les expositions d’art franÇais organisÉes...
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ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES
SECTION DES SCIENCES HISTORIQUES, PHILOLOGIQUES ET RELIGIEUSES
Pauline Chougnet
Titulaire d’une licence d’histoire
LES EXPOSITIONS D’ART
FRANÇAIS ORGANISÉES PAR
LA FRANCE À L’ÉTRANGER
PENDANT L’ENTRE-DEUX-
GUERRES
Mémoire de Master 2
II
2009
Remerciements
Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à M. Jean-Michel Leniaud qui a encadré
ce travail de Master de l’École Pratique des Hautes Études avec patience et disponibilité.
Je désire remercier sincèrement Mathilde Arnoux, directeur de Recherche au Centre
allemand d’histoire de l’art qui m’a inspiré ce sujet, et Denis Rolland, professeur
d’histoire des relations internationales contemporaines à l’Université Robert Schuman
pour l’aide qu’ils m’ont tous deux apportée.
Comment ne pas remercier Didier Schulmann, Conservateur au Musée national d’art
moderne, pour tous ses conseils et sa bienveillance ?
Toute ma gratitude va aussi à Alain Dubosclard, qui a su m’aider pour m’orienter dans ce
domaine dont il est le pionnier.
Je tiens aussi à remercier Anne-Sophie Cras, Conservateur au Centre des archives
diplomatiques de Nantes, pour son aide.
J’adresse également mes remerciements les plus vifs à Céline de Potter, qui a su trouver
le temps de me faire part de ses recherches sur l’action artistique belge de l’entre-deux-
guerres.
Merci encore à João et Anne, qui ont relu ce travail avec tant de soin.
III
Abréviations1
AFAA Association Française d’Action Artistique (remplace le sigle AFEEA àpartir de 1934)
AFEEA Association Française d’Expansion et d’Échanges artistiques
AMAE-Nantes Archives du ministère des Affaires étrangères (Nantes)
AMAE Archives du ministère des Affaires étrangères (Paris)
Arch. nat Archives nationales
cat. Catalogue
BIF Bibliothèque de l’Institut
BNF Bibliothèque nationale de France
IICI Institut international de coopération intellectuelle
INHA Institut national d’histoire de l’art
SEA Service des échanges artistiques
SDN Société des Nations
SOFE Service des Œuvres françaises à l’étranger
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
1 Tous les ouvrages cités en note figurant dans la bibliographie seront signalés par « op. cit. » et les articles par« loc. cit. ».
IV
Sommaire
Introduction 1
1re partie : la naissance des expositions « diplomatiques »françaises jusqu’au début des années 1920 8
A. Les expositions d’art français à l’étranger au tournant du siècle et jusqu’à laPremière Guerre mondiale
8
B. La Première Guerre mondiale et la naissance d’un débat sur l’interventiongouvernementale en matière d’expansion de l’art français
28
C. Les débuts de la diplomatie artistique : du service de décentralisationartistique aux services permanents des ministères de l’Instruction publique etdes Beaux-Arts et des Affaires étrangères
42
2e partie : la diplomatie artistique de l’entre-deux-guerres 53
A. Un nouvel ordre artistique international comme cadre de l’organisationfrançaise : le système d’échanges d’expositions nationales dans les années1920
54
B. Les expositions officielles face aux crises économique et politique desannées 1930
71
C. La répartition géographique et sociale des expositions d’art français :clientèles ou publics visés ?
72
3e partie : Qu’est-ce que l’art français ? La question des choixartistiques
74
A. Une diversité d’actions en faveur de l’art français 80
B. La présentation des arts plastiques dans toutes leurs expressions ? 91
C. Le choix des artistes à exposer 92
Conclusion 103
Sources 107
Bibliographie 127
Index des noms de personne 142
Index des noms de lieu 145
V
Table des matières 147
Introduction
En 1998, le Centre Georges Pompidou organisait au Musée Guggenheim de New York deux
expositions que le critique d’art Barry Schwabsky interpréta comme une démonstration
représentative de ce qu’était l’art français. Dans une interview accordée au critique par les
commissaires français des expositions, ceux-ci s’inscrivirent en faux contre cette
interprétation2. L’un d’eux, Bernard Blistène, s’exprima à cette occasion sur la question de la
représentation artistique nationale qui, selon lui, préoccupait moins la France que ses voisins,
« engagés de façon impérialiste dans la défense et la célébration de leurs propres artistes. »
Bernard Blistène, vexé dans ses prétentions d’universalité, exaspéré par les efforts du critique
d’art américain pour comprendre le message typiquement français donné par ces expositions,
fournit une conclusion ferme sur ce sujet à l’entretien : « Vous pensez donc que ce que vous
persistez à appeler “l’art français” existe en dehors de “questions très générales”. Vous
cherchez le particularisme, la différence, peut-être un “folklore”, nous ne serions pas comme
les autres… Cela expliquerait qu’on nous tienne en marge. »
Les attentes de Barry Schwabsky n’auraient pas dérouté les commissaires d’expositions de
l’entre-deux-guerres, chargés de participer à « l’expansion de l’art et de la pensée française »
dans le monde. La France avait même un rôle moteur dans la définition des styles nationaux,
en organisant de nombreuses expositions d’art français à l’étranger et en accueillant les unes
après les autres, au Jeu de Paume, les « écoles étrangères ».
À partir de la Première Guerre mondiale, l’État français avait créé des structures
administratives pour l’organisation de manifestations artistiques (représentations théâtrales,
concerts et expositions) qui devaient servir ses intérêts diplomatiques à l’étranger : la France
participait – en même temps que d’autres grandes puissances européennes – à la création d’un
nouveau type de diplomatie, la diplomatie culturelle.
La naissance de ce nouveau mode de communication officielle entre les Nations dans le
contexte de la Première Guerre mondiale a fait l’objet de recherches par les historiens dès les
2 Les expositions du Guggenheim s’intitulaient « Rendez-vous : Masterpieces from the Centre GeorgesPompidou and the Guggenheims Museum » et « Invested spaces in Visual Arts, Architecture, & Design fromFrance 1958-1998 », Guggenheim Museum, SOHO, 13 octobre 1998 - 11 janvier 1999, New York.L’entretien en question fut publié par Art Press : Barry Schwabsky, Bernard Blistène, Alain Guiheux, « Cecin'est pas une exposition d'art français », Art Press 1998, n° 238, sept., p. 33-39.
2
années 1960 – dans le contexte d’une autre guerre culturelle, la guerre froide –. Dans un
premier temps, les historiens s’intéressèrent surtout aux structures créées pour la diplomatie
culturelle et aux significations idéologiques de ces manifestations : constituaient-elles une
« propagande blanche » et la « quatrième dimension » de l’affrontement international entre les
Nations3 ?
Le questionnement sur le contenu culturel de ces manifestations s’est imposé dans un
deuxième temps, sous l’influence de l’histoire culturelle. La thèse d’Albert Salon, sur l’Action
culturelle de la France dans le monde en 1981 en est l’un des premiers jalons. Cet intérêt
pour le contenu culturel de l’action artistique a joué en faveur d’une spécialisation des
historiens dans des domaines particuliers de l’action culturelle : François Chaubet et Alain
Dubosclard ont ainsi étudié les actions de l’Alliance française, créée en 1883 par Paul
Cambon, et Denis Rolland a étudié la place du théâtre dans cette diplomatie culturelle en
s’intéressant à une période souvent délaissée par les historiens des relations internationales
culturelles : la Seconde Guerre mondiale.
Les lacunes historiographiques en ce domaine essaient vainement de résister à l’activisme du
Centre d’histoire de Sciences Po4, de son directeur et ses chercheurs : Jean-François Sirinelli,
Laurence Bertrand-Dorléac, François Chaubet et Denis Rolland qui, par leurs publications,
leurs séminaires, leurs tables rondes, balaient finement ce domaine.
Les expositions d’art français, si elles ont été peu étudiées, ont cependant fait l’objet d’une
analyse d’Alain Dubosclard, dans son livre sur l’Action artistique de la France aux États-
Unis 1915-19695, qui donne, malgré un objet d’étude bilatéral, des analyses passionnantes et
détaillées sur le « système d’accompagnement culturel » (pour le théâtre, la musique et les
expositions) que fut la diplomatie artistique de la France pendant l’entre-deux-guerres.
Alain Dubosclard, suivant en cela d’autres historiens de la diplomatie culturelle6, insiste sur
3 Philip H. Coombs, The Fourth dimension of foreign Policy : educational and cultural affairs, Evanston, Harper& Row, 1964, 158 p.4 http://centre-histoire.sciences-po.fr/centre/index.html. Le Centre d’histoire de Sciences Po prit le relais duséminaire consacré à l’histoire des relations culturelles internationales à l’Institut d’Histoire du Temps Présent,dirigé par Pascal Ory de 1991 à 1997. L’historiographie de la diplomatie culturelle est analysée dans l’ouvragecollectif coordonné par Denis Rolland : Entre rayonnement et réciprocité : contributions à l'histoire de ladiplomatie culturelle, op. cit.5 Ce livre représente une partie de l’immense thèse soutenue en 2003 par Alain Dubosclard : L'action culturellede la France aux États-Unis, de la Première Guerre mondiale à la fin des années 1960, op. cit.6 La diplomatie culturelle est toujours à la croisée des sphères d’interventions publique et privée comme ledémontre Jean-François Sirinelli dans sa préface à l’étude de l’Alliance Française par François Chaubet : LaPolitique culturelle française et la diplomatie de la langue. L’Alliance française (1883-1940). C’est peut-êtreencore plus vrai pour les expositions d’art français. Les acteurs du marché de l’art éprouvaient souvent un intérêt
3
l’imbrication entre les initiatives officielles et privées pour l’organisation des manifestations
théâtrales, musicales ou plastiques, imbrication qui rend bien complexe la constitution d’un
corpus d’expositions à l’organisation desquelles l’État français a réellement participé : « S’il
est aisé de circonscrire le champ soumis à l’analyse, il n’en va pas de même pour définir les
conditions à partir desquelles une action artistique appartient définitivement au champ
diplomatique. Trois niveaux d’intervention peuvent être identifiés. Le premier est le
financement de l’AFAA. […] Le second niveau est le patronage officiel, souvent qualifié à
tort d’aide morale. […] Enfin, le poste diplomatique peut offrir son propre soutien logistique
aussi bien que son patronage officiel7. »
Pour l’étude qu’il restait à faire sur une répartition mondiale des expositions d’art français
officielles de l’entre-deux-guerres, il était, pour des raisons pratiques, impossible de prendre
en compte ces trois niveaux d’intervention, et il a fallu se restreindre, au prix d’un
renoncement que l’on peut imaginer8, à n’analyser que les expositions d’art français prises en
charge par le premier niveau, celui des expositions passées par le filtre de l’AFEEA
(Association Française d’Expansion et d’Échanges artistiques) et des services centraux
d’action artistique du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts.
La disparition presque complète des archives de l’AFEEA9, à l’exception des comptes rendus
des conseils d’administration, exigeait que l’on étudiât les archives de ces services avec
lesquels l’association était en relation épistolaire – et, malheureusement pour nous,
téléphonique – constante. Bien heureusement pour l’historien, l’association ne pouvait pas
prendre de décision importante en direction de l’étranger sans en donner auparavant le détail
et en demander l’autorisation au Quai d’Orsay. Pour le prêt des œuvres des collections
à organiser des expositions qui auraient un sceau officiel comme le firent les frères Léonce et Paul Rosenberg,ou la galerie Billiet-Vorms en 1930 à Zagreb.7 Alain Dubosclard, L’Action artistique de la France aux États-Unis, op. cit., p. 25-26.8 En étudiant les trois niveaux d’intervention française aux États-Unis, Alain Dubosclard a pu recenser de trèsnombreuses expositions pour l’entre-deux-guerres. Il suppose qu’il y en eut une centaine. C’est le nombred’expositions que l’on peut recenser à partir des archives centrales et qui sont passées par le filtre de l’AFEEA(premier niveau d’intervention) pour le monde entier à la même période. Les deux partis pris de sélection sontbons, à condition de s’en tenir à l’une ou l’autre des définitions sans ignorer celle qui n’est pas retenue. La listed’expositions recensées par Sylvia Lorant-Colle dans La Collaboration des Institutions de l'État français et desÉtats-Unis en matière d'expositions d'Art Plastiques de 1900 à 1975, op. cit., désigne 59 expositions patronnéespar l’AFEEA, ce qui correspond, toujours d’après sa liste, à 40 % des expositions d’art français, officielles etprivées confondues, organisées aux États-Unis.9 Beaucoup d’auteurs s’en sont arrêtés là ou ont étudié des périodes plus récentes de l’histoire de l’AFEEA pourlesquelles les archives sont abondantes. Florence Risi fit une communication sur « La politique de l'AssociationFrançaise d'Action Artistique de 1922 à nos jours : les difficultés d'une recherche » lors un séminaire organisé en2003 par Laurence Bertrand-Dorléac.
4
nationales, la dépendance de l’AFEEA s’exerçait auprès du ministère de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts et des Musées nationaux. Tout cela ne répare en rien la perte des
archives de cette association, qui avait, ironie du sort, la passion du document et de la collecte
d’informations, tâche dévolue à sa « section de renseignements artistiques internationaux ».
Les archives privées de certains acteurs comme les commissaires d’exposition Louis
Hautecoeur10 et Claude Roger-Marx11, donnent un jour plus clair que les archives
institutionnelles sur le milieu des organisateurs de l’action artistique. L’étude des réactions de
la presse, bien informée de l’organisation des expositions artistiques à l’étranger, malgré les
principes de confidentialité présidant à la diplomatie culturelle, est également très utile.
À partir de 1940, ces quelques traces de l’action artistique française disparaissent des archives
institutionnelles, rendant difficiles les études très poussées. On essaiera cependant, avec ces
quelques bribes d’informations, de comprendre ce que devinrent alors les expositions d’art
français à l’étranger12.
Les sources à l’étranger, que l’ampleur géographique du sujet rend impossibles à appréhender
de manière exhaustive, ont quand l’occasion s’est présentée, apporté un point de vue
intéressant. L’historiographie des grandes puissances sur leur diplomatie culturelle et plus
particulièrement artistique, est précieuse d’un point de vue méthodologique : elles constituent
des études-miroirs dans lesquelles les problématiques de l’action artistique française se
reflètent. Il est important de les étudier parce que la France, bien qu’elle fût l’un des premiers
États à créer un système gouvernemental d’action artistique à l’étranger, s’est ensuite
beaucoup intéressée à ce que faisaient les autres pays pour leur propre expansion artistique.
Les services d’action artistique français se tenaient bien informés des initiatives étrangères en
ce domaine, en envoyant des questionnaires et des inspecteurs en mission à l’étranger.
L’étude pionnière de Kurt Düwell13 sur la politique culturelle étrangère de l’Allemagne en
1976, et plus récemment celle de Carolin Schober14 centrée sur l’action artistique montrent
que l’Allemagne a suivi la même évolution historiographique que la France, vers une étude
10 Bibliothèque de l’Institut, fonds Hautecoeur.11 INHA, archives de Claude Roger-Marx (94).12 Cette période, si difficile à appréhender en termes d’archives, a découragé plus d’un historien comme AnnieGuénard qui choisit d’opérer un saut-de-loup temporel en traitant de l’action culturelle française avant et après laSeconde Guerre mondiale : La présence culturelle française en Europe Centrale et Orientale avant et après laSeconde Guerre Mondiale, 1936-1940, 1944-1949, op. cit. Pourtant, l’action artistique de la France dutcontinuer à exister, puisque Philippe Erlanger, interdit d’exercer par Vichy, fut remplacé par Michel Florisooneet que l’on trouve les traces d’une exposition organisée par la France à Lisbonne en 1942.13 Kurt Düwell, Deutschlands auswärtige Kulturpolitik, 1918-1932, Grundlinien und Dokumente, op. cit.14 Carolin Schober, Das Auswärtige Amt und die Kunst in der Weimarer Republik. Kunst undKunstgewerbeausstellungen als Mittel deutscher auswärtiger Kulturpolitik in Frankreich, Italien undGroßbritannien, op. cit.
5
plus précise du contenu exact de la diplomatie culturelle. Ces études, et particulièrement celle
de Carolin Schober donnent un aperçu de la perception allemande de la diplomatie culturelle
française, aveugle, méprisante, et indifférente aux effets en retour de ses propres actions.
L’action artistique de la Belgique dans une perspective bilatérale avec la France a été mise en
lumière par le mémoire de Céline de Potter sur Les expositions collectives d’art belge en
France de 1919 à 193915. L’organisation de ces expositions d’art belge, dans sa ressemblance
avec l’organisation française – jusqu’aux titulatures des services et associations qui s’en
chargeaient – est assez stupéfiante.
Les méthodes d’action artistique françaises, repoussées pour leur impérialisme aveugle ou
imitées à l’étranger, consistaient, comme l’a énoncé Alain Dubosclard, en un
accompagnement des initiatives privées, en France ou à l’étranger. Les expositions d’art, dont
les services officiels donnaient une définition large regroupant l’art ancien et l’art moderne,
l’architecture et les arts décoratifs avec les arts graphiques, la sculpture et la peinture16, furent
une centaine dans le monde à être patronnées et subventionnées par l’AFEEA, le ministère
des Affaires étrangères et le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts pendant
l’entre-deux-guerres. Par l’analyse de cet ensemble d’expositions, il s’agira de voir si l’État
français sut tirer parti par sa diplomatie culturelle de l’engouement que suscitait l’art français
dans le monde ou s’il donna au contraire les armes à New York pour lui « voler l’idée d’art
moderne17 ».
Dans cet ensemble d’expositions ne sont pas comprises des expositions auxquelles les
services officiels ont pourtant beaucoup collaboré : les expositions internationales et la
Biennale de Venise, celles-ci ne faisant pas partie de leur action ordinaire. On s’autorisera
cependant à les intégrer à la réflexion menée sur les plus modestes expositions de l’AFEEA,
comme on s’autorisera à réfléchir également sur les expositions d’art français non officielles
qui eurent lieu au même moment à l’étranger18. La question de l’expansion de l’art français
exige que l’on étudie ce que fit la France à l’étranger, mais pourquoi négliger ce qu’elle
entreprit sur son territoire en faveur de l’art français ? Ainsi, l’exposition des arts décoratifs et
industriels modernes de Paris en 1925 présentait un pavillon créé par la Société des Artistes
Décorateurs, donnant un exemple de l’architecture et de l’ameublement d’une ambassade
15 Céline de Potter, Les Expositions collectives d'art belge en France de 1919 à 1939, op. cit.16 La photographie et le cinéma, ou plutôt leur absence, seront évoqués au cours de notre étude.17 Serge Guilbaut, Comment New York vola l’idée d’art moderne, Nîmes, J. Chambon, 1998, 362 p.18 Comme les initiatives indépendantes à l’étranger d’Andry-Farcy, conservateur du Musée de Grenoble, quienvoya sa propre exposition à Amsterdam en 1935.
6
idéale. Les efforts français pour l’image de son art à l’étranger sont loin d’avoir existé
indépendamment de ce qui se fit à Paris au même moment. De la même manière, les
expositions de Raymond Escholier au Petit Palais et l’exposition de 1937 des « Maîtres de
l’art indépendant 1895-1937 », sont des références qu’il est impossible d’occulter pour
l’analyse des expositions d’art français à l’étranger.
La liste de ces expositions appelle une analyse quantitative : elle peut se faire en termes de
budgets, toujours partagés entre la France et le pays d’accueil de l’exposition, mais également
par le nombre d’expositions envoyées dans chaque pays. Cette liste appelle aussi et surtout
une analyse qualitative : c’est la question des choix artistiques, muséographiques et éditoriaux
faits par l’État pour ces expositions. L’évolution historiographique de l’art de l’entre-deux-
guerres a ouvert son champ ces dernières années à des artistes et à des événements non
obligatoirement avant-gardistes et les grandes expositions collectives et officielles retiennent
désormais l’attention. Avec un sujet comme celui-ci, en abordant l’histoire des institutions
artistiques, en analysant quels artistes ont été choisis pour figurer dans ces expositions et
quels artistes en ont été exclus, c’est l’occasion d’apporter une pierre à l’histoire du goût et
des politiques artistiques de la IIIe République.
La première partie de cette étude s’attache à montrer la spécificité des expositions d’art parmi
les instruments de la diplomatie culturelle de la France au moment de sa naissance, au début
du XXe siècle. Les expositions d’art, absentes de la pratique du tout premier service d’action
artistique au ministère des Affaires étrangères (le Bureau des écoles françaises à l’étranger)
étaient au cœur du débat sur la nécessité d’une expansion culturelle française par les voies
officielles et qui intéressa particulièrement les instituts français, créés par l’Office national
des universités au début des années 1910. C’est la Première Guerre mondiale, et la mise à
disposition des intellectuels « au nom de la Patrie19 », qui précipita l’utilisation des
expositions d’art français par la diplomatie culturelle française et la création des services qui
devaient en être responsables.
La deuxième partie analyse le fonctionnement du « système d’accompagnement culturel »,
par l’exemple des expositions d’art, de leurs acteurs et de leurs interlocuteurs, des années
1920 à la Seconde Guerre mondiale. Le système d’échanges d’exposition d’art national, établi
19 Christophe Prochasson, Anne Rasmussen, Au nom de la Patrie : les intellectuels et la Première Guerremondiale (1910-1919), op. cit.
7
au tout début des années 1920, subit une inflexion autoritaire face aux crises politique et
économique du début des années 1930 qui firent disparaître bon nombre d’initiatives privées
en faveur de l’art français. L’État s’impliqua plus, et différemment, en ayant moins recours
aux initiatives privées et en intervenant de manière plus autoritaire dans le contenu des
expositions.
Enfin, les expositions elles-mêmes, que l’on aura aperçues sous d’autres aspects au cours des
deux premières parties, seront analysées pour leur contenu esthétique, ainsi que les actions en
faveur de l’art français qui accompagnaient les expositions (envoi de documentation,
conférences, efforts éditoriaux). L’inflexion autoritaire perçue dans l’organisation des
expositions des années 1930 se retrouve dans les choix artistiques faits pour les expositions
d’art français, désormais conçues le plus souvent par des conservateurs de musées nationaux.
Première partie : La naissance des expositions « diplomatiques »françaises jusqu’au début des années 1920
A. Les expositions d’art français à l’étranger au tournant du siècleet jusqu’à la Première Guerre mondiale
1. Une tradition politique perdue ?
L'intégration de la culture, du patrimoine et de la création artistique de la France à sa
diplomatie n'est pas un fait nouveau, ni spécifique au XXe siècle, il faut en convenir. Les
exemples ne manquent pas dans toute l'histoire diplomatique de la France, de la collaboration
des diplomates et des artistes. Ces derniers pouvaient être envoyés en mission ou sollicités
pour la création d'œuvres qui serviraient de cadeaux diplomatiques ou d'ornement pour les
ambassades. Le renouveau artistique pour la décoration des hôtels diplomatiques à la fin du
XIXe siècle en est un exemple, analysé par Isabelle Dasque20. Les efforts faits par la France
pour développer une certaine image de marque, pour faire la preuve du bon goût et du génie
artistique français, et cela bien avant le XXe siècle, sont évidents et ce ne sera pas l’objet de
cette thèse de démontrer leur existence.
Son intérêt est plutôt de déterminer les changements qui ont eu lieu après la Première Guerre
mondiale en termes d’intervention de l’État dans « l’expansion artistique française », pour
employer la même expression que les acteurs de l’époque. Et pour cela il est utile de décrire la
situation qui existait avant 1914, déjà sous la Troisième République.
La question du régime politique est cruciale, en partie parce que les contemporains la
percevaient comme telle : un lien fort et organisé entre art et diplomatie était assimilé à une
tradition monarchique selon Louis Réau, l’historien du « rayonnement » de l’art français à
travers les siècles. C’est cette tradition que, selon lui, les pratiques politiques républicaines du
XIXe siècle avaient interrompue et qui n’avait jamais été rétablie. Dans son Histoire de
l'expansion de l'art français, écrite de 1928 à 1933 et publiée en trois volumes correspondant
à des entités géographiques différentes, Louis Réau minimisait l’implication de l’État dans
20 Isabelle Dasque, « Les hôtels diplomatiques : un instrument de prestige pour la République à l'étranger (1871-1914) », loc. cit. La réflexion pourrait être menée bien plus loin dans le XX
e siècle : l’« Ambassade » conçue parla Société des Artistes Décorateurs à l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes en1925 est un choix de bâtiment significatif.
9
l’expansion à l’étranger de l’art produit en France depuis la Révolution.
« Mais un esprit nouveau prévaut dans les méthodes de propagande artistique à l'étranger.Au XVIIIe siècle, l'expansion de l'art français était organisée, contrôlée par l'État et lesAcadémies. À partir de la Révolution, elle s'est faite spontanément, à l'écart de touteintervention officielle21. »
La référence au XVIIIe siècle est ici double : Réau entend par là rappeler le rôle d’éclaireuse de
la France dans l’Europe des Lumières, héritage assumé et même de plus en plus revendiqué
après la Première Guerre mondiale. Mais il s’agit aussi de rappeler l’interventionnisme louis-
quatorzien dans les arts, rejeté de toute force par les républicains. L’image d’un État
républicain très peu investi dans la vie et dans l’expansion artistique de la France22 était si
forte que, lorsque Louis Réau décrivit la situation bien après la création des services d’action
artistique au début des années 1920, il développa encore l’idée que l’expansion artistique de
la France se faisait en dehors de toute intervention officielle, négligeant de mentionner les
actions de la jeune Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, du
ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts23
auxquelles il avait pris part, du moins dans les premiers temps.
2. Au tournant du XXe siècle, l'initiative privée maîtresse, et la force de la
« dynamique collective »
Avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, l’expansion de l’art français se
faisait véritablement, selon les mots de Louis Réau, « spontanément, à l’écart de toute
intervention officielle ». On peut même affirmer qu'au XIXe siècle et jusqu’au début des
années 1920, l'initiative privée était non seulement dominante en terme d'expansion de la
culture française à l'étranger, mais surtout qu’elle était la seule à s’en charger.
Par exemple, les congrégations religieuses assumaient une très grande part de l'expansion
littéraire française à l'étranger et s’intéressaient aussi à la diffusion artistique. Et, de manière
plus générale, des réseaux privés s'en chargeaient. L'art français fut ainsi diffusé au Canada
par des réseaux catholiques, c’est-à-dire principalement le clergé chassé de France lors de la
Révolution de 1789. Les comités confessionnels 24 jouèrent un rôle très important de
21 Louis Réau, Histoire de l’expansion de l’art français, op. cit., p. 19.22 Gérard Monnier, L’État et ses institutions en France, op. cit., p. 208-304.23 En 1932, le gouvernement d’Édouard Herriot rebaptise le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, ministère de l’Éducation nationale ?24 Ceux-ci sont évoqués par François Chaubet dans son article : « De la propagande à la diplomatie culturelle »,Denis Rolland (coord.), Histoire culturelle des relations internationales, carrefour méthodologique, op. cit., p.55.
10
propagandistes pendant la Première Guerre mondiale et ses lendemains. L'initiative privée, à
visée commerciale ou non, exerçait une action continue, ce que ne faisaient pas les pouvoirs
publics, qui agissaient ponctuellement. Ce phénomène n’était pas seulement propre aux arts
plastiques, mais se retrouvait aussi pour la diffusion de la langue. La création de l'Alliance
française par Paul Cambon en 1883, quintessence de l'initiative individuelle et privée en
matière d'action culturelle à l'étranger, illustre, selon François Chaubet, « l'ancienneté d'un
réflexe – ethos civilisateur et messianique tôt ancré – et la dynamique collective nouvelle
attachée à la dimension nationale25. » D'après les diverses sources consultées – mémoires,
correspondances, essais et publications diverses –, lorsque les contemporains évoquaient ces
questions d'influence française à l'étranger et les rôles respectifs de l'État et de la nation (et
donc de ses élites), c'était à l'action des élites et des acteurs privés qu'ils accordaient le plus
d'importance. Sans eux, l'influence française à l'étranger n'eût pas été même imaginable.
Certains de ces témoignages viennent d’observateurs étrangers. Un exemple assez souvent
cité est l’exemple allemand : celui du Chancelier Bethmann Hollweg, qui, sur les conseils de
l'historien Lamprecht, tenta de mettre en œuvre une politique culturelle à l’étranger. Karl
Lamprecht, un historien de Leipzig, avait inventé le concept de politique culturelle extérieure
(« auswärtige Kulturpolitik 26 ») en le faisant dériver du concept de politique culturelle
(« Kulturpolitik ») déjà connu, et il eut pour ambition que l’Allemagne la mette en œuvre.
Mais le chancelier émit des doutes sur la capacité des élites allemandes à soutenir et créer une
politique culturelle à l’étranger contrairement aux élites françaises – et anglaises – dont le
naturel semblait les porter à une telle action. Il livra ses inquiétudes à Lamprecht en 1913 :
« Je suis persuadé comme vous [Lamprecht], de l’importance, et même de la nécessitéd’une politique culturelle étrangère. Je ne méconnais pas l’utilité de ce que la politique etl’économie de la France retirent de cette propagande culturelle, ni le rôle que joue lapropagande culturelle pour la cohésion de l’Empire britannique. Même si le gouvernement,par un soutien des entreprises, peut contribuer en partie à la faire prospérer [la politiqueculturelle], la plus grande partie et tout le travail de fond doit être fournie par la nation elle-même [...] Ce que la France et l’Angleterre produisent dans ce domaine, ce n’est pas laperformance de leur gouvernement mais de l’entité nationale, de l’unité et du caractèrefermés de leurs cultures, de la volonté de prestige déterminée de la nation elle-même. Nousne sommes pas suffisamment sûrs et conscients de notre culture, de notre être intérieur, denotre idéal national [...] Je pense également que l’importance du travail à fournir en ce sens
25 François Chaubet, « L’Alliance française ou la diplomatie de la langue (1883-1914) », Revue historique, loc.cit. p. 782.26 Carolin Schober affirme qu’il est le premier à avoir créé ce concept : « In der Forschung bestehtweitestgehend Einigkeit darüber, dass der Leipziger Historiker Karl Lamprecht 1912 den Begriff der" auswärtigen Kulturpolitik " auf einer Tagung des Verbandes für internationale Verständigung in Heidelberg inseinem Vortrag "über auswärtige Kulturpolitik " zuerst formulierte. » Carolin Schober, op. cit., p. 21.
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est encore trop peu comprise chez nous. Nous sommes un peuple jeune, nous avons peut-être encore trop la croyance naïve à la force, nous sous-estimons les moyens plus fins27 ».
Celui qui fut presque exactement le contemporain du Chancelier, car il était né quatre années
seulement après lui, l’architecte Hermann Muthesius, avait analysé la situation allemande de
la même manière et avait souligné, en comparaison, la force du réseau et du rayonnement
culturel de la France, même vaincue par l’Allemagne comme il avait pu l’observer depuis son
poste à l’ambassade d’Allemagne à Londres où il était chargé des questions culturelles depuis
1896. Pour lui aussi, l’Allemagne n’avait pas encore compris aussi bien que la France l’intérêt
des « moyens les plus fins », c’est-à-dire de la propagande culturelle en complément à la force
armée.
En 1928, Louis Réau, analysant dans l’introduction de son Encyclopédie de l’art français à
l’étranger les « causes de l’universalité de l’art français », citait Joseph de Maistre :
« Le penchant, le besoin, la fureur d’agir sur autrui est le trait le plus saillant de notrecaractère (…) dans le caractère des Français, il y a une certaine force prosélytique qui passel’imagination : la nation entière n’est qu’une vaste propagande 28. »
En réalité, de la part des observateurs allemands, Bethmann-Hollweg et Muthesius, c’était
mésestimer l’action des élites de leur nation qui s’étaient investies dans la promotion de la
culture allemande à l’étranger. Au début des années 1910, en Allemagne aussi, les particuliers
dominaient l’action culturelle à l’étranger et c’était alors le moment de la « Gründungswelle »
qui semait des fondations à l’étranger, les « Auslandsvereine ». Des actions individuelles de
mécénat eurent également lieu : l’entrepreneur mécène berlinois Eduard Arnhold fonda à
Rome en 1911 la villa Massimo, un institut culturel allemand. Il fut ensuite un des plus grands
mécènes pour la diplomatie culturelle allemande lors de son institutionnalisation en soutenant
le Kunstreferat, l’équivalent allemand du service des œuvres à l’étranger du ministère des
Affaires étrangères. Le réseau allemand, peut-être plus tardif que le réseau culturel français,
fonctionnait de la même manière que le système français dans les années 1910 : grâce à
l’implication morale et financière des élites. C’est une réalité que masque le discours du
Chancelier et à laquelle l’historiographie actuelle allemande ne rend pas non plus justice29. À
l’inverse, la propagande allemande était à son tour prise comme modèle par les Français qui y
voyaient les ferments d’une propagande plus efficace car plus attentive à l’opinion publique.
27 Cité par François Chaubet, Revue historique, loc. cit.28 Louis Réau, Histoire de l’expansion… op. cit., p. 6-7.29 L’historiographie allemande (et franco-allemande) insiste sur l’idée que la politique culturelle française àl’étranger s’est développée beaucoup plus tôt que la politique culturelle allemande. On en trouvera un exempledans les textes réunis sous le titre In die Freiheit geworfen, op.cit.
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3. Le monopole du marché de l’art sur le réseau des échanges artistiquesinternationaux
Un embryon de propagande artistique existait donc en France, entièrement formé par
l’initiative privée, par une élite non intéressée commercialement. Mais c’est bien sûr le
marché de l’art, international, qui était le vecteur le plus important de la diffusion de l’art
français : les galeries d'art comme Goupil et bien d’autres s’internationalisaient. L’objet de
ces remarques n’est pas d’étudier les modalités de la diffusion de l’art français par la société
civile ou par les galeries d’art30, mais de montrer comment celles-ci détenaient le monopole
de la diffusion artistique à l’étranger. Elles dominaient cette diffusion car elles étaient seules à
en avoir développé les moyens pratiques.
Lorsque des acteurs institutionnels français comme des conservateurs de musée se trouvaient
dans la situation de pouvoir exporter les œuvres d’artistes français d’une manière toute
officielle, devaient-ils se tourner vers des galeries ou des marchands d’art pour l’organisation
pratique de telles manifestations. Mathilde Arnoux31, dans son article consacré aux relations
entre le conservateur hambourgeois Alfred Lichtwark et le conservateur parisien Léonce
Bénédite de 1894 à 1912, période où ils échangèrent une correspondance suivie, nous donne
matière à justifier cette hypothèse. Lichtwark, conservateur de la Kunsthalle de Hambourg,
voulut organiser une exposition d'art français et sollicita la collaboration et les conseils de
Léonce Bénédite. Ce dernier approuva le projet d’exposition et négocia avec certains artistes
pour qu’ils acceptent d’envoyer leurs œuvres mais, ceux-ci rechignant à collaborer, il dut
proposer à son homologue allemand de faire appel à une galerie parisienne, Bernheim-Jeune.
Les grandes galeries parisiennes avaient le monopole de fait de l’action artistique à l’étranger
grâce à l’efficacité de leurs réseaux internationaux – il faut dire surtout occidentaux – et grâce
aux relations privilégiées qu’elles entretenaient avec les artistes, dues à des contrats
d’exclusivité ou tout simplement fondées sur une confiance mutuelle.
La diffusion de l’art français se faisait aussi par les artistes eux-mêmes, réunis dans des
sociétés ou salons qui étaient largement ouverts sur le monde. Pierre Vaisse, étudiant les
rapports entre la IIIe République et les artistes, n’a que très brièvement évoqué la question de
30 Des études nouvelles sur ce phénomène sont remarquables comme les thèses d’Agnès Pegnot-Lejeune, et deBéatrice Joyeux-Prunel.31 Mathilde Arnoux, « Que montrer de son voisin ? La correspondance entre les conservateurs Alfred Lichtwarket Léonce Bénédite, une coopération intellectuelle franco-allemande au tournant du siècle », loc. cit., p. 64.
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l’expansion de l’art français à l’étranger car celle-ci, du moins pendant une longue période32,
eut peu de liens avec l’État et ses institutions. Le rôle de l’initiative privée et celui de l’action
publique sont comparés : Pierre Vaisse montre l’importance moindre de l’action officielle par
rapport à l’initiative privée, pour laquelle il désigne, non les galeries d’art, mais les artistes
français eux-mêmes qui participaient à des expositions organisées par des sociétés d’artistes
ou des marchands à l’étranger :
« La multiplication, vers la fin du [XIXe] siècle, des associations artistiques, phénomèneeuropéen aussi bien que français, favorisa ces échanges (Sécession en Allemagne et enAutriche, en France Société nationale des Beaux-Arts). L'État en principe ne s'en mêlaitpas33 ».
La peinture française était montrée dans de nombreuses villes allemandes, accueillie par les
Sécessions et les Kunstvereine34. Ces associations d’artistes organisaient des expositions
collectives consacrées à l’art d’un pays invité : l’action en ce domaine pour l’art russe,
polonais, et pour d’autres arts nationaux est bien documentée pour les sociétés françaises
d’artistes comme la Société nationale des Beaux-Arts ou le Salon des Artistes français. Les
artistes français étaient aussi invités individuellement ou collectivement par les associations
étrangères dont ils pouvaient devenir des correspondants. Quant aux artistes qui se firent
connaître à l’étranger, ce ne furent pas uniquement les peintres d’avant-garde ou ceux qui,
comme William Bouguereau se lièrent maritalement à l’étranger. Lucien Simon (1861-1945),
peintre très célèbre en son temps, participa aux Sécessions de Berlin, Munich et Vienne.
Edmond Aman-Jean (1858-1936) participa lui aussi autour de 1900 à de nombreuses
expositions à Munich, en Hollande, en Belgique, en Angleterre, en Autriche, en Italie et aux
États-Unis. Les stratégies de « détour par l’étranger » des artistes français d’avant-garde sont
brillamment étudiées dans la thèse de Béatrice Joyeux-Prunel35. Pour un panorama plus
complet, la relation à l’étranger des artistes restés fidèles aux traditions plastiques mériterait
aussi une étude.
Les témoins sont unanimes à dire que le grand succès de l’art français à l’étranger était dû au
tournant du siècle à l’initiative privée – et surtout avant-gardiste – et que l’action artistique
officielle était inexistante.
Guillaume Apollinaire, dans ses Chroniques d’art, observa la situation à la veille de la
32 Et c’est justement la période sur laquelle s’est penché Pierre Vaisse, ne poussant pas son étude au-delà del’année 1914.33 Pierre Vaisse, La République et les peintres, op. cit., p. 123.34 On trouvera des exemples dans le catalogue édité par le Centre Pompidou à l’occasion de l’exposition Paris-Berlin, op. cit.35 Béatrice Joyeux-Prunel, « Nul n’est prophète en son pays… », op.cit.
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Première Guerre mondiale et montra combien le dynamisme français en direction de
l’étranger avait échappé aux sphères officielles et avait été relayé par des milieux artistiques
sans rapport aucun avec les institutions officielles comme l’Académie, l’École des Beaux-
Arts ou les Salons officiels :
« Chaque jour, quoi qu'en puissent penser les grincheux, la peinture moderne françaiseprend une importance plus considérable en Europe. On ne saurait voyager à l'étranger en cemoment sans trouver, dans les capitales et dans les grandes villes, des expositions de nosjeunes peintres. Est-ce un bien, est-ce un mal ? L'avenir nous le dira. Mais les salonsofficiels, qui autrefois avaient une importance considérable à l'étranger, n'en ont pour ainsidire plus, et ce devrait être là pour les fonctionnaires des Beaux-arts en France unenseignement que toutes ces expositions françaises, qui ont lieu en ce moment à peu prèspartout en Europe. Les artistes qui y produisent leurs œuvres sont, tous ou presque tous,ceux qui exposent ou qui ont exposé aux " Indépendants "36. »
Ce fut surtout la guerre de 1914-1918 qui constitua le véritable « enseignement » pour les
fonctionnaires de l’administration des Beaux-Arts et qui fut une étape dans la naissance des
structures pour la diplomatie culturelle de la France. Ces structures, utilisées dans un premier
temps pour la diffusion de la langue, le furent ensuite pour des expositions diplomatiques.
4. La naissance de la diplomatie culturelle dans les années 1910
La « défense et [l’] illustration de la langue française » amenèrent les premières l’État dans le
domaine de la politique culturelle à l’étranger. Ce sont d’abord le soutien donné par le
gouvernement à l'Alliance française, créée en 1883, et la création du très discret Bureau des
écoles à l'étranger au sein du ministère des Affaires étrangères en 1910 qui scellèrent de
nouveaux rapports entre la diplomatie officielle et les relations culturelles, rapports qui étaient
voulus, désormais, réguliers et permanents. La diffusion de la langue et l'enseignement du
français devenaient à part entière un moyen et une fin pour la diplomatie de la France. Sur ce
sujet, l’historiographie s’est enrichie ces dernières années grâce aux travaux, entre autres,
d'Aain Dubosclard et de François Chaubet.
Les arts plastiques, quant à eux, ne firent pas tout de suite leur entrée – tout comme les arts
dramatiques et la musique – au sein de la diplomatie culturelle à peine naissante.
L’intégration des expositions d’art à la jeune diplomatie culturelle n’a encore pas été étudiée
et c’est cette lacune que cette thèse tentera en partie de combler. Le sort du théâtre a déjà fait
l’objet des travaux de Denis Rolland. Quant à la musique et au cinématographe dans l’action
artistique de la France, il leur manque encore leur historien.
36 Guillaume Apollinaire, Chroniques d’art, 1902-1918, op. cit., p. 469, chronique du 17 mai 1914 sur « lesexpositions françaises à l’étranger ».
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Avant la guerre de 1914-1918, et la création de services permanents d'action artistique à
l'étranger, l'État français ne se servit pas de manière systématique des arts plastiques pour agir
« en permanence afin de présenter la meilleure image du pays37 ». Les arts plastiques n’étaient
pas totalement absents de la politique de prestige de la France à l’étranger, mais il s’agissait
d’une politique non permanente, ponctuelle, faite à l’occasion des expositions universelles et
internationales. Toute la force de l’action artistique officielle de la France à l’étranger était
ainsi répartie sur de grands événements isolés, et très souvent à l’invitation des
gouvernements étrangers.
