les multiples d'or de magence découverts à emona

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Aleksander Jelonik Les multiples d'or de Magence découverts à Emona In: Revue numismatique, 6e série - Tome 9, année 1967 pp. 209-235. Citer ce document / Cite this document : Jeločnik Aleksander. Les multiples d'or de Magence découverts à Emona. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 9, année 1967 pp. 209-235. doi : 10.3406/numi.1967.949 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_1967_num_6_9_949

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Page 1: Les multiples d'or de Magence découverts à Emona

Aleksander Jelonik

Les multiples d'or de Magence découverts à EmonaIn: Revue numismatique, 6e série - Tome 9, année 1967 pp. 209-235.

Citer ce document / Cite this document :

Jeločnik Aleksander. Les multiples d'or de Magence découverts à Emona. In: Revue numismatique, 6e série - Tome 9, année1967 pp. 209-235.

doi : 10.3406/numi.1967.949

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/numi_0484-8942_1967_num_6_9_949

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Aleksander JELOČNIK

LES MULTIPLES D'OR DE MAGNENCE DÉCOUVERTS A EMONA

(PL XXXV -XXXV II)

Le trésor de multiples d'or de Magnence, objet de la présente étude, fut découvert à Ljubljana le 18 août 1956. Pour creuser les fondations d'un immeuble, 12, rue Igriška, on se servit d'une pelle mécanique et on enleva les déblais dans des camions qui les déchargèrent dans les cailloutières du faubourg de Šiška, entre les nos 19 et 20 des immeubles de Litostroj1. Après la troisième décharge, un des ouvriers trouva dans le tas de décombres une pièce d'or. La nouvelle s'étant répandue au chantier, on se mit à fouiller le tas avec zèle et d'autres pièces furent mises au jour. Le contremaître eut soin d'en aviser la direction du Musée National qui, de son côté, avertit l'archéologue présent. Au contremaître qui demandait s'il fallait suspendre les travaux, celui-ci répondit que, comme c'était samedi, on ferait mieux de garder les pièces trouvées jusqu'au lundi suivant. Ce jour-là, personne ne s'étant présenté au chantier, le contremaître, en quête d'un expert, envoya sa femme au Musée National d'où on la dirigea au Musée Municipal. Le lendemain, le directeur de ce musée visita le chantier en compagnie de l'archéologue du Musée National. A cette occasion, les ouvriers livrèrent au directeur trois pièces d'or contre une légère rétribution. Une rétribution semblable, couvrant à peine un tiers de la valeur du métal, fut payé par le même musée pour trois autres pièces d'or avec lesquelles les ouvriers se présentèrent au guichet de la Banque Nationale. Là, elles furent retenues par

1. La pelle mécanique a également détruit les restes d'une architecture antique dont, malheureusement, il n'y a rien à dire. La profondeur supposée de la cachette serait à peu près à un mètre et demi sous le niveau actuel.

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M. Milan Šporn, directeur du trésor, qui assura aux ouvriers une rémunération convenable de la part du musée compétent1. Quelques jours après, l'archéologue vint sur le chantier en compagnie d'un agent de police ; les interrogatoires qui suivirent et la rétribution peu encourageante finirent, selon l'opinion du contremaître, par dissuader les ouvriers de déclarer d'autres pièces.

Sur ces entrefaites, la direction du Musée National rappela le chef du Cabinet numismatique, alors en congé. Par ses encouragements et moyennant une rétribution plus élevée, celui-ci réussit à acquérir un autre solidus triple ; quant à une seconde pièce, déjà déclarée — un solidus double probablement — on prétendit qu'elle était égarée. Mais l'affaire était perdue et il était presque impossible de prendre des mesures efficaces. L'intervention même de la police, appelée en renfort, fut peu énergique et par suite sans résultat.

Pendant ce temps, le matériel de cette unique trouvaille était déjà acheminé sur une voie sans retour. Selon toute apparence, il a été racheté aux ouvriers, pour une somme modeste, par un artisan du voisinage et vendu à prix double à Trieste, d'où il a dû s'éparpiller dans le monde.

Se rendant compte de la mutilation déplorable du trésor représenté par sept spécimens, déposés au Cabinet numismatique, il n'était pas facile de se décider à en publier les restes ; d'autant plus qu'il était manifeste que du trésor entier il ne nous restait qu'un tiers au plus, le nombre de toutes les pièces trouvées ayant été évalué par le contremaître à 22. Avec la conviction que tôt ou tard d'autres pièces du trésor allaient apparaître, cela valait la peine de patienter encore. Entre-temps, nous nous sommes adressés aux uns et aux autres, sollicitant leur aide pour reconstituer le trésor2. Le premier moulage d'un nouveau solidus triple de Magnence nous est parvenu de Londres et peu après la pièce originale est apparue dans une vente de Bale (cat. n° 2). De Paris, nous avons reçu des photocopies du spécimen vendu plus tard à la vente de Lucerne (cat. n° 5). Un solidus triple prit le chemin des collections du Musée National Romain (cat. n° 13). Le reste

1. M. le Directeur Šporn fut le seul, dans les circonstances données, à prendre des mesures convenables et c'est pourquoi il mérite notre entière reconnaissance.

2. Pour le précieux concours qui nous a été prfte dans la reconstitution de la trouvaille, nous nous sentons particulièrement obligé envers MM. Dr P. Bruun de Rome, Dr H. A. Cahn de Bâle, Dr R. A. G. Carson de Londres, Prof. J. Lafaurie de Paris, Dr L. Mildenberg de Zurich, Dr F. Panvini-Rosati de Rome, Dr E. Pegan de Ljubljana, Dr A. et E. Santamaria de Rome et Miss J. Fagerlie de New York.

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du matériel est dispersé dans des collections privées. De cette source nous avons réussi à reconnaître trois autres solidi multiples provenant de la même trouvaille (cat. n08 4, 8, 10). De cette manière le nombre des pièces se trouvait presque doublé ; pour pouvoir saisir la trouvaille dans sa totalité, il nous resterait encore une dizaine de spécimens à repérer.

Quant à sa composition, la trouvaille d'Emona est extrêmement homogène car, sur treize multiples d'or avérés, il y en a douze de Magnence. Selon toute évidence, le trésor était en terre depuis l'époque de Magnence, son enfouissement ayant été la conséquence d'une des nombreuses péripéties fatales de son règne. Avant de dresser le catalogue de la trouvaille et de passer à l'examen du trésor sous ses différents aspects numismatiques et historiques, il conviendrait peut-être de nous remettre en mémoire — à titre d'introduction — les événements les plus importants de l'époque de Magnence1. Plus loin, nous tâcherons d'analyser plus en détail les éléments historiques touchant de près les différents aspects de la trouvaille et du matériel qu'elle contient.

Aperçu historique

A Autun, le 18 janvier 350, un groupe de conjurés avec, à sa tête, le comes rei privatae Marcellinus, proclame empereur Magnence, haut officier de souche barbare. L'empereur d'Occident, Constant, haï de tous, est contraint de fuir ; dans les Pyrénées, il est rejoint par une troupe de l'armée de Magnence et mis à mort. Pendant ce temps, Magnence occupe la résidence impériale de Trêves, et bientôt la Gaule, la Bretagne et l'Espagne sont acquises à sa cause. Fin février 350, l'Italie entière aussi est aux mains de Magnence qui s'y rend lui-même, se hâtant de gagner Aquilée, tremplin naturel pour l'avance vers la Pannonie. Le moment était favorable puisque Constance II, resté seul empereur légal, était engagé dans la campagne contre les Perses. Mais une nouvelle usurpation, survenue en Illyrie, barra le chemin aux projets grandioses de Magnence. En effet, le 1er mars 350, l'armée ď Illyrie proclame empereur le magister peditum Vetranio. S'attendant à son

1. Un excellent rappel historique du règne de Magnence, accompagné d'un appareil scientifique tout à fait moderne et éclairé par les résultats importants d'analyse du matériel numismatique, nous est donné par le Dr P. Bastien dans le chapitre d'introduction à sa monographie Le Monnayage de Magnence 350-353 (1964), 7-25.

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alliance et à une action commune contre Constance II, Magnence le reconnaît et tâche en même temps d'obtenir de Constance II la corégence en Occident. Mais en vain. Déjà à la première ambassade envoyée par Magnence en Asie, au printemps 350, Constance refuse de négocier. Mais de nouvelles surprises attendent Magnence. Sa situation est sérieusement compromise par une nouvelle usurpation, à Rome cette fois, où Népotien vient de se proclamer empereur au début de juin 350. Mais Magnence maîtrise la situation et au bout du même mois la sédition est déjà étouffée. Immédiatement après, Magnence se donne pour corégent son frère Décence. Le nouveau César aura pour tâche de protéger les arrières de Magnence, pendant ses actions en Illyrie. La rupture avec Constance II est manifeste, mais cela n'empêche pas Magnence de lui envoyer une nouvelle ambassade pour tenter une fois de plus d'obtenir de lui la reconnaissance, mais en vain.

