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LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION Une fois votre scolarité terminée, votre revenu dépend essentiellement de l’emploi que vous obtenez. Vous gagnerez davantage en tant que programmeur qu’en tant que caissier dans un supermarché. Bien que cette affirmation semble évidente, il n’est pas si simple d’en démontrer la véracité. Aucune loi n’exige qu’un programmeur soit mieux payé qu’un caissier de supermarché. Aucun principe éthique ne suggère qu’un programmeur mérite un meilleur salaire. En somme, qu’est-ce qui détermine qu’un emploi soit plus payant qu’un autre ? Il va sans dire que votre revenu est influencé par l’environnement économique. Lors de l’année 2000, le revenu total de tous les résidants canadiens était d’envi- ron 1 trillion de dollars. Ces revenus furent obtenus de différentes façons. Les travailleurs en ont gagné environ le trois quart sous forme de salaires et d’avantages sociaux. Le reste est allé aux propriétaires fonciers et aux déten- teurs du capital – le stock d’outils, d’immeubles et d’équipements d’une écono- mie – sous forme de rente, de profit ou d’intérêts. Qu’est-ce qui détermine la proportion des revenus qui va aux travailleurs, aux propriétaires fonciers ou encore aux détenteurs de capital ? Pourquoi certains travailleurs gagnent-ils de meilleurs salaires? Pourquoi certains propriétaires fonciers ont-ils un revenu de rente plus élevé? Pourquoi certains détenteurs de capital reçoivent-ils un pro- fit plus élevé ? d’analyser la demande de travail d’une firme cherchant à maximiser le profit en situation de concurrence; À LA FIN DE CE CHAPITRE, VOUS SEREZ EN MESURE… d’examiner les décisions des ménages qui expliquent l’offre de travail; de comprendre pourquoi le salaire d’équilibre est égal à la valeur du produit marginal du travail; d’examiner comment les autres facteurs de production – la terre et le capital – sont rémunérés; de comprendre comment un changement dans l’offre d’un facteur affecte les rémunérations de tous les autres facteurs. Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autorisée Rédaction : Christian Corno

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L E S M A R C H É S D E S F A C T E U R S

D E P R O D U C T I O N

Une fois votre scolarité terminée, votre revenu dépend essentiellement del’emploi que vous obtenez. Vous gagnerez davantage en tant que programmeurqu’en tant que caissier dans un supermarché. Bien que cette affirmation sembleévidente, il n’est pas si simple d’en démontrer la véracité. Aucune loi n’exigequ’un programmeur soit mieux payé qu’un caissier de supermarché. Aucunprincipe éthique ne suggère qu’un programmeur mérite un meilleur salaire. Ensomme, qu’est-ce qui détermine qu’un emploi soit plus payant qu’un autre?Il va sans dire que votre revenu est influencé par l’environnement économique.Lors de l’année 2000, le revenu total de tous les résidants canadiens était d’envi-ron 1 trillion de dollars. Ces revenus furent obtenus de différentes façons.

Les travailleurs en ont gagné environ le trois quart sous forme de salaireset d’avantages sociaux. Le reste est allé aux propriétaires fonciers et aux déten-teurs du capital – le stock d’outils, d’immeubles et d’équipements d’une écono-mie – sous forme de rente, de profit ou d’intérêts. Qu’est-ce qui détermine laproportion des revenus qui va aux travailleurs, aux propriétaires fonciers ouencore aux détenteurs de capital ? Pourquoi certains travailleurs gagnent-ils demeilleurs salaires? Pourquoi certains propriétaires fonciers ont-ils un revenu derente plus élevé? Pourquoi certains détenteurs de capital reçoivent-ils un pro-fit plus élevé?

d’analyser la demandede travai l d’une f i rme

cherchant à maximiserle prof it en situation

de concurrence ;

À LA FIN DE CE CHAPITRE,

VOUS SEREZ EN MESURE…

d’examiner les décisionsdes ménages quiexpl iquent l ’of fre

de travai l ;

de comprendre pourquoile salaire d’équi l ibreest égal à la valeurdu produit marginal

du travai l ;

d’examiner commentles autres facteurs

de production – la terreet le capital –

sont rémunérés ;

de comprendre commentun changement dans

l’of fre d’un facteur af fecteles rémunérations de tous

les autres facteurs.

Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autoriséeRédaction : Christian Corno

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Les réponses à ces questions, comme c’est souvent le cas en science écono-mique, reposent sur les mécanismes de l’offre et la demande. L’offre et la demandedu travail, de la terre et du capital déterminent les prix payés aux travailleurs,aux propriétaires fonciers et aux détenteurs de capital. Afin de comprendre pour-quoi certaines personnes ont des revenus plus élevés, il faudra analyser lesmarchés où leurs services sont offerts. C’est ce que nous essaierons de faire ici.

Ce chapitre présente les fondements théoriques de base qui permettentl’analyse des marchés des facteurs. Les facteurs de production sont les intrantsutilisés dans la production de biens et services. Le travail, la terre et le capitalsont les principaux facteurs de production. Lorsqu’une entreprise spécialiséeen informatique produit un nouveau logiciel, elle utilise les heures de travaildu programmeur (travail), un espace physique (terre) ainsi que des bureaux etéquipements informatiques (capital). De même, lorsqu’un supermarché vendde la nourriture, il y a utilisation des heures de travail du caissier (travail), unespace physique (terre) et des caisses enregistreuses (capital).

À bien des égards, les marchés des facteurs ressemblent aux marchés desbiens et services analysés dans les chapitres précédents à une exception près :la demande pour un facteur de production est une demande dérivée. C’est quela demande d’une firme pour un facteur de production est dérivée de sa déci-sion d’offrir un bien dans un autre marché. La demande pour les programmeursest inextricablement liée à l’offre de logiciels et la demande pour les caissiersde supermarché est inextricablement liée à l’offre de nourriture.

Dans ce chapitre, nous analysons la demande d’un facteur en considérantla décision d’une firme qui est en situation de concurrence et qui cherche lamaximisation du profit. Notre analyse portera d’abord sur la demande de travail.Le travail est le plus important facteur de production puisque les travailleursreçoivent la plus grosse partie des revenus générés par l’économie canadienne.Nous verrons plus loin comment l’analyse du marché du travail s’apparentebeaucoup à celle qu’on peut faire des autres facteurs de production.

Les principes théoriques développés dans ce chapitre permettront d’expli-quer dans une large mesure la répartition des revenus dans l’économie cana-dienne entre les travailleurs, les propriétaires fonciers et les détenteurs decapital. D’autres chapitres s’intéresseront aux écarts de salaire d’un travailleurà l’autre et au rôle de l’État sur la question de la répartition des revenus.

Le marché du travail, comme tous les autres marchés de l’économie, estgouverné par les forces de l’offre et de la demande. C’est ce qui est illustré àla figure 20.1. Dans le graphique (a), l’offre et la demande de pommes déter-minent le prix des pommes. Dans le graphique (b), l’offre et la demande pourles cueilleurs de pommes déterminent le prix, soit le salaire, des cueilleursde pommes.

Nous avons déjà affirmé que les marchés du travail sont différents desautres marchés parce que la demande de travail est une demande dérivée. Lesservices des travailleurs ne sont pas des biens de consommation mais plutôtdes intrants qui servent à la production d’autres biens. Pour bien comprendrela demande de travail, nous devons examiner les firmes qui embauchent destravailleurs pour produire des biens de consommation. Cela mettra en lumièrecomment la production de biens influence la demande de travail pour ainsiexpliquer la détermination des salaires.

