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1 UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE ÉCOLE DOCTORALE VI Equipe de Recherche en Histoire de l’Art Contemporain (ERCO) T H È S E pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE Discipline/ Spécialité : Histoire de l’art / Art contemporain Présentée et soutenue par : Corine GIRIEUD le : 6 mai 2011 La Revue Art d'aujourd'hui (1949-1954) : Une vision sociale de l’art Sous la direction de : Monsieur Serge LEMOINE Professeur, Paris IV Sorbonne JURY : Madame Françoise LEVAILLANT Directrice de recherche, CNRS Présidente du jury Monsieur Pierre WAT Professeur, Paris I Panthéon-Sorbonne

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UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

ÉCOLE DOCTORALE VI

Equipe de Recherche en Histoire de l’Art Contemporain (ERCO)

T H È S E pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

Discipline/ Spécialité : Histoire de l’art / Art contemporain

Présentée et soutenue par :

Corine GIRIEUD

le : 6 mai 2011

La Revue Art d'aujourd'hui (1949-1954) :

Une vision sociale de l’art

Sous la direction de : Monsieur Serge LEMOINE Professeur, Paris IV Sorbonne

JURY :

Madame Françoise LEVAILLANT Directrice de recherche, CNRS Présidente du jury

Monsieur Pierre WAT Professeur, Paris I Panthéon-Sorbonne

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Remerciements

Nous tenons à remercier Monsieur Serge Lemoine de nous avoir invitée à

venir travailler dans son équipe et de nous avoir fait confiance.

Nous remercions également les personnes qui ont accepté de répondre à nos

questions, Mme Denise René, Mme Sylvie Nordmann, M. Claude Parent, M. Michel

Ragon, M. Pierre Soulages et tout particulièrement M. Roger Bordier dont la

correspondance nous a été précieuse.

Nos remerciements vont également vers ceux qui ont suivi l’avancée de nos

recherches et nous ont permis de progresser grâce à leurs remarques et conseils,

Natalie Adamson de l’Université de Saint-Andrews, Yves Chevrefils-Desbiolles de

l’IMEC ainsi que Didier Schulmann de la Bibliothèque Kandinsky.

Enfin, nous voulons remercier les personnes qui ont effectué les relectures de

ce travail, notamment Christophe Henry, ainsi que Caroline Moine pour son aide

déterminante.

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Avant-propos

Nous avons entendu parler de la revue Art d'aujourd'hui pour la première fois

lors d’un entretien avec John-Franklin Koenig, co-fondateur de la revue Cimaise sur

laquelle nous préparions un mémoire de maîtrise. Les propos n’étaient guère

élogieux ; il évoquait une revue très fermée, aux mains de la Galerie Denise René et

de Victor Vasarely.

Pourtant, ce que nous en dit, deux mois plus tard, Jean-Paul Ameline alors

qu’il finalisait l’exposition que le musée d’Art moderne consacrait à la galeriste de la

rue de la Boétie, était d’une toute autre nature. Il nous a bien fallu vérifier par nous-

même ces propos divergents et consulter Art d'aujourd'hui.

Quelle ne fut notre (agréable) surprise en découvrant les couvertures colorées

et originales, l’articulation écrits/images, la largesse dans les illustrations. Puis, à la

lecture des sommaires, la variété des articles a définitivement assis notre curiosité.

Le DEA nous permit de mettre au clair quelle voie nous voulions prendre pour l’étude

de cette revue. Il devenait évident que le lien qu’elle cherchait à tisser avec la société

faisait, pour nous, le principal intérêt d’Art d'aujourd'hui. Cela d’autant plus que nous

y lisions une actualité sans cesse renouvelée et un écho à nos préoccupations sur la

démocratisation de la culture ainsi que sur une intégration des arts à la vie

quotidienne.

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La revue Art d'aujourd'hui (1949-1954) :

une vision sociale de l’art

Sommaire

Introduction....................................... ........................................................................ 6

I. Art d'aujourd'hui , une histoire..................................... ....................................... 17

1. De L’Architecture d’aujourd’hui à Art d’aujourd’hui .................................... 19

a. L’Architecture d’aujourd’hui ------------------------------------------------------------------------- 21

b. Art d'aujourd'hui : une nécessité----------------------------------- -------------------------------- 35

c. Les membres du comité de rédaction et les collab orateurs------------------------------- 45

2. Cinq années d’existence : juin 1949 – décembre 1954 ................................ 74

a. La ligne éditoriale----------------------------- ----------------------------------------------------------- 75

b. Art d’aujourd’hui hors les pages ------------------------------------ ------------------------------- 89

c. Aujourd’hui : art et architecture --------------------------------------------------------------------103

3 Art d'aujourd'hui en chiffres....................................... .................................. 115

a. Présentation chiffrée --------------------------- -------------------------------------------------------117

b. Quantification des citations et des participatio ns -------------------------------------------120

c. Du côté du lectorat : une tentative d’évaluation ----------------------------------------------128

II. L’art pour tous dans Art d’aujourd’hui ........................................................... 142

1. Didactisme ......................................... ............................................................ 144

a. Clarté de la mise en pages---------------------- -----------------------------------------------------146

b. Donner le goût de l’art ------------------------- -------------------------------------------------------157

c. Pour mieux aborder l’abstraction ---------------- -------------------------------------------------166

2. Le quotidien de l’art .............................. ........................................................ 176

a. Les artistes au jour le jour -------------------- -------------------------------------------------------177

b. Réflexions sur les musées ----------------------- ---------------------------------------------------193

c. L’art au quotidien, l’art dans le quotidien----- --------------------------------------------------215

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3. La synthèse des arts ............................... ...................................................... 228

a. Des rédacteurs impliqués------------------------ ----------------------------------------------------230

b. La synthèse des arts dans les pages ------------- -----------------------------------------------244

c. La synthèse des arts dans le texte-------------- --------------------------------------------------254

III. L’art pour tous : une vision sociale de l’art. .................................................. 270

1. Pour un art social ................................. ......................................................... 272

a. Œuvre commune et bien commun -------------------- --------------------------------------------273

b. Le reflet d’une époque -------------------------- ------------------------------------------------------284

c. Un autre point de vue : le réalisme socialiste -- -----------------------------------------------298

2. Vers un art de masse ............................... ..................................................... 312

a. Les Trente Glorieuses : de la désolation à la co nsommation----------------------------314

b. Société de loisirs et culture de masse---------- -------------------------------------------------324

c. Art social versus art de masse ------------------ ---------------------------------------------------338

3. Du devenir des objectifs d’ Art d'aujourd'hui .............................................. 353

a. L’art dans le quotidien ------------------------- -------------------------------------------------------355

b. L’enseignement de l’art en milieu scolaire ------ -----------------------------------------------369

c. La place des publics dans les musées d’art moder ne et contemporain--------------381

Conclusion ......................................... ................................................................... 397

Bibliographie...................................... ................................................................... 409

Archives------------------------------------------- ------------------------------------------------------------409

Sources-------------------------------------------- ------------------------------------------------------------410

Méthodologie --------------------------------------- ---------------------------------------------------------411

Contexte artistique, culturel et historique -------- -------------------------------------------------411

La presse ------------------------------------------ -----------------------------------------------------------422

Les pratiques culturelles -------------------------- ------------------------------------------------------424

Les musées ----------------------------------------- ---------------------------------------------------------425

L’art à l’école ------------------------------------ ------------------------------------------------------------426

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Introduction

L'objet de la présente recherche se concentre sur trente-six numéros

constitutifs de l’ensemble des parutions d'un périodique : Art d'aujourd'hui. Ce dernier

n'est plus en devenir ; en conséquence, la somme de ses trente-six livraisons forme

un tout que l’on peut appréhender dans sa globalité. Sur un rayonnage de

bibliothèque, il s’agit d’un volume carré de vingt-quatre centimètres sur trente et un,

par douze d'épaisseur. L'important est bien sûr ailleurs mais avant de tourner les

pages d’Art d'aujourd'hui et d’y plonger, il est plaisant de rappeler – de manière un

peu romantique il faut en convenir – le peu de volume qu'occupe cet objet d’étude à

l’aune de l’étendue des champs qu’il ouvre à l’exploration.

Il n’est pas sûr qu’Art d'aujourd'hui soit plus une revue1 qu'un magazine2. Les

terminologies de chacun ne permettent pas de trancher. Comme un magazine, Art

d'aujourd'hui propose une publication périodique, attache de l'importance à

l'illustration et cible son lectorat. C'est d'ailleurs peut-être ce lectorat très ciblé –

jusqu’à la spécialisation – qui ferait entrer le périodique dans la catégorie des revues.

Il reste également probable qu'Art d'aujourd'hui évolue vers le statut de revue –

terme plus valorisant car l'autorisant à s'inscrire dans le temps – parce que devenant,

aujourd’hui, soixante ans après la parution de son premier numéro, un sujet d'études.

La salle que lui a consacrée le musée national d'Art moderne durant l'année 2008

vient affirmer ce statut autant qu’elle confirme l'intérêt d'Art d'aujourd'hui en tant que

traces, sources de l'histoire de l'art et des idées.

Cependant, un périodique, du fait qu’il consigne des pensées régulières

inévitablement marquées par leur époque, devient-il pour autant de fait une source

pour l’historien ? Ce dernier ne se constitue-t-il pas ses propres archives ? Ne

seraient-elles pas à considérer, non pas tant comme un tout composé mis ensuite à

la disposition du chercheur, en attente de sens, que comme n’existant qu’à partir du

moment où elles se trouvent révélées par celui qui la reconnaît ou la nomme ainsi ?

Avant d’aboutir à ce document originel, ne faut-il pas, pour reprendre les mots de

1 « Publication périodique souvent mensuelle, qui contient des essais, des comptes rendus, des articles variés, etc. » dans Le Petit Robert, Paris, 2009. 2 « Publication périodique, généralement illustrée », Op. cit..

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Roland Barthes, « classer, échantillonner, si l’on veut constituer un corpus »3 ? En

d’autres termes, n’est-ce pas l’historien qui constitue son corpus à partir d’éléments,

certes pertinents, mais qu’il lui revient de valoriser ? Face à la somme que peut

représenter une collection entière de revues à classer et échantillonner, il est

nécessaire de se rattacher à un document plus léger, synthétique, qui donne une

vision de l’ensemble des textes parus. L’outil indispensable est un récapitulatif des

sommaires, qui se trouve justement publié dans le dernier numéro d’Art

d’aujourd’hui. Illustrées de leur couverture, les livraisons sont détaillées par les titres

des articles, leurs auteurs et les numéros de page. Se voient également mentionnées

la provenance de la couverture, ainsi que celle de l’encart illustré s’il y a lieu. Cet

ensemble constitue une base de données qu’il convient d’annoter, de compléter,

voire de corriger, et à laquelle on se réfère en permanence. Les sommaires, en

offrant une vue d’ensemble, permettent d’appréhender rapidement le nombre de

revues selon les années, de dégager les thèmes récurrents ainsi que les séries (dont

on saisit leur fréquence et leur durée). On perçoit également le rythme de rédaction

des différents critiques4.

Parcourir et même simplement feuilleter avec attention l’ensemble des revues

de nombreuses fois s’avère également nécessaire pour se mettre en mémoire les

différentes livraisons. Cela permet de se familiariser avec chaque numéro,

d’envisager l’évolution de la mise en pages, de saisir l’enchaînement des articles

dans un dossier spécial, de noter les récurrences et les textes qui retiennent dès

l’abord l’attention. Cette relative maîtrise des numéros peut constituer un gain de

temps non négligeable dans les recherches ultérieures.

Les éléments constitutifs d’un périodique doivent également être considérés

avec une attention particulière ; il s’agit de l’ours – qui nomme les membres du

comité de rédaction –, des quatrièmes de couverture et des éditoriaux. S’ils sont

réguliers, ces derniers renseignent sur les préoccupations et les aspirations des

rédacteurs. Ce n’est pas le cas d’Art d'aujourd'hui. Cependant, l’absence d’éditorial

3 La Chambre claire, Paris, 1980, p. 14. 4 Cela ne peut être visualisé que pour les textes longs ; les actualités, brèves critiques d’expositions ou de livres étant regroupées sous des termes génériques sans que soient énumérés ni le contenu, ni les auteurs.

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régulier reflète aussi une volonté ou une réalité d’un comité de rédaction dont les

membres ont tous la même importance. Un éditorial met souvent en avant une même

personne au fil des numéros, lui offrant une tribune de choix pour exprimer

enthousiasmes et colères. Cela fait également prendre conscience de l’ensemble du

ton d’Art d’aujourd’hui. Ses textes, dans leur grande majorité, exposent des faits,

rendent compte du travail d’un artiste, développent une idée, l’expliquent, mais ne

cherchent pas la controverse. Seule la revue de presse, "Critique de la critique", qui

paraît à dix reprises, en quatrième de couverture, est un espace où la plume se fait

plus vive.

"Critique de la critique" ou non, les quatrièmes de couverture ne sont pas à

négliger. Divisées en petits rectangles publicitaires, elles renseignent sur des

expositions contemporaines à la livraison, sur des éditions de revues, livres,

lithographies, séries limitées luxueuses. Une partie de l’actualité peut ainsi se lire à

travers ces petites annonces, et notamment l’activité éditoriale soutenue des éditions

d’Art d’aujourd’hui. Enfin, l’observation de l’évolution de l’ours informe sur les entrées

et les départs des rédacteurs. Reste ensuite à en trouver les raisons, internes au

comité ou propres au parcours de chacun.

C‘est une fois que l’on a dégagé tous ces paramètres que l’on peut avancer

dans une lecture plus approfondie. Il vaut mieux l’envisager motivée par une

recherche particulière (les critiques relatives à la muséographie, les textes abordant

la synthèse des arts, les aspects relevant d’une volonté de didactisme, etc.). Il reste

en effet difficile de maintenir son attention, et par conséquent de tirer parti, d’une

lecture systématique, chronologique et désintéressée des articles. Appréhender les

textes in extenso, à la suite les uns des autres, et sans but précis pour chacun

d’entre eux revient à avancer sans boussole dans une forêt inconnue. Cette dernière

se mue curieusement au fil de la lecture en paysage de plus en plus dénudé,

semblable à une vaste plaine aride et stérile. Une approche par thèmes stimule la

lecture et la rend féconde.

Cette méthodologie est d’autant plus nécessaire ici qu’Art d'aujourd'hui, à son

origine, ne possède pas de projet éditorial bien défini. Probablement que si ses deux

co-fondateurs, l’artiste Edgard Pillet et l’ingénieur André Bloc pouvaient apporter leur

témoignage, ils souriraient à l’évocation même de cette idée. La réalisation de la

revue est le résultat d’un besoin ressenti par un créateur, Edgard Pillet, de trouver

une tribune, aussi modeste soit-elle, afin de pouvoir présenter, commenter et laisser

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une trace du retour d’effervescence de la vie culturelle dans le Paris de l’après-

guerre. Le peintre ne cherche pas même à écrire dans cette publication ; simplement

à la voir éclore. Il fait la constatation que l’actualité artistique parisienne s’intensifie

mais que par manque de relais, elle reste sans écho. A l’image d’un Diderot puis d’un

Baudelaire décrivant les œuvres des Salons à ceux qui ne se déplaceront pas,

Edgard Pillet souhaite que tout amateur d’art puisse profiter de cette vitalité de la

création, quel que soit le lieu où il habite.

Afin de mieux connaître ce lectorat, différentes méthodes d'exploration ont été

envisagées en gardant une pertinence qui fait avancer le propos. La méthode

quantitative, si elle rebute un peu de prime abord, a semblé finalement d'autant plus

indispensable à une recherche qui souffre d'un manque de sources complémentaires

à celle que compose la revue. Il a fallu trouver des indices plus que des preuves : les

courriers, peu nombreux, disponibles dans les archives, l'ours qui renseigne sur la

distribution de la revue à l’étranger, les publicités contenues dans la revue, son prix,

la comparaison avec les autres périodiques. Cette approche ne prenant son sens

que traduite en actes et en personnes, ne doit servir qu’à circonscrire la vie de la

revue et non pas, au contraire, à la désincarner. Pour cela, le recours aux archives,

même réduites, mais aussi et surtout le recueil de témoignages d’acteurs de

l’époque, permettent de confronter la froideur des chiffres et des graphismes aux

souvenirs que laisse une réalité vécue.

L’ensemble de textes mis en pages et illustrés qui constitue une revue permet,

dans les quelques centimètres carrés évoqués plus haut qui la délimitent, d’ouvrir

vers de nombreux horizons. Aborder un organe de presse inscrit dans le passé

implique, en effet, de couvrir plusieurs domaines. D'abord celui de l'Histoire car son

rédactionnel découle de l'actualité, c'est sa raison d'être. Cette actualité, devenue

aujourd’hui historique, se lit ici dans sa contemporanéité, donc avec ses partis pris,

ses enthousiasmes et ses manques. Véritable source au même titre que des

archives ou la collecte de témoignages, il s’agit, de la même façon, de poser sur les

livraisons le regard du chercheur qui tend à une inatteignable objectivité. Avec Art

d'aujourd'hui, c’est aussi un pan complexe de l’histoire de l’art qui est convoqué ;

celui de l’après Seconde Guerre mondiale, du renouveau de l’abstraction et, partant,

d’un désir d’implication de la création dans la société. De ce fait, un troisième champ

alimente cette recherche, celui de la sociologie.

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La prise avec le réel contemporain à la revue et les liens qu'un organe de

presse tisse avec ses lecteurs (particulièrement Art d'aujourd'hui), invitent

naturellement à cette approche sociologique mais ici, elle est renforcée par la ligne

même du périodique, inscrit dans un rapport social à l’art. La carence des fonds

d’archives rend ainsi impératifs l’appui solide sur ce que l'on possède d’avéré et la

revendication de la démarche quantitative afin de n'affirmer que ce qui a été validé

par les chiffres – données qui semblent les moins aléatoires. Elles alimentent la

définition de la ligne éditoriale et orientent sur l’audience d’Art d'aujourd'hui et son

aura afin de supposer son empreinte ; son impact sur le milieu artistique ne peut se

circonscrire à la revue d'esthétique ou d’actualité artistique puisqu’elle se trouve

portée par des ambitions sociales.

Mais il faut rester lucide quant à l’impact de la revue et l’on gardera en

mémoire l’avertissement que Pierre Bourdieu formule dans L’Amour de l’art :

« Comme la prédication religieuse, la prédication culturelle n'a toutes

les chances de réussir que lorsqu'elle atteint les convertis.

[…]

S'ajoute à cela le fait que les "besoins culturels" ne sont nullement

des besoins primaires (comme celui de s'alimenter), contrairement à

ce qu'avancent les adeptes du "don", mais bien plutôt des besoins

secondaires, qui s'accroissent à mesure qu'on les assouvit, et dont la

conscience de la privation décroît à mesure que croît la privation. Le

fossé culturel en matière d'amour de l'art peut donc aller

s'agrandissant. »

Un fossé d’autant plus profond que le besoin sollicité est singulier. Les rédacteurs

d’Art d'aujourd'hui gardent en ligne de mire ce qui est pour eux la finalité de toute

création plastique : l’abstraction, une expression encore jeune et très marginalisée

par le grand public – cible pourtant espérée de la revue.

Le champ sémantique lui-même ouvre des débats et perspectives. Georges

Roque5 propose une étude des termes "art abstrait", "abstraction", "non figuration",

5 Dans Qu’est-ce que l’art abstrait, Paris, 2003.

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"art non objectif" et "art concret" qui permet de saisir toute la complexité et les

amplitudes possibles de ce détachement de l’imitation du réel. Alors que les

rédacteurs de la revue restent stricts sur l’acception de l’abstrait, sur ce qui

appartient ou non à cette expression, ils emploient indifféremment les termes "art

abstrait", "abstrait", "abstraction" et "non figuration". Une largesse lexicale qui se

trouve reprise dans le développement ci-dessous.

Il est question un peu plus haut de notre intérêt presque a priori pour le corpus

initial que constitue Art d'aujourd'hui. Cette curiosité est suscitée par l’inscription de

la revue dans un temps très délicat de l’histoire de l’abstraction. Or cette forme

d’expression est encore bien récente au regard de l’ensemble de l’histoire de l’art.

Chose rare dans la discipline, nous pouvons en effet situer sur une échelle de temps

proche de nous, les débuts non pas d’un mouvement mais véritablement d’une

esthétique nouvelle ; une nouvelle manière d’exprimer, de créer. A l’image de la

photographie et du cinématographe, l’histoire de l’abstraction se lit dans les archives

et témoignages récents, quand les réalisations donnent des indices sur les

différentes tentatives et expériences, les débuts de l’abstrait, les concurrences de

paternités mais aussi son évolution. De même, on s’accorde sur le fait qu’avec les

années cinquante, l’abstraction est dans une période de renouveau ; l’après

Seconde Guerre mondiale lui offre des raisons de s’épanouir dans une quête

d’exprimer ce qui ne peut être représenté, figuré. Néanmoins, dès 1953-1954, l’art

abstrait entre dans ce que Sylvie Lecoq-Ramond appelle une période de

“classicisation”6.

S’ensuit un débat sur un potentiel conformisme de l’abstraction qui conforte

les tenants d’une nouvelle expression plus gestuelle, lyrique, dans l’idée que le

combat doit se tourner autant contre la figuration que contre une abstraction

géométrique sclérosée. Et Art d'aujourd'hui, précisément, participe à l’académisation

de l’avant-garde du fait même, comme l’analyse Georges Roque, que la revue fait

partie d’un réseau qui, en se contentant de lui-même – et ce, malgré lui –, clôt des

possibilités7. L’ambition des rédacteurs ne peut se passer de la mise en place de ce

réseau, ni d’une relative académisation. Pour réaliser leurs objectifs, de grande

6 “Les Vies différées de l’abstraction”, dans Abstractions France 1940-1965, Paris, 1997, p. 20.

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envergure, ils ne peuvent se passer de tenter de convaincre le plus largement

possible, de répandre les idées que sous-tend l’art géométrique. Ils ne peuvent se

passer d’agir. Ce qui est, selon Alain, une nécessité de la créativité :

« Le grand secret des arts, et aussi le plus caché, c'est que l'homme

n'invente qu'autant qu'il fait et qu'autant qu'il perçoit ce qu'il fait. Par

exemple, le potier invente quand il fait ; et ce qui lui apparaît plaisant

dans ce qu'il fait, il le continue. Le chanteur aussi. Et celui qui

dessine, aussi. Au contraire ceux qui portent un grand projet dans

leur rêverie seulement, et qui attendent qu'il s'achève dans la pensée

seulement ne font jamais rien. L'écrivain aussi est soumis à cette loi

de n'inventer que ce qu'il écrit ; dès que ce qu'il a écrit a valeur

d'objet, il est amené à écrire encore et encore autre chose. »8

Ainsi, l’avant-garde géométrique, par la générosité de son propos, contient en

germe son académisation puisqu’elle n’est pas de ces avant-gardes qui ne

souhaitent rien d’autre que d’œuvrer dans une forme de contre-culture. Cependant,

même les rédacteurs de la nouvelle revue Cimaise – qui se pose en concurrente

d’Art d'aujourd'hui dès sa création en 1952 – reconnaissent bien vite une phase de

dénaturation de l’abstraction lyrique que Michel Ragon commente en des termes vifs

qui lui sont familiers :

« L’art abstrait, oui bien sûr, je l’aime toujours, mais je le préférais

quand il était frais. Il commence à sentir mauvais. »9

Il faut encore rappeler que le propos des rédacteurs d’Art d'aujourd'hui ne se

résume pas à la défense d’une chapelle esthétique. Il y a une forte dimension sociale

dans les ambitions affichées par la revue – ce qui, du reste, constitue l’essentiel de

notre intérêt a priori. Le rôle que se donnent les rédacteurs, en effet, est de faire un

tri, de clarifier la situation artistique afin de répondre à cette volonté d’un plus large

accès à l’avant-garde abstraite. Cette démarche n’est pas la plus courante

aujourd’hui où la critique marque sa distance par rapport à un lectorat néophyte en

imposant une norme de ce qui est contemporain, et donc estimable, mais en ne

7 Op. cit., p. 206. 8 Alain, Propos sur l’esthétique, Paris, 1923, p. 50.

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cherchant pas à le justifier10. La critique d’art vécue par Art d'aujourd'hui se

rapprocherait plus de celle énoncée par Sainte-Beuve un siècle plus tôt (en 1852)

dans ses Derniers portraits littéraires :

« Je pense sur la critique deux choses qui semblent contradictoires

et qui ne le sont pas :

1° Le critique n’est qu’un homme qui sait lire et q ui apprend à lire aux

autres.

2° La critique, telle que je l’entends et telle que je voudrais la

pratiquer, est une invention, une création perpétuelle. »

Certainement que l’historien lecteur, même occasionnel, d’Art d'aujourd'hui

associe sans difficulté à la revue l’approche didactique telle que l’entend le premier

énoncé. Il nous revient de démontrer que l’invention n’est pas absente des pages du

périodique d’André Bloc, qu’il s’agisse de leur composition comme de leurs

ambitions. Il faut rappeler cette évidence que l’objet du présent travail (des textes

critiques mis en pages) est à la fois observé mais également, lui-même, somme

d’observations d’observateurs11. Il s’agit alors, pour l’historien, de prendre de la

distance face à des objets qui sont eux-mêmes des prises de distance par rapport à

l’actualité. On se trouve donc, déjà, face à un filtre manifeste, avoué ; ce filtre

implique que la critique s’expose, de fait, à la contestation voire à l’opposition. Les

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui font en sorte, cependant, de ne pas s’exposer à

l’incompréhension. Pourtant, à lire dans les essais d’histoire de l’art, la réduction

d’Art d'aujourd'hui à des querelles de chapelles, on mesure l’échec de la revue dans

le domaine de la démocratisation de la connaissance. Le travail qui suit propose de

reconsidéré quelques préjugés sur cette revue qui a participé pleinement à l’histoire

de l’abstraction encore naissante en étant elle-même actrice et en devenant la trace

9 "Petit Bilan pour tous", dans Cimaise, 5ème série, n°1, septembre–octobre 1957, pp.20 à 26. 10 On pourra se référer notamment aux études de Nathalie Heinich sur le sujet dont l’Art contemporain exposé aux rejets, Etudes de cas, Nîmes, 1998. 11 Richard Leeman se trouve face à cette même conclusion avec Le Critique, l’art et l’histoire : « On touche là à la question épineuse et fondamentale de la constitution du fait historique : à la différence de l’histoire, l’histoire de l’art comprend parmi ses objets des acteurs (les critiques d’art) dont une des activités consiste précisément à construire, à hiérarchiser, à sélectionner un corpus d’artistes. »,

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de classification et de théorisation de l’expression abstraite. Ce sont ses recherches,

ses conclusions qui constituent aujourd’hui pour partie, les sources de l’histoire de

l’art d’un moment clef du XXème siècle.

