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LES OPEŁ RATIONS DE TUERIES MOBILES ET LES CENTRES DE MISE AØ MORT DANS L’EXTERMINATION DES JUIFS D’EUROPE Avant-propos La revue Me ´moire Vivante a consacre ´ une se ´rie de nume ´ros a ` l’histoire du syste `me concentrationnaire et des camps de concentration, n’abordant, jusque-la `, l’exter- mination des Juifs d’Europe qu’au travers des dossiers « Auschwitz » et « Maidanek », les deux seuls camps de concentration auxquels ont e ´te ´ associe ´s des installations de mise a ` mort de masse. Nourrir la re ´flexion sur le nazisme et les crimes commis par lui, l’un des objectifs permanents de la Fondation pour la Me ´moire de la De ´portation, en particulier au travers des se ´minaires de me ´moire qu’elle organise et de sa contribution aux dossiers du concours national de la Re ´sistance et de la De ´portation, passe e ´videmment par l’e ´vocation de la plus grande entreprise criminelle de l’histoire, a ` savoir l’e ´limi- nation des Juifs et du judaı ¨sme de l’Allemagne d’abord, puis de la partie de l’Europe sous influence ou occupation allemande. En abordant ce sujet particulie `rement complexe et douloureux, objet de nombreuses e ´tudes et travaux (passe ´s ou en cours), parfois suivis de de ´bats passionne ´s, Me ´moire Vivante souhaite mettre a ` la disposition de ses lecteurs quelques cle ´s et quelques donne ´es de re ´fe ´rence, leur laissant le soin d’approfondir la question s’ils le souhaitent (une bibliographie indicative est donne ´e en fin de dossier). La premie `re partie traite ce que l’on peut appeler les pre ´mices, c’est-a ` -dire l’ensemble des dispositions pre ´limi- naires au passage a ` l’acte ge ´nocidaire proprement dit, la seconde partie aborde le passage a ` la « Solution finale », assure ´e d’abord par les Einsatzgruppen et la troisie `me partie traite des centres de mise a ` mort par gaz, Auschwitz et Maidanek excepte ´s, puisque de ´ja `e ´voque ´s dans des nume ´ros pre ´ce ´dents. Nous proposerons enfin en conclusion quelques pistes de re ´flexions. Bulletin de la Fondation pour la Me ´moire de la De ´portation Trimestriel N o 55 De ´cembre 2007 2,50 e (Ce nume ´ro aurait du ˆ paraıˆtre en septembre 2007) EŁ TABLISSEMENT RECONNU D’UTILITEŁ PUBLIQUE (DEŁCRET DU 17 OCTOBRE 1990) PLACEŁ SOUS LE HAUT PATRONAGE DU PREŁSIDENT DE LA REŁ PUBLIQUE 30, boulevard des Invalides ^ 75007 Paris ^ Te¤l. 01 47 05 81 50 ^ Te¤le¤ copie 01 47 05 89 50 INTERNET : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : [email protected] SOMMAIRE Les ope ´ rations de tueries mobiles et les centres de mise a ` mort dans l’extermination des juifs d’europe ..................... 1 Un nouveau concept d’accueil des associations par la Fondation 14 La Fondation aux « Rendez-vous de l’Histoire » a ` Blois ...... 15 Hommage de la Fondation a ` l’un de ses fondateurs disparu Claude Meyroune ................................ 16 memoire-vivante55 - 8.1.08 - page 1

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LES OPEŁ RATIONS DE TUERIES MOBILESET LES CENTRES DE MISE AØ MORT DANSL’EXTERMINATION DES JUIFS D’EUROPE

Avant-proposLa revue Memoire Vivante a consacre une serie de

numeros a l’histoire du systeme concentrationnaire etdes camps de concentration, n’abordant, jusque-la, l’exter-mination des Juifs d’Europe qu’au travers des dossiers« Auschwitz » et «Maidanek », les deux seuls camps deconcentration auxquels ont ete associes des installations demise a mort de masse.

Nourrir la reflexion sur le nazisme et les crimes commispar lui, l’un des objectifs permanents de la Fondation pourla Memoire de la Deportation, en particulier au travers desseminaires de memoire qu’elle organise et de sa contributionaux dossiers du concours national de la Resistance et de laDeportation, passe evidemment par l’evocation de la plusgrande entreprise criminelle de l’histoire, a savoir l’elimi-nation des Juifs et du judaısme de l’Allemagne d’abord, puisde la partie de l’Europe sous influence ou occupationallemande.

En abordant ce sujet particulierement complexe etdouloureux, objet de nombreuses etudes et travaux (passesou en cours), parfois suivis de debats passionnes, MemoireVivante souhaite mettre a la disposition de ses lecteursquelques cles et quelques donnees de reference, leur laissantle soin d’approfondir la question s’ils le souhaitent (unebibliographie indicative est donnee en fin de dossier).

La premiere partie traite ce que l’on peut appeler lespremices, c’est-a-dire l’ensemble des dispositions prelimi-naires au passage a l’acte genocidaire proprement dit, laseconde partie aborde le passage a la « Solution finale »,assuree d’abord par les Einsatzgruppen et la troisieme partietraite des centres de mise a mort par gaz, Auschwitz etMaidanek exceptes, puisque deja evoques dans des numerosprecedents.

Nous proposerons enfin en conclusion quelques pistes dereflexions.

Bulletin de la Fondation pour la Memoire de la Deportation

Trimestriel No 55 Decembre 2007 2,50 e

(Ce numero aurait du paraıtre en septembre 2007)

EŁ TABLISSEMENT RECONNU D’UTILITEŁ PUBLIQUE (DEŁ CRET DU 17 OCTOBRE 1990)PLACEŁ SOUS LE HAUT PATRONAGE DU PREŁ SIDENT DE LA REŁ PUBLIQUE

30, boulevard des Invalides ^ 75007 Paris ^ Te¤ l. 01 47 05 81 50 ^ Te¤ le¤ copie 01 47 05 89 50INTERNET : http ://www.fmd.asso.fr ^ Email : [email protected]

SOMMAIRE

Les operations de tueries mobiles et les centres de mise a mort dansl’extermination des juifs d’europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

Unnouveau concept d’accueil des associations par la Fondation 14

La Fondation aux « Rendez-vous de l’Histoire » a Blois . . . . . . 15Hommage de la Fondation a l’un de ses fondateurs disparuClaude Meyroune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

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1re partie : Les pre¤ mices

Le programme du parti national socialiste allemand(NSDAP) repose sur une conception nationaliste et raciste 1

de l’Allemagne et de la sphere d’influence germanique enEurope. Le peuple germanique, communaute de langueallemande et de « sang aryen », est considere commed’essence superieure et donc destine a devenir la puissancedominante en Europe. Pour vivre et se developper il doit enoutre disposer de terres nouvelles a coloniser. Ce destingrandiose, abondamment developpe dans «Mein Kampf »2,passe par le rearmement de l’Allemagne, l’edificationd’une societe nouvelle regie par les ideaux nationaux-socialistes, la conquete d’un espace vital 3, l’asservissementdes peuples inferieurs, l’aneantissement militaire despuissances rivales (France, URSS, puis Angleterre voireEtats Unis), l’elimination du bolchevisme et l’eradicationdes races inferieures qui compromettent le sang aryen,au premier rang desquelles la « race juive », considereecomme l’ennemi par excellence du peuple germanique.Avec l’arrivee de Hitler au pouvoir, va se mettre en marcheun processus irreversible de haine et de guerre dont lesJuifs seront l’une des cibles privilegiee, seulement parcequ’ils sont juifs.

Dans son etude sur la destruction des Juifs d’Europe,Raul Hilberg 4 decrit ce processus d’elimination des Juifsau travers de cinq etapes : l’identification, l’expropriation5,la concentration (ghettos et camps), les deportations, etl’extermination, cette derniere accomplie en deux etapes,d’abord par des operations de tueries mobiles executees parles Einsatzgruppen, puis a l’aide de veritables usines demort. Peter Longerich6 de son cote detaille sept phases :exclusion des Juifs de la vie publique (1933-fin 1934),segregation et discrimination de grande envergure (fin1934-fin 1937), privation des droits et emigration forcee(automne 1937-1er octobre 1939), persecution (1939-1941),massacre de la population civile juive en Union sovietiqueet genese de la solution finale (1941), lancement de lapolitique d’aneantissement a l’echelle europeenne (1942),poursuite et extension geographique du genocide apres letournant de la guerre (1942-1945). Christopher Browning7

quant a lui, evoque « l’eventail habituel des mesuresantijuives : enregistrement, exclusion de nombreux emploiset activites sociales, expropriation, marquage et travailforce », precedant la phase ultime de mise a mort.

Ces etapes, globalement concordantes sont a rapprocherd’une recherche plus recente et plus generale de JacquesSemelin 8 sur les mecanismes qui conduisent aux crimes demasse, entendus comme forme d’actions, le plus souventcollectives, de destruction de non-combattants.

Semelin apres avoir evoque des situations types pouvantdeboucher sur les massacres de masse (situations de criseeconomique, institutionnelle, geopolitique, ou de guerrecivile, associees ou pas a des slogans racistes), insiste sur lerole des representations, qu’il situe en amont du processus.Pour lui, le massacre releve d’un processus mental, d’un« imaginaire de l’ennemi oppose a l’imaginaire de soi »,d’une perception de l’Autre. Chaque etre humain peut avoirdes fantasmes de destruction. Dans le cas du crime de masseces fantasmes basculent dans la realite collective. Il tentedonc d’analyser l’articulation entre imaginaire et reel. Pourlui, l’exploitation de la peur, ou de l’inquietude facilite ladefinition d’entites mythiques a partir desquelles seconstruisent en interaction un «Eux », figuratif de l’ennemiet un Nous, sense incarner le bien. Le discours des leadersd’opinion participe de ce processus en proposant, parexemple, leur lecture de la situation : le pays ne va pas bien,mais si nous commencions par nous debarrasser de ces gens laca irait beaucoup mieux, ou une relecture de l’histoire : leNous, victime de l’histoire (discours des nazis apres 1918mais aussi plus recemment discours des dirigeants Serbes),est appele a la reconquete de son honneur et de sa gloire ». Lahaine devient antidote de la peur 9, generant une sorted’alchimie, fondamentale pour comprendre la logique dupassage aux actes. La figure de l’ennemi est variable : l’Autrepeut etre celui qui est different (caracteristiques morpho-logiques, convictions, mode de vie), ou trop nombreux(probleme quantitatif lie a une deterioration de la situationeconomique) ou encore un frere devenu ennemi, complotantcontre le Nous (Pol Pot). Les discours construisent ainsi descadres de sens a partir desquels peut, dans certainescirconstances extremes, advenir le crime de masse, commispar des hommes pourtant, selon Browning « terriblementnormaux ». Le role de l’Etat, de la propagande, des policessecretes et de la guerre modifie le rapport a l’Autre, altereles personnalites et facilite le passage a l’acte.