5. L'intervention de l'État en matière d'expositions d'art français à l'étrangeravant la Première Guerre mondiale
Dans la participation de l’art français au système d’échanges artistiques internationaux déjà
complexe au tournant du siècle, l’État français n’avait pratiquement pas de part comme en
juge Pierre Vaisse dans l’étude déjà citée :
« L'État en principe ne s'en mêlait pas et hormis les manifestations qu'il organisait lui-même, c'est-à-dire les Expositions universelles, il n'intervenait que pour celles qui l'étaientpar un gouvernement étranger, sur invitation officielle de sa part38. »
L’État français avait, malgré tout, les structures permettant de répondre à des invitations
officielles d’États étrangers à des expositions universelles mais il déléguait l’organisation de
ces manifestations à des personnalités du monde de l’art ou de l’industrie de luxe. Pour
l’organisation de ces expositions, tous les États européens, y compris la France, en étaient au
berceau, à la phase de l’apprentissage, parfois douloureux.
Le commandant – et néanmoins artiste – britannique Alfred A. Longden, écrivant en 1930
dans la revue de l’Office international des musées, Mouseion, esquissa la genèse au début des
années 1910 des expositions d’art anglais à l’étranger et le parcours initiatique que furent les
expositions internationales de cette époque. Après plus d’un demi-siècle d’expérience depuis
l’Exposition de Paris en 1855, qui laissa une large place aux Beaux-Arts, les organisateurs
anglais de l’exposition de Rome en 1911 étaient tout de même présentés par Longden comme
des pionniers :
« Il fallut attendre l’Exposition de Rome en 1911, en ce qui concerne l’Angleterre dumoins, pour apprécier à sa juste valeur l’importance d’une exposition étrangère d’art. Latâche d’organiser la participation nationale aux expositions de ce genre était habituellement
37 Denis Rolland et alii, Histoire culturelle des relations internationales, op. cit., p. 21.38 Pierre Vaisse, La IIIe République et les peintres, op. cit., p. 123.
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confiée à un organisme spécial. À Rome, nous avions fait, pour la première fois, un effortheureux pour illustrer le progrès continu de l’École anglaise de peinture ; les œuvresprésentées caractérisaient la naissance et l’évolution de l’art moderne en Angleterre. Lacollaboration des institutions compétentes dans les diverses sections avait été mise àcontribution pour le choix des œuvres. Nous apprîmes ainsi, comment il fallait s’y prendrepour montrer l’art d’un pays à un autre pays. Toutes les Expositions internationales quieurent lieu depuis cette date profitèrent de l’expérience acquise à l’époque39. »
Les services publics français vivaient au même moment leur période de tâtonnements dans le
domaine de l’exhibition officielle de l’art national à l’étranger, domaine qui se limitait alors
aux grands rendez-vous internationaux comme les expositions universelles ou la Biennale de
Venise. De nombreux pays européens suivaient, à cet égard, des chemins très parallèles et
l’expression impersonnelle employée par Alfred Appleby Longden est significative :
délaissant l’exemple précis de l’art anglais à l’étranger, qui faisait pourtant l’objet de son
article, il décrivit ainsi le moment, international et simultané, où l’on comprit « comment il
fallait s’y prendre pour montrer l’art d’un pays à un autre pays. » Il y a une tonalité quelque
peu péremptoire dans le propos de Longden lorsqu’il affirme que la Grande-Bretagne
« comprit » comment exposer son art à l’étranger, mais cela signifie surtout qu’on établit alors
un système de conventions valables pour ce genre d’expositions.
Outre les grandes manifestations internationales, pour lesquelles une section française
officielle était organisée, l’État français pouvait participer officiellement à des expositions
organisées par des pays étrangers comprenant une ou plusieurs œuvres d’art appartenant aux
collections françaises. Sa participation se résumait alors à un patronage officiel et à des prêts
des musées nationaux. Les archives du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,
et plus particulièrement du « Bureau des travaux d’art, musées et expositions » sont riches
d’exemples de discussions entre le ministre et le directeur des Musées nationaux et de l’École
du Louvre, de projets de décrets et de décrets officiels qui concernaient des prêts à accorder
ou refuser à l’étranger pour des expositions temporaires. L’histoire des prêts officiels de la
France à l’étranger n’est ni sans intérêt ni anodine40 et elle fait partie de l’histoire de l’action
artistique française officielle à l’étranger. Mais dans le cadre de cette thèse, il ne paraissait pas
utile de la décrire plus en détail, car ces prêts constituaient exclusivement des réponses à des
demandes de l’étranger pour des expositions n’ayant pas forcément trait à l’art français. La
France, en acceptant le prêt d’une œuvre d’art de ses collections, faisait de celle-ci une sorte
d’ambassadeur à l’étranger 41, mais cette œuvre, ou cet ensemble d’œuvres d’art, restait un
39 Alfred A. Longden, « L’importance des expositions d’art étranger », Mouseion 1930, volume 11, p. 178-183.40 Et elle est sujette à polémique : très récemment, la polémique autour du Louvre d’Abu Dhabi en est l’une desnombreuses péripéties.41 Comme demain les collections du Louvre pourront l’être à Abu Dhabi.
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ambassadeur muet de l’État français et n’avait pas pour but principal de représenter l’art
français à l’étranger.
Pour les grandes expositions internationales, l’État français accordait des budgets importants,
s’impliquait donc fortement, par le biais du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-
Arts, et très souvent aussi par le biais du ministère du Commerce. Pour l'exposition qui eut
lieu à Turin en 1911, le ministère du Commerce accorda un budget de 400 000 francs et le
ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts en attribua un de 452 000 francs.
Si les deux ministères faisaient voter des budgets important pour les expositions, c'est tout de
même l'initiative privée qui avait la part la plus active et qui organisait réellement les
expositions. Un comité avait ainsi le plus souvent la charge de l'organisation de l'exposition,
disposant du budget accordé par le ministère du Commerce et le ministère de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts.
Le comité en question fut régulièrement, dans les années 1900-1910, le Comité français des
expositions à l'étranger42 qui avait pour fonction « de favoriser l'expansion commerciale et
industrielle de la France » et d'organiser les sections se rapportant à ces activités aux
expositions universelles. Mais de telles expositions comprenaient souvent des sections
artistiques. Cet organisme était né sous le nom de Comité d'initiative des Expositions
françaises à l'étranger grâce à la volonté d'industriels réunis autour de Gustave Sandoz en
1885 pour préparer l'exposition universelle de 1888 à Barcelone. C'est ce même comité dirigé
alors par Thibouville-Lamy qui organisa aussi l'exposition de Londres en 1890. En 1909, une
exposition d'arts décoratifs fut organisée à Copenhague et 1911 fut l’année de l’exposition des
industries et du travail à Turin. Le Comité, reconnu d’utilité publique en 1901, était alors
présidé par Émile Dupont, industriel et sénateur qui délégua le choix des œuvres à exposer à
l'Union centrale des Arts décoratifs43.
Le contenu des expositions qui viennent d’être citées était généralement discuté avec des
associations artistiques comme la Société d'Encouragement à l'Art et à l'Industrie, la Société
des Artistes décorateurs et l'Union centrale des arts décoratifs.
De son côté, le « système des Beaux-arts » de la IIIe République44, c’est-à-dire le ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts, comprenait un bureau dont une partie des
42 Quelques dossiers relatifs à son activité sont conservés aux Archives nationales sous la côte F 21 4417.43 Les artistes choisis furent : Jallot, Gaillard, Decoeur, Henri Rivière, Maurice Denis, Besnard, Desvallières, etc.44 Marie-Claude Genêt-Delacroix, Art et État sous la IIIe République, op. cit.
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attributions était de présider à l'organisation des sections des beaux-arts lors des expositions
internationales et universelles : le Bureau des musées et expositions et son commissariat
général des expositions en province et à l'étranger. Ce bureau s’appela par la suite, en 190545,
le Bureau des Travaux d'art, Musées et Expositions. L'organisation des expositions à
l'étranger n'était qu'une partie des tâches qu'assumait ce bureau très polyvalent46 (décorations
des édifices publics, commandes et acquisitions d'œuvres d'art, prix et bourses de voyage,
expositions dans les départements et à l'étranger entre autres).
Le commissariat général des expositions en province et à l'étranger se situait au Grand Palais,
qui était à l'époque un lieu unique pour le rassemblement des bureaux et des sièges des
sociétés nationales. Gérard Monnier47 a décrit le symbole que fut la construction de ce lieu, en
1900, qui représentait « l’effacement du domaine symbolique de l’État » dans le cadre du
passage au service public des arts. Ce lieu, dédié aux sociétés d’artistes et aux salons
désormais en charge de la pratique sociale des arts, est aussi celui dans lequel s’installa le
commissariat général des expositions en France et à l’étranger, dépendant du Bureau des
Travaux d’art, Musées et Expositions. L’instance chargée de représenter l’État dans les
expositions d’art français à l’étranger était ainsi mêlée au grand nombre d’associations
d’artistes avec lesquelles elle partageait son espace. Dans son rapport au ministre de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts en 1892, le directeur du commissariat des
expositions se plaignait que des représentants de l’État, partageassent ainsi le sort des
représentants des artistes. Ceux-ci, logés dans les bureaux voisins, se donnaient en outre
d’office les titres de « sous-commissaires aux expositions48. »
L'expérience malheureuse d’un commissariat général des expositions en 1891-1893
Une lettre de Roger Ballu datée du 30 octobre 1892 et adressée au ministre de l'Instruction
publique et des Beaux-Arts, résume les activités et les raisons de l'échec du commissariat
principal des expositions en France et à l'étranger dont il avait la direction et qui venait tout
juste d'être supprimé. Marie-Claude Genêt-Delacroix compte cette révocation, effectuée par le
ministre de l'Instruction publique par arrêté du mars 1894, parmi les polémiques qui ont agité
45 En 1905, la restauration du sous-secrétariat d'État aux Beaux-Arts, fut l'occasion pour le Bureau des Travauxd'art45 d'annexer le Bureau des Musées et des Expositions.46 Arch. nat. F 21 4052. Commissariat des expositions.47 Gérard Monnier, L’Art et ses institutions en France, op. cit., p. 218.48 Arch. nat. F 21 4052, Rapport de Roger Ballu au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts,30 octobre 1892.
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les milieux artistique et politique sous la IIIe République49. Il s'agit, selon elle, d'une
révocation politique, chose difficile à nier.
L’analyse de la situation du commissariat au moment de sa suppression par Roger Ballu, est
certes un plaidoyer qu’il faut lire avec un esprit critique, mais elle donne aussi des
informations intéressantes sur les moyens d’action de l’État en matière d’expositions d’art
français à l’étranger. La légitimité de ce commissariat était mise à mal selon son directeur par
le désengagement de l'État de l'organisation du Salon. Il était, écrivit-il, mis en danger
par « l'abandon fait par l'État de l'organisation des expositions annuelles. La Société des
Artistes Français était constituée, quel besoin l'État avait-il d'avoir une administration pour les
expositions des Beaux-Arts ? ».
En 1880, l'État s'était en effet, désinvesti de l'organisation du Salon annuel, hérité du
XVIIe siècle, laissant les artistes en prendre la charge. Ces derniers, rassemblés dans une
société de droit privé, la Société des Artistes Français, reconstituèrent un jury et organisèrent
les expositions par leurs propres moyens, bientôt suivis par des sociétés dissidentes, le Salon
des Indépendants50 en 1884 et le Salon d'Automne51 en 1903.
L'organisation de la Société des Artistes Français une fois réalisée, il aurait semblé logique
que l'État abandonne ses prétentions à organiser des expositions artistiques. Mais, dans les
années 1880, le Conseil supérieur des Beaux-Arts (CSBA) voulut faire la distinction entre
deux conceptions et deux directions des expositions artistiques. Il y avait d'une part, les
expositions d'art, d'art national, le plus souvent rétrospectives qui présentaient des chefs-
d'œuvre et d’autre part des expositions dites d’« artistes » présentaient l’art vivant. À l'État
appartenait l'organisation des premières expositions, les expositions d'art.
Cette conception est contenue dans les discours des responsables des Beaux-Arts de l’époque.
L'État avait ainsi le devoir « de récompenser les formes de l'art les plus nécessaires au
maintien des traditions nationales52. » Le rôle du commissariat aux expositions (puis après la
Seconde Guerre mondiale celui de l'Action artistique à l'étranger) était donc compté, d’après
ces théories parmi les responsabilités artistiques de l’État.
Dès la création du commissariat principal des expositions le 24 octobre 1892, les expositions
de l'État en province et à l'étranger furent en concurrence avec les expositions des sociétés
artistiques. L'État, en se dégageant de l'exposition annuelle, avait en quelque sorte perdu toute
49 Marie-Claude Genêt-Delacroix, Art et État…, op. cit., p. 1.50 Dominique Lobstein, Dictionnaire des Indépendants (1884-1914), op. cit.51 Pierre Sanchez, Dictionnaire du Salon d'Automne, 1903-1945, op. cit.52 Jules Ferry, discours du 24 juin 1881, AN F 21 4088, cité par Genêt-Delacroix, op. cit., p. 131.
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légitimité à juger les artistes et à exposer leur travail. Les artistes se montrèrent dès lors
réticents à soumettre leurs œuvres à un jury officiel. Le transfert des compétences de l'État
aux Sociétés d'artistes était rendu irréversible, selon Roger Ballu dans le même rapport, par la
radicalité des artistes et leur volonté d'exclure l'État de leurs manifestations :
« Et alors, en face de l'ardeur première des artistes qui sentaient d'éveiller en eux desorganisateurs, l'Administration commanda une réserve que lui prescrivait la prudence [...]La Société des Amis des Arts, née à son tour de la Société des Artistes Français, organisades expositions de Beaux-arts en province dans les centres les plus importants […] Puis,l'art français alla à Barcelone, à Moscou, pour ne citer que deux expositions étrangères, etl'État fut tenu à l'écart ; il n'eut à intervenir que pour concéder les tableaux qu'on voulutbien lui emprunter. »
Il est vraisemblable que le désengagement de l'État de l'organisation du Salon donnait le
champ libre aux entrepreneurs privés – et cela surtout pour la promotion de l'art vivant –. Les
marchands et les galeries avaient acquis alors une place sans précédent.
De plus, les premières années du XXe siècle voient surgir avec une ampleur nouvelle le débat
sur le principe de l'action de l'État dans le domaine des arts et dont l’un des exemples
fréquemment cités est une enquête menée par Gabriel Mourey dans l'Art et la Vie en 1907 qui
voulait conforter le divorce entre l’art vivant et l’État. Tous les artistes cependant n'étaient pas
opposés à l'intervention de l'État dans le domaine artistique et Maurice Denis s'était même
prononcé à l'occasion pour un « art d'État ».
Roger Ballu développait ensuite l'idée qu'une concurrence déloyale était faite aux
représentants de l'État dans le domaine de l'organisation des expositions. Roger Ballu accusait
dans son rapport les organisateurs privés, dont certains étaient même parfois issus de
l'administration des Beaux-Arts, d’usurper des titres en s’autoproclamant « sous-
commissaires des expositions des Beaux-Arts », reprenant ainsi la titulature officielle. Leur
action de faussaire était facilitée par le fait qu’ils étaient installés dans des bureaux proches de
ceux de l'administration des Beaux-Arts, au Grand Palais. L'impuissance des services officiels
de l'État était grande, leurs capacités ou leur volonté de s’informer également. Roger Ballu
avouait que dans le courant de l'année 1892, ses services n'avaient pu prendre connaissance
des expositions organisées par leurs rivaux que « par ouï-dire ». Les villes de Saint-Germain,
de Rodez mais aussi de Gand, Namur, Florence, Glasgow et Lisbonne reçurent des
expositions « d'art français » dont l'État n'eut ni l'initiative, ni la moindre part.
Et pourtant, toujours selon le même auteur, des perspectives auraient pu être ouvertes grâce à
la multiplication des sociétés d’artistes, amorcée par la naissance du Salon des Indépendants,
créé en 1884. Une telle division entre les artistes séparés entre deux chapelles, entre deux
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sociétés – Artistes Français et Indépendants – ne permettait que de mieux régner. Et de ce fait
également, les représentants de l’État se voyaient assigner un devoir plus lourd : celui
d'organiser des expositions vraiment représentatives de l'art français, et non pas partiales
comme celles que pouvaient organiser les sociétés rivales. La suppression du commissariat
principal des expositions venait compromettre, selon son ancien directeur, la représentativité
des expositions d'art français. Ce discours assez singulier, puisqu'un ancien responsable de
l'action artistique de la République y développait assez longuement le constat de l'échec
cuisant de son service tout en évoquant les arguments pour sa restauration, est imprégné
d'idéaux républicains. La liberté des artistes – qui leur avait d'ailleurs été transmise par la
République en 1880 par un acte symbolique –, l'impartialité de l'État dans le choix des
œuvres, la nécessité du pluralisme et de l'universalité sont les principes qui motivent ce texte.
Mais les expositions que le commissaire aurait voulu pouvoir monter étaient surtout destinées
aux départements français. Le commissaire se voyait en effet comme un agent de la
« décentralisation artistique », et l'idée de la défense du prestige de la France à l’étranger par
son art qui eût tant de succès dans la première moitié du XXe siècle n'était pas encore vraiment
d'actualité lorsqu'il rédigea ce rapport, en 1892. Il rappelait d'ailleurs que « le Commissariat
Principal des Expositions de Beaux-Arts en France et à l'étranger a[vait] été institué, sur la
proposition de M. le Directeur des Beaux-arts, pour encourager les expositions de province et
leur donner un renouvellement d'activité et d'éclat. » L'étranger était alors presque absent du
propos bien que dans les titulatures il était désigné comme l’une des cibles pour les
expositions du commissariat. Ce phénomène, dans les propos de Roger Ballu, est récurrent.
Dans un autre rapport destiné au ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, daté du
26 décembre 1893, il omet ainsi de parler de l'action extérieure de son service. Le 6 mars
1894, un décret réaffirmait la suppression de ce commissariat et transférait l'organisation des
expositions au chef du Bureau des Travaux d’art, Musées et Expositions qui était à l'époque
M. Bigeard.
Des commissaires généraux des expositions en France et à l’étranger réapparurent dans les
années 1910 : le peintre André Saglio – dit Jacques Drésa – et Maurice Moullé, ont laissé
assez peu d’archives53 témoignant de leurs activités. Des quelques dossiers qui ont pu être
consultés, il ressort qu’il n’y eut pas de véritable ambition d’expansion artistique à l’étranger,
la plus grande part de leurs activités se résumant à des prêts d’œuvres d’art.
Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que le commissariat eut une politique plus
53 Les dossiers les concernant sont d’ailleurs conservés dans les séries d’archives privées : pour Saglio, il s’agitdu dossier 281 AP des archives nationales.
22
riche d’expositions. Horteloup, le sous-commissaire des expositions pour la France et
l’étranger, fut mis à disposition avec l’accord de Paul Léon54 pour l’organisation de
l’exposition d’art français à Wiesbaden en 1921 dans le cadre de l’occupation française de la
Rhénanie.
En ce qui concerne le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, l’effort ne fut très
visiblement pas mis sur les expositions d’art français à l’étranger qui, lorsqu’elles avaient
lieu, étaient perçues isolément, et non dans un programme d’ensemble en direction de
l’étranger.
Cependant, l'action artistique de la France, fille puînée de sa diplomatie culturelle, prit parfois
comme point d'appui les institutions et le réseau créés pour la diffusion d'autres pans de la
culture française par d’autres institutions que le ministère de l’Instruction publique. Si l’on
compare les efforts fournis pour la diffusion de la langue par rapport à ceux fournis pour celle
de l'art, le bilan est certes au désavantage de cette dernière dans les premières années du
XXe siècle. Mais ce jugement est un peu péremptoire car on ne peut ignorer complètement
l’existence d’une action artistique, certes timide, avant la Première Guerre mondiale dans les
structures existant pour l’enseignement de la langue et de la culture françaises dans le monde.
Les premières actions allant dans cette direction ne vinrent pas du pouvoir central ni de la tête
du réseau diplomatique mais de ses branches installées à l’étranger, comme celles que
l’Office national des universités créa dans la première décennie du siècle.
6. Un laboratoire et un vivier : l'université française et le débat sur « l'expansionde l'intellectualité française »
L'université, ou plus précisément l’Office national des universités, actif dans la diffusion de sa
culture nationale à l’étranger au début du XXe siècle, créa des Instituts français, comme ceux
de Florence en 1907, Madrid en 1909, Saint-Pétersbourg en 1911 ou Londres en 1913. Ces
structures devaient à l’origine servir de centres d’études pour les chercheurs et les étudiants
français dont le domaine de recherches les amenait à vivre et étudier à l’étranger. Certains
chargés de mission envoyés dans les Instituts français étaient des historiens de l'art comme le
furent aussi certains directeurs d’Instituts français.
Or, ces instituts furent liés, dès la naissance des services de diplomatie culturelle du Quai
54 Arch. nat. AJ/9. Lettre à Paul Tirard, le 29 janvier 1921.
23
d’Orsay comme le Bureau des écoles et des œuvres françaises à l’étranger (1910), au
programme à long terme d’expansion intellectuelle française à l’étranger. Les historiens de
l’art qui y travaillaient prirent des initiatives pour intégrer l’art français dans ce programme.
Les débuts de l’Institut français de Saint-Pétersbourg55 dans le courant de l’année 1911
donnent une idée de cette situation. Pour des raisons diplomatiques et économiques, la France
et la Russie avaient resserré leurs liens dès les dernières années du XIXe siècle : elles avaient
signé une alliance défensive en 1893 et la Russie avait obtenu la permission de la France pour
émettre périodiquement de gros emprunts. Ce rapprochement diplomatique favorisa ensuite la
création de l’Institut français en 1911. Pour la France, l’Institut représentait aussi un moyen
de faire pièce à la propagande allemande dans ce pays56. À la fin du mois de septembre 1912,
Louis Réau présenta le bilan de la première année d'existence de l'Institut français dans un
« rapport sur le fonctionnement de l'Institut, présenté au conseil d'administration57. » Dans ce
rapport, Louis Réau rappelait que l'Institut français avait pour but de s'opposer à la
propagande allemande en territoire russe.
L'une des premières actions de l'Institut français de Saint-Pétersbourg, dirigé par Louis Réau,
très attaché à l'influence et à la place de l'art français dans le monde, fut d'organiser en 1912 la
Centennale de l'art français, c'est-à-dire une exposition de l'art du XIXe siècle. Par une telle
manifestation, Louis Réau amorçait une extension des compétences des Instituts français, qui
n’étaient chargés à l'origine par l'université française que de servir de centre d'études pour les
étudiants et les chercheurs français à l'étranger58 et non de l'expansion de
« l'intellectualité française » selon les mots de Paul Doumer, l'un des fondateurs de l'Institut
français de Saint-Pétersbourg. Mais la volonté d’étendre les compétences des Instituts français
se heurta aux réticences de la Sorbonne elle-même. Le dossier sur la création de cet Institut,
conservé aux Archives nationales59 et analysé par Olga Medvedkova60 est un témoin de la
réaction négative de la Sorbonne à une vision plus large des missions des Instituts français.
Les deux premiers directeurs de l'Institut français de Saint-Pétersbourg, Louis Réau (1911-
55 Journal Officiel, 9 avril 1914, p. 578.Sur ce sujet, il faut lire Olga Medvedkova (loc. cit.) sur l’action de Louis Réau et le débat avec la Sorbonne. Lelivre d’Antonio Brucculeri, Du dessein historique à l'action publique : Louis Hautecoeur et l'architectureclassique en France, op. cit., p. 85-94, permet lui aussi de comprendre la vie de l’Institut français où Hautecoeurétait maître de conférences.56 L’Allemagne avait créé en 1906 un Bureau des écoles à l’étranger, peut-être était-il actif en Russie à cetteépoque ?57 Fascicule imprimé daté du 30 septembre 1912, BIF, Papiers Louis Hautecoeur, ms. 6867, p. 8.58 L'Institut français de Saint-Pétersbourg devait servir ainsi de centre pour les chercheurs français en étudesslaves.59 Arch. nat. AJ/6953.60 Olga Medvedkova « « scientifique » ou « intellectuel », Louis Réau… », loc. cit.
24
1913) et Jules Patouillet (1913-1919) avaient la même conviction que l'Institut se devait de
propager la culture française face à l'expansion grandissante de la culture allemande. Après ce
conflit entre les fondateurs de l'Institut français de Saint-Pétersbourg et la Sorbonne et surtout
après la Première Guerre mondiale qui consolida la légitimité de la diplomatie culturelle et de
son application aux expositions d'art, il semble que l'Université n'ait plus contesté, sans
toutefois l’encourager, cette large mission aux instituts sortis de son giron.
La Centennale de l’art français qui eut lieu en 1912 fut une réussite, contribua sans doute à
faire admettre l’utilité d’organiser des expositions d’art français à l’étranger. Malgré les
difficultés évoquées plus haut avec la Sorbonne quant à la définition des missions de
l’Institut, la direction prit la décision d’organiser une exposition centennale de l’art français
qui se tint de mi-janvier à mi-mars 1912. Elle fut inaugurée par le grand-duc Nicolas
Mikaïlovitch61, Georges Louis, ambassadeur de France et Léonce Bénédite, conservateur du
Musée du Luxembourg. Un comité d'organisation avait été constitué, dont faisaient partie
René-Jean en qualité de conservateur de la Bibliothèque d'art et d'archéologie de Jacques
Doucet avec Victor Goboulev et François Monod, attaché aux musées nationaux. Mais c'est
surtout la revue d'art Apollon qui se chargea de l'organisation de l'exposition avec l'Institut
français. Cette revue, publiée depuis 1909 à Saint-Pétersbourg, était une revue artistique et
littéraire qui commentait les événements artistiques russes mais aussi européens. Son
rédacteur en chef, Sergej Makovsky et toute l’équipe de la revue étaient très francophiles.
L'exposition s'était donc faite avec une large collaboration russe : l'introduction du catalogue
fut d'ailleurs écrite par Sergej Makowsky et par le baron Nicolas Wrangell, attaché au musée
de l'Ermitage.
Les conservateurs des musées français écrivirent de leur côté des textes pour ce catalogue : la
préface de la section de peinture est d'Arsène Alexandre, alors conservateur à Compiègne, et
celle de la section de gravure de Loys Delteil. Des collectionneurs et galeristes français –
Barbazange, Raymond Koechlin, Thiébault-Sisson, baron Joseph Vitta, Ambroise Vollard,
Jacques Doucet62 – accordèrent quant à eux des prêts. L'exposition dont le programme,
répondant au nom de l'exposition, s'étendait de David au Salon de 1911, comprenait mille
peintures, dessins, gravures et sculptures qui illustraient la « continuité de l'art français ».
Dans cette exposition, une place importante était réservée aux peintres exposant au Salon des
61 Le grand duc avait rassemblé une collection d’art français, dont le portrait de Napoléon Ier par David, qu’ilprotégea lui-même lors de la Révolution. En 1905, le grand duc organisa l’exposition rétrospective de l’art russedans le Palais Tauride.62 Jacques Doucet prêta le Lièvre de Manet, L'Amateur d'estampes de Daumier, un paysage de Monet, unpaysage de Sisley et Madame Jeantaud au miroir de Degas.
25
indépendants ou au Salon d'Automne mais aussi à la galerie Druet. La place accordée aux
artistes contemporains dans l’exposition ainsi que dans le catalogue et dans le livre écrit par
René-Jean à l’occasion était importante : on voulait à cette occasion mettre les artistes
contemporains sur le même plan que les maîtres du XIXe siècle.
L’Institut français de Saint-Pétersbourg s’était résolument tourné vers les actions artistiques –
ce qui ne fut pas le cas pour tous les Instituts français – grâce à la présence de Louis Réau et
aussi celle de Louis Hautecoeur qui donnèrent tous deux des conférences. C'est d'abord à
l'histoire de l'art russe qu’étaient dévoués les missionnaires de l'Institut français, mais Louis
Réau s'intéressa surtout à l'« expansion de l'influence intellectuelle de la France » dans ses
études et dans ses conférences. C’est à ce moment qu’il élabora sans doute son projet d’étude
sur « l’expansion de l’art français » dans le monde, publiée dans les années 1920. Louis Réau
ne peut pas être étranger à la réalisation d’une salle de l’exposition Centennale présentant les
œuvres des artistes actifs en Russie au XIXe siècle.
Louis Hautecoeur fut rattaché dès aout 1911 à l'Institut français en qualité de maître de
conférences grâce à l'intervention du premier directeur de l'Institut, Lavisse. Si sa
participation à l'exposition Centennale de l'Art français est assez peu visible, il reste des traces
de ses conférences sur la France et sur l'art français à cette occasion. Alors que les œuvres de
la centennale étaient exposées au palais Youssoupov, il donna à Saint-Pétersbourg une
conférence qui permettait d’avoir un « Aperçu synthétique de la France du XIXe siècle ».
Hautecoeur se donna aussi la peine de faire entendre ses conférences dans d'autres villes
russes. À l'automne 1912, il fit un cours à Moscou sur la peinture de Greuze. Grâce à
l’intervention personnelle de Louis Hautecoeur, l’Institut français devint l’épicentre d’un –
modeste – programme de diffusion de l’art français en Russie.
Greuze avait une place de choix dans ce système : c’est que les œuvres créées au XVIIIe siècle
étaient privilégiées pour l’action artistique en Russie, et plus particulièrement à Saint-
Pétersbourg, ville qui avait reçu à cette époque une importante colonie d’artistes français63.
Louis Hautecoeur y faisait cours en 1912 sur « la Société et l'Art français au XVIIIe siècle ».
Dans la volonté de revivifier les souvenirs du Grand siècle auprès du public pétersbourgeois,
l’Institut français avait un allié dans le groupe d'artistes, de critiques d'art et d'écrivains qui
gravitaient autour de la revue Apollon, qui avait organisé en grande partie l'exposition
63 La description des relations entre la Russie et la France au Grand Siècle, sujet flatteur pour l’histoireintellectuelle française, est une tentation que ne repoussa pas l’Association Française d’Action Artistique en…1986. Elle organisa cette année-là au Grand-Palais, une exposition consacrée à ce thème : La France et la Russieau siècle des Lumières, 20 novembre 1986 - 9 février 1987, Galeries nationales du Grand Palais, AFAA, 492 p.
26
centennale au palais Youssoupov. La revue Apollon « contribuait à créer le culte de Saint-
Pétersbourg, symbole de la renaissance russe occidentaliste, aristocratique, parlant les langues
étrangères et surtout le français. Le culte de Saint-Pétersbourg se mêlait à un véritable culte de
la France du XVIIe et du XVIII
e, de Paris et de Versailles64. »
En 1912 et 1913, Louis Hautecoeur quitta l’étude du XVIIIe siècle français qui avait eu un
impact satisfaisant pour faire une œuvre de vulgarisation concernant cette fois les XVIe et XVII
e
siècles, les provinces françaises et l'histoire urbaine. Il aborda aussi l’histoire de l’architecture
française au sujet de laquelle il insistait plus que pour tout autre genre, sur l’idée d’une
identité nationale. L’art étranger, l’art russe en particulier, qu’il rencontrait, était aussi pour
lui des occasions de réfléchir au phénomène d’art national65.
L’Institut français de Florence comprenait une section « histoire de l’art » qui fit l’objet d’un
rapport en 1913 par Gustave Soulier66, le chargé de conférences d’histoire de l’art de cet
Institut. Il y décrivait la double tâche de la section d’histoire de l’art. Tout comme l’Institut
français de Saint-Pétersbourg, l’Institut de Florence avait pour mission, d’une part, d’être un
centre de recherches et d’autre part, d’être un centre d’enseignement et de diffusion de l’art
français en Italie.
« [L’Institut] s’applique à répandre la connaissance et le goût de l’art français en Italie.C’est le rôle du cours public, très suivi par la société florentine et étrangère, où leprofesseur, après avoir consacré trois années à l’étude du XIXe siècle avec des aperçus surla période immédiatement contemporaine, a étudié cette année la première moitié duXVIIIe siècle. C’est aussi le rôle d’une Conférence dont il a été chargé pour les élèves ducours supérieur de français, auxquels il consacre une série de leçons sur l’histoire généralede l’art français. »
Gustave Soulier ne cachait pas que l’originalité de l’Institut de Florence résidait davantage
dans les recherches scientifiques qu’il effectuait (sur les arts décoratifs italiens et sur les
rapports artistiques franco-italiens) que dans les cours sur l’art français, pour lesquels les
enseignants n’effectuaient pas de recherche personnelle approfondie. C’est surtout par intérêt
pour les recherches sur les arts décoratifs italiens et sur les relations artistiques franco-
italiennes que la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie accorda son aide à l’Institut. Gustave
Soulier ne négligeait pas pour autant dans son rapport, la mission de diffusion de l’art français
en Italie et demanda aux services centraux une documentation pour pouvoir la réaliser :
64 Olga Medvedkova, « Scientifique » ou « intellectuel », Louis Réau…, loc. cit.65 Louis Hautecoeur publia un compte rendu sur exposition des Romanov : « Le Tricentenaire des Romanov etles traditions nationales dans l'art », Revue contemporaine, IV, n° 69-70, 23 février 1913, p. 97-99, où il donnaitses méditations sur le caractère national des manifestations artistiques dans l'époque contemporaine.66 Gustave Soulier, Rapport sur la section d’histoire de l’art de l’Institut français de Florence, op. cit.
27
« Pour ce qui est de la diffusion de l’art français ; à laquelle c’est une part non négligeablede notre tâche de nous employer, nous voudrions pouvoir adjoindre aux photographies unpetit musée méthodique de moulages, provenant des ateliers du Louvre et de ceux duTrocadéro, et réunissant des morceaux caractéristiques des époques diverses ; petit muséed’art français que nous compléterions par une collection de médailles frappées à laMonnaie sur des anciens coins et achevé par quelques exemples de notre belle Renaissancecontemporaine ; et aussi par une collection d’estampes de la Chalcographie du Louvre. »
Enfin, il évoquait la possibilité d’organiser des expositions temporaires à l’Institut. Son projet,
très brièvement ébauché, reste modeste :
« Notre désir serait d’apporter en outre, à côté de ces collections permanentes, l’aide depetites expositions temporaires, en corrélation avec le cours public, et venant ajouter sonenseignement visuel sur l’Histoire de l’art français, ou même faire connaître quelques-unsde nos artistes les plus remarquables de l’heure présente. »
Les Instituts français – à l’exception du French Institute de New York mais qui fonctionnait
surtout grâce à l’initiative privée – accueillirent finalement assez peu d’expositions d’art
français avant et même après la Première Guerre mondiale67. Mais les statistiques cachent
trop bien la réelle importance de ces instituts dans le domaine des expositions d’art français à
l’étranger. Importants, les Instituts français – et parmi eux, celui de Saint-Pétersbourg en est
l’exemple le plus frappant – le furent par leur rôle d’initiateurs. La Centennale de l’art
français en 1912, les conférences sur l’art français furent de précoces initiatives prises pour
une diplomatie artistique à l’étranger, bien avant celles que prit le ministère des Affaires
étrangères. Les instituts furent le laboratoire où naquirent les premières réflexions sur l’intérêt
de développer une diplomatie culturelle s’appuyant sur les arts plastiques mais aussi et
surtout, partant de recherches précises en histoire de l’art. Les conférenciers, les chargés de
mission, comme les directeurs des instituts étaient des universitaires et des chercheurs avant
tout. Ils voyaient la tâche de diffusion de l’art français comme une œuvre de vulgarisation de
leurs recherches personnelles, une transmission au public étranger de leur savoir sur l’art
français. Les exigences intellectuelles qu’avaient les acteurs des Instituts français leur avaient
fait créer des modes de diffusion de l’art français rigoureux et scientifiques. Il s’agissait d’une
diplomatie culturelle faite par des intellectuels mais aussi pour des intellectuels,
francophones, de surcroît. Dans un élan paternaliste, Louis Hautecoeur pensa tout d’abord
pourvoir atteindre les milieux sociaux russes les moins aisés par ses conférences qu’il
organisait lorsqu’il était chargé de conférences à l’Institut. Il dut y renoncer et ne s’adressa
ensuite qu’à l’élite russe.
Les instituts furent un laboratoire de réflexions, et aussi un vivier où se créèrent des vocations
67 En 1914, il n’existe que quatre instituts français dans le monde : Florence, Madrid, Saint-Pétersbourg etLondres.
28
et des carrières ponctuées par l’organisation d’expositions d’art français dans le monde, plus
uniquement au sein des Instituts français, mais aussi par la suite pour le compte des
organismes centraux créés après la guerre et qui seront décrits plus bas. Louis Hautecoeur,
nommé à 27 ans chargé de conférences à l’Institut français de Saint-Pétersbourg, fut amené
ensuite par sa fonction de conservateur du Musée du Luxembourg à organiser de très
nombreuses expositions d’art français à l’étranger ainsi que la section française de la Biennale
de Venise, dans les années 1930 et jusqu’en 1940. Ses fonctions parisiennes le faisaient élire
d’office commissaire général d’un certain nombre d’expositions officielles, mais il est assez
certain que son passage par l’Institut français de Saint-Pétersbourg contribua à son
implication dans la diplomatie artistique.
La carrière de Jean Alazard, moins brillante, peut être cependant rapprochée de celle de Louis
Hautecoeur. Jean Alazard, après avoir passé l’agrégation avec succès, devint le secrétaire de
l’Institut français de Florence, créé en 1908. À partir de 1927, il fut professeur titulaire de la
Faculté des lettres d’Alger et en 1931, il fut nommé conservateur du Musée des beaux-arts de
cette ville. La même conjonction d’obligations professionnelles et d’une expérience
personnelle dans un Institut français, le conduisit à se charger de l’organisation d’expositions
officielles d’art français – et plus précisément orientaliste – dans le monde, patronnées par le
gouvernement général de l’Algérie et par l’Association française d’action artistique à partir de
1931.
B. La Première Guerre mondiale et la naissance d’un débat surl'intervention gouvernementale en matière d'expansion de l'artfrançais
1. Les réticences à la naissance d’une action artistique organisée
L'échec du commissariat général des expositions, transférant ces compétences au bureau des
travaux d'art qui s'occupait bien plus d'action culturelle intérieure – à Paris et dans les
départements –, que d'action culturelle extérieure, et d’autre part, l'absence de toute structure
au ministère des Affaires étrangères pour l'organisation et la subvention des expositions de
beaux-arts français à l'étranger – en dehors des Expositions universelles – sont la preuve de la
position relativement indifférente, ou du moins peu engagée, de l'État vis-à-vis de ce type de
manifestation. Il y eut sans doute une certaine indifférence aux enjeux de la diplomatie
culturelle au tout début du XXe siècle : mais il est difficile d’en faire le procès à des acteurs
29
pour lesquels cela n’était pas une fonction ordinaire de l’État.
La IIIe République fut généralement réticente à employer le terme de propagande mais aussi à
la pratiquer à l’étranger en temps de paix, fidèle à ses principes de non-interventionnisme.
L’État était très peu enclin à assumer cette charge et privilégiait des situations dans lesquelles
les congrégations, l'Alliance Française ou même le Touring Club de France s’investissaient
dans l’« art de la réclame »68. Jean-Marie Guéhenno69 rattache cette réticence à la diplomatie
culturelle au refus, plus général, de la construction d’une culture d’État.
Par ailleurs, on peut invoquer la force d’inertie du ministère des Affaires étrangères lui-même,
et celle de son organisation et de son personnel. Jean Baillou rappelle qu’avant 1914, le
ministère des Affaires étrangères, qui était encore une structure d’assez modestes dimensions,
était bien adapté à une politique étrangère « classique » où tout était dominé par le
« politique ». À l’inverse, le ministère n’était pas adapté à une politique étrangère comprenant
des missions culturelles. Ce domaine appartenant en outre au ministère de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts, le ministère des Affaires étrangères pouvait aussi se réfugier
derrière une certaine illégitimité à intervenir tout seul en ce domaine.
Même lorsque fut admise la mise en place d’une diplomatie culturelle, au début des années
1910, l’utilisation des arts plastiques ne fut pas tout de suite une évidence, tout d’abord parce
que les acteurs, comme Julien Luchaire, qui furent à l’origine des services centraux étaient
certes des universitaires, mais se montraient plus intéressés par des échanges littéraires ou
scientifiques que par une diffusion de l’art français. Or la diplomatie culturelle était, et elle le
reste d’ailleurs aujourd’hui, une affaire d’hommes, d’individus. Albert Salon, dans sa thèse
sur l’action culturelle de la France dans le monde, en décrit ainsi les pionniers :
« Plusieurs hommes énergiques, entreprenants et audacieux agissent d'abord, bien souventen leur nom au moins autant qu'au nom du gouvernement ou d'une institution, et nedemandant qu'ensuite la couverture ou l'agrément de l'autorité supérieure70. »
Le programme du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, dont la structure
permettait l’envoi d’œuvres d’art et même d’expositions à l’étranger mettait l'accent
davantage sur l'enseignement que sur l’aide à création ou sur l’organisation d’expositions. Les
centres d’intérêts des responsables de la politique les portaient plus sur d’autres missions,
comme ce fut le cas pour Paul Léon qui de 1905, date à laquelle il devint chef de cabinet du
68 Jean Baillou, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, op. cit., p. 336.69 Jean-Marie Guéhenno, « Diplomatie culturelle : culture de France, culture d'Europe », Politique Étrangère,1986, p. 165-171.70 Albert Salon, L’Action culturelle de la France dans le monde, op. cit., p. 95.
30
sous-secrétariat des Beaux-Arts71 à 1916, moment de la création du service de
décentralisation artistique, insista sur la sauvegarde de la France monumentale plus que sur la
politique artistique.
Mais le rôle de ces acteurs particuliers, sur lequel insistait amplement Albert Salon, doit être
étudié avec précaution. L'écueil important, que Vincent Dubois a identifié pour l’histoire de la
politique culturelle intérieure72 et qui est aussi à prendre en considération pour la politique
culturelle extérieure, serait de « supposer que l'intervention publique repose sur la
" volonté" d'hommes censés la conduire. C'est autrement dit oublier, ce que ces "volontés" ou
leur absence doivent à la configuration des rapports de force qui les rendent possibles ou
non. »
Par ailleurs, les expositions étaient en elles-mêmes un objet qui pouvait être regardé avec
méfiance par les pionniers de l’action culturelle à l’étranger, dans la crainte qu’ils avaient
d’être accusés de vouloir créer une culture ou un art d’État. L’un deux, Julien Luchaire, en
exprima toute la difficulté :
« Affaire délicate : il s’agissait d’une marchandise dont les meilleurs producteurs ne selaissent pas volontiers diriger et qui perd sa valeur dès que les pouvoirs publics cherchent àl’imposer73. »
La coopération des artistes n’était en effet pas toujours acquise. Léonce Bénédite fit les frais
de la réticence des artistes à envoyer leurs œuvres lorsqu’il voulut aider le conservateur de la
Kunsthalle de Hambourg, Alfred Lichtwark, à organiser une exposition d’art français74. Les
artistes percevaient mal l’intérêt d’envoyer leurs œuvres pour de telles expositions au cours
desquelles ils n’étaient pas sûrs de trouver des acheteurs et pour lesquelles ils devaient
souvent engager des frais personnels.
