les scandinaves t1

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  Anonyme. Les Scandinaves, poème traduit du swéo-gothique ; suivi d'observations sur les moeurs et la religion des anciens peuples de l'Europe barbare. Par Joseph Chérade Montbron... 1801. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisatio n commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fournitur e de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenair es. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothè que municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisat eur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisati on. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

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Anonyme. Les Scandinaves, pome traduit du swo-gothique ; suivi d'observations sur les moeurs et la religion des anciens peuples de l'Europe barbare. Par Joseph Chrade Montbron... 1801.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

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LES SCANDINAVES. TOME I.

LESS SCANDINAVES, POEME,TRADUIT DU SWO-GOTHIQUE; 5

suivi d'observations sur les moeurs et la religion des anciens Peuples de l'Europe barbare. PAR JOSEPH-CHRADE MONTBRON.

TOME

PREMIER.

R'1 i4T~' Q

-i

A

PARIS,

ChezMARADAN, Libraire, rue Pave S. Andrfdes-Arcs, n 16. AN ix i2oi.

AVANT-PROPOS..

C'EST une hrsie en littrature que d'appeler pome, un ouvrage en prose; et si nous donnons aux Scandinaves ce titre ambitieux c'est parce que l'original est crit en vers. Nous l'avons traduit sur la version latine d Resennius, imprime ct du pome. On attribue le texte diffrens auteurs, mais sans aucune certitude. Nous n'avons pas t porte de dmler la vrit; et quoiqu'un nom bien antique au bas du titre de cet ouvrage, et produit peut-tre un effet merveilleux sur l'esprit deslecteurs bnvoles nous n'y avons mis que le ntre, bien nouveau dans la carrire des lettres. Cette obscurit nous est chre encore; mais quelques personnes ont cru nos rcits -trangers susceptibles d'allusions: ds-

AVANT-PROPOS.

lors il a fallu rpondre pour le pote Scndinave. Nous devons convenir aussi que la manie des allusions est si gnrale, que lVn en voit par-tout. Si l'Odysse et paru pour la 'premire fois il y a deux ans, on et regard Pnlope comme l'emblme de la couronne de France; on et fait arrter le pote qui chantait les Infortunes d'un monarque aventurier et peut-tre aussi tous les mendians que l'on aurait vus la porte des palais, dans l'ide qu'ils taient autant de pauvres'princes, qui chera rentrer chez eux, comme chaient Ulysse. Tl tait tout simple que les Scandinaves prissent des rois pour les hros de, leurs pomes, et mme fort possibleque ce. ft des rois malheureux; mais il paratrait invraisemblable et suspect, de mettre en opposition les ides rpublicaines et les ides monar-

A V A N T-P HOPOS,

ehiques dans des pays libres la vrit mais constamment gouverns par des rois. Quoique l'authenticit d'un tel ouvrage puisse tre conteste nous ne nous efforcerons point de l'tablir. Il faut d'abord savoir s'il vaut la peine d'en crire l'histoire, et l'ennui de la lire. Trois ou quatre anachronismes nous font penser que tout le texte n'est pas du mme auteur car il y est parl d'vnemenspostrieurs,au moins d'un sicle, l'poque o le pote commence son rcit, et o vivaient les hros ses contemporains. Comme l'histoire de ce pays est peu familire aux Franais, et que celle de la province o rgna le hros du pome est tout-fait inconnue, l'exactitude aurait t d'un faible mrite aux yeux du public. Nous avons cru pouvoir aussi la sacrifier quelquefois, et nous nous sommes J.. permis de lgers changeai ens, quis'-

AVANT-tROFOS.

cariant un peu des moeurs de ces sicles barbares, se rapprochent davantage des moeurs de notre sicle. Sansle respect attach aux grands noms d'Homre d'Euripide et des autres potes de l'antiquit, peut-tre effaceroit-on de leurs chefs-d'oeuvres quelquestraits qui blessentnosmoeurs, et mme'les convenances gnrales. N'est-ce pas un dfaut chez les anciens, (du reste si suprieurs aux modernes dans l'pope) de n'avoir pas appliqu le beau idal la peinture des caractres ?Une foule de traits avilissent leurs hros. Achille, demandant pardon l'ombre de Patrocle, d'avoir rendu le cadavre d'Hector s'excuse sur ce qu'il a reu du moins une ranon digne de lui beaucoup d'or Qu'il trane Leshros 'Homre semontrentoujoursitsd t t avares. se surdesbords .abandonn Ulysse, croyant r.ne songe qu'a ses trsors exposs sur trangers Varne: il en parle trois ft/is dans une page.

AVANT-PROPOS.

son char le corps de son ennemi, cela peut se pardonner dans le premier dlire de la douleur, de la vengeance et de la victoire; mais que, trois jours aprs, il immole tranquillement sur le bcher de Patrocle douze jeunes Troyens dsarms, cette action est rvoltante pour'tout autre qu'un cannibale. Chezles modernes, oudumoins dans leurs bons ouvrages, les hros ont des faiblesses qui ne les rendent pas mprisables, et commettent des crimesqui ne lesrendent point odieux. On a dj remarqu le mot affreux d'Electre, lorsqu'elle entend les cris de sa mre que l'on assassine Frappez redoublez s'il est possible Pour Oreste, aprs avoir tu sa mre, il n'prouve pas le plus lger remords, et vient dire sa soeur Tout est en sret les choses vont merveilles; et le choeur, qui approuve tout, finit par s'crier O maison d'Atre c'est par cet heureux effort qu'aprs avcir

AVANT-PROPOS. essay de le refondre. Il est des beauts et des dfauts qui tiennent l'enfance de l'art. Si notre style n'a pu transmettre les unes au lecteur, du moins n'avons-nous point couru le risque d'ajouter aux autres Nous ne parlerons pas de la difficult que l'on peut trouver traduire les posies d'un peuple dont les moeurs diffrent autant des ntres'. Ls diffiT cults sont un motif de ne pas entreprendre plutt qu'une excuse de n'avoir pas russi. )' t. On a dit qu'une traduction tait la gravure d'un tableau. La plupart des traductions en prose nous semblent tre moins encore; elles sont la posie ce n Cettetraduction'estpourtant astout--fai p littralenousavonscli t d'viter'cueil toml o bentquelques d traducteurs ontIt dfautestd'emsi brassere pote troitement, l la qu'ilstouffent posie.

AVANT-PROPOS.

qu'un herbier est aux fleurs les plus belles l'oeil ne les y trouve plus que sans formes et sans couleurs. nous sommes -peuCependant, prs rduits aux traductions dans ce genre d'ouvrages. Quelle en peut tre la raison, lorsque notre littrature offre des modles dans tous les autres ? Ne serait-ce pas d'abord parce qu'il est fort difficile de faire un pome pique chez un peuple dont les ides religieuses ont reu de si cruelles atteintes? L'pope ainsi que l'opra, ne peut se passer de merveilleux. Or il faut que les machines puissent produire quelqu'illusion il faut que les objets prsents comme sacrs, ne puissent pas tre tourns en drision par la moiti des lecteurs. II faut enfin que le compas philosophique ne vienne pas mesurer les lans du gnie. Si nous n'avons pas de po-

AVANT-PROPOS. mes, c'est peut-tre parce que nous avons trop de potiques. Le dfaut d'esprit national en est encore une autre cause. L'amour passionn des Grecs et des Romains pour leur pays, ajoutait un grand intrt des pomes o ils retrouvaient sans cesse et l'origine de leurs villes, et les exploits de leurs aeux. Comme il y a parmi nous beaucoup d'gosme et peu d'esprit national les lecteurs aiment mieux des romans o ils se retrouvent eux-mmes, que des pomes o ils retrouveraient leur patrie. Les gens du inonde, surtout aiment rencontrer dans tout ce qu'ils lisent des ides dtaches dont- ils puissent faire leur profit. Ils n'appellent esprit que ce qui peut s'allier leur esprit; et parmi les trsors les prcieux ils ne cherchent souplus vent qu'une petite monnaiequi serve leur dpense.

AVANT-PROPOS.

Notre extrme lgret doit tre aussi compte pour quelque chose dans cette question. Le plus grand effort de notre attention est de suivre au thtre une action tragique qui dure une heure et demie combien n'est-il pas plus difficile d'attacher le lecteur au rcit d'un vnement priv de l'illusion thtrale et qui remplit deux ou trois volumes Les esprits chagrins verront la cause de notre strilit pour l'pope, dans notre dissipation et dans la dpravation de nos moeurs. L'abus des plaisirs, diront-ils, touffele gnie, comme il touffe la vertu et mme le courage. Le courage, la vertu, le gnie se composent de ce qu'il y a de plus mle dans l'homme. Celui qui est nerv par les volupts, ne peut plus commencer une autre carrire. Les petites haines, les petites jalousies, toutes les petitesses enfin de l'gosme et de la

A VAN T-PROP

OS.

vanit, viennent remplir son coeur et son esprit. L'homme fort avait besoin, pour ainsi dire, de rpandre son existence, et de l'tendre par la gloire, par les bienfaits, par les affections vives, et les conceptions hardies. L'homme affaibli concentre en lui-mme le peu qui lui reste. Il est comme ces ruisseaux, qui, resserrant au milieu de leur lit leurs flots tremblans et toujours prs de tarir, ne sauraient dsaltrer la verdure de leurs rivages ni rflchir les beauts de la nature. Le got public, qui ne semble pas dirig vers les ouvrages piques, est encore un nouvel obstacle. L'amour des sciences exactes ne se rencontre gure avec celui de la posie. J'ai connu un chronologiste qui disait de l'Iliade On pourrait mettre tout cela en quatre pages. Si le pote n'est pas second par la sensibilit de celui qui cherche le plaisir dans ses lectures, tous les deux

AVANT-PROPOS.

ont manqu leur but. Les expressions du premier ne composent qu'une esquisse des images qu'il conoit; c'est, pour ainsi dire, un germe qui doit se fconder dans l'imagination du lecteur, et y reproduire le tablean qui n'existait que dans l'imagination du pote. On trouvera, sans doute, dans cet ouvrage quelques expressions recherches, peut-tre mme emphatiques; mais c'est un inconvnient bien difficile viter pour le traducteur en' prose, quand il craint d'tre trivial. Dans le style pique combien de choses ne s'appellent point par leur nom ? Quoique nous ayons remarqu un style diffus dans plusieurs endroits de l'original, nous n'avons rien abrg, de peur de ne plus laisser de posie. Celle des crivains du Nord consistei. b

AVANT-PROPOS.

un peu dans les dtails. Les anciens auteurs, grecs ou barbares, taient en quelque sorte obligs d'tre potes par l'absence d'un grand nombre de ces mots collectifs qui expriment toute une action, et dispensent de la peindre. La teinte sombre que beaucoup do gens aiment dans les potes du Nord, et que d'autres leur reprochent, se retrouve aussi dans les Scandinaves. La mlancolie tait habituelle aux Bardes et celui que nous traduisons se plaint quelquefois d'avoir vu fuir l'ge de l'amour et des plaisirs. En fallait-il davantage pour attrister ses rcits ? Dans la jeunesse, on a de l'avenir devant soi, et cet avenir offre un vague o l'imagination peut dessiner les plus e brillans tableaux. A la moiti de notre carrire, nous laissons derrire nous desj ouissances qui nesauraientrevenir, et nous voyons devant nous des maux auxquels nous ne saurions chapper.

A V ANT-P KOPOS.