Cette approche correspond au processus engage par lesnazis qui ont developpe une conception delirante des juifset prepare psychologiquement le genocide. Une propa-gande savamment orchestree les designe en effet a lavindicte populaire. Elle fait pour cela appel a toutes lesressources de la phraseologie antisemite en vogue a la findu XIXe siecle, tendant a ridiculiser le Juif, et fait de luil’ennemi parfait du peuple allemand, coupable du complotjudeo-bolchevique, du « coup de poignard » dans le dos en1918, l’ennemi de la « race germanique (aryenne) » dont ilentrave la marche et le developpement.

1. Hitler ecrivant dansMein Kampf : « La question raciale est la cle de l’histoiredu monde (...) la lutte d’un peuple pour la vie » est en realite heritier dudarwinisme social de Gobineau «Essai sur l’inegalite des races humaines »(1853) et de Houston Chamberlain (gendre de Wagner), auteur de « Les assisesdu Dix-neuvieme siecle » (1899) qui presente l’histoire comme une lutte deraces, expliquant la decadence de l’humanite par la corruption du sang.

2. Ecrit par Hitler au cours de sa detention, elle meme consecutive a satentative manquee de putsch a Munich, le 9 novembre 1923.

3. Lorsque le Pays allemand aura regroupe tous les Allemands, s’il se reveleincapable de les nourrir, de la necessite pour ce peuple de vivre, naıtra le droitmoral d’acquerir des terres etrangeres. L’epee remplacera alors la charrue, etles larmes nees de la guerre prepareront les moissons du monde futur. Extraitde «Mein Kampf » ch 1.

4. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Gallimard, col. FolioHistoire, Paris 2006, 3 tomes (2100 p.).

5. 28 mars 1933, boycott des magasins juifs decide en conferenceministerielle et prepare par les comites d’action du NSDAP.

6. Peter Longerich, «Politik der Vernichtung. Eine Gesamtdarstellung desnationalsozialistischen Judenverfolgung. Politique de l’aneantissement. Unerepresentation globale de la persecution national-socialiste des juifs ». Piper.Munich 1998.

7. Christopher Browning, Les origines de la Solution finale L’evolution de lapolitique antijuive des nazis septembre 1939-mars 1942, Les Belles lettres,Paris 2007 (631 p.).

8. Directeur de recherche au Centre d’etudes et de recherches internatio-nales (CERI) du CNRS.

9. La reference a la peur est aujourd’hui encore largement utilisee danscertains cercles politiques.

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Cette phase conceptuelle s’accompagne de mesuresbureaucratiques visant a definir au sein de la populationallemande « qui est juif et qui ne l’est pas ». Les loisraciales 1 edictent des normes (presentees comme « scien-tifiques »), et des regles administratives d’identification etde classement des Juifs, comportant des nuances subtilesentre «metis au 1er degre et au 2e degre (quart de Juif etdemi-Juif 2) » selon les ascendances. Ces normes sontreprises, de facon parfois aggravee, dans certains paysallies du Reich 3 ou occupes par lui, dont notamment l’Etatfrancais de Vichy 4 qui pratique un antisemitisme d’Etat.

Dans la phase suivante le Juif, identifie et marque, estexclu de la communaute nationale germanique, dechu desa nationalite, objet de segregation dans les actes de la viecourante (transports, loisirs etc.), prive de ses droitsciviques (notamment du droit de se marier librement), deses moyens d’existence (interdiction d’exercer), spolie deses biens, de sorte qu’il n’ait, comme ultime recours, quel’emigration, la dependance a l’egard du pouvoir nazi (quil’exploite alors comme main d’œuvre forcee), ou le suicidede desespoir. Raul Hilberg decrit tres precisement 5 ceprocessus de degradation de la condition des Juifs duReich, « l’aryanisation » des entreprises et biens juifs, laspoliation des familles, et jusqu’au racket d’Etat, organisesur les revenus ou ressources residuelles des Juifs residantencore en Allemagne ou en Autriche rattachee. Gotz Aly etSuzanne Heim dans leur ouvrage « les architectes del’extermination »6 passent en revue la mise en œuvre desplans de germanisation de l’Europe orientale 7 et denoncentclairement les soubassements technocratiques de lacriminalite d’Etat. Ils decrivent des procedures similairesd’identification, d’exclusion civique et economique desJuifs, appliquees cette fois dans le Gouvernement general 8

ainsi que dans les territoires occupes plus a l’est, deconcentration dans des ghettos (/Lodz, Cracovie, Lublin,Lvov, Varsovie, etc.), d’exploitation comme main d’œuvreforcee, jugee parfois economiquement peu rentable : maints« experts » voient dans ces ghettos une charge inutile pourl’economie et le capital allemands et plaident ouvertementpour l’elimination de cette population, par des procedes

divers (famine programmee, epuisement, epidemies, envoivers les centres de mise a mort).

Le processus de « rationalisation de l’economie »entrepris commence donc par l’elimination de tous leselements juifs de la vie economique9 et se poursuit avecl’extermination de plus 5 millions de Juifs en Europe,jusqu’au naufrage final du Reich nazi dans la guerre qu’il alui-meme voulue.

2e partie : Les ope¤ rations de tueriesmobiles derrie' re la Wehrmacht

en URSS

Le declenchement des hostilites contre l’URSS est pourHitler l’occasion d’une confrontation finale, qu’il qualifie deguerre d’extermination (Vernichtungskrieg) avec le judeo-bolchevisme. Il postule que la bataille a venir verras’affronter deux conceptions du monde. Elle lui offre lapossibilite d’atteindre trois de ses objectifs : la conquete d’unespace vital a l’Est, la destruction du communisme etl’extermination de la « race juive ». Cinq semaines apres ledeclenchement de l’attaque contre la Pologne, Hitler annonce« des efforts pour clarifier et resoudre le probleme juif ». 10

L’occasion se presente donc a lui de passer a l’etapeultime : la « Solution finale de la question juive ». Elle viseles Juifs du Reich et ceux des pays envahis. Le qualificatif« finale » implique a la fois qu’une solution est trouvee etqu’elle est definitive. Comme Himmler se plaıt a lesouligner, « il n’y aurait ensuite plus jamais de problemejuif a resoudre ».

L’aneantissement des Juifs se decompose en deux grandsensembles d’operations :

– le premier, confie aux Einsatzgruppen, consiste enoperations de tueries mobiles 11 au cours desquelles lestueurs, les Einsatzkommandos pourchassent leurs victimes,

– le second ensemble consiste en des operations detransfert des Juifs, prealablement regroupes dans des ghettosou des centres d’internement, vers les installations degazage, les victimes etant cette fois livrees a leurs bourreaux.

Dans sa directive 21 a Jodl, en mars 1941, Hitler fixe lerole des Einsatzgruppen. Pour ne pas gaspiller sesressources militaires a des taches d’occupation et decontre-guerilla, il prescrit d’eliminer le plus grand nombrepossible de personnes, en particulier les cadres commu-nistes et tous elements criminels qui « pourraient » faireobstacle a la progression de la Wehrmacht 12. Ces« taches » sont confiees a des unites de SS epaulees par26 bataillons de police et assistes par des unites de policeauxiliaire (formees de volontaires nationalistes ukrainiens

1. 7 avril 1933 decret d’exclusion des Juifs de la fonction publique, 30 juin1933 Loi interdisant aux fonctionnaires de se marier avec une juive, numerusclausus dans les ecoles et les universites, hotels, cinemas, piscines, placesassises dans les transport collectifs sont interdits aux Juifs. Lois deNuremberg (septembre 1935) « pour la protection du sang allemand »excluant les Juifs de la Volksgemeinschaft.

2. Les demi-juifs sont declares Juifs s’ils pratiquent la religion juive et sesont maries a la synagogue, sont declares de « sang allemand » dans le cascontraire... Ainsi alors que Hitler affirmait dans mein Kampf que la definitiondu juif etait raciale et non religieuse, les legistes du Reich revenaient aucritere religieux tant l’inconsistance du critere biologique etait patente.

3. On se referera aux lois raciales edictees en Italie fasciste.

4. Cf. Statut des juifs promulgue en octobre 1940 par Petain.

5. Voir en particulier tome I, chapitre V intitule « l’expropriation » in ladestruction des juifs d’Europe. Opus cite.

6. Gotz ALY et Suzanne HEIM, Les architectes de l’extermination Auschwitzet la logique de l’aneantissement Memorial de la Shoah – Calmann-levy,traduit de l’anglais par Claire Darmon, Paris 2006 (440p)

7. Menes sous l’egide du commissariat du Reich pour le renforcement de lanation allemande a la tete duquel se trouve Himmler (Reichskommissar furdie Festigung deutschen Volkstums, ou RKF).

8. Appellation officielle de la partie non directement annexee de la Pologne,soumise a « aryanisation » forcee et promise a la colonisation des Allemands.

9. Selon un rapport de la wirtschaftliche Leistung 3, date de juillet 1944, en1939 sur 195000 entreprises dans le Gouvernement general, la rationali-sation se traduisait par :– exclusion progressive des Juifs : 112 000 (en fait 109 000 fermetures et3 000 « aryanisations ») ;– destructions operees par les bolcheviques en Galicie : 18 500 ;– fermetures suite a reorientation d’activites des proprietaires fin 1941 : 3 100 ;– fermetures posterieures (1942 1943) : 10 500.

