les sept familles de l'isr

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Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/166382 [Downloaded 2022/01/16 at 04:55:42 ] "Les sept familles de l'ISR" Petitjean, Mikael ABSTRACT Evaluer l’importance d’un univers aussi difficile à circonscrire que l’ISR constitue un défi. Sa qualité est également souvent sujette à caution: le réseau Financité, dans sa dernière étude, octroyait une note nulle à 87% des 311 fonds étudiés. La raison tient notamment au fait qu’il existe plusieurs stratégies d’ISR. Nous en identifions sept principales, qui peuvent se combiner. CITE THIS VERSION Petitjean, Mikael. Les sept familles de l'ISR. In: B NQ Quaterly, Vol. 2015, no. Octobre, p. 26 (2015) http:// hdl.handle.net/2078.1/166382 Le dépôt institutionnel DIAL est destiné au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques émanant des membres de l'UCLouvain. Toute utilisation de ce document à des fins lucratives ou commerciales est strictement interdite. L'utilisateur s'engage à respecter les droits d'auteur liés à ce document, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit à la paternité. La politique complète de copyright est disponible sur la page Copyright policy DIAL is an institutional repository for the deposit and dissemination of scientific documents from UCLouvain members. Usage of this document for profit or commercial purposes is stricly prohibited. User agrees to respect copyright about this document, mainly text integrity and source mention. Full content of copyright policy is available at Copyright policy

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Page 1: Les sept familles de l'ISR

Available at: http://hdl.handle.net/2078.1/166382 [Downloaded 2022/01/16 at 04:55:42 ]

"Les sept familles de l'ISR"

Petitjean, Mikael

ABSTRACT

Evaluer l’importance d’un univers aussi difficile à circonscrire que l’ISR constitue un défi. Sa qualité estégalement souvent sujette à caution: le réseau Financité, dans sa dernière étude, octroyait une note nulleà 87% des 311 fonds étudiés. La raison tient notamment au fait qu’il existe plusieurs stratégies d’ISR.Nous en identifions sept principales, qui peuvent se combiner.

CITE THIS VERSION

Petitjean, Mikael. Les sept familles de l'ISR. In: B NQ Quaterly, Vol. 2015, no. Octobre, p. 26 (2015) http://hdl.handle.net/2078.1/166382

Le dépôt institutionnel DIAL est destiné au dépôtet à la diffusion de documents scientifiquesémanant des membres de l'UCLouvain. Touteutilisation de ce document à des fins lucrativesou commerciales est strictement interdite.L'utilisateur s'engage à respecter les droitsd'auteur liés à ce document, principalement ledroit à l'intégrité de l'œuvre et le droit à lapaternité. La politique complète de copyright estdisponible sur la page Copyright policy

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Page 2: Les sept familles de l'ISR

Quarterly

Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect

PERSPECTIVES ON BANKING

Investir dans unmonde meilleur

Luc Tayart de Borms (Fondation Roi Baudouin) et Stéphane Vermeire(BNP Paribas Fortis) évoquent les investissements socialement responsables

Page 3: Les sept familles de l'ISR

B NQB NQ est une plateforme de contenu de cross médias consacrée à la banquesocialement responsable et moderne. Au travers de la diffusion d'informations,B NQ entend ouvrir le débat et le dialogue sur la base de récits remarquables,innovants et concrets. Cemagazine a été publié le 15 octobre 2015 www.lecho.be/bnq

Giuseppe van der HelmPrésident d’Eurosif et directeur exécutif de l’Association néerlandaise des

investissements dans le développement durable (VBDO)

édito Céline Louche:

“Ne laissons pas l’ISRse diluer dans les

critères financiers”

4

Table-ronde: nos 5experts partagentleur vision desinvestissementsdurables

8

20Les fonds durables

ont surtout unimpact dans les pays

émergents

Notre mission? Rendre les marchés financiers plus durables.Tous les deux ans, Eurosif établit un rapport dans lequel nousanalysons lemarchéde l’investissement durable. Celui-ci enregistreune croissance significative. Un euro sur deux investis aujourd’huil’est dans un investissement responsable. C’est la définition laplus large de l’investissement durable. Même si l’on durcit lescritères, la croissance n’a jamais ralenti ces 10 dernières années.Elle n’a fait que s’accélérer. Ce constat fait l’unanimité.L’investissement socialement responsable n’est plus l’apanagede quelques philanthropes: il est synonyme de rendement danstrois domaines, financier, environnemental et social. Ces troisrendements sont pertinents. Ainsi, celles et ceux qui continuentà investir dans le secteur de l’énergie fossile se verront un jourprésenter la note. Les dégâts causés à l’environnement, le faitque les combustibles fossiles soient presque épuisés ne sontpas les seuls risques: pensez aux investisseurs qui se tournerontvers les tribunaux au motif que leurs fonds de pension ontcontinué à investir dans ces entreprises dont la valorisation s’estbrutalement effondrée à la suite d’une augmentation de lapression fiscale sur les émissions de CO2. Et ce, malgré les nom-breux avertissements...Par définition, l’investissement durable intéresse avant tout l’in-vestisseur de long terme. On investit dans des entreprises quirecherchent des solutions. Car de véritables solutions sont in-dispensables. Pour un assureur, le changement climatique estune réalité économique. Il devra en effet indemniser les dégâtscausés par les catastrophes dont il sera directement à l’origine.Il a donc tout intérêt à investir dans des entreprises qui émettentmoins de CO2 et contribuent ainsi à l’émergence d’une solution.Les grandes entreprises sont assurément attentives au dével-oppement durable. Entre 80 et 90% des sociétés que nous ap-prochons s’en préoccupent déjà. Les entreprises recherchentdes idées, desmesures pratiques. C’est logique. Ces entreprises,en proposant des réponses aux défis de l’avenir, développentun avantage concurrentiel et réduisent le risque. Deux facteursintéressants pour les investisseurs. Pourtant, le développementdurable n’est pas réservé aux grandes entreprises, bien aucontraire. Les PME y sont de plus en plus confrontées – il s’agitsouvent d’une préoccupation majeure de leurs clients. En outre,elles sont plus à même que quiconque de réagir rapidement àun changement. Petites et agiles, elles disposent de la flexibilitéet du dynamisme indispensables à une innovation rapide.

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Une initiative de BNP Paribas Fortis en collaboration avec Echo Connect.Coordination : Veronique Soetaert Lay-out : David Steenhuyse Photos : Frank ToussaintE.R. : WalterTorfs, rue des Sols 2, 1000 Bruxelles

OursEcho Connect offre aux entreprises, organisations et organismespublics l’accès au réseau de L’Echo, pour partager leur vision,leurs idées et leurs solutions avec la communauté de L’Echo.Le partenaire impliqué est responsable du contenu.

CONNECT

Impact investing:Piet Colruyt veut “prêcherla troisième voie”

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Ce qui est durablen’est pas forcément cher

Peut-on combiner rendement, développementdurable et philanthropie?

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L'ABC de l’investissementsocialement responsable6

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Page 5: Les sept familles de l'ISR

Céline Louche

Ne laissons pas l’ISRse diluer dans lescritères financiers

Page 6: Les sept familles de l'ISR

I Investissement durable I

L’ISR, qui a remplacé, dans les années 1990, l’investisse-ment éthique, a ensuite perdu du terrain au profit del’ESG (environnement, société & gouvernance). Ce glis-sement n’est pas neutre: il correspond à une financia-

risation des critères. Ceux-ci deviennent de plus en plus tech-niques pour “coller” aux impératifs de la sphère financière,que l’on craint d’effrayer par trop d’exigences. On quantifietout, car on perçoit la technicité comme un gage de crédibilité.Mais tout n’est pas chiffrable!Ainsi, l’ISR s’est adapté à la logique financière pour gagnerune légitimité auprès du secteur financier et sortir de l’imageréductrice dont il souffrait (une niche d’activistes ignorant lesréalités de l’argent). De leur côté, les grands acteurs financiersse sont appropriés le concept, sous la pression des partiesprenantes et notamment de leurs clients. Conséquence: onchoisit fréquemment le plus petit dénominateur commun. Plusgrave, ce mécanisme fait perdre de vue les objectifs mêmesde l’ISR: l’éthique, la responsabilité, la soutenabilité.Nous devons lutter contre cette tendance à regarder l’ISR parle petit bout de la lorgnette. Par exemple, redonner du sens àl’ISR implique de sortir du regard micro économique auquel lafinance se limite presque toujours. En se préoccupant seulementde la soutenabilité de l’entreprise dans laquelle elle projette uninvestissement ISR, elle néglige les échelles sectorielle, sociétale,globale, etc. Elle se concentre sur la matérialité, c’est-à-dire larentabilité et le risque; elle applique des matrices en ignorantla vision systémique. Personne ne prétend que de tels indicateurssociaux et environnementaux sont aisés à définir. L’un desdéfis consiste précisément à inventer de nouveaux outils. Ilfaut sortir de l’obsession du business case qui met trop l’accentsur la profitabilité au sens financier.

L’ISR (investissement socialement responsable) s’est répandu dansle secteur financier, au point que quasiment toutes les grandes insti-tutions, et les principaux fonds, disposent d’équipes affectées àl’évaluation de la performance sociale et environnementale desentreprises. On peut se réjouir de cette diffusion (phénomène queles financiers nomment mainstreaming) car elle contribue à atteindrela “masse” critique. On estime aujourd’hui à 15% le nombre desinvestissements qui répondent à ces critères. Pour autant, il faut êtreconscient que cette expansion est allée de pair avec une “dilution”des principes fondateurs de l’ISR.

IL EST INDISPENSABLE DERÉINTRODUIRE DU DÉBATDANS L’ISR.

Céline Louche

I 5 I

Au vu de cette évolution, l’ISR serait-il à mettreau rebut? Je n’en crois rien. À mon sens, lesparties prenantes doivent se le réapproprier,relancer et entretenir le débat. La tâche estd’ampleur, le marché manque de transparence,et certains acteurs en entretiennent sciemmentl’opacité. Mais on peut commencer à changerle monde avec son portefeuille. Dès qu’on a uncompte dans une banque, on est un investisseur,car les banques ne gardent pas les fonds dansleurs tiroirs, elles les placent! La première actionque tout citoyen peut engager, c’est de poserdes questions à sa banque. Des organismescomme Ethibel et Novethic accordent des labelspour guider les consommateurs. Plus largement,il est indispensable de réintroduire du débatdans l’ISR, afin de ne plus perdre de vue sesnobles – et indispensables – objectifs. ||

Céline LoucheProfesseur associé, Audencia Ecole de Management, Nantes

Co-responsable de la chaire “Microfinance et Vulnérabilité financière”,responsable de l’axe de recherche en RSE

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ESG"Environnement, société & gouvernance".Ces critères mesurent l’impact d’une en-treprise sur l’environnement et la société,ainsi que la qualité de sa gestion. Ils contri-buent à estimer les risques des investisse-ments. Ainsi les critères ESG doivent-ilspréserver les investisseurs en fonds descontroverses comme des catastrophes en-vironnementales et des violations desdroits de l’Homme. Ceci dit, les fonds ESGn’excluent pas systématiquement des en-treprises ou secteurs donnés.

