0,1 1,0

Valeur exportation (3) 6 178 6 615 7 703 1 490 1 711% exportations (5) 11,8 12,6 14,7 2,8 1,0

(1) pêche et aquaculture, marine et continentales(2) part de l’organisation par rapport à la production mondiale(3) en millions de USD(4) pourcentage de la valeur des importations mondiales(5) pourcentage de la valeur des exportations mondialesSource FAO – données 1996

On ne peut donc parler d’une réelle solidarité régionale pour des groupements dont aucunn’atteint le degré d’intégration de l’UE (qui est loin d’être elle-même exempte decontradictions, mais qui, dans les organisations internationales, doit parler d’une seule voix,contraignant de fait ses membres à des compromis pour l’adoption d’une position commune).

On peut remarquer qu’on observe davantage des regroupements de circonstances sur certainspoints précis que de véritables alliances. Étant donné la complexité et la diversité des intérêtsde nombreux membres de l’OMC, il sera difficile en dehors de revendications globales(demandes par les pays en développement de plus grandes facilités d’accès aux marchésdéveloppés), de définir des positions communes. Comme par le passé, il s’agira probablementde discussions au cas par cas, d’arrangements de circonstances sur des sujets précis, qu’il estdifficile d’identifier actuellement.

4. Impact de certaines stratégies de négociation sur le secteur de la pêche

Les revendications des pays du tiers monde, soucieux d’accéder plus facilement aux marchésdes pays développés, pourront certes avoir des conséquences sur le secteur des pêches desuns et des autres.

Parmi les espèces importées, certaines sont spécifiques aux pays en développement, situésdans la zone intertropicale. Dans de nombreux pays développés, situés en zone tempérée, lamajorité de ces produits est destinée à des populations originaires de ces zones tropicales quiy habitent; il existe également une clientèle composée d'Européens de souche, aux traditionsculinaires spécifiques, mais qui sont à la recherche de nouveaux produits ou désireux de fairerevivre des souvenirs de vacances. On peut signaler les spécificités des pays émergeantsasiatiques, notamment chinois (Singapour, Hong Kong, Taïwan, … ), dont la cuisinetraditionnelle fait appel à des produits d’origine tropicale, du fait de leur proximité ouappartenance à cette zone géographique.

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Pour des régions comme l’UE, la consommation des produits d’origine tropicale concerne denouveaux produits, mais également des espèces de substitution proches de celles qui setrouvent en Europe (soles ou daurades tropicales par exemple… ). L’accès croissant de cesproduits peut avoir des conséquences sur le secteur de la production dans l’UE, mais cesphénomènes sont de moins en moins apparents, au fur et à mesure que le déficit européen enproduits de la mer s’accroît.

Les discussions sur les subventions risquent d’avoir un impact plus fort sur le secteur de lapêche. Comme on l’a vu, les conditions réclamées par les demandeurs (pêche durable, soucid’éviter les distorsions de compétitivité avec les filières de pays en développement) peuventsous-tendre d’autres choix concernant la stratégie d’exploitation de la ressource (par exemple,promotion des QIT).

Lorsqu’on considère les réclamations concernant les produits de la pêche et de l’aquaculturequi ont été adressées à l'OMC, on peut identifier des conflits liés à des mesures adoptées dansle cadre de principes relevant du développement durable. Les États-Unis, notamment, ont àplusieurs reprises justifié des mesures de limitation, d’interdiction ou de taxationsupplémentaires d’importations de produits de la pêche et de l’aquaculture, en avançant desraisons liées à la protection de l’environnement. En effet, qu’il s’agisse des mesuresconcernant les importations de conserves de thon ne répondant pas aux exigences de dolphinsafe ou de celles visant les crevettes de pêche qui ne seraient pas capturées par des enginssélectifs évitant les captures de tortues, les États-Unis ont abondamment fait référence audéveloppement durable.

L’Australie a agi de même en interdisant l’importation de salmonidés pouvant porterpréjudice à la qualité de son environnement, notamment de ses cours d’eau.

Les discussions sur les subventions à des pêches non respectueuses de l’environnementinitiées encore par les États-Unis et l’Australie ainsi que d’autres pays promoteurs des quotasindividuels transférables s’inscrivent dans la même logique. Mais, la pertinence d’une telleapproche peut être discutée: s’agissant des QIT, des études plus poussées sur les rejets deprises accessoires montrent que ce type de mesures n’est pas exempt de critiques concernantl’environnement. Il s’agit de demeurer prudent dans l’affirmation présentant tel ou telsystème de gestion comme "durable". Avant de pouvoir bénéficier d’un tel qualificatif, lesdifférents systèmes devraient avoir fait leurs preuves.

Cela n’empêche pas de constater que le principe de subventions de pêches caractérisées parun effort trop important par rapport à l’état des ressources est effectivement sujet à caution.Mais il est toujours difficile de distinguer le réel souci de préservation de la ressource depositions relevant en fait de compétitions entre flottes de pêche (et, par conséquent, desdifférents États dont elles dépendent).

