les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre John Salt, James Clarke Philippe Wanner Editions du Conseil de l'Europe Direction Générale III – Cohésion sociale Etudes démographiques, n o 44

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Page 1: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Les migrations internationales de la main-d’œuvre

John Salt, James Clarke

Philippe Wanner

Editions du Conseil de l'Europe

Direction Générale III – Cohésion sociale

Etudes démographiques, no 44

Page 2: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Mise en page : Unité PAO du Conseil de l’Europe

Conseil de l’EuropeF-67076 Strasbourg Cedex© Conseil de l’Europe, novembre 2005

Les opinions exprimées dans cet ouvrage sont de la responsabilité des auteurs et nereflètent pas nécessairement la ligne officielle du Conseil de l’Europe.

Tous droits réservés. Aucun extrait de cette publication ne peut être traduit, repro-duit, enregistré ou transmis, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit –électronique (CD-ROM, internet, etc.), mécanique, photocopie, enregistrement outoute autre manière – sans l’autorisation préalable écrite de la Division des Editions,Direction de la communication et de la recherche.

Page 3: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Avant-propos

Le Conseil de l’Europe réalise depuis longtemps des études démographiques.Ainsi, les travaux du Comité européen sur la population permettent de mieuxcomprendre la relation entre les politiques sociales et les questions démogra-phiques en Europe. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la collection«Etudes démographiques». Parmi les sujets traités figurent les flux migra-toires, les minorités nationales, les évolutions démographiques et le marchéde l’emploi, le vieillissement des populations européennes et les consé-quences démographiques des transitions économiques. Ces publicationsfournissent les informations de base indispensables à la mise en œuvre de lastratégie du Conseil de l’Europe en matière de cohésion sociale : une politiqueintégrée visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion par la promotion del’accès aux droits sociaux dans des domaines comme l’emploi, la santé, laprotection sociale, le logement, l’éducation et les services sociaux. La collec-tion «Etudes démographiques» peut être consultée sur l’internet, à l’adressesuivante : http ://www.coe.int/population.

La présente publication décrit les principales caractéristiques des migrationsde la main-d’œuvre en Europe et dégage quelques grandes tendances. Ellecommence par examiner les concepts et les définitions entourant la notion detravailleur migrant. Elle analyse ensuite les caractéristiques et les tendancesdes migrations de travail du point de vue de la géographie, de la démo-graphie et de l’emploi, sans oublier les migrations illégales. A la fin sontrésumés les modes de gestion des migrations de main-d’œuvre utilisés par lesadministrations.

Je tiens à remercier les auteurs, John Salt, James Clarke et Philippe Wanner,pour leurs travaux, qui ont abouti à l’étude complète et approfondie qui faitl’objet du présent volume. J’adresse aussi mes sincères remerciements auComité européen sur la population, qui, par son examen attentif des versionssuccessives du document, en a garanti la qualité.

Alexander VladychenkoDirecteur Général ad interim de la Cohésion sociale

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Page 4: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Table des matières

Page

Avant-propos ................................................................................................ 3

I. Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’EuropeJohn Salt et James Clarke ........................................................................... 9

Note de synthèse

I.1. Introduction .......................................................................................... 10

I.2. Concepts et définitions entourant la notion de travailleur migrant ........ 11

I.2.1. Qu’est-ce qu’un travailleur migrant ? ....................................... 11

I.2.2. Who is a foreign worker ? ........................................................ 12

I.2.3. Qu’est-ce qu’un travailleur étranger ? ...................................... 13

I.2.3.1. Estimer la contribution annuelle des migrants étrangersà la population active de l’Europe .............................. 13

I.3. Statistiques sur les flux de travailleurs migrants ...................................... 14

I.3.1. Types et sources ....................................................................... 14

I.3.2. Comparabilité entre les pays .................................................... 15

I.3.3. Mesurer les migrations de travail illégales ................................. 15

I.3.4. Estimations des migrations illégales .......................................... 16

I.4. Caractéristiques géographiques ............................................................ 16

I.4.1. Les migrations de main-d'œuvre en Europe et vers l’Europe sont-elles en augmentation? .................................................... 16

I.4.2. Quelle est la tendance en matière d’immigration de personnes en âge de travailler ? ................................................................ 20

I.4.3. Pays d’origine et pays de destination : peut-on distinguer plusieurs champs migratoires ? ................................................. 20

I.4.4. Quels facteurs influencent la nationalité des travailleurs migrantsétrangers ? ............................................................................... 26

I.4.4.1. Proximité géographique ............................................. 26

I.4.4.2. Liens historiques et culturels ...................................... 28

I.4.4.3. Autres facteurs .......................................................... 28

I.4.5. Observe-t-on une modification de la part relative des migrations intra-européennes et des migrations externes? ................................ 29

I.4.6. Les origines des flux se diversifient-elles ? ................................. 30

I.4.7. Y a-t-il de nouvelles migrations? .............................................. 30

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Page 5: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

I.5. Caractéristiques démographiques ......................................................... 31

I.5.1. Observe-t-on une modification de la part respective des hommes et des femmes dans les migrations de main-d’œuvre? ............. 31

I.5.2. La population des migrants rajeunit-elle ? ................................. 32

I.6. Caractéristiques liées à l’emploi ............................................................. 33

I.6.1. Caractéristiques des travailleurs migrants en Europe occidentale. 33

I.6.2. Le marché des compétences va-t-il se développer ? .................. 34

I.6.3. Les migrations de la main-d’œuvre en Europe centrale et orientale................................................................................ 35

I.6.4. Les migrants sur les marchés du travail informels d’Europe centrale et orientale .................................................................. 37

I.6.5. Emigrants des pays d’Europe centrale et orientale .................... 38

I.6.5.1. Fuite des cerveaux ou gaspillage de compétences? ... 38

I.6.6. Quelles seront les conséquences migratoires de l’élargissement de l’Union européenne? .......................................................... 40

I.7. Migrations de travail illégales ................................................................ 41

I.7.1. La taille de la population en situation irrégulière ....................... 41

I.7.2. L’ampleur de la traite des migrants et du trafic clandestin d’êtres humains ................................................................................... 41

I.7.3. Caractéristiques des travailleurs migrants en situation irrégulière 44

I.7.3.1. Portugal .................................................................... 44

I.7.3.2. Espagne .................................................................... 45

I.7.3.3. Italie .......................................................................... 45

I.7.3.4. Grèce ........................................................................ 46

I.8. La gestion des migrations ..................................................................... 47

I.8.1. La stratégie de gestion du Conseil de l'Europe .......................... 48

I.8.2. La gestion par les gouvernements ............................................ 50

I.8.2.1. Analyse du marché du travail ..................................... 51

I.8.2.2. Programmes spéciaux pour les personnes très qualifiées 51

I.8.2.3. Quotas et objectifs nationaux .................................... 52

I.8.2.4. Accords bilatéraux ..................................................... 52

I.8.2.5. Programmes de régularisation ................................... 53

I.8.2.6. Travailleurs saisonniers ............................................... 53

I.8.2.7. Autres travailleurs peu qualifiés .................................. 53

I.9. Conclusions .......................................................................................... 54

I.9.1. Considérations générales .......................................................... 54

I.9.2. Caractéristiques géographiques................................................. 54

I.9.3. Caractéristiques démographiques ............................................. 55

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 6: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

I.9.4. Caractéristiques liées à l’emploi ................................................ 55

I.9.5. Migrants en situation irrégulière ............................................... 56

I.9.6. La gestion des migrations de la main-d’œuvre .......................... 56

Liste des tableaux

I.1. Immigrations de travail dans quelques pays européens, 1995-2002 (en milliers de personnes) ..................................................................... 18

I.2. Travailleurs saisonniers dans quelques pays européens, 1995-2001 ...... 18

I.3. Travailleurs frontaliers dans quelques pays européens, 1995-2001 ........ 18

I.4. Immigration de personnes âgées de 15 à 64 ans dans quelques pays européens, 2001 ou dernière année disponible ..................................... 21

I.5. Immigration de personnes âgées de 15 à 64 ans dans quelques pays européens, variation annuelle moyenne (en pourcentages), 1995-2001 ou dernières années disponibles............................................................. 23

I.6. Composition (en pourcentages) des flux d’immigration et d’émigration, par pays de résidence précédent ou suivant, 1999 ou dernière année disponible ............................................................................................. 25

I.7. Variation annuelle moyenne (en pourcentages) de la composition des flux d’immigration et d’émigration, par pays de résidence précédentou suivant, pour quelques pays européens, 1995-1999 ou années les plus proches disponibles .................................................................. 27

I.8. Estimations relatives au trafic clandestin et à la traite d’êtres humains, par région du monde, 1994-2001........................................................... 42

Bibliographie ................................................................................................. 57

II. Les migrants dans la population active Philippe Wanner ........................................................................................... 61

Note de synthèse

II.1. Introduction .......................................................................................... 62

II.2. Données et concepts ............................................................................ 63

II.3. La population étrangère sur le marché du travail ................................. 65

II.3.1. Situation actuelle ...................................................................... 65

II.3.2. Tendances de la population active étrangère depuis 1945 : contexte économique et politique ........................................... 68

II.4. Les caractéristiques socio-professionnelles des travailleurs étrangers ...... 71

II.4.1. Taux d’activité........................................................................... 71

II.4.2. Niveau de formation ............................................................... 73

II.4.3. Autorisation de séjour .............................................................. 75

II.4.4. Secteur d’activité et statut dans l’entreprise .............................. 76

7

Table des matières

Page 7: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

II.4.5. Taux de chômage ..................................................................... 80

II.4.6. Autres caractéristiques démographiques ................................... 82

II.5. Effets des migrations sur le marché du travail......................................... 85

II.5.1. Estimations théoriques et empiriques des effets des migrations de personnes actives sur le marché de l'emploi.......................... 86

II.5.2. Secteurs d’activité qui dépendent des travailleurs étrangers....... 88

II.5.3. Etrangers sur le marché européen du travail : substitution ou segmentation de l’économie ............................................... 88

II.5.4. Conclusions intermédiaires ....................................................... 89

II.6. Facteurs d’intégration sur le marché du travail ...................................... 90

Conclusions ................................................................................................... 93

Liste des tableaux

II.1. Part des étrangers et des personnes nées à l’étranger autour de 2000 ... 65

II.2. Nombre d’étrangers économiquement actifs et part de travailleurs étrangers, par pays ............................................................................... 67

II.3. Tendances de l’évolution du nombre d’étrangers dans différents pays d’Europe entre 1971 et 2001 ................................................................ 69

II.4. Travailleurs étrangers en Europe entre 1975 et 1989 ............................ 70

II.5. Taux d’activité pour les 20-64 ans par sexe et par origine, 1999-2000... 72

II.6. Répartition des travailleurs étrangers par secteur d’activité (en pourcentage) ................................................................................... 77

II.7. Répartition des actifs en fonction de leur statut socio-professionnel et de leur nationalité : Allemagne, 1984-92 .......................................... 78

II.8. Proportion des travailleurs indépendants dans les pays européens, par nationalité, en 2000 ....................................................................... 79

II.9. Taux de chômage en 2000 dans différents pays d’Europe, par nationalitéet par sexe ............................................................................................ 81

II.10. Personnes actives sur le marché de l’emploi (par nationalité) et proportion de femmes (par pays) vers 1998 ...................................... 83

II.11. Répartition de la population active par nationalité et par âge en 2003... 84

II.12. Répartition de la population étrangère née à l’étranger selon la durée du séjour, personnes actives âgées de 15 à 64 ans, 1995 ...................... 85

Liste des graphiques

II.1. Répartition selon le niveau de formation et la nationalité dans différentspays, 2000 ........................................................................................... 74

Bibliographie ................................................................................................. 95

Les auteurs..................................................................................................... 101

Parus dans la même collection ...................................................................... 102

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 8: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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I. Les migrations internationales de la main-d’œuvre àdestination et à l’intérieur de l’Europe

John Salt et James Clarke

Note de synthèse

Le présent rapport décrit les grandes caractéristiques des migrations de lamain-d’œuvre en Europe et les tendances observées ces dernières années. Ils’intéresse davantage aux travailleurs étrangers engagés dans un processusmigratoire qu’aux populations immigrées déjà installées dans le pays d’ac-cueil. Il examine les concepts et les définitions entourant la notion de tra-vailleur migrant, présente brièvement les types et les sources de données,puis étudie les caractéristiques et les tendances des migrations de travail dupoint de vue de la géographie, de la démographie et de l’emploi. Un chapitreest également consacré aux flux migratoires clandestins et aux caractéris-tiques des travailleurs migrants en situation irrégulière. Enfin, le rapportexplique brièvement comment les migrations de la main-d’œuvre sontgérées par les gouvernements et d’autres institutions.

Les données disponibles étant rares et les disparités très grandes entre lespays, aucun schéma, aucune tendance ne peut s’appliquer à toute l’Europe.L’évolution globale des flux de main-d’œuvre correspond dans une largemesure à celle des flux de population, qui se sont intensifiés dans les années80, ont atteint leur point culminant au début des années 90 et restent stablesdepuis quelques années. Une analyse des pays d’origine et de destination desmigrants laisse penser que les flux sont désormais plus diversifiés.

La répartition par origine nationale des migrations enregistrées dépend de laproximité géographique et de liens historiques et culturels. Ces dernièresannées, on observe une tendance à la diversification des origines des flux depopulation (les immigrants viennent d’un plus grand nombre de pays). Desdonnées récentes mettent en évidence l’apparition ou le renforcement decertaines migrations, qui s’expliquent par une pénurie de main-d’œuvre qua-lifiée, l’ouverture sur l’extérieur de l’Europe centrale et orientale, l’octroi depermis de séjour aux demandeurs d’asile, la mondialisation et la création decommunautés transnationales. La part respective des hommes et des femmesdans les migrations de main-d’œuvre semble se modifier : la proportiond’hommes (qui était d’environ deux tiers) diminue dans la plupart des pays,ce qui témoigne de la féminisation du marché du travail. La population des

Page 9: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

immigrants en âge de travailler vieillit, mais cette tendance est moins pro-noncée chez les émigrants. Si les travailleurs étrangers se retrouvent sur l’en-semble du marché de l’emploi des pays d’immigration, leur présence serenforce cependant dans les secteurs tertiaire et quaternaire. Nombre desimmigrants occupent des emplois très qualifiés, et la plupart des pays ontétabli des systèmes de permis de travail leur permettant de sélectionner desimmigrants ayant un niveau de compétences élevé et de remédier ainsi à unepénurie de compétences. Toutefois, deux pôles se distinguent de plus en plusnettement, puisque, par ailleurs, de nombreux immigrants occupent desemplois peu qualifiés ; beaucoup d’entre eux sont en situation irrégulière.

Les migrations de travail en Europe centrale et orientale diffèrent considéra-blement de celles qui sont observées en Europe occidentale : elles se compo-sent dans une plus large mesure de déplacements de courte durée, effectuéspar des travailleurs moins qualifiés. Cependant, les pays d’Europe centrale etorientale (PECO) ne sont plus seulement des pays de transit ou d’émigration,car, s’ils continuent de fournir des travailleurs migrants, ils en accueillentaussi. La croissance du secteur informel dans cette partie de l’Europe crée devastes possibilités de migration de main-d’œuvre, aux formes très souples.Ce sont les habitants d’Europe centrale et orientale les mieux lotis qui émi-grent, mais ils quittent souvent leur travail pour un emploi moins qualifiédans le pays de destination, d’où un gaspillage de compétences. Toutefois,on constate aussi que nombre de personnes originaires des PECO participentaux échanges internationaux de travailleurs hautement qualifiés. Des étudessuggèrent que ce sont peut-être 3% des habitants des nouveaux Etatsmembres de l’UE qui émigreront après l’adhésion, au rythme de 250000 à350000 personnes par an. Seuls une minorité des Etats membres autorise-ront la libre circulation des citoyens des nouveaux Etats membres immédiate-ment après l’adhésion.

Faute de données bien attestées, on ne dispose que d’estimations trèsapproximatives du nombre de personnes entrant illégalement dans l’UE ;selon les estimations, ce nombre varie entre 50000 et 400000 par an. Lesinformations issues des programmes de régularisation laissent penser que lescaractéristiques des immigrants clandestins ne sont guère différentes decelles des immigrés en situation régulière.

Les politiques nationales concernant les migrations de travail sont influencéespar les différents facteurs de leur mise en œuvre et les liens entre besoins enmain-d’œuvre externe, chômage et évolutions démographiques. Les payseuropéens appliquent diverses stratégies de gestion : analyse du marché dutravail ; programmes spéciaux destinés à attirer des travailleurs très qualifiésou peu qualifiés ; quotas et objectifs nationaux ; accords bilatéraux ; et pro-grammes de régularisation. Globalement, la gestion des migrations passe par

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 10: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

des concessions que se font mutuellement le gouvernement et les autresinstitutions, en vue d’obtenir certains résultats sur le plan migratoire.

I.1. Introduction

Cette première partie vise principalement à décrire les grandes caractéris-tiques des migrations de la main-d’œuvre et les tendances observées enEurope ces dernières années. A cette fin, nous tenterons de répondre à unesérie de questions portant sur différents aspects : nationalité des migrants,caractéristiques démographiques, activité exercée et compétences. Nousnous intéresserons aux travailleurs étrangers engagés dans un processusmigratoire plutôt qu’aux immigrés déjà installés dans le pays d’accueil. Or laplupart des statistiques et des autres informations disponibles sur le sujetconcernent les populations de travailleurs immigrés, et non pas les flux.

Dans notre étude, nous nous sommes heurtés à deux difficultés majeures. Lapremière tient au manque de données disponibles, que ce soit sous forme destatistiques systématiques ou d’enquêtes. Les problèmes d’ordre statistiquesont traités dans le chapitre I.3.

La seconde difficulté tient à l’extrême diversité des situations rencontrées enEurope, qui rend les généralisations approximatives et rarement applicables àtous les pays. L’Europe est en effet très contrastée du point de vue de la géo-graphie physique et humaine et des migrations, et ces disparités ne s’obser-vent pas uniquement entre l’est et l’ouest et entre le nord et le sud, mais aussientre pays voisins. Les caractéristiques des travailleurs migrants diffèrentselon les flux comme les tendances varient au cours du temps. Ces diffé-rences sont en partie imputables aux problèmes statistiques déjà mention-nés : les pays utilisent différentes sources, et mesurent et collectentdifférentes choses de différentes façons. Les schémas des flux migratoiresreflètent aussi des différences liées à la nature des économies nationales, à laphase du cycle économique où se situent les pays, aux liens culturels et auxchangements politiques.

Il est par conséquent difficile, voire impossible, de dégager des caractéris-tiques et des tendances communes. Aucune caractéristique, aucune ten-dance ne peut s’appliquer à toute l’Europe, il y a toujours des divergences etdes exceptions.

Dans cette partie, nous commencerons par étudier les concepts et les défini-tions entourant la notion de travailleur migrant, puis nous présenterons briè-vement les types et les sources de données. Nous passerons ensuite en revueles caractéristiques et les tendances des flux de main-d’œuvre, sous l’anglede la géographie, de la démographie et de l’emploi, en nous appuyant sur lesflux de population en l’absence d’indications sur les migrations de travail. Un

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 11: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

chapitre sera consacré aux migrations clandestines, notamment à l’ampleurdu trafic illicite et de la traite des migrants et aux caractéristiques des tra-vailleurs immigrés en situation irrégulière, qui sont connues surtout grâce auxprogrammes de régularisation mis en oeuvre dans les pays du sud del’Europe. Enfin, nous décrirons brièvement comment les migrations de travailsont gérées par les gouvernements et les autres institutions.

I.2. Concepts et définitions entourant la notion de travailleur migrant1

I.2.1. Qu’est-ce qu’un travailleur migrant ?

Il n’est pas facile de définir le terme de « migrant ». Au fil des ans, les spé-cialistes ont élaboré différentes classifications, qui reposaient généralementsur la distance parcourue, le temps passé à l’étranger ou la motivation dudéplacement. Il n’y a pas de consensus sur ce qu’est la migration, même si laplupart des définitions font état d’un changement de domicile. D’ailleurs, onpeut aussi s’interroger sur la définition du changement de domicile ; parexemple, une famille qui suit l’un de ses membres, muté à l’étranger, un tra-vailleur saisonnier ou un étudiant participant au programme Socrate chan-gent-ils vraiment de domicile ?

Il est tout aussi difficile de donner une définition du « travailleur migrant ».Ce terme ne s’applique-t-il qu’aux personnes qui se déplacent pour des rai-sons spécifiquement liées à l’emploi, ou englobe-t-il toutes les personnes enâge de travailler qui se déplacent et pourraient se présenter sur le marché dutravail ultérieurement? On rencontre d’autres difficultés conceptuellesencore si l’on classe les migrants par niveau de qualification. Par exemple, lesmigrants hautement qualifiés sont-ils classés dans cette catégorie sur la basede leurs diplômes, et comment traiter les « gaspillages de compétences »,c’est-à-dire les situations où des migrants occupent des emplois pour lesquelsils sont surqualifiés ?

En outre, les types de migrations ne sont pas immuables. Une personne clas-sée au départ dans une catégorie peut facilement passer dans une autre, puisretournera peut-être dans la première. En réalité, les « travailleurs » migrantsentrent sur le marché du travail et en sortent. Des personnes ayant migrédans le cadre d’un regroupement familial travaillent dans leur pays d’accueil.Des enfants d’immigrés terminent leurs études et cherchent un emploi ; desjeunes partis étudier à l’étranger s’y marient et s’y établissent. Des réfugiéstrouvent du travail, se font naturaliser et s’installent définitivement dans leurpays d’accueil. Les possibilités de permutation sont infinies. Par conséquent,

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

__________1. Ce chapitre est inspiré du chapitre 2 de Dobson et autres (2001).

Page 12: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

même si l’on dispose d’informations sur les raisons du déplacement, cela neclarifie pas forcément la situation, bien au contraire.

Les difficultés conceptuelles décrites ci-dessus, qui viennent s’ajouter aux dif-ficultés de définition, compliquent davantage encore toute tentative visant àdéterminer le nombre et les caractéristiques des travailleurs migrants d’ori-gine étrangère et à évaluer leur influence. Dans la plupart des pays, les prin-cipales définitions reposent sur une notion liée à l’origine étrangère.Certaines statistiques utilisent comme critère d’analyse la nationalité,d’autres, le lieu de naissance (sont donc considérées comme d’origine étran-gère les personnes «nées à l’étranger»), le pays du domicile précédent ousuivant, ou encore l’origine ethnique. Les résultats de l’analyse dépendrontdu critère choisi.

I.2.2. Qu’est-ce qu’un travailleur étranger ?

Les observations qui viennent d’être faites laissent penser que l’exerciceconsistant à décrire les schémas et les tendances des migrations de travail, quidevrait être simple, est en fait complexe, car il porte sur une réalité chan-geante, difficile à saisir. On pourrait considérer que la définition du « tra-vailleur étranger » s’applique à l’un ou à l’ensemble des groupes suivants,répartis, aux fins de la présente étude, dans trois catégories, dont chacunecorrespond à une durée de séjour différente :

1. Les étrangers qui viennent travailler pendant moins d’un an, une ou plu-sieurs fois.

• Les personnes venant occuper un emploi saisonnier dans l’agriculture.

• Les personnes venant occuper un emploi saisonnier dans l’hôtellerie ou larestauration.

• Les personnes venant travailler dans le secteur du bâtiment.

• Les travailleurs frontaliers.

• Les migrants pendulaires et toutes les personnes vivant dans un pays ettravaillant dans un autre.

• Les jeunes qui travaillent à l’étranger pendant leurs vacances.

• Les experts et les autres personnes hautement qualifiées effectuant destâches spécifiques pour des organisations internationales.

• Les artistes en tournée.

• Les professeurs invités.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 13: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

2. Les étrangers qui viennent travailler pendant un an ou plus, mais retour-nent dans leur pays d’origine (ou s’installent dans un autre pays) avantl’âge de la retraite.

• Des personnes ayant des compétences, une qualification ou une expé-rience particulières et déjà munies d’un contrat, qui viennent travaillerdans le secteur public ou privé.

• Des ressortissants de l’UE venant exercer diverses activités, y compris dansle secteur des services.

• Des footballeurs et d’autres sportifs.

• Certaines des personnes qui entrent dans le pays pour y demander l’asile.

• Des personnes venues travailler pendant leurs vacances.

• Des étudiants étrangers qui restent dans le pays pour y travailler.

• Les conjoints de personnes venues dans le pays pour y travailler ou y fairedes études.

3. Les étrangers qui entrent dans le pays, y travaillent et y restent jusqu’àl’âge de la retraite ou définitivement.

• Les adultes nés à l’étranger qui acquièrent un droit de séjour permanent (ycompris les conjoints et les réfugiés).

• Les enfants nés à l’étranger qui arrivent dans le pays avec leurs parents,puis entrent dans la vie active.

• Les étudiants étrangers qui restent dans le pays à la fin de leurs études.

Des personnes appartenant à des catégories différentes sont parfois arrivéespar la même voie (comme titulaires d’un permis de travail, étudiants oudemandeurs d’asile, par exemple), mais la durée de leur séjour a ensuite variéen fonction des circonstances.

I.2.3. Comment mesurer les flux de travailleurs étrangers?

Si l’on tente de déterminer le nombre de travailleurs étrangers arrivant dansun pays, on se heurte de nouveau à des difficultés de définition. Par exemple,le terme de «travailleur migrant» s’applique-t-il :

• à quelqu’un qui n’entre pas dans le pays dans le but d’y travailler mais yexerce ensuite une activité professionnelle (par exemple, un demandeurd’asile ou le conjoint d’un migrant venu occuper un emploi précis) ?

• à quelqu’un qui vient pour quelques mois ?

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 14: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

I.2.3.1. Estimer la contribution annelle des migrants étrangers à la popula-tion active de l’Europe

Chaque année, des étrangers entrent sur le marché du travail et d’autres ensortent. Examinons d’abord les entrées. Parmi les étrangers qui arrivent dansle pays selon différentes voies (permis de travail, asile, regroupement familial,etc.), certains entrent immédiatement dans la vie active, alors que d’autres yentrent plus tard. Une partie des étrangers commençant à travailler uneannée donnée peuvent être arrivés dans le pays l’année précédente.

Les personnes qui entrent dans la vie active peuvent aussi être des étudiantsétrangers ayant terminé leurs études, ou des jeunes arrivés dans le pays avecleurs parents alors qu’ils étaient enfants, et qui ont achevé leur scolarité.

Parmi les personnes sortant du marché du travail figurent des étrangers quiquittent le pays, atteignent l’âge de la retraite, sont licenciés ou cessent detravailler pour d’autres raisons. En outre, notons que les naturalisations setraduisent par une perte apparente de travailleurs étrangers, ce qui ajouteencore à la confusion.

I.3. Statistiques sur les flux de travailleurs migrants

I.3.1. Types et sources

Pas plus que pour d’autres types de données relatives aux migrations iln’existe de source unique et incontestée pour les données concernant lesmigrations de travail. Elles tendent à être les «produits dérivés» d’une procé-dure administrative parmi d’autres. Ainsi, un pays instaure un système depermis de travail pour contrôler l’entrée des étrangers sur son marché del’emploi. Le nombre des nouveaux permis délivrés (à ne pas confondre avecle nombre des permis renouvelés) peut donner des indications sur le nombred’étrangers entrés sur le marché du travail, mais l’objet du système n’est pasde chiffrer ce flux. C’est pourquoi les données ainsi obtenues risquent d’êtreproblématiques, ce qui limite leur utilisation.

Voici quelques types/sources de données pouvant fournir des indications surles flux de travailleurs étrangers :

• les permis de travail ;

• les études sur les migrations qui répertorient aussi les motivations desmigrants ;

• l’inscription de nouveaux assurés sociaux ;

• les inscriptions dans les registres de population ;

• les résultats des enquêtes sur la population active ;

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 15: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

• les permis délivrés aux travailleurs frontaliers et d’autres données concer-nant ces personnes ;

• les programmes/données concernant les travailleurs saisonniers ;

• les accords bilatéraux relatifs à la circulation de main-d’œuvre entre deuxpays.

La majorité de ces sources s’intéressent aux entrées et donnent des chiffresqui varient beaucoup. Ainsi, en 2001, au Royaume-Uni, on a compté151000 immigrants qui travaillaient selon l’étude sur les passagers interna-tionaux («International Passenger Survey») ; 85000 permis de travail ont étédélivrés ; et l’enquête sur la population active («Labour Force Survey») adénombré 76000 travailleurs étrangers qui vivaient hors du Royaume-Uni unan auparavant.

On ne dispose que de peu de renseignements sur l’émigration de travailleurs.Rares sont les études qui donnent de telles indications. En effet, les étrangersont besoin d’un permis pour entrer sur le marché du travail, mais pas pour lequitter. En outre, bien que les émigrants soient tenus de signaler leur départaux services de l’état civil et de la sécurité sociale, rien ne les incite à le faire.Enfin, comme toujours, on accorde plus d’importance aux arrivées qu’auxdéparts, du moins en Europe. C’est pourquoi les données sur les arrivées sontbien plus nombreuses que celles qui concernent les départs.

