les questions posées par le sportif anxieux

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Le kinésithérapeute conseiller des familles ... les questions posées par le sportif anxieux Ann. Kinésilhér., 1982,9, 249-252 J.P. de MONDENARD 1 Un spécialiste confirmé traite aujourd'hui de ces (( petits problèmes ) devant lesquels on est souvent désarmé lorsque le sportif pose la question. Il s'agit en fait de problèmes liés à la physiologie de l'effort, mais cependant de sujets dont l'importance est aisément perçue par le pratiquant du dimanche. Savoir conseiller son patient fait partie intégrante du travail du kinésithérapeute, ceux d'entre nos corifrères qui traitent des sportifs apprécieront le bien-fondé de ces recommandations. TRANSPIRATION ET EFFORT PHYSIQUE Effort = Surchauffe de l'organisme La température du corps augmente à l'effort. Cette augmentation est due aux grandes quantités d'énergie consommées durant le travail musculaire. En effet, l'énergie est libérée par la dégradation du glucose et des lipides. Cette dégradation produit de la chaleur qui augmente la température du corps. Une production de 50 Kcal suffit pour provoquer une augmentation de 1 degré environ. Pour éviter la surchauffe de l'organisme, le corps doit être refroidi en partie par la conduction et la radiation de la chaleur dans les milieux environnants, mais surtout par l'évaporation de la sueur sur la peau. La sudation est, en conséquence, très importante au cours de toutes les activités musculaires intenses. L'évacuation de la chaleur Le corps humain peut supporter quelques instants des températures atteignant 42° mais, dans ce cas, le sportif serait obligé, très rapidement, d'abandonner. 1. Médecin du sport, Hôpital Hérold (Service du Pr Lestradet). place Rhin-et-Danube. F 75019 Paris. 249

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Le kinésithérapeute conseiller des familles ...

les questions poséespar le sportif anxieux

Ann. Kinésilhér., 1982,9, 249-252

J.P. de MONDENARD 1

Un spécialiste confirmé traite aujourd'hui de ces ((petits problèmes )devant lesquels on est souvent désarmé lorsque le sportif pose la question.Il s'agit en fait de problèmes liés à la physiologie de l'effort, maiscependant de sujets dont l'importance est aisément perçue par le pratiquantdu dimanche. Savoir conseiller son patient fait partie intégrante du travaildu kinésithérapeute, ceux d'entre nos corifrères qui traitent des sportifsapprécieront le bien-fondé de ces recommandations.

TRANSPIRATION ET EFFORT PHYSIQUE

Effort = Surchauffe de l'organisme

La température du corps augmente à l'effort. Cette augmentation estdue aux grandes quantités d'énergie consommées durant le travailmusculaire. En effet, l'énergie est libérée par la dégradation du glucose etdes lipides. Cette dégradation produit de la chaleur qui augmente latempérature du corps. Une production de 50 Kcal suffit pour provoquerune augmentation de 1 degré environ.

Pour éviter la surchauffe de l'organisme, le corps doit être refroidi enpartie par la conduction et la radiation de la chaleur dans les milieuxenvironnants, mais surtout par l'évaporation de la sueur sur la peau. Lasudation est, en conséquence, très importante au cours de toutes lesactivités musculaires intenses.

L'évacuation de la chaleur

Le corps humain peut supporter quelques instants des températuresatteignant 42° mais, dans ce cas, le sportif serait obligé, très rapidement,d'abandonner.

1. Médecin du sport, Hôpital Hérold (Service du Pr Lestradet). place Rhin-et-Danube. F 75019 Paris.

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Au cours de l'exercice, 80 % de l'énergie libérée est transformée enchaleur. Le corps humain ne peut emmagasiner qu'une faible quantité(moins de 10 %). Il est donc indispensable que la chaleur produite parl'organisme au cours d'un effort soit constamment évacuée durantl'épreuve.

