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Les fore ˆts claires du Parc national Oti-Ke ´ran au Nord-Togo : structure, dynamique et impacts des modifications climatiques re ´centes Kossi Adjonou 1 Ronald Bellefontaine 2 Kouami Kokou 1 1 Laboratoire de botanique et écologie végétale Faculté des sciences Université de Lomé BP 1515 Lomé Togo <[email protected]> <[email protected]> 2 Cirad UPR génétique forestière F-34398 Montpellier France <[email protected]> Tirés à part : K. Adjonou Résumé Les forêts claires à Anogeissus leiocarpus sont actuellement menacées de disparition sous leffet des activités humaines et du changement climatique. Sous forme relictuelle dans le Parc national Oti-Kéran, elles revêtent un caractère important pour les popu- lations rurales et la faune sauvage. Cette étude a été réalisée pour mieux connaître la biodiversité végétale, la dynamique et létat de conservation actuelle. Des inventaires floristiques ont permis de recenser 326 espèces. La densité moyenne des ligneux sétablit à 788 pieds/ha. La répartition par classes de diamètre des ligneux révèle une prédominance des individus de petit diamètre. Létude de la régénération natu- relle montre que, dans nos conditions de travail, les principales espèces ligneuses se régénèrent essentiellement par semis (~ 89 %) et faiblement par rejets de souche (10,8 %) et encore plus rarement par drageons (0,4 %). Laugmentation de la tempé- rature et la diminution de la pluviométrie résultant du changement climatique ont un impact négatif sur la dynamique des ligneux de ces forêts. Ces phénomènes se tradui- sent par une mortalité anormalement accrue des arbres (taux de mortalité voisin de 21,2 %), surtout au niveau des individus de petit diamètre. Mots cle ´s : changement climatique, dynamique forestière, forêt claire, régénération naturelle, Togo. Abstract Oti-Keran National Park open forests in the north of Togo: structure, dynamic and impacts of recent climate change The Anogeissus leiocarpus open forests are currently threatened and disappearing due to human activities and climate change. Having a relic aspect in the Oti-Keran National Parc, they are important for the rural populations and the wild fauna. This study has been conducted to better identify plant diversity, the dynamics and the cur- rent state of preservation. Some plant inventories have made it possible to register 326 species. The average density of the ligneous plants is 788 trees/ha. The distri- bution per diameter classes of the ligneous plants reveals a predominance of small diameter plants. The natural regeneration study reveals that, in our working condi- tions, the main ligneous species regenerate essentially by seeding (~89%) and very little by stump shoot (10.8%) and more rarely by sucker (0.4%). The temperature increase and rainfall decrease resulting from climate change have a negative impact on the ligneous plant dynamic of these forests. The effects of these pheno- mena are shown through an acute abnormal mortality of trees (mortality rate of 21.2%), especially at the level of the small diameter plants. Key words: climate change, forest dynamics, natural regeneration, open forest, Togo. doi: 10.1684/sec.2009.0217 Article de recherche Sécheresse 2009 ; 20 (1e) : e1-e10 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009 e1

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Les forets claires du Parc nationalOti-Keran au Nord-Togo :structure, dynamique et impactsdes modifications climatiques recentes

Kossi Adjonou1Ronald Bellefontaine2Kouami Kokou1

1 Laboratoire de botaniqueet écologie végétaleFaculté des sciencesUniversité de LoméBP 1515LoméTogo<[email protected]><[email protected]>2 CiradUPR génétique forestièreF-34398 MontpellierFrance<[email protected]>

Tirés à part : K. Adjonou

RésuméLes forêts claires à Anogeissus leiocarpus sont actuellement menacées de disparitionsous l’effet des activités humaines et du changement climatique. Sous forme relictuelledans le Parc national Oti-Kéran, elles revêtent un caractère important pour les popu-lations rurales et la faune sauvage. Cette étude a été réalisée pour mieux connaître labiodiversité végétale, la dynamique et l’état de conservation actuelle. Des inventairesfloristiques ont permis de recenser 326 espèces. La densité moyenne des ligneuxs’établit à 788 pieds/ha. La répartition par classes de diamètre des ligneux révèleune prédominance des individus de petit diamètre. L’étude de la régénération natu-relle montre que, dans nos conditions de travail, les principales espèces ligneuses serégénèrent essentiellement par semis (~ 89 %) et faiblement par rejets de souche(10,8 %) et encore plus rarement par drageons (0,4 %). L’augmentation de la tempé-rature et la diminution de la pluviométrie résultant du changement climatique ont unimpact négatif sur la dynamique des ligneux de ces forêts. Ces phénomènes se tradui-sent par une mortalité anormalement accrue des arbres (taux de mortalité voisin de21,2 %), surtout au niveau des individus de petit diamètre.

Mots cles : changement climatique, dynamique forestière, forêt claire, régénérationnaturelle, Togo.

