combat socialiste n° 6

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  • 8/20/2019 Combat Socialiste n° 6

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    SOMMAIRE P2 à 5 - Actualité P6 à 16 -Artciles et Dossiers thématiques

    Ne parlez pas d’acquis sociaux, parlez de conquis sociaux, parce

    ue le patronat ne désarme jamais » - Numéro 6 - Mars 2016

    Éditorial : Le 9 mars ou jamais !À deux jours des manifestations partout en France

    suite à l’appel des organisations de jeunesse contre la loiEl Khomri, de nombreux sympathisants et militants seposent de nombreuses questions sur cette mobilisation.

    Au cours du quinquennat, nous avons vu recu-ler nos lignes rouges  au l des coups de boutoir despolitiques du gouvernement.

    La liste est longue :  accord avec l’Allemagnesur l’austérité européenne, réforme des retraites avecl’allongement de la durée de cotisation, continuité de lapolitique de non-remplacement d’un fonctionnaire surdeux partant à la retraite, ANI, CICE, Loi Macron 1, Etatd’urgence, Déchéance de nationalité, etc. Cette liste n’estpas exhaustive mais elle est largement sufsante pournous convaincre que l’exécutif n’a plus aucune limite etque si la loi El Khomri passe, qui sait s’il n’ira pas jusqu’àremettre en cause l’interdiction du travail des enfants oul’école obligatoire, gratuite et républicaine ?

    Malgré les mobilisations, qu’elles soient internesau Parti Socialiste, à l’initiative d’élus, de sympathisantsou d’intellectuels, rien n’a arrêté le rouleau compres-seur réactionnaire et libéral.

    Le constat est clair : seule la mobilisation socialepeut arrêter ce gouvernement dans sa dérive droitière.Nous ne sommes pas sûrs de gagner cette mobilisation,

    mais nous sommes sûrs de la perdre si toutes les forces

    ne sont pas rassemblées pour gagner la bataille.

     Aujourd’hui, certes nous avons un gouvernement « so-cialiste » en face de nous, mais nous avons une dynamiqueque nous n’avions pas par le passé  : signature de plus d’ 1million de personnes de la pétition contre la loi El Khomri, et uncollectif intersyndical unanime pour rejeter cette loi et exiger sonretrait. Le gouvernement est affaibli, il a une faible popularité etdivise son propre camp. Nous avons donc une fenêtre de tir,sans doute petite mais existante, et il est de notre devoir de l’uti-

    liser pour envoyer un message clair et dénitif.

      Cette mobilisation sera aussi un élément porteur pourl’année et les élections à venir. Nous ne pourrons pas créer unealternative à gauche aux politiques de droite sans un mouve-ment, social et contestataire fort. L’essentiel de nos efforts doitêtre dans la reconstruction de ce mouvement, affaibli par le sar-kozysme et achevé sous le gouvernement actuel. Nous devonsaussi avoir une réexion sur nos méthodes d’action, sur notrerapport à la démocratie et à la bataille idéologique dans les mé-dias.

    Beaucoup de choses vont se jouer et nous n’avons pasle droit à l’erreur . Il a fallu presque dix ans au Labour pour tour-ner la page de Tony Blair, le SPD allemand n’a toujours pas faitson autocritique, et l’Espagne et le PSOE se dirigent vers unechute politique similaire au PASOK grec. Si nous voulons sortirla tête haute, tel un Parti Socialiste portugais qui fait l’union de lagauche, nous devons faire corps avec cette mobilisation.

      Voilà pourquoi nous appelons à la mobilisation lemercredi 9 mars dans toute la France.

      Notre camp n’a pas simplement besoin de ga-gner, il a aussi besoin de lutter, de rappeler haut et fortque cette politique n’est pas la nôtre et que nous nous op-poserons toujours à la Loi El Khomri. Nous sommes dansla même situation qu’il y a 10 ans quand un gouvernementde droite cherchait à mettre en place le CPE et que nousnous battions pour permettre à toute une jeunesse de nepas sombrer dans une précarité institutionnelle.

    Sandrine HEDEL et Rached Zehou

    SOCIALISTECombat

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    Loi El Khomri : Du remaniement à la résistance

    2 - ACTUALITÉ

    Le reniement du candidat Hollande

      Après le ralliement de Martine Aubry à la can-

    didature de François Hollande, sorti victorieux des Pri-

    maires, il décida de rassembler l’ensemble de ses sou-

    tiens au Bourget lors d’un discours prononcé devant un

    parterre de 10 000 militant-e-s. Lors de ce discours dit

    du Bourget, il claironna « Mon véritable adversaire n’a

    pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera

     jamais sa candidature, et pourtant il gouverne […], c’est

    le monde de la nance ». En plus de s’engager pour

    la séparation des activités spéculatives des établisse-

    ments bancaires, François Hollande s’était engagé à

    créer une taxe sur toutes les transactions nancières, à

    mettre « un coup d’arrêt […] à la procédure de révision

    générale des politiques publiques [...] » ; autant d’enga-

    gements qui se soldent par une n de non recevoir.

    Le candidat François Hollande s’était même en-

    gagé à « faire prévaloir la justice au travail ». Les fran-

    çais-es attendent toujours. Dans les faits, François Hol-

    lande n’a eu de cesse de se dédire de cet engagement.

    Ce mois de février 2016 signe la débâcle : le projet de

    loi sur le travail est, en l’état, inacceptable. En réa-

    lité, il ne s’agit que d’une étape supplémentaire consa-

    crant une longue marche vers la paupérisation par letravail. En effet, les français-es ont mal accueilli cette

    conception opposée aux engagements qui, notamment,

    lui ont permis d’être élu.

      On peut rappeler quelques faits de guerre

    comme l’allongement de la durée de cotisation à 43 an-

    nées en 2035, les 50 milliards d’euros de réduction des

    dépenses publiques (150 000 emplois publics détruits

    en dix ans), le gel du point d’indice des agents publics,

    et le faux coup de pousse au SMIC.

      Pourtant les entreprises ont bénécié du Cré-

    dit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) pour

    un montant de 18 milliards d’euros (1% du PIB) en

    2015. Cette disposition entre dans le débat libéral del’allègement du « coût du travail », or la vraie ques-

    tion est celle du coût du capital, trop peu abordée

    et qui représenterait pourtant plus de 90 milliards d’eu-

    ros selon la CGT. Le débat sur l’allègement du « coût

    du travail » surgissait en 1993 sous le gouvernement

    Balladur, puis la droite a persévéré en 2012 avec la

    « réduction Fillon » qui concernait 10,75 millions de

    salariés pour 27,6 milliards d’euros d’exonérations. En

    clair, depuis 2012, les salaires d’un SMIC sont exoné-

    rés par la réduction Fillon. Puis, de 1 à 1,6 SMIC ces

    exonérations sont dégressives.

    L’exécutif arrivé au pouvoir en 2012 a élargi

    ces exonérations à la contribution au Fonds National

    d’Aide au Logement (FNAL), à la contribution de soli-

    darité autonomie ainsi qu’une partie des cotisations

    accident du travail – maladie professionnelle. À cela

    s’ajoutent également des dispositions d’exonérationset d’allègements lors d’embauches de salariés dans le

    cadre de contrats aidés.

      Ce bilan illustre le basculement du coût des

    cotisations sociales du capital vers le travail pour un

    montant ubuesque de 200 milliards d’euros par an

    (Pacte de responsabilité, CICE, exonérations) nan-

    cés par la hausse de la Taxe sur la Valeur Ajoutée

    (TVA) que paye l’ensemble des Français-e-s.

    Ces mesures libérales et injustes sociale- 

    ment doivent nous pousser à entrer en résistance.

    Entrer en résistance

      Alors que les effets les plus concrets de ces

    mesures sont l’explosion de la dette sociale (décits

    cumulés des organismes de Sécurité sociale) à 161,2

    milliards d’euros en 2014 (8,7 % de la dette publique)et les 5,4 millions de demandeurs d’emplois (+24 %

    depuis le début du quinquennat), le gouvernement dé-

    cide en février 2016 d’amplier sa politique inefcace.

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     ACTUALITÉ - 3

      Le projet de loi portant sur le travail, baptisé du

    nom de sa défenderesse Myriam El Khomri, ministre du

    Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et

    du Dialogue social, représente un recul extraordinaire-

    ment grave pour qu’il mérite une opposition franche

    et massive du plus grand nombre.

    De quoi s’agit-il concrètement ?

    Par simple accord d’entreprise et sans nécessairement

    de difculté économique :

    - les salaires seront baissés ;

    - le temps de travail sera augmenté ;

    - la mobilité géographique sera imposée ;

    - la durée de travail jusqu’à 12 heures par semaine ;

    - la durée hebdomadaire pourra aller jusqu’à 46 heures ;

    - les heures supplémentaires seront majorées de 10 %

    au lieu de 25 % actuellement (de la 35ème à la 39ème) ;

    - l’extension des forfaits-jours, soit le fractionnement des

    11 heures de repos obligatoire par tranche de 24h ;

    - un-e salarié-e qui refusera la transposition d’un accord

    d’entreprise dans son contrat de travail sera licencié ;

    - un changement pourra être imposé par voie référen-

    daire contre l’avis des syndicats ;

    - en cas de licenciement jugé sans cause par le Conseil

    de Prud’hommes, il ne pourra pas condamner l’em-

    ployeur jugé coupable à une indemnité supérieure à 6mois de salaire pour les salariés ayant moins de 5 ans

    d’ancienneté, et à 15 mois de salaire pour les salariés

    ayant plus de 20 ans d’ancienneté.

