les samedi 25 et dimanche 26 aoÛt 2018 cahier spÉcial d...

12
CAHIER SPÉCIAL D 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018

Upload: others

Post on 08-Jul-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

CAHIER SPÉCIAL D

50ANS

DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018

Page 2: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 2

UNE GRANDE UNIVERSITÉDE PETITE TAILLE.

Rimouski | Lévis

www.uqar.ca

L’UQAR est solidement implantée sur son vaste territoire à partir de ses campus de Rimouski et de Lévis, de Chaudière-Appalaches à la Gaspésie-Iles-de-la-Madeleine en passant par la Côte-Nord. Elle a formé plus 50 000 diplômés du baccalauréat jusqu’au doctorat qui contribuent aujourd’hui au développement de leur région, par leur dynamisme et par leur savoir-faire.

Plusieurs fois reconnue comme leader au Canada parmi les universités de taille semblable, l’UQAR est la plus nordique des universités québécoises. Voilà pourquoi les sciences de la mer, le développement régional et la nordicité constituent les axes d’excellence en recherche qui colorent de manière particulière plusieurs des programmes offerts à l’UQAR.

Photo : Paul Labranche

UNE AUTRE FAÇON DE GRANDIR.

Cinquante ans après la création du réseau de l’Université du Québec (UQ),

il ne fait aucun doute que celui-ci a réussi son pari de démocratisation. Les

réalisations sont nombreuses, même s’il reste du chemin à parcourir pour

que la province rattrape son retard en matière de scolarisation.

Un réseau à l’échelle du Québec

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

«L e réseau porte un nom telle-ment inspirant ! » lance d’em-

blée Pierre Lucier, professeur associéà l’INRS (Institut national de la re-cherche scientifique) et ancien prési-dent de l’UQ (de 1996 à 2003). Le ré-seau porte d’ailleurs bien son nom car,avec ses dix établissements, il recou-vre l’ensemble du territoire de la pro-vince. « Sa création en 1968 est unedes décisions les plus structurantesque le gouvernement ait pu prendre,estime de son côté Johanne Jean, pré-sidente actuelle de l’UQ. Si l’on ob-serve où nous sommes rendus 50 ansplus tard, avec le déploiement du ré-seau, on peut dire que nous avons ap-porté des changements immenses auQuébec. Quand on regarde le tauxd’accès à l’enseignement universi-taire, le nombre de diplômés en ensei-gnement supérieur, on constate quede très grands pas ont été faits.»

À sa naissance, le 18 décembre1968, le réseau — créé par le pre-

mier ministre de l’époque, Jean-Jacques Bertrand — avait pour mis-sion de rendre accessible un ensei-gnement universitaire de qualité. Ce-lui-ci ne devait pas se limiter auxseuls grands centres, mais devaitprendre place sur l’ensemble du ter-ritoire. L’objectif était de permettrele développement de l’ensemble desrégions. « Essayez d’imaginer le re-groupement de la formation universi-taire dans les seuls grands centres,nous aurions vidé les régions», com-mente Pierre Lucier.

La démocratisation est donc réus-sie et le taux de scolarisation a aug-menté de 143 % depuis les années1970, notamment grâce à la proxi-mité. « Quand on demande aux étu-diants s’ils auraient fait leurs étudesuniversitaires si l ’établissementn’avait pas été proche de chez eux, lar é p o n s e e s t s o u v e n t n o n , d i tMme Jean. Et le Québec n’a pas lesmoyens de se passer de ça. »

Par ailleurs, la présidente de l’UQtient à rappeler que le choix a été faitde ne pas limiter le développement

En région, le mode dedéveloppement a été pensé enfonction dessecteurs deformation quicorrespondaientaux besoins surplace, comme àChicoutimi avecla foresterie et l’aluminium.SEAN MCGEE UNSPLASH

Page 3: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 D 3

Tes études universitaires dans ta région

ÊTREPLUS PRÈS

ALLER PLUSLOIN

L’université de l’Outaouais et des LaurentidesCampus de Gatineau283, boulevard Alexandre-TachéGatineau (Québec)

Campus de Saint-Jérôme5, rue Saint-JosephSaint-Jérôme (Québec)

uqo.ca

au premier cycle, et que le réseaus’est également déployé aux cyclessupérieurs, assurant ainsi la missioncomplète d’un établissement univer-sitaire. «Quand on parle de la sociétédu savoir, nous ne sommes pas, auQuébec, en tête de piste, mais nousne sommes pas non plus en queuede piste. La création et le déploie-ment du réseau ont changé la face duQuébec», estime-t-elle.

Être proche de son milieuEn région, le mode de développe-ment a été pensé en fonction des sec-teurs de formation qui correspon-daient aux besoins sur place. À Ri-mouski avec la science de la mer, àChicoutimi avec la foresterie et l’alu-minium, à Trois-Rivières avec l’indus-trie des pâtes et papiers et l’énergie.« Les établissements du réseau sontdes parties prenantes et des vecteursde développement de leurs milieux.Ce sont même des éléments identi-taires », croit Johanne Jean. PourM. Lucier, il s’agit d’un modèle qui afait ses preuves. « Il n’était pas ques-tion d’avoir un développement danstous les secteurs, il a été ciblé. Au-jourd’hui, l’UQ fait partie intégrantedes régions, c’est ancré», ajoute-t-il.

L’engagement a aussi toujours ététrès important. « Je fais le parallèleavec l’UQAM, qui se trouve au centrede Montréal, qui initialement s’occu-pait des laissés-pour-compte. Au-jourd’hui, l’université n’est pas justeprésente, c’est une actrice à part en-tière », mentionne la présidente, rap-pelant du même souf fle qu’aucunedécision d’envergure pour la régionne se prend sans que l’UQ soit inter-pellée d’une façon ou d’une autre.

La cohésion au cœur du systèmeAu cours des 50 dernières années, lagouvernance du réseau a quant à ellebeaucoup évolué. « Quand on parledu réseau aujourd’hui, on parle de 10établissements, et ils sont tous auto-nomes, avec toutes les structures degouvernance adéquates. Le réseauavait une configuration et un modede gouvernance dif férent de celuidont nous nous sommes dotés aucours des six ou sept dernières an-nées, qui est un mode de gestionplus collégial, avec un respect del’autonomie», explique Mme Jean. Ac-tuellement, le mode de fonctionne-ment rassemble les dif férents ser-vices et expertises.

Ce mode de gestion est essentielpour Pierre Lucier, qui mentionne lui

aussi la variation selon les époques.« Sur le plan systémique, l’UQ estune grande force quand elle fait ap-paraître sa cohésion, car elle peutjouer dans la cour des grands», note-t-il. D’ailleurs, l’ancien président in-siste sur le fait qu’il s’agit d’une uni-versité parmi les autres. «À bien deségards, elle fonctionne comme lesautres. C’est une université publique,à charte, certes, mais ce n’est pas unoiseau rare », mentionne-t-il, ajoutantque le réseau de l’UQ reste prochedes réalités sociales.