On nous reprocherasans doute l'ingalit de notre style. Siquelques chants sont crits avec plus de soin nous le devons aux conseils d'un ami, que nous ne nommons pas de peur de lui rendre.un hommage perfide. Si cette traduction manque d'expression potique et d'harmonie, nous ne nous en prendrons pas la langue franaise, si souvent et si injustement accuse. Il est sans doute plus facile de la dprimer que de la faire valoir par un heureux emploi de ses richesses. Sans parler des mots qui imitent diffrens sons, tels que tonnerre gazouillement clatant, siffler, rugir, bler, souffler, rouler, rompre, retentir, etc. il est encore des mots qui peignent divers objets. Quel contraste et quelle vritt dans ces deux noms, soleil et lune Comme le premier peint bien l'clat et la scintillation! Quelle douceur dans le second, et que tous deux

AVANT-PROPOS. font bien passer l'oreille les sensations de la vue Lger et lourd offrent une opposition aussi frappante. Mais nous ne parlerons pas plus long-temps d'un art qui nous est peu familier encore donner des prceptes dans une prface, c'est presque promettre des exemples, et certes nous n'en avons pas la prtention. Nous ajouterons un mot sur l'extrieur'ct le physique des anciens peuples du Nord. La plupart des auteurs nous dpeignent les contemporains chefs avec une figure noble, une taille haute et majestueuse, un teint clatant, et sur-tout une belle chevelure. Leur force tait prodigieuse, et le rcit en paratrait fabuleux, si une foule de monumens, si des pierres normes, transportes et places les unes sur les autres sans le secours de la mcanique ne confirmaient le tmoimoderne, gnage des historiens.

A V A N T-P ROOS, Notre texte inconnu ne mritait pas l'honneur que l'on fait quelquefois aux mauvais comme aux bons ouvrages, de les charger d'ennuyeux commentaires et de notes parasites. Celle des Scandinaves sont historiques, mytliologiques et philosophiques. On leur disputera peut-tre cette dernire qualification. Mais quand nous aurons dit que trois ou quatre religions y sont traites assez lestement, on verra bien que nous sommes philosophes. Quoi qu'il en soit, ces notes seules auraient pu former une intressante compilation, si elles avaient t mieux dig1 res et mieux crites.

A V A N T-P

KOOS.

Fonctions

principales nommes dans

des Divinits le texte.

(Les notes renferment une explication plus dtaille, et feront connatre les divinits moins puissantes.) ODIN, dieu suprme, combats la magie, etc. Frigga, ou la Terre, qui prside son pouse. aux

Thor, fils d'Odin et de Frigga, dieu guerrier. Il prside l'air et lance la foudre. Nioud ou NIORDER, dieu de la mer et des vents. BALDER, fils d'Odin. H-est doux, libral, et'prside l'loquence. FREY, fils de Niord, sons. FREYA,surdeFrey, et de l'esprance. Oder, dieu guerrier, gouverne les sai-

desse de l'amour poux de Freya.

Hexmdal, des dieux.

gardien du ciel et messager

A VA

NT-PB.OP

OS.

ou le Noir, prince des gnies Surtur, du feu, ennemi des dieux. Loke, gnie malfaisant, aussi ennemi des dieux. Hl a, ou la Mort, fille de Loke et reine des enfers.

LES

SCANDINAVES.

f.

1

LIVRE

PREMIER.

Qui vient troubler le calme de ma retraite solitaire ? Quelles voix ariennes se mlent aux mugissemens des vents ? Le respect et l'amour se partagent mon ame tonne. Mnes de Sunon, est-ce vous? Sans doute, du sjour des dieux, vous avez vu couler mes pleurs sur votre tombe rvre. Je t'entends, hros que j'aimais, je t'entends je dirai tes malheurs et tes exploits. Ainsi de qu'un humble ruisseau s'enorgueillit l'clat des cieux, mes chants timides s'ennobliront du rcit de ta gloire. des nuits venait de cacher soit disque plissant une ombre paisse enveloppait la terre. Tu dormais, monarque de Skone(i) immortel Sunon! tutelivrais au doux sommeil que gote un roi qui compla les heures du jour par ses travaux, et ses travaux par les besoins de son peuple Nuit fatale peine assis sur le trne'de Vandalie (2) son ennemi brlait dsignaler une haine long-temps impuissante. A la faveur d'une brume perfide, ses vaisseaux L'astre

LES

SCANDINAVES.

vomissent sur nos rivages de nombreux bataillons. Ala tte de sesguerrers,Buris (5) s'avance. Immolez, dtruisez, leur ditil qu'il ne reste de Sunon et de sa puissance Jqu'un' souvenir obscur et fugitif, comme la fume de son palais embrase. S'il faut, affermir vos coups, due les mortelles injures de votre roi soient prsentes vos yeux, lin rival perfide m'a tout ravi, et le cur de mon pre et ma gloire et mon pouse. Je rgne enfin je vais punir. Ella n'est plus l'ingrate Semirls mais le crime, le coupable et la vengeance lui survivent sur d'autres encore. En d'autres temps bords, assez d'exploits fondrent votre renomme ici, vos bras n'auront frapper des victimes. II dit, et souffle au que coeur de ses soldats la rage qui l'anime. J^unden(4), cit malheureuse! l'appas ;des richesses que tu, renfermais prte des des flammes, des flots ailes ces barbares de sang, des cris de mort te portent le preZD d~ mier bruit de leur soudaine invasion. L'adultre et.le meurtre souillent la couche nuptiale. A ct d'un poux sanglant, prs d'un -pre expir, la-chaste pouse et la fille in-

LIVRE

IRE.JIIEU-

nocente succombent la barbarie du soldat. Les tendres enfans gorgs sur le sein de leur mre, que le mme glaive a dchir se dbattent; mais bientt un coup plus sr les prcipite du seuil de la vie dans les demeures de la mort. A ce spectacle, Buris.n'a point dtourn ses yeux cruels il croit dj., voir couler le sang du hros que sa haina poursuit. i i

Cependant quelques guerriers s'arment . la hte; et volent au pied de la colline que mais alors ceignent les eaux de l'Arveris l'aquilon les tient enchanes les flots, devenus solides, ne peuvent arrter une foule innombrable de Barbares, qui, sur les pas de leur chef, nous renversent et nous foulent aux pieds. Du haut d'une tour construite d'normes madriers, d'autres Scandinaves repoussent quelque temps leur atmais un feu dvorant sappe les taque foudemens de la forteressej et la rsine visqueuse dcoule en bouillonnant sur les poutres embrases. Enfin, travers des tourbillons def u me nous voyons laplate-forme s'crouler avec fracas, et sous ses dbris ensevelir les guerriers qui la. dfendaient.

LES

SCANDINAVES.

La flamme

s'irrite d'un nouvel aliment qu'elle dvore elle jaillit dans les airs avec un horrible sifflement, qui prsente notre esprit pouvant les tourmens de ces malheureuses victimes sa lueur funbre clairee et l'ocan lointain, et la cime des monts couverts de neige. A cette vue, le Scandinave dsespr s'crie Oh que les ilts en courroux ne viennent-ils nous engloutir! Que les glaces entasses sur ces roches menaantes,^ s'croulent-elles sur nos ttes! Tandis qu'il invoque la mort, la mort, aussi prompte que ses vux a dj fondu sur lui. Dieux de ma patrie, manes de mon roi, j'ose vous attester ici, que n'ai-je point fait dans cette nuit cruelle pour sauver nos, Mais dois-je parler de tristes foyers moi-mme dans ces chants que rclame la mmoire des hros ? ? Tant de crimes, tant de malheurs n'avaient t que l'ouvrage d'un instant le sommeil rpandait encore de perfides pavots sur le palais et sur les demeures qui Buris et son escorte sanguil'entourent iiu>e ,1a menace la bouche, la mort dans

'livke

PREMIER.

les mains, ordonnent de livrer Sunon leurs coups; mais nul des sujets de Sunon ne veut viter ce prix le trpas. Inutile dvouement les soldats qui viennent de franchir l'Arveris, voient, en montant la colline, de hautes tours, de vastes portiques j o par un admirable travail, le marbre toit faonn comme l'argile obissante. Ils courent les portes aussi-tt gmissent sous les coups redoubls de la hache, et les gardes tombent gorgs. Dfendu par l'amour de son peuple, notre monarque avait peu de soldats autour de sa demeure; mais leur fidlit se signale encore leurs derniers inomens et frapps de blessures mortelles, leurs cris, en remplissant l'air, vont encore avertir leur roi du pril qui le menace. Adelus (5), autrefois le compagnon de ses malheurs, alors l'appui de son trne, Adelus est rveill par un bruit tumultueux il s'lance, il regarde il voit la ville en flammes et le palais entour d'ennemis furieux, qui s'exhortent ne point laisser chapper Sunon. Tous se disputent l'honseur de lui porter les premiers coups, tous

LES

SCANDINAVE

S.

d'offrir Buris sa tte, ple, et san], . glante. 1 ': n il, > .>i, Adelus a reconnu l'armure des Vandales, il sait tout. Que faire? Son fils et l'lite de nos guerriers poursuivent depuis trois jours, les monstres des forts dans ce pril il n'a qu'une pense il vole . pressant Sunon, et, pour le sauver, rassure sa tendresse sur le sort d'une fille, unique fruit de son hymen. Fuis,malheureux priuce!, tu n'as pl us d'empire, plus de sujets. Lunden est en proie aux llammes, au carnage Buris triomphe. Mille assassins fondent sur toi; si tu les attends, tu pris sans illustrer ta mort, par des, exploits dignes de ta vie. Adelus t'en conjure, ah conserve des jours si prcieux Suivi de quelques amis, suivi de ta fille, je saurai te rejoindre. Cette issue secrte conduit aux jardins. Les souterrains du temple de Thor t'offrent un _asyle. v . Mgi,, fuir et ce fer me reste .interrompit le monarque. Mes gaux* ne m'ont-rs dcern la couronne que pour la porter-aux jours de^pje, et l'abandonner. ..n J., .1. .J~} u Les douzeprineipaui^chefeu pays. d

brlent

tlf

RJS

PREMIER.

dans les pi'ils Sauve Alpas, et laisse-moi subir mon sort j'aurai su vivre et mourir en roi. IJ parlait encore, et les portes s'clatent sous les efforts des soldats. Les deux hros entendent le grincement des gonds prs d'chapper aux murailles. Le vieillard, embrassant les genoux de Sunon: O mon matre, lui dit-il, toi que j'ai suivi ds l'enfance, toi que dj mes soins ont soustrait au trpas, ne rejette point ma prire Qu'importe la gloire un vain mpris de la mort? la gloire est dans un utile emploi de la vie Dans un jour, dans une heure peut-tre, nous pourrons mourir avec clat, et monter au palais d'Odin, prcds d'une foule de victimes. IL dit, et le prince qui cde regret, se laisse entrainer sur ses pas. A peine il l'a quitt, que les portes, demi-rompues, sont enfonces avec fracas. Les clameurs d'une joie froce retentissent au-dehors du palais, et les cris du dsespoir se prolongent sous ses votes branles. UnI..