Fonds de fonds éthiqueUn fonds qui investit exclusivement dans d’autres fonds de placementéthiques. L’avantage pour les investisseurs: ils ont accès aux meilleursfonds du marché à partir d’un seul fonds et ce, avec une grande diversi-fication. De plus, ils peuvent investir dans des fonds qui ne sont parfoispas ouverts aux investisseurs particuliers. L’inconvénient: les fonds defonds facturent des frais à la fois pour eux-mêmes et pour les fondssous-jacents.

l Investissement durable l

I 6 I

Best-in-classFonds multi-sectoriels qui sélectionnent uniquementles meilleures entreprises d’un secteur sur le planécologique et social, à condition qu’elles respectentégalement les principes de bonne gouvernance. Labanque sélectionne généralement les 25%d’entreprisesqui obtiennent les meilleurs scores sur ces critères.

ABC del’investissementsocialementresponsableVous désirez investir votre argent de façon socialementresponsable? Petit résumé des concepts-clés de l’ISR.

ActionnariatengagéStratégie utilisée dans l’univers desinvestissements socialement respon-sables. En jouant un rôle actif, lesgestionnaires de fonds garantissentque les actionnaires contrôlent ef-fectivement le caractère socialementresponsable des décisions des en-treprises en portefeuille, notammenten matière de politique de rémuné-ration des administrateurs.

Impact investingInvestissements dans des entreprises qui, outre un rendementfinancier, veulent apporter une plus-value sociale et sociétale. Alorsque l’investissement socialement responsable est souvent défini demanière négative – éviter les entreprises ou secteurs indésirables –l’approche de l’impact investing se veut beaucoup plus positive. Aulieu de ne pas investir dans les compagnies pétrolières, ces fondsmisent par exemple sur des entreprises qui développent de nouvellesformes d’énergies renouvelables.

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RSILes fonds qui adhèrent auxprincipes de la responsabilitésociale de l’investisseur (RSI)placent leur argent dans desentreprises qui allientconscience environnementale,respect pour les questions so-ciétales et stratégie claire enmatière de gouvernance. Ladifférence entre les critères ESGet la RSI réside dans le fait queles premiers ne sont qu’un filconducteur indicatif, alors quela deuxième exclut par définitionenviron un tiers des entreprises.Parfois pour des raisons liées àla gestion des risques, maisaussi pour des considérationsmorales et éthiques. Parmi ces"tabous", citons notamment lesjeux de hasard, la pornographie,l’alcool, le tabac et les armes.

I 7 I

l Investissement durable l

L’entrepreneurdurable

La responsabilité sociale desentreprises fait aujourd’huipartie intégrante de la so-ciété. Mais ce qu’on entend

exactement par développement du-rable peut varier. Certes, plusieursthèmes semblent revenir systémati-quement: respect pour les collabo-

rateurs, respect pour les clients et fournisseurs, respectpour les générations futures. Les accents, cependant,diffèrent selon l’entreprise, le secteur et l’année. L’empreintedu CO2 joue sans doute un plus grand rôle pour unecompagnie pétrolière que pour une entreprise de services.Laquelle se souciera davantage de la parité hommes-femmes, par exemple.C’est un premier constat important: il n’existe pas de règledéfinitive sur ce qu’implique exactement la responsabilitésociale des entreprises. Si chacun ressent plus ou moins cedont il s’agit, il est difficile de comparer le caractère durablede deux entreprises différentes.Deuxième question à se poser: les sociétés entrepren-nent-ellesmieux lorsqu’elles le font demanière socialementresponsable? L’expression "entreprendre de manière so-cialement responsable" suggère qu’"entreprendre", sansprécision, ne serait pas socialement responsable. Commesi tout entrepreneur serait de facto nuisible pour la société– sauf s’il se plie implicitement à certaines règles déonto-logiques. C’est une hypothèse particulièrement radicale.Un entrepreneur réellement soucieux de l’avenir de sonentreprise doit tenir compte de tous les facteurs ambiants.Une entreprise qui ne s’intéresse qu’aux résultats financiersn’aura sans doute pas la vie longue. De bonnes relationsavec les travailleurs, les fournisseurs, les clients, les pouvoirspublics et le monde associatif relèvent de la gestion res-ponsable. Une entreprise réellement intéressée par sonavenir à long termeenvisagera également son environnementau sens large.Comme l’environnement concurrentiel et le climat écono-mique, le regard de la société sur l’entrepreneur responsableévolue constamment. Tout bon entrepreneur prendra cettedimension en considération. Hier, c’était la transparencecomptable, aujourd’hui l’empreinte écologique, et demain,peut-être, la qualité de la politiqued’intégration desmigrants.Un bon entrepreneur doit tenter d’intégrer tous les facteursambiants dans sa réflexion, tant financiers et économiquesquemoraux et sociaux. Il se trouve au centre de l’économiecommede la société. En d’autres termes, tout entrepreneurpréoccupé par l’avenir à long terme de son entreprise estun entrepreneur socialement responsable.

Peter De Keyzer, Chief Economist chez BNP Paribas Fortis

Normescomme basede screeningLe gestionnaire de fonds contrôle chaque entreprisepar rapport à des normes écologiques et socialesspécifiques, et en fonction de la qualité de sagestion. Si une entreprise du portefeuille nesatisfait plus aux normes, le gestionnaire de fondsa deux possibilités: laisser tomber l’entreprise ouengager le dialogue jusqu’à obtenir un changementvers plus de durabilité.

RendementL’"indice éthique" MSCI KLD 400 "filtre" l’univers américaindes actions en excluant notamment le tabac, l’alcool, le jeu, lesarmes et la pornographie. Les entreprises restantes sont ensuiteévaluées selon leur caractère durable, notamment par le biaisdes critères ESG. Depuis 1990, le KLD 400 affiche un rendementnon corrigé selon l’inflation de 7,9%, contre 6,9% pour leS&P500.

RSELa responsabilité sociale de l’entrepriseest l’application du développementdurable au monde de l’entreprise.C’est la manière dont l’entreprise in-tègre des critères environnementaux,sociaux et de gouvernance (ESG)dans sa stratégie et sa politique gé-nérale. La responsabilité sociale del’investisseur (RSI) est la manière dontles investisseurs intègrent la RSE dansleurs choix d’investissement.

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l Investissement durable l

Les investissements durables ont le vent en poupe. Pour autant, denombreux investisseurs se posent des questions quant à cette classed’actifs. Pour y répondre, ces cinq experts ont accepté de partager leurvision.

Investir dansun mondemeilleur

Jusqu’il y a peu, les investissements so-cialement responsables (ISR) étaient en-core méconnus de la majorité des inves-tisseurs. Depuis, le marché des ISR a

opéré une percée spectaculaire. En 1999, cesfonds comptabilisaient environ 11 milliards d’eurosd’actifs sous gestion. Dix ans plus tard, ils enétaient à 53 milliards d’euros et, à la fin de 2014,à 127milliards d’euros, selon les données fourniespar le bureau d’enquêtes Vigeo.De plus en plus d’investisseurs ne se laissentplus guider uniquement par des critères financiersdans leur processus décisionnel. “La performance

des investissements durables n’a certainement rien à envier àcelle de leurs homologues traditionnels. En outre, ils offrentbeaucoup plus de stabilité à long terme.” Telle est la conclusionde nos experts, Guy Janssens (Senior SRI Fund Specialist chezBNP Paribas Fortis), Frederik Meheus (responsable de la com-mercialisation pour le gestionnaire de fonds européen BlackRock),Herwig Peeters (directeur du Forum Ethibel), Luc Van Damme(CFO du diocèse d’Anvers) et Virginie Xhauflair (professeurtitulaire de la Chaire Baillet Latour en “philanthropie et investis-sement social”).

Entrée dans le langage commun, l’expression “investisse-ment durable” a de nombreux synonymes. Que recouvre-t-elle exactement?Virginie Xhauflair: “Lorsqu’on parle d’investissements socialementresponsables, on vise les placements qui ne sont pas exclusivementsélectionnés sur la base de critères financiers. Le processus desélection s’est élargi et englobe aujourd’hui des critères éthiques,sociaux et de durabilité. Sur ce principe, tout le monde est

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d’accord. Mais cette définition est tellement large qu’elle autoriseunemultitude de points de vue et d’interprétations. Par exemple,on confond souvent investissement durable et placementséthiques; or, ces expressions ne sont pas synonymes. Un inves-tisseur éthique va par exemple prendre en compte la bonnegouvernance de l’entreprise, tandis qu’un investissement durableplace surtout l’accent sur l’impact social.”

Frederik Meheus: “C’est là que le bât blessait dans le passé.Avec ces définitions différentes, il était très difficile de trouverun dénominateur commun et de développer des produits sus-ceptibles d’intéresser un large public. Aujourd’hui, on se retrouveencore confronté à de nombreuses visions divergentes, maisl’intérêt des investisseurs individuels a considérablementaugmenté. Cela facilite grandement les choses lorsqu’il s’agit depréparer une offre de produits appropriés.”

Herwig Peeters: “On ne peut échapper au fait qu’il existe unevariété d’approches. Pensez à l’exclusion de secteurs controversés,

LES CRITÈRES DE DURABILITÉPERMETTENT DE TESTERLA VISION À LONG TERMEDES ENTREPRISES ET DECOMPLÉTER L’ANALYSEPUREMENT FINANCIÈRE.

Guy Janssens, BNP Paribas Fortis

De gauche à droite:Virginie Xhauflair(Université de Liège),Luc Van Damme(diocése d’Anvers),Frederik Meheus(BlackRock),Herwig Peeters(Forum Ethibel) etGuy Janssens(BNP Paribas Fortis).