Encore du chemin à faireLe Québec est passé de 5 % de titu-laires d’un grade universitaire en1971 à plus de 20 % en 2016. « Cin-quante ans plus tard, en regardant ceque [l’UQ] a fait, que cela soit dansla capitale, dans la métropole oudans les régions, on constate que ledéploiement a été fantastique. Mais ilreste encore beaucoup de travail àfaire », affirme Johanne Jean. « Nouspouvons dire que c’est beaucoup dechemin parcouru, mais nous savonsque, d’ici 2024, la plupar t des em-plois vont nécessiter un diplômed’enseignement supérieur. »

Il s’agit d’ailleurs d’un des thèmesrécurrents de l’UQ : il faut continuerà travailler pour augmenter de ma-nière importante le nombre de per-sonnes qui font des études universi-taires. « En décodant les besoins demain-d’œuvre, force est de constaterque l’on a besoin de personnel haute-ment qualifié partout au Québec etau Canada. Le réseau de l’UQ, parson déploiement, peut aider à cequ’on atteigne ces cibles», indique laprésidente du réseau.

En outre, ces objectifs sont tout àfait réalisables, selon Mme Jean.«Nous l’avons démontré pendant ces50 ans, en mettant en place des stra-tégies de plus en plus structurantes.Nous sommes en mesure d’accom-plir ce travail avec succès, mais ilfaut prendre le taureau par lescornes, travailler ensemble et allerde l’avant», dit-elle.

Se doter d’une stratégie nationaleen enseignement supérieur visant àrehausser la participation et la réus-site aux études supérieures des Qué-bécois est d’ailleurs le message véhi-culé par l’UQ, conjointement avec laFédération des cégeps, qui célèbreelle aussi ses 50 ans. « Il faut réaffir-mer notre choix pour l’enseignementsupérieur et la société doit se doterde moyens concrets pour y arriver »,insiste Mme Jean.

L’Université du Québec naît dans lafoulée de la Révolution tranquille,au moment où le besoin de forma-tion universitaire est notoire et oùles baby-boomers ont soif de savoir.La loi fondatrice de l’UQ, adoptée àl’unanimité, est sanctionnée le18 décembre 1968. 1969. Les universités du Québec àMontréal (UQAM), à Trois-Ri-vières (UQTR) et à Chicoutimi(UQAC), l’École nationale d’admi-nistration publique (ENAP) à Qué-

bec ainsi que l’Institut national derecherche scientifique (INRS)voient le jour.1973. L’Université du Québec à Ri-mouski (UQTR) ouvre ses portes.1974. Lancement de l’École de tech-nologie supérieure (ETS) à Montréal.1981. L’Université du Québec en Ou-taouais (UQO) est inaugurée.1983. L’Université du Québec en Abi-tibi-Témiscamingue (UQAT) s’ouvre.1992. La TELUQ, anciennementTélé-université, est créée.

Quelques dates clés

Le Québec est passé de 5 % de titulaires d’un grade universitaire en 1971 à plus de 20 %en 2016.MICHAËL MONNIER LE DEVOIR

Page 4: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 4

À travers ses formations, la recherche et le service aux collectivités, le ré-seau de l’Université du Québec (UQ) a permis aux régions du Québec defaire un bond de géant dans leur développement, notamment en répon-dant aux besoins de leurs localités.

Des formations et des recherchesancrées dans leur milieu

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

A u moment d’entrer au baccalau-réat en théologie à l’Université

du Québec à Chicoutimi (UQAC), àla fin des années 1970, Nicole Bou-chard était une étudiante de pre-mière génération. « Mon père avaitune troisième année “forte”, commeil nous disait, et ma mère avait àpeine terminé le primaire. Leurs en-fants ont tous été à l’université. C’estun miracle et c’est juste l’exempled’une famille ouvrière parmi d’au-

tres», dit celle qui est désormais rec-trice de l’établissement d’enseigne-ment supérieur implanté au Sague-nay–Lac-Saint-Jean. « Je suis très re-connaissante d’avoir eu la chance defréquenter l’UQAC.»

Son cas ne constitue pas une ex-ception. Le taux de diplomation àl’extérieur des grands centres estpassé de moins de 2% au moment dela création du réseau de l’Universitédu Québec, en 1968, à plus de 17 %en 2014. Selon les derniers chiffresde Statistique Canada, plus de 34 %de la population québécoise âgée de

25 à 64 ans détenait un diplôme uni-versitaire. « Il est bien évident que,sans la présence du réseau de l’UQ,il aurait été impossible d’atteindre unpourcentage aussi élevé », jugePierre Fortin, professeur au Dépar-tement des sciences économiques del’Université du Québec à Montréal.

« On donne accès à une formationuniversitaire à des étudiants qui neviendraient probablement pas autre-ment à l’université », juge toujoursDenis Harrisson, recteur de l’Univer-sité du Québec en Outaouais (UQO).Son établissement d’enseignementsupérieur a été l’un des derniers duréseau à obtenir ses lettres patentes,soit sa désignation comme univer-sité, en 1981. L’Université d’Ottawacomblait les besoins de l’autre côtéde la rivière des Outaouais, cla-maient les opposants à l’autonomiede ce qui était, jusque-là, le Centred’études universitaires de l’Ouestquébécois. L’histoire leur donnetort : M. Harrisson rappelle que lesfrais de scolarité demeurent beau-coup plus élevés en Ontario. En2016, plus de la moitié des nouveauxétudiants inscrits à l’UQO habitaientla région avant d’avoir 20 ans.

Répercussions« Quand on forme des gens de ni-veau universitaire, ils sont aptes àsoutenir un certain développementdans leur communauté, ils ont desrevenus supplémentaires, remarqueJean-Pierre Ouellet, recteur de l’Uni-versité du Québec à Rimouski(UQAR). Ça engendre des retom-bées extrêmement positives pour lesmilieux qu’on dessert. »

Des milieux qui s’étendent loinhors des campus. L’UQAR, parexemple, donne des cours en scienceinfirmière dans des villes comme Ri-vière-du-Loup, Matane ou Gaspé.Cette démarche permet ainsi de« hausser le niveau des soins desanté» dans les régions les plus éloi-gnées, juge M. Ouellet. Dans une re-cherche qu’il mène sur les répercus-sions du réseau l’Université du Qué-bec sur le développement régional,Marc-Urbain Proulx, professeur àl’UQAC, évalue que 30 % des pro-grammes of fer ts aux cycles supé-rieurs par les cinq établissements si-tués à l’extérieur de Montréal etQuébec sont collés aux besoins deleur région. De plus, il remarque quetoutes les constituantes offraient dela formation continue sur mesure enservice aux entreprises ou aux orga-nisations de leur région.