Ce problème de compétition est fondamental dans les activités de pêche. Un pêcheurconvaincu de surexploitation de ressources – ce qui est le cas de la plupart d’entre euxaujourd’hui – adoptera difficilement une attitude logique découlant de ce constat. Il désireratoujours accroître sa part de captures en se fondant sur le principe que les prises dont il sepriverait seront toujours - dans le contexte actuel de compétition pour la ressource – capturéespar un autre pêcheur.

C’est ce constat qui a incité de nombreux experts à favoriser le passage d’un système ouvertde libre accès à la ressource à un système d’appropriation limitée de cette ressource,

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notamment par le biais de quotas individuels transférables. Cependant, de nombreux acteursde la filière, notamment les plus modestes, craignent une inflation des coûts d’achats de cesquotas (en période de pénurie, la compétition sur la demande risque de faire monter lesenchères). Les petits pêcheurs craignent de ne pouvoir suivre et donc de se voir écartés aubénéfice d’acteurs plus performants. En outre, l’efficacité de ces quotas tend à varier enfonction des différentes pêcheries; ils seraient relativement performants pour des pêcheriescomposées d’une seule espèce (monospécifiques), et beaucoup moins aisés à appliquer là oùcoexistent différentes espèces (plurispécifiques).

Au-delà des problèmes concernant le développement durable des pêches et la sauvegarde desressources halieutiques, il convient d’examiner avec soin toute discussion sur les pêchesfaisant référence à la protection de l’environnement. Il conviendra de distinguer les questionsrelevant directement de ces problèmes de celles qui l’utilisent à d’autres fins. Les plaintes depays exportateurs concernant les mesures restrictives d’accès à certains marchés révèlentd’autres enjeux qui relèvent davantage de la compétition entre différentes activitéshalieutiques.

Ces réflexions préconisées par le consultant sont partagées par d’autres acteurs comme leCentre international pour le commerce et le développement (ICSTD: International Centre forTrade and Development) et l’Institut de Conservation de la Nature (IUCN), dans unecommunication commune de 1999 (Fish for thought; fisheries, international trade andsustainable development).

Ces organisations soulignent que les discussions concernant le commerce des produits de lapêche se focalisent aujourd’hui sur:

• "l’accès aux marchés pour les pays en développement;

• les impacts du commerce international sur la sécurité alimentaire;

• les effets des subventions sur les pêches;

• le souci que les mesures liées à l’environnement dans le commerce ne constituent pas unprotectionnisme déguisé;

• la façon dont la mauvaise gestion des ressources peut conduire à des distorsionséconomiques;

• la crainte que les règles du commerce puissent imposer des contraintes à la gestion del’environnement et aux mesures de conservation des ressources halieutiques."

Dans le même document, les deux organisations soulignent l’existence de limites desdiscussions sur le caractère durable dans le commerce international des produits de la pêchedues à:

• "une attention insuffisante accordée aux impacts des flux commerciaux, aux aspectspolitiques ou législatifs concernant les pêcheurs ou les environnementalistes;

• un déficit d’intérêt pour la gestion des pêches et des ressources naturelles par les acteursdu commerce international;

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• une réticence des gouvernements à discuter des mesures de conservation pouvant affecterles activités ou la compétitivité de leur filière pêche nationale ou l’accès de leurs produitsaux marchés étrangers;

• une analyse inadéquate des concepts de développement durable et de conservation desressources dans les relations entre pêche et commerce;

• un manque d’expérience sur l’impact de l’application des règles commerciales et mesurestarifaires ou de réduction de subvention;

• un manque de connaissance de la structure et du fonctionnement de la filière decommercialisation et des liens entre structures du marché, des prix, de la libéralisation deséchanges et des questions de durabilité".

L’impact de certaines négociations peut donc être très important pour la pêche etl’aquaculture. L’adoption de mesures comme la suppression des subventions ou la limitationdes importations de produits originaires de pêcheries qui ne soient pas durables peuvent avoirdes conséquences importantes sur le secteur productif.

Il s’agit donc d’adopter une approche globale des problèmes et des interrelations entre lesdifférents secteurs: production, gestion des pêches, conservation des ressources et viabilitééconomique, fonctionnement du commerce avec le régime des échanges et la structure dumarché. Il s’agit ensuite de bien identifier les problèmes et distinguer ce qui relève desrisques de la surexploitation de la ressource de ce qui concerne les questions dedéveloppement ou représente des mesures de protectionnisme déguisé.

5. Conclusion

Si des intérêts communs ont pu apparaître entre pays en développement (et à l’intérieur decette catégorie les États ACP), pays développés exportateurs (Australie, Nouvelle-Zélande,Islande, Norvège, … ), il est difficile d’identifier des groupements de pays ayant une positionsimilaire sur tous les fronts. Il s’agit plus souvent d’alliances de circonstances, concernantparfois un groupe d’espèces bien particulier, le secteur de la pêche et de l’aquaculture étantpartagé en grands marchés qui peuvent présenter des particularités rendant difficile uneposition globale. Les positions tranchées seront d’autant plus difficiles à adopter que denombreux membres, aux rangs desquels figure en bonne position l’UE, sont à la fois desimportateurs et des exportateurs de produits de la pêche et de l’aquaculture.