10. Cf. Les architectes de l’extermination Auschwitz et la logique del’aneantissement, opus cite, p. 99.

11. Selon l’expression de Raul Hilberg, opus cite, p. 488.

12. Selon Christopher Browning l’amalgame partisan-juif est implicite etd’ailleurs largement partage par la Wehrmacht.

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et baltes), le tout representant un effectif d’environ33 000 hommes. Ces troupes speciales sont articulees en4 groupes operant directement derriere le front, ettactiquement subordonnes a la Wehrmacht. En revancheleurs missions sont recues, en principe, directement duRSHA.

Dans l’euphorie d’une victoire initialement facile,Himmler prend des dispositions pour renforcer l’effectifdes Einsatzgruppen. Le 19 juillet 1941, il affecte unebrigade de cavalerie SS de 4 000 hommes, successivementau secteur Centre puis Sud.

On connaıt avec precision la composition et l’activitedes Einsatzgruppen grace a leurs rapports quotidiens et aleurs abondantes archives photographiques. Articules enquatre detachements, de la valeur d’un gros bataillon.Ils sont numerotes du nord vers le sud, en Einsatzgruppe A(groupe d’armee Nord) 1, Einsatzgruppe B (Groupe centre),

C (Groupe sud), Einsatzgruppe D (11e

Armee operant a l’extreme sud) ; ils sonteux-memes subdivises en Einsatzkom-mandos et Sonderkommandos de lavaleur d’une compagnie. Des l’ouverturedes hostilites, ces Kommandos motorisesarretent et fusillent sur place et sansjugement, en dehors de toutes les lois dela guerre, tous les individus soupconnesd’etre dangereux, commissaires politi-ques, membres du parti communiste,juifs.

Au cours d’une premiere vague detueries, seuls les hommes sont fusilles.Apres la venue d’Himmler en juillet 1941dans l’Ostland2, les tueries de femmes etd’enfants juifs se multiplient, les Kom-mandos revenant souvent a plusieursreprises sur les memes lieux pour para-chever les massacres.

De nombreux recits eclairent avec uneprecision souvent insoutenable cetapprentissage de la tuerie de masse. Lesucces des operations depend la plupartdu temps des autorites militaires, de lapopulation locale et des Juifs eux-memes.L’armee reguliere livre des Juifs auxEinsatzgruppen, qu’elle requiert elle-meme pour certaines operations, ouparticipe a certaines executions collecti-ves voire fusillades d’otages juifs en« represailles » a des attaques contre lestroupes d’occupation. La haute hierarchie

de la Wehrmacht et une bonne partie du corps de sesofficiers, par influence de la propagande ou par convictionspersonnelles, considerent les Juifs comme a priori suspectsdans les territoires conquis. Sans que tous ses membresaient ete des criminels, l’institution de la Wehrmachtparticipe de facon significative aux crimes nazis.

Reinstallation au ghetto de /Lodz en septembre 1942. ’ Expo permanente Wannsee.

Einsatzgruppen en action. ’ Yad Vashem.

1. Composition du Einsatzkommando A d’apres un rapport du 15 octobre1941 :– Waffen-SS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340– Motocyclistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172– Administration . . . . . . . . . . . . . . . . . 18– Service de securite (SD) . . . . . . . . . 35– Police criminelle (Kripo) . . . . . . . . . 41– Police d’Etat (Stapo) . . . . . . . . . . . . 89– Police auxiliaire. . . . . . . . . . . . . . . . 87– Police reguliere . . . . . . . . . . . . . . . . 133– Personnel feminin . . . . . . . . . . . . . . 13– Interpretes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51– Operateur telescripteur . . . . . . . . . . 3– Operateur radio . . . . . . . . . . . . . . . . . 8Total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 990 2. Territoires situes a l’Est de la Pologne.

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Par ailleurs les Einsatzgruppen trouvent aupres decertaines categories de population un soutien importantsous forme de pogroms (explosion de violence d’unecommunaute contre le groupe juif qui vit au milieud’elle) ou d’engagements dans des polices auxiliaires quicollaborent aux massacres 1. Les Einsatzgruppen etablissentregulierement le bilan global des operations intervenuesdans leur zone 2. Au cours de la premiere vague, juin juilletaout 1941, leurs unites annoncent dans leurs rapportsenviron cent mille tues par mois. En septembre 1941, ilest clair que les resultats de la premiere vague demassacres sont insuffisants pour « regler la questionjuive » et il devient necessaire d’adopter des mesurestransitoires analogues a celles deja en vigueur en Pologne :definition, expropriation, concentration. Les premieresconcentrations sont appliquees par les unites mobileselles-memes. Les Einsatzgruppen imposent le marquage,constituent des ghettos et nomment des Conseils juifs pourles gerer, de maniere a diriger la colere suscitee par lapenurie organisee contre ces Conseils. Mais dans la plupartdes cas, la concentration systematique est l’œuvre desautorites militaires et civiles qui exercent des fonctions degouvernement dans les zones occupees. Dans presquetoutes les localites les Juifs sont refoules vers des quartiersclos. L’un des premiers est celui de Kaunas en Lituanie,ou la population juive est entassee dans le quartier deViliampole.

Une reorganisation administrative place l’ensemble desterritoires conquis sous l’autorite d’Alfred Rosenberg,ministre du Reich pour les territoires occupes. Les unitesspeciales provoquent des tueries dans les zones deregroupement des populations juives, non sans recrimina-tions de la Wehrmacht, des lors qu’elle exploite cette maind’œuvre a son profit. Sans ordre formel de tuer, les chefs depetits detachements ont connaissance de leurs nouvellesmissions a des moments differents et par divers canaux,les commandants des Einsatzgruppen n’etant d’ailleurs pastoujours informes les premiers.

Le bilan des operations entre juillet 1941 et janvier1943 peut etre estime a plus d’un million de victimes 3.Mais ces chiffres sont sans cesse reevalues par les travauxde recherche sur les archives ou sur les traces.

Einsatzgruppen en action. ’ Yad Vashem.

Einsatzgruppen en action. ’ Yad Vashem.

Familles juives regroupees en Ukraine avant execution. ’ Yad Vashem.

1. Le SS-Brigadefuhrer SS Tahlecker, (Einsatzgruppe A) dans un rapportd’octobre 1941 juge important d’etablir que la population « liberee » prendles mesures les plus severes contre l’ennemi bolchevique et juif, et ce de sapropre initiative et sans instruction des autorites allemandes.

2. Le 15 octobre 1941, le Einsatzgruppe A fait etat de 125 000 Juifs fusilles.

3. Selon les comptes rendus des divers Einsatzgruppen, cites par RaulHilberg, (opus cite tome 1, p 707 et 708) le bilan serait de 900 000 mortsmais ne representerait qu’environ deux tiers de Juifs victimes des operationsde tueries. Les autres moururent dans des circonstances differentes(executions additionnelles en foret ou dans les champs, actions meneespar les populations locales elles-memes, privation dans les ghettos, centred’internement).

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3e partie :Les centres de mise a' mort 1

Les succes initiaux spectaculaires contre l’Unionsovietique et l’euphorie qui les entoure, declenchent uneserie de reactions en aout, septembre et octobre 1941 chezles principaux responsables nazis.

Jusque la, la question juive s’est resolue au traversd’expulsions, accompagnees de tueries instantanees etd’une politique d’usure provoquant la mort dans lesghettos. Mais les perspectives changent et la fin de laguerre paraıt imminente. Du coup la perspective d’uneEurope sans Juifs revient en force

Certains hauts responsables font pression pour desdeportations immediates de Juifs, d’autres, craignant derecevoir les deportes, s’y opposent. D’autres enfin seprononcent en faveur de la liquidation immediate de leurpopulation juive ou anticipent en la commencant effecti-vement. Les massacres perpetres par les Einsatzgruppencontre les Juifs sovietiques, en ciblant de plus en plus lesfemmes et les enfants 2 juifs, indiquent qu’une etapedecisive a ete franchie vers l’extermination systematique.

Dans le Reich, le marquage des Juifs par l’etoile jauneinstaure en septembre 1941 prelude aux deportations quisuivront. Hitler tarde pourtant a les autoriser ne lesenvisageant que pour l’apres guerre, qu’il estime immi-nente. Mais l’annonce de la deportation par les Sovietiques,des Allemands de la Volga en Siberie 3 et les nombreusessollicitations dont le Fuhrer est l’objet pour proceder a cesdeportations, ajoutees a un developpement positif de lasituation militaire sur le front russe (chute de Kiev, capturede 665 000 soldats sovietiques), le poussent finalement aautoriser la deportation des Juifs de Reich a l’Est au coursde reunions qui se tiennent a la Chancellerie les 23 et24 septembre 1941.

L’objectif consiste d’abord a vider le Reich et leprotectorat de Boheme Moravie (partie de la Tchecoslova-quie non annexee) de tous les Juifs qui y sont encore, d’icila fin de l’annee 1941. 20 000 Juifs et 5 000 Tsiganes duReich sont alors envoyes a /Lodz. Toutefois ces envoisaggravent les difficultes en zone de reception, compte tenude la situation deja dramatique des ghettos au planalimentaire et sanitaire, et soulevent des protestations desresponsables locaux, de /Lodz, Riga, Kaunas et Minsk. Endivers autres lieux (Serbie, Roumanie), les exhortations auxassassinats de masse des Juifs europeens anticipent la« solution finale ». Faute de pouvoir evacuer ces popula-tions plus a l’Est, l’elimination des uns pour faire de laplace aux autres devient « une partie de la solution ».