Des recherches ancrées dans leurs milieuxLe professeur note aussi une fortetendance dans les cinq constituantesà l’extérieur de Montréal et de Qué-bec à mener de la recherche répon-dant aux besoins des collectivités en-vironnantes. La proportion des uni-tés de recherches dont le titre ou lamission fait écho aux enjeux spéci-fiques à leur région est de 63 % àl’UQAC et grimpe à plus de 83 % àl’UQAR et à l’Université en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Cette propension ne date pasd’hier. La rectrice de l’UQAC, NicoleBouchard, constate qu’il s’est ins-

tauré dans son établissement « uneculture de recherche collaborative ».Les chercheurs travaillent régulière-ment en partenariat avec des orga-nismes, des entreprises ou des insti-tutions de la région par de la re-cherche-action, par de la recherche-inter vention ou du transfer t deconnaissance. C’est le cas en ce quiconcerne la recherche sur le gi-vrage, réalisée avec des partenairesindustriels depuis la mise sur pied en1974 d’une Équipe de l’ingénierie del’environnement atmosphériquejusqu’à la création, en 2003, du Cen-tre international de recherche sur legivrage atmosphérique et l’ingénie-rie des réseaux électriques (CenGi-vre). L’UQAR, avec l’Institut dessciences de la mer de Rimouski,poursuit la recherche sur l’une desprincipales ressources de son terri-toire, mais aussi sur sa réalité géo-graphique, géologique et écologique.« Même si nos racines sont pro-fondes dans les régions qu’on des-sert, ça n’enlève pas que les fruits[de cette recherche] peuvent allerau-delà des régions », souligne Jean-Pierre Ouellet en rappelant la renom-mée internationale de cet Institut.

D’autres groupes de recherchesvisent explicitement à améliorer ledéveloppement de leur région. LeGroupe de recherche interdiscipli-naire sur le développement régionalde l ’Est du Québec (GRIDEQ) àl’UQAR, par exemple, a été mis surpied pour mieux comprendre ses en-jeux et fournir des outils afin de lesoutenir. Les acteurs du milieu ytrouvent leur compte : l’Obser va-toire du développement de l’Ou-taouais (ODO), inauguré l’an der-nier entre les murs de l’UQO, est fi-nancé en grande partie par la Villede Gatineau, mais aussi par des or-ganismes comme Centraide Ou-taouais, la Chambre de commercede Gatineau et Tourisme Gatineau,qui y voit un instrument pour amé-liorer leurs activités. Le réseau del’Université du Québec avait parmises objectifs, lors de sa création en1968, de développer les régions. Onpeut dire mission accomplie. Et quele travail se poursuit !

L’UQAR donne des cours en sciencesinfirmières dans des villes hors campus, cequi permet de « hausser le niveau dessoins de santé » dans les régions les pluséloignées, selon son recteur, M. Ouellet. UNSPLASH

Page 5: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 D 5

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

«Je pense que c’est le temps deréfléchir aux cinquante pro-

chaines années», lance Luc-Alain Gi-raldeau, directeur général de l’Insti-tut national de la recherche scienti-fique (INRS) dans son bureau auCentre urbanisation, culture société,situé à Montréal. Contrairement à laposture recroquevillée de la sculp-ture Le malheureux magnifique, édi-fiée devant l’immeuble, M. Giraldeauadopte plutôt une position d’opti-misme et d’ouverture, en manifes-tant son intention d’ouvrir un dia-logue avec dif férents acteurs de lasociété.

Depuis sa création en 1969, l’INRSest demeuré, à quelques détails près,articulé autour des mêmes créneaux,répartis aujourd’hui dans quatre cen-tres de la province : l’eau, la terre etl’environnement à Québec, l’énergie,les matériaux et les télécommunica-tions à Montréal et à Varennes, lasanté à l’Institut Armand-Frappier deLaval et les sciences sociales dansl’édifice où se déroule l’entrevue.« On a répondu à des besoins quiétaient exprimés dans la société qué-bécoise à la fin des années 1960. Ona, je pense, amplement répondu aumandat, compte tenu des ressources

qu’on nous a données », souligne-t-il.Maintenant, il regarde vers l’avenir.Sans vouloir délaisser ces domaines,il reconnaît que « la société a changéet nos besoins aussi ». « Y a-t-il d’au-tres domaines émergents dans les-quels on devrait former des étu-diants à la recherche comme seull’INRS peut le faire ?»

Car l’INRS (imaginez une époqueoù le Québec accusait un retardconsidérable dans la formation et ledéveloppement de sa recherche)constitue un ovni dans le monde dela science et de l’éducation supé-rieure. En plus d’accorder des di-plômes, il favorise la collaborationd’acteurs universitaires, industrielset gouvernementaux. Plutôt que de

séparer les disciplines, comme lefont les facultés dans les établisse-ments universitaires classiques, il enmet plusieurs à contribution autourde ses objets de recherche.

«On doit faire de la recherche fon-damentale et appliquée avec l’objectifprécis de contribuer au développe-ment économique et social », insisteLuc-Alain Giraldeau en se référant aumandat de l’INRS. « Les professeursembauchés à l’INRS sont conscientsde notre mission et très ouver ts àtravailler avec le gouvernement pro-vincial, des administrations munici-pales, des industries, des compa-gnies ou des start-up pour contribuerau développement. »

La formule a généré son lot de suc-

cès, comme le démontre la renom-mée internationale du Laboratoire decontrôle du dopage à Laval, accréditépar l’Agence mondiale antidopage,ou du Laboratoire de sources femto-secondes à Varennes, qui explore denouveaux types de lasers.

« Je pense que les gens n’ont pascompris le côté extrêmement inno-vant de l’INRS, qui n’est pas discipli-naire et qui permet de répondre rapi-dement à de très nombreux pro-blèmes », observe M. Giraldeau. Ilconstate que les formules de finance-ment universitaire conviennent mal àson Institut, dont le nombre de pro-fesseurs stagne à 150 depuis plu-sieurs années. « Les ministères, deleur côté, ont un peu oublié la mis-sion de l’INRS », se désole-t-il, enévoquant la multiplication des insti-tuts de recherche publics ou privésfinancés par l’État.

L’INRS demeure à ses yeux un vé-hicule unique de recherche. « Jepense qu’il faudrait qu’on prenneconscience que l’INRS peut rendrede meilleurs services en lui permet-tant d’être à l’écoute des besoins dela société québécoise et en lui don-nant les moyens de se développerpour répondre à ces besoins. » Et ilvoit dans son 50e anniversaire qui ap-proche l’occasion de lui donner unnouveau souffle.

L’INRS se tourne vers l’avenir

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

«L’École nationale d’adminis-tration publique contribue

à donner du sens à l’État », lanceson directeur général, Guy Laforest.Alors que le rôle de la fonction pu-blique se métamorphosait à l’issuede la Révolution tranquille, l’idée agermé de créer un établissementqui accompagnerait ses cadres etses professionnels. L’ENAP est ainsinée au moment de la création du ré-seau de l ’Université du Québec.M. Laforest décrit son établisse-ment à la fois comme une universitéet une école professionnelle, qui faitle « pont entre le savoir universitaireet les connaissances plus pratiquesdes gestionnaires publics, ainsi quela nécessaire traduction entre l’un etl’autre. »

Depuis les grands bouleverse-ments de l’appareil étatique et laprofessionnalisation de la fonctionpublique, l’ENAP continue de semontrer pertinente. En 2014, alorsque des histoires de corruption ve-naient de secouer la Ville de Laval,l ’ENAP a monté un projet de re-cherche avec cette ville pour l’ac-compagner dans la réorganisationgénérale de son administration.