LA DEMANDE DE TRAVAIL

Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autoriséeRédaction : Christian Corno

Facteurs de productionLes intrants utilisés dans laproduction de biens et services

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 3

LA FIRME EN CONCURRENCE QUI MAXIMISE LE PROFIT

Analysons le comportement d’une firme typique qui cherche à déterminer la quan-tité de travail dont elle aura besoin. Par exemple, un producteur de pommesdoit décider chaque semaine du nombre de cueilleurs de pommes à engager.Une fois embauchés, les cueilleurs de pommes cherchent à ramasser la plusgrande quantité possible de pommes. Le producteur vend ensuite ces pommes,paie ses travailleurs et conserve le reste à titre de profit.

Cette analyse fonctionne si deux hypothèses sont respectées. D’abord, onsuppose que le producteur est en situation de concurrence à la fois dans le mar-ché des pommes (où il vend) et dans le marché des cueilleurs de pommes (oùil achète). Nous avons vu au chapitre 14 qu’un producteur en situation deconcurrence est un preneur de prix. Puisqu’on retrouve de nombreux produc-teurs qui vendent des pommes et qui embauchent des cueilleurs de pommes,un producteur, considéré individuellement, a peu d’influence sur le prix despommes ou le salaire des cueilleurs de pommes. Le producteur doit se plieraux prix déterminés par le marché. Il ne lui reste qu’a décider de la quantitéde pommes à vendre et du nombre de travailleurs à embaucher.

En second lieu, on suppose que le producteur cherche à maximiser son pro-fit. En conséquence, le producteur ne s’intéresse pas comme tel à la quantité depommes vendues ou au nombre d’employés. Il s’intéresse seulement au profit,qui correspond au revenu total provenant de la vente de pommes moins le coûtde production. L’offre de pommes de ce producteur et sa demande d’employéssont dérivées de son objectif premier de maximisation du profit.

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Figure 20.1 LE MODÈLE DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE. Les principes de base de l’offre et de lademande s’appliquent aux biens et au travail. Le graphique (a) montre comment l’offreet la demande déterminent le prix des pommes. Le graphique (b) illustre commentl’offre et la demande de cueilleurs de pommes déterminent le salaire des cueilleursde pommes.

0

P

Q

Demande Demande

Quantité de cueilleursde pommes

Quantité depommes

0 L

W

Salaire descueilleurs

de pommes

Prix despommes

(a) Le marché des pommes (b) Le marché des cueilleurs de pommes

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LA FONCTION DE PRODUCTION ET LE PRODUIT MARGINAL DU TRAVAIL

Avant d’embaucher des travailleurs, un producteur doit considérer le lien entrele nombre d’employés et l’output. En d’autres mots, le producteur de pommesdoit connaître le lien entre le nombre de cueilleurs de pommes et la quantitéde pommes qui peuvent être cueillies et vendues. Le tableau 20.1 présente unexemple chiffré. Les données de la première colonne reflètent le nombre de tra-vailleurs alors que celles de la deuxième colonne illustrent la quantité de pommescueillies par les travailleurs sur une base hebdomadaire.

Ces deux colonnes décrivent la capacité de production du producteur.Comme nous l’avons vu dans un chapitre antérieur, les économistes utilisentle terme fonction de production pour décrire la relation entre la quantité desintrants utilisés et l’output. Dans notre exemple, les « intrants» sont les cueilleursde pommes et l’«output» sont les pommes. Les autres intrants (les pommiers,la terre, les tracteurs et autres équipements) sont considérés comme étant fixespour l’instant. La fonction de production du producteur de pommes montreque l’embauche d’un travailleur génère une production de 100 sacs de pommespar semaine. Si le producteur engage deux travailleurs, ces deux travailleurspermettent de produire 180 sacs de pommes par semaine et ainsi de suite.

La figure 20.2 illustre graphiquement les données présentées au tableau 20.1.Le nombre de travailleurs apparaît sur l’axe horizontal tandis que l’output seretrouve sur l’axe vertical. Cette figure représente une fonction de production.

Un des dix principes d’économie présenté au chapitre 1 est que les gensrationnels raisonnent à la marge. Ce principe est important pour bien com-prendre comment le producteur détermine la quantité de travail à utiliser. Lesdonnées de la troisième colonne du tableau 20.1 montrent le produit marginaldu travail, à savoir l’augmentation de l’output qui est attribuée à l’utilisationd’une unité supplémentaire de travail. Par exemple, si le producteur augmente lenombre de travailleurs de 1 à 2, la production de pommes passe de 100 à 180 sacs.En conséquence, le produit marginal associé au second travailleur est de 80 sacs.

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Fonction de production Relation entre la quantité d’intrantsutilisés pour produire un bien et laquantité produite de ce bien

Tableau 20.1NOMBRE DE TRAVAILLEURS À EMBAUCHER POUR UNE FIRME EN SITUATION DE CONCURRENCE

VALEUR DU

PRODUIT MARGINAL PRODUIT MARGINAL PROFIT

TRAVAIL OUTPUT DU TRAVAIL DU TRAVAIL DU TRAVAIL SALAIRE MARGINAL

L Q PMT � ∆Q/∆L ∆PROFIT �

(NOMBRE DE TRAVAILLEURS) (SACS PAR SEMAINE) (SACS PAR SEMAINE) VPMT � P � MPL W VPMT � W

0 0100 1000 $ 500 $ 500 $

1 10080 800 500 300

2 18060 600 500 100

3 24040 400 500 �100

4 28020 200 500 �300

5 300

Produit marginal du travai lAugmentation de l’output qui résulted’une unité additionnelle de travail

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 5

Notez comment le produit marginal du travail diminue à mesure que lenombre de travailleurs augmente. Comme il en a été question au chapitre 13,ce phénomène est appelé productivité marginale décroissante. Il est importantde comprendre que cette baisse du produit marginal du travail n’est pas le résul-tat d’une diminution de la qualité du travail. Il ne s’agit donc pas d’une situa-tion où un producteur embauche initialement les meilleurs travailleurs pourensuite employer des personnes moins performantes. Au contraire, la qualitédes travailleurs est présumée constante. En fait, au départ, les premiers tra-vailleurs cueillent les pommes parmi les pommiers les mieux garnis. À mesureque le nombre de travailleurs augmente, les cueilleurs de pommes doivent opterpour les pommiers un peu moins garnis. En conséquence, lorsque le nombrede travailleurs augmente, chaque travailleur additionnel contribue moins à lacueillette de pommes. C’est ce qui explique le fait que dans la figure 20.2, lafonction de production tend à s’aplatir à mesure que le nombre de travailleursaugmente.

LA VALEUR DU PRODUIT MARGINAL ET LA DEMANDE DE TRAVAIL

Le producteur de notre exemple, qui cherche à maximiser son profit, se souciedavantage de l’argent que des pommes. Le producteur doit considérer le pro-fit généré par chaque travailleur afin d’établir le nombre de travailleurs àembaucher. Puisque le profit correspond au revenu total moins le coût total, leprofit généré par un travailleur supplémentaire correspond à la contribution dece travailleur au revenu moins son salaire.

Pour connaître la contribution du travailleur au revenu, il faut convertir leproduit marginal du travail (mesuré en termes de sacs de pommes) en valeur duproduit marginal (mesuré en termes de dollars). Pour ce faire, nous devons uti-liser le prix des pommes. Pour poursuivre notre exemple, si un sac de pommesse vend 10 $ et si un travailleur additionnel produit 80 sacs de pommes, alorsce travailleur génère 800 $ de revenu.