AbstractOti-Keran National Park open forests in the north of Togo: structure, dynamic and impactsof recent climate change

The Anogeissus leiocarpus open forests are currently threatened and disappearingdue to human activities and climate change. Having a relic aspect in the Oti-KeranNational Parc, they are important for the rural populations and the wild fauna. Thisstudy has been conducted to better identify plant diversity, the dynamics and the cur-rent state of preservation. Some plant inventories have made it possible to register326 species. The average density of the ligneous plants is 788 trees/ha. The distri-bution per diameter classes of the ligneous plants reveals a predominance of smalldiameter plants. The natural regeneration study reveals that, in our working condi-tions, the main ligneous species regenerate essentially by seeding (~89%) and verylittle by stump shoot (10.8%) and more rarely by sucker (0.4%). The temperatureincrease and rainfall decrease resulting from climate change have a negativeimpact on the ligneous plant dynamic of these forests. The effects of these pheno-mena are shown through an acute abnormal mortality of trees (mortality rate of21.2%), especially at the level of the small diameter plants.

Key words: climate change, forest dynamics, natural regeneration, open forest, Togo.

doi:10

.168

4/sec.20

09.021

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Article de recherche

Sécheresse 2009 ; 20 (1e) : e1-e10

Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009 e1

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En Afrique, les forêts claires sont surtoutreprésentées dans les domaines sou-daniens et zambéziens. Elles sont le

résultat d’une dégradation des forêts densessèches et semaintiennent dans cet état du faitdes feux de brousse et de l’existence d’unesaison sèche suffisamment longue [1]. Lorsde la réunion de 1956 à Yangambi [2], lesspécialistes les ont désignées exclusivementcomme des formations mixtes forestières etgraminéennes, comportant un peuplementouvert avec des arbres de petite et moyennetailles, dont les cimes sont plus oumoins join-tives, avec un recouvrement généralementcompris entre 40 et 60 %. Ces forêts naturel-les des régions tropicales sèches d’Afriqueabritent une population rurale de près de268 millions de personnes et occupent43 % de la superficie des terres [3]. Selonla même source, les activités économiquesfondées sur la vente de produits forestiersligneux et non ligneux provenant de ces éco-systèmes contribuent souvent pour plus de25 % aux revenus des ménages en zonerurale et atténuent les impacts des périodesde sécheresse et de pénurie.Au Togo, les forêts claires se retrouvent enpeuplements naturels et presque monospéci-fiques dans la vallée de l’Oti et dans le bassindu fleuveMono. Elles constituent l’undes peu-plements forestiers les mieux conservés duParc national Oti-Kéran (PNOK), une aireprotégée au nord du pays dont les objectifsvisent la protection des écosystèmes et laconservation de leurs diversités biologiques.Depuis quelques années, ces formationssubissent une dégradation sans précédent,due à une forte pression anthropique qui semanifeste par des prélèvements surtout à desfins de carbonisation ou de bois de feu. Eneffet au Togo, les troubles sociopolitiquesdes années 1990 ont eu des répercussionssur la gestion des aires protégées, en particu-lier le Parc national Oti-Kéran (PNOK). À lafaveur de ces troubles et grâce à l’affaiblisse-ment du pouvoir de l’État, les populations quiavaient été expulsées du parc, se sont réap-proprié leurs terres, cultivant, pêchant,chassant à l’intérieur de l’aire protégée.Le braconnage massif a décimé la faune.La carbonisation et la mise en culture ontdégradé la végétation et les paysages. Plu-sieurs auteurs reconnaissent que les forêtsclaires sont devenues un des écosystèmesles plus menacés de la planète [4-7].Faceà cesmenaces dedégradation, leminis-tère de l’Environnement et des Ressourcesforestières s’est engagé dans un programmede réhabilitation du PNOK, dont les forêtsclaires constituent les écosystèmes les mieuxconservés. Pour accompagner ce processusde réhabilitation et d’aménagement futur, unétatdes lieuxdeces formations était indispen-sable. Depuis la création de la forêt classéede la Kéran en 1950, puis son agrandisse-ment en parc en 1971, aucune recherche

sérieuse n’y avait été menée. La seule réfé-rence disponible sur la végétation du parcest celle réalisée dans quelques zones humi-des [8]. Dans ce contexte, une caractérisa-tion structurale et dynamique de ces forêtsclaires est un préalable pour un aménage-ment adéquat. Cette caractérisation structu-rale exprime mieux les potentialités desformations forestières. Elle permet de déter-miner les paramètres qui orienteront lesprescriptions sylvicoles en relation avec lescaractéristiques forestières. Cet article pré-sente les résultats des travaux réalisés dansles forêts claires résiduelles àAnogeissus leio-carpus dans le PNOK, pour connaître leurdiversité, leur organisation structurale et leurétat de conservation actuelle.

Materiel et methode

Site de l’etude

Le PNOK se situe dans la région septentrio-nale du Togo, entre 9° 55’ et 10° 20’ delatitude Nord et 0° 25’ et 1° 00’ de longi-

tude Est (figure 1). Créée le 28 septembre1950 sous le nom de forêt classée de laKéran sur le site d’une forêt sacrée, d’unesuperficie de 6 700 hectares, cette aire pro-tégée a été étendue de 1971 à 1976 à180 000 hectares et érigée au statut deParc national de la Kéran et de réserve dechasse de l’Oti en 1971. Actuellement, sasuperficie n’est plus quede70660hectaresaprès rétrocession de plus de la moitié duparcauxpopulations riveraines. Lesmoyensconséquents de surveillance du parcavaient permis d’en faire l’un des plusbeaux parcs d’Afrique de l’Ouest. Le PNOKest traversé d’est en ouest par le fleuve Kou-mongou, encore appelé fleuve Kéran.Les sols rencontrés sont essentiellement dessols ferrugineux tropicaux avec quelquessols sur alluvions et des sols peu évolués.Les extrémités ouest et est du parc se situentrespectivement à quelques kilomètres desfrontières ghanéenne et béninoise.Les forêts claires à Anogeissus leiocarpusreprésentent environ 15 617 hectares dela superficie totale du parc (soit 22 %)(figure 2). Ces forêts claires constituentdes refuges pour la faune sauvage [5, 9].