Les travailleurs saisonniers (qui viennent généralement occuper un emploidans l’agriculture ou le tourisme durant une courte période correspondant àune augmentation saisonnière de la demande de main-d’œuvre dans le sec-teur) se distinguent des autres travailleurs migrants. De fait, on constate sou-vent que leurs déplacements sont soumis à un régime administratif distinct,et que les données les concernant sont produites séparément des autres don-nées relatives aux flux de main-d’œuvre. Cependant, il arrive parfois que lestravailleurs saisonniers soient pris en compte dans les chiffres globaux relatifsaux migrations de travail.

Quant aux travailleurs frontaliers, leur cas est encore différent. Ils ne viventpas dans le pays où ils travaillent et traversent la frontière chaque jour ouchaque semaine. Les données les concernant sont produites séparément decelles qui portent sur les autres catégories de travailleurs migrants.

I.3.2. Comparabilité entre les pays

Dans la mesure où les données relatives aux flux de main-d’œuvre tendent àêtre des produits dérivés de procédures administratives, la comparaison estplus difficile, car les procédures administratives et législatives et les définitionsqu’elles utilisent varient beaucoup selon les pays. Pas plus que la grandemajorité des autres types de données relatives aux migrations, les données

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 16: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

concernant les flux de main-d’œuvre ne sont collectées et traitées par uneorganisation internationale2. En conséquence, il n’y a pas d’harmonisationdes données ni de modèles communs pour les tableaux. A la fin des années70, la Commission européenne a tenté de collecter des données sur les fluxde main-d’œuvre en vertu du Règlement (CEE) n° 311/76. Les Etatsmembres de l’UE (ou plutôt de la CEE) ont donc été invités à fournir desinformations sur les travailleurs étrangers. Cependant, il s’est révélé si difficiled’obtenir des données sur les flux que toute tentative de collecte a été aban-donnée, et depuis, les pays ne fournissent plus à Eurostat que des donnéessur les populations.

I.3.3. Mesurer les migrations de travail illégales

Les données sur les migrations économiques illégales font cruellementdéfaut. Les chiffres concernant les arrestations aux frontières ne donnentaucune indication réelle sur ces migrations. Certes, on peut supposer qu’unfort pourcentage de migrants clandestins sont attirés par les possibilitésd’emploi qu’offre le pays de destination, mais le simple fait, pour une per-sonne, d’essayer de traverser une frontière ne signifie pas que cette personneparticipe à une migration de travail.

Les programmes permettant aux clandestins de régulariser leur situationconstituent la seule source nationale officielle qui puisse donner une idée del’ampleur et de la nature des migrations de travail illégales. Toutefois, cettesource n’est pas non plus totalement fiable, car les personnes en situationirrégulière ne profitent pas toutes de l’occasion qui leur est donnée d’obtenirun titre de séjour ou un permis de travail en bonne et due forme. De plus, unmigrant peut se trouver en situation irrégulière pour diverses raisons. Ainsi, ilpeut être entré légalement dans le pays de destination pour y travailler, puisavoir continué à y vivre et à y occuper un emploi après l’expiration de sonvisa ou de son permis de travail. Peut-être ce migrant a-t-il déjà été compta-bilisé dans les statistiques officielles sur les migrations légales, quelquesannées auparavant, ou a-t-il déjà été régularisé précédemment et est-ilretombé dans l’illégalité.

I.3.4. Estimations des migrations illégales

Lorsque des statistiques sur les migrants en situation irrégulière sont dispo-nibles, il est parfois difficile de savoir comment elles ont été obtenues. Eneffet, elles dépendent notamment de la proportion du nombre total de

17

Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

__________1. L’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation de coopération et de déve-loppement économiques (OCDE) s’appuient sur des sources nationales pour collecter et publierdes données sur les arrivées de travailleurs étrangers, qui sont classés selon les critères habituels(nationalité, activité, etc.). Cependant, les tableaux publiés sont peu nombreux et peu détaillés,et la documentation qui les accompagne est peu abondante.

Page 17: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

migrants clandestins que représentent les migrants arrêtés. Cette proportionvarie non seulement d’un pays à l’autre, mais aussi, dans un même pays,d’une institution à l’autre. Ce qui détermine quelles données sont dispo-nibles, ce sont souvent les exigences accessoires, locales ou particulières aux-quelles sont soumis les organismes effectuant la collecte.

Par exemple, il est ressorti des entretiens menés en Hongrie par Juhasz(2000) avec des gardes-frontières et de hauts responsables des douanes queles estimations du pourcentage de migrations illégales découvertes étaientnombreuses et variaient même au sein de l’administration des douanes, quiétait pourtant l’organisme le mieux placé pour faire ces estimations. Ainsi, laplupart des hauts responsables étaient optimistes et considéraient que lamajorité des personnes traversant illégalement la frontière étaient arrêtées.Mais le degré d’optimisme chutait de manière spectaculaire entre le sommetet la base de la hiérarchie : les douaniers qui patrouillaient le long de la fron-tière estimaient leur efficacité à seulement dix pour cent (ibid).

I.4. Caractéristiques géographiques

I.4.1. Les migrations de main-d’œuvre en Europe et vers l’Europe sont-ellesen augmentation?

Dans la première moitié des années 80, les arrivées d’étrangers en Europeoccidentale se sont ralenties, puis, à partir du milieu des années 80, la plupartdes pays ont enregistré une immigration nette. Depuis 1994, l’immigrationnette tend globalement à se réduire. Entre 1995 et 2001, la plupart des paysont vu fluctuer le taux annuel de variation de l’immigration et, le plus sou-vent, les taux d’augmentation les plus élevés ont été enregistrés au début dela période, notamment en 1998 et 1999. Il semble qu’une tendance accrue àl’émigration ait caractérisé le Danemark, le Luxembourg, la Norvège et leRoyaume-Uni, et qu’une tendance inverse ait été observée en Irlande, enSuède et en Suisse. L’Autriche, la Belgique, la Finlande, l’Allemagne et lesPays-Bas n’ont pas manifesté de tendance particulière, ni dans un sens nidans l’autre, bien que tous ces pays aient connu des fluctuations annuelles.Des fluctuations ont aussi été observées en Europe centrale et orientale.Ainsi, la Pologne a vu l’immigration augmenter entre 1995 et 1998, puisdiminuer. Toutefois, dans la plupart des cas, les variations concernaient desflux annuels enregistrés de faible intensité.

Les migrations de travail ne représentent qu’une partie de ces flux, qui sontle résultat de plusieurs facteurs : par exemple, la situation économique géné-rale, le stade de développement économique atteint en Europe centrale etorientale, les effets des guerres des Balkans et d’autres crises humanitaires,les politiques nationales, les programmes de régularisation, les demandes

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 18: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

d’asile, et l’activité des personnes impliquées dans le trafic illicite et la traitedes migrants. La part que représentent, dans ces flux, les migrations de tra-vail, le regroupement familial et les demandes d’asile varie considérablementd’un pays à l’autre. En République slovaque, en Suisse, au Portugal et auRoyaume-Uni, les migrations de travail représentaient la plus grande part,avec plus de 40% des flux. En revanche, en France, au Danemark, en Suèdeet en Norvège, elles comptaient pour moins de 20% des flux (OCDE, 2001aet 2003).

L’inversement de tendance en matière de migrations observé en Europe occi-dentale au milieu des années 80 (dans le sens d’une augmentation del’immigration) s’est notamment traduit par un afflux de main-d’œuvre, qui,dans la plupart des pays, s’est constamment intensifié jusqu’au début desannées 90. Depuis, la tendance générale est au ralentissement des immigra-tions de travail, même si une reprise a été observée à la fin des années 90 etau début des années 2000 dans plusieurs pays, dont l’Autriche, l’Allemagne,la Hongrie, l’Irlande, la Pologne, l’Espagne et le Royaume-Uni. Dans unecertaine mesure, cette reprise est une conséquence de la croissance écono-mique, qui a surtout attiré de la main-d’œuvre qualifiée.

Les immigrations de travail enregistrées sont généralement de faible ampleur,puisqu’elles concernent souvent moins de 20 000 personnes par an (tableau I.1). Toutefois, davantage de pays ont vu entrer des travailleursétrangers plus nombreux au début des années 2000 qu’au milieu des années 90, mais seuls l’Allemagne et le Royaume-Uni ont connu des aug-mentations numériques importantes. En Europe centrale et orientale, l’évolu-tion a été différente selon les pays. Ainsi, le nombre des immigrantsenregistrés a augmenté en Hongrie et en Pologne, il a diminué en Républiquetchèque et en Slovaquie, et il n’a pas bougé en Bulgarie et en Roumanie, oùil est resté faible.

Les flux saisonniers semblent également en augmentation (tableau I.2).Quatre des six pays considérés (France, Allemagne, Norvège et Suisse) ontvu augmenter, à la fin des années 90, le nombre des permis saisonniers déli-vrés, deux (l’Italie et le Royaume-Uni) ont connu des fluctuations ou unestabilisation, et aucun ne s’est caractérisé par une baisse continue.

S’agissant des travailleurs frontaliers, les tendances soint moins nettes(tableau I.3). Le nombre des personnes traversant la frontière pour aller tra-vailler en Belgique, au Luxembourg et en Suisse a augmenté, mais les effec-tifs se rendant en Allemagne ont diminué. On sait bien que les migrationspendulaires sont nombreuses entre les pays d’Europe centrale et orientale(voir ci-dessous), mais elles sont impossibles à chiffrer, faute de statistiquesfiables.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 19: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Tableau I.1. – Immigrations de travail dans quelques pays européens, 1995-2002 (en milliers de personnes)

Europe occidentale1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Autriche1 15,4 16,3 15,2 15,4 18,3 25,4 27,0 –

Belgique 2,7 2,2 2,5 7,3 – – – –

Danemark2 3 2,2 2,7 3,1 3,2 – – – –

Finlande3 2,5 2,7 2,9 3,2 3,0 3,6 – –

France 13,1 11,5 – – – – – –

Allemagne 270,8 262,5 285,3 275,5 304,9 333,8 – –

Irlande4 4,3 3,8 4,5 5,7 6,3 18,0 – –

Luxembourg5 16,5 18,3 18,6 22,0 24,2 27,3 – –

Pays-Bas10 – – – – – 27,7 30,2 26,2

Portugal – – – – 4,1 7,8 – –

Espagne7 100,3 126,4 86,8 85,5 91,6 – – –

Suède3 – – – 2,4 2,4 3,3 3,3 –

Suisse8 32,9 29,8 25,4 26,8 31,5 34,0 – –

Royaume-Uni9 51,0 50,0 59,0 68,0 61,2 86,5 76,2 99,0

Europe centrale et orientale1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Bulgarie10 0,3 0,3 0,2 0,2 0,2 0,3 0,3 –

République tchèque11 – 71,0 61,0 49,9 40,3 40,1 40,1 –

Hongrie 18,4 14,5 19,7 22,6 29,2 – – –

Pologne12 10,5 13,7 17,5 – 17,1 17,8 – –

Roumanie13 0,7 0,7 1,0 1,3 1,5 – – –

République slovaque14 3,0 3,3 3,2 2,5 2,0 1,8 2,0 –

Sources : correspondants du SOPEMI de l’OCDE et offices statistiques nationaux.

__________1. Tous les chiffres indiqués correspondent au nombre de permis de travail délivrés pour la première fois, soit

à des migrants qui viennent d’arriver en Autriche, soit à des étrangers qui vivent déjà en Autriche mais n’yont jamais travaillé.

2. Permis de séjour délivrés à des fins d’emploi.3. Les citoyens nordiques ne sont pas inclus dans ces chiffres.4. Permis de travail délivrés à des étrangers non communautaires (les chiffres comprennent aussi les renou-

vellements de permis).

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 20: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

5. Les chiffres englobent les arrivées de travailleurs étrangers et les entrées sur le marché du travail d’étran-gers vivant déjà dans le pays.

6. Nombre de permis de travail temporaires (WAV). Les données pour 2002 concernent la période allant dejanvier à septembre. Source : CWI.

7. Permis de travail délivrés.8. Les travailleurs saisonniers ou frontaliers ne sont pas pris en compte.9. Données issues de l’enquête sur la population active (« Labour Force Survey »).10. Permis de travail délivrés ou prolongés.11. Permis de travail délivrés à des étrangers.12. Nombre de permis de travail individuels.13. Nouveaux permis de travail délivrés à des étrangers.14. Permis de travail délivrés. Les ressortissants tchèques n’ont pas besoin de permis pour travailler en Slovaquie.

Tableau I.2. – Travailleurs saisonniers dans quelques pays européens,1995-2001

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

France1 – – 8 210 7 523 7 612 7 929 10 794

Allemagne2 176 590 197 924 205 866 207 927 230 345 263 805 –

Italie3 – – – – 20 381 30 901 17 104

Norvège4 5 015 5 431 6 088 7 485 8 188 9 894 11 920

Suisse5 – – – – 27 819 30 999 35 813

Royaume-Uni6 – – 9 277 9 449 9 760 10 100 –

__________1. Nombre annuel de travailleurs saisonniers. Source : OMI.2. Nombre annuel de travailleurs saisonniers. Source : ministère du travail.3. Travailleurs saisonniers autorisés à entrer dans le pays. Source : ministère du travail.4. Délivrance de permis de travail saisonniers. Les citoyens nordiques ne sont pas inclus dans ces chiffres.

Source : correspondant norvégien du SOPEMI, 2002.5. Nombre annuel de travailleurs saisonniers. Source : office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de

l’émigration.6. Personnes admises au titre du programme des saisonniers agricoles («Seasonal Agricultural Workers

Scheme»). Source : ministère de l’Intérieur.

Tableau I.3. – Travailleurs frontaliers dans quelques pays européens, 1995-2001

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

Belgique1 16 028 17 567 18 643 20 450 – – –

Allemagne2 – – 16 300 9 700 8 800 9 400 –

Luxembourg3 55 500 59 600 64 400 70 800 78 400 88 700 –

Suisse4 – – – – 144 780 155 955 168 088

__________1. Travailleurs frontaliers entrant dans le pays pour y travailler. Source : MET.2. Données concernant les flux (y compris les renouvellements de permis). Source : ministère du travail.3. Nombre de frontaliers travaillant dans le pays. Les chiffres indiqués sont la somme des frontaliers belges,

français et allemands, qui représentaient 95 % du nombre total de frontaliers en 2001. Source : Statec.4. Frontaliers travaillant dans le pays. Source : office fédéral de l’immigration, de l’intégration et de l’émigration.

21

Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 21: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

En résumé, les flux de population ont connu des variations. Le nombre desmigrants enregistrés a commencé à augmenter dans les années 80, a atteintson point culminant au début des années 90, et reste relativement stabledepuis quelques années. Les migrations de travail ont connu une évolutionsimilaire, mais il semble que les mouvements (de longue ou de courte durée)se soient intensifiés ces dernières années.

I.4.2. Quelle est la tendance en matière d’immigration de personnes en âgede travailler ?

En l’absence de statistiques sur les flux de main-d’œuvre, nous pouvons uti-liser comme indicateur indirect les flux de personnes en âge de travailler(c’est-à-dire âgées de 15 à 64 ans) enregistrés autour de 2001, mais il y a deslimites aux conclusions qui peuvent en être tirées (tableaux I.4).

Si l’on additionne les nombres d’immigrants des vingt-sept pays considé-rés, on obtient un chiffre légèrement supérieur à 1,75 million. Un tiers deces personnes se sont rendues en Allemagne, et les quatre pays de tête(Allemagne, Espagne, Royaume-Uni et Italie) représentaient 75 % del’ensemble des flux (il convient cependant de noter l’absence de donnéessur la France).

Pour tenter de dégager des tendances en matière d’immigration de per-sonnes en âge de travailler, nous avons comparé une année du début oudu milieu des années 90 avec l’année la plus récente. Des données ne sontdisponibles que pour un nombre limité de pays, dont aucun des paysd’Europe centrale et orientale. Dans la mesure où la période considéréen’est pas la même pour tous les pays, nous avons indiqué dans le tableauI.5 la variation annuelle (en pourcentages) du nombre total de personnesen âge de travailler. La tendance globale est à la hausse, puisque seuls troisdes douze pays considérés (Danemark, Grèce et Irlande) enregistrent unebaisse. Plusieurs raisons expliquent les différences observées entre letableau I.1 et le tableau I.5 en ce qui concerne les situations nationales.Ainsi, pour les pays de l’Espace économique européen (EEE), si les donnéessont établies sur la base des permis de travail délivrés (tableau I.1), elles neprennent pas en compte des ressortissants d’autres Etats membres del’EEE, alors que si elles se réfèrent à la population en âge de travailler(tableau I.5), elles incluent des personnes qui ne migrent pas spécialementdans le but de travailler. On peut soutenir que le tableau I.5 donne unemeilleure indication de l’ampleur réelle des migrations de travail, car ilprend en considération les migrants susceptibles d’entrer dans la vie activeà un moment ou un autre, bien que le travail n’ait pas été le motif premierde leur migration.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 22: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Page 25: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

I.4.3. Pays d’origine et pays de destination : peut-on distinguer plusieurschamps migratoires?

Dans une Europe de plus en plus intégrée sur le plan politique, il importe des’interroger sur le degré d’intégration géographique du marché du travail. Lasituation générale des migrations varie nettement d’un pays à l’autre. Parexemple, dans l’Union européenne, la part du nombre total d’immigrantsque représentent les ressortissants de l’UE est comprise entre 78,3%(Luxembourg) et 9,7% (France). Il n’y a que trois pays dans lesquels les res-sortissants de l’UE représentent plus de 50% des immigrants, et dans septpays, ils en représentent un quart ou moins (OCDE, 2001b). Globalement,dans les pays de l’UE, la part des ressortissants d’autres pays de l’UE n’aug-mente pas. De fait, dans la majorité des pays pour lesquels des données sontdisponibles, les étrangers originaires de l’UE ont vu leur part dans la popula-tion totale diminuer au cours des années 90 (Salt et autres, 2000). Toutefois,il est difficile de savoir si la liberté de circulation fait augmenter les migrationséconomiques des ressortissants communautaires au sein de l’Union.

Ces variations reflètent les différences entre les situations migratoires natio-nales et indiquent dans quelle mesure il existe des champs migratoires dis-tincts (et, indirectement, des marchés du travail propres aux différentesparties de l’Europe, auxquels ces champs migratoires appartiennent) et com-ment ceux-ci sont susceptibles d’évoluer. Il n’est pas possible de récapituler,sous une forme schématique, les flux de main-d’œuvre entre les paysd’Europe, notamment en raison du manque de statistiques sur l’émigrationde travail. Si l’on veut avoir une idée des flux de main-d’œuvre à l’intérieur età destination de l’Europe, il faut de nouveau se contenter des approximationsfournies par les données concernant les flux de population. On les trouveradans le tableau I.6, qui présente la composition (en pourcentages) des fluxd’immigration vers 25 pays et des flux d’émigration en provenance de cespays ; les chiffres sont ceux de 1999 (ou de l’année la plus récente pourlaquelle des données sont disponibles).

Du point de vue de l’immigration, les pays se répartissent en plusieursgroupes. Dans les pays d’Europe centrale et orientale pour lesquels nous dis-posons de données (notamment les pays baltes et la Slovénie), la grandemajorité des immigrants viennent d’autres pays d’Europe, surtout d’autrespays d’Europe centrale et orientale ; seule une faible proportion des immi-grants est originaire de pays membres de l’UE ou de l’AELE. Dans les paysscandinaves aussi, une proportion relativement forte des immigrants vien-nent d’Europe, principalement des pays membres de l’UE et de l’AELE, ainsique d’autres pays d’Europe (surtout de Turquie et d’ex-Yougoslavie), mais lespersonnes originaires d’Europe centrale et orientale ne représentent qu’unefaible part dans les flux d’immigration. L’Allemagne reçoit essentiellement

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 26: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

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Page 27: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

des immigrants européens et, comme l’Autriche et la Finlande, elle compteune forte proportion d’immigrants originaires d’Europe centrale et orientale.En revanche, au Royaume-Uni, plus de deux tiers des immigrants viennentde pays non européens. Les non-Européens tendent aussi à être nombreuxdans les pays méditerranéens et aux Pays-Bas.

Les flux d’émigration se cantonnent davantage en Europe que les flux d’im-migration (les données concernant l’Espagne ne reflètent pas la réalité, carelles tiennent compte uniquement des Espagnols que l’on sait avoir émigré).Les personnes quittant les pays d’Europe centrale et orientale vont ailleursdans la région, et l’Allemagne et l’Autriche sont les seuls pays d’Europe occi-dentale qui voient une proportion importante de leurs émigrants se dirigervers l’est. Les Roumains et les Slovènes semblent avoir fortement tendance àgagner les pays membres de l’UE ou de l’AELE ; cela dit, certains émigrantsroumains partent vers des contrées plus lointaines, principalement versl’Amérique du Nord.

Il est difficile de tirer des conclusions générales du tableau I.6, en raison desproblèmes d’interprétation des données, pour certains pays, et de l’absencede statistiques, pour beaucoup d’autres. Néanmoins, on peut tirer troisgrandes conclusions. Premièrement, les données disponibles semblent indi-quer un certain cantonnement des flux à l’intérieur de l’Europe, notammentdans les pays d’Europe centrale et orientale, dans la mesure où la majorité deséchanges se font avec d’autres pays situés en Europe, voire dans la mêmepartie de l’Europe. Deuxièmement, d’un pays à l’autre, on observe de nettesdifférences entre les champs migratoires, ce qui s’explique par une série defacteurs historiques (des liens post-coloniaux, par exemple) ou géogra-phiques (notamment la proximité). Enfin, les schémas qui se déduisent deschiffres confirment l’idée d’une grande diversité des expériences migratoiresen Europe.

Cette situation n’est pas statique. Dans le tableau I.7, on a tenté de mettre enévidence les changements intervenus dans ces champs migratoires depuis lemilieu des années 90. Seuls ont pu être pris en compte les pays pour lesquelsdes statistiques étaient disponibles pour les deux dates ; on a indiqué la varia-tion annuelle moyenne (en pourcentages) de la composition des flux d’immi-gration et d’émigration, afin de pouvoir établir des comparaisons, car lapériode considérée varie selon les pays. Dans treize des dix-sept pays dispo-sant de données sur l’immigration, la proportion des immigrants d’origineeuropéenne a baissé. Sept des douze pays d’Europe occidentale ont vu dimi-nuer l’importance relative des flux en provenance des pays membres de l’UEou de l’AELE. Par conséquent, les flux ne se cantonnent plus en Europe et sediversifient davantage. L’évolution de l’émigration présente à la fois des simi-litudes et des différences. Onze des seize pays disposant de données sur

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 28: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

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Page 29: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

l’émigration ont enregistré une baisse de la proportion des émigrants qui res-tent en Europe. En revanche, dans cinq des six pays d’Europe occidentale, ona observé une augmentation de la proportion des émigrants qui se rendentdans des pays membres de l’UE ou de l’AELE ; cependant, le petit nombre depays considérés rend toute généralisation difficile.

I.4.4. Quels facteurs influencent la nationalité des travailleurs migrantsétrangers?

Les principaux facteurs dont dépendent les migrations enregistrées semblentêtre la proximité géographique et les liens historiques et culturels. Dans le casdes flux clandestins, des facteurs supplémentaires entrent en jeu ; ils seronttraités ultérieurement.

I.4.4.1. Proximité géographique

L’importance de la proximité géographique est mise en évidence par lesexemples ci-après. Les flux de main-d’œuvre étrangère arrivés récemment enRépublique tchèque semblent constitués essentiellement de ressortissantsdes pays voisins. En 2001, 44% des permis de travail ont été délivrés à desUkrainiens et 17% à des Polonais. Les ressortissants de la Bulgarie, de laMoldova, de l’Allemagne et du Bélarus ont représenté 14% des nouveauxtitulaires de permis. En Finlande, l’immigration de main-d’œuvre est aussidominée par la proximité géographique. En 2001, les trois quarts des nou-veaux permis de séjour et de travail ont été accordés à des ressortissants dela Fédération de Russie et de l’Estonie, qui sont les deux plus proches voisinsde la Finlande n’appartenant pas à l’EEE. Les flux de main-d’œuvre étrangèrearrivant en Hongrie sont constitués en majorité de ressortissants des pays voi-sins. La moitié des nouveaux permis de travail délivrés en 1999 ont été accor-dés à des Roumains. Un quart ont été accordés à des ressortissants d’autrespays d’Europe centrale et orientale. Selon les données de la sécurité sociale,97% des étrangers embauchés au Luxembourg en 2000 venaient de pays del’UE ; les groupes nationaux les plus importants étaient formés de ressortis-sants de pays voisins : Français (43%), Belges (16%) et Allemands (15%). Sil’on classe les immigrants arrivés aux Pays-Bas en 2001 en fonction de leurmotivation et de leur pays de naissance, on constate que près des deux tiersdes personnes ayant migré à des fins d’emploi sont nées dans l’UE, et que lamoitié de ces travailleurs migrants nés dans l’UE sont nés au Royaume-Uniou en Allemagne.

I.4.4.2. Liens historiques et culturels

Les flux de main-d’œuvre internationaux sont influencés par la proximité,mais ils dépendent aussi des liens historiques et culturels et de la langue. En

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 30: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

1999, 40% des permis de travail délivrés en Espagne ont été accordés à desMarocains. Un tiers ont été accordés à des personnes originaires d’Amériquelatine. La situation est analogue en France. Environ 45% des travailleursmigrants venaient d’Afrique ; les deux tiers de ces Africains étaient originairesdu Maghreb et la plupart des autres, de l’Afrique subsaharienne franco-phone. Plus d’un tiers des immigrants asiatiques venaient des anciennes colo-nies et possessions françaises d’Extrême-Orient et du Moyen-Orient. AuPortugal, plus de la moitié des travailleurs migrants arrivés en 2000 venaientd’Afrique, principalement des pays lusophones (Palop).

Les flux dirigés vers le Royaume-Uni proviennent essentiellement des pays del’EEE (notamment d’Irlande), du «vieux» Commonwealth (Australie,Nouvelle-Zélande, Canada et Afrique du Sud) et du sous-continent indien.Dans d’autres pays d’Europe occidentale, les flux actuels s’inscrivent dansune tradition migratoire. Par exemple, 10% des étrangers qui ont étéembauchés au Luxembourg en 2000 étaient des Portugais, et les personnesoriginaires de l’ex-Yougoslavie et de la Turquie formaient une grande partdes bénéficiaires des permis de travail belges délivrés en 1998.

L’Irlande est un nouveau pays d’immigration de main-d’œuvre, et sa situa-tion est différente de celles qui viennent d’être décrites. Environ 46% despermis de travail délivrés à des ressortissants de pays n’appartenant pas àl’EEE ont été accordés à des personnes originaires d’Europe centrale ou orien-tale, dont plus de la moitié venaient des Balkans. Parmi les autres groupesnationaux importants figuraient les Sud-Africains (7%) et les Philippins. Autotal, ce sont 60 pays n’appartenant pas à l’EEE qui fournissent actuellementde la main-d’œuvre à l’Irlande.

I.4.4.3. Autres facteurs

Des tendances à la mondialisation se dessinent nettement dans tous les pays.Ainsi, les personnes originaires des Etats-Unis représentent 11% des titulairesde permis de travail, à la fois en Belgique et au Royaume-Uni. On observeégalement une recherche de compétences à l’échelle mondiale. Par exemple,en 2002, un cinquième des permis de travail délivrés par le Royaume-Uni ontété accordés à des Indiens, dont la plupart sont venus occuper un emploi dansle secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Les flux de travailleurs saisonniers, qui reflètent à la fois la proximité géogra-phique et l’émergence de nouvelles sources de main-d’œuvre, présententdes variations selon les pays. Par exemple, en 2001, près de 95% des sai-sonniers qui travaillaient en Suisse venaient de l’UE : 60% des saisonniersétaient portugais, 14%, italiens, 9%, allemands, 6%, français, et 5%, espa-gnols. En revanche, la totalité des saisonniers employés en Allemagne en2000 étaient originaires d’Europe centrale ou orientale, surtout de Pologne

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 31: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

(87%). En France, en 2001, la moitié des saisonniers étaient marocains, et43%, polonais. La même année, l’Italie comptait deux tiers d’Européensparmi ses saisonniers, dont 22% de Polonais et 12% de Slovaques.