Enfin, la crainte d’une dernière accusation était à surpasser : c’est celle qui consistait à
dénoncer les intentions mercantiles des organisateurs des expositions d’art français
contemporain75 à l’étranger. L’œuvre d’art ayant une valeur marchande importante, elle était
71 Le sous-secrétaire d'État aux Beaux-Arts était Etienne Dujardin-Beaumetz.72 Vincent Dubois a pris en compte dans sa thèse La Culture comme catégorie d'intervention publique, genèseset mises en forme d'une politique, (op. cit.), « les conditions d'impossibilité de la mise en forme d'une politiquedes Beaux-Arts 1890-1910. » Comme conséquence de l’autonomie du champ artistique, l'Art et l'État étaientreprésentés comme contraires l'un à l'autre et les agents de l'État intériorisèrent leur illégitimité à intervenir.73 Julien Luchaire, Confession d’un français moyen, op. cit., p. 152.74 Archives de la Kunsthalle de Hambourg 1894/1896, lettre 13/02/1895 de Bénédite à Lichtwark, étudiée parMathilde Arnoux, dans « Que montrer de son voisin… », loc. cit.75 Cet argument ne peut pas valoir pour les expositions d’art ancien.
31
un sujet de conflits diplomatiques et douaniers. Or l'État français était très réticent à mêler son
action symbolique et culturelle extérieure avec des intérêts privés et économiques. Il faut
garder à l’esprit que les premiers agents de la diplomatie culturelle furent les congrégations
qui en fondèrent les principes sur d’autres intérêts que les intérêts économiques.
L’enseignement du français était considéré, et sans doute à raison, comme un vecteur de
diffusion de la culture française plus pur et moins souillé par la dimension mercantile.
Louis Dollot, dans son court essai sur les relations culturelles internationales, démontra d'une
manière – un peu trop radicale – comment les États passèrent « des relations intellectuelles
aux relations culturelles76. » À partir d'une analyse sémantique dont il ne donne
malheureusement pas le détail ni le support, Louis Dollot affirmait que le mot de « culturel »
qui domine aujourd’hui dans les discours, n’était utilisé qu’exceptionnellement avant 1939 et
que « jusqu'à la Seconde Guerre mondiale il n'était guère question que de relations
intellectuelles et d'accords intellectuels ». Selon lui, les changements sémantiques révélant les
changements du contenu des échanges, vinrent de la « constatation de l'élargissement d'un
concept, les relations n'étant plus seulement intellectuelles et littéraires, mais artistiques,
éducatives, scientifiques et sportives77. »
Cette analyse nous paraît valoir surtout pour les années qui précédèrent la Première Guerre
mondiale, à la suite de laquelle les relations établies officiellement avec l’étranger peuvent
difficilement être considérées comme uniquement « intellectuelles » jusqu’en 1939. S’il faut
invoquer l’analyse sémantique des dénominations officielles, prenons l’exemple du Service
d’action artistique du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, créé en 1918 qui
par son titre seul montre bien qu’on ne pensa pas uniquement en terme de relations
« intellectuelles » jusqu’en 1939 78. Une analyse sémantique paraît en outre être probante
surtout pour le vocabulaire employé par les organismes internationaux, dont l'Institut
international de coopération intellectuelle. Mais lorsque l'on s'éloigne de l'étude des
organisations multilatérales, et que l'on entre dans l'analyse des organismes propres à chaque
pays – qu'ils soient publics ou privés – le mot d' « intellectuel » se retrouve mais noyé dans
76 Louis Dollot, Les Relations culturelles internationales, op. cit., p. 14.77 Au cours de l’entre-deux-guerres, la difficulté à intégrer les expositions d'art au sein de la diplomatie culturellea été si bien surpassée que celles-ci sont même devenues les symboles de la coopération internationale. KoïchiroMatsuura, dans un article, indique que lorsque l'UNESCO a été créé au lendemain de la seconde guerremondiale, la « culture » renvoyait essentiellement à la production artistique, aux beaux-arts et aux belles lettres.Koïchiro Matsuura, « L'enjeu culturel au cœur des relations internationales », Politique Étrangère, 4e trimestre2006.78 Il est vrai que ce n’est qu’en 1945 que les services d’action artistique et intellectuelle à l’étranger du ministèredes Affaires étrangères furent coordonnés par une « Direction générale des Affaires culturelles ».
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une variété de dénominations et par conséquent d'objets allant des « œuvres » aux « échanges
artistiques » et qui pouvait parfois être mêlés comme le furent par l’Association pour la
défense de la pensée et de l'art français.
Le phénomène décrit par Louis Dollot eut lieu cependant, et l’on passa bien des relations
« intellectuelles » qui dominaient surtout avant la Première Guerre mondiale à des relations
culturelles, incluant les expositions d’art français. La Première Guerre mondiale apporta de
nombreux arguments, pour l’utilisation des expositions d’art au sein de la diplomatie
culturelle et fut aussi le moment où on les utilisa pour la première fois.
2. Les arguments pour l'organisation d’expositions par la diplomatie culturelle
Les expositions officielles d’art français à l’étranger bénéficièrent au moment de la Première
Guerre mondiale, du renouvellement de la réflexion sur les fonctions de la diplomatie et de sa
réorganisation. Comme la Guerre de 1870 avec la Prusse avait favorisé la création de
l’Alliance française et la volonté d’impulser l’expansion à l’étranger de l’intellectualité
française79, la Guerre de 1914-1918, qui avait été cette fois mondiale, eut elle aussi des
conséquences sur l’organisation de la diplomatie, sur son contenu, et sur les actions qu’elle
impliquait.
Le passage d’une « diplomatie classique » à une diplomatie moderne, incluant une prise en
compte de l’opinion publique étrangère, eut un défenseur en la personne de Philippe
Berthelot, directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères (ministère Briand) à partir
d’octobre 1915. L’action de Philippe Berthelot allait dans le sens des conclusions données la
commission des affaires extérieures et le comité parlementaire d’action à l’étranger, animé
par Franklin-Bouillon. Pendant la Guerre, Philippe Berthelot essaya de préparer une
organisation d’ensemble de la diplomatie, regroupant des services divers, privés et publics, et
ceux de différents ministères, dont celui de la Guerre.
79 François Roche, « Propagande, promotion, influence de la guerre à la paix : le rayonnement culturel françaisentre initiatives individuelles et stratégies nationales d’influence », Les Républiques en propagande, op. cit., p.207 : « L'une des caractéristiques essentielles de la diplomatie culturelle française réside dans le fait qu'elle s'esttrouvée chaque fois renforcée et même, pour ainsi dire, reconstituée, à l'occasion des plus graves conflits que lepays a eu à affronter. Si les conséquences désastreuses pour l'influence culturelle française de la guerre franco-prussienne de 1870 ont sensiblement contribué à fédérer les énergies pour créer des réseaux d'influence tels quecelui de l'Alliance française en 1883, les deux guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945 ont été, l'une etl'autre, des occasions d'actions volontaristes de propagande intellectuelle qui se sont fortement structurées, dèsque la paix fut revenue. Mieux, les schémas de l'action culturelle nationale destinée aux pays étrangers ontsouvent été pensés pendant les conflits, en vue de les développer au retour de la paix. »
33
C’est Auguste Bréal, l’ami d’enfance de Philippe Berthelot qui dirigeait la section de
propagande. Celle-ci avait pour mission de diffuser une propagande écrite (tracts, brochures,
livres, articles), mais aussi de sélectionner des « missionnaires » et des conférenciers destinés
à faire connaître au monde la « vraie France »80. En 1917-1918, on donna une conclusion
ferme à cette action de coordination en créant le Commissariat général à l’information. Les
nouvelles missions du ministère des Affaires étrangères étaient ainsi entérinées, affirmées par
les nécessités des temps de guerre.
Le nationalisme qui explosa dans le champ artistique au moment de la Guerre joua aussi en
faveur de l’utilisation des expositions d’art français, et particulièrement de peinture et d’arts
décoratifs, par la diplomatie culturelle. On pourrait recenser un nombre important de discours
et d’essais rédigés pour certains par des hommes politiques qui donnaient aux arts plastiques
un rôle dans l’affirmation du prestige de la France à l’étranger. Paul-Boncour voulait que l’on
comprît l’intérêt que la France avait à soutenir ses arts décoratifs et à en favoriser le
commerce avec l’étranger81.
L’utilisation des arts décoratifs à des fins nationalistes avait un défenseur depuis la Guerre
franco-prussienne en la personne de Marius Vachon, un publiciste envoyé à plusieurs reprises
en mission officielle pour étudier l’organisation de la production des industries d’art dans des
pays européens82. Avant la Première Guerre mondiale, les arts décoratifs et la pensée
nationaliste étaient intimement liés. Le comité français des expositions, organisateur de la
section française de l’exposition des arts décoratifs de Copenhague de 1909, voulut
encourager, dans un rapport écrit en 191383, quatre ans après ladite exposition, une politique
cohérente en faveur des arts décoratifs français qui pâtissaient de la concurrence des arts
décoratifs allemands, pour lesquels une stratégie officielle avait été pensée. Il était impossible
selon les rédacteurs d’appliquer le même genre de stratégie, c’est-à-dire la promotion d’un
style national moderne, aux arts décoratifs français très attachés aux traditions et qui ne se
plieraient pas à une politique autoritaire. Les arts décoratifs français, s’ils ne pouvaient pas
subir pour cette raison de rénovation complète, devaient désormais regarder avec sévérité les
« pastiches » des styles du passé.
Dans les mêmes années, on avait aussi pu percevoir des mouvements de xénophobie et de
80 Jean Baillou, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, op. cit., p. 339.81 Catherine Amidon, La politique artistique française des années 30 : étude des expositions en France et àl'étranger, op. cit., p. 19.82 Voir le séminaire mis en ligne par Rossella Froissart, « Les Arts décoratifs au service de la nation, 1880-1918 », loc. cit.83 Exposition française d'art décoratif de Copenhague, rapport général précédé d'une étude sur les artsappliqués et industries d'art aux expositions, op. cit.
34
protectionnisme artistique en Allemagne, dont l’une des manifestations fut la « controverse de
Brême », menée par Carl Vinnen qui avait su remporter la signature de cent vingt trois artistes
contre l’importation d’art français en Allemagne en 191184, prétextant une incompatibilité
d’essence entre l’art français et l’art allemand.
Les réactions nationalistes déplaçaient ainsi le problème des rivalités artistiques
internationales, dont les principales causes étaient avant tout économiques, sur le terrain des
idéologies. La transformation par ces discours de la rivalité économique entre nations en une
confrontation exclusivement culturelle permit à la diplomatie française de s’emparer d’objets
qui au départ avaient une dimension bien trop mercantile pour qu’elle puisse les utiliser,
comme les œuvres et les objets d’art.
La même stratégie avait été employée pour la diffusion de la langue française comme le décrit
François Chaubet dans son étude sur l'Alliance Française. Cet organisme avait produit, dans
les premières années suivant sa création, un discours utilitaire qui exprimait combien la
diffusion de la langue française était bénéfique au progrès du commerce et qu’elle devait être
un accompagnement à toute action des négociants dans le monde. Ce discours évolua de la
manière suivante :
« Ce discours utilitaire perdit peu à peu de son importance, au profit de considérations plusstrictement politiques, à mesure que la compétition multiforme entre grandes nations sedéplaçait de plus en plus sur le terrain du symbolique. Dans cette vaste concurrence quianime les grandes puissances, le prestige culturel, sa conquête et son affirmation, devenaitune ressource précieuse85. »
3. Les prodromes d’une organisation de l’action artistique : le réseau de« propagande artistique » en Suisse pendant la Première Guerre mondiale
Dans le monde entier, mais particulièrement dans les pays neutres ou alliés, la Première
Guerre mondiale a été pour la France une période d’expérimentation de méthodes de
propagande artistique et de création de réseaux, qu’on espérait pouvoir exploiter à l’issue des
hostilités. Un des exemples des « schémas d’action culturelle nationale » (François Roche)
pensés à ce moment est celui qui fut créé par des Français envoyés en mission pour le compte
du ministère des Affaires étrangères et par des intermédiaires suisses. Les efforts de
propagande furent intenses en Suisse pendant la guerre. Il s’agissait d’un pays resté neutre, et
84 Franz Marc, Écrits et correspondance, ENSBA, coll. écrits d'artistes, 2006, 515 p., p. 118-120.85 François Chaubet, « L’Alliance française ou la diplomatie de la langue (1883-1914) », Revue historique, loc.cit., p. 770.
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d’un pays « tampon », situé entre l’Italie et l’Allemagne et qui seul pouvait faire obstacle à la
jonction des deux armées. Le besoin était impérieux d’alimenter la sympathie de la population
francophile par des actions pacifistes, mais on prit surtout soin de développer le réseau en
suisse alémanique, à Zürich, Bâle et Winterthur où la propagande culturelle et politique
allemande faisait une concurrence jugée dangereuse Le comte Harry Kessler, attaché culturel
de l’ambassade de Berne pendant la Première Guerre mondiale, y organisa, selon ses affinités
esthétiques, des expositions d’art86.
La France, pendant le temps de la Première Guerre mondiale, fut très présente sur les terres
suisses : y organisant, outre des conférences et des réseaux de librairie, quinze expositions
d’art français.
Il est significatif de comparer les efforts français avec les activités curatoriales de la Belgique
à l’étranger : Joost de Geest et Piet de Gryse ont montré que la Première Guerre mondiale
n’avait pas freiné les expositions artistiques belges à l’étranger, mais qu’elle avait produit
l’effet inverse, particulièrement chez les Alliés. Dans la capitale britannique, par exemple,
l’art belge « n’a jamais été présenté d’une façon aussi exhaustive que pendant la Première
Guerre mondiale87. » On peut dire la même chose de l’art français en Suisse pendant la
Guerre.
- Le réseau de propagande
Le ministère des Affaires étrangères, sous l’impulsion de son secrétaire général, Philippe
Berthelot, avait plusieurs types d’intermédiaires pour l’organisation de la propagande en
Suisse. Il y avait implanté un réseau d’agents du Département dans toute la Suisse romande,
alémanique ou de langue italienne, dirigé par Guy de Pourtalès88 depuis Berne. Tous ces
agents, dont était responsable Guy de Pourtalès, fournissaient des informations au Bureau et à
la Maison de la Presse du ministère des Affaires étrangères. René-Jean fut chargé de créer un
bureau central, pendant que l'éditeur Georges Crès et Jean Trarieux établissaient une antenne
à Zürich et que l’écrivain et peintre français Paul Reboux faisait de même à Genève dès
novembre 1916. Le réseau de propagande en Suisse fut une pépinière d’intellectuels qui
entrèrent ensuite dans la Carrière et contribuèrent à la transformer, comme le fit René
86 Michalka (dir.), Der Erste Weltkrieg : Wirkung, Wahrnehmung, Analyse, Seehamer Verlag, 1997, 1058 p.87Joost Geest et Piet de Gryse (dir.), Couleurs au front : les peintres au front belge (1914-1918), expositionorganisée à la galerie du Crédit communal, du 3 février au 25 mai 1999, Bruxelles, 1999, p. 8. Cités par Célinede Potter, Les expositions collectives d’art belge en France de 1919 à 1939, op. cit., p. 22.88 Les archives de Guy de Pourtalès se trouvent à l’Université de Lausanne.
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Massigli89. Ces acteurs avaient en charge la promotion de la culture française dans son
ensemble : ils organisèrent des tournées de la Comédie française, des concerts mais aussi des
expositions d’art. Ils s’appuyèrent sur des organisations associatives pro-françaises comme la
Société des Amis de la France, fondée à Lugano en 1917. L’activité éditoriale et la librairie
étaient très développées, et cela en grande partie grâce à l’action Georges Crès90. Crès était un
libraire-éditeur installé depuis 1909 au Quartier latin. En 1916, il fut chargé par Philippe
Berthelot, adjoint à la Direction des affaires politiques et commerciales du ministère des
Affaires étrangères, d’ouvrir à Zürich une librairie qui représentât la pensée française. L’un
des organes de la propagande française en Suisse fut la revue mensuelle Das Französische
Buch91 (Le Journal français), qui était publiée à Bâle, en Suisse alémanique. La revue,
littéraire et bibliographique, donnait à lire des articles de critique littéraire et des romans
feuilletons comme celui d’Adrien Bertrand, La Mort d’un soldat. Les éditeurs de la revue
furent en contact avec les autres agents français de la propagande culturelle comme René-Jean
à qui ils demandèrent de leur fournir régulièrement des articles. Ceux-ci devaient être toujours
consacrés « aux publications d’art et même aux expositions d’art français à l’étranger »92.
René-Jean répondit à la demande et fit publier des articles commentant les expositions d’art
que lui ou d’autres personnalités avaient montées.
Pour la question spécifique des expositions, Philippe Berthelot, qui avait visiblement
l’intention d’organiser pour la première fois une politique culturelle d’ensemble dans un pays
étranger, fit appel à plusieurs personnalités qui s’établirent en Suisse. Et parmi elles, il utilisa
les compétences d’un artiste suisse. Le ministère des Affaires étrangères eut en effet recours
aux actions de Carl Montag, peintre suisse qui avait déjà de sa propre initiative, à son retour
de Paris en 1903, commencé à diffuser l’art français dans les milieux artistiques et chez les
collectionneurs du canton de Zürich. Il avait déjà organisé en 1913 au Musée des Beaux-Arts
de Zürich une exposition d’art français moderne. C’est à la suite de cette exposition qu’il fut
remarqué par le cabinet de Philippe Berthelot. Il décrivit lui-même, en mars 1933, au chef du
Service des œuvres, les liens qu’il nourrissait avec le département à partir de la guerre :
89 Raphaële Ulrich-Pier, « René Massigli (1888-1988), Un grand du Quai d’Orsay », Relations internationales,n° 122, 2005/2, p. 13-16.90 Histoire de l’édition française, tome IV, op. cit., p. 204.91 Das Französische Buch, literarisch-bibliografische Zeitschrift, publié à Bâle par Gabriel Darquet et HenryDérieux.92 BNF, 8-Z-21 556, Lettre d’Henry Dérieux à René-Jean, le 31 mai 1917.
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« J’ai été pendant dix ans, de 1916 à 1926, l’intermédiaire et le délégué du ministèrefrançais des Affaires étrangères pour toutes les expositions d’art français en Suisse93. »
Le réseau suisse de propagande artistique, par la figure emblématique qu’était Carl Montag,
agissant encore pour le compte de la France huit années après la fin des hostilités, est
exemplaire de la volonté de pérennité des stratégies d’influence françaises à l’étranger après
la Guerre.
- L’action artistique du réseau de propagande
Les actions les plus nombreuses furent peut-être dédiées à la promotion de la littérature
française, bien qu’il soit difficile de le mesurer avec certitude. On peut cependant recenser
une dizaine d’expositions94 organisées par les acteurs que l’on vient de citer pour la seule
période des hostilités. Certaines d’entre elles étaient présentées comme des œuvres de charité
pour les artistes français souffrant des circonstances de la guerre. Elles étaient mises sur pied
avec la collaboration de la Fraternité des artistes français, organe associatif pour l’aide
financière aux artistes. Cette collaboration eut lieu pour la première fois de novembre à
décembre 1915 à Winterthur, ville industrielle du canton de Zürich. Carl Montag y présenta
l’exposition « La peinture française de Corot aux artistes du Salon d’Automne » qui rapporta,
pour les artistes de ce salon, par l’intermédiaire de la Fédération des Artistes Français,
180 000 francs-or et 10 000 francs. L’intervention des artistes de la jeune et sulfureuse
Société du Salon d’automne dans une opération patriotique et de propagande n’est pas
vraiment pour étonner : celle-ci était sollicitée la même année pour l’organisation du
camouflage militaire, présidée par le général Joffre, en août 1915.
On ne sait pas combien rapporta l’exposition de peinture française contemporaine organisée à
Bâle l’année suivante, mais elle le fut aussi au profit de la Fraternité des artistes français. Les
expositions de propagande étaient, comme ces deux expositions, le moyen de rappeler la
nécessité d’un soutien financier et moral aux artistes vivants.
Elles furent aussi l’occasion d’évoquer les horreurs de la guerre. Les locaux de la Société des
Amis de la France, fondée en 1917 à Lugano, reçurent pour cela une exposition de
photographies de guerre intitulée « Destructions allemandes en France et portraits de
généraux sur le front alsacien ». La plupart des expositions organisées par ce réseau
insistaient aussi sur le lien entre l’art national et le patriotisme en présentant les œuvres des
artistes partis au front : ainsi la villa Ciani de Lugano fut-elle le lieu choisi pour exposer les
93 AMAEN, SOFE, 559, Suisse, Lettre de Charles Montag à Fernand Pila, le 7 mars 1933.94 Nous n’avons retrouvé aucun des catalogues, s’il y en eut, de ces expositions.
38
œuvres des « peintres français aux armées » en avril 1918. C’est René-Jean qui se chargea de
rassembler les œuvres, dont une grande partie provenait des collections de l’État95. Les
œuvres de Bernard Naudin y figuraient, ainsi que celles de Jules-Emile Zingg, de René Piot,
d’Henri Lebasque, de François-Xavier Prinet, de Pierre Bonnard, de Gaston Balande et de
Serrière. Nationalisme et art étaient mêlés dans toutes les expositions présentées par ce
réseau. Ces expositions ne différaient pas en cela des expositions parisiennes comme celle de
la galerie Bernheim-Jeune qui avait confié aux soins de Léon Bonnat la réalisation d’un
« Album national de la Guerre » ou celle de la salle du Jeu de Paume intitulée « l’art à la
guerre » et qui présentait en 1915 les œuvres des artistes tués, blessés ou fait prisonniers lors
du conflit.
La France n’était pas le seul pays en guerre qui usait d’une telle propagande : la Belgique
organisait simultanément le même type d’expositions en France : le Musée de Rouen,
accueillit du 15 au 31 décembre 1916, une exposition d’art belge au profit des mutilés
belges96. La Belgique se présentait aussi par le biais de ces expositions d’art à l’étranger
comme une victime ou un martyre.
La propagande artistique fut remarquablement bien répartie dans les cantons suisses (voir les
annexes n° 1 et 2) mais on voit qu’elle fut plus particulièrement entretenue en Suisse
alémanique et dans les villes de langue italienne. La ville de Lugano, qui vient d’être citée
pour deux événements, était au cœur des attentions de la propagande artistique. Le vice-
président de la Société des Artistes décorateurs français, Clément Mère, y était d’ailleurs
installé depuis le début de la guerre. Et depuis 1917, l’action culturelle française y bénéficiait
de la présence de la Sociétés des Amis de la France, aux activités de laquelle participa Louis
Hautecoeur. Celui-ci, après sa mission à l'Institut français de Saint-Pétersbourg97, fut présent
sur la scène diplomatique suisse. Il y rédigeait des rapports destinés au ministère des Affaires
étrangères sur l'actualité politique et diplomatique italienne. Dans ses rapports, il insistait sur
la question des nationalités particulièrement complexe dans la région de Lugano, si proche de
Milan. On s’aperçoit aussi que Louis Hautecoeur participa à l’organisation d’expositions avec
la Société des Amis de la France. En novembre 1917, celle-ci décida de faire transférer à
Lugano une exposition de dessins, gravures et livres d’art français déjà réalisée à Zürich par
Paul Reboux puis à Genève, Lausanne, Bâle, Davos et Berne. Louis Hautecoeur, en bon
élément des services d’information français, décida d’apporter sa propre contribution à
95 BIF, Papiers Louis Hautecoeur, ms 6874, f 340, liste des œuvres.96 Céline de Potter, Les expositions collectives d’art belge en France de 1919 à 1939, op. cit., p. 22.97 Cf. p. 19.
39
l’exposition et ne voulut pas se contenter de la reproduire à l’identique. Sa correspondance
avec le ministère des Affaires étrangères contient des passages où il définit sa conception de
la propagande artistique française, son but étant de « prouver l'existence en France d'un art
moderne à opposer à l'art allemand et à l'art italien ». Les choix artistiques devaient se faire en
conséquence et devaient être bien déterminés en fonction de leur finalité politique : il « ne
conviendrait pas naturellement d'exposer des cubistes et des fauves trop rugissants »98. D’un
point de vue historique aussi, les représentants de l’action artistique française se
préoccupaient de définir la place de l’art français. Comme René-Jean qui en fit un article dans
la revue Das Französische Buch en 1917, ils étaient beaucoup à rappeler combien l’art
français constituait, depuis le XIXe siècle, un « grand chapitre de l’histoire de la peinture »,
succédant à la Renaissance italienne et à la grande époque de l’art flamand99.
C’est en Suisse alémanique que les expositions furent les plus fréquentes : il y en eut, rien que
durant les années de guerre, quatre à Zürich, trois à Winterthur, une à Bâle et une à Davos.
Ce terrain était surtout celui de Carl Montag qui était en relation avec les milieux artistiques
de Winterthur et de Zürich et qui avait introduit les artistes français comme Ker-Xavier
Roussel. Celui-ci eut ainsi l’opportunité, dès 1915 de décorer l’escalier du musée de
Winterthur, où venait d’avoir lieu, dans l’année, une exposition d’art français allant « de
Corot aux artistes du Salon d’Automne ».
On voulait, dans cette région germanophone, faire pièce à la propagande allemande jugée
intense. La propagande française en Suisse pendant ces années-là est un bon exemple pour
étudier la façon dont la France tout en développant des relations bilatérales avec l’étranger,
suivit aussi une logique multilatérale, une logique triangulaire en tenant toujours compte de
l’attitude allemande, thèse qui sera développée plus en détail dans la deuxième partie100. Ainsi
René-Jean présenta-t-il des lithographies de Pierre Bonnard pour le roman Daphnis et Chloé à
Winterthur en 1917. Quant à l’exposition organisée au musée de Zürich en octobre 1917 qui
présentait l’art français des XIXe et XX
e siècles (« Französische Kunst des 19. und 20.en
Jahrhundert »), elle était une réponse immédiate à une exposition d’art allemand organisée
dans le même musée un mois auparavant. Cette exposition fut la plus grande exposition d’art
98 BIF, Papiers Louis Hautecoeur, ms 6874, ff 269-272 et 279, Lettre de Louis Hautecoeur au ministre desAffaires étrangères.99 « Die Französische Malerei des 19. Jahrhunderts », Das Französische Buch n° 4, octobre 1917, p. 30 : « Dabeikam einem wieder einmal zum Bewusstsein, dass Frankreich im so geschmähten bürgerlichen und positiven 19.Jahhundert eine malerische Kultur entwickelt hat, die neben den grossen Epochen der dekorativen italienischenRenaissance und der erzählenden und porträtierenden niederländischen Kunst ein selbstständiges grossesKapitel in der Geschichte der Malerei vorstellt. »100 Partie II, « Le désir triangulaire : l’Allemagne, la France et les autres »
40
français jamais réalisée en Suisse alémanique. Son catalogue comprenait 362 œuvres et il était
préfacé par l’artiste Maurice Denis.
Pour ce qui est de la ville de Bâle, elle fut facilement acquise à la cause française, grâce au
conservateur du Musée des beaux-arts, G. Barth, qui organisa des expositions d’art français
dès 1912. Pendant la Guerre, en 1917, il participa à la réalisation de l’exposition faite au
profit de la Fraternité des artistes français. Il ne cessa pas, après la Guerre, d’organiser des
expositions d’art français dans sa ville et le consul de France dit de lui au ministre des
Affaires étrangères en 1931 :
« Grâce à lui, l'art français a pris peu à peu la place de l'art allemand qui régnait en maîtredans toute la Suisse orientale ; grâce à lui, les jeunes artistes de la Suisse alémanique ontrenoncé peu à peu à Munich pour prendre le chemin de Paris101. »
Barth, dans la ville de Bâle et Montag, dans le canton de Zürich, ne cessèrent pas leur action
artistique pro-française pendant l’entre-deux-guerres à tel point que le consul de France à
Bâle, dans ses rapports au ministre des Affaires étrangères sur l’influence intellectuelle
française en Suisse, insista sur les initiatives propres aux Suisses eux-mêmes et dit :
« Nous constatons également que la meilleure propagande, en cette matière, n'est pasforcément celle que nous organisons et que nous exportons, au petit bonheur, mais qu'ellese fait spontanément sur place, autour des œuvres qui répondent à la culture et à lasensibilité d'un public singulièrement averti102. »
Laisser les élites suisses se charger de la propagande culturelle française, c’est ce que firent
les services d’action artistique à l’étranger pendant l’entre-deux-guerres. Les musées et les
sociétés suisses supportèrent même tous les frais de ces actions103. Tout cela prouve bien sûr
l’intérêt porté à l’art français dans ce pays, mais aussi le désengagement opéré par l’État
français dès qu’il considérait qu’un réseau local pouvait fonctionner de façon autonome, sans
occasionner de frais publics.
4. L’action artistique dans les autres pays neutres
Les efforts artistiques français pendant la Guerre se portèrent aussi vers d’autres pays et
particulièrement les autres pays neutres et alliés. La Scandinavie et les États-Unis étaient deux
cibles privilégiées de l’action artistique de la France pendant la Guerre. L’existence d’un
101 AMAE-Nantes, SOFE, 559, Suisse, Lettre du consul de France au MAE, le 25 septembre 1931.102 AMAE-Nantes, SOFE, 559. Rapport du Consul de France à Bâle au Quai d’Orsay, le 27 juin 1932.103 AMAE-Nantes, SOFE, 559, Rapport de Carl Montag à Fernand Pila, le 7 mars 1933 : « il faut noter que lesfrais élevés de toutes ces expositions ont été supportés par la Société des Beaux-arts de la ville de Zürich ».
41
réseau de propagande semblable à celui créé en Suisse est peu probable dans ces régions : en
tout cas, les documents d’archives n’en mentionnent aucun. Mais l’attitude que certains
intellectuels français eurent en Scandinavie pendant la Guerre devait bien convenir aux
responsables des services de propagande. On peut lire pour s’en convaincre la préface
qu’offrit Guillaume Apollinaire à l’exposition de peinture française contemporaine organisée
au Kunstnerforbundet d’Oslo en 1916 :
« [Les organisateurs de l’exposition] ont choisi l'époque douloureuse et glorieuse de laguerre pour vous montrer que, même dans la tourmente, sans s'être mis le moins du mondeau-dessus de la mêlée, les artistes de France n'ont pas manqué au pacifique et sublimedevoir que leur impose la civilisation française104. »
Jean Cocteau et André Salmon avaient également rédigé leur préface à cette exposition,
donnant leur caution morale à une exposition qui présentait les œuvres de leurs amis105.
Dans ce pays devenu indépendant de la Suède depuis 1905 et qui avait proclamé sa neutralité
en 1914, la France voulait grandir son influence et empêcher que la proche Allemagne ne s’y
implantât trop.
- La conquête des États-Unis : l’étape décisive de l’exposition de 1915 à San Francisco
Aux États-Unis où la propagande allemande était aussi jugée très agressive, la France fit des
manifestations artistiques d’importance qui s’ajoutèrent à une propagande intensive du service
de presse qui investit les grandes universités.
À l’occasion de l’achèvement des travaux du canal de Panama, les États-Unis avaient décidé
de la tenue d’une exposition internationale à San Francisco en 1915106. Parmi les pays en
guerre, ni l’Angleterre, ni l’Allemagne n’avaient accepté d’y participer. La France profita de
cette absence pour démontrer à San Francisco le génie artistique français. Elle s’engagea et
massivement : le Parlement vota même des crédits supérieurs à ceux qui étaient initialement
demandés et cela permit de construire un pavillon de « la pensée française », reproduction du
Palais de la Légion d’honneur parisien construit par Rousseau. L’exposition de San Francisco
en 1915 constitua un des grands objectifs de l’action artistique du Bureau des Travaux d’art,
Musées et Expositions aidé du comité français des Expositions au moment même où l’on
104 « Den Franske Utstillung, Kunstnerforbundet, novembre-décembre 1916 », Guillaume Apollinaire,Chroniques d’art 1902-1918, op. cit., p. 531.105 Les artistes présentés à l’exposition d’Oslo en 1917 furent : Picasso, Vallotton, Marval, Galanis, Matisse,Bonnard, Cross, Gleizes, Marchand, Vlaminck, Signac, Perdriet, La Fresnaye, Agutte, Boussingault, Segonzac,Derain, Marquet, Dufy, Léger, Lhote, Friesz, Mare, Metzinger, Péquin, Villon.106 Jocelyne Rotily, Les Artistes Américains à Paris, op. cit. ,p. 86 et Alain Dubosclard, le chapitre sur « L’artmis en scène : San Francisco (1915), dans son livre l’Action artistique de la France aux États-Unis, op. cit.,p. 35-39.
42
essayait de faire entrer les États-Unis dans la guerre. À cette fin on avait abondamment
représenté les œuvres d’artistes mobilisés. L’opération était stratégique et aussi commerciale,
d’où l’importance numérique des arts décoratifs contemporains. L’exposition avait été
préparée dans le respect du goût américain, bien connu du commissaire de l’exposition Jean
Guiffrey. Le conservateur adjoint des peintures du Louve s’y était accoutumé pendant son
séjour de trois ans à Boston où il était en mission officielle. Le résultat en fut plutôt heureux,
du moins financièrement puisqu’un bénéfice de 100 000 francs fut réalisé. Jocelyne Rotily
remarque dans son analyse de l’événement, que l’activité de la presse artistique fut pour
beaucoup dans le succès de l’exposition de San Francisco.
Après l’entrée en guerre des États-Unis, la France continua à envoyer des expositions d’art
français aux États-Unis, aidée pour cela par le French Institute. Il y eut à nouveau des
expositions mêlant les thèmes de l’art et de la guerre107 : au French Institute, en 1917, on
exposa les œuvres d’artistes engagés dans l’armée. L’exposition était austère et patriotique et
pour l’occasion, on avait même décrété que le peintre Charles Duvent y serait envoyé comme
un peintre officiel du gouvernement français.
C. Les débuts de la diplomatie artistique : du service dedécentralisation artistique aux services permanents desministères de l'Instruction publique et des Beaux-Arts et desAffaires étrangères
Pendant la Première Guerre mondiale, la France avait fait feu de tout bois pour alimenter la
propagande à l’étranger. Elle s’était même décidée, malgré les principes forts de non-
intervention dans le champ artistique affirmés par la République, à se mêler de l’organisation
d’expositions à l’étranger. À l’armistice, elle ne changea pas de politique, mais au contraire la
conforta. À partir de services temporaires et liés aux circonstances de guerre, gérant les
missions des peintres aux armées et la création du camouflage, elle créa des services
permanents spécialisés dans l’action artistique en direction des pays étrangers, quels qu’ils
fussent. La politique artistique à l’étranger, liée depuis sa naissance à la culture de guerre par
ses buts – le maintien ou la préparation d’alliances militaires – et par sa forme – des
107 Le service de décentralisation artistique du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, créé l’annéed’avant, s’occupait quant à lui d’envoyer les artistes en missions aux armées.
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expositions au profit des victimes de guerre, etc. – s’en éloigna et s’adapta à la situation de la
France en temps de paix.
1. Le service de décentralisation artistique passe à la vie civile (service d’étudesd’action artistique)
Le service de décentralisation artistique avait été créé pendant la guerre au ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts et confié au musicien Alfred Cortot. Son personnel
étant constitué de « spécialistes mobilisés », le service fonctionnait en étroite dépendance
avec le ministère de la Guerre. Il reste assez peu d’informations sur les activités du service de
décentralisation, qui s’occupait principalement des « missions artistiques aux armées 108 ».
Comme l'idée originelle était d'avoir des témoignages artistiques des malheurs de la guerre,
les artistes étaient envoyés au front tout comme les photographes du service photographique.
Les listes d’artistes envoyés aux armées qui sont conservées aux archives nationales sont de
longues successions de noms oubliés ou même jamais connus à de rares exceptions près –
Naudin, Piot, Prinet109 – eux-mêmes bien moins connus que les artistes engagés dans les
unités de Guirand de Scevola pour s’occuper du camouflage et parmi lesquels on trouve des
fauves comme Camoin et les cubistes Braque, Jacques Villon et Roger de la Fresnaye. Les
artistes auxquels le service de décentralisation confiait une mission devaient revenir avec des
témoignages de la guerre. Ces témoignages plastiques furent utilisés pour des expositions
artistiques soutenues financièrement – en toute discrétion – par le ministère des Affaires
étrangères110 dans les pays neutres pendant la guerre : ces expositions, déjà évoquées plus
haut, sont peut-être un indice de la réussite des projets de Philippe Berthelot, qui voulait
coordonner l’action des différents ministères pour l’organisation de la propagande. Avec pour
point de départ des missions d'artistes aux armées, l'idée de la propagande à l'étranger par des
expositions artistiques vint donc assez vite à l'esprit des organisateurs.
Au service de décentralisation artistique avait été adjoint un Comité consultatif d’action
108 Arch. nat. F 21 3969 et 3670. « Missions artistiques aux armées ».109 Arch. nat. F 21 3979, « L'esprit de la France aux armées », 3 février 1917. Commission spéciale chargéed'instruire demandes de missions artistiques aux armées.110 F 21 3985, note d’Alfred Cortot à M. Saulnier, le 21 juin 1918 : « par suite d’une décision prise par M. Ribot,alors président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, il avait été entendu que le service dedécentralisation des Beaux-Arts, actuellement service d’études, serait autorisé, par le service d’informations àl’étranger à se faire délivrer moyennant justification de ses dépenses, les sommes nécessaires à sonfonctionnement. ». Le service d’Alfred Cortot reçut du service d’informations du ministère des Affairesétrangères 5 000 francs du 13 juin 1917 au 6 juin 1918.
44
artistique à l’étranger111 (décret du 13 novembre 1917), dont il est probable que les activités
portaient plus sur l’organisation de manifestations artistiques dans les pays neutres que sur
l’envoi d’artistes en mission aux armées. On connaît la liste des trente-deux membres (voir
annexe n° 3) figurant au départ dans ce comité. Le Comité consultatif d’action artistique à
l’étranger était composé de sénateurs, de membres des deux ministères des Affaires
étrangères et de l’Instruction publique, de présidents d’associations d’artistes, des directeurs
des théâtres et des salles de concert parisiens et de membres de l’Institut. La présence des
sénateurs était nécessaire à la préparation et au vote du budget de l’action artistique : ceux-là
étaient rapporteurs du budget des Beaux-Arts ou d’anciens sous-secrétaires d’État aux Beaux-
Arts. Au sein des Chambres, très bien représentées ici, la question de l’action artistique à
l’étranger était évoquée par les rapporteurs du budget des Beaux-Arts, mais pouvait l’être
aussi par des comités parlementaires comme le comité parlementaire d’action à l’étranger
mené par Franklin-Bouillon ou celui qu’avait constitué Émile Humblot, le groupe de l’art au
Sénat. La présence des présidents de toutes les grandes associations d’artistes (Société des
Artistes Français, Société Nationale des Beaux-Arts, Salon d’automne, Société des
Architectes diplômés par le gouvernement, Société des Auteurs et compositeurs dramatiques,
Société des Gens de Lettres) respectait les principes de pluralisme artistique que s’imposait la
Troisième République. Dans l’absence à ce conseil des conservateurs des musées nationaux,
ces derniers n’étant représentés que par la Société des Amis du Louvre et la Société des Amis
du Luxembourg, réside l’un des handicaps de l’action artistique extérieure à ses débuts : la
participation des musées nationaux à l’action artistique naissante ne lui était pas vraiment
acquise.
Le 26 février 1918, le service de décentralisation artistique fut confié à du personnel civil
uniquement et devint le service d’action artistique – dont le titre complet est « service
d’études des projets ou questions qui intéressent l’action artistique à l’étranger » – 112 créé par
Dalimier et dépendant de la division de l’Enseignement et des Travaux d’art du ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts. C’est toujours Alfred Cortot qui en était à la tête,
preuve de la continuité de ce service avec celui de la décentralisation artistique. Le but de ce
changement institutionnel était clairement de donner un caractère pérenne, « un statut régulier
et une organisation normale113 » à l’action artistique, et de la détacher de ses origines
111 Arch. nat. F 21 4709. Décret instituant un comité d’action artistique le 13 novembre 1917.112 Arch. nat. F 21 4709. Décret instituant un service d’études des projets ou question qui intéressent l’actionartistique française à l’étranger le 26 février 1918.113 Arch. nat. F 21 4709. Rapport de Lafferre au président de la République sur le décret instituant le serviced’études, le 25 février 1918.
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militaires.
La création de ce service comprenait la mise en place d’une section « d'études des questions
qui intéressent l'action artistique à l'étranger, afin qu'aucune initiative privée ou officielle ne
soit accueillie ou rejetée sans un examen attentif par des personnalités qualifiées ». Ces
« personnalités qualifiées » restaient les mêmes que celles qui gravitaient autour du service de
décentralisation artistique : c’étaient les membres du comité consultatif d’action artistique
mais dont la figure avait bien changé, passant de trente-deux à cent treize membres et ouvert
désormais à de nouvelles carrières : des conservateurs de musée, des directeurs de
manufactures mais aussi des artistes et des critiques d’art. Le comité fut divisé en deux
commissions dont l’une était chargée de la diffusion des arts dramatique, littéraire, musical et
cinématographique et l’autre des expositions de peinture, gravure, sculpture, architecture et
arts appliqués.
La seconde section du service était celle des renseignements artistiques internationaux,
nourris par les rapports sur la vie artistique internationale envoyés par des correspondants
vivants à l’étranger114.
