"les naufragés" de declerck, fiché par catherine

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Patrick Declerk, né le 18 novembre 1953 à Bruxelles, fit des études de philosophie aux Etats-Unis, au Canada et à la Sorbonne puis réalisa un doctorat en anthropologie à l’école des hautes études sur la question des clochards. Psychanalyste, membre affilié de la Société Psychanalytique de Paris, et ethnologue, il est l’auteur de divers ouvrages sociaux sur les thèmes qu’il affectionne comme la désocialisation, l’errance et l’alcoolisme. En 2005, il écrivit un pamphlet qu’il nomme « le sang nouveau est arrivé », et parallèlement à ses œuvres anthropologiques, Patrick Declerck est l'auteur de différents textes littéraires (« Socrate dans la nuit », un roman qualifié de métaphysique) et de nouvelles (« Garanti sans moraline », 2004). C’est en 2001 qu’il a fait éditer « Les naufragés, Avec les clochards de paris », aux éditions Plon dans la collection Terre Humaine dirigée par Jean Malaurie. Cet essai sur le thème de la clochardisation a reçu le prix France Télévisions des Essais en 2002. Patrick Declerck s’intéressa plus de quinze ans aux clochards de Paris, tout d’abord en tant qu’ethnologue assistant de recherche à la Maison des sciences de l’homme de 1982 à 1985. Puis de 1986 à 1987 il fût psychanalyste à la Mission France de Médecins du monde, où il a crée en avril 1986 la première consultation d’écoute qui était exclusivement réservée aux « clochards » comme il dit « parce qu’il faut bien leur donner un nom ». Et de 1988 à 1997, il était consultant au Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (le CASH), établissement spécialisé dans l’accompagnement de ce public. Dans cette œuvre, il nous fait part de la vie de ces exclus, qu’il a côtoyé dans la rue, dans les gares, dans les centres d’hébergement, et au Samu social. « Selon lui Durkheim, Mauss et d’autres sont passés à cotés de ces populations et des questions qu’elles soulèvent. Comme s’il s’était agi là de phénomènes indignes d’investigation scientifique. » (p.14) Page 1 sur 8

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"Les naufragés" de DECLERCK, fiché par Catherine

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Patrick Declerk, né le 18 novembre 1953 à Bruxelles, fit des études de philosophie aux Etats-Unis, au Canada et à la Sorbonne puis réalisa un doctorat en anthropologie à l’école des hautes études sur la question des clochards. Psychanalyste, membre affilié de la Société Psychanalytique de Paris, et ethnologue, il est l’auteur de divers ouvrages sociaux sur les thèmes qu’il affectionne comme la désocialisation, l’errance et l’alcoolisme.

En 2005, il écrivit un pamphlet qu’il nomme « le sang nouveau est arrivé », et parallèlement à ses œuvres anthropologiques, Patrick Declerck est l'auteur de différents textes littéraires (« Socrate dans la nuit », un roman qualifié de métaphysique) et de nouvelles (« Garanti sans moraline », 2004).

C’est en 2001 qu’il a fait éditer « Les naufragés, Avec les clochards de paris », aux éditions Plon dans la collection Terre Humaine dirigée par Jean Malaurie. Cet essai sur le thème de la clochardisation a reçu le prix France Télévisions des Essais en 2002.

Patrick Declerck s’intéressa plus de quinze ans aux clochards de Paris, tout d’abord en tant qu’ethnologue assistant de recherche à la Maison des sciences de l’homme de 1982 à 1985. Puis de 1986 à 1987 il fût psychanalyste à la Mission France de Médecins du monde, où il a crée en avril 1986 la première consultation d’écoute qui était exclusivement réservée aux « clochards » comme il dit « parce qu’il faut bien leur donner un nom ». Et de 1988 à 1997, il était consultant au Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (le CASH), établissement spécialisé dans l’accompagnement de ce public.