Les personnes originaires de la Communauté des Etats indépendants (CEI)sont relativement peu nombreuses parmi les immigrants enregistrés dans lesautres pays d’Europe, ce qui s’explique par plusieurs facteurs : la langue (iso-lement dû au rideau de fer) ; le manque d’informations sur les possibilitésoffertes à l’étranger ; l’absence d’agences de recrutement ; et l’absence deréseaux relationnels dans les pays d’accueil (Ivakhniouk, 2003). Dans la CEI,les migrations de main-d’œuvre sont donc centrées sur la Fédération deRussie. Toutefois, il est admis que les chiffres officiels concernant les tra-vailleurs migrants entrés en Russie (au total, environ 1,5 million de permis detravail ont été délivrés entre 1992 et 2001) sont très inférieurs aux chiffresréels, puisque le nombre des travailleurs en situation irrégulière serait comprisentre 3 et 4 millions. Depuis la fin des années 90, la part des migrations clan-destines tend à augmenter dans les flux de main-d’œuvre dirigés vers laRussie. Cette tendance est due à la dégradation de la situation financière denombre des entreprises ayant embauché officiellement des travailleurs étran-gers, et aux dispositions régissant le recrutement de travailleurs migrants,rendues plus rigoureuses par la nouvelle législation.

I.4.5. Observe-t-on une modification de la part relative des migrationsintra-européennes et des migrations externes?

Cinq pays (Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Espagne et Suède) ont enregis-tré des variations annuelles positives du nombre total d’immigrants (commu-nautaires ou non) en âge de travailler entre les deux dates considérées. Seulstrois pays ont vu diminuer les entrées de personnes originaires de l’UE : laGrèce et l’Irlande ont enregistré une variation annuelle négative de l’immi-gration, à la fois pour les ressortissants de l’UE et pour les étrangers non com-munautaires ; l’Italie a enregistré une augmentation du nombre totald’immigrants et du nombre d’immigrants non communautaires, mais unediminution du nombre d’immigrants communautaires. En revanche, leDanemark a vu baisser l’immigration totale et l’immigration non communau-taire, mais augmenter l’immigration communautaire. Enfin, la Finlande,l’Islande et la Norvège se caractérisent par une augmentation de l’immigra-tion totale et de l’immigration communautaire, et par une diminution de l’im-migration non communautaire.

Dans huit des douze pays, la croissance annuelle a été plus forte (ou le déclinmoins marqué) pour les ressortissants de l’UE que pour les étrangers noncommunautaires. Sur les cinq pays ayant enregistré une augmentation pourles deux groupes, trois ont connu une variation annuelle plus forte pour les

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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ressortissants de l’UE. Huit des douze pays (Danemark, Finlande, Islande,Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège et Suède) ont vu augmenter la partdes ressortissants de l’UE entre 1995 (ou l’année la plus proche) et 2001 (oul’année la plus récente). Les augmentations les plus importantes ont été enre-gistrées en Norvège (augmentation de 19% de la part des étrangers com-munautaires), en Islande (17%) et en Finlande (13%). Dans le groupe despays ayant vu augmenter la part des étrangers non communautaires, l’Italieet l’Espagne se détachent nettement (avec une augmentation de 33% et de19%, respectivement).

La tendance générale est donc à l’augmentation de la part relative de l’immi-gration communautaire, en raison d’une augmentation du nombre des immi-grants originaires de l’UE ou d’une diminution du nombre des immigrantsnon communautaires.

I.4.6. Les origines des flux se diversifient-elles?

Le manque de données sur les flux de main-d’œuvre nous oblige de nouveauà examiner les flux de population pour déceler une éventuelle tendance à ladiversification des origines. Cependant, dans bien des cas, les données four-nies par les pays ne permettent pas d’identifier les nouveaux groupes natio-naux, car ceux-ci ont une faible importance numérique. Une étude portantsur les membres de l’UE montre qu’entre le début des années 80 et le milieudes années 90, la plupart des pays ont connu une certaine diversification desorigines des flux, mesurée en fonction de la part que représentent les cinqprincipaux flux d’immigration. Lorsque des changements étaient observés, ilsallaient généralement dans le sens d’une diminution de l’importance dugroupe d’immigrants le plus nombreux, ou des deux groupes les plus nom-breux (Salt et autres, 2000). Une analyse similaire couvrant la période 1990-1999 et portant sur douze pays de destination européens a recensé, pourchacun, les pays représentant ensemble 50% du nombre total d’immigrantsétrangers (OCDE, 2001a). Sur ces douze pays, sept se caractérisaient par unediversification, trois par une concentration, et pour deux, la situation n’avaitpas changé.

I.4.7. Y a-t-il de nouvelles migrations?

Les changements intervenus dans les flux de population entre la fin desannées 80 et le milieu ou la fin des années 90 n’ont pas entraîné de modifi-cation fondamentale du point de vue de l’origine des migrants. Les princi-paux schémas migratoires sont restés relativement inchangés dans la plupartdes pays, et dans les statistiques, il n’y a guère de signes d’une immigrationvéritablement nouvelle dans les pays membres de l’UE ou de l’AELE. Les fluxétablis durant la période de recrutement de main-d’œuvre se caractérisent

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par une grande stabilité. Certains flux peuvent paraître nouveaux, mais enréalité, ils sont simplement devenus plus abondants après 1989 ; c’est le cas,par exemple, des migrations vers l’Allemagne des minorités allemandesvivant en Europe orientale et en ex-URSS, et des migrations vers la Finlandeet la Grèce des personnes originaires de ces deux pays vivant en ex-URSS. Nesont pas nouveaux non plus les mouvements des Philippines vers l’Italie et duVietnam vers la France, qui se sont simplement accentués dans les années 90(Salt et autres, 2000).

Des données récentes sur l’immigration de main-d’œuvre mettent en évi-dence l’apparition ou le renforcement de certains flux. Ces phénomènes s’ex-pliquent notamment par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, l’ouverturesur l’extérieur de l’Europe centrale et orientale, l’octroi de permis de séjouraux demandeurs d’asile, la mondialisation et la création de communautéstransnationales. Les exemples ci-dessous donnent une idée de l’étendue etde l’ampleur de ces nouveaux flux. Au Royaume-Uni, par exemple, on aenregistré une augmentation très nette du nombre des permis de travail déli-vrés à des immigrants venus d’Inde (il est passé de 1997 à 18999 entre 1995et 2002), des Philippines (de 66 à 6831) et de Chine (de 657 à 2567). Autresexemples : l’Espagne, où 8 396 Equatoriens ont obtenu un permis de travailen 1999, contre 2326 en 1997, et les Pays-Bas, où le nombre de permis detravail délivrés est passé, entre 1996 et 2001, de 8 à 699 pour les Afghans,de 520 à 2086 pour les Russes, et de 578 à 1160 pour les Chinois. Dans cer-tains pays d’Europe centrale et orientale, il y a eu à la fois des augmentationset des diminutions, ce qui indique des changements de direction des flux. EnRépublique tchèque, le nombre des permis de travail accordés à desUkrainiens, qui était de 42056 en 1996, est descendu à 17473 en 2001,alors que pour les Moldaves, ce chiffre à augmenté, passant de 295 à 1377.En Hongrie, le nombre des permis est passé, entre 1995 et 1999, de 830 à1663 pour les Chinois, et de 8861 à 14813 pour les Roumains.

I.5. Caractéristiques démographiques

I.5.1. Observe-t-on une modification de la part respective des hommes etdes femmes dans les migrations de main-d’œuvre?

Il semble que l’examen des statistiques sur les travailleurs migrants conduiseà répondre à cette question par l’affirmative. Les hommes représentent lesdeux tiers des migrations de main-d’œuvre, mais apparemment, leur partdiminue dans la majorité des pays. Cette tendance témoigne de la féminisa-tion du marché de l’emploi. Il est plus difficile de tirer des conclusions à par-tir de la composition par sexe de la population migrante en âge de travailler,car cette population comprend des personnes qui migrent dans le cadre d’un

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 34: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

regroupement familial, ou pour d’autres raisons qui ne sont pas directementliées à l’emploi.

En Autriche, en moyenne, environ 57% des travailleurs étrangers (ne venantpas de l’EEE) ayant obtenu un premier permis de travail entre 1995 et 2001étaient des hommes ; la proportion était analogue dans la population écono-miquement active arrivée en Hongrie entre 1995 et 1999. En Espagne, lesdeux tiers des permis de travail délivrés entre 1995 et 1999 ont été accordésà des hommes ; on retrouve une proportion avoisinant les deux tiers dans lesstatistiques de la sécurité sociale concernant les nouvelles embauches de tra-vailleurs étrangers au Luxembourg (1995-2000), ainsi que pour l’octroi, parla Suisse, de nouveaux permis de séjour à des étrangers économiquementactifs (1995-2001). En France (1997-2001), la différence entre les sexes étaitencore plus marquée, puisque les hommes représentaient près des troisquarts des nouveaux salariés originaires de pays tiers. Au Royaume-Uni,cette différence était moins spectaculaire : seuls 56% environ des travailleursétrangers arrivant dans le pays étaient des hommes (1995-2001).

Ces dernières années, on observe une nette tendance à la baisse de la pro-portion d’hommes. Ainsi, en Autriche, elle est passée de 59% à 52% durantla période indiquée ci-dessus ; en Suisse, elle est passée de 74 à 60%; enEspagne, de 77 à 65%; en Hongrie, de 64 à 37%; et au Royaume-Uni, de59 à 51%. En revanche, la France a vu la proportion d’hommes augmenterde 67 à 72%.

Les données concernant le Royaume-Uni, qui permettent de dégager unegrande tendance pour les 25 dernières années, confirment le caractèredurable de la féminisation des flux de main-d’œuvre arrivant dans le pays.Durant la période 1975-1979, 64% des travailleurs migrants qui entraient auRoyaume-Uni étaient des hommes ; entre 1995 et 1999, cette proportion esttombée à 57%.

Les hommes ont représenté 55% du nombre total de personnes en âge detravailler arrivées dans les pays considérés à la fin des années 90 ou au débutdes années 2000 (tableau I.4). Dans la majorité des pays pour lesquels desdonnées sont disponibles, la proportion d’hommes était comprise entre 48 et55%. Certains pays s’écartaient cependant nettement de ce modèle : laSlovénie (72% d’hommes), l’Allemagne (60%), la Croatie (36%) et l’Irlande(29%).

Parmi les pays pour lesquels on peut établir une comparaison avec la situa-tion qui prévalait au milieu des années 90, sept ont vu augmenter la part deshommes (Finlande, Islande, Italie, Luxembourg, Norvège, Espagne et Suède),alors que quatre l’ont vue diminuer (Danemark, Grèce, Irlande et Pays-Bas).Les variations annuelles moyennes de ces proportions ont été modestes

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

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(inférieures à 0,5%), dans un sens comme dans l’autre, sauf en Irlande, où lapart des hommes a baissé de 4% par an (soit de 25% entre 1995 et 2001).

En résumé, dans la plupart des pays, la proportion d’hommes a augmentéparmi les immigrants en âge de travailler, mais elle a baissé si l’on considèrel’immigration de main-d’œuvre. L’augmentation de la proportion de femmesdans la population active, associée à une tendance inverse dans la composi-tion des flux d’immigrants en âge de travailler, indique nettement une fémi-nisation des migrations de travail.

I.5.2. La population des migrants rajeunit-elle ?

L’analyse détaillée la plus récente de la structure par âges des flux de migrants(Salt et autres, 2000) couvre les années 1988 à 1996. Elle montre que lamajorité des migrants étaient des hommes en âge de travailler, mais que l’im-migration féminine était en augmentation. Cette étude révèle notamment lescaractéristiques suivantes des flux d’immigration, pour différents groupesd’âges :

• tous groupes nationaux confondus, les 25-39 ans constituaient la plusgrande part des immigrants, suivis des 15-24 ans ;

• on a observé une tendance générale à la baisse de la proportion des immi-grants appartenant au groupe des 0-24 ans ;

• la part des immigrants appartenant au groupe des 40-54 ans a augmenté,sans toutefois devenir très importante ;

• on n’a pas observé de tendance nette chez les plus de 55 ans.

S’agissant des flux d’émigration, la majorité des migrants étaient deshommes en âge de travailler. Cependant, la tendance au vieillissement étaitmoins nette que pour les flux d’immigration. L’étude révèle notamment lescaractéristiques suivantes :

• tous groupes nationaux confondus, les 25-39 ans constituaient la plusgrande part des émigrants, suivis des 15-24 ans ;

• la part des 0-14 ans a augmenté, sauf parmi les ressortissants de l’UE ;

• la part des 15-24 ans a présenté une tendance générale à la baisse, sauf auRoyaume-Uni ;

• la part des 25-39 ans a augmenté ; la part des 40-54 ans a aussi augmentéglobalement, mais pas parmi les ressortissants de l’UE ;

• la part des 55-64 ans a augmenté globalement, mais de manière limitée ;quant à la part des plus 65 ans, elle est restée pratiquement inchangée, sil’on excepte la baisse enregistrée au Royaume-Uni.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 36: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

I.6. Caractéristiques liées à l’emploi

I.6.1. Caractéristiques des travailleurs migrants en Europe occidentale

Les travailleurs étrangers se retrouvent dans l’ensemble du marché de l’em-ploi des pays d’immigration, mais leur présence se renforce dans les secteurstertiaire et quaternaire et se réduit dans l’industrie manufacturière. Nombredes immigrants sont recrutés pour occuper des postes très qualifiés, et la plu-part des pays ont établi des procédures de délivrance des permis de travailvisant à sélectionner des étrangers ayant un niveau de compétences élevé.Cela dit, deux pôles se distinguent de plus en plus nettement puisque, parailleurs, de nombreux immigrants occupent des emplois relativement peuqualifiés, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre,tels que l’hôtellerie et la restauration et le nettoyage. Beaucoup de cesmigrants sont en situation irrégulière.

En Europe occidentale s’est développé un réseau complexe d’«échanges decerveaux», qui s’ajoute au régime de libre circulation inhérent au fonction-nement de l’EEE. Les migrations de personnes hautement qualifiées n’ont prisde l’importance que récemment, à partir du milieu des années 80 en général.A bien des égards, ces migrations sont le fruit de la mondialisation de l’éco-nomie et de l’activité de sociétés transnationales. En examinant attentive-ment les procédures de délivrance des permis de travail mises en place dansla plupart des Etats européens, on constate que les membres de professionslibérales, les cadres et les ingénieurs constituent le plus souvent la grandemajorité des personnes qui obtiennent un permis, bien que cela n’apparaissepas toujours clairement, compte tenu de la manière dont les données sontenregistrées et présentées.

Parfois, les niveaux de qualification sont précisés. Ainsi, en 2001, en France,un peu plus de 70% des nouveaux travailleurs étrangers ne venant pas del’EEE appartenaient à la catégorie des membres de professions libérales, descadres et des ingénieurs. Toujours en 2001, au Royaume-Uni, cette propor-tion était de 87%; elle atteignait 60% en Allemagne (2001), 36% enIrlande (2002), 33% aux Pays-Bas (2002), et 29% au Portugal (2000). Engénéral, elle est restée stable ces dernières années.

A l’évidence, les flux de main-d’œuvre qualifiée sont importants, notammentdans certains pays, mais les migrants possèdent des niveaux de qualificationtrès divers et, dans plusieurs des pays pour lesquels des données sont dispo-nibles, des travailleurs moins qualifiés obtiennent aussi des permis. Parexemple, en Irlande, la part des ouvriers semi-qualifiés et non-qualifiés aatteint 20%, et celle des divers personnels de service, 24%.

Le permis de travail, dont la délivrance dépend généralement des compé-tences du candidat, n’est que l’une des voies d’entrée, et si l’on considère la

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Page 37: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

totalité de l’immigration de travail, la situation peut être différente. L’enquêtesur la population active fournit des données transitoires sur les personnes quivivaient et travaillaient hors du pays un an auparavant et qui travaillent aumoment de l’enquête. Pour le Royaume-Uni, ces chiffres montrent qu’à par-tir de 1995, les étrangers non communautaires (ayant besoin d’un permis detravail) étaient généralement plus qualifiés que l’ensemble des étrangers, quieux-mêmes étaient plus qualifiés que les citoyens britanniques de retour dansleur pays. Toujours selon les données issues de l’enquête sur la populationactive, si l’on compare, pour cette même période, les flux de main-d’œuvreétrangère à la population des travailleurs étrangers, on constate que les nou-veaux arrivants sont généralement plus qualifiés que les travailleurs étrangersdéjà installés dans le pays. Cela laisse penser que les immigrants hautementqualifiés ne sont que de passage et que les immigrants moins qualifiés onttendance à rester plus longtemps dans le pays.

I.6.2. Le marché des compétences va-t-il se développer ?

Il est de plus en plus évident que les deux dernières décennies ont vu naîtreun marché des migrations de dimension mondiale. Ce marché englobe tousles niveaux de compétences, mais les Etats se disputent surtout les personnestrès expérimentées, et l’on assiste à un ensemble complexe de mouvementsdes membres de professions libérales, des cadres et des ingénieurs. Etantdonné que ces mouvements sont multidirectionnels et touchent, à des degrésdivers, la plupart des pays, ils peuvent être qualifiés d’«échanges internatio-naux de cerveaux». Actuellement, certains pays tentent plus activement qued’autres de profiter de ces échanges.

Le marché international des compétences est animé par deux ressortsmajeurs. Le premier est la tentative d’alimenter la banque de compétencesnationale par l’acquisition de ressources humaines de haut niveau, censéesprésenter des avantages pour l’économie du pays d’accueil. Des étudesmenées dans des pays aussi éloignés que le Royaume-Uni, le Danemark,l’Allemagne, l’Australie, Singapour et les Etats-Unis montrent que plus leniveau de compétences d’un immigrant est élevé, plus son arrivée est sus-ceptible de constituer une opération bénéficiaire pour le pays de destination.Une illustration de cette tentative d’attirer des compétences est le nouveauprogramme en faveur des migrants hautement qualifiés («Highly SkilledMigrant Programme») lancé par le Royaume-Uni en janvier 2002, qui vise àpermettre à des personnes à fort potentiel de venir au Royaume-Uni pour ychercher un emploi et y exercer leurs compétences.

Le second ressort est la volonté de mettre en place des politiques visant àcombler un manque de personnel dans des domaines de compétences bienprécis. Aujourd’hui, de nombreux pays développés manquent de certaines

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 38: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

compétences et s’efforcent de remédier à la situation par des programmes oud’autres dispositifs gouvernementaux. Ces dernières années, la pénurie decompétences frappe surtout deux secteurs : les TIC (y compris pour ce qui estdes praticiens et des utilisateurs), et les composantes des services publicsnécessitant du personnel hautement qualifié, notamment la santé (pénuriede personnel infirmier en particulier) et l’éducation. Ce sont surtout lesemployeurs qui établissent des stratégies et des procédures destinées à recru-ter les personnes possédant les compétences dont ils ont besoin ; les gouver-nements ne font que favoriser le processus. L’un des exemples les plusconnus de programme visant à attirer des compétences bien précises est celuiqui a été mis en place en Allemagne. Les étrangers possédant un diplômedans un domaine lié aux TIC, ou diplômés en informatique d’une universitéallemande, peuvent obtenir un permis de travail. Des programmes analoguesfonctionnent dans d’autres pays (McLaughlan et Salt, 2002).

I.6.3. Les migrations de la main-d’œuvre en Europe centrale et orientale

Les pays d’Europe centrale et orientale partagent nombre des préoccupationsde leurs voisins occidentaux en ce qui concerne le recrutement de personnesayant un niveau de compétences élevé, ainsi que de travailleurs manuels peuqualifiés, en particulier dans le secteur des services. Toutefois, par leurampleur et leurs caractéristiques, les migrations de la main-d’œuvre enEurope centrale et orientale restent assez différentes des flux observés enEurope occidentale. Selon Okolski (1998), elles présentent les grandes ten-dances suivantes :

• des migrations de travail temporaires dirigées vers l’ouest, auxquelles par-ticipent, entre autres, des Albanais allant travailler en Italie ou en Grèce,des Estoniens et des Russes se rendant en Finlande, des Roumains enIsraël, et des Tchèques, des Bulgares, des Polonais et des Hongrois enAutriche ou en Allemagne ;

• des flux de travailleurs internes à l’Europe centrale et orientale, notam-ment d’Ukrainiens, de Bélarussiens, de Roumains et de Russes gagnant laRépublique tchèque, la Hongrie ou la Pologne ;

• des flux de travailleurs venant de certains pays en voie de développement :par exemple, des Chinois et des Vietnamiens dont le pays de destinationest la République tchèque, la Hongrie ou la Pologne ;

• des flux de main-d’œuvre d’Europe occidentale, le plus souvent haute-ment qualifiée, qui sont surtout dirigés vers la République tchèque, laHongrie et la Pologne.

A ces grandes tendances migratoires s’ajoute une mosaïque complexe demouvements d’assez courte durée fondés sur le «tourisme de travail» et lepetit commerce, auxquels participent des personnes faisant de fréquents

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allers et retours d’un côté à l’autre d’une frontière pour gagner leur vie. Cesmouvements, qui n’étaient pas considérés comme des migrations, sont deve-nus des phénomènes migratoires à part entière, simplement en raison de leurvolume, de leur importance économique et de leur nouveauté. Okolski(1997) qualifie nombre de ces mouvements de «migrations incomplètes»,terme décrivant une situation dans laquelle les intéressés font des séjours àl’étranger, fréquents mais de courte durée, pour gagner leur vie, tout en res-tant domiciliés dans leur pays d’origine. Ces «migrants incomplets» présen-tent les caractéristiques suivantes : statut social mal défini et/ou situationprofessionnelle fluctuante dans le pays d’origine ; illégalité du séjour ou dutravail dans le pays de destination ; maintien d’une résidence permanente etde liens familiaux dans le pays d’origine. Souvent, la distance parcourue estfaible, et le déplacement se réduit parfois à un passage de frontière. Bien quechaque séjour à l’étranger se mesure en jours plutôt qu’en semaines, sur uneannée, le migrant aura passé la majorité de son temps hors de son paysd’origine.

Ces mouvements sont étroitement liés au développement du secteur écono-mique informel dans les pays d’Europe centrale et orientale, conséquence detransformations politiques et économiques. Dans ces pays, les emplois lesplus nombreux sont créés dans le secteur informel, mais ils sont souvent sai-sonniers ou temporaires et ne constituent pas une source de revenus stable ;pour beaucoup de travailleurs, ils ne représentent qu’un salaire d’appoint, quivient compléter les gains réalisés à l’étranger.

Les pays d’Europe centrale et orientale ne peuvent plus être qualifiés simple-ment de pays de transit ou d’émigration, car, s’ils continuent de fournir destravailleurs migrants, ils en accueillent aussi. Etant donné que les contrôlesont été renforcés aux frontières de l’Europe occidentale et que des mesuresont été prises pour freiner les migrations illégales (y compris le trafic clandes-tin et la traite), les PECO, qui n’étaient choisis par les migrants que fauted’autre destination possible, correspondent désormais à leur premier choix(Kraler et Iglicka, 2002). L’élargissement de l’UE vers l’est et l’acceptation del’acquis communautaire par les nouveaux Etats membres conduisent à lacréation d’une nouvelle zone tampon au-delà de leurs frontières, en Bulgarie,Roumanie, Ukraine et Croatie. Ces pays verront probablement arriver denombreux migrants en transit vers l’ouest, et pourraient devenir la nouvelle« antichambre » de l’UE.

Les migrations de main-d’œuvre vers l’Europe centrale et orientale sont trèscontrastées du point de vue de la durée de séjour des migrants, de leurs com-pétences et de leurs origines (Wallace, 1999 ; Kraler et Iglicka, 2002). Lesétrangers sont plus susceptibles que les nationaux de travailler dans le secteurprivé, dans de petites entreprises, et ils occupent en général des emplois plus

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précaires. On observe une certaine corrélation entre la nationalité desmigrants et le type d’activité exercé. Ainsi, les Roumains et les Ukrainienssont nombreux à occuper un emploi temporaire ou saisonnier dans le secteurdu bâtiment. Contrairement aux migrants originaires d’autres pays d’Europecentrale et orientale ou d’ex-URSS, les Chinois et les Vietnamiens sont sou-vent des chefs d’entreprise, qui dirigent un restaurant ou un autre commerce(Kraler et Iglicka, 2002).

Kraler et Iglicka (2002) classent les pays d’Europe centrale et orientale entrois groupes pour ce qui est des migrations de travail, et décrivent, pourchaque groupe, les principales caractéristiques de la main-d’œuvre étran-gère. Le premier groupe rassemble les pays qui sont déjà des pays d’immi-gration, ou sont en train de le devenir, et dans lesquels les travailleursmigrants représentent une forte proportion de la population active et sontdes résidents permanents ou de longue durée (République tchèque, Hongrie,République slovaque et Slovénie, par exemple). Les pays du deuxièmegroupe connaissent des afflux de main-d’œuvre importants, mais il s’agit demigrations temporaires ou de transit, et les migrants y forment (souvent sansêtre déclarés) une part conséquente de la main-d’œuvre (Pologne, Bulgarieet Roumanie, par exemple). Enfin, dans le troisième groupe, on trouve lespays qui se caractérisent par des migrations de travail négligeables et unemain-d’œuvre étrangère essentiellement constituée de membres de profes-sions libérales venus de l’ouest (Estonie et Moldova, par exemple).

I.6.4. Les migrants sur les marchés du travail informels d’Europe centrale etorientale

L’une des caractéristiques de la tranformation intervenue dans les années 90a été le développement du secteur informel dans les économies d’Europecentrale et orientale. Les emplois étaient souvent saisonniers ou temporaireset ne constituaient donc pas une source de revenus stable ; les travailleurs lesconsidéraient comme un salaire d’appoint, qui venait compléter les gains réa-lisés à l’étranger. D’où une double activité : à l’étranger, souvent dans le sec-teur informel, et dans le pays d’origine, dans le secteur informel également.L’émigration, devenue partie intégrante de la stratégie de survie de la famille,était facilitée par des réseaux relationnels. Pour beaucoup de travailleurs, ellereste essentielle.

Il est impossible de dire combien de personnes travaillent dans le secteurinformel en Europe centrale et orientale, mais leur nombre est sûrementconsidérable. En Pologne, on estimait à 200000 le nombre d’étrangers (sur-tout des saisonniers) employés dans le secteur informel en 1999 (OCDE,2001a). Beaucoup de ces travailleurs non déclarés sont des ouvriers du bâti-ment, des salariés agricoles ou des employés de maison. Les patrons de

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petites entreprises sont plus enclins à recruter des travailleurs clandestins,qu’ils choisissent souvent parmi leurs compatriotes. Okolski (1996, 1999) amis en évidence le rôle des travailleurs étrangers non déclarés dans les petitesentreprises du secteur du textile et du cuir en Pologne ; en Républiquetchèque et en Hongrie, on les trouve dans le bâtiment, l’agriculture et la syl-viculture (Maresova, 1999 ; Juhasz, 1999). Dans de nombreux pays de larégion, dont les Etats baltes, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», leBélarus et l’Ukraine, il est difficile de savoir dans quels secteurs est employéela main-d’œuvre clandestine ou en transit (Kraler et Iglicka, 2002).

L’agriculture, les services et l’artisanat ont tous fourni des emplois aux«touristes» venus travailler pour une courte période. Au milieu des années90, on estimait que la Pologne en accueillait de 700000 à 800000 par an(Bak, 1995). Ces mouvements sont particulièrement importants pour l’éco-nomie des régions frontalières. Selon des estimations, le commerce trans-frontalier et l’activité des « bazars » représentaient, en 1996, plus de 25% duvolume total des échanges entre la Pologne et ses voisins de l’est. Les achatseffectués par les seuls «touristes-commerçants» ukrainiens correspondaientà près de 50% du montant des exportations officielles de la Pologne versl’Ukraine (Bak et Kulawczuk, 1996). Autre exemple : on estime qu’en 1996,le grand bazar de Varsovie employait plus de 6500 personnes, dont au moins3000 étrangers, et qu’à ces emplois directs s’ajoutaient 60000 emploisindirects.

Les travailleurs migrants d’Europe occidentale ont aussi été attirés par lesformes d’emplois plus souples proposées par le secteur informel des paysd’Europe centrale et orientale. L’essentiel de ces mouvements vers l’est ontcependant eu lieu avant que les PECO ne se dotent d’une législation relativeaux migrations. Vers le milieu des années 90, de nombreux Occidentaux,ayant pour la plupart un niveau d’instruction élevé, occupaient un emploinon déclaré dans ce qui était en fait une économie informelle. Selon les esti-mations, ils étaient plus de 50000 en Pologne (Ornacka et Szczesna, 1998),et 40000 en République tchèque. Ces travailleurs clandestins venus del’ouest exerçaient des fonctions de consultant, d’administrateur, de publici-taire ou de responsable des relations publiques, ou servaient d’interlocuteurpour les marchés occidentaux, par exemple (Morawska, 1999). Ils occu-paient des emplois dans des entreprises étrangères de petite taille, ou dansdes coentreprises, ou encore dans des entreprises venant d’être créées enEurope centrale et orientale, ou donnaient des cours de langues à deshommes d’affaires ou à des dirigeants autochtones. Ils n’apportaient pas seu-lement leurs compétences à leurs employeurs, mais leur permettaient ausside réaliser d’importantes économies sur les salaires et les charges sociales, cequi rendait les entreprises locales plus aptes à faire face à la concurrence dessociétés transnationales. Il semble que ces pratiques se poursuivent dans le

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nouveau cadre législatif et, pour les pays en voie d’adhésion, dans la pers-pective de mai 2004.