Les archives de l’action artistique sont aussi très lacunaires : il est impossible d’avoir une idée
du nombre d’expositions auxquelles elle participa et d’en savoir exactement la teneur à
l’exception de celles qui furent organisées au cours de l’année 1921 pour laquelle existe un
compte rendu des manifestations réalisées et des projets en cours115. Les pays vers lesquels se
portait l’action artistique étaient ceux qui la demandaient : c’est ce que signifie déjà le titre
complet du bureau : « service d’études des projets ou questions qui intéressent l’action
artistique française à l’étranger ». L’étude des projets soumis par l’étranger était réalisée par
la section d’études et ces projets étaient ensuite discutés par le comité consultatif. Ceux
auxquels était donné un accord n’étaient pas intégralement pris en charge par le service
français, mais recevaient une « participation » officielle qui consistait la plupart du temps à
mettre en rapport les artistes avec les organisateurs étrangers116. L’absence de dotations pour
les manifestations artistiques du service d’études - qui l’obligeait à demander des subsides au
114 Arch. nat. F 21 4709. Dépêche de Robert Brussel. Robert Brussel parle de « 120 délégués et correspondants àl’étranger du Chili à la Finlande. »115 Arch. nat. F 21 3985. Service d’études d’action artistique à l’étranger. Manifestations réalisées ou en coursd’exécution, compte rendu du 23 mai 1922. Vingt-cinq pays étaient concernés cette année-là par l’actionartistique. Cinq expositions sont mentionnées seulement.116 Ibidem, p. 4. Voici un exemple d’une participation accordée par le service d’études à des organisateursétrangers : « Mise en rapport de diverses Sociétés de graveurs français avec une institution américaine d’artgraphique dans le but d’organiser aux États-Unis des expositions de gravure sur bois. Une exposition estactuellement réalisée et elle peut donner lieu à des relations régulières et utiles entre les artistes et une importantegalerie des États-Unis. »
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ministère des Affaires étrangères117 - montre la relative indifférence de l’État face à l’action
artistique officielle, qui jusqu’à présent, pendant la guerre, s’était faite sur des fonds secrets
ou grâce à l’initiative privée.
Pour pallier la trop grande dispersion des acteurs de l’action artistique entre les différents
services des ministères de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et des Affaires étrangères,
on avait établi sous l’égide de Léon Bérard, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-
arts en 1919, un programme d’expansion intellectuelle, qui serait désormais conduit par un
service unique mais Poincaré ne ratifia pas ce projet. L’action artistique était donc vouée à
rester divisée entre les services de l’Instruction publique et ceux du ministère des Affaires
étrangères. L’histoire du service d’action d’études d’action artistique est celle d’un échec
matériel et institutionnel : n’ayant pas réussi à obtenir un budget propre, il n’avait pas les
moyens de satisfaire ses prétentions.
Mais ce service contribua autrement à la constitution d’une diplomatie culturelle, en en
définissant les principes. Il montrait la voie à une action artistique respectueuse des demandes
de l’étranger et ouverte aux initiatives privées. En 1921, par exemple, le service avait
participé à une exposition des œuvres de Manet organisée par une association privée, la
Société suédoise de l’Art français.
Surtout, le service d’études d’action artistique à l’étranger introduisait dans les méthodes des
services officiels les principes d’une action fournie sur une très longue durée. La Première
Guerre mondiale, dont il a été démontré plus haut le rôle dans la naissance de la diplomatie
culturelle, avait vu naître un phénomène de très longues missions et de réseaux de propagande
établis pendant plusieurs années par la France à l’étranger. Leur réussite inspira sûrement le
service d’études. Le répertoire international artistique, entreprise de longue haleine, était le
symbole de cette nouvelle action artistique pensée sur le long terme. De la même manière, un
des critères principaux dans le choix des manifestations à soutenir était leur impact durable :
comme l’exposition de gravures aux États-Unis en 1921, toutes les expositions soutenues par
le service l’étaient à condition qu’elles puissent « donner lieu à des relations régulières et
utiles » entre la France et l’étranger. Il fallait, pour respecter un tel principe, enregistrer
méticuleusement le détail de toutes les manifestations que le service avait soutenues118 et sans
doute également de celles qu’il avait refusé de soutenir. L’âme du service d’études d’action
117 Arch. nat. F 21 4709. Dépêche de Robert Brussel sur les premières initiatives en faveur de la création del’association française d’expansion et d’échanges artistiques. Sans date. « Nos activités actuellement entravéespar manque crédits et par lenteur transmissions réponses positives ou négatives à demandes subsides arriventtoujours alors que manifestations sont plus réalisables ou dates opportunes échues. »118 C’est ce que faisait en effet le rapport annuel très détaillé du service d’études.
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artistique devait donc, pour l’accomplissement d’un tel projet, être son archiviste, dont nous
ne savons rien. Ironie du sort, les archives du service d’études – comme celles de
l’Association française d’action artistique – ne nous sont parvenues que par bribes
contrairement aux archives des services du ministère des Affaires étrangères qui, à l’époque,
devaient peu préoccuper leurs producteurs.
2. Le service des Œuvres françaises à l'étranger au ministère des Affairesétrangères
La Révolution française, suivie en cela par l’Empire, avait donné à son ministère chargé des
relations extérieures l'exclusivité des rapports institutionnels avec l'étranger (arrêté du 22
Messidor An VIII et décret du 25 décembre 1810). Le ministère des Affaires étrangères de la
IIIe République, qui n’avait pas perdu cet héritage, était l’organisme central de la diplomatie
culturelle française pour l’exécution de laquelle il avait créé un bureau des écoles à l’étranger
(1910), suivi par un service de l’information. Celui-ci, rendu très actif pendant la guerre sous
l’impulsion de Philippe Berthelot fut déchargé d’une partie de ses attributions par la naissance
du service des œuvres à l’étranger (décret du 1er janvier 1920).
Les archives de ce service chargé de toutes les actions culturelles de la France à l’étranger
(librairie, théâtre, musique et expositions) et non plus seulement des œuvres de bienfaisance,
témoignent de sa grande activité pendant tout l’entre-deux-guerres. Le nombre de dossiers
traités par le service des œuvres françaises à l’étranger est d’autant plus remarquable quand
on le rapporte à ses dimensions. Doté en personnel de dix membres en 1920, il n’en rassembla
guère plus de vingt119 jusqu'en 1939 aidés, il est vrai, par le réseau diplomatique (ambassades,
consulats et légations) ainsi que par les Instituts français. Rendant justice à cette activité, la
thèse de Dominique Bosquelle sur l’action culturelle de la France en Europe pendant l’entre-
deux-guerres fut aussi l’occasion d’écrire l’histoire du service des Œuvres120. De janvier 1920
au mois d’octobre 1921, c’est Albert Milhaud qui dirigea le service, à qui Jean Giraudoux
succéda dans ces fonctions.
Le service des œuvres françaises à l’étranger procédait de la même manière que le service
d’études pour ses manifestations artistiques, sans programme établi à l’avance, c’est-à-dire
sans politique artistique cohérente. Jamais le service des Œuvres ne parut réfléchir à la
119 Le service était installé dans les locaux de la Maison de la Presse à Paris, rue François Ier (VIIIe).120 Dominique Bosquelle, « L'Allemagne au cœur de la politique culturelle de la France en Europe centrale etseptentrionale dans l'entre-deux-guerres », loc. cit.
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cohérence de la diplomatie culturelle, qui était conçue en fonction des aléas de l’actualité
politique internationale.
Comme le service d’études, il se contentait d’accepter ou de refuser son patronage aux
solliciteurs, mais ses moyens financiers, bien supérieurs, lui permettaient d’œuvrer plus
facilement. Pour ce qui est des choix artistiques, le service des œuvres était censé en référer
au ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts qui devait donner un accord sur le
contenu de l’exposition. Ce protocole, que d’aucuns voulaient voir disparaître121 au profit
d’une action concentrée entre les mains du Quai d’Orsay, était cependant inévitable et le
service des œuvres ne pouvait l’ignorer. Le ministère de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts était le seul à être habilité à faire des choix artistiques, à intervenir sur le contenu des
expositions et c'est de lui dont dépendait le poste clef pour les expositions : celui de directeur
des musées nationaux122.
Le service des Œuvres françaises à l’étranger ne pouvait donc pas avoir, en théorie, sa propre
politique artistique. Mais la correspondance de Jean Giraudoux avec les représentants officiels
de la France à l’étranger prouve que le directeur du service était prêt à défendre certains choix
artistiques sans l’autorité des responsables des Beaux-Arts. Jean Giraudoux protégea
l’exposition de la « Jeune peinture française » contre l’ire de l’ambassadeur Pierre de
Margerie, qui en dénonçait l’esprit de décadence123. L’exposition qui faisait l’objet du litige
n’avait pourtant rien d’avant-gardiste et, en dépit de son titre, présentait des artistes nés autour
de 1870 comme Maurice Denis ou Georges Rouault. Comme en matière de diplomatie
artistique, un principe reconnu était d’user de la plus grande prudence et de modération
esthétique, l’argument de Pierre de Margerie aurait pu porter sans la résistance de Giraudoux
qui prouva à cette occasion qu’il savait défendre ses propres convictions artistiques. Les
expositions d’art français patronnées par le service des Œuvres durent être très rares au cours
des premières années du service si l’on en peut croire les dossiers conservés dans les archives
nantaises124. La création de l’Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques en
1922 eut certainement un rôle dans la multiplication des expositions que dut traiter le service
121AMAE-Nantes, SOFE, carton 9, Belgique. Pierre de Margerie, lettre au MAE 27 janvier 1921 : « c'est lecomité des Expositions à l'étranger qui s'est déjà chargé de l'organisation de la Section française. En vue d'évitertoute complication et de donner la suite la plus favorable à l'organisation de la section française, je pense qu'ilserait utile que cette affaire fût concentrée exclusivement entre les mains du Service des œuvres françaises àl'étranger. »122 Le directeur des musées nationaux était à l’époque Henri Verne.123 AMAE-Nantes, SOFE, carton 9, Belgique. Correspondance échangée entre l’ambassadeur Pierre de Margerieet le chef du service des œuvres, Jean Giraudoux, entre mars 1921 et janvier 1922.124 Les dossiers sont beaucoup plus nombreux au tournant des années 1930. On n’en a recensé aucun pourl’année 1920, alors que le service fut créé en janvier.
49
des œuvres par la suite.
3. La naissance de l’AFEEA (Association Française d’Expansion et d’ÉchangesArtistiques)
La création de l’Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, en mai 1922,
est une étape de plus dans la naissance de la diplomatie culturelle. Elle est présentée par ses
fondateurs comme la réponse donnée aux trop nombreuses difficultés de communication, aux
blocages et aux lenteurs qui paralysaient l’action artistique de la France, écartelée entre le
ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts et le ministère des Affaires étrangères.
L’AFEEA avait pour fonction de faire le lien entre ces diverses structures pour l’organisation
de manifestations, qui devait généralement être faite rapidement. La création de l’AFEEA est
aussi due, selon l’aveu de ses fondateurs, à la nécessité de faire intervenir l’initiative privée –
c’est-à-dire des fonds privés – dans l’organisation de manifestations culturelles françaises à
l’étranger pour lesquelles l’État ne prévoyait pas un budget suffisant.
L’argument utilisé par les partisans d’un appel au mécénat, dont faisait partie le directeur du
service d’études, Robert Brussel, était que nombre de manifestations artistiques à l’étranger,
dont il ne précisait pas s’il s’agissait des expositions d’art ou de représentations théâtrales,
pouvait facilement voir s’équilibrer leurs recettes et leurs dépenses125. Aux manifestations
assurées par avance d’un déficit – du fait d’un taux de change élevé avec le pays d’accueil, ou
pour d’autres raisons – on pouvait réserver les fonds de l’État.
Les fonds de l’État en question étaient de toute façon bien rares pour l’action artistique
française. On a vu les maigres subsides accordés par le ministère des Affaires étrangères au
service d’études en 1917-1918. Les années suivantes ne furent pas moins maigres. Paul Léon,
sans oublier de s’en attribuer tout le mérite, analyse ainsi les circonstances qui le
contraignirent à décider de la création de l’AFEEA :
« La paix à peine survenue, la Commission des Finances du Sénat taxa les nouveauxservices d'organisations parasites qui, nées de la guerre, devaient disparaître avec elle.Vainement essayai-je de démontrer que les Archives photographiques, constituant unerichesse nationale, ne pouvaient ni ne devaient être supprimées. Vainement représentai-jeque l'action à l'étranger par les arts plastiques, dramatiques, lyriques était plus que jamaisnécessaire dans la période troublée de l'après-guerre. Il me fallut avoir recours à des
125 Arch. nat. F 21 4709. Dépêche de Robert Brussel., s. d.
50
subventions privées et transformer les deux Services en associations constituées sous lepatronage de l'État126.»
Le recours à « l’initiative privée » fut en effet le moyen préconisé par la commission
supérieure d'enquête et par les conclusions du ministère des Finances. L’AFEEA, pensée sur
le modèle de l’Union centrale des arts décoratifs, c’est-à-dire comme une association
reconnue d’utilité publique subventionnée, permettait la création, grâce à la générosité des
mécènes, d’un capital souple dont avaient besoin les organisateurs d’expositions, ne sachant
pas à l’avance si elles seraient déficitaires ou non.
Une telle entreprise réunissant les deux caractères patriotique et artistique avait une chance
d’attirer sur elle les grands mécènes de l’époque, d’autant plus qu’elle était forte de l’autorité
officielle. Ce ne fut pas pécher par trop d’optimisme que de faire appel à la générosité privée.
La tenue de l’assemblée constitutive, qui se fit le 19 mai 1922 au Palais-Royal127 sous la
présidence du directeur des Beaux-Arts, Paul Léon, attira déjà, outre les responsables de la
diplomatie culturelle, des personnalités comme Jeanne Lanvin ou Henri Kahnweiler qui
donnèrent jusqu’à 50 000 francs. Cent soixante neuf donateurs étaient déjà rassemblés en
1922 autour de l’AFEEA et cotisaient à titre personnel.
Le trésorier de l’association, Henri de Rothschild, établit des bilans financiers qui prouvèrent
dans les premières années que cela n’avait pas été une erreur que de faire appel à des dons
privés. Les sommes données par les cent soixante-neuf membres cotisants128 pour l’année
1923-1924 s'élevèrent à 321 948 francs. Le marchand Sir Joseph Duveen apporta à lui seul
près d'un tiers des cotisations. La subvention du ministère des Affaires étrangères doubla ce
capital, augmenté en outre par le portefeuille de l’association ainsi que par des manifestations
bénéficiaires129.
La société civile aida l’AFEEA pour ses manifestations culturelles à l’étranger comme elle
avait aidé au sein des comités français pour les expositions universelles130. Une partie de la
presse quotidienne et artistique avait plus que jamais encouragé ses lecteurs dans cette voie.
Le directeur du journal La Renaissance politique, financière, artistique, Henry Lapauze, avait
ainsi fait paraître le 10 juin 1922 un des discours constitutifs de l’association, prononcé par
126 Paul Léon, Du Palais Royal au Palais Bourbon, op. cit. , p. 174.127 L’assemblée constitutive de l’AFEEA eut lieu dans les locaux du ministère de l’Instruction publique et desBeaux-Arts.128 Un membre perpétuel, vingt-deux membres fondateurs, quarante-neuf membres donateurs et quatre-vingt-dix-sept membres sociétaires.129 Centre de documentation de CulturesFrance, compte rendu du Conseil d’administration de l’AFEEA de 1925.Le portefeuille et les intérêts rapportèrent 7.135 et 8.944 francs, le MAE donna une subvention de 356 296francs. Les manifestations bénéficiaires rapportèrent 13 082 francs. Le solde disponible fut de 172 256 francs.130 Cf. le chapitre sur l'intervention de l'État en matière d'expositions d'art français à l'étranger avant la PremièreGuerre mondiale, p. 10
51
Robert de Flers à l’assemblée constitutive du 19 mai 1922, dans lequel il expliquait les
nécessités de la création de l’association131 (annexe n° 4).
Les articles qui parurent à propos de la création de l’association française pour relayer le
service d’études étaient avant tout des panégyriques des fondateurs de l’association. Comme
pour tout panégyrique, il fallait aussi faire le portrait de l’ennemi : ce fut le ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts, dont l’avarice, si nuisible à l’expansion artistique,
devait sauter aux yeux. Étienne Bricon la stigmatisa dans Le Gaulois (annexe n° 5) : « Le
Ministre donne des deux mains carte blanche à la seule condition qu’on ne se risque pas à
troubler son malheureux budget ». Face à cette avarice, il en était qui ne baissaient pas les
bras, convaincus de l’importance de leur mission et dont le courage était cité en exemple :
« [Robert Brussel], qui par les seuls moyens de sa volonté fait une œuvre extraordinaire(…) confiant de toute sa pensée dans la puissance individuelle, (…) ne recule point devantl’audace magnifique d’être un autonome132 ».
Tous les membres de la toute nouvelle association, jusqu’aux traducteurs et aux petites mains,
étaient décrits comme des apôtres, travaillant dans le désintéressement le plus louable :
« Un essaim de jeunes femmes d’élite, passionnées jusqu’au désintéressement pour unlabeur dont elles comprennent la raison, écrivent en quatorze langues133. »
Un mois plus tard, sur un tout autre mode, René-Jean militait aussi dans un quotidien pour
l’action artistique à l’étranger dont il avait été l’un des pionniers en Suisse. Il signa un article
dans Comoedia du 28 juillet 1922 sur « l'abstention des Artistes Français aux expositions
étrangères » et ne manqua pas de s’emporter contre ceux – les artistes en première ligne – qui
négligeaient l’importance de l’expansion de l’art français :
« La phase meurtrière de la guerre, en nous mettant dans l'obligation de nous faire connaîtreà l'étranger et de connaître l'étranger, aurait dû nous inciter à redoubler nos efforts durant saphase constructive, si rude pour nous. Mais il semble que nous n'ayons rien appris et toutoublié (…) rester veule et confiné dans un égoïsme satisfait, c’est tout simplementboycotter le renom français134 »
René-Jean ne mentionne pas à cette occasion l’existence de l’AFEEA, dont il n’était pas
131 Le discours de Robert de Flers fut sans doute envoyé à la presse par l’AFEEA elle-même car il fut aussipublié dans d’autres journaux comme dans l’article de Gérard Missaire, « La propagande artistique, discours deRobert de Flers », Comoedia du 12 juin 1922.132 Étienne Bricon, « Une visite au Palais-Royal », Le Gaulois, 9 juin 1922. Annexe n° 5.133 Ibidem.134 René-Jean, « Une lettre significative, l'abstention des Artistes Français aux expositions étrangères »,Comoedia, le 28 juillet 1922. L’absence des artistes français à l’exposition internationale du théâtre à Londresavait déclenché sa colère : « ce sont nos propres hommes de théâtre qui portent l'impardonnable responsabilité dela triste indigence de la section française à l'Exposition Internationale de Londres. »
52
membre, mais cet avertissement et ce blâme donnés à lire aux lecteurs de Comoedia, et qu’il
répéta par la suite régulièrement, étaient une bonne publicité pour l’association et ses
« apôtres » auprès du public. Plusieurs journaux souvent proches des meneurs de l’AFEEA
comme La Renaissance politique, littéraire et artistique ainsi que Le Gaulois et Comoedia,
menaient une offensive pour l’action artistique de la France à l’étranger qu’ils estimaient
urgente. Cette offensive contribua certainement à convaincre l’opinion publique du bien-
fondé de l’organisation de manifestations culturelles à l’étranger. La presse artistique et
généraliste des autres États européens avait joué le même rôle stimulateur pour leur action
artistique à l’étranger. Les figures de René-Jean, écrivant dans Comoedia et celle de l’italien
Ugo Ojetti se répondaient singulièrement. Ojetti, adressant aux fonctionnaires italiens dans les
pages de sa revue Dedalo des exhortations pour l’organisation d’expositions
gouvernementales à l’étranger comme celle que l’Espagne venait d’exporter au Burlington
House de Londres, tenait un rôle identique à celui qu’avait René-Jean en France135.
La démission de l’État vis-à-vis de l’action artistique dont la création de cette société en
participation donnait une preuve, était financière et morale, mais sur aucun de ces deux plans
elle ne fut radicale. L’AFEEA fut subventionnée pour moitié par les Affaires étrangères, et on
conserva une structure officielle au ministère de l’Instruction publique à laquelle l’AFEEA
était liée et dont elle était l’opérateur. Au moment de la création de l’AFEEA, on écarta la
solution trop radicale qui consistait à supprimer complètement le service d’études du
ministère de l’Instruction publique. L’association, dont on avait désigné pour directeur le
même que celui du service d’études – c’est-à-dire le musicologue Robert Brussel – devait se
surimposer à ce service et non le remplacer : on voulait conserver à l’action artistique
l’autorité officielle que lui conférait un service intégré dans un ministère. D’autre part,
comme il n’avait jamais été question de supprimer le service des œuvres du ministère des
Affaires étrangères, l’État conservait une autorité morale et la responsabilité sur le contenu
ces manifestations artistiques envoyées à l’étranger. L’AFEEA, qui partageait son directeur
avec le service d’études et qui était subventionnée par le Quai d’Orsay, était ainsi intimement
liée aux deux ministères, de l’Instruction publique et des Affaires étrangères qui conservaient
leur pouvoir décisionnaire.
135 L’article d’Ugo Ojetti est cité par Francis Haskell dans Le Musée éphémère, op. cit., p. 147. La référence estla suivante : Ugo Ojetti, « Commenti », Dedalo, I, III, 1921, p. 960.
Deuxième partie : la diplomatie artistique de l’entre-deux-guerres
Introduction à la deuxième partie
Au début des années 1920, il n’était plus possible de concevoir une diplomatie artistique
aveugle et à sens unique comme on l’avait conçue pendant la Première Guerre mondiale. Les
responsables de l’action artistique française en avaient pris leur parti dès la fin de la guerre en
compilant un répertoire artistique international et en créant une association pour les
« échanges » tout autant que pour « l’expansion » artistique française. L’esprit de la Société
des Nations présidait à ces activités, lui qui eut pour ambition de favoriser ces échanges par
un Institut international de coopération intellectuelle (IICI) fondé à Paris en 1925136.
L’action artistique française devait se concevoir en termes d’échanges et de réciprocité ; elle
devait aussi prendre en compte le fourmillement d’initiatives privées, en France et à
l’étranger, en faveur de l’art français. C’est sur les opportunités que lui offraient ces initiatives
privées que la France fonda sa diplomatie artistique dans les années 1920, l’érigeant en un
système « d’accompagnement culturel ».
Mais les crises économique et politique qui suivirent le Jeudi noir (24 octobre) de 1929 eurent
des conséquences sur la politique artistique française dans le monde qui ne pouvait désormais
plus guère s’appuyer sur les bonnes volontés privées comme elle l’avait toujours fait. Si la
France ne connut les effets de la crise économique qu’assez tardivement, vers 1931137, celle-ci
toucha de nombreux « amis de l’art » français établis à l’étranger dès 1929. Ces circonstances
forcèrent la France à infléchir son action artistique à l’étranger, nécessitant dès lors une
intervention plus marquée de l’État.
136 Archives de l’UNESCO en ligne http://www.unesco.org/archives/files/ag01sf00001f.pdf.Dans les statuts organiques de l’IICI, l’article I décrète que « Le Gouvernement de la République française, enconformité à l’offre par lui faite (…) au Conseil et à l’Assemblée de la Société des Nations, s’engage à fonder età entretenir un Institut international de coopération intellectuelle, placé sous l’autorité et le contrôle de la SDNdont le siège sera à Paris. »137 Frank Girault, Robert Frank, Turbulente Europe et nouveaux mondes, op. cit., p. 296-300. À l’été 1931, laFrance apparaît comme le seul État épargné par la crise.
54
A. Un nouvel ordre artistique international comme cadre del’organisation française : le système d’échanges d’expositionsnationales dans les années 1920
1. La multiplication des échanges artistiques officiels dans les années 1920
Francis Haskell, pionnier dans la réflexion sur ce domaine en particulier, dans son étude sur
les expositions de maîtres anciens138, remarque que « ce n’est qu’après 1918 que les musées
commencèrent à prêter régulièrement des tableaux à des expositions internationales ». En
effet, et si F. Haskell ne fait pas le lien avec la naissance de la diplomatie artistique, ces dates
concordent pourtant, dans le cas de la France et pour d’autres pays. C’est seulement à partir
de la création de services permanents d’action artistique à l’étranger que les musées furent en
quelque sorte « obligés » de prêter les œuvres des collections nationales. Les expositions d’art
officielles se multipliaient, auxquelles les États, et, de ce fait, les musées nationaux, pouvaient
difficilement s’abstenir de participer sans commettre un impair diplomatique.
a) Des cycles d’art étranger animent l’Europe.
La querelle des primitifs et de la naissance des arts nationaux, si vigoureuse au tournant du
siècle139, n’avait pas quitté les esprits après la première guerre, au contraire. Le Burlington
Fine Arts Club de Londres, dont les activités furent si finement analysées par Francis Haskell
dans Le Musée éphémère, raviva le penchant des milieux artistiques à la comparaison des
écoles nationales140 en montant avec l’aide du duc d’Albe une exposition de peintures
espagnoles de novembre 1920 à janvier 1921. Si Londres fut la première à organiser une telle
exposition, et avec tant de succès, Paris ne fut pas en reste longtemps puisque c’est en 1921
que le Jeu de Paume, lieu d’expositions temporaires depuis 1909, accueillit la célèbre
exposition hollandaise que visita Proust et qui fut fatale à son personnage Bergotte. « Il y
avait des années que Bergotte ne sortait plus de chez lui 141 », mais il fit une exception pour
138 Francis Haskell, Le Musée éphémère, op. cit., p. 172.139 En 1904 avait eu lieu l’exposition des primitifs français au Louvre.140 Francis Haskell, Le Musée éphémère, op. cit., chapitre « Botticelli au service du fascisme », p. 145 : « Aulendemain de la Première Guerre mondiale en revanche, mainte exposition au champ plus large mais à fortcaractère national allait être exportée vers un autre pays (peut-être les expositions de Maîtres anciens et d’artmoderne suivaient-elles, en l’occurrence, l’exemple des foires commerciales). »141 Marcel Proust, La Prisonnière, Paris, Robert Laffont, coll. Bouquins, p. 153.
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cette exposition hollandaise, attiré par l’article d’un critique sur la Vue de Delft de Ver Meer
et c’est sur un « canapé circulaire » du Jeu de Paume, qu’il rendit l’âme (annexe n° 6).
Londres et Paris étaient les deux grands centres pour les expositions d’écoles nationales, mais
ils ne furent pas les seuls. Dans l’entre-deux-guerres, presque toutes les capitales occidentales
accueillirent des cycles, certes moins prestigieux, d’expositions d’art étranger ainsi que des
« semaines culturelles » dédiées à un pays en particulier142.
- L’exemple londonien
L’étude du cycle d’expositions londoniennes et plus particulièrement de l’exposition italienne
de 1930 qui mit « Botticelli au service du fascisme » donnée par Francis Haskell dans Le
Musée éphémère, est irremplaçable. Les organisateurs d’expositions d’art ancien avaient
délaissé les expositions consacrées à un seul maître comme Reynolds ou Rembrandt ou à une
période précise de l’histoire de l’art au profit d’expositions d’art national englobant une
période bien plus large.
L’exposition organisée en 1921 par le Burlington Fine Arts Club présenta l’art espagnol des
maîtres anciens aux artistes vivants. La section moderne déçut le public, qui n’y vit qu’une
occasion de vente pour des artistes assez médiocres, mais l’exposition en général fut un grand
succès et suscita la jalousie des autres pays.
Les sentiments d’envie et d’émulation que suscita l’exposition espagnole donnèrent lieu à une
exposition d’art suédois en 1924 puis à une exposition d’art flamand (1300-1900) en 1927.
L’art italien suivit en 1929-1930, accueilli lui aussi dans les locaux de la Royal Academy, à
Burlington House. Les expositions étaient initiées et conçues par des connaisseurs, mais
portées aussi dès le début par la classe politique de chaque pays et par des organismes
politiques bilatéraux. L’Anglo-Belgian Union entendit ainsi « promouvoir les échanges
amicaux entre deux grands pays, qui depuis peu n’avaient plus de liens communs »,
autrement dit, il fallait perpétuer l’alliance de la Première Guerre mondiale. Le caractère
politique de ces expositions marqua dans un premier temps les contemporains comme le
journaliste et historien d’art Ugo Ojetti qui analysa l’exposition espagnole comme une
« exposition officielle, une exposition gouvernementale, un acte de propagande nationale143 ».
Après cela, les journalistes considérèrent toujours les expositions comme des actes politiques
mais en parlèrent, l’habitude s’installant, avec moins de naïveté.
142 La ville de Bristol accueillit ainsi une « semaine française » en 1930.143 Ugo Ojetti, « Commenti », Dedalo, I, III, 1921, p. 960, cité par Francis Haskell dans Le Musée éphémère, op.cit., p. 147.
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Les expositions du cycle londonien étaient des expositions de prestige, nécessitant des prêts
de très grands collectionneurs et des collections nationales. Il était impossible à la France de
ne pas prendre part à ce cycle auquel concourraient toutes les grandes nations européennes.
Le projet de l’exposition française fut initié en 1929, au moment de l’exposition d’art italien.
Ces lignes écrites par le journaliste Gabriel Boissy dans Comoedia témoignent des sentiments
de jalousie et du sursaut de fierté que les expositions du Burlington House suscitèrent en
France :
« L'an dernier, lorsque le Leonardo-da-Vinci traversa la Méditerranée et l'Atlantique pourporter jusqu'à Londres les merveilles de l'art italien, ce geste bien naturel, encore qu'un peuaventureux, fit se hérisser de sourde jalousie tous ceux qui, en France, s'occupent des Beauxarts. Le résultat de cette humeur fut d'ailleurs excellent. On décida aussitôt d'organiser àLondres, l'année suivante, c’est-à-dire en 1932, une grande exhibition d'art français144. »
C’est à Londres, en 1932, que la France organisa sa plus prestigieuse exposition d’art français
à l’étranger, y envoyant plus de « 350 à 400 chefs-d'œuvre, sans parler d'un nombre presque
égal de dessins145 » et mobilisant les musées nationaux comme jamais elle ne l’avait fait
auparavant, hormis pour des expositions universelles. Les expositions organisées à Londres
n’étaient en effet pas loin d’avoir l’importance des sections françaises aux expositions
internationales, impression que confirme un article paru dans la revue de l’Office
international des musées, Mouseion, en 1930 :
« Les expositions contemporaines au domaine limité à une ou quelques-unes des branchesde l’activité humaine deviennent d’autant plus populaires que les expositions universellesont perdu la faveur dont elles jouissaient autrefois146. »
Les expositions d’art étranger accueillies à Paris dans les salles du Jeu de Paume avaient de
nombreux points communs avec celles de la Royal Academy de Londres, bien qu’elles n’en
eurent jamais les dimensions et le prestige. Le cycle d’expositions du Jeu de Paume suivit en
effet très vite la trace de celui de Londres tout en se développant différemment, à la française.
- Paris et son Jeu de Paume
De 1909 à 1922, le Jeu de Paume, annexe du Musée du Luxembourg, fit office de « palais des
expositions » parmi lesquelles certaines étaient consacrées à l’art étranger. Après l’exposition
d’art hollandais de 1921, le Jeu de Paume fut transformé par le conservateur du Musée du
Luxembourg, Léonce Bénédite, en un musée des écoles étrangères contemporaines. Le
144 AMAE-Nantes, SOFE, carton 19, Grande Bretagne, exposition d’art français à Londres en 1932, coupure depresse : Gabriel Boissy « le système des demi-portions », Comoedia, 24 novembre 1931.145 AMAE-Nantes, SOFE, carton 19, dossier de presse, extrait du Journal, du 14 décembre 1932.146 Alfred A. Longden, « L’importance des expositions d’Art étranger », Mouseion, 1930, Quatrième année,Volume 11, p. 179
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nombre d’œuvres dont se défit le Musée du Luxembourg – quatre cent vingt en tout - n’était
pas très important : il ne dépassait pas le nombre d’œuvres présentées à des expositions de
taille normale, Mais cela suffit à désengorger quelque peu le Musée du Luxembourg et surtout
cela répondait à des exigences politiques quant au « droit de cité » des artistes étrangers à
Paris. Le déménagement des 420 œuvres se fit au printemps 1922 : les œuvres une fois
installées, il restait une bonne place pour l’organisation d’expositions temporaires.
Les Musées nationaux français, en décidant d’organiser un cycle d’expositions d’art étranger
dans les salles du Jeu de Paume, ne pouvaient pas négliger les initiatives déjà prises par les
sociétés d’artistes pour leurs confrères étrangers, à l’exemple de la Royal Academy et du
Burlington Fine Arts Club. Les expositions d’art étranger connaissaient déjà des précédents à
Paris dans les expositions organisées par les différentes sociétés d’artistes : la Société des
Artistes français, la Société des Artistes Indépendants, la Société Nationale des Beaux-Arts et
même le plus jeune Salon d’Automne147. Avant la Première Guerre mondiale, les expositions
temporaires d’art contemporain dans les musées étant très rares, les artistes avaient pris pour
habitude d’exposer dans les salons et les galeries, y compris à l’étranger.
Les expositions d’art étranger ne disparurent pas des sociétés d’artistes après la mise en place
des expositions du Jeu de Paume. Les responsables de l’action artistique française prirent en
compte dans leurs programmes en direction de l’étranger l’accueil que les associations
d’artistes comme la Société Nationale des Beaux-Arts avaient fait aux artistes étrangers.
Celle-ci ayant accueilli une exposition d’art polonais en 1921148, l’exposition d’art français
demandée par la Pologne au service des œuvres françaises à l’étranger et à l’AFEEA pour les
villes de Poznan, de Varsovie, de Vilno, de Lwow, de Cracovie, et de Lodz en 1922, fit une
large part aux artistes de la Société Nationale des Beaux-Arts. La liste fournie au départ par le
comité polonais aux organisateurs français était loin d’établir une bonne représentation de
cette société d’artistes qui ne vivait plus son heure de gloire. Les Polonais exprimaient plutôt
le désir de voir exposées les œuvres de Friesz, Matisse, Vlaminck, Dufy, Utrillo, Valadon,
Braque, Léger, Herbin, Bourdelle ou Maillol149. Mais le directeur des Beaux-Arts, Paul Léon,
insista pour que l’exposition respectât le principe de « courtoisie » en offrant à la Société
147 Le Salon d’Automne accueillit les expositions suivantes : l’art russe en 1906 (avec comme commissairegénéral Serge Diaghilew), l’art scandinave en 1906, l’art belge en 1907, l’art finlandais en 1908, l’art moderneitalien en 1909, une deuxième exposition d’art belge en 1921, l’art japonais en 1923, la Sécession berlinoise en1927, l’association tchèque Hollar en 1928, l’art polonais en 1931. Cf. Pierre Sanchiez, Dictionnaire du Salond'Automne, 1903-1945, op. cit.148 Voir pour le détail de cette exposition Gaïte Dugnat, Les Catalogues des salons de la Société nationale desBeaux-Arts, op. cit.149 AMAE-Nantes, SOFE, carton 29, Pologne. Lettre du service d'études au Quai d’Orsay le 25 octobre 1922.
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Nationale des Beaux-Arts la réciproque de l’exposition qu’elle avait organisée en faveur des
artistes polonais l’année précédente150.
Au moment de la création de l’Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques
qui avait bien besoin d’une telle salle pour satisfaire ses principes de réciprocité dans les
échanges artistiques, on aménageait les salles du Jeu de Paume pour leur nouvelle fonction.
Les statuts du Jeu de Paume étaient d’ailleurs fondés sur un accord entre les services du
ministère des Affaires étrangères et les Musées nationaux151. Le programme des expositions
du Jeu de Paume fut plus marqué par les impératifs politiques que par des raisons purement
artistiques, ce que les acteurs de l’époque comprirent bien, et en premier lieu les journalistes.
Loin de susciter des réactions xénophobes dans la presse, l’ouverture du Musée du
Luxembourg fut analysée comme un moyen d’influence sur les autres pays :
« Se faire aimer ! (…) Pour plaire, il ne convient pas de s’offrir, mais de regarder etd’admirer à temps : la séduction est, à la différence de l’amour, une méthode objective.Laissons entendre aux Boliviens qu’ils nous plaisent, et tout aussitôt nous leur plairons152. »
Léonce Bénédite avait compris toute l’importance pour la diplomatie culturelle française de
l’annexe du Musée du Luxembourg qu’il dirigeait. Devançant les menaces de fermeture de
cette annexe, il exposa au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts tout l’intérêt
qu’il y avait à favoriser l’exposition des œuvres des artistes étrangers à Paris : « Je ne crains
pas de dire que cette consécration que nous donnons à leurs œuvres, et même d’un point de
vue politique, constitue la meilleure des propagandes153. »
En 1923, comme pour en donner l’exemple, il prit en main l’organisation de l’exposition d’art
belge154 en coopération avec les organisateurs belges. Céline de Potter155 a souligné
l’implication du conservateur français comme particulièrement remarquable et en est
parvenue à se demander si le véritable organisateur de l’exposition d’art belge n’était pas
Léonce Bénédite.
La soumission du programme d’expositions à la diplomatie de la France choqua malgré tout
et déçut les historiens de l’art qui attendaient plus d’indépendance de la part d’un musée,
150 AMAE- Nantes, SOFE, carton 29, Pologne. Lettre de Paul Léon au directeur du service des Œuvres, le 1er
octobre 1922.151 Léonce Bénédite avait pensé dans un premier temps utiliser le séminaire Saint-Sulpice. Pour de plus amplesinformations, se reporter au catalogue sur l’histoire du Jeu de Paume, Le Musée des écoles étrangères. Jeu dePaume : histoire, op. cit.152 Etienne Bricon, « Une visite au Palais-Royal », Le Gaulois, 9 juin 1922.153 Arch. nat. F 21 4473 Musée du Jeu de Paume, Tuileries. Dossier 4. Collections ouverture d’une annexeconsacrée aux écoles étrangères 1919-1922, lettre de Léonce Bénédite au ministre de l’Instruction Publique etdes Beaux-Arts du 28 novembre 1922, citée par Céline de Potter, op. cit., p. 60.154 Exposition de l’art belge ancien et moderne au musée du Jeu de Paume, du 10 mai au 10 juillet 1923.155 Céline de Potter, Les expositions collectives d’art belge en France de 1919 à 1939, M2, op. cit., p. 42.
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même national. Waldemar George, en 1930, se montra affligé de ces choix soumis au
politique :
« Paris devrait poursuivre régulièrement l’application d’un programme artistique. Ceprogramme, ce « répertoire », n’a-t-il pas été inauguré, il y a cinq et six ans, par lesexpositions de peinture flamande et hollandaise, à la salle du Jeu de Paume ? Cesmanifestations auraient-elles pu être suivies de vastes rétrospectives d’art italien, allemand,espagnol, et… français. Or, qu’ont fait les organisateurs ? Pour des raisons que je veuxignorer, ils ont préféré montrer aux Parisiens des spécimens d’un intérêt douteux, d’artsuédois, roumain, autrichien, helvétique. L’exposition d’art suisse156 avec… Holbein,l’exposition d’art autrichien avec… Albert Dürer, étaient des défis, non seulement au senseuropéen, mais aussi au bon sens de l’histoire de l’art157. »
Le modèle de « répertoire » que Waldemar George avait en tête, comme il est perceptible
dans ses propositions d’exposer l’art « italien, allemand, espagnol », était une imitation de
celui du Burlington Fine Arts Club auquel le cycle du Jeu de Paume était en effet loin de
ressembler. Le Jeu de Paume avait accueilli, depuis l’exposition d’art hollandais en 1921, une
exposition d’art belge ancien et moderne en 1923, une exposition d’art suisse - de Holbein à
Hodler - en 1924, une exposition d’art roumain en 1925, une exposition d’art danois en 1928.
Les exhortations de Waldemar George furent lancées dans le vide car les expositions qui
suivirent, hormis la vaste rétrospective d’art italien de 1935 au Petit Palais, furent consacrées
à l’art chinois – en 1933 – et à l’art letton – en 1939 –.
Le Jeu de Paume n’était pas le seul musée parisien à accueillir des expositions officielles
d’art étranger à Paris : le Musée Galliera et le Musée des Arts décoratifs le faisaient aussi. En
1929, l’exposition d’art suédois – depuis le Moyen-Âge jusqu’en 1880 – n’eut pas lieu au Jeu
de Paume mais bien au Musée des Arts décoratifs. Et cette exposition fut considérée comme
tout aussi importante d’un point de vue diplomatique puisqu’elle éveilla la jalousie du voisin
norvégien qui dit vouloir aussi, dès que ses obligations dans d’autres pays seraient déliées,
exposer son art national à Paris, ainsi qu’on en avertit le ministère des Affaires étrangères
français158. Le directeur de la Galerie nationale d’Oslo exprimait dans l’Aftenpost les raisons
pour lesquelles l’exposition d’art suédois du musée des Arts décoratifs ne pouvait pas être
immédiatement suivie d’une exposition d’art norvégien :
« Nous avons déjà en ce moment trop d'expositions à l'étranger pour songer à en faire unenouvelle. Nous en avons une à Kiel, une à Copenhague, une autre à Budapest, et il estquestion d'en faire une à Barcelone. Mais l'idée me fait plaisir. »
156 L’art Suisse du XVe au XIXe siècle, de Holbein à Hodler, Paris, musée du Jeu de Paume, juin-juillet 1924, cat.Léonce Bénédite, D. Baud-Bovy et al.157 Waldemar George, « Paris demeure-t-il le centre artistique du monde ? », L’Art vivant 1930, 1er mars, p. 219.158 SOFE, carton 26, Norvège.
60
La formule des expositions d’art national n’eut peut-être jamais autant de succès que pendant
l’entre-deux-guerres. Les sociétés d’artistes françaises, qui organisaient déjà des expositions
d’art étranger, réfléchissaient de plus en plus en termes de nationalités. Le Salon des
Indépendants proposa ainsi en 1923 un classement de ses artistes par nationalités. Cependant
des artistes s’y opposèrent, comme André Lhote pour qui cela semblait « coïncider
dangereusement avec la vague de nationalisme qui submerge la plupart des conservateurs en
Europe159. »
Les expositions d’art étranger au Jeu de Paume, au Musée des arts décoratifs ou au Musée
Galliera signifiaient au monde, surtout lorsque des réflexes de concurrence étaient ainsi
déclenchés, la place principale qu’occupait Paris dans les échanges artistiques internationaux.
Le terrain d’émulation travaillé par le Jeu de Paume, et par la diplomatie artistique en général
restait très européen, malgré quelques excursions vers l’art chinois et l’art américain. Et pour
ce qui est de l’Europe, elle était balayée de ses limites orientales jusqu’aux rivages
occidentaux160.
Ces expositions parisiennes furent aussi un moyen de maîtriser un certain discours sur la
relation qu’entretenaient les arts nationaux de bien des pays – on ne poussa pas le
raisonnement jusqu’à l’absurde en l’affirmant pour la Chine – avec l’art français. Par ces
expositions, on comptait rappeler la dette des arts étrangers vis-à-vis de l’art français,
inspirateur universel.
Pour cela, on laissa la parole aux étrangers que l’on ne pouvait pas décemment soupçonner de
nationalisme pro-français… En réalité, on fit appel, pour tenir ce discours, à des amis de la
France, comme le collectionneur roumain, le docteur Jean Cantacuzène. Le scientifique, qui
avait suivi la majeure partie de sa scolarité à Paris – du Lycée Louis-Le-Grand à l’Institut
Pasteur –, n’eut pas trop de scrupule à décrire dans la préface de l’exposition d’art roumain en
1925 une genèse de l’art roumain, évidemment né au contact de l’art français.