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Productivité marginaledécroissanteDiminution du produit marginald’un intrant à mesure que la quantité d’intrants augmente

Figure 20.2

LA FONCTION DE PRODUCTION.La fonction de production illustrela relation entre les intrants(cueilleurs de pommes) et l’output(pommes). Plus la quantitéd’intrants augmente, plus la fonction de production s’aplatit, traduisant la diminutiondu produit marginal.

Nombre de cueilleurs de pommes

0

Quantitéde pommes

300280

240

180

100

Fonction deproduction

1 2 3 4 5

6

La valeur du produit marginal de tout intrant est le produit marginal decet intrant multiplié par le prix du marché de l’output. La quatrième colonnedu tableau 20.1 montre la valeur du produit marginal du travail, dans le casde notre exemple, en supposant que le prix du marché est de 10 $ par sac depommes. Parce que le prix du marché est constant pour un producteur enconcurrence, la valeur du produit marginal (tout comme le produit marginal)diminue à mesure que le nombre de travailleurs augmente.

Afin de pouvoir déterminer le nombre de travailleurs à embaucher, suppo-sons que le salaire tel qu’établi par le marché est de 500 $ par semaine. Dansce contexte, le premier travailleur embauché est profitable puisqu’il génère1000 $ en revenus ou 500 $ en profit. Le second travailleur, quant à lui, génère800 $ en revenus supplémentaires ou 300 $ en profit. Le troisième travailleurpermet d’engendrer 600 $ en revenus additionnels ou 100 $ en profit. Toutefois,après le troisième travailleur, tout travailleur supplémentaire cesse d’être pro-fitable. Ainsi, le quatrième travailleur crée 400 $ en revenus additionnels alorsque son salaire est de 500 $ ce qui diminue le profit de 100 $. En conséquence,le producteur ne devrait embaucher que trois travailleurs.

Cette analyse peut aussi être faite sur la base d’un graphique. La figure 20.3illustre la valeur du produit marginal. La courbe est à pente négative parce quele produit marginal du travail diminue à mesure que le nombre de travailleursaugmente. Cette figure contient aussi une ligne horizontale située au niveau dusalaire du marché. Afin de maximiser son profit, le producteur embauche destravailleurs jusqu’au point où les deux courbes se croisent. À la gauche de ce point,la valeur du produit marginal est plus grande que le salaire. C’est donc direque l’ajout d’un travailleur serait profitable. À la droite de ce point, la valeur duproduit marginal est moindre que le salaire. Dans ce cas, l’ajout d’un travailleurne serait pas profitable. En somme, un producteur, en situation de concurrenceet qui maximise son profit, embauche des travailleurs jusqu’à ce que la valeurdu produit marginal soit égale au salaire.

Après avoir expliqué la stratégie d’embauche d’un producteur en situationde concurrence et qui cherche à maximiser son profit, nous pouvons mainte-nant élaborer une théorie à propos de la demande de travail. Rappelons que lacourbe de demande de travail d’un producteur nous renseigne sur la quantité

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Valeur du produit marginalLe produit marginal d’un intrantmultiplié par le prix de l’output

Figure 20.3

LA VALEUR DU PRODUIT MARGINAL

DU TRAVAIL. Cette figure illustrele lien entre la valeur du produitmarginal (le produit marginalmultiplié par le prix de l’output)et le nombre de travailleurs.La courbe est à pente négativeen raison de la productivitémarginale décroissante. Pourun producteur en concurrencequi cherche à maximiser sonprofit, cette courbe de la valeurdu produit marginal est aussisa demande de travail.

0 Nombre de cueilleurs de pommes

0

Valeur du produit

marginal

Salaire du marché

Quantité qui maximise le profit

Valeur du produit marginal(courbe de demande de travail)

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 7

de travail que ce producteur demande pour tout niveau de salaire. L’analysede la figure 20.3 nous a permis de constater que le producteur opte pour laquantité de travail où la valeur du produit marginal est égale au salaire. Enrésumé, la courbe de la valeur du produit marginal correspond à la demandede travail d’un producteur en situation de concurrence et qui cherche à maxi-miser son profit.

QUELS SONT LES DÉTERMINANTS DE LA DEMANDE DE TRAVAIL ?

Nous savons maintenant que la courbe de demande de travail ne fait que reflé-ter la valeur du produit marginal. En gardant cela à l’esprit, examinons ce quipourrait faire déplacer la courbe de demande de travail.

Le prix de l’output. La valeur du produit marginal est le produit margi-nal multiplié par le prix de l’output. En conséquence, lorsque le prix de l’out-put change, la valeur du produit marginal change. La courbe de demande detravail est aussi affectée. Par exemple, une augmentation du prix des pommesaccroît la valeur du produit marginal générée par chaque cueilleur de pommes,

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Dans le chapitre 14, nousavons vu comment un produc-teur, en situation de concur-rence et qui cherche à maximi-ser son profit, décide de laquantité d’output à vendre.Cette quantité est celle quicorrespond au point où le prixdu bien est égal au coût mar-ginal de production. Nous ve-nons d’examiner comment cemême producteur décide de laquantité de travail à utiliser. Ilchoisit la quantité qui est celleoù le salaire est égal à la

valeur du produit marginal. Sachant que la fonction de pro-duction fait le lien entre les intrants et l’output, on com-prend bien que la décision du producteur à propos de lademande d’intrants soit liée à sa décision sur l’offre d’out-put. En fait, ces deux décisions sont les côtés d’unemême médaille.

Examinons le lien entre le produit marginal du travail (PmL)et le coût marginal (Cm). Supposons qu’un travailleur addi-tionnel coûte 500 $ et génère un produit marginal de 50 sacsde pommes. Si la production de 50 sacs de pommes supplé-mentaires coûte 500 $, c’est donc dire que le coût margi-nal d’un sac est de 500 $/50 ou 10 $. Pour généraliser,si W est le salaire et qu’une unité additionnelle de travailpermet de produire PmL unités d’output, alors le coût mar-ginal d’une unité d’output est Cm = W/PmL.

Cette analyse permet aussi de voir que la productivité mar-ginale décroissante est intimement liée au coût marginal

croissant. À mesure que le nombre de travailleurs aug-mente, chaque travailleur supplémentaire ajoute moins enterme de production de pommes (PmL diminue). De lamême façon, lorsque la production de pommes est élevée,le nombre de travailleurs l’est aussi de sorte que la pro-duction d’un sac additionnel de pommes devient pluscoûteuse (Cm augmente).

Considérons maintenant le critère de maximisation du profit.Nous avons déjà établi qu’un producteur qui cherche à maxi-miser son profit opte pour la quantité de travail au point oùle salaire (W) est égal à la valeur du produit marginal(P X PmL). Sous la forme d’une équation, on peut dire que

P X PmL = W

En divisant chaque côté de l’équation par PmL, on obtient

P = W/PmL

Nous venons de conclure que W/PmL correspond au coûtmarginal (Cm). En faisant une substitution, on obtient

P = Cm

Cette équation établit que le prix d’une unité de l’outputest égal au coût marginal associé à la production d’uneunité de l’output. En somme, un producteur en situationde concurrence embauche des travailleurs jusqu’au mo-ment où la valeur du produit marginal est égale au salaireet produit jusqu’au moment où le prix est égal au coûtmarginal. Notre analyse de la demande de travail dans cechapitre n’est qu’une autre façon de voir la décision deproduction abordée au chapitre 14.