De manière générale, on peut dire que la croissance du secteur informel acréé, et continue de créer, d’immenses possibilités de migration de main-d’œuvre, aux formes très souples. Ainsi, les mouvements restent très impor-tants, notamment entre les pays d’Europe orientale, l’Ukraine et la Pologne,par exemple (Iglicka, 2001 ; Okolski, 2002).

I.6.5. Emigrants des pays d’Europe centrale et orientale

I.6.5.1. Fuite des cerveaux ou gaspillage de compétences?

Compte tenu de la situation des migrations de main-d’œuvre en Europe cen-trale et orientale, que nous venons d’examiner, il importe de se demander quise déplace, et plus précisément dans quelle mesure l’émigration constitueune fuite ou un gaspillage de compétences.

L’émigration est généralement sélective : ce sont les mieux lotis qui partent.Toutefois, l’émigrant quitte souvent son travail pour un emploi moins quali-fié dans le pays de destination, dans le bâtiment, l’industrie manufacturièreou les services, ce qui entraîne un gaspillage de compétences.

Au début des années 90, on craignait une fuite massive des cerveaux de l’estvers l’ouest, notamment dans les secteurs scientifiques, qui avaient trop depersonnel et manquaient de crédits. De fait, à cette période, les effectifs deces secteurs ont été considérablement réduits (Rhode, 1993). Nombre descientifiques et d’universitaires juifs ou d’origine allemande ont émigré enIsraël ou en Allemagne. D’autres sont restés dans leur pays, mais, ayantquitté le secteur scientifique, ont cherché du travail dans les entreprises pri-vées (Hryniewicz et autres, 1992). On craignait une fuite des cerveaux horsd’Europe centrale et orientale, mais c’est en réalité à un gaspillage de com-pétences à l’intérieur même de cet ensemble qu’on a assisté (Kouzminov,1993).

Le secteur scientifique n’est pas le seul à avoir perdu du personnel. Les émi-grants d’Europe centrale et orientale venaient en fait de toutes les branches.La plupart disposaient d’une formation et d’une expérience solides et beau-coup parlaient une langue étrangère. La fuite des cerveaux a commencé pra-tiquement dès l’ouverture des frontières, mais l’ampleur du phénomènevariait selon les pays. Ainsi, la Pologne et la République tchèque ont étémoins touchées que la Hongrie. Selon Morawska (1999), qui s’appuie surdiverses études, 12 à 14% des personnes ayant migré vers l’ouest après1989 étaient très qualifiées. La majorité de ces migrants étaient jeunes (âgésde moins de 35 ans) et occupaient des postes de cadres dans des entreprises

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privées florissantes du secteur des services ou de la production, qui apparte-naient parfois à des coentreprises, fruits d’une collaboration entre l’est etl’ouest, ou à des sociétés transnationales. Parmi les émigrants figuraient aussides scientifiques, des chercheurs ou des étudiants. Ils sont d’ailleurs de plusen plus nombreux à venir en Europe occidentale pour étudier, acquérir uneexpérience professionnelle ou apprendre une langue. La proportion d’étu-diants est particulièrement forte parmi les émigrants polonais.

Plusieurs études décrivent les caractéristiques des émigrants d’Europe cen-trale et orientale (Fassmann et Hintermann, 1997 ; Fassmann, 1997 ; Okolski,1998 ; Drbohlav, 1997 ; Kraler et Iglicka, 2002). Ce sont généralement deshommes jeunes, célibataires, mais des membres de leur famille ont déjà émi-gré ou projettent de le faire.

L’émigration semble être un élément de la stratégie familiale visant à amélio-rer le niveau de vie.

Les niveaux d’instruction sont variables. La proportion des diplômés de l’en-seignement supérieur a chuté à moins de 2% parmi les émigrants polonais,alors que parmi les émigrants roumains, elle continue de dépasser les 50%,même si elle diminue aussi (OCDE, 2001a). Les émigrants ukrainiens ont unniveau d’instruction moins élevé, ce dont témoignent les emplois temporaireset moins qualifiés qu’ils occupent à l’étranger (Bedzir, 2001).

Il semble que les pays de la CEI aient perdu des compétences. Le niveaud’instruction des migrants qui arrivaient en Fédération de Russie ou quit-taient le pays était nettement supérieur à celui de la population russe (OIM,1997). La proportion de personnes hautement qualifiées était 1,5 fois plusforte parmi les migrants que dans la population générale. L’Ukraine connais-sait une situation analogue : en 1996, 18% des émigrants étaient diplômésde l’enseignement supérieur, et le solde migratoire indiquait que sur l’année,l’Ukraine avait perdu 11 000 diplômés. Quant à la Géorgie, elle a dû faireface à une fuite des cerveaux de grande ampleur, au moment même où elleavait besoin de son intelligentsia pour reconstruire son économie (OIM,1997).

Il est généralement admis que l’Europe occidentale aura de plus en plusbesoin d’immigrants hautement qualifiés, notamment de personnes qui par-lent l’anglais ou travaillent dans des secteurs utilisant un langage scientifiquecommun (des médecins et des chercheurs, par exemple). Pour les personnesmoins qualifiées, le gaspillage des compétences risque de prendre la formed’un tourisme de travail ou d’emplois saisonniers. Lundborg (1997) faitremarquer qu’en Suède, il existe déjà un marché clandestin de la main-d’œuvre qualifiée, sur lequel les menuisiers polonais, par exemple, sont trèsrecherchés. Les migrants originaires d’Europe centrale et orientale occupent

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aussi des emplois dans le bâtiment au Royaume-Uni et en Irlande, et dansplusieurs pays d’Europe occidentale, ils sont recrutés pour la cueillette desfraises. Actuellement, la moitié des participants au programme officiel duRoyaume-Uni concernant les saisonniers agricoles («Seasonal AgriculturalWorkers Scheme») et aux autres programmes sectoriels («Sectors BasedSchemes») viennent des pays en voie d’adhésion à l’UE, et la plupart desautres participants viennent d’ex-URSS.

De nombreux travailleurs d’Europe centrale et orientale ont émigré enEurope occidentale dans le cadre de programmes officiels ou d’accords bila-téraux, mais rares sont les données personnelles sur les migrants. Selon uneétude, les personnes quittant la Hongrie pour l’Allemagne sont principale-ment des hommes, surtout en réponse à une demande de main-d’œuvrequalifiée (Hars, 2002). La proportion de femmes est plus élevée lorsque lescritères relatifs à l’âge et aux compétences sont moins stricts, notammentdans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, où les emplois sont moinsqualifiés. Les femmes tendent à être plus jeunes et sont plus nombreuses queles hommes parmi les personnes participant aux programmes saisonniers, quiproposent généralement une gamme d’emplois limitée.

On ne dispose que de peu d’informations sur les caractéristiques réelles desémigrants, et la plupart de ces informations sont issues d’enquêtes menéessur des échantillons trop réduits pour être représentatifs, mais la déqualifica-tion est manifeste dans les secteurs employant une forte proportion demigrants. Toutefois, on constate aussi que nombre de personnes originairesd’Europe centrale et orientale participent aux échanges internationaux detravailleurs hautement qualifiés. Par ailleurs, on assiste à l’émergence de nou-velles formes de mobilité, notamment sous l’effet de l’externalisation de cer-taines tâches (dans le secteur des TIC, par exemple), désormais effectuéesdans des pays où la main-d’œuvre est moins chère. L’actuel projet «Pemint»(«The Political Economy of Migration in an Integrating Europe», l’économiepolitique des migrations dans une Europe en voie d’intégration) montre quela Fédération de Russie profite de plus en plus de ce phénomène.

I.6.6. Quelles seront les conséquences migratoires de l’élargissement del’Union européenne?

En 2004, dix Etats, situés pour la plupart en Europe centrale et orientale,rejoindront l’UE. Ces dernières années, plusieurs études reposant sur desmodèles macroéconomiques on tenté de prévoir les conséquences migra-toires de cette adhésion. Elles ont été résumées par Fassmann et Munz(2002). Selon toutes les études, entre 250000 et 350000 personnes quitte-ront chaque année l’Europe centrale et orientale pour se rendre en Europeoccidentale, et la durée du phénomène dépendra du rythme et des résultats

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des réformes économiques engagées dans les pays d’origine. Cela dit, lesmodèles statistiques peuvent donner une vision réductrice de la réalité et lesdonnées sur lesquelles ils s’appuient ne sont pas toujours fiables ; ils présen-tent aussi l’inconvénient de tenter de schématiser une situation nouvelle pourlaquelle on manque d’indicateurs clairs (Salt et autres, 1999). D’autres étudesreposent sur des enquêtes, qui concernent notamment l’intention d’émigrer.Elles présentent l’intérêt de donner des renseignements sur le profil des per-sonnes susceptibles d’émigrer et sur la fermeté de leur intention, mais mêmeces enquêtes ne sont pas fiables, puisqu’on constate que nombre des per-sonnes interrogées changent d’avis ultérieurement.

Globalement, ces études semblent indiquer que ce sont peut-être 3% deshabitants des pays candidats qui émigreront. Il est peu probable que ce mou-vement prenne une plus grande ampleur (quel que soit le développementéconomique), car le potentiel migratoire des pays d’Europe centrale et orien-tale devrait diminuer pour des raisons démographiques. Plusieurs Etatsmembres de l’UE ont déclaré qu’ils autoriseraient la libre circulation descitoyens des nouveaux Etats membres dès l’adhésion, alors que d’autres tien-nent à instaurer une période de transition.

I.7. Migrations de travail illégales

On manque manifestement de données bien attestées sur la plupart desaspects des migrations illégales. Les méthodes permettant d’étudier la popu-lation des trafiquants et des passeurs et de leurs clients ne sont guère déve-loppées, la base d’analyse théorique est fragile, et surtout, les enquêtesempiriques de fond sont rares.

I.7.1. La taille de la population en situation irrégulière

Il faut commencer par préciser que personne ne connaît la taille de la popu-lation en situation irrégulière et l’ampleur des migrations clandestines, ni pourl’ensemble de l’Europe ni pour les différents pays. Dans certains pays, on atenté d’évaluer le nombre de personnes en situation irrégulière, au moyen deméthodes et d’hypothèses variées, mais on a obtenu au mieux de simplesindications. Voici quelques-uns des derniers chiffres avancés : 569000 tra-vailleurs étrangers non déclarés en Italie (Baldassarini, 2001), 90000 enBelgique (Poulain, 1998), et entre 70000 et 180000 travailleurs clandestinsen Suisse (Piguet et Losa, 2002). Le nombre de travailleurs en situation irré-gulière a été estimé à 40000 dans les quatre villes d’Amsterdam, deRotterdam, de La Haye et d’Utrecht (Van der Leun, Engberson et Van derHeijden, 1998).

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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I.7.2. L’ampleur de la traite des migrants et du trafic clandestin d’êtreshumains

Dans le tableau I.8, on a tenté de rassembler les diverses estimations de l’am-pleur du trafic illicite et de la traite, aux niveaux mondial et européen. Auniveau mondial, le chiffre annuel s’élèverait à 4 millions de personnes, dontjusqu’à 2 millions de femmes et d’enfants. Des estimations pour l’UE, quidatent de 1993 et 1999, font état de 50000 à 400000 personnes, hommes,femmes et enfants confondus. On estime à 300000 par an le nombre desfemmes qui entrent clandestinement dans l’UE ou en Europe centrale etorientale et y sont victimes de la traite. Il est rarement indiqué comment lesestimations ont été faites ; généralement, elles reposent sur des hypothèsesconcernant le rapport entre le nombre de personnes appréhendées à la fron-tière et le nombre de celles qui parviennent à la traverser sans se faireprendre. Ainsi, Heckmann et autres (2000) s’appuient sur les statistiques rela-tives aux arrestations pour évaluer le nombre des personnes qui entrent clan-destinement dans l’UE et y sont victimes de la traite (400000 en 1999). Pourchaque personne arrêtée pour avoir tenté d’entrer illégalement dans l’UE(260000 arrestations), on estime que deux personnes réussissent à entrerclandestinement.

I.7.3. Caractéristiques des travailleurs migrants en situation irrégulière

Pour évaluer le nombre des migrants en situation irrégulière au regard du tra-vail ou du séjour, on s’appuie notamment sur le nombre des personnes quidemandent leur régularisation dans le cadre d’un programme de régularisa-tion. Un tel programme a généralement pour effet indirect de donner desinformations sur la population en situation irrégulière. Le gouvernement quile met en œuvre obtient des indications sur le nombre des migrants sanspapiers et les lieux où ils se trouvent ; il apprend qui ils sont, comment ilsvivent, quelle profession ils exercent et dans quelles conditions. De fait, leprogramme est un moyen d’évaluer le nombre minimal de clandestins avantqu’ils ne soient régularisés.

Les programmes de régularisation sont assez courants dans les pays médi-terranéens depuis une vingtaine d’années, et quelques autres pays en ontaussi lancés. Faute de meilleures estimations, on peut partir du nombre derégularisations pour évaluer la taille de la population en situation irrégu-lière et le volume des migrations clandestines. Les exemples du Portugal,de l’Espagne, de l’Italie et de la Grèce donnés ci-dessous visent àpermettre d’esquisser les caractéristiques des travailleurs migrants ensituation irrégulière.

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I.7.3.1. Portugal

Ces dix dernières années, le Portugal a vu sa situation migratoire changerconsidérablement. Il est devenu un pays d’immigration nette, qui cherche àattirer des travailleurs étrangers faiblement qualifiés, et depuis peu, il assisteà une modification de l’origine géographique de ses immigrants. Cette évo-lution est due à l’entrée en vigueur, en janvier 2001, de la nouvelle loi rela-tive aux étrangers, qui permet aux étrangers titulaires d’un contrat de travailmais sans visa en cours de validité de régulariser leur situation et d’obtenir untitre permanent. Sur les près de 100 000 personnes régularisées au cours desneuf premiers mois, plus de la moitié (53%) venaient d’Europe orientale,notamment d’Ukraine, et seulement 10% des Palop. La structure de l’immi-gration a donc connu un grand changement, marqué par l’apparition d’unenouvelle région d’origine et l’arrivée d’étrangers non lusophones. Il sembleégalement que les nouveaux immigrants se dispersent davantage sur le terri-toire portugais et qu’une forte proportion d’entre eux soient relativementqualifiés.

Au Portugal, la part des étrangers dans la population active a augmenté.Traditionnellement répartis entre les emplois très qualifiés (professions libé-rales et postes d’encadrement) et les emplois peu qualifiés, les étrangers seretrouvent de plus en plus souvent dans cette dernière catégorie, en particu-lier dans les secteurs du bâtiment, du nettoyage, de l’agriculture et de l’hô-tellerie et de la restauration (Malheiros, 2001). Cette tendance s’expliqueainsi : le marché du travail national ne parvenant pas à satisfaire les besoinsdes employeurs, les trafiquants et les passeurs font venir des étrangers, ce quientraîne une forte présence de travailleurs sans papiers. Le gouvernement aréagi par diverses mesures. Il a instauré un titre permanent permettant auxsans-papiers de régulariser leur situation, signé des accords d’immigrationavec certains pays (la Bulgarie et la Roumanie, par exemple) pour faciliter lerecrutement de travailleurs, et cherché à mieux coordonner les activités deses différents services chargés de l’application de la politique d’immigration(notamment par des dispositions visant à améliorer l’intégration au niveaulocal).

I.7.3.2. Espagne

Les résidents et les travailleurs étrangers sont de plus en plus nombreux enEspagne, où l’immigration prédomine désormais très nettement. En 1999, laplupart des étrangers ayant obtenu un permis de travail étaient des employésde maison (31%), ou travaillaient dans l’agriculture (20%), l’hôtellerie et larestauration (12%) – secteur où le nombre d’étrangers a augmenté le plusvite – ou le bâtiment (9%) (Izquierdo Escribano, 2000). Les Marocains

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formaient le groupe le plus important (36%), suivis des Equatoriens, desPéruviens et des Chinois.

La régularisation a modifié la taille et la composition de la population étran-gère de l’Espagne. Fin 2001, le pays comptait environ 1,25 million d’étran-gers, ce qui représente plus de 3% de la population totale et marque unchangement substantiel par rapport aux tendances antérieures. Les fluxvenant d’Europe orientale se sont renforcés davantage que les flux venant del’ouest. Toutefois, ce sont les migrations en provenance de pays non-euro-péens qui ont progressé le plus vite, et en 2001, un tiers des immigrants quiobtenaient un titre de séjour (y compris dans le cadre d’une régularisation)venaient d’Afrique et un quart d’Amérique latine. Le Maroc reste en tête despays d’origine, mais l’Algérie, le Sénégal et le Nigeria ont aussi pris de l’im-portance. La répartition entre les pays d’Amérique latine a égalementchangé : l’Equateur et la Colombie ont dépassé la République dominicaine etle Pérou, qui occupaient les premières places au début des années 90.

Le programme de régularisation de 2000-2001 a donné lieu au dépôt dequelque 250000 demandes. Les Marocains ont été les plus nombreux à fairecette démarche (27%), suivis des Equatoriens (9%) et des Colombiens(6%). Les groupes des Chinois, des Roumains, des Pakistanais, des Algériens,des Nigérians et des Sénégalais ont représenté 3 à 5% chacun. La répartitiondes demandes de régularisation par domaine d’activité se caractérise pardeux phénomènes : la forte progression du travail temporaire, notammentdans les secteurs du bâtiment, des services aux personnes et de l’hôtellerie etde la restauration ; et le développement du travail clandestin dans l’agricul-ture. Environ 27% des personnes régularisées travaillaient dans le secteur desservices aux personnes, 21% dans l’agriculture et 10% dans le bâtiment,proportions peu différentes des chiffres concernant les emplois déclarés (voirci-dessus).

I.7.3.3. Italie

L’Italie s’est longtemps caractérisée par une situation complexe du point devue des origines des immigrants. Les données migratoires de l’Italie (commecelles des autres pays méditerranéens membres de l’UE) sont influencées parles programmes de régularisation. Selon tous les indicateurs disponibles, lapopulation étrangère de l’Italie a augmenté de manière continue en 2000(Chaloff, 2001). En 1999 et 2000, les nouveaux titulaires de permis de séjouront été plus de deux fois plus nombreux qu’en 1998, et plus de la moitiéd’entre eux bénéficiaient en fait du programme de régularisation de 1998. Larégularisation a pour effet de fausser l’analyse des chiffres de l’immigrationpour 1999 et 2000 en gonflant les chiffres concernant les personnes venuesen Italie pour y travailler, puisqu’une forte proportion des candidats à la

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régularisation étaient des travailleurs clandestins. Cependant, les migrationsfamiliales devraient augmenter, étant donné que les travailleurs régularisésvont essayer de faire venir leur conjoint et leurs enfants.

En dépit de cette complexité, trois grandes tendances semblent se dessiner :des populations nombreuses, installées durablement, caractérisées par leregroupement familial (Maroc et Philippines, par exemple) ; de nouvellespopulations étrangères, nombreuses et en croissance rapide, comptant prati-quement autant de femmes que d’hommes (Chine et Albanie, par exemple) ;et de nouvelles populations de travailleurs migrants, dans lesquelles un seulsexe est représenté (Bangladesh et Equateur, par exemple) (Chaloff, 2001).En conséquence, le nombre des travailleurs immigrés continue d’augmenter,surtout dans les emplois peu qualifiés, qui correspondent au domaine dumarché du travail italien où la demande est la plus forte.

Les services aux personnes constituent depuis longtemps l’un des secteurs oùse concentrent les travailleurs étrangers ; la moitié des employés de maisondéclarés sont des femmes d’origine étrangère. Parmi elles, le groupe qui s’ac-croît le plus vite est celui des femmes d’Europe orientale, alors que lesgroupes traditionnels des Philippines et des Cap-Verdiennes restent stables.Beaucoup de ressortissants d’Europe orientale exercent une activité saison-nière : ils entrent dans l’espace Schengen sans visa, y travaillent illégalementpendant quelques mois, souvent sans avoir signé aucun contrat, puis retour-nent chez eux. On observe que le nombre d’immigrés travaillant à leurcompte tend à augmenter. Cette tendance confirme dans une certainemesure les chiffres du programme de régularisation de 1998, selon lesquels15% des candidats à la régularisation exerçaient une activité indépendante.La proportion de chefs d’entreprise était particulièrement forte parmi lesChinois (ibid.).

I.7.3.4. Grèce

A l’image des autres pays du sud de l’Europe, la Grèce, qui était un paysd’émigration, est devenue un pays d’immigration. Toutefois, il ressort desdonnées issues de ses programmes de régularisation qu’à certains égards, sasituation migratoire est très différente de celle de l’Espagne, du Portugal et del’Italie. La Grèce se distingue par trois grandes caractéristiques : le rôle desanciens pays communistes dans l’alimentation des flux migratoires ; la proxi-mité de pays d’émigration ; la prédominance d’un pays d’origine unique(Cavounidis, 2002).

Les changements politiques intervenus dans les pays communistes ontentraîné, au début des années 90, une intensification des flux dirigés vers laGrèce, notamment en provenance de l’Albanie, qui jouxte le nord du pays. Laplupart des immigrants n’étaient pas d’origine grecque ; ils sont entrés en

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Grèce illégalement, ou y sont restés après l’expiration de leur visa, et ont faitaugmenter rapidement le nombre des sans-papiers vivant et travaillant dansle pays (ibid.). Faute de statistiques suffisantes, ni la taille ni les caractéris-tiques de la population en situation irrégulière ne sont connues avecprécision.

Ce n’est que depuis le programme de régularisation de 1998 qu’on dispose dedonnées sur les caractéristiques de la population immigrée de la Grèce. Il s’estavéré qu’environ 10% de la population active était sans papiers (OCDE, 1999).Toutefois, en 1999, seuls 20000 étrangers sans papiers ont été expulsés(Petropoulos, 2000). Selon des estimations plus récentes, les sans-papiersreprésenteraient entre 7,5 et 9,5% de la population totale (Robolis, 2001). Lesressortissants d’anciens pays communistes formeraient la part essentielle de cesclandestins (86%), et les Albanais en représenteraient 65% à eux seuls. Lesautres pays du sud de l’Europe sont beaucoup moins influencés que la Grècepar les flux en provenance d’anciens pays communistes (Cavounidis, 2002).

Dans la mesure où la plupart des personnes qui déposaient une demande derégularisation ne précisaient pas leur activité, il n’existe pas de classificationpar secteur économique ; cela dit, il n’y aucune raison de penser qu’en Grèce,les clandestins ne travaillent pas dans les mêmes branches que dans les autrespays où des programmes de régularisation ont été mis en œuvre. Environ unquart des personnes qui demandaient leur régularisation étaient des femmes,mais cette proportion variait selon la nationalité. Ainsi, les femmes ne repré-sentaient que 2% des demandeurs originaires du sous-continent indien, mais75% des personnes originaires de Russie et 80% des personnes originairesdes Philippines et d’Ukraine.

En 2001 a été lancé un deuxième programme de régularisation, qui a donnélieu au dépôt de plus de 300000 demandes. Dans le cadre des deux pro-grammes, 700000 demandes au total ont été déposées, ce qui donne uneidée de l’ampleur réelle de l’immigration de main-d’œuvre en Grèce.

La plupart des immigrants viennent de pays avec lesquels la Grèce partageune frontière terrestre. Cette proximité géographique explique aussi l’affluxde personnes d’origine grecque (environ 250 000), qui ont pu retourner enGrèce après 1989. L’une des conséquences de cette proximité pourrait être laformation d’un ensemble interactif de marchés de l’emploi unissant la Grèceà ses voisins, et la création de régions économiques transfrontalières, sur lemême modèle qu’en Europe centrale.

I.8. La gestion des migrations

Ces dernières années, une attention accrue a été accordée aux possiblités degérer les migrations. La première tentative d’élaborer une stratégie de

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gestion, faite par le Conseil de l’Europe en 1998, a été suivie de plusieursautres initiatives, variant par leur ampleur et leur contenu. Les principauxacteurs de la gestion sont les partenaires sociaux (gouvernement,employeurs et syndicats). S’y ajoutent les associations et les groupes de pres-sion, des intermédiaires, tels que les cabinets juridiques et les sociétés derecrutement, mais aussi les trafiquants et les passeurs, etc. Tous jouent unrôle dans les migrations internationales de la main-d’œuvre. On ne sait guèrecomment ils interagissent. Fondamentalement, chacun a une série d’objectifsqu’il s’efforce d’atteindre. Etudier la gestion des migrations implique donc dedéterminer comment les différents acteurs se font mutuellement des conces-sions pour parvenir à une forme d’arrangement, qui aura certaines consé-quences sur le plan migratoire. Nous avons surtout besoin de savoircomment les rôles de gestion sont exercés et quels sont les liens entre eux.Par exemple, comment les employeurs du secteur des TIC ont-ils réussi àobtenir un régime de permis de travail aussi favorable?

I.8.1. La stratégie de gestion du Conseil de l’Europe

Avant d’examiner plus précisément comment les migrations sont gérées, ilconvient de rappeler les principes adoptés par le Conseil de l’Europe en 1998en ce qui concerne les migrations de main-d’œuvre. A l’époque, le Conseil del’Europe avait clairement indiqué que toute tentative de gestion des migra-tions de main-d’œuvre devait s’inscrire dans une stratégie de gestion inté-grée poursuivant quatre grands objectifs :

1. définir un ensemble de mesures permettant de gérer l’immigration defaçon ordonnée, afin que les migrants comme les sociétés d’accueil entirent le meilleur profit et que le trafic et les mouvements illégaux soientréduits ;

2. offrir une capacité suffisante de protection et de traitement des affluxdésordonnés ou soudains ;

3. créer un environnement propice à l’intégration ;

4. nouer le dialogue et des liens de coopération avec les pays d’émigrationafin d’établir une cohérence entre la politique étrangère et les objectifs enmatière d’immigration.

La politique relative aux migrations de main-d’œuvre est un élément essen-tiel de la stratégie de gestion des migrations. Il est proposé d’envisager cettepolitique sous deux aspects.

(a) Les différents facteurs de la mise en œuvre

L’immigration est intimement liée au marché du travail. Les politiques enmatière de migration de main-d’œuvre doivent prendre en considération de

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très nombreux types de travailleurs étrangers, caractérisés par des niveaux decompétence et des degrés de stabilité variables. Certains étrangers connais-sent une situation précaire, d’autres, hautement qualifiés et solidement éta-blis, se considèrent comme des citoyens transnationaux. Leur acceptabilité etl’intérêt qu’ils présentent pour les pays d’accueil dépendent de l’état du mar-ché du travail. Etant donné que les marchés nationaux du travail tendent à sefondre en un marché unique, il est indispensable que la planification de lagestion tienne compte d’une série de facteurs temporels et géographiques.

On ne sait pas vraiment dans quelle mesure il est possible d’établir une pla-nification à long terme, en raison des incertitudes liées au marché de l’emploidans les périodes de fluctuation économique ; on ignore également à quelmoment, face à des déplacements inopinés ou massifs, il devient nécessaired’assouplir les politiques et les structures mises en place pour répondre auxbesoins en main-d’œuvre. En termes purement économiques, les mouve-ments de main-d’œuvre ne doivent être perçus que comme un ensembled’éléments s’inscrivant dans une économie mondialisée, composée deréseaux d’économies et d’intérêts nationaux pour lesquels il est nécessaired’élaborer une stratégie de gestion permettant de maîtriser la complexité. Enoutre, les phénomènes migratoires deviennent de plus en plus diversifiés, sibien que le mot « permanent » a aujourd’hui un sens différent de celui qu’ilrevêtait dans le passé. Par conséquent, en gérant une immigration pouvantdéboucher sur une installation permanente, les gouvernements sont amenésà faire face, sur des laps de temps variables, à des types de mouvements etde motivations bien plus nombreux qu’auparavant.

Le facteur géographique dont la gestion doit tenir compte est égalementvariable. A l’échelle internationale et nationale, la plupart des pays européensont besoin de main-d’œuvre peu coûteuse et peu qualifiée. Ces besoins sontconcrétisés au niveau des marchés du travail locaux, mais dans la majoritédes pays, les gouvernements en tant que tels n’ont guère leur mot à dire : enrègle générale, ils leur revient de créer l’environnement au sein duquel lesmarchés du travail peuvent fonctionner. Ainsi, une pénurie locale de main-d’œuvre a souvent pour conséquence de favoriser l’immigration irrégulière,et ce en dépit des initiatives prises par les gouvernements pour l’éviter. A par-tir de là, un fossé se creuse entre, d’une part, la déréglementation et ladécentralisation des marchés du travail et, d’autre part, les efforts des gou-vernements pour enrayer l’immigration. De ce fait, quand les gouvernementsdéfinissent leurs stratégies en matière de gestion de l’immigration, ils doiventsavoir qu’il existe au niveau du marché du travail un besoin en main-d’œuvreirrégulière et que le phénomène de l’illégalité s’inscrit dans un contexte éco-nomique plus large, dont il faut tenir compte.