André Dezarrois, le directeur du Jeu de Paume, cherchait uniquement, par son programme
d’expositions, à trouver de bons témoignages d’allégeance à l’art français de la part des arts
étrangers. Mathilde Arnoux, en analysant les éléments qui firent échouer l’exposition des
œuvres de Max Liebermann en 1927, souligne la ténacité de Dézarrois en faveur de
l’impérialisme artistique français. Selon elle, l’ouverture d’André Dezarrois à la peinture
159 Cité par Marie Gispert, « L’Allemagne n’a pas de peintres », op. cit., p. 38.160 Voir plus loin la partie intitulée « Clientèles ou publics », qui revient plus longuement sur la répartition desactions artistiques françaises dans le monde et sur leur signification.
61
contemporaine étrangère se « limitait donc aux artistes qui travaillaient en France ou dont l’art
pouvait témoigner du rayonnement artistique français. »
Le peintre Max Liebermann était mal venu dans ce programme flatteur pour la France161, lui
qui avait signé le manifeste des 93 en 1914. Ce manifeste paru le 4 octobre 1914 sous le titre
de Aufruf an die Kulturwelt, était une défense de l’Allemagne après son agression, mal
perçue, de la neutralité belge. Mathilde Arnoux ne fait pas de Dezarrois un patriote isolé par
son fanatisme, puisqu’elle désigne aussi la réaction des Anciens Combattants, considérant ce
projet d’exposition comme un « outrage d’Herriot à l’égard des Français », parmi les attitudes
qui firent échouer le projet d’exposition Liebermann à Paris162.
Ce n’est donc pas sortir du sujet sur la diplomatie artistique de la France que de s’intéresser à
l’accueil des arts étrangers à Paris dans les décennies 1920 et 1930 dans le cadre des
expositions, accueil fait en réalité pour procurer à la France un miroir fidèle dans lequel elle
pouvait s’admirer à loisir. La politique d’acquisition des musées nationaux, lorsqu’elle est
soumise à l’étude, révèle les mêmes techniques d’affirmation de l’art français par l’intérêt
porté à des œuvres soumises aux influences françaises. À l’inverse, rien n’était fait pour les
courants artistiques indépendants de toute influence française comme les Pré-Raphaëlites ou
le Jugendstil163.
Les théoriciens et les historiens sacrifiaient aussi à ces topoi de la diplomatie culturelle qui
voulaient que l’on n’oubliât pas, dès que l’on s’exprimait au sujet de l’art français et de son
rapport à l’étranger, de rappeler qu’il n’existait pas d’échanges unilatéraux, mais uniquement
des échanges réciproques et des relations équitables. Mais le sentiment de supériorité français
resurgissait nécessairement comme dans les thèses de Louis Réau qui, après avoir ému son
lecteur par l’intérêt nouveau qu’il déclarait porter aux artistes étrangers vivant en France164, ne
traita de ces étrangers que sous le rapport de l’influence française qu’ils avaient subie.
Les expositions parisiennes d’art étranger étaient aussi l’occasion d’établir une hiérarchie des
arts nationaux, que dominait bien sûr l’art français grâce à la continuité de son génie
161 Mathilde Arnoux, « Peinture et diplomatie dans l'entre-deux-guerres, l'exemple de l'échec du projetd'exposition Max Liebermann au musée du Jeu de Paume en 1927 » : « ainsi dans l’entre-deux-guerres,l’affirmation de l’indépendance des tendances artistiques étrangères à l’égard du modèle français étaitétroitement liée à la définition de l’identité nationale, l’art ou l’artiste qui incarnait cette identité devenaient alorsun enjeu politique. », loc. cit., p. 114.162 Mathilde Arnoux, « Peinture et diplomatie dans l'entre-deux-guerres, l'exemple de l'échec du projetd'exposition Max Liebermann au musée du Jeu de Paume en 1927 », loc. cit., p. 112.163 Un bon terrain d’études serait les acquisitions du Musée du Luxembourg à cette époque.164 Louis Réau, Histoire de l’expansion de l’art français, op. cit., Tome I, p. VI. « J’ai pris soin de noter à côtéde courants d’influences qui ont leur source en France, les contre-courants issus du dehors et je me suis attaché àsuivre non seulement les artistes français à l’étranger, mais aussi (c’est là, je pense, une des principalesnouveautés de cette enquête) les artistes étrangers en France. Mon Histoire de l’expansion de l’art français estdevenue en réalité une Histoire des relations artistiques entre la France et les pays étrangers. »
62
artistique, devançant même l’Italie165.
Le concept même d’art national était refusé à certains pays à la suite d’une exposition pas
assez convaincante au Jeu de Paume, comme ce fut le cas pour la Suisse ainsi que pour
l’Autriche en 1937. Les auteurs du Bulletin de la NRF de juin 1937 eurent assez de recul pour
écrire que l’exposition du musée du Jeu de Paume était « faite pour montrer qu’il n’y a pas
d’Autriche166 ». Enfin, dans ce système hiérarchique, la France était présentée comme
l’unique pays exerçant une influence universelle sur les arts. Et bien sûr, on minimisait
l’influence que pouvait avoir l’art allemand sur les arts de ses voisins : le catalogue de
l’exposition d’art danois au Jeu de Paume précise que « la peinture « nationale » danoise
évitait soigneusement toute influence de l’étranger (…) Plus tard, quand les peintres danois
traversaient l’Allemagne pour aller en Italie, ils regardaient avec mépris les peintres routiniers
des écoles de peinture de Düsseldorf et de Munich167. »
L’attitude hautaine et le mépris français des courants artistiques étrangers dominaient les
discours à un moment où la suprématie de l’art français était justement remise en cause et où
l’on cherchait à l’étranger des alternatives différentes au modèle français. La réception de l’art
français en Allemagne a fait l’objet de nombreuses études, dont celle de Marie Gispert168.
Après la guerre, en Allemagne, cette réception suscitait deux attitudes : la première consistait
à considérer l’art français comme un modèle indépassable et à s’y référer constamment, la
seconde, qui existait déjà avant la Première Guerre mondiale mais qui se répandit après la
défaite de 1918, proposait de remettre en cause la prééminence de l’art français et d’affirmer
la valeur retrouvée de l’art allemand, jugé digne de concurrencer l’art venant d’outre-Rhin.
Les discours des Français sur la prééminence de leur art dans le monde étaient de plus en plus
éloignés de la réalité des courants artistiques à l’étranger. Cependant, dans les pays « clients »
de la diplomatie politique française, nombreux en Europe centrale, on n’était pas encore prêt à
dénoncer cette volonté de suprématie culturelle et artistique et on se pliait au jeu des échanges
d’expositions, inévitablement favorables à l’art français.
Ce système d’échanges, contaminé par les principes de la diplomatie politique, accordait une
165 Mathilde Arnoux, op. cit. En 1935, on modéra cependant le discours sur le voisin italien que l’on souhaitaitménager. « Mais ici, l’art d’un Modigliani, installé en France, est rattaché à l’authentique tradition italienne : laFrance n’ose pas, dans le contexte diplomatique de l’époque, prétendre à une quelconque supériorité surl’Italie. »166 Paulhan-Lhote, Correspondance, 1919-1961, op. cit., p. 241, note 5.167 Catalogue de l’exposition d’art danois au Jeu de Paume, 1928.168 Marie Gispert, « L’Allemagne n’a pas de peintres », op. cit.
63
place primordiale à la réciprocité sans laquelle on estimait s’exposer à une crise diplomatique
aiguë. Les ambassadeurs, ceux qui avaient suivi la Carrière, étaient les plus prompts à
dénoncer les manquements à ces règles. Pierre de Margerie, ambassadeur de France à Berlin
depuis 1922, observait dans un rapport envoyé au Quai d’Orsay en avril 1930169 la faute
diplomatique du ministère des Affaires étrangères allemand, la « Wilhelmstrasse », qui, après
avoir patronné une exposition d’art allemand à Varsovie au cours de l’année 1929, refusa
d’accueillir officiellement une exposition d’art polonais en Allemagne. Selon Pierre de
Margerie, que personne ne pouvait contredire, l’attitude de l’Allemagne n’était guère
défendable et ne représentait surtout pas un exemple à suivre.
Dans l’ensemble, les organisateurs respectèrent scrupuleusement le principe de réciprocité, ce
qui eut pour conséquence l’instauration dans de nombreux pays de cycles d’expositions d’art
étranger.
- Après Londres et Paris, l’imitation du modèle dans d’autres capitales
L’envoi des expositions dans un pays, quel qu’il fût, signifiait qu’il devait en rendre la
politesse et accepter une exposition d’art étranger sur son sol. Les dossiers des expositions
d’art français envoyées à l’étranger conservés à Nantes révèlent très souvent que l’exposition
française en question suivait ou était suivie par une exposition d’art allemand, italien espagnol
ou anglais organisée dans le même lieu. La multiplication de ces échanges força certaines
capitales à créer des bâtiments pour jouer le rôle de Burlington House ou du Jeu de Paume.
Lorsqu’un local n’était pas prévu à un tel effet, ce sont les musées nationaux – ou les locaux
des associations d’artistes – qui devaient accueillir les expositions. Cette dernière solution,
adoptée par certains pays, ne résista pas à la frénésie des expositions des années 1920 puis à
une poussée xénophobe au début des années 1930. Ainsi, le conseil d’administration de la
Glyptothèque de Copenhague refusa-t-il de prêter ses salles pour une exposition d’art belge
rétrospective et moderne en 1931. L’ambassadeur de France s’en émut :
« La raison donnée par les membres du comité est que les expositions nuisent aux muséesindigènes en détournant les visiteurs des collections normalement exposées à Copenhagueet nuisent en particulier au musée dans lequel elles ont lieu puisqu'elles en immobilisentune partie au profit d'œuvres étrangères. C'est la marque d'un sentiment de xénophobie quej'ai déjà noté plusieurs fois, mais qui jusqu'à présent ne m'avait pas paru s'étendre auxexpositions d'œuvres non mises dans le commerce, et qui s'exerçait seulement contre lesexposants vivants ou les artistes dont la voix et le talent pouvait faire concurrence auxdanois (...) Le département sait que nous avions largement profité de l'hospitalité de la
169 AMAE-Nantes, SOFE, carton 5, Lettre de Pierre de Margerie au MAE, le 17 avril 1930.
64
Glyptothèque, il y a deux ans pour l'exposition De David à Courbet. Nous devrons allerailleurs une prochaine fois170. »
La création d’un lieu d’accueil dédié spécifiquement aux expositions d’art étranger dans
certaines villes fut donc moins la preuve d’une ouverture culturelle aux autres nations, qu’une
marque de respect vis-à-vis des artistes autochtones.
C’est sans doute le cas pour l’initiative prise en Pologne en 1932. Le gouvernement polonais
décida la construction d’un « Pavillon de l’Institut de Propagande de l’art171 » à Varsovie pour
accueillir des expositions d’art moderne polonais et des expositions d’art national étranger,
cette fondation étant très certainement faite sur le modèle du Jeu de Paume parisien. La
première exposition que souhaitait organiser l’Institut fut une exposition d’art français, en
raison, selon les mots de l’ambassadeur, de la forte influence de Paris sur les artistes polonais
depuis longtemps. Cette exposition devait justifier « la conduite des artistes polonais qui vont
chercher à Paris des encouragements malgré l’étroit nationalisme que l’on rencontre ici ». En
fait, l’exposition d’art français était une réponse diplomatique précise à deux expositions d’art
polonais organisées en France les deux dernières années, l’une, très officielle : l’exposition
sur La Pologne en 1830, 1920, 1930 au Jeu de Paume172 en 1930 et l’autre à caractère moins
officiel, était une exposition que le Salon d’Automne avait consacrée en partie à l’art polonais
en 1931.
b) L’influence de la Société des Nations et de la « coopération intellectuelle »
On a vu que la France, en créant un espace dédié aux expositions d’art étranger dans les salles
du Jeu de Paume, s’était mise au cœur du réseau des échanges d’expositions artistiques
duquel elle ne pouvait plus guère se retirer. La création du « nouveau » Jeu de Paume et des
services d’action artistique en furent le point de départ institutionnel, mais cela s’explique
aussi par l’implication de la France au sein de la Société des Nations173 et plus
particulièrement au sein de ses organismes qui prônaient un rapprochement culturel des
Nations pour un retour durable à la paix.
L’un de ces organismes s’installait d’ailleurs à Paris en 1925, c’est l’Institut International de
170 AMAE-Nantes, SOFE, carton 11, Bulgarie Danemark. Lettre de l’ambassadeur en Danemark au service desœuvres, le 14 janvier 1931.171AMAE-Nantes, SOFE, carton 29, Pologne. Lettre de l’ambassadeur de France en Pologne, le 23 mars 1932.172 Françoise Bonnefoy (dir.), Jeu de Paume, histoire, op. cit., p. 54.173 François Chaubet, op. cit., p. 73. Julien Luchaire exprimait en 1919 devant l’Académie des sciences morales,l’idée que la France se devait d’être la grande institutrice des Nations et la culture française devait être vuecomme l’auxiliaire de la culture universelle.
65
Coopération intellectuelle (IICI) de la Société des Nations. Ses activités sonnèrent l’heure de
l’ouverture sur le monde pour les musées, y compris pour les musées français qui
participaient aux séances de l’Office International des Musées et à la rédaction de son
bulletin, Mouseion.
En 1928, Henri Verne, directeur des Musées nationaux, tout en essayant de transmettre à son
interlocuteur le frisson d’effroi que lui procurait le transport de si nombreuses œuvres des
collections nationales à l’étranger, se résignait devant le fait accompli : la France était
fermement engagée, et avec elle ses musées nationaux, dans le système international de
coopération intellectuelle et artistique :
« Nous avons tous parfaitement compris que toutes les formes de la coopérationintellectuelle devaient être mises en jeu à un moment où la vie internationale prenait undéveloppement et un caractère nouveau. En ce qui concerne les expositions d’œuvres desmusées, dès que les premiers prêts ont été consentis à quelques pays, il est devenu évidentqu’il faudrait absolument se prêter à une politique semblable avec un certain nombred’autres pays. Nous nous trouvons donc, actuellement, en pleine application de cesystème174. »
La France avait un rôle moteur dans la mobilisation de « toutes les formes de la coopération
intellectuelle » puisqu’à la sous-commission des Arts et des Lettres de l’Institut de
coopération intellectuelle siégeaient Paul Valéry et Henri Focillon.
- Des acteurs en commun
L’imbrication des principes et des méthodes de la coopération intellectuelle et de la
diplomatie culturelle prend sa source dans le fait qu’elles avaient les mêmes têtes pensantes.
Il y aurait beaucoup à écrire sur l’engagement double d’Henri Focillon175, animant la section
littéraire et artistique de l’Institut de coopération intellectuelle tout en étant un acteur précieux
de la diplomatie artistique de la France.
L’engagement d’Henri Focillon pour la diplomatie artistique française se fit d’abord à
Bucarest où il fonda, en 1924, avec l’aide de Jean Cantacuzène, l’Institut Français des Hautes
Études en Roumanie176. Un an après sa création, cet institut français inaugurait déjà les fruits
de son labeur dans les salles du Jeu de Paume où se tenait l’exposition d’art roumain177.
Il faut aussi s’imaginer Focillon se débattant exactement au même moment dans les séances
174 Archives des musées nationaux, X2-1928, Lettre du directeur des musées nationaux et de l’École du Louvre àM. le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, sans date, confidentiel, février 1928. C’est nous quisoulignons l’expression de « coopération intellectuelle ».175 On peut même le qualifier de « triple » si l’on prend en considération ses activités d’historien de l’art…176 Pour l’histoire de cet institut français et de sa création par Henri Focillon, voir André Godin, Une passionroumaine : l’histoire de l’Institut Français des Hautes Études en Roumanie, op. cit.177 Henri Focillon avait écrit un texte sur « l’art et l’histoire en Roumanie » pour le catalogue de l’exposition.
66
de la Commission des Arts et des Lettres de l’IICI pour l’application des principes de la
coopération intellectuelle.
Les activités de Focillon pour la diplomatie artistique française se concentrèrent
principalement en Roumanie, mais il fut présent aussi un peu partout dans le monde, où il se
déplaçait pour donner des conférences sur l’art français178.
Il entretenait un réseau actif pour l’action artistique intellectuelle à l’étranger dans lequel il
avait même introduit… sa famille ! Au comité d’action artistique du 23 juin 1933, il annonça
avec fierté que le réseau intellectuel français à l’étranger pouvait désormais compter sur son
gendre lituanien, Jurgis Baltrusaitis, lecteur de français à l’université de Kovno179 où il
s’attacherait à « jouer en faveur de notre expansion un rôle des plus utiles 180 ».
De nombreuses interventions de Focillon prouvent qu’il ne concevait pas séparément ses deux
missions, la mission internationale au sein de l’IICI, et la mission nationale – voire patriotique
– dans son Institut français. On peut en citer deux exemples remarquables. En janvier 1934,
participant à la commission des arts plastiques du Comité d’Action artistique qui devait
réfléchir aux méthodes à employer pour faire la propagande de l’enseignement des beaux-arts
français dans le monde, il émit une proposition dont l’inspiration était nettement liée à ses
activités au sein de l’IICI :
« M. Henri Focillon tient à signaler que la SDN s’est déjà beaucoup préoccupée de laquestion de l’enseignement artistique et demande s’il n’y aurait pas intérêt à constituer ungroupement régulier où les directeurs des écoles des beaux arts du monde entier pourraientse rencontrer et échanger leurs vues. Si le siège de ce groupement était la France, celle-cibénéficierait d’un véritable privilège181. »
Le discours de Focillon s’harmonisait mal avec ceux des autres personnalités de la
commission des arts plastiques, plus inspirés par la résolution de controverses internes au
champ artistique français, seul moyen qui permettrait, selon eux, de faire une digne
concurrence au système d’enseignement artistique allemand.
À d’autres occasions, le discours de Focillon, imprégné des principes de la coopération
intellectuelle, se heurta à ceux des acteurs de la diplomatie artistique, dont le comportement
178 AMAE-Nantes, SOFE, carton 4, Allemagne. Il donna en janvier 1931 une conférence pour la Deutsch-Französische Gesellschaft d’Otto Grautoff, sur « l’homme moderne d’après les portraits français du XIX
e et duXX
e siècle ».179 Autre nom de la ville de Kaunas, Lituanie.180 Archives des Musées nationaux, 2 HH 32 Sociétés-Comités-Associations. Comité consultatif d’actionartistique, commission des arts plastiques du 28 juin 1933.181 Archives des Musées nationaux, 2 HH 32 Sociétés-Comités-Associations. Comité consultatif d’actionartistique, commission des arts plastiques, 11 janvier 1934.
67
était dicté par des ambitions patriotiques. La participation de la France182 à l’ « exposition
internationale des arts populaires » prévue pour 1934 par la ville de Berne fut l’occasion de
confronter ces deux points de vue, au profit de celui de Focillon. De nombreux pays – dont
l’Italie, la Tchécoslovaquie, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas – venaient de refuser de
participer à l’exposition projetée. La France, elle, après le débat que l’on peut imaginer sur
l’intérêt de participer à une exposition où les grandes nations européennes seraient absentes,
finit par confirmer sa participation à l’exposition des arts populaires. Les services d’action
artistique français avaient conclu à la nécessité d’être présents à cette exposition en grande
partie car l’idée était venue d’une personnalité française : Henri Focillon lui-même, qui avait
fait adopter le projet par le Congrès de Prague183.
Henri Focillon n’était pas la seule personne impliquée sur les deux fronts de l’action artistique
nationale et de la coopération intellectuelle. Les conservateurs de musée l’étaient aussi par le
biais de leur présence à l’Office international des musées qu’ils savaient conjuguer avec leur
rôle de commissaire pour des expositions d’art français à l’étranger.
Paul Vitry, conservateur du département des sculptures au Louvre, fut amené à être
commissaire d’expositions à l’étranger. Il participa ainsi à l’exposition de photographies de
monuments historiques à la galerie royale Borghèse en 1927 et donna à cette occasion une
conférence sur l’architecture romane et gothique. La même année, Vitry écrivait dans la
Revue des Beaux-Arts un article sur « la Coopération intellectuelle et les Beaux-Arts184 » où il
décrivait le rôle de l’IICI dans le rétablissement des échanges internationaux entre les artistes,
liens qui s’étaient distendus ou rompus pendant la guerre.
Le personnel de l’action artistique était, malgré un certain nationalisme, pétri d’idéaux
pacifistes et européens, sous l’influence de la personnalité politique d’Aristide Briand.
Ainsi, Henri de Jouvenel, directeur de la Revue des vivants, organisa pour ses lecteurs un
concours sur la fédération européenne en 1929, inspiré par les concours sur la paix de 1923-
1924. Le thème en était les « États fédérés d’Europe » et faisait écho aux efforts fournis en ce
sens par Briand à la session de septembre 1929 à la SDN185. C’est le même Henri de Jouvenel
182 AMAE-Nantes, SOFE, carton 36, Suisse. Le devis établi par Philippe Berthelot pour l’exposition de Bernes’élevait à 4 millions de francs. Le budget de l’exposition devait donc être voté par le Parlement.183 AMAE-Nantes, SOFE, carton 36, Suisse. Lettre de l’ambassadeur de France en Suisse au service des œuvres,le 30 janvier 1932. Le Congrès de Prague, en 1928, relança les débats sur les musées d’art populaires.184 Paul Vitry, « La Coopération intellectuelle et les Beaux-Arts », Beaux-Arts, Paris, 15 juillet 1927, p. 209-210,cité par Céline de Potter, op. cit., p. 31.185 Claude du Granrut, « 1930 : un projet d’États fédérés d’Europe », op. cit., p. 2 et Carl Bouchard, « Leslauréats de la paix : les concours américain et français pour la paix de 1923-1924 », Revue d'histoire moderne etcontemporaine, 2007-3 n°54-3- 2007/3.
68
qui fut nommé président de l’AFAA en 1932 – ce qu’il restera jusqu’à sa mort en 1935 –.
Le rapprochement intellectuel et politique entre les nations d’une part et l’expansion artistique
française d’autre part, deux buts par essence clairement opposables, ne l’étaient pas dans
l’esprit de leurs acteurs.
Genève, accueillant les activités de la Société des Nations, devenait de ce fait une cible à
privilégier par l’action artistique française qui pensait y trouver un public aussi sensible aux
expositions artistiques d’art français qu’il l’était aux manifestations du rapprochement
politique des Nations. Les sessions de la SDN étaient des moments propices aux expositions
d’art français au Musée d’art et histoire de Genève où l’on avait « l’assurance d’un public
nombreux et avisé186 ».
Le public de la Société des Nations était jugé d’autant plus sensible aux expositions d’art
français que l’Office international s’était déjà frotté à l’exercice de l’exposition. En 1927, il
avait organisé une exposition comparée des chalcographies de Paris, Madrid et Rome187.
Cet effort fut suivi, quelques années après, par une exposition et une table ronde de l’Office
International des Musées en 1934 à Madrid, consacrées à l’actualité internationale de la
muséographie188 et auxquelles les musées nationaux français participèrent assez largement.
Une documentation fut envoyée par l’AFEEA à cette occasion sur le nouvel aménagement
des salles du Louvre.
Tout comme l’AFEEA avait exploité longtemps après la documentation de l’exposition
internationale de 1925 à Paris en l’envoyant à l’étranger, elle profita de cet élan en faveur de
la muséographie – plus que jamais d’actualité à Paris et au Louvre au début des années
1930189 – pour subventionner ensuite des voyages de conservateurs des musées nationaux qui
devaient porter à l’étranger une image renouvelée de la muséographie française. Une série de
186 AMAE-Nantes, SOFE, 560, Suisse. Lettre de Gielly, conservateur du musée d’Art et d’Histoire de Genève àRobert Brussel, le 31 mai 1931. À Genève, on avait aussi dans la personne de Gielly, un fidèle ami de l’artfrançais sur lequel reposaient, en fait, toutes les expositions organisées dans cette ville. Le maigre soutienfinancier offert par le Quai d’Orsay au conservateur du Musée d’Art et d’Histoire de Genève qui avait donnétous les signes de fidélité à l’art français est caractéristique de l’attitude de la diplomatie française négligeantd’aider les réseaux qu’elle considérait comme acquis à jamais.187 Exposition internationale des chalcographies de Paris, Madrid et Rome en 1927, op. cit.188 Muséographie. Architecture et aménagement des musées d'art. Conférence internationale d'études, op. cit.Louis Hautecoeur participa à ces volumes, y livrant ses réflexions sur l’architecture et la scénographie desmusées en recommandant en ce domaine la sobriété. Il préconisait aussi la séparation des salles des musées ensalles centrales, destinées aux belles œuvres et en salles d’études, pour des œuvres de second rang, à disposerdans des espaces contigus.189 Cf. pour une description du débat sur les modifications muséographiques du Louvre, le chapitre « les muséessur le plan international. Les débats muséologiques de l’entre-deux-guerres et leur influence sur Rivière », NinaGorgus, Le magicien des vitrines, le muséologue Georges Henri Rivière, Paris, Éditions de la Maison dessciences de l’Homme, 2003, 416 p.
69
conférences « sur la nouvelle présentation des collections du musée du Louvre » par des
conservateurs de musée (Charbonneaux, Billiet et Hautecoeur) fut envoyée à Rome,
Copenhague, La Haye, Rotterdam et Amsterdam en 1934.
L’esprit de la Société des Nations était invoqué par les organisateurs d’expositions d’art
français à de nombreuses occasions, et devenait le prétexte masquant souvent les efforts
nationalistes faits pour l’expansion de l’art français.
Les préfaces des catalogues d’exposition recouraient au vocabulaire de la coopération
intellectuelle, en employant des formules très stéréotypées. Ainsi Louis Barthou, dans sa
préface à l’exposition des livres français en Scandinavie en 1932190 proclame :
« Les canons séparent, les livres rapprochent. Tandis que les premiers sont le symbole de laguerre, les seconds contribuent à l’affranchissement et à l’apaisement des esprits. Ainsi,l’art de la bibliophilie peut, par des échanges continus, devenir une force internationale quiseconde les efforts des gouvernements (…) Bien comprise la bibliophilie est une forme dediplomatie pacifiste. »
L’interpénétration des actions de l’IICI et des efforts des propagandes artistiques nationales,
toujours plus poussée dans les années 1930 dans le sens des nationalismes que dans celui de
la coopération internationale peut-être une piste pour la compréhension de l’échec de la
Société des Nations.
L’utilisation de la figure de Focillon dans le programme de « l’Esprit de la France aux
armées » en 1939 en serait l’aboutissement. Le directeur général des Beaux-Arts, Georges
Huisman, avait en effet prévu d’embaucher Focillon dans le bataillon de conférenciers qu’il
envoya « aux États-Unis et en Amérique du Sud pour l'Exposition qui est actuellement à
Buenos Aires et que nous allons faire circuler à travers toute l'Amérique191. »
c) Les structures pour la diplomatie artistique des autres pays
Projet :
Les échanges artistiques officiels s’amplifiant, de nombreux États se dotèrent d’organismes
publics ou semi-publics pour l’organisation des manifestations artistiques à l’étranger. La
France et l’Allemagne étaient des pionnières en ce domaine, suivies de près par un certain
nombre de pays comme la Russie (V.O.K.S. en 1925) l’Italie et la Belgique (1926). D’autres
190 AMAE-Nantes, SOFE, carton 26, catalogue de l’exposition : Ustilling av Fransk moderne Bokkunst i deSkandinaviske Land (Oslo) Stockholm-Köbenhavn-Göteborg) mars-mai 1932, op. cit.191 Arch. nat. F 21 3979. « L’Esprit de la France aux armées ». Note de Georges Huisman à Philippe Erlanger, le11 septembre 1939.
70
pays comme la Grande-Bretagne et le Japon connurent des structures gouvernementales plus
tardives pour leur action artistique à l’étranger (1934).
La France fut très attentive à la formation de ces organismes, qui pouvaient lui faire
concurrence et avec lesquels elle collaborait lorsqu’elle créait des événements dans le pays
concerné. L’une des premières missions de l’AFEEA, qu’elle partageait avec le service des
Œuvres, fût de rassembler des informations, prises auprès des correspondants et des
ambassadeurs, sur le fonctionnement de la diplomatie artistique étrangère. Le SOFE demanda
ainsi, en janvier 1922 à l’ambassadeur de France en Belgique quelles sommes ce pays
consacrait à sa « propagande à l’étranger 192 ».
L’étude de ces services étrangers, de leurs activités, et particulièrement des expositions qu’ils
patronnèrent est nécessaire, justement car la France n’ignora jamais, ou alors feignit
d’ignorer, ce qui se faisait à l’étranger et par l’étranger.
2. Les débuts de l’organisation d’un système à la française
Les échanges d’expositions d’art national, toutes accueillies dans des conditions assez
semblables et dans les mêmes espaces et les efforts de coordination faits par la Société des
Nations eurent pour conséquence une tendance à l’uniformisation des organisations nationales
d’expansion artistique. Mais cette uniformisation ne fut pas complète et les organisations
eurent toutes leurs spécificités nationales.
L’organisation « à la française » de l’expansion artistique des années 1920 consista en un
accompagnement financier et moral des initiatives privées pour les expositions d’art français
(liste en annexe n° 8), système qualifié par Alain Dubosclard « d’accompagnement culturel ».
a) Un accompagnement financier
b) Un accompagnement moral
- « Un tournoi où chacun prend part, pour fêter la France » (Raoul Lamourdedieu,
1924).
- L’AFEEA et son réseau de correspondants (annexe n°7)
- Des associations-écrans ?
c) La persistance du débat sur l’implication de l’État
192 AMAE-Nantes. SOFE, Belgique. 26 janvier 1922.
71
B. Les expositions officielles face aux crises économique et
politique des années 1930
1. La crise économique et le tarissement brutal des ressources privées
a) La fin du mécénat ? La chute des cotisations de l’AFEEA
b) « Les marchands de tableaux portent le deuil 193 » (Claude Roger-Marx)
2. Les tensions politiques au début des années 1930 et leurs conséquences sur
l’action artistique française
a) Les réactions xénophobes à des expositions d’art national…
b) … de plus en plus nombreuses
c) Les défaillances du système d’accompagnement culturel dans un contexte
politique international tendu
3. Le renforcement des subventions et des interventions
a) « Aider l’homme éprouvé en France à se faire connaître à l’étranger194 » ?
b) La mise à contribution des musées nationaux : les collections
- L’exposition de Londres en 1932
- Les collections du Musée du Luxembourg puis du Musée National d’Art
moderne
193 Conférence de Claude Roger-Marx le 25 avril 1932, sur « La révision des valeurs ».194 C’est le but qu’Albert Legrand, secrétaire du conseil d’Administration de l’AFEEA assigne à l’Associationdans son allocution au conseil d’administration en 1930. Compte rendu de l’assemblée générale du 15 avril1930, p. 19.
72
c) La mise à contribution des musées nationaux : les conservateurs (annexe n°9)
d) La politique culturelle de la France à l’étranger, un substitut de la puissance
nationale ?
C. La répartition géographique et sociale des expositions d’art
français : clientèles ou publics visés ?
1. La répartition géographique des expositions d’art français
a) Les territoires hors du champ des services d’action artistique : les zones
occupées et quelques expériences sur mer
- Les territoires rhénans
- L’action artistique du ministère de la Marine
- Les mandats français
b) Une géographie politique tout autant qu’artistique : le reflet de la politique
internationale de la France dans la répartition des expositions
c) Le « désir triangulaire195 » : L’Allemagne, la France et les autres États
d) Malgré une répartition mondiale, une obsession continentale
e) Attirer depuis la France
- Paris et ses expositions
- L’expansion artistique à l’étranger et le développement du tourisme en France
195 René Girard, Mensonge romantique et vérité romanesque, Paris, Grasset, 1961.
73
2. Le public des expositions
a) Une illusion documentaire ? Les récits d’inauguration
b) Quelles institutions artistiques accueillaient les expositions ?
c) Une faiblesse française : la relation au public (annexe n°10)
Troisième partie : Qu'est-ce que l'art français ? La question deschoix artistiques
Introduction à la troisième partie
Les services responsables des expositions d’art français avaient en charge la représentation
des Beaux-Arts et des arts décoratifs à l’étranger mais avaient aussi celle de la diffusion du
théâtre et de la musique, et même dans le cas du SOFE, de la littérature française.
Les acteurs principaux de l’action artistique se mêlaient d’ailleurs personnellement plus de
théâtre et de musique que d’arts plastiques. Robert Brussel, le premier directeur de l’AFEEA,
de 1922 à 1938, certainement amateur de beaux-arts, n’avait toutefois pas un métier qui le
prédestinait à s’occuper d’expositions d’arts plastiques : il était musicologue et critique
musical au Figaro196. Celui qui était dans le même temps – de 1922 à 1932 – président de
l’association, Émile Humblot, était certes peintre, mais quand ses occupations de sénateur de
la Haute-Marne197 le lui permettaient. Enfin, les deux présidents et le directeur de l’AFEEA
qui leur succédèrent dans ces fonctions, Henri de Jouvenel, Albert Sarraut et Philippe
Erlanger198 avaient des compétences plus littéraires – ou politiques – qu’artistiques.
Le programme des expositions était certes discuté et pensé par des commissions spécialisées
dans lesquelles on avait heureusement fait appel à des personnalités compétentes dans ce
domaine, mais il s’intégrait aussi dans un programme d’action plus large de diffusion de la
culture française, situation qu’un sujet d’études centré uniquement sur les expositions d’art ne
peut que masquer mais qu’il faut garder en considération.
L’Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques maintenait une division
tripartite de ses opérations en faveur des arts plastiques, du théâtre et de la musique. Dans
leurs allocutions annuelles aux assemblées générales de l’association, ses directeurs ou
présidents affirmaient que la répartition entre art dramatique, lyrique et arts plastiques était
équitable. Émile Humblot, président de l’AFEEA de 1922 à 1932, décrit ainsi la répartition
des efforts en faveur des trois types de manifestations au Conseil d’administration de 1926 :
196 Robert Brussel y collabore à partir de 1903.197 Sénateur de la Haute-Marne. Élu le 11 janvier 1920 ; réélu le 6 janvier 1924 ; fin de mandat le 21 décembre1931.198 Henri de Jouvenel fut président de l’AFEEA (qui devint l’AFAA en 1934) de 1932 à 1936, Albert Sarraut lefut de 1935 à 1950. Quant à Philippe Erlanger, il fut le directeur de l’AFAA de 1938 à 1968.
75
« L’effort que nous avons accompli cette année en faveur des arts plastiques, nouscomptons l’accomplir l’an prochain en faveur du théâtre dramatique. Nous aurons ainsiparcouru en trois années le cycle des trois aspects principaux de l’art français dont nousnous sommes proposé d’assurer le rayonnement à l’étranger, savoir : la musique, les artsplastiques dans toutes leurs expressions, enfin le théâtre dramatique199. »
La lecture de l’intégralité des comptes rendus d’assemblée générale pour l’ensemble de
l’entre-deux-guerres confirme l’existence de la rotation dont parle Émile Humblot. En réalité,
toutes sortes de manifestations étaient organisées chaque année, mais l’on mettait l’accent
alternativement soit sur le théâtre, soit sur la musique, soit sur les arts plastiques. Les budgets
de l’AFEEA ne permettent pas de déterminer avec certitude si l’effort financier était
équitablement réparti car ils indiquent, pour le chapitre « manifestations » une enveloppe
globale dont ils ne livrent pas le détail. Quantitativement, les expositions d’art français étaient
moins nombreuses que les représentations théâtrales ou musicales. Mais elles demandaient un
investissement financier plus important que la tournée d’un soliste ou même d’une troupe.
Émile Humblot avoue que le premier exercice de l’AFEEA fut pour la plus grande partie
dédié à la musique car ses « moyens d’exécution [lui] étaient plus accessibles200. » On peut
cependant juger équitable la tripartition de l’action de l’Association Française d’Action
Artistique.
Mais l’AFAA n’était pas la seule à répartir les subventions pour la diffusion de la culture
française à l’étranger. Le service des Œuvres françaises à l’étranger du ministère des Affaires
étrangères (SOFE), qui avait lui aussi cette fonction, dispensait des sommes bien plus
importantes pour la diffusion du livre et pour l’enseignement du français que pour
l’organisation d’expositions d’art pour lesquelles il versait des petites sommes (de 5 000 à
6 000 francs en moyenne) venant compléter les ressources fournies par l’AFEEA. Selon Alain
Dubosclard, les trois quarts des crédits du SOFE étaient absorbés par les missions
d’enseignement du français à l’étranger.
Il était rare que des concerts, des expositions, et des représentations théâtrales fussent
organisés au même moment dans la même ville et si cela se faisait, c’était au cours d’une
« semaine » française à l’étranger. Cet événement n’était pas courant car il fallait, pour le
réaliser, des locaux vastes et à usages divers, disponibles au même moment et à un prix
abordable par le petit budget de l’action artistique. L’organisation de multiples événements au
même endroit et au même moment ne fut vraiment possible au gouvernement français que
199 CulturesFrance, centre de documentation, compte rendu du conseil d’administration de l’Associationfrançaise d’Expansion et d’Échanges artistiques, 10 mars 1926, p. 7.200 CulturesFrance, centre de documentation, compte rendu du conseil d’administration de l’Associationfrançaise d’expansion et d’échanges artistiques, 10 mars 1926, p. 9
76
dans les territoires occupés de Rhénanie en 1921… Autrement, le gouvernement français
n’était pas à l’initiative des semaines françaises à l’étranger. Celle de Bristol en 1930 fut une
réponse à l’invitation faite par la municipalité de cette ville qui offrait sur place des facilités
matérielles.
- Des expositions de l’art français moderne ou de la production française moderne ? La place
des industries de luxe
De rares expositions, organisées ou patronnées par le gouvernement, contenaient des sections
n’ayant rien d’artistique, destinées à présenter la production française dans le secteur du livre,
de la mode et des cosmétiques ou les efforts français en faveur du tourisme. Ce type
d’exposition, directement inspiré des expositions des produits de l’industrie, des expositions
universelles et des foires commerciales fut peu fréquemment patronné par l’AFAA. Il fut
adopté pour deux expositions organisées entièrement par la France au Caire en 1928 et en
1938. Leur commissaire général, Louis Hautecoeur, avait alors décidé de procéder autrement
pour ces expositions et « d’élargir le programme habituel201 » des expositions diplomatiques
qui se concentraient habituellement sur des œuvres d’art (peinture et sculpture) en incluant
toutefois de temps en temps des objets d’art. L’exposition du Caire de 1938, sur le modèle des
expositions universelles, était divisée en « classes » parmi lesquelles on pouvait compter celle
de « l’enseignement » et celle du « tourisme202 ».
Quelques expositions isolées présentèrent aussi des objets d’artisanat, mais ils furent alors
limités à une section qui devait rester minoritaire. L’exposition d’Athènes, en 1928, comporta
une section dédiée à la mode203 et il y eut, d’après les rapports qui la décrivirent, un véritable
défilé de mannequins204.
Les sections présentant les productions de l’édition française étaient plus fréquentes : elles
étaient présentées en annexe d’expositions de peinture et n’attiraient guère l’attention de la
presse et probablement des visiteurs. La présence de ces sections sur l’édition contemporaine
– d’art le plus souvent – s’explique par l’interaction constitutive entre les services d’action
artistique, l’association française et le SOFE qui, dans son programme en faveur de
l’enseignement du français à l’étranger, se donnait pour tâche d’y promouvoir la « librairie »
201 Louis Hautecoeur, préface au catalogue de l’Exposition française : Beaux-Arts, Arts décoratifs du Caire,1938, op. cit., p. 11.202 Exposition française : Beaux-Arts, Arts décoratifs, op. cit. L’exposition du Caire fut inaugurée le 8 février1938.203 AMAE-Nantes, SOFE, carton 24. Lettre de la Légation de France à Athènes à Clément Simon, Ministre deFrance à Athènes, le 7 mai 1931.204 Jeanne Lanvin (1867-1946), grande figure de la mode contemporaine, était l’un des mécènes de l’actionartistique par ses cotisations données à l’AFFEA.
77
française. Dans l’ensemble des expositions patronnées par l’AFEEA, on peut considérer que
la présentation de productions autres que purement artistiques constitue un épiphénomène, ce
qui a quelque chose d’étonnant étant donné la prégnance du modèle des expositions
universelles dans le domaine des échanges artistiques internationaux. C’est le ministère du
Commerce et de l’industrie aidé par le Comité français des expositions qui organisait de son
côté les expositions consacrées aux industries françaises, et parmi elles, aux industries de
luxe. Ces expositions, si différentes des expositions d’art, auraient intérêt à être étudiées pour
elles-mêmes.
On peut donc constater qu’en ce qui concerne le contenu des expositions, la frontière entre
l’expansion de l’art français et l’exportation des industries de luxe était étanche du fait de la
répartition des prérogatives entre des ministères différents. L’AFEEA, qui ne se préoccupait
pas de l’exportation des produits industriels de luxe mais uniquement de l’expansion de l’art
français, suivait des préceptes bien différents que les revues dont elle favorisait pourtant la
diffusion à l’étranger comme la toute récente revue intitulée La Renaissance de l’art français
et des industries de luxe, qui appelait à une plus grande fusion des deux domaines.
Cette frontière étanche entre les industries de luxe – comme la mode – et les arts plastiques
est vérifiable dans le contenu des expositions de l’AFEEA, mais elle ne résiste pas à une
analyse plus poussée des discours qui accompagnaient ses expositions.
Dans les textes qui accompagnent un certain nombre d’expositions, le succès de l’exportation
de la haute couture française était pris comme modèle pour l’expansion des arts plastiques à
l’étranger. Les méthodes d’exportation, mais aussi et surtout les caractéristiques de la haute
couture française, devaient être, selon les acteurs de l’époque, les clefs et le système de
référence qui serviraient à une expansion réussie de l’art français. La référence à la mode
comme médium pour le rayonnement international servit surtout les courants artistiques
traditionalistes, ceux du retour à l’ordre en peinture et en sculpture, dont les œuvres étaient si
parfaitement lisibles par tous et immédiatement. Jean Laude fit le rapprochement, pour le
début des années 1930, entre les ambitions des artistes du retour à l’ordre et ceux des
créateurs de la mode parisienne. Les artistes, dans leur retour au classicisme, donnèrent « une
certaine image de la peinture française, peu encline à l’aventure et au pathos, modérée en ses
recherches de bon goût, et finalement d’ambition analogue à celle des « articles de Paris » ou
de la haute couture205. »
205Jean Laude, « La crise de l’humanisme et la fin des utopies », L’Art face à la crise, op. cit., p. 322.