    Cette disposition particulièrement injuste,

    légalise les licenciements sans cause  et va même

     jusqu’à obliger le juge dans l’attribution de dommages

    et intérêts plafonnés, quelque soit le préjudice subi par

    le/la salarié-e. Une baisse du chiffre d’affaires pendantquelques mois ou sur une partie seulement de l’activité

    de l’entreprise sufra à motiver un licenciement écono-

    mique d’un ou de plusieurs salarié-e-s.

      Pour couronner le tout, le Gouvernement,

    conscient de l’impopularité de son propre projet, envisa-

    geait de faire usage du 49.3 avant même que le texte ne

    soit présenté aux parlementaires. Il s’agit, pour le Pre-

    mier Ministre, d’engager la responsabilité du Gouverne-

    ment sur l’adoption de la loi El Khomri. Le texte est alorsadopté sans vote du Parlement, sauf si une motion de

    censure est déposée dans les 24 heures. Manuel Valls

    l’a déjà utilisé deux fois depuis sa nomination. Cette fois,

    le gouvernement a été vertement rappelé à l’ordre.

      Ainsi, la politique de l’exécutif s’inscrit pleine-

    ment dans l’héritage de la droite en ayant participé à

    amplier la scalisation des allègements consentis

    aux entreprises alors que son bilan social est désas-

    treux.

    Les militant-e-s n’ont donc plus le choix.

    Soit ils continuent de se résigner et donc contribuerà « la déchéance des droits sociaux » selon Pascal

    Cherki, soit ils entrent en résistance active contre

    le projet de loi El Khomri qui signe dénitivement la

    rupture avec l’ensemble de la base du Parti Socia-

    liste et de l’héritage du socialisme.

    Une pétition en ligne lancée le 19 février,

    rassemble déjà plus d’1 million de signatures. 

    Il convient de la communiquer et d’y faire adhérermassivement. Pour mettre en échec ce projet de loi,

    il faudra rassembler les forces et unir les centrales

    syndicales, les miliant-e-s de gauche, les travail-

    leu-rs-ses, les privé-e-s d’emploi, les retraité-e-s et

    toutes celles et ceux qui se battent pour protéger les

    droits du travail.

    L’appel des organisations syndicales et

    de la jeune gauche à manifester contre cette loi

    le 9 mars prochain, date initiale de sa présenta-

    tion au Conseil des ministres, montre l’unanimité du

    mouvement social à se mobiliser contre cette loi. La

    revendication est claire : le retrait pur et simple

    du projet de loi. La pétition massive et l’organisa-

    tion de la lutte ont permis de gagner une première

    bataille puisque le 29 février a été annoncé le report

    de la présentation du projet de loi. Il est donc plus

    que jamais nécessaire de se mobiliser et de ga-

    gner la lutte.

    Manuel LUBET-AMADO

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    4 - ACTUALITÉ

    Début de l’état d’urgence, fn de la démocratie ?

      Le 13 novembre 2015, une série d’attentats touche

    Paris et le Stade de France à Saint-Denis. Revendiqués par

    le groupe Daech, ils causent la mort de 130 personnes et font

    plus de 350 blessés, la majorité lors de la prise d’otage de la

    salle de spectacle « Le Bataclan ».  À la suite de ces attentats, le gouvernement décrète

    l’état d’urgence d’une durée de 14 jours, et dépose à l’Assem-

    blée nationale un projet de loi permettant la prolongation de

    celui-ci de 3 mois.

      L’état d’urgence en France est un état exceptionneldans lequel les autorités publiques s’octroient des pouvoirs

    exceptionnels dans des situations de crise politique.

    Ses différentes utilisations : 

    Il a déjà été utilisé en France : sa création et sa première ap-

    plication datent de la Guerre d’Algérie en 1955. Dans la luttecontre son indépendance, la France appliqua l’état d’urgence

    en Algérie pour ne plus y appliquer l’état de droit et réprimer

    dans la violence les volontés indépendantistes.

      La deuxième utilisation  de l’état d’urgence fut latentative de prise de pouvoir des partisans de l’Algérie Fran-

    çaise en 1958.

    La troisième utilisation  fut, elle encore, liée à unetentative de coup d’état, celle du putsch des généraux à Alger

    s’opposant au Général de Gaulle et à sa volonté de sortie de

    crise avec les accords d’Evian.

      La quatrième fois, elle se limita aux territoires deNouvelle Calédonie en 1984. L’état d’urgence fut mis en place

    dans le cadre de la lutte opposant l’Etat français et les indé-

    pendantistes. Cette crise atteint son paroxysme avec la prise

    d’otage d’Ouvéa.

      L’état d’urgence fut ensuite utilisée de manière par-

    ticulière, dans le sens où elle fut limitée au seul pouvoir de

    “couvre feu”. En effet, ce fut en novembre 2005, lors des

    émeutes des banlieues, que le président Jacques Chirac mit

    en place l’état d’urgence, qui s’acheva le 2 janvier 2006.

      L’état d’urgence a été essentiellement appliqué enFrance pendant des périodes de situations pré-insurrection-

    nelles. L’Etat, dans ses lieux d’application, se trouvait dans

    une situation de danger de renversement (tentative de coup

    d’état) ou en situation de disparition (Algérie, Nouvelle- Calé-

    donie). Les émeutes de 2005 sont hors catégorie pour plu-

    sieurs raisons. La durée et le pouvoir exceptionnel ont été

    très limités. La question du risque de disparition de l’Etat dans

    les zones de troubles en 2005 était posée.

    L’Etat d’urgence augmente les pouvoirs de police,

    supprime certains garde-fous et limite certaines libertés fon-

    damentales. Parmi les nombreuses applications de

    l’état d’urgence en 2015 on reconnaît :

    - l’assignation à résidence sans procès ;

    - la fermeture administrative de lieux de réunion, salle de

    spectacle et de débits de boissons ;

    - l’autorisation de perquisition de nuit et sans l’autorisation

    préalable d’un juge ;

    - la remise des armes à feu en circulation.

      D’autres pouvoirs de l’état d’urgence tels que les

    «couvre-feu» et la censure de la presse existent mais ils n’ont

    pas été utilisés pendant l’actuel état d’urgence.

      Les attaques terroristes ont frappé la France, plus

    précisément Paris et Saint-Denis, les 7,8,9 janvier et le 13 no-

    vembre 2015, tout comme de nombreux pays comme la Tuni-

    sie, le Burkina Faso, l’Indonésie, le Kenya, le Nigéria, la Libye

    et le Mali. Ces attaques revendiquées par Daech et d’autres

    groupes terroristes cherchent à porter atteinte à nos valeurs

    de liberté, d’égalité et de fraternité. Cette menace terroriste

    nécessite incontestablement la mise en oeuvre de moyens

    exceptionnels, telle que l’augmentation du budget de servicepublique de la sécurité. Mais elle ne saurait en aucun cas justier la remise en cause des libertés fondamentales.

      La Constitution fonde l’état de droit et garantit les

    libertés fondamentales pour l’ensemble des citoyens au sein

    de la République. L’état d’urgence est un état d’exception qui

    déroge aux libertés fondamentales et qui ne doit être appli-

    qué qu’à la condition où cette état de droit est en danger.

    Comme il a pu être utilisé par le passé en cas de tentative de

    coup d’état. Or les institutions de la République française ne

    risquent pas d’être renversées à cause de ces attentats.

    L’état de droit n’est pas en danger, on ne peut donc ydéroger. De plus, les lois Renseignement et autres contrele terroriste permettent malheureusement déjà aux services

    de police et de justice de s’affranchir de textes fondateurs de

    notre République comme celui des Droits de l’Homme.

      Nous considérons que la lutte contre le terro- 

    risme doit passer par un puissant service publique, ce

    qui suppose le respect de l’état de droit, garant des liber- 

    tés fondamentales, de l’égalité républicaine, du progrès

    social et de l’émancipation collective.  Or, depuis l’application de l’état d’urgence à la date

    du 15 décembre 2015, sur 2700 perquisitions, seules 2 en-

    quêtes ont été conées à la section anti-terroriste de Paris.

    Parmi ces perquisitions, beaucoup n’avaient aucun rapport

    avec la lutte anti-terroriste, sans compter les erreurs et les

    bavures.

    De plus, de nombreuses assignations à résidence,

    dont celles de militants écologistes, font penser plutôt à des

    arrestations politiques.

      Dans ce contexte, où l’application de l’état d’urgencen’est pas légitime, que sa mise en place à amener des dé-

    rives, nous revendiquons la fn de l’état d’urgence.

    Rached Zehou

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     ACTUALITÉ - 5

    La déchéance de nationalité, pour nous c’est non !

      Au lendemain des attentats qui ont boulever-sé le pays le 13 novembre dernier, François Hollandea déclaré vouloir amender la Constitution dans le butd’y introduire notamment la notion de déchéance dela nationalité.