Que le lecteur soit prévenu : cette recherche en histoire de l'art aborde peu les

artistes et leur travail, ne propose pas d'analyse détaillée d'œuvres plastiques ni

d’une évolution stylistique. On le constate en feuilletant les annexes, elles ne

contiennent pas de reproductions d'œuvres auxquelles il faudrait se reporter pour

mieux saisir une description, une étude, un commentaire. La presse reste en effet un

bon point de départ à des observations esthétiques ; le précédent travail sur la revue

d’André Bloc, entrepris par Georges Richar-Rivier, La Nouvelle Ecole de Paris et la

revue Art d'aujourd'hui ou les abstractions du début des années cinquante12, se

concentre sur le groupe d’artistes gravitant autour du périodique. Il y a en effet des

filiations, des influences à établir entre les artistes lecteurs et les œuvres des plus

anciens, qui sont reproduites ; entre les écrits des critiques et l’évolution de certains

créateurs ou du public. Ou encore dans l’évolution tant sémantique que de la

réception d’un mouvement13 voire d’une dénomination14.

Le propos est ici de partir d’une matière première qu’est la revue Art

d'aujourd'hui. Du sondage de ses sommaires puis de sa lecture méthodologique ont

découlé trois axes d'études. La ligne d’Art d'aujourd'hui qui s'appuie sur un

didactisme tant dans les articles que dans la façon de les mettre en pages. La

manière d'aborder la création par une démystification de l'acte créateur au profit de

son aspect laborieux et journalier dans l’expérimentation ; mais aussi dans son abord

et dans sa délectation qui doit se faire au quotidien, sur toute chose. Cette vision

trouve son accomplissement dans sa réalisation grâce à la synthèse des arts, union

parfaite de la peinture, de la sculpture et de l'architecture. Cette intégration des arts

dans l’urbanisme et l’architecture constitue le troisième pivot de la ligne de la revue.

Rennes, 2010, p. 19. 12 Doctorat de 3ème cycle, sous la direction d’Hubert Damisch, Université de Lille III-EHESS, Lille, 1987. 13 On peut citer Pour ou contre le fauvisme, par Philippe Dagen (1994) ainsi que l’exposition Les Fauves et la critique au musée de Lodève, (1999). 14 Natalie Adamson a ainsi fait une recherche sur L’Ecole de Paris dans son ouvrage : Painting, Politics and the Struggle for the Ecole de Paris, 1944-1964, Surrey, 2009.

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Cette étude faite, les choses se trouvant ainsi posées, les pistes lancées par

les rédacteurs nous apportent matière à réflexions. Est-ce de cette déconstruction

dont parle Françoise Levaillant ?

« Entre la description à petits points, faite de citations et

d’anecdotes, et la langue de bois dans laquelle se fige presque

toujours un discours pétri de "stratégies", il conviendrait de trouver

un autre protocole d’analyse, quitte à déconstruire l’objet (la revue)

pour parvenir à poser des séries de questions pertinentes. »15

Il a semblé, quoi qu’il en soit, nécessaire à la recherche de trouver la bonne

distance par rapport à la revue afin de pouvoir exploiter les thématiques qu’elle

développe dans ses pages et de tisser les liens vers des problématiques actuelles –

Art d'aujourd'hui devenant centre de l’étude et point de départ pour d’autres

réflexions.

« [...] l’histoire a changé sa position à l’égard du document : elle se

donne pour tâche première, non point de l’interpréter, non point de

déterminer s’il dit vrai et quelle est sa valeur expressive, mais de

travailler de l’intérieur et de l’élaborer : elle l’organise, le découpe, le

distribue, l’ordonne, le répartit en niveaux, établit des séries,

distingue ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas, repère les

éléments, définit les unités, décrit des relations. »16

Ces réflexions prennent corps jusque dans la forme même du développement qui,

telle une mise en abyme, questionne la possibilité de rendre un doctorat clair dans

ses découpages en proposant d’introduire chaque grande partie puis en les

15 Dans la préface à Yves Chevrefils-Desbiolles, Les Revues d’art à Paris 1905-1940, Paris, 1993, p. 11. 16 Michel Foucault, L’Archéologie du Savoir, Paris, 1994 (réédition de 1969), p 14.

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ponctuant d’autant d’intertitres que nécessaire à la compréhension de

l’enchaînement des idées. Car il nous semble que si « l'homme n'invente qu'autant

qu'il fait et qu'autant qu'il perçoit ce qu'il fait »17, sa production n’existe pleinement

que lorsqu’elle rencontre un public ou un lectorat.

17 Alain, Ibid.

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I. Art d'aujourd'hui , une histoire

« Que réservons-nous aux chroniqueurs de l’an 2000, s’il leur prend envie de s’arrêter à nouveau et de se retourner sur le chemin parcouru ? »1

Appréhender un périodique dans sa globalité suppose que ce dernier n'existe

plus. La somme des exemplaires constitue alors une entité qui se prête à l'analyse.

Au regard de ce corpus cohérent, il devient nécessaire d’envisager la manière la plus

complète et partant, plurielle, de le questionner. L'approche se fait donc d'abord

historique afin de donner une réponse à Julien Alvard, soucieux des traces qu'il

laisse aux «chroniqueurs de l'an 2000». Il faut en effet s’arrêter et se retourner,

revenir à la genèse de la revue, au contexte dans lequel elle s’est développée et aux

hommes qui l’ont portée. Ici, l'analyse se fait plus précise afin de déterminer le style

de chacun ainsi que leur place et leur rôle au sein d'Art d'aujourd'hui.

Ces animateurs, de texte en texte, d'ambitions en réussites ou en échecs,

donnent à la revue sa ligne éditoriale. Forts de leurs convictions, pour promouvoir

l'avant-garde abstraite, ils mènent des actions au quotidien qui se trouvent relayées,

accompagnées, initiées par Art d'aujourd'hui. Pourtant, au terme de cinq années, et

malgré l'enthousiasme qui transparait dans chaque livraison, le mot « fin » vient clore

l'histoire de la revue. Il s’adjoint cependant le mot « début » d’une nouvelle aventure,

celle d’Aujourd’hui : art et architecture.

L’analyse se poursuit par l'indexation, la quantification et la mise en

graphiques du corpus. Car une revue se présente aussi par le nombre de ses

années, de ses séries, de ses livraisons, de ses pages ; puis par le décompte précis

des interventions de ses rédacteurs, des participations des artistes aux couvertures,

aux encarts couleurs. Enfin, une revue se définie aussi par ses lecteurs, reflet de la

portée de ses aspirations, justification de sa publication. La disparition des archives

1 Julien Alvard, "Sur l’autre versant du demi-siècle", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, p. 46.

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ne permet pas leur dénombrement exact mais il devient possible de dessiner leur

profil, en creux.

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1. De L’Architecture d’aujourd’hui à Art d’aujourd’hui

« L’architecture étant un art comme les autres avec pour seule différence ses obligations fonctionnelles, l’architecte, auteur des projets, doit être un véritable créateur. »2

L’histoire de la revue L’Architecture d’aujourd’hui est très étroitement liée à

celle de son fondateur, André Bloc. Ingénieur de formation, il se découvre très vite un

goût pour l’édition auquel s’ajoute bientôt celui pour l’art de bâtir. Ces deux passions

le guident alors tout naturellement vers la réalisation de la revue L’Architecture

d’aujourd’hui dont le premier numéro sort en novembre 1930. Cet organe œuvre pour

la modernité qui doit se manifester dans tous les domaines du bâti, y compris – et

peut-être, surtout – dans le logement social. Après la Seconde Guerre mondiale,

c’est à un véritable combat que L'Architecture d'aujourd'hui doit se livrer face aux

décisions prises dans le cadre de la Reconstruction.

Si l’après-guerre reste une période troublée pour l’architecture, elle l’est tout

autant pour le monde de l’art. Les recherches plastiques s’intensifient et se

diversifient tant que la presse s’empare des débats d’idées que soulèvent

notamment les oppositions entre abstraits et figuratifs. Le peintre Edgard Pillet

regrette cependant que l’abstraction ne jouisse pas d’un véritable espace

d’expression et de défense. C’est avec l’aide d’André Bloc et de la logistique de sa

revue d’architecture que peut se réaliser et perdurer Art d'aujourd'hui. La première

livraison, réalisée hâtivement, n’est guère épaisse mais l’esprit est bien là.

Il est impulsé par la participation de critiques et d’animateurs très actifs. André

Bloc s’entoure avec talent de personnes qui non seulement partagent ses idées mais

en plus, les divulguent avec autant de fougue que de clarté. Se joignent à Edgard

2 André Bloc, “L’Action de L'Architecture d'Aujourd'hui”, dans L'Architecture d'Aujourd'hui, avril 1961, cité dans Aujourd’hui : art et architecture, numéro spécial André Bloc, n°59-60, décembre 1967 , p. 21.

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Pillet, Léon Degand, Julien Alvard, Roger Van Gindertael, Pierre Guéguen, Michel

Seuphor, Félix Del Marle, Pierre Faucheux, Roger Bordier et Charles Estienne.

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a. L’Architecture d’aujourd’hui

C’est avec la personnalité d’André Bloc qu’il faut envisager les débuts de

L'Architecture d'aujourd'hui. Ingénieur des Arts et Manufactures diplômé de l’Ecole

centrale en 1920, il travaille comme secrétaire du Syndicat du Caoutchouc à partir de

1924. Il est remarquable que dès cette année, il s’approprie et dirige la Revue

générale du Caoutchouc, modeste publication que son patron lui laisse bien

volontiers. L’homme a déjà le pressentiment de la nécessité de faire circuler les

idées par l’écrit3. On le voit, trois caractéristiques ressortent de ce début de

parcours : d’abord André Bloc n’est pas architecte mais ingénieur ce qui explique

peut-être son goût pour les techniques et les matériaux nouveaux. De plus, dès cette

première expérience, s’affirme la facilité qui va être la sienne à passer outre les

frontières des différentes disciplines (édition, architecture, sculpture, peinture,

dessin). Enfin, sitôt enfermé dans le cadre d’un travail, André Bloc cherche à élargir

son quotidien, et c’est en dirigeant une revue qu’il agit. A cette même époque, celui

que tous les témoignages décrivent comme ayant « une insatiable curiosité »4,

fréquente des architectes dont Le Corbusier, Francis Jourdain et Auguste Perret. Est-

ce la persuasion des créateurs avec lesquels il discute ? Il semble que très

rapidement André Bloc donne à leur discipline une place centrale dans le quotidien

et donc dans la vie des Hommes ; au point qu’il entre dans un véritable combat pour

la jeune architecture5. Julius Posener – architecte qui va faire partie de l’aventure de

L'Architecture d'aujourd'hui – décrit ainsi André Bloc :

3 Domitille D’Orgeval fait remonter le goût d’André Bloc pour les revues à ses études durant lesquelles il est rédacteur pour la Revue des Centraux - il y lance d’ailleurs en 1923 un appel à contribution au Corbusier. Il devient ensuite secrétaire général de La Revue science et industrie et de celle de l’Ingénieur. Dans L’Engagement et la contribution d’André Bloc pour l’architecture et les arts de l’espace, mémoire de Maîtrise d’histoire de l‘art sous la direction de Serge Lemoine, Université de Paris IV-Sorbonne, Paris, 1996-1997, p. 9. 4 Jean Ginsberg, “Témoignages”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 159. On le comprend également en consultant ses archives – essentiellement photographiques – déposées au musée de Grenoble par Natalie Seroussi, actuelle propriétaire de sa villa à Meudon. Ce fonds est constitué pour l'essentiel de traces de voyages en Italie, au Maroc et en Tunisie. 5 Il raconte dans L'Architecture d'Aujourd'hui n°106, mars 1963, p. 2 : « Dès 1921, Le Corbusier fut mon guide. Je n’avais qu’un espoir, m’évader de mes besognes professionnelles pour me rapprocher de l’Architecture et des Arts Plastiques. »

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« [Il] était révolté. Telle fut ma première impression : un petit homme

“qui s’indigne, qui se méfie”. […] Un homme qui a du flair et qui ne se

sent absolument pas sûr, sur le terrain où il vient de s’engager. Il

désirait y acquérir un droit de cité. […] Sa curiosité professionnelle,

sa curiosité en matière d’architecture, était pratiquement illimitée. Un

homme conscient de se consacrer à une tâche difficile et inquiétante.

Il était tenace, brave, décidé. Je ne vis pas [ces qualités]. Je trouvais

un homme qui m’irritait un peu. A l’époque, je ne pensais pas me

trouver en face d’un homme qui serait un jour considéré comme un

artiste […]. Peut-être en ce temps-là, je n’étais pas seul à ignorer ses

dons potentiels. André Bloc lui-même les pressentait-il ? Je ne crois

pas. »6

Les débuts de la revue

Son avidité dévorante pour seul véritable atout, André Bloc décide de fonder

une revue avec l’architecte Marcel Eugène Cahen7. Elle doit avoir pour titre

Construire, un verbe qui, selon eux, résume à lui seul leur programme : « C’était le

programme, la doctrine d’Auguste Perret, et nous étions perretistes. »8. Mais ce nom

existe déjà pour une revue aux idées sur l’architecture très éloignées de celles des

jeunes gens et qui traite Le Corbusier d’« obusier » ! Trouver un titre n’est pas la

seule difficulté qui attend André Bloc : Marcel Eugène Cahen décède alors que la

revue n’est encore qu’à l’état de projet. Le jeune ingénieur doit trouver une légitimité

dans cet univers d’architectes dont il ne fait pas encore partie. Il s’attache les

services de la veuve de son ami en tant que secrétaire générale et de l’architecte (et

6“L'Architecture d'Aujourd'hui : rétrospective de la première décennie 1930-1940”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 14. 7 Claude Parent apporte une précision à la création de la revue que nous n’avons trouvée nulle part ailleurs : « [Le patron d’André Bloc] avait une petite revue sur le caoutchouc qu’il lui a confiée car elle ne l’intéressait pas ainsi qu’une autre petite revue sur l’architecture qu’il ne voulait même pas garder. Et c’est de là qu’André Bloc a créé L'Architecture d'Aujourd'hui. » Voir entretien, annexes IX. 8 “L'Architecture d'Aujourd'hui : rétrospective de la première décennie 1930-1940”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 14.

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fils d’architecte) Pierre Vago, en rédacteur en chef. La ligne éditoriale, quant à elle,

s’établit aisément dans un mouvement de révolte que Julius Posener qualifie de

nécessaire lorsqu’il commente la note d’intention d’André Bloc : « Ce texte est

combatif, plein de colère et d’idéal. La situation exigeait ce langage et cette

attitude. »9 Les membres de L’Architecture d’aujourd’hui déplorent en effet tant

l’enseignement de l’architecture tel qu’il est dispensé en France que la qualité

plastique des constructions, ils exigent une adaptation de la profession d’architecte à

l’époque ainsi qu’une véritable réflexion sur l’habitat social. Il faut rappeler que la

revue est créée durant une période de fort ralentissement de l’architecture en matière

de logements. Eugène Claudius-Petit, ministre de la Reconstruction et de

l’Urbanisme de 1948 à 1953, met cela en rapport avec le gel des loyers appliqué

depuis 1914. De cette décision prise pour aider une population en guerre puis au

sortir de la guerre, naît une situation infernale : les propriétaires n’investissent plus

dans leurs biens immobiliers dont l’état se dégrade et Claudius-Petit de comptabiliser

« treize millions de taudis et des innombrables immeubles présentant

les stigmates d’une vétusté accentuée par des dizaines d’années

d’oubli du plus modeste entretien. »10

C’est dans ce contexte que la revue s’est « improvisée »11, rue Duphot dans le

huitième arrondissement parisien, depuis les locaux du Syndicat du Caoutchouc

avant de s’installer définitivement chez son fondateur, rue Bartholdi à Boulogne-sur-

Seine. Le rédacteur en chef Pierre Vago accomplit un travail de fond, demeure la

cheville ouvrière de la revue, lui donne vie au quotidien. Mais c’est pourtant le nom

de Bloc qui lui reste définitivement attaché :

« En relisant L’Architecture d’aujourd’hui, on est toujours en

présence d’André Bloc. Conscient, exigeant, à la pointe des

événements, des idées et de la pensée, curieux, stimulant, sévère, il

est partout, dans toutes les pages, derrière ses collaborateurs et ses

amis qu’il anime et oriente. »12

9 Ibid., p. 18. 10 “Choses vécues”, dans Paris-Paris 1937-1957, Paris, 1981, p. 627. 11 Julius Posener, op. cit., p. 14. 12 Georges Candilis, “1945. L’A.A. reparaît”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 24.

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Car s’il n’est pas encore reconnu par les architectes comme un des leurs, André Bloc

sait cependant où il va dans le domaine de la promotion et de la diffusion d’un art qui

correspond à ses attentes. Cette détermination s’avère bénéfique à la revue qui,

selon Julius Posener,

« [devient] presqu’aussitôt la première en France et, après trois ou

quatre ans, une des principales revues du monde […]. Son influence

se fit sentir immédiatement. Je ne peux évidemment parler que de la

région dont j’étais alors le correspondant : l’Allemagne. Chacun des

architectes contactés voulait me rencontrer, me remettait des

documents et, ce qui était plus rare, était ensuite satisfait de la

publication. […] Il est hors de doute que la Revue a été accueillie

avec enthousiasme. »13

Une revue ambitieuse

Créer une revue qui s’engage sur la voie d’une avant-garde, la faire vivre

coûte que coûte14 même dans une période peu favorable reste un schéma que l’on

rencontre aisément dans la première moitié du XXème siècle. Yves Chevrefils

Desbiolles en cite de nombreux exemples dans son ouvrage Les Revues d’art à

Paris, 1905-194015. Il reste cependant remarquable, dans le cas de L’Architecture

d’aujourd’hui, que cet organe de presse ne s’enferme pas dans un fonctionnement

de petites revues vivant de souscriptions, accessibles aux seuls abonnés et

quelques autres privilégiés. Il semble au contraire que l’équipe de L’Architecture

d’aujourd’hui raisonne dès le début comme doit le faire une revue de large audience.

Et cela passe notamment par la recherche de publicités qui se trouvent peut-être

plus aisément pour une revue d’architecture, celle-ci pouvant faire appel aux

13 Julius Posener, op. cit., p. 20. 14 Pour cela, André Bloc hypothèque une maison. Il lui faut ensuite cinq années pour équilibrer les comptes, durant lesquelles il continue à accomplir son métier d’ingénieur. Détails livrés par Roger Bordier dans André Bloc : l’expression ardente et diversifiée d’une œuvre qui rayonne vers son temps, la communauté humaine, la présence des choses, tapuscrit non daté (écrit très probablement entre 1964 et 1966). Archives privées de la Galerie Philippe Samuel.

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entreprises en bâtiments et en matériaux. Ainsi, les membres de L’Architecture

d’aujourd’hui se donnent les moyens financiers d’assurer la réalisation d’une

véritable revue16.

Son aspect la fait d’ailleurs se distinguer d’un organe de presse à la

publication confidentielle. Richement illustrée, elle laisse la part belle à la

photographie qui selon André Bloc intéresse bien plus le lecteur que les plans voire

les textes. Cela n’est pas de l’avis de tous ; Pierre Vago parle d’un « petit conflit

interne entre la rédaction et Bloc » et raconte que lui-même a dû se « [battre] pour

que la revue ne devienne pas le Vogue de l’architecture », précisant : « C’était un

peu la tendance de Bloc. »17 Cette comparaison avec le magazine de mode pose la

question du lectorat de L’Architecture d’aujourd’hui : comment André Bloc l’envisage-

t-il ? Jusqu’à quel point veut-il étendre sa diffusion ? Il est vrai qu’ainsi que le note

Pascal Ory, la presse des années trente autant que celle des années cinquante a

pour modèle le magazine ou le journal abondamment illustrés au moyen de la

photographie18. De plus, les revues d’architecture se doivent de diffuser auprès de la

profession et des étudiants des représentations de ce qui se construit. Ces clichés,

appelés tubards par les architectes, font la richesse d’une revue. L’Architecture

15 Paris, 1993. 16 Même si cela implique quelques compromis quant à son indépendance financière comme l’explique Julius Posener (op. cit.) : « Une revue, indépendante des institutions et associations, dépend de sa publicité. C’est pourquoi on trouve parfois dans L'Architecture d'Aujourd'hui des bâtiments médiocres largement présentés. Cela était évidemment inévitable. » Cette remarque se lit également dans le texte de Jean-Claude Garcia, "Fantasmes, soixante ans de réclame" paru dans L'Architecture d'Aujourd'hui de décembre 1990, n°272, p. 32 : « De la réclame l a plus grossière (« achetez mes menuiseries métalliques ») à la forme la plus éthérée de l’auto-promotion (interview complaisante de l’architecte-démiurge), en passant par la « ligne » de la revue, la morale et même l’éthique (éditos, billets d’humeur, lettres de lecteurs), l’AA a pratiqué toutes les formes euphémisées de la publicité dont parle Bourdieu. Rien que de naturel là-dedans, puisque l’AA se vend doublement : à ses lecteurs et à ses annonceurs. [..] (p.33) On remarque en outre une certaine confusion entre le rédactionnel et la pub, les mêmes anti-rouilles [SIC - ndla], ascenseurs et autres éviers-vidoirs apparaissant dans les deux rubriques. » 17 “Pierre Vago et les débuts de L'Architecture d'Aujourd'hui 1930-1940”, propos recueillis par Gilles Ragot dans Revue de l’art, n°89, 1990, p. 79. 18 L’Aventure culturelle française, 1945-1989, Paris, 1989, p. 94. Pascal Ory donne comme exemple de magazine illustré en plein essor, Paris-Match, organe ô combien tributaire de l’impact de ses clichés photographiques. Rappelons que depuis 1880, date de la première parution d’une photographie dans un journal, les appareils de prise de vue se sont considérablement améliorés, devenant plus petits, plus légers, plus maniables, plus sensibles à la lumière. Durant les années trente les appareils Leica font leur apparition dans le monde de la presse ; petits et silencieux, ils permettent de prendre des photographies sur le vif. Conjointement se développent les publications illustrées de

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d’aujourd’hui en renouvelle la vision en les privilégiant au détriment des plans et

coupes. S’appuyant sur l’évolution de leur technique, les photographes proposent

des angles de vue inédits, des plans serrés voire des gros plans sur des détails

d’architecture19. André Bloc impose également au périodique un incessant

renouvellement de sa présentation, depuis sa mise en pages jusqu’à son logo, sa

typographie et même sa reliure puisque L’Architecture d’aujourd’hui sera un temps

reconnaissable à sa spirale sur le côté gauche. C’est qu’André Bloc aime l’avant-

garde, la recherche, la nouveauté qui se retrouvent ainsi tant dans le contenu que

dans la forme de la revue.

« Notre programme est net : défendre tout effort créateur,

encourager les recherches et aussi briser les barrières qui ont trop

longtemps séparé l’architecte et l’ingénieur. »20

C’est par ces mots qu’André Bloc annonce les ambitions de la revue. On y lit le goût

pour la nouveauté tant dans les réalisations que dans les matériaux et les

techniques. Il faut toutefois noter qu’André Bloc reste lucide et ne conçoit pas la

modernité comme une réponse parfaite à tout problème. Qu’il s’agisse d’une

question de style :

« Notre époque, paraît-il, ne saurait créer de beauté qu’en utilisant la

ligne droite, la surface plane ou le volume géométrique entièrement

dénudé. Nous nous refusons à accepter cette thèse. […] Nous ne

voyons aucune raison pour condamner systématiquement l’ornement

quand celui-ci n’est pas une chose surajoutée, quand il s’intègre

dans la construction et y joue un rôle utile à côté de son rôle

décoratif. […] Ne nous laissons pas séduire par des formules faciles

dont la valeur est éphémère et qui servent surtout de recettes à des

professionnels sans talent et sans personnalité. »21

photographies. 19 Pour plus de détails sur ce point, se référer à l’article d’Henri Bresler, "Clichés et tubards, la perversion de l’image", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., pp. 20 à 23. 20 “Programme de L'Architecture d'Aujourd'hui”, dans L'Architecture d'Aujourd'hui, mai 1931, cité dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 14. 21 André Bloc, “Pour ou contre l’ornement”, dans L'Architecture d'Aujourd'hui, février 1932, cité dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 24.

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Ou qu’il s’agisse de technique :

« Les matériaux nouveaux, dont nos inlassables inventeurs nous

présentent sans cesse d’intéressantes applications, permettent

parfois des solutions fort séduisantes, donnent des possibilités

d’économie. Nous devons être prêts à les accueillir mais sans

négliger systématiquement les matériaux classiques. »22

Chantiers, organe technique de L'Architecture d'aujourd'hui

La revue s’adjoint d’ailleurs en février 1933 une nouvelle publication,

Chantiers, qui a pour sous-titre : organe technique de L’Architecture d’aujourd’hui. Ce

magazine connaît treize numéros puis se trouve remplacé par les Cahiers

Techniques de L’Architecture d’aujourd’hui périodique également consacré aux

matériaux de construction ainsi qu’à des problèmes techniques23. L’architecte

Edouard Menkès en est le rédacteur en chef et en signe le programme dans ce

premier numéro de 1933. Chantiers se veut pratique et met à disposition de ses

lecteurs nombre de tableaux – comme cette "Table analytique des matières" en page

vingt-huit - et de conclusions d’études – ainsi du "Rapport du laboratoire d’essais du

conservatoire national des Arts et Métiers", sur deux pages, ou encore de l’"Etude

des bruits et de l’isolement phonique des matériaux et des bâtiments", occupant cinq

pages. Le nouveau périodique débute également une série de planches techniques à

déplier en fin de magazine, "Technologie du bâtiment", destinées ensuite à être

regroupées puis publiées dans un ouvrage de référence.

Mais bien que les animateurs de L’Architecture d’aujourd’hui semblent

proches des préoccupations pratiques des architectes et des usagers, les remarques

22 André Bloc, “A propos d’humanisme”, dans L'Architecture d'Aujourd'hui, mars 1945, cité dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 17. 23 Le magazine ne trouve pas l’audience qui lui permette de perdurer et les publications cessent en 1935. André Bloc invoque, de plus, la difficulté « d’établir une ligne de démarcation très nette entre la technique et l’architecture ». L'Architecture d'Aujourd'hui augmente alors sa parution annuelle à douze numéros au lieu de dix et englobe dans son sommaire la partie technique. Cf. Rémi Badouï, "Chantiers" dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., p. 64.

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de Rémi Baudouï apportées dans le numéro anniversaire de la revue de décembre

199024 indiquent pourtant de véritables défaillances concernant l’ancrage de

L’Architecture d’aujourd’hui dans le réel. Se référant aux numéros d’avant-guerre, de

janvier 1939 jusqu’à l’été, Rémi Baudouï met l’accent sur le décalage entre l’actualité

et le choix des thèmes des numéros spéciaux : l’équipement de l’habitation,

l’habitation, les constructions en montagnes, les édifices publics, enfin, durant l’été,

les vacances et les loisirs. Le nombre de pages de la revue se trouve cependant

divisé par deux en août 1939 à la demande de la Fédération nationale des Journaux

français. Pourtant, les rédacteurs de L’Architecture d’aujourd’hui sont confortés dans

leurs choix éditoriaux avec la déclaration de guerre, avançant qu’ainsi, les liens entre

la France et les autres pays restent maintenus et que les architectes partis au front

demeurent informés d’une actualité qui les concerne. Enfin, à partir de 1940, la

parution de L’Architecture d’aujourd’hui est suspendue, et ce jusque mai 1945. André

Bloc se voit contraint de s’enfuir dans le Sud de la France où il s’initie à la sculpture

et subvient aux besoins de son couple en faisant le commerce de sa production de

poteries25.