78
La volonté de faire appliquer les méthodes de la haute couture française aux arts décoratifs est
visible chez Paul Claudel, alors qu’il était ambassadeur à Washington, dans un discours sur
des artistes-décorateurs devant la chambre de commerce en 1929 :
« Comme ils savent habiller une femme, ils ont appris de nouveau aujourd’hui, après unelongue période d’erreurs à habiller un appartement et une maison206. »
Mais la production de la haute couture française ne servit pas de modèle aux seuls arts
décoratifs car pour bien des acteurs de la diplomatie culturelle française, la peinture française,
comme la mode, pouvait être réduite à un savoir-faire, à une pratique du beau métier et
surtout au bon goût.
Si la mode et les industries de luxe étaient écartées de l’immense majorité des expositions de
l’AFEEA, les arts décoratifs et l’architecture, en revanche, en faisaient partie. Ces
expositions, certes moins nombreuses que des expositions de peinture et même de sculpture,
furent considérées, après 1925, comme un moyen de prolonger les effets de l’exposition des
arts décoratifs et industriels modernes pour le rayonnement de l’art français à l’étranger.
- Des expositions d’art ou des expositions de propagande ?
Enfin, parmi les premières expositions organisées à l’étranger pendant la Première Guerre
mondiale et au moment de l’armistice, certaines étaient très nettement documentaires et ne
cachaient pas leurs fins propagandistes. Les documents qui y étaient exposés étaient
essentiellement des photographies, comme ce fut le cas pour l’exposition sur les « ravages de
la guerre » montrant le patrimoine monumental de la France détruit par l’ennemi allemand
aux États-Unis – au French Institute de New York – en 1914-1915.
Après la guerre, la France se garda bien de laisser tomber dans l’oubli les destructions opérées
par les Allemands sur le sol français. Elle se permit de raviver la mémoire de ces exactions
commises pendant la guerre à l’occasion des restaurations qui se faisaient en France. La
réhabilitation et la restauration des monuments détruits pendant la guerre firent l’objet d’une
publicité à l’étranger, ce qui était assez habile. En 1925, l’AFEEA envoya à l’Institut
archéologique de Washington une documentation sur les vitraux français et un exposé
technique sur les restaurations effectuées après les hostilités207.
206 Cahiers Paul Claudel 11, op. cit., p. 150, discours de Paul Claudel devant la Chambre de commerce en 1929.207 CulturesFrance, centre de documentation, compte rendu du Conseil d’administration de l’association, le 10mars 1926, p. 20.
79
Le patrimoine monumental français fit ensuite l’objet d’autres expositions pendant l’entre-
deux-guerres : à Rome en 1926-1927, on exposa trois cents clichés de monuments historiques
français dans la villa Borghèse208. Cette exposition, qu’on avait déjà envoyée à Göteborg en
1926, le fut ensuite à Bruges en 1932, et en 1934 aux États-Unis. Mais il est difficile de
parler, pour ces expositions, d’un véritable acte de propagande. Les monuments représentés
sur les photographies n’étaient sans doute209 plus présentés comme des martyres de la
barbarie allemande et les photographies en question devaient plutôt ressembler, par leur
neutralité, à celles de la Mission héliographique.
À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, le caractère propagandiste des expositions
réapparut et les conservateurs de musée eux-mêmes organisèrent des expositions dont le but
n’était pas uniquement artistique.
René Huyghe élabora un programme d’expositions thématiques sur la culture française à
partir d’œuvres d’art. Ces expositions, pensées à la fin de l’année 1939, étaient destinées, ce
qui était rare, à être itinérantes. Ayant pour nom « Images de la France210 », elle avait pour but
d’expliquer la culture française avec une exhaustivité étonnante. Le conservateur du Louvre
traitait, au moyen de cette exposition itinérante, de phénomènes tels que « La femme et
l’enfant dans l’art français » ou celui, plus idéologique, des « Grands élans collectifs211 »,
parmi bien d’autres. Le choix des sujets était cohérent dans la perspective d’une propagande
en temps de guerre : ils avaient pour utilité de donner en représentation une France humaine,
une France féminine, et surtout une France « morale ».
Peu de temps après, la direction des Musées nationaux mettait en place une exposition sur les
méthodes de protection des monuments et des œuvres d’art français qui devait elle aussi être
itinérante et être exposée à l’étranger. La thématique de la France protégeant son patrimoine
mis en danger par les malheurs de la guerre revint donc, sous une forme très semblable à celle
qui avait été adoptée en 1914-1915 pour New York. Aux yeux des organisateurs,
l’organisation de telles expositions en direction de l’étranger avait quelque chose
d’absolument nécessaire pour l’image de la France à l’étranger mais elle ne s’imposait pas du
tout pour un public français qui y était indifférent. On s’exprima ainsi sur le sujet au sein du
comité des musées nationaux lors de la préparation de l’exposition :
208 C’est une exposition pour laquelle, malheureusement, nous n’avons pas trouvé de catalogue.209 Il ne reste pas de dossier sur ces expositions de photographies de monuments historiques. Il faut donc secontenter de suppositions.210 Archives des Musées nationaux, X19. Projet d’exposition « Images de la France » par René Huyghe, 30novembre 1939.211 La liste des « modules » comprenait les thèmes suivants : la femme française, grandes figures françaises,l’énergie, la vie intérieure, les grands élans collectifs, hommes et mœurs de femme, France - Angleterre, laFrance religieuse, le foyer français et le pays de France.
80
« Des doutes sont encore émis sur le succès que ces manifestations pourraient avoir auprèsdu public parisien… Tel et le sentiment de M. David-Weill212. Le but de l'expositionconcernant la protection est un but de propagande à l'étranger et c'est en vue de l'étrangerqu'elle a été conçue et qu'elle sera préparée213 ».
- La prééminence des arts plastiques
Les quelques expositions citées plus haut, montrant la production française dans son ensemble
ou des sections consacrées à la librairie ainsi que les expositions de propagande nées de la
guerre, furent les seules exceptions à la règle des manifestations de l’AFAA : n’exposer que la
production artistique française. Mais quel fut justement l’art présenté dans ces expositions ?
En organisant ou en patronnant des expositions d’art français à l’étranger, l’État a
nécessairement fait, malgré sa volonté – républicaine – de sacrifier à l’éclectisme, des choix
artistiques par lesquels il a privilégié certains courants et certains artistes qu’il jugeait plus
représentatifs de l’art national et a fait silence sur d’autres. Si les services d’action artistiques
français firent appel à de nombreux intermédiaires et correspondants qui avaient eux aussi un
pouvoir décisionnaire dans l’organisation des expositions, et si l’État accompagna parfois
plus les expositions qu’il ne s’en chargea, il y eut cependant des principes officiellement mis
en avant et qui régirent l’ensemble des expositions. C’est cette cohérence qu’il faudra essayer
de dégager, en essayant de l’abstraire de la grande diversité des situations qui se présentèrent.
Cette cohérence est perceptible dans la récurrence de certains noms d’artistes tout au long de
la période et qui se révèle dans le répertoire des artistes214 qui accompagne notre thèse d’école
des chartes, elle est perceptible dans les principes affirmés et réaffirmés dans les discours sur
l’art français qui accompagnaient les expositions, intégrés au catalogue, publiés dans les
journaux ou contenus dans les correspondances des organisateurs.
A. Une diversité d’actions en faveur de l’art français
La promotion de l’art français à l’étranger était surtout réalisée au moyen d’expositions d’art,
mais pas seulement. Elle le fut aussi par d’autres supports, écrits ou oraux. Les autres moyens
utilisés par les services d’action artistique étaient pensés comme des compléments aux
expositions et étaient réalisés en fonction d’elles. La ligne de force de la diplomatie artistique
212 David David-Weill (1871-1952) figure parmi la liste des premiers mécènes de l’AFEEA. Il était président duConseil des musées nationaux.213 Procès-verbal du comité des musées nationaux, le 9 janvier 1940, cité par René Huyghe, Une vie pour l’art,op. cit., p. 233.214 La thèse d’établissement comprendra un répertoire des artistes vivants présentés au sein des expositions.
81
reposant sur une action ponctuelle et temporaire – les expositions –, on veilla à la compléter
par une action sur la durée, permanente. C’est pour cela qu’on envoya à l’étranger des
reproductions d’œuvres d’art ou plus simplement de la documentation215. L’autre
caractéristique majeure de la diplomatie artistique était d’être avant tout la monstration de
l’art français : on voulut donc l’assortir d’une démonstration, c’est-à-dire d’un discours sur
l’art français. Celui-ci était donné à entendre au public des conférences sur l’art français ou
aux lecteurs des revues d’art qui étaient diffusées officiellement.
1. L’imitation des traditionnels dons diplomatiques
L’histoire des dons d’œuvres d’art ou de reproduction d’œuvres d’art dans un but
diplomatique ne commence pas à la naissance des services d’action artistique au début du
XXe siècle, mais ceux-ci reprirent à leur compte cette tradition, avec les encouragements des
ambassadeurs. Les dons faits par l’intermédiaire des ambassadeurs ne cessèrent pas lorsque la
France commença à organiser des expositions d’art français.
L’Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques fit envoyer des dons, certes
moins prestigieux que ceux qu’étaient accoutumés de faire les ambassadeurs, aux Instituts
français, aux musées ou aux lycées à l’étranger. L’année même de la création de l’association,
en 1922, l’ambassadeur de France en Norvège fit donner par l’intermédiaire de l’AFEEA une
série de moulages de sculptures françaises des XVIIe, XVIII
e et XIXe siècles à la Galerie
nationale de Christiana216, qui devait, à l’occasion, inaugurer une salle prenant pour modèle
une pièce du château de Versailles217. L’historique des dons faits à des centres artistiques
étrangers par l’intermédiaire de l’AFEEA est facilement reconstituable. Les « dons » en
question comprenaient plus souvent des revues et des ouvrages d’art que des moulages ou des
gravures. L’AFEEA acheta tout de même pour le Musée de Göteborg – en Suède – une
« collection de moulages, de sculptures et de fragments d’architecture française appartenant
au musée du Trocadéro ». Elle répéta l’opération en 1927 pour l’Université de Yale, en 1931
215 Mais très rarement des œuvres originales.216 Christiana est l’ancien nom (jusqu’au 1er janvier 1925) d’Oslo.217 « L'art à l'étranger. En Norvège », Comoedia, le 21 mai 1922 : « On va construire à Christiana, une sallenouvelle pour abriter les sculptures françaises offertes à la Galerie nationale par la France. On prendra commemodèle une des salles du château de Versailles. Les moulages des œuvres des sculpteurs français des XVII
e, XVIIIe
et XIXe, recevront ainsi une digne demeure. Cette donation a été faite sur l'initiative de M. Pralou, ministre de
France en Norvège. »
82
pour le Musée d’archéologie de Barcelone et en 1934 pour Rome, Tel-Aviv et le Japon218. Les
dons de moulages, contrairement aux dons de documentation ou de photographies, étaient
toujours distincts de l’organisation des expositions d’art. Ils étaient envoyés dans des endroits
jamais, ou très rarement touchés par l’action artistique française comme c’était le cas pour
Tel-Aviv ou pour le Japon.
Pour les dons de reproductions, la chalcographie du Louvre était souvent sollicitée. L’intérêt
scientifique des activités de la Chalcographie du Louvre fut mis en valeur par une exposition
organisée par la Société des Nations à Genève en 1927219. Les services de la Chalcographie,
enfin, furent utilisés pour remplacer des œuvres de collections nationales pour lesquelles on
ne pouvait pas prendre le risque d’un transport.
2. Les nombreuses conférences sur l’art français
Reprenant un des moyens utilisés par l’Alliance française220, l’action artistique envoya ses
conférenciers dans le monde. Le grand nombre de conférences données à l’étranger par les
organisateurs des expositions ou par des artistes dont l’action artistique s’adjoignait les
services prouve que l’on vivait à l’âge de l’orateur. Une joute orale s’exerçait entre les
universitaires allemands et français dans tous les domaines, scientifiques, économiques,
philosophiques, ou… artistiques. Ces nouveaux missionnaires s’exprimaient au sein des
cercles savants, des universités ou des instituts français. Aux États-Unis, les universités
étaient investies par les professeurs et conférenciers221. Paul Claudel, dans un discours devant
la Fédération des Alliances françaises, le 26 avril 1930, affirme que « le nombre des
professeurs et des conférenciers français dans [les] grandes universités de cesse de
s’accroître. » Ce n’est que trois ans plus tard que Focillon, en exil, commença à enseigner aux
États-Unis. Avec une « arrière-pensée diplomatique » et dans « l’espoir de contrebalancer
l’influence allemande » il mit « sur pied un département d’histoire de l’art à Yale, sur le
modèle français222 ».
218 Ces informations se trouvent dans les comptes rendus du conseil d’administration de l’AFEEA des années1926, 1927 et 1934, op. cit.219 Exposition internationale des chalcographies de Paris, Madrid et Rome en 1927, op. cit.220 François Chaubet, « L’Alliance française ou la diplomatie de la langue (1883-1914) », loc. cit., p. 764.L’Alliance française « joua le rôle d’un organisme diplomatique officieux qui, de manière certes empirique,identifia tout aussi bien le principe qui devait guider tout au long du XX
e siècle l’action culturelle de la France àl’étranger (développer la diffusion de la langue pour constituer des publics « captifs » en faveur de la culturefrançaise) qu’elle parvint à forger quelques-uns des principaux vecteurs de l’aide aux écoles à la politique dulivre, en passant par la formation des étudiants étrangers et les tournées de conférenciers dans le monde. »221 Claudel aux États-Unis 1927-1933, Cahiers Claudel 11, p. 205.222 Henri Focillon, textes réunis par Pierre Wat, op. cit., p. 31.
83
Il est assez rare que les archives des services artistiques conservent les textes des conférences
prononcées sur l’art français à l’étranger, soit parce que pour certaines, leurs orateurs
n’avaient pas écrit de textes, soit parce qu’ils ne les avaient pas transmis aux services qui les
sollicitaient. La presse française et étrangère, lorsqu’elle publiait le compte rendu d’une
exposition, faisait souvent une brève allusion à la conférence qui l’accompagnait mais en
résumait toujours le contenu très brièvement ou en s’attachant à des détails insignifiants.
Les archives de l’Institut français de Berlin223, pourtant assez peu tourné vers l’étude et la
vulgarisation de l’histoire de l’art, conservent les traces de conférences par Henri Focillon,
professeur à la Sorbonne, et par Paul Vitry et Louis Réau, professeurs à l’École du Louvre.
Une étude sur les conférences – et les conférenciers – d’art français serait à mener, à
condition de pouvoir retrouver le texte des conférences, ce qui serait plus aisé dans les
archives privées.
Les conférences étaient conçues pour accompagner les expositions mais également, bien que
plus rarement, pour les préparer. Pour l’exposition de Londres prévue en janvier 1932, les
organisateurs projetèrent des conférences, accueillies par l’Alliance Française, de Rey et
Louis Hourticq224 pour octobre 1931, c’est-à-dire quatre mois avant l’exposition pour
« préparer le public à l’exposition225 ».
a) Les conférences des conservateurs de musées et des commissaires d’exposition
Tout un milieu de conservateurs de musées, et d’historiens de l’art n’hésitait pas à se déplacer
et à s’exprimer sur l’art français, déployant une énergie admirable. Léonce Bénédite, le
conservateur du Musée du Luxembourg dont on connaît la passion des voyages226, en profita
pour donner des conférences, dont une à Saint-Pétersbourg, à l’occasion de la Centennale de
l’art français en 1912. On demanda aussi à Georges Grappe de partager sa connaissance de
l’œuvre de Rodin dont il conservait les œuvres avec des publics étrangers comme celui
223 AMAE-Nantes, Institut français de Berlin.224 Louis Hourticq était l’auteur de nombreuses publications pour l’enseignement de l’histoire de l’art dans lesecondaire et aussi l’auteur d’une histoire générale de l’art en 1914. Louis Hourticq, Histoire générale de l’art,Hachette, 1914, 476 p.225 SOFE, carton 19, Grande-Bretagne. Exposition d’art français à Londres, 1932. Lettre de Du Sault (SOFE) àM. de Montbas, le 19 septembre 1931.226 Céline Marche, « Léonce Bénédite, un apôtre de la beauté moderne », loc. cit.
84
d’Anvers en 1931227. Louis Hautecoeur et Claude Roger-Marx sont sans doute à compter
parmi les conférenciers les plus actifs.
- Louis Hautecoeur228
Louis Hautecoeur, l’un des acteurs de l’Institut français de Saint-Pétersbourg229, fut envoyé en
mission pour le ministère des Affaires étrangères pendant la guerre, avant même la création
du service des Œuvres à l’étranger en 1920 où il fut rompu aux principes de la propagande
artistique. Il les appliqua encore lorsqu’il fut attaché au département de la peinture du
Louvre230 et longtemps après en participant activement à l’exposition des architectes diplômés
par le gouvernement en 1933-1934. C’est lui qui insista pour que l’exposition voyage dans
différents pays de l’Europe centrale. Il avait fait précéder l’arrivée de l’exposition par des
conférences sur l’art français, comme celle qu’il prononça sur le thème de « l’art décoratif
aujourd’hui » en 1931 à la Radio Bucarest. La même année, le public roumain put le voir en
chair en en os à l’occasion de sa conférence sur l’architecture moderne en France à
l’université libre de Bucarest.
C’est par les expositions organisées en coopération avec la Société des Architectes diplômés
par le gouvernement au début des années 1930, mais c’est également par les conférences qu’il
fit autour de ces expositions que Louis Hautecoeur tenta d’imposer ses théories sur
l’architecture moderne en France, qu’il rattachait à l’architecture classique.
- Claude Roger-Marx (annexe n°11)
De la même manière, Claude Roger-Marx trouva-t-il dans les conférences qu’il fut amené à
faire à l’occasion de ses propres expositions et de celles que d’autres avaient organisées, un
moyen de diffuser ses idées en matière d’art moderne et notamment sa théorie de la
« désintoxication » et de la « révision des valeurs » de l’art moderne par la crise économique
dont il fit part à ses auditeurs au Musée municipal d’Amsterdam en 1932 et au Musée d’art
moderne de Madrid en 1933.
Le fils du célèbre collectionneur Roger Marx fut sollicité à diverses reprises et pour
différentes raisons par les services artistiques français. On lui demanda de prêter des œuvres –
à Londres en 1932 –, on le pria d’organiser des expositions – à Varsovie et à Prague en 1937,
227 Arch. nat. F 21 4735. Anvers, exposition Rodin, 28 janvier 1931.228 A. Brucculeri, Louis Hautecoeur et l’architecture classique en France, op. cit., p. 199.229 Cf. première partie, sur l’action de Louis Hautecoeur à l’Institut Français de Saint-Pétersbourg.230 Louis Hautecoeur entama en 1920, après un début de carrière universitaire peu satisfaisant, une carrière deconservateur des musées nationaux en étant tout d’abord attaché au département de la peinture, des dessins et dela Chalcographie du Louvre.
85
à Kaunas en 1939 – et on lui réclama des conférences sur l’art français contemporain pour
accompagner les expositions d’Amsterdam en 1932 et de Madrid en 1933. Les textes de ses
conférences231 sont conservés à l’Institut national d’histoire de l’art (annexe n° 12). Claude
Roger-Marx ne savait-il pas improviser ? Ses notes, qui lui fournissaient à l’interjection près,
le texte de sa conférence ne lui en laissaient sans doute pas la liberté. Mais l’exhaustivité de sa
prise de note, si elle figeait sans doute son discours oral, est précieuse pour l’historien.
b) Les artistes conférenciers
Les artistes eux-mêmes accompagnaient les expositions et donnaient des conférences : en
1926, l’AFAA envoya en même temps que l’exposition d’art français contemporain à Vienne
au Künstlerhaus, les artistes André Lurçat et Amédée Ozenfant. Les archives de Vienne n’en
ont malheureusement pas conservé de traces et il n’est pas possible de connaître le contenu de
leurs interventions.
- André Lhote et Amédée Ozenfant
Lhote et Ozenfant avaient tous deux le profil idéal pour remplir cette fonction de conférencier
à l’étranger. Le choix de ces artistes pour donner des conférences à l’étranger s’explique par
la qualité, chez Lhote comme chez Ozenfant, de théoricien de l’art, et particulièrement de l’art
français. Tous deux étaient déjà appelés, avant que l’action artistique officielle française ne
les y invite, à s’exprimer sur leurs théories artistiques à l’étranger.
Ozenfant comme Lhote tenaient en outre une académie de peinture où ils développaient leurs
théories et les enseignaient à leurs élèves. Lhote, en dehors de ses activités de critique d’art à
la Nouvelle Revue Française232, avait fondé en 1922 une académie de peinture, rue d’Odessa
à Paris (XIVe). Amédée Ozenfant, lui, installa son académie avenue Reille (XIVe) en 1932,
académie qu’il transporta à Londres en 1936 où elle devint l’« Academy of Fine Arts ».
L’année suivante, déjà, son académie fut subventionnée par l’AFAA à laquelle l’artiste
proposa ses services pour « mener une propagande officieuse » en faveur de l’art français.
Ozenfant transmit, sans succès, à l’association française en 1937 un projet de bateau-
exposition pour la diffusion de l’art français233.
231 INHA, archives de Claude Roger-Marx-94, carton 93.232 Jean Paulhan-André Lhote, Correspondance, 1919-1961, op. cit.233 AMAE-Nantes, SOFE, carton 494. Dossier général, projet sans date. Le projet, qui n’est pas détaillé dans lalettre, ne fut apparemment pas suivi.
86
Il ne reste aucune trace d’un aussi ample engagement d’André Lhote pour l’action artistique
française. Pour elle, il agissait comme il le faisait vis-à-vis de l’initiative privée. Son
engagement n’était pas aussi profond et personnel que celui d’Ozenfant, mais il ne repoussa
pas les demandes que lui fit l’Association pour des déplacements à l’étranger : il voyagea
notamment à Budapest en 1929 et à Amsterdam en 1932 à l’occasion d’expositions d’art
français moderne où il était présenté234.
c) Les difficultés dues au déclin de la langue française
Mais le problème de la langue235 se posa au cours de la période. Le français avait perdu sa
suprématie et il devenait difficile de faire, comme autrefois, des conférences uniquement en
français, car les élites elles-mêmes commençaient à ne plus parler cette langue236.
Quelques changements apparurent dès lors comme à Madrid en 1933. Lorsque l’Institut
français organisa avec le Musée d’Art Moderne espagnol une exposition d’art français
contemporain, les conférenciers ne furent plus seulement recrutés parmi les organisateurs
français, mais aussi chez les Espagnols qui s’exprimèrent dans leur langue : Manuel Abril,
critique d’art et président de la Société des Artistes Ibériques, donna une conférence sur « les
points cardinaux de l’art français contemporain » ; Ricardo Gutierrez Abascal parla de
« l’esprit du paysage français depuis Corot jusqu’à Claude Monet » ; D. Engel Vegué y
Goldoni du « retour à Manet ». Des conférenciers français donnèrent également des
conférences dans leur langue : Jean Alazard donna une conférence sur « la Renaissance de la
sculpture française depuis Rodin », tandis que la conférence de Claude Roger-Marx eut un
titre plus laconique : « L’Art contemporain ».
Les artistes qui parlaient des langues étrangères eurent ainsi plus d’opportunités pour
l’organisation de conférences : Amédée Ozenfant profita de son bilinguisme et de sa position
dans les pays anglo-saxons pour donner des conférences dans le cadre d’expositions
organisées par la France à l’étranger. Ozenfant avait en effet fondé son « Academy » à
Londres en 1935, puis s’établit dans les mêmes fonctions à New York de 1939 à 1955
(Ozenfant School of Fine Art). En 1938, lors de l’exposition d’art français organisée par
234 La conférence qu’il prononça à Amsterdam le 25 avril 1932, avant celle de Claude Roger-Marx s’intitulait Àla conquête de la liberté. Il y « chanta les enivrements de l’évasion et dit que le fils prodigue, une fois rentréchez lui, ne l’intéressait plus », Comoedia, 11 mai 1932.235 Voir sur la place du français dans le monde, les travaux de François Chaubet, et Marc Fumaroli, Quandl’Europe parlait français, op. cit.236 Ces difficultés de la langue française sont visibles aussi dans la politique éditoriale des cataloguesd’exposition.
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l’AFAA et l’association Florence Blumenthal pour la pensée et l’art français, il y donna une
conférence sur « la peinture et le dessin français » en même temps que Charles Sterling qui fit
une série de conférences d’histoire de l’art français aux États-Unis, dans les universités et les
Alliances françaises.
Mais ces efforts pour s’adapter aux populations locales furent rares. En 1935, Claude Roger-
Marx donna sa conférence sur la sculpture française en français devant un public praguois,
certes francophone. Là résidait bien le problème : la France, alors que les élites commençaient
à se détacher peu à peu du français, continuait à commercer avec elles comme elle le faisait au
Grand Siècle à Saint-Pétersbourg. Il y avait certes un public assistant à ses conférences237,
mais ce n’était, par définition, que l’élite déjà francophile. Le reste de la population citadine
n’intéressait guère les organisateurs.
3. L’importance de la documentation pour la diffusion de l’art français par les
services d’action artistique
a) La documentation rassemblée par les services d’action artistique en direction de l’étranger
L’une des activités des services d’action artistique, et particulièrement de l’AFEEA, à défaut
de pouvoir organiser de plus nombreuses expositions, était d’envoyer une documentation pour
la diffusion de l’art français. Les bénéficiaires de cette documentation étaient surtout les
Instituts français, les lycées et les associations artistiques. Les documents les plus
fréquemment envoyés étaient des photographies, des « clichés » destinés à illustrer des
conférences, sans doute prononcées par des organisateurs locaux. En 1927, l’AFEEA envoya
ainsi au ministère de l’Instruction publique autrichien une collection de clichés représentant
des monuments historiques français. On ne sait pas à quoi servirent et ce que devinrent les
clichés en question. Ce genre de documentation fut envoyé dans un peu moins d’une dizaine
de pays chaque année par l’AFEEA238.
Pendant l’entre-deux-guerres, l’association n’exploita pas les nouveaux medias dans ses
envois à l’étranger, à l’exception de disques pour la diffusion de musique. Aucun film
documentaire sur les arts plastiques ne fut envoyé par l’AFEEA à cette époque. Cette absence
237 Alors qu’il est assez fréquent de trouver un nombre de visiteurs pour les expositions dans les archives desorganisateurs, le nombre de personnes assistant à ces conférences n’est jamais signalé.238 La liste de ces envois était donnée chaque année dans les comptes-rendus de conseil d’administration del’AFEEA.
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des nouveaux supports de communication confirme ce que remarquait déjà Alain Dubosclard
dans l’introduction de son étude sur l’action artistique de la France aux États-Unis :
« Le retard médiatique de la France est tel en matière de radio télévision, dans les années1930 comme dans les années 1960, que la diplomatie française ne peut guère s’appuyer,pour des raisons techniques sur ces nouveaux vecteurs de la culture ; d’où la persistance àutiliser parfois des moyens plus traditionnels239. »
Il y avait une sensible méfiance vis-à-vis du cinématographe240 chez les responsables de
l’action artistique. Peut-être se méfiaient-ils du support lui-même dont ils ne connaissaient pas
la stabilité. Au cinématographe et à la télévision, on préférait les diapositives.
Lorsque le directeur de l’Institut français de Lisbonne demanda à ce que lui soit envoyé par la
valise diplomatique le film « Paris 1937 » par le directeur adjoint à la Propagande pour
l’Exposition internationale de Paris, on lui répondit que le film avait été retiré de la circulation
« parce que les photographies des travaux ne présentaient plus aucun caractère
d’actualité241 ». On lui proposait à la place « une série de diapositifs ». On proposait ainsi à
Raymond Warnier qui avait bien compris que le cinématographe et la télévision étaient les
vraies nouveautés présentées par l’exposition de 1937242 au public, et que l’Allemagne avait
très bien exploité, de revenir à un support classique, celui que l’on utilisait depuis longtemps
pour les conférences à l’étranger.
b) La diffusion à l’étranger de publications artistiques françaises
La diffusion de l’édition française eut beaucoup d’importance dans l’action artistique
extérieure en grande partie parce que c’est par l’écrit et l’imprimé que la diplomatie artistique
– et a fortiori culturelle – était née. Avant la création des services s’occupant de l’organisation
d’expositions, existait au ministère des Affaires étrangères, dès 1916, une Maison de la Presse
qui se chargeait de diffuser l’édition française à l’étranger et particulièrement dans les pays
239 Alain Dubosclard, L’action artistique de la France aux États-Unis, 1915-1969, op. cit., p. 19.240 Cette résistance ne survécut pas à la détermination de Philippe Erlanger, créateur du festival de Cannes, dontle premier projet remonte à 1939.241 Archives de l’Institut français de Lisbonne. Carton 1937. Lettre de la Légation de la République Française auPortugal à Raymond Warnier, le 19 mai 1937.242Patrice A. Carré, « Revenir à l’exposition de 1937 : « exactement modernes » ? Les techniques decommunication » loc. cit., p. 87. Patrice A. Carré, dans cet excellent article, relève que la véritable nouveautéprésentée à l’exposition de 1937 dans le Pavillon de la Radio n’était justement pas la radio, déjà en bonne voiede démocratisation, mais bien la télévision.
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neutres. On peut se rappeler le soutien dont bénéficia l’éditeur Georges Crès, un des piliers du
réseau de propagande artistique en Suisse pendant la guerre243.
L’intérêt des acteurs de la diplomatie artistique dès le début pour les revues d’art se manifeste
dans le destin de La Revue de l’art ancien et moderne, fondée par Jules Comte en avril 1897.
Son capital n’avait pas survécu à l’épreuve de la guerre et elle avait été vendue. C’est un
« Comité d’Expansion artistique française », formé en décembre 1918 « par plusieurs
amateurs éminents (…) dans le but de « faire mieux connaître à l’étranger nos artistes et nos
méthodes d’histoire de l’art » qui la racheta244 et qui lui permit de reprendre sa publication en
octobre 1919. Yves Chèvrefils-Desbiolles a décrit les ambitions du supplément de la revue,
le Bulletin de l’art ancien et moderne, qui reprit lui aussi vie en 1919. Son directeur, André
Dezarrois, expliqua dans le premier numéro que la qualité d’ancien combattant qui le
caractérisait donnait « aux survivants un sens précoce des réalités, un ardent désir de servir
encore, un culte pour la grandeur de la race, un respect des traditions ».
L’AFEEA et le Service d’études envoyèrent à leur tour dans les bibliothèques, les Instituts
français, les sociétés d'art ou les écoles des Beaux-Arts de l’étranger, en même temps que de
la documentation plus spécialisée et les fameux « clichés » devant illustrer les conférences,
des ouvrages et des revues d’art245.
Le budget consacré aux revues était très important : il absorbait presque tout le budget
consacré au « matériel » du service d’études d’action artistique246. Les revues étaient en effet
diffusées dans de nombreux pays247, au nombre de 26 en 1926 et de 31 en 1929, année où l’on
ajouta l’Allemagne, l’Argentine, le Chili, l’Équateur248, l’Irlande et la Lituanie à la liste des
pays qui bénéficiaient déjà des revues en 1926.
243 Cf. Première partie, le réseau de propagande en Suisse pendant la guerre.244 Yves Chèvrefils-Desbiolles, Les Revues d’art à Paris, op. cit., p. 63 et chapitre « les petites revues ».L’analyse des revues dans ce chapitre de la thèse doit absolument tout à la superbe étude d’Yves Chèvrefils-Desbiolles.245 Cf. Yves Chèvrefils-Desbiolles, Les Revues d’art à Paris, op. cit.246 Arch. nat. F 21 4709. Action artistique à l’étranger. Note sur les crédits affectés à l'expansion artistique àl'étranger, sans date.247 En 1926, les revues d’art l'Amour de l'Art, la Revue de l'art ancien et moderne, la Renaissance de l'artfrançais et des industries de luxe et Art et décoration étaient diffusées en Angleterre, Autriche, Australie,Belgique, Brésil, Bulgarie, Canada, Danemark, Écosse, Égypte, Espagne, États-Unis, Finlande, Grèce, Hollande,Hongrie, Italie, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Suisse, Syrie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie.L’année suivante, le nombre des pays touchés par ces envois (26) ne varia pas.248 L’arrivée dans ces années là, donc assez tardivement, de l’Amérique du Sud dans champ d’action del’AFEEA se vérifie aussi pour les expositions.
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Est-il besoin de rappeler qu’en dehors des conférences, une autre action de la diplomatie
artistique française eut à pâtir du déclin de la langue française dans le monde ? C’est l’édition,
qui était pourtant l’un des principaux piliers de cette diplomatie en dehors des expositions.
Il semble que, mis à part les essais sur l'art français, tels ceux de Louis Réau, on privilégiait
l'envoi de périodiques à l'étranger pour la diffusion de l'art français et parmi ces périodiques,
on envoyait de préférence l'Amour de l'Art, la Revue de l'art ancien et moderne, la
Renaissance de l'art français et des industries de luxe et Art et décoration. Ce sont ceux que
cite le compte rendu du conseil d'administration de l'AFEEA en 1926 et celui de 1930 y
ajoute la revue L’Art vivant249.
Ces revues qu’envoyait l’AFEEA à l’étranger appartenaient à une catégorie de revues
« d’information et de critique », si on se réfère à la typologie des revues de l’entre-deux-
guerres établie par Yves Chèvrefils-Desbiolles. Cela n’est pas extrêmement étonnant, et on
imagine mal un service officiel diffuser des revues militantes. Les revues d’art envoyées à
l’étranger s’engageaient presque toutes, à l’image de La Renaissance de l’art français et des
industries de luxe pour une « modernité hors avant-gardes250 ».
Ces revues, destinées à un public français, et surtout parisien, étaient pour la plupart assez
ouvertes sur le monde : La Renaissance de l’art français et des industries de luxe traitait dans
ses rubriques des salons et des expositions en France et à l’étranger et La Revue de l’Art
Ancien et Moderne donnait à lire à ses lecteurs des synthèses sur les revues étrangères,
signées par Louis Réau251. La Renaissance de l’art français et des industries de luxe s’exporta
d’ailleurs d’elle-même à partir de 1926 dans un marché anglo-saxon – elle traduisait pour cela
ses articles en anglais. En 1930, elle ouvrit un bureau à New York.
La perspective d’un lectorat étranger n’empêchait pas les revuistes de se livrer à des
exhortations nationalistes. Dans la revue La Renaissance de l’Art français et des industries de
luxe, on pouvait lire les éditoriaux d’Arsène Alexandre fustigeant la perméabilité des artistes
français face aux influences étrangères. Quant à la revue l’Art vivant, envoyée par l’AFEEA à
partir de 1930, qui ignorait les avant-gardes et consacrait les tendances des artistes modérés
de « l’École de Paris », elle prit, après le départ de Florent Fels en 1936, une ligne plus
nationaliste. Dans ces trois caractéristiques, la revue suivait les mêmes choix artistiques que
les organisateurs d’expositions d’art français à l’étranger.
249 CulturesFrance, centre de documentation, compte rendu de l’assemblée générale du 15 avril 1930, p. 34.250 Yves Chèvrefils-Desbiolles, Les Revues d’art à Paris, op. cit., p. 208, « les revues antimodernes ».251 Louis Réau signe en effet dans ces pages quatre articles sur les revues russes, yougoslaves, scandinaves,italiennes et suisses.
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Les revues comprenaient toutes des entrefilets réservés aux actualités de l’action artistique,
mais ce n’est probablement pas par elles que le public des expositions prenait connaissance de
la tenue des expositions dans sa ville. Pour cela, les services d’action artistique devaient sans
doute davantage s’appuyer sur l’édition française à l’étranger et sur l’édition étrangère elle-
même.
c) Les efforts en direction des publications artistiques à l’étranger
Les efforts de l’action artistique française se tournèrent aussi vers l’édition à l’étranger. Les
bulletins des associations pro-françaises étaient soutenus financièrement et utilisés pour
organiser la publicité des expositions d’art français. En 1935, la Société philanthropique
française de Berlin mit au service d’une exposition « des œuvres françaises à l’étranger »
soutenue par l’ambassade et l’Institut français, son bulletin mensuel252. La même année, La
Revue française de Prague servit de catalogue à l’exposition de sculptures organisée dans
cette ville par Claude Roger-Marx. Il y avait publié un court essai et des photographies de
l’exposition253.
Les services d’action artistique s’intéressèrent aussi aux possibilités qu’offrait l’édition
étrangère et plus particulièrement les revues. Au printemps 1924, l’AFEEA aida une revue
polonaise, le Swiat, à la publication d’un numéro spécial sur l’art français et les relations
artistiques franco-polonaises. Elle lui fournit des documents, des photographies et des
gravures sur l’art français. Ce système de collaboration fut régulièrement renouvelé pour
d’autres revues à l’étranger pendant la période.
252 AMAE-N, Archives de l’Institut français de Berlin, carton 7.253 Claude Roger-Marx, « La Sculpture française à Prague », La Revue française de Prague, n°68, 15 juin 1935,p. 73-84.
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B. La présentation des arts plastiques dans toutes leurs expressions ?
1. L’exclusion de la photographie et du cinéma
2. Quelques expositions d’architecture
a) La section consacrée au Corbusier dans l’exposition d’art français
contemporain de Vienne (Künstlerhaus) en 1926
b) L’exposition itinérante de la Société des Architectes Diplômés par le
Gouvernement en 1933 en Europe centrale
3. Les arts décoratifs : un enjeu international
a) L’intérêt porté aux arts décoratifs dans les expositions jusqu’en 1925
b) L’exposition des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 et sa longue
exploitation par l’AFEEA
4. La sculpture, le dessin… et « la déesse peinture 254 » (Christian Zervos)
C. Le choix des artistes à exposer
1. Les vivants contre les morts : un choix en faveur de l’art contemporain
a) Les expositions d’art ancien
b) Le succès des expositions centennales : David, ancêtre de l’art français
c) La France mieux représentée par son « école » moderne (annexe n° 22)
254 « Rétrospectives », Cahiers d’art, n° 2, février 1926, p. 21.
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2. Les principes et les pratiques présidant aux choix
a) Le « besoin d’être aimé 255 » (Bernard Grasset)
b) Le pluralisme artistique : un principe républicain
c) Les conséquences du système d’accompagnement culturel : le choix des acteurs
privés l’emporte dans les années 1920
3. Les réalisations des années 1920 au début des années 1930: un « âge des
extrêmes » ?
a) Les expositions soutenues par les galeristes, les collectionneurs et leurs réseaux
internationaux
b) Le lobbying national et ses « expositions-salons » (annexe n°12)
4. La réaction des années 1930 : la recherche d’un art vraiment national
(annexes n° 13 à 21)
a) L’impasse des deux modèles d’expositions établis dans les années 1920
b) Le retour à l’ordre contre le succès des artistes étrangers de l’École de Paris
Henri Matisse est l’artiste le mieux représenté dans les expositions soutenues ou organisées
par le gouvernement (trente et une expositions au moins de 1921 à 1940). Avant-gardiste
fauve au début du siècle, il est ensuite le peintre du retour à l’ordre. Ce « petit chat de
Bonnard256 » est l’un des artistes fauves assagis que les organisateurs d’expositions officielles
privilégient pour pondérer la surreprésentation de l’École de Paris, et donc des artistes
étrangers, dans le marché de l’art. Le choix de Matisse n’est pas étonnant : il avait lui même
au début du siècle très bien mené son « détour par l’étranger », stratégie dont Béatrice
Joyeux-Prunel a fait une analyse pour différents mouvements ou artistes successifs d’avant-
garde. Matisse, comme bien d’autres, avait procédé par « expositions différenciées » :
l’important n’était pas seulement de participer à une exposition dans un lieu quelconque, mais
il fallait jouer sur l’œuvre exposée en tenant compte de la hiérarchie des capitales culturelles.
255 Bernard Grasset, « Lettre à Friedrich Sieburg, », La Nouvelle Revue française, 1931, volume 36, CCVIII, p.142-145.256 L’expression est de Jean Cocteau.
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Alors qu’en France les œuvres que Matisse présentait gardaient une palette fauve, dès 1905, il
montrait à l’étranger des œuvres à l’esthétique plus calme. On y voyait le « fauve aux griffes
élimées257 ».
Les œuvres que montrait Matisse à l’étranger étaient en réaction consciente et voulue au
succès de l’Ecole de Paris : en 1924, Matisse s’exprima ainsi lors d’un entretien avec le
critique d’art danois, Finn Hoffmann :
« Je ne considère pas comme un bien en tout point que tant d’artistes étrangers viennent àParis. La conséquence en est souvent que ces peintres portent une empreinte cosmopoliteque beaucoup de gens considèrent comme spécifiquement française. Les peintres françaisne sont pas cosmopolites, les « peintres de Salon » exceptés. Cette catégorie est accueillie àbras ouverts dans le monde258. »
Matisse continua en insistant sur la nécessité pour les artistes français de suivre un
enseignement fondé sur l’héritage national, que pour sa part il ne trahissait pas. Que firent les
organisateurs des expositions dites officielles, si ce n’est reprendre à leur compte les choix
classicisants établis par Matisse ?
Les premières expositions d’art français à l’étranger, dans les années 1920 furent organisées
en grande partie à la demande des acteurs étrangers et grâce à des galeristes et des
collectionneurs de l’art moderne. Dans les années 1930, le choix des artistes exposants se
transforma avec l’implication plus grande des musées nationaux dans les expositions d’où
l’on chercha à exclure les nombreux artistes étrangers de l’école de Paris. Imposant les figures
du retour à l’ordre français dans ces expositions à des étrangers qui eussent préféré y voir
figurer des œuvres de Picasso ou de Chagall, l’un de ces organisateurs officiels, Louis
Hautecoeur, y voyait un enjeu national.
- L’exemple de l’exposition de Zagreb et de la contre-exposition de Belgrade par LouisHautecoeurL’exposition de Belgrade, organisée par le conservateur du Musée du Luxembourg en 1932
était prévue pour être transportée à Zagreb : c’était une réponse à l’exposition d’art allemand
organisée à Belgrade et Zagreb en mai et juin 1931 et une réaction à l’exposition organisée
deux ans auparavant dans la même ville par le directeur de l’Institut français, Raymond
Warnier.
- L’exposition de Zagreb en 1930 et la présence de l’Ecole de Paris
257 Béatrice Joyeux-Prunel, op. cit., p. 660.258 Cité par Jean Laude dans l’Art face à la crise, op. cit., p. 369. L’entretien fut publié par la revue danoiseBuen, n° 2, décembre 1924.