Différents mécanismes existent:

- irradiation des surfaces froides environnantes,- réchauffement de l'air ambiant (convection),- conduction par contact direct avec des surfaces froides,- chaleur et vapeur d'eau évacuées par les poumons,- évaporation de la transpiration.

Nous détaillerons les deux principales:

a) La chaleur cédée par convection

Généralement, la température du corps est supérieure à latempérature de l'air. Ainsi l'air au contact de la peau se réchauffe etabsorbe la chaleur. Lors d'un effort, si le sujet se déplace rapidement,surtout s'il y a du vent, les couches d'air au contact de la peau sontcontinuellement renouvelées.

Les pertes de chaleur par convection sont d'autant plus importantesque le milieu ambiant est plus froid, plus venté, que le sportif effectue desmouvements et la surface de peau non recouverte par un vêtement est plusgrande.

Inversement, lorsque la température ambiante est plus élevée quecelle du corps, c'est celui-ci qui emmagasine de la chaleur par convection.

b) La chaleur cédée par évaporation

La perte de chaleur par évaporation est due à l'évaporation au niveaude la peau de la sueur produite par les glandes sudoripares. Ce mécanisme,qui est le plus important dans l'élimination de la chaleur, entraîne unediminution de l'eau de l'organisme.

Chaque litre de transpiration élimine 600 Kca!. En multipliant par 0,6le poids en grammes de la transpiration qui sort de l'athlète à l'effort ets'évapore, on obtient la quantité en Kcal de chaleur éliminée parévaporation.

Une partie seulement de la transpiration produite par les glandessudoripares s'évapore. Plus l'air ambiant est sec, plus un pourcentage élevéde la transpiration s'évapore. Au cours de l'effort, la plus grande partie de lachaleur est éliminée par évaporation.

Remarque importante

L'évaporation de la sueur peut se produire sans qu'apparaisse lamoindre humidité au niveau de la peau ni des vêtements. Pour affirmer que

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l'on ne transpire pas à l'effort, il faudrait se peser nu avant et après sansque la balance n'indique une différence, ce qui, évidemment, n'est jamaisfait. Ceux qui « s'étonnent)} de ne pas transpirer à l'effort constateronttoujours une perte de poids qui, bien sûr, est liée à la transpiration dontl'importance est fonction de l'intensité et de la durée de l'effort.

Les sueurs froides - La sudation émotionnelle

La sudation dite émotionnelle, psychique, parce qu'elle ne participepas à la régulation thermique, à l'élimination de la chaleur - ce que lasagesse populaire appelle, à juste titre, sueurs froides - présente avec lasudation thermique de nombreuses différences.

La sudation thermique s'installe relativement lentement; au contraire,pour la sudation psychique, la réponse à un stimulus émotionnel se fait àpeu près immédiatement et simultanément.

Sudation thermique et sudation psychique ont, par ailleurs, unetopographie différentes: chez l'homme, la sudation psychique estessentiellement localisée à des zônes qui ne participent que peu ou pas à larégulation thermique (paumes et plantes). D'autres régions sont mixtes,participant à la sudation « chaude)} et à la sudation « froide)} (front, pli del'aine, creux poplités, aisselles; à noter que ce sont des régions qui sontpresque toutes proches d'articulations). La signification de cettelocalisation est plus évidente si on observe ce qui se passe chez l'animal,en particulier chez les animaux chez lesquels les glandes sudoripares neparticipent pas à la régulation thermique, comme le chat ou le chien. Cesanimaux ont une abondante sudation psychique localisée aux coussinetsplantaires; là encore, la réponse sudorale aux émotions est rapide, brutale.Cette sudation, a priori gratuite, semble cependant présenter un intérêtbiologique: les régions concernées sont les surfaces d'agrippement del'adversaire ou du support. L'homme, lorsqu'il ne saisit pas ses outils dansdes situations d'urgence, doit parfois cracher dans ses mains pouraméliorer sa préhension ..

Nous retrouvons le même phénomène en cyclisme lorsque Hinaultdécide de secouer le peloton. S'ils ne veulent pas être lâchés, sesadversaires doivent se « cracher dans les mains)} et agripper le guidon paren-dessous.