    Quatre ans après avoir promis le

    droit de vote des étrangers, le Président dela République décide de creuser encore davantagel’écart entre les citoyens, remettant en cause l’éga-lité de tous devant la loi. Ne pouvant créer des apa-trides, cette mesure ne concerne alors que les mul-tinationaux, créant de facto une différence entre lescitoyens, selon qu’ils ne possèdent que la nationalitéfrançaise, ou qu’ils en aient une de plus. Derrière l’as-pect « symbolique » qui sert d’argument au gouver-

    nement, se cache en réalité une stigmatisation quine dit pas son nom. En effet, il est évident qu’unecatégorie précise de notre population est visée parcette mesure jusqu’alors portée par le Front National.

      Souvenons-nous que, cinq ans auparavant,François Hollande en personne s’offusquait d’unetelle idée, alors avancée par la droite. Souvenons-nous que 75 ans auparavant, la déchéance de natio-nalité avait été appliquée par Pétain, parmi les déchusde leur nationalité, un certain Général de Gaulle.

      La question de la déchéance de nationalitéfrançaise a laissé place à de nombreux débats hou-leux au sein de l’Hémicycle, députés de droite et degauche confondus. À ce stade des débats, et alors que cette mesure nepeut être adoptée qu’à partir des 3/5 des parlemen-taires réunis en Congrès ; grâce à l’a mobilisation,l’avenir de ce projet demeure très incertain, au vu desdésaccords bien trop importants à l’Assemblée natio-nale.

     Alors que la déchéance de nationalité n’étaitinitialement prévue que pour les crimes, le derniertexte de loi prévoit même d’élargir cette

    sanction aux délits  « constituant une atteintegrave à la vie de la Nation ». Quel usage de cettemesure ferait un Front National au pouvoir ? 

    Surtout, cette mesure constitue unemenace pour nos libertés fondamentales

    et politiques, puisque la déchéance serait ainsiouverte pour des délits courants. Au-delà de l’aspectdiscriminatoire et du libre-arbitre des instances juri-

    diques dans cette mesure, il est à souligner que ladéchéance de nationalité est totalement inutile et qu’elle n’aide en rien à combattre le terrorisme,n’étant en aucune mesure dissuasive.

    La mobilisation contre ce projet est

    très forte.De nombreuses pétitions et mobilisations ont été

    lancées dans le but de faire reculer le gouvernementsur ce projet de loi. Tandis que de nombreux son-dages avaient conforté François Hollande dans sonsouhait de voir cette mesure mise en place, le tra-vail d’argumentation qui a été fait contre ce projetpar les organisations de jeunesse et les élus a sansaucun doute fait reculer l’opinion, devenue de moinsen moins favorable à la déchéance de nationalité.

    Contraire à nos espoirs, et aux promesses quinous ont été faites en 2012, ce projet de loi està condamner . François Hollande, qui, en 2012,

    promettait au peuple le droit de vote des étrangers,se voit aujourd’hui à l’origine d’une mesure des plusrétrogrades, tant sur le plan sociétal que sur celuides Droits de l’Homme. Cette mesure, en réalité enrien symbolique, fait indubitablement d’une frangede la population, des citoyens de seconde zone. 

    On ne combat pas le terrorisme en ôtant

    la nationalité française aux terroristes. On combat

    le terrorisme en donnant des moyens sufsants à

    l’éducation, à l’accès à la culture, et aux autres ser -

    vices publics de proximité. On combat le terrorismeen faisant en sorte qu’aucun citoyen ne décroche de

    notre système, faute d’études ou faute d’emploi.

    Mettons donc en place des réformes allantdans ce sens, accordons le droit de vote auxétrangers, promis depuis tant d’années, et nousn’en sortirons que plus profondément humains, etplus profondément socialistes !

    «J’ai un message pour celui qui nous a atta-qué et pour ceux qui sont derrière tout ça : vous ne

    nous détruirez pas. Vous ne détruirez pas la démo-

    cratie et notre travail pour rendre le monde meilleur.[...] Nous allons répondre à la terreur par plus de

    démocratie, plus d’ouverture, plus de tolérance.»Jens Stoltenberg, Premier ministre norvégien aprèsle massacre d’Utoya perpétré par Anders Breivik.

      Emna Sghaïer 

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    6 - PRIMAIRES

      73 % des personnes interrogées sont pour une primaire à gauche, selon un sondage de l’Ins-titut Odoxa du 7 février 2016. Ce pourcentage monte jusqu’à 85 % pour les sympathisant-e-s degauche.

    Cette option fait la quasi-unanimité au sein de notre électorat. 

    Nous pouvons donc nous demander, à juste titre, ce que fait le Parti Socialiste. Alors que LesRépublicains viennent d’annoncer les dates de leur primaire en novembre prochain, les primairesde gauche devront avoir lieu pour plusieurs raisons. Elles sont inscrites dans les statuts du PartiSocialiste et sont nécessaires à la gauche pour être rassemblée et passer au deuxième tour .Jean-Christophe Cambadélis dit vouloir des primaires réunissant toute la gauche, même si le bureaunational du parti n’a pour l’heure pris aucune décision.

    Des dynamiques sont cependant perceptibles depuis le début de l’année.

    Les appels se multiplient de la part des intellectuel-les « Notre primaire », de l’aile gauchedu PS (« À gauche pour gagner »), d’Europe Ecologie – Les Verts, du Parti Communiste, ou encored’autres initiatives citoyennes comme « Primaire de gauche » portée par un collectif où sont présents

    les mêmes acteurs de la pétition contre la Loi El Khomri.

      Nombreux sont les citoyens qui proposent des alternatives à une primaire seu-

    lement socialiste. 

    Tout le monde se souvient de 2011, un franc succès pour le Parti Socialiste. Ces « primaires

    citoyennes » ont permis à plus de 2,7 millions de sympathisant-e-s de gauche de choisir son ou sa

    candidat-e.Les différentes tribunes prônent un rassemblement plus large des partis de gauche.

    « À gauche pour gagner », lors de l’appel du 30 janvier, demande au PS d’organiser des primaires

    citoyennes des gauches et des écologistes pour l’élection de 2017.Les autres contributions vont dans le même sens en réclamant un débat à gauche an de

    s’assurer de la confrontation des idées en vue de la construction d’un projet commun et novateur poursortir de l’impasse.

    Toutes les initiatives existantes, Mouvement Commun, Chantiers de l’Espoir, Alternatiba, etc.,

    ont pour but de construire la base programmatique de ce que doit être le camp progressiste .Tout candidat sortant vainqueur de ces primaires sera lié à cette construction commune.

    Dans ce contexte, comment faire conance à François Hollande quand on regarde son pro -

    gramme de 2012 et l’action menée pendant le quinquennat ?

      Nous ne rentrons pas dans des considérations de personne et il nous parait important que ledébat ait lieu essentiellement sur les questions idéologiques, à l’image du choix du mandataire de lamotion B lors du dernier congrès du PS. Nous donnons plus de valeur au collectif et auxmilitants qu’au « chef » politique.

      Toutes ces initiatives parfois isolées permettront-elles une orientation claire de la part des par-tis de gauche, notamment du PS, pour l’organisation de primaires ? Si la voie des primaires est choi-

    sie, il faudra alors se hâter de les organiser dans les délais impartis avant la campagne présidentielle.

    Quel avenir à gauche pour 2017 ?

     Anne Baron

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    MOUVEMENT SOCIAL - 7

    Goodyear – un rapport de force déséquilibré, une fermeture d’usine, des condamnations de syndicalistes –est une nouvelle chronique dans la casse de notre appareil productif, un énième récit du mépris à l’adresse de ceuxui œuvrent activement à son fonctionnement. Toutefois, la violence sociale qui en est ressortie doit être matière àanger les paradigmes en vigueur.

    GOODYEAR, le combat nous attend

    La fermeture.  Le 22 janvier 2014,après plusieurs années d’incertitudes, l’usine Goo-dyear d’Amiens-Nord fermait dénitivement sesportes. Plus de 1 000 emplois ainsi supprimés,auxquels pouvaient être ajoutés des centaines, voiredes milliers d’autres chez les sous-traitants, les pres-tataires de services, les commerçants locaux, etc.Dans une région déjà sévèrement touchée, tousces emplois détruits sont autant de familles quiont basculé dans une détresse sociale encoreplus grande. La compétitivité du site était jugée

    insufsante. En d’autres termes : l’usine généraitdes prots mais, aussi importants fussent-ils, étaientconsidérés insufsants par des actionnaires d’unerme multinationale toujours plus avides de béné-ces.

    L’abnégation.  Pourtant, avant quen’intervienne cette décision, pendant plusieurs an-nées, les salariés ont mené une lutte acharnée pourla préservation de l’activité et de leurs emplois. Àl’inverse, avec la sempiternelle obsession de réduire

    le “coût du travail”, la Direction du Groupe a multipliéles basses manœuvres, à commencer par un chan-tage portant sur un accord « hausse du temps detravail contre maintien de l’emploi », un vague projetindustriel, de maigres investissements mais évidem-ment aucune augmentation de salaires. Soumis àréférendum, cet accord avait été rejeté dans un pre-mier temps, en octobre 2007, avant d’être nalementvalidé lors d’un second scrutin, en juin 2008, aprèsla menace d’un plan social par la direction. L’accordayant été dénoncé par la CGT (syndicat majoritaire),

    la Direction a donc mis sa menace à exécution etannoncé un plan de restructuration comprenant,d’abord 400, puis 820 licenciements sur les 1 300salariés du site.