L'Architecture d'aujourd'hui et la Reconstruction

Avant cette interruption, nous l’avons vu, la question du logement social se

pose déjà mais après la Seconde Guerre mondiale, elle s'affirme dans l’urgence. La

situation de la France vis-à-vis de la Reconstruction cumule les handicaps dont

24 "L'Architecture d'Aujourd'hui, d’hier à aujourd’hui", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit. Le point que nous abordons concerne la page 69. 25 On peut lire néanmoins dans une lettre de Bloc - à en-tête barrée de L'Architecture d'aujourd'hui - adressée à Albert Gleizes : « Il ne m’est plus permis de m’occuper d’artisanat et je dois me contenter d’assister impuissant à la dégénérescence d’une production qui en ces heures difficiles auraient pu reprendre une existence réelle. » Ce courrier, daté du 27 décembre (sans indication de l’année), provient de Biot. On trouve également, adressé à la même personne le 12 juin 1942, cet autre courrier envoyé de Sirey dans le Périgord noir, très probablement antérieur à celui cité ci-dessus. Il montre une fois encore les grandes difficultés que rencontre le couple Bloc durant la guerre : « Des amis comme vous nous aident à passer de bien pénibles moments. A peine arrivés ici, nous apprenons par un entrefilet paru au Journal officiel qu’un administrateur provisoire est maître désormais de tous nos biens et en particulier de ce vieux manoir de Sirey que j’ai progressivement restauré au cours d’une dizaine d’années. » Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne,

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l’architecte et urbaniste Marcel Lods établit la liste dans un texte paraissant dans le

premier numéro de L’Architecture d’aujourd’hui d’après-guerre, "L’industrialisation du

bâtiment"26. Il y décrit une corporation d’architectes très hiérarchisée et très fermée

et y regrette l’écrasant héritage du glorieux passé du bâtiment français à quoi

s’ajoute, de la part de la population, un attachement aux formes du passé : il faut

reconstruire à l’identique. Peut-être pour mieux faire oublier les destructions de la

guerre et retrouver au plus vite le quotidien d’avant. Mais c’est, bien sûr, réagir sans

aucune vision d’ensemble ni prospective ; l’état des logements s’étant détérioré,

nous l’avons vu, entre 1918 et 1939, place est laissée à l’insalubrité, l’inconfort, la

laideur. Une situation que déplorent certains professionnels, architectes, urbanistes,

industriels mais aussi les législateurs qui, malgré une situation politique très

instable27, réussissent à voter des lois qui facilitent la reconstruction et la

construction de logements adaptés aux besoins de l’époque28.

Enfin, et il s’agit-là face à une lourdeur difficilement surmontable, les

entreprises du bâtiment souffrent d’un équipement insuffisant, de méthodes

archaïques – plus proches de l’artisanat que de l’industrie – et d’une organisation

toute aussi mal adaptée. Seules quelques-unes d’entre elles ont continué leurs

activités durant la guerre, sous les ordres allemands29, la plupart connaissent un

retour à l’activité violent, se retrouvant face à une tâche dont elles ne peuvent peut-

être même pas mesurer l’ampleur30. La reconstruction s’avère lente et limitée à une

Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Albert Gleizes. 26 Mai-juin 1945, n°1, pp. 29 et 30. 27 « De novembre 1944 à septembre 1948, six ministres, sous huit gouvernements, partagèrent la responsabilité de conduire la reconstruction du Pays. Il eût été difficile d’espérer une action réfléchie, cohérente, à long terme. Heureusement, le Parlement assurait une sorte de continuité quand il mettait au point les lois proposées par un ministre, soutenues par un autre et présentées au vote par un troisième ou un quatrième. » Eugène Claudius-Petit, dans Paris-Paris 1937-1957, op. cit., pp. 630 et 633. 28 Pour plus de détails sur ces lois et sur les « effets pervers » de certaines, on pourra se reporter au texte d’Eugène Claudius-Petit cité ci-dessus, qui propose un regard personnel sur cette période. 29 Encore que, si l’on considère la réflexion d’André Bloc dans "A propos d’humanisme" (dans L'Architecture d'Aujourd'hui, juillet-août 1945, n°2, pp. 77 et 78), on peut do uter que ces industries-là aient pu se confronter à de l’architecture moderne : « L’ennemi ne pouvait qu’encourager de pareilles tendances [celles d’une architecture d’avant-guerre, ndla] destinées à briser l’intelligence et l’esprit créateurs des Français. » 30 Eugène Claudius-Petit chiffre à quinze millions le nombre de « logements détruits par la guerre ou délabrés jusqu’à l’insupportable par l’inconscience de plusieurs générations, à bâtir en vingt ou vingt-cinq ans. » Il commente sa conférence de presse du 4 novembre 1948 annonçant les ambitions du

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reproduction de ce qui se faisait avant guerre. On re-construit, on ne s’adapte pas à

l’époque et à ses nouveaux matériaux tels que l’acier et le béton armé, le

préfabriqué, qui permettraient des réalisations plus rapides et en plus grand nombre.

La France prend du retard en architecture et André Bloc, dans différents textes de

L’Architecture d’aujourd’hui, en impute la faute aux seuls pouvoirs publics – pour leur

lourdeur administrative, pour leur crainte de l’avant-garde, et par là même, pour leur

mauvaise influence sur le public31. André Bloc nourrit peut-être une croyance trop

forte en l’homme du peuple. Il lui semble que si l’ouvrier en bâtiment conserve des

gestes et habitudes désuètes, et le locataire, des goûts passéistes et empreints de

nostalgie, ils n'en sont en rien responsables.

Les actions de L'Architecture d'aujourd'hui

On peut voir également dans ces différentes remarques contre l’Etat et ses

représentants, plus qu’une rancœur, une lassitude. André Bloc entreprend en effet

en faveur de la jeune architecture de très nombreuses actions et celles qui

demandent l’aide de l’Etat rencontrent assez systématiquement des réticences voire

un refus net. Il est possible de résumer les activités parallèles à la revue par ces

mots de Pierre Vago, écrits en 1950 pour l’éditorial du numéro célébrant le vingtième

anniversaire de la revue :

« L’Architecture d’aujourd’hui n’est pas seulement une revue, c’est

un mouvement, c’est une tendance, c’est un état d’esprit qui s’est

manifesté et se manifeste de multiples façons : voyages,

conférences, congrès, concours, émissions radiophoniques,

publications diverses, etc. »32

ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (construire quarante-cinq à soixante mille logements en trois ans, en prévoyant la nécessité d’un total de trois cent mille sur trente ans) : « On ironisait. On se gaussait. Il fallut abaisser la barre de nos ambitions pour ne point trop choquer. » Il estime, au final, à vingt-deux mille le nombre de logements terminés en 1948. Dans Paris-Paris 1937-1957, op. cit. 31 On peut le lire de manière plus ou moins explicite, dans “Mission de la France”, mars 1947, “A propos d’humanisme”, mars 1947, “Un siècle d’architecture française”, février 1953, et même plus tard, “Responsabilités de pouvoirs publics”, octobre 1964, puis septembre 1966. 32 Cités dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 51.

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Mais pour mieux se rendre compte du dynamisme de l’équipe de

L’Architecture d’aujourd’hui ainsi que de l’importance que prend peu à peu la revue

dans le monde des architectes, une rapide chronologie s’impose33. Dès 1931, André

Bloc et Pierre Vago créent les Réunions Internationales d’Architecture (R.I.A.) afin

que se rencontrent les architectes des différents pays. Pierre Vago, homme

d’organisation maîtrisant six langues, permet au projet de perdurer et de s’amplifier.

Forte du succès des R.I.A., est fondée le 20 juin 1948, l’Union Internationale des

Architectes (UIA). Mais avant cela, toujours en 1931, André Bloc met en place des

visites de chantiers. En mars 1933, il organise une exposition destinée à faire

connaître au grand public les créations françaises, puis internationales en avril de la

même année. Il programme également un voyage d’études à Vienne pour les élèves

de l’Ecole des Travaux Publics de Paris. D’autres séjours suivent, tel celui de mars

1936 à Alger à l’occasion de l’exposition de la Cité Moderne d’Alger.

A partir de février 1934, l’équipe de L’Architecture d’aujourd’hui est chargée de

concevoir les Expositions de l’Habitation qui ont lieu au Grand-Palais tous les deux

ans. Elle en profite pour y proposer des conférences et lancer un concours. C’est

également dans ce cadre qu’André Bloc met en place une exposition de l’Union pour

l’Art qu’il fonde le 17 juin 1936. Elle a pour but de réunir les architectes, les peintres

et les sculpteurs, dans l’esprit de la synthèse des arts qui demeure chère à son

fondateur. Cette Union pour l’Art, prémices du Groupe Espace, rassemble

notamment – outre Bloc et Vago – André Derain, Raoul Dufy, Francis Jourdain, Henri

Laurens, Le Corbusier, Fernand Léger, Aristide Maillol, Robert Mallet-Stevens, Henri

Matisse, Auguste Perret, Pablo Picasso ou encore Ossip Zadkine. Ces noms

prestigieux ne permettent pourtant pas à l’exposition de se monter ; pas plus que

celle projetée lors de l’Exposition universelle de 1937. L’existence de l’Union pour

l’Art s’interrompt.

Les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale sont davantage tournées

vers l’édition. Ainsi paraît en janvier 1947 le premier numéro de L’Architecture

33 Pour cela nous prenons appui sur les textes de l’architecte Pierre Roux-Dorlut, “L’Action de L’A.A. depuis sa fondation”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., pp. 46 à 51, de la secrétaire de L'Architecture d'Aujourd'hui, Renée Diamant-Berger, “De l’Union pour l’Art à l’Association pour une Synthèse des Arts Plastiques et au Groupe Espace”, Ibid., pp. 54 et 55, ainsi que de Jean Dubuisson,

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d’aujourd’hui édité à Buenos Aires en langue espagnole, La Arquitectura de Hoy,

destiné au lectorat sud-américain. L’expérience dure peu de temps mais elle reste un

témoin de l’importance de la revue hors de France : près de la moitié de ses

exemplaires est vendue à l’étranger34. Pierre Vago communique en effet ces chiffres

dans un entretien :

« On a commencé en 1930 avec un tirage de mille deux cents

exemplaires pour atteindre plus de dix mille en 1940. Nous avions,

rien qu’en Amérique latine, mille six cents abonnés ! Plus que les

revues argentines et brésiliennes réunies. »35

En mai 1946 paraît le premier numéro hors-série "Art et architecture", et enfin,

la même année voit l’édition de deux ouvrages de Le Corbusier. De même, une

“Tribune des Jeunes” est créée dans les pages de la revue afin de montrer les

projets et les réalisations des jeunes architectes. En 1948 paraît un hors-série

consacré au Corbusier, et l’année suivante, le second dédié aux arts plastiques.

Pierre Faucheux qui va tenir un rôle important dans Art d'aujourd'hui, réalise une

exposition autour de ce numéro pour la Galerie Maeght36. Entre 1948 et 1952, deux

autres ouvrages de Le Corbusier ainsi que la Grille C.I.A.M.37 sont édités.

Les autres activités ne sont cependant pas complètement oubliées puisque

reprennent en novembre 1947 les cycles de conférences interrompus durant la

guerre. Ils sont inaugurés par Le Corbusier. En mars 1949 les idées d’avant-garde se

trouvent plus largement diffusées grâce à une série d’émissions radiophoniques. Les

“André Bloc, homme d’action”, Ibid., pp. 52 et 53. 34 Pour plus de précisions sur le sujet, voir "Les Ventes de la revue depuis son origine", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., pp. 54 et 55 (non signé). Ajoutons un revers au succès de la revue qui se retrouve ainsi contrefaite pendant quinze ans dans une version russe, Ojiourdoui, de mauvaise qualité mais qui séduit un lectorat important (cf. Jean-Louis Cohen, "Ojiourdoui, le pirate russe", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, Ibid., p. 76). 35 Dans Revue de l’art, 1990, op. cit., p. 78. 36 Dans son livre de mémoire Ecrire l’espace, Paris, 1978, Pierre Faucheux décrit la scénographie qu’il a mise en place pour cette exposition : « Pour présenter un numéro spécial consacré aux arts plastiques, je m’efforçai d’animer l’espace, de rendre la présentation mobile, dynamique. J’utilisai des micro-échafaudages, assemblés avec les étriers inventés par Le Ricolais, pour présenter dans l’espace des œuvres de Klee et de Kandinsky. J’en fis également une roue pour présenter “en continu” le Manifeste du Corréalisme de Frederick Kiestler. Cela choquait, cela plaisait, c’était réussi avec des moyens très rudimentaires, le départ de ma carrière d’architecte était donné, je ne le savais pas. » p. 131. 37 Les C.I.A.M. sont les Congrès Internationaux d’Architecture Moderne.

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organisations d’expositions recommencent également avec une présentation de

l’architecture française en Finlande en mai 1949, ensuite avec la septième édition et

première de l’après-guerre, de l’Exposition de l’Habitation au Grand-Palais au début

de 1950, enfin avec une exposition Alvar Aalto à l’Ecole des beaux-arts en avril de la

même année.

Parallèlement à tout cela, en 1949, André Bloc entreprend avec Le Corbusier

un nouveau projet d’envergure : l’Association pour une Synthèse des Arts Plastiques.

Henri Matisse en est le président. Henri Laurens, Fernand Léger, Charlotte Perriand

et Maria Elena Vieira da Silva participent à l’aventure. De manière tout à fait

exceptionnelle, l’association bénéficie de l’aide de l’Etat et de la Ville et doit réaliser

une exposition Arts et Architecture à la Porte Maillot en juin 1950. Le terrain est

vaste, il permet de projeter de nombreuses constructions qui doivent cependant

pouvoir être démontées six mois plus tard. C’est ce point que Le Corbusier refuse,

désireux que l’exposition s’installe pour plusieurs années. Son obstination, semble-t-

il, fait échouer le projet (qui connaît aussi de lourds problèmes de financement) et lui

vaut le ressentiment de Bloc. Ce dernier s’engage alors à l'initiative de l’artiste

plasticien Félix Del Marle, dans la création du Groupe Espace, le 17 octobre 1951.

Réunissant architectes, sculpteurs, peintres et artisans des métiers d’art, il œuvre

une fois encore pour une intégration des arts dans l’architecture. Nous y reviendrons

plus loin.

André Bloc ne craint pas de se confronter à des problèmes profonds. Il mène

son combat pour une architecture nouvelle avec une vision globale qui le conduit sur

tous les fronts. Ainsi, s’il travaille assidûment à la promotion de l’architecture auprès

du grand public, il entreprend également une remise en question de l’enseignement

de cette discipline. Suite à la constitution, en 1957, d’un groupe de réflexion, il

propose un programme pour une nouvelle école d’architecture. Cette dernière est

agréée, le terrain pour la bâtir, disponible et offert, mais le projet s’arrête là. Une

réforme de l’enseignement de l’architecture se met en place, lentement. A défaut

d’un établissement formant de jeunes architectes selon de nouvelles méthodes, Bloc

fonde le Grand Prix d’Architecture dont le premier est décerné en 1959.

Enfin, citons un dernier projet, une grande idée défendue avec vigueur. Elle

prend le problème de la Reconstruction à bras le corps et permet de l’envisager en

grand. Face à une capitale qui s’engorge, qui se construit en tous sens et qui ne peut

loger décemment tous ses habitants, le Comité de L’Architecture d’aujourd’hui

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projette, en 1960, la construction d’un Paris-Parallèle : « […] Nous proposons de

créer, à côté du Paris historique, un Paris moderne adapté à la vie

contemporaine. »38 Le projet surprend par son envergure et sa hardiesse, mais il

correspond parfaitement aux ambitions du comité de L’Architecture d’aujourd’hui : il

permet d’envisager urbanisme et architecture en harmonie avec la vie

contemporaine, de bâtir selon des formes et des techniques nouvelles sans se

soucier de ce qui existe à côté; d’augmenter très sensiblement le nombre des

logements, et d’offrir à chacun un cadre de vie digne d’une société moderne. Somme

toute, c'est par son envergure et par sa hardiesse que ce projet redonne à Paris une

place de choix dans l’innovation architecturale. Cette cité parallèle tient du pari

autant que de l’évidente solution à un problème complexe. Elle apparaît à la fois très

déroutante et très simple. Les autorités n’y voient apparemment aucune évidence ni

aucune simplicité. Le comité de L’Architecture d’aujourd’hui n’a pourtant pas avancé

cette idée à la légère ; les numéros de février-mars et juin-juillet 1960 en témoignent

ainsi que le suivant qui reprend les panneaux présentés lors de l’exposition du

Syndicat des Architectes de la Seine sur le thème "Equiper la cité". Dans la livraison

de septembre 1961, André Bloc lance encore un appel :

« Parmi nos dirigeants, se trouvera-t-il la personnalité courageuse,

capable au besoin d’affronter l’impopularité, mais susceptible

d’engager immédiatement la solution salutaire ? »

L’homme connaît les échecs de celui qui est en avance sur son temps. Cela

ne l’empêche pas de rebondir inlassablement de projets en projets, tout comme en

1949, période durant laquelle, nous venons de le voir, les publications se multiplient.

L’une d’entre elles n’avait pas été mentionnée : il s’agit d’Art d'aujourd'hui.

38 André Bloc, “Paris et sa région”, dans L'Architecture d'Aujourd'hui, juin 1960, cité dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 40.

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b. Art d'aujourd'hui : une nécessité

L’éditorial du premier numéro d’Art d'aujourd'hui résume ainsi l’actualité

culturelle parisienne :

« L’activité artistique n’a jamais été aussi grande à Paris. Les

expositions se succèdent à une telle cadence que les critiques d’Art

ne parviennent même pas toujours à les visiter toutes. Plus que

jamais, Paris est la capitale des arts. »39

C’est en effet une période de multiples recherches plastiques où se côtoient de

grandes personnalités de l’art comme Picasso, Matisse et Léger, des figuratifs aussi

différents que Bernard Buffet ou Alberto Giacometti, ou encore André Fougeron, et

des artistes qui s'éloignent de la figuration sans en franchir les limites qui les

mèneraient à l'abstraction. On pense à ceux qui ont participé en 1941 à l’exposition

Vingt jeunes peintres de tradition française – Jean Bazaine, Maurice Estève, Jean Le

Moal, Alfred Manessier, Gustave Singier, etc. – mais aussi à Jean Dubuffet et à Jean

Fautrier. Viennent enfin les abstraits, eux-mêmes divisés entre les géométriques et

les lyriques, qui se font connaître un peu plus tard. A cet élan créatif, répond la

fondation de galeries dont les deux plus avant-gardistes sont tenues par des

femmes : Colette Allendy et Denise René.

Une actualité artistique foisonnante

D’autres lieux d’exposition se multiplient à Paris : les salons. Alors qu’il existe

déjà les Salons des Indépendants (1884), d’automne (1903), des Tuileries (1923) et

des Surindépendants (1934), viennent s’ajouter celui de mai (en 1945), des Réalités

Nouvelles (1946), de la Jeune Peinture (1950), des Peintres témoins de leur temps

(1951), de l’Ecole de Paris (1954) et enfin, Comparaisons (1955). Toute une

dynamique qui, de plus, s’inscrit dans une période où le marché de l’art est

39 Art d'aujourd'hui, juin 1949, 1ère série, n°1, non signé, non paginé.

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florissant40. Mais cette effervescence ne vient que d’initiatives aussi personnelles que

dispersées ou ne concerne que des microcosmes loin des institutions qui ne

parviennent pas à œuvrer durablement pour l’art moderne. La France manque d’une

politique culturelle allant dans ce sens.

Le musée d’Art moderne

Encore qu’il faille nuancer puisque c’est en 1947 que le musée national d’Art

moderne ouvre ses portes41 avec ce qui correspond selon Raymonde Moulin à l’une

des deux seules périodes où se manifeste « une politique volontariste, orientée vers

la modernité »42 entre 1945 et 1981. Cette modernité n’est cependant pas l’avant-

garde ; il s’agit pour le directeur des musées nationaux, Georges Salles,

« [d’]agir sans retard pour s’entendre avec les artistes tels que

Matisse, Bonnard, Braque, Picasso, Rouault, pour effectuer avec

leur aide un choix d’œuvres particulièrement significatives des

différentes phases de leur carrière. »43

C’est ainsi qu’un important fonds se constitue avec l’aide précieuse du directeur du

musée d’Art moderne, Jean Cassou, qui entretient d’étroites relations avec les

artistes. L’entrée de ces œuvres au musée appuie un peu plus la position de leurs

créateurs aux yeux des défenseurs de l’abstraction. Un appui qui doit leur paraître

quelque peu superflu tellement ces artistes demeurent présents par leur réputation44.

40 Raymonde Moulin, dans L’Artiste, l’institution et le marché, Paris, 1992, le note page 168 : « Lors de la saison de ventes 1951-1952, Paris se situait au premier rang pour le montant global des affaires. » Gérard Monnier explique également dans L’Art et ses institutions en France, Paris, 1995, que durant l’Occupation, les tableaux deviennent « un système de refuge pour une monnaie incertaine. […] L’activité des ventes à l’hôtel Drouot est intense en 1941 et 1942 » p. 313. Il développe plus loin, à propos du début des années cinquante, l’idée d’une « euphorie du marché de l’art », pp. 329 et suivantes. 41 Il est inauguré le 9 juin 1947. 42 Op. cit., p. 132. L’autre période se situant « entre 1962 et 1972, sous l’impulsion de la politique d’André Malraux. » 43 Propos énoncés lors de la réunion du Conseil artistique des musées nationaux, le 3 novembre 1945 cité par Gérard Monnier, op. cit., p. 321. 44 Georges Richar-Rivier, dans son doctorat La Nouvelle Ecole de Paris et la revue Art d'aujourd'hui ou les abstractions au début des années cinquante (Lille, 1987), s’attache davantage que nous aux

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Dans les pages d’Art d'aujourd'hui, Léon Degand se montre intransigeant avec

la politique d’exposition du musée national d’Art moderne et avec Jean Cassou.

Denise René ne l’interprète pourtant que comme un simple désaccord professionnel

reconnaissant pour elle-même qu’elle était : « très amie avec Jean Cassou mais

[que] sur le plan artistique il n’allait pas aussi loin [qu’eux] et se montrait plutôt

conservateur. »45 Michel Ragon exprime cette même amitié pour l’homme et admet

volontiers le rôle prépondérant qu’il a joué :

« C’est tout de même grâce à lui qu’existe le fondement du musée

d’Art moderne ; grâce à ses amitiés auprès de Picasso, de Matisse,

de Léger et d’autres qu’il a pu obtenir un fonds de musée qui

n’existait pas du tout. Jean Cassou s’est occupé de ça. Ensuite, la

génération des années cinquante, de l’art abstrait, ce n’était plus sa

génération ; et même avant ça, il n’aimait pas beaucoup les œuvres

de Mondrian. » 46

Car si Jean Cassou laisse au travers de textes d’Art d'aujourd'hui l’image d’un

homme en retard sur son temps, « il a cependant compris l’art de la période

précédente. »47 Celle qui, finalement, lui est la plus contemporaine et celle qui

n’avait pratiquement pas été admise dans l’enceinte d’un musée, en tout cas, de

manière aussi considérable et raisonnée. Jean Cassou rappelle qu’il

« fallait rattraper un retard et faire en un an ce qui aurait dû être fait

en quarante ans, dans le cours de quarante années, au fur et à

mesure que l’on vivait ces quarante années. »48

évolutions esthétiques de l’époque et réalise, de ce fait, une étude précise de la vie artistique parisienne. Ainsi de la partie "Les manifestations d’art abstrait après guerre" (pp. 62 à 75) et "Essai de chronologie rasonnée des principales expositions d’art abstrait et quelques autres à Paris, de 1944 à 1954" (pp. 181 à 299). 45 Entretien avec Denise René, voir annexe VII. On constate par ailleurs que pour rédiger son ouvrage Panorama des arts plastiques (NRF, Paris, 1960), Jean Cassou cite des extraits de Témoignages pour l’art abstrait, ouvrage phare des éditions Art d'aujourd'hui (pp. 725 à 727 et 729 et 730). De même la revue se trouve mentionnée dans les remerciements (p. 51). Ces écrits comptent dans leur sommaire, outre les grands mouvements et les grands peintres, une partie consacrée à "La Renaissance des métiers" qui comprend la tapisserie, le vitrail et la peinture murale. On voit ici une communauté de pensée avec les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui. 46 Entretien avec Michel Ragon, voir annexe VIII. 47 Ibid. 48 Dans Une vie pour la liberté, Paris, 1981, p. 282. D’autre part, Jean-François Chougnet précise :

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Présence de l’art abstrait dans les galeries

Ainsi, le devant de la scène est occupé par les artistes nés à la fin du XIXème

siècle et qui sont encore vivants dont Picasso, Matisse et Léger. Dans son entretien,

Michel Ragon complète la liste par Miró et les surréalistes, expliquant que seules les

galeries marginales de Denise René et Colette Allendy exposent l’art abstrait49.

Pourtant, les galeries déjà bien installées, Galerie de France, Maeght, Drouin, Carré,

ne tardent pas à présenter des œuvres d’art concret. C’est le titre que la Galerie

René Drouin donne à une exposition de l’été 1945 montrant des travaux de Jean

Arp, Robert et Sonia Delaunay, César Domela, Otto Freundlich, Jean Gorin, Auguste

Herbin, Wassily Kandinsky, Alberto Magnelli, Piet Mondrian, Antoine Pevsner,

Sophie Taueber-Arp et Théo Van Doesburg. Puis en mars 1946, elle organise une

rétrospective Kandinsky. Une autre est consacrée à Robert Delaunay l’année

suivante à la Galerie Carré où les mobiles d'Alexander Calder ont été présentés en

1946. Cette dernière exposition, soulignons-le, ne concerne pas les œuvres d’un des

pères de l’abstraction mais celles d’un artiste de moins de cinquante ans.

On le comprend, cette période devient peu à peu favorable à l’art abstrait. Et

l’exposition qui marque l’essor de cette esthétique reste celle qu’organise la Galerie

Maeght au printemps 1949 accompagnant la publication de l’ouvrage rédigé par

Michel Seuphor : L’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres (éditée chez

Maeght). De même, un pas de plus vers l’abstraction historique est apporté une fois

encore par la Galerie Drouin qui édite la traduction française de l’ouvrage de

Kandinsky Du spirituel dans l’art, jusque-là inexistante50. L’art abstrait vit ainsi une

période d’ascension dont il convient, pour ses défenseurs, de maîtriser la réception

critique. Tout reste encore à jouer puisque pour l’essentiel les amateurs qui visitent

ces galeries découvrent cette esthétique et cela... à travers des créations des années

dix et vingt.