BON À SAVOIR

Demanded’intrants et

offre d’output :deux côtésde la même

médaille

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ce qui hausse la demande de travail des producteurs de pommes. À l’inverse,une baisse du prix des pommes réduit la valeur du produit marginal et dimi-nue la demande de travail.

Changement technologique. De 1976 à 2000, l’output du travailleur cana-dien moyen par heure de travail a augmenté de 27 pour cent. Pourquoi? Laraison principale est liée au progrès technologique. Les scientifiques et les ingé-nieurs sont constamment à la recherche de nouvelles et meilleures façons defaire, ce qui affecte considérablement le marché du travail. Une avancée tech-nologique augmente le produit marginal du travail, ce qui a pour effet d’accroîtrela demande de travail. Le progrès technologique explique la hausse simultanéedes emplois et des salaires. Même si les salaires ont augmenté (une fois ajustéspour tenir compte de l’inflation) de 50 pour cent de 1976 à 2000, le nombred’emplois s’est accru de 56 pour cent durant la même période.

L’offre des autres facteurs. La quantité disponible d’un facteur de pro-duction peut affecter le produit marginal des autres facteurs. Par exemple, unediminution de l’offre d’échelles réduit le produit marginal des cueilleurs depommes et, par conséquent, baisse la demande de cueilleurs de pommes. Nousnous pencherons davantage sur cette question un peu plus loin dans ce chapitre.

MINITEST : Définissez le produit marginal du travail et la valeur du produit marginal du travail. ◆ Décrivez comment un producteur, en situation de concurrence et cherchant à maximiser son profit, détermine le nombre de travailleurs à embaucher.

Après avoir analysé la demande de travail, examinons maintenant l’offre detravail. Un modèle formel pour expliquer l’offre de travail sera présenté plustard, lorsqu’il sera question de la théorie du processus décisionnel du ménage.Nous nous contenterons ici d’évoquer quelques facteurs qui sous-tendent l’offrede travail.

L’ARBITRAGE ENTRE LE TRAVAIL ET LE LOISIR

Un des dix principes d’économie dont il a été question au chapitre 1 est queles gens sont soumis à des arbitrages. Nous faisons tous face à un arbitrageentre le travail et le loisir. Plus les heures de travail sont longues, moins il rested’heures pour regarder la télévision, discuter avec des amis ou s’adonner à sonhobby préféré. L’arbitrage entre le travail et le loisir sous-tend l’offre de travail.

Un autre des dix principes d’économie est que le coût d’un bien est ce àquoi il faut renoncer pour l’obtenir. Que sacrifie-t-on pour une heure de loisir ?Une heure de travail rémunérée. Ainsi, si votre salaire est de 15 $ l’heure, lecoût de renonciation d’une heure de loisir est de 15 $. Si votre salaire augmenteà 20 $ l’heure, le coût de renonciation du loisir augmente aussi.

La courbe d’offre de travail reflète les décisions des travailleurs, au sujetde l’arbitrage entre le travail et le loisir, à la suite d’un changement dans le coûtde renonciation. Une courbe d’offre de travail à pente positive implique qu’unehausse du salaire augmente la quantité offerte de travail. Puisque le temps estune ressource limitée, des heures de travail supplémentaires réduisent d’autantles heures de loisir. Autrement dit, une hausse du coût de renonciation du loi-sir incite le travailleur à réduire ses heures de loisir.

L’OFFRE DE TRAVAIL

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CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 9

Il convient de noter que l’offre de travail n’est pas nécessairement à pentepositive. Imaginez une situation où votre salaire augmente de 15 $ l’heure à20 $ l’heure. Le coût de renonciation du loisir est certes plus grand mais vousêtes aussi plus riche qu’auparavant. Vous pourriez décider que cette richessesupplémentaire vous permet d’augmenter vos heures de loisir. Dans ce cas, lacourbe d’offre de travail est à pente négative. Lors d’un chapitre ultérieur, nousdiscuterons davantage de ces deux effets contraires de la hausse du salaire surla quantité de travail offerte (effet de revenu et effet de substitution). Pour lesfins du présent chapitre, nous supposerons que la courbe d’offre de travail està pente positive.

QUELS SONT LES DÉTERMINANTS DE L’OFFRE DE TRAVAIL ?

La courbe d’offre de travail se déplace lorsque les gens modifient la quantitéofferte de travail à un niveau donné de salaire. Considérons maintenant quelquesdéterminants de l’offre de travail.

Changements dans les goûts. En 1950, environ 34 pour cent des femmesdétenaient un emploi rémunéré ou se cherchaient un emploi. En 2000, ce pour-centage était de 60 pour cent. Plusieurs facteurs expliquent cette progression. Unde ces facteurs est lié à un changement qui se serait opéré sur le plan des goûtsou des attitudes par rapport au travail. Dans les générations passées, la normesociale exigeait que les femmes demeurent au foyer pour élever leurs enfants.De nos jours, les femmes ont moins d’enfants et davantage de mères décidentd’avoir un travail rémunéré. Cela a pour résultat d’augmenter l’offre de travail.

Changements dans un autre marché du travail. L’offre de travaildans un marché du travail donné dépend de ce qui survient dans d’autres mar-chés du travail. Si le salaire des cueilleurs de poires augmente, certains cueilleursde pommes pourraient changer de travail. L’offre de travail dans le marché descueilleurs de pommes sera en baisse.

Immigration. Les déplacements de travailleurs d’une région à l’autre ou d’unpays à l’autre sont souvent la cause d’un changement dans l’offre de travail.Par exemple, les immigrants qui arrivent au Canada font augmenter l’offre detravail au Canada mais réduire celle du pays d’origine. En fait, une bonne partde la controverse liée aux politiques d’immigration repose sur l’impact présuméde l’immigration sur l’offre de travail et, par ricochet, sur l’équilibre dans lemarché du travail

MINITEST : Qui a le plus grand coût de renonciation du loisir? Le conciergeou le chirurgien? Expliquez. ◆ Pourquoi les médecins tendent-ils à faire beaucoup d’heures de travail ?

Jusqu’à présent, nous avons établi deux faits à propos de la détermination dusalaire dans un marché du travail en situation de concurrence.◆ Le salaire s’ajuste de façon à équilibrer l’offre et la demande de travail.◆ Le salaire correspond à la valeur du produit marginal du travail.

ÉQUILIBRE DANS LE MARCHÉ DU TRAVAIL

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À première vue, il peut sembler étonnant que le salaire puisse remplir cesdeux conditions. Pourtant, ces deux conditions sont essentielles pour expliquerla détermination du salaire dans le marché du travail.

La figure 20.4 illustre un marché du travail en équilibre. Le salaire et laquantité de travail se sont ajustés pour équilibrer l’offre et la demande. Lorsquele marché est en équilibre, chaque producteur utilise la quantité d’unités de tra-vail qui lui est profitable au salaire d’équilibre. Suivant la règle de maximisa-tion du profit, chaque producteur embauche des travailleurs jusqu’à ce que lavaleur du produit marginal soit égale au salaire. En conséquence, lorsque l’offreet la demande sont en situation d’équilibre sur le marché du travail, le salairecorrespond alors à la valeur du produit marginal.

Cette analyse nous permet d’énoncer un principe important. Tout événe-ment qui modifie l’offre ou la demande de travail doit aussi modifier le salaired’équilibre et la valeur du produit marginal dans la même proportion. Il en estainsi puisque ces deux variables doivent être égales à l’équilibre. Nous allonsmaintenant examiner quelques exemples pour illustrer ce principe.

