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"Les Moissons du futur" de Marie-Monique Robin La milpa, l'agroécologie millénaire 6000 ans… ! Cela fait six mille ans que les peuples mésoaméricains ont domestiqué le maïs à partir de son ancêtre sauvage, la téocinte . Leur travail ancestral de sélection, également appliqué à d’autres plantes vedettes comme le poivron ou le tournesol, fait de l'Amérique centrale l'un des berceaux de l'agriculture, qui se signale encore aujourd’hui à travers le paysage typique de la milpa. La milpa ? C’est un éco-système qui consiste à combiner étroitement trois cultures, le maïs, les haricots et les courges, associés comme les organes d’une même plante. Technique culturale millénaire, et nom donné aux champs ainsi plantés, la milpa est également un élément central dans l'organisation sociale des différentes communautés, unies par les échanges des meilleures semences entre paysans. Au-delà d’un système agroécologique des plus anciens et des plus efficaces, la milpa continue de véhiculer des connotations mystiques liées au culte du maïs, qui en font un pilier de la vie culturelle indienne. Le maïs sert de tuteur au haricot. Le haricot fixe l'azote de l'air et l'apporte au maïs. Les feuilles de citrouille font de l'ombre sur le sol, conservent l'humidité et protègent le sol. De taille réduite - moins de deux hectares en moyenne - la milpa permet une utilisation optimale des ressources naturelles. Concrètement, le maïs nécessite une bonne irrigation et un fort apport en azote pour sa croissance. Or, l'azote est fixé naturellement dans le sol par les plants de haricots, qui de leur côté grimpent sur les tiges robustes du maïs pour se développer verticalement. L'espace horizontal, le sol, est occupé par les plants de courges, ou de citrouilles, qui offrent une couverture végétale idéale pour prévenir l'érosion, conserver l’humidité et capter les insectes. Certaines plantes naturelles aux feuilles comestibles nommées quelites, comme l'amarante (le pire ennemi du maïs en monoculture), sont également préservées pour servir d'aliment ou de fourrage pour les animaux qui produiront du fumier. La milpa est un système durable qui génère ses propres intrants, et ne dépends donc pas du marché extérieur. La milpa est souvent associée à un jardin potager nommé solar , où les campesinos cultivent poivrons, pois, piment mais aussi herbes médicinales, cacao et café. Le système milpa-solar a été sélectionné pour intégrer la liste des Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (Sipam) reconnus par la FAO (Food and Agriculture Organization). Dans le cadre de ce programme, l'organisation onusienne présente le système milpa- solar dans ces termes : "Les avantages principaux du système milpa-solar, comparé à la monoculture du maïs, sont une production diversifiée et riche de plantes alimentaires sur une petite surface, […] un meilleur état nutritionnel pour les membres de la famille, une meilleure fertilité des sols, […] une production soutenable et écologique permettant de préserver et d'augmenter la biodiversité." Un héritage que les paysans se refusent d'abandonner au nom du supposé progrès, qui en quelques décennies ne leur a apporté que ruine économique et déracinement culturel… Et voici la milpa élevée au rang d’emblème de la résistance face à la "nouvelle conquista" libérale. Benjamin Sourice / M2R Films

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"Les Moissons du futur" de Marie-Monique Robin

La milpa, l'agroécologie millénaire6000 ans… ! Cela fait six mille ans que les peuples mésoaméricains ont domestiqué le maïs à partir de son ancêtre sauvage, la téocinte. Leur travail ancestral de sélection, également appliqué à d’autres plantes vedettes comme le poivron ou le tournesol, fait de l'Amérique centrale l'un des berceaux de l'agriculture, qui se signale encore aujourd’hui à travers le paysage typique de la milpa.

La milpa ? C’est un éco-système qui consiste à combiner étroitement trois cultures, le maïs, les haricots et les courges, associés comme les organes d’une même plante. Technique culturale millénaire, et nom donné aux champs ainsi plantés, la milpa est également un élément central dans l'organisation sociale des différentes communautés, unies par les échanges des meilleures semences entre paysans. Au-delà d’un système agroécologique des plus anciens et des plus efficaces, la milpa continue de véhiculer des connotations mystiques liées au culte du maïs, qui en font un pilier de la vie culturelle indienne.Le maïs sert de tuteur au haricot. Le haricot fixe l'azote de l'air et l'apporte au maïs.Les feuilles de citrouille font de l'ombre sur le sol, conservent l'humidité et protègent le sol.

De taille réduite - moins de deux hectares en moyenne - la milpa permet une utilisation optimale des ressources naturelles. Concrètement, le maïs nécessite une bonne irrigation et un fort apport en azote pour sa croissance. Or, l'azote est fixé naturellement dans le sol par les plants de haricots, qui de leur côté grimpent sur les tiges robustes du maïs pour se développer verticalement. L'espace horizontal, le sol, est occupé par les plants de courges, ou de citrouilles, qui offrent une couverture végétale idéale pour prévenir l'érosion, conserver l’humidité et capter les insectes. Certaines plantes naturelles aux feuilles comestibles nommées quelites, comme l'amarante (le pire ennemi du maïs en monoculture), sont également préservées pour servir d'aliment ou de fourrage pour les animaux qui produiront du fumier.La milpa est un système durable qui génère ses propres intrants, et ne dépends donc pas du marché extérieur.