« [Jean Cassou], avec le soutien de Jean Paulhan et d’André Gide, parvint à faire admettre aux responsables de collections d’art ancien, qu’il était de l’intérêt national d’attribuer pendant deux ans la priorité des ressources de la Réunion des musées nationaux à l’art moderne. » "Réconcilier l’Etat et le génie", dans Paris 1944-1954, op. cit., p. 212. 49 Op. cit., p. XXXVIII. 50 L’édition originale date de 1912.

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Absence de l’art abstrait dans les institutions parisiennes

La jeunesse elle-même n’est pas formée à l’abstraction puisque

l’enseignement divulgué à l’Ecole des beaux-arts de Paris reste très académique.

Raymonde Moulin, suite à une série d’entretiens avec des artistes, le qualifie

d’anachronique « dans ses aspects esthétiques plus d’ailleurs que dans ses aspects

techniques »51. Elle cite les propos d’un artiste qui pénètre dans l’école quelques dix

ans plus tard :

« Je suis allé voir les Beaux-Arts de Paris en 1957. C’était zéro.

C’était l’impressionnisme. On a visité certains ateliers, c’était triste ;

nous, dans nos écoles (Amérique latine), tout le monde connaissait

Mondrian ; il y avait des professeurs qui parlaient de Picasso, de

Klee, de l’art concret, du tachisme. On a trouvé les étudiants ici

enfermés dans l’école et très limités. »52

De même, tout au long de ses cinq années d'existence, Art d'aujourd'hui

publie des articles dénonçant la frilosité de nombre d’événements artistiques officiels.

Il en est ainsi des Biennales de Venise dont la rédaction de la revue commente par

ces mots le communiqué de presse de l’édition de l’année 1952 :

« Comme aux précédentes Biennales de Venise, la France ne

présentera pas un panorama authentique de la Peinture et de la

Sculpture de l’Ecole de Paris. Nous dénonçons, une fois de plus, les

responsables d’un choix aussi tendancieux. »53

Ou que Léon Degand critique en ces termes en 1954 :

« Décevant, comme d’habitude , et je n’écris pas ces mots sans

tristesse. Est-il concevable que la France, où les phénomènes les

plus importants et les plus exaltants de l’art moderne se sont

produits et ne cessent encore de se produire, ne donne au public

international de Venise qu’un spectacle aussi terne ! »54

51 Op. cit., p. 308. 52 Ibid. 53 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 30. 54 “La Biennale de Venise”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 24.

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Enumérer les critiques de la revue envers l’institution serait aussi long

qu’inutile ; et les emportements de Léon Degand feront l’objet de plus

d’approfondissements lorsqu’il sera question des expositions des musées d’art

moderne. Rappelons pourtant la déception de Michel Seuphor face à l’indifférence

que suscite son ami Mondrian :

« […] mon écriture s’accompagne d’une méditation triste. De

grandes rétrospectives de l’œuvre de Mondrian ont eu lieu après sa

mort dans des lieux officiels et des galeries d’art en Amérique, en

Hollande, en Suisse. Rien n’a été fait à Paris. Aucun Musée, aucune

galerie d’art ne semble s’intéresser à ce peintre qui passa vingt-

quatre années de sa vie à Paris et y peignit plus de deux cents toiles

qui sont aujourd’hui des classiques de l’art abstrait. »

Suivent ses phrases sur Jean Cassou :

« En 1949, M. Cassou m’a assuré, dans une conversation, qu’une

rétrospective de Mondrian au Musée d’Art Moderne s’imposait,

qu’elle se ferait dans les deux ou trois ans à venir. Quatre ans et

demi ont passé depuis cette entrevue, il n’est plus question d’une

telle exposition et, récemment, M. Cassou me déclarait qu’il n’a pas

encore reçu la grâce de comprendre ce peintre. »55

Cette rétrospective consacrée à Mondrian a lieu au musée de l’Orangerie, en 196956.

Avant cela en 1954, Willem Sandberg réalise une exposition de l’artiste pour la

Sauf mentions contraires, les graisses, majuscules et surlignements dans les citations sont ceux de la mise en pages d’Art d'aujourd'hui. 55 “Mondrian indésirable”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 1. 56 Serge Guilbaut cite dans son article "Comment la Ville lumière s’est fait voler l’idée d’art moderne" (dans Paris 1944-1954, op. cit.) « une longue lettre confidentielle de six pages [de Jean Cassou] au directeur général des Arts et des Lettres, parlant de la baisse de prestige de l’art français » et datant de 1957. Elle exprime la méfiance du conservateur du musée national d’Art moderne envers l’abstraction en général et Mondrian en particulier, rattachant in fine ces créations à une Allemange que le résistant qu’il a été ne peut regarder qu’avec défiance : « L’énergie créatrice, l’excitation spirituelle sont désormais ailleurs, et il faut en rapporter l’origine et la cause à Munch, à Mondrian, à l’expressionnisme germanique. Ce sont les Américains qui, malgré les témoignages de sympathie qu’ils adressent encore à cette pauvre vieille France, démentiront ces assertions théoriques : leur goût est actuellement formé par tous les artistes, professeurs, etc., qui ont été chassés d’Allemagne par Hitler. »

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Biennale de Venise puis cherche un musée parisien pour l’accueillir. L’événement a

finalement lieu à la Galerie Denise René.

L’abstrait, une esthétique pour l’après-guerre

Résumer l’accueil réservé à l’abstraction est chose impossible sans tomber

dans le cliché de l’art maudit considéré par les nombreux néophytes comme trop

intellectuel, nécessitant trop de connaissances et demandant une formation du

regard. Il faut donc avancer à pas mesurés et nuancer le propos car l’art non figuratif,

malgré les réticences qu’il peut susciter, reste une esthétique adaptée à cette

période d’après-guerre. Encore que là aussi, il faille progresser avec prudence : le

qualificatif « abstrait » n’est pas toujours employé à bon escient. Charles Estienne

n’est-il pas obligé de faire le point en 1947 dans le numéro spécial des Amis de l’art :

“Pour ou contre l’art abstrait” en expliquant la différence entre « abstraction » et

« déformation »57 ? Picasso n’est pas abstrait, Matisse non plus, et Jean Fautrier ne

l’est pas davantage.

Pourtant, son exposition Les Otages, en 1945 à la Galerie René Drouin, sème

le doute par cette interprétation plastique d’une série d’exécutions s'étant déroulées

à proximité du lieu où se cachait le peintre durant la guerre. Les tableaux montrent

des visages qui peuvent tout aussi bien être des plaies, de la chair, qu’une

représentation symbolique de la souffrance, ou encore de la matière picturale posée

largement sur du papier. Sous ce titre tout à fait intelligible qu’est Otages se mêlent

ainsi des notions et des interprétations multiples pour des œuvres qui s’avèrent être

à la frontière entre la figuration et l’abstraction ; quelque chose d’informel. Il en est de

même pour l’Allemand Wols qui, horrifié par le nazisme, expose la même année

dans cette galerie, des œuvres qui tendent vers une non figuration des choses et des

êtres. L’artiste cherche ailleurs à atteindre une vérité. Jean Dubuffet présente,

également à la Galerie René Drouin en 1947, des portraits qui disent et nient à la fois

l’individualité.

57 Dans l'article “L’Art abstrait au XXème siècle“, p. 30.

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L’art abstrait possède cette distance qui permet d’exprimer des sentiments,

des valeurs, des concepts tels que la paix, la souffrance, la Résistance, le courage

ou la liberté. Autant de notions que l’après-guerre véhicule. A cela s’ajoute

également l’impossibilité de figurer ce qu’il est déjà difficile de nommer ou même de

concevoir : les camps d’extermination. Il faut aller au-delà de la figuration pour

exprimer quelque chose venant d’au-delà de l’imagination. Ne pas figurer devient

ainsi le moyen de répondre à un besoin d’incarner des sentiments et à la difficulté de

représenter l’innommable. Cela devient également l’alternative nécessaire à un

réalisme misérabiliste (comme le décline Buffet) ou à un réalisme pesant qui n’a pour

ambition que d’appuyer les propos du parti communiste français. Ainsi, il apparaît,

comme le signale Michel Ragon, que cet art abstrait « répond vraiment à une

nécessité de [cette] époque. » 58. Des artistes s’engagent donc dans cette voie même

si tous n’abandonnent pas tout à fait la figuration.

Elaboration d’Art d'aujourd'hui

L’éditorial d’Art d'aujourd'hui le mentionne : « L’activité artistique n’a jamais été

aussi grande à Paris. » On se rend compte de surcroît, qu’elle n’a jamais dû être

aussi multiple et finalement, aussi complexe. L’écrit doit prendre le relais et la critique

d’art occupe alors une place importante dans la presse, qu’elle soit spécialisée ou

non. Il devient nécessaire de clarifier des notions telles qu’abstraction et figuration ;

et à l’intérieur de chacune, de spécifier les différences entre abstrait géométrique et

gestuel, entre réalisme bourgeois et réalisme socialiste. L’abstraction n’a cependant

plus de tribune attitrée depuis le départ de Léon Degand des Lettres françaises en

1947. Le paradoxe veut pourtant que cette esthétique si libre dans ses

interprétations, si ouverte aux appropriations diverses, demeure si déroutante pour

beaucoup qu’elle nécessite plus qu’une autre, l’appui du commentaire. Sa

dénomination elle-même pose problème. On le remarque dès 1947 avec les statuts

de la Société du Salon des Réalités Nouvelles qui indiquent dans l’article premier

58 "La Grande Peur des bien-pensants" dans Cimaise, 2ème série, n°5, avril 1955, p.23.

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vouloir être promoteur des « œuvres de l’art communément appelé : art concret, art

non figuratif ou art abstrait, c’est-à-dire d’un art totalement dégagé de la vision

directe de la nature. »59

Edgard Pillet relate une discussion avec André Bloc au cours de laquelle la

triste constatation de « l’absence de revue défendant l’art abstrait » devient le projet

de créer « un simple hebdomadaire de quelques pages » 60. Le jeune artiste prend le

projet à cœur mais le modeste budget récolté ne lui permet pas de faire aboutir

l’entreprise. André Bloc intervient alors en offrant « les moyens techniques et

financiers, l’organisation et les services de L’Architecture d’aujourd’hui. » Cette

proposition est en cohérence totale avec l’homme mais aussi avec sa ligne de

publications. Si l’on se réfère en effet au deuxième numéro consacré aux arts

plastiques par L'Architecture d'aujourd'hui de mars 1949, on lit sous la plume d’André

Bloc l’importance qu’il met dans la connaissance des artistes contemporains. A la

suite de cet éditorial louant la rencontre entre plasticiens, se trouve publié – comme

une réponse directe – l’ouvrage photographique de Willy Maywald, "Artistes chez

eux". Pablo Picasso, Georges Braque, Maurice Utrillo, Georges Rouault, Henri

Matisse et d’autres, ouvrent ainsi les portes de leur atelier, se présentant dans leur

quotidien.

Artistes chez eux existe également en dehors des pages de ce hors-série,

publié, l’année suivante, aux éditions de L'Architecture d'aujourd'hui. C’est aussi le

cas du Manifeste du corréalisme de Frederick John Kiesler qui se présente en

couleurs et avec des pages à déplier dans le numéro dédié aux arts plastiques. Des

illustrations en couleurs dont bénéficient un important article sur Paul Klee ainsi

qu’une sérigraphie venant clore un texte de Charlotte Perriand sur le Japon. De

nombreuses esthétiques se succèdent ainsi dans l’épaisse et luxueuse publication

montrant combien les arts plastiques sont présents dans L'Architecture d'aujourd'hui.

C’est ainsi que par un dimanche après-midi d’avril 1949, Bloc et Pillet réalisent le

premier numéro d’Art d'aujourd'hui. Il est constitué des pièces que le peintre a déjà

59 Cité par Domitille d’Orgeval "L’Abstraction géométrique au Salon des Réalités Nouvelles de 1946 aux années 2000. L’histoire d’une incessante conquête", dans Permanence de l’abstraction géométrique aux Réalités Nouvelles, Tours, 2007. 60 “Art d'aujourd'hui”, dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 58. Sauf mentions contraires, les

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rassemblées ainsi que de documents recueillis pour L’Architecture d’aujourd’hui

notamment en vue d’un numéro consacré aux arts plastiques. On constate aussi que

l’article de Charlotte Perriand, “Spectacles au Japon”, « huit pages déjà imprimées

sur papier jaune paille », se retrouve dans le numéro vingt-trois de la revue

d’architecture ainsi que dans ce premier exemplaire d’Art d'aujourd'hui.

L’ensemble de la livraison se compose d’éléments d’origines diverses. On le

comprend d’abord avec la double page d’annonces d’expositions qui a le défaut des

initiatives engagées : elles veulent dire trop de choses. On y voit par un jeu de

photographies qu’André Fougeron a « l’art de peindre aussi vrai que nature » (la

photographie fait se confondre le peintre au travail et sa toile) ; à cette illustration

s’opposent une devanture de boutique réalisée par Jean Mazet dans l’esprit de

l’abstraction géométrique et une structure du bureau de La Hune par Pierre

Faucheux, etc. Autant d’éléments juxtaposés qui ne sont pas commentés et doivent

parler d’eux-mêmes.

On le constate aussi à travers les textes, ainsi celui de Pierre Guéguen, “Le

Dessin”, qui est un extrait de son livre Esthétique. D’autres figurent à la fois dans Art

d'aujourd'hui et dans le numéro vingt-quatre (mai-juin 1949) de L’Architecture

d’aujourd’hui qui annonce la parution de la nouvelle revue dédiée à l’art abstrait. Il

s’agit de l’article de Daniel-Henry Kahnweiler sur Henri Laurens, dans une

composition moins illustrée et réduite à une page. En face, à droite, est reproduite la

page d’Art d'aujourd'hui contenant l’éditorial ainsi que diverses brèves. Un encart

avec un symbole de main à l’index tendu – tel qu’il apparaît dans les premières

livraisons d’Art d'aujourd'hui – mentionne :

« Aux 1000 premiers abonnés d’Art d'aujourd'hui, nous offrons un

exemplaire du Manifeste du Corréalisme ou un crédit de 250 francs à

valoir sur les éditions de L’Architecture d’aujourd’hui. »

Suivent les deux pages sur "Le Mur" qui ouvrent Art d'aujourd'hui ainsi que le

reportage photographique de la présentation de L’Architecture d’aujourd’hui à la

Galerie Maeght.

citations qui suivent sont également tirées de ce texte.

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Le lien étroit entre les deux revues se trouve clairement mentionné61. Il se

devine aussi à la lecture du numéro que L’Architecture d’aujourd’hui consacre aux

arts plastiques en 1949 car on y rencontre des plumes communes à Art

d'aujourd'hui : Pierre Guéguen et Charles Estienne. On y lit déjà un texte de

Charlotte Perriand sur le Japon où elle séjourne longtemps mais aussi des mises en

pages semblables – on pense notamment à “Art abstrait et architecture” d’Estienne –

ou des publications dont la revue d’art se fait l’écho comme l’album de photographies

Artistes chez eux de Maywald sur un texte de Francis Ponge et le Manifeste du

Corréalisme de Frederick Kiesler – ici, avec des pages qui se déplient. Léon Degand

ne participe pas à ce numéro spécial et il ne signe qu’un court texte dans Art

d'aujourd'hui en tant que directeur du musée de São Paulo. Mais André Bloc prend

contact avec lui dès le 7 septembre 1949, lui envoyant une lettre à une adresse

parisienne temporaire à l’en-tête de L’Architecture d’aujourd’hui expliquant qu’Alberto

Magnelli l’a informé de son « très prochain retour » et ajoutant :

« Il me serait très agréable de pouvoir vous rencontrer d’urgence,

d’une part, au sujet du prochain numéro de notre revue, d’autre part,

pour l’organisation de certaines expositions à l’étranger. »62

L’équipe d’Art d'aujourd'hui se met en place dès le troisième numéro en octobre 1949

avec l’arrivée de ce célèbre critique.

c. Les membres du comité de rédaction et les collaborateurs

Le comité de rédaction est composé d’André Bloc et d’Edgard Pillet – ce

dernier assure les fonctions de secrétaire général de rédaction et de gérant – ainsi

que de Pierre Faucheux, responsable de la mise en pages. Cette base ne varie

61 On ne le reverra que dans l'éditorial d’Art d'aujourd'hui de février-mars 1952 (3ème série, n°3-4) : « Jamais plus, il ne fut question de L’Architecture d’aujourd’hui. Qu’il nous soit permis de rappeler à nos lecteurs que si Art d'aujourd'hui a pu se maintenir et se développer, c’est grâce à L’Architecture d’aujourd’hui qui lui a assuré la meilleure caution morale. » 62 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand.

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guère, le nom de Pierre Faucheux ne disparaissant du comité directeur qu’avec le

numéro d’août 1953 bien que depuis plus de deux ans, la composition des revues

est réalisée, pour l’essentiel, par Paul Etienne-Sarisson puis par Pierre Lacombe.

Dès le quatrième numéro, Léon Degand, revenu de São Paulo, se joint au comité. Il

y reste jusqu’à la fin. Hermine Chastanet63, Julien Alvard et Roger Van Gindertael y

participent un temps, ainsi que Félix Del Marle (qui y reste toute une année), puis

Madame Marguerite Bloc, Pierre Guéguen et Michel Seuphor qui s’associent au

comité des huit derniers numéros – qui courent sur plus d’une année. Art

d’aujourd’hui bénéficie donc de quelques grands noms de la critique d’art des

années cinquante auxquels s’ajoutent pour un unique article ou plus régulièrement

ceux de Charles Estienne, Georges Boudaille, Pierre Descargues, Cécile Agay,

Herta Wescher, René Massat et Roger Bordier qui demeure attaché à la revue

jusqu’au dernier numéro. Des artistes, des critiques d’art étrangers ainsi que des

conservateurs de musées sont également sollicités.

André Bloc

Divers témoignages relatent en effet qu’André Bloc accepte voire provoque les

participations de personnes extérieures à ses revues. Il envisage cela comme un

moyen d’aider ceux qui développent les mêmes idées que lui. Par la rédaction d’un

article, il offre un espace d’expression, facilite la rencontre avec d’autres acteurs de

la vie artistique64. Décrit comme une personne d’une curiosité toujours en éveil,

63 Hermine Chastanet, sculptrice, est la directrice des Editions Falaize qui publie Formes et Vie : revue trimestrielle de synthèse des arts dont le comité de patronage est composé du Corbusier, d’Albert Gleizes, de Fernand Léger et de Fredo Sidès. Cette revue ne connaît que deux numéros, en 1951 et en 1952. 64 Un exemple frappant de ce trait de caractère est l’anecdote de la rencontre entre André Bloc et Claude Parent, relatée par ce dernier : « [Ionel] Schein et moi lisions L'Architecture d'Aujourd'hui qui était notre bible, mais un article dans lequel André Bloc écrivait qu’il fallait aider les jeunes nous avait déplu. Nous lui avons donc envoyé une lettre plutôt vive lui indiquant qu’il possédait deux revues dans lesquelles on ne voyait pas beaucoup l’appel aux jeunes qu’il faisait et qu’il devenait ainsi peu crédible. Deux jours plus tard André Bloc nous contactait pour nous dire qu’il avait le projet de fonder un groupe - le Groupe Espace - et qu’il allait voir ce que nous étions capables de faire. […] En bref, ce qui me plaît là-dedans, c’est la morale de l’histoire : nous avons envoyé une lettre agressive et nous avons eu en réponse la grande générosité d’André Bloc. Au lieu de nous mépriser et de nous ignorer,

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encourageant avec passion les initiatives des jeunes créateurs qui doutent parfois de

l’aboutissement de leurs recherches, le directeur de la revue se montre aussi très

exigeant, intransigeant, n’acceptant pas les hésitations ou les reculs de ses amis

lorsqu’ils se retrouvent face à des difficultés. André Bloc est poussé par une grande

ambition : celle d’une plastique nouvelle. Il se donne les moyens de cette aspiration

et ne souffre aucune mollesse de la part de ses compagnons de route. Lui-même

s’investit dans des voies multiples : outre l’édition et les différentes actions qu’il

entreprend pour la défense de ses idées, il réalise des sculptures, des architectures,

des sculptures habitacles, des peintures, des reliefs, des tapisseries, des vitraux, des

mosaïques ainsi que des objets. En somme, un créateur complet à même de réaliser

à lui seul la synthèse des arts qui lui est si chère.

On retrouve dans le vocabulaire employé par André Bloc dans ses articles,

cette même détermination. Ses termes sont catégoriques. Quant aux propos, ils

tendent parfois à la dramatisation et se veulent en tout cas alarmistes. Les deux

textes rédigés pour Art d'aujourd'hui n'étant pas les plus éloquents en la matière, il

faut se tourner vers ceux de L’Architecture d’aujourd’hui. Ils affichent une grande

assurance (« notre propagande est simple », « notre programme est net ») et

critiquent sans détours tout ce qui semble aller dans la mauvaise voie comme André

Bloc le fait avec ses amis (« de redoutables travers », « des conséquences

désastreuses », « les choix les plus navrants »). En outre, « médiocre »,

« médiocrité » ainsi que « danger », « dangereux », reviennent fréquemment (« le

compromis qui en résulte n’est ni bon, ni mauvais, il est médiocre. », « le triomphe de

la médiocrité », « la médiocrité généralisée », « sclérose dangereuse », etc.) ce qui

ajoute à l’alarmisme du discours (« les architectes de tous les pays ont des tâches

urgentes. », « une certaine opinion publique s’éveille à propos des désastres

enregistrés depuis quinze ans », « L’Architecture d’aujourd’hui déplore depuis des

mois les méthodes employées »).

Cette assurance, André Bloc l’a acquise avec l’expérience. Pierre Vago note

en effet que :

il s’est dit : "Je veux les voir" ». Voir entretien op. cit..

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« les premiers textes d’André Bloc [portent] plutôt sur des aspects

marginaux. La place de l’ornement dans l’architecture ; la peinture, la

sculpture, les arts décoratifs, sont abordés sous un aspect

anecdotique. »65

Bloc avance avec précaution dans cet univers dans lequel il doit gagner sa légitimité.

Il lui faut acquérir une vision plus juste, plus profonde mais aussi plus globale de ce

qu’il pressent être un combat de la plus haute importance. Cela, afin de tenir le rôle

qu’il se donne en étant un des animateurs les plus actifs de l’avant-garde. Dans Art

d'aujourd'hui, s’il n’écrit pratiquement jamais, André Bloc est cependant de toutes les

décisions continuant ainsi d’accomplir son rôle :

« Il n’écrivait pas mais il était très présent. Il relisait tout. […] Il était

très ouvert, très accueillant. Du moment qu’il avait formulé certaines

exigences, qu’il sentait que vos propres convictions en étaient assez

proches, il n’insistait plus. En ce qui me concerne, je dois dire que

j’ai été très libre dans la revue, tout à fait libre. »66

Une liberté qu’il a somme toute intérêt à accorder aux critiques afin de pallier

ses propres lacunes. Tel qu’il est rédigé dans les carnets privés de Léon Degand, le

court paragraphe intitulé « Compétence de Bloc, André » montre que le sujet est

abordé entre rédacteurs. Ainsi, à propos de la préparation de la livraison présentant

un panorama de la peinture de 1900 à 1950 (daté de mars 1950) il écrit :

« Je lui passe une reproduction couleur d’un splendide Gauguin, très

Gauguin. Bloc : “Est-ce Cézanne”. Pillet me raconte que pour le

même numéro il lui manque une reproduction pour le chapitre sur les

Fauves. Bloc : “Mais nous avons un Gauguin !” »67

65 Texte introductif au numéro d’Aujourd’hui consacré à André Bloc, décembre 1967, op. cit., p. 3. Dans cette même livraison, Julius Posener avance des propos similaires lorsqu’il relate les dix premières années de L'Architecture d'Aujourd'hui : « André Bloc s’est exprimé uniquement à propos de questions [intéressant] la politique de la Revue, […] et parfois à propos des expositions de sculptures […]. Il n’a pas abordé la critique architecturale proprement dite, bien qu’on ait souvent eu l’impression qu’il se sentait capable de le faire. » (pp. 18 et 19). 66 Entretien avec Roger Bordier, voir annexe V. 67 Note en date du 14 avril 1950. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand.

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Edgard Pillet

Edgard Pillet est un artiste68. Comme André Bloc, sa curiosité le mène à

aborder différentes formes d’art. D’abord sculpteur, il reçoit en 1939 le Prix de

sculpture Abd el-Tiff, et se fait ensuite connaître par ses peintures. L’année 1948 est

pour Edgard Pillet celle du Prix de la jeune peinture, de sa rencontre avec André

Bloc puis avec Le Corbusier. Il expose tant à la Galerie Denise René qu’à celle de

Jean-Robert Arnaud69 tournée vers l’abstraction lyrique, mais aussi dans divers

salons et bien au-delà des limites de Paris. Ses activités artistiques s’étendent à

l’écriture (il publie Plastique en 1941 ainsi qu’une pièce de théâtre, des romans et

des poèmes70), à la réalisation de films d’art (Génèse en 1951 et Idéogrammes en

1954) mais surtout à des créations s’intégrant à l’architecture dont le plus bel

exemple reste les peintures murales de l’imprimerie Mame à Tours. C’est en

collaboration avec son architecte Bernard Zehrfuss qu’en 1952, Pillet donne à la

peinture des fonctions qui dépassent le cadre du décoratif : souligner les axes de

circulations, mettre l’accent sur la sécurité et enfin, harmoniser le lieu de travail.

En plus de cette abondante activité artistique, Edgard Pillet se fait médiateur.

Pour cela, il ne se contente pas d’Art d'aujourd'hui mais fonde en 1950 avec le

peintre Jean Dewasne une académie d’art : l’Atelier d’art abstrait. Il se charge de la

communication du Groupe Espace, réalise deux films sur l’art en 1951, sur Alberto

Magnelli et Henri Laurens, et produit Ecoutez voir, une émission de radio, avec Léon

Degand. Lorsqu’en 1955 Art d'aujourd'hui cède la place à Aujourd’hui, Pillet ne suit

pas la nouvelle revue, il part enseigner aux Etats-Unis à l’Université de Louisville puis

à l’Art Institute de Chicago et ne rentre en France qu’en 1958. Il poursuit ses

recherches plastiques qui le mènent notamment à la réalisation du Creuset en 1959,

68 Pour cette brève étude, nous nous appuyons essentiellement sur les écrits de Marc Ducourant pour Edgard Pillet, Grenoble-RMN, 2001, ainsi que dans le cadre de son D.E.A., L'Œuvre d'Edgard Pillet (sous la direction de Serge Lemoine, Université Paris IV, 1999) qu’il a eu la gentillesse de nous confier. 69 Jean-Robert Arnaud, qui fonde avec John-Franklin Koenig la revue Cimaise en 1952, ouvre également les colonnes de sa revue à l’œuvre d’Edgard Pillet qui réalise la couverture du troisième numéro de la revue, en janvier 1954. 70 A cette période, il gagne sa vie notamment en publiant des romans policiers sous le pseudonyme d’Arshie skay.

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technique qu’il met au point pour produire une œuvre qui serait le négatif d’un relief.