Entré en poste en juillet 2017,M. Laforest a commencé une tour-née auprès des instances centralesde l’administration publique et des

ministères, afin de tâter leur pouls.«On m’a dit : “On veut que vous anti-cipiez pour mieux préparer la fonc-tion publique de demain” », racontele directeur général. Tout en conti-nuant à publier le bulletin Observgo,qui réalise une veille stratégique surles tendances et bonnes pratiquesdans les administrations publiques àl’étranger, l’ENAP lance des projetspour répondre à cette demande. Enréaction aux crues printanières del’année 2017, elle a annoncé la créa-tion du Cité-ID Living Lab sur la gou-vernance de la résilience urbaine. Ils’agit d’un incubateur, monté en par-tenariat avec le ministère de la Sécu-rité publique et le Scientifique enchef du Québec, dont le but consisteà trouver, en collaboration avec desgestionnaires, des entreprises, descitoyens et des chercheurs, de nou-velles solutions pour répondre auxcatastrophes naturelles.

En per fectionnant les fonction-naires et en améliorant l’administra-tion publique, les répercussionss’étendent à l’ensemble de la popula-tion, juge M. Laforest. « La volontédes citoyens d’agir de manière res-ponsable dans la société me semblerenforcée quand ils ont la convic-tion, lorsqu’ils sont en lien avecl’État et les ministères, qu’ils ont unefonction publique à l’écoute, enga-gée et compétente. Et le travail del’ENAP, c’est de s’assurer que ce soitle cas. »

Donner du sens à l’État

L’INRS demeure pour Luc-Alain Giraldeau, d.g. de l’institut, un véhicule unique de recherche.ISTOCK

Page 6: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 6

Longtemps à la traîne parmi les

pays industrialisés, le Québec

était loin d’être un modèle en ce

qui concerne son système d’édu-

cation. Du primaire aux cycles su-

périeurs, un grand vent de change-

ment a heureusement soufflé

pendant les années 1960, et la

naissance de l’Université du Qué-

bec (UQ) a participé à cette trans-

formation profonde.

A N D R É L A V O I E

Collaboration spéciale

C inquante ans plus tard, l’unedes motivations premières des

fondateurs de l’UQ demeure le motd’ordre des artisans d’aujourd’hui :l’accessibilité. Une ambition quiamène son lot de défis, dont celuide recruter les étudiants de pre-mière génération, ceux et cellespour qui la fréquentation de l’uni-versité ne faisait pas partie des tra-ditions familiales.

Établir des constituantes partoutau Québec, favoriser la conciliationétudes-travail-famille, miser sur lesnouvelles technologies, autant demoyens qui ont permis à des milliersde Québécois de briser le plafond deverre universitaire. C’est d’ailleurs lapréoccupation numéro un de MagdaFusaro. Celle qui fut vice-rectriceaux Systèmes d’information del’UQAM avant d’être nommée rec-trice de l’établissement en janvierdernier croit qu’il faut favoriser la di-plomation « dans les meilleuresconditions possibles », refusant latentation du « recrutement intensif »sans l’accompagnement adéquatjusqu’à l’obtention du diplôme.

« Nous n’avons pas fait le pleind’étudiants québécois, déploreMagda Fusaro. En 2011, 51 % desétudiants de l’UQAM étaient de pre-mière génération ; en 2017, c’étaitautour de 46 %. » On peut fairemieux, surtout dans un contexte où« 40 % de la clientèle [de l’UQAM]est à temps partiel », ce qui consti-tue un défi pour la persévérancescolaire. « Il faut absolument aiderles étudiants avec des profils aty-piques, ou avec des réalités socioé-conomiques dif ficiles, particulière-ment les étudiants-parents, quime touchent beaucoup. Ce n’est paspour rien que nous avons trois gar-deries à l’UQAM et qu’on s’apprêteà en ouvrir une quatrième. »

Une distance rapprochéeDepuis 50 ans, le profil intellectueldes étudiants a aussi beaucoupchangé, et l’heure est véritablementaux technopédagogies, même si, se-lon la rectrice, « la technologie, cen’est jamais une fin en soi ». La sallede classe devient pour tant, peu àpeu, un élément parmi d’autres dans

la poursuite de l’apprentissage.Longtemps la seule et unique réfé-

rence en matière d’enseignement àdistance, la TELUQ a vu, elle aussi, lepaysage technologique se transfor-mer à grande vitesse depuis sa fonda-tion en 1972. Pour Caroline Brassard,directrice de l’enseignement et de larecherche depuis 2016, mais active àla TELUQ comme professeure enéducation dès 2009, sa grande prio-rité est la même que celle de MagdaFusaro, soit l’accessibilité. C’est biensûr dans l’ADN de la TELUQ, «desti-née à couvrir un territoire encoreplus vaste que ceux des autres consti-tuantes de l’UQ», établissement qui adû évoluer au même rythme que lestechnologies, «de la cassette audio àla télévision en passant par le micro-ordinateur personnel des années1990 », rappelle avec humour Caro-line Brassard.

Si l’époque 2.0 amène avec elle sanouvelle quincaillerie et ses nou-veaux défis, tout comme à l’UQAM,certains enjeux persistent au fil desdécennies, dont celui du rapport desQuébécois quant aux études univer-sitaires. Si plusieurs étudiants choi-sissent quelques cours pour se per-fectionner tandis que d’autres, déjàinscrits à un autre établissement,veulent accélérer la cadence pourl’obtention plus rapide de leur di-plôme, la majorité ne s’investit pastotalement dans une formation à dis-tance. À l’heure actuelle, « 80 % denos étudiants sont à temps partiel et60 % sont de première génération »,constate Caroline Brassard.

Dans ce contexte, l’accompagne-ment et l’encadrement demeurentcruciaux pour la réussite scolaire.Alors que s’ouvrent des chantiers deréflexion pour la TELUQ sur desthèmes comme la « ludification», soitl’analyse des mécanismes ludiquesdes jeux vidéo « que l’on pourrait in-tégrer à nos cours pour augmenter lamotivation des étudiants », la fonda-tion probable d’un « eCampus » sou-rit à Caroline Brassard. « Regrouperl’ensemble des formations à distancedes universités québécoises, ça nousintéresse depuis des années, et leQ u é b e c n ’ a p a s u n e l o n g u e u rd’avance dans ce domaine, affirme-t-elle. Je sens beaucoup d’enthou-siasme chez tous les partenaires dece projet. » Et sûrement aussi un peude fébrilité devant l’issue des pro-chaines élections québécoises…

Un carrefour plus qu’une tour d’ivoire

L’UQAM a trois garderies et s’apprête à en ouvrir une quatrième pour donner accès àl’enseignement supérieur à une population variée.ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

« Il faut absolument aider

les étudiants avec des profils

atypiques, ou avec des réalités

socioéconomiques difficiles,

particulièrement les étudiants-

parents, qui me touchent

beaucoup »

Page 7: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 D 7

Programmes universitairesspécialisés, réputés et flexibles

Formation continueorientée vers la performance individuelle et collective

Service-conseil, veille et accompagnementadaptés aux enjeux et défis des individus et des organisations

Recherchede pointe en administration publique

www.enap.ca

UNIVERSITÉÉCOLE PROFESSIONNELLE

AVEC&POURles acteurs publics

A N D R É L A V O I E

Collaboration spéciale

A vant la fondation du réseau del’Université du Québec (UQ) en

1968, l’idée avait traversé les esprits,question d’accélérer la mise en placede cette toute nouvelle institution : secontenter d’établissements n’offrantque le premier cycle et laisser ainsiaux autres le soin d’of frir lesdeuxième et troisième cycles. Heu-reusement, il n’en fut pas ainsi, per-mettant le déploiement de plusieurslieux de haut savoir et d’enracinerles recherches un peu partout sur leterritoire québécois.