Burkina faso

BÉNIN

TOGO

GHANA

NigeriaCOTE d'IVOIRE

NIGER

Niamtougou

Galangach

0 200

km

9 km630

400

Galerie forestière et forêt clairepost-galerie

Savane boisée (Pterocarpus erinaceus dominant)

Savane boisée dégradée par le pâturage et jachèreancienne (Detanium microcarpum dominant)

Jachère relativement récente

TOGO

BÉNIN

Mango

Gando

Kante

Principales routes

Cours d'eau

Agglomérations

Aires protégées

0 10km

N

N

Figure 1. Localisation et occupation du sol du Parc national Oti-Kéran (PNOK).

e2 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009

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Sur le plan phytogéographique, le PNOKse trouve dans le domaine soudanien,secteur soudano-guinéen [10] et jouit d’unclimat de type soudanien. Ce climat estcaractérisé par une saison pluvieuse d’avrilà octobre et une saison sèche de novembreà mars, marquée par l’harmattan. Les préci-pitations totales annuelles sont de l’ordrede 1 200 mm à Kanté et de 1 050 mm àMango. Mais ces dernières années, lesmoyennes pluviométriques connaissent unediminution sensible (figure 3).La moyenne thermique mensuelle de larégion se situe autour de 31,5 °C. Contrai-rement à la pluviométrie, la région estsujette à une augmentation de la tempéra-ture (figure 4).

Collecte des donnees

Dans le cadre de cette étude, trois sériesde données ont été collectées. Il s’agit desdonnées floristiques, de mesures dendro-métriques et des données relatives à larégénération naturelle. L’évaluation de larichesse floristique pour toutes les forma-tions végétales a été réalisée par desrelevés floristiques à travers plusieurs tran-sects de longueurs variables. Ces transectsont été divisés en 288 segments unitairesrectangulaires de 50 m de long sur 10 mde large (500 m2), représentant 17,4 hec-tares (soit un taux d’échantillonnage de0,03 %). Dans chaque segment, la listela plus complète possible des espèces a

été établie en présence/absence et lanomenclature suivie est celle d’APG II[11]. Ces relevés floristiques ont étécomplétés par des mesures dendrométri-ques et l’évaluation de la régénérationnaturelle.Les inventaires forestiers ont été réalisésuniquement dans les forêts claires dans50 placeaux de forme carrée de 625 m2

(25 x 25 m), représentant 3,15 hectares(soit un taux d’échantillonnage de0,02 %). Pour que cet échantillonnagesoit représentatif, un grand nombre decoordonnées géographiques ont été choi-sies dans les forêts claires sur la carted’occupation du sol du parc pour ne sélec-tionner finalement au hasard que 50 pointsreprésentant les placeaux d’inventairesforestiers. Ces inventaires consistent àmesurer la circonférence, la hauteur defût et la hauteur totale des ligneux. La cir-conférence a été prise à 1,30 m du solpour les arbres (> 5 m de hauteur) età 0,25 m du sol pour les arbustes (<5 met >1 m) avec un mètre ruban. Les hauteurs(totale et de fût) ont été mesurées avec uneplanche graduée (arbre de hauteur < 5 m)ou un relascope de Bitterlich (arbre de hau-teur >5 m). Les individus morts présentsdans les placeaux sont comptés et leur dia-mètre est mesuré.Pour le comptage de la régénération natu-relle, à l’intérieur de chaque grand pla-ceau de 625 m2, cinq petits placeaux de25 m2 (5 x 5 m) ont été délimités (quatresont installés au niveau des angles et lecinquième au centre du grand placeau).Au total, 250 petits placeaux ont été ins-tallés. Pour prendre en compte la régéné-ration naturelle, on a dénombrél’ensemble des semis naturels, des rejetsde souche, des drageons (et d’éventuellesmarcottes terrestres). La régénération est,par convention, l’ensemble des ligneux(semis naturels, rejets de souche et dra-geons) ayant une circonférence à1,30 m comprise entre 1 et 10 cm [12].Sur le terrain, on a distingué les semis desdrageons par les cotylédons s’ils sontencore présents, sinon après excavationde la base de la jeune tige afin de vérifiers’il y a une connexion avec une racinemère d’un arbre voisin. Les rejets de sou-che sont comptés individuellement.

Analyses et traitementsdes donnees

L’analyse floristique a permis de dresserla liste des espèces recensées et de lesregrouper par famille. Les caractéristiquesforestières sont appréciées directementpar calcul arithmétique pour la densité,la hauteur moyenne du fût, la hauteurtotale moyenne et le diamètre moyen.La densité des arbres a été évaluée en

Figure 2. Forêt claire à Anogeissus leiocarpus dans le Parc national Oti-Kéran (PNOK) (nord duTogo).

Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009 e3

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nombre de pieds par hectare. La surfaceterrière (en m2/ha) a été calculée suivantla relation :

G ¼ ∑ πd2=4

Où :– d est le diamètre à 1,3 m.La formule

B ¼ d2× h×0;283

a été employée pour estimer la biomasseligneuse [13], avec B = biomasse, d = dia-mètre à 1,30 m et h = hauteur totale.La relation allométrique qui existe entre lediamètre à 1,30 m et la hauteur totale estun indicateur de croissance des arbres;elle est exprimée par une régression loga-rithmique d’équation :

Y ¼ a � lnðdÞ þ b

Où :– Y = hauteur totale ;– d = diamètre à 1,30 du sol ;– a et b sont des constantes.La densité de la régénération naturelleest estimée et l’importance relative dechaque mode de régénération est expri-mée en pourcentage. Le taux de mortalitédes populations ligneuses est également

calculé par rapport à l’ensemble desindividus vivants recensés sur les mêmessuperficies dans les placeaux d’inventaireforestiers.L’analyse des données structurales combi-nées aux données floristiques permet de cal-culer l’indice de valeur d’importance (IVI).L’IVI caractérise la place qu’occupe chaqueespèce par rapport à l’ensemble des espè-ces dans les écosystèmes forestiers. Cetindice est utilisé pour évaluer la prépondé-rance spécifique en forêts tropicales selonla formule de Curtis et Macintosh [14] :

IVI ¼ Dominance relativeðespèceÞþ Densité relativeðespèceÞþ Fréquence relativeðespèceÞ;

Où :– la dominance relative d’une espèce est lequotient de son aire basale avec l’airebasale totale de toutes les espèces ;– la densité relative d’une espèce est lerapport de sa densité absolue (c’est-à-direle nombre d’individus par unité de surface)au total des densités absolues de toutes lesespèces ;– la fréquence relative d’une espèce est lerapport de sa fréquence spécifique par letotal des fréquences spécifiques de toutesles espèces multiplié par cent.

La vulnérabilité des forêts claires du PNOKface aux effets des modifications climatiques(pluviométrie et température) a été mesuréepar l’évaluation de la mortalité naturelle despopulations ligneuses. Les variations de cesdeux paramètres climatiques ont une inci-dence directe sur d’autres facteurs exogènestels que les feux de brousse dont l’intensitéprovoque la dégradation des écosystèmesforestiers. Pour ce faire, les données de la plu-viométrie et de la température sur unepériodede44ans (1961à2005)de la stationmétéo-rologique de Mango ont été analysées.

Resultats

Diversite floristique et structure

Au total, 326 espèces ont été recenséesdans les 288 relevés floristiques. Ces espè-ces sont réparties en 242 genres et 63 famil-les. Les familles les plus représentées sont lesFabaceae (52 espèces), les Poaceae (35),les Rubiaceae (23), les Combretaceae (16)et les Phyllanthaceae (15). Les trois genresles plus représentés sontCombretum (8 espè-ces), Acacia (7) et Desmodium (7). L’inven-taire forestier a permis de recenser 60 espè-ces réparties en 19 familles et 47 genres.Les arbres représentent 46 % et les arbustes54 %. Les cinq espèces dont les indicesde valeur d’importance (IVI) sont plus élevéssont Anogeissus leiocarpus, Pterocarpuserinaceus, Combretum nigricans, Feretiaapodanthera et Terminalia macroptera(tableau1). Parmi les arbres (hauteur > 5m),Anogeissus leiocarpus est de loin l’espècela mieux représentée (IVI = 117,6). Cetteespèce est suivie par Pterocarpus erinaceusavec un IVI égal à 23,3. Dans la strate arbus-tive, Combretum nigricans, Feretia apodan-thera, Crossopteryx febrifuga, Piliostigmathonningii sont les espèces les plus représen-tées (IVI variant entre 6 et 13,2).La densité des arbres est de 788 pieds/ha etleur surface terrière est de 20,3 m2/ha(tableau2). La biomasse ligneuse est estiméeà près de 119 m3/ha. Le diamètre moyendes arbres est de 13,05 ± 9,61 cm, avec unécart type relativement élevé. Ce dernier tra-duit la grande variation du diamètre à 1,3mdes arbres, dont certains peuvent atteindre45 cm. Cette faible valeur du diamètremoyen traduit également l’importance desarbustes dans cet écosystème.La hauteur totale moyenne des populationsligneuses est de 9,97 ± 5,20 m et la hau-teur moyenne de fût est de 4,23 ± 2,94 m.Cependant, certains arbres peuvent avoirune hauteur totale de 22 m et une hauteurde fût de 10 m.La répartition des arbres par classe dediamètre (figure 5) présente une distribu-tion en « L », avec une prédominance desindividus de petites classes de diamètre

Années

Pluviométrie (mm)

1 400,0

1 200,0

1 000,0

800,0

600,0

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

Pluviométrie (mm)

Figure 3. Évolution des moyennes pluviométriques de la station météorologique de Mango de1961 à 2005.Source : Direction de la Météorologie Nationale.

e4 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009

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(environ 50,4 % des individus inventoriés).Cette distribution s’ajuste à une fonctionexponentielle dont l’équation est :

Y ¼ 1686e−0;95x

Où :R2 = 0,978.La répartition par classes de hauteurtotale des individus ligneux inventoriésest illustrée par la figure 6A. Ce graphique

présentant une allure en cloche dissymé-trique est centré sur la classe de hauteur(6,25 à 8,75 m) et s’ajuste mieux à unefonction polygonale de degré 3, dontl’équation est :

Y ¼ 5;355x3−100;0x2þ 501;8x−282;4

Où :R2 = 0,838.