Dans les années soixante, il découvre le village de Carboneras en Andalousie.

Enthousiaste, inspiré, il le présente à ses connaissances – dont André Bloc – pour

lesquelles il y conçoit des villas. Il en réalise sept en tant qu’architecte. Jusqu’à sa

mort en 1996, Edgard Pillet travaille tant à la peinture de chevalet qu’à l’intégration

d’œuvres dans l’architecture et l’urbanisme.

Michel Ragon, dans l’entretien qu’il nous a accordé, qualifie Pillet de « très

modeste ». Si sa présence dans Art d'aujourd'hui reste indéniable, c’est une

présence qui ne s’affiche pas. Edgard Pillet cumule les fonctions de gérant et de

secrétaire de rédaction, il n’en sort que très rarement. Il ne s'expose en tant que

rédacteur que pour remplir une autre fonction, celle de chargé de communication

qu’il tient dans le Groupe Espace. En décembre 1953, il publie dans les pages de la

revue un compte-rendu des actions du groupe71. C’est dans cette même livraison

qu’il entame la série "Pour un large débat", s’étendant sur quatre numéros de

décembre 1953 à mai-juin 1954.

"Pour un large débat", ne concerne pas les artistes mais les théoriciens et les

critiques. Edgard Pillet réalise des entretiens avec quatre d’entre eux, tous de

nationalités différentes : Mario Pedrosa (chargé de cours en architecture à

l’Université du Brésil)72, Gert Schiff (critique d’art allemand)73, Oscar Reutersvaerd

(professeur de théorie de l’art à l’Université de Stockholm)74 et Gillo Dorflès (peintre

et critique italien)75. Il s’agit, ainsi que l’explique en introduction le secrétaire de

rédaction, de répondre à une demande du comité afin de

« tenter de préciser à travers la diversité des témoignages les points

de croisements majeurs, les carrefours d’unanimité où se regroupent

les opinions les plus larges, et de cette ligne graphique de sommets,

tirer les enseignements “d’un fait collectif”. »76

71 “Le Groupe Espace”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 18. 72 Dans Art d’aujourd’hui, décembre 1953, op. cit., pp. 14 à 16. 73 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, pp. 16 à 17. 74 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, pp. 42 à 43. 75 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, pp. 36 à 37. 76 Dans Art d'aujourd'hui, décembre 1953, op. cit., p. 14.

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Les entretiens évoluent en fonction de l’interlocuteur mais Edgard Pillet aborde cinq

points de façon systématique : L’art abstrait a-t-il un avenir et quel est-il ? Est-ce ou

non une véritable révolution plastique ? Y a-t-il des sources communes entre la

science et l’art ? Quelles sont les origines de l’art abstrait ? Que penser de

l’utilisation de la peinture dans l’architecture ?

Dans cette introduction, Edgard Pillet qualifie les intervenants de « plus

éminents représentants de la critique d’art » et le rapide curriculum vitae qu’il

propose d’eux est à la mesure de ce qu’il avance. Outre les titres qu’il décline, on

retient les commentaires de Pillet : « Son rôle au Brésil est déterminant » (Pedrosa),

« Sa connaissance très étendue et très perspicace de l’art moderne » (Schiff), « [Sa

thèse sur Claude Monet] semble devoir renverser radicalement, et de façon

saisissante, les conceptions qu’on s’est faites sur l’impressionnisme et sur le chef du

mouvement. » (Reutersvaerd) et enfin, « Les exemples de créateur-critique sont trop

rares pour que le témoignage de M. Gillo Dorflès ne retienne toute notre

attention »77. Ainsi présentée sous forme d’entretiens, cette série laisse le rédacteur

en retrait. Mais s’il s’en tient à son rôle de journaliste, Edgard Pillet se montre à la

hauteur de ses interlocuteurs ; il maîtrise, en effet, parfaitement son sujet et ne

semble en rien décontenancé par les références citées par les uns et les autres, s’en

servant même pour relancer le débat tout en faisant souvent glisser ces entretiens

vers le ton de la conversation. Edgard Pillet a visiblement l’ambition de continuer sa

série et de la conclure par un bilan d’ensemble comme il l’évoque à plusieurs

reprises78. La raison de l’interruption de "Pour un large débat" reste à définir. Est-ce

pour raisons personnelles ou est-ce la perspective de la fin d’Art d’aujourd’hui qui

pousse le rédacteur à arrêter la série ? Rappelons qu’Edgard Pillet se prépare à

partir enseigner aux Etats-Unis et également, que la revue cesse de paraître à la fin

de l’année 1954.

77 Notons que ces quatre critiques ont déjà participé à Art d'aujourd'hui. Le premier a rédigé “Les rapports de la science et de l’art”, 4ème série, n°6, août 1953, 3 ème de couverture. Et surtout, les trois derniers ont largement collaboré à des numéros spéciaux : Gert Schiff à celui consacré à l’Allemagne (août 1953), Oscar Reutersvaerd, à celui des Pays nordiques (octobre-novembre 1953) et Gillo Dorflès, à celui sur l’Italie (janvier 1952). 78 Il écrit dans ce qui est le quatrième et dernier volet de la série : « […] parmi l’ensemble des réponses que nous avons recueillies et que nous recueillerons. » Ce futur indique bien le désir qu’à Pillet de poursuivre ses recherches.

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Plus personnel est l’article “Suppositions et certitudes”79 qui recueille trente

aphorismes sur le rôle de la critique, la difficulté de créer et la sincérité qu’il faut y

mettre. C’était dans cet esprit que Pillet avait conçu Plastique en 1941. La forme

choisie – une succession de maximes – ainsi que le style – direct et sûr comme il

convient pour cet exercice – trahissent l’envie, chez leur auteur, d’être efficace. Il

s’agit de dire le maximum de choses dans l’espace qui lui est imparti. Ce peut être

tout bonnement une manière de s’exprimer qu’affectionne Pillet mais on sait

également que le plaisir d’écrire est très présent chez lui80. Aussi est-il surprenant de

constater combien Pillet s’est tenu à l’écart de l’écriture dans Art d'aujourd'hui même

si son rôle au sein du comité a pu être déterminant. Il reste vrai que de grands

critiques participent à la revue donnant peut-être l’impression à Edgard Pillet qu’il se

rend davantage utile dans la coordination.

Léon Degand

Lorsque Léon Degand commence sa collaboration à Art d'aujourd'hui, il est

déjà un critique reconnu. Il écrit régulièrement depuis 1931, d’abord en Belgique, son

pays natal, puis à Paris. Sa notoriété – acquise notamment par ses articles dans Les

Lettres françaises81 – le mène à rencontrer Francisco Matarazzo-Sobrinho, un

industriel et mécène brésilien qui désire fonder un musée d’art contemporain à São

Paulo. Alberto Magnelli et son frère Aldo, installé au Brésil, sont à l’origine de la

rencontre et Degand se voit proposer la direction du musée. C’est donc dans le but

de promouvoir l’art européen en Amérique latine que Léon Degand y débarque en

juillet 1948 avec cent cinquante œuvres prêtées par ses amis artistes. Le musée

ouvre ses portes en mars 1949 mais en septembre, Degand quitte ses fonctions,

déçu par la tournure que prend ce projet qui s’annonçait pourtant prometteur. Il a eu

néanmoins le temps de réaliser une exposition pour l'ouverture du lieu. Le texte de

79 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 12. 80 Marc Ducourant le développe en effet dans son mémoire de D.E.A., op. cit. 81 Il y est le grand défenseur de l’abstraction jusqu’à ce que les Lettres françaises se retrouvent dirigées exclusivement par les communistes. La revue promeut alors le réalisme socialiste et ne laisse

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présentation – signé par la « direction administrative » – qui ouvre le catalogue

explique que le dessein de l’événement n’est pas de :

« favoriser l’une ou l’autre tendance de l’art contemporain au

détriment de toutes les autres. […] Cependant, fidèle aussi à un

programme d’information du public, le Musée d’art Moderne a estimé

qu’il pouvait valablement, pour son inauguration, présenter deux

tendances parmi les plus rénovatrices de la plastique

d’aujourd’hui. »82

De plus les problèmes dus au transport des œuvres ont obligé à une limitation « en

majeure partie, à l’Ecole de Paris. » Ainsi, sur les cinquante et un artistes présentés

on retrouve : Arp, Calder, Robert et Sonia Delaunay, Del Marle, de Staël, Dewasne,

Deyrolle, Dias, Domela, Freundlich, Gonzalez, Hartung, Herbin, Kandinsky, Kupka,

Lapicque, Léger, Magnelli, Miro, Poliakoff, Marie Raymond, Schneider, Servranckx,

Singier, Soulages, Taeuber-Arp, van Tongerloo, Bram et Geer Van Velde, Vasarely,

et Villon. Mais aussi Atlan, Béothy, Bazaine, Le Moal, Manessier, Schneider, Singier

ou Picabia.

Le texte précise que Léon Degand a eu la charge du choix des œuvres. Cela

est lisible à la seule énumération des artistes exposés auxquels Degand reste fidèle

dans Art d'aujourd'hui. Tout comme l’on voit déjà dans le texte rédigé par le directeur

lui-même ce qui caractérise son style dans la revue : la clarté et l’assurance du

propos au service du lecteur. Sa conclusion pourrait être celle d’un article d’Art

d'aujourd'hui :

« De tout cela on ne saurait sans abus, conclure à la supériorité ou à

l’infériorité de l’Abstraction à l’égard de la Figuration. Il ne s’agit, en

réalité, que de deux modes d’expression, séparés uniquement par

des différences de langage. Il appartient aux artistes de douer ces

langages de force expressive, et, au public, de s’en assimiler

plus de place à l’abstraction. La collaboration de Léon Degand cesse en 1947. 82 Dans Do Figurativismo au abstracionismo, São Paulo, 1949, pp. 13 et 14 puis, résumé et traduit p. 15.

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intimement les particularités afin de ne rien perdre de ce qu’elles

expriment. »83

Comme il a été vu précédemment, André Bloc contacte Léon Degand à peine

son retour à Paris. Le critique a quarante-deux ans, beaucoup d’expérience et il

impose très vite son style dans la revue. On peut d’ailleurs se demander si ce n’est

pas la collaboration de Léon Degand qui amène les détracteurs à donner une image

sectaire de la revue84. Le critique ne fait pas toujours dans la subtilité lorsqu’il aborde

son engagement : « […] la lutte, contre la figuration que nous portons en nous, est

fort loin d’être terminée. »85 Ou encore : « Lardera, Signori en sculpture, Bozzolini,

Gregori, en peinture, d’autres encore, servent ici, avec nous, la même cause. »86 On

notera le vocabulaire employé – « lutte », « cause » – associé à des tournures telles

que : « nous portons en nous » ou la mise entre virgules du « avec nous » qui se

rapproche de la terminologie du discours (« servent la même cause que nous » ne

donnerait pas le même effet). Ce critique vedette défend l’abstraction géométrique

avec fougue mais il reste avant tout un œil attentif à la créativité dans sa diversité,

reconnaissant sans mal qu’« un chef-d’œuvre figuratif vaudra toujours mieux qu’une

médiocrité abstraite. La qualité importe avant la tendance. »87. De même, les autres

collaborateurs restent ouverts à différentes formes d’art. Edgard Pillet voit ses

œuvres très commentées dans Cimaise ; André Bloc aime les peintres naïfs (tout

comme Pierre Guéguen) et sera même de plus en plus tenté par le lyrisme, nous le

verrons plus loin. Roger Van Gindertael et Julien Alvard écrivent bientôt à Cimaise.

Quant à Charles Estienne, Michel Seuphor et Félix Del Marle, ils sont trop connus

par ailleurs et n’écrivent pas assez fréquemment à Art d'aujourd'hui pour que leurs

convictions se confondent avec la ligne de la revue.

Léon Degand occupe la place du critique ; il est celui à qui l’on se réfère. Art

d'aujourd'hui publie des textes qui mettent en évidence ce statut : l’opinion de

83 Dans la traduction résumée p. 52. 84 Art d'aujourd'hui considéré comme une revue ne s’intéressant qu’à l’art géométrique est un raccourci que l’on rencontre fréquemment. Nous y reviendrons plus loin. 85 “Robert Delaunay”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, p. 10. 86 “Italiens à Paris”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°2, janvier 1952, p. 19. 87 Une affirmation qui prend d’autant plus de valeur qu’elle est publiée dans son introduction à l’ouvrage majeur des éditions d’Art d'aujourd'hui, Témoignages pour l’art abstrait, Boulogne, 1952,

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Degand, ses comptes-rendus, sont d’importance (“Note d’un critique d’art continental

sur la peinture et la sculpture d’aujourd’hui en Grande-Bretagne“88 ou encore “Notes

de voyage d’un critique d’art”89). C’est d’ailleurs majoritairement à lui que reviennent

les textes de synthèse à finalité didactique, ceux qui résument une tendance90, qui

définissent l’évolution d’une technique ou d’un art91 ou qui font le point sur une

question théorique92 et qui souvent introduisent un numéro spécial93. Une fois

encore, la formulation même de certains de ses titres renforce cette idée d’une

volonté d’expliciter le sens des styles et des œuvres à l’intention des lecteurs :

“Signification du collage”94 ou “Situation et signification du cubisme”95. Léon Degand

rédige les textes clairs de celui qui connaît son domaine, qui sait où il va et qui a la

capacité de guider les autres. Car l’enjeu est là : il ne faut pas induire le lecteur en

erreur, le dérouter. Cette discipline, il aimerait que d’autres se l’imposent à eux-

mêmes et on peut souvent lire sous la plume de Degand des mises au point comme

celle qui conteste qu’à la Biennale de Venise on ait classé parmi les abstraits

Bissière (« qui n’est pas très abstrait »), de Staël, Estève et Vieira da Silva. Il ajoute :

« On dira qu’il faut être bien obsédé par les querelles d’école pour ne

pas voir des abstraits dans ces trois derniers peintres. Mais pas du

tout ! Il suffit de ne pas être aveugle, incompréhensif. »96

p.11. 88 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°2, mars 1953, pp. 16 et 17. 89 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 33. 90 Ainsi de “Futurisme” (1ère série, n°7-8, mars 1950, p. 17), “La Peinture cubi ste” (4ème série, n°3-4, mai-juin 1953, pp. 8 à 31), “Guillaume Apollinaire et le cubisme” (Ibid., mai-juin 1953, pp. 71 à 73). 91 “Essai de classification” (1ère série, n°7-8, mars 1950, pp. 2 à 4), “Bibliographi e pour comprendre la peinture” (2ème série, n°2, novembre 1950, pp. 16 et 17), “Introdu ction à Cinquante ans de sculpture” (2ème série, n°3, janvier 1951, pp. 1 à 5), “La Sculptur e de 1930 à 1950” (Ibid., janvier 1951, pp. 20 à 27), “La Peinture mexicaine du XVIIIème siècle à nos jours” (3ème série, n°6, août 1952, pp. 8 à 10). 92 “La Querelle du chaud et du froid” (4ème série, n°1, janvier 1953, pp. 9 à 14) ou “L’Art et la photographie” (3ème série, n°7-8, octobre 1952, 2 ème de couverture et pp. 10 et 11) qui avance que ce n’est pas la prétendue concurrence que la photographie ferait à la figuration qui aurait amené l’abstraction. 93 Le fait que ce soit Léon Degand et pas un autre rédacteur qui introduise les numéros spéciaux lui confère implicitement - même s’il n’y en a pas dans Art d'aujourd'hui - une position de rédacteur en chef. 94 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p. 2. 95 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953, p. 1. 96 “La Biennale de Venise“, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 24.

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Degand sait choisir ses exemples, ses rapprochements d’idées pour amener le

lecteur à l’exacte compréhension de ce qu’il énonce. Il l’écrit lui-même :

« Le critique d’art ne doit pas se figurer que tous ses lecteurs lisent

ses articles avec autant de soin qu’il les écrit. Il évitera donc les

subtilités, lesquelles sont presque toujours interprétées à son

désavantage. »97

C’est certainement dans le même but qu’il sait aussi être radical dans ses propos et

parfois moqueur quand son agacement ou sa colère l’emporte. On peut lire par

exemple :

« La France ne sait-elle plus que l’on attend toujours d’elle une

leçon d’invention et de vigueur ? Et qu’elle décourage et amoindrit

ses meilleurs éléments en les mêlant à ses médiocres, à ses

nullités ? A quoi prétend-on en accrochant les lamentables et

gigantesques “tartines” des Minaux et Rebeyrolle, par exemple ?

Croit-on que les autres pays ne soient pas capables de montrer

d’aussi mauvaise peinture ? »98

Il faut l’avouer, ses emportements et ses petites piques ajoutent de la saveur à

ses textes ; et même si cela frise parfois la mauvaise foi, on prend plaisir à le voir

déconstruire un discours contraire au sien. Il le fait avec Charles Estienne, avec les

écrits d’Apollinaire dans son article “Guillaume Apollinaire et le cubisme”99 ou avec

Alfred Manessier. Cela dans un exercice qu’il semble affectionner : reprendre les

écrits ou paroles qui le choquent et les commenter afin d’avoir, ainsi, le dernier mot.

La méthode est, convenons-en, un peu malhonnête car ce type de pratique donne

raison au dernier qui argumente. Mais la mauvaise foi reste le plaisir des polémistes !

Lorsqu’il reprend les réponses de Manessier lors d’un entretien accordé à un

journaliste suédois justement à propos de son texte “Lettre à quelques peintres

figuratifs que guettent l’abstraction”100 Degand use avec bonheur de son esprit

mordant. Chaque réponse de l’artiste est commentée par une petite phrase incisive

97 “Propos sur la critique”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, p. 27. 98 “La XXVIème Biennale de Venise”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 17. 99 Op. cit. 100 Léon Degand, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°5, juin 1952, pp. 1 à 5.

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et lapidaire. Il va même jusqu’à citer les deux interventions de Madame Manessier

qui deviennent cocasses car totalement hors de propos. Ainsi, en mentionnant la

malheureuse question de l’épouse : « Monsieur, désirez-vous un peu de confiture

avec votre pain ? » Degand souhaite-t-il que le lecteur établisse un lien entre la

confiture tartinée sur le pain et la peinture de Manessier sur la toile ?! Nous

dépassons peut-être les intentions du critique mais ce dernier est incisif quand il

commente la première intrusion de la malheureuse dans l’entretien : « Et tous les

peintres abstraits se ressemblent complètement. » Il y répond : « Sans doute, chère

Madame, puisque tous les Nègres se ressemblent aussi : tous sont noirs. »101

Même s’il se montre souvent inflexible, Léon Degand pratique un humour qui

emporte l’adhésion du lecteur, lui procurant, par sa répartie, un réel plaisir. Ce plaisir

vient aussi de la clarté de ses analyses que lui apporte sa profonde confiance en

l’abstraction. Mais cette même foi peut altérer son jugement. N’accordant pas de

qualité au langage pictural d’Edward Hopper, Degand considère par exemple que

son travail « ne vaut même pas le calendrier du facteur. »102 De même, il qualifie

Francis Bacon et Lucian Freud de « valeurs pour le moins mineures et strictement

locales »103. Ces appréciations aussi catégoriques qu’hâtives ne surprennent pas de

la part de celui qui écrit : « Il n’est pas de critique sans courage. »104

Julien Alvard

Si aujourd’hui le nom de Degand est plus connu que celui d’Alvard, il n’en

reste pas moins que ce dernier a fortement marqué ceux qui l’ont côtoyé. Pierre

Restany, qui a travaillé avec Julien Alvard à la rédaction de Cimaise, en fait une

description qui semble contenir les différents témoignages recueillis :

101 “Manessier et la recherche d’une logique picturale”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°1, janvier 1953, pp. 20 à 23. 102 “Artistes américains contemporains au Musée d’art moderne de Paris”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°5, juillet 1953, p. 15. 103 “La Biennale de Venise”, dans Art d'aujourd'hui, septembre 1954, op. cit., pp. 25 et 26. 104 “Propos sur la critique”, dans Art d'aujourd'hui, octobre-novembre 1953, op. cit., p. 26.

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« Julien Alvard avait sans doute la personnalité la plus forte [parmi

les rédacteurs de Cimaise – ndla] sur le plan à la fois de la culture et

de l’intelligence pure. Son nom était un nom de plume105. Il était

descendant d’une famille noble de province et avait reçu une très

bonne éducation. Il travaillait comme rédacteur au ministère du

Travail et sa critique était très intéressante. […] D’une culture

extrêmement raffinée, encyclopédique, parfois même un peu

libertine, Alvard était véritablement un grand maître des métaphores

subtiles et sophistiquées. Il était certainement un élément de pointe

dans l’activité de Cimaise. Ses critiques étaient lues avec grand

intérêt par de nombreuses personnes et elles portaient souvent

beaucoup quand elles étaient négatives. C’était un personnage qui

imposait sinon l’estime, du moins un certain respect. Ce qui était

mérité car c’était un bel esprit. »106

Un homme très cultivé, qui force l’admiration, c’est également ce que l’on retrouve

sous la plume de la critique d’art du New York Times, Dore Ashton, qui lui envoie une

lettre en date du 2 août 1954, suite à la lecture d’un texte d’Alvard sur la Biennale de

Venise. On peut y lire : « I cannot tell you profoundly impressed I am with you

brilliant, unprecedented essay. [...]I confess I have still not "understood" your

philosophy […] »107

Les premiers textes de Julien Alvard ne laissent pas transparaître la forte

personnalité que l’on devine derrière ces témoignages – et que Michel Ragon qualifie

même de « complexe ». Qu’il commente le Salon des Réalités Nouvelles ou

l’exposition d’art mural à Avignon108, Alvard s’en tient à son rôle de critique et écrit

des textes plutôt conventionnels. Son style est assez libre, ne se souciant pas de

répétitions ou de formulations parfois proches du langage parlé. Mais quelques mois

plus tard, dès mars 1950, dans le texte sur l’école de Paris qu’il livre pour le numéro

105 Son véritable nom était Emmanuel Valat de Chapelain. 106 Entretien réalisé le 17 mai 2000 dans le cadre d‘un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise, sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris 1. 107 « Je ne peux vous dire à quel point je suis impressionnée par votre essai brillant et sans précédent. […] Je l’avoue, je n’ai pas encore "compris" votre philosophie. ». Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard.

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retraçant cinquante ans de peinture109, Julien Alvard construit son argumentation

comme il le fera par la suite. Les éléments se posent lentement, le critique s’arrête

sur des descriptions de l’époque, ses cafés, ses personnages, ses histoires, ses

potins, et il ne vient au cœur du sujet qu’après cette longue introduction qui semble

avoir pour but premier de satisfaire le plaisir d’Alvard. Une telle digression autour du

sujet se retrouve dans le numéro consacré à l’art mexicain avec “L’art populaire”110

qui s’étend sur la civilisation mexicaine perdue par la colonisation plus que sur ce

que le titre laisse augurer. Ici, le sujet est particulièrement bien traité mais il arrive

aussi que des articles deviennent confus à force de citations, d’exemples et de

références insuffisamment précises pour être explicites111.

Parmi les développements propres à Alvard, notons celui de “Quelques jeunes

Américains de Paris”112 qui vient alimenter une livraison dédiée à la peinture aux

Etats-Unis. Dans cet article assez court qui contient six paragraphes, quatre d’entre

eux, longs et argumentés avec fougue, sont consacrés à une réelle réflexion sur

l’attrait de Paris pour les artistes étrangers. La vieille Europe y est violemment

critiquée :

« J’essaye de me mettre à la place d’un de ces jeunes peintres

américains qui un jour décide de venir en Europe. Qu’attend-il de

cette terre où les préjugés les plus rétrogrades ont encore cours

[…] ; qu’attend-il de ce Paris infatué de sa personne, las de ses

traditions et fier de son passé, ce Paris où plus rien de grand ne

semble devoir se produire […]. »

Pourtant le rédacteur reconnaît que la capitale française reste le lieu où « le peintre

s’éprouve, se choisit et se trouve plus simplement et plus naturellement. »113 On le

voit, ce texte destiné à établir un panorama des jeunes artistes américains vivant à

108 Ces deux textes se trouvent dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé. 109 “L’école de Paris”, dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, pp. 38 et 39. 110 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°6, août 1952, pp. 11 à 14. 111 On pense notamment à “D’un certain “sentiment” du XXème siècle : formes et couleurs murales, Galerie Denise René”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°7, juillet 1951, pp. 38 et 39 ou “D’abord donner à voir”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°2, janvier 1952, p. 29 et 33. 112 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°6, juin 1951, pp. 24 et 25. 113 Op. cit., p. 24.

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Paris114 permet à Julien Alvard d’aborder un sujet qui lui tient suffisamment à cœur

pour le relancer plus de quatre ans après dans Cimaise. Il y entamera en effet ce qui

deviendra un débat au sein du comité de rédaction115 avec un texte au titre sans

appel : Paris sans école116. Cet article est pour lui l’occasion de revenir sur ce qu’il

juge être « une situation catastrophique » de Paris, « vaste nécropole ».

C’est avec une courte critique sur Rezvani dans la rubrique Expositions, en

août 1953, que Julien Alvard achève sa collaboration avec Art d'aujourd'hui. Les

circonstances de la rupture sont retracées par le critique lui-même :

« Le choc fut senti dans le numéro de juillet de 1953. Un article, je

dirais même un complot brassant pêle-mêle tout ce qui avait nom

“informel” ou ”lyrique” [provoqua, dit-on], des coups de téléphone

explosifs chez André Bloc, me valut une lettre courtoise dans

laquelle on m’informait qu’on ne pouvait collaborer dans une même

revue sans un minimum d’idées communes. C’était parfaitement vrai.

[…] Cimaise était prête à paraître ; le premier numéro sortit avec une

visite d’atelier à Mathieu qui me permettait d’afficher mes goûts avec

ostentation. »117

Alvard livre à plusieurs reprises de longs textes synthétisant différentes

expositions118 et on imagine sans peine avec quelle aisance il les mène. Avec “D’une

nature sans limites à une peinture sans bornes”, article à l’origine du désaccord, le

114 Les anciens soldats américains se voient accorder une bourse - le G.I. Bill - afin qu’ils puissent se reconvertir. Elle correspond à soixante-quinze dollars par mois ce qui revient, en venant vivre en France, au taux de change de l’époque, à un salaire moyen. Ces jeunes gens choisissent d'étudier dans le pays de leur choix. De plus, ceux qui envisagent des études artistiques bénéficient d'une somme un peu plus importante afin de pouvoir se fournir en matériel. 115 Michel Ragon répond en effet à Julien Alvard avec “L’Ecole de Paris se porte bien”, dans Cimaise, 3ème série, n°2, décembre 1955, p. 17. Puis Herta Wesch er apporte son regard depuis l’Allemagne : “A l’Ecole de Paris”, dans Cimaise, 3ème série, n°3, janvier-février 1956, p. 16. Enfin, Ro ger Van Gindertael remplit son rôle de rédacteur en chef en venant clôre le débat : “Le Complexe de l’Ecole de Paris”, dans Cimaise, 3ème série, n°4, mars 1956, p. 9. 116 Cimaise, 3ème série, n°1, octobre-novembre 1955, pp.10 à 11. 117 “De Art d'aujourd'hui à Aujourd'hui : parcours d’une revue”, dans Aujourd'hui, décembre 1967, op. cit., p. 60. Le texte tel qu’il est rédigé initialement par Alvard précise ceci : « [...] provoqua, dit-on, (mais c’est certainement faux) des coups de téléphone explosifs chez André Bloc. » Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard. 118 Ainsi de “Hasards et intentions”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 27, et “D’abord donner à voir”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°2, janvier 1952, p. 29 et 33.