Les massacres par balles presentant, aux yeux desresponsables nazis, de graves inconvenients en raison deleurs consequences psychologiques sur les bourreaux, dunombre de temoins civils et militaires qui les observentet prennent des photos qui circulent, l’impossibilite enfinde garder le secret sur de telles operations, incitentHimmler, en visite a Minsk le 15 aout 1941, a prescrirede rendre le processus moins voyant et moins eprouvant(plus « humain »... declare-t-il). Des camions a gazutilisant des bouteilles de monoxyde de carbone mis aupoint en 1940 pour gazer des alienes en Pomeranie dansl’ex corridor polonais, sont envoyes aux Einsatzgruppende Pologne. Toutefois l’usage des bouteilles s’avereimpropre aux operations en zone sovietique du fait desdifficultes d’approvisionnement qu’elles entraınent, et unnouveau modele de camion est mis au point. Des chassisde camions Saurer sont equipes d’un compartimentarriere etanche realise par la firme Gaubschat de Berlin.Un circuit est prevu pour devier les gaz d’echappementvers le compartiment arriere etanche et le reglage del’allumage permet d’optimiser la quantite de monoxydede carbone emise. Le dispositif est teste sur desprisonniers russes du camp de Sachsenhausen et remplitparfaitement son office. La firme Gaubschat recoit alorsun contrat de trente unites, envoyees sur le territoire del’Union sovietique et de la Serbie, aux Einsatzgruppen,qui les utilisent en particulier pour tuer les femmes etles enfants. Herbert Lange recoit la promesse de lachancellerie du Reich d’obtenir quelques uns de cescamions pour Chelmno.

Fin octobre se dessinent ainsi les contours qu’emprun-tera la destruction totale des Juifs d’Europe, dans laquelles’engage l’Allemagne. Au cours de la derniere semaine,meme si aucun plan precis visant a une telle destructionn’est encore a l’ordre du jour, l’entourage du Fuhrer estconscient de ce qu’Hitler attend et de la direction generaledans laquelle il compte s’engager. Le concept est la, laplanification va suivre, la periode du printemps 1942 estretenue pour commencer les massacres de masse. Les Juifsd’Europe, regroupes dans des ghettos, seront diriges alorsvers des centres secrets, concus pour donner la mort pargaz toxique.

Les centres de mise a' mortLa creation des centres de mise a mort en territoire

polonais constitue un fait sans precedent dans leprocessus de destruction, contrairement aux phasespreliminaires. Le centre de mise a mort n’a pas d’ancetre.La partie camp et la partie chambre a gaz ont bienchacune leurs antecedents, mais la fusion des deuxsystemes est en soi une innovation. Ces centres font leurapparition fin 1941 et courant 1942, au moment oul’extension du systeme concentrationnaire et des ghettosatteint son apogee.

Les innovateurs conceptualisent la notion de campd’extermination (Vernichtungslager) en rassemblant leselements de plusieurs programmes experimentes separe-ment :

– le camp de concentration, rode depuis 1933, garan-tissant le secret surtout en Europe de l’Est,

1. Les syntheses relatives aux differents centres de mise a mort resultent ducroisement des donnees figurant dans les ouvrages suivants : La destructiondes Juifs d’Europe Raul Hilberg (opus cite), Les origines de la Solution finaleL’evolution de la politique antijuive des nazis septembre 1939-mars 1942Christopher Browning (opus cite) Les chambres a gaz secret d’Etat EugeneKogon, Hermann Langbein, Adalbert Ruckerl, traduit de l’allemand parHenry Rollet, editions de Minuit, 3e edition, 2000 ; film Shoah de ClaudeLanzmann.

2. Se reporter a l’etude de Ralph Ogorreck Die Einsatzgruppen und die« Genesis der Endlosung, (Les Einsatzgruppen et la genese de la solutionfinale) Metropol, Berlin, 1996.

3. 14 septembre 1941 : Otto Brautigam envoye par Alfred Rosenberg livrel’information et propose en riposte la deportation de tous les Juifs d’Europecentrale a l’Est.

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– la technique du gazage du programme d’euthanasie 1

qui, combinee a un camion, fournit une methode efficacepour tuer,

– enfin l’alimentation des usines de mort par un fluxcontinu de victimes, rendu possible par l’experience desplanificateurs des differents services du Reich, dont leRSHA, et facilitees par les mesures prealables deconcentration d’ores et deja engagees.

Simultanement une technique de gazage au Zyklon B esttestee a Auschwitz 2 a la fin de l’ete 1941 tandis que lesmethodes et personnels des instituts d’euthanasie sontimportes vers des installations fixes, en Pologne. Enoctobre 1941, les sites de gazages se multiplient, denotantqu’un changement decisif intervient dans la conceptiond’une solution de la question juive, qui ne passe plus parl’expulsion ou les tueries mobiles, mais par l’exterminationprogrammee et bureaucratiquement organisee.

Quand Himm-ler rend visite, le20 juillet 1941,a Odilo Globoc-nik, SSPF3 pourLublin, dans leGouvernementGeneral, il luidonne instruc-tion de faire edi-fier un grandcamp de concen-tration a Lublin(Majdanek), touten preparant lepeuplement alle-mand du district.P lu s t a rd e tcompte tenu del ’ e l o i gnemen t

des perspectives d’une victoire rapide sur l’UnionSovietique, Globocnik plaide pour un nettoyage generaldes Juifs dans tout le Gouvernement general qu’il presentecomme indispensable a la securite des territoires de l’Est.Il s’en entretient avec Himmler, le 13 octobre et la creationdes centres d’extermination fait suite a cet entretien.

Chelmno

L’operation engagee fin septembre dans le Wartheland(ou Warthegau), zone polonaise annexee au Reich, est lapremiere a intervenir. Concepteur des gazages d’euthanasiea la Chancellerie du Fuhrer, le Dr Brack saisit l’occasiond’une situation locale difficile au ghetto de /Lodz pourenvoyer au SSPF du Warthegau, Wilhelm Koppe, le DrHerbert Lange, ancien responsable de l’« euthanasie » enPrusse orientale, comme specialiste charge d’experimenterde nouveaux modes de gazage. Lange se rend sur le site deChelmno (rebaptise Kulmhof apres l’annexion) a 80 Km auNord Ouest de /Lodz. Il devient responsable du Sonder-kommando de Chelmno jusqu’a son remplacement par leSS-Hauptsturmfuhrer Bothmann. Le site fonctionnera adeux reprises, de decembre 1941 a mars 1943, puis de juin1944 a aout 19444 a l’aide de camions a gaz.

Chelmno est un lieu retire, mais doublement accessiblepar voie ferree, ce qui facilite l’acheminement des trains dedeportes (moyennant toutefois un changement de materielroulant a la gare de Warthebrucken, du fait du resserre-ment des voies) et par la route qui permet l’acces desconvois routiers. Dans le cadre de la germanisation desterres entreprise apres la chute de Varsovie, le village etquelques fermes sont deja partiellement habites par desfamilles de colons allemands5. Les SS du SonderkommandoLange s’installent dans les dependances d’un ancienchateau a proximite de la station de chemin de fer. Le

debarquement des deportes a lieu a hauteur d’une proprieteappelee Powiercie, d’ou ils sont conduits au moulin deZawadki pour passer le nuit avant d’etre diriges, lelendemain matin, vers le chateau isole des regards parune forte palissade en bois. Une partie du chateau est enruine depuis la guerre de 1914-1918 mais dans l’autreLange fait amenager une salle de deshabillage et lescouloirs qui conduisent aux camions a gaz, auxquels onaccede par une rampe. Une fois remplis, ces derniers sontmis en route et, lorsque les gaz ont agi, sont diriges vers le« camp de la foret », a environ 4 kilometres, dans le bois deRzuchow, (ou foret de Maiden) ou sont creusees les fosses

Odilo Globocnik.’ Expo permanente Wannsee.

Equipe de gardes a Chelmno. ’ Expo permanente Wannsee.

1. La chambre a gaz est « concue » a la Chancellerie du Fuhrer dans le butd’accorder « une mort misericordieuse aux malades incurables ». Elle estrealisee dans les instituts d’euthanasie de Grafeneck (puis Hadamar),Brandenburg (puis Bernburg), Sonnenstein, et Hartheim, qui sont laprefiguration conceptuelle, administrative et technique de la « Solutionfinale ».

2. Il ne s’agit encore que d’une application du programme d’euthanasie auxdetenus qui ne sont plus capables de travailler, connue sous le nomd’Aktion 14f13. Du fait de l’utilisation du vieux crematoire du premier campd’Auschwitz pour eliminer les Juifs de l’organisation Schmelt inaptes autravail, l’idee d’un batiment a double fonction murit. Et lors de laconstruction du camp de Birkenau, prevu pour 100 000 prisonniers deguerre sovietiques, Karl Bischoff qui en a la charge et comprend qu’il va yavoir de nombreux morts, met au point des plans dans ce sens avec la firmeTopf & Sohn. La conception d’un crematoire faisant aussi office de chambrea gaz, au Stammlager, consacre en outre une pratique deja existante. Elle nepresume pas encore du role du camp dans la « solution finale », mais montreque l’idee de gazage associe est dans les esprits des l’automne 1941.

3. SS-PF (SS und Polizeifuhrer, chef des SS et de la police) dans leGouvernement General, representant personnel de Himmler.

4. Les convois cessent d’arriver en aout 1944 mais le Sonderkommando restesur place jusqu’en fevrier 1945 pour rouvrir les fosses communes et brulerles cadavres afin d’effacer toute trace des massacres.

5. La femme de l’instituteur allemand et l’un des « nouveaux colons » deKulmhof sont filmes par Claude Lanzmann dans Shoah.

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communes. Jusqu’en 19421 les cadavres y sont jetes etenfouis. Les installations sont demontees entre fin mars etdebut avril 1943, le chateau est entierement dynamite et dugazon est seme sur les fosses communes.

Le centre est remis en activite une seconde fois enmai1944, sous la responsabilite de l’un des ex-adjoints deLange, le SS Hans Bothmann qui, avec des « anciens » deson Kommando est rappele de la Division Prince Eugene enYougoslavie (ou l’ensemble du Kommando Lange avait eteverse a l’issue de la premiere vague d’extermination de1943), pour proceder a la liquidation des Juifs du ghetto deLitzmannstadt (/Lodz). Au cours de cette seconde periode,les arrivants des differents convois passent la nuit dansl’eglise, d’ou par rotation, ils sont emmenes au « camp de laforet » en camion a gaz.