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l Investissement durable l

à la sélection positive des meilleurs éléments dans un secteurdonné, à l’adéquation de certaines activités avec les traités in-ternationaux, à l’approche thématique qui vise certains défissociaux spécifiques. Sansmême parler du concept de communityinvesting, d’impact investing, d’actionnariat militant ou de l’in-tégration des critères ESG (“environnement, société & gouver-nance”, NDLR). En réalité, le fait que différents investissementssocialement responsables portent la même dénomination gé-nérique n’est pas en soi un véritable problème, car chaque ap-proche a ses avantages. La seule exigence réelle réside dans lanécessité de faire toute la transparence sur ce que recouvre leconcept.”

Boîte noireIl n’existe pas de définition unique des investissements

durables, et chaque institution peut en donner sa propre in-terprétation. Est-ce un problème en termes de transpa-rence?Guy Janssens: “Les investisseurs n’acceptent plus de se retrouverface à une ‘boîte noire’ dont personne ne connaît le contenu. Latransparence est donc devenue très importante. Nous avonsdéjà parcouru un long chemin; pensez à la directive MiFID, quiprévoit certaines obligations d’information des clients. Demême,il est de la responsabilité d’un fonds d’investissement dedémontrer qu’il est réellement durable. Les investisseurs quioptent pour un fonds sur le thème de l’eau partent du principequ’ils investissent essentiellement dans ce secteur. Toutefois, cen’est pas toujours le cas. Lorsque nous recommandons un fondsdurable sur le thème de l’eau et de l’énergie, nous voulons queles entreprises sélectionnées dans le portefeuille consacrent aumoins la moitié de leurs activités à ces secteurs. Les investisseursdoivent avoir cette garantie.”

Virginie Xhauflair: “C’est une erreur d’exiger de la transparenceuniquement de la part des banques. Les entreprises qui fontappel au soutien financier des fonds durables doivent, ellesaussi, être suffisamment transparentes par rapport à leursactivités. Sur le plan du reporting, qui reste la base d’une analyseclaire des critères de durabilité, il reste du pain sur la planche.D’un point de vue qualitatif également, l’information laissesouvent à désirer. Heureusement, le succès croissant des inves-tissements durables permet d’être optimiste. Si les banques ac-cordent davantage d’importance aux critères ESG et les évaluentde manière plus approfondie, les entreprises devront évoluerdans le sens d’un reporting plus transparent. Dans ce domaine,elles ont beaucoup à apprendre des entreprises sociales, quiont moins facilement accès aux moyens financiers mais quisavent comment cartographier leur véritable impact social.”

Luc Van Damme

Virginie Xhauflair Frederik Meheus

Guy Janssens

Frederik Meheus: “L’évolution vers plus de trans-parence suit son cours. Les factsheets de nosfonds durables comptent déjà plusieurs para-mètres mesurant clairement la durabilité. Unbel exemple: la mesure des émissions de CO2

avec une indication des résultats obtenus. Lenombre de brevets ‘verts’ déposés par une en-treprise peut aussi être un paramètre important.Ces mesures rendent l’impact plus concret etcompréhensible pour le Belgemoyen. En réalité,c’est toute l’industrie des fonds – en collaborationavec des institutions indépendantes et desagences de rating – qui devrait s’accorder pourdéfinir les paramètres devant à tout prix êtrecommuniqués. Cela est désormais possible grâceaux avancées technologiques. L’analyse des BigData permet, à grande échelle, de passer lesentreprises au crible afin d’évaluer à la fois leurimpact positif et leurs résultats financiers. Cettedémarche déboucherait sur une transparenceaccrue et permettrait de combiner objectifs dedurabilité et rendement financier.”

L’offre et la demandeLes investissements durables ont la cote

depuis plusieurs années. Comment expliquercet engouement?Frederik Meheus: “La jeune génération estconvaincue de la nécessité d’opérer des chan-gements positifs si nous voulons rendre notremonde plus vivable. Les institutions financières

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l Investissement durable l

Herwig Peeters

de leur légitimité. Les autorités pourraient y contribuer encréant un cadre de référence. Il s’agit de donner une définitionet de fixer des critères, mais aussi de mettre en place des méca-nismes de screening, de suivi et de contrôle. L’objectif d’un telcadre est d’éviter qu’un scandale vienne nuire à la crédibilité del’ensemble de l’industrie.”

Travail des mineurs et commerced’armesLuc Van Damme: “Les autorités ont encore beaucoup à fairepour encourager la durabilité auprès des entreprises. Il fautaussi lutter contre la pauvreté. Dans notre société, de nombreuxcitoyens accordent trop peu d’importance à l’éthique, tout sim-plement parce que leur principale préoccupation est de subvenirà leurs besoins de base. Si les individus pouvaient économiserdavantage, ils seraient plus intéressés par les investissementsdurables. Parallèlement, les autorités doivent prendre davantagede mesures pour assainir les marchés financiers. La volatilitéque nous connaissons actuellement est une conséquence directede la spéculation à court terme. Cette situation déstabilise lesbourses et entre en contradiction flagrante avec les principesde durabilité. La mise en place d’un cadre légal très strict pourles vendeurs à découvert (shorters) et de pénalités fiscales surles plus-values réalisées à court terme serait déjà un pas dans labonne direction. Même si ce n’est pas suffisant.”

Qu’attendent les investisseurs des placements durables?Luc Van Damme: “En tant qu’institution religieuse, nous géronsles fonds récoltés dans une certaine optique et avec des attentesclaires. Il en résulte un profil d’investissement défensif. Nousavons des accords précis avec notre banque pour exclurecertains types d’activités. Par exemple, nous refusons d’investirdans les entreprises impliquées dans le travail des enfants, lecommerce d’armes, la pollution. L’approche des fonds thématiquesnous intéresse également, car il est important de veiller à l’avenirde notre planète. En fait, nous travaillons avec la banque sur leprincipe d’une gestion discrétionnaire: nous avons des accordsclairs et précis, et les analystes font leur travail à l’intérieur de cecadre.”

Guy Janssens: “Le temps où la durabilité ne jouait un rôlequ’auprès d’un petit nombre d’investisseurs est révolu. Lesprincipes ESG trouvent de plus en plus écho dans le vasteunivers de l’investissement. Avant 2008, on sélectionnait desactions, des obligations et des fonds d’investissement en fonction

DE NOMBREUSES ÉTUDES DÉMONTRENTQUE LES INVESTISSEMENTS DURABLESOFFRENT LE MÊME RENDEMENT QUELES INVESTISSEMENTS TRADITIONNELS.

Herwig Peeters, Forum Ethibel

se retrouvent face à des clients qui ont unevision claire de la manière dont ils veulentcomposer leur portefeuille. Ce n’est pas unhasard si les grandes institutions ont désormaisdes managers RSE à temps plein, dont le travailconsiste à tracer les lignes directrices desnouvelles stratégies. Il ne faut certainement passous-estimer cet impact.”

Herwig Peeters: “En fin de compte, c’est l’offrequi domine le marché. Si les banques proposentplus de produits d’investissement durables, ellesen vendront automatiquement davantage. L’offrecrée la demande.”

Guy Janssens: “C’est pourquoi il est tellementimportant que les grandes institutions financièresprennent l’initiative. BNP Paribas Fortis a lancéen 2011 une première campagne axée sur les in-vestissements durables à grande échelle. Depuis,nous enregistrons une hausse annuelle d’aumoins 140%. Nous avons aujourd’hui 20.000clients qui ont structuré leur patrimoine exclusi-vement sur la base d’investissements durables.Une autre partie investit demanière occasionnelledans des fonds thématiques, pour miser surcertains défis spécifiques comme la pénuried’eau et les énergies alternatives.”

Les autorités ont-elles un rôle à jouer pourencourager les investissements durables?Virginie Xhauflair: “S’il est un grand défi qui at-tend lemonde des ISR, c’est bien le renforcement >

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l Investissement durable l

des résultats financiers des entreprises. Depuis,même les gestionnaires de fonds traditionnelsintègrent des critères de durabilité dans leurprocessus décisionnel. Cela permet de tester lavision à long terme des entreprises et decompléter l’analyse purement financière.”

Moyens de pressionQuel est l’impact des fonds durables sur

l’économie réelle?Guy Janssens: “À mesure que les fonds ISRgagnent en importance, les entreprises se pré-occupent davantage des critères ISR. Pour elles,c’est la seule manière de pouvoir faire appel auxcapacités financières des fonds durables. Maiségalement un moyen de pression qu’il ne fautpas sous-estimer si nous désirons que les entre-prises s’engagent pleinement. C’est précisémentpour cette raison qu’il est important de ne pasexclure trop vite certains secteurs. Il est évidentqu’un domaine comme l’industrie de l’armementn’a pas sa place dans une offre d’investissementsdurables. Pour le secteur de l’énergie, la situationest tout autre. Bien entendu, il s’agit d’uneactivité polluante, mais nous voulons encouragerces entreprises à polluer moins. Si nous excluonsd’emblée les producteurs d’énergie de l’universdes investissements durables, nous perdons nosmoyens de pression et nous leur laissons carteblanche. Prenez Royal Dutch Shell: auparavant,c’était une société essentiellement pétrolière.Aujourd’hui, 60% de sa production provient del’extraction de gaz, moins polluante. L’impactest donc bien réel.”

Herwig Peeters: “Il ne faut pas sous-estimerl’influence de la prise en compte des critèresESG par les grands investisseurs institutionnels.Le mouvement est en route. Les critères ESGferont bientôt partie intégrante du processus

de sélection des actions, aumême titre que les critères financiers,y compris pour les fonds d’investissement classiques. Ainsi, lescritères de durabilité gagnent progressivement du terrain surl’échiquier des placements traditionnels. Les fonds durables neperdent pas pour autant leur utilité, car ils possèdent toujoursune longueur d’avance sur les fonds traditionnels, en excluantcertaines activités ou en sélectionnant uniquement lesmeilleuresentreprises de leur secteur. Dans ce domaine, ils placent toujoursla barre plus haut que les fonds traditionnels.”

L’univers des fonds durables est par définition plus limitéque celui des fonds traditionnels. Ces limites ont-elles un ef-fet sur le rendement?Herwig Peeters: “C’est le dogme classique, mais il est aujourd’huitotalement dépassé. De nombreuses études ont en effet démontréque les investissements durables offraient le même rendement– parfois même un rendementmeilleur – que les investissementstraditionnels. Il faut bien entendu comparer ce qui est comparable.Cela n’a pas beaucoup de sens de comparer des fonds durablesavec, par exemple, des investissements spéculatifs.”