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Cette exposition, organisée avec la collaboration de la galerie Billiet/Pierre Vorms et du
conservateur du Musée de Grenoble, Andry-Farcy, qui mit à disposition ses compétences et
les collections de son musée, présentait deux cent quatre œuvres. C’est le directeur de
l’Institut français de Zagreb, Raymond Warnier, qui en fut l’organisateur local, et non une
personnalité yougoslave. Ce dernier était arrivé en 1921 dans cette ville avec la première
fonction de lecteur de français. En 1924, lors de la création de l’Institut français de Zagreb, il
en prit la direction. Un an plus tard y était proposée une exposition de gravures du XIXe siècle
puis trois expositions suivirent, sur la gravure française et sur l’art français contemporain. À
la fin des années 1920, on eut l’ambition d’organiser une exposition rétrospective d’art
français, mais le projet échoua et on se résigna à montrer à nouveau l’art moderne : ce fut
l’exposition de Raymond Warnier en 1930.
Deux tiers des œuvres qui y étaient présentées étaient des huiles, aquarelles et dessins et un
tiers était composé de gravures (gravures sur cuivre, sur bois et lithographies). À cette
exposition était annexée une présentation de livres d’art (Éditions Crès, Larousse, Éditions du
Sablier, etc.) L’iconographie de l’exposition privilégiait, sans surprise, le paysage – paysage
terrien ou marine – les portraits et les nus. L’utilisation du paysage comme élément
iconographique dominant n’est pas anodine, elle permet, selon Françoise Cachin,
l’« expression d’une identité régionale ou nationale, quelque chose de typiquement français ».
Les paysagistes présentés à Zagreb furent Barat-Levraux, Céria, Dufy, Fotinsky, Friesz,
Utrillo, Vlaminck qui peignaient la Provence, la Normandie ou d’étroites rues parisiennes.
Les soixante-treize artistes représentés n’appartenaient pas à l’avant-garde artistique. On ne
vit point de surréalistes dans cette exposition où il y eut tout de même quelques cubistes. Les
œuvres de Camoin, Marie Laurencin, Charles Dufresne – entre autres – y étaient accrochées,
et le choix des artistes en général259 ne différait pas de celui adopté pour bien d’autres
expositions patronnées par le gouvernement. Certains artistes étrangers de l’École de Paris y
figuraient, mais toujours en minorité. Ils étaient dix sur soixante-treize exposants. C’est le cas
de Serge Fotinsky, Ukrainien installé à Paris depuis 1908 et exposant au Salon des
Indépendants, au Salon d’Automne et à la galerie Billiet/Vorms qui organisait en partie
259 Arnoux, Barat-Levraux, Berjole, Bonnard, Bouquet, Braque, Camoin, Capon, Céria, Charmy, Coubine,Maurice Denis, Derain, Despiau, Dignimont, Dufresne, Dufy, Eisenschitz, Favory, Floch, Fotinsky, Friesz,Gerbaud, Gimond, Gromaire, Kisling, Laprade, Laurencin, Le Fauconnier, Léger, Lenoir, Lhote, Luce, Lotiron,Lurçat, Marquet, Masereel, Matisse, Morillon, Mela Muter, Ozenfant, Parayre, Pascin, Picart Ledoux, Picasso,Pruna, Rouault, Sahut, Salvado, Senabré, Signac, Sima, Soutine, Utrillo, Valadon, Vergé-Sarrat, Vlaminck,Waroquier, Beaufrère, Chagall, Cochet, Forain, Foujita, Frélaut, Laboureur, Leheutre, Lepère, Moreau, Pissarro,Renoir, Rodin, Rouveyre, Toulouse-Lautrec.
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l’exposition. C’est le cas aussi pour Tsuguharu Foujita, dit aussi Léonard Foujita, peintre
japonais arrivé à Paris en 1910. Les autres peintres étrangers travaillant à Paris et qui furent
exposés à Zagreb furent Othon Coubine, Willy Eisenschitz, Moïse Kisling, Frans Masereel,
Mela Muter, Pedro Pruna, Joseph Sima et Chaïm Soutine. L’exposition, qui se voulait
modeste, entendait ouvrir des pistes de réflexion sur la nature des nouvelles recherches
artistiques parisiennes. Raymond Warnier justifia ainsi plus tard son projet dans la revue
L’Art vivant :
« Bref, on se rallia à l’idée d’une exposition préparatoire d’art contemporain, d’uneexposition qui fut moins un étalage de sujets brillants, de toiles pour épiciers qu’une revuede doctrines et d’essais, de techniques et de recherches : non pas une exposition detableaux, mais une exposition de peinture, une démonstration260. »
La critique yougoslave fut élogieuse pour l’exposition. L’inverse eut été étonnant. En effet, la
presse locale était visiblement tenue de ne pas froisser les organisateurs français, pour des
raisons diplomatiques entre le royaume de Yougoslavie et la France. Les deux pays étaient
liés à l’époque par un intérêt commun contre la possibilité de création d’une union –
douanière puis politique – entre l’Autriche et l’Allemagne. Mais l’exposition fut attaquée par
le critique enragé qu’était Camille Mauclair, défenseur en 1900 des impressionnistes, qui pour
lui devaient rester le « dernier bastion de l’esprit national261 ». Celui-ci avait fait paraître dans
l’Ami du peuple262 un article virulent sur cette exposition. Ce n’était ni la première fois – et ce
ne fut pas la dernière – que Mauclair réagissait ainsi aux expositions d’art français à
l’étranger. Le dossier de presse conservé dans les archives du service des Œuvres263 sans
doute rédigé en partie par le directeur de l’Institut français en charge de l’exposition, résume
l’article calomnieux et xénophobe :
« Cet article, qui déclare la guerre à l’école de Paris " composée de métèques et de demi-fous ", et aux expositions commerciales qui trompent l’étranger en lui faisant prendre sesœuvres pour de l’art français (…) a permis de renouveler les accusations banales ettendancieuses que d’aucuns aiment à faire circuler, pour décrier l’art français. »
Camille Mauclair ne dénonçait pas seulement la présence des artistes étrangers. Pour lui, les
noms de Soutine, Chagall, mais aussi ceux de Léger, Lurçat, Braque, Lhote et Ozenfant
constituaient « la liste passepartout des marchands de Fauves ». Les attaques de Camille
Mauclair étaient isolées dans le concert de voix s’exprimant au sujet des expositions d’art
français. Il est l’un des seuls critiques à avoir voulu susciter une polémique sur le choix des
260 Raymond Warnier, « L’art vivant en Serbie », L’Art vivant, n°135, juillet 1930, p. 631.261 Béatrice Joyeux-Prunel, « Nul n’est prophète en son pays », op. cit., p. 244.262 L’Ami du peuple, 15 mai 1930.263 AMAE-Nantes, SOFE. Carton 38, Yougoslavie. Dossier de presse.
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artistes présentés à Zagreb et à en avoir critiqué la modernité. Cependant les organisateurs
réagirent à ces critiques de manière vive. On opposa certes une réplique aux offenses de
Mauclair – Raymond Warnier publia une justification dans l’Intransigeant264 et dans l’Art
vivant –, mais avant tout on céda à leurs menaces.
On choisit alors de limiter voire d’exclure la présence des artistes étrangers qui faisaient la
renommée de l’École de Paris. Et ce choix fut facilité par le fait qu’il faisait écho, en France,
aux goûts personnels des personnalités emblématiques de l’action artistique à l’étranger. Le
président de l’Association d’Action Artistique, Émile Humblot, reconnaissait avant même que
Camille Mauclair ne s’exprimât, dans une lettre à Louis Bouchet, chef de la section arts
plastiques de l’AFAA, que le choix des artistes de l’exposition de 1930 à Zagreb était
inconvenant :
« Très franchement, je déplore des expositions semblables à celle qui se prépare pourZagreb et qui ont, en partie, un caractère moderne qui nuit à la réputation de l'art
français265
. »
L’AFAA et le service des œuvres avaient d’ailleurs temporisé pour offrir leur soutien à cette
exposition de Zagreb. La réaction de la revue l’Art vivant, dirigée par Florent Fels, est tout
aussi ambivalente que celle des services officiels. La revue se chargea tout d’abord de
défendre les acteurs officiels de l’action artistique contre les critiques acerbes : en 1930, L’Art
Vivant publia une justification de Raymond Warnier, répondant à Camille Mauclair :
« L’étranger, adopté, formé, assimilé par Paris, n’est pas condamnable en soi. Seul undécret démagogique en persuadera M. Mauclair et ses séides. S’il veut bien ne pas ignorer,en dehors de son art, nos lettres, ai-je besoin de lui rappeler, dans le seul XIX
e siècle, lenombre et la qualité des étrangers adoptés, et fièrement célébrés par les meilleurs de nosjuges littéraires ? »
Mais la même année, la revue publia plusieurs articles sur le phénomène des artistes étrangers
et leur rapport à l’art français par Waldemar George et par Georges Rivière. Waldemar
George y posait la question suivante : « Paris demeure-t-il le centre artistique du
monde ? »266. La question de Georges Rivière avait trait quant à elle, non aux institutions et à
leurs politiques curatoriales, mais à l’art français lui-même : « Avons-nous encore un art
français ? »267. Georges Rivière y répondait négativement en indiquant clairement la cause de
264 « Polémiques. Lettre ouverte de Raymond Warnier », L’Intransigeant, 13 juillet, 1930, p. 5.265 AMAE-Nantes, SOFE. Carton 38, Yougoslavie. Lettre d’Émile Humblot à Louis Bouchet, datée du 28 mars1930.266 Waldemar George, « Paris demeure-t-il le centre artistique du monde ? », L’Art vivant, 1er mars 1930, p. 212.267 Georges Rivière, « Avons-nous encore un art français ? », L’Art vivant, n° 138, septembre 1930, p. 721-722.
98
la disparition de l’art français, c’est-à-dire « l’invasion étrangère ». Contrairement aux artistes
étrangers attirés, quelques générations auparavant, par l’enseignement de Cabanel ou de
Bonnat, la nouvelle génération d’artistes étrangers venue s’installer à Paris ne venait pas y
apprendre « l’esprit » ni la « technique » de l’art français, au contraire selon Georges Rivière :
« La plupart des étrangers venus à Paris pour conquérir le monde occidental se soucient peud’ailleurs de connaître les causes profondes de la beauté de notre art, puisqu’ils ontl’ambition de nous faire accepter leurs propres conceptions. »
L’article appelait à un renouveau de l’art français, que seul un retour aux traditions nationales
permettrait. La revue l’Art vivant qui venait justement, en 1930, de rejoindre la courte liste
des revues que l’AFAA s’attachait à diffuser à l’étranger, tenait un discours qui convenait très
bien aux organisateurs officiels. Plutôt ouverte sur le monde, la revue consacrait des numéros
entiers aux arts des autres nations (Égypte, Belgique, etc.), tout en analysant l’actualité de
l’art parisien. L’intérêt pour les arts étrangers correspondait aux déclarations de principe faites
par les acteurs de l’action artistique officielle française, valorisant les phénomènes
d’échanges. Mais la priorité des responsables de l’action artistique était bien sûr de valoriser
l’art français, exigence à laquelle répondait très bien cette revue comme on l’a perçu à la
lecture de l’article de Georges Rivière. La tendance nationaliste de l’Art vivant ne cessa de
s’affirmer, suivant un cours parallèle à celui de l’action artistique officielle en direction de
l’étranger. La première étape consista à écarter les artistes étrangers des expositions d’art
français.
La réaction vint des conservateurs de musées car un an plus tard, en 1931-1932, la réforme
des statuts de l’AFAA fit entrer en son conseil d’administration en qualité de membre de
droit, des responsables d’institutions culturelles françaises qui étaient sous la direction du
ministère des Beaux-Arts. Les musées nationaux en firent désormais partie, ce qui eut pour
conséquence une plus grande implication des conservateurs des musées nationaux dans
l’organisation des expositions. Le conservateur qui se vit attribuer les expositions d’art
moderne fut celui du Musée du Luxembourg, Louis Hautecoeur, qui mit toutes ses forces
pour résoudre la situation envenimée par Camille Mauclair. Il y apporta d’autant plus de soin
que ses opinions n’étaient pas toujours très éloignées de celles de Mauclair : en 1929, il se
plaignait dans un essai268 de la décadence de l’art vivant, selon lui gangrené par la présence de
critiques et d’artistes étrangers.
268 Louis Hautecoeur, Considérations sur l'art d'aujourd'hui, op. cit.
99
Toutes ces critiques étaient prises très au sérieux à cause de l’impact qu’elles pouvaient avoir
sur l’opinion publique étrangère. À l’occasion de cette exposition, plusieurs voix se firent
entendre chez les organisateurs pour dire combien les offenses de Mauclair nourrissaient
l’argumentaire des propagandes étrangères contre l’art français. Ces propagandes – on pensait
à celle de l’Allemagne en priorité – donnaient pour argument que la vitalité et le renouveau de
l’art français ne devaient rien à une force française intrinsèque et tout à ces artistes étrangers
qui faisaient le renom de l’Ecole actuelle de Paris.
L’organisation de ce que l’on peut appeler une contre-exposition à Belgrade en 1932 était
motivée par la peur que les arguments du critique xénophobe et anti-moderniste français
soient relayés par la propagande allemande en Yougoslavie : il fallait démentir de telles
accusations et prouver que l’art français ne devait pas uniquement son renouveau et sa vitalité
à la seule présence des artistes étrangers. Or la propagande allemande en Yougoslavie était
active : en mai et juin 1931, moins d’un an après l’exposition organisée par Raymond
Warnier à l’Institut français, l’Allemagne et sa toute nouvelle « Deutsche Kunstgesellschaft »,
créée en 1929, montèrent une exposition d’art allemand à Belgrade et Zagreb269.
L’efficacité des propagandes anglaise et surtout allemande venait de faire l’objet d’un rapport
très alarmant d’un attaché du Musée du Luxembourg, Gaston Poulain, chargé de mission à
Belgrade et à Zagreb « sur les musées de Belgrade et de Zagreb, et sur la nécessité d’une
propagande des musées nationaux en Yougoslavie »270. L’exposition de Belgrade devait
donner une nouvelle définition de l’art français au moment où M. Kachanine, directeur du
musée d’art contemporain de cette ville, déclarait son intention d’y développer une section
d’art français. La définition de l’art français qu’avait donnée l’exposition de Zagreb fut
rectifiée par celle de Belgrade et les artistes étrangers commencèrent à être éliminés des
expositions officielles d’art français à l’étranger.
- La contre-exposition de Belgrade en 1932
La préparation de la deuxième exposition de Belgrade – qui devait être transportée à Zagreb –
fut prise en charge par le chartiste et archéologue Léon Rey271 et par Louis Hautecoeur. Léon
Rey, premier intermédiaire entre les hôtes yougoslaves, c’est-à-dire la société des amis de
269 Carolin Schober, op. cit., p. 41.270 Archives des Musées nationaux, Musée du Luxembourg, 2HH23. Exposition d’art français moderne, Zagreb,Belgrade, « rapport présenté à Monsieur Henri Verne, Directeur des musées nationaux et de l’École du Louvrepar Monsieur Gaston Poulain, attaché au Musée du Luxembourg, chargé de mission, sur les musées de Belgradeet de Zagreb, et sur la nécessité d’une propagande des musées nationaux en Yougoslavie. (Séjour à Belgrade du10 au 13 novembre, et de huit heures à Zagreb, le 14 novembre 1930) ».271 Léon Rey, archiviste paléographe de la promotion de 1914 était archéologue en Albanie (Apollonia).
100
l’art Cvijeta Zugoric et les organisateurs français, avait déjà fait une sélection parmi les
demandes qui avaient été faites.
Dans une lettre qu’il envoya au directeur de l’AFAA en mars 1932 par laquelle il l’informait
des vœux yougoslaves, il déclara qu’il avait déjà écarté de son propre chef les noms de
Chagall et de Picasso « qui ne sont pas français »272. Ce point de vue fut admis et même
soutenu par Louis Hautecoeur. Par la suite, Chagall ne fut plus jamais présenté dans des
expositions d’art français à l’étranger. Picasso le fut malgré tout, mais d’une manière timide si
on la mesure à l’aune de sa renommée internationale.
Les autres artistes273 proposés par la société artistique yougoslave convinrent aux
organisateurs français : parmi eux figuraient les anciens fauves qui avaient changé leur
manière : Derain, Marquet, Matisse, Vlaminck. Les noms proposés étaient majoritairement
ceux qui figuraient déjà dans la section française du Musée du Prince Paul. Ils devaient être
représentés chacun par trois œuvres. Les organisateurs yougoslaves laissèrent aux Français le
soin de choisir d’autres artistes, qui pouvaient présenter chacun une œuvre. On choisit de
compléter cette liste par des artistes présents dans les collections du Musée du Luxembourg.
Ce choix ne fut pas fait pour des raisons pratiques comme on pourrait le croire : on ne puisa
pas dans les collections du musée pour effectuer l’envoi en Yougoslavie. Mais on sollicita
auprès des artistes déjà présents dans les collections une œuvre de leur collection personnelle,
de leur atelier. Il s’agissait donc d’une décision esthétique et non pratique ou économique. Le
choix des artistes présents dans les collections du Luxembourg devait compenser celui des
Yougoslaves qui avaient choisi des artistes mondialement connus. Robert Brussel, directeur
de l’AFAA, annonça à un responsable yougoslave « qu’il serait plus équitable » que de tels
artistes figurent à l’exposition. C’est pourquoi la liste définitive de l’exposition comprit, outre
les artistes demandés par les organisateurs serbes, cinquante-quatre peintres et sculpteurs
français tels que Yves Alix, Edmond Aman-Jean, Albert André, Maurice Asselin, Adrienne
Jouclard, Paul Charlemagne, Georges d’Espagnat, Henri Manguin, Jules-Émile Zingg, Henry
Arnold, Albert Besnard, Jules Desbois, Léon Drivier, Raoul Lamourdedieu, Pierre Poisson,
Robert Wlérick, etc.
Ces choix d’artistes assez conventionnels furent faits pour effacer la mémoire des œuvres au
caractère expressionniste fort comme celles de Chagall qui avaient marqué les esprits en
272 Archives des Musées nationaux, Musée du Luxembourg, 2HH23, Exposition d’art français moderne, Zagreb,Belgrade, Lettre de Léon Rey à Robert Brussel, le 4 mars 1932.273 Les artistes proposés par la société yougoslaves furent : Bonnard, Braque, Denis, Derain, Dufresne, Dufy,Friesz, Gromaire, Kisling, Laprade, Laurencin, Lhote, Lurçat, Marquet, L.-A. Moreau, Matisse, Rouault,Dunoyer de Segonzac, Signac, Utrillo, Valadon, Vlaminck, Vuillard ainsi que Chagall et Picasso.
101
Yougoslavie et qui y symbolisaient l’art français contemporain. Les Yougoslaves furent
surpris – et sans doute déçus – par l’exposition, comme on le perçoit à la lecture du dossier de
presse : les artistes présentés parurent bien « calmes » au public serbe. Louis Hautecoeur
profita de ce moment d’étonnement pour justifier ces choix et entériner cette définition de
l’art français. Dans un article paru dans la revue Beaux-Arts274, il s’en explique :
« Nos artistes, au contraire, même les plus avancés, ont toujours gardé, en dépit de certainesoutrances, des qualités d’équilibre, de dessin, d’harmonie des couleurs, bref, un héritageclassique - ce qui ne veut pas dire académique. Ces qualités, ils tendent de nouveau à lesaffirmer. C’est pourquoi, lors de l’ouverture de l’Exposition de Belgrade, des critiques d’artou des jeunes artistes s’étonnèrent de trouver si calmes, non seulement nos sculpteurscomme Despiau, Drivier, Gimond, Pompon, Poisson et les autres, mais encore les peintrestels que Matisse, Vlaminck, Derain, Friesz, Waroquier, Asselin, Lhote, Charlemagne,Valadon. On sentait - comme on l’a senti à Londres, quand on contemplait les sallesfrançaises du XIXe siècle - que notre école, malgré la diversité de ses tempéraments, obéità une tradition et reste fidèle à certains caractères. C’est là ce que j’ai essayé d’expliquer àBelgrade. »
Louis Hautecoeur conserva cette ligne esthétique pour les autres expositions qu’il organisa à
l’étranger comme celle de Bruxelles en 1933. En sélectionnant les œuvres qui furent exposées
dans la section française du salon de printemps de Bruxelles en 1933, Hautecoeur conserva
les artistes275 conservant « l’héritage classique » avec lesquels il avait fait sa démonstration de
Belgrade. Pour les sculpteurs, il s’agissait des anciens praticiens de Rodin, revenus à une
esthétique classique tels Despiau, Dejean et Pompon mais aussi Maillol, Poisson et Girieud.
La série d’expositions organisées par Louis Hautecoeur avait pour but, dans un premier
temps, d’effacer la mémoire des œuvres d’artistes étrangers qui symbolisaient auparavant
l’Ecole de Paris pour les remplacer par des artistes uniquement français. La définition donnée
de l’art français par cette série insistait, entre autres grâce à la présence des sculpteurs qui
viennent d’être cités sur les qualités dites propres à l’esprit français : modération, ordonnance,
composition et observation de la nature.
À Lisbonne en 1942, Louis Hautecoeur rappela ses initiatives pour redéfinir l’art français
grâce aux expositions envoyées à l’étranger. Il donna cette préface à une exposition d’art
français dans cette ville276 :
« Enfin quelles que soient les tendances, la peinture française a toujours montré le goût dela modération, de l’ordonnance et même de la nature. Pendant vingt ans les salons parisiens
274 Louis Hautecoeur, « L’Art français devant l’étranger », Beaux-Arts, 3 février 1933.275 Les artistes présentés à Bruxelles par L. Hautecoeur furent : Alix, Aman-Jean, Arnold, Asselin, A. Besnard,Bonnard, Bouchard, Despiau, Dejean, Gimond, Guénot, Lamourdedieu, Landowski, Maillol, Pompon, Poisson,André, Billotey, Blanche, Braque, Camoin, Céria, Charlot, Chastel, Denis, Desvallières, Dufy, Désiré-Lucas,Dufrénoy, Dunoyer de Segonzac, Girieud, Guérin, Kisling, Lacoste, Laurens, Suzanne Lalique, Leroux, LeSidaner, Luce, Signac, Strauss, Lhote, Manguin, Puy, Rouault, Utrillo, Valadon, Vlaminck, J. Besnard.276 Cf. le catalogue de l’exposition de Lisbonne en 1942 : Exposição de arte francesa contemporãnea, op. cit.
102
et les revues d’art ont pu faire illusion, parce qu’aux Français se mêlaient de nombreuxétrangers, souvent israélites, venus de Russie, de Pologne, des Balkans qui, désireux d’êtreremarqués ou soumis à des influences ancestrales, pratiquaient un art fort différent du nôtre.Cette école de Paris, qui subit d’ailleurs fortement l’influence de nos Maîtres, et dont il nes’agit de contester ni l’intérêt historique ni même la valeur, n’était pas en tout cas une écolefrançaise. Nous avons, il y a dix ans, en pleine crise, essayé de le montrer par uneexpérience : dans une exposition organisée par nous à Bruxelles, nous n’avons présenté quedes peintres français et l’on s’aperçut alors que malgré les différences d’âge, detempérament, d’éducation, de tendances, tous possédaient des caractères communs.
Le fait est encore plus évident lorsqu’on examine la sculpture qui ne peut, aussi facilementque la peinture, s’abandonner à toutes les fantaisies de l’esprit et qui reste nécessairementsoumise aux lois du volume. Quelques artistes, encore des étrangers, ont pu parler desculpture abstraite, les Français n’ont jamais cessé de composer et d’observer. »
L’intervention brutale de Louis Hautecoeur en faveur du mouvement néoclassique ne fut
cependant pas du goût de tous. Georges Huisman, alors directeur général des Beaux-Arts,
donna la mission au directeur de l’AFEEA Philippe Erlanger d’intervenir pour diversifier les
choix artistiques faits par le conservateur pour une exposition de peinture française à Zagreb
en 1940277. Dans la note personnelle qu’il envoie à Erlanger, Huisman s’exprime ainsi :
« Il est indispensable que M. Hautecoeur veuille bien se procurer une trentaine de tableauxde peinture moderne pris parmi les Jeunes de l’École d’aujourd’hui. Je sais bien qu’iln’aime pas la jeune peinture et qu’il nous propose toujours des sujets académiques sansintérêt278. »
c) Les modèles d’expositions conçus par les conservateurs de musées
d) Les exclus des expositions d’art français
277 Exposition « La Jeune peinture française », Zagreb, 1940.278 Arch. nat. F 21 3979. Note personnelle de Georges Huisman à Philippe Erlanger, 4 avril 1940.
Conclusion279
Avant de questionner l’efficacité politique et esthétique des expositions artistiques de
l’AFEEA et des services français, on peut déjà insister sur l’importance accrue des
expositions d’art au sein de la diplomatie culturelle, qui rattrapèrent, du moins en importance
symbolique, les efforts faits pour la diffusion de la langue française dans le monde. Devant le
déclin international du français au profit d’une langue anglaise reliant les peuples, les
expositions d’art étaient-elles perçues dès lors comme porteuses d’un message plus
universel ?
Il faut constater le chemin parcouru depuis le moment où n’existait au Quai d’Orsay qu’un
Bureau des écoles françaises à l’étranger280 (1910) et où l’Office national des universités
refusait que ses instituts à l’étranger étendissent leurs missions scientifiques à des missions de
diffusion de la culture française, jusqu’au moment où Jean Zay281, à la fin des années 1930,
définit un « premier principe d’action artistique » en ces termes :
« La primauté incontestable de la France dans le domaine des arts plastiques et l'éclat deson école moderne sont une des armes les plus précieuses et les plus efficaces dont ellepuisse se servir pour défendre son prestige à l'étranger282. »
L’ancien ministre de l’Éducation nationale, avant sa mort tragique, avait consigné dans ses
mémoires réunis sous le titre de Souvenirs et solitude, ses réflexions sur l’importance
nouvelle des expositions d’art pour l’image de la France dans le monde :
« Dans les temps nouveaux où la suprématie française devra se réduire à celle del'intelligence et de l'art, c'est-à-dire à la meilleure part, il faudra sillonner le monde de cesexpositions, de ces troupes théâtrales, de ces conférenciers choisis, qui nous représententmieux que bien des diplomates et, qui, en tout cas, pourront seuls maintenir notreprestige283. »
La place nouvelle des expositions d’art concernait l’ensemble des relations culturelles
internationales et n’était pas propre au seul cas français : l’évolution fut la même pour de
nombreux pays. Au cours de l’entre-deux-guerres, la difficulté à intégrer les expositions d'art
au sein de la diplomatie culturelle fut si bien surpassée que celles-ci devinrent même des
279 On excusera le caractère provisoire de cette conclusion qui ne pourra trouver une expression plus définitiveque dans la thèse d’établissement sur le même sujet.280 Et qu’au ministère de l’Instruction publique, le Bureau des Travaux d’art, Musées et Expositions, sepréoccupait surtout d’expositions dans les départements français, se laissant distancer pour les expositions àl’étranger par des comités privés, usurpant les titres officiels.281 Jean Zay était ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts depuis le 4 juin 1936.282 Arch. nat. F 21 4721. Notes pour une réponse à la lettre de Guirand de Scevola du 16 décembre 1938.283 Jean Zay, Souvenirs et solitude, op. cit., p. 366.
104
symboles de la coopération internationale. Koïchiro Matsuura, dans son article sur « l'enjeu
culturel au cœur des relations internationales284 » indique que lorsque l'UNESCO (United
Nations Educational, Scientific and Cultural Organization) fut créé au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, la « culture » renvoyait essentiellement à la production artistique,
aux beaux-arts et aux belles-lettres.
Ce fut en grande partie le rôle de l’AFEEA et celui du service des Œuvres que de diversifier
le contenu de l’action artistique officielle à l’étranger.
Le succès des expositions au sein de la diplomatie culturelle française, par la place nouvelle
qui leur furent accordées dans les pratiques diplomatiques, est certain. Mais ceci n’est qu’une
victoire interne, une revanche des expositions d’art sur une diplomatie culturelle qui ne
voulait pas d’elles à ses débuts. Qu’en est-il de l’efficacité, pour ainsi dire, absolue, de
l’action artistique française et plus particulièrement des expositions d’art français à
l’étranger ?
Le système « d’accompagnement culturel » pensé au début des années 1920, en favorisant
l’intervention de particuliers, correspondants ou non de l’AFEEA, en permettant des
expositions de grandes collections privées tout comme des expositions-ventes par les galeries
d’art, fut extrêmement intéressant et adapté à la situation avantageuse de l’art français dans le
monde et à sa place dans le marché de l’art international, malgré quelques échecs sonnants
comme les manifestations du comité permanent des expositions à l’étranger (expositions de
Genève et La Haye en 1926, exposition de Madrid en 1933). Les organisateurs des
expositions d’art français avaient une priorité : satisfaire les demandes de l’étranger. Or
celles-ci se portaient essentiellement sur les artistes déjà reconnus internationalement. C’est
ainsi que des œuvres de Pablo Picasso, Georges Braque ou Le Corbusier furent exposées
officiellement à l’étranger. Les expositions de cette première décennie d’action artistique
officielle, tout en affirmant qu’elles présentaient « toutes les tendances de l’art français »,
avaient déjà leurs exclus – les surréalistes –. La liste des artistes refusés aux expositions
officielles s’allongea dans les années 1930.
L’inflexion autoritaire des années 1930, due en partie aux crises économique et politique
mondiales, transforma singulièrement l’équilibre qu’avait réussi à acquérir le système
d’action artistique français se reposant sur des amis francophiles. Les expositions de cette
284 Koïchiro Matsuura, « L’enjeu culturel au cœur des relations internationales »,www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/0903_Matsuura_FR.pdf
105
période, en laissant la place à des conservateurs de musée comme Jean Guiffrey et Louis
Hautecoeur, eurent pour ambition de définir un art véritablement national, excluant les artistes
qui ne correspondaient pas aux critères de l’art français redéfini, c’est-à-dire principalement
les artistes étrangers de l’École de Paris.
« Et l’étranger, déçu, ne nous reconnaît pas285 » : on peut reprendre cette phrase amère de
Claude Roger-Marx, même s’il en analysait autrement les raisons. Les expositions des années
1930, démonstrations des efforts intenses fournis par les contemporains pour refondre les
critères définissant l’art national, donnèrent à voir aux étrangers une figure de l’art français
certes reconnaissable, mais un peu décevante et surtout très peu innovante.
Les expositions d’art français à l’étranger ne sont pas de grands jalons ni pour l’histoire
muséographique, ni pour l’histoire de l’art de cette période. Que dire, sinon que leur absence
est justifiée au sein des recueils consacrés aux grandes expositions collectives comme L'Art
de l'exposition. Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle286,
publiée en 1998, ou le plus récent recueil Salon to Biennal : Exhibitions that made Art
History287 qui présente des expositions allemandes et russes très innovantes comme « Film
und Foto » à Stuttgart en 1929 ou les expositions d’El Lissitzky pour l’URSS à la fin des
années 1920.
Les méthodes d’exposition françaises, en s’adressant principalement à des élites francophiles
– et francophones ! –, en cherchant à fidéliser les collectionneurs d’art français comme ceux
rencontrés dans les premières expositions soutenues pendant la guerre par le ministère des
Affaires étrangères à Winterthur, n’avaient-elles pas négligé l’actualité curatoriale
internationale, porteuse d’avenir car plus démocratique ?
285 INHA, Archives de Claude Roger-Marx. Carton 93, Exposition de sculptures françaises à Prague, 1935.Conférence de Roger-Marx à la radio française, s. d.286 L'Art de l'exposition. Une documentation sur trente expositions exemplaires du XXe siècle, op. cit.287 Salon to Biennal : Exhibitions that made Art History, volume I : 1863-1959, op. cit.
106
Sources et bibliographie
Sources
1. Archives nationales
2. Archives diplomatiques
3. Archives des musées nationaux
4. Bibliothèque de l’Institut
5. Archives de l’Institut national d’histoire de l’art
6. Bibliothèque Kandinsky
7. Archives conservées à l’étranger
1. Archives nationales
Procès-verbaux des séances des assemblées
C* I 424 à 590 de 1876 à 1940. Procès-verbaux des séances des assemblées.
CC 1035 à 1188. Procès-verbaux séances de la haute assemblée.
- Administration des Beaux-Arts (Direction des Beaux-Arts et sous-secrétariat des
Beaux- Arts)
F 21 3969. Missions artistiques aux armées.
F 21 3970. L’esprit de la France aux armées, photographies.
F 21 4711. Historique et organisation de l'Administration des Beaux-Arts
F 21 3967 à 3987. Papiers des directeurs et sous-secrétaires des Beaux-Arts dont
F 21 3968. Albert Dalimier (1914-1918).
F 21 3971. Georges Huisman (1934-1940).
F 21 3978. Georges Huisman et Louis Hautecoeur.
F 21 4322. Paul Léon.
108
F 21 3982A à 3985. Organisation des services de l'administration.
F 21 4004 et 4005. Bureau des Travaux d'art, musées et expositions, correspondance 1867-
1939.
F 21 4031. Bureau des Travaux d'art, musées et expositions, personnel 1875-1939.
F 21 4051. Expositions artistiques. Généralités : 1860-1937.
F 21 4052. Commissariat des expositions des beaux arts en France et à l'étranger 1880-1935.
F 21 4053 à 4078. Sections françaises des beaux-arts aux expositions internationales et
participation française à des expositions diverses à l'étranger 1882-1940.
F 21 4086. Généralités sur les salons et expositions (historique et rapports).
F 21 4417. Comité français des expositions.
F 21 4715 et 4716. Organisation du Bureau des Travaux d'art 1878-1944.
F 21 4735 à 4741. Expositions artistiques à l’étranger 1901-1944.
F 21 4727. Comités, conseils d'expositions, Comité de l'Esthétique (1934).
F 21 4893. Petits salons artistiques et expositions diverses.
Budgets
AD XIX H 156. Budget du Ministère de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts (de 1870 à
1943).
F 21 3 979. Rapports du budget des Beaux-Arts de 1913 à 1930.
F 21 3980. Rapports de 1931 à 1934.
F 21 4721. Rapport de 1939.
F 21 4722. Rapport de 1940.
F 21 4720. Budgets de 1907 à 1937.
- Haute commission interalliée des territoires rhénans « papiers Tirard »
AJ9 2932 à 3373. Propagande 1921-1930.
AJ9 3888 à 3893. Comité directeur de l'exposition française organisée à Wiesbaden en 1921.
AJ9 6291 à 6353. Exposition de Wiesbaden.
2. Archives du Ministère des Affaires étrangères
Paris
109
- Direction générale des affaires culturelles (DGRC)
18 RC 45-46. Œuvres diverses. Expositions.
19 RC 45-46. Œuvres diverses. Expositions.
Nantes
Service des œuvres françaises à l’étranger (SOFE)
SOFE 4. Allemagne, musées.
SOFE 5. Allemagne, expositions.
SOFE 7. Belgique, expositions.
SOFE 9. Belgique.
SOFE 10. Belgique.
SOFE 11. Bulgarie et Danemark.
SOFE 13 et 15. Espagne.
SOFE 19. Grande-Bretagne.
SOFE 24. Exposition des arts décoratifs de Monza.
SOFE 26. Norvège, expositions.
SOFE 27. Pays-Bas.
SOFE 29. Pologne.
SOFE 33. Suède.
SOFE 36. Suisse.
SOFE 38. Yougoslavie.
SOFE 41 et 42. Projet d’un « Palais de France » à New York.
SOFE 44. Amérique latine.
SOFE 46. Amérique latine.
SOFE 47. Asie.
SOFE 75. Dossier central.
SOFE 493. Expositions Degas, Gros, Cézanne, Corot, Art basque.
SOFE 494. Expositions, dossier général.
SOFE 512. Allemagne 1932-1935.
SOFE 513. Allemagne.
SOFE 516. Autriche.
SOFE 518. Belgique 1932-1935.
SOFE 519. Belgique 1936-1940.
SOFE 526. Espagne.
110
SOFE 527. Espagne.
SOFE 528. Grande-Bretagne.
SOFE 530. Grande-Bretagne.
SOFE 532. Grande-Bretagne.
SOFE 533. Grèce.
SOFE 535. Hongrie 1932-1939.
SOFE 538. Italie 1932-1936.
SOFE 540. Italie. Exposition des arts décoratifs de Milan, Biennale de Venise, 1936-1940.
SOFE 545. Norvège 1932-1940.
SOFE 546. Estonie.
SOFE 547. Lettonie 1932-1940.
SOFE 548. Pays-Bas et Indes néerlandaises.
SOFE 550. Pays-Bas et Indes néerlandaises 1936-1940.
SOFE 551. Pologne 1932-1935.
SOFE 552. Pologne 1936-1939.
SOFE 553. Portugal 1932-1940.
SOFE 554. Roumanie 1932-1940.
SOFE 557. URSS 1932-1939.
SOFE 558. Suède 1932-1939.
SOFE 559. Suisse.
SOFE 560. Suisse 1932-1940.
SOFE 563. Tchécoslovaquie.
SOFE 564. Yougoslavie.
SOFE 566. Yougoslavie.
SOFE 572. États-Unis 1932-1935.
SOFE 573. États-Unis 1936-1939.
SOFE 580. Mexique 1932-1940.
SOFE 585. Argentine.
SOFE 591. Égypte 1932-1935.
SOFE 592. Turquie.
SOFE 594. Chine 1932-1936 et 1936-1940.
SOFE 595. Japon.
SOFE Série Canada. Carton 19.
111
Service des échanges artistiques
126. Programme des manifestations artistiques.
174. Expositions françaises en Hollande, Finlande, Suède et Norvège 1936-1947.
178. Expositions françaises en Afrique du Sud Australie, Île Maurice et Nouvelle-Zélande
1938-1940.
179. Expositions françaises, Allemagne à Turquie.
182. Expositions françaises en Bulgarie.
186. Expositions françaises en Belgique.
3. Archives des musées nationaux
Archives du Musée du Luxembourg (2HH)
2HH9. Expositions organisées avec la participation du musée du Luxembourg. Exposition
française au Metropolitan Museum.
2HH19. Hautecoeur, correspondance avec l'Association française d'expansion et d’échanges
artistiques.
2HH20. Administration du musée, sorties, prêts et dépôts.
2HH23. Expositions ou projets d'expositions 1917 à 1932 (Barcelone Wiesbaden, Hongrie,
Brangivyn, Raffaelli, Tokyo, Art tchécoslovaque, Bucarest, Belgrade).
2HH24. Exposition « Les peintres français en Égypte », Le Caire, 1933 ; Varsovie exposition
de sculptures, 1934.
2HH32 (2). Sociétés-Comités-Associations. Action artistique (1938) et commission des arts
plastiques 1932-1935.
2HH33. Projets d'expositions sans suite : Copenhague 1939, Genève exposition d'architecture
– annulée - 1940, exposition de la jeune peinture française Sofia-Bucarest-Athènes 1940,
exposition française à Zagreb 1940.
2HH57. Exposition du Caire, 1938.
(1) correspondance avec les participants
(2) correspondance avec les artistes
(3) plans, rapport sur l'exposition du Caire
(4) correspondance
(5) plans
112
(6) coupures de presse
2HH58 (3). Expositions.
Expositions organisées par les musées nationaux. (X-Expositions)
X-Expositions 1. L'art autrichien au Jeu de Paume en 1927.
X-Expositions 8. Exposition d’art français à Londres (Burlington House), 1932.
X-Expositions 24. Art français du XVIIIe siècle, New York, Metropolitan Museum, 1935.
X-Expositions 51. Art français en Amérique, 1939.
X-Expositions 52. Art français à Belgrade (Musée du Prince Paul), 1939.
Projets d'expositions (1930-1960)
X2. 1928-1959.
X19. Projets d’expositions.
Expositions organisées hors musées nationaux
X-30. Amérique (1939).
X-30. Berlin (1937).
X-30. Buenos Aires (1939).
X-30. Londres (1932).
X-30. Vienne (1936).
Direction des Musées nationaux (Z)
Z1A. Procès-verbaux du Comité des conservateurs.
Z1B. Procès-verbaux du Conseil artistique.
Z2. Rapports annuels des musées nationaux.
Z61. Associations, sociétés, AFAA.
Z62. Action artistique.
113
4. Bibliothèque de l’Institut
- Papiers Louis Hautecoeur
Ms. 6872, ff 138-139. Lettre de l'association pour la Défense des idées françaises, 28 avril
1918.
Ms. 6874, ff. 281 et 289-291. À propos de l'exposition d'art de Zürich organisée par la
Société des Amis de la France, en 1917. Lettres à l'organisateur, Paul Reboux et au MAE,
15 janvier 1918.
Ms. 6874, ff. 301-302, Correspondance avec Clément Mère, vice-président des Artistes
décorateurs français.
Correspondance avec René-Jean.
5. Institut national d’histoire de l’art
- Archives de Claude-Roger Marx
Correspondance
Association française d’action artistique, Paris.
Dossiers sur les expositions collectives et non spécialisées.
Carton 93.
- Exposition d’art français à Londres, janvier 1932.
- Exposition de peinture française à Amsterdam, 1932.
- Exposition d’art français moderne à Madrid, 1933.
- Exposition de sculpture française contemporaine, Prague, 1935.
- Exposition de peinture à Varsovie et à Prague, 1937.
- Exposition de peinture à Luxembourg, 1937.
- Expositions diverses 1936-1937.
- Exposition d’art français, Kaunas, 1939.
6. Bibliothèque Kandinsky
- Fonds Léonce Rosenberg
B22-Exposition Stockholm 1927.
7. Fonds d’archives conservés à l’étranger
- Lisbonne
- Museu de Arte Antiga.
Arquivo Do Dr José de Figueiredo, MNAA, Caixas numeradas de 1 a 15.
Caixa 3 - Pasta 3 – exposição de arte francesa-1934 (na Sociedade Nacional de Belas Artes).
- Institut français.
Cartons de 1936 à 1941.
- Vienne
Wiener Stadt- und Landes Archiv.
Künstlerhaus- Ausstellung : Französische Kunst der Gegenwart, 1926.
Sources imprimées
1. Conseils d'administration de l'Association Française d'Expansion etd'Échanges artistiques
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 23 juin1923. Compte rendu, Dijon, 1923, 32 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du10 février 1925. Compte rendu du 16 mai 1923 au 31 décembre 1924, Paris, Les Ateliersd’Arts Graphiques du Matin, 1925, 60 p.