DÉPLACEMENTS DE L’OFFRE DE TRAVAIL

Supposons que l’arrivée de nouveaux immigrants augmente le nombre de tra-vailleurs désirant cueillir des pommes. Comme on peut le voir dans la figure 20.5,l’offre de travail se déplace vers la droite, de S1 à S2. Au salaire initial W1, laquantité de travail offerte est plus grande que la quantité de travail demandée.Ce surplus de travail exerce une pression à la baisse sur le salaire des cueilleursde pommes. Avec un salaire plus faible, il est maintenant profitable pour les pro-ducteurs d’embaucher de nouveaux travailleurs. Puisque le nombre de travailleursaugmente, le produit marginal du travail diminue tout comme la valeur du pro-duit marginal. Au nouvel équilibre, le salaire et la valeur du produit marginalsont tous deux plus bas qu’avant l’arrivée de nouveaux travailleurs.

Une situation survenue en Israël permet d’illustrer comment un change-ment dans l’offre de travail peut modifier l’équilibre dans un marché du tra-vail. Durant les années 1980, plusieurs milliers de Palestiniens se déplaçaienten Israël pour y occuper des emplois, surtout dans l’industrie agricole et dans

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Figure 20.4

ÉQUILIBRE DANS LE MARCHÉ

DU TRAVAIL. Comme tout prix,le prix du travail (le salaire)dépend de l’offre et dela demande. La courbede demande reflétant la valeurdu produit marginal en situationd’équilibre, les travailleursreçoivent comme salaire la valeurde leur contribution marginaleà la production de bienset services.

Salaires (prix du travail)

Salaired’équilibre, W

0 Quantité de travail

Niveau d’emploid’équilibre, L

Offre

Demande

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 11

le secteur de la construction. Toutefois, en 1988, des troubles politiques dansles territoires occupés ont incité le gouvernement israélien à adopter plusieursmesures dont un des effets fut de réduire l’offre de travail. L’imposition d’uncouvre-feu, la vérification systématique des permis de travail et l’interdictionfaite aux Palestiniens de passer la nuit sur le territoire israélien ont eu un impactéconomique conforme à ce que prédit la théorie. Le nombre de Palestiniens avecdes emplois en Israël chuta de moitié. Cependant, ceux qui continuaient à ytravailler ont vu leurs salaires augmenter d’environ 50 pour cent. Puisque lenombre de travailleurs palestiniens en Israël est en baisse, la valeur du produitmarginal de ceux qui y maintiennent leurs emplois est en hausse.

DÉPLACEMENTS DE LA DEMANDE DE TRAVAIL

Supposons maintenant que les pommes deviennent plus populaires auprès desconsommateurs. Cela cause une hausse du prix des pommes mais le produitmarginal du travail de tout travailleur demeure inchangé. Toutefois, le prix despommes maintenant plus élevé entraîne une hausse de la valeur du produitmarginal. Le prix des pommes plus élevé rend donc profitable l’embauche denouveaux cueilleurs de pommes. Comme on peut le constater dans la figure 20.6,un déplacement de la demande de travail vers la droite, de D1 à D2, fait aug-menter le salaire d’équilibre de W1 à W2 et le niveau d’emploi d’équilibre de L1à L2. Une fois de plus, le salaire et la valeur du produit marginal évoluent dansle même sens.

Cette analyse met en lumière le lien étroit qui existe entre la prospérité desproducteurs et celle des travailleurs dans une industrie donnée. L’augmenta-tion du prix des pommes permet d’augmenter le profit des producteurs depommes mais aussi d’accroître le salaire des cueilleurs de pommes. La baissedu prix des pommes réduit le profit des producteurs de pommes et fait aussidiminuer le salaire des cueilleurs de pommes. Ce phénomène est bien connudes travailleurs qui œuvrent dans des industries aux prix volatils. Les travailleursdans le secteur du pétrole, par exemple, savent d’expérience que leurs revenussont étroitement liés au prix mondial du pétrole brut.

Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autoriséeRédaction : Christian Corno

Figure 20.5

UN DÉPLACEMENT DE LA COURBE

D’OFFRE DE TRAVAIL. Une haussede l’offre de travail de S1 à S2,peut-être due à l’augmentationdu nombre de travailleursimmigrants, fait diminuerle salaire d’équilibre de W1 à W2.Le salaire étant plus bas,les producteurs embauchentdavantage de travailleurs, ce quifait passer le niveau d’emploide L1 à L2. Le changement dansle salaire reflète le changementdans la valeur du produitmarginal. Les travailleurs étantplus nombreux, la contributionà l’output de chaque travailleuradditionnel devient plus petite.

Salaire (prix du travail)

W2

W1

0 Quantité de travailL2L1

Offre, S1

Demande

2. ... réduitle salaire...

3. ... et augmente le niveau d’emploi.

1. Une hausse del’offre de travail...

S2

Figure 20.6

UN DÉPLACEMENT DE LA COURBE

DE DEMANDE DE TRAVAIL. Si leprix de l’output augmente, alorsla demande de travail se déplacevers la droite de D1 à D2 ce quiaugmente le salaire d’équilibrede W1 à W2 et accroît le niveaud’emploi d’équilibre de L1 à L2.Ici encore, le changement dansle salaire reflète un changementdans la valeur du produitmarginal du travail. Puisquele prix de l’output est plus élevé,l’ajout de production générépar un travailleur supplémentairevaut davantage.

12

Ces divers exemples devraient vous donner une bonne compréhension dela façon dont les salaires sont établis dans les marchés du travail en situationde concurrence. L’interaction de l’offre de travail et de la demande de travaildétermine le salaire d’équilibre et tout déplacement de l’offre ou de la demandede travail entraîne un changement dans le salaire d’équilibre. De façon simul-tanée, la maximisation du profit par les producteurs, sur qui repose la demandede travail, implique que le salaire d’équilibre soit toujours égal à la valeur duproduit marginal du travail.

ÉTUDE DE CAS PRODUCTIVITÉ ET SALAIRES

Un des dix principes évoqués au chapitre 1 est que le niveau de vie d’unpays dépend de sa capacité à produire des biens et services. Nous savonsmaintenant que ce principe s’applique aussi au marché du travail. Notre ana-lyse de la demande de travail nous a montré que le salaire est égal à la pro-ductivité mesurée par la valeur du produit marginal du travail. Autrementdit, les travailleurs très productifs sont mieux payés que les travailleurs peuproductifs.

Notre analyse nous permet aussi de comprendre pourquoi, de nos jours,les travailleurs sont en meilleure posture que les travailleurs des générationspassées. Le tableau 20.2 présente des données sur la croissance de la pro-ductivité et la croissance des salaires (ajustés pour tenir compte de l’infla-tion). On y constate que de 1961 à 1999 la productivité, telle que mesuréepar l’output par heure de travail, s’est accrue d’environ 1,9 pour cent par an.À ce rythme, la productivité double à environ tous les 40 ans. Au cours dela même période, les salaires ont augmenté de manière semblable, de quelque1,7 pour cent par an.

Le tableau 20.2 montre aussi qu’à partir d’environ 1974, la croissance dela productivité a ralenti en passant de 3,2 pour cent à 1,2 pour cent sur unebase annuelle. Ce ralentissement de la croissance de la productivité coïncideavec le ralentissement de la croissance des salaires de 2,8 pour cent. En rai-son de ce ralentissement dans la productivité, les travailleurs des années 1980,

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W1

W2

0 L1 L2

Offre

Demande, D1

D2

Salaire (prix du travail)

Quantité de travail

2. ... haussele salaire...