    En 2012, après de nombreux mouvementscollectifs (grèves, actions juridiques) concomitantsaux invalidations successives prononcées par la jus-tice, le plan social a été abandonné et remplacé parun plan de départs volontaires. Cette victoire ne futqu’éphémère pour les salariés de Goodyear, puisquela direction du groupe, rompant les négociationsalors en cours, annonçait début 2013 son intentionde mettre dénitivement un terme à l’activité de sonsite d’Amiens-Nord. Au même moment, le groupeprévoyait un bénéce opérationnel annuel aux alen-tours de 1,5 milliard d’euros, soit une hausse de 12% par rapport au résultat enregistré en 2012.

      L’exaspération. Malgré l’espoir illusoired’une reprise par le fabricant américain Titan Interna-tional, la situation n’a guère évoluée pendant plusieursmois. Même avec le projet de coopérative permettant lapoursuite d’une partie de l’activité sur le site, les salariésont été opposé à une n de non recevoir. Entre le 6 et le7 janvier 2014, c’est donc pour protester et exiger enndes réponses que plusieurs centaines de salariés ontretenu, sur le site, dans des conditions dignes et sansaucune violence, deux cadres dirigeants de l’entreprise.Pour ces faits, 8 syndicalistes ont été condamnés à 24mois de prison, dont 9 fermes.

    Ces peines inédites, prononcées le 12 janvier2016 par le Tribunal correctionnel d’Amiens, interpellent,au moins, tant elles semblent déconnectées de la réalitédes choses. En faisant du climat social et de la pres-sion inigée aux salariés, elles sanctionnent un combatpour la dignité. 

    Et après ? Au nom des valeurs de gaucheet du lien entretenu entre les socialistes et le mouvementsocial, le gouvernement doit intervenir, dans la mesure

    des outils dont il dispose, pour que cette décision soitrévisée. Des salariés défendant leurs emplois, paci-quement qui plus est, ne peuvent être criminalisés dela sorte. Aussi, tout devrait déjà être mis en œuvre poursoutenir la reprise du site par ceux qui disposent dusavoir-faire et qui ont décidé de prendre leur destin enmain en portant à nouveau un projet de coopérative en2015 (rejeté lui aussi par les dirigeants de Goodyear).  Plus largement, alors que la loi Macron a levé ledélit d’entrave au fonctionnement des instances repré-sentatives du personnel dans les entreprises, et que le

    projet de loi El Khomri s’apprête à donner la priorité auxaccords d’entreprise (avec approbation par référendum),ouvrant une voie royale aux logiques actionnariales,le cadre de la négociation collective doit être renforcéplutôt que détricoté. En effet, ce n’est qu’en accordantdavantage de moyens au dialogue social que la justicesociale trouvera les conditions de sa réalisation.

    La pétition en ligne  ainsi que les manifesta-tions doivent encourager la dynamique pour les sala-riés de Goodyear. Loin d’être une source de résignation,l’histoire de cette lutte doit appeler les socialistes à

    s’engager davantage aux côtés des syndicats pourla défense de la production industrielle et de l’emploi enFrance.

    Pierre Guichard

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    La gauche en EuropeEn ces temps d’inquiétude et de questionnement sur la gauche en France, regarder ailleurs peut être

    source d’espoir. En effet, nous avons d’un côté le chef du gouvernement qui évoque « deux gauches irréconci-iables », et d’un autre côté, une gauche ne souhaitant pas faire de compromis et constatant qu’il existe de plusen plus une fracture au sein de son camp politique.

    Loin de la contemplation, il s’agit plutôt pour nous d’observer les causes des réussites et du dyna- misme de nos voisins et camarades, avec rigueur et méthode, et de s’en inspirer pour programmer au mieux

    nos futures réussites collectives. Mais plus encore, constater la réussite de la gauche des trois pays que nous met-ons à l’étude (Angleterre, Espagne et Portugal), c’est aussi analyser les grands courants sous jacents qui noussont contemporains, les comprendre et les expliquer. Pour être prêt à prendre le pouvoir, il faut être conscient desmoments que nous traversons, de nos difcultés et de nos échecs.

    ANGLETERRE :  La gauche anglaise est dans l’opposition par-lementaire depuis mai 2010. Après le tournant social-libéral du New Labour assumé par Tony Blair puisGordon Brown, les conservateurs sont entrés massi-vement, avec les libéraux-démocrates, à la Chambredes communes, an d’y installer une longue périodede gouvernance dont David Cameron a pris la tête. In-capable d’apporter des solutions de gauche à la criseéconomique qui touchait l’Angleterre, le Labour Partyn’a pas été capable de se rénover profondément, ce quil’a empêché d’accéder au pouvoir après l’avoir perdu.

    Mais le 12 septembre 2015, un événement ma-jeur s’est produit Outre-Manche, qui a fait pourtant peude bruit en France : l’élection de Jeremy Corbyn, dèsle premier tour, à la tête du parti travailliste. Issu de la

    left wing, il s’est depuis sa jeunesse politique érigé enprotecteur des gens de peu, en paciste, et en socia-liste convaincu. Andy Burnham, son adversaire direct àla présidence du parti, a dénoncé le manque de crédi-bilité des mesures qu’il souhaite appliquer une fois à latête du pays. C’est un procès récurrent que font ceuxqui revendiquent leur proximité avec le réel à ceux quidéfendent une ligne alternative. Rien n’est possible horsdes politiques de droite : l’alternative est une utopie.

    Pourtant, Corbyn s’est attiré le soutien des ad-

    hérents, de la jeunesse, et d’une quarantaine d’écono-mistes qui ont appuyé sa candidature. Une fois élu avec60% des voix, il a produit le même phénomène, à uneéchelle moindre, que Bernie Sanders aux Etats-Unis :des milliers de jeunes ont adhéré au Labour. Le systèmed’adhésion au parti travailliste est différent du systèmefrançais. Des syndicats peuvent être adhérents au partitravailliste, et tout syndiqué devient alors un adhérentindirect au parti. Aujourd’hui, le Labour Party compte400 000 adhérents directs, ce qui est colossal, et 200000 adhérents indirects. Si des jeunes sont venus mas-

    sivement adhérer au parti, il ne faut pas oublier que c’estaussi le cas de syndicats plus traditionnels qui avaientdélaissé le parti travailliste durant la période blayriste duNew Labour. Les syndicats reviennent donc à présentde plus en plus vers le Labour.

    Ce dernier a adopté une ligne radicalementdifférente de celle que tenait Gordon Brown  il ya cinq ans : nationalisation du rail, imposition d’unsalaire minimum, augmentation des prestationssociales, contrôle des loyers, refus de l’accord delibre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis (TTIP),

    désarmement nucléaire, contrôle démocratique dessources d’énergie, santé publique, formation conti-nue, etc. Les bouleversements sont nombreux, ettous sont venus avec Jeremy Corbyn.

    Cependant, Jeremy Corbyn ne plaît pas à toutle monde. Bien que populaire à gauche, il ne satisfaitque 30% de l’électorat, selon divers sondages, ce quiest un frein considérable à l’avancée travailliste dansles urnes. La faute, notamment, à une presse dedroite qui n’a eu de cesse de le vilipender, et au gou-vernement Cameron qui a créé une forte résignation

    dans la population anglaise. Mais il faut aussi consta-ter que le programme de Corbyn, bien que plaisant,n’est pas parfait. Une partie de la gauche lui reprochela ligne adoptée par le Labour : repli sur les ques-tions nationales et l’absence d’alliance forte avec lagauche européenne. Que fait Jeremy Corbyn alorsqu’il devrait peser de tout son poids avec Syriza,Podemos et le PS portugais sur la scène euro-péenne ? Il reste muet, alors que le camp progres-siste anglais est très attaché à l’Europe, bien que dé-taché de l’Europe libérale. La question européenne

    est, sur le sol anglais, une question aussi clivantequ’importante. Le Labour, malgré des critiques fondées, a réussi àimposer une ligne de gauche, ce qui constitue unvéritable tournant après des années de recentrageà droite du milieu des années 1990 au milieu desannées 2010. Voilà que le parti travailliste s’engagedans la bonne voie, après 20 ans de maux. Mais l’évo-lution progressiste ne reste pas totalement acquise etla question européenne sur laquelle Corbyn devrase pencher (Brexit) déterminera en grande partie lacapacité du Labour Party à remporter les prochainesélections législatives.

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    DOSSIER INTERNATIONALISME - 9

    ESPAGNE : 

    En Espagne, la situation aurait pu être entout point analogue à celle que connaît la gaucheanglaise, mais les destins des gauches européennessont parfois radicalement différents. Après l’échecde la politique austère menée par le parti socialisteouvrier espagnol (PSOE) lorsque gouvernait José

    Luis Rodríguez Zapatero, le parti populaire (PP) dedroite conservatrice a obtenu la majorité des siègesau Parlement, appliquant des mesures très défavo-rables aux classes populaires. Les conséquencesdirectes de cette politique  ont été la hausse duchômage, surtout des jeunes, et une précarité insou-tenable avec des expulsions massives de logement,des salaires en baisse, une déation, des carencesde soins visibles sur les plus jeunes et les plus âgés,et une émigration des jeunes diplômés conséquente.