Selon les documents et temoignages recueillis al’occasion du proces de Bonn (1962-1963) intente enassises contre les membres des Sonderkommandos Lange etBothmann, et d’apres les evaluations polonaises d’apresguerre, plus de 300 000 personnes ont ete exterminees aChelmno, pour la majorite des Juifs du Wartheland,quelquefois d’autres pays, ainsi que 5 000 Tsiganes etoccasionnellement des prisonniers de guerre sovietiques,probablement aussi quelques religieuses et enfants polo-nais indesirables.

Le Sonderkommando Bothmann reste en place a l’issuede l’operation, de la fin aout 1944 jusqu’au debut de fevrier1945 pour effacer les traces des massacres et, enparticulier, rouvrir les fosses communes et bruler lescadavres. A l’annonce de la prise de /Lodz par l’Armeerouge, les derniers Juifs encore vivants a Chelmno,employes a des corvees diverses, sont assassines et leSonderkommando disparaıt. Claude Lanzmann a toutefoisretrouve deux survivants des massacres, Michael Pod-chlebnik et Simon Srebnik, et recueilli leur temoignagedans son film Shoah.

Chelmno, dans le plan d’extermination, est destine enpriorite a la population juive et tsigane du ghetto de /Lodz etplus generalement du Wartheland. La designation deHerbert Lange et la mise en place de camions a gaz(avec leurs specialistes), prouvent l’implication au plushaut niveau des responsables du RSHA et du WVHA, et laparfaite adequation de vues entre decideurs locaux etcentraux (Berlin) quant aux buts poursuivis. Quant a lareactivation du centre et a la designation de Bothmann,elles relevent d’une decision personnelle de Himmler,dictee par les circonstances.

Belzec-Sobibor-TreblinkaL’extermination rapide de plus de 2 200 000 Juifs (selon

les donnees allemandes) vivant dans les centaines deghettos du Gouvernement General, exige une planificationminutieuse, tenant compte de la dispersion des ghettos, dela situation des camps, de leur capacite d’extermination etdes moyens de transport necessaires. Chaque centre recoitla population concentree dans une zone proche, en fonctionde sa position geographique.

Belzec est destine aux Juifs de Lwow (Galicie orientale)et de Cracovie (Galicie occidentale) ; Sobibor aux Juifs du

district de Lublin ; Treblinka a ceux de Varsovie et deRadom. Tel est, au moins, le plan initial, susceptibleensuite d’evolutions selon les circonstances. La coordina-tion des operations est assuree par le RSHA.

Belzec

Le 1er novembre 1941, soit deux semaines apresl’entretien Himmler-Globocnik d’octobre, le camp deBelzec est mis en chantier au sud-ouest du district deLublin, le long d’une contre-voie de chemin de fer, aenviron 500m de la gare desservie par la ligne Lublin-Zamosc-Rawa Ruska2-Lwow. L’organisation generale desinstallations est la suivante : une rampe de debarquement,une ou deux baraques pour le deshabillage et le depot desvetements et affaires personnelles, un boyau menant a uneautre baraque ou sont les chambres a gaz et, a la sortie deschambres, une voie permet d’acceder aux fosses d’enseve-lissement (il n’y a pas de crematoires dans ces centres). Lesite de Belzec se compose de deux camps, l’un servant al’accueil et a l’administration, l’autre a l’extermination.

Le commissaire de policeChristian Wirth, anciennementattache au programme d’eutha-nasie, est nomme commandantdu camp dans la deuxiemequinzaine du mois de decembre1941. Profitant de son expe-rience anterieure, il met aupoint son propre systemealliant chambre a gaz fixe etproduction de gaz par moteur,idee deja appliquee dans lescamions a gaz. Il rejette lasolution Zyklon B (dont ilestime les livraisons trop voyantes pour ne pas eveillerles soupcons) et, apres quelques essais avec des bouteillesde monoxyde de carbone, se decide finalement pour unsysteme alimente par les gaz d’echappement d’un puissantmoteur de 250 CV.

Le camp est classe « « zone secrete » et son accesrigoureusement interdit. A l’arrivee des trains les chemi-nots sont releves par une equipe speciale. L’aspect general

Christian Wirth.’ Expo permanente Wannsee.

Equipe de garde a Belzec. ’ Expo permanente Wannsee.

1. Date d’entree en service des deux fours crematoires.

2. De nombreux prisonniers de guerre evades francais, repris et envoyes aucamp de represailles de Rawa-Ruska ont vu passer les trains de deportesjuifs diriges vers Belzec.

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du camp 1 se veut rassurant pour donner l’impression d’uncamp de transit (c’est d’ailleurs le discours tenu aux futuresvictimes a leur debarquement). Cette impression estconfirmee par les modalites du deshabillage, presentecomme mesure d’hygiene apres le transport, les hommes etles femmes (avec les enfants) etant initialement separes.Parmi les nouveaux arrivants, les SS prelevent quelquesdouzaines d’hommes jeunes et forts qu’ils envoientdirectement au camp 2, pour la manipulation des cadavresa la sortie des chambres a gaz et leur depot dans les fossescommunes. D’autres sont charges des vetements et objetspersonnels deposes par les victimes qu’ils transportent autri, d’autres enfin transportent directement vers les fossescommunes les morts des convois et les personnesincapables de se deplacer, qui sont abattues au bord desfosses. Ces equipes de corvees sont a leur tour periodi-quement eliminees et renouvelees.

Les operations d’extermination des Juifs de Lublindebutent le 17 mars 1942, date du lancement de« l’operation Reinhard 1 » visant a supprimer en prioriteles Juifs du Gouvernement general. En quatre semaines, du17 mars au 14 avril 1942, 30 000 des 37 000 habitants dughetto de Lublin, environ 18 000 autres des environs deLublin (Zamosc, Piaski, Izbica, etc.), 15 000 du ghetto deLwow, 5000 de Stanislawow, 5 000 de Kolomija, d’autresencore de Drohobycz et Rawa-Ruska, classes pour laplupart « inaptes au travail », sont extermines a Belzec. Autotal, dans cette periode, pres de 80 000 personnes sontexterminees parce que juives.

Les installations de gazage en bois a Belzec, sujettes ades defaillances techniques et a des pannes et l’accumu-lation des cadavres en decomposition dans les fossescommunes devenues insuffisantes posent d’enormes pro-blemes. L’ordre de Himmler du 19 juillet 1942 d’extermi-ner tous les Juifs du Gouvernement general et l’arrivee denouveaux convois de Laszczow, Komarov (pres de Zamosc)de Cracovie et de ses environs, provoquent, debut juin, unesaturation des capacites de traitement des installations.Wirth fait suspendre les operations en mai ou juin et, aucours de l’ete, six nouvelles chambres a gaz en pierre etbeton sont construites disposees de part et d’autre d’uncouloir et reliees au moteur exterieur. Elles remplacent lesinstallations de premiere generation, neanmoins conser-vees comme appoint eventuel. La capacite atteinte permetde traiter rapidement l’equivalent d’un convoi d’unequinzaine de wagons (environ 1500 personnes) d’un seulcoup. Apres la construction des nouvelles installations,Wirth est promu inspecteur des trois camps de Belzec,Sobibor et Treblinka et remplace par le SS Hauptsturm-fuhrer Gottlieb Hering.

Le terme des exterminations de l’operation Reinhard estfixe par Himmler au 31 decembre 1942. A cette date, ilfaut rappeler que le camp d’Auschwitz atteint sa pleinecapacite et peut desormais recevoir des convois de toutel’Europe.

Belzec est le premier camp ou cessent, debut decembre1942, les operations de mises a mort. Mais le camp nedisparaıt pas encore et jusqu’en mars 1943, les fosses sont

rouvertes et les cadavres brules en plein air dans denouvelles fosses specialement amenagees avec des rails dechemin de fer en grils geants. Cette mission incombe a desKommandos speciaux 2 charges egalement de faire dispa-raıtre les constructions et l’infrastructure. Des corvees dedetenus, dites « colonnes des cendres » sont constitueespour reduire les os en poudre. Cendres et poudre sontensuite repandues dans les anciennes fosses, melangees adu sable et des gravois. Le tout est recouvert de terrereensemencee. Des arbres sont replantes. Enfin les corveesspeciales de Juifs utilisees a ces ultimes travaux sont a leurtour envoyees en d’autres lieux et eliminees. Au total, entremars et novembre 1942, Belzec permet l’extermination de550 000 Juifs (selon les chiffres cites par Raul Hilberg).

SobiborL’administration centrale des constructions SS de Lublin

retient le site de Sobibor pour la creation d’un campd’extermination, en raison de la proximite d’une voie ferreeet du caractere discret du site. L’implantation est decidee al’ouest de la gare, dans un secteur masque par une petiteforet de coniferes, une voie de service permettantl’acheminement des trains de deportes a l’interieur ducamp jusqu’a la rampe de debarquement. La constructionest entreprise en mars 1942, sous la conduite du SS-Obersturmfuhrer Richard Thomalla avec de la maind’œuvre locale (Belzec est deja en action). En avril, le SSHauptsturmfuhrer Franz Stangl est nomme commandant ducamp et commence par effectuer une liaison d’informationaupres de Wirth a Belzec. Thomalla est alors detache aTreblinka, tandis que des Juifs du ghetto de Lublin sontamenes en renfort a Sobibor pour accelerer les travaux.

Le camp de Sobibor est divise en trois secteurs : lepremier ou camp 1, reserve a l’administration, comportedeux parties, l’une situee immediatement a l’entree ducamp avec le quai de debarquement et des logements pourles SS, les auxiliaires Ukrainiens et les personnels deservice, l’autre, reservee aux Juifs selectionnes pour letravail, avec des baraques logement, les cuisines et uneserie de baraques ateliers.

Dans le deuxieme secteur, ou secteur d’accueil (appelecamp 2) sont construits les batiments destines audeshabillage et au depot des affaires recuperees sur lesvictimes. Dissimulee par une palissade une anciennemaison forestiere est incluse a ce secteur et sert de bureauet de logement a des SS.

Un boyau de 150 m relie la baraque de deshabillage ausecteur d’extermination, dit camp 3, en passant devant uneetable et une porcherie, et, a mi chemin, par la « boutiquedes coiffeurs » ou les femmes subissent une coupe decheveux (sans etre tondues), « pour l’hygiene, avant lebain ».