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(b) Les liens entre besoins en main-d’œuvre externe, chômage et évolutionsdémographiques

La priorité pour les gouvernements est de veiller, dans toute la mesure deleurs possibilités, à mettre en place des politiques visant à encourager leurpropre population à occuper les emplois vacants. Ces politiques impliquentd’adopter des mesures destinées à inciter les entreprises à rendre les emploisattrayants pour les nationaux, et de promouvoir à cette fin des solutionsénergiques. Il s’agit notamment de lancer des programmes de formation, defavoriser la flexibilité, d’aider les femmes ayant des enfants (y compris lesfemmes immigrées) à entrer sur le marché du travail, d’améliorer les salaireset les conditions de travail, et de garantir le respect des règles d’hygiène et desécurité. Il convient aussi de déceler les cas d’exploitation de travailleursétrangers (d’employées de maison philippines, par exemple) et d’éradiquerces pratiques. Si, malgré ces dispositions, les besoins de main-d’œuvre nesont toujours pas satisfaits, les gouvernements établiront des procédures envue de la sélection et du recrutement de travailleurs étrangers. Il est possibleque certains postes, notamment ceux qui requièrent des compétences trèsspécialisées, ne puissent pas être pourvus par des nationaux, pour diversesraisons.

A plus long terme, les gouvernements devront se montrer souples pour per-mettre à des travailleurs immigrés de remédier à la pénurie de main-d’œuvrecausée par un vieillissement démographique dû à de faibles taux de natalité.Cependant, il ne faudrait autoriser plus largement l’entrée de travailleursétrangers qu’après épuisement des possibilités de recours aux nationaux.L’assouplissement des dispositions relatives à l’entrée de main-d’œuvreétrangère ne devrait pas être la première ni la principale réponse à un risquede pénurie.

Sur les marchés du travail, la sélection et le recrutement tendent à être encoreen grande partie du ressort des employeurs. Les gouvernements soucieux deconserver le contrôle de la gestion devront collaborer avec un ensemble departenaires sociaux, engager des discussions, partager les responsabilités etchercher le consensus tant sur les initiatives à prendre que sur les réponses àapporter.

Il convient donc d’engager un mouvement de «contractualisation» de la ges-tion visant à inciter les principaux acteurs du marché du travail – employeurs,syndicats, ainsi qu’un certain nombre d’ONG – à coopérer avec le gouverne-ment plutôt qu’à donner l’impression de le combattre. Gouvernement etemployeurs doivent parvenir à un arrangement, fondé sur le principe selonlequel le nombre de travailleurs étrangers entrant sur le territoire résulterad’un compromis entre le devoir du gouvernement de restreindre tout affluxde main-d’œuvre préjudiciable à l’emploi des autochtones et des étrangers

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Page 56: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

légalement installés, et les intérêts des employeurs, qui veulent disposerd’une main-d’œuvre étrangère au moindre coût et à des conditions mini-males.

Il faudrait donc que les gouvernements, après avoir dûment consulté les par-tenaires sociaux, définissent le cadre général des salaires et des conditions detravail, ainsi que les dispositions propres à favoriser au maximum l’emploi desautochtones. Il reviendra alors aux employeurs de préciser les détails de lapolitique à mettre en oeuvre. Par conséquent, le contrôle de l’immigration demain-d’œuvre doit être perçue de plus en plus comme une entreprise decoopération, fondée sur une forme de contrat négociée et acceptée par tousles partenaires sociaux. Cela n’implique pas un abandon, par l’Etat, de sesresponsabilités, mais plutôt l’instauration d’une procédure décisionnelle plustransparente.

I.8.2. La gestion par les gouvernements

La stratégie du Conseil de l’Europe a été suivie, à partir de 2000, d’une sériede propositions relatives à une politique communautaire formulées par laCommission européenne. Elles ont été résumées dans Salt (2002). Quelquesremarques générales peuvent être faites sur leur contenu. Premièrement, lesEtats et les organisations internationales reconnaissent qu’il n’est pas possibled’endiguer les migrations internationales, en ce sens que les pays ne peuventpas ouvrir et fermer le robinet de ces flux aux frontières. Ils n’ont d’ailleursjamais pu le faire. Deuxièmement, les migrations sont perçues comme unphénomène généralement positif. Troisièmement, toute stratégie de gestiondes migrations doit relever d’une conception très large, qui tienne compte detoute la gamme des mouvements, tant illégaux que légaux. Enfin, un pays nepeut plus agir seul. Il est essentiel de coopérer, aussi bien avec les voisinseuropéens qu’avec des pays plus lointains. Cette collaboration est particuliè-rement utile pour lutter contre l’immigration clandestine.

Mais quelle est la situation sur le terrain? Quels sont les grandes tendancesen matière de gestion des migrations de main-d’œuvre? Certaines ont étémises en évidence dans une étude récente portant sur la gestion de l’affluxde main-d’œuvre dans un groupe de pays d’Europe occidentale (Gilmore,2002). Une étude complémentaire concerne les initiatives prises par les gou-vernements de pays européens, mais aussi non européens (dont les Etats-Unis, l’Australie et le Canada), pour augmenter ou accélérer l’afflux detravailleurs hautement qualifiés (McLaughlan et Salt, 2002).

I.8.2.1. Analyse du marché du travail

L’un des traits communs à tous les régimes de permis de travail est de subor-donner l’octroi d’une autorisation de recruter un étranger au résultat d’une

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre à destination et à l’intérieur de l’Europe

Page 57: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

analyse du marché du travail (visant à déterminer si le poste pour lequel lepermis est demandé peut être occupé par un national) ; cette analyse peutprendre différentes formes, et les conditions d’octroi sont plus ou moinsstrictes. Dans certains cas de pénurie de compétences, il est possible d’êtreexempté de cette analyse préalable ou de suivre une procédure simplifiée(qui évite de passer par le conseil régional du marché du travail, parexemple). Plusieurs pays ont pris de telles dispositions pour recruter des tra-vailleurs très qualifiés (notamment dans le secteur des TIC). Ainsi, aux Pays-Bas, les employeurs peuvent s’adresser directement au bureau de placementnational, sans passer par les bureaux régionaux, et au Danemark, lorsque lebureau national reçoit des demandes émanant d’employeurs souhaitant pal-lier une pénurie de compétences, il n’est plus tenu de les communiquer auxbureaux régionaux pour qu’ils essaient d’abord de pourvoir les postes en fai-sant appel aux nationaux.

I.8.2.2. Programmes spéciaux pour les personnes très qualifiées

La plupart des pays européens n’ont pas pris de mesures spéciales pour recru-ter des travailleurs très qualifiés (McLaughlan et Salt, 2002). Ils se contententdu système de permis de travail déjà en place. Lorsque des programmes spé-cifiques sont instaurés, ils s’adressent toujours aux spécialistes des TIC et aupersonnel de santé (notamment aux infirmières), ainsi qu’aux personnestransférées au sein d’une même entreprise.

L’un des exemples les plus connus de programme visant à attirer des compé-tences bien précises est celui qui a été mis en place en Allemagne. Les étran-gers possédant un diplôme dans un domaine lié aux TIC, ou diplômés eninformatique d’une université allemande, peuvent obtenir un permis detravail. Plusieurs autres pays ont instauré des procédures accélérées pour les informaticiens (la France, par exemple). Le «Highly Skilled MigrantProgramme» du Royaume-Uni, qui repose sur un système de points, encou-rage les étrangers ayant des compétences spécifiques à s’adresser spontané-ment au ministère de l’Intérieur britannique pour se déclarer candidats àl’immigration (Clarke et Salt, 2003). La France et l’Allemagne ont mis enplace des politiques permettant aux étudiants étrangers diplômés en infor-matique d’entrer dans la vie active sans passer par le système des permis detravail.

Les gouvernements adoptent généralement des mesures visant à faciliter lestransferts internationaux de personnel très qualifié au sein des sociétés trans-nationales, et les procédures simplifiées et les dérogations sont largementrépandues. Ces dispositions sont destinées à encourager les investissementsétrangers.

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I.8.2.3. Quotas et objectifs nationaux

Certains pays (dont l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Autriche)fixent des objectifs annuels globaux pour l’immigration, qui comprennentdes quotas spécifiques de permis de travail ou de travailleurs saisonniers(Suisse et Royaume-Uni, par exemple). Chaque pays a sa méthode, mais tousappliquent des principes communs ; ainsi, tous consultent les principauxacteurs du marché du travail ou concernés par l’immigration avant de publierleurs objectifs.

I.8.2.4. Accords bilatéraux

Plusieurs pays, dont l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, ont conclu de telsaccords, avec des partenaires auxquels ils sont généralement unis par desliens géographiques ou historiques. Ces accords doivent notamment per-mettre de gérer des flux qui, autrement, seraient clandestins ; c’est parexemple le cas de l’accord entre l’Allemagne et la Pologne. Des accords plusrécents témoignent d’un changement concernant les pays d’origine desimmigrants ; ainsi, l’Espagne et le Portugal ont conclu des accords avec laPologne, la Roumanie et l’Ukraine. La plupart des accords s’appliquent auxemplois les moins qualifiés, notamment dans l’agriculture, l’hôtellerie et larestauration, et le bâtiment.

Quelque 3000 travailleurs sous contrat et 40000 intérimaires des paysd’Europe centrale et orientale se rendent en Allemagne chaque année dans lecadre d’accords bilatéraux. Le visa n’étant plus exigé des travailleurs de laplupart de ces pays lors de leurs déplacements en Europe occidentale pourune durée n’excédant pas trois mois, il leur est relativement simple d’entrerdans un pays occidental, d’y rester au-delà de la durée de séjour légale et d’ytrouver un travail au noir. Apparemment, ces migrations se font le plus sou-vent vers les nouveaux pays d’immigration de l’UE, notamment le sud del’Europe et l’Irlande. L’Espagne et le Portugal viennent d’entamer des négo-ciations avec certains pays d’Europe centrale et orientale, afin de conclure desaccords bilatéraux destinés à endiguer l’arrivée de travailleurs de cette région(Laczko, 2002). Cependant, les migrations en provenance des PECO, quelleque soit leur forme, y compris les migrations pendulaires et le petit com-merce, se font en grande partie en direction d’autres pays de la région plutôtque vers l’Europe occidentale (Kraler et Iglicka, 2002). Dans certains de cespays, la gestion des migrations de main-d’œuvre prend une nouvelle tour-nure ; ainsi, la République tchèque a mis en place un système de points per-mettant de sélectionner les migrants en fonction de leurs compétences et deleurs qualifications (ibid.).

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I.8.2.5. Programmes de régularisation

Ces programmes ont déjà été examinés dans la partie 7.3 ci-dessus. Ils per-mettent aux clandestins de régulariser leur situation, mais contribuent aussi àremédier à des pénuries de main-d’œuvre. Apparemment, peu d’élémentsindiquent que les programmes de régularisation aient pour effet de réduire letravail clandestin des immigrés, mais à l’évidence, la présence de ces per-sonnes satisfait les employeurs qui les font travailler et, indirectement, l’en-semble de la population, qui consomme les produits qu’elles fabriquent et lesservices qu’elles fournissent. Les programmes de régularisation sont trèsrépandus dans le sud de l’Europe. Cela dit, beaucoup d’autres pays en ins-taurent aussi, sous une forme ou une autre. Ainsi, le gouvernement duRoyaume-Uni a annoncé en octobre 2003 qu’il autorisait quelque 15 000demandeurs d’asile et leurs familles, qui attendaient une décision sur leurdemande ou leur recours, à rester dans le pays et à y travailler.

I.8.2.6. Travailleurs saisonniers

Tous les pays connaissent des variations saisonnières de la demande de main-d’œuvre ; les uns prennent des dispositions spécifiques pour recruter des tra-vailleurs saisonniers, les autres tentent de répondre à ces besoins demain-d’œuvre par l’intermédiaire du système général des permis de travail.La plupart des travailleurs saisonniers se retrouvent dans une gamme d’acti-vités limitée. Les mécanismes utilisés pour gérer l’entrée de travailleurs sai-sonniers varient selon les pays : par exemple, l’Autriche, la Suisse et l’Italiefixent des quotas, alors que l’Allemagne conclut des accords bilatéraux. LeRoyaume-Uni s’est doté d’un programme concernant les saisonniers agri-coles (« Seasonal Agricultural Workers Scheme »), dans le cadre duquel lequota a récemment été porté à 25 000 personnes ; il est géré par quelquesacteurs privés, principalement de grandes entreprises agricoles. Les systèmesde la plupart des pays ont cependant en commun de fixer une durée deséjour maximale, généralement comprise entre trois et neuf mois, et de n’ac-corder aux travailleurs saisonniers que des droits et des avantages limités (cestravailleurs sont rarement autorisés à venir accompagnés de leur conjoint etde personnes à charge).

I.8.2.7. Autres travailleurs peu qualifiés

L’entrée de travailleurs peu qualifiés n’appartenant pas à la catégorie des tra-vailleurs saisonniers n’est autorisée que si les autorités ont constaté, à l’issued’une forme d’analyse du marché du travail, que les emplois en question nepouvaient pas être occupés par des nationaux. Ainsi, il y a quelques années,l’expansion économique a conduit les autorités irlandaises à délivrer de

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nombreux permis de travail à des travailleurs peu qualifiés ; cette politique aété durcie depuis, à cause d’une situation économique moins favorable.

On peut soutenir que l’une des principales tâches qui attend certains gou-vernements dans les prochaines années consiste à gérer l’afflux de tra-vailleurs peu qualifiés dans des secteurs où la présence de clandestinstémoigne d’une pénurie de main-d’œuvre. A cette fin, le Royaume-Uni alancé (en mai 2003) un nouveau programme sectoriel, dans le cadre duquelil a fixé à 20000 par an le nombre de personnes peu qualifiées qui vien-draient travailler dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et de l’in-dustrie alimentaire. Par ce programme, le gouvernement poursuit un doubleobjectif : remédier à la pénurie de main-d’œuvre et, en proposant des voiesd’entrée légales, réduire le travail clandestin.

I.9. Conclusions

I.9.1. Considérations générales

• Il est difficile de faire des généralisations pour un continent dont la géo-graphie physique et humaine est si contrastée. Les caractéristiques des tra-vailleurs migrants varient selon les pays, et les tendances se modifient aucours du temps.

• La notion de «travailleur migrant» n’est pas simple, et il n’y a pas deconsensus sur ce que sont les migrations de main-d’œuvre. D’oùd’énormes difficultés de définition et de mesure.

• Les statistiques sont principalement des «produits dérivés» de systèmesadministratifs, et il n’est guère possible de comparer les données issues dedifférentes sources, ni au sein d’un même pays ni entre plusieurs pays.Souvent, il n’existe pas de statistiques sur l’émigration.

• Les données sur les migrations illégales de main-d’œuvre sont particulière-ment rares. Ce qui détermine quelles données sont disponibles, ce sontsouvent les exigences accessoires, locales ou particulières auxquelles sontsoumis les organismes effectuant la collecte.

I.9.2. Caractéristiques géographiques

• Les flux de population ont connu des variations. Le nombre des migrantsenregistrés a commencé à augmenter dans les années 80, a atteint sonpoint culminant au début des années 90, et reste relativement stabledepuis quelques années. Les migrations de travail ont connu une évolutionsimilaire, mais il semble que les mouvements, qu’ils soient de longue ou decourte durée, se soient intensifiés ces dernières années.

• Environ 1,75 million de personnes en âge de travailler migrent chaqueannée d’un pays européen vers un autre. Quelques données sur les

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grandes tendances datant du milieu des années 90 laissent penser que cenombre est en augmentation.

• En analysant l’origine et la destination des flux de population, on observedes signes d’un cantonnement des flux à l’intérieur de chaque partie del’Europe, notamment en Europe centrale et orientale, et de nettes diffé-rences entre les champs migratoires des différents pays, qui s’expliquentpar une série de facteurs historiques (des liens post-coloniaux, parexemple) ou géographiques (surtout la proximité).

• Il semble que depuis le milieu des années 90, ce cantonnement relatif soitmoins prononcé et que les fux de migrants soient plus diversifiés.

• Les principaux facteurs dont dépend la répartition par origine nationaledes migrants enregistrés semblent être la proximité géographique et lesliens historiques et culturels. Des facteurs supplémentaires entrent en jeudans le cas des flux clandestins.

• Il semble que la part relative des migrations intra-européennes et desmigrations externes se soit modifiée ces dernières années : la part de l’im-migration communautaire augmenterait, en raison d’une augmentationdu nombre des immigrants originaires de l’UE, ou d’une diminution del’immigration non communautaire.

• Apparemment, ces dernières années, la tendance est à la diversificationdes origines des flux migratoires (les immigrants viennent d’un plus grandnombre de pays).

• Des données récentes sur l’afflux de main-d’œuvre mettent en évidencel’apparition ou le renforcement de certains flux migratoires, en raison de lapénurie de main-d’œuvre qualifiée, de l’ouverture sur l’extérieur del’Europe centrale et orientale, de l’octroi de permis de séjour aux deman-deurs d’asile, de la mondialisation et de la création de communautés trans-nationales.

I.9.3. Caractéristiques démographiques

• La part respective des hommes et des femmes dans les migrations demain-d’œuvre semble se modifier. Les hommes représentent environ lesdeux tiers des travailleurs migrants, mais apparemment, leur part diminuedans la majorité des pays. Cette tendance témoigne de la féminisation dumarché de l’emploi. Il est plus difficile de tirer des conclusions à partir de lacomposition par sexe de la population migrante en âge de travailler, carcette population comprend aussi des personnes qui migrent dans le cadred’un regroupement familial ou pour d’autres raisons qui ne sont pas direc-tement liées à l’emploi.

• La population des immigrants en âge de travailler vieillit, mais cette ten-dance est moins nette chez les émigrants.

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I.9.4. Caractéristiques liées à l’emploi

• Les travailleurs étrangers se retrouvent dans l’ensemble du marché del’emploi des pays d’immigration, mais leur présence se renforce dans lessecteurs tertiaire et quaternaire et se réduit dans l’industrie manufactu-rière.

• Nombre des immigrants occupent des postes très qualifiés, et la plupartdes pays ont établi des procédures de délivrance des permis de travailvisant à sélectionner des étrangers ayant un niveau de compétences élevé.Cela dit, deux pôles se distinguent de plus en plus nettement puisque, parailleurs, de nombreux immigrants occupent des emplois relativement peuqualifiés, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre,tels que l’hôtellerie et la restauration et le nettoyage. Beaucoup d’entreeux sont en situation irrégulière.

• Les pays se livrent une concurrence de plus en plus acharnée pour attirerdes migrants très qualifiés, en vue de recruter du personnel de hautniveau, censé apporter des avantages économiques, et de combler unmanque de compétences bien précises.

• Par leur ampleur et leurs caractéristiques, les migrations de la main-d’œuvre en Europe centrale et orientale restent assez différentes des fluxobservés en Europe occidentale ; elles prennent essentiellement la formede déplacements de courte durée, effectués par des travailleurs peu quali-fiés. Cependant, les pays d’Europe centrale et orientale ne sont plus seule-ment des pays de transit ou d’émigration car, s’ils continuent de fournirdes travailleurs migrants, ils en accueillent aussi.

• De manière générale, on peut dire que la croissance du secteur informel enEurope centrale et orientale a créé, et continue de créer, d’immenses pos-sibilités de migration de main-d’œuvre, aux formes très souples.

• L’émigration des habitants d’Europe centrale et orientale est généralementsélective : ce sont les mieux lotis qui partent. Toutefois, l’émigrant quittesouvent son travail pour un emploi moins qualifié dans le pays de destina-tion, dans le bâtiment, l’industrie manufacturière ou les services, ce quientraîne un gaspillage de compétences. Toutefois, on constate aussi quenombre de personnes originaires d’Europe centrale et orientale participentaux échanges internationaux de travailleurs hautement qualifiés. Parailleurs, on assiste à l’émergence de nouvelles formes de mobilité, notam-ment sous l’effet de l’externalisation de certaines tâches (dans le secteurdes TIC, par exemple), désormais effectuées dans des pays où la main-d’œuvre est moins chère qu’à l’ouest.

• Selon des études visant à prévoir les effets de l’élargissement de l’UE surles migrations de main-d’œuvre, ce sont peut-être 3% des habitants despays candidats qui émigreront après l’adhésion, au rythme de 250000 à

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350 000 personnes par an. Seuls une minorité des Etats membres de l’UEont déclaré qu’ils autoriseraient la libre circulation des citoyens des nou-veaux Etats membres immédiatement après l’adhésion.

I.9.5. Migrants en situation irrégulière

• Il n’existe pas de données bien attestées sur les populations en situationirrégulière et les flux de migrants clandestins. Les estimations de l’ampleurdes entrées illégales dans l’UE font état de 50 000 à 400 000 personnespar an.

• Ce sont les programmes de régularisation qui fournissent les renseigne-ments les plus concrets sur les caractéristiques des immigrés sans papiers.Globalement, ces caractéristiques ne sont guère différentes de celles desimmigrés en situation régulière.

I.9.6. La gestion des migrations de la main-d’œuvre

• Les migrations de la main-d’œuvre sont gérées par une série d’acteurs,dont certains agissent dans l’illégalité.

• Les stratégies de gestion des migrations de la main-d’œuvre élaborées parles gouvernements peuvent être envisagées sous deux aspects : les diffé-rents facteurs de la mise en œuvre, et les liens entre besoins en main-d’œuvre externe, chômage et évolutions démographiques.

• Les pays adoptent des stratégies de gestion comportant les volets sui-vants : analyse du marché du travail ; programmes spéciaux pour les per-sonnes très qualifiées ; quotas et objectifs nationaux ; accords bilatéraux ;programmes de régularisation ; travailleurs saisonniers ; autres travailleurspeu qualifiés.

• Globalement, la gestion des migrations passe par des concessions que sefont mutuellement les différentes institutions concernées pour parvenir àune forme d’arrangement, qui aura certaines conséquences sur le planmigratoire.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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II. Les migrants dans la population active

Philippe Wanner

Note de synthèse

L’augmentation et la diversification des flux migratoires vers l’Europe amè-nent de nouveaux défis pour les sociétés européennes, notamment pourleurs économies. Ces défis portent en particulier sur l’intégration des immi-grés sur le marché de l’emploi. Le présent rapport étudie les principalestendances des migrations de la population active dans les pays européens, ense fondant sur l’analyse des chiffres des travailleurs étrangers employés dansles différentes économies nationales. Bien que la tendance générale desvingt-cinq dernières années ait été une augmentation du nombre des étran-gers économiquement actifs, certains pays comme les Pays-Bas, la Suède etla Suisse ont enregistré une baisse du nombre de migrants dans l’emploi entre1994 et 2002, qui peut être imputée aux naturalisations, au départ à laretraite des anciens travailleurs immigrés, à la baisse des flux d’immigration,à la hausse du chômage ainsi qu’à un changement dans les schémas demigration, avec une tendance à l’augmentation des migrations non écono-miques. Malgré les obstacles à l’emploi qui peuvent exister, les populationsétrangères sont relativement bien intégrées sur le marché du travail entermes quantitatifs, et les taux d’activité des hommes étrangers dépassentceux des ressortissants nationaux dans de nombreux pays. En revanche, àl’exception de l’Europe du Sud, les taux d’emploi des femmes étrangères sontplus bas que ceux des ressortissantes nationales, probablement en raison dumaintien de coutumes de leurs pays d’origine concernant la répartition desresponsabilités entre époux, mais aussi en raison des difficultés que rencon-trent les épouses des immigrés de la première génération à trouver un emploiattrayant. Pour ce qui est des niveaux de qualification, il est intéressant denoter la sous-qualification des populations d’immigrés dans les pays euro-péens qui continue de prévaloir malgré la récente augmentation des fluxmigratoires de travailleurs hautement qualifiés, sauf peut-être en Europe duSud. Ce facteur explique peut-être en partie les écarts importants dans lestaux de chômage des groupes d’immigrés selon le pays d’origine, avec la pro-babilité que le chômage soit cinq fois plus élevé, voire davantage, parmi lesnon-ressortissants de l’UE. Deux raisons peuvent ici être invoquées : premiè-rement, les mesures d’intégration au marché du travail et les politiques delutte contre la discrimination, qui sont souvent insuffisantes ou inefficaces, etdeuxièmement, la concentration des travailleurs étrangers dans certains

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secteurs spécifiques de l’économie, où les chances de promotion sont limitéeset où la sécurité de l’emploi fait parfois défaut. Ces divers résultats montrentqu’il est nécessaire d’adopter des politiques économiques et d’intégration quitiennent davantage compte de la situation des étrangers sur les marchés del’emploi européens.

II.1. Introduction

Depuis quarante ans, les flux migratoires vers l’Europe ne cessent de croître.Le solde migratoire cumulé des Etats membres du Conseil de l’Europe a étémultiplié par dix entre les années 60 et les années 90, ce qui signifie qu’il ya eu une forte augmentation de l’immigration en provenance du reste dumonde. Au sein de l’Europe elle-même, les migrations entre Etats ont aussiaugmenté très rapidement. A l’heure actuelle, l’immigration en Europe sepoursuit à un rythme semblable à celui des Etats-Unis et les questions liées autravail des étrangers et à leur intégration prennent de plus en plus d’impor-tance.

Tous les Etats de l’Union européenne se caractérisent aujourd’hui par unsolde migratoire main-d’œuvre positif. En d’autres termes, alors qu’ils étaientpendant longtemps des pays d’émigration et des sources de main-d’œuvrepour l’Europe occidentale, les pays d’Europe du Sud sont devenus des paysd’immigration. Le schéma migratoire est varié parmi les Etats n’appartenantpas à l’UE et, parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, seuls l’Andorre,l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Lettonie, la Lituanie, la Moldova, laPologne, l’Ukraine et l’«ex-République yougoslave de Macédoine» avaientun solde migratoire négatif en 2001 (Conseil de l’Europe, 2002). Dans lemême temps, la proportion des ressortissants étrangers dans la populationnationale s’est accrue dans presque tous les pays d’Europe, atteignant 36%au Luxembourg (contre 18% en 1987), 20% en Suisse (contre 17,4% en1971) et plus de 9% en Allemagne et en Autriche (contre 3,9% et 2,6% res-pectivement en 1971 – Conseil de l’Europe, 2002). L’immigration pourrait sepoursuivre dans ces pays, notamment à la suite de l’élargissement de l’UE.

Les populations d’immigrés et d’étrangers ont différentes raisons de migrer etse caractérisent par des conditions de séjour et des expériences différentes. Iln’existe plus de modèle unique de migration, comme c’était le cas il y a qua-rante ans, mais des situations qui varient considérablement d’un pays àl’autre (Zlotnik, 1998). On peut notamment observer une diversification desorigines des communautés d’immigrés dans le pays d’accueil, les principauxfacteurs qui déterminent les flux migratoires entre les pays étant leurs lienshistoriques ou leur proximité géographique. Les raisons de la migrationdeviennent aussi de plus en plus disparates, car aujourd’hui, les migrationssont moins directement associées à l’emploi qu’il y a trente ans. Toutefois, si

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la raison principale des migrations évolue et modifie leur répartition, il n’enreste pas moins vrai qu’une grande proportion d’immigrés étrangers1 intè-grent le marché de l’emploi à moyen terme. De plus, les situations profes-sionnelles des immigrés varient grandement, en raison de la diversitécroissante des qualifications professionnelles. De ce fait, les immigrés sontexposés de différentes manières à des risques professionnels, au chômage età des situations économiques précaires. Certains groupes se trouvent dansune bonne situation, tandis que d’autres connaissent la précarité. Ces diffé-rences entraînent divers problèmes en termes d’intégration des populationsétrangères et soulèvent beaucoup de questions concernant la situation desimmigrés sur le marché de l’emploi.

En Europe, où l’on s’attend à une diminution de la main-d’œuvre disponible(Nations Unies, 2002) et à une augmentation des problèmes budgétaires liésau vieillissement de la population (Coppel et autres, 2001), les migrationsoccupent une place prépondérante dans le débat sur les conséquences éco-nomiques de l’évolution démographique. Au cœur de ce débat se pose laquestion de la nécessité des migrations pour compenser le vieillissement(Nations Unies, 2000 ; OCDE 1991), remédier au déclin de la main-d’œuvre(Feld, 2000 ; Punch et Pearce, 2000) et assurer le bon fonctionnement dessystèmes d’assurances sociales et d’assurance chomâge (OCDE, 1997).Tandis que, depuis les années 70, les grands pays d’immigration ont déve-loppé des politiques visant à réduire le flux des immigrants économiquementactifs ou à sélectionner des groupes ayant des capacités ou origines spéci-fiques, l’évolution démographique future pourrait modifier la situation demanière non négligeable. Pour toutes ces raisons, l’importance de larecherche relative aux immigrés sur le marché du travail est incontestable.