    Face à cette catastrophe sociale, le PSOEn’a pas réellement changé de ligne. C’est donc lapartie nommée « radicale » de la gauche qui apensé l’alternative à cette politique. Dans un pre-mier temps c’est Izquierda Unida qui concrétisait lesespoirs d’une gauche qui restait de gauche, dèle àelle-même. Sur le modèle du Front de Gauche, bienque plus ancien, le parti s’est renforcé, obtenant 10% des voix aux législatives de 2011.

    Dans une second temps c’est un autre partià gauche qui est monté, avec une véritable force :Podemos. En reprenant les personnes et les slo-gans du mouvement des Indignés, Podemos a menéune véritable campagne populaire, proche de labase électorale de la gauche. Avec des personnes jeunes, dynamiques, et innovantes en matière depratique politique, Podemos a bouleversé le paysagepolitique espagnol et européen. Se revendiquant enpartie des révolutions bolivariennes sud-américainesnotamment celle du Venezuela, Podemos a reprisde nombreuses propositions  : révocabilité desélus, contrôle démocratique des ressources, régimeparlementariste, revenu minimum élevé, contrôle des

    loyers, etc. Sur le terrain social aussi bien que surle terrain écologique et féministe, le parti mené, parPablo Iglesias, présente des garantis aux plus dému-nis : revenu minimum élevé, aide au désendettementpublic et privé, hausse des prestations sociales pourles personnes les plus touchées par la crise, gratuitédes soins pour les migrants, changement de modèleindustriel pour évoluer vers un système plus soute-nable, n de la discrimination entre les sexes en ai-dant les femmes à l’insertion sur le marché du travail,etc.

    Voilà que Podemos s’inscrit dans une ligne degauche qui fait concurrence directe aux socialistesespagnols. Podemos représente 350 000 adhérents,le PSOE 200 000 mais compte 400 000 sympathi-sants avec des droits dans le parti.

    Les élections de décembre 2015 ont conrmé latendance impulsée par les municipales : après avoirravi Madrid et Barcelone, Podemos pouvait viser denombreux sièges au Parlement.

    La situation que connaît l’Espagne actuellement

    est représentative du fractionnement de la gauche. Sic’est bien le parti populaire qui est arrivé en tête auxlégislatives, avec 123 sièges, il ne peut pourtant à ce jour former de majorité, même s’il s’appuyait sur le nou-veau parti centriste Ciudadanos (40 sièges). Le PSOEet Podemos ont obtenu respectivement 90 et 69 sièges.Le parti socialiste traditionnel a manqué de se faire sup-planter par son jeune voisin plus radical. Cependant, lagauche ne peut pas non plus, même réunie, former ungouvernement, car elle doit compter sur une tierce force.C’est d’ailleurs la mission que le Roi a coné à PedroSanchez (PSOE) : former un gouvernement s’appuyantsur une majorité stable et solide. Pour cela, Sanchez apensé à une alliance Ciudadanos-PSOE-Podemos.

    Si la question européenne occupe beaucoupl’Angleterre, c’est davantage la question nationale quiinquiète l’Espagne, la gauche n’y faisant pas exception.L’indépendantisme basque a décru à mesure qu’ETA semontrait violent, puis s’est de plus en plus éteint avecla chute progressive d’ETA jusqu’à son désarmement.L’indépendantisme catalan, lui, a proté d’une seconde jeunesse, bien exploitée par le parti indépendantiste qui

    dirige l’autonomie catalane. L’opinion indépendantisten’est cependant pas majoritairement partagée en Cata-logne : la dernière consultation montrait que 48.5 % desCatalans y sont favorables. Podemos souhaite donnerle libre choix aux Catalans de leur appartenance ou nonà l’Espagne, alors que le PSOE et Ciudadanos y sontclairement opposés. La principale rupture qui empêchela gouvernance se trouve là. Les ruptures sur le terrainsocial et écologique sont moins nettes, puisque le PSOEne montre plus le visage que lui avait donné Zapatero.

    La gauche espagnole, à l’heure actuelle, ne peutdonc gouverner conjointement, et semble bien partiepour approfondir les divisions sur la vision de la politiqueà mener une fois au pouvoir. Finalement, la questionprincipale en Espagne, c’est la question de la surviedu PSOE en tant que parti traditionnel et majoritaire àgauche. De nombreux anciens élus du PSOE refusaientformellement une quelconque alliance avec Podemos,perpétuant la fameuse idée des “deux gauches irrécon-ciliables”. Pour le moment, le seul pays où le parti socia-liste est devenu un parti relégué au rang de deuxième

    voire troisième force à gauche, est la Grèce, où Syriza aremplacé le PS. Qu’en sera-t-il en Espagne ?

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    PORTUGAL :  On a peu entendu parler de la gauche portu-gaise, mais elle vient pourtant de réaliser un exploitavec les élections législatives d’octobre 2015. L’ex-pression « gauche portugaise » ne divulgue pasle fractionnement de cette gauche, qui est en réalitétripartite. Le premier parti est le Parti Socialiste (PS),qui compte 93 000 adhérents et qui lorsqu’il dirigeait

    le Portugal a mené une politique qui s’inscrivait dansla continuité des autres partis sociaux-démocrateseuropéens. Le deuxième parti est la Coalition Uni-taire Démocratique (CDU) qui approche les 66 000adhérents et qui regroupe le parti communiste portu-gais et des écologistes. Le dernier parti est le Bloc deGauche, qui s’appuie sur 7 000 membres (estimation2009) et qui se veut être le Syriza portugais.

    Au Parlement pourtant, l’ordre est bous-culé. Le premier parti sorti des urnes d’octobre est

    le PPD/PSD, un parti social-démocrate qui se reven-dique de droite, et qui mène dans les faits une poli-tique de droite, très austère. Il a obtenu 38,5 % desvoix, soit 107 sièges. Suivent le Parti Socialiste, avec32,4 % et 86 députés, le Bloc de Gauche (10,2 % - 19sièges) et la CDU, qui a totalisé 8,6 % des voix et quicompte 17 députés. À 51,2 %, les électeurs portu-gais se sont donc exprimés pour un parti de gauche.Pourtant un gouvernement de droite s’est formé, eta vu sa motion de conance rejetée logiquement par123 voix contre (et 107 voix pour) seulement onze jours après sa formation.

    La gauche avait alors une chance, en s’en-tendant sur un projet commun, et en formant ungouvernement qui l’appliquerait. C’est ce qu’elle a fait,en s’unissant, pour la première fois depuis la révolu-tion d’avril 1974, pour voter la motion de conance augouvernement socialiste formé n novembre, auquelles partis de gauche plus radicaux refusent de parti-ciper, tout en soutenant ses mesures. Mais il a fallupour cela qu’Antonio Costa (Premier ministre issu duPS) refuse les propositions des “barons” socialistes

    souhaitant une grande coalition “à l’allemande” etrefusant de cacher par là même leur réelle appar-tenance politique. Mais pour gouverner, la gaucheétait appelée une nouvelle fois à s’unir , et quandla gauche est unie, le programme n’a qu’une seuleteinte : augmentation du salaire minimum, baisse dela TVA restauration, abandon de projets de baisse descotisations sociales des entreprises, etc.Pour autant, le Portugal n’est pas totalement à l’abride « l’ère du temps » et le gouvernement socialistes’apprête à un dangereux maniement politique : d’un

    côté contenter ses partenaires de gauche en menantune politique favorable à la relance de la demande, etd’un autre côté contenter ses barons voulant respec-ter avec rigueur les engagements européens, parmilesquels la fameuse règle des 3 %, dont Costa a faitun objectif pour la n de son mandat.

      Il nous faudra être attentif au futur du Portugal.Il nous montrera à partir de quel moment les contra-dictions entre, d’un côté respect de règles budgétairesxées de manière irrationnelle et arbitraire par l’Europe,et d’un autre coté respect des engagements du pro-gramme commun de gauche, feront exploser le gouver-nement.

    S’il n’y a point d’explosion, ce qui est souhai-table, quels sont les engagements qui compteront leplus : ceux favorables aux créanciers et technocrateseuropéens, ou ceux favorables au peuple portugais ?

     

    CONCLUSION :  Après avoir connu des années de tournant libé-ral, les partis socialistes ont réagi de manière biendifférente dans les pays européens  : le Labour estredevenu pleinement de gauche, le SPD continue saligne centriste au prot de Die Linke en Allemagne, lePS grec a sombré, le PSOE n’arrive plus à gouvernerprenant le risque de se faire dépasser par Podemos,et le PS portugais voyant à gauche une possibilité degouverner en prote pour réafrmer une ligne socialistefavorable aux milieux modestes.

    Les gauches européennes, qu’elles soient en Es-pagne, en Angleterre, ou au Portugal, sont en tout pointdes modèles que nous devons étudier et penser: dyna-misme idéologique, explosion du nombre d’adhérents,

    conance des électeurs, etc. Le PS français semblebien seul à faire grise mine. La principale cohérenceentre les gauches européennes qui réussissent, c’estce qui nous manque : un programme de gauche, quireprend l’essence de notre combat. Mais accepter ceprogramme, c’est aller à contre courant du temps, c’estafrmer que le capitalisme libéral n’est pas l’horizonindépassable de la société, que l’on peut refuser destraités qui imposent l’austérité et le remboursement foude dettes dont le peuple n’a pas connaissance, et ennc’est reconnaître le clivage gauche/droite comme fonda-

    mental, à l’heure où certains nous pensent semblables.