LES

SCANDINAVES.

instinct homicide conduit les trangers ils se prcipitent vers l'asylo o reposait le roi. Le fidle ministre, pour favoriser la retraite du hros, revt le manteau royal et ceint le diadme. Il s'lance au-devant du passage, arm d'une longue lance, et s'il ne peut tromper la fureur de ces barbares, il vent du moins retarder leur poursuite. A sa vue, soit respect, soit terreur, la foule des assaillans s'arrte. Qui peut retenir nos coups s'crie le noir Odislas ? "Frappons! II dit, et s'lance travers les soldats mais peine il a touch le senil, qn'Adelus le perce de sa lance, la retire et la plonge encore fumante dans le flanc d'Arcamor. Les deux Vandales, entrans par le poids de leurs armes, tombent, et leurs fronts se brisent sur le marbre. Le hros les repousse et leurs corps, qu'il presse d'un lui servent de barrire pied vigoureux, contre ses ennemis. Tandis qu'il immole d'autres victimes leur sang confondu ruissel jusqu' ses pieds. Le fougueux Ethelmar se prcipite. Infme ravisseur, lui dit-il, c'est sous mon cimeterre que va tomber ta tte indigne de la couronne -En ache-

LIVRE

PREMIER.

vant ces mots il carte la lance d'Adelus mais le fer, trompant sa main imprudente, le perce au-dessous du coeur, porte dans ses entrailles un froid mortel, et va s'engager dans le bouclier d'Othrys. Le hros faisait de vains efforts ppur l'en arracher tout--coup son oreille est frappe par un bruit qui s'accrpt, ainsi que le mugissement de la mer en courroux, lorsque ses flots envahissent le rivage. Une troupe nouvelle accourt, et par son choc imptueux oblige la premire franchir \e passage. Guerrier magnanime, tu ne vois ni la mort qui te menace, ni la gloire qui t'attend sauver ton matre, voil ton salut, voil ta gloire. Tu ne dfends tes jours que pour assurer les siens. Le fer chappait la main d'Ethelmar expirant; Adelus le'saisit: prs d'tre entour d'ennemis, il s'lance en arrire, et s'appuyant contre une colonne, il pare mille coups, il donne mille morts. Tout le pril est pour lui; toute la terreur pour ses assassins il leur semble un Dieu descend pour nous dfendre c'es

LES

,SCANBIKAVES.

Thor lanant sa foudre vengeresse, ou plu tt c'est Odin exterminateur (6). Qui rveilla soudain leur courage et leur barbarie? Un spectacle bien digne de piti. La fille de Sunon, Alpas, accourt tremblante, perdue. Les dangers de son pre l'appellent, le bruit des armes la guide. Lestnbres, foiblement combattues par lalueur incertaine de l'incendie, ont abus ses yeux elle croit reconnatre son pre aux marques de sa puissance et sur-tout aux marques de sa valeur. Elle perce la foule des soldats, elle se jette entre eux et le hros et lui fait un bouclier de son sein palpitant. Barimmolez donc la fille bares, s'crie-t-elle aux yeux du pre, et le pre sur le corps, sanglant de sa fille Mais plutt, puisez contre moi toute votre rage et respecter ses jours. Ni ses larmes ni ses sanglots, ni l'accent du dsespoir, ni ses tremblantes mains qui se portent devant chaque glaive, rien ne peut mouvoir le cur impntrable de ces tigres. L'un d'eux la saisit par ses longs chcveux, et ramenant avec roideur sou bras

LIVRE

PREMIER.

vers la terre, la renverse ses pieds. Un autrprofile de cet instant,et lance au guerrier un long et pesan t javelot. Le trait puise sa force dans le flanc d'Adclus, et s'arrte en brandissant. Profonde et mortelle blessure le sang qui s'en chappe jaillit sur la dplorable Alpas. Quel cri dchirant! quels Le hros veut encore efforts dsesprs frapper, mais le coup qu'il porte l'entrane il tombe sur ses genoux, son lui-mme; corps chancle, et sa tte plissante se penche sur son gnreux sein. Le lche Othrys qui peu d'instans avant n'osait jeter les yeux sur lui veut du moins achever cette honteuse victoire, et choisissant loisir la place de ses coups,plonge dans le sein d'Adelus son pe toute entire. Le fer porte dans, ses entrailles qu'il dchire une douleur aij gu et les glaces de la mort. ,'l l > -i -!/ A peine de cette large blessure Othrys a. retire son glaive, qu'il s'en chappe un horrible jet de sang. La nature souffrante arracle au hros un long et douloureux soupir. Mais, dans un corps expirant, sa grande ame conserve encore toute sa force; en tombant pour ne se relever jamais j il yeut pro-

LES

SCANDINAVES.

longer une erreur utile son matre, et dd manteau royal il se couvre le visage. La crainte de ne pouvoir rvler la fille de Sunon la retraite de son pre, trouble seule son dernier moment, et suspend son dernier soupir. La vertu retient dans le sjour de la vie, cette me que le ciel attend. Echappe au soldat qui la retenait, Alpas, hors d'elle-mme, se prcipite sur le d'une main elle s'efforce corps du hros d'arrter son sang, de l'autre elle soutient sa tte, qu'elle n'ose dcouvrir. Son ame est prte s'exhaler, et dj ses traits portent l'empreinte de la mort. Dans son dsespoir elle s'crie Mon pre mon pre il n'est plus il ne m'entend plus Mon pre, ah! que le mme fer confonde mon sang et le tien Aussi-tt elle s'efforce d'arracher de la plaie le trait homicide, mais le hros dcouvrant son visage Alpas la clart des flambeaux qui s'allument de toutes Adelus saisit sa maiii, parts,le reconnait. la presse, et par un signe expressif l'avertit de dissimuler. La foule grossire qui les entoure n'prouve, leur vue, que cet tonnement

LIVRE

PRE MIE II.

stupide qui lui tient lieu de piti elle va chercher d'autres victimes, et ne laisse derrire elle que des soldats presss de s'enrichir des dpouilles de nos rois. Adelus jetant alors sur Alpas un dernier regard, lui Sunon resdit d'une voix dfaillante pire, et tu ne vois ici qu'un soldat heureux de mourir pour son roi. Sous les murs du temple de Thor, et non loin du palais, un bois touffu cache l'issue d'un souterrain. c'est l que tu trouveras mon roi. Attends le moment favorable. Qu'il se souvienne de mon fils A ces mots, il expire. Tandis que la douleur, l'admiration la joie, dominent tour tour dans l'ame d'Al-. pais, un nouveau tumulte se fait entendre. Les torches qui viennent d'allumer l'incendie brillent de plus prs Buris parat dans son effrayante majest. Son front est sombre comme la nue qui porte la foudre. Ainsi que l'clair sanglant, son regard est le signal du trpas les votes du palais, retentissant sa voix, semblent rpter les clats du tonnerre. A peine il est entr, que ses avides regards fixent le corps du guerrier, comme

LB-8 SCANDINAVES.pour le frapper d'une seconde mort.-Je mais le plaisir de la suis veng, dit-il. main, ma vengeance m'est chapp ma main seule devait punir ce tratre. Je me sens altr de son coupable sang s'il respi-A ces mots, il dcouvre rait encore! Adelus, le reconnat j et pousse' un cri de >' "' ' fureur.'ii.i! m.. j ' 'i i; Le visage du hros conservait une fiert que rendaient plus imposante les glaces de la mort, et ses traits immobiles respiraient le calme de lavertu. Sur ses lvres ples un sourire altier semblait encore braver le Et toi, dit la princesse le fatyran. rouclieBuris, toi qui' oses verser des larmes sur le corps de cet ennemi ?' qui s-t? Sa fille. C'est en vaiu que i. veux feindre, et ton seul aspect a dmenti la rponse. Tes traits m'ont rappel ma perfide pouse je reconnais en toi 'le fruit' d'un dtestable amour. Telle tait Smiris quand je l'aimai; tclte je la vis sur-tout lorsqu'elle me trahit. Ma fureur redouble ta vue. Ce manteau, ce diadme et ta fausse douleur, Mre d'Alpas. v ->

LIVRE

PREMIER.

'voilent sans doute quelque artifice malheureuse o s'est cach ton pre ?-Il dit, et de sa main couverte de fer il la saisit et la prcipite sur le corps d'Adelus. Le glaive appuy sur son sein: Parle, ou, meurs!r s'crie-t-il donc touffer la : Barbare croyais-tu voix de la nature? Au-dessus de la crainte, mais rprimant jusqu' son indignation pour conserver ses secours l'infortune d'un 0 roi, tu peux pre Alpas te rpond: m'arracher le jour, et tes dieux vainqueurs 's jusques dans la peuvent me poursuivre nuit du trpas mais si l'effroi, ni la douleur, ni, le courroux des dieux, ne peuvent arracher de mon sein un secret que j'ignore. Je fus trompe par ces mmes signes qui l'abusrent. Soit que le hros de Skone ait pri sous le fer des assassins, soit qu'il respire encore, son destin dplorable n'estpoint connu de moi. .

Le fils d'Othar sans dtourner son glaive, roule dans son ame de sinistres penses. Il ne croit point Alpas (un tyran n'est crdule que pour les pervers ;) mais il songeJ. 2

LES

SCANDINAVES.

qu'en la laissant vivre, il pourra dcouvrir par elle la retraite de Sunon. il regarde la fille des hros. Il Incertain voit dans ses traits une tranquille fermet, tandis que son sein frmit sous le glaive; il voit la lueur des torches mille pes briller autour de cette infortune sans qu'une seule s'lve pour la dfendre; il le voit, et sent trembler la sienne. et sa langue ne Il demeure immobile peut exprimer le sentiment inconnu qui retient son bras mais bientt retrouvant toute sa cruaut Qu'on observe ses pas, et qu'on respecte ses jours, dit-il.Et la fixant d'un il curieux: -Volkind Barnim, et toi, sombre Ilmore, vous qui ne connaissez que trop mon ennemi, cherchez-le, et quelque rsistance qu'il oppose, vivant mes pieds. Ce glaive tranez-le s'abreuvera mille fois de son sang, et ma main, plonge dans son seinentr'ouvert, lui arrachera le cur avec la vie. Faites garder les issues du palais; que en sonde votre oeil vigilant en dcouvre

LIVRE

PREMIER*

Ses retraites les plus caches. Suivez cette galerie qui ceint le fate de l'difice, et descendez dans chacune des tours qui dfendent ses murs. Fouillez les ruines que vous voyez l'extrmit du rocher, et qui tiennent au palais par ces longues arcades ensevelies sous la neige. escorte nombreuse vous accomQu'une pagne dans les jardins, en parcourre avec vous les dtours. Tout m'est suspect, tout appelle vos regards vigilans; et ces arbres que le poids des frimats a courbs, et ce temple lev, dont les portes sont encore fermes. Allez, et que bientt nous puissions nous dsaltrer dans son crne sanLes premires paroles de Buris glant (7). ont jet dans l'ame de la princesse le trouble et la terreur, mais elle a bientt pntr l'artifice de son discours et sans changer de visage, elle entend nommer l'asyle de son pre. Le tyran frmit, qui s'accrot d'avoir respire, et quelques encore. Comment et renferme une colre t due. Son ennemi ressources lui restent le fils d'Othar pourra-

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SCANDINAVES.

t-il assurer et sa vengeance et sa conqute ? Il ordonne aux chefs de rassembler l'instant les plus lgers de leurs soldats, et d'aller surprendre deux forteresses, que nos voisins jaloux voient s'lever sur les limites de la Skone. Tandis qu'agit par une sombre impatience, il attend le retour de ses favoris, et que dans un palais souill de meurtres, une fte se prpare pour clbrer des succs honteux, ses hordes froces ne mettent plus de bornes leurs ravages. La majest mme des dieux n'en dfend pas nos temples. Les vierges de Frigga (8) qui, dans une enceinte jusqu'alors impntrable, lui conservent un feu sacr, font retentir les votes de leurs cris, et pressent les autels de leurs mains tremblantes. A l'approche de ces brigands impies, elles trouvent dans leur dsespoir une force inconnue, mais c'est en vain que, pour viter l'outrage, elles courent au-devant du trpas; les monstres. ( races futures, le croirez-vous 1 leurs mains sont -la-fois impures et sanguiils cherchent d'horribles plaisirs naires dans les bras de leurs victimes expirantes.