3. ... et augmente le niveau d’emploi.

1. Une augmentation de la demande de travail...

TAUX DE CROISSANCE TAUX DE CROISSANCE

ANNÉES DE LA PRODUCTIVITÉ DES SALAIRES RÉELS

1961–1999 1,9 1,71961–1973 3,2 3,61974–1999 1,2 0,8

SOURCE: Les données sur la productivité proviennent de Statistique Canada, Productivity Growth inCanada, 2001, Catalogue No. 15-204 XIE, Tableau 2, Annexe 5. Salaire horaire calculé à partir des don-nées de Statistique Canada, CANSIM Matrix Nos. 9463 et 9464. La croissance de la productivité estmesurée ici par le taux de croissance annualisé de la valeur ajoutée par heure dans le secteur desaffaires. La croissance des salaires réels est mesurée ici par le taux de croissance annualisé de larémunération par heure dans le secteur des affaires divisé par l’indice des prix à la consommation.Ces données nous permettent d’obtenir la productivité moyenne, la quantité d’output divisée par laquantité de travail, et non la productivité marginale. Toutefois, il est généralement admis que la pro-ductivité moyenne et la productivité marginale évoluent de façon très semblable.

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 13

et 1990 n’ont pas connu la même croissance rapide du niveau de vie dontleurs parents ont profité. Une diminution de 2 pour cent peut sembler minime.Toutefois, accumulé au fil des années, même un petit changement dans letaux de croissance est significatif. Si la productivité et les salaires s’étaientaccrus au même rythme avant et après 1973, les revenus des travailleursseraient aujourd’hui plus élevés de 90 pour cent.

Le lien entre la productivité et les salaires s’observe aussi sur la scèneinternationale. Le tableau 20.3 présente des données sur la croissance de laproductivité et la croissance des salaires pour certains pays représentatifs.Chaque pays est classé selon la croissance de sa productivité. Bien que cesdonnées ne soient pas toujours précises, un lien étroit entre les deux varia-bles est apparent. En Corée du Sud, à Hong Kong et à Singapour, la produc-tivité s’est accrue rapidement tout comme les salaires. Au Mexique, enArgentine et en Iran, la productivité est en baisse tout comme les salaires.Le Canada se retrouve au milieu du peloton. Par rapport au reste du monde,la croissance de la productivité canadienne n’a été ni exceptionnellementbonne ni exceptionnellement mauvaise. Cependant, au cours des dix der-nières années, les salaires réels sont demeurés essentiellement les mêmes.

Qu’est-ce qui explique la grande variabilité de la productivité et dessalaires dans le temps et d’un pays à l’autre? Pour répondre à cette ques-tion, il faudrait se pencher sur les déterminants de la croissance à long terme.Il s’agit là d’un sujet complexe mais nous pouvons néanmoins évoquerquelques déterminants importants. ◆ Capital physique : Les travailleurs qui disposent d’une grande quantité

d’équipements et de structures produisent davantage.◆ Capital humain : Les travailleurs plus scolarisés produisent davantage.◆ Connaissances technologiques : Les travailleurs qui ont accès à une tech-

nologie de pointe produisent davantage.Le capital physique, le capital humain et les connaissances technologiques

expliquent les écarts qui existent entre les pays sur le plan de la productivité,des salaires et du niveau de vie.

MINITEST : Quel impact aura l’arrivée de travailleurs immigrants sur l’offre de travail, la demande de travail, le produit marginal du travail et le salaire d’équilibre?

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Tableau 20.2

CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITÉ

ET DU SALAIRE AU CANADA

14

Nous avons examiné comment un producteur en arrivait à déterminer la quan-tité de travail à utiliser et le salaire à verser aux travailleurs. Le producteur doitaussi prendre des décisions de ce genre à propos des autres facteurs de pro-duction. Par exemple, notre producteur de pommes doit décider de la superfi-cie de son verger et du nombre d’échelles mises à la disposition des cueilleurs depommes. Les facteurs de production utilisés par un producteur se répartissenten trois catégories : le travail, la terre et le capital.

Les termes travail et terre sont plutôt explicites. Il est un peu plus délicat dedéfinir le terme capital. Les économistes font référence au capital pour désignerle stock d’équipements et de structures utilisés dans la production. Le stock decapital d’une économie représente l’accumulation de biens produits dans le passéqui sont maintenant utilisés pour la production de nouveaux biens et services.Pour notre producteur de pommes, le stock de capital comprend les échelles pourmonter dans les pommiers, les camions pour transporter les sacs de pommes,les entrepôts où sont conservés les pommes et les pommiers eux-mêmes.

ÉQUILIBRE DANS LES MARCHÉS DE LA TERRE ET DU CAPITAL

Qu’est-ce qui détermine la compensation que reçoivent les détenteurs du capi-tal et les propriétaires fonciers pour leur contribution au processus de produc-tion? Il nous faut d’abord distinguer le prix d’achat du prix de location. Le prixd’achat de la terre ou du capital est le prix à payer pour devenir propriétairedu facteur de production en question. Le prix de location est le prix à payer

LES AUTRES FACTEURS DE PRODUCTION: TERRE ET CAPITAL

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Tableau 20.3

PRODUCTIVITÉ ET SALAIRES SUR

LA SCÈNE INTERNATIONALE

CapitalÉquipements et structures utilisésdans la production de bienset services

TAUX DE CROISSANCE TAUX DE CROISSANCE

PAYS DE LA PRODUCTIVITÉ DES SALAIRES RÉELS

Corée du Sud 8,5 7,9Hong Kong 5,5 4,9Singapour 5,3 5,0Indonésie 4,0 4,4Japon 3,6 2,0Inde 3,1 3,4Royaume-Uni 2,4 2,4Canada 1,8 0,0États-Unis 1,7 0,5Brésil 0,4 �2,4Mexique �0,2 �3,0Argentine �0,9 �1,3Iran �1,4 �7,9

SOURCE: Banque Mondiale, World Development Report 1994 : Infrastructure for Development (New York :World Bank and Oxford University Press, 1994), Tableau 1, p. 162–163, et Tableau 7, p. 174–175. Lacroissance de la productivité est mesurée ici par le taux de croissance annualisé du produit nationalbrut par habitant pour la période s’étendant de 1980 à 1992. La croissance des salaires est mesurée icipar le taux de croissance annualisé des revenus par employé dans le secteur manufacturier pour lapériode s’étendant de 1980 à 1991.

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 15

pour pouvoir utiliser le facteur de production en question pour une période detemps donnée. Il est important de garder à l’esprit cette distinction puisque cha-cun de ces prix obéit à des forces économiques un peu différentes.

Voyons maintenant comment l’analyse développée pour le marché du tra-vail peut s’appliquer à la terre ou au capital. Le salaire peut s’envisager commeétant le prix de location du travail. L’essentiel de ce que nous avons appris surla détermination du salaire s’applique aussi aux prix de location de la terre etdu capital. Comme le suggère la figure 20.7, le prix de location de la terre dansle graphique (a), et le prix de location du capital dans le graphique (b), sontdéterminés par l’interaction de l’offre et de la demande. De plus, la demandepour la terre ou le capital est déterminée de façon semblable à la demande detravail. Notre producteur de pommes, pour déterminer la quantité de terre etle nombre d’échelles à louer, emploiera la même logique qui lui permet deconnaître le nombre de cueilleurs de pommes à embaucher. Le producteuroptera pour la quantité de terre ou de capital qui est celle où la valeur du produitmarginal du facteur est égale à son prix. En somme, la courbe de demande de laterre reflète la productivité marginale de la terre et la courbe de demande ducapital reflète la productivité marginale du capital.