Les négociations seront d’autant plus complexes que peuvent parfois intervenir des enjeuxextérieurs à la pêche et à l’aquaculture, un pays acceptant d’aller à l’encontre de ses intérêtslogiques en raison d’un accord, ayant des contreparties dans un autre domaine.

Ces limites posées, il existe des attitudes communes qui doivent permettre à l’UE de sepositionner par rapport aux stratégies d’autres membres ou par rapport aux grandes tendancesen cours.

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TROISIÈME PARTIE

IMPACT DES NÉGOCIATIONS POUR L’UE ET LA PCP

Le commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture de l’UE se divise en commerceintra-communautaire et commerce extra communautaire. Dans ce rapport, consacré à l’OMC,c’est sur le second que se focalisera l’attention.

L’analyse du commerce extérieur de l’UE demande une présentation du marché européen desproduits de la mer et une synthèse des aspects de la PCP concernant l’approvisionnement dumarché européen que le lecteur trouvera en annexe de la troisième partie.

Dans la présente partie, sont tout d’abord examinées les stratégies de négociations pour laCommunauté en terme de possibilités d’alliances et des forces et faiblesses de l’UE, puisdans un second temps sont étudiées les conséquences sur la PCP à partir des donnéesprésentées en premier lieu et de l’analyse contenue dans l’annexe de la troisième partie.

1. Analyse de l’impact des stratégies de négociations pour l’UE dansdifférents domaines

1.1. Les alliances possibles

L’Union européenne est avant tout un importateur de produits de la pêche et de l’aquaculture.Elle symbolise tout à fait les contradictions existant entre la satisfaction des producteursprimaires et des transformateurs, et les consommateurs. Ces contradictions de la PCP ont étésoulignées dans les paragraphes précédents et sont reconnues par la Commission dans son"Livre vert".

Mais l’UE est également un important exportateur de produits de la pêche et de l’aquaculture,même si, en valeur, les exportations n’atteignent pas le cinquième des importations.

1.1.1. L’UE importateur

En tant qu’importateur, la position de l’UE n’est pas simple et consiste à essayer de maintenirun équilibre entre, d’une part, la nécessité de favoriser les importations de produits de lapêche et de l’aquaculture de pays tiers pour satisfaire les besoins du marché communautaireet, d’autre part, le désir de sauvegarder la rentabilité de la flotte communautaire.

Il convient de rappeler que l’UE est le plus grand marché mondial des produits de la pêche etde l’aquaculture et représente, en valeur, le tiers des débouchés des pays tiers exportateurs dela planète.

Dans un document de travail du Parlement européen sur "La politique commune de la pêcheface aux défis de la mondialisation", le rapporteur Daniel Varela Suanzes-Carpegna résumeles éléments à prendre en considération de la manière suivante:

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• la nécessité de subordonner l’accès au marché communautaire [… ] des produitsprovenant des pays tiers à l’accès de la flotte européenne aux zones de pêche aveclesquels des négociations sont engagées;

• la constatation que le secteur européen de la pêche de certaines espèces chevauchantes etgrandes migratrices est soumis à la concurrence déloyale des pavillons de complaisancequi ne respectent ni les quotas, ni les arrêts biologiques, ni les méthodes de capture, nimême aucune règle garantissant une pêche responsable", ce qui amène le rapporteur àconseiller de "ne pas appliquer de réductions tarifaires à ces espèces, voire de s’opposer àleur accès au marché communautaire;

• la nécessité de maintenir la possibilité de mécanismes tels que les contingents et lesclauses de sauvegarde dans le commerce de certaines espèces très sensibles pour lemarché communautaire, afin de pouvoir réguler convenablement et en souplesse les fluxcommerciaux qui présentent un intérêt pour le secteur;

• la révision de certaines préférences commerciales existantes, en actualisant les régimes envigueur en fonction de la réalité, soit parce que certains pays ont atteint un niveau dedéveloppement suffisant qui ne justifie plus qu’on leur accorde ces préférences, soit parcequ’il n’existe pas de relation réelle entre la préférence accordée et le fonctionnement dumécanisme, comme c’est par exemple le cas pour le SPG-drogue.

Ces éléments n’ont jusqu’à présent pas tous été adoptés, notamment la subordination del’accès au marché communautaire à l’accès à la flotte européenne aux eaux du paysdemandeur. Si le principe dans son ensemble est souvent appliqué, on peut constaterd’importantes disparités, notamment avec les grands voisins du Nord - la Norvège et l’Islande- qui contribuent à eux deux pour plus du quart de la valeur des importationscommunautaires.

La position de l’UE est difficile à saisir globalement. Pour garantir l’approvisionnement del’UE, les autorités communautaires sont proches de ceux qui militent pour une baisse destarifs, comme l’a illustré le dernier régime douanier pour des espèces comme les colinsd’Alaska et les crevettes, indispensables produits de base pour nombre d’usines detransformations européennes dont les droits de douane sont aujourd’hui nuls.