Dans cette œuvre, il nous fait part de la vie de ces exclus, qu’il a côtoyé dans la rue, dans les gares, dans les centres d’hébergement, et au Samu social. « Selon lui Durkheim, Mauss et d’autres sont passés à cotés de ces populations et des questions qu’elles soulèvent. Comme s’il s’était agi là de phénomènes indignes d’investigation scientifique. » (p.14)

Ce livre de 450 pages environ, est composé de deux parties, la première est intitulée « Routes » dans laquelle il tente de nous faire connaître le monde des clochards, et la seconde nommée « cartes » où il essaie de penser le monde de ces derniers. (page 17)

Ce livre qu’il a mis bien trop longtemps à écrire (page 14) est illustré de dessins qu’il a lui-même réalisé, de notes prises au cours d’entretien qu’il a pu faire ou assister, de récits de vie, des confessions ou des témoignages de certains « naufragés » qu’il a rencontré lors de ces enquêtes.

Il y fait beaucoup de références philosophiques, notamment Nietzsche qui se trouve plusieurs fois cités et aussi Platon, Montaigne, mais aussi picturales comme le tableau « Le cri » de Edvard Munch et « L’Homme de douleur » de James Ensor.

Le choix de lire cet ouvrage est venu à la suite d’une rencontre avec ancien SDF lors d’une visite à l’Armée Du salut. Son témoignage m’a beaucoup touché, j’ai

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eu envie d’en savoir un peu plus sur la « vie » des sans abris, de tenter de comprendre les raisons de cette exclusion sociale.

Dans une première partie je vais rapporter comment explique l’auteur ce phénomène de désocialisation, comment peut-on devenir clochard, et qui ils sont. Puis dans une deuxième partie je relaterai les mises en œuvre de la société pour tenter de réinsérer ces populations « déviantes » et les limites qu’elles ont selon Patrick Declerck.

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Dans la première partie du livre, l’auteur nous emmène au sein même de la rue, "la vie dans la rue ? On mendie. On boit ; On s’engueule. On se calme. On reboit. On dort. On recommence. Par-dessus tout on s’ennuie. » (p. 27).Il s’interroge sur qui sont ces exclus ivres, combien sont ils? Il nous décrit comment les clochards vivent au quotidien et nous explique le déroulement du ramassage des sans abris. Pour se rendre compte de l’intérieur de ce qu’il s’y passe vraiment, il s’est fait ramassé incognito avec les clochards par la police avec lesquels, il a été conduit au centre à Nanterre pour y passer la nuit (page 44). Declerck nous raconte avec précision toutes ces expériences qu’il a vécues avec les clochards de Paris sans omettre les odeurs dégoutantes qu’il a pu sentir et partager avec eux !

Il explique que d’une manière général les clochards arrêtent de mendier quand ils ont assez d’argent pour acheter suffisamment d’alcool.

La vie dans la rue est une quête journalière pour s’approvisionner en alcool, manger un peu et trouver un lieu où dormir. C’est un perpétuellement recommencement.

Selon lui l’alcoolisme est une des raisons de la clochardisation (p.27). Mais pas seulement, d’après plusieurs récits de vie qu’il a pu nous rapporter, on s’aperçoit que la plupart de ces exclus ont un passé assez lourd. Il nous parle d’inceste, de la perte d’un parent, l’exclusion du logement suite aux impayés de loyer accumulés par les parents. Par conséquent, l’auteur pense qu’un événement survenu durant l’enfance, est lié à cette fracture. Mais il rajoute que c’est au moment d’un autre drame, ou autre bouleversement qui surgirait dans la vie de l’adulte, que la vie de la personne basculerait. Comme la séparation, la perte de l’emploi, le décès d’un proche

Dans la seconde partie du livre l’auteur relate de son expérience en tant que soignant, consultant psychiatrique. Il nous explique que l’existence des clochards n’est pas la seule conséquence de l’exclusion et de la pauvreté. Pour lui les problèmes psychiatriques sont souvent facteur d’une clochardisation. Il nous rapporte que selon l’INSEE l’estimation de personnes vivant avec les minimas sociaux est de l’ordre six millions. Or le nombre de clochards ne dépasse pas la centaine de milliers.