LIVRE

PREMIER.

Par-tout le fer prsente une mort si cruelle a. que des femmes perdues, (l'onde glace refusait de les recevoir dans son sein, ) se prcipitent au milieu des flammes. Les flammes ondoyantes sifflent en cdant au soufile des, o brillent et disvents. Un sombrenuage, paraissent de sanglantes toiles, s'lve dans, les airs. Les frimats qui couvrent le fate. des difices, dvors eux-mmes par l'incendie, ne peuvent ralentir ses ravages. Une sinistre clart rvle tous les crimes que favorisa l'obscurit. Dans les rues, sur les places publiques, des ruisseaux de sang souillent la blancheur de la neige, qu'un reste de chaleur fait fondre autour des ca-i davres. Ici, c'est un guerrier nu qui dispute sa. vie des assassins couverts d'acier. Dieux de l'enfer je crois encore entendre le sourd. dchirement de sa poitrine entr'ouverte par un large glaive. Ils le regardent, se dbattant leurs pieds, du mme il dont ils verraient un taureau que des sacrificateurs viennent d'immoler; ils le regardent, et ne daignent point, par un dernier coup, hter la fin. de 8,estoannens..

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SCANDINAVES.

Plus loin, une fille plore vole au-devant du glaive prt percer le cur de son pre j de ses mains suppliantes elle retient ce bras, menaant. Sa prire est aussi pressante que< le danger: mais le tigre vafrapper. 0 que la pit donne de forces une beaut faible et craintive arrte ce farouche meurtrier. De douces larmes inondent les joues du vieillard:le Vandale mme, quoiqu'il s'en, tonne, est entran par la piti. Suivezmoi, je veux vous sauver, leur dit-il. Et la tendre Vellina le suit avec son pre qu'elle entoure de ses bras tutlaires. Les flammes s'tendent au loin, pousses, par un vent imptueux. Lunden, cit superbe, tu n'offriras plus bientt qu'un vaste brasier On dirait que la dernire heure de l'univers a sonn (9); cette heure o le noir Surtur (10) arm du glaive sur lequel flamboie un mobile soleil, viendra, prcd par un dluge de feux, exterminer et les hommes et les dieux. Cependant parmi ces trangers, il en est qui ne portent point un cur impitoyable. Moins irrit que Buris, son 'frre Prislas

LIVRE

PREMIER.

aime mieux nous subjuguer que nous dtruire. Il s'elforce de sauver du fer et du feu ce qui reste de la ville et de ses habitans, et sa voix calme enfin les soldats enivrs de carnage. Les plus dociles, avec leurs. haches sanglantes, drobent l'incendie les difices qu'il n'a point encore atteints, et prservent d'une entire destruction notre dplorable cit. Tel, au milieu des mers solitaires, est un_ battu de la vaisseau, lorsque long-temps tempte et dpouill de ses agrts, un souffle plus puissant s'empare seul de l'empire des. airs, et le pousse enfin vers un rivage hospitalier. La nuit n'avait point,encore achev sa course, mais dans le palais de nos rois les armes des guerriers tincelaient la clart de mille flambeaux. Quelques Vandales appuys contre les normes faisceaux de colonnes qui supportaient les votes, tablaient leur butin et comptaient par combien de meurtres ils venaient de le conqurir. D'autres, que n'avaient point assouvi tant de rapines sacrifiaient an dieu du lia-

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SCANDINAVES.

sard; on les voyait interroger d'un air avide les dez(n)qui roulaient surle marbre. Sila tout l'un d'eux, ( dmenfortuneravissait ce!) il risquait sa proprelibert contre del'or. Autour d'un vaste foyer, les chefs s'occupent polir leura armes (12). C'est regret qu'ils en effacent le sang dont elles sont l'mail des prs verdoyans les couvertes clestes nuances du pont des dieux*(i3), etles roses mme delabeaut, plaisentmoins leurs yeux cruels que la couleur du sang d'autres Vandales apprtent le ennemi festin et posent sur de longues tables des et d'hyurnes remplies de cervoise dromel, et d'un vin gnreux, ou de ces divers breuvages que nos mains expriment des fruits de nos montagnes (i4). 1 des soldats Ici, devant les portiques, creusent, dans la terre durcie par le froid, des fosses larges et profondes. Ce n'est pas pour donner la spulture ces guerriers tendus dans leur sang ils revtent de L'arc-en-cieL Bire de Celtes.

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PREMIER.

pierres ces fosses chauffes par un feu violent; ils y placent les brebis et les gnisses qu'ils viennent d'gorger dans les \a.-< bles du monarque, et les recouvrent aussitt avec des caillous brlaus. Tandis que la salle retentit d'un bruit tu-multueux, Alpas se tient l'cart. Dans son amre douleur, elle se couvre le visage de ses mains pour drober ses yeux le spectacle d'une joie odieuse; des larmes br" Jantes ruisslent entre ses doigts. Agite, perdue, mille effrayantes images s'offrent sa pense. Tantt ce sont des soldats qui pntrent dans la retraite de son pre, et courent le livrer toute la cruaut du tyran; tantt elle craint qu'il n'ait trouv la mort en voulant s'loigner, et dans son dlire elle voit un barbare prsenter Buris cette tte sacre. Entrane par l'excs de sa terreur, elle s'lance; mais elle voit briller dans les yeux du fils d'Othar une inquite et se sent une fois rassure par impatience son aspect farouche. tu ressentais encore d'autres Tendrefille avec l'amour filial un autre tourmens

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SCANDINAVES.

amour rgnait aussi dans ton cur. Tu n'osais te l'avouer, et dans les panchemens de ton ame ingnue, souvent, avec lafiert de l'indiffrence, tu disais tes compagnes -Nul guerrier n'a fait soupirer Alpas, En pas mme le vaillant fils d'Adelus. cet affreux moment, ton dsespoir t'clairo et tu reconnais l'amour. Mais combien l'amiti devait tre pour toi plus fatale encore! Depuis long-temps tu distinguais parmi tes compagnes l'aimable Evrallina; elle brillait prs de toi comme l'clatante hyacinthe au pied de la reine des Heurs. Un mme souffle les agite; leurs parfums se confondent, et la rose, inclinant sa tte superbe, laisse tomber ses humides perles dans le sein de la tendre fleur qui s'panouit au-dessous d'elle. Au lieu de ces vierges timides, qui passrent avec elle de l'enfance il la jeunesse au milieu des innocens plaisirs, Alpis ne voyait que de sombres guerriers, lorsque ses yeux se nxerent tout-a-coup sur le terrible Ottocare. Du cimier de son casque tombait une longue et superbe chevelure

LIVRE

PREMIER.

elle tait souille de sang et tenait aux dplorables lambeaux du front que, pcu d'instans avant, elle ombrageait de ses boude;; la fille ondoyantes. Uncriperantchappe de Sunon elle se prcipite, elle presse de ses lvres cette chevelure si chre, et la baigne d'un torrent de larmes, avant que sa bouche glace puisse trouver des sons pour se plaindre. Cette dpouille inanime, ce trophe de barbarie, ces cheveux ensanglants, Alpas de ses augustes mains daigna, souventles tresser, les ornerdeueurs; etpuis elle contemplait avec orgueil la beaut de son Evrallina. Le Vandale cependant repousse la Elle des rois Barbare, lui dit-elle, quels yeux viens tu triompher de ton crime! Qu'as-tu fait Qui t'inspira l'horrible coucar rage d'immoler la douce Evrallina?. c'est elle je le sens ma douleur, l'effroi Mais que m'inspire ton aspect odieux. est parle, est-il vrai que ta main?.II vrai, dit-il, et tu peux gmir j'ai vu couler d'autre sang et d'autres;pleurs. Buris le de tant de hros, regardant: -Vainqueur lui dit-il, Rer Ottocare, comment daigues-

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SCANDINAVES.

tu parer ton front de la dpouille d'une Fils d'Othar dans cette nuit femme ? sanglante qui vient de nous livrer un ennemi sans dfense il ne nous restait vaincre que la piti. l'instant o je me rendais tes ordres, une fille de Skone prcipitait ses pas vers le palais; elle respirait peine; la tendresse, le dsespoir se peignaient tour--tour sur son visage, et l'embellissaient encore. Nos soldats mus, baissant ]a pointe de leurs lances, n'osaient la 0 repousser qu'avec leurs boucliers vous, qui que vous soyez, leur disait-elle, que ma prire vous Bchisse! je vous en conjure par vos dieux, (si vous-mmesn'tes point des dieux ennemis ) je vous en conjure par vos filles et par vos pouses, qui peut-tre un jour seront ainsi suppliantes devant un vainqueur furieux. Si vous voulez ma vie, je vous l'abandonne; mais avant de mel'ter, souffrez que je voie, quej'em-. Je brasse encore une princesse infortune mlerai mes larmes ses larmes, heureuse si ma mort suffit votre colre 1 En. disant ces. mots. elle embrassait leurs.genoux 3 -A

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PREMIER.

elle faisait mille efforts pour se frayer un passage entre leurs boucliers, et se frappait le sein en gmissant. Alors, ( le dirai-je ) mon il a vu d'indignes pleurs ruisseler sous les casques, et nos guerriers vaincus, ouvrir leurs rangs la voix d'une femme Lches! leur ai-je dit, est-ce ainsi que l'on venge les rois irrits? Puisque nos la piti n'est dieux sont impitoyables fonds aussi-tt sur qu'une foiblesse.-Je l'trangre qui dj. touchait le seuil du. palais; je la trane aux pieds des soldats, et sans frmir, je plonge mon pe dans son. sein palpitant. Tandis que le dernier soupir chappait ses lvres avec le nom d'AIpas, je sillonnais son front avec ce fer; et le pied appuy sur sa tte sanglante, j'en arrachais sa longue chevelure. Place sur le casque d'Ottocare, qu'elle atteste jamais son inflexible fermet A ce rcit, un sombre murmure se fait entendre de tous cots Buris seul gardait le silence, n'osant dsapprouver un crime commis pour lui plaire. Alpis perdue vole aux portes du palais, pour embrasser les restes inanims de sa compagne chrie; mais les guerriers la repoussent, etpar piti se montrentrigoureux.

t.ES

SCANDINAVES.

Le soleil venait de commencer sa courto carrire, et j'incendie presque teint, palissait son aspect. Il ne s'en levait plus de llammes ni de fume. Seulement, sur uri sombre horizon, l'il distinguait de loin les charpentes embrases de nos plus vastes difices. La. ville entire, dpouille de fri~ mats, semblait une le au milieu des campagnes couvertes de neige; mais avec quelle horrible diSrence le souille de la guerre venait d'y devancer les douces haleines du printemps 1 Alpas s'abandonnait la douleur, lorsque les chefs, suivis d'une foule de satellites, annoncent Buris que leurs poursuites ont t vaines. Tandis qu'il leur adressait des paroles svres, la fille des rois sentait son cur soulag. Cependant les tables paisses taient dj couvertes des membres du buSIe et de l'lan, et le tribut des bergeries s'y mlait celui des forts. Un norme sanglier (i5), que Sunon lui-mme avait perc de sa lance, tait devant la place de Buris, dsigne par un trne d'airain rehauss d'or de larges bancs entouraient les tables.

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PREMIER.