Effort intense et sudation au niveau du front

A l'effort, la sudation ne se limite pas au front mais c'est là qu'elleapparaît la plus importante, à cause de la topographie (le front est toujoursdécouvert), à cause aussi de la présence des cheveux qui retiennent lasueur et la laisse s'écouler en grosses gouttes. De plus, la richesseglandulaire de la peau frontale explique sans doute en partie laprédominance apparente de la sudation au niveau du front.

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Transpiration abondante dès que l'on boit à l'effort

Généralement, au repos, la température du corps reste constante et lasudation est déclenchée dès qu'il y a une variation de 2/10e de degré. Larégulation thermique est intégrée dans la régulation hydrominérale (sels),et les facteurs d'hydratation (apport hydrique durant l'effort ou absenced'apport) modifient considérablement le seuil thermique de la sudation. Encas de déshydratation (absence d'apport hydrique durant l'effort),l'élévation de la température du corps nécessaire et suffisante pourdéclencher la sudation devient bien supérieure à 2/1 oe, elle peut atteindre1, 2, voire 3 degrés, l'organisme sacrifiant son équilibre thermique pourpréserver ses réserves en eau et en électrolytes.

C'est dans cette situation que des chercheurs ont pu mettre enévidence l'existence d'un réflexe grâce auquel la sudation augmente dèsque l'hydratation est « annoncée» par les récepteurs gustatifs de la bouche(eau ou eau salée) et avant toute absorption intestinale, Ce réflexeanticipateur permet une plus grande souplesse de l'adaptation de ladéperdition de chaleur par l'organisme par l'ajustement instantané del'intensité sudorale aux nouvelles conditions de réhydratation. Ce réflexeexplique la transpiration abondante dès la fin d'un effort, lorsque le sportifcomplètement déshydraté absorbe un liquide quelconque.

Au cours de l'effort, le réflexe anticipateur joue également et unetranspiration abondante survient dès que l'eau se trouve dans la bouche.Pour éviter cette transpiration qui accentue la déshydratation, il estrecommandé de boire dès le début et régulièrement pendant l'effort, parpetites doses (125 à 250 ml toutes les 20 minutes).

Transpiration et habillement

La peau humide et en sueur contribue au refroidissement après l'effort.

L'évaporation de la sueur diminue la chaleur de la peau qui peut serefroidir anormalement si la température ambiante est basse. Ce mêmephénomène se présente lorsque les vêtements sont imprégnés de sueur ouhumides (conditions atmosphériques défavorables: pluie, neige, brouillard)et qu'ils restent en contact avec la peau. C'est pourquoi, lorsque le tempsest frais, le corps doit être séché dès la fin de l'effort et couvert devêtements secs. Les vêtements mouillés participent au refroidissement ducorps qu'à partir du moment où la ligne d'arrivée franchie, la production dechaleur devient insuffisante.

Lorsque la température est basse, il est recommandé de porter sousle maillot, directement sur la peau, sans être trop collant, un vêtement decoton (maillot cycliste, tricot descendant bas sur les reins). Une telleprotection apporte de la chaleur (principe des doubles-fenêtres), permetune bonne circulation de l'air, absorbe la sueur et ne gêne pas les252

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mouvements. Par contre, les vêtements fermant hermétiquement type « K.Way» et imperméables sont à éviter lorsqu'il ne pleut pas car ilsempêchent l'évaporation superficielle du corps, régulatrice de la chaleur.

Transpiration et perte de poidsUne erreur: plus on transpire, plus on maigrit

Si l'on effectue un effort physique à forte intensité, c'est-à-diredépassant 70 % de sa capacité physique, on utilisera surtout commecarburant des hydrates de carbone et cela se traduira par une perte deliquide importante.