Vision à long termeGuy Janssens: “Même en cette période de grande volatilité, lesfonds durables offrent un rendement intéressant. La sélectiondes actions basée sur des critères durables, couplée à uneanalyse financière approfondie, a fait ses preuves en tant qu’ap-proche globale. La performance d’un indice élargi aux actionsdurables ne devrait pas être inférieure au S&P500, qui rassembleles grandes actions américaines. Au contraire. Ainsi, les fondsthématiques – qui se consacrent notamment au réchauffementclimatique, à la pénurie d’eau et à la recherche d’énergies alter-natives – représentent une belle opportunité d’investissement.Ces entreprises sont moins sensibles au contexte économiqueactuel parce qu’elles développent une vision résolument axéesur le long terme.”

Frederik Meheus: “Nous devons oser changer d’orientation. Leproblème n’est pas d’obtenir des rendements plus élevés avecles investissements durables. Le fait qu’un fonds durable réussisseà produire à la fois un rendement financier et un impact positifsur la société constitue déjà en soi une importante plus-value.”

Luc Van Damme: “Par ailleurs, il serait déraisonnable de comparerle rendement des fonds durables avec celui des fonds traditionnelssur une période d’un ou deux ans. Cela va totalement à l’encontrede la vision à long terme inhérente aux investissements durables.Une entreprise qui ne se préoccupe pas d’écologie peut éven-tuellement engranger de meilleurs résultats à court terme. Maisil se pourrait tout autant qu’elle ait disparu quelques annéesplus tard.” ||

LE FAIT QU’UN FONDS DURA-BLE RÉUSSISSE À PRODUIRE

À LA FOIS UN RENDEMENTFINANCIER ET UN IMPACTPOSITIF SUR LA SOCIÉTÉ

CONSTITUE DÉJÀ UNEIMPORTANTE PLUS-VALUE.

Frederik Meheus, BlackRock

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I Investissement durable I

“Je me considère comme un indignado, quelqu’un d’indigné partout ce qui va de travers dans ce monde”, confie Piet Colruyt.“Naturellement, il est parfois nécessaire que des activistesmontent aux barricades, mais ce n’est pas ma vocation. Je

veux contribuer à un monde meilleur en tant qu’investisseur.”Faut-il dès lors le considérer comme un révolutionnaire en quête de ren-dement? Il sourit lorsqu’on lui pose la question. “Le rendement financiercompte, naturellement, mais il est subordonné à l’impact social.”Piet Colruyt, l’un des quatre administrateurs familiaux de la chaîne degrande distribution homonyme, a ainsi créé Impact Capital en 2010. Parl’intermédiaire de ce holding, il investit localement dans des entreprisesprometteuses, selon la philosophie de l’”impact investing”, “au croisement,pour moi, du ‘business as usual’ et de la philanthropie”.Piet Colruyt s’y sent comme un poisson dans l’eau, ce qui n’a riend’étonnant au vu de ses racines. De Colruyt, il a hérité la fibre de l’entre-preneur; du côté maternel, l’aspect philanthropique est incarné par FransHemerijckx, un médecin qui s’est engagé dans la lutte contre la lèpre auxcôtés du père Damien. “Vous pouvez me voir en prêcheur qui veut pro-mouvoir cette troisième voie en Belgique”, sourit-il.L’impact investing exige non seulement de l’idéalisme, mais aussi unebonne dose de réalisme et de pragmatisme, comme Piet Colruyt l’expliquelui-même: “Comparez le concept à une personne qui est végétariennepar dégoût des souffrances infligées aux animaux. Elle peut soit défendrepubliquement l’idée qu’il faudrait interdire la consommation de viande,soit convaincre les gens de ne pas manger de viande un jour parsemaine. Le premier discours lui permettra de gagner quelques adeptes,mais elle n’aura un impact réel qu’avec la seconde attitude. C’estégalement la manière dont j’aborde l’investissement.”

FitnessImpact Capital était “corner-investor” dans le premier Re-Vive BrownfieldFund, spécialisé dans la reconversion durable de terrains pollués, et dansle SI2 Fund, qui cible des entreprises ayant adopté un modèle d’affairessocial. C’est notamment le cas de FitClass. “Son fondateur, Yves VanCraenenbroeck, s’inquiète du problème du surpoids chez les enfants”,relate Piet Colruyt. “Son idée? Installer des salles de fitness dans les

“Avoir un véritable impact”: tel est l’objectifde Piet Colruyt. Non par le biais d’actionsphilanthropiques, mais à l’aide d’une straté-gie d’investissement mûrement réfléchie, oùle rendement social prime sur le financier.

“Je veux prêcherla troisième voie”

Piet Colruyt

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écoles. Les enfants peuvent utiliser les appareils gratuitementpendant les heures de cours. Après les cours et durant le week-end, l’endroit devient un centre de fitness payant. L’objectif estde faciliter l’accès des enfants et de leurs parents à la salle desport. Ce ne sont pas de grandes salles luxueuses peuplées debodybuilders, mais un endroit où tout est à la portée de tous.Une idée excellente mais difficile à mettre en pratique.”Avec le SI2 Fund, Piet Colruyt entend démontrer que le “socialfirst investing” permet de développer de nouvelles possibilitéstout en étant rentable. “Heureusement, nous avons trouvé desinvestisseurs qui ont accepté d’apporter du capital-risque sansexiger un rendement annuel d’au moins 15%. Notre objectif estfixé entre 3 et 7%. Cela prouve que les ‘social impact investors’sont prêts à accepter un risque plus élevé ou un rendement rela-tivement plus faible que les investisseurs classiques.”

Médias sociaux“Les consommateurs sont de plus en plus attentifs à l’impactsocial des entreprises”, poursuit Piet Colruyt. “N’oubliez pas queles médias sociaux, qui existaient à peine voici 10 ans, exercentaujourd’hui une influence énorme sur le consommateur final. Lesentreprises veulent absolument éviter d’être clouées au pilorisur ces forums.”Même si l’intérêt du grand public pour l’impact investing ne faitaucun doute, ce marché en est encore à ses balbutiements, re-marque-t-il. “D’un point de vue stratégique, il est importantd’impliquer les personnes sensibles aux thèmes éthiques parpetites étapes. Par exemple en suggérant qu’elles y investissent2% de leur portefeuille. Plus nous parvenons à les séduire, plusles banques devront proposer de tels produits, ce qui nourrira ànouveau l’intérêt pour ce type d’investissement.”Les entreprises peuvent difficilement se permettre de n’accorderaucune attention à leurs responsabilités sociales, conclut PietColruyt. “Social is the new green. Et l’histoire nous apprend queles entreprises ont tout intérêt à se montrer proactives. Certainesgrandes firmes, par exemple, se préoccupaient déjà de leursémissions de CO2 et de leur empreinte écologique dans lesannées 80. Lorsque la réglementation a été adoptée, elles yétaient préparées ou avaient repensé leur modèle d’affaires àtemps. Pensez à Umicore, qui a abandonné ses activités minièrespolluantes au profit du recyclage.” ||

I 14 I

l Investissement durable l

HEUREUSEMENT, NOUSAVONS TROUVÉ DES INVES-TISSEURS QUI N’EXIGENTPAS UN RENDEMENT DE 15%OU PLUS.

Piet Colruyt

Le capitalisme 2.0 ne tourne pas exclusive-ment autour du profit, prévient la sociétéd’investissement social Durabilis: “Il s’agitégalement de partager honnêtement lesbénéfices réalisés.”

“Nous investisspour inspirer la

Il est évident que tout le monde veut vivre dans un mondemeilleur, avance EvertWulfrank, COO de Durabilis. “Problème:on ne peut faire évoluer la situation existante d’un coup debaguette magique! De nombreux coûts écologiques et so-

ciaux, par exemple, ne sont toujours pas pris en compte. Undogme domine: celui de la croissance et de l’emploi, et nousdevons nous y attaquer, notamment en nous associant auxacteurs de la chaîne de valeur. Je suis persuadé que le consom-mateur est prêt à payer ses fruits et légumes plus cher s’il estinformé des conditions dans lesquelles ils sont cultivés et si laqualité est au rendez-vous. Cela implique toutefois de s’extrairedu format économique existant.”Telle est l’ambition de Durabilis, qui aide de petits paysansd’Amérique latine et d’Afrique à semer, récolter et emballerleurs fruits et légumes, ainsi qu’à en assurer le marketing et ladistribution. Les coopérants reçoivent dès lors la garantie depouvoir vendre leurs produits à des prix de marché corrects.Sous le nom Barajii, Durabilis vend également de l’eau et des

Barajii (Burkina Faso)

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I 15 I

l Investissement durable l

sonsplanète”

car, selon la législation belge, une activité éco-nomique ne peut aller de pair avec le dévelop-pement durable, explique Sebastiaan Saverys.En outre, la SAFS ne peut distribuer que desdividendes très limités, et doit faire don desplus-values enregistrées sur actions à uneœuvre caritative.“La structure de la SA est plus flexible”, reconnaîtle CEO. “Pourtant, la mention ‘à finalité sociale’avait un certain cachet. Elle précisait ce quenous faisions. Ceci dit, notre objectif durablen’a absolument pas perdu en importance aprèsnotre changement de structure.”Durabilis le prouve par l’obtention de plusieurslabels qui apportent une analyse externe.L’entreprise recherche-t-elle ces certificationspour elle-même ou pour ses investisseurs? “Lesdeux”, répond Sebastiaan Saverys. “C’est in-dispensable si vous voulez être pris au sérieux.Il est simplement dommage que les certificatssoient si nombreux et que certains coûtentplus cher que les avantages que nous en reti-rons.”Quel rendement Durabilis fait-elle miroiter àses “impact investors”? “Nous avons enregistréun rendement légèrement positif depuis 2003,malgré plusieurs erreurs de débutants et lesproblèmes survenus entre-temps”, chiffre EvertWulfrank. “À terme, un rendement annuel de 5à 10% doit être possible. C’est d’ailleurs ce quenous prévoyons, du moins à plus long terme.Je ne soulignerai jamais assez que nous pensonsau-delà des rendements classiques!” ||

Wulfrank. “Le monde est confronté à d’énormesdéfis: croissance démographique, ressourcesfinies, creusement des inégalités... Le ‘businessas usual’ ne suffit plus. Nous cherchons dèslors une manière d’inspirer la planète. Ce n’estcertainement pas le profit qui nous motive.”Il existe une différence importante entre chercherle profit et chercher le partage du profit,prolonge Sebastiaan Saverys: “Le premier estune condition au développement durable: ilfaut créer de la valeur ajoutée. La recherchedu partage des profits porte sur la répartitiondurable de ces bénéfices. Le modèle capitalisteclassique se fonde sur le fait que la maximisationdu profit est optimale pour l’entreprise. Nousn’y croyons pas. Toute la chaîne de valeur doitbénéficier du profit réalisé.”“Nous ne pratiquons pas l’’impact investing’:ce terme s’applique aux fonds qui veulentinvestir dans des entreprises socialement res-ponsables comme la nôtre”, remarque EvertWulfrank. “Nous sommes plutôt une ‘impactinvestment company’.”“Les entreprises sont le principal catalyseurd’impact sur notre planète”, complète SebastiaanSaverys. Durabilis souscrit ainsi à la tendancedu capitalisme conscient. “Lorsque John Mackey,le fondateur de Whole Foods, a lancé le termede ‘conscious capitalism’ en 2013, il nous atrouvé un foyer.”