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critique traite de l’actualité des Galeries Arnaud, Craven (avec une exposition

organisée par Charles Estienne), Pierre Loeb et Fachetti ainsi que de Jackson

Pollock présenté au musée d’Art moderne. On le voit par les illustrations et les

artistes exposés : il s’agit de geste, de lyrisme, de spontanéité. Le rédacteur paraît

enthousiaste et ce texte prend des allures de plaidoyer pour cette esthétique dite

« chaude » contre l’abstraction géométrique et tout ce qu’elle porte en elle de

rationnel :

« On est évidemment aux antipodes de cette peinture digérée

(abstraite ou non) qui n’a d’autre intérêt qu’une incroyable aptitude à

la pédagogie. Là tout est clair, honnête, fabricable et pousse à

l’illusion d’un art à la portée de tous : bon public et bons élèves.

Comment s’étonner dès lors qu’elle mette en circulation ces fameux

produits de bonne qualité (terme d’épicerie pour le beurre et les

confitures) produits qui n’ont pas grand-chose à voir avec ce qui

nous occupe. »119

Ce n’est pas la première fois que Julien Alvard s’exprime sur la synthèse des

arts. Son opinion, d’abord favorable120, évolue jusqu’à devenir très critique et l’on

trouve avec surprise un texte du rédacteur dans les éditions Art d'aujourd'hui qui

fustige ce grand espoir d’un art à portée de tous. Il y écrit :

« Nous avons vu naître vers les années 1920-1925 la notion d’un art

fonctionnel. […] En 1952 ces conceptions portent des fruits amers et

l’on voit s’épanouir une tendance à rationaliser les éléments

picturaux pour en tirer l’espoir d’une peinture enfin débarrassée de

ses scories subjectives, des œuvres selon l’intelligence, parfaitement

119 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°5, juillet 1953, p. 3. Ses notes manuscri tes (non datées) commentent ainsi l’œuvre de Mondrian, père fondateur de l’abstraction géométrique : « on a [sic] jamais vu tant d’universalité mise en cause pour une aussi grande stérilité. » Elles ne sont pas plus tendres avec Vasarely, le jeune chef de file, qui « s’est contenté de reprendre ce qu’on voit dans les grands magasins pour faire loucher les enfants ». Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard. 120 On peut lire en octobre 1949, (1ère série, n°3, non paginé), alors qu’il commente le S alon des Réalités Nouvelles : « Ce n’est pas sans danger qu’on dresse en permanence le rempart de l’art pur entre les œuvres artisanales et les productions industrielles. Tout ce qui est “objet dans le commerce” n’est pas antiartistique par essence. […] On en est toujours à souhaiter que cette “Réalité Nouvelle”, qui a maintenant fait ses preuves comme peinture de chevalet, puisse trouver sa justification et

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aseptiques, un art sain pour individus sains, bons époux, bons pères,

bons citoyens, art zéro pour individus zéro.

[...] Je conçois parfaitement qu’on puisse faire œuvre bonne et

éminemment souhaitable en cherchant le confort à l’usine, dans la

rue et dans l’habitation. Les formes fonctionnelles existent et sont

parfaitement justifiées. Et il ne m’est jamais venu à l’esprit de nier les

effets curatifs ou reposants de la couleur.

Mais lorsqu’on cherche à utiliser la peinture ou l’architecture pour

harmoniser des locaux de travail en vue d’une amélioration du

rendement et du bien-être des travailleurs, lorsqu’on s’efforce de

répandre leurs vertus psychologiques, peut-on vraiment dire que l’on

fait appel à l’art ? » »121

Julien Alvard s’est-il « déjugé » comme l’entend aujourd’hui Denise René122 ou a-t-il

pondéré un temps ses profondes convictions, conscient qu’Art d'aujourd'hui restait

malgré tout la seule revue proche de ses aspirations ? A partir de novembre 1952,

une nouvelle tribune lui est offerte sous la forme des bulletins de la Galerie Arnaud

qui deviennent en octobre 1953, Cimaise, revue de l’Art Actuel à laquelle Alvard

participe jusqu’en 1957.

Roger Van Gindertael

Roger Van Gindertael va devenir le rédacteur en chef de Cimaise dès

l’établissement de son premier comité de rédaction – en octobre 1953 – du fait de

son expérience de la presse123, de son sérieux et de sa modération. Ce sont ces

mêmes qualités que l’on retrouve dans Art d'aujourd'hui endossant souvent le rôle du

chercheur. Comme Léon Degand, il signe les articles ayant pour but d’aiguiller le

lecteur. Mais Gindertael s’acquitte de sa tâche au prix d’un véritable travail de

prouver sa nécessité dans le domaine architectural. » 121 Dans Témoignages pour l’art abstrait, op. cit., p. 286. 122 Voir entretien en annexe VII.

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documentation et de synthèse qu’il entreprend avec la conscience d’en faire profiter

les lecteurs :

« Il est possible de tirer des observations et des expériences de

Kandinsky une leçon de peinture, dont je voudrais essayer de

résumer les données principales. »124

Ainsi Roger Van Gindertael se montre très rigoureux dans ses articles de fond

mais plus libre, plus littéraire, dans les petites critiques de la rubrique "Les

Expositions" qu’il alimente avec assiduité. Ces notes plus personnelles semblent des

échappatoires pour cet esprit « conventionnel, […] avec une certaine lourdeur dans

le sérieux » ainsi que le définit Michel Ragon125. Mais selon Pierre Restany, elles

montrent aussi un homme cultivé et ouvert « à toutes les recherches proprement

picturales »126.

Herta Wescher

L’historienne de l’art allemande, spécialiste du collage et auteur de Die

Collage, collabore rarement à la revue mais ses liens avec les deux précédents

rédacteurs méritent d’être mentionnés ici. Retracée dans les pages de la revue

Cimaise, l’histoire raconte que les trois critiques ont été débauchés sans difficulté

d’Art d'aujourd'hui. La collaboration d’Herta Wescher à la revue d’André Bloc

concerne, pour l’essentiel, son domaine de spécialisation. Elle rédige d’ailleurs deux

textes sur le même sujet puisqu’un numéro est consacré au cubisme puis un autre,

au collage, et que l’on sait la place qu’a tenue cette technique dans les expériences

plastiques de Braque, Picasso et Gris, notamment. Le second texte est une synthèse

du premier qui, lui, s’attarde sur chaque artiste cubiste. Néanmoins, les deux articles,

très bien illustrés, le sont par des reproductions toutes différentes.

123 Il a écrit dans différentes revues de Belgique dont il est originaire. 124 “La Leçon de peinture de Kandinsky”, dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, non paginé (3 pages). 125 Voir entretien annexe VIII. 126 Op. cit.

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Pierre Guéguen

Pierre Guéguen est une figure singulière dans la rédaction d’Art d'aujourd'hui :

« Il reste un des seuls à s’être intéressé très tôt à Dubuffet, à

Chaissac […]. Il demeurait un peu un outsider dans le milieu, il était

plus littéraire, il s’intéressait à des artistes en dehors de la mode de

l’époque, mais qui sont d’ailleurs bien représentés dans Art

d'aujourd'hui. »127

André Bloc étant lui aussi amateur d’art naïf, la revue leur laisse en effet une large

place, occupée presque exclusivement par les textes de Guéguen128. Mais c’est

surtout par son style très personnel qui s’accorde parfaitement avec ses thèmes de

prédilection, que la critique de Pierre Guéguen surprend. Critique ne convient

d’ailleurs pas pour décrire cette littérature qui se plaît à filer la métaphore, jouer avec

les mots (« plein d’allégresse quatorze-juillette ! »129) et pratiquer l’absurde comme

pourrait le faire un pataphysicien :

« Nous apprenons, au moment de mettre sous presse, que le

Gouvernement s’étant aperçu d’une fâcheuse erreur dans

l’affectation de certains monuments publics, a profité du Bi-Millénaire

pour redresser ces glissements. Il a donc décidé que, désormais,

l’institut de France servirait d’Observatoire des Arts et des Lettres, au

lieu de se confiner dans le culte des termites et l’élevage des

moisissures.

Les académiciens seront contraints de passer, à tour de rôle, une

nuit sous la Coupole, pour observer le mouvement des astres

127 Entretien avec Michel Ragon, voir annexe VIII. 128 Cécile Agay, les deux premières années, apporte sa contribution avec des textes sur des esthétiques proches mais on constate que c’est Pierre Guéguen qui rédige l’intégralité des dossiers des deux numéros spéciaux "Les Néo-primitifs" (2ème série, n°4, mars 1951) et "Paris vu par les peintres primitifs modernes" (2ème série, n°7, juillet 1951) et une grande partie de "Les Enfants-Les Fous" (2ème série, n°2, novembre 1950). 129 A propos de l’exposition Leuppi, Istrati, Bozzolini, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p. 62.

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nouveaux qui se lèvent à l’horizon de la Peinture, de la Sculpture et

de la Littérature. »130

Le lecteur se laisse volontiers emporter par cet esprit fantasque et inspiré qui

insuffle un petit vent de légèreté bienvenu dans les pages d’Art d'aujourd'hui. Avec la

livraison consacrée à la photographie131 Guéguen s’amuse au commentaire de

chaque cliché, glissant un bon mot pour chacun et baladant le lecteur d’une page à

l’autre au gré de son texte. Cet humour sert aussi à ridiculiser les esprits étroits et à

appuyer son sens critique :

« Alors qu’on laisse impunément salir, dans les salons (par des toiles

qui feraient mieux de rester blanches, des tableaux qui auraient tout

intérêt à devenir noirs) des mégamètres de cimaises ; alors qu’on

favorise même cet exhibitionnisme, en organisant, dans les

administrations à budgets comprimés, le Salon des troglodytes du

Métro ou celui des Garçons de Bureau du Ministère des Chemins

rénovés […] »132

Cependant, lorsqu’il s’agit de donner des clefs de compréhension et d'expertise de

cette esthétique qui peut facilement être dépréciée par manque de connaissances,

Pierre Guéguen se montre aussi rigoureux que didactique. Il le montre dans les

dossiers que la revue consacre aux néo-primitifs ainsi qu’aux dessins d’enfants et

d’aliénés133.

Michel Seuphor

Michel Seuphor a vécu les débuts de l’abstraction. Grand ami de Mondrian,

spectateur principal de son œuvre, il devient dans les années cinquante le grand

témoin de la naissance de l’art abstrait, et celui qui a fondé avec Joaquín Torrès-

Garcia le groupe et la revue Cercle et carré (1930) réunissant entre autres Arp,

130 Dans Art d'aujourd'hui, juillet 1951, op. cit., p.17. 131 3ème série, n°7-8, octobre 1952. 132 “Le Graphito”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952, p. 45. 133 Op. cit.

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Mondrian, Taeuber-Arp, Vantongerloo, puis Baumeister, Robert Delaunay, Domela,

Freundlich, Gorin, Kandinsky, Moholy-Nagy, Schwitters, etc. Avant cela, dès 1921,

alors qu’il n’a que vingt ans, Seuphor se fait connaître pour diffuser les idées de

l’abstraction dans sa revue anversoise, Het Overzicht (Le Panorama)134. Puis en

1927, il publie avec Paul Dermée, à Paris, Les Documents internationaux de l’Esprit

nouveau, un numéro unique dans lequel on peut lire :

« PUBLIC, – vous apprendrez en quoi les créateurs nouveaux

transforment la face du monde et vous renouvellent vous-mêmes à

votre insu. Voulez-vous rester des hommes du moyen âge ? Non.

Alors soyez d’aujourd’hui. Nous vous y aiderons. »135

Aussi, lorsqu’il revient à Paris en juin 1948 après un exil dans le Sud de la

France entamé en 1934 et qu’il se rend au Salon des Réalités Nouvelles, il constate :

« Je suis reçu presque triomphalement par tout le monde : “Seuphor est enfin là”,

“Ah, vous êtes revenus ! Nous avons besoin de vous”, etc. Et tout le monde était

charmant avec moi. »136 L’ami de Mondrian, qui avait connu les abstraits de l’avant-

guerre et dont artistes et critiques se voulaient les héritiers, ne pouvait

qu’impressionner mais aussi intriguer.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que dès le premier numéro, Michel Seuphor

collabore à Art d'aujourd'hui, revue qui se place dans l’héritage de Mondrian et dont

les animateurs pourraient co-signer les lignes citées ci-dessus parues dans Les

Documents internationaux de l’Esprit nouveau et se reconnaître dans l’enthousiasme

de partager, de diffuser une avant-garde. Seuphor n’est cependant pas attaché à la

revue ; homme libre, il participe à son retour à plusieurs projets tels Derrière le miroir,

la revue éditée par Aimé Maeght, ou L’Art abstrait, ses origines, ses premiers maîtres

somme qu’il rédige en 1949, également à l’initiative du galeriste. On le retrouve dans

la programmation de la Galerie des Deux-Iles où il propose Jean Arp, Sonia

Delaunay, Natalia Gontcharova et Mikhaïl Larionov, Francis Picabia, Léopold

Survage.

134 Avec Het Overzicht, Michel Seuphor en est déjà à sa troisième revue. 135 Cité dans Y. Chevrefils Desbiolles, Paris, 1993, op. cit., p. 99. 136 Michel Seuphor : un siècle de liberté. Entretiens avec Alexandre Grenier, Paris, 1996, p. 244.

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Ses textes pour Art d'aujourd'hui sont chargés de son passé. Seuphor a

acquis une grande respectabilité qui n’est pas due à l’âge – il est de la même

génération que la plupart des autres collaborateurs – mais à son expérience. C’est

donc à lui que l’on fait appel pour évoquer Mondrian, Van Doesburg, Taeuber-Arp, le

néo-plasticisme etc. Ainsi, lorsque le Stedelijk Museum d’Amsterdam expose De Stijl,

une double critique est proposée dans la revue. Celle de Léon Degand se veut

quelque peu polémique :

« Le Néo-plasticisme, entend-on parfois, serait une impasse. […]

Parce que nous sommes tous condamnés à mourir un jour, sommes-

nous des “impasses” ? »137

Michel Seuphor, de son côté, rappelle le développement du mouvement, revient sur

la revue De Stijl, sur le rôle primordial de Mondrian quant à la théorisation des idées

et sur l’importance de Van Doesburg pour la vie de cette revue.

L’homme apparaît en effet plus modéré, peut-être un peu éloigné des débats

d’actualité ; il en a menés d’autres en leur temps. Ses brèves critiques d’expositions

révèlent une curiosité qui ne s’enferme pas dans une esthétique. Roger Bordier se

souvient :

« Seuphor n’était pas le plus exigeant de ce petit groupe. Il était

certainement plus éclectique que nous ne l’étions Degand, Pillet et

moi. Nous avions sans doute des points de vue esthétiques plus

arrêtés que lui qui était au fond plus ouvert. »138

On trouve cependant sous son nom des textes plein d’agacements139, de regrets140,

voire de colère lorsqu’il rappelle qu’aucune exposition de Mondrian a eu lieu dans

une institution parisienne141.

137 “L’Exposition du Stijl”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, p. 26. 138 Voir entretien, annexes V. 139 “Les Muses fonctionnaires”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, p. 19. 140 “L’Aubette”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 10 à 13. 141 “Mondrian indésirable”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 1.

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Félix Del Marle

Félix Del Marle est présent dans Art d'aujourd'hui tant pour son œuvre d’artiste

que par ses articles. Cependant il écrit peu dans la revue bien qu’il en partage les

idées. Dès 1926, avec Vouloir, revue lilloise dont il devient le rédacteur en chef, il

diffuse les idées du néo-plasticisme et y publie en 1927, “Le Home – La Rue – La

Cité” de Mondrian, article théorisant les idées de l’artiste. Félix Del Marle le soumet

en juillet 1949142 à André Bloc (alors qu’Art d'aujourd'hui vient de paraître), qui le

diffuse effectivement dans la revue en décembre de cette même année. Avec cette

lettre de l’été 1949, Del Marle remercie également André Bloc de l’avoir mis en

contact avec l’architecte Paul Herbé qui lui propose de travailler à la mise en

couleurs de vastes réalisations pour la ville de Niamey. Ainsi, avant d’être liés par la

réalisation de la revue, Del Marle et Bloc se retrouvent dès le départ sur les idées de

la synthèse des arts qui les mèneront à fonder le Groupe Espace en 1951143.

Pierre Faucheux

Pierre Faucheux, quant à lui, reste l'homme de la composition dont l’inventivité

et le sens de la recherche (qu’il s’agisse du papier, de la typographie, de la mise en

pages, des couleurs, des documents servant d’accroche pour la première de

couverture) marquent un tournant dans l’édition lorsqu’il entame en 1946 sa

collaboration avec le Club français du livre dont il devient directeur artistique la même

année. En 1954, il suit Bernard Gheerbrant, créateur de la Hune, dans l’aventure du

Club des libraires français qui tente de contrer la vente par correspondance. Il y crée

quatre cent quatre-vingt livres. C’est lui qui donne à Art d'aujourd'hui son identité

visuelle associant à la rigueur les débordements de ces cadres stricts de manière à

intégrer les leçons du néo-plasticisme tout en les dépassant avec liberté.

142 Lettre en date du 29 juillet 1949 de Félix Del Marle à André Bloc. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 143 Félix Del Marle meurt en décembre 1952.

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C’est également Pierre Faucheux qui se charge de la conception de

l’exposition du numéro de L’Architecture d’aujourd’hui consacré aux Arts plastiques à

la Galerie Maeght. Ses réalisations ne se limitent pas à la deuxième dimension :

concevant la librairie La Hune boulevard Saint-Germain en 1949, Faucheux entame

une carrière d’architecte. Il est à l’origine de l’aménagement intérieur du musée d’Art

moderne de la Ville de Paris et de l’ARC, il travaille aux côtés de Charlotte Perriand à

la création de la station de ski des Arcs, il aménage en outre un appartement modèle

en 1952 pour Paris Match, présenté ensuite au Salon des arts ménagers. Une fois

encore Art d'aujourd'hui s’adjoint les talents d’un homme à la créativité polymorphe.

Roger Bordier

De son côté Roger Bordier entame tardivement sa participation à Art

d'aujourd'hui puisqu’il y publie ses deux premières brèves dans le numéro d’octobre-

novembre 1953 :

« J’avais déjà écrit ici ou là, et j’ai fait la connaissance d’un artiste

abstrait de l’époque, Edgard Pillet, qui animait avec Jean Dewasne

un atelier d’art abstrait, rue de Rennes. Des conférences y avaient

lieu régulièrement. Nous avons rapidement sympathisé, Edgard Pillet

et moi. J’aimais ce qu’il faisait et il m’a dit faire partie du comité de

rédaction de la revue Art d'aujourd'hui. […] C’est donc par son

intermédiaire que j’ai été présenté à André Bloc. Celui-ci m’a d’abord

demandé de faire quelques comptes-rendus d’expositions puis m’a

proposé de collaborer à la revue […]. »144

Le rédacteur trouve rapidement sa place : dès le numéro suivant, en

décembre 1953, il commence "L’Art et la manière" qui reste une des idées fortes et

originales d’Art d'aujourd'hui. Cette série fait ressortir un atout du rédacteur : il

possède le sens du titre. Non pas les titres journalistiques qui jouent avec les mots

quitte à s’éloigner du fond même de l’article, mais des titres qui font souvent se

144 Voir entretien annexe V.

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balancer deux termes, résumant le style de l’artiste ou introduisant d’emblée le

lecteur dans la problématique de l’article. On peut citer : “Automatisme et méthode

chez Mortensen”, “Cicero Dias et le fait mural”, “La constante sollicitation d’André

Bloc” ou encore “Mesure de Pillet : réflexe intellectuel et reconnaissance de

l’imprévisible”. D’autres articles portent des titres qui sonnent parfois comme un

slogan, qui marquent le lecteur : “Il faut lever l’hypothèque des salons”, “Il faut

maintenant connaître Lacasse”, “L’Art est un service social”. Une concision que l’on

ne retrouve pas dans le corps du texte qui se compose de longues phrases aux

nombreuses virgules, de développements enrichis de digressions. Curieusement,

Roger Bordier n’en devient pas pour autant confus. Il s’en dégage une générosité

intellectuelle, un grand appétit d’échanges d’idées. Une richesse qu'il met au service

de la revue, l’alimentant abondamment de ses textes. Cela témoigne aussi de la

confiance immédiate qu’André Bloc accorde à Roger Bordier lui permettant la

réalisation d’une série importante (occupant dans chaque numéro six à huit pages) et

lui confiant la rédaction de la quasi-intégralité du numéro "Synthèse des arts", thème

ô combien important dans Art d'aujourd'hui.

Charles Estienne

Charles Estienne, lui, écrit des phrases longues et amphigouriques. S’il n’est

pas un chroniqueur assidu d’Art d'aujourd'hui, le critique a sa place dans cette

énumération pour le rôle qu’il tient dans le monde de l’art des années cinquante,

dans la revue et hors d’elle. Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Estienne et

Léon Degand sont les deux grands défenseurs de l’abstraction145. Le premier dans

Combat pour lequel il écrit à partir de mars 1946, le second dans Les Lettres

françaises. Pierre Guéguen, qui livre de vertes critiques du rédacteur, note,

moqueur : « [Charles Estienne] à qui il arrive de s’exprimer clairement parfois »146

145 On les retrouve d’ailleurs dans le sommaire du numéro spécial des Cahiers des Amis de l’art : "Pour ou contre l’art abstrait", n°11, 1947 parmi l es cinq articles de critiques que contient la revue (en plus des dix témoignages d’artistes). 146 “Matière et maîtrise une évolution : le tachisme”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril

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C’est effectivement ce qui ressort des articles publiés dans Art d'aujourd'hui : un style

lourd, des phrases interminables pouvant constituer à elles seules un paragraphe

comme on peut en lire par exemple dans le portrait qu’il livre de Deyrolle147. A cette

forme pesante s’ajoute l’impression que le critique cherche en permanence la

formule, la phrase susceptible de résumer une vérité de l’Art. Il pérore ainsi :

« De par même sa définition, et du fait qu’il est dans sa pratique

quotidienne une protestation contre la vision habituelle des choses,

l’art est certes un paradoxe permanent ; et singulièrement l’art

moderne, et sa pointe la plus aiguë, l’art abstrait, dont actuellement

le scandale essentiel, et peut-être le rôle essentiel, sont d’accuser la

coupure irréductible entre la vision moyenne, la vision prosaïque des

choses, et l’autre vision, dont l’artiste est sans doute le détenteur,

mais dont le spectateur peut être le co-participant, si du moins il veut

faire l’effort d’inventer sa vie au lieu de la subir. »148

Avec Léon Degand, ils forment un couple de critiques unis vers un même but

mais ils demeurent

« très différents. [Charles Estienne] se considérait comme écrivain,

artiste, musicien, chanteur alors que [Léon Degand] était critique

d’art à part entière et écrivain. » 149

Estienne compose un personnage complexe et versatile qui agace souvent ses

pairs150 et lui vaut d’être ouvertement critiqué dans Art d'aujourd'hui, ce qui sera

1954, pp. 52 et 53. 147 “Jean Deyrolle ou la continuité de la peinture”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, pp. 18 à 21. 148 “Hans Hartung : un style de l’expressif pur”, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°4, mars 1951, p. 20. 149 Entretien avec Denise René, voir annexe VII. On peut lire dans le texte "Déterrons le feu" de Jean-Clarence Lambert (Paris, 1984) que Charles Estienne désirait publier une sélection de ses textes de critique d’art dans un ouvrage qui devait porter le titre de L’Humeur romantique. Cela renseigne, en effet, sur le regard que ce dernier portait sur cette activité. 150 On retrouve par exemple ces mots dans la bouche de Michel Seuphor : « [Estienne] était très important, et personne n’aurait osé contester ses choix… Que je trouvais très douteux […]. Engagé dans une critique très parisienne et très liée au négoce, il a défendu des peintres qui ne le méritaient pas vraiment. », Paris, 1996, op. cit., pp. 263 et 264. Il faut également citer le très ironique “A la tienne, Estienne” dans lequel Michel Ragon reproche au rédacteur de ne pas parler d’art… du moins dans sa rubrique Art de France-Observateur… Il ajoute que le souvenir « sentimental » que l’on peut

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abordé plus loin. Il faut néanmoins souligner que le critique reste respecté et

apprécié par les artistes. Lorsqu’en octobre 1953, la revue publie “Le Bonimenteur

de l’académisme tachiste” de Pierre Guégen et Cimaise, “Un peu de clarté dans le

brouillard (d’octobre)”151 dans lequel on trouve, sous la plume du si modéré

Gindertael, une attaque contre Charles Estienne, une réplique paraît dans Combat le

18 décembre 1953. “Un communiqué du Salon d’Octobre”, signé par Pierre

Alechinsky, Denise Chesnay, Jean Degottex, René Duvillier, Krisek, Marcelle

Loubchansky, Jean Messagier, James Pichette et Jean Pons, affirme un soutien

sans faille à Charles Estienne et l’assure d’une « entière confiance »152.