Il s’attache à une étude plus psychique de l’individu. Il met en évidence le refus de ces exclus à se faire soigner. Il pense que la clochardisation est un suicide de longue haleine.

Pour lui ce phénomène de désocialisation est une conséquence de plusieurs facteurs. Il parle d’un processus à l’étiologie multifactorielle où se mêlent les effets des exclusions économiques, sociales, familiales et culturelles. Celui-ci étant en plus accentué par les problèmes individuels liés à l’addiction de l’alcool et des drogues.

Les expériences de l’auteur en tant qu’ethnologue dans un premier temps puis en tant que consultant par la suite, nous amènent sur la façon dont ces exclus sont accueillis dans notre société.

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Il nous rappelle qu’avant la réforme du code pénal en 1992 le vagabondage était un délit. Les clochards se faisaient ramasser par la Brigade d’Assistance aux Personnes Sans Abris (BAPSA) et amenés dans des bus au Centre d’Hébergement et d’Assistance aux Personnes Sans Abri (CHAPSA). Cela montre que la société refuse de croire en l’existence d’une telle population en marge de la société.

Afin de se rendre compte du déroulement de cette opération, Patrick Declerck s’est mis à la place d’un sans abri et s’est infiltré incognito dans un ramassage effectué une nuit d’hiver en 1985. A la montée dans le bus le brigadier, relevait les noms, dates et lieux de naissance de chaque personne qu’ils emmenaient. Cette démarche n’avait aucun sens car pour beaucoup d’entre eux, la fourniture de papiers était impossible. L’auteur met l’accent sur le paradoxe entre les consignes données par les instances et le fait de ne pouvoir contrôler les informations sur l’identité de ces derniers. (page 48)

L’auteur nous fait remarquer lors de cette expérience qu’il a pu constater la malhonnêteté des surveillants voir même leur brutalité, la grossièreté et le non respect envers ces « clodo ». (p 53). Il nous explique les conditions et le cadre dans lesquels ils ont été accueillis. Ils sont semblables à ceux d’une prison.

L’auteur a bien tenté de rapporter son expérience au près du chef de cabinet du préfet de police dont la maison de Nanterre dépendait. Ce dernier a voulu en croire peu de mots, et à nier la possibilité que certaines pratiques pouvaient exister. Notamment celle des femmes présentes dans le dortoir des hommes et allant de lit en lit. Ce témoignage n’a eu aucune répercussion pour d’éventuels changements. (page 61)

L’auteur nous informe que malgré l’abolition du délit de vagabondage en 1992, le ramassage censé devenu sur la base du volontariat ne l’est qu’en théorie. Car comme il le fait remarqué, de voir un homme ivre sur la chaussée à moitié conscient rend difficile de lui faire la proposition. Ici l’auteur nous amène à se pencher sur la question sur la non assistance à personne en danger et fait la réflexion sur l’ignorance des clochards, au vu de leur état d’ébriété, sur leur droit de refuser de se faire ramasser. Aussi il reproche le quasi non changement du déroulement des pratiques. Des actes de violence persistent malgré tout et la hiérarchie n’en fait pas état et se refuse de rentrer en conflit avec le personnel. Aussi l’apparition d’arrêtés municipaux interdisant la mendicité dans les centres villes fait reculer l’avancé faite avec la réforme du code pénal.

Une évolution de l’accueil des SDF (Sans Domicile Fixe) s’est faite suite à la réhabilitation du CHAPSA et d’autres centres d’hébergement spécialisés pour ce public en 2000, dont la décision avait été prise en 1996.

L’institution ne force plus les personnes à se doucher mais le fait d’avoir séparé les dortoirs communs en plusieurs chambres, qui se ferment à clé de l’intérieur, met l’accent sur l’insécurité qu’il peut y régner, renforcé par la négligence des surveillants.