Ce n'est qu'après avoir sauvé la ville de Nisibe en Mésopotamie, assiégée pour la troisième fois par les Perses, que Constance II eut les mains libres pour intervenir dans les affaires urgentes de la partie occidentale de l'Empire. La seconde ambassade de Magnence le rencontre à Héraclée, avançant lentement vers l'ouest. Arrivé à Serdica, Vetranio vient à sa rencontre et l'accompagne jusqu'à Naissus où, le 25 décembre 350, il se rend à lui avec toute son armée. Constance II, bien qu'à la tête des deux armées réunies, ne se décide pas pour une campagne immédiate contre Magnence. Profitant de l'hiver qui empêche les opérations militaires de grande envergure, il emploie son temps à consolider sa situation en Mésie et en Pannonie et à réorganiser son armée. Le 15 mars 351, il proclame César son neveu Gallus en l'envoyant à Antioche. De cette manière lui aussi tente de protéger ses arrières dans la guerre imminente avec Magnence. Il déclenche l'offensive en été 351 en avançant à travers la Pannonie vers Émona. Mais à Trojane (Atrans), ses avant-postes tombent dans une embuscade et Constance II qui, selon toute apparence, aurait essuyé une sérieuse défaite, se voit contraint de se retirer et de se fortifier à Cibalae. Magnence, avançant derrière lui, occupe Siscia en août 351 d'où, par une manœuvre d'encerclement, il pousse jusqu'à Sirmium dont il tente vainement de s'emparer. Il retourne vers Mursa qu'il assiège en vain, elle aussi. L'armée de Constance se hâte au secours de la ville et le 28 septembre 351 une violente bataille s'engage dans la plaine de Mursa, sur la rive droite de la Drave. La victoire finale échoit à

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Constance, bien que son armée aussi ait souffert de graves pertes. C'est peut-être pour cette raison-ci qu'il ne profitera pas de son avantage et qu'il laissera Magnence se replier sur Aquilée avec les restes de son armée.

S'attardant dans la Pannonie jusqu'à l'été suivant, Constance II ne se décide qu'en août 352 à une nouvelle offensive. Dans une marche accélérée il occupe Hrušica (Ad Pirum) et pénètre à Aquilée que Magnence, surpris, abandonne. Contraint de se retirer en Gaule, il est néanmoins décidé à continuer la lutte à tout prix. De Milan, Constance II prépare sa dernière offensive et franchit les Alpes en juillet 353. Dans la bataille livrée près de Mons Seleuci, Magnence est définitivement battu. Il se retire à Lyon où il se suicide, le 10 avril 353 ; quelques jours plus tard Décence, lui aussi, se donne la mort.

CATALOGUE

Dans le catalogue, les spécimens de la trouvaille sont décrits dans l'ordre chronologique. Suivent les données concernant le poids, la position des coins et la provenance avec les références1.

Constant2

Thessalonique Émission pour les décennales 342/343.

1. D N CONSTANS MAX AVGVSTVS Buste de front, cuirassé, avec paludamenium dont le pan est jeté sur le bras gauche ; sur l'épaule

1. P. Bastien, Le Monnayage de Magnence (1964) ; F. Gnecchi, I Medaglioni Romani I (1912) ; H. Cohen, Description historique des Monnaies frappées sous VEmpire Romain, VIII (1892).

2. Ce n'est que quelques mois après la découverte du trésor d'Emona que le Musée National de Belgrade réussit à acquérir un solidus double de Gallus que, faute de certitude, nous n'avons pas inséré dans l'inventaire de la trouvaille. En faveur de son appartenance au trésor d'Emona parlent d'ailleurs la date de l'acquisition et la circonstance que, selon une déclaration de feu le Dr Marié, la pièce d'or en question fut vendue par un ouvrier Slovène. Le solidus double de Gallus fut frappé à une date postérieure au 15 mars 351 et serait parmi les pièces les plus récentes de la trouvaille. Ce serait quand même un peu surprenant, vu la distance de l'atelier d'Antioche d'où il provient. La trouvaille de monnaies de cuivre d'Emona (voir plus bas, p. 229 et la note 8), qui date de la même époque, contient d'ailleurs aussi une maiorina de Gallus (LRBC, n° 1189), mais frappée à l'atelier de Siscia. Le solidus double de Belgrade montre à l'avers le buste du César nu-tête à gauche, cuirassé avec paludamenium et la légende D N CONSTANT! VS NOB CAES, tandis qu'au revers sont représentées les figures assises de Rome et de Constantinople (type Cohen 31) avec la légende GLORIA R OMANORVM ; à l'exergue SMANT ; 8,97 g. Publié par R. Maric, Iz numizmatičke zbirke Narodnog muzeja II (1958/59), 195, 196 et pi. IX.

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droite est posé le balteus attaché par une fibule en forme de rosette ; sur la poitrine, les vêtements sont attachés par une fibule plus mince. La main gauche soutient le globe, le bras droit est levé en salutation. La tête, ornée de diadème à rosettes, est tournée à gauche.

VICTORIAE DD NN AVGG Deux Victoires ailées debout, tournées l'une contre l'autre, tenant une couronne qui porte l'inscription :

VOTIS X

MVLTIS

XXA l'exergue : TES Solidus triple, 13,44 g | Ljubljana, pi. XXXV, 1. Gnecchi -, Cohen -

Magnence

Aquilée, marque monétaire : SMAQ. Première émission, mars 350. 2. IMP CAES MAG NENTIVS AVG Buste cuirassé avec paludamenlum,

à droite. Tête nue. LIBERATOR* RE hPVBLICAE Magnence nimbé, vêtu d'un manteau

flottant derrière lui, monte un étalon en harnais de parade, à droite. Une femme — personnification d'Aquilée — couronne tourelée sur la tête, vient à sa rencontre s'inclinant dans une révérence. De sa main gauche elle tient une corne d'abondance en retenant des deux mains le pan de son velum soulevé par sa marche rapide. Solidus triple, 13,46 g f Vente de Bâle XIX (1959) n° 270,

pi. XXXV, 2. Bastien 302, Gnecchi 1, Cohen 26.

3. Même coin de droit. Revers : mêmes type et légende. Magnence monte une jument, le velum

d'Aquilée se lève au-dessus de la corne d'abondance. Les figures sont plus petites. Solidus triple, 13,45 g f New York, pi. XXXV, 3.

4. Mêmes coins de droit et de revers. Solidus triple, coll. privée.

5. Même coin de droit. Revers : mêmes type et légende. Magnence monte un étalon.

Solidus triple, 13,52 g \ Vente Leu-Hess, Lucerne (23 mars 1961 ) n°434 (coll. ESR), pi. XXXV, 4.

6. Avers : mêmes type et légende. Même coin de revers.

Solidus triple, 13,35 g f Ljubljana, pi. XXXVI, 1. 7. Mêmes coins de droit et de revers.

Solidus triple, 13,45 g f Ljubljana.

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8. Mêmes coins de droit et de revers. Solidus triple, 13,35 g Coll. privée.

9. IMP CAES MAG NENTIVS AVG Buste cuirassé avec paludamentum, à droite.

VIRTVS AVGVS TI NOSTRI Magnence, marchant en tenue militaire à droite et tournant la tête. De sa main gauche il tient un bouclier et une haste tournée vers le sol ; de sa main droite il traîne par les cheveux un prisonnier barbu aux mains liées. Solidus double, 9,06 g ф Ljubljana, pi. XXXVI, 2. Bastien 303, Gnecchi -, Cohen -.

Deuxième émission, début 351. 10. D N MAG MAGNE NTIVS P F AVG Buste en habit consulaire

à droite. Tête nue. LIBERATOR <REI 4 PVBLICAE Même type que sur les solidi triples

précédents ; Magnence monte un étalon ; figures plus petites. Solidus triple, 13,43 g / Coll. privée, pi. XXXVI, 3. Bastien -, Gnecchi -, Cohen -.

11. D N MAGNEN TIVS P F AVG Buste en habit consulaire à droite. Tête nue.

VIRTVS AVGVS Tl NOSTRI Magnence traînant un prisonnier comme au revers du n° 9. Solidus double, 9,13 g | Ljubljana, pi. XXXVI, 4. Bastien 340, Gnecchi 4, Cohen 78.

Troisième émission, début 352. 12. D N MAG MAGNEN TIVS P F AVG Buste cuirassé avec

mentum, à droite. Tête nue. LIBERATOR 4 REI < PVBLICAE Même type du revers que sur les

autres solidi triples ; Magnence monte un étalon ; le velum d'Aquilée haut levé. Solidus triple, 13,67 g \ Ljubljana, pi. XXXVI, 5. Bastien 339, Gnecchi -, Cohen -.

13. Mêmes coins de droit et de revers. Solidus triple, 13,53 g \ Museo Nazionale Romano.

Chronologie des émissions

De même que la présence de Magnence à Trêves, immédiatement après son usurpation, est attestée par l'émission des multiples d'or1, de même la frappe des solidi multiples témoigne de son

1. Nous ne connaissons aujourd'hui qu'un exemplaire du solidus et demi et un du solidus un quart ; P. Bastien, op. cit., p. 11 (note 36) et 45-46 ; cat. n08 1, 2.