Lyne Sauvageau, vice-présidenteà l’enseignement et à la recherchede l’UQ, se montre reconnaissantede la ténacité des fondateurs, quiont opté « pour une mission pleineet entière d’enseignement, maisaussi de recherche ». Difficile d’ima-giner ce que serait l’UQ aujourd’huisi la première option avait été rete-nue, mais le Québec y aurait sûre-ment perdu au change, sur toutquand on sait que ses dix consti-tuantes ont décerné, de la fondationjusqu’en 2016, un total de 657 461diplômes, en majorité des baccalau-réats, mais aussi des maîtrises etdes doctorats, et à des femmes en(légère) majorité, selon le rapportannuel 2016-2017 de l’UQ.

La mission fut clairement établieà l’époque et n’a pas changé depuis,selon Lyne Sauvageau, soit « le dé-veloppement du Québec et de sesrégions », ce qui passe « par un an-crage dans chacun des milieux ».Cet ancrage tient compte des spéci-ficités socioéconomiques et géogra-phiques du lieu de chaque consti-tuante, « qui toutes réunies font ensorte que l’UQ se classe parmi les500 premières universités mon-diales, ce qui donne une idée duchemin parcouru pour une institu-tion somme toute très jeune ».

Small is beautifulFaut-il être de taille imposante pourse lancer dans d’impor tants pro-grammes de recherche, et surtoutavoir un impact ? « Des établisse-ments de taille modeste, voilà ce qui

permet la collaboration et le décloi-sonnement, af firme L yne Sauva-geau. C’était une nécessité au dé-part, et c’est devenu extrêmementpayant pour tout le réseau.»

Ce constat, Yves Gingras, socio-logue et historien des sciences del’UQAM, y adhère pleinement. Surun ton sans équivoque, il reconnaîtque la capacité de l’UQ d’innover«s’est un peu assagie», ce qui ne doitpas empêcher ses chercheurs « desortir des sentiers battus, d’être bonsdans ce qu’ils font, plutôt que de vou-loir plus de choses, et plus d’argent,pour se péter les bretelles. Oui, unaccélérateur de particules, ça coûteplus cher qu’un département d’his-toire, mais nous ne sommes pas obli-gés de tout faire, ni de bêtement co-pier ce que les autres font».

Cette singularité a d’ailleurs per-mis à l’UQ de jeter des bases théo-riques et pratiques dans des do-maines où son exper tise est au-jourd’hui reconnue sur la scène in-ternationale, comme le constateYves Gingras. « Dans les années1970, les questions environnemen-tales, les autres universités regar-daient ça de haut ; aujourd’hui, elless’y intéressent toutes. »

Même chose pour les ar ts, quin’avaient guère droit de cité dans lesuniversités affichant un âge vénéra-ble. « L’idée de recherche-création,c’est venu du Québec, de l’UQAM »,dit Yves Gingras avec fier té. « En-core une fois, l’UQ a dû faire face àdes vents contraires, poursuit LyneSauvageau, mais pour l’intégrationdes ar ts à l’université, et sur toutcomme un véritable sujet de re-cherche, ça faisait partie de cet impé-ratif de se distinguer, on devenaitainsi des précurseurs au Canada.»

Que sera l’UQ dans 50 ans ? LyneSauvageau et Yves Gingras ne peu-vent pas lire l’avenir, mais une cer-taine inquiétude pointe dans leurspropos. Pour la vice-présidente, ilfaut « garder notre capacité de fairede la recherche, et ce n’est pas seule-ment un défi pour l’UQ, mais pourtoute la société québécoise, qui nepeut pas déléguer cela à d’autres ».Selon elle, les préoccupations québé-coises doivent être analysées par deschercheurs d’ici. « Maintenir nos ca-pacités à connaître nos lacs, nos ri-vières et nos forêts, on ne va pas de-mander aux Chinois de faire ça. Levieillissement de la population ? Oui,ça se passe aussi au Japon, mais laculture y est totalement dif férente.Je ne dis pas non à des grands pro-jets au rayonnement international,mais pas au détriment d’enjeux et dedéfis qui nous sont propres. »

Quant à Yves Gingras, il constateune déconnexion de plus en plusgrande des politiciens par rapport àl’éducation en général. « Je dis tou-jours à la blague : nos élus font l’éco-nomie du savoir… en économisant eten sabrant. »

Une singularité à cultiverDepuis 50 ans, être guidé par le désir de chercher loin, très loin, des sentiers battus

« L’UQ se classe parmi les 500

premières universités mondiales,

ce qui donne une idée du chemin

parcouru pour une institution

somme toute très jeune »

Pour la vice-présidente, Lyne Sauvageau, il faut « garder notre capacité de faire de larecherche, et ce n’est pas seulement un défi pour l’UQ, mais pour toute la sociétéquébécoise, qui ne peut pas déléguer cela à d’autres ».MARC ROBITAILLE

Page 8: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 8

CR

ÉE

R

à Chicoutimi

Université du Québec

Ph

oto

: ©

Gu

ylai

n D

oyl

e

uqac.ca

Lier le savoir universitaire avec celui des affaires

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

« C’ est avant tout une initiativequi vise la diversification et

le développement économique desrégions », lance d’emblée CarolineLessard, directrice du soutien auxétudes et des bibliothèques, membrede l’organisation de Savoir Affaires.Chaque année depuis 2011, les sa-voirs universitaires et ceux des af-faires se lient dans un processusd’idéation entrepreneuriale. Pendantune semaine de travail intensif, unecinquantaine d’étudiants de cycle su-périeur du réseau de l’UQ sont répar-tis en huit équipes. Jumelés avec desgens d’affaires, des entreprises, desindustriels, des investisseurs et desintervenants du milieu socio-écono-mique, ils doivent développer desprojets d’affaires.

Dynamiser les régions« L’événement a toujours lieu dansune région dif férente et pendant la

période de préparation, nous recen-sons les thématiques, qui sont desenjeux propres au développementéconomique de la région », expliqueCaroline Lessard, ajoutant que l’ini-

Tirer profit du savoir pour innover

en affaires. Avec ce concept, l’ini-

tiative Savoir Affaires, pilotée par

le réseau de l’Université du Qué-

bec, permet chaque année de gé-

nérer des dizaines de nouvelles

idées entrepreneuriales.

Pendant une semaine, des étudiants de l’UQ sont jumelés avec des gens d’entreprises, entre autres, pour développer des projets d’affaires.SAVOIR AFFAIRES

tiative permet de créer de nouvellesdynamiques dans les régions. «Noussommes allés dans plusieurs en-droits où, quand nous arrivions, la si-tuation était morose du point de vuedu développement économique. Enamenant cette initiative, cela crée denouvelles occasions d’affaires», note-t-elle.