Malheureusement, la reconstitution du stock de glycogène estrelativement rapide ainsi que la reconstitution du stock de liquide. C'est laraison pour laquelle, pour maigrir, il faut effectuer un effort physique àallure modérée, ce qui permet de tirer sur les dépôts graisseux en réduisantévidemment son alimentation. Mais il faut compter plusieurs semainespour arriver à un résultat important, l'avantage étant d'avoir des effetsdurables et non pas éphémères, ce qui est le cas avec l'effort intense.

Limiter la transpiration en ne buvant pas pour espérer(sans succès) accroître ses performances

On affirme très souvent dans les milieux sportifs, surtout cyclistes, qu'ilvaut mieux limiter les boissons au cours des efforts, de façon à diminuerl'intensité de la transpiration.

Cette conception, nous l'avons vu, est en contradiction totale avec lefonctionnement du corps, qui fait de la transpiration le moyen utilisé parl'organisme pour limiter l'échauffement excessif lors de l'effort intense etprolongé, ou lorsque la température ambiante s'élève.

De même que l'urine permet d'éliminer de nombreuses toxines, latranspiration est nécessaire pour éliminer la chaleur du corps. Dans lesdeux cas, l'eau perdue doit être remplacée.

Généralement, on remplace l'eau perdue par la transpiration à unrythme égal à celui de sa déperdition. Pour que l'effort se passe dans debonnes conditions, il faut éviter que la perte hydrique dépasse 1 ou 2 % dupoids du corps.

La transpiration des sportifs entraînés

Un athlète entraîné a la faculté de mobiliser une quantité importanted'acides gras libres, et donc, dans une certaine mesure, de réduire sasudation.

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Il existe des variations dans la quantité et la composition de la sueurémise d'un individu à l'autre. La sueur des athlètes très entraînés ou celledes sujets entraînés à la chaleur est plus diluée. En d'autres termes, lesportif entraîné ou acclimaté à la chaleur perd moins de sel que le « sportifdu dimanche».

LE CONDITIONNEMENT PSYCHOLOGIQUEOU LE DOPAGE PAR SUGGESTION

La performance d'un athlète dépend de plusieurs facteurs:- processus énergétiques: processus aérobie, processus anaérobie,- fonction neuro-musculaire : force, technique,- facteurs psychologiques: volonté, concentration, motivation.

Sans vouloir minimiser les deux premiers facteurs, il faut bien avouerque le troisième est plus souvent invoqué pour expliquer les défaites etcontre-performances.

Or, l'on sait parfaitement que l'affectivité influence le fonctionnementdu moteur humain. Un état banal comme l'émotion est capable dedéterminer à lui seul une cascade de modifications organiques, tellesqu'altération de la circulation sanguine et de la respiration, avecperturbation du rythme cardiaque, hypertension ou hypotension,contractions accélérées ou retardées de l'estomac, altérations dessécrétions internes et externes.

Cet état instable favorise l'échec.

D'autre part, la peur, ou pour utiliser un mot plus à la mode: le stress,engendre une réaction de défense qui peut modifier les performances d'unorganisme de façon considérable.

Nous avons toujours à l'esprit l'exemple de cette femme qui voit sonfils se faire renverser par une voiture. L'enfant ne peut dégager ses jambeset reste coincé sous le véhicule; sa mère, qui habituellement a du mal àporter des objets lourds, se précipite et soulève alors la voiture.

Cela semble irréalisable et, pourtant, chaque jour, des exploitssimilaires sont accomplis par des personnes confrontées à un stresspuissant et qui seraient incapables, dans des conditions ordinaires, depareilles performances.

De la même manière, le sportif de compétition se heurte à une barrièrequi l'empêche de progresser, de s'affirmer et de s'épanouir. Il n'est pascapable d'utiliser « son moteur» à 100 %. Pour y parvenir, c'est-à-dire pourlever certaines inhibitions et pour limiter les troubles psychosomatiquesprécompétitifs, l'effet placebo et une préparation psychologique à base detechniques particulières telles que relaxation, hypnose, yoga, musique,sophrologie s'avèrent indispensables pour placer l'athlète dans lesmeilleures conditions de réussite.