La milpa est souvent associée à un jardin potager nommé solar, où les campesinos cultivent poivrons, pois, piment mais aussi herbes médicinales, cacao et café. Le système milpa-solar a été sélectionné pour intégrer la liste des Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (Sipam) reconnus par la FAO (Food and Agriculture Organization). Dans le cadre de ce programme, l'organisation onusienne présente le système milpa-solar dans ces termes : "Les avantages principaux du système milpa-solar, comparé à la monoculture du maïs, sont une production diversifiée et riche de plantes alimentaires sur une petite surface, […] un meilleur état nutritionnel pour les membres de la famille, une meilleure fertilité des sols, […] une production soutenable et écologique permettant de préserver et d'augmenter la biodiversité." Un héritage que les paysans se refusent d'abandonner au nom du supposé progrès, qui en quelques décennies ne leur a apporté que ruine économique et déracinement culturel… Et voici la milpa élevée au rang d’emblème de la résistance face à la "nouvelle conquista" libérale.

Benjamin Sourice / M2R Films

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Kenya : Maïs en Push pull (répultion/attraction) L'herbe des sorcières est une plante parasite des racines du maïs. La pyrale du maïs est un insecte nocturne qui détruits les plants de Maïs.Le desmodium est planté en alternance avec le maïs. C'est une plante rampante qui détruit l'herbe des sorcières, et apporte de l'azote au sol et le protège. C'est aussi un répulsif pour la pyrale du maïs, qui s'enfuit (répulsion) et va vers l'herbe à éléphant (attraction).L'herbe à éléphant est planté autour du champ de maïs, elle attire la pyrale, et la piège ses larves avec une substance gluante. La plante à éléphant et le desmodium servent aussi de fourrage pour les animaux.

Au M alawi, l'enfouissement des feuilles de Gliricidia

Dans leur champ, Mark et Hilda Majoni enfouissent au pied du maïs, 3 fois/an, des feuilles de Gliricidia. C'est un arbre légumineux, qui fixe l'azote, qu'ils ont planté autour de leur culture, et aussi en alternance avec les plants de maïs.

Cela améliore les sols en 4 ans. Le sol est plus fertile et conserve mieux l'humidité.Les feuilles de l'arbre servent aussi de fourrage aux animaux.

Allemagne : Technique s culturales simplifiées

Pas de labour, ni de chimie, ni ne compost, car chaque préparation du sol perturbe la vie micro-biologique de la terre (un sol nu est un non-sens). Mais depuis 30 ans, couvert végétal permanent du sol pour le nourrir et le protéger. Enfin, pratique du semi direct : soja semé sur des plants de trèfle et de seigle fraîchement coupé, qui constituent un « mulch ». Le seigle fabrique de la matière sèche, du carbone.Le trèfle est une légumineuse qui fixe l'azote de l'air. Or, le carbone et l'azote constitue la base de l'humus.C'est donc un mariage de plantes qui fonctionne parfaitement, et qui protège le sol contre la pluie et le soleil, et permet une meilleure gestion de l'eau, ce qui est très important. Les rendements sont similaires.

Un bon sol devrait avoir une couleur noire, et pas claire. Il devrait aussi sentir bon une odeur de forêt. La connaissance de la micro biologie du sol permet une agriculture efficace et durable.

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Mystérieuse biodynamieL'agriculture bio-dynamique n'a pas fini de fasciner par ses mystères, ni d'attiser les griefs des "matérialistes" auxquels voulait s'opposer Rudolf Steiner, le père fondateur de l'anthroposophie. Lancée en 1924 par le philosophe spiritualiste, lors d’une conférence adressée aux paysans en Pologne, la biodynamie se revendique d’une théorie intégrée de l'agriculture biologique, basée sur la compréhension et le respect des cycles naturels et planétaires.

Pour le Mouvement de l'agriculture biodynamique (MABD), il s'agit d'une pratique "assurant la santé du sol et des plantes pour procurer une alimentation saine aux animaux et aux hommes. Elle se base sur une profonde compréhension des lois du "vivant" acquise par une vision qualitative/globale de la nature". Après les enseignements de Steiner, c'est son disciple Ehrenfried Pfeiffer qui, dès la première moitié des années 1920, s'attache au développement des méthodes agronomiques de la biodynamie en Europe et aux États-Unis. En 1947, un autre pionnier, Alex Podolinsky, émigre en Australie, pays aux terres arides où il diffuse avec succès ses connaissances sur le renouvellement des sols. Aujourd'hui, le label international Demeter certifie le respect des règles biodynamiques, par près de 9 000 exploitations dans un peu plus de 40 pays. Dans la droite ligne des fondateurs, le cahier des charges de Demeter rappelle ainsi la nécessité de "renoncement à toute productivité disproportionnée qui romprait l’équilibre du domaine et nuirait à la santé et à la diversité de l’ensemble".