La plus récente édition s’est dérou-lée du 28 mai au 1er juin au Centreuniversitaire des Appalaches. Lesquatre thématiques étaient propres àla Beauce : le tourisme dans la valléede la Chaudière, les bois et les bio-produits forestiers, « mécatroniser »le fabricant à l’ère du numérique etde l’agro-industrie. Chaque jour, leséquipes ont d’abord imaginé unconcept, puis développé un plan d’af-faires avant de présenter leur idéedevant un jury. Les meilleurs projetsont été récompensés en fin de se-maine. Parmi les projets gagnants,celui de la Grande Cabane, unconcept valorisant la culture beauce-ronne avec un pôle économique etculturel autour de l’érable, symbolephare de la région. Un autre, celui del’entreprise dénommée Bôs Bois,proposant de créer des matériauxd’aménagement urbain constitués derésidus de bois et de plastiques récu-pérés. «À la fin d’une semaine SavoirAffaires, nous remettons à la région32 projets, donc cela permet auxgens d’af faires de reprendre lesidées, de les pousser davantage et,en fin de compte, de créer des entre-prises», explique Mme Lessard.

Développer des compétencesUne telle initiative permet aussi auxétudiants en cycle supérieur, qu’ilsétudient en études littéraires, en gé-nie, en sciences sociales, en adminis-tration ou en comptabilité, de déve-lopper un certain nombre d’habile-tés. «Nous essayons de recruter des

étudiants d’une grande variété dedisciplines, pour ensuite créer unéquilibre et avoir le plus de mixitépossible au sein des équipes », pré-cise Caroline Lessard. Elle ajouteque le «choc des idées avec les gensd’af faires » permet une émulationparticulièrement intéressante. Lesétudiants peuvent ainsi développerdes compétences en gestion, descompétences entrepreneuriales et detravail en équipe. « Ils doivent êtrepragmatiques pour avoir une idée,développer un plan d’affaires, et ilsont un résultat concret », raconteMme Lessard. Savoir Af faires de-mande aussi d’avoir quelques habile-tés de communication, puisquel’équipe doit présenter un argumen-taire de vente et faire une présenta-tion devant un jur y de profession-nels. En outre, Caroline Lessard noteque cela pousse aussi plusieurs étu-diants à se déplacer en région. «Cer-tains les découvrent et ils décidentensuite de rester dans la région où aeu lieu la semaine Savoir Affaires »,ajoute-t-elle.

Depuis ses débuts en Mauricie enmai 2010, l’initiative s’est déplacée auCentre-du-Québec en 2013, dans La-naudière-Laurentides en 2014, au Sa-guenay—Lac-Saint-Jean en 2015, surla Côte-Nord en 2016, à Montréal en2017 avant d’aller en Beauce cetteannée. Les organisateurs estimentque les semaines Savoir Affaires ontpermis de proposer plus de 200idées d’affaires. Parmi elles, un cen-tre intégré de services offrant l’en-treposage et la conservation des pro-duits alimentaires provenant de laterre et de la mer en vue d’une distri-bution a vu le jour à Sept-Îles lors del’édition 2016. De même, à Shawini-gan, l’épicerie SENSÉE, qui proposede nombreux aliments sans gluten etsans lait, a ouvert ses portes aprèsl’édition 2011.

Page 9: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 D 9

Démocratiser l’éducation

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

D epuis 1970, le nombre d’inscritsdans le réseau UQ a connu une

hausse de quelque 143 %. « En plusd’augmenter, la population étudiantedevient un peu plus “traditionnelle”»,lance Sylvie Bonin, agente de re-cherche institutionnelle à l’UQ. Elleconstate ainsi un rajeunissement de laclientèle, une diminution de la partdu temps partiel, des étudiants de pre-mière génération (EPG) moins nom-breux, davantage d’étudiants aux cy-cles supérieurs et une part croissanted’étudiants étrangers.

Étudiants de premièregénérationLes EPG, qui sont les premiers deleur famille à accéder aux études uni-versitaires, représentent un enjeumajeur pour le réseau. Selon l’en-quête ICOPE (Indicateurs de condi-tions de poursuite des études) réali-sée par l’UQ, la proportion des EPGétait de 58 % en 2011. En 2016, celle-ci était plutôt de 50 %. « La part desétudiants de première génération esten baisse, et c’est tant mieux ; lecontraire serait choquant », estimeSylvie Bonin.

En outre, ceux-ci doivent souventcomposer avec des défis que les étu-diants de deuxième génération ren-contrent peut-être moins souvent. Ils

bénéficient par exemple moins dusoutien de leurs parents et doiventdéfinir leur projet d’études seuls.« Parfois, la famille ne comprend paspourquoi ils veulent aller à l’univer-sité, d’autres fois, elle comprend etveut soutenir, mais elle n’a pas tou-jours les outils pour bien encadrer »,explique Mme Bonin. Dès le secon-daire, ils sont aussi plus nombreux àassumer des responsabilités finan-cières. Leurs aspirations scolairessont ainsi en général moins élevéeset beaucoup vont faire une pauseaprès le secondaire. « On en perd àchaque ordre d’enseignement, car ilsveulent s’insérer dans le marché dutravail au plus vite », commenteMme Bonin.

Plusieurs étudiants de premièregénération arrivent d’autre par t àl’université en étant déjà sur le mar-ché de l’emploi. « Ils sont plus vieuxet ont donc souvent plusieurs respon-sabilités, explique l’agente de re -cherche. Même si souvent le projetd’études est plus réfléchi, comptetenu de leur réalité, ils font alors deschoix peut-être plus à risque, commeétudier à temps partiel. »

Équité d’accèsSi les EPG sont de moins en moinsnombreux, il reste du travail à fairepour que le Québec augmente sa po-pulation hautement scolarisée. « Ilfaut notamment valoriser les études

et bien accompagner les projets »,souligne Sylvie Bonin. Par ailleurs,elle insiste sur l’importance de conti-nuer d’étendre les accès à l’éduca-tion, car la proximité des établisse-ments est un facteur déterminantpour les EPG. «Aussitôt que l’on cou-vre une partie du territoire, on récu-père beaucoup de gens qui ne se-raient pas allés à l’université autre-ment », relève-t-elle.

Outre les EPG, plusieurs groupessocioculturels restent sous-représen-tés dans les universités, à l’instar desétudiants en situation de handicap,des Premières Nations ou encore deceux issus de familles à faibles reve-nus. «On fait de gros efforts, mais ilssont toujours moins nombreux et,une fois qu’ils sont entrés, le taux depersévérance est moins ancré », pré-cise Mme Bonin. Les hommes sontaussi moins présents dans les pro-grammes de cycles supérieurs,ajoute-t-elle, avec dix points d’écarts.