    Nicolas Lescaut

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    ÉCOLOGIE - 11

    La COP21

    En décembre dernier, la 21ème Conférence des Nations unies sur le Climat ou COP21 a abouti à unaccord qui peut être qualié d’historique. Les 195 chef-fe-s d’État et de Gouvernement ont su se mettre d’accordsur un texte commun, qui reprend plusieurs points que la société civile et les associations avaient défendu. Maisdepuis, peu de choses semblent avoir changé.

      Les États se sont donnés un but et quelquesmoyens pour atteindre les objectifs xés. Ainsi, lacréation d’un Fonds vert pour le Climat permettraaux pays en développement de faire face à la tran-sition énergétique et aux conséquences du dérè-glement climatique qui les touchent. La transitionénergétique ne doit pas être un luxe que seuls lespays développés peuvent se permettre de mettre enœuvre. Elle est une source importante de perspec-tives en matière d’emplois, de développement éco-

    nomique et bien sûr écologique pour les pays en dé-veloppement. C’est pourquoi il est important que lespays développés respectent l’engagement de verserà compter de 2020, 100 milliards de dollars aux paysen développement par an pour s’adapter au change-ment climatique et l’atténuer.

      L’objectif   de contenir l’augmentation de latempérature à 2°C par rapport à l’ère préindustriellea été réafrmé. Le texte de l’accord va même plusloin : il stipule qu’il faut poursuivre « l’action menée

    pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C parrapport aux niveaux préindustriels ».  La prise deconscience  des risques que le réchauffement glo-bal fait subir aux populations, notamment celles desnombreux États insulaires, a contribué à l’aboutisse-ment de cet accord.

      L’impact négatif de l’activité anthropique surla planète, qui renforce le dérèglement climatique, estdésormais accepté et fait consensus parmi les Étatsmembres des Nations unies.

      Cependant, il subsiste des zones d’ombre dans le texte de l’accord. Rien ne garantit que les me-sures nécessaires pour arriver à l’objectif de contenirle réchauffement climatique à 1,5°C seront effective-ment mises en place par les parties signataires.

      Le nancement du Fonds vert n’est pasobligatoire pour les pays développés, et les cycles derévision de ce Fonds n’ont pas été clairement dénis,ce qui constitue une vraie menace pour sa mise enplace. Son entrée en vigueur sera dès lors liée aubon vouloir des gouvernements et au jeu des alter-nances politiques qui pourraient mettre en péril soncaractère pérenne indispensable.

      Par ailleurs, d’autres points sont encore à dé-fendre et ont été omis lors de cette conférence. C’estle cas notamment de la question des réfugié-e-s cli-matiques.

     Au regard du risque de hausse conséquentede leur nombre et des conditions de prise en chargecatastrophiques observées aujourd’hui, il est urgentde donner un statut juridique et une protection able àces personnes qui ne sont pas prises en compte par leHaut-Commissariat aux Réfugiés, chargé des réfugié-e-s politiques et apatrides.

      L’illustration la plus récente de la difculté dela mise en place des points de cet accord est la sus-pension du Plan Climat aux États-Unis. Engagé dèsaoût 2015 par Barack Obama, en amont de la COP21,il cherchait à remettre les États-Unis dans une pers-pective de transition énergétique. Le plan visait à ré-duire de 32 %, d’ici à 2030, les émissions de gaz à effetde serre liées à la production d’électricité, sur la basede celles enregistrées en 2005. L’accord de la COP21soulignait l’importance pour les parties signataires deréduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Cettedécision illustre malheureusement l’un des dangersd’un accord non contraignant pour les États. S’il n’y apas une réelle volonté de mettre en place les mesurespréconisées lors de la COP21, elles resteront lettremorte.

    Malgré ces bémols une conclusion s’impose :un accord inespéré a été conclu, maintenant toute labataille est de le faire appliquer. Lors de la Conférencede Paris-Le Bourget, la diplomatie française a su fairepreuve de volontarisme, peu de diplomatie dans le

    monde aurait réussi à atteindre cet objectif. Les asso-ciations n’ont pas été laissées sur le côté comme celaavait trop souvent pu être le cas par le passé. Cetteconférence ne se sera pas soldée par un énième échecet l’accord présente des éléments qui prouvent que laprise de conscience des enjeux de la lutte contre ledérèglement climatique est amorcée.

    Bien que nous regrettons le rejet des proposi-tions plus contraignantes comme une taxe sur les tran-sactions nancières pour nancer le Fonds vert, la vi-gilance reste de mise pour s’assurer de la réelle mise

    en place des différents points de l’accord. C’est au tourdes différentes parties de prendre leurs responsabilitéset de traduire en actes les termes de l’accord.

     Alice Renault

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    12 - LOGEMENT

    « Ne lâchons rien ! »

    Le 28 janvier dernier, la Fondation Abbé Pierre rendait publique son 21e Rapport annuel sur leMal-Logement. Cette journée de présentation organisée au Palais des Congrès à Porte Maillot était inti -ulée « Ne lâchons rien ». Les débats et surtout les enjeux soulevés par la Fondation notamment sur lesquestions d’inégalités, de santé publique, de mixité sociale et de droit au logement, montrent bien à quelpoint, contre les injustices, on ne peut laisser place à la résignation.

    Les chiffres ne cessent d’être alarmants.Le logement reète les inégalités croissantes

    en France et tout particulièrement pour les couchespopulaires. Ainsi, les ménages les plus pauvresconsacrent 55,9 % de leurs revenus au logement, soittrois plus que la moyenne (17,5 %). Le rapport dépeintune France « malade du mal-logement » puisque 15millions de personnes sont concernées par la crise du

    ogement dont 3,8 millions de personnes mal logées.De plus, il rappelle que le nombre de personnes sansdomicile a augmenté de 50 % entre 2001 et 2012 et at-teint le chiffre record de 141 500 personnes. Il constateégalement que près de 3 millions de personnes viventdans des conditions très difciles en France.

    Cette année, le rapport met en exerguees liens entre mal-logement et problèmes de santé sans-abrisme, maladies respiratoires et mentales,nsalubrité et précarité énergétique. La précarité et la

    pauvreté sont souvent source de mal-logement et parconséquent de non-recours aux soins.

    Le rapport consacre également un chapitre àa lutte contre la ségrégation urbaine en lien avec lesdiscussions sur le projet de loi « Égalité Citoyenneté ».

    Enn, ce 21e rapport dresse un bilan pessi-miste des politiques menées par l’Etat en matière deogement, que la Fondation Abbé Pierre impute à unbudget restreint et à un manque d’ambition politique.S’il constate des avancées comme la loi sur la transi-tion énergétique, le chèque-énergie ou le « Plan 40000 logements étudiants », il pointe du doigt une «politique de petits pas ».

    Il dénonce des reculs et cite notamment l’en-cadrement des loyers de la loi ALUR. Cette mesuredevait s’appliquer à 1200 communes de 28 agglomé-rations mais se retrouve nalement limitée à ce jour àa seule ville de Paris où elle montre déjà l’utilité de laoi. Le rapport revient également sur la Garantie uni-

    verselle des loyers (GUL), qui devait jouer le rôle de« sécurité sociale du logement » par son universalité,mais qui a été nalement abandonnée pour se limiterà des mesures très ciblées.

      Ce rapport ne doit pas être une énième bou-teille lancée à la mer. Concernant la jeunesse, lesorganisations de gauche doivent se saisir de cesquestions et mener campagne notamment pour quel’encadrement des loyers soit généralisée et que laCaution locative étudiante soit accessible à tous les

     jeunes. La bataille contre le plafonnement des APLdoit, quant à elle, perdurer.

    De plus, en tant que militant-e-s, il nous fau-dra être attentif au débat sur le Projet de loi « Éga-lité Citoyenneté ». Ce texte devrait intégrer un voletlogement ayant notamment pour objectif de favoriserla mixité sociale et d’assurer un meilleur pilotage del’attribution des logements sociaux. Depuis les der-nières élections municipales, les cas de discrimina-tions liées au logement se multiplient. Le Parquet deNanterre a d’ailleurs récemment ouvert une informa-tion judiciaire visant le FN pour discrimination. Celafait suite à une plainte de la Maison des Potes de

    mai 2014 contre les recommandations d’un guidedestiné aux élus FN et demandant la mise en placede la préférence nationale dans l’attribution des lo-gements sociaux, chose parfaitement illégale. C’estpour éviter ce genre de dérives que l’anonymisationdes demandes HLM, qui existe dans certaines villes,devrait être systématique. C’est une mesure de jus-tice sociale, d’égalité et qui agit concrètement contreles discriminations.

    Le combat contre les discriminations, la pau-

    vreté et le mal-logement est plus que jamais à l’ordredu jour, alors : “ne lâchons rien !”.