Nous pouvons maintenant expliquer la rémunération des travailleurs, despropriétaires fonciers et des détenteurs du capital. Si le producteur qui utilisedes facteurs de production est en situation de concurrence et cherche à maxi-miser son profit, alors le prix de location de chaque facteur correspond à lavaleur du produit marginal de ce facteur. Chaque facteur reçoit la valeur de sacontribution marginale au processus de production.

Considérons maintenant le prix d’achat de la terre et du capital. Il y a, biensûr, un lien entre le prix d’achat et le prix de location. Les acheteurs seront prêtsà payer davantage pour de la terre ou du capital qui génère un flux de reve-nus locatifs. Comme nous venons de le voir, le prix de location d’équilibre d’unfacteur correspond en tout temps à la valeur du produit marginal de ce facteur.Cela implique que le prix d’achat d’équilibre d’une quantité donnée de terreou de capital dépend à la fois de la valeur courante du produit marginal et dela valeur future anticipée du produit marginal.

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Figure 20.7 LES MARCHÉS DU CAPITAL ET DE LA TERRE. L’offre et la demande déterminent ce qui serapayé aux propriétaires fonciers, comme le montre le graphique (a), et ce qui sera payéaux détenteurs du capital, comme le montre le graphique (b). Quant à la demande dechaque facteur, elle dépend de la valeur du produit marginal de ce facteur.

Quantitéde terre

0

Prix de location

de la terre

P

Q

Demande

Offre

Demande

Offre

Quantitéde capital

0

Prix de location

du capital

Q

P

(a) Le marché de la terre (b) Le marché du capital

Le revenu de travail est unconcept facile à saisir puis-qu’il s’agit du chèque de paieque reçoit un travailleur deson employeur. Cependant, lerevenu généré par le capitalest un concept moins évident.

Jusqu’à présent dans ce cha-pitre, nous avons présuméque ce sont les ménages qui

détiennent le capital, comme les échelles ou les entre-pôts, et qu’ils les louent aux producteurs qui en ontbesoin. Bien qu’elle ait facilité notre analyse, cette hypo-thèse n’est pas très réaliste. De fait, ce sont le plus souventles producteurs eux-mêmes qui détiennent le capital. C’estdonc eux qui reçoivent les revenus générés par ce capital.

Ces revenus sont éventuellement transférés des produc-teurs vers les ménages de différentes façons. Certains deces revenus sont versés aux ménages sous forme d’inté-rêts car ils ont prêté des fonds aux producteurs. Cela peutse faire directement, dans le cas des ménages qui ontinvesti dans des entreprises, ou indirectement, dans lecas des ménages qui déposent des fonds à la banque quiseront ensuite prêtés aux producteurs. Autrement dit, lesintérêts générés par votre compte bancaire font partie durevenu de capital de l’économie.

Le revenu de capital peut être distribué aux ménages dedeux autres façons. Dans un premier temps, une partiedes revenus du capital peut être versée aux ménagessous forme de dividendes. Les dividendes sont des paie-ments effectués par une entreprise à ses actionnaires. Unactionnaire est une personne qui a acheté une part dansl’entreprise et qui a ainsi droit à une part des profits. Dansun second temps, les actionnaires peuvent recevoir desrevenus de l’entreprise, dont ils sont en partie proprié-taire, par l’intermédiaire de gains en capital. Un gain decapital se produit lorsque la valeur des actions d’uneentreprise est en hausse. Une entreprise n’est pas dansl’obligation de distribuer ses revenus aux actionnairessous forme de dividendes. L’entreprise pourrait plutôtconserver une partie de ses revenus pour acquérir du capi-tal supplémentaire. Bien que les revenus conservés parl’entreprise ne soient pas versés aux actionnaires, cesderniers peuvent quand même en tirer bénéfice. C’est queles revenus ainsi conservés accroissent le capital détenupar l’entreprise ce qui augmente les revenus futurs. Lavaleur des actions s’en trouve augmentée ce qui génèreun gain en capital.

Plutôt que de louer le capital aux entreprises et ainsi rece-voir du revenu de capital sous forme de loyers, les ménagespeuvent louer de l’argent aux entreprises pour leur per-mettre d’acheter du capital. Les loyers versés sur cetargent prennent la forme d’intérêts, de dividendes ou degains en capital.

Qu’est-ce qui détermine le taux d’intérêt exigé par lesdétenteurs de la dette et le taux de rendement exigé parles actionnaires? La réponse à cette question, qui dé-passe le cadre de ce chapitre, est liée à la notion de coûtde renonciation. Les détenteurs de la dette doivent rece-voir des intérêts et les actionnaires doivent recevoir desdividendes et des gains en capital afin de compenser pourle revenu qu’ils auraient pu gagner en investissant leursargents ailleurs.

Ces détails sont à la fois intéressants et importants maisils ne modifient pas notre conclusion à propos des reve-nus gagnés par les détenteurs du capital. La rémunérationdu capital doit correspondre à la valeur de son produitmarginal, peu importe si ce revenu est remis aux action-naires sous la forme d’intérêts, de dividendes ou de gainsde capital.

Cependant, le fait que le revenu de capital soit distribuécomme rendement sur des investissements financiersauprès d’entreprises a des implications sur le prix delocation d’équilibre du capital. Les marchés financierscanadiens sont relativement petits par rapport aux autresmarchés financiers du monde. En conséquence, les déci-sions d’épargne et d’investissement des Canadiens ontpeu d’impact sur les taux d’intérêt mondiaux ou les tauxde rendement mondiaux. Les marchés financiers cana-diens sont aussi très ouverts. Les Canadiens peuventinvestir dans des entreprises partout dans le monde alorsque les résidants des autres pays peuvent faire de mêmeau Canada. Cela signifie que les taux d’intérêt et les tauxde rendement sur les investissements dans les entre-prises canadiennes sont essentiellement indépendantsdu capital financier investi par les Canadiens eux-mêmes.Pour une petite économie ouverte comme le Canada, lacourbe d’offre de capital est horizontale (parfaitementélastique) et est établie au niveau du prix de location reliéau taux d’intérêt mondial, à titre d’approximation. Enconséquence, des changements dans la demande oul’offre de capital, à l’intérieur des frontières canadiennes,n’auront aucun impact sur le prix de location du capital.

BON À SAVOIR

Qu’est-ce quele revenu

de capital ?

16

LIENS ENTRE LES FACTEURS DE PRODUCTION

Nous avons établi que le prix payé à tout facteur de production (terre, travailou capital) doit correspondre à la valeur du produit marginal du facteur enquestion. Le produit marginal d’un facteur dépend de la quantité disponible

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CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 17

de ce facteur. En raison des rendements décroissants, un facteur de productionen situation d’abondance a un produit marginal faible et donc un prix faible.À l’inverse, un facteur de production en situation de rareté a un produit mar-ginal élevé et donc un prix élevé. En conséquence, lorsque l’offre d’un facteurdiminue, alors le prix d’équilibre du facteur augmente.

Toutefois, lorsque l’offre d’un facteur change, les effets ne se limitent pasqu’au marché de ce facteur. Dans la plupart des cas, les facteurs de productionsont utilisés ensemble de telle sorte que la productivité d’un facteur dépenddes quantités disponibles des autres facteurs utilisés dans le processus de pro-duction. En conséquence, un changement dans l’offre d’un facteur affecte lesrevenus de tous les autres facteurs.