Le palais retentit des clats d'une joie mille convives prennent tumultueuse place au festin. C'toient les gnraux, les iarles* (16), et l'lite enfin de l'arme. Les chefs et le roi lui mme, distribuent des pains (17) d'un pur froment ceux qui les la cervoise (18) coule grands entourent; flots le jus pourpr des viandes jaillit sous les haches, Rt leur odorante fume s'tend jusqu'aux extrmits du palais. Lescuyers, chargs de la lance et du bouclier de leurs matres, demeurent immobiles prs d'eux. DevantBuris, toient deux urnes d'argent cisel qu'Ingel donna jadis sa fille, la perfide Aza. Sur l'une, on voyoit la fameuse bataille o Blanda reine des Goths la tte des femmes de son pays, dtruisit les hordes froces que Dan avoit conduites sur nos bords. Une lance homicide remplace le fuseau dans leurs tendres mains. La fureur qui les anime fait oublier leur sexe, leurs attraits; par-tout elles sment l'pouvante et la mort le roi tombe sous leurs coups au milieu de ses fils mourans, et les Les nobles.

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SCANDINAVES.

flots dulacDansion reculent, repousss pa~ des monceaux de cadavres. Sur un mont hriss de rochers, les vierges de Gothie osent combattre l'athlte OIaus: victorieuses, elles lvent leur victime un tombeau que notre ge voit encore tel que le sculpteur l'a reprsent. Sur la seconde urne on reconnoit le combat de Stroby~ o l'hrone vainquit le chef orgueilleux des Cimbres*. Ici sont des autels o la reine des dieux reoit en onrande le sang de nos ennemis commands vaincus (19). L, les Huns, par Humblus leur roi, succombent sous le fer de nos aeux dans les arides plaines de BrovaIIa. Le fils d'Othar, prenant cette uniOj'remplit de vin un crne, affreux monument, de victoire, que l'art s'toit vainement efforc d'embellir en y prodiguant l'or et les perles. Il se lve et se tournant vers Prislas -Je bois avant toi, mon frre, lui et je souhaite que ce breuvage te dit-il soit aussi salutaire qu'a moi-mme** (ao).Baste-le-Fort. .ForinHie consacre.

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PREMIER.

A ces mots, il vide le crne d'un seul trait, et le remplissant de nouveau, le prsente Prislas. Les cornes de buffles, les coupes d'or (21) et de pierres prcieuses et parmi ces passent de main en main hommes farouches rgne cette apparente cordialit qui prcde l'ivresse. Selon notre antique usage, le monarque et ses gnraux forment, dans le dsordre du festin des projets (22) que doit mrir le calme des conseils. II dsigne aux guerriers les diffrentes routes qu'ils doivent tenir avec leurs cohortes pour envahir les Etats de Sunon. Tel, du centre de son humide palais (25), o les nuages et les frimats se confondent dans un tourbillon clatant, le roi des lidonne l'essor aux vents quides plaines qui doivent ravager la terre et soulever les mers. Libres enfin des soins d'une perfide prvoyance, les convives offrent des libations leurs dieux. Les coupes se vident tour-atour en l'honneur de la desse Hertha Niord ouNiorder, dieu de la mer et des vents. Ou la Terre.i. 5

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SCANDINAVES.

de Radegast si rvre par les Obotrites, et de ce nouveau dieu dont la prsence et la faveur lvent les Rugiens (a4) au-dessus de toutes les autres nations Slaves. Les Saxons adressent leurs vux au gigantesque la colonne de ~K7H\ d'Odin. ' '

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SCANDINAVES

blaient tous .les yeux que les instrumens de ses desseins. Aujourd'hui mme, ils la redoutent encore assez pour la mnager en public, et travailler sourdement la perdre. Mais la reine a conserv quelque pouvoir sur l'esprit d'Harald elle nourrit en lui le noble feu de la gloire, et si quelques rivales ont os lui disputer son cur toujours elle sut ou les carter, ou les perdre. Moins jalouse de l'autorit que de l'clat, et contente, d'associer son nom aux exploits de son poux, l'empire secret des Hildiredes ne semble lui causer aucun ombrage. Telle est prsent la cour de ce monarque, l'effroi du nord l'amour d'un peuple qu'il ne rend point heureux et le jouet de quelques perfides dont il a pntr les desseins. > '' -X. ";>,' !,> Ainsi parla le guerrier et quoique ce rcit et diminu les esprances de Sunon il partit le jour suivant, accompagn du' plus jeune des fils d'Orolfo. L'accueil de ce" bon vieillard "avait port dans l'ame du. hros la douce consolation. Oh combien les infortuns attachent de prix la piti des ames gnreuses Trahis par le destin s'ils rencontrent des mortels sensibles

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leurs peines, ils croyent trouver dieux moins contraires.

enfin des

Les Scandinaves promnentleurs regards sur les fertiles plaines de la Dalie. Les frimats amollis, s'coulaient en nom breux ruisseaux une verdure printanire commenait poindre dans les humides prairies. La nature semblait se rveiller aux nouveaux rayons d'un soleil pur, au souffle caressant des zphyrs. r Dj s'loignent d'eux Malstrand et ses cueils redouts, Odevalla, que domine une haute montagne, et Stromstad, obscure cit qui non loin de ses murs, voit s'affaisser sous le poids des sicles, un antique monument. Par-tout, leur jeune guide avertit les peuples du respect qu'ils doivent ces illus! > m i' tres fugitifs. 4 ..s l'i ) ;u"ij "V i A travers de sombres forts des lacs et des fleuves grossis par le tribut des montagnes, ils arrivent enfin la-forteresse de Valdis o l'oreille .est., 1 toujours frappe

'Waldis holm. Holm signifie dedieure^>f

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SCANDINAVES.

d'un bruit gal au fracas du tonnerre. Prs de ces murs, les flots imptueux de la StorcElva (ao) se prcipitent du haut d'un rocher dans les eaux du fleuve Sarpen. Les guerriers, au lieu de suivre, par de longs dtours, les rivages du golfe, s'embarquent l'endroit o le fleuve jaloux voit ses ondes fugitives se mler aux vagues de l'Ocan. Ils prsentent aux vents toutes leurs voiles, et bientt devant eux les tours antiques de Tonsberg s'lvent du sein de la mer, au pied du mont qui les domine. Le disque tincelant du soleil tait demi plong dans les ondes occidentales, lorsqu'ils touchrentle seuil du palais d'Harald. Encore la fleur de l'ge et beau comme le dieu Balder (21), il sigeait au milieu. d'une cour brillante. Sa chevelure d'or et de soie tait releve sur sa tte, ainsi qu'un un saye d'une pourpre panache ondoyant clatante (22)^ rehauss d'orvet de perles, ne couvrait qu' demi son corps, et se ratII avaitt snrnomm' Harfa'ger.Les historiens latins l'appellent Pulchricomus, crues Franais, Ha' rali aux-beaux-cheveux..

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tachait sur sa cuirasse. A travers sa magnificence, il conservait un air guerrier, et son pe semblait encore sa plus riche parure. Ses Scaldes (a5) favoris, Egil, Eyvind et Rynaldor, assis au pied du trne mariaient une voix mlodieuse aux accords de la lyre. Imposante comme la reine des dieux Giddales coutait attentive, et l'aiguille tait prs d'chapper ses doigts de roses. que le monarque apperoit les trangers entran par un mouvement involontaire, et sans savoir quel est leur rang, il se lve et marche au-devant d'eux.Noble fils d'Haldan, lui dit le hros, daigne accueillir un roi malheureux. Je m'appelle Snon, et la Skone, qui m'a vu natre, obissait mes loix. Pouss par un implacable ressentiment, Buris a port dans mes Etats et le fer et la flamme une seule nuit, complice de sa perfidie, a vu mon sceptre passer dans ses mains. Hros que je rvre, lui rpond Harald, un dieu favorable tous deux conduisit tes pas vers ma cour tu ne chercheras point d'autre asyle. Le palais des rois s'ennoblit encore en offrant une retraite l'infortune. Les puissans Aussi-tt

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SCANDINAVES.

tremblent aux claira de mon pe mais les opprims viennent respirer l'ombre de mon bouclier. Sunon montrait une dignit modeste qui lui gagnait tous les curs. Inquiets et jaloux, les Hildiredes seuls craignaient que son regard ne perai la sombre profondeur de leurs ames. Ils ne redoutaient point la vertu; la vertu n'tait leurs yeux qu'un voile dcevant revtu par le crime adroit mais Sunon leur semblait un rival, et tout rival un ennemi. Alpas n'a pas moins alarm le cur de la reine, et chaque regard du monarqne la dvoue aux ressentimensde l'altire princesse. Dans son clat virginal, la beaut de Skone semblait un jeune lys qui s'lve au milieu de la prairie ds que le berger l'apperoit, son il bloui ne voit plus les autres fleurs. Le reste du jour s'coule dans les ftes mais aussi-tt qu'une aurore nouvelle a brill sur l'horizon, le monarque demande au hros quelle injure arma contre lui le

LIVRE

III.

Les plus aimables vertus farouche Buris. sont empreintes sur ton front,' lui dit-il: quel mortel a pu te har ? A ces mots, les Hildiredes s'loignent d'un air impatient et chagrin; toutes les voix cessent de se faire entendre, et le respect commande le silence.

FIN

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TROISIME.

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L I V R E IV.entre sa fille et Butlilus, ce fui ainsi Sunon que parla Assis Prince, que ta puissance a fait l'arbitre des rois, et que ta gloire a rendu digne de ce titre c'est ta justice que j'implore. Si j'avais t vaincu les armes la main, soumis au destin des combats, j'irais loin de tous les yeux dplorer ma dfaite mais victime d'une lche perfidie, que l'on ose appeler une juste vengeance, je dois parler; je dois me couvrir du bouclier de la vrit. Tu ne rougiras point, Renomme d'avoir et la fuite de profr mon nom quelquefois, Sunon n'aura pas ferm sa carrire. ds mes plus jeunes ans Je poursuivis, cette gloire qui fuit ma vieillesse. N du sang royal, tandis qu'au sein de la paix, mes rivaux briguaient la faveur du peuple, je m'loignai du trne pour le mriter un roi ne connot que des sujets: je voulus con-

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V R E

IV.

natre des hommes je voulus en tre un moi-mme, avant de leur commander. Je parcourus l'Europe j'observai les murs et les loix de ses peuples. Brlant d'apprendre l'art des hros, elde me signaler dans les combats, mon pe soutint la cause du faible, et se rougit plus d'une fois du sang de l'oppresseur. Mais devant Ilarald, quel guerrier pourrait parler de ses exploits ? Aprs de longues traverses, la somptueuse Byzance me reut dans ses murs, et je portai les armes avec ses combattons. Des honneurs, des richesses furent le prix de "mes services, et bientt je commandai la garde Scandinave de l'empereur Thophile (i). Au milieu des troubles qui dchiraient cet une brillante carrire s'offrait empire mon ambition, lorsque le meurtre de Thophobe m'loigna pour jamais d'une cour sanguinaire et corrompue. Sujet fidle, il avait refus le trne o l'appelait l'amour des Romains, et le sombre Thophile, craignant qu'il ne se rendt enfin leurs desirs, ordonna son supplice avant de fermer les yeux. En vain je m'efforai de sauver cei. 8

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SCANDINAVES.

mortel vertueux qui daignait m'appeler son ami rduit le pleurer, je me htai de fuir une terre abreuve de son sang et nombre de Scandinaves s'attachrent mon sort. Nous traversmes les rgions sauvages que parcourent les Bartarnes et les Sarmates (2) peuples (3) qui n'ont d'autres, demeures que leurs chars, d'autres alimens que la chair ou le sang de leurs chevaux, et dont le visage mme ne conserve aucuns traits de l'homme. Echapps aux dangers de ces dserts o nuls regards ne soutenaient notre courage, nous arrivmes enfin aux bords de la Baltique, et non loin des rivages, que l'ambre enrichit de ses larmes d'or (4). Dj dix fois les enfans du Nord avaient vu leurs contres se couvrir du voile clatant des frimats, depuis que mes pieds ne foulaient plus le sol de la patrie. Je m'embarque sous les murs d'Hogalberg (5), second par des vents favorables. Notre vaisseau, dans sa course lgre, laissait dj loin de nous les les Electrides (6), lorsqu'une flotte nombreuse s'offrit notre

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vue. Nous fmes de vains efforts pour l'viter. Elle nous atteignit au moment o la rame allait chapper nos bras puiss. Les athltes qui formaient un rempart sur les s'lancrent dans notre galres ennemies, navire, et des flots de sang coulrent. Mais aprs une vaine dfense, nous fmes rduits nous rendre prisonniers, et spars sur diffrens vaisseaux. Quel fut notre effroi, quand nous apprmes que nous tions au pouvoir des Vandales; de ces barbares, qui 'sacrifient leurs horribles divinits ceux que le sort des armes a fait tomber entre leurs mains. Vainement mes regards et ma pense se tournaient vers la patrie je ne voyais devant moi qu'une mort invitable. Cependant, travers les vapeurs bleutres du matin, je dcouvre les rochers qui dfendent l'le des Vandales (7) et les golfes profonds qui creusent ses rivages. Le sommeil tenait encore captive la pauJe j'tais seul. pire de mes ennemis profitai de cet instant pour m'lancer dans Rugeu, autrefois Roya.