Ces points seront développés ici autour de cinq chapitres : le premier chapitredécrit la méthodologie, le deuxième traite de la taille de la population d’im-migrés économiquement actifs en Europe, le troisième concerne la situationsocio-économique des étrangers et leur intégration dans le marché de l’em-ploi et le quatrième définit différents facteurs pour l’évaluation de l’impactdes immigrés sur le marché du travail. Le dernier chapitre étudie commentfavoriser l’intégration des immigrés.

II.2. Données et concepts

Si la taille de la population de nationalité étrangère est relativement bienconnue en Europe en raison des registres et des recensements de population,cela n’est pas vrai pour la main-d’œuvre d’origine étrangère. Ainsi, les outils

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Les migrants dans la population active

__________1. Dans ce chapitre, le masculin est utilisé au sens générique. Tous les aspects étudiés dans cetexte concernent à la fois les hommes et les femmes immigrés et étrangers.

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statistiques existants ne rendent pas compte des passages parfois fréquentsentre activités lucratives et inactivité, avec comme conséquence qu’il est par-fois difficile d’estimer – dans le cas des populations étrangères tout commeautochtones – quelle est la proportion de la population active et celle de lapopulation non active. La population active est mobile et susceptible dechanger rapidement de pays selon le contexte économique. Les statistiquesdisponibles diffèrent parfois grandement selon leur source : recensements,enquêtes sur la population active, registres des habitants ou des étrangers,données administratives concernant les permis octroyés, etc.

Dans la présente étude, nous avons largement utilisé les informations décou-lant des enquêtes sur la population active qui sont, dans la plupart des pays,les seules informations actuellement disponibles.

Il convient cependant de noter que ces enquêtes ne conviennent pas toujourspour recenser les schémas d’activités de la population étrangère, en raisonnotamment de la taille limitée des échantillons, ce qui peut entraver l’analyse.C’est notamment le cas dans les pays où la proportion d’étrangers est si faiblequ’ils ne sont pas suffisamment nombreux dans les échantillons de l’enquêtepour pouvoir procéder à une analyse détaillée. Là encore, les personnes inter-rogées dans les enquêtes sur la main-d’œuvre ne sont pas toujours représen-tatives de la population étrangère, puisqu’elles sont choisies parmi celles quiparlent la langue du pays d’accueil. Les populations moins intégrées ne sontdonc pas prises en compte dans ces enquêtes.

L’une des raisons des difficultés à comprendre le rôle de l’immigration sur lemarché du travail est l’absence d’outils de mesures précis pouvant être utili-sés lorsque l’on compare des pays ayant des systèmes statistiques différents.Malheureusement, nous ne pouvons pas inclure les données tirées des recen-sements les plus récents (au début des années 2000) ; elles n’étaient pas dis-ponibles ou n’avaient pas encore été publiées au moment de la rédaction duprésent rapport. A l’avenir, ces données permettront d’améliorer les connais-sances sur les immigrés dans la population active en Europe.

En l’absence d’informations systématiques sur le statut des immigrés, lanationalité constitue la variable la plus pertinente pour quantifier le travailfourni par la main-d’œuvre originaire de pays étrangers. Elle est utilisée danscette analyse comme indicateur du statut d’immigré, analyse où le compor-tement et les caractéristiques des étrangers – classés selon leur nationalité –sont comparés à ceux des ressortissants nationaux. Toutefois, la distinctionentre les nationaux et les étrangers masque de grandes différences selon lepays d’origine, qui n’ont pas été prises en compte dans la présente étude.Dans la mesure du possible, nous avons néanmoins fait une distinction entreles étrangers originaires de l’Union européenne et ceux en provenance desautres pays du monde.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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La nationalité comme indicateur de l’origine dépend cependant à la fois desconditions d’obtention de la nationalité dans le pays d’accueil (niveau denaturalisation) et du nombre des immigrés de la deuxième génération, quipeuvent se trouver sur le marché du travail en tant qu’étrangers alors qu’ilsn’ont jamais migré de toute leur vie. Les procédures de naturalisation des dif-férents pays risquent de fausser l’image des conséquences que peuvent avoirles étrangers sur le marché de l’emploi lorsque seules sont disponibles desdonnées sur la nationalité. Ces procédures varient considérablement d’unpays à l’autre, avec des taux annuels de naturalisation approchant 9 étran-gers sur 100 aux Pays-Bas, par exemple, contre moins de 1 pour 100 auLuxembourg. Dans certains pays, dont la France, les Pays-Bas et la Suède, lataille de la population de nationalité étrangère fournit seulement une indica-tion approximative de la population d’immigrés (Tableau II.1)

Tableau II.1. – Part des étrangers et des personnes nées à l’étranger autourde 2000 (en pourcentage)

Pays Part des étrangers Part des personnes nées à l’étranger(population résidente)

Suisse 20,9 25,1

Autriche 9,4 9,4

Belgique 8,4 8,6

Allemagne 8,9 9,0

France 5,5 10,6

Luxembourg 37,3 37,2

Pays-Bas 4,1 9,9

Suède 5,4 11,2

Source : Conseil de l’Europe 2002 et autres années ; OCDE, 2001a ; ONU, 2002 pour les pour-centages d’immigrés (les chiffres fournis sont des estimations).

II.3. La population étrangère sur le marché du travail

II.3.1. Situation actuelle

En Europe, plus de 20 millions de personnes (environ 3% de la population)vivent dans un pays autre que celui dont elles possèdent la nationalité. Laplupart de ces étrangers vivent en Europe occidentale. Afin de se faire uneidée plus précise de l’impact des immigrés sur la population (cf. aussi Haug etautres, 2002), ce chiffre peut être augmenté des quelque 3,3 millions d’im-migrés d’origine étrangère qui ont été naturalisés entre 1985 et 1996 (Salt,2002a) et de plusieurs centaines de milliers d’immigrés clandestins non

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Les migrants dans la population active

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recensés. Il y a donc au total au moins 25 millions de personnes d’origineétrangère vivant et parfois travaillant dans les pays européens. Les estima-tions dont on dispose suggèrent qu’il y a environ 7,9 millions de travailleursétrangers en Europe (Salt, 2001). Mais ce chiffre n’inclut pas les travailleursnon déclarés, dont il est très difficile d’estimer le nombre de manière fiable.

Le nombre et la proportion d’étrangers varient considérablement d’un pays àl’autre. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et la Suisse ont une popula-tion immigrée supérieure à un million de personnes (Tableau II.2). Si l’onexclut les petits pays (l’Andorre et le Liechtenstein), le Luxembourg (36%) etla Suisse (20%) sont les pays comptant le plus fort pourcentage d’étrangers.

Au tournant du siècle, l’Allemagne (3,5 millions), la France (1,6 million),l’Italie (750000), la Suisse (700000), la Belgique (380000) et l’Autriche(370000) ont, dans cet ordre, les populations étrangères actives les plusimportantes. A l’autre bout de l’échelle, des pays comme la Finlande ou laHongrie comptaient moins de 50000 ressortissants étrangers à la fin du ving-tième siècle. En termes relatifs, la proportion de travailleurs étrangers est laplus forte au Luxembourg (une personne active sur deux), puis, en ordredécroissant, en Suisse, en Autriche, en Belgique et en Allemagne. Les pro-portions les plus faibles de travailleurs étrangers se retrouvent dans les paysd’Europe orientale, du sud de l’Europe – en Espagne, une personne active sur100 est un étranger – et en Finlande, où seulement 1,2% de la populationactive est étrangère.

Les chiffres du Tableau II.2 doivent être analysés avec une extrême prudence,dans un contexte où un nombre croissant de travailleurs étrangers n’ont pasbesoin de permis de travail, où les législations nationales sur le recensementdes travailleurs étrangers sont très différentes et où les données statistiquesvarient considérablement d’un pays à l’autre. En outre, les chiffres dépendentbeaucoup de la source (recensements, registres de population, etc.) Afin defaciliter la comparaison avec d’autres rapports, nous avons reproduit et com-plété ici les données publiées dans les rapports SOPEMI de l’OCDE, maisnous attirons l’attention du lecteur sur le fait que ces chiffres sont ouverts àla discussion.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

1. Prenons la Suisse comme exemple : alors que le registre central des étrangers recense 701000personnes de nationalité étrangère dans la population active en 1999, l’enquête suisse sur lapopulation active pour la même année estime le nombre de ces personnes à 956000 (OFS,2002).

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Tableau II.2. – Nombre d’étrangers économiquement actifs et part detravailleurs étrangers, par pays

Population étrangère Population étrangère active

Nombre % de la population Nombre % de la populationtotale active totale

1994 2002 1994 2002 1994 2002 1994 2002

Autriche1 714 761 8,9 9,4 368 390 9,6 10,1

Belgique1 920 862 9,1 8,4 335 382 8,1 8,7

Rép.tchèque1 104 201 … 2,1 91 169 1,7 3,2

Danemark 189 267 3,6 5,0 48 72 1,7 2,5

Finlande 62 99 1,2 1,9 18 41 0,7 1,6

France 3 597 … … 5,6 1 590 1 592 6,4 6,1

Allemagne 6 691 7 319 … 8,9 3543 3 460 9,0 8,7

Grèce 145 … 1,4 … 66 171 1,6 3,8

Hongrie 138 116 1,3 1,1 20 28 0,5 0,7

Irlande 91 182 2,5 4,7 41 64 2,9 3,7

Italie 684 1271 1,2 2,2 307 748 1,5 3,6

Luxembourg1 128 162 31,8 36,9 106 146 51,0 57,3

Pays-Bas1 780 668 5,1 4,2 290 268 4,0 3,4

Norvège 162 186 3,8 4,1 59 82 2,7 4,1

Portugal2 157 191 1,6 1,9 78 92 1,6 1,8

Espagne1 461 896 1,2 2,2 122 327 0,8 1,8

Suède 537 476 6,1 5,3 186 181 4,1 4,1

Suisse 1 332 1 458 19,0 20,1 740 701 18,9 18,1

Royaume-Uni2 2 037 2 503 3,5 4,2 1030 1 240 3,6 4,2

1. 2001 2. 2000. Pour la population active : Irlande, Royaume-Uni : Enquête sur la population active,2000 ; Finlande, République tchèque, Norvège : Enquête sur la population active, 2001.Les données incluent les apprentis, les personnes en formation professionnelle et les travailleurssaisonniers, mais excluent les chômeurs.

Il convient de noter que le nombre de personnes actives de nationalité étran-gère a diminué entre 1994 et 1999 en Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas eten Suède (la population étrangère totale a baissé pendant cette période dansces deux derniers pays). Cette évolution est due au grand nombre de natu-ralisations, au retour progressif dans les pays d’origine de certains de ceux quiavaient immigré au sein des flux «traditionnels» du sud de l’Europe, audépart à la retraite d’un certain nombre d’immigrés, à la hausse du chômage

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Les migrants dans la population active

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en raison de la récession économique, et, dans le cas des candidats à l’immi-gration, aux rares possibilités d’immigration dues aux difficultés économiquesrencontrées dans les années 90. En revanche, le nombre d’étrangers actifs aaugmenté en Italie, en Espagne et en Grèce – pays qui étaient pendant long-temps des fournisseurs de main-d’œuvre pour l’Europe occidentale – ainsiqu’en République tchèque et, dans une moindre mesure, en Hongrie.

II.3.2. Tendances de la population active étrangère depuis 1945 : contexteéconomique et politique

En Europe, la population et la main-d’œuvre étrangères sont en haussedepuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ont augmenté de manièreencore plus marquée dans les années 60 (King, 1996). En conséquence, lenombre d’étrangers a été multiplié par huit en Allemagne entre 1955 et 1974et a plus que triplé en Suisse entre 1950 et 1974. Le nombre d’étrangers aplus que doublé en France et en Belgique pendant la même période. Jusqu’audébut des années 70, une grande proportion de la population immigrée secomposait de travailleurs permanents ou temporaires qui répondaient à lademande croissante de main-d’œuvre en raison du boom économique. Lenombre de travailleurs étrangers dans la CEE (l’Europe des six : Allemagne,Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) en provenance d’Autriche,de Suisse, de Norvège et de Suède était de 7,5 millions en 1973(Organisation internationale du travail, 1973, cité par Salt et Clark, 2002). Enconséquence, les migrations de travailleurs après la Seconde Guerre mon-diale ont été sans précédent dans l’histoire de l’Europe (Tapinos, 1994).

Vers 1975, la situation des immigrés sur le marché du travail européen a rapi-dement changé, à la suite de la crise pétrolière, présentant une imagecontrastée. Certains pays, où la politique d’immigration se fondait essentiel-lement sur le «travailleur immigré de courte durée» (“guest worker”) ont vuun rapide déclin du nombre d’étrangers, les travailleurs retournant souventdans leurs pays lorsqu’ils perdaient leur emploi. Tel fut le cas en Suisse – où lataille de la population étrangère est passée de 1,08 million en 1971 à 914000en 1981 – en Suède, en Norvège et, plus tard, en Allemagne (Tableau II.3).Dans d’autres pays, qui pratiquaient une politique d’immigration favorisantle séjour à long terme des populations immigrées (comme le Royaume-Uni)ou dans lesquels l’immigration n’était pas toujours liée à l’obtention d’un per-mis de travail ou était due à des facteurs historiques (comme les Pays-Bas), lapopulation étrangère a continué de croître, et la principale conséquence de lacrise économique a été une hausse du chômage parmi les communautésétrangères (Salt et autres, 1994 ; Gesano, 1999). Dans ces pays, il y a eu unetransformation rapide de la relation entre le nombre des chômeurs (enhausse) et la population active (en baisse) sans modification de la taille de lapopulation étrangère.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 76: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Tableau II.3. – Tendances de l’évolution du nombre d’étrangers dans diffé-rents pays d’Europe entre 1971 et 2001 (en milliers)

Pays 1971 1976 1981 1986 1991 1996 2001

Autriche 195,4 270,8 288,2 308,8 439,2 726,3 761,2

Belgique 663,1 835,0 860,6 846,5 904,5 909,8 861,7

Danemark 99,8 90,9 101,6 117,0 160,6 222,7 258,6

France 4 127,0 3 442,0 3 714,0 3 594,0 3 608,0 … …

Allemagne 3 054,2 4 566,7 4 453,3 4 378,9 5 342,5 7 173,9 7 298,8

Italie 121,7 … 210,9 318,7 566,2 737,8 1270,6

Luxembourg 62,5 91,3 95,8 101,6 115,4 138,1 162,3

Pays-Bas 246,5 350,5 520,9 552,5 692,4 725,4 667,8

Norvège 76,1 67,5 82,6 101,5 143,3 160,8 184,3

Espagne 148,3 165,0 183,1 242,0 278,7 499,8 895,7

Suède 411,3 409,9 421,7 388,6 483,7 531,8 477,3

Suisse 1 080,4 978,6 914,9 977,0 1 129,5 1363,6 1 424,4

Royaume-Uni … … 1638,0 1785,0 1892,0 1995,0 2503,0

France : 1974 plutôt que 1971 ; Italie et Royaume-Uni : 2000 plutôt que 2001. Source : Conseil de l’Europe, 2002 ; Salt 2002b.

Alors qu’elle est restée stable ou a même diminué dans les années 80 – mal-gré de fortes variations d’un pays à l’autre (cf. Tableau II.4) – la populationétrangère ayant un emploi rémunéré a recommencé à augmenter danspresque tous les pays européens à partir de 1990, avec quelques mouve-ments à la baisse dus à des raisons cycliques. La France et les Pays-Bas fontfigure d’exception : la population active étrangère a diminué dans ces paysentre 1990 et 2000 (Nations Unies, 2002 ; OCDE 2000a). Entre 1988 et2000, le nombre de travailleurs étrangers en Europe s’est accru de plus de30%, selon les estimations de Salt (2001).

Malgré les interruptions de tendances et les variations d’un pays à l’autre, ona pu observer dans l’ensemble une augmentation de la population activeétrangère en Europe durant la période 1975-2000. Cela peut sembler para-doxal compte tenu de la hausse du chômage et des politiques migratoiresplus restrictives suivies après la fermeture des frontières aux travailleurs immi-grés (dans l’ancienne République fédérale d’Allemagne en 1973, en Franceet en Belgique en 1974). Les rares données disponibles indiquent que, à par-tir de ce moment-là, le pourcentage des travailleurs dans les flux migratoiresa été relativement faible : moins de 10% en Belgique, et environ 30-40% en

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Les migrants dans la population active

Page 77: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Tableau II.4. – Travailleurs étrangers en Europe entre 1975 et 1989 (en milliers)

République France Royaume-Uni Belgique Pays-Basfédérale

d’Allemagne

Total

1975 2 091 1 900 791 230 113

1980 2 041 1 208 833 213 190

1985 1 555 1 260 821 187 166

1987 1 557 1 131 917 177 176

1991 … 1 506 828 303 1971

1995 … 1 6042 8652 325 221

2000 3 5463 1 578 1 229 346 2354

CE

1975 849 1 045 347 174 59

1980 732 653 406 159 84

1985 520 640 395 141 76

1987 484 569 345 130 86

1991 … 690 398 … 881

1995 … 6121 3952 … 98

2000 … 608 483 … 1164

Hors CE

1975 1 242 855 444 56 54

1980 1 309 555 427 54 106

1985 1 035 620 423 46 90

1987 1 073 562 575 47 90

1991 … 816 430 … 1071

1995 … 7921 470 … 123

2000 … 970 654 … 1194

Source : Eurostat, cf. H. Werner (1991), OCDE, (2002a)__________1. 1990. 2. 1996. 3. Allemagne réunifiée. 4. 1998.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 78: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Suisse et en Allemagne. Ce paradoxe s’explique principalement par le regrou-pement familial ainsi que par l’arrivée sur le marché du travail des enfantsd’immigrés et des demandeurs d’asile.

II.4. Les caractéristiques socio-professionnelles des travailleurs étrangers

II.4.1. Taux d’activité

Malgré les obstacles à l’emploi, qui peuvent être très restrictifs dans le cas de cer-tains groupes d’étrangers comme les réfugiés, les demandeurs d’asile et encoredavantage pour les personnes en situation irrégulière dans le pays, les popula-tions étrangères sont maintenant relativement bien intégrées au marché du tra-vail. Les taux d’activité des hommes étrangers âgés de 20 à 64 ans sontsupérieurs à ceux des ressortissants nationaux en Autriche, dans la Républiquetchèque, en Grèce, en Italie et en Espagne. Ils sont nettement en dessous deceux des nationaux au Danemark, aux Pays-Bas, en Suède, en Irlande et auRoyaume-Uni. En revanche, à l’exception des pays du sud de l’Europe (Grèce,Portugal, Espagne) et de la République slovaque, les taux d’activité des femmesd’origine étrangère sont inférieurs à ceux des femmes ayant la nationalité dupays (Tableau II.5). Les taux d’activité dépendent étroitement de la pyramidedes âges des ressortissants nationaux et étrangers, même dans le groupe d’âgede 20 à 64 ans étudié ici. Dans les pays où les individus prennent leur retraite tôtet où les taux d’activité entre 55 et 64 ans sont faibles, la surreprésentation desressortissants nationaux au sein du groupe d’âge peut expliquer les différencesdans les taux d’activité. Cependant, compte tenu de la taille limitée des échan-tillons, un indicateur standardisé par l’âge n’a pas pu être calculé pour tous lespays, et il convient d’en tenir compte lors de l’interprétation des résultats.Lenombre peu élevé de femmes étrangères sur le marché de l’emploi par rapportaux femmes ayant la nationalité du pays d’accueil mérite une attention particu-lière car le taux d’activité des femmes est un indicateur d’intégration de la popu-lation étrangère (Tribalat, 1995). Le fait que dans les pays d’Europe occidentaleet septentrionale, les femmes étrangères travaillent moins souvent que lesfemmes autochtones peut être dû à un certain nombre de facteurs, le premierétant l’importation du modèle socio-culturel dans le cas de communautés origi-naires de pays où il existe une répartition « traditionnelle » des tâches profes-sionnelles et familiales au sein du couple.1 De même, lorsque la migration estdictée par la carrière du mari – ce modèle a longtemps dominé mais il est pro-gressivement en déclin – la femme peut éprouver des difficultés à trouver unemploi qui corresponde à sa formation (Morokvasic, 1993). Werner (1994)signale d’autres facteurs familiaux responsables des faibles taux d’activité desfemmes étrangères : les femmes de nationalité étrangère sont plus souventmariées avec un ou plusieurs enfants, et le nombre moyen d’enfants est plusélevé dans les foyers étrangers.

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Les migrants dans la population active

__________1. Ce facteur explique aussi le taux d’activité plus élevé des femmes étrangères par rapport auxressortissantes nationales dans les pays du sud de l’Europe.

Page 79: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Tableau II.5. – Taux d’activité pour les 20-64 ans par sexe et par origine,1999-2000 (en pourcentage)

Hommes Femmes

Nationaux Etrangers Nationaux Etrangers

Autriche 80,5 86,1 63,1 63,4

Belgique 74,1 73,0 58,2 40,7

République tchèque 80,4 88,6 64,4 61,6

Danemark 85,6 73,2 77,2 53,8

Finlande 79,8 81,1 74,4 58,0

France 75,6 76,4 63,5 48,5

Allemagne 80,1 77,9 64,8 49,9

Grèce 78,9 89,3 50,3 57,6

Irlande 81,1 76,1 55,7 54,4

Italie 74,8 89,0 46,3 52,1

Luxembourg 75,5 77,9 74,3 56,7

Pays-Bas 84,8 67,2 66,4 44,6

Norvège 86,0 84,5 77,7 70,7

Portugal 83,7 81,3 66,7 68,5

République slovaque 76,6 79,5 62,6 63,9

Espagne 77,2 83,8 49,8 57,3

Suède 80,5 65,1 75,3 59,4

Suisse 93,0 89,6 74,8 68,4

Royaume-Uni 84,9 76,2 69,2 56,0

Source : OCDE, 2001a. Chiffres tirés d’enquêtes sur la population active.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Compte tenu des données disponibles, tout porte à croire qu’il existe des dis-parités relativement importantes dans les taux d’activité des femmes en fonc-tion de la nationalité, du statut d’immigré (première ou deuxième générationd’immigrés) et de la durée du séjour dans le pays. En Suède, par exemple, lestaux d’activité professionnelle sont plus élevés parmi les ressortissantes despays d’Europe occidentale et septentrionale, plus faibles parmi les ressortis-santes d’Europe orientale et les non-Européennes (Lie, 2002). En Suisse, lestaux d’activité sont plus élevés parmi les ressortissantes des pays voisins et dusud de l’Europe (83,7% des Portugaises et 81,4% des Espagnoles ont unemploi – Wanner, 2003) et plus faibles parmi les ressortissantes de pays n’ap-partenant pas à l’UE (70,5% des Turques et 71,6% des Yougoslaves ont unemploi). En Finlande, ils sont plus élevés parmi les ressortissantes allemandes

Page 80: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

et britanniques et sont particulièrement bas parmi les femmes originaires depays en développement (Statistiques Finlande, 2002).

Il convient également d’observer que les chiffres de ce chapitre ne tiennentpas compte du travail au noir. Selon les pays, un nombre relativement élevéd’immigrés économiquement actifs peuvent avoir un emploi domestique nondéclaré ou un commerce ambulant (Ambrosini, 1999).

II.4.2. Niveau de formation

Dans la plupart des pays d’Europe, les étrangers économiquement actifs onten moyenne un niveau de formation moins élevé que les nationaux (Coppelet autres, 2001). Cependant, en raison de l’augmentation récente des tra-vailleurs qualifiés dans les flux migratoires et de la présence croissante desenfants d’immigrés dans la population active étrangère – souvent plus quali-fiés que leurs parents – le niveau moyen de formation des étrangers est enhausse.

Les écarts en matière de formation entre les immigrés et les nationaux varientd’un pays à l’autre. Selon les données tirées des enquêtes sur la populationactive, il y a quasiment 3,5 fois plus de personnes ayant seulement suivi unenseignement de niveau primaire uniquement parmi les communautés étran-gères qu’au sein de la population nationale (Graphique II.1). En France, cenombre est pratiquement le double. En revanche, en Italie, les immigrés sontplus qualifiés que les Italiens : une proportion plus faible d’immigrés a seule-ment suivi un enseignement primaire, tandis qu’une proportion plus élevée apoursuivi ses études au-delà de ce niveau.

Divers facteurs peuvent expliquer ces différences et les divers modèles obser-vés d’un pays à l’autre. L’un des facteurs principaux est la politique de recru-tement des travailleurs immigrés. Comme nous l’avons mentionné plus haut,le recrutement a toujours été sélectif en termes de formation : parfois, c’estl’immigration de travailleurs hautement qualifiés qui est encouragée, et par-fois – comme dans les années 60 – l’immigration se compose essentielle-ment de main-d’œuvre non qualifiée. L’autre facteur jouant un rôle dans leniveau général de la formation des étrangers en âge de travailler est parfoisune moins grande offre de formation avant migration, notamment pour lesimmigrés en provenance de pays où les infrastructures éducatives sont moinsdéveloppées. Le petit nombre d’études dont nous disposons indiquent quec’est le cas des ressortissants de pays du sud de l’Europe ou de pays n’appar-tenant pas à l’UE, qui émigrent vers l’Europe occidentale en ayant desniveaux de formation inférieurs à ceux des ressortissants nationaux (Penninxet autres, 1994 ; Wanner et Fibbi, 2002 ; Lie, 2002). Des données allemandesmontrent que les étrangers originaires de pays de l’UE ou de l’Amérique duNord – notamment les femmes – ainsi que les ressortissants de pays d’Europe

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Les migrants dans la population active

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orientale ont un niveau de formation équivalent à celui des nationaux, voiresupérieur (Bender et autres, 2000). Cela peut s’expliquer par le fait qu’ils ontde bonnes possibilités d’accès à l’enseignement supérieur dans leur paysd’origine, ainsi que par une migration sélective favorisant le départ de per-sonnes qualifiées.

Graphique II.1. – Répartition selon le niveau de formation et la nationalitédans différents pays, 2000

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0%

20%

40%

60%

80%

100%

Pays / Origine

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Source : Eurostat, enquête sur la population active. Tiré de Coppel et autres, 2001.

Le niveau de formation des étrangers se modifie rapidement en fonction despolitiques migratoires. Certains pays, comme le Royaume-Uni, la Suède etl’Allemagne, ont récemment encouragé l’immigration de personnes haute-ment qualifiées, originaires notamment des pays d’Europe orientale. EnAllemagne, un permis de travail spécial a été introduit pour attirer les tra-vailleurs hautement qualifiés (Salt, 2001) et des contrats bilatéraux ont étésignés avec plusieurs pays de l’ancien bloc communiste afin de permettre àleurs ressortissants les plus qualifiés d’obtenir des contrats de travail (OCDE,2001a). L’Italie envisage de prendre des mesures pour faciliter l’entrée desimmigrants ayant des compétences techniques de haut niveau. AuRoyaume-Uni, l’immigration de personnes qualifiées est en hausse (elle estpassée de 12 700 entrées en 1992 à 18 700 en 1998) à la suite de l’intro-duction de mesures qui la facilitent. Des programmes de recrutement de tra-vailleurs qualifiés existent également en France, en Norvège et en Suisse(OCDE, 2001b). Ces mesures ont une double conséquence : les immigrés

Page 82: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

sont surreprésentés par rapport aux ressortissants nationaux d’une part parmiles travailleurs peu qualifiés/non qualifiés et d’autre part parmi les travailleurshautement qualifiés.

II.4.3. Autorisation de séjour

Selon leur permis de séjour, les étrangers risquent de rencontrer des difficul-tés dans la recherche d’un emploi, de manière plus ou moins marquée. Enplus des deux catégories principales – le permis de séjour de courte durée, quiest généralement lié à un emploi, et le permis de séjour permanent, qui, enplus de permettre aux immigrés de prévoir des activités professionnelles àmoyen terme, leur donne accès à des régimes de protection sociale et d’as-surance chômage – il existe deux autres types de séjour : le séjour clandestinou illégal, où l’absence de permis entraîne une insécurité à la fois pour ce quiest de la durée du séjour et en cas de maladie ou d’accident (la protectionsociale est souvent incomplète), et le séjour en tant que demandeur d’asile,où l’autorisation de séjour est parfois octroyée, généralement pour unepériode limitée au traitement de la demande, mais pendant laquelle le travailrémunéré n’est pas toujours autorisé.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de statistiques nationales comparables per-mettant de classer les travailleurs en fonction de leur statut de résident.Toutefois, cette répartition peut prendre des formes très diverses selon lepays : historiquement, le Royaume-Uni se caractérise par une forte propor-tion de résidents permanents, dont le séjour est garanti à long terme et géné-ralement accompagné d’une autorisation de séjour pour la famille ;récemment, néanmoins, les migrations temporaires se sont accrues en raisonde l’augmentation du nombre de travailleurs arrivant en possession de per-mis de courte durée ou de permis les autorisant à travailler pendant lesvacances («working holiday permits»). D’autres pays, comme la France,l’Allemagne et la Suisse, ont depuis longtemps privilégié les travailleurs «contractuels » à court terme, avec des taux de réussite variés (OCDE, 1998).