Il en va de même pour certaines espèces comme la morue, aux droits de douane réduits, maisqui entre davantage en concurrence avec les produits européens (les pêcheurs de l’UE n’étantpas satisfaits de la réduction du quota de l’UE tandis que le TAC global dans l’AtlantiqueNord-Est augmente). Cependant la juridiction communautaire a évolué dans le sens d’uneattribution de contingentements toujours plus élevés entre 1995 et 2000 pour disparaître entre2001 et 2003. Cela révèle clairement le choix effectué en faveur du libre approvisionnementmême si la permanence d’un taux réduit doit être considérée comme une concession auxproducteurs européens.

En effet, le maintien, tout du moins dans les principes, d’une préférence communautaire, et lesouci de sauvegarder la pêche européenne, incite tout de même à limiter les importations deproduits non transformés de certains pays tempérés.

La question qui se pose pour l’avenir concerne la possibilité de maintenir ces droits mêmetrès faibles. En effet, l’approvisionnement des industries de transformation de l’UE confronté,aux limites d’exploitation des ressources, à l’émergence de nouvelles entreprises – et de

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nouveaux besoins – dans d’autres pays (notamment en Chine) constitue un sujet d’inquiétudepour l’avenir et laisse présager une féroce compétition pour l’approvisionnement.

L’industrie de transformation européenne, encline à favoriser l’entrée de produits de base, apar contre tendance à militer pour une meilleure protection face aux importations de produitstransformés. Si les conserveries pèsent aujourd’hui d’un poids moins lourd, elles ont tout demême tendance à considérer avec défiance les importations de conserves de petits pélagiquesdu Maroc. Les autres entreprises de transformation sont davantage concernées par lesimportations de Norvège, d’Islande, des États-Unis et de Thaïlande.

L’UE a été critiquée par la Thaïlande lorsqu’elle a cessé de lui accorder un système depréférence, officiellement, en raison du niveau de développement désormais atteint par cepays qui a contesté cet argument (en se basant sur l’exemple de la Malaisie qui conservait cetavantage, alors que son PNB/hab et plus encore son PIB/hab étaient supérieurs). Ceci laisse àpenser que la raison officieuse tient en fait plus à l’impact des importations de produitstransformés originaires de Thaïlande sur les industries de l’UE.

L’UE est ainsi dans la position du pays importateur souhaitant protéger son industrie et ce caspourrait laisser présager une attitude commune avec d’autres pays pour mieux protéger sesindustries. Cependant, la réalité est plus complexe, certaines industries devant être plusprotégées que d’autres, d’autant que le souci de satisfaire les consommateurs pourra inciter àfavoriser ou du moins à ne pas entraver l’entrée de certains produits transformés.

On doit également prendre en compte la politique de l’UE avec les pays ACP, dans le cadrede l’après Lomé. Si les avantages ne sont plus aussi intéressants, il semble difficile que l’UEabandonne du jour au lendemain tout appui aux industries de certains partenaires (parexemple, aux conserveries des Seychelles, de Maurice, de Fidji… ).

Il est donc difficile de prévoir des alliances en ce domaine. On peut simplement signalerl’existence de préoccupations communes avec des pays à la fois désireux d’approvisionnerleur marché en raison de l’insuffisance de la production nationale (parfois en raison de sondéclin) et la protection de leur activité de pêche ou de leur industrie de transformation.

L’UE partage ainsi le souci de protéger:

• son industrie de la pêche avec le Japon, les États-Unis, la Corée du Sud, Taïwan et, sansdoute demain, la Chine, qui sont à la fois de grandes nations de pêche et des marchésimportants;

• son industrie de transformation avec des pays engagés dans la recherche d’une plusgrande valeur ajoutée comme la Malaisie, Singapour et; demain, la Thaïlande (pourcertains produits) ou la Chine, dont les marchés deviennent également plus importants dejour en jour.

L’exemple de la Thaïlande est révélateur d’une coexistence de préoccupations communes etd’intérêts différents.

Mais en dehors de ces intérêts globaux, le marché des produits de la mer est si segmenté, etcelui de l’UE, si complexe, qu’il est difficile d’adopter des stratégies communes. On peut icirépéter la question déjà posée: sur quelle base des décisions si contingentées, répondant à desbesoins spécifiques, si différents, vont-elles pouvoir permettre à l’UE d’adopter des positions

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communes avec tel ou tels pays en matière d’importations des produits de la pêche et del’aquaculture?

1.1.2. L’UE exportateur

En tant qu’exportateur, l’UE souhaite le maintien des facilités d’accès

• à des marchés de produits de faible valeur ajoutée, que l’UE exporte en grandesquantités (petits pélagiques au Nigeria, en Pologne, Égypte, Côte d’Ivoire, thons congeléspour les conserveries des Seychelles, d’Équateur ou de Thaïlande). L’accès à ces marchéscontribue, en effet, au maintien des flottes de grands chalutiers pélagiques et desimportants thoniers senneurs opérant sous pavillon communautaire et relevant d’Étatsmembres de l’UE;

• à des marchés de produits de valeur plus importante (Japon, États-Unis, Hong Kong,Taïwan, Corée du Sud et, de plus en plus, Chine).