Enseignement coopératifUne façon de favoriser la conciliationtravail et études universitaires estl’enseignement coopératif, où alter-nent périodes d’études et périodesde travail. Par exemple, à l’École detechnologie supérieure (ETS), lesstages sont obligatoires. « Cela estinscrit dans notre mission d’ensei-

gnement », fait valoir Pierre Dumou-chel, directeur général de l’ETS. Ilexplique que les étudiants avaienttrès souvent des of fres d’emploiavant d’avoir terminé leurs études.Ce mode d’enseignement leur per-met d’aller jusqu’au bout de leur che-minement scolaire. Ce type d’ensei-gnement teinte aussi la formation,ajoute M. Dumouchel. « Un étudiantqui revient de stage influe sur lescontenus des cours», dit-il.Ces stages sont en outre toujours ré-munérés. Selon les chiffres de M. Du-mouchel, cela rapporte 42 000$ à l’étu-diant pour sa formation. En plus d’êtreintéressante pour les étudiants, la for-mule intéresse beaucoup les entre-prises, l’offre dépassant même la de-mande. Le directeur de l’établisse-ment indique que, l’année dernière,pas moins de 5300 offres de stages ontété présentées pour 3700 stagiaires.

En 50 ans, la population étudiante de l’Université du Québec (UQ) a consi-

dérablement augmenté, tandis que la proportion d’étudiants de première

génération a diminué.

L’Université TÉLUQ, pionnière de

la formation à distance

Le savoir accessible

Une façon de favoriser la conciliation travail et études universitaires est l’enseignementcoopératif, où alternent périodes d’études et périodes de travail. Par exemple, à l’Écolede technologie supérieure (ETS), les stages sont obligatoires.ETS

Les étudiants de première

génération représentent un

enjeu majeur pour le réseau.

Selon une enquête, leur

proportion est passée de 58 %

en 2011 à plutôt 50 % en 2016.

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont

cependant pas de droit de regard sur les textes. Pour toute information sur le contenu, vous pouvez contacter Aude Marie Mar-

coux, directrice des publications spéciales, à [email protected]. Pour vos projets de cahier ou toute autre information au sujet de la publicité,

contacter [email protected].

Page 10: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 10

Un outil de développement économique en région

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

L e recteur de l’Université du Qué-bec à Trois-Rivières (UQTR), Da-

niel McMahon, se targue d’être l’undes plus importants employeurs dela Mauricie, avec des effectifs dépas-sant 1700 personnes. En 2016, uneétude de l’Université du Québec éva-luait que l’établissement trifluvien en-gendrait des retombées écono-miques annuelles d’environ 695 mil-lions de dollars.

Mais à travers son histoire, l’UQTRa stimulé le développement écono-mique au-delà des frontières de laMauricie et du Centre-du-Québecqu ’e l le desser t . Les pet i tes e tmoyennes entreprises du Québec,qui représentent au moins 98 % desentreprises de la province et legagne-pain de neuf salariés sur dixdans le secteur privé, doivent unefière chandelle à une poignée dechercheurs visionnaires de cet éta-blissement qui, dès le milieu des an-nées 1970, ont décidé d’étudier etd’accompagner ces organisations.Les économistes Joseph Chicha etPierre-André Julien avaient alors dé-cidé de créer un n oyau de recherchesur ces PME alors mal comprises, icicomme ai l leurs dans le monde.Leurs travaux ont notamment dé-voilé que ces organisations ne doi-vent pas être analysées à l’aide de lamême grille que celle employée pourles grandes entreprises et qu’elles fe-raient mieux de miser sur des avan-tages concur rent ie ls dist incts ,comme leur flexibilité.

En 1997, l’UQTR met sur pied l’Insti-

tut de recherche sur les PME, quiépaule les organisations par l’entre-mise de professeurs issus de disci-plines variées. Sa pertinence n’a pasdiminué depuis. «Dans l’accompagne-ment des PME à prendre le viragetechnologique actuel, il y a un diagnos-tic qui doit être fait dans les organisa-tions et un plan de match pour pouvoirles amener à être de plus en plus com-pétitives, souligne M. McMahon,comptable de formation. Il faut être ca-pables de mieux outiller nos entre-prises manufacturières et leur donnerla formation nécessaire.»

La vitalité des régionsÀ l’extérieur des grands centres, lesétablissements d’enseignement supé-rieur de Rouyn-Noranda, Gatineau,Saguenay, Rimouski et Trois-Ri-vières ont eu une contribution à lavie économique « considérable »,note Pierre Fortin, professeur au Dé-par tement des sciences écono-miques de l’Université du Québec àMontréal. « Un entrepreneur ou undirigeant d’entreprise, autour de cescinq villes, a un accès [direct] à desconnaissances universitaires en ges-tion ou en technologie pour l’aider àdévelopper la main-d’œuvre dont il abesoin ou à résoudre des problèmeséconomiques ou technologiques,souligne-t-il. Le réseau de l’UQ a faci-lité la transmission du savoir, letransfert de technologie et le déve-loppement de compétences appro-priées dans les régions selon les be-soins de chacune d’entre elles. »

Outre leur proximité physique, lesétablissements implantés à l’exté-rieur de Montréal et de Québec sontdepuis longtemps le terreau de pro-jets de recherche portant sur des sec-teurs névralgiques dans l’économiede leur région, comme les mines àl’Université du Québec en Abitibi(UQAT), l’aluminium à l’Universitédu Québec à Chicoutimi (UQAC) oula mer à l’Université du Québec à Ri-mouski (UQAR). « La premièrevague de recherches, durant prèsd’une décennie, était très axée sur lesressources naturelles », rappelle Ni-cole Bouchard, rectrice de l’UQAC.

Dans son établissement, plusieurs re-cherches partenariales ont alors étéeffectuées avec les industries fores-tières et de l’aluminium.

Démarrer des entreprisesMais les constituantes de l’UQ ne secontentent plus d’aider les entre-prises existantes à grandir ou às’adapter : elles cherchent à favoriserl’émergence de jeunes pousses. En1996, l’École de technologie supé-rieure a donné le ton en fondant leCentre d’entrepreneuriat technolo-gique — le Centech — pour aider àla commercialisation d’inventionsnées entre ses murs. Alors que cet in-cubateur s’apprête à s’agrandir sur lesite de l’ancien Planétarium Dow àMontréal, chaque université se dotede son centre d’entrepreneuriat pourépauler ses étudiants et ses profes-seurs qui souhaitent se lancer en af-faires, comme le font Entrepreneu-riat UQAR à Rimouski et le Centred’entrepreneuriat et d’essaimage del’UQAC à Saguenay.

« Il se fait un effort magnifique dece côté », souligne Marc-UrbainProulx, professeur au Départementdes sc iences économiques del’UQAC, qui mène en ce momentune recherche sur le rôle du ré-seau de l ’UQ dans le développe-ment régional. « Mais l’environne-ment économique dans lequel ilsœuvrent ne donne pas suf fisam-ment d’occasions pour rendre jus-tice à leurs efforts. »

Il remarque encore une dépen-dance des régions aux grandes en-treprises du secteur des ressourcesnaturelles, alors que celles dans latransformation préfèrent s’implanterprès des grands centres. « Les entre-prises ne poussent pas comme deschampignons en région périphé-rique. Cela ne veut pas dire qu’il fautarrêter les ef for ts, mais cela veutdire que les universités, dans un fu-tur proche, doivent se poser desquestions sur les outils qui pour-raient nous aider à enrichir l’environ-nement économique afin de permet-tre à l’entrepreneuriat soutenu deréussir. »

En plus de créer de nombreux emplois, le réseau de l’Université du Qué-

bec (UQ) a aidé et continue de soutenir de nombreuses entreprises ou

secteurs industriels dans la province. Aperçu d’une contribution souvent

ignorée.