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arrivée à Aquilée. Fin février, déjà, peu après l'occupation de l'Italie1, Aquilée émet au nom de Magnence des solidi avec, à l'avers, le buste caractéristique sans diadème2 et avec la légende Bestitutor Libertatis, au revers3. Leurs portraits juvéniles aux traits peu individualisés, œuvre d'un artiste habitué à graver des portraits de Constant, ainsi que leur titulature exceptionnelle FI Magnentius Tr P F Аид que par la suite on ne rencontre plus4, prouvent que ces solidi appartiennent au tout début du monnayage de Magnence à Aquilée. Suit immédiatement l'émission des multiples d'or annonçant l'arrivée de l'empereur dans la ville (cat. nos 2-9). De cette émission, la trouvaille apporte sept solidi triples avec l'imposante scène de Yadvenius entourée de la légende LIBERATOR REI PVBLICAE, puis un solidus double glorifiant par l'image et la légende du revers la Virtus de l'empereur. Jusqu'à la découverte de la trouvaille d'Emona on ne connaissait de cette émission qu'un seul solidus triple, jadis à Paris (PL XXXVII, 5), mais disparu dans le vol infortuné de 1831. L'unique solidus double de la trouvaille (cat. n° 9) était inconnu jusqu'ici. Les avers des multiples d'or de la première émission montrent la titulature IMP CAES MAGNENTIVS AVG5. La même titulature entoure aussi les effigies des solidi contemporains avec la légende du revers Victoria Аид Lib fiomanor.

Ce n'est qu'après les deux émissions d'or que viennent les maiorinae frappées par Magnence en son propre nom et, d'une manière tactique et diplomatique, au nom de Constance II. Déjà les premières maiorinae de Magnence issues de l'atelier aquiléen portent la nouvelle titulature D N MAGNENTIVS P F AVG, désormais de règle. Nous ne rencontrons le monnayage parallèle pour Constance qu'aux ateliers d'Aquilée, de Rome et d'Arles, et cela jusqu'à l'usurpation de Népotien. Lorsque celle-ci fut supprimée,

1. A. Piganiol, L'Empire chrétien (1947) 85. 2. Avec le buste non diadème, Magnence proclame consciemment son bon vouloir

de recevoir le diadème des mains de Constance II. Ce n'est qu'une des nombreuses manifestations tactiques et diplomatiques que son monnayage nous permet de révéler. Bien que Magnence n'ait pas réussi dans son dessein, il insiste pour être représenté sans diadème dans tous ses ateliers. Font exception les émissions initiales des ateliers de Lyon et d'Arles où l'introduction du portrait diadème paraît être due aux initiatives locales. Сотр. Р. Bastien, op. cit., p. 40.

3. P. Bastien, op. cil., p. 48. 4. P. Bastien, op. cit., p. 37. 5. O. Ulrich-Bansa, Note sulla zecca di Aquileia romana. I mutipli del soldo ďoro

(1936) 51, 52. De la titulature, du type et de la légende du revers l'auteur conclut que, dans ce cas, il s'agit d'une émission occasionnée par la première arrivée de Magnence à Aquilée.

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Magnence s'attribua en juillet 3501, comme corégent son frère Décence. Ainsi la rupture avec Constance semble définitive et les trois ateliers mentionnés cessent de frapper des maiorinae en son nom. Malgré cela, le monnayage parallèle, pour Décence maintenant, à l'atelier de Rome, est de très courte durée, après quoi l'atelier est inactif jusqu'à la fin de 350. La théorie proposée à ce sujet par P. Bastien nous paraît très bien fondée. D'après lui, la cause de l'arrêt des ateliers de Rome et d'Aquilée dans la seconde moitié de 350 aurait résidé dans le fait que ces deux ateliers se trouvaient proches des domaines de Constance II et que leur inactivité coïncidait avec les efforts de Magnence pour se réconcilier avec Constance II2.

Au début de l'année 351, lors de l'accession de Magnence au consulat d'Occident3, Aquilée reprend une activité intense et frappe dans les trois métaux. Tandis que, maintenant, les monnaies de cuivre sont frappées simultanément pour Magnence et pour Décence, le monnayage en métaux précieux semble réservé uniquement à Magnence4. L'émission de multiples d'or glorifiant le consulat de Magnence appartient au début de l'année. En effet, le solidus triple et le solidus double de la trouvaille (cat. n08 10, 11) montrent, à l'avers, Magnence en habit consulaire — trabea. Jusqu'à la découverte du trésor d'Emona un seul solidus double de cette série était connu, celui de la collection Gnecchi, actuellement au Museo Nazionale Romano5. Le solidus double et le solidus triple de cette émission répètent, aux revers, les légendes et les types de la première émission de multiples d'or. Tandis que les solidi doubles portent, à l'avers, la titulature habituelle de l'époque D N MAGNENTIVS P F AVG, celle du solidus triple y introduit le nom de Magnus : D N MAG MAGNENTIVS P F AVG. On rencontre ce nom de Magnus6 encore sur les demi-maiorinae avec la titulature

1. P. Bastien, Les émissions de Népotien à Rome et la date d'élévation de Décence au Césarat, Congresso internazionale di numismatica, Atti (1965), 401 ss. et P. Bastien, op. cit., p. 15.

2. P. Bastien, Le Monnayage de Magnence (1964), 16. 3. Avec Gaiso, Magneniio et Gaisone conss; Mommsen, Chronica minora I, p. 69.

A. Degrassi, / fasti consolari (1952), 81. 4. L'absence de Décence du monnayage de l'or et de l'argent à Aquilée nous révèle

un nouveau coup tactique de Magnence. Une réconciliation avec Constance est d'ailleurs illusoire, mais Magnence évite tout ce qui pourrait provoquer son dangereux adversaire. Сотр. Р. Bastien, op. cit., p. 153.

5. O. Ulrich-Bansa, op. cit., p. 53 ; voir plus bas pi. XXXVII, 4. 6. On ne le rencontre que sur quelques monnaies de l'atelier d'Aquilée, plus

fréquemment sur les inscriptions [CIL, Ils, 6225 ; CIL, VIII-s3, 22284 ; CIL, XIII-2, 9135).

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MAG MAGNENTIVS AVG1. Elles sont, à côté des deux multiples d'or, l'unique dénomination ayant un rapport direct avec le consulat de Magnence ; car au revers des demi-maiorinae l'empereur est représenté en habit consulaire, assis sur une chaise curule et tenant le sceptre.

Si déjà la nomination de Décence ouvrit un abîme infranchissable entre Magnence et Constance, celui-ci s'approfondit encore avec le consulat de Magnence. Déjà auparavant, Constance ne manifestait aucun désir de faire des concessions à Magnence. Mais c'est après la capitulation de Vetranio et l'association de l'armée d'Illyrie aux forces de Constance, à la fin de 350, que toute idée d'un accord possible avec l'empereur légal devint illusoire. 11 ne restait à Magnence qu'à se préparer au choc imminent. Le monnayage intense d'Aquilée, atelier le plus proche du théâtre des futures opérations militaires, est aussi directement lié avec ces préparatifs.

P. Bastien place l'avant-dernière phase du monnayage de Magnence à Aquilée, dans la période qui s'étend du début 351 jusqu'à août 3522. Pendant cette période Aquilée frappe de nombreuses émissions de maiorinae, six émissions au moins de monnaies d'argent et trois de solidi ; puis toute une gamme de multiples d'or que P. Bastien place à la tête du groupe en y insérant aussi le solidus double au buste consulaire3. Selon nous, il faudrait distinguer à Aquilée, au cours de cette vaste phase deux émissions de multiples d'or. De la première, nous connaissons jusqu'à présent le solidus triple et le solidus double aux bustes consulaires frappés au début de 351. A la tête de la deuxième série, frappée plus tard, très probablement au début de l'année suivante4, appartiendrait le dernier solidus triple de la trouvaille (cat. nos 12, 13). Quant à son type, il répète la scène de Vadventus avec la légende Liberator

1. P. Bastien, op. cit., cat. noe 353-358. 2. P. Bastien, op. cit., p. 57. A la frappe de cette phase ne succède, à Aquilée,

qu'une émission éphémère de maiot inae au chrisme, précédant de peu l'occupation de la ville par les troupes de Constance II; P. Bastien, op. cit., p. 67, 68; A. Jeločnik, Quelques remarques sur les émissions de maiorinae frappées par Magnence à Aquilée, RN (1967), p. 251.

3. P. Bastien, op. cil., p. 196. L'auteur avait d'ailleurs à sa disposition tout le matériel de la trouvaille, déposé au Musée National, mais il n'avait pas pu prendre en considération le solidus triple au buste consulaire, dont la photographie nous est parvenue naguère.