L’Europe devrait donc se retrouver aux côtés des pays en développement, cette fois-cicomme exportateur, pour demander une facilité d’accès aux marchés des pays développés,mais elle est objectivement intéressée par toutes les formes de réciprocité en matièred’ouverture des marchés de pays en développement. Ces derniers devraient également êtreouverts à ces questions, en raison des besoins liés à la satisfaction de leur population en termede sécurité alimentaire ou à l’approvisionnement de leurs conserveries de thons.

Dans le document de travail du Parlement européen sur "La politique commune de la pêcheface aux défis de la mondialisation", cité précédemment, le rapporteur Daniel VarelaSuanzes-Carpegna mentionne "l’obligation d’instaurer un traitement de la réciprocité dansles échanges, en tenant compte non seulement des droits de douane frappant les exportationscommunautaires dans les pays tiers, mais aussi des mécanismes érigeant dans ces mêmespays des barrières non tarifaires qui, sous couvert de mesures de protection de la santé oude l’environnement, constituent des obstacles majeurs au fonctionnement correct du libreéchange".

L’UE opte pour une approche des barrières non tarifaires fondée sur des éléments pertinents.Dans ce domaine, elle peut donc trouver un terrain d’entente avec de nombreux paysexportateurs qui partagent la même inquiétude. Il y a là, pour l’UE, l’opportunité d’appuyerles revendications de pays en développement à l’OMC, et ainsi de trouver l’occasion derenouveler une politique de coopération sur des bases nouvelles.

En tant qu’exportateur l’UE peut donc s’associer avec d’autres pays pour demander:

• la justification de barrières non tarifaires, notamment de barrières techniques (enparticulier celles liées aux méthodes de capture, pour la pêche, et de production, pourl’aquaculture) utilisées largement par les États-Unis - dont les tarifs douaniers sont parailleurs particulièrement bas - fondées sur des arguments solides, afin d’éviter que cesdécisions dissimulent un protectionnisme déguisé;

• l’harmonisation et la transparence dans l’application de ces barrières non tarifaires,notamment en ce qui concerne des mesures sanitaires et phytosanitaires qui doivent sefonder sur des critères définis avec précision dans lesquels le Codex Alimentarius et les

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normes HACCP doivent jouer un rôle particulier toujours pour éviter que ces décisionsdissimulent un protectionnisme déguisé;

• une plus grande facilité d’accès aux marchés asiatiques. Il s’agit en effet d’améliorerl’accès au marché japonais où les droits de douane sont encore relativement élevés pourles produits de la pêche et de l’aquaculture: 5 % pour la majorité des produits, 10 % pourcertains autres (notamment les petits pélagiques, les céphalopodes, les crustacés...), 15 %pour les poissons fumés et certains mollusques. D’autres marchés d’Asie sont aussi visés,comme la Chine et Hong Kong, la Corée du Sud et Taïwan.

1.1.3. L’UE et la pêche durable

La tendance actuelle de la PCP est de réduire ou supprimer toute subvention qui n’encouragepas une pêche durable, et on a pu noter une convergence de vues sur la question. Il convientcependant de demeurer prudent, étant donné les divergences d’appréciation qui peuventapparaître dans la définition d’une pêche durable.

Ainsi, certains des pays signataires de la communication à l’OMC, visant à interdire lessubventions à des activités de pêche non durables, sont des partisans de la gestion des pêchespar quota individuel transférable (QIT). Certains de ces pays – c’est notamment le cas de laNouvelle-Zélande - ont tendance à avancer qu’une activité gérée par QIT est forcémentdurable. Mais il convient de signaler que l’existence de rejets, dans des pêcheries gérées parces moyens, vient démentir une attribution systématique d’un caractère durable.

1.2. Les forces et faiblesses de l’UE

1.2.1. Rappel de la dépendance de l’UE

Comme importateur, l'UE est fortement dépendante des fournitures des pays tiers, notammentde la Norvège et de l’Islande qui lui fournissent le quart de ses importations en valeur.

Si l’on distingue les différentes catégories de produits, on signalera, par ordre d’importance,les principaux fournisseurs de l’UE, en valeur, en matière de:

• poissons non transformés: Norvège, Islande, Russie, Féroé, États-Unis, Namibie,Argentine, Chine, Afrique du Sud;

• crevettes: Équateur, Argentine, Bangladesh, Thaïlande, Chine;

• gros crustacés: Canada, États-Unis, Argentine;

• céphalopodes: Maroc, Argentine, Sénégal, Inde, Thaïlande;

• préparations et conserves: Thaïlande, Islande, Norvège, Maroc, Côte d’Ivoire, Équateur,Etats-Unis;

• farines de poissons: Pérou, Norvège, Islande.

En tant qu’exportateur, l’UE doit être attentive au marché japonais qui représente plus ducinquième de sa valeur.