Quant à la hauteur du fût, elle présente unedistribution en « L » indiquant la prédomi-nance d’individus dont la hauteur du fûtest comprise entre 1 à 2 m (figure 6B).La courbe de tendance qui exprimemieux cette distribution est une fonctionlogarithmique dont l’équation est :

Yf ¼ −246 lnðxÞ þ 431;6

Où :– R2 = 0,995.La relation allométrique de croissance quiexiste entre la hauteur totale et le diamètreà 1,30 m (figure 7) s’exprime par une fonc-tion logarithmique dont l’équation est :

Y ¼ 6;956 lnðxÞ−6;415

Où :R2 = 0,733.Ce graphique montre que la plus grandepartie des ligneux adultes (c’est-à-dire sansla régénération) inventoriés a un diamètrequi est inférieur à 40 cm. Au-delà de cediamètre, la courbe de régression montreune parfaite relation entre le diamètre et lahauteur. En dessous de ce diamètre, la pré-dominance des arbustes de petit diamètrene permet pas de déduire une relationnette entre ces deux paramètres. Ce gra-phique montre également que dans cetteforêt, la hauteur ne croît pas indéfinimenten fonction du diamètre. La croissance enhauteur des arbres se stabilise autour de25 m, alors que le diamètre peut continuerà croître.

Etat de la regeneration

Le comptage de la régénération a permisd’identifier 53 espèces. La densité globaledes plants d’avenir est estimée à4 724 pieds/ha. Les espèces les mieuxreprésentées sontAllophyllus africanus (den-sité de population égale à 948 pieds/ha),Feretia apodanthera (454 pieds/ha), Dios-pyros mespiliformis (424 pieds/ha) etDichrostachys cinerea (400 pieds/ha). Enrevanche, la densité de population de larégénération naturelle d’Anogeissus leio-carpus, « l’espèce clé » de ces forêts claires,

Tableau 1. Importance des dix especes les mieux representees dans le PNOK.

Especes Frequencerelative

Densiterelative

Dominancerelative

Indice de Valeurd’Importance (IVI)

Anogeissus leiocarpus (DC.) Guill. & Perr. 10,4 45,8 61,4 117,6

Pterocarpus erinaceus Poir. 8,3 6,2 8,7 23,3

Combretum nigricans Lepr. ex Guill. & Perr. 3,4 7,5 2,3 13,2

Feretia apodanthera Del. 3,4 7,5 1,3 12,1

Terminalia macroptera Guill. & Perr. 3,4 2,2 3,7 9,2

Pseudocedrela kotschyi (Schweinf.) Harms 3,4 1,9 3,1 8,4

Mitragyna inermis (Willd.) O. Ktze 2,6 3,6 2,1 8,3

Crossopteryx febrifuga (Afzel. ex G. Don) Benth. 4,2 1,9 0,8 6,8

Prosopis africana (Guill. & Perr.) Taub. 3,1 0,8 2,5 6,5

Piliostigma thonningii (Schum.) Milne-Redhead 4,2 1,5 0,5 6,1

Tableau 2. Principales caracteristiquesstructurales des forets claires a Anogeissusleiocarpus du PNOK.

Parametres structuraux Valeurs

Densite des arbres (N/ha) 788,48

Diametre moyen (cm) 13,05 ± 9,61

Hauteur totale moyenne (m) 9,97 ± 5,20

Hauteur moyenne du fut (m) 4,23 ± 2,94

Surface terriere (m2/ha) 20,29

Biomasse ligneuse (m3/ha) 118,93

1961

Année

Température(°C)

17,5

20

22,5

25

27,5

30

32,5

35

37,5

1966

1971

1976

1981

1986

1991

1996

2001

Tmax(°C) Tmin(C°)

Figure 4. Évolution des températures minimales et maximales de la station météorologiquede Mango de 1961 à 2005.Source : Direction de la météorologie nationale.

Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009 e5

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ne représente que 192 pieds/ha. Les autresespèces de bois d’œuvre de valeur, tellesque Afzelia africana, Pterocarpus erinaceuset Khaya senegalensis, etc., montrent égale-ment un faible potentiel de régénération(tableau 3). La répartition des espèces par« stratégies de régénération » montre que,dans les conditions de notre étude, les espè-ces forestières se régénèrent essentiellementpar semis (88,9 %), faiblement par rejets desouche (10,8 %) et encore plus rarement pardrageons (0,4 %). Mitragyna inermis, une

espèce de la frange des galeries partielle-ment immergée lors de la montée des eaux,est l’espèce qui a été recensée commecapable de se reproduire à la fois parsemis (10 %), rejets de souche (40 %) etdrageons (50 %). Aussi est-il nécessaire depréciser que la plupart des espèces qui régé-nèrent par semis, le font également par rejetsde souche étant donné que ce dernier modede régénération est souvent induit par desactions exogènes. La régénération par mar-cottage terrestre n’a pas été observée.