4. Ainsi, cette dernière émission de multiples d'or de Magnence à Aquilée, aurait été parallèle à celle frappée par Décence à Trêves, à l'occasion de son accession au consulat de 352 (P. Bastien, op. cit., cat. nos 59-62).

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rei publicae des émissions précédentes. Sa titulature qui introduit le nom de Magnus est prise dans l'émission consulaire. Par le buste cuirassé avec paludamentum que nous rencontrons ici, il se place cependant dans la série frappée au début de 352 dont nous connaissons déjà deux multiples d'or, le solidus et demi1 et le solidus un quart2. Tous deux portent la titulature D N Magnentius P F Аид, tandis que tous trois sont liés par le buste cuirassé avec paludamentum3.

Le multiple d'or de Constant de l'atelier de Thessalonique est fixé chronologiquement par l'indication de vota dans la couronne du revers : VOT X MVLT XX. Étant le plus jeune des fils de Constantin le Grand, Constant, né en 323, fut nommé César le 25 décembre 3334. VOT X s'expliquant évidemment par vola soluta decennalia, notre multiple d'or aurait dû par conséquent être frappé vers la fin de 342, lorsque Constant entra dans la dixième année de son règne5. Nous connaissons toute une série de solidi issus des ateliers de Constant : Trêves, Aquilée, Siscia et Thessalonique6, portant, au revers, la même légende VICTORIAE DD NN AVGG et l'inscription VOT X MVLT XX dans la couronne tenue par deux Victoires. Les solidi multiples frappés pour Constant à la même occasion et ayant pour la plupart au revers le même type et la même légende sont les suivants :

Treveri 1 et 1/4 Gnecchi 17 Cohen 170 ancien Paris 1 et 1/4 — 19 — — Paris (Beistegui)7

1. P. Bastien, op. cit., p. 196 ; cat. n° 341. 2. P. Bastien, ibid., n° 342. Le seul exemplaire, conservé au Cabinet de Vienne,

a été trouvé en 1871 sur la colline de Rožnik près de Ljubljana ; F. Kenner, Varia aus der Sammlung des Fursten Windischgrátz, NZ (1882) 3.

3. O. Ulrich-Bansa, op. cit., p. 54, place le solidus consulaire double avec les deux autres multiples d'or, le solidus et demi et le solidus un quart, dans une seule émission en la datant sans autres précisions de 351. Les affinités de style qu'il observe en comparant les trois pièces ne s'opposent en rien au postulat de deux émissions mentionné plus haut. P. Bastien, op. cit., p. 82, énonce l'opinion qu'il faudrait attribuer au même graveur les portraits du solidus consulaire double, du solidus et demi, du solidus un quart et celui de son cat. n° 344. Selon nous, ce n'est que le portrait du solidus et demi qui aurait été gravé d'après le modèle du solidus consulaire double, mais l'exécution en est sensiblement plus faible. Il est bien difficile de savoir ici s'il s'agit du même graveur ou de son élève. Le portrait pour le solidus un quart a été gravé par un autre graveur, ce qui vaut aussi pour le solidus cat. n° 344.

4. Mommsen, Chronica minora I, p. 234. 5. M. Thirion, Les vola impériaux sur les monnaies entre 337 et 364, SNR (1965)

5, 6. 6. M. Thirion, op. cit., p. 10. 7. Une Victoire écrivant les vota sur le bouclier ; la légende est la même.

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220

Aquileia

ALEKSANDER JELOČNIK

2 Gnecchi 14 Cohen 169 Milan 1 et 1/2 — 18 — — Vienne 1 et 1/4 — 15 — 167 Paris

SisciA 2 Gnecchi 13 Cohen — Vienne 1 et 1/2 — 16 — 168 Londres, coll.

Trau Thessalonica 3 Gnecchi — Cohen — Ljubljana

3 — 1 — 23 ancien Paris1

Tel serait l'inventaire des multiples d'or connus de Constant, frappés à l'occasion de ses décennales. Nous sommes, sans doute, en présence d'une partie seulement de la frappe réelle consacrée à la célébration de cet anniversaire. Deux types différents de solidi triples, frappés à cette occasion, que nous connaissons à présent pour l'atelier de Thessalonique, font supposer une production plus étendue de multiples d'or dans tous les ateliers de Constant.

Typologie des revers

Dans les trois émissions de multiples d'or de Magnence à Aquilée nous rencontrons aux revers des solidi triples la même scène de Vadventus entourée de la légende LIBERATOR REI PVBLICAE. Sur les premiers solidi aquiléens, déjà, Magnence se proclame rénovateur de la liberté — Bestitutor Libertatis2. Maintenant il entre lui-même dans la ville comme libérateur de l'Empire3. Sur le même thème de la liberté, grand mot de propagande des usurpateurs de tous les temps, sont entonnées aussi les légendes des solidi promettant au monde romain la liberté comme résultat de la victoire de Magnence : Victoria Aug(usli) Lib(ertas) Romanor(um). Tandis que la légende du revers des solidi triples se rapporte sans doute à l'empire romain tout entier que Magnence libère successivement, — ce ton général admet, selon notre opinion,

1. Deux Génies ailés tiennent une couronne portant la même inscription des vota; la légende est : Felicia decennalia.

2. P. Bastien, op. cit., cat. n° 301. 3. Il est célébré comme libérateur aussi par l'inscription sur le milliaire de

Chiarisacco, CIL V, 8066 (ILS 742) : Liberatori orbis Romani, restitutori libertatis et rei publicae, conservatori militum et provincialium domino nostro Magnentio invicto principi, viclori et triumfatori semper augusto.

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LE TRÉSOR D'EMONA 221

l'emploi du même revers aussi dans les occasions suivantes — • le type, au contraire, n'est fixé que par une des étapes de la marche victorieuse de Magnence, celle de son entrée en Aquilée. On doit évidemment interpréter la figure de la femme qui, portant à la tête une couronne tourelée et tenant une corne d'abondance, vient à la rencontre du libérateur en esquissant une génuflexion1, comme la personnification de la ville d'Aquilée.

Les types des solidi doubles que nous connaissons pour les deux premières émissions seulement sont identiques aussi. Toute l'attention est concentrée de même sur la personne de l'empereur représentée cette fois dans son aspect rigoureusement militaire. La légende Virtus Augusti nostri glorifie ses vertus guerrières, que symbolise l'image de l'empereur en tenue militaire traînant par les cheveux un prisonnier barbare2. On rencontre souvent des types analogues sur les monnaies de Constantin le Grand et de ses fils3, mais l'exemple le plus frappant est celui d'un multiple d'or de Constant provenant de l'atelier même d'Aquilée4. Le type est à peu près identique, ainsi que la légende Victoria Augusti nostri. Pour le solidus et demi de Magnence appartenant à la troisième émission de multiples d'or d'Aquilée, le modèle serait aussi un autre multiple d'or de Constant frappé dans le même atelier5 et portant, au revers, la légende Virtus Constantis Aug.

Lorsqu'on cherche des analogies pour le type du revers des solidi triples de Magnence, la comparaison avec la scène représentée sur le célèbre multiple d'or de Constance Chlore frappé à l'atelier de Trêves et provenant du trésor d'Arras6 s'impose tout de suite. Au revers, qui porte la légende Redditor lucis aelernae, Constance Chlore est représenté se dirigeant à cheval, après sa victoire sur Carausius, vers une porte de ville fortifiée. Là, vient à sa rencontre une femme agenouillée que la légende LON permet d'identifier sans équivoque avec la personnification de la ville de Londinium.

1. P. Bastien, op. cit., p. 11. Selon nous, d'autres interprétations n'entrent pas en considération. J. M. C. Toynbee, Roman Medallions, NS 5 (1944) 187, p. ex. interprète la figure de la femme comme celle de la Respublica ou de l'Empire en général.

2. Est entonné sur le même thème aussi le type du solidus et demi de la troisième émission, P. Bastien, op. cit., cat. n° 341. L'empereur, en habit militaire, tenant le labarum, traîne par les cheveux un prisonnier ; la légende est la même : Virlus Augusti nostri.

3. J. M. C. Toynbee, op. cit., p. 181. 4. Gnecchi 12 ; Cohen 133 (Berlin). 5. Gnecchi 20 ; Cohen 188 (ancien Paris). 6. J. Babelon-A. Duquenoy, Médaillons d'or du trésor d'Arras, Arethuse I (1924),

45 ss. et pi. VII, 1.