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Si l’on examine les différentes catégories de produits, on distingue, par ordre d’importance,les principaux clients de l’UE, en valeur, en matière de:

• poissons non transformés: le Japon (plus du quart de la valeur des exportations de l’UEavec une part importante de petits pélagiques), les États-Unis, le Nigeria (essentiellementles petits pélagiques) et la Suisse;

• mollusques: le Japon (plus de la moitié de la valeur exportée);

• préparations et conserves: la Suisse, les États-Unis et la Norvège;

• farines et huiles: la Norvège et l’Égypte.

1.2.2. Les principaux partenaires

Au sein de ces échanges, l’interdépendance entre la Norvège, membre de l’Espaceéconomique européen, et l’UE mérite d’être signalé. Premier fournisseur de l’UE (20 % envaleur, notamment pour les poissons non transformés, farines et huiles) et en troisièmeposition pour les produits transformés et les conserves, la Norvège est également un clientimportant de l’UE (6,0 % en valeur) en première position pour les farines et huiles, et entroisième pour les préparations et conserves.

C’est notamment le cas, quoique à un moindre degré, avec les États-Unis qui est le troisièmefournisseur de l’UE (4,5 % en valeur en 1999) - notamment pour les poissons nontransformés et les gros crustacés - et son troisième client (7,7 % en valeur en 1999),notamment pour les poissons non transformés et pour les préparations et conserves.

On peut encore citer comme pays partenaires, à la fois fournisseurs et clients, des pays aussidivers que la Russie (3,8 % des importations et 2,5 % des exportations en valeur), le Maroc(3,8 % des importations et 1,2 % des exportations en valeur), le Canada (3 % desimportations et 1,2 % des exportations en valeur), la Chine (2,2 % des importations et 3,1 %des exportations en valeur), la Côte d’Ivoire (1,3 % des importations et 3,8 % desexportations en valeur) et l’Équateur (1 % des importations et 3 % des exportations envaleur).

Enfin, quelques pays méritent être signalés en raison de leur importance:

• comme fournisseurs de l’UE:

- l’Islande (avec 8,4 % des importations en valeur, en seconde position pour lespoissons non transformés et les conserves et préparations);

- l’Argentine (3,7 % des importations en valeur, en seconde position pour lescéphalopodes, en troisième pour les crustacés);

- la Thaïlande (3,5 % des importations en valeur et, en première position, pour lespréparations et conserves);

- les Féroé (3,3 % des importations en valeur);

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- le Sénégal (2,2 % des importations en valeur et en troisième position pour lescéphalopodes);

- la Namibie et le Chili (chacun contribuant également à 2,2 % des importations envaleur) en bonne position pour les poissons non transformés (merlu, dans le premiercas, et saumon dans le second).

• comme destinataires des exportations de l’UE:

- le Japon, destinataire de près de 22 % des importations en valeur en 1999, largementen première position pour les poissons non transformés (notamment pour les petitspélagiques) et les mollusques;

- la Suisse (8,7 % des exportations en valeur), en première position pour lespréparations et conserves;

- le Nigeria (5,3 % des exportations en valeur), en troisième position pour les poissonsnon transformés notamment les petits pélagiques;

- la Pologne (3,5 % des exportations en valeur);

- l’Égypte (3,0 % des exportations en valeur) en seconde position pour les farines ethuiles.

2. Appréciation de l’évolution des négociations dans le domaine de la pêcheet conséquences sur la PCP

2.1. Appréciation de l’évolution des négociations dans le domaine de la pêche

Il est difficile de prévoir les évolutions des négociations dans le domaine de la pêche au vudes informations disponibles à ce jour.

On ne peut, à ce stade, qu’appréhender l’avenir de ces négociations sur la base des évolutionspassées ainsi que des grandes tendances en œ uvre.

Les grands thèmes de discussions, constatés à la fois dans les communications et dans lesplaintes adressées à l’OMC, comme auparavant dans le cadre de l'Uruguay Round, tournentautour de grands points centraux.

Ces grandes questions sont:

• les barrières non tarifaires, notamment:

- les mesures sanitaires et phytosanitaires dont le caractère indispensable est reconnu,mais pour lesquelles il existe une demande de justification rigoureuse, afin d’éviterleur utilisation abusive à des fins de protectionnisme.

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L’évolution devrait se poursuivre en direction d’une véritable harmonisation desréglementations dans le monde, d’une transparence accrue par une large diffusion etd’une plus grande rigueur dans l’application et la justification des mesures.

- les obstacles techniques au commerce, notamment ceux qui concernent lestechniques de production comme les méthodes de capture de la pêche. De plusgrandes réserves sont exprimées par de nombreux pays en développement qui ontadressé des plaintes à l'OMC à propos des restrictions à l’accès de certains marchés(notamment celui des États-Unis) basées sur ces critères.

La nécessité de la sauvegarde de la ressource et de la protection des écosystèmessera de plus en plus reconnue, avec l’aggravation des problèmes de surexploitationet d’atteintes à l’environnement. Mais il semble également probable que les paysexportateurs exigeront davantage de justifications pour ces mesures venantrestreindre les importations de leurs produits sur certains marchés. Une plus grandetransparence et de meilleures explications devront probablement accompagner cesmesures.