115
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du10 mars 1926. Compte rendu de l’année 1925, Paris, Les Ateliers d’Arts Graphiques duMatin, 1926, 49 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du16 mars 1927. Compte rendu de l’année 1926, Paris, Imprimerie de Vaugirard, 1928, 60 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du27 décembre 1928. Compte rendu de l’année 1927, Paris, Imprimerie de Vaugirard, 1929,52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 29 avril1929. Compte rendu de l’année 1928, Paris, Imprimerie de Vaugirard, 1930, 52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 15 avril1930. Compte rendu de l’année 1929, Paris, Imprimerie de Vaugirard, 1930, 52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 8 juillet1931. Compte rendu de l’exercice 1930-1931 (du 1er janvier 1930 au 31 mars 1931).Assemblée générale extraordinaire du 22 février 1922, Paris, Imprimerie de Vaugirard, 1932,82 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 6 juillet1932. Compte rendu de l’exercice 1931-1932 (du 1er avril 1931 au 31 mars 1932), Paris,Imprimerie de Vaugirard, 1933, 52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 7 avril1932. Compte rendu de l’exercice 1932 (du 1er avril au 31 décembre 1932), Paris, Imprimeriede Vaugirard, 1934, 52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 7 mai1934. Compte rendu de l’exercice 1933 (du 1er janvier au 31 décembre 1933), Paris,Imprimerie de Vaugirard, 1935, 52 p.
Association Française d’Expansion et d’Échanges Artistiques, Assemblée générale du 21 mai1935. Compte rendu de l’exercice 1934 (du 1er janvier au 31 décembre 1934), Paris,Imprimerie de Vaugirard, 1935, 52 p.
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 15 juin 1936. Compterendu de l’exercice 1935 (du 1er janvier au 31 décembre 1935), Paris, Imprimerie deVaugirard, 1936, 62 p.
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 23 juin 1937. Compterendu de l’exercice 1936 (du 1er janvier au 31 décembre 1936), Paris, Imprimerie deVaugirard, 1937, 62 p.
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 22 juin 1938. Compterendu de l’exercice 1937 (du 1er janvier au 31 décembre 1937), Paris, Imprimerie deVaugirard, 1938, 62 p.
116
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 22 mai 1939. Compterendu de l’exercice 1938 (du 1er janvier au 31 décembre 1938), Paris, Imprimerie L. MarcelFortin, 1939, 62 p.
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 2 novembre 1940. Compterendu de l’exercice 1939 (du 1er janvier au 31 décembre 1939), Paris, Impressions deVaugirard, 1940, 62 p.
Association Française d’Action Artistique, Assemblée générale du 15 mai 1945. Compterendu des exercices 1940 à 1944 (1er janvier 1940 au 31 décembre 1944), Paris, Impressionsde Vaugirard, 1945, 62 p.
Note sur l’Association Française d’Expansion et d’Échanges artistiques et sur le serviced’Études d’Action Artistique à l’Étranger, Dijon, Imprimerie Veuve Paul Berthier, 1923,32 p.
2. Catalogues d'exposition
Copenhague, 1909
Exposition française d'art décoratif de Copenhague, rapport général précédé d'une étude sur
les arts appliqués et industries d'art aux expositions, Paris, Comité Français des expositions à
l'étranger, 1913, 186 p.
Turin, 1911
KOECHLIN Raymond, Turin, Groupe XIII, classe 71-B, l'art décoratif moderne, Comité
français des expositions, Paris, 1911, 67 p.
New York, 1912
Monumental Paris from the 17th Century down to the close of the second Empire, New York,
French Institute, 1912, 44 p.
Saint-Pétersbourg, 1912
Vystavka sto let francuzskoj živopisi (1812-1912) ustroennaja žurnalom « Apollon » i Institut
Français de St. Petersbourg Katalog. [Exposition centennale de l'art français à Saint-
Pétersbourg, 1812-1912. Institut français de Saint-Pétersbourg], 1912,150 p.
René-Jean, L'Art français à Saint-Pétersbourg, exposition centennale, Goupil, 1912, 114 p.
Zurich, 1913
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Ausstellung französischer Kunst : Bildhauerei, Malerei, Griffelkunst, Kunstgewerbe, 16
Februar-26 März 1913, préface en français de Pierre MILLE, Zürich, Zürcher Kunst
Gesellschaft, 1913, 40 p.
Paris, 1915
Catalogue général de l'exposition de l'art à la guerre organisée par le Pays de France.
Tableaux de gloire, travaux de soldats, Paris, Musée du Jeu de Paume, 1915, 166 p.
San Francisco, 1915
Panama Pacific International Exposition, San Francsico, 1915, fine arts, French section
catalogue of works in painting, drawings, sculptures and metal-engravings and lithographs,
Paris, Librairie centrale des Beaux-arts, 1915, 351 p.
Buffalo, 1916
Catalogue of a retrospective of French Art, 1870-1910, lent by the Luxembourg Museum,
Paris, Buffalo Fine Arts Academy, Albright Art Gallery, 1916, 16 p.
Zürich, 1917
Französische Kunst des XIX u. XX Jahrhunderts, Zürcher Kunsthaus, 5 Oktober bis 14
November 1917, Zürich, Zürcher Zeitung, 1917, 38 p.
New York, 1918
Catalogue of the First Annual Official Loan Exhibition of French art, January 29th to
February 12th, 1918, Catalogue Gothik period to the Regence, New York, Privately printed,
1919, 56 p.
New York, 1919
Catalogue of the Second Annual Official Loan Exhibition of French Art : Periods of Louis XV
& Louis XVI : Held at the Gallery of the Museum in the city of New York, January 14 to
January 29, 1919, New York, Privately printed, 1919, n. p.
Wiesbaden, 1921
118
Exposition de l'art français. Section de Wiesbaden (Paulinenschloss). Catalogue des œuvres
exposées. Exposition rétrospective de l'intérieur français, Wiesbaden, Paulinenschloss, juin-
juillet 1921, 24 p.
Prague, 1923
Vaýstava francouzského umení, XIX. a XX. století, Praha, kveten-cerven, Obecni dum, 1923,
61 p.
Exposition d'art français XIX et XXe siècles, Prague, Maison municipale, mai-juin 1923, 61 p.
Copenhague, 1924
Exposition d'Art français organisée par la Fédération des artistes français, Paris, 1924, 22 p.
San Francisco, 1924
Catalogue inaugural exposition of French Art in the California Palace of the Legion of
Honor Lincoln Park, San Francisco-California Palace of the Legion of Honor, 1924, 68 p.
Prague, 1925
Ausstellung der derzeitigen französischen Skulptur, Pavillon der Königin Anna, Belvedere,
Praha, 1935, 24 p.
Vienne, 1925
Die Führenden Meister der Französischen Kunst im XIX Jahrhundert, Vienne, mars-avril
1925, 12 p.
Anvers, 1926
Tenttonstelling van Moderne Fransche Kunst, 15 mai-20 juin 1926.
Exposition d'art français moderne, avec une introduction de WALDEMAR George, 15 mai-
20 juin 1926, 97 p.
Amsterdam, 1926
Inauguration de l'exposition d'art français d'Amsterdam, Paris, imp. Frazier-Soye, 1926, 40 p.
Exposition rétrospective d'art français, 3. juillet-30 septembre 1926, Amsterdam, Musée de
l'État, 87 p.
119
La Haye, 1926
La Haye et Amsterdam. Art contemporain français, Paris, Ducros et Colas, La Haye, Société
Pulchri Studio, 1926, 69 p.
Genève, 1926
Art contemporain Français, Genève, Musée d'art et histoire, 1926, 48 p.
Vienne, 1926
Französische Kunst der Gegenwart, Wien, 5 mars-11 avril 1926, 32 p.
Genève, 1927
Exposition internationale des chalcographies de Paris, Madrid et Rome par la Société des
Nations, Office international des musées, Paris, Albert Morancé, 1927, 104 p.
Helsingfors, 1927
Utställning av modern fransk konst i Ateneum, Helsingfors du 6 au 30 mars 1927,
Helsingfors, 1927, 10 p.
Leipzig, 1927
Austellung Europaïsches Kunstgewerbe, 10 mars-10 septembre 1927, Städtisches
Kunstgewerbe, Leipzig, Rudolf Schick, 1927, 66 p.
Londres, 1927
Exhibition of contemporary French prints, Victoria and Albert Museum May 10th to June
20th, London, Victoria and Albert Museum, 1927, 40 p.
Stockholm, 1927
Ung Pariserkonst 5-27 mars 1927, Liljevachs Konsthall, Stockholm, 1927, 30 p.
Bogota, 1928
Primera exposicion official de pintura francesa en Colombia, Editorial de Cromos, Bogota,
1928.
Le Caire, 1928
120
Exposition d'Art français au Caire : Peintures, dessins, sculptures, céramiques, tapisseries,
Paris, Albert Morancé, 1928, 116 p.
New York, 1928
Catalogue of the seventh Loan Exhibition French Gothic art of the 13th to 15th Century
November 16 to December 5 1928, Detroit Institute of arts, 1928.
Berlin, 1929
Ausstellung zeitgenössischer französischer Graphik im Lichthof des ehemaliger
Kunstgewerbemuseums, Berlin, Cassirer, 1929, 35 p.
Zagreb, 1930
Izložbe savremene francuske umjetnosti, Zagreb, Zaklada Tiskare Narodnih novina, 1930,
24 p.
Bruxelles, 1931
L'Algérie vue par les artistes français (XIXe-XXe), Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 1931, 8 p.
Amsterdam, 1932
Tentoonstelling van Fransche Schilderkunst uit de twintigste eeuw : École de Paris, préface
de W. F. A ROËLL, Amsterdam, 1932.
Belgrade, 1932
Iloižba francuske Savremene umetnosti od 11 do 31 decembra 1932 u Umetničkom Paviljonu
u Beogradu, Beograd : Umetničkom Paviljonu, 1932, 21 p.
Londres, 1932
Commemorative catalogue of the exhibition of French Art, 1200-1900 Royal Academy of
Arts, London, January-March 1932, Oxford/London, University press, Humphrey Milford,
1933, 268 p.
French Art. An illustrated souvenir of the Exhibition of french Art at the Royal Academy of
Arts London, London, William Clowes, 1932 XV p.
121
ISARLOV Georges, La peinture française à l'exposition de Londres, Paris, José Corti, 1932,
38 p.
Exhibition of French Art 1200-1900 London, Royal Academy of Art, 1932, introduction de
Paul LÉON et de W. G. CONSTABLE, 2 vol.
GEORGE, Waldemar, L’Esprit français et la peinture française : En marge de l'exposition
d'art français à Londres, Paris, Édition des Quatre chemins, 1931, 30 p.
Oslo, Göteborg, Copenhague, Stockholm, 1932
Ustilling av Fransk moderne Bokkunst i de Skandinaviske Land (Oslo-Stockholm-Köbenhavn-
Göteborg), mars-mai 1932, 38 p.
Le Caire, 1933
Exposition rétrospective d'œuvres d'art sur l'Égypte, Le Caire, Palais Zogheb, 1933, 68 p.
Zürich, 1933
Französische Maler des XIX. Jahrhunderts, Zurich, Kunsthaus, 1933, 15 p.
Genève, 1934
Exposition de peinture française : œuvres de Bonnard, Marquet, Roussel, Vuillard, Musée
d'art et d'histoire, Genève, 1934, 7 p.
Lisbonne, 1934
Exposição de arte francesa Tapeçarias, bronzes, moldagens de exulturas, reimpressões de
gravuras, e libros illustrados, 1934, Lisboa maio-junho, Lisboa, centro tip. colonial L. R.
Bordalo, 1934, 112 p.
Genève, 1935
L'Algérie et les Artistes Français au XIXe et au XX
e siècles, Genève, Musée d'art et histoire,
1935, 19 p.
New York, 1935
122
An Exhibition of Eleven paintings from the Louvre lent by the French Government, New
York, Museum of French Art, French Institute in the United States, 1935.
Paris, 1935
L'art italien, Musée du Petit Palais, introduction de Raymond ESCHOLIER, Paris, librairie
Floury, 1935.
Beaux visages d'Italie à l'exposition du Petit Palais, mai-juin-juillet 1935, Paris, Musée du
Petit Palais, 1935, 41 p.
Prague, 1935
ROGER-MARX, Claude, « La Sculpture française à Prague », La Revue française de Prague,
n°68, 15 juin 1935, p. 73-84.
Belgrade, 1936
Izloba modernog francuskog slikarstva, Muzej Kneza Pavlan Beograd, texte de Milan
Kasanin, 1936, non paginé.
Berlin, 1937
Ausstellung Französischer Kunst der Gegenwart, veranstaltet von der Französischen
Regierung in Gemeinschaft mit der Preussischen Akademie der Künste zu Berlin, Berlin
Akademie der Künste, 1937. 16 pl.
Paris, 1937
Chefs-d’œuvre de l’art français, Palais national des arts [19 juillet 1937 - 31 oct. 1937],
Paris, Palais national des arts, 1937, 605 p.
Les Maîtres de l'art indépendant 1895-1937, Paris, Arts et métiers graphiques, 1937, 119 p.
Origines et développement de l’art international indépendant, exposition organisée par le
musée du Jeu de Paume du 30 juillet au 31 octobre 1937, Paris, Impr. Moderne, 1937, 13 p.
Prague, 1937
Výstava francouzského malířství od Maneta do dnešek… Spolek výtvarných umělců Mánes v
Praze, Prague, 1937, cercle Manès, 46 p.
Zurich 1937
123
Zeichnungen französischer Meisters von David zu Millet : préface de Paul JAMOT, Zurich 18
Juni-12 September 1937, Kunsthaus, 1937, IIIp. XXIV pl.
Le Caire, 1938
Exposition française : Beaux-Arts, Arts décoratifs, Le Caire, F. E. Noury et fils, 1938, 148 p.
La Haye, 1938
L'Orient et l'Algérie dans l'Art Français aux XIXe et XXe siècles, La Haye, Musée municipal
des Beaux-Arts, 1938, 31 p.
Belgrade, 1939
La Peinture française au XIXe siècle. Exposition organisée sous les auspices de l’Association
française d’action artistique, Belgrade, Musée du prince Paul, 1939, 86 p.
Buenos Aires, 1939
La Pintura francesa de David a nuestros dias : oleos, dibujos y acuarelas, Buenos Aires,
Museo nacional de Ballas Artes, 1939, 231 p.
Kaunas, 1939
Prancuzu moderninès Dailiès, Parodos Katalogas, Vytauto Didziojo Kultüros Muziejus,
Vasario mén. 4-19 D, 1939, n. p.
New York, 1939
Le portrait français au XVIe siècle du temps des Valois, Loan Exhibition, New York City,
French Institute, 1939, 8 p.
Sofia, 1939
Exposition de dessins français originaux et de gravures du XVIe au XIXe siècles, texte de
René HUYGHE, Sofia, 1939, 40 p.
Tallinn, 1939
Francüzu modernines dailès, Parodos Katalogas, Vytauto Diziojo Kultüros Muziejus, Vasario
men 4-19 D., 1939, 36 p.
124
Zagreb, 1940
Izložba suvemene francuske grafikei tapiserije, Zagreb, Tipografija D. D. Zagreb, 1940, 79 p.
Lisbonne, 1942
Exposição de arte francesa contemporãnea, pintura, escultura e ilustradores do Livro, Nos
salões da Sociedade Nacional de Balas Artes, Lisboa, Emp. Nacional de publicidade, 1942,
non paginé.
3. Journaux et revues
Cahiers d’art, dir. Christian ZERVOS, Paris, éd. des Cahiers d’art.
Comoedia, rédacteur en chef Gaston de Pawlowski, Paris.
Das Französische Buch, Literarisch-bibliographische Zeitschrift, herausgegeben von Gabriel
DARQUET und Henry DERIEUX, Verlag der neuren literarischen Buchhandlung 2 Sternengasse
Basel, juin 1915-septembre 1918.
La Renaissance de l’art français et des industries de luxe suivi par La Renaissance politique,
littéraire et artistique, dir. par Henri Lapauze, 1918-
La Revue de l'art ancien et moderne, éd. par André Dézarrois, 1897-
Mouseion, bulletin de l’institut de coopération intellectuelle de la Société des Nations, Paris,PUF, 1927-
4. Articles et essais
ALAZARD Jean, « La Villa Médicis algérienne : Abd-el-Tif » et aquarelles de Jean Bouchaud,
L'Illustration, n° 4490 (25 mars 1929), p. 297-300.
APOLLINAIRE Guillaume, Chroniques d'art, 1902-1918, Paris, Gallimard, 2002, 623 p.
BALDENSPERGER Fernand, Note sur les moyens d'action intellectuelle de la France à
l'étranger, Paris, Imprimerie L. de Metteis, 1917, 66 p.
CASTELL Alexandre (dir.), La Suisse et les Français, Paris, Éditions G. Crès, 1920, 527 p.
125
Claudel aux États-Unis : 1927-1933, textes présentés et annotés par Lucile GARBAGNATI,
Paris, Gallimard, 1982, 317 p.
COTTE Joseph, Le gaspillage continue… : Lettre à M. le Directeur du Service des œuvres
françaises à l'étranger, Tôkyô : [s.n.], 1930.
ERLANGER Philippe, La France sans étoile : souvenirs de l'avant-guerre et du temps de
l'Occupation, Paris, Plon, 1974.
« L'exposition d'Art français de Varsovie et Prague a été présentée à Paris », Beaux Arts,
n° 228, 1937.
FRANCASTEL Pierre, « Les Étapes de l'architecture française moderne », Bulletin de la
S.A.D.G., XXIX, n° 17-18, 1er-15 septembre 1934, p. 272-275 à l'occasion de l'exposition à
Varsovie.
FRANCASTEL Pierre, « M. Le Corbusier et l'Esprit français », Bulletin de la S.A.D.G., XXIX,
n° 19, 1er octobre 1934.
HAUTECOEUR Louis, « L’exposition centennale de peinture française à Saint-Pétersbourg »,
Les Arts. Revue mensuelle des musées, collections, expositions, XI, n° 129, septembre 1912,
p. 23-32.
HAUTECOEUR, Louis, « Le Tricentenaire des Romanov et les traditions nationales dans l’art »,
Revue contemporaine, IV, n° 69-70, février 1913.
HAUTECOEUR Louis, « À propos des expositions françaises en Yougoslavie : l'Art français
devant l'étranger », Beaux-Arts, 3 février 1933, n° 5, 72e année, p. 1 à 6.
HAUTECOEUR Louis, Considérations sur l'art d'aujourd'hui, Librairie de France, 1929, 127 p.
HAUTECOEUR Louis, Les Beaux-Arts en France. Passé et avenir, Paris, A. et J. Picard, 1948,
343 p.
126
JAMOT Paul, Petit discours sur l'art français, Paris, Albert Morancé, 1938, 43 p.
JOXE Louis, Cinquante années d'action artistique et souvenirs d'un ambassadeur :
communication faite à la séance du 19.12.1973, Paris, Typographie Firmin-Didot, 1974, 19 p.
LEON Paul, Arts et artistes d'aujourd'hui, Paris, E. Fasquelle, 1925, 211 p.
LEON Paul, Du Palais-Royal au Palais-Bourbon : souvenirs, Paris, A. Michel, 1947, 302 p.
Lettres d'un vieil Américain à un Français, Paris, Payot, 1917, 277 p.
LUCHAIRE Julien, « L'Expansion intellectuelle de la France et les Instituts français à
l'étranger », Séances et travaux de l'Académie des Sciences morales et politiques, t. 91, 1er
semestre 1919, p. 528-547.
LUCHAIRE Julien, Confession d’un Français moyen, Florence, Léo S. Olschki, 1965, t I (1876-
1914) et II (1914-1950).
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Index des noms de personne
Abril, Manuel : 86Alazard, Jean (1887-1960) : 28, 86Alexandre, Arsène (1859-1937) : 24, 90Alix, Yves (1890-1969) : 100Aman-Jean, Edmond (1858-1936) : 13,100André, Albert (1869-1954) : 100Apollinaire, Guillaume (1880-1918) : 13,14, 40, 41Arnhold, Eduard (1863-1925) : 11Arnold, Henry (1879-1945) : 100Arnoux : 95Asselin, Maurice (1882-1947) : 100, 101
Balande, Gaston (1880-1971) : 37Ballu, Roger (1852-1908) : 18-21Baltrusaitis, Jurgis (1903-1988) : 66Barat-Levraux (1878-1964) : 95Barth, G. : 39, 40Barthou, Louis (1862-1934) : 41, 69Beaufrère, Adolphe (1876-1960) : 95Bénédite, Léonce (1859 -1925) : 12, 24,30, 57, 58, 59, 83Berjole, Pierre (1897-1990) : 95Berthelot, Philippe (1866-1934) : 32, 35,36, 43, 47, 67Besnard, Albert (1849-1934) : 17, 100,101Betmann-Hollweg (Theobald von)(1856-1921) : 10, 11Billiet, Joseph (1886-1957) : 69Blistène, Bernard (1955-) : 1Boissy, Gabriel : 56Bonnard, Pierre (1867-1947) : 37, 39,41, 93, 95, 99, 101Bonnat, Léon (1833-1922) : 38, 97Bouchard, Henri (1875-1960) : 101Bouchet, Louis : 96, 97Bouguereau, William (1825-1905) : 13Bourdelle, Antoine (1861-1929) : 58Braque, Georges (1882-1963) : 43, 58,95, 96, 99, 101Bréal, Auguste (1869-1941) : 33Briand, Aristide (1862-1932) : 32, 67Bricon, Etienne : 50, 51, 58Brussel, Robert (1874-1940) : 45, 49, 68,74, 99
Cabanel, Alexandre (1823-1889) : 97Cambon, Paul (1843-1924) : 2, 10Camoin, Charles (1879-1965) : 43, 95,101Cantacuzène, Jean (1863-1934) : 60, 6Capon, Georges-Emile (1890-1980) : 95Céria, Edmond (1884-1955) : 95, 101Chagall, Marc (1887-1985) : 94, 95, 96,99, 100Charbonneaux, Jean (1895-1969) : 69Charlemagne, Paul (1892-1972) : 100Charmy, Emilie (1878-1974) : 95Claudel, Paul (1868-1955) : 78, 82Cochet, Gérard (1888-1969) : 95Comte, Jules (1846-1912) : 88Cortot, Alfred (1877-1962) : 42, 43, 44Coubine, Othon (1883-1969) : 95Crès, Georges : 88, 94
Dejean, Louis (1872-1953) : 101Delteil, Loys (1869-1927) : 24Denis, Maurice (1870-1943) : 17, 20, 39,48, 95Derain, André (1880- 1954) : 41, 95, 99,100Desbois, Jules (1851-1935) : 100Despiau, Charles (1874-1954) : 95, 100,101Desvallières, Georges : 17, 101Dezarrois, André : 60, 61, 89Dignimont, André (1891-1965) : 95Doucet, Jacques (1853-1929) : 24Doumer, Paul (1857-1932) : 23Drivier, Léon (1878-1951) : 100Dufresne, Charles (1867-1940) : 95, 99Dufy, Raoul (1877-1953) : 41, 57, 95, 99,101Dujardin-Beaumetz, Etienne (1852-1913) : 30Duveen, sir Joseph (1869-1939) : 50Duvent, Charles (1867-1940) : 42
Eisenschitz, Willy (1889-1974) : 95Erlanger, Philippe (1903-1987) : 4, 69,74, 88, 101, 102Escholier, Raymond (1882-1971) : 6Espagnat (d’), Georges (1870-1950) :100
144
Farcy, Pierre-André dit Andry-Farcy(1882-1950) : 5, 94Favory, André (1888-1937) : 95Fels, Florent (1891-1977) : 90, 97Flers, Robert de (1872-1927) : 50Floch, Yves (1906-1990) : 95Focillon, Henri (1881-1943) : 65, 66, 67,69, 82, 83Forain, Jean-Louis (1852-1931) : 95Fotinsky, Serge (1887-1971) : 95Foujita, Tsuguharu (1886-1968) : 95Franklin-Bouillon, Henry (1870-1937) :32, 44Frélaut, Jean (1879-1954) : 95Friesz, Othon (1879-1949) : 41, 57, 95,99, 100
Galerie Bernheim-Jeune : 12, 38Galerie Billiet-Pierre Vorms : 3, 94, 95Galerie Goupil : 12George, Waldemar (1893-1970) : 59, 97Gerbaud, Louis (1913- ?) : 95Gimond, Marcel (1894-1961) : 95, 100,101Giraudoux, Jean (1882-1944) : 47, 48Grappe, Georges : 83Grasset, Bernard (1881-1955) : 72, 92Grautoff, Otto (1876-1937) : 66Gromaire, Marcel (1892-1971) : 95, 99Guiffrey, Jean (1870-1952) : 41Guirand de Scevola, Lucien-Victor(1871-1950) : 103Gutierrez Abascal Ricardo : 86
Hautecoeur, Louis (1884-1973) : 4, 25,26, 27, 28, 37, 38, 39, 68, 69, 76, 83, 84,94, 98, 99, 100, 101, 102Herriot, Edouard (1872-1957) : 9, 61Hoffmann, Finn : 93Hourticq, Louis (1875-1944) : 83Huisman, Georges (1889-1951) : 69,101, 102Humblot, Emile (1862-1931) : 44, 74,75, 96, 97Huyghe, René (1906-1997) : 79, 80
Jouclard, Adrienne (1881-1972) : 100Jouvenel, Henri de (1876-1935) : 67, 74Kahnweiler, Henry (1884-1979) : 50
Kessler, (comte) Harry : 35Kisling, Moïse (1891-1953) : 95, 99, 101
Laboureur, Jean-Emile (1877-1943) : 95Lamourdedieu, Raoul (1877-1953) : 70,100, 101Lamprecht, Karl (1856-1915) : 10Lanvin, Jeanne (1867-1946) : 50, 76Lapauze, Henry (1867-1925) : 50Laprade, Pierre (1875-1932) : 95, 99Laurencin, Marie (1883-1956) : 95, 99Lavisse, Ernest (1842-1922) : 25Lebasque, Henri (1865-1937) : 37Le Fauconnier, Henri (1881-1946) : 95Léger, Fernand (1881-1955) : 41, 58, 95,96Leheutre, Gustave (1861-1932) : 95Léon, Paul (1874-1962) : 22, 29, 49, 50,58Lepère, Auguste (1849-1918) : 95Lhote, André (1885-1962) : 41, 60, 62,85, 95, 96, 99, 100, 101Lichtwark, Alfred (1852-1914) : 12, 30Liebermann, Max (1847-1935) : 61Longden, Alfred Appleby (-1954) : 15,16, 56Lotiron, Robert (1886-1966) : 95Luce, Maximilien (1858-1941) : 95, 101Luchaire, Julien (1901-1946) : 29, 30,45, 64Lurçat, Jean (1892-1966) : 85, 95, 96, 99
Makovsky, Sergej : 24Manguin, Henri (1874-1949) : 100, 101Margerie, Pierre de (1861-1942) : 47,48, 63Marquet, Albert (1875-1947) : 41, 95, 99Marx, Roger (1859-1913) : 84Masereel, Frans (1889-1972) : 95Massigli, René (1888-1988) : 35Matisse, Henri (1869-1954) : 41, 57, 93,95, 99Mauclair, Camille (1872-1945) : 96-98Mère, Clément (1861-1940) : 38Milhaud, Albert (1871-1955) : 47Monod, François : 24Montag, Charles (1880-1950) : 36, 37,39, 40Moreau, Luc-Albert (1882-1948) : 95, 99
145
Morillon, Etienne (1884-1949) : 95Moullé, Maurice : 21Mourey, Gabriel (1865-1943) : 20Muter, Mela (1876-1967) : 95Muthesius, Hermann (1861-1927) : 11
Naudin, Bernard (1876-1946) : 37, 43
Ojetti, Ugo (1871-1946) : 52, 55Ozenfant, Amédée (1886-1966) : 85, 86,95
Parayre, Henry (1883-1970) : 95Pascin, Jules (1885-1930) : 95Patouillet, Jules (1862-1942) : 24Paul-Boncour, Joseph (1973-1912) : 33Picart-Ledoux, Jean (1909-1982) : 95Picasso, Pablo (1881-1973) : 41, 95, 99Piot, René (1869-1934) : 37, 43Poisson, Pierre-Marie (1876-1953) :100, 101Poulain, Gaston ( ?) : 99Pourtalès, Guy de (1881-1941) : 35Prinet, René-François-Xavier (1861-1946) : 37, 43Pruna, Pedro (1904-1977) : 95
Réau, Louis (1881-1961) : 8, 9, 11, 23,25, 26, 61, 83, 89, 90Reboux, Paul (1877-1963) : 35, 38René-Jean (1879-1951) : 24, 25, 35, 36,37, 39, 51, 52Rey, Léon (1887-1954) : 99Rivière, Georges (1855-1943) : 97, 98Rivière, Georges (1897-2985) : 17, 68Rodin, Auguste (1840-1917) : 83, 95,101Roger-Marx, Claude (1888-1977) : 4, 71,84, 85, 86, 87, 91, 104Rosenberg, Léonce (1879-1947) : 3Rosenberg, Paul (1881-1959) : 3Rothschild, Henri de (1872-1947) : 50Rouveyre : 95
Saglio, André, dit Jacques Drésa (1869-1929) : 21Sahut, Marcel (1905- ?) : 95Salvado, Jacinto (1892-1983) : 95Sandoz, Gustave (1836-1891) : 17
Sarraut, Albert (1872-1962) : 74Schwabsky, Barry : 1Senabré, Ramon Jou (1893-1978) : 95Signac, Paul (1863-1935) : 41, 95, 99,101Sima, Joseph (1891-1971) : 95Simon, Clément : 76Simon, Lucien (1861-1945) : 13Soutine, Chaïm (1893-1943) : 95Sterling, Charles (1901-1991) : 86
Thiébault-Sisson : 24
Utrillo, Maurice (1885-1955) : 57, 95,99, 101
Vachon, Marius (1850-1928) : 33Valadon, Suzanne (1867-1938) : 57, 95,99, 100, 101Valéry, Paul (1871-1945) : 65Vegué y Goldoni, Engel D. : 86Vergé-Sarrat, Henri (1880-1966) : 95Verne, Henri : 48, 65, 99Vitry, Paul (1872-1941) : 67, 83Vlaminck, Maurice de (1876-1958) : 41,95, 99, 100, 101Vollard, Ambroise (1866-1939) : 24
Warnier, Raymond : 88, 94, 95, 96, 97,99Waroquier, Henry de (1881-1970) : 95,100Wlérick, Robert (1882-1944) : 100Wrangell, Nicolas (1880-1915) : 24
Zay, Jean (1904-1944) : 103Zingg, Jules-Emile (1882-1942) : 37
Index des noms de lieux
Alger : 28Algérie : 28
Allemagne : 4, 10, 11, 13, 23, 34, 35,3941, 46, 47, 60, 61, 62, 63, 66, 69, 72, 8889, 96, 98, 99Amérique : 69Amérique du Sud : 69, 89Amsterdam : 5, 69, 86Amsterdam, musée municipal : 84, 86Athènes : 76Australie : 89Autriche : 13, 62, 89, 96
Bâle : 35-40, 46Barcelone : 17, 18, 60Barcelone, musée archéologique : 82Belgique : 5, 35, 38, 69, 70Berlin : 13, 57, 63Berlin, Institut français : 83, 91Berlin, Société philanthropiquefrançaise : 91Berne : 35, 38, 67Boston : 41Brésil : 89Bristol : 55, 76Bruges : 79Budapest :60, 86Bucarest, Institut Français des HautesEtudes en Roumanie : 65Bucarest, radio : 84Bucarest, Université libre : 84Buenos Aires : 69Bulgarie : 64, 89
Le Caire : 76Canada : 9, 89Chili : 45, 89Chine : ChineChristiana, voir Oslo : 81Copenhague : 17, 33, 60, 69Copenhague, Glyptothèque : 63Compiègne : 24Cracovie : 57
Danemark : 64, 89Davos : 38, 39Düsseldorf : 62
Écosse : 89
Égypte : 89, 97Équateur : 89Espagne : 52, 89États-Unis : 2, 3, 13, 40-42, 45, 82, 88, 89
Finlande : 45, 89Florence : 20Florence, institut français : 22, 26-28
Gand : 20Genève : 35, 38, 68, 82, 104Glasgow : 20Göteborg : 69, 79, 80Grande-Bretagne : 16, 67, 70, 83Grèce : 89
Hambourg : 12, 30Hollande : 13, 89Hongrie : 89
Irlande : 89Italie : 13, 26, 35, 51, 55-57, 59, 62, 6769, 89
Japon : 57, 70, 82
Kaunas (Kovno) : 66, 89Kiel : 60
Lausanne : 35, 38Leipzig : 10Lisbonne : 4, 20, 88, 101Lituanie : 66, 89Lodz : 57Londres : 11, 17, 22, 27, 51, 52, 53-5663, 71, 83-86, 100Londres « Academy of fine Arts » : 85Londres, Burlington Fine Arts Club : 52,54, 55, 57, 59, 63Lugano : 36-38Lwow : 57
Madrid : 27, 68, 82, 84, 86, 104Madrid, musée d’art moderne 84, 86Milan : 38Moscou : 20, 25Munich : 13, 40, 62
Namur : 20
148
New York : 1, 5, 27, 78, 79, 86, 90New York, Ozenfant School of Fine Art :86Norvège : 59, 81, 89
Oslo : 41, 59, 69Oslo, galerie nationale : 59
Panama, canal de : 41Paris : 15, 26, 28, 40, 53-64, 68, 72, 77,85, 88Paris, École de : 90, 93, 94-101, 104Paris, exposition des arts décoratifs etindustriels modernes : 5,Paris, Exposition internationale des Artset Techniques : 88Paris, Grand Palais : 18, 20Paris, Institut international decoopération intellectuelle : 53Paris, Jeu de Paume : 1, 38, 54-59, 61, 64Paris, Musée des arts décoratifs : 59, 60Paris, Musée du Luxembourg : 24, 28,56, 57, 58, 61, 72, 94, 98, 99, 100Paris, Musée Galliera : 59Paris, rue d’Odessa : 85Paris, avenue Reille : 85Pays-Bas : 67Pologne : 57, 58, 64, 89, 101Portugal : 89Poznan : 57Prague : 84, 91, 104Prague, Congrès de : 67Prague, Revue française de : 93Prusse : 32
Rhénanie : 22, 76Rodez : 20Rome, galerie royale Borghèse : 67, 79Rome, villa Massimo : 11Rouen, musée de : 38Roumanie : 65, 66, 89
Saint-Germain : 20Saint-Pétersbourg : 22-28, 38, 83, 84, 87San Francisco : 41-42Scandinavie : 40, 69Suède : 81, 89Suisse : 35-41Syrie : 89
Tchécoslovaquie : 67, 89Tel-Aviv : 82Turin : 17
Varsovie : 57, 63, 84Varsovie, Pavillon de l’Institut dePropagande de l’Art : 64Venise (Biennale) : 5, 16, 28Versailles : 81Vienne : 13, 85, 91Vienne, Künstlerhaus : 85, 91Villa Ciani : 37Vilno : 57
Washington : 78Washington, institut archéologique : 78Wiesbaden : 22Winterthur : 35, 37, 39, 105
Yale, université : 81Yougoslavie : 95, 98, 99, 100
Zürich : 35-40
Table des matières
Remerciements II
Abréviations III
Sommaire V
Introduction 1
1re partie : la naissance des expositions « diplomatiques »françaises jusqu’au début des années 1920
8
A. Les expositions d’art français à l’étranger au tournant du siècle et jusqu’àla Première Guerre mondiale
8
1. Une tradition politique perdue ? 8
2. Au tournant du siècle, l’initiative privée maîtresse, et la force de la dynamiquecollective
9
3. Le monopole du marché de l’art sur le réseau des échanges artistiquesinternationaux
12
4. La naissance de la diplomatie culturelle dans les années 1910 14
5. L’intervention de l’État en matière d’expositions d’art français à l’étranger avantla Première Guerre mondiale
15
6. Un laboratoire et un vivier : l’université française et le débat sur « l’expansion del’intellectualité française »
22
B. La Première Guerre mondiale et la naissance d’un débat sur l’interventiongouvernementale en matière d’expansion de l’art français
28
1. Les réticences à la naissance d’une action artistique organisée 28
2. Les arguments pour l’organisation d’expositions par la diplomatie culturelle 32
150
3. Les prodromes d’une organisation de l’action artistique : le réseau de« propagande artistique » en Suisse pendant la Première Guerre mondiale
34
4. L’action artistique dans les autres pays neutres 40
C. Les débuts de la diplomatie artistique : du service de décentralisationartistique aux services permanents des ministères de l’Instruction publique etdes Beaux-Arts et des Affaires étrangères
42
1. Le service de décentralisation artistique passe à la vie civile (service d’étudesd’action artistique
42
2. Le service des Œuvres françaises à l’étranger au ministère des Affaires étrangères 46
3. La naissance de l’AFEEA (Association Française d’Expansion et d’Échangesartistiques)
48
2e partie : la diplomatie artistique de l’entre-deux-guerres 53
A. Un nouvel ordre artistique international comme cadre de l’organisationfrançaise : le système d’échanges d’expositions nationales dans les années1920
54
1. La multiplication des échanges artistiques officiels dans les années 1920 54
a) Des cycles d’art étranger animent l’Europe. 54
- L’exemple londonien 55- Paris et son Jeu de Paume 56- Après Londres et Paris, l’imitation du modèle dans les autres capitales 63b) L’influence de la Société des Nations 64
- Des acteurs en commun 65c) Les structures pour la diplomatie artistique des autres pays 69
2. Les débuts de l’organisation d’un système à la française 70
a) Un accompagnement financier 70
b) Un accompagnement moral 70- « Un tournoi où chacun prend part pour fêter la France » (Raoul Lamourdedieu, 1924) 70- l’AFEEA et son réseau de correspondants 70- Des associations-écrans ? 70c) La persistance du débat sur l’implication de l’État 70
B. Les expositions officielles face aux crises économique et politique desannées 1930
71
1. La crise économique et le tarissement brutal des ressources privées 71
a) La fin du mécénat ? La chute des cotisations de l’AFEEA 71
b) « Les marchands de tableaux portent le deuil » (Claude Roger-Marx) 71
2. Les tensions politiques au début des années 1930 et leurs conséquences surl’action artistique française
71
a) Les réactions xénophobes à des expositions d’art national… 71
b) …de plus en plus nombreuses 71
c) Les défaillances du système d’accompagnement culturel dans un contexte politiqueinternational tendu
71
3. Le renforcement des subventions et des interventions 71
a) « Aider l’homme éprouvé en France à se faire connaître à l’étranger » ? 71
b) La mise à contribution des musées nationaux : les collections 71c) La mise à contribution des musées nationaux : les conservateurs 72d) La politique culturelle de la France à l’étranger, un substitut de la puissance nationale ? 72
C. La répartition géographique et sociale des expositions d’art français :clientèles ou publics visés ?
72
1. La répartition géographique des expositions d’art français 72
a) Les territoires hors du champ des services d’action artistique : les zones occupées etquelques expériences sur mer
72
- Les territoires rhénans 72- L’action artistique du ministère de la Marine 72- Les mandats français 72b) Une géographie politique tout autant qu’artistique : le reflet de la politique internationalede la France dans la répartition des expositions
72
c) Le « désir triangulaire » : L’Allemagne, la France et les autres États 72
d) Malgré une répartition nationale, une obsession continentale 72
e) Attirer depuis la France 72
- Paris et ses expositions 72- L’expansion artistique à l’étranger et le développement du tourisme en France 72
2. Le public des expositions 73
a) une illusion documentaire ? Les récits d’inauguration 73
b) Quelles institutions artistiques accueillaient les expositions ? 73
153
c) Une faiblesse française : la relation au public 73
3e partie : Qu’est-ce que l’art français ? La question des choixartistiques
74
Introduction à la troisième partie 74
- Des expositions de l’art français moderne ou de la production française moderne ? La place desindustries de luxe
76
- Des expositions d’art ou des expositions de propagande 78- La prééminence des arts plastiques 80
A. Une diversité d’actions en faveur de l’art français 80
1. L’imitation des traditionnels dons diplomatiques 81
2. Les nombreuses conférences sur l’art français 82
a) Les conférences des conservateurs de musée et des commissaires d’exposition 83
- Louis Hautecoeur 84- Claude Roger-Marx 84b) Les artistes conférenciers 85
c) Les difficultés dues au déclin de la langue française 86
3. L’importance de la documentation pour la diffusion de l’art français par lesservices d’action artistique
87
a) La documentation rassemblée par les services d’action artistique en direction del’étranger
87
b) La diffusion à l’étranger de publications artistiques françaises 88
c) Les efforts en direction des publications artistiques à l’étranger 91
B. La présentation des arts plastiques dans toutes leurs expressions ? 91
1. L’exclusion de la photographie et du cinéma 91
2. Quelques expositions d’architecture 91
a) la section consacrée au Corbusier dans l’exposition d’art français contemporain deVienne (Künstlerhaus) en 1926
91
b) L’exposition de la Société des Architectes diplômés par le Gouvernement en 1933 enEurope centrale
91
3. Les arts décoratifs : un enjeu national 92
154
4. La sculpture, le dessin…et la « déesse peinture » (Christian Zervos) 92
C. Le choix des artistes à exposer 92
1. Les vivants contre les morts : un choix en faveur de l’art contemporain 92
a) Les expositions d’art ancien 92
b) Le succès des expositions centennales : David, ancêtre de l’art français 92
c) La France, mieux représentée par son « école » moderne 92
2. Les principes et les pratiques présidant au choix 92
a) Le « besoin d’être aimé » (Bernard Grasset) 92
b) Le pluralisme artistique 92
c) Les conséquences du système d’accompagnement culturel : les choix des acteurs privésl’emportent dans les années 1920
92
3. Les réalisations des années 1920 au début des années 1930 : un « âge desextrêmes » ?
92
a) Les expositions soutenues par les galeristes, les collectionneurs et leurs réseauxinternationaux
92
b) Le lobbying national et ses « expositions - salons » 92
4. La réaction des années 1930 : la recherche d’un art vraiment national 93
a) L’impasse des deux modèles d’expositions établis dans les années 1920 93
b) Le retour à l’ordre contre le succès de l’École de Paris 93- L’exposition de Zagreb en 1930 et la présence de l’École de Paris 94- La contre-exposition de Belgrade en 1932 99c) Les modèles d’expositions conçus par les conservateurs de musées 102
d) Les exclus des expositions d’art français 102
Conclusion 103
Sources 107
Bibliographie 127
Index des noms de personne 142
Index des noms de lieu 145
Table des matières 147
156