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222 ALEKSANDER JELOČNIK

Mais la ressemblance est encore plus grande avec le solidus de Constance II frappé à Antioche1. Celui-ci porte la légende du revers Gloria rei publicae et le type représente Constance II à cheval à droite qu'approche une femme portant sur la tête une couronne tourelée et tenant une torche ; elle plie ses genoux en faisant une révérence et son velum se déploie dans sa marche précipitée (pi. XXXVII, 6). La différence entre le type du solidus triple de Magnence et celui du solidus de Constance II consiste seulement en ceci que Constance porte le diadème, tandis que Magnence est nimbé ; en outre, sur le multiple d'or de Magnence, la femme tenant une corne d'abondance contraste avec celle du solidus qui tient une torche et qui représente ici la personnification d'Antioche. Plus tard, nous retrouvons la même scène de Yadventus entourée de la légende Gloria Bomanorum sur les grands multiples d'or de Valens2 provenant de la trouvaille de Szilágysomlió. Ces derniers représentent évidemment des copies de multiples d'or officiels pas encore découverts, frappés à l'atelier d'Antioche. Le parallèle avec les revers des solidi triples de Magnence y est encore plus exact, la tête de Valens à cheval étant nimbée3. Qu'à l'époque de Magnence l'atelier d'Antioche connût déjà la scène de Yadventus, le solidus de Constance II qui y était frappé en témoigne. Il nous paraît pourtant peu probable que Magnence soit allé chercher le prototype des revers de ses solidi triples dans le répertoire du monnayage contemporain d'Antioche. On s'attendrait plutôt à ce qu'il ait trouvé le modèle adéquat parmi les types récents de l'atelier même d'Aquilée, probablement, une fois de plus, sur un multiple d'or de Constant que nous n'avons pas encore retrouvé.

De tout ce que nous venons de dire, il ressort clairement que Magnence a manqué d'originalité pour créer des types et inventer des légendes au revers de ses multiples d'or aquiléens. On ne peut pourtant pas nier qu'il a mieux réussi dans le choix de types et de

1. Cohen 107. 2. Gnecchi 8, 9. 3. A. AlfOldy, Materialien zur Klassifizierung der gleichzeitigen Nachahmungen

von rômischen Mùnzen aus Ungarn , und den Nachbarlàndern III-Nachahmungen rômischer Goldmedaillons als Germanischer Halsschmuck, NK (1929/30) 14. L'auteur interprète la figure de la femme représentée sur les multiples d'or de Valens comme Oriens ; sa coiffure, cependant, comme couronne radiée. Il met en parallèle le solidus de Constance II, Cohen 107, traité plus haut, en l'interprétant de la même manière.

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LE TRÉSOR d'eMONA 223

légendes déjà connus dont, à peu de modifications près, il sut se servir adroitement pour ses desseins de propagande1.

Le revers du solidus triple de Constant, aussi, a été pris dans le répertoire uniformisé de l'époque. L'attention principale est portée sur les vota inscrits au milieu d'une couronne. Bien que l'inscription entourant l'image du revers rappelle les victoires des Augustes, les deux Victoires tenant la couronne n'ont dans leur symétrie, qu'une fonction héraldique, ou peu s'en faut2.

Portraits et images

Des trois émissions de multiples d'or, la trouvaille d'Emona apporte six portraits différents de Magnence. Ils ont été exécutés par cinq graveurs qui, tous, montrent d'ailleurs une tendance assez réaliste mais qui, dans l'ensemble, réussissent mal dans cette intention et ne contentent pas le spectateur désirant distinguer dans les portraits les traits réels de Magnence et la juste expression de son visage. C'est surtout la coiffure qui est rendue partout d'une égale manière. Les cheveux, légèrement ondulés et peignés au haut de la tête, se terminent sur le front en mèches taillées court et frisées. Derrière, ils descendent bas sur la nuque en se terminant par un arc plus ondulé. Magnence donne la préférence à une coiffure simple en rompant ainsi avec la tradition des coiffures de plus en plus artificielles, de mode à la cour de Constance II3. Tous les portraits ont aussi en commun le dessein marqué des sourcils, le cou épais et court4 et le menton arrondi. Des deux graveurs de portraits, que nous rencontrons dans la première émission, le premier (pi. XXXV, 2-4) réussit mieux et son portrait est plus uni et plus harmonieux ; les traits du visage sont durs et virils et le regard résolu. Dans le portrait du second graveur (pi. XXXVI, 1) la tête est plus haute et le profil plus raide. Ces deux

1. La même remarque vaut pour le solidus un quart avec, au revers, l'inscription vol v mult x dans une couronne ; P. Bastien, op. cit., cat. n° 342.

2. A. R. Bellingeh-M. A. Berlincourt, Victory as a coin type, NNM 149 (1962), 60, 61.

3. La situation, à cet égard, à la cour d'Antioche sous Constance II, nous est éclairée par le récit d'Ammien Marcellin qui nous raconte, que le nouvel empereur Julien fut tellement indigné des habits somptueux et des hauts traitements du barbier de cour qu'il le congédia. Ammianus Marcellinus XXII, 4t-io (Rolfe).

4. Ce qui s'accorde avec la description : erat vasti corporis; Epitome de Caesaribus 42 is.™ (Pichlmayr).

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224 ALEKSANDER JELOČNIK

caractéristiques le rapprochent, du reste, davantage du buste en marbre de Vienne1, mais l'expression des yeux et des lèvres serrées est pleine de fanatisme et de brutalité. La même main a aussi gravé le portrait du solidus double de la même émission (pi. XXXVI, 2) qui, à cause de la frappe double, se trouve assez endommagé.

Mais c'est le portrait du solidus double de la série consulaire (pi. XXXVI, 4) qui est un vrai chef-d'œuvre, parfaitement uni dans son expression. Le profil y est harmonieusement articulé, l'air sérieux et pensif avec une ombre de ruse éveillée, dans les yeux. Bien que le relief soit relativement plat, l'exécution des parties adipeuses des joues et du cou révèle une véritable maîtrise. Le portrait est tellement vivant qu'on doit se fier au moins à son expression, sinon à ses qualités anatomiques qui, par sa tête bien ronde et son profil fort articulé, l'éloignent du buste de Vienne. Le portrait qui apparaît sur le solidus triple de la même série (pi. XXXVI, 3) présente un profil semblable mais, comparé au précédent, il manque de vie et d'expression. La coiffure y est rendue gauchement et les yeux sont inanimés.

Si, à l'égard des portraits que nous avons examinés jusqu'à présent, nous sommes amenés à supposer qu'ils nous révèlent, au moins partiellement, les traits du visage de Magnence et ses expressions, il ne nous est pas possible d'en dire autant du portrait du solidus triple appartenant à la dernière série (pi. XXXVI, 5). Bien que nous puissions prétendre que la facture de l'œil ou du menton est réussie, la composition entière nous offre un aspect grotesque et non point réaliste. Dans sa partie occipitale, la tête est démesurément grande, le nez pointu d'une manière peu naturelle, l'air jovial et par trop jeune2. On rencontre une tête semblable d'une expression juvénile mais d'un style plus congruent sur les monnaies d'argent de l'émission *AQ.3.

Pour la scène de Vadventus des revers de solidi triples nous ne trouvons dans notre trésor rien de moins que cinq coins différents4. Sur le premier (pi. XXXV, 2), la figure de l'empereur à cheval remplit presque tout le champ du revers de telle manière que le graveur eut de la peine à y introduire encore la figure d'Aquilée qui, dans cet espace étroit, apparaît peu naturelle et forcée. Les exécutions

1. R. Delbrueck, Spàtantike Kaiserporlràts (1933), T. 77. 2. A l'époque de la frappe du multiple d'or en question, Magnence avait environ

48 ans, étant mort à l'âge de 50 ans à peu près ; Epit. de Caes. 42 17.18. 3. P. Bastien, op. cit., pi. XI, 348, 349. 4. Le sixième est le coin du solidus triple jadis à Paris, pi. XXXVII, 5.

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le trésor d'emona 225

suivantes tâchent de corriger ce défaut. Une fois l'exécution est réussie (pi. XXXV, 3) et une autre fois elle est plus gauche (pi. XXXV, 4; XXXVI, 1). Au revers du solidus triple de la série consulaire (pi. XXXVI, 3), les deux figures sont déjà sensiblement plus petites, mais celle d'Aquilée est rendue avec maladresse, ce qui, au contraire, n'est plus le cas pour le dernier coin du même type (pi. XXXVI, 5). La figure d'Aquilée, du reste, y est un peu plus grande mais elle est rendue parfaitement, prise dans sa marche hâtive s'approchant de l'empereur et esquissant une génuflexion. La composition y est harmonieuse et pleine de vie. D'une même excellence sont les deux coins pour les revers des solidi doubles (pi. XXXVI, 2, 4), qu'il s'agisse de l'exécution de la scène entière ou bien de ses détails1.

Il ne nous reste qu'à examiner le multiple d'or de Constant frappé dans l'atelier de Thessalonique (pi. XXXV, 1). En dépit de l'appareil somptueux de l'empereur levant le bras et tenant le globe, notre attention est retenue tout de suite par le portrait extrêmement vivant du jeune empereur. Avec les portraits monétaires de l'époque, élégants mais pâles et inexpressifs, il n'a en commun que la riche coiffure, prescrite par la mode de la cour2. Au demeurant, le portrait montre un profil tellement individuel d'où émane une fraîcheur de jeunesse telle que nous ne pouvons que croire à sa force d'expression. Tout en le comparant avec le buste de marbre du Louvre, attribué jusqu'ici avec un point d'interrogation à l'empereur Constant3, on s'aperçoit tout de suite que les deux portraits représentent le même personnage. Les traits en sont identiques — le front un peu bombé, le nez légèrement courbé, le menton fin et la bouche fermée avec la lèvre inférieure légèrement en retrait ; le cou, en outre, est goitreux sur les deux portraits (pi. XXXVII, 1, 2). Malgré l'œil rendu gauchement, le portrait de notre multiple d'or respire la vie et la jeunesse4. La paupière supérieure est esquissée seulement par un trait courbé trop long et le regard est trop frontal. L'effet produit par la composition est affaibli de même par l'attitude forcée du bras droit en déséquilibre avec la partie gauche du buste, tout à fait

1. L'exécution du même type sur le troisième solidus double connu, actuellement au Museo Nazionale Romano, est sensiblement plus faible ; pi. XXXVII, 4.