StructureEn 2011, Durabilis abandonne son statut de so-ciété anonyme à finalité sociale (SAFS) pourcelui de SA. Une décision rendue nécessaire

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jus dans des sachets en plastique oxo-biodé-gradable via un réseau de milliers de commer-çants dans des pays en voie de développement.Pour la population locale, ces sachets d’eaucoûtent neuf fois moins cher qu’une bouteilled’eau en plastique.Aux racines de Durabilis, on découvre beaucoupde passion… et un voyage en Amérique latine.“En janvier 2003, Evert et moi-même, jeunesdiplômés de 23 ans à l’époque, sommes partisen Amérique latine afin d’y travailler plusieursmois pour Ingénieurs sans frontières”, se souvientle CEO, Sebastiaan Saverys. “Par hasard, nousavons atterri dans un petit village guatémaltèque,San Juan del Obispo, pour y apprendre l’espa-gnol. Nous avons rencontré une cinquantainede paysans qui cultivaient le bibacier ou néflierdu Japon. Pour les aider, nous avons mis surpied une coopérative, qui donnera naissance àDurabilis.”

Inspirer“Que les choses soient claires: nous n’avonspas lancé Durabilis pour investir dans un projetdurable, mais parce que nous avions un objectifsous-jacent plus ambitieux”, souligne Evert

DURABILIS• Chiffre d’affaires: 25 millions d’eu-

ros.• Production: 5.000 tonnes des fruits

et légumes, 10.000 tonnes de riz et120 millions de sachets d’eau.

• Travaille avec 1.500 paysans enAmérique latine et en Afrique.

• Emploie 3.500 personnes, soit 700équivalents temps plein.

• Principaux investisseurs: familleSaverys, Exclusa, EcoEnterprisesFund, ICCO Investment Fund,Responsibility Management.

Evert Wulfrank

FairFruit (Pérou)FairFruit (Burkina Faso)

Terral (Sénégal)

FairFruit (Guatemala)

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L’investissement socialement responsable (ISR) n’estpas un concept récent: au 17e siècle déjà, le mouvementQuaker refusait d’investir dans des activités liées àl’esclavage. En 1928 a été créé le fonds Pioneer US

aux États-Unis, qui écartait, en période de prohibition, le tabac,l’alcool et les jeux de hasard.Dans les années 1960, les organisations religieuses voulaientpouvoir investir dans des fonds reflétant leurs valeurs morales,parmi lesquelles le respect pour les droits des citoyens blancset noirs. De plus en plus d’investisseurs institutionnels tels queles fonds de pension refusaient d’être associés aux entreprisesqui bafouaient les droits de l’Homme.Les années 1980 et 1990 ont remis au goût du jour la thématiqueenvironnementale. “L’évolution durable consiste dans le respectdes besoins des générations actuelles sans préjudice des gé-nérations futures”, annonce le célèbre Rapport Brundlandt de1987. Trois ans plus tard naissait le premier tracker éthique, leMSCI KLD 400. Celui-ci “filtre” l’univers des actions américainesen excluant d’abord divers activités et secteurs comme l’énergienucléaire, le tabac, l’alcool, les jeux de hasard, les armes et la

pornographie. Les entreprises retenues sontconfrontées aux critères ESG (“environnement,société & gouvernance”). En d’autres termes,enregistrent-elles de bons scores sur le planécologique et social, et sont-elles gérées demanière correcte?Depuis ses débuts en 1990, le MSCI KLD 400n’a certainement pas sous-performé le S&P500.En Europe également, le principal trackerrépliquant un indice éthique (Exchange-TradedFund) se porte mieux que l’indice de référence.Ce qui est durable ne doit donc pas forcémentêtre cher.

Le rendement desportefeuilles éthiquesn’a rien à envier àcelui des portefeuillesstandards.

Ce qui est durablen’est pas forcément cher

©Sh

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10

8

6

4

2

I Investissement durable

AU 17IÈME SIÈCLE DÉJÀ, LE MOUVE-MENT QUAKER REFUSAIT D’INVESTIRDANS DES ACTIVITÉS LIÉES À L’ES-CLAVAGE

I 17 I

UNE NICHE RECELANT UN POTENTIELDE CROISSANCE ÉNORME

L’investissement socia-lement responsable agagné en popularité aucours de la dernièredécennie. Cette ten-dance ne saurait êtreconsidérée indépen-demment des défisauxquels le monde estconfronté. Un nombrecroissant d’investis-seurs tiennent désor-mais compte, dansleurs décisions d’in-vestissement, de lapauvreté, des inégali-tés, de l’exclusion, deschangements clima-tiques, de la pollutionet de la pénurie dematières premières.

Selon les chiffres de lafédération sectorielleBEAMA, en 2014, lesfonds ISR totalisaient enBelgique plus de 6,15milliards d’euros sousgestion. Le cabinet deconseil KPMG estimaitle marché européen del’ISR à 372 milliardsd’euros à la fin de l’andernier, soit moitié plusqu’en 2012.La niche de l’ISRrecèle un potentielénorme: en Belgique,seuls 5% des actifssous gestion sontestampillés ISR. Selonune étude conduitepar l’agence InSites

Consulting, 43% desinvestisseurs estimentimportant que leursinvestissements por-tent sur des projetsdurables.Actuellement, les inves-tisseurs particuliersreprésentent environ unquart des actifs sousgestion des fonds ISR,le solde provenant desacteurs institutionnelscomme les fonds deplacement et autresfonds de pension. EnBelgique, trois quartsenviron de ces fondssont investis en actions,le reste en obligations.

Thématiques de long termePlusieurs arguments plaident en faveur desfonds ISR. Tout d’abord, ces thèmes de longterme offrent des perspectives enthousias-mantes. Prenez l’exemple de l’efficience éner-gétique et de l’énergie verte. La Commissioneuropéenne a établi un plan climatique quidoit déboucher, d’ici à 2050, sur une baisse de80% des émissions de CO2 par rapport à 1990.La part des énergies renouvelables, actuellementautour de 14%, devrait atteindre 27% à l’horizon2030. Aux États-Unis et en Chine également,des projets plus concrets visent à réduire lesémissions de gaz à effet de serre. Bref, les in-vestissements dans ce thème ne faibliront pas.Ensuite, grâce à l’approche best-in-class, quipermet de sélectionner la crème de la crème,le portefeuille s’expose à moins de risques. Lesretombées de dossiers environnementaux surla réputation d’une entreprise étaient souventconsidérées, par le passé, comme un critère demoindre importance car l’impact sur le coursétait somme toute réduit. Aujourd’hui en re-vanche, les effets pour la réputation peuvents’avérer importants.Enfin, l’intérêt accru pour les produits éthiquess’explique aussi par les trois P: people, planet,profit. Les clients valorisent le fait que la crois-sance de l’emploi s’avère supérieure dans lesentreprises durables, ou encore que les émissionsde CO2 y soient en moyenne inférieures.

Here to stayL’investissement durable a vocation à durer.Dans les économies occidentales en particulier,il ne semble en tout cas pas près de régresser.La législation est par ailleurs de plus en plusstricte. À compter de 2017, toutes les entreprisescotées en bourse et employant plus de 500salariés devront intégrer les critères ESG dansleur politique quotidienne, et y faire référencedans leur rapport annuel. Généralement, la di-rection sait d’ailleurs que son entreprise a toutintérêt à s’en préoccuper, par exemple pourson image de marque. ||

0 0%

1%

2,07

1,46%

2004

4,07

2,44%

2005

5,63

3,23%

2006

7,38

4,36%

2007

6,39

5,44%

2008

7,8

6,32%

2009

8,19

6,72%

2010

7,06

6,76%

2011

5,78

5,42%

2012

4,95

4,19%

2013

6,15

4,34%

2014

Les fonds ISR et leur part du marché belge des fonds

% marché Actifs net (milliards d’euros)

2%

3%

4%

5%

6%

7%

Source: BEAMA

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l Investissement durable l

I 18 I

la plus-value sociale et écologique de cesportefeuilles – une analyse des titres in-tégrés, par exemple, ainsi qu’une séried’indicateurs de contrôle permettant decomparer le portefeuille à un indice deréférence sur les plans de l’environnement,de la société et de la gouvernance.En outre, plusieurs agences de rating ESGattribuent un label aux fonds méritantl’appellation "socialement responsables".Cela n’accroît pas seulement leur crédibilité,mais aussi leur visibilité. Un peu d’aidepour séparer le bon grain de l’ivraie esttoujours la bienvenue, dans la mesure oùil existe déjà plus de 1.200 fonds ISR eu-ropéens.Les acteurs dominants sont LuxFLAG, Fo-rum Ethibel et Novethic. Le premier, im-planté au Luxembourg, promeut des fondscentrés sur l’investissement responsable.Ces fonds doivent dès lors satisfaire avanttout aux réglementations européennesUCITS et AIFMD. En outre, ils doivent ex-poser clairement leur stratégie enmatièred’ESG et montrer de quelle façon ils lamettent en pratique. Une fois par an aumoins, ils doivent publier l’ensemble deleur portefeuille et se soumettre à unaudit par LuxFLAG.Pour recevoir le label Ethibel, né enBelgiqueen 1991, les fonds doivent investir exclusi-vement dans des actions et des obligationsrelevant du registre d’investissement définipar ForumEthibel, qui réalise une sélectiond’entreprises sur la base de critères socia-lement responsables. Des 2.500entreprisesde l’univers d’investissement, seules 360sont ainsi retenues.Depuis 2009 enfin, le centre de recherchesfrançais Novethic attribue un label auxfonds ISR qui satisfont à quatre critèresimportants: l’ESG qui doit représenter aumoins 90%du portefeuille; la transparencedu processus d’investissement; la com-munication sur les chiffres comme sur lesactivités sous-jacentes; la publication dela composition totale du portefeuille tousles six mois aumoins. En 2015, Novethic acertifié 110 fonds. ||

Une liste noire qui fait rougirPlusieurs critères servent à exclure les entreprises nonéthiques des portefeuilles durables.