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Effet placebo

En médecine, ce terme est utilisé pour désigner toute préparationmédicamenteuse, quelle qu'en soit la forme (comprimé, ampoule, potion,etc.) exclusivement à base de produits dépourvus de toute action chimiqueprécise.

Ce type d'effet fait appel surtout à la persuasion à partir d'un vecteur« médicamenteux» dont la composition est inoffensive.

Les exemples sont nombreux aussi bien en médecine que dans ledomaine sportif, où l'effet placebo de préparation sans effetpharmacologique habituel a permis la guérison ou la victoire.

Un auteur américain avait été sollicité pour expérimenter un produitstimulant miracle. Il en a distribué la moitié à une équipe de sportifs, tandisqu'il donnait à l'autre moitié de l'équipe un placebo connu pour sa totaleinefficacité.

Or, c'est cette dernière moitié de l'équipe qui l'emporta largement etl'équipe toute entière, entraîneur en tête, de demander qu'on lui distribue lapilule de la victoire.

Dans son ouvrage sur le doping, Guillet rapporte un exemplesignificatif du pouvoir du placebo: « Le médecin général Mathieu, quisurveilla longtemps l'équipe olympique française, me racontait qu'unathlète émotif et facilement déprimé avait battu un record après avoiringéré le contenu d'un petit flacon d'Aquasimplex faiblement teintée. Sibien qu'avant chaque compétition importante, il réclamait son « doping ».

Jolain, qui a été le médecin des tous premiers Tours de l'Avenir, danssa thèse consacrée au doping, a vérifié le pouvoir du placebo: « Lors duTour de France cycliste 1963, réservé aux amateurs, aux cours del'ascension du col du Tourmalet, je donne à deux coureurs bulgares,largement « décramponnés» par les autres concurrents dès les premierslacets, un cachet de sel fourni par l'armée; à ma grande surprise, jeconstate une remontée spectaculaire et surtout instantanée de ces deuxcoureurs; un nouveau cachet accentue cette remontée. Commentexpliquer ce brusque sursaut d'énergie autrement que par l'intermédiairedu psychisme?».

Prokop, spécialiste viennois de médecine sportive, dans une récenteexpérience, a démontré l'importance de l'autosuggestion chez le sportif enutilisant l'effet placebo.

Ce médecin a prié cent nageurs de compétition de son pays d'avalerdes pilules fabriquées avec de mystérieuses plantes sud-américaines etqui augmentaient considérablement les niveaux des performances. 72 %des sujets testés furent en nette progression par rapport à leur niveauhabituel. Ce n'est que l'expérience terminée que Prokop leur révéla que lespilules étaient constituées uniquement de sucre et de lait.

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Des travaux ont même démontré que les facteurs psychiquespouvaient intervenir pour une plus grande part que les facteursphysiologiques dans la performance.

Deux auteurs ont, au moyen d'expérimentations précises, concluqu'aucune drogue ne peut rivaliser dans l'accroissement de la forcehumaine, lors d'un exercice localisé, avec les facteurs psychiques.

Dans le cas d'un médicament stimulant, on arrive à 6 ou 10 %d'augmentation de la force musculaire, alors que pour les facteurspsychiques, on atteint jusqu'à 30 %. Les auteurs concluent que ce sont lesfacteurs psychiques plus que physiologiques qui permettent lesperformances humaines et que la levée des inhibitions qu'ils exercent estd'un rapport bien meilleur que le dopant considéré comme le plus efficace.

Dans son travail consacré aux placebos, Lamerguière nous précisequelle doit être la présentation du placebo pour améliorer son efficacité:

- importance du goût amer, s'il s'agit d'un liquide,- faible dimension s'il s'agit d'un comprimé,- la couleur, le rouge serait conseillé pour un stimulant,- le bleu: pour un calmant,- de même, la préférence est nette pour les piqûres auxquelles sont

attribuées des vertus d'efficacité supérieure aux autres modesd'ad ministration.