Mortalite accentueepar les changements climatiques

La densité moyenne des arbres morts a étéévaluée à 167 pieds/ha, représentant untaux de mortalité calculé de 21,2 %.Les observations montrent aussi que cettemortalité affecte beaucoup plus et defaçon sélective les pieds d’Anogeissus leio-carpus (figure 8) en plusieurs endroits dansle parc. Les individus de 10 à 20 cm sontles plus affectés par cette mortalité(figure 9). Près de 79 % des individusmorts sont encore sur pied, montrant quele phénomène est relativement récent et estinduit par des facteurs exogènes autresqu’une simple dégénérescence naturelleou une infection pathologique massive.

Discussion

Diversite et structuredes forets claires du PNOK

Les résultats de cette étude fournissent lespremières informations sur les forêts clairesdu nord du Togo. Les 326 espèces recen-sées ne reflètent que partiellement la richessefloristique du parc, car la flore herbacée aété moins étudiée par rapport aux ligneux.Néanmoins, les familles et genres caractér-istiques de ces types forestiers (Fabaceae,Rubiaceae, Combretaceae, Phyllantha-ceae, etc.) ont tous été recensés au coursde cette étude. Les mêmes types de forêt

700

y = 1686,e-0,95x

R2 = 0,978

600

500

400

300

200

100

0

5 15 25 35

Centre des classes de diamètre (cm)

Densité (N/ha)

45 55 >60

Figure 5. Distribution par classes de diamètre.

1,5 1,25 3,75 6,25

Centre des classes de hauteur fût (m)

8,75 >103,75 6,25 8,75 11,25 13,75

Centre des classes de hauteur totale (m)

Densité (N/ha) Densité (N/ha)

16,25 18,75 21,25 >22,5

600

500

400

300

200

100

0

y = 5,355x3 - 100,0x2 + 501,8x - 282,4

R2 = 0,838

500

450

400

350

300

250

200

150

100

50

0

y = -246 In(x) + 431,6

R2 = 0,995

A B

Figure 6. Distribution par classes de hauteur.A) hauteur totale ; B) hauteur fût.

e6 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009

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ont été également décrits dans d’autres airesprotégées du domaine soudanien, notam-ment celles de la Pendjari au Bénin [15] etde la Bénoué au Nord-Cameroun [16].Sur le plan structural, les forêts claires duPNOK présentent une distribution diamé-trique caractérisée par la prédominancedes individus de petit diamètre. Cette struc-ture classique est souvent observée pour lesécosystèmes forestiers non perturbés.Les caractéristiques de ces forêts claires

(densité de population et surface terrièrerespectivement égales à 788 arbres/ha et20,3 m2/ha) sont plus élevées que cellestrouvées par d’autres auteurs au nord duBénin [12] et au sud du Burkina Faso [17].Pour des forêts claires au nord du Béninsituées quasiment à la même latitude, ladensité et la surface terrière sont respecti-vement évaluées à 279 arbres/ha et à14,1 m2/ha [12]. Les travaux au sud duBurkina Faso ont montré une densité

d’arbres variant entre 531 ± 88 et 796 ±90 arbres/ha et des valeurs pour lessurfaces terrières variant entre 6,55 ±1,1 et 15,92 ± 3,4 m2/ha ont été obser-vées [17]. Les facteurs qui influencent ladensité et les caractéristiques forestièresdes arbres incluent les effets naturels(pluviosité, hydromorphie, types de sols)et les perturbations anthropiques (feux debrousse tardifs, pâturage, coupe sélectived’arbres) [18].

Regeneration

La densité de régénération des principalesespèces « clés » des forêts claires duPNOK est faible. Ce constat a été égale-ment fait par d’autres auteurs dans lesmêmes types d’écosystèmes forestiers[12, 19]. La faiblesse de la régénérationdes espèces de bois d’œuvre de valeur desforêts claires est un obstacle majeur pourl’aménagement durable de ces écosystè-mes. Ce phénomène peut s’expliquer parles difficultés de certaines espèces à pro-duire des semences viables ou des rejetsde souche autonomes. Les pourcentagesde germination d’Anogeissus leiocarpussont généralement très faibles, ce qui estdû à une part très importante d’ovulesnon fertiles (95 %) [20]. Les processus derégénération des arbres peuvent êtreinfluencés par certains facteurs tels que lemode de dissémination, la viabilité, ladormance et la prédation des semences[21, 22] et par d’autres facteurs environ-nementaux tels que la structure du sol, latempérature, la couverture de la canopée,la direction et la vitesse des vents et latopographie locale [23-25]. Des facteursbiotiques tels que la compétition intra- etinterspécifique (pour la disponibilité eneau, en nutriments et en espace) peuventaussi influencer la dynamique de la régé-nération naturelle [26]. En plus de ces fac-teurs, ces forêts claires sont égalementrégulièrement parcourues par des feux debrousse. En Tanzanie, les feux de broussetardifs en saison sèche provoquent uneimportante mortalité de la régénérationnaturelle des miombos [27]. De plus, cesjeunes pousses constituent une source d’ali-mentation appréciable pour la faune sau-vage. Le double effet combiné des feuxet du pâturage induit une mortalité trèsélevée, compromettant sérieusement lerecrutement des espèces dans le peuple-ment [1, 12, 29].L’analyse des modes de reproductiondes populations ligneuses montre que larégénération par semis est la stratégie derégénération privilégiée des espèces.Néanmoins, la plupart des espèces quirégénèrent par semis, le font égalementpar rejets de souche [28, 30]. La capacitéà produire des rejets à partir de la base de

00

5

10

15

20

25

30y = 6,956In(x) - 6,415

R2 = 0,733

10 20 30

Diamètre (cm)

Hauteur totale (m)

40 50 60 70 80 90

Figure 7. Courbe de régression traduisant la relation de la croissance de la hauteur en fonctiondu diamètre.