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les flots. Nageant sur mon bouclier, j'atteins bientt un promontoire escarp; mais partout ces bords se hrissent de roches inaccessibles. D'une seule brche, que me prsente leur rempart, se prcipite un torrent rapide qui, non loin de l, s'chappe d'un abme (8) entour de montagnes, dont une craie blanchissante revt les arides sommets. Long-temps je me dbats dans les flots lorsqu'aprs mille efforts pnibles, je commenais remonter le cours du torrent, une vague norme fondait sur moi, me roulait dans ses replis cumeux, et me rejetait loin de la terre, que je croyais embrasser. Les et le gouffre et ses vaisseaux redoutant .cueils s'tendaient le long du rivage, et m'en eussent interdit l'accs, si la fatigue m'et laiss la force de l'atteindre. Mais ce n'est point assez pour les barbares, du pril prt m'accabler: Ils envoyent un esquif ma poursuite. Aussi-tt immobile sur mon bouclier, et laissant reposer mes bras dfaillans, j'endors la mfiance de mes ennemis qui s'approchent. A et l'aspect d'un corps sans mouvement qu'ils croyaient dj la proie de la mort, ils

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ddaignent de me frapper, et dj l'un d'eux se penchait pour s'emparer de madpouille, lorsque je me redresse, tel que le serpent de la mer, et saisissant le Vandale, je le plonge dans l'onde profonde. Le dsespoir me rend toutes mes forces je m'lance dans la nef; je renverse, frapps du coup mortel, trois .Vandales qui restaient encore. Ce premier succs ne dtournait point de ma tte les prils qui la menaaient. Une mort galement sre, galement cruelle, m'attendait dans les flots, au rivage, sur les vaisseaux qui m'entouraient; mais touchant ma dernire heure, je ne vis que le rayon de gloire prt l'clairer je voguai vers un navire qui s'avanait, et j'osai dfier les athltes qui brillaient la proue, couverts de toutes leurs armes. Dj les javelots se balanaient, les cailloux sifllaient dans les frondes, et les arcs se courbaient, peine effleurs par la pointe des flches en arrt, lorsque d'une galre magnifique, un guerrier lve la voix tout devient immobile, et la galreseule s'approche. Une couronne brillait sur le casque du chef. -Jeune tranger, medit-il, ton audace me plat. Tu viens, d'unevoix menaante nous appeler au combat,.

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et moi. je te demande la paix. Viens sur mon bord viens Othar veut tre ton ami. -A ces mots, touch de sa gnrosit, je montai sur son vaisseau. C'tait le roi des Vandales; il voulut connatre ma naissance, ma vie je lui dis tout. II' merendit mes richesses il brisa les fers de mes compagnons, et me promit un navire pour retourner en Skonc. v Pousss par le souille des vents et par l'effort de nos rames, nous laissons loin de nous le promontoire de Iasmond, et bientt nous. dcouvrons Arcona (g) cit fameuse, dfendue vers le nord par de hauts remparts, et dont le reste de l'enceinte est form do roches inaccessibles. Tout, dans ces lieux, prsente un aspect guerrier, et la terre inculte y dplore le mpris de ses babitans. Ce n'est pas pour leur donner un doux ombrage, que les arbres s'lvent sur ces collines les arbres et leurs rameaux n'offrent au Rugien que des lances, des mts, ou des bliers destructeurs, et leur corce mme lui fournit des cordages. Toutes les ctes se hrissent de forteresses, et les plaines, vierges. encore du fer de la charrue, ne sont

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foules que par les coursiers et par les soldats qui se prparent aux jeux sanglans de la guerre. L, dans les mains des bergers, une lance remplace la paisible houlette, et leurs bouclies ne font entendre que des accens belliqueux. A peine nous avions foul ces tristes rivages, que les Vandales offrirent en grande les prmices de pompe leur dieu*(io), leurs victoires, et les riches dpouilles que trois cents guerriers d'lite ne remportent que pour lui. Au milieu de son temple immense, et lugubre dans sa richesse s'lve une norme statue quatre ttes hideuses. De l'une de ses mains, elle tient un arc, et de l'autre, une vaste corne de buffle, que chaque anne le pontife remplit d'un vin pur. L'anne suivante, selon que la liqueur prophtique s'est abaisse en abreuvant l'air, le laboureur apprend si la terre sera fconde ou strile, et s'il doit vendre ou conserver l'utile prsent des gurets. Lorsque la moisson a jonch les campagnes dpouilles, diffrentes victimes sont immoles au dieu; Swanto-wit.

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mais le sang qu'il prfre, est le sang des chrtiens. Tous les peuples esclavons doivent ce temple le tiers du butin, prix de leurs victoires, et leurs monarques sur-tout l'enrichissent d'innombrables offrandes. Le grand-prtre lui seul ose entrer dans le sanctuaire, et de momens en momens il en sort pour reprendre haleine, de peur de souiller par un souille profane, l'air que la divinit respire. C'est-l, que de ses mains, il nourrit un coursier d'une blancheur clatante, et que n'approche nul autre mortel. Sa dmarche rvle aux augures tous les secrets de l'avenir, et quand le dieu va com'battre les ennemis de son culte, il monte cot animal sacr, que souvent, son retour, l'aurore voit baign d'une sueur panche dans ses nocturnes travaux. Dans le sein del'ile, s'lvent encore trois temples o des idoles monstrueuses sont adores. Fire de tant de prodiges et de richesses, Rugen est la tte et le bras de la ligue esclavonne. Quelques jours s'taient couls dans les ftes, et j'allais retourner en Skone, combl

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!les prsens du roi, quand une foule perdue vint lui dire que les Francs, arms du fer et de la flamme, s'taient jets sur ses Etats. Le monarque se tournant aussi-tt vers moi:-Enfant d'Odin, me dit-il, j'ai besoin de ton bras. Othar te connat mal, ou tu ne fuiras point une terre que les combats vont ensanglanter. Songe que notre cause est juste, et que je parle Sunon. La gloire m'appelait mapatrie n'entqn'un soupir nous marchons. Aprs un court trajet Strla (1 1) nous vit dbarquer sur des bords dont peine les flots la sparent. Les Leutices et les Circipans, les Tollenses et les hahitans de Rethre (i 2) cette capitale des Slaves o dans un temple superbe, Radegast est ador tous ces peuples franchissent le cours de l'Ilda, et viennent serangersousnos tendards. Rapides comme la nue des oiseaux qui dsertent nos climats au premier souffle de l'aquilon, nous, traversons les champs fertiles des OboPetite le, o fut btie Sepiiisla ville de Stralmni. Alorslg provincedoPihie*

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trites (i5) derrire nous restent les murs de Kimin et celte vaste cit que nous laissons vers la main qui porte la lance, est l'orgueilleuse Moklenbourg (14): sur les bords d'an lac qui baigne ses campagnes, s'arrtent quelques bataillons couverts d'armes pesantes. Notre arme se dploie non loin de ces lieux, pour s'apprter dfendre le temple de Radegast et la fort sacre. L, sur les rives dn fleuve qui s'honore de poiterlenom du dieu (i5) ,nous rencontrmes les Saxons. Commands par Hermodan l'unique espoir de sa patrie, seuls, ils avaien t rsist des blessures sans nombre attestaient et leur courage et leurs revers. De longues annes s'taient coules depuis que les Francs avaient conquis leurs provinces, et la discorde qui rgnait entre les fils de Karl (16) avait suspendu jusqu'alors les progrs de leurs armes. Othar, en confiant son arme aux ordres de Buris, de Buris l'hritier de son trne, nie pria de ne point quitter les pas de ce prince, et de l'aider de mes conseils. Le guerrier, ces mots qui firent natre sur ses lvres un sourire amer et ddaigneux, me

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lana le regard de l'orgueil offens. Jeune prsomptueux, tu semblais me demander si la victoire n'tait pas ton hritage, ainsi que le trne de tes pres. Des apprts meurtriers et divers stratagmes occupent quelques jours les deux armes. Les Ambrons, les Estions amenant avec eux nombre de Sarmates et de Baslarnes viennent grossir nos lgions. Les Estions portaient sur leurs enseignesl'image d'un sanglier, emblme du culte qu'ils rendent la terre. Monts sur d'agiles coursiers, les Sarmates attirent souvent l'ennemi par une fuite insidieuse, et le percent de leurs lances qu'ils tournent soudain contre lui.Tous ces peuples se baignent chaque jour dans les eaux de leurs fleuves, et s'enduisentlevisage de cet aliment onctueux(i7) que la main des bergers sait extraire du lait de leurs troupeaux. Si leurs mets grossiers viennent leur manquer, ils s'abreuvent du lait des cavales ml au sang de leurs coursiers. Entour de ses gardes, Othar tait reste sous les murs du temple; et nous, spars

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des Francs par le seul cours du fleuve, nous brlions, comme eux, d'en venir au combats Connaissant la valeur inconsidre de nos ennemis, et ne doutant pas que malgr les ilts, malgr les palissades aigus qui dfendaient notre camp ils n'essayassent de le forcer, je dcidai nos chefs les attendre. Mais Buris qui d'abord avait got mes conseils, pensa que ma jalousie seule enchanait son bras. Passion fatale tandis c'est qu'elle dvore notre coeur insenss dans le cur de nos rivaux que notre il croit la reconnatre. A l'entre de la nuit, au milieu des chefs assembls dans sa tente, le fils d'Othar leur propose de fondre l'instant sur l'ennemi. 11 craint que le moindre retard ne laisse son pre le temps d'arrter sa fougue imprudente. J'tais tranger; mais une guerre injuste allait ravager un pays qui m'avait donn l'hospitalit: j'en devins citoyen; et m'adressant il ceux dont l'exprience clart mrie par'les annes, je dis qu'avec des. troupes rassembles lahte, c'tait courir notre perte que de tenter le passage du tl fleuve devant une arme victorieuse. Buris.