En résumé, l'effet placebo joue un rôle très important dans le sport et,notamment, chez l'athlète de haut niveau.

Ce qui nous paraît fondamental est que l'idée de dopage se suffit ensoi, sans intervention « matérielle ».

Autrement dit, il est plus important de croire être dopé, que de l'êtreréellement.

la relaxation

Les méthodes de relaxation visent à entraîner le sujet à diminuer sontonus musculaire lorsque celui-ci est perturbé par la fatigue ou des pulsionsprécompétitives.

Ainsi, le sujet arrivera à contrôler de façon volontaire son tonus et àobtenir un relâchement musculaire complet et une tranquillité d'esprittotale.

A cela doivent s'ajouter des compléments spécifiques plusdirectement liés au sport choisi et qui doivent d'une part, permettre deréduire des contractions inutiles, véritables « parasites de l'effort », etd'autre part, aider à l'élaboration consciente des efforts à réaliser en vue dela performance désirée.

De nombreuses méthodes existent. On peut les classer en deuxgroupes:

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- les unes, dites globales, à point de départ cérébral. Le type en est letraining autogène de Schultz, le plus connu, le plus classique. Cetteméthode est essentiellement suggestive. A l'aide d'exercices et de phrasesparfaitement codifiéees, on « apprend» peu à peu, au sujet, à trouver ladétente. Avec l'entraînement, au bout de plusieurs mois, l'auto-hypnoseremplace la suggestion, et le sportif devient capable de poursuivre seullesexercices.

Au total, on s'entraîne à supprimer les tensions musculaires après enavoir pris conscience.

- les autres, dites analytiques, à point de départ périphériques, sont leyoga, les méthodes de Jacobson et de Gerda Alexander. La prise deconscience du sujet de la différence p.ntre la contraction puis le relâ­chement permet une visualisation sensitive de la détente globale, le muscleétant libéré du psychisme.

L'hypnose

En constatant l'influence prépondérante du psychisme sur le physique,certains se sont tournés vers l'hypnose pour améliorer leurs performances.

D'après la théorie généralement admise, le sujet est plongé dans"hypnose par la contemplation d'un objet brillant, en principe les yeux del'hypnotiseur, considérablement éclairés. En quelque sorte, le sujet setrouve placé dans un état de somnambulisme provoqué: il est alors prêt àexécuter ce qu'on lui suggère de faire, ou à croire ce qu'on lui suggèred'admettre. Toutes les personnes ne sont pas réceptives. Les plus docilessont les individus dont le système neuro-végétatif manque de stabilité, àsavoir les émotifs et les nerveux.

En sport, cette technique est surtout bénéfique aux sportifs souffrantd'un quelconque blocage psychologique, mais n'est pas utile à l'athlèteéquilibré qui, par son entraînement et sa motivation, est capable de sesurpasser sans l'aide de drogues illicites.

La sophrologie

A ne pas confondre avec l'hypnose .. L'hypnose crée un état dedépendance vis-à-vis d'un tiers. La sophrologie inculque exactement lecontraire. Elle prône le contrôle absolu du corps par soi-même. Au contrairede l'hypnose qui a un effet à court terme, la sophrologie agit à bien pluslongue échéance.

Il existe plusieurs techniques passives et actives qui permettentd'étudier « la conscience, ses modifications et les moyens physiques,chimiques ou psychologiques pouvant la modifier, dans un butthérapeutique, prophylactique ou pédagogique, en médecine».

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Les milieux du football et du ski utilisent cette technique qui, sur leplan physique, contribue à améliorer la précision du geste, à économiser lesdépenses énergétiques, en augmentant la sélectivité de la contractionmusculaire adaptée au geste et la décontraction des muscles nonindispensables sur le plan psychologique, les facilités de concentration etd'attention ainsi que le potentiel de lucidité.

Musique et acclamations

Certains auteurs, en particulier Krestovnikoff, ont étudié l'influence dela musique sur la consommation d'oxygène au cours d'exercices degymnastique. Bien que l'augmentation soit légère, les gymnastesdéclarèrent qu'ils supportaient mieux la charge de l'exercice accompagnéde musique.