Toute banque proposant des pro-duits éthiques dresse une listenoire des entreprises et secteursdans lesquels elle n’investit pas.

Si, globalement, les listes se ressemblent,d’importantes disparités peuvent surgir.Plusieurs activités bénéficient d’un largeconsensus: les fabricants d’armes etd’amiante sont par exemple écartés ca-tégoriquement. Ensuite, certains secteurssont suivis de près, dont les entreprisesdoivent alors satisfaire aux critères ESG("environnement, société & gouvernance").Citons l’huile de palme, la pulpe de bois,l’extraction minière et le charbon: dansces secteurs d’activité, plusieursmanque-ments sont encore à regretter, hélas, tellesles défaillances en matière de sécurité etle travail des enfants.Les entreprises veulent à tout prix éviterd’apparaître dans une liste noire. Les na-tions n’échappent pas davantage aux cri-tères de l’ISR. Certaines banques n’auto-risent par exemple, dans leurs fonds du-rables, que les titres d’État jouissant d’unrating AA ou davantage. Cette approchea contribué à ce que, ces dernières années,ces fonds durables ne contiennent pasde titres des États en difficulté de la zoneeuro, gage de plus grande stabilité aucours d’une période caractérisée par devastes fluctuations de valeur de ces obli-gations d’État.

Mentions spécialesComment les investisseurs peuvent-ilsêtre certains que leurs placements socia-lement responsables le sont effective-ment? Certains rapports non financierscontiennent des données objectives sur

“Leschiffres

sontparfois le

meilleurmoyen demasquerla réalité”En sa qualité d’investisseur

“durable”, Fidema attend d’ungestionnaire de fonds qu’il ne se

contente pas d’établir des rap-ports mais explique clairement cequi se cache derrière les chiffres.

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I 19 I

l Investissement durable l

“Nous devons prendre en perma-nence nos responsabilités”, pré-vient d’emblée Wanda D’hanis,philosophe et présidente de Fi-

dema, une asbl qui soutient l’enseignement et letravail humanitaire à Haïti et au Cameroun. “Notreaction a une portée importante: notre réseaud’écoles permet à 10.000 enfants d’envisager unavenir meilleur. Nous travaillons à contre-courantdans une dynamique qui pousse ces régimespolitiquement faibles dans la bonne direction.”Fidema, qui soutient un réseau de 20 écoles, apu compter, à son lancement, sur des capitauxapportés par la congrégation des Filles de Ma-rie-Paridaens. “Si nous voulons poursuivre notretravail, nous devons nous assurer que ces capitauxaugmentent”, poursuit Wanda D’hanis.

Valeurs éthiquesConformément à leurs valeurs éthiques, cetargent est investi via un ‘fonds coupole’ qui gèreune série de fonds durables. “Si vous définissezles investissements durables comme une alter-native à une croissance cumulative à tout prix,vous constatez qu’ils ne s’en sortent pas si malque cela. Par ailleurs, ils permettent d’éviter desdéceptions prévisibles comme le récent krachboursier chinois, étant donnéque votre portefeuillen’est pas exposé à ce type de risques.”Wanda D’hanis s’oppose à toute vision court-termiste et autres gains rapides. “Il est clair quela culture de la croissance et du bénéfice à toutprix, qui a prévalu ces dix dernières années, n’apas seulement généré des comportements aso-ciaux dans le monde entier: elle a quasimentprovoqué l’implosion de tout le système socio-économique.” Elle déplore que la quête effrénée

“PAS QUESTION DESE CONTENTER DEFONDS ‘REPEINTSEN VERT’”

“BNP Paribas Fortis dispose d’uneéquipe dédiée à l’ISR et à l’impactinvesting (II) depuis 2007, se féliciteEléonore Bedel, qui dirige BNPParibas Wealth Management.“Nous consacrons notre temps àpasser le marché au crible pourtrouver les meilleurs produits pournos clients, en procédant à un véri-table audit de l’offre: solidité finan-cière, impact et qualité de ladimension extra-financière. Nousavons même développé notre pro-pre outil de notation ISR pour éva-luer les produits précisément et enfaciliter la comparaison. Pas ques-tion de commercialiser des fondssimplement ‘repeints en vert’.”Le résultat? Une sélection en archi-tecture ouverte couvrant plusieurspays, une expertise assez uniquedans l’univers des banques pri-vées, et un encours global de plusde 6 milliards d’euros, qui croît de50% par an depuis 2010. “L’intérêtde nos clients européens, et toutparticulièrement belges, pour l’ISRet l’II ne cesse de croître. Nous par-tageons leurs convictions sur cesujet. Si l’on observe le marché, laphase d’émergence est passée,nous arrivons à un stade dedéploiement important de l’offre.L’industrie va proposer de plus enplus de produits responsablesdans diverses classes d’actifs, lescanaux de distribution vont suivre,nous allons continuer à diversifiernotre offre et à proposer des fondsplus ou moins ‘engagés’ en fonc-tion de leur type: un fonds moné-taire et un outil de microfinancen’auront pas le même impact et nepeuvent pas répondre aux mêmescritères.” BNP Paribas WealthManagement développe une plate-forme similaire aux États-Unis etune autre en Asie.

Wanda D'hanis

JE ME DEMANDETOUJOURS QUELEST LE PRIX À PAYERPOUR CETTECROISSANCE.

de croissance rapide n’ait pas totalement disparu:“Nous voyons encore que les entreprises à ‘crois-sance rapide’ sont régulièrement couvertes delouanges dans la presse. On les appelle mêmedes ‘gazelles’. Et je me demande toujours quelest le prix à payer pour cette croissance.”

Cachotteries“Nous exigeons une communication directe ettransparente de la part de notre gestionnaire defonds”, prolonge Wanda D’hanis. “Nous ne nouscontentons pas de tableaux de bord et derapports financiers. Les chiffres sont parfois lameilleure façon de déguiser la réalité. C’est pour-quoi nous organisons régulièrement des entretiensavec notre gestionnaire pour préciser nos priorités.Il nous est arrivé d’exiger que certaines entreprisessoient retirées de notre portefeuille.”Elle n’épingle aucun nom mais accepte de nousdonner un exemple. “Un jour, la qualité éthiqued’une entreprise a été reconnue sur la base d’untaux d’absentéisme extrêmement faible. Maisaprès enquête, il est apparu que les collaborateurs‘un peu trop souvent absents pour maladie’étaient systématiquement licenciés. Ce genre depratique n’est pas conforme à nos valeurs.” ||

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l Investissement durable l

“Les fonds durables ontsurtout un impact dansles pays émergents”En Europe, quelque 373 milliardsd’euros sont investis dans des fondsdurables. Leur impact se fait surtoutsentir dans les économiesémergentes qui entretiennent desliens étroits avec les reprisesoccidentales.

Les principes de la responsabilité sociale des investisseurs associent auxperformances financières des critères extra-financiers qui peuvent êtrerépartis en trois grands groupes. L’écologie, tout d’abord, qui comprendnotamment l’environnement, l’énergie, l’eau et le traitement des déchets.

Les valeurs sociales et sociétales, ensuite, dont relèvent par exemple la politiquede personnel, la santé et la sécurité, et les droits de l’Homme. La bonnegouvernance, enfin, qui porte non seulement sur la qualité de la gestion, maisaussi sur l’innovation et la gestion des risques.La responsabilité sociale des investisseurs a le vent en poupe, et Elroy Dimson,Paul Marsh et Mike Staunton (London Business School) l’expliquent par le recul

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l Investissement durable l

de la doctrine du laisser-faire. “Les plus grandsgestionnaires de patrimoine au monde sont au-jourd’hui très attentifs aux questions sociales etenvironnementales et à l’importance de la bonnegouvernance, et vont jusqu’à interpeler à cesujet les entreprises dans lesquelles ils investissent”,concluent les chercheurs.

FiltreSi vous souhaitez investir dans des fonds ISR,deux possibilités s’offrent à vous. En premierlieu, vous pouvez opter pour une stratégie gé-nérale. Près de lamoitié des 323milliards d’eurosinvestis dans des fonds durables en Europe onttraversé un filtre qui tient compte de certainesnormes. Les principaux gestionnaires de patri-moine actifs dans cet univers “général” sont Ro-becoSAM (22% du patrimoine géré), Amundi(17%), BNP Paribas (5%), Quaesti Group (4%) etNatixis (3%). L’autre moitié des gestionnaires vaencore plus loin et exclut des entreprises, secteurset pays en vertu de considérations éthiques.Dans ce domaine, le classement est mené parNordea (63%), RobecoSAM (8%), Storebrand(7%) et Den Norske (5%).

La seconde option pour les investisseurs socialement responsablesest celle des fonds thématiques qui investissent spécifiquementdans des activités liées à l’environnement, aux aspects sociauxet sociétaux, aux préoccupations éthiques. Ils représentent 50milliards d’euros supplémentaires.