Par exemple, imaginez une situation où un ouragan détruit bon nombred’échelles utilisées par les cueilleurs de pommes. Qu’arrive-t-il aux revenus desdifférents facteurs de production? De façon évidente, l’offre d’échelles diminue et,par conséquent, le prix de location d’équilibre des échelles augmente. Les proprié-taires d’échelles qui n’ont pas été affectés par l’ouragan obtiennent donc un ren-dement supérieur lors de la location de leurs échelles aux producteurs de pommes.

Les effets de cet ouragan vont au-delà du marché des échelles. Puisque lescueilleurs de pommes ont moins d’échelles à leur disposition, on constate unediminution du produit marginal de ces travailleurs. En conséquence, la dimi-nution de l’offre d’échelles a pour effet de réduire la demande de cueilleurs depommes faisant ainsi chuter le salaire d’équilibre.

En somme, un événement qui affecte l’offre d’un facteur de productionpourra aussi affecter les revenus des autres facteurs. L’analyse de l’impact del’événement sur la valeur du produit marginal d’un facteur permet de prédirecomment les revenus de ce facteur seront affectés.

ÉTUDE DE CAS L’ÉCONOMIE DE LA GRANDE PESTE

Au quatorzième siècle, en Europe, la peste bubonique entraîna la mort dutiers de la population en quelques années. Cet événement, connu sous lenom de Grande Peste, nous permet de tester la théorie sur les facteurs deproduction développée dans ce chapitre. Considérons les effets de la GrandePeste sur ceux qui ont eu la chance d’y survivre. Qu’est-il arrivé aux salairesdes travailleurs et aux rentes versées aux propriétaires fonciers?

Pour répondre à cette question, examinons les effets d’une populationréduite sur le produit marginal du travail et le produit marginal de la terre. Sil’offre de travailleurs diminue, alors le produit marginal du travail augmente.(C’est le phénomène du produit marginal du travail décroissant mais àl’inverse.) En conséquence, la Grande Peste devrait faire augmenter les salaires.

Puisque la terre et le travail sont utilisés ensemble dans la production,une baisse de l’offre de travailleurs affecte aussi le marché de la terre, l’autrefacteur de production important en Europe médiévale. Avec moins de tra-vailleurs pour labourer la terre, chaque unité de terre supplémentaire pro-duit moins d’output à la marge. Autrement dit, le produit marginal de laterre diminue. En conséquence, la Grande Peste devrait diminuer les loyers.

En fait, ces prédictions semblent vérifiées d’après les données histo-riques disponibles. Les salaires ont approximativement doublé durant cettepériode alors que les loyers furent réduits de 50 pour cent ou plus. La GrandePeste fut économiquement favorable aux paysans et économiquement défa-vorable aux propriétaires fonciers.

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LES TRAVAILLEURS QUI ONT SURVÉCU

À LA PESTE SONT DOUBLEMENT

CHANCEUX.

MINITEST : Qu’est-ce qui détermine le revenu des propriétaires fonciers et des détenteurs du capital? Quel serait l’impact d’une hausse de la quantitéde capital sur les revenus de ceux qui détiennent déjà du capital ? Quel seraitl’impact sur les revenus des travailleurs?

18

Ce chapitre a expliqué comment le travail, la terre et le capital sont rémunéréspour leurs contributions au processus de production. La théorie développéedans ce chapitre est connue sous le nom de théorie néoclassique de la distribu-tion. Selon cette théorie, la rémunération versée à un facteur de productiondépend de l’offre et de la demande de facteur. De plus, la demande dépendaussi de la productivité marginale du facteur. À l’équilibre, chaque facteur deproduction est rémunéré selon la valeur de sa contribution marginale à la pro-duction de biens et services.

La théorie néoclassique de la distribution est largement acceptée par leséconomistes. Ces derniers l’utilisent pour expliquer comment le 1 trillion dedollars de revenus générés par l’économie canadienne est distribué à travers lapopulation. Dans les chapitres qui suivent, la distribution des revenus sera ana-lysée plus en profondeur. La théorie néoclassique servira aussi de cadre de réfé-rence pour cette discussion.

Vous êtes maintenant en mesure de répondre à la question posée en débutde chapitre. Pourquoi les programmeurs sont-ils mieux payés que les caissiersde supermarché? Parce que les programmeurs peuvent produire un bien deplus grande valeur sur le marché que ce que peuvent faire les caissiers. Lesgens sont prêts à payer davantage pour acquérir un bon jeu sur ordinateur quepour permettre l’enregistrement de leurs achats à la caisse. Les salaires de cestravailleurs reflètent les prix du marché pour les biens qu’ils produisent. Si lesgens délaissaient leurs ordinateurs pour dépenser davantage d’argent dans lessupermarchés, alors les prix de ces biens seraient modifiés tout comme les salairesd’équilibre de ces deux groupes de travailleurs.

CONCLUSION

Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autoriséeRédaction : Christian Corno

◆ Le revenu d’une économie est distribué dans lesmarchés des facteurs de production. Les troisplus importants facteurs de production sont letravail, la terre et le capital.

◆ La demande pour un facteur, comme le travail,est une demande dérivée provenant de produc-teurs qui utilisent ce facteur pour produire desbiens et services. Un producteur, en situation deconcurrence et qui cherche à maximiser son pro-fit, utilise un facteur jusqu’au point où la valeurdu produit marginal du facteur est égale à sonprix.

◆ L’offre de travail résulte de l’arbitrage que doitfaire l’individu entre le travail et le loisir. Unecourbe d’offre de travail à pente positive signifieque les travailleurs réagissent à une hausse dusalaire en réduisant les heures de loisir et en aug-mentant les heures de travail.

◆ Le prix payé à tout facteur est celui qui équilibrel’offre et la demande de ce facteur. Parce que lademande d’un facteur reflète la valeur du produitmarginal de ce facteur, à l’équilibre chaque fac-teur est rémunéré selon sa contribution marginaleà la production de biens et services.

◆ Parce que les facteurs de production sont utilisésensemble, le produit marginal d’un facteurdépend des quantités disponibles des autresfacteurs. En conséquence, un changement dansl’offre d’un facteur affecte la rémunération àl’équilibre des autres facteurs.

Résumé

CHAPITRE 20 LES MARCHÉS DES FACTEURS DE PRODUCTION 19

Principes de microéconomie, MANKIW, N. Gregory, Benoît PÉPIN © Groupe Beauchemin 2007 – Reproduction autoriséeRédaction : Christian Corno

1. Expliquez comment la fonction de production d’uneentreprise est liée à son produit marginal du travail,comment le produit marginal du travail de l’entrepriseest lié à la valeur du produit marginal et comment lavaleur du produit marginal de l’entreprise est liée à sademande de travail.

2. Donnez deux exemples d’événements qui peuventfaire déplacer la demande de travail.

3. Donnez deux exemples d’événements qui peuventfaire déplacer l’offre de travail.

4. Expliquez comment le salaire peut équilibrer l’offre etla demande de travail tout en étant égal à la valeur duproduit marginal du travail.

5. Si la population du Canada augmentait soudainementen raison d’une forte immigration, quel en seraitl’impact probable sur les salaires? Qu’arriverait-il auxloyers perçus par les détenteurs du capital et par lespropriétaires fonciers?

Capital Facteurs de production

Fonction de production Productivité marginale décroissante

Produit marginal du travailValeur du produit marginal

Concepts clés

Questions de révision