2. A comparer le multiple d'or de Constant provenant du même atelier et frappé également pour ses vicennales, pi. XXXVII, 3 (ancien Paris).

3. R. Delbrueck, op. cit., p. 155 ss. ; M. R. Alfôldi, Die Constantinische Goldpràgung (1963), 132.

4. Le marbre du Louvre est un peu plus vieux dans son expression et il faudrait le dater vers 350.

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frontal. Le bras droit levé a ôté à l'artiste la possibilité de perfectionner l'épaule droite ; c'est pour cela qu'il se consacra à l'élaboration de pteryges et du paludamentum de l'épaule gauche qui s'en trouve démesurément levée. En dépit de ses défauts et peut-être justement à cause d'eux, la composition entière est pleine d'un charme exquis.

Le contenu du revers est concentré sur les vota inscrits au milieu de la couronne. La statique de la composition est accentuée par la position symétrique des deux Victoires, ce qui produit un effet héraldique et rigide.

Importance historique et datation de la trouvaille

La trouvaille d'Emona que nous avons examinée sous ses différents aspects numismatique et stylistique représente aussi, malgré sa mutilation, un document historique de premier ordre. Dans notre esquisse historique, déjà, nous avons vu Magnence, peu après son usurpation, se diriger à marches forcées directement sur Aquilée, tremplin de ses actions futures en Illyrie. Son arrivée à Aquilée au début de mars 350 est annoncée par les solidi triples de la première émission de multiples d'or ayant, au revers, la scène de Yadventus et la légende Liberator rei publicae. La nomination réitérée de Fabius Titianus à la préfecture de la ville de Rome1 prouve d'ailleurs que fin février 350 toute l'Italie est aux mains de Magnence qui s'empare en même temps aussi d'Emona située dans la partie extrême nord-orientale d'Italie2, au-delà des versants méridionaux des Alpes Juliennes. Dans ce fait, c'est-à-dire dans l'occupation d'Emona par Magnence, il faudrait, selon toute vraisemblance, chercher la cause de l'enfouissement du trésor de monnaies d'or romaines découvert à Ljubljana en 19103. Par sa position sur la frontière, la ville devint, dans ces

1. A. Chastagnol, Les Fastes de la Préfecture de Rome au Bas-Empire (1962), 109. 2. Pour l'appartenance d'Emona à l'Italie voir : A. Degrassi, // confine Nord-

Orientale dell Italia romana (1954), 109 ss. ; J. Šašel, Emona ( 18a- Administrative Zugehôrigkeit), Pauly-Wissowa, RE, Suppl. XI.

3. W. Schmid, Ein Fund von Goldmûnzen und Silberbarren, Emona, Anhang, Jahrbuch fur Altertumskunde VII, Wien (1913), 171 ss. Outre les neuf lingots d'argent d'un poids irrégulier, la trouvaille comprend un aureus de Maximien Hercule, un solidus un quart de Constant et 48 solidi. De ces derniers, il y en a 7 frappés pour Constantin Ier, 3 pour Constantin II, 20 pour Constant et 19 pour Constance II. L'auteur date la trouvaille postérieurement à 353, car, d'après lui, la monnaie la plus récente serait le solidus de Constance II, provenant de l'atelier d'Antioche, avec la

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LE TRÉSOR D'EMONA 227

circonstances, un point stratégique et économique extraordinaire- ment important. Le gros des troupes de Magnence et son état-major se trouvaient d'ailleurs à Aquilée, abri sûr derrière les Alpes, mais il est presque certain qu'Emona1, elle aussi, était obligée d'accepter dans ses murailles une forte garnison militaire. Magnence avait de bonnes raisons de bien payer ses partisans dans un point aussi sensible. Le commerce et les métiers, eux aussi, avaient de grandes possibilités d'épanouissement, d'autant plus que cette situation exceptionnelle de la ville fut d'une durée inopinément longue. Magnence, lui, était pressé de gagner Aquilée, espérant pouvoir pénétrer de là, dans une poussée rapide, en Illyrie et en Pannonie. Le moment était favorable, l'armée de Constance II ayant été engagée dans les combats contre les Perses2. Mais au début de mars 3503 l'usurpation de Vetranio, commandant de l'armée d'Illyrie, fit déjouer les plans de Magnence en lui liant les mains4. Les perspectives d'une poussée efficace vers les Balkans devinrent de plus en plus illusoires à partir du moment où Constance, après avoir dompté les Perses, commença sa marche vers l'ouest et réussit, grâce à la reddition paisible de Vetranio à Naissus, le 25 décembre 350, à s'allier son armée5.

Après avoir refusé toutes les offres de négociations de Magnence, Constance II se décide, au printemps de 351, à déclencher l'offensive. Mais dans sa marche vers Emona en passant par Poetovio et Celeia, ses avant-postes, en venant aux mains avec les troupes

marque monétaire SMANF, cat. n° 40, Cohen 245. Le solidus en question montre au revers la légende Victoria Augustorum ; le type, cependant, représente une Victoire assise, écrivant sur le bouclier vol xxx. Comme nous connaissons des solidi provenant du même atelier et frappés avec le même revers pour Constantin H et pour Constant, il est évident que les tricennales ne se rapportent pas à Constance II mais a Constantin Ier. Ces solidi étaient frappés simultanément, en 337/338, pour les trois frères et sont de peu postérieurs à la mort de Constantin Ier. Voir M. Thirion, op. cit., p. 7. La monnaie datée la plus récente est ainsi le solidus de Constant (Cohen 167, marque monétaire *SIS*) cat. n° 28, signalant ses vota x et frappé en 342/343.

1. Emona fut fondée en 14 après J.-Chr. comme colonie civile et non pas comme camp militaire. J. Šašel, op. cit., 18 i-Truppen, Lager, Koloniegrundung.

2. H. Stein, Histoire du Bas-Empire I (1959), 138 (Palanque). 3. Mommsen, Chronica minora I, p. 237. 4. Les événements relatifs à l'usurpation de Vetranio causèrent l'enfouissement

du trésor, découvert en 1894 à Sremska Mitrovica. Le trésor comprend 707 monnaies, pour la plupart des folles réduits. Chronologiquement, il se termine par 29 demi- maiorinae des empereurs Constant (24) et Constance II (5) provenant, pour la plupart, de l'atelier de Siscia. J. Brunšmid, Našašée rimskih carskih novaca и Miirovici-Nekoliko našašóa novaca na skupu и Hrvatskoj i Slavoniji VI, Vjesnik Hrvatskoga arheološkoga društva, Nova serija II (1896/7), 82-93.

5. O. Seeck, Geschichte des Untergangs der aniiken Well IV (1911), 103, 104.

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de Magnence, essuient une grave défaite1 dans le défilé de Trojane (Atrans)2. Constance II se décide pour une retraite3 et se retranche à Cibalae. Magnence, avançant derrière lui4, occupe Siscia en août 351 5, tâche, mais sans succès, de s'emparer de Sirmium et assiège Mursa6. Constance abandonne Cibalae et se hâte au secours de la ville assiégée. Le 28 septembre 351 7, la bataille décisive s'enflamme près de Mursa8, sur la rive droite de la Drave. Bien que Constance en sortît victorieux, son armée subit des pertes si cruelles qu'il ne put se décider à poursuivre l'ennemi et c'est pour cela que Magnence réussit à s'enfuir vers Aquilée et à s'y retirer avec les restes de son armée.

Les historiens reprochent à Constance II l'irrésolution qui aurait été la raison principale de son hésitation et qui l'empêcha de profiter de son avantage et de poursuivre Magnence sitôt la bataille gagnée9. Constance II, en effet, n'était pas homme à prendre des décisions hardies et à se complaire en exploits militaires10 ; il savait, au contraire, agir en homme prudent et réfléchi, même énergique en l'occurrence. La preuve en est le cours que prit la guerre contre Magnence. Si Julien tâche de justifier l'attitude de Constance après la bataille de Mursa par l'approche de l'hiver11, il ne nous paraît pas très convaincant. On ferait sans

1. Zosimus II, 452i-24; 46i_2 (Becker); Julianus, Or. I, 2834_3e ; III, 3617_i» (Bidez).

2. Zosimus II, 45 ц : èv xotç тер! та "ASpavoc чг\тгсн... 3. Julianus, Or. I, 29i ; HI, 7i4.i7. 4. Julianus, Or. I, 283,.42 ; Zosimus II, 464.5. 5. La brève émission de maiorinae au nom de Magnence et de Décence à l'atelier

de Siscia parle en faveur de l'occupation de la ville peu avant la bataille de Mursa. P. Bastien, op. cit., p. 18.