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ne daigna me rpondre qu'en levant des doutes injurieux sur les motifs de ma prudence. Fils d'un prince que je rvre, lui dis-je, de tels soupons ne peuventm'offenser, et nul de ces guerriers n'attend que je me justifie. Aussi long-temps que nos ennemis combattront, je ne te quitterai point regarde-moi; je serai veng. Ainsi parlaije mais aucun des chefs n'osa le contredire. La juste punition d'un prince imprieux, est de n'avoir autour de lui que des flatteurs. Dj quelques cohortes ont franchi les ondes la faveur des tnbres, et nos ennemis, craignant qu'une terreur trop prompte ne nous drobe leurs coups, laissent aborder sans obstacle une moiti de notre arme. Mais bientt, poussant de froces clameurs, ils se prcipitent sur nous. Rien ne rsiste leur choc l, le Vandale trouve des bataillons impntrables j ici les flots par-tout la mort. dans les plaines du ciel, Tout--coup des tonnerres s'lve un orage imptueux lointains rpondent au fracas des armes. A

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la soudaine lueur des clairs, je voyais nos soldats perdus gravir les noirs rochers et les arbres frcmissans. Ils dpouillent n la hte leur pesante cuirasse; leurs bras, glacs par la crainte, se raniment pour fendre les Ilots mais les Francs fondent sur eux, et leur fer, qui s'attend froisser un fer ennemi, ne perce que des victimes livres au coup mortel. D'autres Vandales accourent leurs cris tnbres fatales ils mconnaissent, ils frappent leurs compagnons, qui ples, haletans, fuyaient le glaive du vainqueur. Cependant l'orage s'appi'ocne,s'accro]t; bientt, plus clatant et plus terrible, l tonnerre roule en grondant sur nos ttes. Dieu des Francs, voulais-tu donc, au dfaut de leurs bras fatigues de victoires, appesantir tonbras sur les vaincus Un dsordre terrible rgne dans les airs sur les eaux, sur les rivages branls. Lorsque la foudre brille, elle n'claire que le carnage; quand elle se tait, elle ne laisse entendre que les cris de la fureur ou du dsespoir. Ta perfidie ne me rendra point injuste; o Buris tu combattis en hros. Une rosea

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t!esang baignait son armure brise; plus de visire ni de cimier sur son casque sou glaive n'tait plus qu'un fer informe mais !es chrtiens tombaient autour de lui, comme )es pis sous la faulx du moissonneur. Sa rage redoublait encore en voyant triompher mon bras. Presss par les vainqueurs entrans par les vaincus, nous arrtons enfin nos pas sur une roche battue des flots orageux. Telle une hine prs de succomber sous les coups des chasseurs, fait encore briller leurs yeux sa dent aigu; tel Buris, appuy d'une main contre le rocher, prsente de l'autre un fer menaant. Des sons rauques et presss s'chappaient de sa bouche, et le sang ruisselait travers les cailles de son armure. Nous reprenions haleine, lorsqu' la lueur des clairs, nous voyons accourir une foule ennemie. Sans porter ni recevoir de nouveaux coups,nous tombons prcipits dans le fleuve. Dj l'onde imptueuse surmontait les forces de Buris; puis de fatigue, il disparaissait sous les flots, quand il fut soutenu par mon bras malgr la pesanteur de mes armes, je l'amenai sur le rivage. Loin de

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moila pense devouloir tirer quelque gloire d'une action que l'honneur et le devoir me prescrivaient. Le prince, en chappant au pril, me presse dans ses bras mais peine il a repris l'usage de ses sens, a peine il m'a reconnu, Sunon s'erie-t-H, qu'il me repousse m'a sauvde tes ondes, Sunon!puisqu'il 6 fleuve sauve-moi de lui Alors le retenant sur le bord du rocher Vis lui dis-je et compte sur prince intrpide ton mle courage pour rparer une faute de ta jeunesse. Les revers sont l'cole des hros. J'aDais en dire plus, mais l'ingrat me fuyait le regret de me devoir la vie lui semblait plus cruel que la mort 1 Cependant les Bataves monts sur leurs coursiers, affrontent les Ilots en courroux, et s'enchanant de leurs bras entrelacs', atteignent le rivage sans avoir rompu leurs rangs. Ils s'avancent, et je m'enfonce dans les bois, suivi d'Adelus, de Buthlus, et de nos braves compagnons. Impatiens de secourir le monarque, nous rassemblons les dbris de l'arme, et nous volons au. temple.

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La., nous trouvons une foule de femmes et de vieillards qui pressaient de leurs bras tremblans les colonnes de l'dince. Les arms de torches enHammes druides couet poussant de sinistres hurlemens, raient et l. Ils entranent tous ces inforet s'apprtant le tuns dans le temple livrer aux flammes, ils offrent leur dieu cette hcatombe sacrilge. -Dieu puissant, dieu vengeur, s'crient-ils, appaise-toi, sauve tes enfans Leurs mains feront couler au pied de tes autels un fleuve de sang gal au fleuve qui t'est consacr. Quand ils auront puis le flanc des chrtiens, ils porteront la guerre dans les contres o l'imOdin, posteur Odin est ador.Sublime tu l'entendis, et tu daignas secourir ces impies, et tu choisis pour les sauver le bras de J'ordonne a mes compagnons tes enfans d'arracher ces prtres insenss leurs tornous courons ches flamboyantes guids par le hennissement des chevaux etle fracas des armes. Othar allait succomber, accabl parle nombre. Les cavaliers bataves, attirs sur les pas de nos guerriers fugitifs, venaient d'entourer ses gardes, et le plus horrible carnage signalait par-tout leur fureur. i. 9

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A ma voix, mon exemple, mes compagnons agitant leurs torches, fondent sur]cs Ba.ta.ves. Les coursiers effrays se dressent, ils se heurtent, ils mconnaissent la main qui s'efforce de les diriger. Les uns s'emportent a travers la campagne, les autres se prcipilent sur les lances des Vandales, et tombent expirans. Othar, je te reconnus la puissance de ton bras, au rempart de cadavres qui s'levait devant toi. Adoss contre un chne, il a vu prir tous ses dfenseurs, mais il est encore entour par les clairs de son pe. Cette vue me rend toute ma force, et je me fais jour jusqu' lui. Un dlire furieux s'tait empar de mes sens. je ne sais quels priisje bravai,ni quels guerriers tombrent sous mes coups. Les ennemis se dissiprent, et je me trouvai dans les bras d'Othar il me prodiguait les noms les plus mon nls? me dit-il enfin.-Il chers.-Et l'a sauv s'crient les soldats. -Grand roi, continue l'un d'eux, tes blessures et de glorieuses fatigues enchanent ton bras gnreux que cet tranger nous commande, et nous vaincrons -Soldats, obissez-lui, dit haute voix le monarque. Au nom des dieux qui l'ont envoy pour nous sauver,

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t de mon pe que je lui confie, je le fais votre gnrt. A ces mots, Volkind, Barnim, et d'autres chefs s'loignent, sans cacher leur sombre dpit. Dj l'aube clairait le fate du temple, et le brouillard se roulait en nuages blanchissans sur le front des vertes forts. Les sons de la trompette retentissent au-del du valbraves soldats m'criailon.Marchons, je nos ennemis pars s'agitent, impatiens de se runir que le temps manque leur dessein Le doux sommeil n'est point descendu sur vos paupires, mais la victoire, plus douce encore, a rpar vos forces.d'ennemis avaient dj travers le fleuve, mais nos bataillons les resserrent ainsi qu'un mur d'airain, et l'aspect d nos lances les aveugle sur le danger de la retraite tonns, incertains, ils ployent. Une moiti de nos troupes franchit les ondes leur poursuite; l'autre moiti, hors de leur vue. Nos soldats voient la plaine inonde du sang de leurs compagnons, et s'ennamment d'une juste fureur. Imptueux ,7i)s fondent sur les Francs, ils dispersent leurs cohortes. Les Saxons leur criaient O. Nombre

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sont les paladins de Karl~etl'invincibIeRoland(i8) ? Guerriers dgnrs, appelez votre secours les ombres de ces hros Cependant le chef des trangers, le valeureux Adhmar, protg par les remparts de son camp, rassemble ses soldats fugitifs, et la bataille, plus terrible, roule ses flots d'acier ainsi qu'une mer en furie. On n'entend que des cris de rage; on ne voit que du fer et du sang. Eudes, Alain, Archamvous prisbaut, frres trop malheureux, sez sous le glaive d'Ottocare Buris immole Didier, et fait voler la tte de Raoul. Hermodan renverse Anathol, et ce jeune guerrier expire, cras sous les pieds des chevaux. Ardent le venger, Philippe lve avec effort sa lourde massue; mais sa main tombe avec cette arme qu'elle serre encore faiblement. Les guerriers disparaissent ainsi que des fantmes. Toujours et par-tout prsente, la mort a mille visages, mille bras il faut compter ceux qu'elle pargne, et non ceux qu'elle frappe. La victoire flottait encore indcise Charlemagne. mais

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Le bruit des armes s'augmente, et je vois un tourbillon de poussire s'lever du ct des Francs. C'taient nos lgions qui venaient, par un long dtour, les surprendre.-Courage, enfans du Nord criai-je nos soldats, votre bras vengeur entoure les ennemis qu'il les dtruise C'est en foulant aux pieds leurs corps expirans qu'il faut rejoindre vos parce double choc, compagnons.Ebranls les rangs des chrtiens vacillent, s'clair-* cissent et ne sont plus. Telle, au milieu d'une troite valle, prit une moisson,lorsque les nues orageuses, crvent sur la crte des deux montagnes, et s'pandent flots presss. Mille torrens accourent en.rugissant dans leurs sombres ravins; leurs eaux se runissent, et voient les pis flotter sur leur bouillonnante surface ainsi que des roseaux striles; mais bientt le courant plus imptueux les renverse, bientt ils sont ensevelis sous un sable humide, et l'esprance du laboureur est dtruite, v Forcdereculer, l'intrpide Adhmarnc cesse point de combattre. Tel le mtore qui

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fend un ciel orageux, jette, avant de s'vanouir, un grand clat; il n'est dj plus, et l'il bloui fixe encore sa trace lumineuse. r 'i' Mes regards parcourent le champ du carnage, et n'y rencontrent plus de combattaus mais au pied des tentes dchires, je vois s'lever un nouveau tumulte. J'y, vole; et que trouvai-je au milieu de l'horreur des combats? le spectacle du plus tendre amour. En butte mille coups, un hros'soutient,. entrane, dfend une femme expirante. Le glaive impitoyable avait: rompu; le casque de la guerrire, et son front, o sous la. main glace de la mort respirait encore ]a tendresse, son front charmant tait ouvert par une profonde blessure. Des boucles de ses blonds cheveux, dcoulait un ruisseau de sang. Terrible et foudroyante, l!pe du hros est une barrire de feu qui repousse les traits de la mort. 'j; J! .",j, .j l, A peine ai-je vu ce combat ingal, que je m'lance Arrtez, barbares vous tes c'est assez. Reconnaissez la vainqueurs; voix de votre chef: s'il n'a command que A ces-des assassins, punissez-le, frappez!-

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mots, je vois les piques s'incliner vers le sol ensanglant. Ce guerrier, qui peu d'instans avant rugissait, furieux comme le lion du dsert, presse ma main sur ses lvres, et l'arrose de larmes. L'trangre enfin se ranime, et ses premiers regards expriment l'amour, la reconnaissance. Couple gnreux et fidle, dis-je ces amans, allez, vivez heureux Que mon nom se mle quel'quefois vos soupirs et vos coeurs seront acquitts envers Sunon. Ils s'loignrent, et je sentis dans mes veines un feu plus doux que le plaisir de la victoire. 0 prince, son plus digne prix est la clmence du vainqueur Suivi du chef des Saxons, je traverse le le sang fumait encore, champ de bataille et les ardeurs du soleil'irritaient les douleurs et les angoisses des mourans. L'un d'eux, se soulevant sur ses membres muun tombeau. tils, nous appelle.-Est-ce que tu demandes? lui dit le Saxon.Oui! mais avant, je demande la mort. Plonge, plonge ton pe dans mon sein brlant: j'ai soif du trpas. Infortun ta voix a pntr mon cur, n'attends de moi que des