Les établissements implantés à l’extérieur de Montréal et de Québec sont depuislongtemps le terreau de projets de recherche portant sur des secteurs névralgiques dansl’économie de leur région, comme les mines à l’Université du Québec en Abitibi.GÉRALD DALLAIRE LE DEVOIR

« Un entrepreneur ou un

dirigeant d’entreprise, autour de

ces cinq villes, a un accès [direct]

à des connaissances

universitaires en gestion

ou en technologie pour l’aider

à développer la main-d’œuvre

dont il a besoin »

Page 11: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 D 11

AU-DELÀ DE LA RECHERCHE DES RÉSULTATS CONCRETS

Un plus grand intérêt se fait sentir depuis quelques années autour des

questions autochtones, mais ce n’est pas d’hier que le Réseau de l’Univer-

sité du Québec (UQ) travaille en collaboration avec les communautés au-

tochtones. Et aujourd’hui, les projets se multiplient entre les murs de ses

établissements.

L’UQ et les Autochtones, une collaboration naturelle

C A T H E R I N E G I R O U A R D

Collaboration spéciale

« I l y a un intérêt beaucoup plusmarqué autour des commu-

nautés aujourd’hui, et il y a plusd’Autochtones partout, que ce soitdans les universités ou sur la placepublique, affirme Carole Lévesque,anthropologue et professeure-cher-cheuse au Centre urbanisation cul-ture société de l’Institut national dela recherche scientifique (INRS).Mais quand on reporte tout ça à uneéchelle temporelle, on se rendcompte que ça bougeait déjà beau-coup, autour des années 1970.»

Celle qui se consacre aux ques-tions autochtones depuis plus de45 ans rappelle alors le livre blancdu gouvernement fédéral, en 1969— of ficiellement connu commeétant La politique indienne du gou-vernement du Canada. « Les gens nes’en souviennent pas, mais c’étaitune époque ef fervescente pour lesrevendications autochtones », ajoutela professeure.

Géographiquement s i tuées àproximité de plusieurs communau-tés autochtones, l’Université du Qué-bec à Chicoutimi (UQAC) et l’Uni-versité du Québec en Abitibi-Témis-camingue (UQAT) ont naturellementété des figures de proue dans cemouvement à l’intérieur du réseaude l’UQ en développant des projetset des programmes de formationavec les communautés.

« Dès sa fondation, il y a 35 ans,l’UQAT a même inscrit dans son planstratégique de développer des parte-nariats avec les communautés au-tochtones », fait valoir Denis Martel,recteur de l’UQAT.

Une approche qui évolueSi au départ l’accent est davantagemis sur la formation de maîtres au-tochtones pour enseigner dans lescommunautés, une vaste gamme deprogrammes est ensuite développéeautour des réalités autochtones.

L’UQAT a pour sa par t mis surpied l’École d’études autochtones il ya deux ans. « On a créé cette écoleavec eux pour qu’elle leur ressem-ble », explique M. Martel. Figurententre autres dans son offre de coursun certificat en études autochtones,des micro-programmes de premiercycle en intervention enfance-familleen contexte autochtone ou en ges-tion du tourisme autochtone, ou en-core un programme court de 2e cycleen gestion publique en contexte au-tochtone. « On n’étudie pas les Au-tochtones ; on travaille avec eux,

tient à souligner M. Martel. Cettecollaboration est fondamentale, etc’est dans l’ADN de l’UQAT et detout le réseau de l’UQ.»

L’École d’études autochtones offreaussi une panoplie de formationscontinues. Ces dernières, of fer tesaux allochtones et aux Autochtonespour aider l’intégration culturelle ré-ciproque, sont souvent demandées,af firme le recteur. « On sent vrai-ment qu’il y a deux solitudes, les Au-tochtones et les allochtones, maisque l es gens on t env ie que çachange.»

« Au jour d ’hu i , pra t iquementtoutes les autres universités du ré-seau ont développé des projets au-tour des questions autochtones »,renchérit Carole Lévesque. Elleparle entre autres de l’UQAM, qui adéveloppé plusieurs choses avec deschaires de recherche qui se sont in-téressées à la question autochtoneau Québec et au Canada, mais aussien Amérique du Sud. « C’est une réa-lité qui dépasse les frontières », rap-pelle l’anthropologue.

Extrêmement impliquée dans ledomaine, Mme Lévesque a quant àelle fondé le réseau DIALOG, ancréà l’INRS, une branche de rechercheet de connaissances relatives auxpeuples autochtones. « On crée desponts non seulement entre les cher-cheurs et des par tenaires autoch-tones, mais aussi entre les types desavoirs scientifiques et autochtones àl’échelle pancanadienne et interna-tionale », explique la professeure.DIALOG est à l’origine de l’organisa-tion de l’Université nomade, un évé-nement annuel de rencontre et debrassage d’idées à l’image des écolesd’été. Franc succès, l’événement enest à sa 15e édition.

De plus en plus d’universitairesMême si les défis restent grands ducôté de l’éducation dans les commu-nautés autochtones, entre autresavec un taux de décrochage scolairetrès élevé, l’UQ compte de plus enplus d’étudiants autochtones fré-quentant ses établissements. Au to-tal, l’UQAT a pour sa part décernéplus de 750 diplômes à des Autoch-tones au fil des ans, et plus de 2500personnes y ont été formées aux réa-lités autochtones.

Ultimement, l’objectif de l’UQATserait d’appor ter son soutien auxcommunautés pour qu’elles puis-sent avoir leur propre université.« On sent que la nouvelle généra-tion est désireuse de par ticiper àson développement », s ’enthou-siasme M. Martel.

« On a beaucoup investi dans laformation des Autochtones au pre-mier cycle dans les dernières an-nées et, maintenant, cer tains étu-

diants demandent même des forma-tions de deuxième et de troisièmecycle, ajoute Mme Lévesque. C’esttrès motivant. »

L’UQAT a mis sur pied l’École d’études autochtones il y a deux ans.ÉCOLE D’ÉTUDES AUTOCHTONES DE L’UQAT

L’UQ compte

de plus

en plus

d’étudiants

autochtones

Page 12: LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018 CAHIER SPÉCIAL D …uquebec.ca/.../cahier-special-50-ans-uq_le-devoir.pdf · faut prendre le taureau par les cornes, travailler ensemble et

LES 50 ANS DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC — LE DEVOIR, LES SAMEDI 25 ET DIMANCHE 26 AOÛT 2018D 12

En 50 ans, les dix établissements du réseau de l’Université du Québec

Ancré au Québec, ouvert sur le monde

www.uquebec.ca Université du Québec à Montréal

Université du Québec à Trois-Rivières

Université du Québec à Chicoutimi

Université du Québec à Rimouski

Université du Québec en Outaouais

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

École de technologie supérieure

Télé-université