6. Les luttes de l'été 351 furent la cause de l'enfouissement du grand trésor découvert à Vranié, évalué à 20.000 pièces ; de celles-ci 4885 monnaies ont été examinées, en grande partie des demi-maiorinae de Constant (3511) et de Constance II (637) provenant de l'atelier de Siscia. Chronologiquement, la trouvaille est terminée par l'émission de demi-maiorinae avec les revers Gloria Romanorum et Virtus Augustorum, frappée parallèlement pour Constance II (77) et Vetranio (51) à l'atelier de Siscia. J. Brunšmid, Našašóe rimskih bakrenih novaca iz sredine četvrioga vijeka и Vraniêu, op. cit., XVI, Vjesnik hrv. arh. društva, Nova serija VI (1902), 170-178.

7. Mommsen, Chronica minora I, p. 237. 8. A la bataille de Mursa est immédiatement lié l'enfouissement de la trouvaille

de maiorinae, découverte à Gaboš. Les monnaies se trouvaient dans un mauvais état de conservation et leur nombre est incertain. 157 maiorinae, dont 10 non identifiables, ont été examinées. Il y en a 3 de Constant, 90 de Constance II, 43 de Gallus, 6 de Vetranio et 4 de Magnence. J. Brunšmid, Skrovište rimskih novaca и Gabošu, Vijestnik Hrv. arh. društva VIII (1886), 10-14.

9. O. Seeck, Geschichte IV (1911), 114 ; P. Bastien, op. cit., p. 20. 10. H. Stein, op. cit. p. 133. 11. Julianus, Or. I, 314.6.

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le trésor d'emona 229

doute mieux de chercher la cause de l'hésitation de Constance dans les lourdes pertes que son armée avait subies aussi1. Très éloquent à cet égard nous semble aussi l'imposant milliaire de Constance II trouvé aux environs de Sremska Mitro vica 2. Il parle de la réparation des chaussées et des ponts — viis munilis, pontibus refedis — de Trojane (Atrans) jusqu'à la Save. Le milliaire fut érigé en 354, après la victoire définitive sur Magnence — recuperata re publica — mais les principaux travaux dont il fait mention ont dû être exécutés auparavant pour faciliter l'offensive de Constance contre l'Italie. Déjà durant sa première marche contre Magnence, qui s'était arrêtée à Atrans, Constance avait bien pu se rendre compte du mauvais état des routes ; Magnence, en outre, dans sa retraite après la bataille de Mursa, avait dû détruire derrière lui tout ce qu'il avait pu. Ce seraient là, selon nous, les deux raisons principales du séjour de Constance en Illyrie, prolongé jusqu'à l'été de l'année suivante3 : d'une part, la réorganisation de l'armée gravement atteinte, et d'autre, la réparation de la route Sirmium-Mursa-Poetovio-Atrans et de ses ponts.

Pendant ce temps, Magnence séjourne à sa cour d'Aquilée en fortifiant le col de Hrušica (Ad Pirum)*. En août 352, Constance se décide pour une nouvelle offensive5, occupe Ad Pirum* et pénètre à Aquilée que Magnence abandonne en toute hâte7. La bourrasque de l'offensive passa aussi par Emona qui dut être prise quelques jours seulement avant la chute d'Aquilée. De ce qu'ici même les choses ne se soient pas passées tout à fait paisiblement, témoigne, semble-t-il, la trouvaille de monnaies de cuivre faite à Ljubljana en 1899, à l'occasion de la construction d'un lycée8. La somme, selon toute vraisemblance, devait appartenir

1. Zonaras XIII, 8 (Migne, PG 134, col. 1130) cite le nombre 30.000 de tombés du côté de Constance II.

2. CIL III, 3705 (ILS 732) ; le milliaire se trouve aujourd'hui au lapidaire du Kunsthistorisches Museum de Vienne. Son texte se termine par : viis munitis, pontibus refecti(s), recuperata re publica, quinarios lapides per Illyricum fecit, ab Atrante ad flumen Savum millia passus CCCXL VI.

3. La présence de Constance II à Sirmium est attestée pour le 26 février, les 12 et 27 mai 352; O. Seeck, Regesten der Kaiser und Pápste (1919), 198, 199.

4. JULIANUS, Or. III, 10зв-38- 5. JULIANUS, Or. I, 3113-i4. 6. A. Piganiol, op. cit., p. 89. A. Degrassi, op. cit., p. 140-141, défend la thèse

que c'est à Ajdovščina (Castra ad Frigidum) qu'il faudrait chercher la forteresse prise avant l'aube (Julianus, Or. I, 324-e).

7. Julianus, Or. I, 3210-i3. 8. A. Mûllner, Munzfund am Grunde des neuen Gymnasialgebàudes, Argo VII

(1899), 55. La trouvaille comprenait ca 100 monnaies dont 70 ont été examinées par

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à un soldat de Magnence qui venait de toucher sa solde et était tombé en défendant la ville ; les pièces, en effet, se trouvaient en deux rouleaux1 à côté de la hanche du squelette. Le lieu de la trouvaille est situé extra muros, du côté nord des murailles d'Emona à 500 mètres de la porte septentrionale où aboutissait la route venant d'Atrans.

Si nous pouvons placer la prise d'Aquilée par Constance II dans le début du mois de septembre 3522, celle d'Emona ne dut avoir lieu que quelques jours avant. La trouvaille des multiples d'or de Magnence pourrait, par conséquent, être datée de la fin du mois d'août 3523. En même temps furent enfouis les deux lingots d'argent de Magnence bien connus, pesant une et deux livres, découverts à Ljubljana en 191 14.

Dans la sphère administrative d'Emona les sources relatives à l'époque de Magnence ne mentionnent directement qu'Atrans, par rapport à la première offensive infructueuse de Constance en 351, et indirectement Ad Pirum, en relation avec l'occupation d'Aquilée en 352. Emona, elle-même, est passée sous silence. C'est pourquoi les seuls documents de ces jours agités vécus par la ville, qui nous soient parvenus, sont les trésors monétaires qui nous font revivre les situations critiques et fatales, causes de leurs enfouissements. De ces trésors, le plus important jusqu'à présent est sans doute celui des multiples d'or de Magnence, objet de la présente étude. Il est difficile de savoir s'il s'agit ici d'un enfouissement provoqué par le danger imminent ou bien d'une

Miillner qui, dans son rapport sommaire, les a rangées comme suit : 3 appartenant à Constantin Ier, 13 à Constant, 20 à Constance II, 18 à Magnence, 5 à Décence, 1 à Gallus et 10 non identifiées. Après l'examen de 30 monnaies du Musée National dont on a pu établir qu'elles faisaient partie du trésor, les maiorinae les plus récentes de Magnence et Décence seraient celles qui portent la marque monétaire tAQP> (P. Bastien, op. cit., cat. noe 366-371).

1. Le premier aurait compris des monnaies plus petites, des folles réduits et des demi-maiorinae ; l'autre, cependant, des maiorinae.

2. Le 26 septembre 352 Constance II nomma Naeratius Cerealis préfet de la ville de Rome ; Mommsen, Chronica minora I, p. 69 ; A. Chastagnol, op. cit., p. 137. Que Rome fût évacuée trois bonnes semaines après l'évacuation d'Aquilée, ceci nous est démontré par la production beaucoup plus vaste des maiorinae au chrisme de l'atelier de Rome : P. Bastien, op. cit., p. 68, 69. Les maioiinae au chrisme, provenant de l'atelier d'Aquilée, sont extrêmement rares ; P. Bastien, op. cit., p. 67, 68 ; A. Jeločnik, op. cit., p. 251.

3. P. Bastien, op. cit., p. 126, exprime l'opinion que le trésor de solidi multiples d'Emona a été enfoui en 351, à l'occasion de la pénétration de Magnence en Illyrie. L'opinion s'appuie évidemment sur la conjecture qu'Emona est située en Illyrie.

4. W. Schmid, Zwei Silberbarren aus dem Hause XV, Emona, Anhang, Jahrbuch fur Altertumskunde VII (1913), 177 ss.

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LE TRÉSOR d'EMONA 231

thésaurisation qui prit fin dans la catastrophe. Par ailleurs, la question concernant son ancien propriétaire — c'est sa profession, surtout, qui nous intéresserait — doit rester ouverte. Le lieu de trouvaille, au centre même d'Emona, dans la zone nord-occidentale du forum, nous fait penser qu'il s'agissait très probablement d'un haut fonctionnaire civil qui, à l'occasion de la prise de la ville par les troupes de Constance II, aurait payé de sa vie son appartenance à la cause de Magnence.