• la question des subventions aux pêcheries non durables, principal sujet descommunications adressées à l’OMC et qui, jointe au souci manifesté entre autres de nepas nuire aux potentialités des pays en développement, vise davantage le marchéeuropéen. L’UE y a en quelque sorte répondu par son Livre vert, en affichant son soucid’un développement durable de la pêche qui reste à définir de façon précise.

Comme pour les captures, l’aggravation des problèmes rendra cette notion de durabilité demoins en moins contestable. Par contre, sa définition évoquée n'en sera que plus nécessaire.Son usage à des fins de protectionnisme déguisé ou pour la défense de certains types degestion par rapport à d’autres, qui se présentent tous comme durables, devra amener às’interroger sur ce qualificatif et sur le bien-fondé de son application à telle ou telle pêcherie,à telle ou telle politique de pêche.

• la poursuite de la baisse des tarifs douaniers encore élevés sur certains marchés (Japon,Corée du Sud) qui sont réticents à accélérer le processus, au point d’aller à l’encontre desautres membres de l’APEC qui ont présenté des demandes précises en la matière.

Bien que l’évolution générale aille vers une diminution de ces tarifs, il faut reconnaître qu’ilssont encore relativement élevés (moyenne de 4,8 % au terme de l’Uruguay Round) parrapport aux autres "produits industriels" (moyenne de 3,8 % à la même époque) dont fontdésormais partie les produits de la pêche et de l’aquaculture. Si certains pays vont au-delà decette baisse (les États-Unis où beaucoup de produits bénéficient de droits nuls), dans d’autrespays comme le Japon, ils sont particulièrement élevés (5 % pour la majorité des produits,10 % pour plusieurs catégories d’espèces importantes, 15 % pour certaines) et sont justementmis en cause par ces revendications.

2.2. Conséquences sur la PCP

Comme écrit précédemment, la PCP est un compromis entre divers intérêts, davantage entredifférentes catégories socioprofessionnelles – et à l’intérieur de ces catégories – qu’entreÉtats membres. En effet, si par exemple l’Espagne appuie une mesure favorisant lesproducteurs et qui sera combattue par exemple par l’Allemagne soucieuse de ne pas pénaliser

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son industrie de transformation, cela relève davantage de l’importance respective de ces deuxactivités dans chacun des pays. Beaucoup d’autres États membres, où la différence de poidséconomique ou social sera moins nette, auront une position plus ambiguë.

La PCP elle-même est ambiguë, justement par ce qu’elle résulte de compromis entre le désirde satisfaction de ses pêcheurs, mareyeurs, transformateurs, consommateurs qui, en outre, àl’intérieur de chaque grande catégorie, sont loin d’avoir les mêmes positions. Dans la pêche,les intérêts de la petite pêche artisanale peuvent différer de ceux de la pêche hauturière,artisanale ou industrielle, ceux des fileyeurs s’opposer à ceux des chalutiers, ceux deschalutiers à pêche arrière de ceux des chalutiers à perche. On retrouve de possibilités deconflits d’intérêt d’États membres dans le partage des quotas, qui peuvent égalementinterférer avec les précédents (des pêcheurs d’un État membre pourront militer pour uneposition combative sur une espèce et certains de leurs compatriotes sur une autre… ).

Mais la PCP, si elle est véritablement décidée par le Conseil, résulte aussi des initiatives de laCommission qui elle-même comprend divers DG. Si l’on considère par exemple le commercedes produits de la mer avec des pays ACP qui ont conclu des accords de pêche avec l’UE, ilconcernera la DG pêche, la DG développement et la DG commerce qui ont toutes les trois –de fait, en raison de leur activité spécifique - des sensibilités différentes.

La PCP adoptant une position de compromis, elle trouvera donc toujours, parmi ses diversesfacettes, des points communs avec d’autres logiques. L’adéquation à ces dernières consisteradavantage à développer tel ou tel aspect, mais ne devrait pas provoquer de remise en causefondamentale de la PCP.

L'UE étant surtout importatrice, la plupart de ses producteurs auront tendance à souhaiter unmaintien des droits de douane et la plupart des transformateurs à vouloir leur réduction. Il estclair que la politique de baisse des tarifs, résultant des divers cycles du GATT et poursuiviedans le cadre de l'OMC, avantage globalement les seconds aux dépends des premiers. Maisce n’est pas systématique, car certains secteurs de la pêche visent avant toute chosel’exportation et seront donc également partisans d’une baisse des tarifs douaniers pourvuqu’elle concerne également leur marché. Ainsi, les chalutiers pélagiques géants européens,lancés durant la dernière décennie, ou les thoniers senneurs, capturant le thon rouge enMéditerranée, auront tout à gagner de la baisse des tarifs, sur le marché japonais par exemple.