Nous l’avions vu en introduction : André Bloc aime s’entourer de personnes

qui non seulement partagent ses idées mais en plus, les divulguent avec autant de

fougue que de clarté. Il sait également s’en séparer quand l’entente ne lui semble

plus possible. Charles Estienne détient la fougue mais pas la clarté ; de plus, comme

Julien Alvard, ses idées divergent peu à peu de celles d’André Bloc et s’éloignent de

la ligne de la revue jusqu’à la critiquer ouvertement153. Le critique endosse alors le

rôle de traitre pour les animateurs d’Art d'aujourd'hui qui prennent grand plaisir à

relever ce qu’ils jugent être ses débordements154.

avoir pour les écrits d’Estienne dans Combat après 1945 « époque héroïque de l’art abstrait », serait bien mis à mal si on les retrouvait : « si l’on s’avise de relire ces fameux articles, on s’aperçoit avec effarement de leurs contradictions. » Après avoir réduit à peu de choses le fond des articles de Charles Estienne, Ragon s’en prend à son style, se moquant des fréquentes citations qui ponctuent ses textes pour ne pas dire qui l’alimentent... Cimaise, 2e série, n°7, juin 1955, p.24. 151 1ère série, n°1, octobre 1953, pp. 18 et 19. 152 John-Franklin Koenig, co-fondateur de Cimaise, a constitué des pressbooks de la revue. Celui de 1953-1957 contient cette coupure de presse de Combat. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Galerie Arnaud. 153 On peut lire en effet dans son pamphlet L’Art abstrait est-il un académisme ? (en 1950) des propos opposés aux idées que défend Art d'aujourd'hui, tels : « Quant au mythe du travail collectif, lié à celui de l’époque, parlons-en. Au vrai, c’est une solution de paresse, qui dispense de s’interroger à fond soi-même. Ne vous fatiguez pas, semble-t-on dire. Faites comme nous (un certain art abstrait), donnez votre blanc seing à l’époque, puisqu’elle s’exprime par vous. Ce que vous appeliez votre liberté est le dernier repaire du romantisme et de l’obscurantisme. » (p. 20) Ou encore des atteintes qui peuvent être plus personnelles, ainsi : « L’humour est ce qui manque le plus aux pratiquants de l’abstraction froide pour atteindre cet angélisme qui serait leur seule justification, mais qui ne saurait être qu’une révolte supérieure de l’esprit, et ne supporte pas d’être confondu avec le sérieux tant conseillé du travail en équipe, et l’on doit même dire, du travail en série. » (p. 26). 154 Ils peuvent être sévères et durs avec leur ancien ami. Ainsi, dans Art d'aujourd'hui de février-mars 1952 (3ème série, n°3-4, 2 ème de couverture) : « Et c’est parce que certains n’ont pas voulu le comprendre ou l’admettre qu’ils nous ont quittés. Cependant leur optique différente de la nôtre suivie

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de leur départ ne saurait, en aucun cas, justifier ou même simplement expliquer un sot esprit de représailles et des propos diffamatoires. Nous sommes suffisamment absorbés par nos tâches […] pour ramener, comme il se doit, à leur juste plan, les vaines querelles suscitées par quelques ambitieux ou quelques ratés des arts ou des lettres. » Le nom de Charles Estienne n’apparaît pas mais c’est bien de lui dont il s’agit ici ; aucun autre rédacteur n’a engendré de telles philippiques. Ces propos contre le critique inconstant prennent d’autant plus de poids qu’ils sont publiés dans un texte un peu solennel faisant le bilan des deux premières années.

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2. Cinq années d’existence : juin 1949 – décembre 1 954

« L’Abstraction, sous quelque forme que ce soit, doit être abordée sans compromis, ou ne doit pas l’être. »155

La revue est créée, l’équipe rédactionnelle, trouvée. Quant aux ambitions,

elles demeurent inhérentes à la fondation même d’Art d'aujourd'hui. Aussi, sa ligne

éditoriale ne fait pas l’objet d’une note d’intentions mais elle se dessine de texte en

texte, se devinant souvent plus dans les indignations des rédacteurs. Elle mène

aussi, une fois encore à cette question du sectarisme d’Art d'aujourd'hui qu'il serait

vain d'arbitrer et de trancher mais dont il s’agit de cerner l'origine.

Une certitude donne, néanmoins, une orientation forte à la revue. La

conviction qu'un art s’adressant au plus grand nombre, mis à sa disposition, peut

améliorer la vie de tous. Cette confiance en la création abstraite se manifeste aussi

par un grand nombre d’actions qui touchent l’édition, les expositions, le cinéma et

s’affirme aussi par la création du Groupe Espace et la réalisation de l’Atelier d’art

abstrait.

Malgré toutes ces initiatives, tous ces élans qui se concrétisent, Art

d'aujourd'hui cesse de paraître selon la volonté même de son directeur André Bloc.

Cette fin annonce une naissance, celle d’Aujourd’hui : art et architecture, une revue

plus largement ouverte à la création industrielle afin de faire tomber les frontières

entre les différentes formes de création ainsi qu’il l’a toujours prôné dans les pages

d’Art d'aujourd'hui. Une sorte de continuité, en somme.

155 Léon Degand, “Le Septième Salon des Réalités Nouvelles”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 26.

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a. La ligne éditoriale

L’éditorial du premier numéro d’Art d’aujourd’hui décrit le manque de presse

spécialisée :

« Or, à part quelques bulletins et journaux peu ou mal illustrés,

aucune publication régulière, consacrée aux arts plastiques, n’offre

aux artistes et amateurs d’art une tribune sérieuse pour permettre

aux grands courants artistiques de s’affronter, et pour orienter des

recherches plus ou moins cohérentes. »156

La situation n’évolue guère si l’on en croit le premier numéro du bulletin de la Galerie

Arnaud, trois ans plus tard :

« L’intérêt croissant que prend le public aux manifestations

concernant l’art moderne est sans proportion avec la faible ampleur

des moyens d’information qui lui sont accordés. Quand elle en traite,

la grande presse, à l’exception de quelques rares revues et journaux,

se limite aux grands maîtres et ignore systématiquement tout ce qui

n’est pas depuis longtemps consacré. »157

C’est en effet la grande presse qui se fait le relais des expositions, depuis les

quotidiens comme Combat, Le Figaro, L’Humanité, Le Monde, Libération, jusqu’aux

magazines hebdomadaires comme Les Lettres françaises. Ces périodiques

généralistes sont les tribunes des critiques les plus connus et se font l’écho de

l’actualité des arts et des débats qui en découlent. Journal d’informations,

l’hebdomadaire Arts se présente quant à lui comme un généraliste culturel ainsi que

le montre son sous-titre : Beaux-arts – Littérature – Spectacle. La partie consacrée

aux beaux-arts souffre particulièrement du peu d’illustrations et de la mise en pages

très sobre du journal. Elle souffre aussi d’un profond désintérêt pour une création

contemporaine, sinon pour l’avant-garde, préférant consacrer ses pages à

l’impressionnisme ou à l’école de Paris du début du siècle. Les quelques marques

d’intérêt pour l’abstraction se résument à des formules lapidaires qui ne favorisent

156 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°1, juin 1949, texte non signé.

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pas la compréhension des lecteurs, comme ici à propos d'une publication d'Art

d'aujourd'hui alors que cette esthétique n'est déjà plus une redécouverte :

« Peinture et sculpture non figuratives constituent un apport non

négligeable : on s’en persuadera en feuilletant Témoignages pour

l’art abstrait et en visitant l’exposition de la librairie La Hune, mais

par pitié, Messieurs les Abstraits, ne vous éreintez pas à nimber vos

productions de méditations in-sensées qui tendent à vous justifier

face à ce que vous répudiez. »158

Soin de la mise en pages, clarté et didactisme

De leur côté, lorsque les animateurs d'Art d'aujourd'hui décrivent la revue, il en

ressort deux principales qualités dont la première énoncée concerne le soin apporté

à la présentation ; vient ensuite la volonté de clarté dans les textes mêmes159. Ces

deux exigences sont mises au service de la création plastique et des artistes : large

place est laissée à une illustration de bonne qualité afin que les œuvres puissent

s’exprimer d’elles-mêmes et le complément apporté par les textes doit leur rester

fidèle en s’en tenant à l’étude. On notera cette remarque dans les pages d’Art

d'aujourd'hui qui sonne comme une critique de ce qui se fait à l’époque : « Pas de

littérature, sclérose de l’esprit de création ; pas d’élucubrations tourmentées, mais

une analyse du fait plastique »160 L’art abstrait, création qui se passe de sujet,

devient un terrain de choix pour le littérateur en verve161. Rien de cela dans Art

157 Bulletin de la Galerie Arnaud, n°1, octobre 1952. 158 Claude Grégory, "A propos d’un témoignage sur l’art abstrait", dans Arts, vendredi 21 mars 1952, p. 5. 159 On trouve deux présentations de la revue par elle-même. D’abord dans le numéro 3-4 de la troisième série (février-mars 1952) sous forme d’un éditorial prenant place en deuxième de couverture. Ensuite, les archives de la revue contiennent un document non daté (qui a dû être rédigé fin 1951-début 1952) faisant un bilan de la deuxième série, probablement en vue d’être diffusé à des fins publicitaires. 160 2ème série, n°3-4, op. cit. 161 On peut d’ailleurs citer cette remarque que Sophie Duplaix avance dans le texte “Ecrits de peintres : du manifeste à l’aphorisme” dans Abstractions France 1940-1965, Paris, 1997 : « A ce titre, il n’est qu’à parcourir la production critique de l’époque – extrêmement littéraire dans sa forme, quand les critiques eux-mêmes n’étaient pas avant tout des écrivains – pour s’imprégner du ton général qui

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d'aujourd'hui dont les rédacteurs s’appliquent non seulement à rester au plus près de

l’œuvre mais aussi à en devenir des passeurs. On le verra en deuxième partie avec

des séries d’articles comme "Le Passage de la ligne", véritable introspection

demandée aux artistes abstraits afin qu’ils expliquent et commentent leur choix pour

cette forme d’expression, ou encore "L’Art et la manière" qui fait entrer le lecteur

dans les secrets d’atelier.

L’esprit d’analyse, clair, cartésien qui construit les pages de la revue sied à

cette abstraction qui se plie elle-même à la rationalisation de l’architecture et de

l’urbanisme. Pour le critique, le didactisme qui sous-tend chaque article n’est pas

moins que le pendant de la volonté des artistes néo-plasticiens ou des théoriciens du

Bauhaus de réaliser un art immédiatement intelligible puisque débarrassé de toute

lecture iconographique, sans nécessité de culture préalable, si ce n'est la seule

observation et appréciation des rapports de formes, des rythmes, des harmonies ou

des dissonances colorées. Un art pour la collectivité, sans aucun doute mais qui

demande pourtant un œil exercé et débarrassé de son ancrage dans la

représentation. Il faut constater ici un échec dans le lien désiré entre créations et

public ; la didactique doit alors prendre le relais. Cette volonté d’être lisible,

compréhensif, doit également s’envisager en regard du contexte d’après-guerre où

l’art abstrait se trouve marginalisé par la figuration – depuis un paysagisme abstrait

pratiqué notamment par Bazaine, Le Moal, Manessier et les autres participants à

l'exposition Vingt jeunes peintres de tradition française, jusqu’à Bernard Buffet – et

par les grands maîtres vivants, Picasso, Matisse et Léger, qui se retrouvent, peut-

être malgré eux, bien envahissants pour les jeunes générations. Quant au

surréalisme né en 1924, son dégoût pour la guerre et sa réappropriation grinçante ou

poétique de la réalité lui font conserver toute son actualité. Il inspire de nouveaux

artistes tentés par une écriture automatique ou la capture du quotidien.

Néanmoins, ces autres tendances de l’art ne sont pas les seules entraves à

une plus large reconnaissance de l’abstraction géométrique ; cette esthétique doit

prouver de surcroît qu’elle n’est pas morte avec le néo-plasticisme quelque trente à

quarante ans auparavant, qu’elle a encore des choses à dire, des nouveautés à

semblait de mise pour commenter l’abstraction. », p. 32.

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apporter. L'abstraction telle qu'elle a éclos au cours des années 1910 se nourrissait

de spiritualité tout autant que d'une nouvelle perception sensible du monde à travers

le prisme scientifique, d'un infiniment grand à un infiniment petit. Un regard qui effraie

bien plus qu'il ne fait rêver dans cet après-guerre aux airs d'apocalypse. De plus, en

quoi l'art abstrait serait-il différent de tous les autres mouvements picturaux qui se

sont succédés ? Cette esthétique ne porte-t-elle pas en elle sa fin quand Piet

Mondrian répète jusqu'à sa mort un même modèle strict et Casimir Malevitch

entretient un nihilisme pictural fatal ? La stérilité de l'abstraction n'était-elle pas en

germe chez ses initiateurs mêmes ?

Il est alors nécessaire d’opérer un tri sévère afin de bien faire comprendre ce

qui est valable de ce qui ne l’est pas dans l’abstraction de cette fin des années

quarante. Et cette discipline doit s’intensifier avec l’engouement que connaît peu à

peu l’art géométrique :

« De quatre-vingt-neuf participants à sa fondation, le Salon des

Réalités Nouvelles réunissait quatre cents envois de seize pays

différents en 1948. Un tel gonflement des effectifs de l’art abstrait ne

se produisait pas sans qu’il en résultât un étalage de médiocrité. »162

Les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui n’ont de cesse de répéter que « la géométrie est

aisée mais l’art est difficile »163 ou, s'adressant aux artistes, qu'il faut

« bien se persuader que l’Abstraction n’est pas un cadeau qu’il suffit

d’accepter de l’extérieur, mais une conquête, vécue, de l’esprit par

l’esprit. Hors de là, il n’est que de vagues exercices de style. »164

Colères et impertinence, des armes contre le rejet de l’abstraction

Le ton employé par les rédacteurs montre l'inébranlable foi qu'ils ont en l'art

abstrait ; la légitimité de cette esthétique, son impact sur la création passée, actuelle

162 Michel Ragon, 50 ans d’art vivant, Paris, 2001, p. 51. 163 Michel Seuphor, "Le Salon des Réalités Nouvelles", dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 29.

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et future ne font aucun doute pour eux. Aussi, s'il est juste de constater qu'ils ne sont

pas polémistes comme le seront souvent les animateurs de Cimaise165, leur

assurance les mène parfois sur les voies de l'impertinence. On le voit avec les saines

colères de Léon Degand, on la trouve aussi sous la plume de Michel Seuphor, Pierre

Guéguen ou Paul Etienne-Sarisson. Elle se manifeste contre tout ce qui s'apparente

à un rejet de l'avant-garde qu'il s'agisse de manifestations artistiques ou de

personnalités liées à la création. Ainsi cette charge de Michel Seuphor contre un

architecte qui s'insurge à la réception d'un carton d'invitation à l'exposition de Nicolas

Schöffer à la Galerie de Mai :

« Un certain M. Biret manifesta sa désapprobation en retournant

l’invitation avec ces mots : “Prière de ne pas m’importuner avec une

billevesée semblable. Il n’y a pas encore que des poires en France.”

M. Biret, qui est architecte de son état, n’a certainement jamais vu la

beauté d’un échafaudage. Aucune idée nouvelle ne pénétrera dans

le canon de beauté de M. Biret, fort de son code Napoléon et de sa

vieille France : nous sommes au complet, rien n’entre plus. S’il était

écrivain, il ne donnerait pas le moindre coup de canif dans son

Littré : français, langue morte. Penchons-nous avec pitié sur le cas

multiple de ce respectable citoyen qui a dû avoir bien du mal, il y a

quelques années, à se défaire de ses faux-cols empesés et de son

chapeau melon. Il ne s’engage que sur les routes depuis longtemps

officielles et il n’y aura plus jamais de printemps pour lui, car il

redoute tout renouveau comme un acte révolutionnaire capable

d’apporter des fleurs qui soient hors catalogue. Tout ce qui n’est pas

dans le dictionnaire est méchant, tout ce qui est fossilité [sic] est bon.

Telle est la morale de M. Biret, honnête homme et grincheux. »166

Ce texte est extrait d'une critique de l'exposition Schöffer qui s'enthousiasme pour le

travail de l'artiste autant qu'il attaque ses détracteurs. Il est caractéristique du ton que

l'on trouve parfois dans la revue et qui paraît être le résultat d'un fort agacement que

164 Léon Degand, Témoignages pour l’art abstrait, éditions Art d'aujourd'hui, Boulogne, 1952, p. 12. 165 A cette comparaison, Roger Bordier a répondu : « Non, en effet… très critiques mais pas polémistes. On recherchait d’abord ce qui nous intéressait plutôt que ce que l’on pouvait contester. » Entretien op. cit., annexe V.

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le rédacteur ne parvient plus à contenir. Derrière cette critique se devinent toutes les

autres remarques que les animateurs d'Art d'aujourd'hui subissent.

"Critique de la critique"

Contrairement à bon nombre d’organes de presse, Art d’aujourd’hui ne

propose pas à ses lecteurs de rendez-vous réguliers à travers des rubriques qui

reviendraient à chaque livraison. On peut cependant retrouver dans tous les

numéros, une ou plusieurs pages de brèves critiques des expositions. Il aurait été, en

effet, difficile d’échapper à cet exercice presque obligatoire de balisage des

manifestations en cours. Cette rubrique apparaît sous une dénomination simple, "Les

Expositions", et elle se trouve souvent accompagnée d’"Informations" et parfois de

"Bibliographie" dont, là encore, les titres parlent d’eux-mêmes. Reste cependant un

rendez-vous que les lecteurs retrouvent dans neuf livraisons et qui permet aux

rédacteurs de laisser libre cours à leurs emportements, il s’agit de la rubrique

"Critique de la critique". Elle devient un indice de l'image que les rédacteurs ont de

leur revue.

Elle se situe en quatrième de couverture et sa mise en page reproduit des

coupures de presse sous lesquelles se trouvent des commentaires, au départ non

signés (excepté une critique d’un discours de Maurice Thorez par Léon Degand167).

La "Critique de la critique" paraît du numéro deux au numéro six de la première

série168 (à l’exception de la cinquième livraison) puis s’interrompt pendant plus d’un

an pour reparaître en mars 1951. Paul Etienne-Sarisson se charge alors de distribuer

blâmes et bons points aux critiques jusqu’en octobre 1951169. Cette rubrique permet

un droit de réponse aux autres médias, autorise aussi une manière de défouloir et

porte peut-être l’espoir de mettre chacun dans le droit chemin de l'abstrait.

166 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 23. 167 Dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, quatrième de couverture. 168 Soit de juillet-août 1949 à janvier 1950. 169 Soit du quatrième au huitième numéro de la deuxième série.

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En réalité, c'est d'abord une façon de se positionner contre : s’opposer aux

journaux à grand tirage qui ne prennent pas la chose artistique au sérieux et

préfèrent relater les petites phrases et menues attaques des uns et des autres,

s’attarder lors d’un entretien, sur l’anecdotique plutôt que sur la pensée de l’artiste.

Pour Art d'aujourd'hui, c’est tout un public potentiel qui se trouve désinformé :

« Voilà, sans doute, ce que nos “Grands Journaux” (grand par le

tirage) appellent l’information objective. Samedi-soir tire à quelque

700 000 exemplaires. Pratiquement, c’est donc près de deux millions

de Français qui le lisent. »170

Ce positionnement s’opère aussi à l’encontre de la presse spécialisée en arts

plastiques qui ne montre aucune tentative d’ouverture vers l’abstraction donnant

souvent de celle-là l’image d’une création élitiste et prétentieuse tout en se

consacrant en parallèle à des informations dénuées d’intérêt (comme peut l’être cette

annonce de la réalisation d’une ville en forme de cochon par un millionnaire

hollywoodien parue dans le journal Arts). Pour Art d'aujourd'hui, c’est autant de

lignes perdues, dans une presse spécialisée déjà trop rare, pour défendre la jeune

création.

Des rédacteurs convaincus

Le ton de cette rubrique doit en agacer plus d’un car les rédacteurs d’Art

d'aujourd'hui se donnent implicitement ici une position de supériorité : à l’évidence, il

ne peut s'agir que d'incompréhension et de méconnaissance de la part de leurs

contemporains. Ce ton doit surtout agacer Charles Estienne qui occupe une grande

place dans les sarcasmes de l’équipe rédactionnelle. On le sait, depuis la création de

L’Architecture d’aujourd’hui, André Bloc a constitué une équipe de fidèles

convaincus. Cette remarque de Julius Posener à propos de la cohésion au sein de la

revue d’architecture n’est pas très éloignée de ce que l’on constate dans Art

d'aujourd'hui : « [André Bloc] n’était pas, d’ailleurs, le seul à présenter la politique de

170 Paul Etienne-Sarisson, dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°6, juin 1951, dernière de couverture.

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la Revue aux lecteurs. Cette tâche était aussi celle de Pierre Vago, puis à partir de

1937 environ, d’André Hermant. L’unité de ton de ces manifestes d’auteurs différents

est remarquable. Tout le monde était d’accord sur les grandes lignes de la

revue. »171 Ce sont à peu près ces même mots que prononcent Roger Bordier

lorsqu’il évoque les prises de décisions dans le comité172. Si les personnalités sont

fortes au sein de la revue, aucune n’est mise en avant plus qu’une autre par une

tribune particulière, un éditorial ou un billet d’humeur.

Il est vrai cependant que dans leurs différents textes, les critiques emploient

facilement la première personne du singulier s’impliquant pleinement dans leurs

propos : « Oserais-je avouer que je me suis souvent fort ennuyé aux précédentes

expositions des Réalités Nouvelles »173. Cela crée aussi une proximité avec le

lecteur qui a par exemple le sentiment de suivre et profiter des réflexitons de Michel

Seuphor dans l’exposition "Véhémences confrontées" à la Galerie Nina Dausset :

« Au vernissage, j’avais aimé cette exposition homogène [...]. Mais

j’avais conscience que c’était là une pensée très méchante [...].

L’effet de surprise n’eut lieu que lorsque je fus rentré chez moi » 174,

ou Léon Degand au Salon de mai :

« En parcourant les premières salles, j’ai été frappé par le caractère

quasi indiscutable du parfum de qualité, dégagé par les toiles de

Lapicque et de Le Moal [...]. J’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir,

Radou [...]. Poliakoff m’étonne toujours [...]. Je suis heureux de

saluer le retour de Descombin [...] »175

De manière générale, les textes semblent rédigés pour être lus par des personnes au

moins curieuses de l’abstraction géométrique si ce n’est complètement acquises à la

171 "L’Architecture d’aujourd’hui : rétrospective de la première décennie 1930-1940", dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 19. 172 « C’était une mise en commun des idées. Cela se faisait assez librement, de façon très détendue. Bon, il y avait souvent André Bloc qui faisait des propositions mais on en discutait ensuite, on faisait un choix et une majorité l’emportait. Au fond, cela se déroulait assez simplement. Là, il n’y avait pas de grands débats. C’est peut-être que l’on était d’accord sur un certain nombre de données majeures à introduire dans la revue. » Entretien op. cit., annexe V. 173 Roger Van Gindertael, "Réalités nouvelles", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°10-11, mai-juin 1950, p. 42. 174 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p. 29.

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cause. Cette impression de se trouver entre fidèles n'alimente-t-elle pas l'image

doctrinaire de la revue ?

Une réputation de sectarisme

Pour être plus précise, cette réputation est alimentée aujourd’hui par les

historiens dans leur comparaison entre ce que l’on appelle l’abstraction froide et

l’abstraction chaude. La terminologie même des qualificatifs induit qu’un courant est

plus rigide que l’autre dans le cadre d’un parallèle que les membres de Cimaise ont

alimenté. Fondée pour défendre le lyrisme, la revue de Jean-Robert Arnaud se

positionne contre les autres esthétiques voulant jouer les trublions dans un petit

monde de l’art que la jeune équipe juge ankylosé. Cimaise se pose donc contre l’art

géométrique ressenti comme monopolisant le milieu de l’abstraction. Cette noble

bataille fait d’Art d'aujourd'hui une cible dont le souvenir reste vivace dans la

mémoire de John-Franklin Koenig :

« Gindertael, Herta Wescher et Julien Alvard étaient à Art

d’aujourd’hui où ils ne pouvaient pas beaucoup écrire sur leurs amis

parce que ceux-là ne faisaient pas de peinture géométrique ce à

quoi Art d’aujourd’hui était presque exclusivement consacré. […]

Au fond, à un certain moment, Cimaise était la seule revue au

monde qui parlait uniquement de l’art contemporain en général. Il y

avait Art d’aujourd’hui mais cela restait très limité : c’était devenu de

plus en plus un organe autour de Denise René avec Vasarely

dirigeant un peu le tout. Cimaise était beaucoup plus élargie. »176

Herta Wescher établit un bilan similaire lorsqu’elle se remémore les débuts de

Cimaise :

« Gindertael, Alvard et moi avions été, pour un temps plus ou moins

long, membres du comité d’Art d'aujourd'hui, mais nous l’avions tous

175 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°6, juin 1951, p. 28. 176 Entretien réalisé le 23 mars 2000, dans le cadre d’un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise,

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abandonné sans trop de regret en faveur de Cimaise. Alors que pour

la première on était obligé de soutenir, exclusivement, l’art

géométrique, “fonctionnel” dans lequel André Bloc, jusqu’à la mort de

Léon Degand, voyait le salut unique, Cimaise nous permettait de

nous tirer de cette impasse. »177

Pourtant, la critique allemande n’a que peu écrit dans Art d'aujourd'hui ; trente-huit

brèves il est vrai mais seulement dix-sept articles dont douze parus dans le seul

numéro consacré au collage. Enfin, Michel Ragon, simple témoin de l’entreprise

géométrique, en vient, avec son vocabulaire imagé, au même verdict :

« Il faut se replacer dans cette année 1953, où la seule tribune dont

disposaient les artistes abstraits était Art d’aujourd’hui, revue alors

extrêmement sectaire pour laquelle hors de l’abstraction

géométrique il n’y avait pas de salut, pour comprendre combien le

n°1 de Cimaise ressemblait à un manifeste. Seule, C laude-Hélène

Sibert et moi-même n’avions jamais collaboré au bulletin paroissial

de l’Eglise abstraite orthodoxe. »178

Il est probable que Léon Degand, particulièrement engagé dans cette

esthétique abstraite, est un vecteur de ce sectarisme décrié. Alors, n’est-il

qu’apparent ou bien fondé ? La réponse ne sera pas catégorique. On sait que la

revue évolue dans le petit monde de l’art, lui-même divisé en plus petits mondes et

qu’Art d'aujourd'hui est bien implanté dans le microcosme de l’abstraction

géométrique. Celui-ci est compris dans l’ensemble à peine plus vaste de l’abstraction

(terme mal défini pour le public néophyte), lui-même satellite du milieu artistique, etc.

Une longue liste de sous-ensembles pourrait être établie ; retenons seulement qu’il

s’agit d’une succession d’univers aussi réduits que divers, engagés, et parfois même

quasi autonomes. Ce que l’on retrouve avec l’art géométrique autour de la Galerie

Denise René, du Salon des Réalités Nouvelles, d’Art d'aujourd'hui, et même de la

sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris 1. Souligné par nous. 177 "Une entreprise courageuse", dans Cimaise, n°100-101, janvier-avril 1971, p. 63. Souligné pa r nous. 178 Cimaise n°100-101, op. cit., p. 66. Souligné par nous.

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rupture avec Charles Estienne. Un monde qui a sa vie propre et qui intrigue ou

agace ceux qui le regardent depuis l’extérieur.

Confirmation ou infirmation de cette réputation ?

Voilà pour l’image. Mais à lire attentivement l’ensemble des revues Art

d'aujourd'hui sans faire de comptabilité et en se fiant simplement à sa mémoire, on

obtient une impression d’ensemble. Elle permet de se rapprocher de ce que peut

ressentir un lecteur de la revue avec pour avantage la certitude d'être face à une

somme complète, exhaustive. On remarque alors que ce sont souvent les mêmes

artistes qui sont cités lors de textes sur des expositions collectives ou des foires. Ce

sont les œuvres d’Emile Gilioli, Berto Lardera, qui sauvent un salon, le travail de

Robert Jacobsen et Richard Mortensen qui retient l’attention lors de l’exposition des

artistes danois en France, ou celui de Victor Vasarely, Serge Poliakoff, Alberto

Magnelli et Edgard Pillet lors d’une Biennale, ou encore des oeuvres du Groupe

Espace, de Félix Del Marle et de Paul Etienne-Sarisson qui illustrent un compte-

rendu du Salon des Réalités Nouvelles179. Il est indéniable qu’Art d'aujourd'hui

détient un répertoire d’artistes dont les noms s’égrainent d’un numéro à l’autre et qui

deviennent une base semblable à de solides fondations.