La situation des travailleurs clandestins est difficile à évaluer en raison de lanature même de cette population. Les données concernant la légalisation desclandestins (par exemple, 44000 en Espagne en 1985, 118000 en Italie en1987 et 220000 en Italie en 1989 – Kuijsten, 1994) donnent une idée gros-sière de l’ampleur de ce phénomène. L’étude de Delaunay et Tapinos (1998),qui souligne la difficulté à évaluer cette population, suggère que le nombrede travailleurs en situation irrégulière en Europe pourrait être supérieur à unmillion. Ils seraient 300000 en Grèce, chiffre supérieur à la population activeétrangère en situation légale. Brochmann (1996) indique que presque 15%de l’immigration vers les pays d’Europe occidentale est illégale. Salt et Clarke

83

Les migrants dans la population active

Page 83: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

(cf. partie I) fournissent des informations plus détaillées sur l’ampleur desmigrations clandestines.

II.4.4. Secteur d’activité et statut dans l’entreprise

Quel que soit le pays d’accueil, les étrangers représentent une forte propor-tion de la main-d’œuvre dans l’industrie de transformation, le bâtiment, l’hô-tellerie et le secteur de la restauration, la santé et les services sociaux, et lesemplois domestiques (Tableau II.6). Il convient cependant de prendre actedes limites de ce tableau, en particulier du fait que les travailleurs frontaliersne sont pas inclus dans ces chiffres, bien qu’ils constituent aussi un apportextérieur à l’économie. De même, la répartition des étrangers est probable-ment inégale au sein des secteurs d’activité et se concentre dans certainesbranches précises. Elle est aussi inégale entre les différents niveaux de la hié-rarchie. Enfin, les données ne permettent pas de faire une distinction selon lesexe, ce qui limite la portée de l’analyse.

Différents modèles peuvent être observés d’un pays à l’autre selon la struc-ture de l’économie nationale. Au Luxembourg et en Belgique, où se trouventles sièges d’organisations internationales, il y a une proportion plus forted’étrangers dans l’administration que dans d’autres pays, où l’accès auxpostes de la fonction publique est parfois restreint ; dans les pays du Sud, unpourcentage élevé d’étrangers travaillent dans l’industrie du bâtiment et dansles emplois domestiques. Les étrangers jouent un rôle important dans le com-merce en Hongrie et en République tchèque, dans l’hôtellerie et la restaura-tion en Espagne, où le secteur touristique est très développé. En Europe duNord, environ 25% de la population active étrangère est employée dans lesservices sociaux et de santé. Un très grand nombre de ressortissants étran-gers sont employés dans l’industrie, notamment l’industrie minière, enAllemagne et en Italie.

L’économie s’orientant de plus en plus vers le tertiaire, la répartition desétrangers en fonction du secteur d’activité se modifie. En Allemagne, entre1987 et 1993, le nombre d’étrangers employés dans le commerce et les ser-vices a doublé, tandis que ce nombre n’a que légèrement augmenté dansl’industrie de transformation et l’agriculture (Frey et Mammey, 1996). Destendances similaires ont été observées aux Pays-Bas, où il y a eu une netteaugmentation de la population étrangère employée dans le secteur des ser-vices et une diminution du nombre d’étrangers travaillant dans l’industrie(Penninx et autres, 1994).

En Europe occidentale, on observe généralement une forte concentration depersonnes de pays en développement dans le secteur secondaire (Coleman,1994), tandis que les ressortissants de pays de l’Union européenne ou lesNord-Américains ont tendance à travailler dans le secteur des services et à

84

Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 84: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

85

Les migrants dans la population active

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001a

Page 85: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

occuper des emplois qualifiés. Le Royaume-Uni a une répartition profession-nelle inégale en fonction des nationalités, les ressortissants de l’Union euro-péenne étant surreprésentés dans le bâtiment, les transports, la fonctionpublique et la santé, tandis que les étrangers originaires d’autres pays sontemployés dans le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration, lesfinances et les emplois domestiques (Dobson et autres, 2001).

En raison d’un manque de données, les secteurs d’activité des travailleursclandestins sont difficiles à décrire avec précision ; selon l’OCDE (2000b),l’agriculture, le bâtiment, le tourisme et les emplois domestiques sont ceuxqui employeraient le plus grand nombre de travailleurs sans papiers.

Le type d’emplois a fait l’objet de quelques études, qui révèlent en règlegénérale que les immigrés occupent plus fréquemment des emplois manuels,comme le montrent quelques chiffres allemands plutôt anciens (Tableau II.7),mais aussi que les immigrés rencontrent souvent plus de difficultés à obtenirdes postes à responsabilités.

Tableau II.7. – Répartition des actifs en fonction de leur statut socio-profes-sionnel et de leur nationalité : Allemagne, 1984-92 (en pour-centage)

1984 1988 1992

Nationaux Etrangers Nationaux Etrangers Nationaux Etrangers

Ouvriers non qualifiés 4 25 4 24 4 17

Ouvriers semi-qualifiés 12 45 11 37 11 40

Ouvriers qualifiés 18 20 18 27 21 26

Travailleurs non manuels sans qualification 9 4 10 3 5 3

Travailleurs non manuels semi-qualifiés 33 3 35 6 37 7

Employés administratifs 12 0 10 0 10 0

Travailleurs indépendants 12 4 12 4 12 7

Total 100 100 100 100 100 100

Source : Frey and Mammey, 1996.

Des facteurs autres que le niveau de formation peuvent expliquer le nombrepeu élevé de ressortissants étrangers dans les postes à responsabilités(travailleurs indépendants, emplois non manuels plus qualifiés, voir TableauII.7). Citons notamment le manque de reconnaissance de la formation pro-fessionnelle suivie dans le pays d’origine (Flückiger et Ramirez, 2002), leseffets liés aux différences dans la pyramide des âges, la durée d’expérience

86

Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 86: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

professionnelle et de présence dans l’organisation – qui peuvent être rac-courcies à la suite d’une migration entraînant souvent une interruption pro-fessionnelle – et la discrimination liée à la nationalité. Pour toutes cesraisons, le revenu des travailleurs étrangers peut être inférieur à celui desnationaux pour une formation équivalente et un même niveau de responsa-bilités. Il n’existe guère d’informations statistiques à ce sujet.

Dans les pays ayant une forte proportion de commerces «ethniques» oudans lesquels le secteur des petites entreprises est prépondérant, un nombrerelativement élevé d’étrangers peuvent être des travailleurs indépendants.C’est le cas par exemple au Royaume-Uni, où il y a un pourcentage plusélevé de travailleurs indépendants parmi les étrangers – qui dirigentgénéralement des petites entreprises, essentiellement dans l’alimentation, larestauration et le commerce de détail – que parmi les nationaux (14% contre

87

Les migrants dans la population active

Tableau II.8 – Proportion des travailleurs indépendants dans les pays euro-péens, par nationalité, en 2000 (en pourcentage)

Nationaux Etrangers Différence nationaux/étrangers

Autriche 14,5 5,2 9,3

Belgique 17,3 17,2 0,1

Rép. tchèque 14,4 22,2 -7,8

Danemark 9,3 8,6 0,7

Finlande 13,8 12,4 1,4

France 12,3 10,3 2,0

Allemagne 10,9 9,8 1,1

Grèce 43,0 8,7 34,3

Islande 18,3 7,7 10,6

Irlande 19,0 19,7 -0,7

Italie 28,4 18,5 9,9

Luxembourg 10,8 6,7 4,1

Pays-Bas 11,5 10,0 1,5

Norvège 7,7 9,1 -1,4

Portugal 27,0 20,6 6,4

Espagne 21,7 22,6 -0,9

Suède 11,4 12,5 -1,1

Suisse 20,3 8,9 11,4

Royaume-Uni 12,0 14,1 -2,1

Source : OCDE, 2001b

Page 87: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

12%, cf. Tableau II.8). Le travail indépendant est généralement facilité auRoyaume-Uni, où existent des communautés d’immigrés de longue date ; lesréseaux communautaires permettent de démarrer plus facilement une entre-prise familiale, où sont recrutés d’autres immigrés, ce qui influe sur la situa-tion de l’emploi (Stark, 1991, Chiswick, 2000). En République tchèque et enIrlande également, les étrangers sont plus souvent des travailleurs indépen-dants que les nationaux (Tableau II.8). Dans la République tchèque, le chan-gement de régime qui a suivi la chute du communisme a créé des possibilitésd’emploi – comme dans d’autres pays d’Europe de l’Est – et a favorisé lacréation d’entreprises au sein des diverses communautés étrangères (parexemple, les activités commerciales chez les Vietnamiens). En revanche, dansd’autres pays, le travail indépendant peut être restreint par une réglementa-tion exigeant un certificat d’aptitude professionnelle du pays d’accueil ou parune reconnaissance seulement partielle des qualifications obtenues à l’étran-ger. Dans ces cas-là, la proportion de travailleurs indépendants est générale-ment plus faible parmi les étrangers que parmi les nationaux. La situation enGrèce est particulière : les étrangers sont généralement employés commesalariés dans une économie où presque la moitié des ressortissants nationauxont le statut d’indépendants.

II.4.5. Taux de chômage

Jusque dans les années 70, le taux de chômage parmi les étrangers étaitrelativement faible dans de nombreux pays d’immigration. Cela était dûau climat économique favorable, mais aussi à la nécessité, pour le tra-vailleur récemment immigré, de trouver un travail afin d’obtenir un permisde séjour ou d’avoir l’autorisation de rester dans le pays et de transférerrégulièrement de l’argent à la famille restée dans le pays d’origine. Ces rai-sons constituaient une motivation pour accepter n’importe quel travail,quelles qu’en soient les conditions (Tribalat et autres, 1991). Cependant,dès le début des années 80, le chômage est devenu plus élevé – et encoreplus élevé parmi les étrangers n’appartenant pas à l’Union européenne –parmi les étrangers que parmi les ressortissants nationaux (Tableau II.9).Les statistiques disponibles, tirées des enquêtes sur la population active,révèlent une différence particulièrement grande entre ces deux groupesquel que soit le pays, à l’exception peut-être de la Grèce. En Belgique, parexemple, le taux de chômage des étrangers n’appartenant pas à l’UE estcinq fois plus élevé que celui des ressortissants nationaux. Au Danemark,ce même taux est sept fois plus élevé, et il est quatre fois plus élevé auxPays-Bas, trois fois plus élevé en Finlande et deux fois plus élevé auRoyaume-Uni. En outre, les différences entre les nationaux et les étrangersnon communautaires sont plus marquées pour les hommes que pour lesfemmes.

88

Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 88: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

89

Les migrants dans la population active

Tableau II.9 – Taux de chômage en 2000 dans différents pays d’Europe, parnationalité et par sexe (en pourcentage)

Ressortissants Ressortissants Ressortissants Totalnationaux UE non-UE dans le pays

Hommes

Belgique 4,5 10,5 28,4 5,5

Danemark 3,2 ... 27,0 3,6

Espagne 6,1 6,3 11,5 6,2

Finlande 7,0 ... 24,5 7,1

Grèce 5,9 ... 7,0 5,9

Pays-Bas 1,0 ... 7,0 1,2

Norvège 2,0 ... 14,5 2,2

Royaume-Uni 4,0 4,5 9,8 4,2

Suisse 2,3 3,6 9,0 3,2

Femmes

Belgique 6,6 11,2 27,2 7,2

Danemark 4,1 ... 25,6 4,5

Espagne 13,1 13,3 18,7 13,2

Finlande 7,8 ... 24,1 7,9

Grèce 13,4 ... 14,9 13,5

Pays-Bas 2,3 ... ... 2,4

Norvège 2,0 ... 11,2 2,3

United Kingdom 3,2 6,0 7,1 3,4

Royaume-Uni 3,3 6,1 17,8 5,0

Total

Belgique 5,4 10,7 28,0 6,2

Danemark 3,6 ... 26,4 4,0

Espagne 8,9 8,6 14,5 9,0

Finlande 7,4 ... 24,3 7,5

Grèce 8,8 ... 10,0 8,9

Pays-Bas 1,6 ... 6,4 1,7

Norvège 2,0 ... 12,8 2,3

United Kingdom 3,6 5,2 8,7 3,8

Royaume-Uni 2,8 4,6 12,7 4,0

Source : Eurostat. Enquête sur la population active. Pour la Suisse, recensement 2000. Leschiffres en italiques sont tirés de données fondées sur un nombre limité de cas.

Page 89: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Dans le cas des étrangers originaires de pays de l’Union européenne, bienque les taux de chômage soient légèrement plus élevés que pour les ressor-tissants nationaux, ils sont bien inférieurs à ceux des étrangers originaires desautres pays du monde. Cela est probablement dû au fait que les flux migra-toires en provenance de pays de l’Union européenne sont un phénomèneplus ancien, que les ressortissants de ces pays sont plus qualifiés et que,compte tenu des règles en matière de liberté de circulation, ils peuvent émi-grer d’un pays de l’UE à l’autre lorsque la situation économique est défavo-rable (Werner, 1994).

Au sein de la population étrangère, le taux de chômage peut varier énormé-ment ; ainsi, en Finlande, selon le ministère de l’Economie, le taux de chô-mage était de 77% pour les Irakiens, de 64% pour les Iraniens, maisinférieur à 10% pour les Allemands et les Nord-Américains en 2001(Statistiques Finlande, 2002). Il existe de nombreuses raisons pour lesquellesles taux de chômage peuvent être particulièrement élevés parmi les non-Européens et les étrangers en général. Cela s’explique notamment par l’écartentre les ressortissants nationaux et les étrangers en matière de formation,notamment le faible niveau de formation des étrangers arrivant dans le paysd’accueil juste après avoir terminé leur scolarité (Stalker, 1994) – celle-ciayant parfois même été interrompue par la migration. Un autre facteur estque les immigrants originaires de pays éloignés ont souvent des compétenceslinguistiques limitées, ce qui constitue un obstacle à l’emploi, notammentdans le secteur tertiaire. Gurak (1987) et Dumont (1989) soulignent en outrela difficulté que rencontrent les immigrés «secondaires» ayant suivi leurconjoint dans un nouveau pays pour trouver un emploi correspondant à leurformation.

Les autres facteurs qui expliquent le taux élevé de chômage incluent la dis-crimination raciale ou culturelle dont souffrent certains groupes d’immigrés(Werner, 1994) et l’image négative qui leur est parfois associée en matière deproductivité et de coût du travail (Penninx et autres, 1994). Les différencesdans le chômage peuvent aussi s’expliquer par les obstacles empêchantcertaines catégories, comme les réfugiés et les demandeurs d’asile, de trou-ver un emploi rémunéré. Stalker (1994) mentionne également des facteursstructurels, notamment le fait que les secteurs qui ont perdu le plus desalariés sont ceux qui employaient la plus grande proportion d’étrangers. Lesatouts des populations immigrées du point de vue de l’emploi, notammentune grande flexibilité et une grande adaptabilité à un travail ne correspon-dant pas à leur formation (Gesano, 1999), ne sont pas suffisants poursurmonter ces obstacles.

Selon l’OCDE (2001b), les ressortissants étrangers en Europe sont davantagevictimes du chômage de longue durée. Les exceptions à cela sont l’Europe du

90

Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Page 90: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

91

Les migrants dans la population active

Tableau II.10. – Personnes actives sur le marché de l’emploi (par nationa-lité) et proportion de femmes (par pays) vers 1998

Total Femmes Total Femmes Total FemmesNationalité (en milliers) (%) (en milliers) (%) (en milliers) (%)

Autriche, Belgique, Danemark, 19991 1997 1998

Ex-Yugoslavie 77,1 43 Italie 96,9 34 Turquie 14,1 38

Turquie 47,7 27 France 40,4 40 Ex- 11,3 40Yugoslavie

Bosnie-Her. 24,2 53 Maroc 38,5 22 Royaume- 7,6 29Uni

Croatie 23,2 37 Pays-Bas 35,8 33 Allemagne 6,8 41

Hongrie 9,0 20 Espagne 20,9 39 Norvège 6,3 57

Pologne 8,7 26 Turquie 19,1 26 Suède 5,7 56

France, Allemagne, Italie, 2000 1997 1995

Portugal 353,1 42 Turquie 745,2 31 Maroc 47,9 11

Algerie 215,0 35 Ex- 348,0 38 Philippines 27,7 69Yugoslavie

Maroc 204,3 30 Italie 246,5 29 Tunisie 19,5 7

Turquie 81,5 25 Grèce 134,2 39 Albanie 18,2 14

Tunisie 77,5 27 Portugal 58,9 35 Ex- 17,7 23Yugoslavie

Italie 73,8 32 Espagne 52,5 38 Sénégal 13,6 2

Pays-Bas, Espagne, Suède,

1997 19991 1999

Maroc 35,0 23 Maroc 65,2 19 Finlande 52,0 60

Turquie 29,0 14 Pérou 13,4 65 Ex- 28,0 43Yugoslavie

Belgique 23,0 43 Chine 10,7 36 Norvège 19,0 58

Royaume-Uni 23,0 35 Rép. Domin, 10,2 83 Danemark 13,0 38

Allemagne 14,0 29 Equateur 8,7 67 Iran 8,0 38

Espagne 11,0 27 Philippines 7,0 66 Pologne 2,0 30

Royaume-Suisse, Uni,1999 2000

Italie 179,3 33 Irlande 206,0 53

Ex-Yugoslavie 80,4 35 Afrique 140,0 47

Portugal 76,5 43 Inde 61,0 57

Allemagne 61,3 37 Etas-Unis 61,0 44

Espagne 51,7 39 Italie 55,0 45

Turquie 33,3 35 Australie 54,0 43

Source : enquêtes sur la population active. Tiré de l’ OCDE – SOPEMI (différentes années) __________1. Sauf travailleurs de l’Union européenne.

Page 91: Les migrations internationales de la main-d’œuvre

Tableau II.11. – Répartition de la population active par nationalité et parâge en 2003 (en pourcentage)

Ress. nationaux Etrangers15-24 ans 25-54 ans 55-64 ans 15-24 ans 25-54 ans 55-64 ans

Belgique 21,3 60,2 18,6 19,8 65,6 14,7Bulgarie 19,7 57,3 23,0 0,0 71,4 28,6Chypre 23,0 53,4 23,7 29,4 61,8 8,8Danemark 23,0 49,8 27,3 30,0 56,3 13,8Espagne 25,2 55,0 19,8 33,2 59,1 7,7Finlande 21,9 50,7 27,3 23,5 61,8 14,7France 21,1 56,8 22,1 15,5 60,1 24,4Grèce 20,2 53,1 26,7 30,0 59,0 11,0Hongrie 24,2 54,5 21,3 22,7 63,6 13,6Italie1 20,0 59,0 21,1 25,3 66,0 8,7Norvège 23,6 50,2 26,2 25,3 57,3 17,3Pays-Bas 26,8 52,4 20,8 32,9 57,6 9,4Portugal 26,0 51,1 22,9 36,6 57,7 5,7Rép. tchèque 23,3 51,4 25,3 20,3 56,8 23,0Royaume-Uni 24,1 51,6 24,2 31,6 53,9 14,5Suède 21,1 48,3 30,7 19,4 58,3 22,2Suisse1 23,5 50,1 26,4 27,3 55,5 17,3

Sud, où les migrations sont plus fréquemment associées au statut de l’acti-vité ; le Royaume-Uni, où les candidats à l’immigration peuvent être sélec-tionnés dans leur pays d’origine sur la base des possibilités que les réseauxcommunautaires ont identifiées dans le pays d’accueil, ainsi que leLuxembourg.

II.4.6. Autres caractéristiques démographiques

Il n’existe guère d’informations sur la composition de la population activeétrangère en termes de critères démographiques. C’est pourquoi les donnéesfournies ici sont déjà anciennes. Cependant, les nationalités des travailleursétrangers sont relativement bien connues. L’Europe germanophone se carac-térise par une position dominante de travailleurs en provenance de l’an-cienne Yougoslavie, de la Turquie et de l’Italie (à l’exception de l’Autriche)(Tableau II.10). Conséquence de sa position géographique, l’Autricheaccueille un nombre relativement important de Hongrois et de Polonais (pour

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Source : Eurostat. Enquêtes sur la population active, 2003. __________1. 2002.

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la plupart des travailleurs saisonniers). La France compte un grand nombre dePortugais et de Nord-Africains. Les Marocains sont le principal grouped’étrangers économiquement actifs en Italie, aux Pays-Bas et en Espagne.Dans les pays scandinaves, les travailleurs étrangers sont d’origine plutôtvariée. Les liens historiques, la proximité géographique, les politiques d’im-migration et les accords entre pays peuvent expliquer la diversité des situa-tions concernant l’origine de la main-d’œuvre étrangère.

L’activité économique des communautés étrangères est essentiellementmasculine. Le pourcentage est de 69% chez les Turcs, 62% chez les per-sonnes originaires de l’ex-Yougoslavie et 71% chez les Italiens enAllemagne (Tableau II.10), 58% chez les Portugais, 65% chez les Algérienset 70% chez les Marocains en France et 67% chez les Italiens en Suisse.Les seules exceptions notables sont les flux migratoires de stagiaires, depersonnes économiquement actives des pays voisins ou du personneldomestique, qui sont principalement composés de femmes. Tel est le cas dela main-d’œuvre irlandaise au Royaume-Uni, qui est à 53% féminine, de lamain-d’œuvre bosniaque en Autriche (53% féminine), ainsi que de lamain-d’œuvre norvégienne et suédoise au Danemark (57% et 56% res-pectivement) ; les femmes représentent également 69% de la populationactive originaire des Philippines en Italie, 83% et 65% respectivement desimmigrés dominicains et péruviens en Espagne, et 60% des immigrésfinlandais en Suède.

Quant à la structure par âge, il y a généralement une faible proportion detravailleurs âgés de 55 à 64 ans parmi les communautés étrangères (Tableau II.11). La France et le Royaume-Uni, qui se caractérisent par des fluxmigratoires plus anciens, font figure d’exception. Les populations plus jeunes(15-24 ans) se retrouvent en nombre disproportionnellement élevé parmi lapopulation active des pays du sud de l’Europe, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, et en nombre disproportionnellement faible en Belgique, en France, enHongrie et en Suède.

Conséquence des grands mouvements migratoires des années 60 et 70, laFrance possède la population active étrangère ayant la plus longue durée deséjour : en 1995, 71% des étrangers économiquement actifs vivaient enFrance depuis plus de dix ans. Le séjour de longue durée des étrangers estégalement une caractéristique de la Belgique (Tableau II.12). A l’autre boutde l’échelle, presque toute la main-d’œuvre étrangère en Italie ou en Grèce yréside depuis moins de dix ans.1 La raison en est que les flux migratoires àdestination de ces pays sont plus récents.

__________1. Données 1995.

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II.5. Effets des migrations sur le marché du travail

Les chiffres ci-dessus montrent clairement que, dans la plupart des paysd’Europe, la part du travail des étrangers a récemment augmenté sur le mar-ché de l’emploi, si on la calcule par exemple en pourcentage des personnesactives. Ils suggèrent également que les immigrés actifs jouent un rôle impor-tant et croissant dans l’économie des pays européens, notamment dansl’Europe germanophone. Le développement économique de pays comme leLuxembourg, la Suisse, la Belgique et l’Allemagne a été partiellement ali-menté par les immigrés, et à l’heure actuelle, il dépend fortement de ces der-niers. Dans d’autres pays où l’apport des immigrés est plus limité, ceux-ci ontjusqu’à présent joué un rôle mineur sur le marché du travail, mais ce rôlepourrait s’accentuer si l’on tient compte des tendances démographiques pré-vues pour les cinquante prochaines années.

L’évaluation des conséquences des migrations sur le marché du travail n’estpas une tâche aisée, car les mécanismes qui entrent en jeu peuvent agir demanières très diverses. De nombreux ouvrages se sont concentrés sur la rela-tion entre les flux migratoires et les économies des pays d’immigration – lemarché du travail, le chômage, les salaires, le PNB – mais les conclusions nerévèlent aucune convergence véritable, et elles varient selon la méthode etles indicateurs utilisés et la période étudiée. Il est difficile de présenter uneimage globale de ces études, et il est parfois tout aussi difficile d’étudier lapertinence des différentes approches qu’elles reflètent. Le chapitre II.5.1 pré-

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Tableau II.12. – Répartition de la population étrangère née à l’étranger selon ladurée du séjour, personnes actives âgées de 15 à 64 ans, 1995

Population (en milliers) (%)Moins de 10 ans Moins de 10 ans

5 ans 5-10 ans ou plus 5 ans 5-10 ans ou plusAutriche 66 128 130 20,4 39,5 40,1Belgique 29 27 118 16,7 15,5 67,8Danemark 10 16 25 19,6 31,4 49,0France 77 120 494 11,1 17,4 71,5Grèce 40 16 12 58,8 23,5 17,6Irlande 14 7 20 34,1 17,1 48,8Italie 40 28 0 58,8 41,2 0,0Luxembourg 9 11 24 20,5 25,0 54,5Pays-Bas 70 76 110 27,3 29,7 43,0Espagne 36 48 35 30,3 40,3 29,4Suède 17 61 65 11,9 42,7 45,5Royaume-Uni 227 225 539 22,9 22,7 54,4

Source : OCDE, 1998.

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sente certaines des principales études dans ce domaine. Dans le chapitreII.5.2, nous étudierons en détail certains secteurs où la main-d’œuvre étran-gère est fortement représentée, avant de discuter des hypothèses de la seg-mentation du marché de l’emploi en fonction de l’origine, et de lasubstitution du travail des immigrés par le travail des autochtones. La naturecomplémentaire de ces approches permet de réexaminer le rôle actuel desimmigrés sur le marché du travail.

II.5.1. Estimations théoriques et empiriques des effets des migrations depersonnes actives sur le marché de l’emploi

Les modèles et les études destinés à évaluer la relation entre population etdéveloppement se sont souvent concentrés sur les effets des migrations surle développement des pays d’origine plutôt que sur la croissance économiquedes pays d’accueil. Avec la multiplication des flux migratoires entre le Sud etle Nord et entre l’Est et l’Ouest et compte tenu des changements politiquesattendus (notamment l’élargissement de l’Union européenne), des étudesempiriques récentes ont examiné les effets des migrations sur les économiesdes pays d’accueil. Elles se sont attachées à la croissance économique et auniveau des salaires des autochtones (voir par exemple, Coppel et autres,2001 ; Macura, 1994 ; De Rugy et Tapinos, 1994 ; Straubhaar etZimmermann, 1993 ; Borjas, 1993 ; Borjas 1994 pour une revue des étudesnord-américaines ; Bauer et Zimmermann, 1999 et Tapinos, 1994, pour uneprésentation générale des études européennes), à la productivité (Macura,1994 ; Simon, 1989), à l’emploi des ressortissants nationaux et étrangers etau chômage. Toutes ces études se fondent sur l’hypothèse que les migrationséconomiques pourraient, conformément à la théorie économique, entraînerune baisse des salaires causée par un déséquilibre du marché du travail(demandeurs d’emploi en excédent par rapport à la demande de main-d’œuvre de l’économie), la théorie étant alors testée de manière empiriquepar modélisation. L’hypothèse selon laquelle un flux migratoire de travailleursest associé, au moins durant une période d’adaptation, à une hausse du chô-mage dans le pays d’accueil a également été testée en utilisant des tech-niques de modélisation.

Plusieurs de ces études s’accordent à dire que les migrations ont un effet rela-tivement faible, voire nul, sur l’économie du pays d’accueil (cf. par exempleBorjas, 1999). L’hypothèse d’une baisse du salaire moyen et d’une hausse duchômage ne semble pas être largement corroborée – bien que des auteurscomme Dustmann et Fabbri (2003) affirment le contraire – tandis que lacroissance économique par tête ne semble pas non plus varier de manièresignificative à la suite de mouvements migratoires.

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Termote (1996) met en avant un inconvénient de ces études économiques, àsavoir qu’elles donnent une image générale des répercussions globales desmigrations sur un pays et sa population active résidente, alors qu’il convientde faire une distinction entre les effets des migrations sur les groupes d’im-migrés d’une part, et sur la population autochtone d’autre part. Termoterecommande également d’axer l’analyse au niveau local plutôt qu’au niveaunational, les immigrés se concentrant généralement dans les zones urbaines.Si l’on choisit cette approche, les effets estimés peuvent varier considérable-ment entre les différents groupes et les différentes zones urbaines. Coppel etautres (2001) notent dans une étude publiée par l’OCDE que « l’immigra-tion peut engendrer de petits bénéfices nets pour le pays d’accueil.Cependant, les bénéfices ne sont pas nécessairement répartis de manièreégale et certains groupes, notamment ceux dont le travail peut être remplacépar le travail des immigrés, risquent d’être perdants ». Des études nord-américaines révèlent que, tandis que les migrations n’ont que des consé-quences marginales sur le niveau moyen des salaires, dans des conditions deconcurrence, elles conduisent à une diminution des salaires des immigrés.