    Sandrine HEDEL

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     AGRICULTURE - 13

    « On vous nourrit, mais nous on crève ! »

    Le contexte : Depuis le 20 janvier 2016, les agriculteurs organisent desmanifestations et des blocus à travers le pays contre les

    cours très bas et les marges de la grande distribution. Lesexploitants supportent des coûts de production bien su-périeurs aux cours du marché agricole, et gagnent uneinrme partie du prix de leurs produits tels que la viandebovine et porcine ou le lait. Cela concerne tout particuliè-rement les petits exploitants qui subissent la pression descoopératives et du patronat incarné par la distribution.

    Le secteur agricole connaît de grandes difcultés et uneconcurrence exacerbée par la mondialisation. Au niveaueuropéen, l’embargo russe sur les produits agroalimen-taires venant de l’Europe a saturé le marché européen et a

    eu des conséquences pour les exploitants. Ainsi en France,le coup d’arrêt des exportations de viande de porc versla Russie a engendré une perte de 800 millions d’eurosen 18 mois. Le marché européen a donc trop de produitssur son marché, ce qui a fait chuter les cours. La Politiqueagricole commune européenne (PAC) était censée empê-cher la déstabilisation des marchés et assurer un niveaude vie équitable aux exploitants agricoles européens. Or,ces derniers sont soumis à une concurrence sévissant ausein de l’Union européenne, qui, par la recherche du coûtde production le plus faible, crée du dumping social  et

    précarise de plus en plus les agriculteurs et les éleveurs.C’est pourquoi, la PAC doit se doter d’outils contre ledumping social et fscal. 

    Enn, le paysage agricole a beaucoup évoluéces dernières décennies. Dans l’emploi, sur l’ensembledu marché du travail, les emplois agricoles sont passésde 31 % en 1955, à 8,8 % en 1981 pour chuter à 3,3 %aujourd’hui. Par manque de trésorerie, de plus en plusd’exploitants se voient contraints de quitter leur travail.Concernant les exploitations, en quelques dizaines d’an-nées, elles ont diminué de 50 %, tout particulièrement lespetites et moyennes fermes. Or, les grandes exploitationsont, quant à elles, accru ; donnant parfois naissance à desfermes-usines créant la colère des syndicats du secteur, ets’arrogeant les aides et les marges.

    Les revendications : La crise n’est pas nouvelle. Les exploitants agricoles dé-noncent une mise en concurrence entre producteurs eu-

    ropéens et une répartition injuste et déséquilibrée entreagriculteurs, transformateurs et grandes surfaces.Le  plan d’aide aux éleveurs de 700 millions d’euros aété complété de 125 millions d’euros pour répondre auxrevendications des agriculteurs. Cependant, cela n’a rienchangé à la situation puisque n 2015, seuls 180 millionsd’euros ont été versé sur les 700 prévus d’ici 2017 ; sanscompter que c’est la minorité des gros producteurs qui per-çoivent ces aides. Au delà du nancement du secteur agricole, c’est avanttout à la chute des prix que les exploitants s’attaquentainsi qu’aux marges de la grande distribution. Ils réclament

    à juste titre des revenus décents ici de leur travail.

    Les perspectives : Si des solutions peuvent être trouvées à l’échelle natio-nale, elles doivent être aussi européennes en luttant contrela concurrence des agriculteurs européens. Le ministre del’Agriculture a rencontré la Commission européenne mi-fé-vrier pour discuter de la crise agricole française et euro-péenne mais rien n’est résolu depuis.En France, Manuel Valls a promis la baisse de sept points

    des cotisations patronales, mais ce n’est pas la solution.Elle est à trouver  en luttant contre le dumping social eten instituant un prix sufsant des produits agricoles per-mettant aux exploitants de tirer un revenu décent de leurtravail. Enn, il est nécessaire de lutter contre les margesdes entreprises de la distribution et de la transformation,faites au détriment des agriculteurs. En effet, l’Etat doit lesempêcher, lors des négociations commerciales de 2016,que des baisses de prix soient acceptées surtout dans leslières en difculté, et doit durcir le cadre législatif.

    Conclusion : Les blocus et les manifestations des exploitants agricolesmontrent à quel point la crise agricole est profonde  etles acteurs du secteur dans une lutte acharnée, commel’a montré l’ouverture du Salon de l’Agriculture. Cette crisemontre également les limites du modèle agricole produc-tiviste et l’urgence à agir pour soutenir les petits ex-ploitants contre la concurrence exacerbée et la rechercheeffrénée du prot par les grandes enseignes.

    Moïse Ngassam

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    L’urgence sociale

    L’année 2015 s’est achevée difcilement, nousavons connu de terribles évènements suscitant la peuret l’envie de tout faire pour que ce qui s’est produit nonpas une fois mais à deux reprises, ne se reproduise plusamais. Chacun y est allé de son analyse sur la question,

    e repli sur soi et des solutions stigmatisantes ont été for-tement portées.

    Le gouvernement a déclaré l’Etat d’urgence, l’aprolongé pour trois mois et laisse entendre qu’il seraétendu plus longtemps. Le Président de la République avoulu se mettre en avant via des mesures autoritaires etexcluantes que sont l’Etat d’urgence et l’extension de ladéchéance de nationalité.

    Mais si ces grands éclats, plus proches du coupde communication que de la solution concrète, n’étaientpas ce dont a besoin la population ? Et si le problème se

    trouvait davantage dans la détresse sociale que connaîta France ? À force de stigmatiser les personnes en souf-france, de les mettre au banc de la société au lieu de lesntégrer, nous arrivons à des situations conictuelles.

    Ce débat de société cache la réalité sociale, lamontée du chômage, de la précarité et de l’instabilité de’emploi. Nous devons déclarer l’urgence sociale pourmieux la traiter.

    Jacques Toubon, Défenseur des droits, a publié il

    y a quelques semaines son rapport annuel d’activité dansequel il constate que beaucoup de services publics endirection des personnes précaires fonctionnent au ralentivoire pas du tout. Plus de la moitié des dossiers traitéspar le Défenseur des droits concerne des plaintes sur lescarences du service public, dont 45 % ont trait aux droitssociaux. Il y a un véritable manque de moyens dans cesservices publics. L’État peine à remplir son rôle et ne per-met pas de faire fonctionner comme il se doit notre sys-tème de solidarité et d’entraide envers ses citoyens.

    À cela s’ajoute une atmosphère ambiante de stig-matisation envers les plus démunis comme les dernièrespropositions de politiques le montrent. La majorité dedroite du Conseil départemental du Haut-Rhin veut condi-tionner le versement du Revenu de solidarité active (RSAsocle) à du bénévolat, ce qui se rapproche du travail for-cé. Cette mesure va à l’encontre du principe d’égalité, elleest inefcace en matière de réinsertion professionnelle etenn véhicule l’idée que les personnes touchant le RSAsont des “assistés”. Or, vivre avec 524 euros par mois estun véritable dé, une situation qu’on voudrait voir cesser.

    Depuis 2004, c’est au département qu’il revient leversement de cette allocation. Le nombre d’allocataires a

    augmenté de 24% depuis et la somme versée par l’Etatau département ne suft plus, il en revient au départe-ment de combler l’écart. En l’espèce, la décentralisationdes prérogatives de l’État est donc discutable et la rena-tionalisation du RSA est à envisager .

      Cette annonce scandaleuse a été suivi par l’évo-cation de Myriam El Khomri, ministre du Travail, derevenir sur le montant et la durée des allocations chô-mage. Avec cette proposition, le gouvernement suit ladroite dans l’idée que les personnes aidées par l’État se

    confortent dans leur situation, prote du système et qu’ilfaut les pousser à retravailler en réduisant leurs aides ;et s’éloigne de plus en plus du principe de solidarité etd’entraide, porté historiquement par la gauche.

    Dans un contexte de crise, les politiques austéri-taires ont montré leurs effets néfastes. Pour la résoudre,l’État doit répondre à l’urgence sociale en menant unepolitique volontariste de lutte contre les inégalités. Quandun gouvernement renie son camp social en utilisant lesmots de la droite, la réponse des progressistes doit être

    une bataille idéologique encore plus acharnée. Il nousfaut réafrmer notre attachement à l’action sociale, à lasolidarité et aux droits du travail lorsqu’ils renforcent lesprotections des salariés et des plus précaires.

    Pour lutter contre la précarité, certaines mesuresont été prises par le gouvernement depuis 2012 commeles emplois aidés et l’élargissement du service civique.Ces solutions ne sont toutefois que temporaires. Leservice civique offre une faible indemnisation à hauteurde 573 euros pour les jeunes entre 16 et 25 ans. C’esten effet une expérience permettant de mieux connaître

    le monde associatif et les différentes engagements quipeuvent exister, mais au vu de ces conditions, il neconcerne qu’une population plutôt aisée, ne nécessi-tant pas de cet argent pour vivre. L’emploi aidé prendsouvent la forme d’un contrat à durée déterminé et trèsrarement suivi d’un contrat à durée indéterminée.

      Il nous faut être plus ambitieux en la matièrepour résorber les inégalités en aidant les jeunes qui sontles plus touchés par la précarité. Il nous faut mettre enplace un véritable RSA pour les moins de 25 ans qui nesont pas des sous citoyens. Il faut également revaloriserles lières professionnelles, renforcer les formations derecherche d’emploi et automatiser les allocations chô-mages et le RSA. Le gouvernement se doit de répondreaux besoins des Français en renforçant les services etles aides existantes et non en les réduisant.