Accents différentsSi les mêmes stratégies se retrouvent dans toutes les régions,elles ne sont pas pour autant mises en pratique de la mêmemanière. La composante environnementale, par exemple, s’avèretrès importante en Europe, alors qu’aux États-Unis, le centre degravité se situe plutôt du côté de la bonne gouvernance.Pour autant, l’utilité de filtres durables appliqués aux choix deplacements se fait surtout sentir dans les marchés émergents,explique-t-on chez BNP Paribas Fortis: “Dans les économiesémergentes, force est de constater que de nombreuses entreprisesenfreignent les règles, même si celles-ci sont souvent moinsstrictes que chez nous. Elles optent pour le ‘profit rapide’, et il ya également plus d’abus – corruption, travail des enfants, pollution,etc.”La banque note une différence claire par rapport aux entreprisesdes pays émergents qui entretiennent des liens étroits avec desentreprises occidentales: “Ces dernières ne veulent pas voir leurnom associé avec des excès et exigent dès lors que leurs clientset leurs fournisseurs respectent les règles.” ||

TANT LES INONDATIONS QUE LA PÉNURIE D’EAU REPRÉSENTENTDES ENJEUX DE CROISSANCE MAJEURS

71% de la surface de notre planètesont recouverts d’eau, et pourtant,nous en manquons cruellement.Seulement 2,5% de cette eau est del’eau douce, et à peine 0,6% est pota-ble. Les Nations Unies estiment que,d’ici 2050, deux tiers de la populationmondiale seront confrontés à un“stress hydrique”. Une des principa-les causes de cette catastropheannoncée est l’essor des classesmoyennes dans les pays émergents,dont consommation de viande debœuf explose. Pour produire un seulkilo de viande de bœuf, il faut 15.000litres d’eau.Au vu de la croissance de la populati-on mondiale, des changements demodes de vie dans les pays émer-gents et des demandes en eau quetout cela suppose, des investisse-ments colossaux dans les systèmesd’adduction d’eau sont nécessaires.D’ici 2050, plus d’un milliard de chi-

nois vivront en ville. Les besoins eninfrastructures d’assainissement et detransport de l’eau sont, dès mainte-nant, gigantesques. En Chine environ40% des voies d’eau sont polluées; lapurification de l’eau avant consomma-tion y est donc un enjeu de santépublique.Les pays émergents sont loin d’êtreles seuls concernés. Le Forum éco-nomique mondial estime que dansles pays occidentaux, entre 30 et 40%des eaux sont perdues en raison deconduites endommagées ou ineffi-cientes. Les infrastructures urbainesgénéralement érigées au 19e sièclen’ont pas été bien entretenues.Par ailleurs, le réchauffementclimatique aggrave la situation, enaugmentant les risques d’inondationsdans certaines régions, et en rédui-sant le niveau des précipitations dansd’autres. Ainsi, selon le Grouped’experts intergouvernemental sur

l’évolution du climat, les quantitésannuelles de précipitations dans lesud de l’Europe devraient baisser de40% d’ici à 2100.Les fonds d’investissements durableset socialement responsables peuventapporter des réponses à ces enjeux,de trois manières. La première con-siste à investir dans les entreprisesqui installent les infrastructures depompage ou de canalisation.La deuxième est d’investir dans lesentreprises qui s’occupent du traite-ment de l’eau potable et de l’assainis-sement des eaux usées. Enfin, la troi-sième concerne les entreprises deservices aux collectivités qui gèrentl’ensemble des systèmes d’adductionet de traitement, et ainsi permettentau consommateur d’avoir accès àce précieux liquide indispensable à lavie.

Source: Impax, société de gestion spécialisée en stratégiesenvironnementales de BNP Paribas Investment Partners

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“En matière d’ISR, les gestionnaires investissentdans des sociétés cotées dont leurs analystesspécialisés vérifient qu’elles respectent uncertain nombre de critères extra-financiers axéssur le long terme”, déclare Olivier de Guerre,président de PhiTrust. Cela peut aussi impliquerl’exclusion de certains secteurs comme l’arme-ment. L’investissement d’impact va un pas plusloin dans l’implication. Il vise à identifier desorganisations ou petites entreprises non cotéesayant la volonté de résoudre par une démarcheentrepreneuriale des défis en matière socialeou environnementale, et prêtes à en mesurerl’impact. Si l’on veut d’abord un impact social,on parle de “social impact investing”; si l’ondemande en premier lieu de la rentabilité, ils’agit d’investissement financier sous contraintesociale. “Par exemple, vous co-financez uneclinique dans un pays d’Asie ou d’Afrique”,illustre Oliver de Guerre. “Elle peut être géréecomme une entreprise classique: la classemoyenne affluera et l’établissement sera rentableet socialement utile. Autre option: elle réserve30 ou 50% des soins à des personnes pauvres.La rentabilité financière sera moindre, maisl’impact social sera majoré.” Dans le premiercas, on parle d’approche “Finance First”: dansle second cas, on parle d’approche “Impactfirst”. Le fonds PhiTrust Partenaires, diversifiésur 23 sociétés, est un fonds d’“impact first”.

“Il ne faut pas vouloir tout faire soi-même”, lance XavierDeclève, depuis peu retraité, anciennement responsablede la division Wealth Management de BNP ParibasFortis, et qui représente aujourd’hui PhiTrust en

Belgique.C’est pour cela que BNP Paribas Fortis travaille en étroite col-laboration avec PhiTrust, précurseur reconnu sur le marchédans le domaine de l’investissement d’impact (“impact inves-ting”). La banque ressentait la nécessité de cette nouvelleoffre, et de plus en plus de clients l’évoquaient.Leur profil? Des institutionnels, des entrepreneurs à succès de35-45 ans se retrouvant à la tête d’un capital après avoirrevendu une ou plusieurs sociétés, des adeptes du privateequity… Mais aussi des héritiers d’entreprises familiales soucieuxde se retrouver dans un projet d’investissement correspondanttant à leur culture du résultat qu’à leurs valeurs personnelles”.“En Belgique, la Fondation Roi Baudouin nous a récemmentfait l’honneur de rejoindre la table des actionnaires de PhiTrustPartenaires”, illustre Xavier Declève.PhiTrust distingue l’investissement socialement responsable(ISR) de l’investissement d’impact dans lequel il s’est spécialisé.

l Investissement durable l

Donner du sens à son épargne: une aspiration que l’on retrouvede plus en plus chez les investisseurs. Cela se vérifie égalementdans le secteur de la banque privée et du Wealth Management.Chez BNP Paribas Fortis, on a choisi de s’appuyer sur l’expertisede PhiTrust pour proposer aux clients une diversification tenantcompte de leurs aspirations.

“L’investissementd’impact, une révolutionculturelle qui commence”

L’INVESTISSEMENT D’IMPACTRÉCONCILIE CES DEUX ASPECTS:

JE GAGNE ET JE DONNE.Olivier de Guerre, PhiTrust Partners

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l Investissement durable l

“DES RENDEMENTS COMPARABLES AUXFONDS CLASSIQUES”

À 42 ans, l’entrepreneurfrançais Pascal Lorne adéjà créé et revenduplusieurs sociétés dansle secteur Internet ettélécom, notammentaux États-Unis. Voicideux ans, après avoirréalisé une belle plus-value suite à la reventede sa dernièreentreprise, il décide deplacer 30% de son patri-moine sous la formed’investissementd’impact. “J’envisageaisde créer moi-même unfonds d’investissementà impact sociétal, car jedispose d’une certaineexpérience de businessangel. Je suis allé voirun banquier privé, en luidétaillant les critèresque mon épouse etmoi-même souhaitionspour notre patrimoine.C’est ainsi que j’ai

découvert PhiTrust. J’aiconstaté avec plaisirque PhiTrust appliquaittous les critères impor-tants à mes yeux: descritères qualitatifs mesu-rables, pour des place-ments en Europe et enAfrique avec un réelimpact sociétal et/ouenvironnemental. Plusbesoin de me lancerdans la création d’unfonds: j’ai placé de l’ar-gent chez eux. Commeje voulais savoir com-ment il était utilisé etque je tenais à prendrepart aux décisions d’in-vestissement, j’ai appré-cié le fait qu’à partird’un certain montant,les investisseurspouvaient faire partie ducomité d’investissementde PhiTrust.”Depuis, Pascal Lorneparticipe à la sélection

des dossiers repéréspar l’équipe de PhiTrust,en les faisant bénéficierde son expertise finan-cière et sectorielle. Et ila décidé de placer latotalité de sonpatrimoine en investis-sement d’impact.“Les taux de retour surinvestissement sontcomparables à ceuxdes fonds classiques”,assure-t-il. “En 2015,mon portefeuille d’inves-tissement d’impactdevrait me rapporter7,5%. Certes, ces place-ments sont un peumoins liquides que lesproduits financierstraditionnels, mais sil’on a un objectif delong terme, par exemple10-15 ans, l’investisse-ment d’impact n’a rien àenvier aux placementsnon-ISR.”

Xavier Declève

Olivier de Guerre

Dimension entrepreneuriale“Nous pensons tous qu’il faut d’abord ‘faire du fric’ pour, ensuite,utiliser cet argent afin d’avoir un impact social”, reprend leprésident de PhiTrust, dans la mesure où nous pensons que‘faire du fric’ et donner pour avoir un impact social sont forcémentdeux démarches distinctes.”“L’investissement d’impact réconcilie les deux: je gagne ET jedonne!” Xavier Declève renchérit: “Nos clients sont sensibles àla dimension entrepreneuriale de ces démarches. Les famillesd’entrepreneurs désirent appliquer les bonnes pratiques testéesau sein de leur société, apprendre de l’expérience des autres et…souder les diverses générations autour d’un projet commun.”La tendance profonde des investisseurs à trouver une adéquationentre leurs valeurs et leur portefeuille fait évoluer le marché desplacements. Un mouvement soutenu par les taux d’intérêt quasinuls, qui les poussent à retourner vers les marchés boursiers,placements les plus rentables en ce moment. Caisses de retraites,fonds de pension et fondations s’avèrent aussi soucieux derester à distance de(s) placements controversés, afin de préserverleur réputation. La conjonction de ces facteurs a lancé une “ré-volution culturelle”, assure Oliver De Guerre. “Et ce n’est que ledébut!” ||

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Quelle est la principale motivationdes particuliers philanthropes?Luc Tayart deBorms: “Ils veulent contribuerà créer un monde meilleur. Ils constatentles lacunes des pouvoirs publics dans cedomaine, et désirent combler ce vide. Etattachent une importance croissante auxrésultats de leurs efforts. Les philanthropesne se contentent plus de donner de l’ar-gent: ils exigent de vrais changementsstructurels. Et soyons clair, la philanthropien’est pas réservée aux milliardaires. Il estpossible de se lancer avec 50.000 eu-ros.”Stéphane Vermeire: “Autrefois, la phi-lanthropie était typique des couples sansenfants. Aujourd’hui, beaucoup de per-sonnes souhaitent certes léguer une partiede leur patrimoine à leurs enfants, maiségalement laisser quelque chose à la so-ciété. De nombreux entrepreneurs quiont réussi et accumulé une petite fortuneen quelques années, tiennent ensuite àconsacrer une partie de leur patrimoineà des œuvres caritatives. À ceci prèsqu’ils abordent la philanthropie avec unevéritable approche d’entrepreneur. Ilsveulent être impliqués de très près dansles organisations qu’ils soutiennent, etpouvoir contrôler l’impact social de leurinvestissement. Ils jouent donc un rôletrès actif et s’assurent de la rentabilité deleur investissement.”