Presque tous les pays d’Europe ont un taux de chômage supérieur à 5%, etcertains craignent que la poursuite de l’immigration n’entraîne une augmen-tation du chômage parmi la population autochtone. Cela ne semble pas avoirété corroboré de manière empirique en Europe (OCDE, 2000c). Mühleisen etZimmermann (1994), entre autres, s’appuyant sur des données du Panelsocio-économique allemand, n’ont pas réussi à prouver une hausse significa-tive du chômage liée aux flux migratoires dans les années 80, conclusionconfirmée par des recherches utilisant des méthodes et données différentes(Gang et Rivera-Batiz, 1994). Selon Bauer et Zimmermann (1999), si l’immi-gration n’a aucun effet observable sur le taux de chômage, elle peut enrevanche en augmenter légèrement la durée.

Chaque pays européen a son propre taux d’immigration et sa propre struc-ture socio-démographique de la population immigrée, et les effets des migra-tions sur le marché du travail sont étroitement liés à ces paramètres. Bauer etZimmermann (1999), par exemple, font remarquer que les effets des migra-tions sur le marché du travail dépendent de la fonction des immigrés, selonqu’ils se substituent aux travailleurs nationaux ou qu’ils leur sont complé-mentaires. Les auteurs estiment que les immigrés non qualifiés peuvent sesubstituer aux nationaux, tandis que les immigrés qualifiés peuvent être com-plémentaires (cf. chapitre II.5.3). Si cette hypothèse est correcte, plus le fluxd’immigrés se compose de personnes qualifiées, plus ses répercussions sontpositives pour le pays d’accueil. Les pays d’Europe occidentale dont les poli-tiques sont favorables aux mouvements migratoires de travailleurs qualifiésdevraient enregistrer des effets positifs plus importants que les pays du Sudde l’Europe, qui continuent d’accueillir des flux d’immigrés peu qualifiés.

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Outre les différences de qualifications, d’autres facteurs pouvant être pris enconsidération sont le sexe et l’âge des immigrés, leur pays d’origine, leur sta-tut légal et les conditions de leur installation.

Les études fondées sur la modélisation économique omettent deux effetspositifs que les flux migratoires peuvent avoir sur le marché du travail d’unpays : premièrement, les immigrés – notamment ceux de la première généra-tion – sont souvent plus flexibles que la population nationale et s’adaptentplus facilement aux conditions changeantes ; ils sont plus réactifs aux chan-gements structurels de l’économie ; deuxièmement, les migrations ne répon-dent pas seulement aux besoins d’une économie, elles créent aussi unedemande de biens et de services qui a un effet bénéfique sur l’économie etsur l’emploi.

II.5.2. Secteurs d’activité qui dépendent des travailleurs étrangers

Les analyses économiques portent généralement sur un pays et une écono-mie dans leur ensemble, omettant de faire la distinction entre les situationsobservées dans les différents secteurs. Il est prouvé que certains secteurs deproduction dans les pays d’immigration dépendent fortement du travail desétrangers (Tribalat et autres, 1991), tandis que d’autres secteurs reposentessentiellement sur la population active nationale. Quelques chiffres prove-nant des principaux pays d’immigration serviront à souligner le rôle des tra-vailleurs immigrés dans certains secteurs. En Allemagne, les travailleursétrangers représentent 37% de la population active dans l’hôtellerie et la res-tauration. En Suisse, 33% de la population active dans le bâtiment est étran-gère, et les étrangers sont 41% dans la restauration (OFS, 2002). Dans lesecteur hospitalier, environ 44% du personnel de cuisine et 69% des aide-soignants et du personnel de nettoyage sont des étrangers. Toujours enSuisse, les étrangers représentent 61,2% de la population active dans lesentreprises de nettoyage et 59,4% dans le plâtrage (Wanner, 2003). AuRoyaume-Uni, 27% des professionnels de santé sont des étrangers (Dobsonet autres, 2001). Sans le travail des étrangers, ces secteurs de l’économie nefonctionneraient probablement pas ou fonctionneraient au ralenti.

Les concentrations les plus importantes de travailleurs immigrés se trouventdans les emplois et secteurs exigeant peu de qualifications. En Europe occi-dentale, l’amélioration générale en matière d’éducation et de formation etd’accès à celles-ci, associée à une meilleure intégration des femmes depuis lesannées 60 et 70, a conduit à une ségrégation des immigrés, qui ont été can-tonnés dans des emplois peu qualifiés. Il est dès lors quelque peu paradoxalque certains pays aient dû introduire des politiques pour attirer des immigréshautement qualifiés au moment où les immigrés ayant des emplois peu qua-lifiés atteignaient progressivement l’âge de la retraite.

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II.5.3. Etrangers sur le marché européen du travail : substitution ou seg-mentation de l’économie

Un élément central du débat à propos des effets de l’immigration sur le mar-ché du travail dépend de la question suivante : l’immigration crée-t-elle unemain-d’œuvre qui répond à un besoin spécifique, c’est-à-dire qui ne se sub-stitue pas à la population active nationale, ou bien génère-t-elle du chômageen créant une main-d’œuvre pouvant se substituer à la population active dupays d’accueil et prête à travailler pour des salaires inférieurs ? La plupart desanalyses et données économiques citées plus haut semblent soutenir la pre-mière hypothèse, à savoir la segmentation du marché du travail. Les immi-grés occupent des segments très spécifiques de l’économie, accomplissant untravail et occupant des postes pour lesquels il y a très peu de candidats, s’il yen a, parmi les ressortissants nationaux.

Pendant la deuxième moitié du XXe siècle, en Europe occidentale, l’immigra-tion s’est largement fondée sur l’idée de la segmentation. Les immigrésétaient recherchés pour leurs compétences particulières (par exemple dans lebâtiment) ou pour répondre à des besoins spécifiques (travail saisonnier). Ilsétaient peu qualifiés et étaient d’ordinaire exclus des emplois recherchés parles travailleurs nationaux. Piore (1979) a constaté qu’il y avait une segmen-tation totale du marché du travail entre les ressortissants nationaux, occupantprincipalement des emplois intéressants, et les immigrés, occupant des posteshabituellement moins bien payés et remplissant des fonctions plus pénibles.Avec l’augmentation de l’immigration de longue durée et du regroupementfamilial, le nombre croissant de demandeurs d’asile et le ralentissement rela-tif de l’immigration de travailleurs, la situation a progressivement évolué. Lesimmigrés ne répondent plus simplement à des besoins spécifiques du marchédu travail, ils se sont souvent bien intégrés, et sont pour certains nés dans lepays (deuxième génération), souhaitant laisser derrière eux leur statut d’im-migré et cherchant à obtenir un statut professionnel identique à celui desnationaux. Dans ce cas, l’hypothèse de la substitution est remise en cause,son application se déplaçant vers certaines catégories d’immigrés. Stalker(1994) observe qu’à l’heure actuelle, ce sont surtout les immigrés clandestinsqui occupent les emplois dont les ressortissants nationaux ne veulent pas etqui travaillent dans des conditions inacceptables pour la population activenationale ou pour les immigrés en situation régulière.

Si l’hypothèse de la segmentation est toujours valable – bien qu’elle perde duterrain –, des auteurs comme Garson et autres (1987) envisagent la substitu-tion entre ressortissants nationaux et étrangers comme possible. La décisiond’une entreprise d’embaucher un travailleur plutôt qu’un autre, dans desconditions de concurrence, est régie par des facteurs comme la maximisationdes profits (par exemple, la possibilité de verser des salaires inférieurs à des

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immigrés). Ces auteurs estiment que la substitution a une portée limitée,même si elle existe dans des industries participant à l’évolution technologique(cf. aussi Tribalat et autres, 1991).

II.5.4 Conclusions intermédiaires

Pour conclure ce chapitre, revenons au paradoxe de l’accroissement de l’im-migration vers les pays européens et l’idée généralement acceptée que l’im-migration n’a que peu de répercussions sur le marché du travail. Durant ladeuxième moitié du XXe siècle, les flux migratoires ont joué un rôle impor-tant dans les tendances démographiques des pays d’Europe et ont eu desconséquences directes sur la production et la performance des économiesnationales. Les immigrés représentent plus du tiers de la main-d’œuvre danscertains secteurs et contribuent activement à leur développement. Quoiqu’ilen soit, la modélisation montre que l’immigration a peu d’effets, voire aucun,sur l’économie, le marché du travail et les taux de chômage. Il convient d’al-ler au-delà des limites méthodologiques associées à ces approches et de pro-céder à des évaluations plus détaillées.

Les effets de l’immigration sur le marché de l’emploi ne peuvent pas êtredémontrés en faisant exclusivement référence à des indicateurs comme letaux de chômage, le salaire moyen et le taux de croissance d’un secteur oud’une économie spécifiques. Les questions liées à la discrimination sur le mar-ché du travail et aux différences de salaire et de sécurité de l’emploi entreétrangers et nationaux doivent aussi être étudiées. Les effets de l’immigrationsur le marché du travail ne peuvent être considérés comme positifs que sicelle-ci ne conduit pas à la discrimination et si les travailleurs immigrés s’inté-grent bien. Ces questions sont liées à la gestion des flux migratoires, notam-ment à l’intégration des immigrés sur le marché du travail, une priorité pourles Etats européens qui sera abordée au chapitre suivant.

Lors de l’évaluation des effets des mouvements migratoires sur le marché dutravail d’un pays d’accueil, il ne faut pas oublier que l’émigration peut avoirdes conséquences importantes dans le pays d’origine des émigrants (fuite descerveaux, perte d’une grande partie de la population active jeune, etc.). Parle passé, certains pays européens d’émigration ont perdu une partie nonnégligeable de leur force de travail. Aujourd’hui, à l’exception de certainsEtats d’Europe centrale et orientale, la plupart des pays européens sont despays d’immigration ; mais cet aspect de la question mérite sans doute d’êtreexaminé de manière plus systématique, plus particulièrement à un momentoù de nouveaux flux migratoires semblent voués à apparaître à la suite del’élargissement de l’UE.

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II.6. Facteurs d’intégration sur le marché du travail

L’intégration des étrangers sur le marché du travail est une priorité pour lespays d’immigration et un thème auquel ont été consacrés de nombreuxouvrages. Plusieurs auteurs ont cherché à définir cette intégration par rapportà d’autres types d’intégration (sociale, culturelle, juridique – Vermeulen etPenninx, 2000 ; Cagiano de Azevedo et Sonnino, 1995), à proposer des indi-cateurs pour mesurer l’intégration (Conseil de l’Europe, 1997), et à mesurerles niveaux d’intégration des populations étrangères. Les différences sur lemarché de l’emploi entre nationaux et étrangers – souvent au détriment deces derniers – ont été mises en évidence dans un certain nombre d’étudeseuropéennes. Ces écarts concernent l’accès aux postes à responsabilité et auxsalaires correspondant aux compétences du travailleur (Lhéritier, 1992 ;Werner, 1994 ; De Coulon et autres, 2002 ; Flückiger, 2002), l’accès à l’em-ploi (Nayer and Smeeters, 1998 ; Ouali, 1997), et la sécurité de l’emploi. Ilsmontrent, avec des variations d’un pays à l’autre, les inégalités auxquellessont confrontés les immigrés dans ces domaines.

Il existe diverses raisons à cela : différents niveaux de compétence avec,comme nous l’avons noté plus haut, une surreprésentation fréquente desimmigrés moins qualifiés, une reconnaissance insuffisante des qualificationset de l’expérience acquises dans le pays d’origine, une carrière profession-nelle parfois interrompue par la migration. Le fait que les immigrés soientparfois obligés d’accepter un travail autre que celui pour lequel ils ont été for-més est aussi déterminant. La discrimination et les obstacles peuvent être unfrein à l’intégration, parfois renforcés par des dispositions juridiques (parexemple, accès restreint à certains emplois ou professions), voire jouer unrôle plus insidieux (discrimination).

Les facteurs agissant sur l’intégration peuvent se diviser en facteurs indivi-duels (caractéristiques des immigrés), facteurs du marché du travail et fac-teurs institutionnels (contenu des politiques). Parmi les facteurs individuels,Werner (1994) cite les qualifications, la motivation personnelle, les revenusde la famille, la flexibilité et l’adaptabilité à un nouvel environnement. Unautre facteur important est le fait de parler la langue du pays d’accueil. Pourles populations de nationalité ou d’origine étrangère, le lieu de naissance(dans le pays d’accueil ou à l’étranger), le lieu des études et la date d’arrivéedans le pays (longueur du séjour) semblent aussi jouer un rôle non négli-geable. L’appartenance nationale et ethnique est importante, car les niveauxd’intégration et de discrimination varient selon l’origine des immigrés.

Parmi les facteurs spécifiques au pays d’accueil, la perception du travailleurimmigré par la population autochtone – plus particulièrement par l’em-ployeur – a une forte influence sur le degré de l’intégration et de la discrimi-nation dont l’étranger risque d’être victime. Cette perception par le pays

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d’accueil peut s’expliquer en termes de relations entre les principaux acteurs,à savoir les employeurs et les travailleurs immigrés. Sans prétendre à l’ex-haustivité, les facteurs suivants peuvent être considérés comme importants :les conditions dans lesquelles les immigrés et les non-immigrés sont prêts àtravailler (salaire horaire, sécurité de l’emploi, etc.), la discrimination « statis-tique » reflétant des stéréotypes sociaux puissants pouvant modifier la per-ception de l’employeur, et la discrimination conditionnée par les préférences(attitude des employeurs et des autres employés, des clients et des consom-mateurs).

Dans ce contexte, les facteurs institutionnels peuvent aider à garantir l’éga-lité des chances pour tous en luttant contre la discrimination dirigée contrecertains groupes et en proposant aux immigrés les outils dont ils ont besoinpour une véritable intégration (par exemple, programmes de formation enlangues – cf. Conseil de l’Europe, 2000 pour une liste des mesures recom-mandées). Cependant, lorsque la loi vise à protéger la population autochtoneet restreint l’accès de certains immigrés au marché du travail, cela peut aussilimiter les possibilités d’intégration.

On trouvera un aperçu des pratiques politiques en Europe en consultantl’étude comparative de l’EIRO, qui fournit des informations sur l’éventailactuel des politiques d’intégration (situation en 2001). Selon cette étude, ilexiste un fossé entre les pays qui souhaitent protéger leur main-d’œuvrenationale par des politiques visant à restreindre l’accès des étrangers au mar-ché du travail, et les pays qui mettent en œuvre des mesures visant claire-ment à favoriser l’intégration.

S’il n’est pas possible, dans le cadre de la présente étude, de couvrir l’éven-tail complet des politiques d’intégration dans les pays européens, certainsexemples intéressants méritent qu’on s’y arrête. Parmi les pays dont les poli-tiques visent à protéger la main-d’œuvre nationale, l’Autriche n’accorde auximmigrés originaires de pays non européens qu’un accès restreint au marchédu travail. Il n’est possible d’employer un étranger que si aucun citoyen autri-chien ne peut occuper un emploi donné (une condition similaire est envigueur dans d’autres pays, comme la Suisse) et si cet emploi entre dans lesquotas de travailleurs étrangers à employer en Autriche, fixés à 8% de lapopulation active totale par la Loi relative à l’emploi des étrangers(Ausländerbeschäftigungsgesetz). La deuxième condition a un effet particu-lièrement négatif sur les conditions de vie des immigrés. Quelque 60 000 à70 000 étrangers séjournant légalement en Autriche (essentiellement desfemmes et des jeunes) se sont vus refuser un permis de travail en 2001 en rai-son de cette loi, ce qui crée une grande insécurité (Adam, 2002).

On peut citer d’autres politiques ayant un effet négatif sur l’intégration.Ainsi, en Autriche, certaines mesures créent une insécurité du statut de rési-

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dent en cas de chômage. Etre au chômage sur une longue durée peutconduire au non-renouvellement du permis de séjour, en d’autres termes, auretour forcé dans le pays d’origine. Cette mesure exerce inévitablement unepression considérable sur un travailleur qui perd son emploi ; il doit trouvertrès rapidement un nouvel emploi et risque de devoir accepter n’importe queltravail qu’on lui propose, même s’il est mal payé et ne correspond pas à saformation ni à ses attentes.

Un autre type de politique limitant l’intégration consiste à ériger des barrièresautour de certains emplois. La Belgique, par exemple, restreint l’accès au tra-vail indépendant pour les étrangers non européens (Nayer et Smeeters,1998). Jusqu’en 1990, elle empêchait aussi le recrutement des étrangers àcertains postes de la fonction publique. La Suisse et l’Autriche n’autorisentpas les demandeurs d’asile à travailler, limitant ainsi leur capacité à être auto-nomes et à s’intégrer socialement et économiquement dans le pays. EnEspagne, un permis de travail est lié à un secteur économique précis, restrei-gnant ainsi la mobilité de l’emploi. Jusqu’au 1er juillet 2002, la Suisse n’auto-risait pas les étrangers ayant un permis de résidence annuel à se déplacer àl’intérieur du pays pour leur travail, de sorte que s’ils étaient au chômage ouvoulaient changer d’emploi, ils étaient désavantagés par rapport aux Suisses.

D’autres pays font preuve d’une grande détermination à travers leurs poli-tiques d’immigration pour lutter contre la discrimination sur le marché du tra-vail et pour favoriser l’intégration. C’est notamment le cas de la Suède, où lescas évidents de discrimination peuvent faire l’objet de poursuites devant untribunal, en vertu de la Loi relative aux mesures contre la discrimination eth-nique dans la vie professionnelle. Depuis 1986, la Suède a désigné unMédiateur contre la discrimination ethnique.

Les différences entre les politiques nationales d’intégration en ce quiconcerne le statut des immigrés sur le lieu de travail sont également impor-tantes. Dans certains pays, l’intégration est considérée comme une qualifica-tion nécessaire pour rester dans le pays, et dans d’autres, elle est vivementencouragée. En Autriche, les employés étrangers qui vivent dans le paysdepuis moins de cinq ans doivent participer à des cours de langue allemande ;s’ils ne le font pas, ils risquent de perdre leur permis de séjour. En Europe duNord, il existe un autre type de mesures d’incitation à suivre des cours delangue. Au Danemark, les cours de langue sont non seulement gratuits, maisles efforts déployés pour s’intégrer à la société sont récompensés (le tempsnécessaire pour la naturalisation est réduit de sept à cinq ans en récompensed’une bonne performance au travail – Jorgensen, 2002). En Suède, les tra-vailleurs immigrés ont le droit d’apprendre le suédois pendant leurs heures detravail (Berg, 2002). Dans la plupart des autres pays, dont l’Italie, l’Espagneet la Suisse, la formation en langues et les systèmes visant à encourager l’in-

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tégration sociale des immigrés et leur participation à la vie de quartier sontorganisés par les collectivités locales ou des organisations non gouvernemen-tales, parfois financés par l’Etat.

Si ces politiques d’intégration ont habituellement été élaborées pour gérerdes schémas traditionnels d’immigration, elles doivent maintenant s’adapterà une nouvelle situation. Des questions de plus en plus importantes se posenten relation avec les immigrés de deuxième génération, qui sont scolarisésdans le pays d’accueil mais doivent souvent faire face à des difficultés lors-qu’ils arrivent sur le marché du travail. Ces difficultés peuvent être dues à ladiscrimination liée à leur nationalité d’origine ; il peut par exemple y avoir deslacunes dans leur scolarité en raison de leur origine sociale. La Belgique estl’exemple d’un pays qui mène une politique active d’intégration des immi-grés de deuxième génération sur le marché du travail (Nayer et Smeeters,1998). Dans d’autres pays, il faudra probablement accorder davantage d’at-tention à cette question à l’avenir.

Conclusions

La présente étude analyse la situation des immigrés dans la population activedes Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle se fonde essentiellement surdes données obtenues lors d’enquêtes. A ce stade, il convient de rappelerdeux éléments. Le premier concerne les données disponibles et le second lesprincipales caractéristiques liées à l’intégration sur le marché du travail.

Les données disponibles relatives au statut des immigrés et des étrangers surle marché du travail sont incomplètes et parfois difficiles à interpréter pourdes raisons méthodologiques, comme nous l’avons mentionné plus haut. Lesstatistiques concernant le marché européen de l’emploi ne sont pas totale-ment adaptées à une minorité qui est mobile et présente parfois un déficitdans son intégration sociale ou professionnelle. Elles ne sont pas conçuespour saisir la complexité du phénomène migratoire ni pour faciliter une ana-lyse approfondie de la population active classée en fonction du statut d’im-migré (pays d’origine, lieu de naissance, génération d’immigrés, etc.).L’imprécision des données est particulièrement mal venue à un moment oùles flux migratoires vers l’Europe se diversifient. Il faut s’efforcer de complé-ter et d’harmoniser les données relatives à l’activité des immigrés et àd’autres domaines liés aux migrations (par exemple, l’analyse des flux migra-toires). Cet investissement est indispensable si l’on veut obtenir des donnéescomparables au niveau national concernant la situation des immigrés sur lemarché du travail et si l’on veut suivre l’évolution de cette situation dans letemps et ses effets sur l’intégration.

Les lacunes que comportent ces données statistiques sont certes source defrustration, mais les informations analysées dans la présente étude mettent

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clairement en évidence les caractéristiques spécifiques des immigrés actifs parrapport aux ressortissants nationaux. Dans tous les pays, le taux de chômagedes étrangers est nettement plus élevé que celui des nationaux, et ce taux estplus élevé pour les étrangers originaires de pays extra-communautaires quepour les étrangers de l’Union européenne. Le taux de chômage des diffé-rentes populations nationales – qui peut atteindre jusqu’à 50% pour cer-taines communautés en Finlande – remet en question la capacité des Etatseuropéens à permettre à leurs immigrés de s’intégrer professionnellement etsocialement dans le pays d’accueil. Les inégalités d’accès à l’emploi et à despostes à responsabilité entre les ressortissants nationaux et étrangers peuventconduire à une ségrégation sociale de certaines populations immigréesengendrée par des problèmes de pauvreté.

Le taux de chômage est un indicateur qui met en évidence les difficultés àintégrer les communautés immigrées sur le marché du travail. De nom-breuses raisons liées au marché de l’emploi ou à des politiques spécifiquespourraient expliquer le risque élevé de chômage ainsi que d’autres inégalitésentre les immigrés et la population nationale. Les Etats devraient accorder lapriorité à l’intégration et aux politiques de lutte contre la discrimination sur lemarché de l’emploi, qui ont des effets directs sur le statut des immigrés sur cemarché ; ces politiques devraient sans cesse être adaptées aux variations desflux migratoires. Malgré l’absence de données, on pourrait mettre en avantla théorie selon laquelle un chômage élevé n’est pas le seul problème auquelles populations immigrées devront faire face et qu’il existe d’autres obstaclesà l’emploi, notamment pour les demandeurs d’asile, qui ont du mal à obtenirun emploi conforme à leurs qualifications et à grimper les échelons de la hié-rarchie dans leur profession, voire à conserver leur emploi pendant lespériodes économiques difficiles.

Ces caractéristiques sont liées à des écarts en matière de formation, auxemplois occupés, au statut des immigrés dans les entreprises, au risque dechômage et au taux d’activité des femmes. Chaque pays européen doit faireface à sa propre situation en matière d’immigration, les flux migratoiresdépendant de l’histoire du pays, de ses relations avec les autres pays, de saposition géographique et de ses choix politiques. A l’image des différentessituations des immigrés selon le pays, les politiques nationales d’intégrationsont naturellement très variées. Leur effet sur l’intégration des étrangers dansla population active est très variable et, par conséquent, la situation desimmigrés en Europe peut être plus ou moins favorable en fonction du paysd’accueil. Compte tenu de l’évolution démographique – en particulier duvieillissement de la population – le rôle des immigrés au sein de la populationactive en Europe prend de plus en plus d’importance et il est donc nécessaired’examiner de manière plus systématique si les politiques nationales d’inté-gration sont adaptées aux besoins du marché de l’emploi. De toute évidence,

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cette évaluation des politiques nationales d’intégration ne peut être menéeque si les données disponibles permettent d’établir des comparaisons, d’unpays à l’autre et entre des périodes données, ce qui n’est malheureusementpas encore le cas.

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Les migrations internationales de la main-d’œuvre

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Les auteurs

M. John Salt est professeur de géographie à l’University College de Londres.

Adresse :

University College London – Department of Geography26, Bedford WayGB-LONDON WC1 0APTél.: +44 (0) 20 7679 5531Fax : +44 (0) 20 7679 5525E-mail : [email protected]

M. James Clarke est chargé de recherches à l’University College de Londres.

Adresse :

University College London – Department of Geography26, Bedford WayGB-LONDON WC1 0APTél.: +44 (0) 20 7679 5509Fax : +44 (0) 20 7679 5525E-mail : [email protected]

M. Philippe Wanner est démographe au Forum suisse pour l’étude desmigrations et de la population à Neuchâtel.

Adresse :

Forum suisse pour l’étude des migrations et de la populationRue St-Honoré 2CH-2000 – NEUCHATELTél.: +41.32.718.39.35Fax : +41 32 718 39 21 E-mail : [email protected]

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Parus dans la même collection :

24. Information et éducation en matière de démographieRossella PALOMBA et Alessandra RIGHI (1993)(ISBN 92-871-2110-9)

25 Les aspects politiques et démographiques des flux migratoires en EuropeRaimondo CAGIANO de AZEVEDO (coordinateur) (1993)(ISBN 92-871-2359-4)

26. L’avenir de la population en Europesous la direction de Robert CLIQUET (1993)(ISBN 92-871-2368-3)

27. La situation démographique hongroise en EuropeAndras KLINGER (1993)(ISBN 92-871-2351-9)

28. Migration et coopération au développementRaimondo CAGIANO de AZEVEDO (coordinateur) (1994)(ISBN 92-871-2610-0)

29. Le vieillissement et ses conséquences sur le système socio-médicalJenny DE JONG-GIERVELD et Hanna VAN SOLINGE (1995)(ISBN 92-871-2684-4)

30. Les caractéristiques démographiques des minorités nationales danscertains Etats européens (Volume 1)Werner HAUG, Youssef COURBAGE, Paul COMPTON (1998)(ISBN 92-871-3768-4)

31. Les caractéristiques démographiques des minorités nationales danscertains Etats européens (Volume 2)Divers auteurs (2000)(ISBN 92-871-4158-4)

32. Migrations internes et dynamique démographique régionale enEurope : une synthèsePhilip REES, Marek KUPISZEWSKI (1999)(ISBN 92-871-3955-5)

33. La population et le marché du travail en Europe au-delà de l’an 2000 (Volume 1 : Une évaluation des tendances et des questions de politiquepublique)Aidan PUNCH, David L. PEARCE (coordinateurs) (2000)(ISBN 92-871-4272-6)

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34. La population et le marché du travail en Europe au-delà de l’an 2000 (Volume 2 : Etudes de cas par pays)Aidan PUNCH, David L. PEARCE (coordinateurs) (2000)(ISBN 92-871-4399-4)

35. Fécondité et nouveaux types de ménages et de formation de la familleen EuropeAntonella PINNELLI, Hans Joachim HOFFMANN-NOWOTNY et BeatFUX (2001)(ISBN 92-871-4697-7)

36. Tendances en matière de mortalité et mortalité différentielleJacques VALLIN et France MESLE, Tapani VALKONEN (2001)(ISBN 92-871-4274-8)

37. Démographie et exclusion sociale Dragana AVRAMOV (2003)(ISBN 92-871-5093-1)

38. Les caractéristiques démographiques des populations immigréesWerner HAUG, Paul COMPTON, Youssef COURBAGE (coordinateurs)(2002)(ISBN 92-871-4973-9)

39. Les conséquences démographiques de la transition économique dansles pays d’Europe centrale et orientaleDimiter PHILIPOV et Jürgen DORBRITZ (2004)(ISBN 92-871-5171-7)

40. La population active en EuropeRossella PALOMBA et Irena E. KOTOWSKA (2004)(ISBN 92-871-5182-2)

41. Vieillissement actif en Europe (Volume 1)Dragana AVRAMOV et Miroslava MASKOVA (2004)(ISBN 92-871-5457-0)

42. Le comportement des jeunes Européens face à la santé génésique(Volume 1)Nathalie BAJOS, Agnès GUILLAUME, Osmo KONTULA (2004)(ISBN 92-871-5471-6)

43. Conséquences démographiques et sociales d’une faible fécondité pourles structures familiales en EuropeNico KEILMAN (2004)(ISBN 92-871-5441-4)

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