Tableau 3. Etat de la regeneration et strategies de multiplication presentees par quelques espe-ces inventoriees.

Especes Densitede la

population(N/ha)

Semis (S) Rejetsde souche(RS)

S et RS S, RSet drageons

Allophylus africanus P. Beauv 948 +

Afzelia africana Sm. 80 +

Anogeissus leiocarpus (DC.) Guill. & Perr. 192 +

Combretum fragrans F. Hoffm. 128 +

Diospyros mespiliformis Hochst. ex A. DC. 424 +

Feretia apodanthera Del. 454 +

Hymenocardia acida Tul. 2 +

Khaya senegalensis (Desv.) A. Juss. 14 +

Maytenus senegalensis (Lam.) Exell 4 +

Mitragyna inermis (Willd.) O. Ktze 52 +

Piliostigma thonningii (Schum.) Milne-Redhead 170 +

Pterocarpus erinaceus Poir. 78 +

Strychnos spinosa Lam. 30 +

Ziziphus mucronata Willd. 30 +

Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009 e7

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la tige (rejet basal, rejet de souche), debranches (marcotte, stolon, rhizome) oude racines (drageon) dépend de plusieursfacteurs [28, 31] : dans la plupart des cas,un stress (labour, feu, maladie, cyclone,épisode très sec, etc.) est nécessaire. Plu-sieurs espèces végétales des forêts clairessont caractérisées par une reproductionasexuée (rejets de souche et drageons)généralement induite par des perturba-tions anthropiques [28, 30, 31]. Certainstravaux récents montrent aussi que le gra-dient de drageonnage est proportionnel autaux d’anthropisation ou aux blessuresvolontairement causées sur des racinessuperficielles [29, 32].

Impacts des modifications climatiques

Dans les forêts claires étudiées dans lePNOK, la densité d’arbres morts est trèsélevée (21,2 %). Cette mortalité affectesurtout les individus de petit diamètre.D’autres auteurs, à travers certains tra-vaux, affirment que les ressources forestiè-res subissent une mortalité sélective [33] etle taux de mortalité varie en fonction descaractéristiques forestières des arbres,notamment le diamètre et la surface ter-rière [34]. Cette mortalité massive pourraitêtre liée aux modifications climatiques queconnaissent ces régions ces dernièresannées et qui se manifestent par uneaugmentation des températures et unediminution de la pluviométrie (figures 3et 4). Ces modifications provoqueraientl’assèchement du climat et réduiraient ladisponibilité en eau et en nutriments, limi-tant le fonctionnement physiologique desarbres surtout ceux de petit diamètre.Ces modifications se manifestent égale-ment par l’aggravation des risquesd’incendie et la sévérité des feux debrousse. En effet, la mortalité des popula-

tions ligneuses dans une formation végé-tale peut être expliquée par plusieurscauses (naturelle, pathologique, anthro-pique et climatique). Les mortalités desarbres liées aux événements tels que ladégénérescence naturelle ou les infectionspathologiques sont souvent facilementdécelables sur le terrain. Mais une impor-tante mortalité des individus observée surde grandes superficies et sur une longuepériode peut être expliquée par desfacteurs endogènes (état sanitaire des indi-vidus) et exogènes tels que les conditionsdu milieu, le climat [35]. Pour le cas parti-culier du PNOK, les variations des tempé-ratures et de la pluviométrie ces dernièresannées montrent que cette mortalité peutêtre valablement expliquée par les modifi-cations climatiques. L’augmentation destempératures couplée à la diminution dela pluviométrie accroît les risques d’incen-die des forêts. L’élévation de la tempéra-ture se manifeste par un allongement dela durée des périodes de la saison sècheentraînant un assèchement précoce desmilieux et une augmentation de l’intensitédes feux de brousse. La sévérité des feuxpeut entraîner le dépérissement voiremême la disparition des espèces les plussensibles. L’incidence de l’élévation destempératures observée en période desécheresse sur les écosystèmes forestierset les ligneux a été très documentée et denombreuses études semblent indiquerque la dégradation de certaines forêtsafricaines est le résultat des changementsclimatiques [36, 37]. D’autres études ontégalement montré que les effets dessécheresses répétées dans les années1970 et 1980, notamment en Afrique,ont directement augmenté la mortalité despopulations ligneuses des écosystèmes sen-sibles. Indirectement, le prolongement despériodes de chaleur et l’assèchement des

milieux induisent une activation des stressphysiologiques dans l’arbre qui pourraientréduire ses systèmes de défense contre lesattaques pathologiques [38].