    Sophie Autissier 

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    SOCIÉTÉ - 15

    Le revenu universel : quésako ?

    Aujourd’hui, le revenu universel revient réguliè-ement dans le débat. Si on en parle autant, c’est parceue ce concept touche à plusieurs thématiques clefs : le

    ocial concernant la fusion d’une partie ou de toutes lesrestations sociales, mais aussi le travail, l’emploi, etmême notre modèle économique. Certains pays lancentmême des expérimentations ou vont procéder à desotes.

    Appelé au cours de l’Histoire et de nos jours,evenu de base, inconditionnel, d’existence ou encorellocation universelle, ces termes ne recouvrent pas for-ément les mêmes concepts mais tous permettent d’ali-

    menter le débat.

    Le revenu à vie :

    Il vise à socialiser les revenus. Le revenu à viest une grille de salaire qui suit l’individu tout au long de

    a vie. Par exemple, dans le modèle proposé par Ber-ard Friot, sociologue français et expert de la question,y resterait un semblant de SMIC soit l’échelon 1 du

    evenu à vie, gagné par tou-te-s même les personnesu chômage. En acquérant des qualications (expé-ences, diplômes,etc.), on évoluerait sur la grille sala-ale jusqu’à atteindre peut-être l’échelon 4 le plus grand

    orrespondant à quatre fois l’échelon 1. Ces qualica-ons seraient votées régulièrement par le Parlement. Lealaire serait versé par l’État, qui récolterait ceux desravailleurs auprès des entreprises, c’est ici qu’est laocialisation des revenus.

    Avec le revenu à vie, on est assuré d’avoir unertain salaire quand on travaille ou on occupe un em-loi. Il concerne davantage le marché du travail.

    Le revenu de base :

    Thomas Paine (1737 – 1809) a proposé uneotation inconditionnelle pour tou-te-s citoyen-ne-s ac-édant à l’âge adulte, avec une proposition de nance-

    ment (voir le prochain numéro).

    Le revenu de base est, quant à lui, incondition-el : chacun-e le perçoit parce qu’il-elle est citoyen-ne.

    C’est le même pour tou-te-s, même s’il peut coexistervec d’autres systèmes sociaux (le handicap, la famille,

    a maladie, etc.).

    Dans le cadre du revenu de base, travailler ouccuper un emploi permet de gagner plus d’argent. Iloncerne davantage notre système de protection so-iale.

    Le revenu universel :

      Historiquement, l’idée de revenu universel estsouvent attribué à Thomas More (1478 – 1535). On laretrouve dans son œuvre, Utopia , dans laquelle il décrit

    une société où « chaque père - mère de famille vientchercher tout ce dont il a besoin [au sénat] et l’emportesans paiement, sans compensation d’aucune sorte ».Voltaire (1694 – 1778) dans L’Homme aux quaranteécus, imagine la vie d’un homme vivant avec un « re-venu universel » de quarante écus, pauvrement, maisaffranchi du travail.

    Le revenu universel, tel que décrit jusqu’à pré-sent correspond à une fusion d’une partie ou de toutesles prestations sociales.

      Il est source de débats dans de très nombreuxlieux : chez les décroissants, mais aussi dans l’éco-nomie numérique, collaborative, et dans de nombreuxcercles d’économistes.

     À l’échelle internationale, la Finlande et les PaysBas vont tester le dispositif dès cette année. Le Brésilet la Namibie l’ont déjà mis en place. L’Alaska et l’Iran,quant à eux, redistribuent des revenus issus de l’extrac-tion du pétrole de leur sol. La Norvège, qui en extraitaussi sur son territoire, le place dans un immense fonds

    souverain (1,5% des actifs mondiaux réparties dans lecapital de 5500 entreprises), et ne se permet de « pio-cher » que dans les intérêts du fonds. La Suisse orga-nisera peut être un référendum d’initiative populaire àpropos de la mise en place d’un « Revenu de Base In-conditionnelle » (RBI).

    Conclusion :

     Après des années de croissance faible et de chô-mage de masse, les concepts économiques de crois-sance et de plein emploi commencent à être remis encause. Le revenu universel apparaît alors comme uneréponse à ces deux problèmes. Il pourrait permettre unevéritable simplication administratrive, vectrice d’efca-cité pour notre système de solidarité, et donc saine pourles nances de l’État.  Et si le premier grand pas de la République pourle XXIème siècle était l’assurance d’un revenu pourtou-te-s, leur permettant de se nourrir, de se loger, devivre ; émancipant les citoyen-ne-s de la contrainte desubordination liée au travail tel qu’il est majoritairementconçu aujourd’hui ? Poser le débat, c’est alors répondreà toutes les questions inhérentes : quel revenu ? quelles

    prestations concernées ? quel public et quelles condi-tions d’accès ? quel nancement ?

    Nous chercherons à poser ces questions au nu-méro prochain. 

    Maxime Munschy

  • 8/20/2019 Combat Socialiste n° 6

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    Bilan des élections régionales

      Les attentats de novembre ont été un élé-ment important des résultats de ces élections ré-gionales, et sont venus inuer les votes. Toutefois,

    comme prévu, ces élections n’ont pas soulevé lesfoules et l’abstention reste bien présente, mêmesi le second tour a connu une hausse de parti-cipation avec une forte mobilisation anti-FN. Cedernier étant arrivé en tête dans 6 régions sur 13lors du premier tour avec un taux de 27,7 % devote favorable.

    Et c’est probablement cela l’élément leplus signiant de ces élections. Le corps électoralglobal, 45 millions de personnes, est majoritaire-

    ment opposé à l’élection de candidats frontistes,et reste capable de se mobiliser au second tour sibesoin, de façon imprévisible. Mais il est agrantque le FN continue d’attirer de nouveaux électeursqui eux, se mobilisent lors des deux tours des dif-férentes élections, locales et nationales. 

    La cause de cela est simple et connue. Lespartis traditionnels éprouvent de plus en plus depeine à paraître crédible politiquement, paraissentéloignés des réalités quotidiennes de leurs élec-teurs, et n’arrivent pas toujours à présenter deréelles solutions aux problèmes économiques,ceux qui préoccupent le plus les Français. Le FN,aidé par une droite qui n’arrive pas réellement àse relever de sa défaite à la dernière présiden-tielle, n’a donc aucune difculté à incarner un rôled’alternance en période de crise. Son discoursnationaliste continue de séduire de plus en plusde chômeurs, précaires, agriculteurs, policiers…

     Alors oui, le FN n’a nalement la présidenced’aucune région et le PS a su réunir 25,2 % devotes exprimés au premier tour, avant de prendrela présidence de 5 régions, loin de la débâcle an-noncée. Mais loin de cibler le débat sur les inté-rêts régionaux, la campagne a priorisé la politiquenationale. Ici, cela était inévitable et nécessairedu fait des attentats. Mais cela est le cas pourchaque élection locale. Les mêmes thèmes sontremis en avant sans s’attaquer aux problèmes defond, sans étude des compétences des collectivi-

    tés concernées par les élections. C’est bien là leproblème de notre élite politique. Elle n’arrive pasà se moderniser et à se renouveler. Nos politiquessont désormais comme incapables d’innover.

      On a pu le constater avec ces élections ré-gionales marquées par la Loi NOTRe qui est venueréformer l’organisation des régions. Une réformedu millefeuille administratif et d’éclaircissement des

    compétences de chaque strate de collectivité étaitattendue et nécessaire. Les régions sont désormaisles collectivités phares en ce qui concerne le déve-loppement économique. Il sera d’ailleurs intéres-sant d’analyser la façon dont elles orienteront leurspartenariats avec les PME et ETI, et s’occuperontégalement de l’aménagement du territoire, de laformation professionnelle, de la gestion des lycéeset des transports. Parallèlement, les départementssont maintenus, mais s’ils gardent la gestion descollèges, ils gardent aussi ces gouffres nanciers

    que sont l’entretien des routes et l’action sociale.

      L’affaiblissement des départements et lerenforcement des régions voient apparaître de nou-veaux partenariats entre les collectivités. Il sera inté-ressant d’analyser les liens qui se noueront entre les12 métropoles actuelles et les régions, ou encorel’évolution des intercommunalités auxquelles lescommunes transfèrent l’essentiel de leurs compé-tences ; ou bien de voir si les départements arrive-ront à gérer leurs compétences sans les rogner, cequi semble déjà compromis. Par exemple, le Conseildépartemental des Pyrénées-Atlantiques a déjà sup-primé son soutien au RASED et aux CLIS (élèves endifcultés).

      Toutefois, cette réforme, Acte III de la décen-tralisation, n’a pas su restructurer en profondeur leséchelons administratifs, et l’on parle déjà de l’ActeIV. En effet, cette réforme a occulté le réel problème

    des collectivités territoriales, celui que rencontrel’ensemble des élus : la diminution continue desdotations budgétaires. L’urgence de la situation esttelle que l’Etat devra rapidement leur attribuer desdotations correspondant aux compétences qu’il leurtransmet, sous peine de voir ces mêmes collectivi-tés sacrier certaines de leurs compétences.

    Franck Delcroix