Le camp 3 enfin est celui des chambres a gaz et desfosses communes. On y trouve aussi la baraque duSonderkommando (charge d’extraire les cadavres deschambres a gaz et de les transporter jusqu’aux fosses), et

1. Nom confere a l’operation apres que des resistants tcheques aient abattuReinhard Heydrich, chef du RSHA, a Prague.

2. La mission secrete de faire disparaıtre toutes les traces des executions demasse est confiee au colonel SS Blobel des juin 1942 sous le nom de code de« operation speciale 1005 ». Il experimente ses methodes a Kulmhof et optepour un systeme de fosses nouvelles au fond desquelles de vieux rails sontdisposes pour constituer « un gril » pose sur un socle en beton.

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un baraquement pour la garde. Trois chambres a gaz, d’unecapacite de 150 a 200 personnes sont construites. Lebatiment est en briques, contrairement aux autres bati-ments qui sont en bois. Comme a Belzec, les chambres agaz fonctionnent a partir de gaz d’echappement fournis parun moteur (moteur de char d’origine russe, d’environ200 CV), installe a proximite sous un appentis. Le transportdes malades, infirmes, ou morts des convois arrives, commedes cadavres extraits des chambres a gaz se fait a l’aide dechariots a bras ou de charrettes tirees par des chevaux,jusqu’aux fosses communes.

Le camp de Sobibor est pret fin avril 1942. Lesexterminations commencent debut mai.

Une premiere vague couvre les mois de mai, juin etjuillet 1942. Elle concerne les Juifs de la region de Lublin

(environ 61 300) parmi lesquels se trouvent des Tchequeset des Autrichiens deportes dans les ghettos polonais, desJuifs d’Autriche (10 000), de Boheme-Moravie (6 000) etun premier contingent de Slovaques dont le reliquat seraprogressivement extermine par la suite.

Cette premiere vague d’extermination dure trois mois etfait de l’ordre de 77 000 victimes.

En septembre 1942, Sobibor est equipe de nouvellesinstallations de gazage (apres les camps de Belzec etTreblinka). Le nouveau batiment dispose de six chambres agaz disposees de part et d’autres d’un corridor central, dememe capacite que les precedentes mais d’un fonctionne-ment plus fiable. Une voie ferree etroite, allant du quai dedebarquement aux fosses communes permet, a partir deseptembre 1942, le transport des malades, des invalides etdes morts des convois, par wagonnets, eux-memes tractespar une petite motrice diesel.

La deuxieme vague commence a la fin de l’ete avecl’extermination des Juifs de Hollande et s’acheve avec larevolte du Sonderkommando, le 14 octobre 1943.

En juillet 1943, Himmler ordonne de transformerSobibor et d’y organiser le stockage et la transformationdes munitions prises a l’ennemi. Les travaux de cons-truction du nouveau depot se superposent alors a lapoursuite des exterminations de convois de l’Est. Entre mai1942 et octobre 1942, le site de Sodibor fait environ200 000 victimes.

La revolte intervient en octobre, avant la fin des travaux.Elle est organisee par un jeune officier sovietique juif,Alexandre Petchersky arrive du ghetto de Minsk enseptembre 1942. Petchersky observe longuement le terrain,

Maquette du camp de Sobibor. ’ Expo Sobibor.

Arrivee d’un convoi a Sobibor. ’ Expo permanente Wannsee.

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l’effectif et les habitudes des gardes, et murit son plan. Aujour J (14 octobre 1943) les personnels allemands de lagarde de service sont attires dans un piege dans desbaraquements ateliers sous divers motifs, assaillis et tuespar des detenus munis de haches et de gourdins quis’emparent aussitot des armes. L’alerte est donnee maisrien ne peut plus empecher les revoltes de se ruer vers lacloture, dont le courant est prealablement coupe par unelectricien, membre du Kommando, sous les tirs dessentinelles des miradors. Un passage est ouvert dans lesbarbeles et les champs de mines, au prix de nombreuxmorts. Les SS de leur cote acheminent des renforts,massacrent les detenus encore presents au camp puisdeclenchent une impitoyable chasse a l’homme. Unecinquantaine de fuyards sont repris et abattus maisquarante a cinquante reussissent malgre tout a echapperaux poursuites et a la mort. Quelques uns decriront lefonctionnement du camp, l’horreur des massacres et lestentatives desesperees de resistance des victimes pousseesvers les chambres a gaz. Le symbole et la portee de cetterevolte sont considerables : pour la premiere fois, des SS,« dieux vivants invulnerables » sont tues par leurs victimes,et pour la premiere fois ceux auxquels est deniee toutehumanite affirment le contraire dans un ultime combat quiaura pour consequence la fermeture du site et l’arret desmassacres de masse a Sobibor.

TreblinkaTreblinka est le dernier des centres speciaux de

l’operation Reinhard, dans le district de Varsovie, aunord-ouest du Gouvernement General. Le Dr Eberl, grandspecialiste de l’euthanasie s’en voit confier la responsabi-lite. Fin avril ou debut mai 1942, une mission SS delimitel’implantation du camp, qui couvre une surface d’environ2,5 km2, a proximite de la localite de Wolka-Okronglik, aquatre kilometres du village et de la gare de Treblinka. Laregion est peu peuplee, fortement boisee et le camp estsitue a proximite de la voie ferree Varsovie-Bialystok.Lorsque le chantier est lance, Belzec et Sobibor sont dejaen action, ce qui permet de mettre a profit l’experienceacquise. La main d’œuvre initiale est prise sur le ghetto deVarsovie. Eberl y puise egalement les materiaux dont « sonchantier » a besoin. Les travaux commencent fin mai, sousla conduite de Richard Thomalla, libere du chantier deSobibor par l’arrivee de Stangl. Il est aide par le SS-Unterscharfuhrer Erwin Lambert, ancien conducteur detravaux du programme d’euthanasie. Les parties « accueil »et « camp d’habitation » sont disposees de facon compa-rable a celles de Belzec et Sobibor. Le « boyau »conduisant aux chambres a gaz est baptise par les SS« rue du Ciel ».

La partie du camp reservee a l’extermination couvreenviron 50 000 m2. Elle est completement isolee du reste.Trois chambres a gaz d’une quinzaine de m2 sont installeeset le gaz est produit par un puissant moteur diesel. Desdouches raccordees en trompe-l’œil a des conduites d’eau,servent a acheminer le gaz toxique, une fois l’obscuritefaite.

Sur la partie Est de ce secteur d’immenses fossescommunes de 50m de long sur 20m de large et 10m deprofondeur, sont creusees a l’excavateur pour y enfouir lescadavres, extraits des chambres a gaz.

Le centre de Treblinka entre en action le 23 juillet 1942.Une premiere vague d’extermination dure cinq semaines du23 juillet au 28 aout 1942. Les recherches permettentd’etablir qu’environ 215 000 personnes massacreesviennent du ghetto de Varsovie et de sa region, 30 000de Radom, 17 000 de Siedlce et 10 000 du district deMinsk-Mazowiecki, soit environ 270 000 au total. Mais laencore, le rythme impose depasse les possibilites et lamachine se grippe. En aout c’est l’impasse, les cadavresenvahissent tout. Globocnik et Wirth relevent Eberl de sesfonctions et le remplacent par Stangl, dont la presence aSobibor ne se justifie plus, les activites meurtrieres ducentre etant provisoirement interrompues en raison destravaux en cours. Pour accelerer le rythme des mises a morta Treblinka, Stangl fait construire de nouvelles chambresa gaz plus performantes, sans toutefois detruire lesanciennes qu’il utilisera encore de temps a autre enappoint. Les travaux durent cinq semaines. Le nouveaubatiment, construit par des macons juifs de Varsovie enseulement cinq semaines 1, comporte dix chambres a gazd’une capacite globale de 4 000 personnes/jour, ajoutees ala capacite des anciennes chambres a gaz estimees a

Foret de Sobibor replantee sur l’emprise du camp et les fosses.Photo Gregory Chatonsky.

1. Les gazages se poursuivant dans les anciennes installations pendant lestravaux, certains d’entre eux voient arriver des membres de leur famille. Il seproduit alors des scenes insoutenables se terminant par des massacres parballes.

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600 jour. En fevrier mars 1943, apres l’extermination desJuifs de Grodno et Bialystok, le rythme des convois seralentit et Wirth, devenu inspecteur, decide de reduire leseffectifs des Sonderkommandos par la famine et le manquede soins. Le typhus ne tarde pas a apparaıtre. A cetteperiode les detenus ont deja en tete le plan de la futurerevolte et par-dessus tout souhaitent survivre jusque la.Arrivent alors des convois de Juifs de Salonique, deBulgarie et de Macedoine. Apres la visite de Himmler auquartier general de l’operation Reinhard puis aux centresd’extermination, a la fin de fevrier ou au debut de mars1943 commence l’effacement des traces a Treblinka.

La revolte declenchee le 2 aout 1943, precede celle deSobibor. Le camp compte environ 700 detenus employesaux operations speciales et a divers travaux d’entretien.Avec le debut de l’effacement des traces, l’inquietude desdetenus sur leur liquidation prochaine grandit. L’un d’eux,serrurier parvient a faire un double de la cle de l’armurerie.Mettant a profit un jour de grande chaleur ou la garde estreduite, les detenus s’emparent de grenades, de fusils etrevolvers. La revolte eclate vers 16 heures, sous forme defusillades et incendies d’une partie des batiments. 150 a200 detenus parviennent a s’enfuir du camp. Unesoixantaine echapperont aux poursuites. Ces evenementsont pour consequences de hater la liquidation du camp.Les deux derniers convois arrivent de Bialystok les 18 et19 aout 1943, puis le camp est demonte et les traceseffacees 1. Le nombre de victimes de l’operation Reinhard aTreblinka est estime a quelque 800 000.

A la fin du mois d’aout 1943, Odilo Globocnik, grandmaıtre du plan Reinhard est nomme en Istrie (region deTrieste), ou le suivent Wirth, Stangl et la plus grande partiedu personnel des centres d’extermination. Dans une lettreadressee a Himmler debut novembre, il rend compte qu’il a« termine le 19 octobre 1943 l’operation Reinhard (...)menee dans le Gouvernement general et (...) dissout tous lescamps ».