Implications pour l’amenagementde ces forets

Les deux « espèces clés » du PNOK (Ano-geissus leiocarpus et Pterocarpus erina-ceus) sont très recherchées aussi bienpour la consommation locale que pourl’exportation. Une filière chinoise d’exploi-tation du Pterocarpus erinaceus s’est déve-loppée ces dernières années, exploitantcette espèce aussi bien dans les domainesprotégés que dans tout autre espace boisé.Il est urgent de faire respecter les domainesprotégés et de mettre en place des normesd’exploitabilité pour les espèces de boisd’œuvre notamment. Ces normes fixerontun diamètre minimal d’exploitabilité desespèces clés et la préservation des grandssemenciers. Compte tenu de la vitesse decroissance généralement très lente de cesdeux espèces, de leur disponibilité et en seréférant aux normes d’exploitabilité fixéesdans certains pays de la sous-région, undiamètre minimal de 35 cm pour Ptero-carpus erinaceus et de 45 cm pour Ano-geissus leiocarpus pourrait être requis.Par ailleurs, il est possible de procéder àl’extension des aires de répartition de cesforêts claires à travers le parc par la recon-quête des grandes clairières. Celles-cireprésentent parfois de grandes superficieset pourraient être enrichies à partir d’espè-ces pionnières des forêts claires tellesqu’Anogeissus leiocarpus, Pterocarpus eri-naceus, Daniellia oliveri, Combretum etcertaines légumineuses.Les espèces végétales inventoriées se régé-nèrent généralement par semis et dans unemoindre proportion par rejets de souche.À part Diospyros mespiliformis qui pré-sente un taux de régénération relativementabondant (8,9 %), les autres espèces devaleur telles qu’Afzelia africana, Pterocar-pus erinaceus, Pseudocedrela kotschyi etKhaya senegalensis montrent une régéné-ration faible et ne représentent qu’environ5 % du total de la régénération. De nom-breuses espèces de bois d’œuvre devaleur ont la capacité de se reproduiredans d’autres écosystèmes par rejets desouche ou par drageons [31]. Il seraitdès lors utile de mieux étudier la régénéra-tion de ces espèces, voire de la provoquerpar induction du drageonnage pour favo-riser la reconstitution de ces peuplements àpartir de la régénération.Ces forêts claires sont parcourues chaqueannée par des feux de brousse dontl’intensité s’accroît de plus en plus avec

15

0

50

100

150

200

250

25 35Centre des classes de diamètre (cm)

Densité (N/ha)

45 > 50

Figure 8. Répartition par classes de diamètre des A. leiocarpus morts.

e8 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009

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l’assèchement du climat. Ces feux tardifsprovoquent une très importante mortalité,notamment au niveau de la régénérationannuelle. Les gestionnaires doivent préco-niser des feux précoces en début de sai-son sèche laissant des plages importanteset non brûlées de régénérations d’âgesdivers, ce qui affecte moins les popula-tions ligneuses. La restauration effectivedes peuplements ligneux du parc passenécessairement par la bonne gestiondes feux de brousse.Dans le PNOK, la densité de bois morts estélevée. Ces bois morts de diamètres varia-bles sont laissés dans le parc et constituentun grand danger. En saison sèche et

lorsque les feux passent, ces bois mortsmaintiennent l’incendie pendant plusieursjours, voire semaines, avant d’être complè-tement brûlés. L’administration forestière encharge de cette aire protégée pourrait faireramasser ces bois morts et procéder à leurvente au niveau des marchés ruraux. Unepartie des revenus issus de cette vente pour-rait être affectée aux populations riveraines.Cette action les inciterait à mieux s’intégrerdans le processus de gestion participativepour la réalisation des activités inhérentes àla gestion durable de cette aire protégée.Une autre partie des revenus pourrait contri-buer au renforcement des capacités logisti-ques des gestionnaires du parc.

Conclusion

Cette étude a fourni un premier niveau deconnaissance sur la flore du PNOK et lescaractéristiques structurales (densité, diamè-tre moyen, hauteur totale, hauteur fût, sur-face terrière) des forêts claires à Anogeissusleiocarpus. Les 326 taxons identifiés reflè-tent partiellement la richesse floristique duparc, car la flore herbacée n’a pas étévraiment prise en compte au moment del’inventaire. L’évaluation de la biodiversitédu parc nécessite un inventaire plus pousséen fin de saison des pluies. Les caractéristi-ques structurales de ces forêts claires mon-trent que la densité des arbres est évaluée à788 pieds/ha et leur surface terrière est de20,3 m2/ha. Anogeissus leiocarpus et Pte-rocarpus erinaceus constituent les deuxespèces dominantes de ces forêts. Du faitde l’insuffisance de la régénération natu-relle pour beaucoup d’espèces de boisd’œuvre de valeur (compromettant lescapacités de reconstitution de ces forma-tions forestières), l’aménagement durablede ces forêts nécessitera leur enrichissementen essences de valeur. Au niveau des forêtsclaires du PNOK, le taux de mortalité estévalué à 21,2 %. Cette mortalité massivepourrait être liée aux modifications climati-ques (augmentation des températures etdiminution de la pluviométrie) que connais-sent ces régions ces dernières années et quise traduisent par l’aggravation des risqueset l’intensité des feux de brousse.■

Remerciements

Nous remercions l’Organisation internatio-nale des bois tropicaux (OIBT) qui a financéce projet de recherche dans le cadre du pro-gramme de bourses pour le renforcement decapacités.

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Figure 9. Importance de la mortalité des pieds d’Anogeissus leiocarpus dans le Parc nationalOti-Kéran (PNOK).

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e10 Sécheresse vol. 20, n° 1e, 2009