Quelle est la place du banquier dansl’univers de la philanthropie?Stéphane Vermeire: “Le rôle du banquierprivé ne se limite pas à gérer le patrimoinede son client: il doit être également attentifà l’approche patrimoniale globale. Aupa-ravant, cette activité se bornait presqueexclusivement au transfert du patrimoineà la génération suivante. Désormais, lesprivate bankers parlent systématiquement,avec leurs clients, de dons à des œuvrescaritatives. Dans ce domaine, nous sommesun partenaire logique: grâce aux liens deconfiance que nous tissons avec eux, nosclients peuvent parler librement de leurssouhaits, et nous les aidons à mettre enplace les structures adéquates et à trouverdes spécialistes dans un thème donné.”

Parmi les atouts de la Fondation RoiBaudouin, on peut citer le Fonds VenturePhilanthropy. En quoi consiste-t-il?

Luc Tayart de Borms: “Les ASBL peuventcompter sur les pouvoirs publics pour lefinancement de projets, mais les margessont beaucoup plus réduites en matièrede financement structurel. C’est ici qu’in-tervient le Fonds Venture Philanthropy.Pour commencer, les organisations re-çoivent des moyens financiers afin dedévelopper leur cœur d’activité. En outre,le Fonds apporte une assistance techniqueen matière de gouvernance, de gestionfinancière, de stratégie, de mesure del’impact social et de coaching du mana-gement. Dans ce cadre, les organisationspeuvent compter sur le soutien et l’avisdesmeilleurs experts. Ce concept s’inspiredes fonds de capital-risque: eux aussi in-vestissent pour lemoyen terme, proposentdu soutien dans plusieurs domaines etattachent beaucoup d’importance auxcompétences de leadership de l’entre-preneur.”

l Investissement durable l

Par l’intermédiaire de son Fonds de Fonds ISR, BNP Paribas Fortis PrivateBanking soutient depuis peu un fonds philanthropique innovant de la FondationRoi Baudouin. “Des changements structurels nécessitent davantage qu’unsimple appui financier”, affirment Luc Tayart de Borms (administrateur déléguéde la Fondation Roi Baudouin) et Stéphane Vermeire (General Manager PrivateBanking & Wealth Management chez BNP Paribas Fortis).

Peut-on combinerrendement, développementdurable et philanthropie?

ILS ABORDENT LA PHILANTHROPIEAVEC UNE VÉRITABLE APPROCHED’ENTREPRENEUR.

Stéphane Vermeire, BNP Paribas Fortis

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au terme de la période d’investissementinitiale de trois ans.”

Dans quels projets le Fonds VenturePhilanthropy investit-il?Luc Tayart de Borms: “Jusqu’à présent, lefonds a soutenu et accompagné 33 or-ganisations, pour un total de 2,5 millionsd’euros. Il s’agit tant de petites organisa-tions qui mettent sur pied un projet inno-vant, que de grandes ASBL fortes decentaines de bénévoles. L’une de ces or-ganisations est TEJO, dans le cadre delaquelle des bénévoles apportent un ac-compagnement psychologique à desjeunes défavorisés. L’organisation est néeà Anversmais entend s’étendre à d’autresvilles. Un autre projet est Bednet, qui per-met à des enfants souffrant de maladiesde longue durée de suivre les cours deleurs classes ‘en temps réel’, via le Net.De telles initiatives ont un très grand im-pact sur de nombreuses personnes. Etc’est finalement tout ce qui importe.”

Stéphane Vermeire etLuc Tayart de Borms:“De telles initiativesont un très grandimpact sur de nom-breuses personnes.Et c’est finalementtout ce qui importe.”

BNP Paribas Fortis Private Bankingest un partenaire important du fondsdepuis cet été. Pouvez-vous éclairercette collaboration?Stéphane Vermeire: “En avril 2014, nousavons lancé le Fonds de Fonds ISR, quiinvestit dans des fonds de placement ré-pondant à des critères de développementprécis, ainsi que dans des fonds théma-tiques orientés vers les solutions aux défissociaux (comme l’énergie alternative etla pénurie d’eau). Ce nouveau fonds deplacement a connu un énorme succès:près de 15.000 clients y ont investi, et lepatrimoine en gestion atteint désormais1 milliard d’euros. Le fonds produit enoutre un rendement très intéressant. Ilest erroné de croire que le rendementdes produits d’investissement socialementresponsable est inférieur à celui des in-vestissements traditionnels.”“Nous désirions toutefois franchir uneétape supplémentaire et concrétiser autantque possible la motivation éthique et so-ciale de nos ‘investisseurs socialementresponsables’. C’est pourquoi nous offronschaque année quatre points de base du

patrimoine géré – ce qui correspond au-jourd’hui à 400.000 euros – au FondsVenture Philanthropy. Ce fonds sélectionnedes projets candidats à une aide et nosclients élisent eux-mêmes, par vote élec-tronique, ceux qui bénéficieront de lacontribution de BNP Paribas Fortis PrivateBanking. Cette approche est particuliè-rement adaptée au profil d’entrepreneurd’un grand nombre de nos clients et nouspermet de les impliquer réellement dansl’aventure philanthropique. En outre, cetteapproche ne change rien pour le client etn’a aucun impact sur son rendement.”Luc Tayart de Borms: “Cette collaborationunique témoigne d’une grande créativité.Je ne connais aucun autre cas d’ancrageaussi structurel de l’approche philanthro-pique dans les activités propres. Cettecollaboration accroît lesmoyens du FondsVenture Philanthropy, qui dispose au-jourd’hui d’un budget annuel d’un milliond’euros. Grâce à la contribution substan-tielle de BNPParibas Fortis Private Banking,nous pouvons soutenir deux ans de plusles organisations qui présentent de bonnesnotes pour tous leurs indicateurs pertinents

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Les septfamilles del’ISR

SI LE SEUL CRITÈRED’UN INVESTISSEUREST LE RENDEMENTNOMINAL MAXIMAL,QU’IL TRAFIQUE DELA COCAÏNE!

Mikael Petitjean, Louvain School of Management & UCL Mons

On sait que l’investissement socialement responsable (ISR) prend encompte des critères extra-financiers, le plus souvent liés aux aspectsenvironnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Un champ trèsvaste, au sein duquel il s’avère parfois difficile de séparer le bon grain del’ivraie. Heureusement, il existe des organismes et des associationsindépendants qui suivent les fonds et les classent en fonction de leur“fiabilité”. Le Forumpour l’investissement durable et responsable a ainsicalculé que l’ISR pèse 59% des parts de marché en Europe et 18% auxÉtats-Unis. Selon l’Alliance mondiale de l’investissement durable, l’ISRreprésenterait globalement 30% des actifs gérés, soit environ 21.000milliards de dollars. Des chiffres à manier avec prudence, car évaluerl’importance d’un univers aussi difficile à circonscrire que l’ISR constitueun défi. Selon des estimations plus conservatrices, la taille du marchéde l’ISR pourrait être dix fois plus petite. Et sa qualité est souventsujette à caution: le réseau Financité, dans sa dernière étude, octroyaitune note nulle à 87% des 311 fonds étudiés.La raison tient au fait qu’il existe plusieurs stratégies d’ISR; voici les septprincipales, qui peuvent se combiner:- thématique: l’investisseur ne considère que les entreprises activesdans un domaine bien spécifique.- du “meilleur de la classe”: il recherche les entreprises les mieuxéquipées pour répondre aux défis du développement durable.- normative: il vérifie si les entreprises agissent conformément auxtraités internationaux.- d’exclusion: il retire de son univers les entreprises impliquées dans desactivités nocives.- d’intégration des facteurs ESG: il considère la dimension ESG commeun facteur de risque supplémentaire, à côté des facteurs de risque clas-siques comme la taille de l’entreprise.- de l’engagement: il joue un rôle actif dans la gestion de l’entreprisedans le but d’améliorer sa performance en matière de durabilité.- d’investissement d’impact: il réalise son investissement avec l’intentionde générer des impacts sociaux et environnementaux durablementpositifs, assortis d’un rendement financier suffisamment attrayant.L’investissement d’impact n’est parfois pas inclus dans l’ISR, car ilimplique des investissements dans les pays émergents et lamicrofinance;il a également lieu souvent en dehors des marchés boursiers. Un inves-tissement ISR peut s’avérer aussi rentable qu’une stratégie classique.Dans une étude portant sur 351 fonds éthiques américains et européensen 2013, nous avions plutôt mis en évidence des surperformances. Desurcroît, les actions “nocives” (tabac, alcool, etc.), historiquementrentables certes, font courir aux investisseurs des risques difficiles àévaluer, tels qu’un changement du cadre législatif. Enfin, si le seul critèred’un investisseur est le rendement nominal maximal, qu’il trafique de lacocaïne! Cette boutade pourmontrer que lamaximisation du rendementpeut rendre gravement myope. ||

Mikael PetitjeanProfesseur de finance, Louvain School of Management & UCL Mons

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Peut-on combinerrendement,développementdurable etphilanthropie?

Chat avec Stéphane Vermeire,general manager private banking &wealth management BNP Paribas Fortis etGuy Janssens, senior SRI fund specialistBNP Paribas Fortis

Posez vos questions en ligne sur l’investissement durablele 30 octobre 2015 à 13h00

via www.lecho.be/BNQou suivez-nous via twitter @BNQ_Banque

L’investissement socialementresponsable est-il synonyme

de rendement inférieur?

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UNE APPROCHE « PREMIER DE CLASSE »Vous investissez dans des entreprises qui poursuivent lesmeilleures performances en matière d’environnement, deresponsabilité sociale et de bonne gouvernance.

UNE APPROCHE SÉLECTIVEVous optez pour des fonds de financement(OPC - Organisme de Placement Collectif ) dont lesentreprises et secteurs controversés - tels que la vented’armes, la production d’alcool et l’industrie du tabac -sont exclus.

UNE APPROCHE THÉMATIQUEVous sélectionnez des entreprises au sein desecteurs valorisés par la société : l’environnement,le micro-financement, etc.

UNE APPROCHE SOLIDAIREVous soutenez des institutions d’intérêt public, carnous reversons une partie de nos frais de gestion enfaveur de dif férents projets sociaux.

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E.R. : W. Torfs, BNP Paribas Fortis SA, Montagne du Parc 3, 1000 Bruxelles, RPM Bruxelles, TVA BE 0403.199.702, FSMA n° 25.879A

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