Le sol des anciens camps est laboure, des arbres sontplantes, des fermes a l’apparence innocente sont cons-truites. Si les documents se rapportant aux camps ont

naturellement ete detruit pour l’essentiel, il reste que lespersonnes entendues dans le cadre des proces d’apresguerre ou des procedures penales engagees par laRepublique federale d’Allemagne, simples habitants duvoisinage ou personnes de passage, temoignent toutes del’existence des chambres a gaz et de leur destination.Quant aux differents responsables des camps eux-memes,accuses de participation aux massacres, ils ont parfoisconteste leur implication personnelle directe mais a aucunmoment n’ont remis en cause la realite des massacres desJuifs et des Tsiganes dans des chambres a gaz et ladescription qu’ils font des operations dans les camps sontd’une totale coherence.

ConclusionLes historiens se sont depuis longtemps interroges sur le

processus decisionnel qui a entraıne directement ou parretombees l’extermination de plus de cinq millions de Juifsd’Europe et sur la date a laquelle a est intervenue une telledecision.

Toute tentative de mise en doute de la responsabilited’Hitler dans ce processus, fondee notamment surl’absence d’ordre ecrit, paraıt fantaisiste. Les documentsd’archives en langage code et les discours de Hitler lui-meme montrent a l’evidence qu’il a participe directementet personnellement au processus de decision. Meme s’il n’afait qu’approuver certaines experiences menees par sescollaborateurs, une initiative de cette importance nepouvait intervenir a son insu.

Deux ecoles ont avance des hypotheses differentes sur ladate ou la periode a laquelle intervient la decision depasser a la « Solution finale » : celle dite des intentionna-listes et celle dite des fonctionnalistes. Pour les premiers,dont Christopher Browning, la decision est anterieure al’offensive contre l’Union sovietique. En effet les instruc-tions donnees aux Einsatzgruppen mettent l’accent sur ladirective de Hitler a Jodl du 3 mars 1941, qui tend aassocier systematiquement juif et communiste, accreditantla theorie selon laquelle la ou est le partisan est aussi leJuif, theorie d’ailleurs largement partagee par la Wehr-macht. L’absence de document precis releve d’un soucid’opacite totale.

Au contraire les fonctionnalistes comme Hans Mommsenet bien d’autres, considerent que le genocide est le fruitd’une « radicalisation cumulative » qui pousse l’appareilnazi a commettre des crimes de plus en plus nombreux etHitler a les couvrir de son autorite. En consequence, poureux, la decision n’a pas ete prise avant la deuxieme moitiede l’annee 1941.

Cette querelle paraıt aujourd’hui depassee. La volontechez Hitler et certains hauts dignitaires nazis de sedebarrasser des Juifs existe bel et bien, mais le genocideresulte d’un processus dynamique de destruction continu,bien analyse par Raul Hilberg, dans lequel se pose laquestion du comportement des Allemands. Selon Gotz Aly,en effet, le programme d’extermination est applique demaniere experimentale et selective (on n’elimine encoreque les inutiles) jusqu’en mai 1942. De sorte que l’on peutse demander si la machinerie de mort n’aurait pas pu etrearretee ou ralentie a Wannsee a condition que desresistances serieuses ou des difficultes de legitimation se

Treblinka effacement des traces.’ Yad Vashem, collection Kurt Franz.

1. Effacement qui avait ete prescrit et programme longtemps avant, des mars1943, apres la visite de Himmler au QG de l’operation Reinhard et dans lesdifferents centres d’extermination.

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soient presentees. Or elles ne sont pas presentees. Ceux, ditGotz Aly, qui avaient differe la deportation des Juifsdepossedes et ghettoıses, consideraient les meurtres de massecomme la methode la plus simple pour realiser les plansqu’ils n’avaient cesse de developper depuis bientot deux anssans parvenir a les appliquer. Les representants des autresinstitutions approuverent la nouvelle solution parce qu’ellene genait pas leurs propres interets. La destruction des Juifsfaisait partie integrante et depuis longtemps de leur calcul :ils les avaient depossedes, entasses et agissaient comme s’iletaient deja partis. La propagande et l’effet de representa-tion negative de l’Autre qu’elle genere, tels que les evoqueSemelin avaient donc pleinement joue leur role psycholo-gique, en ancrant le genocide dans la mentalite collectivedes dirigeants nazis.

Peter Longerich 1 analyse le processus genocidairecomme une politique d’aneantissement en quatre etapes.

Selon son etude, la cesure decisive se situerait al’automne 1939, lorsque, apres six annees de dejudaısationde l’Allemagne, la direction nazie commence a mettre enapplication ses plans d’espace vital et le gigantesqueprogramme de deplacement de population qui y est associedans les territoires occupes. La premiere etape ou« solution territoriale » avec constitution d’une reserve enPologne, a Madagascar ou en Siberie, n’est pas opposable ala « solution finale, car concue en soi comme une « solutionfinale » visant la destruction physique de la grandemajorite des juifs. La deuxieme etape commence a l’ete1941 avec le meurtre de tous les juifs sovietiques 2, etconstitue une premiere phase decisive du genocide planifieen Union Sovietique, dans le cadre du nouvel ordre de« l’espace vital ». Himmler y a certainement joue un roledeterminant en sa qualite de RKF (commissaire du Reichpour la consolidation de la germanite a l’Est). La troisiemeetape debute a l’automne 1941 quand Hitler finit pardecider la deportation des Juifs du Reich et du protectoratBoheme-Moravie dans les territoires polonais annexes. Ilfallait creer dans les territoires polonais des espaces« liberes de Juifs » et l’entassement dans les ghettosentraına le choix de solutions plus rapides et radicalesde la part des responsables locaux. La quatrieme etape sesitue au printemps 1942, en avril-mai, avec l’abandon de ladeportation des Juifs d’Europe centrale vers des espacesdont les juifs autochtones auraient deja ete assassines.L’extermination des Juifs de Lublin et de Galicie est eneffet etendue en juin a l’ensemble du Gouvernementgeneral et a la Haute Silesie. La direction nazie saisitl’opportunite de la situation de guerre pour realiser lasolution finale qu’elle souhaite, et l’etendre a toutel’Europe. Les Etats occupes ou allies a l’Allemagne sontentraınes dans la spirale genocidaire qui devient enquelque sorte le symbole de la domination allemande surle continent. Selon Ulrich Hebert auteur de « L’adminis-tration militaire allemande a Paris et la deportation »,Heydrich aurait declare en petit comite lors de sa venuepour l’installation de Karl Oberg comme chef de la Police

et de la SS en la France, le 6 mai 1942 : « comme les juifsrusses a Kiev, l’ensemble des juifs d’Europe sont aussicondamnes a mort, y compris les juifs francais dont ladeportation commence au cours de ces semaines ».

On se reportera a l’etude de l’historien Dieter Pohl 3 pource qui concerne la part prise par les differents responsablesnazis : Hitler, Himmler, Heydrich, Goring, Backe (respon-sable de l’alimentation) ou encore Goebbels et Bormann(propagandistes du genocide) ou celle des responsables del’Est, comme Artur Greiser et Hans Franck en Pologne,Heinrich Lohse et Erich Koch en territoires sovietiques,dans l’elimination physique des Juifs en Europe.

Dans son testament politique final, dicte le 29 avril 1945dans son Bunker de la Chancellerie, la veille de sonsuicide, Hitler reaffirme sa haine des Juifs qu’il accuseencore d’etre a l’origine de la guerre qui est en train dedetruire l’Allemagne : « des comptes seront demandes auresponsable de la tuerie : le peuple juif ! ».

Cette obstination a voir son ennemi dans le Juif l’aconduit a meler dans un meme fantasme de superiorite etde domination raciale, guerre de conquete et d’expansion etguerre d’extermination.

Dossier prepare par Yves Lescure

Sources documentaires et bibliographiques

– Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe,Artheme Fayard, pour la traduction francaise, 1998et nouvelle edition mise a jour aux editions Gallimard2006, 3 tomes, 2400 pages.

– Eugene Kogon, Hermann Langbein et AdalbertRuckerl, Les chambres a gaz secret d’Etat, Editionsde Minuit pour la traduction francaise par HenryRollet, 1984, 1987, 2000, 272 pages.

– Christopher Browning, Les origines de la solutionfinale, L’evolution de la politique antijuive des nazisseptembre 1939-mars 1942, traduit de l’anglais parJacqueline Carnaud et Bernard Frumer, Les BellesLettres, Paris, 2007, 631 pages.

– Peter Longerich «Politik der Vernichtung. EineGesamtdarstellung der nationalsozialistischen Juden-verfolgung. Politique de l’aneantissement. Une repre-sentation globale de la persecution national-socialistedes juifs », Piper, Munich, 1998.

– Michel Moracchini Les troupes speciales d’Hitler, LesEinsatzgruppen, Grancher, Paris, 2001, 250 pages.

– Claude Lanzmann, Shoah, coffret 4 dvd et livretd’accompagnement.

– Catalogue de l’exposition permanente de la Maison dela conference de Wannsee version francaise, Berlin,Haus der Wannsee-Konferenz.

– Catalogue de l’exposition du camp de Sobibor.– Gotz Aly et Suzanne Heim, Les architectes del’extermination, Calmann-Levy/Memorial de laShoah, traduit de l’anglais par Claire Darmon, 2006,430 pages.

– Dominique Vidal, Les historiens allemands relisent laShoah, Editions Complexe, 2002, 288 pages.

1. Voir opus cite.

2. Voir plus haut : les premieres semaines de guerre en Russie voient lemassacre de milliers d’hommes juifs en age de porter les armes, alors qu’apartir de juillet 1941 les femmes et les enfants sont assassines.

3. Dieter Pohl, Holocaust. Die Ursachen-Das Geschehen-Die Folgen, HerbertFribourg, Bale, Vienne, 2000.

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UN NOUVEAU CONCEPT D’ACCUEILDES ASSOCIATIONS PAR LA FONDATION

En 2006, l’Association pour le souvenir des-camps de Dora, Ellrich et Kommandos qui avaitdeja transfere son siege a l’Hotel des Fondationsau 30 boulevard des Invalides depuis un peu plusd’un an et y avait son secretariat, a contacte ledirecteur de la Fondation pour rechercher lemoyen de continuer a exister tout en s’affran-chissant des contraintes statutaires de la Loi 1901.