Avec la création du RMI (Revenus Minimum d’Insertion) l’auteur dénonce plusieurs choses. La première est celle de l’âge, pour pouvoir percevoir cette prestation, il faut avoir au moins vingt cinq ans et pour lui cela contribue à mettre les

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jeunes, en grande nécessité, dans la rue. La seconde montre que les justifications pour être bénéficiaire du RMI est limité à la preuve d’une démarche d’insertion mais qui est pour ce public limité au simple fait de se présenter pour la toucher. Il veut mettre en évidence que cet argent perçu contribue à l’approvisionnement d’alcool. Et il pose la question du rôle d’insertion qu’à cette action, pour ces exclus. (page 323-327).

Patrick Declerk met en évidence aussi toutes les actions menées pour les soins limitées par le manque de moyens que dispose les structures, un suivi réel de ces patients ne peut être fait.

Il nous fait part de la mise en place d’hébergement plus ou moins long dont la durée peut aller de six mois à un an par renouvellement. Cette disposition n’est pas sans contraintes, la personne accueillie doit s’engager à respecter un certain nombre de règles. Comme par exemple suivre une cure de désintoxication, adhérer à une démarche pour se réinsérer professionnellement. L’auteur met l’accent sur ces invraisemblables contrats thérapeutiques et dénonce le caractère illusoire de leur application. Des personnes qui sont reclus pourraient guérir comme par magie, et contrôler, pendant toute la durée de leur hébergement, les manifestations des symptômes pathologiques dont ils pourraient souffrir. Il rappelle l’effet anxiolytique que produit l’alcool sur ces personnes. Le manque met les accoutumés en état de crise, et du fait de leur réaction mettent en défaut le fait de pouvoir continuer à être hébergés. On leur demande de ne plus être ivre et de faire des démarches de recherche d’emploi, de formation. On veut leur faire adhérer à une normalité pendant six mois et à la suite de ces efforts cette normalité devrait apparaître une évidence. (page 335 à 339)

Pour conclure cette dernière partie l’auteur met en évidence le décalage entre les services apportés et les réels besoins de ces populations. Il nous rappelle aussi les limites du temps d’action en précisant que les centres d’hébergements sont plus nombreux de novembre à mars. Au-delà de ces périodes de froid la question des SDF n’est pas soulevée.

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Dans cet ouvrage Patrick Declerck, a voulu nous faire réfléchir sur la place qu’occupaient les clochards dans notre société. Il nous s’interroge sur les pratiques de l’accompagnement de ce public nécessitant plus spécifique. Aussi, on remarque une quasi lassitude des travailleurs sociaux. Ils en acceptent le comportement de ces personnes démunies, on sent une certaine fatalité.

Il dénonce le fait que la société, les instances étatiques ne jurent que par le travail pour résoudre le problème de la désocialisation.

Pour ma part, je pense que le problème de fonds réside dans le fait que ces personnes n’ont plus la volonté de continuer à vivre. Comment obliger ses personnes qui ne souhaitent pas vivre, à travailler ? L’auteur souligne le caractère presque impossible d’aider ces personnes à se réinsérer comme il dit : « Je pense en avoir en avoir soulagé plusieurs. Je sais n’en avoir guéri aucun. ». (page 12).

J’ai trouvé très éprouvant la lecture de certains passages, pour ne pas dire beaucoup, les descriptions m’ont donnés des nausées. Un moment donné j’ai trouvé presque limite certaine réflexion ou comparaison faite par rapport à la défection humaine. Aussi j’ai eu l’impression d’une perte de repère de l’auteur. A un moment, on pense qu’il perd pied, on dirait qu’il coule.

Dans ce livre l’auteur met aussi l’accent sur la question de la dignité, il la met à l’épreuve dans la façon dont est pris en charge l’exclus mais aussi quand il raconte la vie de ces derniers dans la rue. Mais le moment le plus mis le plus à mal la dignité se trouve dans l’épilogue, quand il fait référence à la tombe de « Horn, mort né » où il est dans le cimetière « des innocents » comme il dit.

La lecture de cet œuvre m’a conforté sur mon choix de vouloir travailler dans le social. Je pense qu’il y a beaucoup à y faire. Le public de ce livre me touche plus particulièrement et mon choix de me tourner vers les métiers de l’urgence sociale en est plus fort.

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