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secours. Tes blessures ne semblent pas mor-~ telles ne renonce point la vie! Peut-tre en d'autres combats seras-tu vainqueur, et sentiras-tu, comme moi, le plaisir de sauver tes jours d'un ennemi mourant.Non je Ne puis plus vivre. Vois ce panache et ces couleurs je fus Saxon, et c'est contre mon pays que je portais les armes.-Tratre, dit Hermodan je te laisserais languir dans une longue et douloureuse agonie, si je ne trouvais les plus grands crimes assez punis par le trpas. Prissent comme toi les soutiens de tout pouvoir injuste et tyrannique! -A ces mots, dtournant les yeux,il frappe la victime. L'infortun lui rend grces du coup mortel :Prends ces Hoches, lui dit-il en expirant, et justinelammoired'fvfsen! Hermodan ramasse le carquois, et voyant toutes les flches dsarmes de leur fer Qu'ai-je fait s'crie-t-H, sans doutecejeune et malheureux guerrier, forc-de suivre l'tendard ennemi,'ne craignait, en s'exposant aux coups des siens (ig), que de leur donner le trpas !-;)t. o: (- L) j Othar me reut comme un .fl]s, et les louanges qu'il me prodigua, devant les sol-

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)ahainedeBuris: dats,enflammrentencore plus d'une fois,prs d'interrompre son pre, sa bouche s'entr'ouvrit; mais retenu par le respect, il s'loigna., rougissant de dpit et de colre. Nous ne laissmes point aux ennemis le temps de rparer leurs pertes une seconde bataille crasa leurs faibles dbris. Combien elle me fut chre, cette victoire, lorsqu' mon retour les peuples accourant sur mes pas, et croyant voir en moi le soutien de la patrie, m'appelaient leur dieu tutlaire 1 Nos vaisseaux eurent peine abord les rives de Rugen, que l'arme entire tourna ses pas vers une paisse fort(so), os'lve le temple de Frigga, cette desse que, sous le nom de Herthus (21), adore le Vandale abus. La, nous rencontrmes les druides, revenant d'une course pieuse entreprise pour obtenir des dieux le triomphe de nos armes. Ils portaient nevant eux le rameau des spectres (aa) et formaient un imposant cortge autour, d'un char qu'ils venaient d'offrir a la vnration des peuples. Lastatue de la desse tait place sur ce char, et cou.-

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verte d'un voile de pourpre, que les mains du seul pontife ne craignent pas de souiller. Par-tout, sur le passage de ces prtres, des ftes sont clbres, et par-tout les armes sont drobes leurs regards. A leur retour, et le char et l'idole furent plongs dans un lac dont les flots sacrs baignent les murs du temple les esclaves qui venaient de remplir ce ministre, y furent prcipits aussides druides. Ces noires ondes, ttparlamain o tant de fois les vivans tombrent ensevelis, et les antiques chnes qui couvraient leurs rivages, et l'appareil de la guerre, et la sombre cruaut des prtres, tout, dans ces ftes inspirait moins la pit que la terreur. La, malgr mes instances, tous les Francs furent immols l, tu paris, brave Adhemar Les druides semblaient se plaire prolonger ses tourmens, lorsqu'un de ses soldats saisissant le couteau sacr, l'achve d'un seul coup.Omon hros, dit-il, voil le dernier des services que ma main peut te rendre t Et dans le mme instant, avec le mme fer, il termine sa propre 'vie..

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Mais qu'un spectacle bien diffrent nous attendait l'extrmit de la fort Dans une vaste prairie, ombrage de rians bocages et baigne de ruisseaux limpides, mille vierges brillaient au milieu des fleurs. Tour--tour foltre et timide, ~'innocence prsidait leurs jeux. Les unes, se dnnt la course, foulaient d'un pied rapide le gazon verdoyant d'autres se paraient de guirlandes,' et consultant le cristal des fontaines, se prparaient couronner les vainqueurs, choisir des poux: d'autres enfin dansaient aux sons de la Rte, et l'amour, qu'elles ignoraient encore, semblait animer tous leurs '.t pas. J' I Nous avanons la pudeur rprime toutn-coup leur gat. A la voix de leurs mres, elles se rangent devant le front de l'arme. Modestes comme la fleur qui se ferme aux rayons du jour, leurs yeux baisss redoutent les regards qu'ils attirent. Mais comment parlerais-je de leurs appas ? Smiris, je ne vis que~ toi Plus gracieuse que l'aurore d'un beau jour, elle eSaait les autres. belles comme l'aurore elle-mme voit les toiles plir son aspect. Une doue lumire)

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s'chappait de ses yeux, mais travers leur clat, on dmlait une mlancolie secrte, qui promettait et le plus tendre et le plus constant amour. Son ame divine respirait dans tous ses traits, et l'on adorait dj ses vertus en croyant n'aimer que ses charmes. IJI ) Mon cur ne la choisit point il fut entran vers elle je laissai tomber a. ses.pieds les trophes que j'tais venu lui prsentera Ni ma bouche, ni mes yeux n'osaient lui dire ce que sans doute mon trouble luirvlait et quand je voulus rappeler ma raison, je sentis que je l'avais perdue. Je n'prouvai pas cette mfiance, compagne de nos preSmiris n'avait point parl, miers feux mais les rayons de l'astre du jour n'attestent t pas mieux sa prsence, que les regards de Smiris ne m'avaient appris son amour. 0 bonheur trop rapide Buris l'apperut dans cet instant o son. visage brillait d'amour et de pudeur. Il ne daigna point remarquer l'hommage que je venais de rendre cette jeune beaut il ne vit que ses charmes, et le rang dont il croyait pouvoir les payer. Mais les yeux de Smiris ne furent point blouis par l'clat d'une couronne, et

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ses rivales seules sentirent telle prfrence.

le prix

d'une

Comme les vierges de Vandalie se prparaient choisir des poux parmi ceux qui aspiraient leur main, les bardes, jaloux d'attirer leurs regards sur les braves, chantrent devant le peuple assembl, les exploits des guerriers. Leurs rcits achevs, chacune des beauts couronna l'amant le Une secrte plus digne de son amour. voix me rvlait ta gloire, dit Smiris, et sa main posa sur mon front la couronne que le front imprieux de Buris semblait encore attendre. Ce prince ne put modrer son jaloux ressentiment tremblante de fureur, sa main errait sur la garde de son pe. On voyait sur son visage tour-a-tour et le feu de la cotranlre, et la pleur de l'envie.-Odieux ger, me dit-il, pourquoi vins-tu porter ici tes conseils et tes services, rebut de vingt empires Toujours tu me heurtes dans ma carrire toujours tu marches au-devant de ma haine. Eh bien elle va peser sur toi comme une montagne de fer. Bien t t tumau-

LESSCANDtNAVES.

diras la vague empoisonne qui t'a vomisur nos rivages. -Il dit, et le souvenir des bienfaits d'Othar retint mon bras prt frapTombant aux pieds de Smiris~ j'ose per. presser sa main contre mon coeur, et m'loigne de mon rival, ne voulant ni le braver, ni flchir devant lui.

FIN DU MYRE

QUATRIEME.

L I

V R E

V.

LIVRE

V.

A PEINE j'eus quitt l'anne, que je portai mes pas vers la demeure de Smiris, impatient d'y consacrer, par notre hymen, les nuds que l'amour venait de former. J'osais me livrer sans rougir des transports, ennoblis peut-tre par quelque gloire, et mon ame trangre encore la volupt, gotait dans la seule esprance toute l'ivresse du bonheur. Dj mon ceil reconnaissait, au milieu de lafort, ces tours, ces murs heureux o je brlais de me rendre, lorsque sur les bords d'une rustique fontaine qui coulait sous des ombrages pais, j'apperois u nejeune beaut. Saisi d'un trouble secret, je m'approche et c'tait SmifM! Fourelle pleurait. ras-tu plaindre celle que ton cur ale droit de har? me dit-elle. Je t'aimais, hlas je t'aime encore, et mon pre vient d'engager ma foi. Ce pre trop faible n'a pas su refuser l'alliance d'un prince implacable et puis-

LES

SCANDINAVES.

sant il me donne pour pouse au farouche Buris. Mais que dis-je ah plutt que de s'unir la sienne, la main de Smiris percera ce cur infortun, ce cur dont je ne puis arracher ton image.-Ces paroles fatales ont port le dsespoir dans mon ame e reste immobile, ple, et semblable ces monts glacs qui rclent des feux dvorans. Et mes vux, et mes projets, et ce doux rayon de bonheur qui suit toujours l'esprance, dtruits en un instant, retombaient sur mon cur comme autant de flches envenimes.Hlas! lui dis-je ennn,tu veux que je te plaignes et c'est moi que tu sacriMais je vois tes pleurs redoubler. fies je connais, je dteste mon injustice, et racheterais de tout mon sang une seule de tes larmes. Ah! devais-je exhaler mes plaintes, au lieu de calmer ta douleur Je m'assis auprs d'elle,etje laissai parler ma tendresse. La douce fracheur du soir venait de succder aux feux d'un jour brlant un pais feuillage nous drobait les derniers rayons du soleil,et sa pourpre clatante se mlait l'azur des cieux. Nos soupirs, nos regrets, nos sermens, emprun-

L.t-.V R. E,' V.taient du calme profond de la nature je ne sais queJle tristesse imposante don tnos curs taient pntres. Nous tions enchaius 1,'un a l'au tre par un attrait si puissant et par une; sympathie, si parfaite,, que'nous gotions a-la-fois.les charmes d'un feu naissant et les douceurs d,'une, longue ~fidlit. r ')fr'm"J( :.s!o;J' J'oubUaIs que le sort allait nous sparer; ses relors.que[Smiris tournattristement gards Yrs la demeure d&ses aeux. Je pntrai sa triste pense. A l'instant de la voir s'loigner de moi, j'tais comme le proscrit, qui sur un navire baign de ses larmes est entEa,njI.&j.ntdes bords qui l'ont vu ~haitre'. bprjS Smiris, osai-je lui dire,.puisque tu,ne;.peu.x) rsister aux ordrea d'.un~ pre avec l'appui des dieux-et de absp~ ,~iens mon bj.'aa, chercher le bonheur dans'la pan'est'il donc trie de ton~mant. Tu frmis pM~n seul devoir dont la rigueur du sort s'oria. })9'rancl)isse.les infortuns!Ciel! Sm iris-, ~i~l; inflexible,; tu m'ordonnes de et je ne puis prfrer Ja~mort ait bonheur. balance.r.ains rpgir,0 toi qn~ mon cur a choisi .lorsqu'il tait/libre encore, quelle que soit ma cruelle_ destine, je J.e jeI. 10 O

LES

SCANDINAVES.

t'aimerai toujours; mais je n'abandonnerai point un pre moins barbare qu'aveugle, un pre qui je reste seule. Malheureuse il pense m'lever au trne, et c'est dans la tombe qu'il m'en trane.Ah'plutt, mille foisydescendre honore detes que de compter loin de toi des jours sonns !-A ces mots elle s'arrache bras et disparat dans les tnbres. plutt larmes, empoide mes

Longtemps muet, immobile, j'appelle enfin mes cuyers et je