Les expériences de laboratoire ont montré également que lesacclamations avaient des effets stimulants. Cela a même été mesuré surbicyclette ergométrique. Le test était toujours meilleur lorsque le sujet étaitl'objet d'applaudissements et acclamations.

Lors d'une compétition, les acclamations sont une arme à doubletranchant. Si un sportif stimulé commence son effort maximal trop tôt, ilpeut s'épuiser et devoir ralentir avant la fin de la compétition. Cependant,beaucoup de coureurs, en raison de leur concentration mentale sur lacourse ou à cause de la fatigue, restent sourds aux acclamations et fontleur course à l'allure prévue.

Le yoga

Discipline ascétique, originaire de l'Inde, qui tend à provoquer unemaîtrise de la conscience par la concentration du corps et de l'esprit.

Les méthodes de yoga ont été adaptées à l'esprit occidental.Dépouillées de leur contenu mystique, elles sont devenues une forme detraining autogène, permettant d'accéder à la relaxation volontaire.

L'action du yoga sur la respiration est à la base de la santé physique etmentale; il faut qu'elle soit rythmée, ample et profonde; l'acte respiratoire,qui pour les occidentaux est presque toujours inconscient, devientvolontaire et contrôlé.

Une forme de yoga, le hatha-yoga, est une gymnastique basée sur unenchaînement de mouvements qui aboutissent à des postures que l'on doitgarder immobiles pendant une période de temps déterminé; elles agissentsur les muscles, les articulations, ainsi que sur les organes internes par !-lnmassage naturel, par un brassage ou les deux à la fois. Les effetsbienfaisants de ces postures sur le corps et la pensée provoquent unrenouveau de vitalité et équilibrent le système physiologique et nerveux.

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Ainsi, le yoga permet d'éliminer les états émotifs, apporte le calmemental et le contrôle du système nerveux.

De multiples possibilités s'offrent aux sportifs pour leur faire acquérirune parade au stress de la compétition et un meilleur contrôle de soi.

Toutes ces méthodes de conditionnement se distinguent du dopagedans la mesure où elles ne sont pas imposées. Loin d'avoir un effetéphémère et passager, elles participent à la formation de la personnalité.Loin de créer une dépendance de l'individu vis-à-vis de son« stimulant-calmant», elles favorisent une meilleure connaissance du corpspour en tirer le maximum d'effets sans toutefois, et c'est peut-être là lerevers de la médaille, dépasser une limite qui, inévitablement, seraitdangereuse.

Christian Bindner, journaliste à France-Inter, dans un dossier que nousavions préparé ensemble, situait bien la zone à ne pas franchir:

« Dans certains pays étrangers pourtant, on étudie les mécanismes clécapables de débloquer les verrous psychologiques. A partir de là, verra-t-onun jour l'athlète arriver sur la piste flanquée de sa psychologue et, pourquoipas, de deux infirmiers en blouse blanche?»

Le risque provient aussi de la marge étroite qui existe entre la levéed'une inhibition et l'apparition d'une « indifférence» qui, elle, est peufavorable à la réalisation d'une grande performance. Une certaine tensionest souvent indispensable à l'athlète pour se dépasser, voire se surpasser.

Dans certains cas, l'effet de suggestion peut entraîner des accidentsdramatiques. Bien que le rapport avec le sport ne soit pas direct, cetexemple marquera fortement les esprits quant au pouvoir du psychisme surl'organisme:

Un cheminot américain, chargé de surveiller les transports frigorifiquesferroviaires, s'est trouvé enfermé dans un wagon pour une destination delongue durée; il en conclut qu'il ne survivrait pas à cette mésaventure ­résigné, il attendit son destin et mourut -, c'est ce que découvrit à l'arrivéeun autre employé chargé d'ouvrir le wagon et qui constata par surcroît quel'installation frigorifique n'avait pas fonctionné.

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