Métrologie

Quelle que soit l'époque où, pendant toute la durée de l'Empire romain, nous rencontrons une monnaie en métal précieux de poids supérieur à l'unité standard, celle-ci représente toujours un multiple plus ou moins grand, mais exact quant au poids, de l'unité de base, s'il s'agit d'un multiple d'or de Yaureus ou du solidus1. Les poids connus des solidi multiples de Magnence provenant du trésor d'Emona sont les suivants :

solidi triples : 13,35 solidi doubles : 9,06 13,35 9,13 13,43 13,45 13,45 13,46 13,52 13,53 13,67

moyenne pour le solidus : 4,489 4,547

Le nombre des pièces en question n'est d'ailleurs pas assez élevé pour qu'on puisse se fier tout à fait aux conclusions statistiques, mais le résultat obtenu est quand même intéressant. La somme des onze multiples d'or de Magnence donne une moyenne de 4,496 g pour le solidus. Comme tous les multiples d'or en question proviennent du même atelier et que la période au cours de laquelle ils ont été frappés est relativement courte et qu'en outre ils se trouvent dans un état de conservation superbe, la moyenne en

1. J. M. C. Toynbee, op. cit., p. 22.

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est d'autant plus sûre. Celle-ci est un peu supérieure à la moyenne des solidi simples du même atelier1, la différence étant due en partie à l'excellent état de conservation des spécimens de la trouvaille et en partie au procédé métrologique plus précis appliqué à la frappe des multiples d'or2.

Depuis Constantin le Grand, la base du système monétaire romain est le solidus qui représente 1/72 du poids de la livre. Selon le calcul classique, le poids de la livre romaine serait de 327,45 g3, tandis que, d'après L. Naville, elle ne ferait que 322,56 g4. De cette manière, le poids théorique du solidus d'après les deux systèmes serait le suivant :

livre : 327,45 g solidus: 4,547 g 322,56 g 4,479 g

La moyenne de 4,496 g pour le solidus, obtenue avec les poids des onze multiples d'or de la trouvaille, dépasse même le poids théorique du solidus calculé d'après le poids de la livre romaine proposé par Naville. Mais il faut prendre en considération le fait que dans la frappe des multiples d'or on doit tenir compte de l'écart d'un certain poids pour les frais de fabrication. Basé sur les données de notre trouvaille, ce postulat n'est compatible qu'avec le calcul classique du poids théorique du solidus, fixé à 4,55 g. Si nous pouvons nous fier à la moyenne obtenue des poids des multiples d'or de Magnence de notre trouvaille dans leur valeur totale de 31 solidi, ce n'est donc que le calcul classique du poids de la livre romaine fixé à 327,45 g qu'on devrait accepter.

1. P. Bastien, op. cit., p. 93, indique la moyenne de 4,46 g pour 7 solidi de Magnence de l'atelier d'Aquilée frappés au cours de la deuxième phase et 4,40 g pour les 12 autres, frappés au cours de la cinquième phase.

2. Fort instructive à cet égard est la trouvaille méditerranéenne ďaurei de Claude II, de Quintille et d'Aurélien. Tandis que les poids des aurei varient de telle façon qu'il est impossible de fixer leur taille à la livre, six aurei multiples de Claude II sont d'une frappe tellement plus précise qu'il est permis d'établir leur taille à 1/8 de livre. Cf. J. Lafaurie, Trésor d'un navire romain trouvé en Méditerranée, RN (1958), 91 ss.

3. F. Hultsch, Griechische und rômische Metrologie (18822), 15. 4. L. Naville, Fragments de métrologie antique, Revue suisse de numismatique

XXII (1920), 42 ss. ; La livre romaine et le denier de la loi salique, ibid., XXII (1922), 257 ss.

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LE TRÉSOR d'eMONA 233

RÔLE DES MULTIPLES D'OR ET STRUCTURE DE LA TROUVAILLE

Pour répondre à la question que pose le rôle des multiples d'or au temps de Magnence, il faut prendre en considération les constatations suivantes. Durant le règne de Magnence, les multiples d'or n'étaient frappés que dans les deux résidences de Trêves et d'Aquilée. De l'atelier de Trêves, nous connaissons jusqu'à présent le solidus et demi et le solidus un quart, frappés tous deux au nom de Magnence immédiatement après l'usurpation1. La deuxième série est émise ici à l'occasion de l'élévation de Décence au consulat, au début de 352. De celle-ci nous sont parvenus les solidi doubles de Magnence et de Décence, et le solidus et demi de ce dernier2. Aquilée frappe les multiples d'or pour Magnence en trois émissions. Des deux premières, nous connaissons aujourd'hui le solidus triple et le solidus double, de la troisième cependant, le solidus triple, le solidus et demi et le solidus un quart. Nous nous sommes occupé plus haut de la datation de leurs émissions. Les deux occasions principales de la frappe des multiples d'or sont donc Yadventus de Magnence et l'accession aux deux consulats.

Les villes impériales de Trêves et d'Aquilée qui, au temps de Magnence, frappent des multiples d'or, sont en même temps des villes de frontière d'une importance stratégique éminente. Trêves contrôle la frontière en freinant les Germains de l'au-delà du Rhin, tandis qu'à Aquilée se forme l'armée de Magnence qui prépare une irruption en Pannonie et en Illyrie. On comprend le besoin toujours plus grand d'une frappe rapide de l'or dans ces deux villes : cela, ajouté aux circonstances mentionnées ci-dessus — la présence de l'empereur et la glorification des événements particulièrement importants pour lui et pour sa propagande — explique de manière bien naturelle que les multiples d'or aient été émis justement dans les ateliers d'Aquilée et de Trêves. Les nombreux coins que nous avons pu observer à Aquilée font songer à de fortes émissions. Bien qu'une partie des multiples d'or fût distribuée comme donalivum de l'empereur, ce fait ne leur ôte

1. P. Bastien, op. cit., cat. n08 1, 2. 2. P. Bastien, ibid., n08 59-63.

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aucunement leur fonction de monnaie ayant cours. Le receveur savait exactement ce qu'il avait reçu, dût-il s'agir des solidi simples ou bien de leurs multiples. Que les multiples d'or, sous Magnence, fussent en circulation, ceci nous est prouvé d'une manière persuasive par la trouvaille de Morenhoven1. En ce sens-là, la trouvaille d'Emona aussi est bien éloquente. De nombreux spécimens frappés des mêmes coins, que la trouvaille apporte, et qui proviennent des mains d'un seul propriétaire, excluent tout à fait l'application à leur égard du terme « médaillon ». Même en ce qui concerne le terme atténué « money medallion »2, il faudrait décidément supprimer sa seconde partie qui suscite d'ailleurs des idées romantiques mais fausses et irréelles.

La dernière question que nous voudrions effleurer ici est la suivante : comment expliquer la structure spécifique de la trouvaille d'Emona? D'après tout ce que nous avons pu constater en reconstituant le trésor, il est évident qu'il comprenait une majorité de solidi triples de Magnence et trois ou quatre solidi doubles. Il n'y avait pas de valeurs inférieures à deux solidi3. Leur état extraordinaire de conservation, en outre, nous permet de conclure qu'ils sont parvenus par voie assez directe de la trésorerie impériale d'Aquilée jusqu'au propriétaire d'Emona4. La question de savoir si le propriétaire du trésor a reçu la somme en une seule ou en plusieurs fractions, doit rester ouverte. Selon notre opinion, il paraît tout de même évident que, dans le cas du trésor d'Emona, il ne s'agit pas d'un donativum, mais d'un traitement, que ce fussent du reste plusieurs traitements ou leurs parties, ou bien encore une ou plusieurs récompenses pour des services spéciaux. Sans doute, le propriétaire du trésor dépassant la valeur de 60 solidi devait également posséder en numéraire une certaine fortune en solidi simples et en d'autres monnaies. Et pourtant, dans le trésor, on ne trouve que des multiples de deux et de trois solidi. Selon nous, l'explication plausible de cet état de choses pourrait être la suivante : le solidus double aussi bien que le solidus triple représen-

1. L. Strauss, Ein Fund spatrômischer Goldmtinzen bei Morenhoven, Frankfurter Mûnzzeitung, N.F. III (1932), 384 ss. et T. 6. Conf. encore les références chez P. Bastien, op. cit., cat. nos 1, 2, 59, 60.

2. J. M. С Toynbee, op. cit., p. 22. 3. A cause de leur moindre valeur métallique évidente, celles-ci auraient été livrées

les premières par les ouvriers. 4. Le multiple d'or de Constant faisant partie du trésor est du reste d'une conser

vation excellente, mais il porte des traces témoignant qu'il était déjà passé de main en main.

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taient déjà par eux-mêmes une telle valeur qu'ils se prêtaient mieux à des transactions financières plus considérables qu'à de menues dépenses quotidiennes. L'ancien propriétaire du trésor, assez cossu pour se le permettre, les mettait de côté dans l'intention d'amasser un capital. Les multiples d'or, dont la valeur nominale, grâce à une frappe exacte, était à peu près identique à celle du métal, s'adaptaient assez bien à ce dessein.