Le dispositif imagine resulte d’un travail dereflexion mene en commun apres avis duministere de l’Interieur et a debouche sur l’ideede creer au sein de la Fondation une entite quidisposerait d’une autonomie equivalente et d’unsupport financier specifique.

C’est ainsi qu’apres approbation des deuxConseils d’Administration (et pour l’Associationde son Assemblee generale), a ete creee laCommission pour la memoire et l’histoire descamps de Dora Ellrich et Kommandos (CDE).

Cette commission beneficie d’un compte defonctionnement specifique dans le budget de laFondation, dont les operations sont initiees parl’ex tresorier de l’Amicale et transmises a laFondation pour suite a donner.

La Fondation est desormais representee auxreunions de la CDE, tout comme cette derniereest representee aux reunions du Conseil d’Admi-nistration de la Fondation avec voix consultative.

Outre ce dispositif original, il convient derappeler que les Associations suivantes ontdomicilie leur siege a la Fondation :

– Amicale de Natzweiler-Struthof

– Amicale de Bergen-Belsen

– Comite international de Natzweiler-Struthof

– Amicale des deportes tatoues du convoi du24 Avril 1944.

Marie-Jose Chombart de Lauwe, presidente de la Fondationet Pierre d’Astorg president de l’Amicale de Dora Ellrich et Kdos

lors de la signature officielle de la convention.

Le Conseil d’Administration de la Fondation au cours de sa seance du11 septembre 2007. De gauche a droite : Albert Bigielman presidentde l’amicale de Bergen Belsen et de la commission Internement ; JeanLe Naire, prefet, representant le minsitre de l’Interieur ; Henri Borlant,administrateur, ancien deporte a Auschwitz, administrateur ; MauriceCling, ancien deporte a Auschwitz, administrateur ; Robert Creange,secretaire general de la FNDIRP, adminsitrateur ; a demi masque,Guy Ducolone president d’honneur de l’Association Buchenwald Dora,adminsitrateur ; Marie-Helene Joly, adjointe au DMPA, administra-trice representant le ministre de la Defense ; Denise Vernay, anciennedeportee a Ravensbruck et Mauthausen.

De gauche a droite Francois Perrot, administrateur vice president de laFondation, ancien deporte a Buchenwald et Flossenburg ; Marie-JoseChombart de Lauwe, presidente de la Fondation, ancienne deportee aRavensbruck et Mauthausen ; Yves Lescure directeur general de laFondation.

Le Conseil d’administration (suite) : Henri Rollin, administrateur ettresorier ; Roger Gauvrit, administrateur, representant de l’UMIF ; DanyTetot, membre invite, president de l’Association des Amis de laFondation ; Charles Palant, ancien deporte a Buna Monowitz,administrateur ; Eric Rodier, administrateur representant le ministrede l’education nationale ; Pierre d’Astorg, president de l’ex AssociationDora, Ellrich et Kommandos, et Pierre Sellier ex tresorier de l’AssociationDora Ellrich et Kdos.

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LA FONDATION AUX ßRENDEZ-VOUS DE L’HISTOIRE � AØ BLOIS

Evenement desormais incontournable de la vieet de la pensee historienne en France, laFondation pour la memoire de la Deportationtenait, pour la deuxieme annee consecutive, unstand a Blois.Plusieurs milliers d’historiens arpentent les

allees de ce grand salon de la pensee, de larecherche et des publications liees a l’Histoire,dans toutes ses approches et toutes ses periodes.De nombreux professeurs se sont arretes aux

stands des Fondations de la Resistance et de laDeportation qui presentaient, entre autre, leursdossiers speciaux sur les derniers themes duConcours national de la Resistance et de laDeportation. Leur venue a donne lieu a demultiples echanges avec les responsables etanimateurs des stands des deux Fondations.

L’habitude est prise maintenant chaque anneede tenir, une table ronde presidee par MadameJoelle Dusseau sur le theme du Concours del’annee en cours, a l’intention des professeursd’histoire des lycees et colleges.Coiffant l’ensemble de la manifestation, un

theme general est par ailleurs propose chaqueannee, autour duquel s’organisent differentestables rondes et conferences debats. Pour 2007,le theme retenu etait « L’opinion : information,rumeur, propagande ». Une serie ininterrompued’exposes et de conferences-debats, tout aussiinteressants les uns que les autres, au point qu’ilest difficile de faire un choix, pourtant ineluc-table, ponctuent les trois jours de ces rencontres.Un plaisir de l’esprit, dans un cadre magnifiqueet... historique.

Vue de l’entree principale des « Rendez-vous de l’Histoire ».

Le stand de la Fondation tenu par Cyrille Le Quellec et GeorgEberhardt (Autrichien, accueilli en partenariat pour un an).

L’allee du stand de la Fondation a l’heure de pointe.

Chateau de Blois. Photo Georg Eberhacht.

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Me¤ moire vivante - Trimestriel e¤ dite¤ par la Fondation Me¤ moire de la De¤ portation - A.S.B.L. reconnue d’utilite¤ publique (de¤ cret du 17 octobre 1990) Place¤ e sousle haut patronage de M. le Pre¤ sident de la Re¤ publique - SIRET 380 616 433 00021 APE 913E - C.C.P. 19.500 23 W Paris - 30, boulevard des Invalides - 75007 PARIS

Te¤ l. : 01 47 05 81 50 - Te¤ le¤ copie : 01 47 05 89 50 - EŁ ditions Tire¤ sias - 21, rue Letort - 75018 Paris - & Dessin de Jeanne Puchol - No 55 - De¤ cembre 2007 - De¤ po“ t le¤ gal : De¤ cembre 2007Directeur de la Publication : Marie-Jose¤ Chombart de Lauwe - Commission paritaire No 0708G88240 - ISSN 1253-7535 - Directeur de la Re¤ daction : Franc� ois Perrot

Hommage de la Fondation a l’un de ses fondateurs disparuClaude Meyroune

Claude Meyroune, vice-pre-sident et co-fondateur de laFondation pour la memoire dela deportation est decede le4 decembre 2007 a son domi-cile parisien.

Ne en 1923 a Strasbourg deparents enseignants, il partfaire ses etudes de medecinea Bordeaux.

Des janvier 1941, avec des camarades, il creeun journal anti-petainiste et anti-nazi, « Lesvolontaires », puis en juin fonde la branche desetudiants de Bordeaux du « Front national pourl’independance de la France », en liaison avec laJeunesse communiste et l’organisation armee desetudiants de Bordeaux qui donnera naissance auxFTP du Bordelais.

Arrete par les brigades speciales de Vichy(specialisees dans la chasse aux communistes),le 6 janvier 1942, il est livre aux Allemands etinterne au Fort du Ha ou il passe plusieurs moisau secret.

Transfere a la prison de Fresnes le 9 octobre1942, il est finalement deporte depuis la gare del’Est en tant que NN et se retrouve avec 7 de sescamarades au camp d’Hinzert pres de Treves. Le13 janvier 1943, il est envoye au bagne de Diez-an-der-Lahn pres de Coblence en attendant sonjugement par la terrible juridiction speciale creeepar les nazis, le Sondergericht. Par chance laprocedure NN est suspendue et Claude Mey-roune echappe ainsi a une condamnation a mortquasi-certaine, pour se retrouver a la prisoncentrale de Francfort-sur-le-Main. En mars 1945,il est transfere en wagon a bestiaux a Bayreuthqu’il atteint apres cinq jours d’un voyage epui-sant, sans boire et sans manger. Il est libere aBayreuth par l’Armee americaine le14 avril 1945,rentre a Paris le 22 mai et rejoint alors sa famille aBordeaux. Apres une periode de soins intensifs, ilreprend ses etudes et soutient avec succes sathese de medecine en 1953. Il fonde le centre debilan et de sante de Pau et en devient le directeur.

Vice president du syndicat des medecins descentres de sante il devient president de la section

de Pau de la FNDIRP. En 1962 il devient membredu Comite national de cette Federation etpresident de sa commission medicale. C’est a lasuite d’une visite au centre de Pau et sur une ideede Claude Meyroune que les dirigeants de laFNDIRP creent le centre hospitalier FredericManhes a Fleury-Merogis. Claude poursuit desrecherches en gerontologie et en 1978 devientmembre du bureau national de la Federation etdirecteur du centre de sante d’Auxerre. Il prendune retraite anticipee en 1980 pour se consacreraux œuvres medico-sociales et propose a MarcelPaul la creation d’une maison de retraite medi-calisee pour laquelle il reussit a obtenir l’aide del’Etat. C’etait sa grande idee.

La premiere pierre est posee le 22 septembre1983 et le centre est inaugure le 10 avril 1985 al’occasion du 40e anniversaire de la liberation descamps. En 1989-1990 avec Yves Morel et AndreTravaille, il œuvre a la creation de la Fondationpour la memoire de la Deportation, en partenariatavec l’Union des Mutuelles d’Ile de France, quepresidait alors Henri Rollin.

Claude Meyroune laisse le souvenir d’unhomme d’action et de conviction, d’une extremecourtoisie, precis, exigeant et positif dans sesinterventions, fidele a ses engagements et a sesamis. Il a contribue a la relance des activites de lacommission medico-sociale de la Fondation, unmoment suspendues et ne manquait jamais unereunion.

Claude Meyroune est officier de la Legiond’honneur, Chevalier de l’Ordre National duMerite, titulaire de la Medaille militaire, de laCroix de guerre avec palme, officier des Palmesacademiques, et titulaire des cartes de Deporte-Resistant et de Combattant Volontaire de laResistance.

La Fondation ressent avec douleur la dispari-tion d’un de ses fondateurs, par ailleurs vice-president, d’un soutien fidele et surtout d’un amitres cher. Elle salue avec respect sa memoire etpresente ses condoleances les plus attristees aMadame Annie Meyroune, son epouse, ainsi qu’ases enfants, petits enfants, parents et amis.

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