Dans la conception biodynamique, la ferme est un tout en équilibre, dont le paysan est le garant. Il doit en effet lui donner son identité, comme "organisme agricole intégrant la flore et la faune sauvages et reconstituant un paysage riche et diversifié". Pour Steiner, "une agriculture saine devrait pouvoir produire en elle-même tout ce dont elle a besoin", ce qui implique l'autosuffisance de l'exploitation avec une introduction minimale d'éléments extérieurs et le bannissement des intrants chimiques. Ces intrants sont remplacés par des "préparations biodynamiques" (voir la vidéo). La "bouse de corne", dite "préparation 500", est obtenue par la fermentation dans le sol, durant la période hivernale, de bouse introduite dans des cornes de vaches.

Les biodynamiciens lui reconnaissent de nombreuses vertus telles que "favoriser l'activité microbienne et la formation d'humus", "réguler le pH du sol" et "stimuler la germination des graines et la croissance générale du système racinaire". L'agriculteur utilise également la "silice de corne", dite "préparation 501", sur la partie aérienne des plantes. Cette "pulvérisation de lumière" régule la vigueur végétative, "favorise la pousse verticale des plantes" et "accroît la résistance de l’épiderme des feuilles et des fruits", selon Biodynamie Services. Il existe toute une série d’autres préparations (502 à 507) destinées à la réalisation de compost organique, un élément clé pour la vitalité des sols. Enfin, l'ensemble de ces décoctions est appliqué selon les règles strictes du calendrier cosmique basé sur le

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positionnement des astres, tenant compte de leurs supposées influences sur la Terre.

D'après une étude comparative menée en Nouvelle-Zélande et publiée dans le numéro 260 de Science , "les sols de la plupart des fermes biodynamiques présentaient des qualités biologiques et physiques supérieures : un taux sensiblement plus élevé de matière organique et d'activités microbiennes, et plus de vers de terre", entraînant "une meilleure structure du sol, une meilleure perméabilité et une couche arable plus épaisse". Comme l'explique Pierre Masson dans son article "De l’agrobiologie à la viticulture biodynamique", "si l’efficacité de la méthode semble bien démontrée, la source d’où est tiré l’ensemble des indications de départ n’est pas facilement compréhensible". En imbriquant dans une même théorie des considérations spirituelles, issues de la vision ésotérique du monde de Steiner, avec des prescriptions purement agronomiques, la biodynamie dérange les praticiens et les chercheurs les plus matérialistes. Il semblerait bien que la nature conserve quelques mystères que les scientifiques n'ont pas percés...

Le pozole, cœur de la cuisine mexicaine

• En 2010, la cuisine mexicaine entre au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco au même titre que la cuisine française. La cuisine mexicaine est constituée d'une multitude de cuisines régionales très variées mélangeant la tradition préhispanique (travail du maïs et de la massa) et des ingrédients apportés par les colons (porc, bœuf, blé, sucre...). Les ingrédients principaux du régime alimentaire mexicain sont le maïs, les piments, les haricots noirs, les courges, l’avocat, la patate douce, les tomates et de nombreux fruits issus du nouveau continent. (Une présentation détaillée de la cuisine mexicaine nous est donnée sur le site de l’Unesco)

• Le Pozole - originaire des États de Jalisco, Nayarit et Sinaloa

pour le pozole rouge (pimenté), et de Guerrero pour le pozole blanc - est typiquement issu du métissage culinaire. C’est une sorte de potée à base de porc ou de poulet, assortis de piment, de citron vert et surtout de Cacahuazintle, une variété de maïs doux aux grains gros et blancs. A la cuisson, les grains produisent une mousse blanche qui donne son nom au plat, du náhuatl pozolli signifiant mousseux.

• De toutes les fêtes familiales et des grandes occasions (fête nationale), le pozole est servi dans des

assiettes creuses, accompagné de tortillas, d'avocat, de peau de porc frite, de chou blanc finement coupé, de radis, d'oignons émincés et d'origan en poudre.

• Selon une étude anthropologique réalisée en 2007 par Miguel Botella, anthropologue de l'Université de

Grenade en collaboration avec des scientifiques mexicains de l'Unam et de l'Inah, les victimes de sacrifices, dont le cœur servait d'offrande aux dieux, étaient ensuite cuisinées dans une version anthropophagique du pozole, la seule recette sacrée autorisée pour ce genre de mets (résumé de l’étude en espagnol).

Sénégal : Circuits courts pour l'oignon, un légume très apprécié.

Japon : Agriculture biologique autonome