À ce jour, au vu des tendances exprimées sur l’avenir de la PCP, notamment dans son Livrevert, si elles sont confirmées, il n’existe pas véritablement d’opposition de principes entre lesprincipaux points de discussion de l'OMC et la PCP.

Ainsi, la PCP ne semble pas, bien au contraire, aller à l’encontre des demandes plus fortesconcernant les barrières non tarifaires et leur harmonisation. Il ne semble pas qu’il y ait eude velléité de porter à l'OMC les interdictions temporaires d’entrée de produits en provenancede certains pays en développement, sans doute parce que ces mesures se fondaient sur descritères précis, rigoureux, similaires à ceux exigés au sein de l'UE. On doit encore rappelerque les pays en développement ne contestent pas le bien-fondé de ces interdictions, maisveulent être assurés qu’elles sont bien fondées.

La PCP ne semble pas devoir aller à l’encontre des autres mesures, comme celles quiconcernent la production qu’elle applique à ses pêcheurs (l’interdiction totale de l'usage desfilets maillants en a témoigné), sans apparemment en faire un usage abusif vis-à-vis des paystiers exportant sur le marché de l’UE.

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Dans un autre type de barrières non tarifaires, on peut mentionner les mesures antidumpingque la réglementation communautaire a elle-même appliquées vis-à-vis des saumonsd’élevage de Norvège, à la grande satisfaction des producteurs européens, peut-être moins àcelle des transformateurs.

La question des subventions à des pêches non durables, si elle a pu se poser, semble moinsd’actualité. Le développement des moyens de capture de petits pélagiques concerne desstocks qui, a priori, ne sont, à ce stade, pas menacés et elle peut arguer de la poursuite deréduction des flottes de chalutiers démersaux, opérant sous pavillon communautaire.

Comme il l'a été écrit précédemment, des différends peuvent survenir quant à la définitionprécise d’une pêche durable, en rappelant que certains des pays signataires descommunications adressées à l'OMC sur ce sujet mettent en œ uvre une gestion des pêches parquotas individuels transférables et auront peut-être tendance à considérer que seules cespêcheries présentent un caractère durable. L'UE devrait alors pouvoir arguer du caractère toutaussi durable de sa politique de restriction de la flotte dont elle reconnaît la faiblesse passée,en raison des progrès techniques permettant l’augmentation de l’effort de pêche, mais qu’ellecompense aussitôt en avançant que ces progrès techniques sont désormais pris en comptedans les modalités de calcul de réduction des flottilles.

3. Conclusion

En conclusion, on peut remarquer qu’il n’existe pas d’opposition de fonds entre lesprincipaux questionnements de l’OMC et les évolutions de l’organisation et la PCP.

Celle-ci conserve une orientation très libérale en terme de liberté des échanges, tout enprenant progressivement en compte la nécessité de protection de l’environnement – même sijusqu’à une date récente elle était plus orientée vers la conservation des ressourceshalieutiques que vers la protection des écosystèmes. Mais, au sein de la Commission, laDG Développement a adopté cette approche qui rejoint d’autres préoccupationscommunautaires, comme la protection de l’environnement marin, que de récentes pollutionsmaritimes ont récemment ravivées.

De même, les positions divergentes de la DG Pêche et de la DG Développement, dans ledomaine des accords de pêche par exemple, ont considérablement évolué, pour désormaisprendre en compte les objectifs de développement dans les stratégies mises en œ uvre dans cesaccords, même si les intérêts des producteurs européens entraînent parfois des positions decompromis où ces préoccupations se voient réduites.

S’il n’y a pas d’opposition globale, c’est donc dans les modalités d’application et dans lesdéfinitions de certains concepts que des différends pourront survenir. Il conviendra donc desuivre avec attention les échanges de vue concernant le concept de pêche durable et desconséquences qui en seront tirées par les uns et par les autres.

On pourrait résumer la position officielle de l’UE vis-à-vis de l'OMC dans les produits de lapêche et de l’aquaculture comme un appui à une mondialisation qui soit véritablementuniverselle et non au seul service des intérêts des grandes puissances. L'Après-Lomé amènerapeut-être l’UE à apporter sa propre vision du monde et à soutenir les pays en développementdans leur stratégie d’exportation.

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Ce souci exprimé par nombre de pays en développement semble se justifier pleinement pourdes espèces à haute valeur destinées à contribuer avant tout à procurer des devises (exemple:crevettes) ou à sauvegarder des emplois (exemple: conserveries de thon). Il convient parcontre de signaler qu’il peut se poser tôt ou tard la question de la pertinence de cette stratégied’exportation de produits qui auraient pu être plus utiles à l’alimentation des populations despays concernés.

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- THOMSON, D., "HACPP – overview and oversight", Infofish International, n°2, février 1996,pp. 44-51

- WESSELLS, C.R., "Barriers to international trade in fisheries", FAO 2000, www.globefish.org,17/01/01.

Page 83: LES STRATÉGIES DES MEMBRES DE L'OMC DANS LE DOMAINE … · 3.1. L’UE: principalement un importateur de produits de la pêche et de l’aquaculture Il convient de rappeler que l’UE

L'OMC et la pêche

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