Et pourtant, sur cette base, viennent se greffer des sujets qui montrent

l’ouverture de la revue à de nombreuses formes d’art pourvu qu’elles soient jugées

de qualité. Son premier numéro n’est-il pas annoncé dans L’Architecture

d’aujourd’hui par un article sur Henri Laurens, artiste figuratif ? C’est aussi avec un

article de Léon Degand sur la rétrospective de ce même sculpteur au musée d’Art

moderne que le critique fait une mise au point. Il regrette que les artistes

académiques soient « abondamment salués par une presse délirant de conformisme

avisé et de crainte panique de l’avant-garde » et fait remarquer que

« c’est donc dans cette revue, qui passe pour un des bastions du

sectarisme abstrait et où l’on a maintes fois rendu hommage à

179 Cette liste d’artiste n’est pas exhaustive, il faudrait au moins y ajouter Jean Arp, André Bloc, Jean

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Laurens […] qu’il faudra redire, avec joie et en toute amitié pour

l’homme et l’œuvre, quelle est la valeur de ce grand sculpteur

figuratif. »180

Ces propos ne doivent pas surprendre venant de celui qui concluait deux ans

plus tôt son texte français du catalogue Do figurativismo au abstracionismo au

musée d’Art moderne de São Paulo, par ces phrases :

« De tout cela on ne saurait sans abus, conclure à la supériorité ou à

l’infériorité de l’Abstraction à l’égard de la Figuration. Il ne s’agit, en

réalité, que de deux modes d’expression, séparés uniquement par

des différences de langage. Il appartient aux artistes de douer ces

langages de force expressive, et, au public, de s’en assimiler

intimement les particularités afin de ne rien perdre de ce qu’elles

expriment. »181

Un simple regard sur les couvertures de la revue indique aussi que dès le

troisième numéro, Fernand Léger est à l’honneur alors qu’il est non seulement

figuratif mais aussi un des trois grands maîtres qui, avec Picasso et Matisse,

accaparent le devant de la scène, laissant bien loin derrière l’avant-garde abstraite.

De même Henri Laurens (qu’il faut encore mentionner), l’art traditionnel mexicain, le

cubisme, la photographie et le collage dans leurs diversités, ainsi que les dessins

d’enfants et d’aliénés, les peintres primitifs, font la couverture de la revue (deux fois

pour ces derniers). Soit un quart des numéros qui consacrent leur une à un art autre

que l’abstraction ou la synthèse des arts. De même, le choix des peintres primitifs

modernes que les rédacteurs de la revue font à l'occasion de la célébration du

bicentenaire de Paris est intéressant. Ce numéro demeure une singularité parmi

l’ensemble des publications d’Art d'aujourd'hui. Il ne s’adresse pas au lectorat

habituel de la revue, ou du moins, pas seulement à celui-ci. Sa cible se veut très

sensiblement élargie, et pourquoi pas jusqu'aux touristes profitant de l’été pour visiter

la capitale française ? Bien que ce ne soit pas un hors-série, cette livraison se

présente comme telle : c’est la seule qui ne publie pas le rendez-vous habituel des

Dewasne, Jean Deyrolle, Cicero Dias, Antoine Pevsner et Sophie Taeuber-Arp. 180 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°6, juin 1951, p. 29.

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chroniques d’expositions (qui sera en revanche présent dans le numéro de

décembre 1951 qui tient lieu de catalogue pour l’exposition Klar Form). On entend

bien qu’une couverture illustrée de sept détails d’œuvres naïves et attachantes de

Camille Bombois, Maurice Utrillo ou Louis Vivin soit plus spontanément attractive que

si les animateurs d’Art d'aujourd'hui avaient tenté une approche abstraite de Paris !

Toutefois, les rédacteurs d'un organe sectaire, « exclusivement consacré » à

l’abstraction géométrique, n’auraient pas donné autant d’importance à une

esthétique qui leur est en apparence aussi étrangère, ou alors ils auraient agi avec

une bonne dose de cynisme mercantile.

Ajoutons la remarque de Charles Estienne – alors encore très engagé dans la

défense de l’art abstrait – qui exprime bien que l’on peut renoncer à l’abstraction

sans pour autant devenir un mauvais peintre aux yeux des rédacteurs d’Art

d'aujourd'hui. Elle concerne Jacques Villon182 :

« […] Il a fait un certain nombre de "peintures abstraites" – au sens

le plus classique du terme – et il ne les a d’ailleurs jamais reniées.

Mais trop libre – trop bohème, avoue-t-il modestement – il avait

d‘autres choses à dire […] »183.

Cette phrase reste dans le droit fil des avertissements de Michel Seuphor et Léon

Degand cités au début de cette partie : l’abstraction ne doit pas être un garant de

modernité pour l’artiste mais un medium pour son expression la plus intime.

Il est probable cependant que l’image de la revue ne concerne pas la revue

elle-même. Cette expérience humaine dont nous ne conservons des traces qu’à

travers de l’écrit dépasse pourtant le cadre des pages d’Art d'aujourd'hui. Des

phrases sont échangées dans les ateliers et les vernissages, des susceptibilités se

trouvent blessées, des avis divergent. Julien Alvard expose un court récit de la

conception de l’ouvrage Témoignages pour l’art abstrait édité par la revue dont on

peut suivre l’évolution tumultueuse dans les courriers du critique. La conclusion qu’il

en donne éclaire sur notre question :

181 P. 52. 182 Le peintre est d’ailleurs interrogé par Roger Van Gindertael pour sa série "Le Passage de la ligne" en août 1952. 183 "Jacques Villon", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°5, décembre 1949, non paginé (quatre page s).

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« C’est alors qu’André Bloc décida d’éditer un livre qui serait

consacré à des témoignages d’artistes tournant autour de l’art

abstrait. Roger Van Gindertael et moi-même furent chargés de

recueillir les interviews. Il n’y eut aucune exclusive. Je fus chargé de

demander à Soulages, Hartung et Schneider184 leur concours qu’ils

refusèrent, entraînant à leur suite un nombre de peintres lyriques et

faisant de ce livre et de son promoteur une figure de proue de la

géométrie. »185

Enfin, pour engagé que soit Art d'aujourd'hui, la revue ne l’est pas

politiquement. En revanche elle est un véritable organe social au service des artistes.

Des textes qui posent clairement les problèmes que rencontrent les artistes pour

vivre, les solutions envisagées par les pouvoirs publics pour y répondre avec le

positif et le négatif de chacune, des propositions, des réflexions, seront détaillés plus

loin. Mais jamais les rédacteurs ne sortent des limites de l’univers de la création. Et

l’on est d’ailleurs presque surpris de lire dans les pages d’Art d'aujourd'hui les

quelques rares références à la Seconde Guerre mondiale dans le numéro

"Allemagne" d’août 1953 avec lesquelles Michel Seuphor, Gert Schiff et John Antony

Thwaites introduisent chacune leurs contributions186.

184 Pierre Soulages explique aujourd’hui qu’ils ne souhaitaient pas témoigner pour l’art abstrait au même titre qu’ils ne l’auraient pas fait s’agissant de l’art figuratif ou de toute autre expression ; l’idée d’appartenir à une famille d’artistes pour laquelle il faudrait s’exprimer ne convenant pas à ces esprits libres. 185 L’antipathie devait être partagée ; le critique évoque plus loin le départ de Charles Estienne de la rédaction, expliquant qu’il s’intéresse alors à « des peintres douteux quant à la rigueur de leurs conceptions, Marie Raymond, Soulages, Degottex, Macelle Loubchansky, Duvillier, Hartung, Schneider, Poliakoff ». Tapuscrit du texte pour Aujourd'hui spécial André Bloc (op.cit.), non publié en l’état. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard. 186 Michel Seuphor y revient également avec "L’Aubette", 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 10 à 13, ce café-dancing aménagé par Van Doesburg, Arp et Taeuber-Arp ayant été détruit par les nazis.

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b. Art d’aujourd’hui hors les pages

Il faut le souligner dès maintenant : Art d'aujourd'hui n’est pas la première

revue d’art à organiser des événements. Yves Chevrefils Desbiolles, dans son

ouvrage Les Revues d’art à Paris, 1905-1940, en cite de nombreuses. Citons par

exemple Montparnasse (1914 puis 1921-1930) qui est à l’origine d’expositions, de

conférences et de récitals au Cabaret du Caméléon187, Formes (1929-1934) qui

fonde un Comité qui « agira sur l’opinion publique par des articles, par des

conférences, par des expositions de projets, de maquettes de modèles, etc., etc. »

dans le but d’une « éducation à l’art français » 188 ou L’Art sacré (1935-1969) qui en

appelle à la création de Comités d’art sacré : « Centre de propagande pour l’art

véritable, de documentation régionale, d’organisation de conférences, expositions et

manifestations d’art. »189

Les éditions Art d'aujourd'hui

Cependant, Art d'aujourd'hui développe de nombreuses activités et cela, dans

des domaines divers. La revue bénéficie de l’importante structure qu’est

L’Architecture d’aujourd’hui. Diffusée depuis 1930 (avec une interruption de 1940 à

1946), elle offre à André Bloc dans les années cinquante, « un poids, quand même

assez remarquable [puisque] tous les meilleurs architectes contemporains

collaboraient à cette revue » ainsi que l’explique Michel Ragon190. Ce poids se

comprend tant du point de vue de l’influence de leur fondateur, de la diffusion

internationale de la publication que d’une logistique qui permet d’agir avec aisance.

Ainsi, à partir de 1946 la revue publie des ouvrages sur l’architecture tels que

Manière de penser l’urbanisme et Trois Etablissements humains, en 1948, La Grille

CIAM d’urbanisme, puis Le Modulor par Le Corbusier en 1950. Art d’aujourd’hui crée

187 Chevrefils Desbiolles, op. cit., p. 166. 188 Ibid. 189 Op. cit., p. 171 190 Voir entretien annexe VIII.

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également une collection – Arts plastiques – dans laquelle paraissent un ouvrage sur

Paul Klee, le livre de photographies de Willy Maywald avec un texte de Francis

Ponge, Artistes chez eux, ainsi que le Manifeste du Corréalisme de Frederick Kiesler.

D’autres publications touchent au plus près la vie de la rédaction comme ce livre,

André Bloc. Réintégration de la plastique dans la vie, réunissant un texte de Pierre

Guéguen et des sérigraphies couleur d’André Bloc (collection Espace) ou encore un

recueil de poèmes de Roger Bordier, Mouvantes intentions.

Mais l’événement éditorial reste cependant, au début de l’année 1952, la

parution de Témoignages pour l’art abstrait, somme de trois cent quatre pages

d’entretiens menés par Roger Van Gindertael et Julien Alvard avec « trente-deux

peintres et sculpteurs de toutes tendances »191 et une introduction de Léon Degand.

Cet ouvrage est présenté au Séminaire des Arts à Bruxelles où se tient une

exposition d’envergure réunissant non seulement des photographies extraites de

Témoignages pour l’art abstrait accompagnées de couvertures d’Art d’aujourd’hui,

mais également des œuvres des artistes interrogés dans le livre.

Cet accrochage n’est ni anecdotique ni isolée ; André Bloc la prend

suffisamment au sérieux pour faire le voyage jusqu’à Bruxelles afin d’assister au

vernissage. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une de ses revues est exposée.

Dès le premier numéro de la revue en juin 1949, les activités d’Art d'aujourd'hui ont

dépassé l’horizon de ses pages : dans une mise en espace de Pierre Faucheux

constituée de structures modulaires de type échafaudage sur laquelle s’orchestrent

originaux d’œuvres reproduites dans la revue, agrandissements photographiques et

textes, la Galerie Maeght présente le second volume que L’Architecture d’aujourd’hui

consacre aux arts plastiques avant que la Librairie-Galerie La Hune ne mette en

scène dans sa vitrine ce premier numéro d’Art d’aujourd’hui. La revue devient un

objet que l’on exhibe192.

191 Annonce parue dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952, 3 ème de couverture. L’ouvrage est ainsi décrit : « 27 planches hors-texte en couleurs, 200 reproductions en noir, 1500 exemplaires ». Il est nécessaire de préciser que les artistes interrogés sont «de toutes tendances» au sein de l'abstraction ; restriction qu'annonce d'ailleurs bien le titre. 192 Il est cependant plus courant qu’une équipe rédactionnelle se trouve à l’origine d’une exposition thématique comme peut l’organiser par exemple la revue concurrente Cimaise. Un de ses rédacteurs propose en effet chaque année durant l’été, une sélection d’artistes : c’est la série des expositions Divergences qui connaît sept éditions. Quant aux expositions Pentagone, elles se déroulent l’hiver et

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Les expositions

Contrairement à d’autres directeurs de revues, André Bloc ne possède pas de

lieu d’exposition. On peut supposer que cela ne lui semble pas nécessaire car le

caractère entreprenant de l’homme ne laisse pas douter que s’il le jugeait utile, il se

lancerait dans l’aventure des galeries avec la même ferveur que tout ce qu’il

entreprend. Mais celle de Denise René existe, son dynamisme est le parfait

complément de celui d’Art d'aujourd'hui193. Quant à sa ligne, elle est tellement proche

de celle d’Art d’aujourd’hui que certains y voient des ententes commerciales entre les

deux. Ce n’est pas le cas mais des liens se tissent de manière tout à fait visible.

Lorsqu’en 1954 Art d’aujourd’hui édite un second album de sérigraphies194, il

correspond si bien à la ligne de la Galerie Denise René qu’une exposition y est

organisée. Elle présente les planches originales de l’ouvrage gravées par Wilfredo

Arcay d’après les œuvres de Bloc, Bozzolini, Breuil, Dewasne, Deyrolle, Dias,

Dumitresco, Istrati, Jacobsen, Lacasse, Leppien, Marie Raymond, Mortensen, Pillet,

Poliakoff et Vasarely195. Mieux, elle les met en relation avec les peintures que

Wilfredo Arcay a transposées en sérigraphies, et elle expose les différents états des

sérigraphies196.

mettent également en évidence les choix des rédacteurs de Cimaise puisque les cinq critiques attachés au comité de rédaction (Roger Van Gindertael, Julien Alvard, Herta Wescher, Michel Ragon et Pierre Restany) présentent chacun sept artistes. Hormis la première édition des Divergences qui a lieu à la Galerie Babylone en juin 1952, les autres événements se déroulent dans les murs de la Galerie Arnaud. Avec l’artiste John Franklin Koenig, le galeriste Jean-Robert Arnaud a été, rappelons-le, le fondateur de Cimaise. 193 Denise René raconte : « Avec l’appui des artistes et plus particulièrement de Vasarely, nous avons fait du 124 de la rue La Boétie un centre culturel avec un grand nombre d’expositions, des organisations de soirées-discussions sur les arts plastiques, etc. » Entretien op. cit., annexe VII. 194 Un premier album, Maîtres de l’art abstrait est annoncé dans le numéro d’août 1953. Sa description est ainsi faite : « 16 planches en couleurs dont certaines en 25 couleurs. Format 49 X 64. 300 exemplaires numérotés signés par les artistes. » Cette première publication contient des œuvres d’artistes à l’origine de l’abstraction : Arp, Balla, R. Delaunay, S. Delaunay, Gleizes, Herbin, Kandinsky, Klee, Kupka, Léger, Magnelli, Mondrian, Picabia, Taueber-Arp, Van Doesburg et Villon. Ce premier album n’est cependant pas ignoré par la Galerie Denise René puisqu’une présentation de ses planches y est organisée au début de l’année 1954 ; tout comme à Bruxelles, où la Galerie Aujourd’hui réalise une exposition plus importante autour de ce même ouvrage. 195 Denise René note : « Il y avait presque tous nos artistes dans cet album ». Entretien op. cit.. Et les premières phrases du texte de Michel Seuphor (cité plus bas) le disent clairement : « La Galerie Denise René pavoise ! Ses peintres sont là au grand complet dans leurs plus beaux atours. » 196 Ce qui fait écrire à Michel Seuphor que « des états intermédiaires [sont] plus expressifs et même plastiquement plus accomplis que l’état final ». “Deuxième Album de sérigraphies”, dans Art

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La démarche inverse existe aussi : Art d’aujourd’hui peut se greffer sur un

projet déjà existant. Il en va ainsi de l’exposition itinérante Klar Form organisée par

Denise René en collaboration avec le peintre Mortensen et le sculpteur Jacobsen.

Les œuvres de vingt artistes abstraits tournent ainsi dans plusieurs villes des pays

nordiques (Copenhague, Aarhus, Helsinki, Stockholm, Oslo, …). Les choses se

passent très simplement comme le rappelle Denise René :

« Quant aux responsables d’Art d’aujourd’hui, nous leur avons

proposé de consacrer un numéro à l’exposition afin d’en faire le

catalogue, ce qu’André Bloc a accepté puisque cela élargissait

l’audience de la revue à la Scandinavie, à la Belgique, etc. »197

C’est ainsi que le numéro de décembre 1951 se trouve presque exclusivement

consacré à l’exposition Klar Form. Il présente chaque participant sur une pleine page

par une courte notice biographique accompagnée d’une brève approche critique,

d’une photographie de l’artiste et de deux reproductions d’œuvre. Cette livraison ne

dénote pas, elle accueille : Arp, Bloc, Calder, Del Marle, Dewasne, Deyrolle, Dias,

Domela, Herbin, Jacobsen, Lapicque, Le Corbusier, Léger, Magnelli, Mortensen,

Pillet, Poliakoff, Marie Raymond, Taeuber-Arp et Vasarely.

Un autre événement lié à la Galerie Denise René touche la revue de très près.

Il s’agit du Salon de la sculpture abstraite dont le président est Roger Bordier, critique

d’Art d’aujourd’hui. Dans cet espace de réflexion et d’expression, le rédacteur livre

ses observations. En mai-juin 1954, il critique sans ménagement le Salon de la jeune

sculpture qui selon lui accorde trop de place à une sculpture figurative dénaturée et

répétitive pour ne laisser que « la partie la plus sombre et la moins dégagée » des

jardins du musée Rodin à la « vraie jeune sculpture »198, celle de Nicolas Schöffer,

Berto Lardera, André Bloc ou Emile Gilioli (ces artistes ont entre quarante-deux et

cinquante-huit ans). C’est cette même livraison, consacrée à la synthèse des arts,

que Roger Bordier rédige en grande partie. Engagé dans une réflexion sur les

salons199 et promoteur de l’intégration des arts dans la vie quotidienne, le critique

d’aujourd’hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 28. 197 Entretien op. cit., annexe VII. 198 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 58. 199 Le texte “Il faut lever l’hypothèque des salons” que Roger Bordier publie dans Art d’aujourd’hui

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s’associe à Denise René, Jean Arp, Nicolas Schöffer et François Stahly pour créer

trois mois plus tard, le Salon de la sculpture abstraite. Celle qui s’intègre à

l’architecture.

Art d’aujourd’hui consacre à l’événement neuf pages qui ressemblent en tous

points à un catalogue : préface du président, indications biographiques et

photographie de tous les exposants, présentation critique et illustrée de leur œuvre et

note d’intention des organisateurs200. Bien que l’appui d’André Bloc et de sa revue fut

un atout, Roger Bordier reconnaît aujourd’hui ne pas avoir su toucher un large public,

préoccupation pourtant constante de ces animateurs qui récusent l’idée d’un art

élitiste201. Il précise que la communication autour de l’exposition ne s’est guère

aventurée au-delà des frontières d’un public conquis d’avance, se limitant aux

lecteurs d’Art d’aujourd’hui, aux habitués de la Galerie Denise René et aux divers

contacts proposés par les artistes. Le microcosme de l’abstraction géométrique

semble bien vivre en vase clos autour de ses galeries, ses critiques, ses artistes, ses

amateurs, ses détracteurs et sa revue.

Un lectorat sollicité

L’ambition fédératrice d’Art d’aujourd’hui reste toutefois une réalité. La revue

souhaite devenir un repère pour les jeunes artistes ; elle les aide et leur offre parfois

l’occasion d’être vus même s’ils ne sont pas connus. Il faut garder en mémoire

combien il est important pour un plasticien de voir son travail reproduit et diffusé202 :

(5ème série, n°6, septembre 1954, p. 22) aborde longueme nt la question de la nécessité ou non d’une sélection des artistes dans les salons. 200 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, pp. 3 à 11. 201 Propos recueillis par courrier le 16 novembre 2005 : « Cela dit, je me rends bien compte maintenant, avec le recul, qu’il eût fallu faire plus, car si nos intentions étaient ouvertes, nous restions un peu trop “entre nous”. Je veux dire : entre convaincus, entre critiques, animateurs et artistes partageant pour l’essentiel les mêmes points de vue. » Voir en annexes, p. XXVIII. 202 Les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui sont bien conscients de cette nécessité et de la situation paradoxale qu’elle peut engendrer. On trouve d’ailleurs sous la plume de Léon Degand ces réflexions, dans “Propos sur la critique”, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7 octobre-novembre 1953, p. 27 : « Faiblesse de l’artiste. Plutôt un article d’éreintement que le silence. » Plus loin : « C’est peu de louer les artistes que l’on trouve bons si l’on ne condamne pas explicitement ce que l’on trouve mauvais. L’éloge n’acquiert sa pleine signification que lorsque l’on peut l’opposer à son contraire. Mais l’on

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faire la couverture d’une importante revue de l’avant-garde représente une chance

incroyable. Le fonctionnement classique d’un organe de presse où les rédacteurs

vont voir des expositions qu’ils commentent ensuite pour le bénéfice des lecteurs, ne

s’applique pas à Art d'aujourd'hui. Si l’on en juge par les archives de la revue203, ces

lecteurs sont bien souvent artistes eux-mêmes. Les frontières sont donc poreuses et

Art d’aujourd’hui le prend en compte. Lors de la première année, une annonce est

diffusée dans le sixième numéro (en janvier 1950) afin d’informer les lecteurs qu’ils

peuvent concourir à la conception d’une couverture pour les livraisons "Cinquante

ans de peinture", "Cinquante ans de sculpture" et "Les Musées d’art moderne".

Il en est de même dans le numéro d’août 1952 où se trouve annoncée la

préparation d’une livraison consacrée à la photographie. Plutôt que de se contenter

des noms connus, il est demandé aux lecteurs d’envoyer leurs propres clichés. Paul

Etienne-Sarisson, responsable de ce numéro, opte pour une classification

thématique organisant sur une même page des photographies signées par des

inconnus ou des célébrités, avec pour seul souci la qualité du cliché et le dialogue

entre les images. Mais le propos ne s’arrête pas aux pages de ce numéro. Durant le

mois qui suit sa sortie, le 24 novembre 1952, Léon Degand et Paul Etienne-Sarisson

proposent une conférence à la Sorbonne, au Cercle Paul Valéry, ayant pour sujet :

« Esthétique de la photographie d’aujourd’hui ». Accompagnée de « projections [de]

documents »204 commentés par les deux collaborateurs de la revue, cette

intervention n’est autre qu’une présentation de ce numéro d’Art d’aujourd’hui

consacré à la photographie.

n’accordera pas à n’importe qui les honneurs et la publicité d’un éreintement. » Et cette anecdote : « Ce peintre à ce critique : “Les critiques ? Tous des idiots. Ta revue ? Complètement idiote.” Le critique au peintre, en fin de conversation : “L’un de ces jours j’irais bien à ton atelier, voir ce que tu fais. ” Le peintre, alléché : “C’est pour un article dans ta revue ?” » De plus, citons cette lettre du peintre Jean Bazaine, en date du 28 novembre 1949, adressée à Degand à propos d’un texte sur sa peinture, qui s’achève par ces mots : « Et cette photo-timbre-poste parue à l’envers !... » (Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand). On peut lire également à ce sujet les quelques exemples riches d’enseignement que cite Françoise Levaillant dans sa préface aux Revues d’art à Paris 1905-1940 op. cit., pp. 13 et 14. 203 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. 204 Annonce diffusée dans Art d’aujourd’hui spécial photographies, 3ème série, n°7-8, octobre 1952, p.

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Les films sur l’art

L’esprit d’initiative d’André Bloc et les moyens qu’il se donne pour défendre

ses idées semblent sans limite. Après avoir créé quatre revues, édité bon nombre

d’ouvrages et équipé sa rédaction d’un atelier de sérigraphie, il se lance dans la

production de films sur l’art. On peut facilement suivre l’évolution du projet dans les

pages d’Art d’aujourd’hui. En avril-mai 1951, Léon Degand fait le compte-rendu d’une

projection organisée par l’association Les Amis de l’art : « Il est temps de prêter

attention, et très sérieusement, à ce qui se passe dans [ce] secteur nouveau de la

diffusion artistique. »205. Le numéro de juillet 1951 annonce – photographie du

tournage à l’appui – qu’André Bloc et Edgard Pillet entament une série de films sur

l’art. Dans les deux livraisons suivantes, Léon Degand puis Roger Van Gindertael

rédigent un texte général sur le sujet206.

Deux courts métrages sont alors réalisés par Edgard Pillet, un sur Alberto

Magnelli et un second sur Henri Laurens. On comprend aisément l’attirance des

rédacteurs de la revue pour le film sur l’art : il bénéficie de l’attrait du cinéma, art

populaire plus à même de séduire le plus grand nombre que la lecture d’une revue

spécialisée207. Cela semble particulièrement probant lorsqu’il s’agit de filmer la

sculpture. Le cinéma permet de mieux appréhender la troisième dimension ; il offre la

possibilité d’avoir un point de vue global sur une œuvre dans un même plan,

d’effectuer un panorama vertical ou circulaire dans une seule prise ou d’offrir

successivement différents angles de vue (gros plans, plans larges, etc.) grâce au

montage. La caméra devient ainsi l’outil nécessaire, indispensable, qui souligne une

exigence partagée par certains sculpteurs :

64. 205 “Films sur l’art”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p. 28. 206 “Le Film sur l’art”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, pp. 27 à 29. Et “Quelque s remarques à propos des films sur l’art”, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°1, décembre 1951, pp. 31 et 32. 207 L’enthousiasme pour le cinéma de la part de partisans de la synthèse des arts se lit déjà en 1927 sous la plume du co-fondateur de la revue Vouloir (n°26), Emile Donce-Brisy, dans un article intitulé “Puissance du cinéma” : « Une synthèse ! Architecture, plastique, chorégraphie, beauté naturelle et beauté recréée, statisme et dynamisme, vie multipliée, langage nouveau, universel ! ». Cité dans le catalogue Vouloir, Lille 1925, Le Cateau-Cambrésis, 2004, p. 27.

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« Observée circulairement, l’œuvre ne [doit] montrer aucune partie

neutre, inexpressive, mais se reconstituer plastiquement dans la

même unité au fur et à mesure que le regard la [découvre]. »208

Cependant, si le cinéma de ce temps apporte le mouvement, la couleur manque

encore comme dans les reproductions de la revue. De plus, les rédacteurs d’Art

d’aujourd’hui préconisent dans leurs articles l’abandon du commentaire et de la

musique. Est-ce parce qu’Edgard Pillet partage ces idées que son second film – celui

sur Henri Laurens – est muet ? Lui qui a beaucoup écrit durant toute sa vie, qui est à

l’origine de la création d’Art d’aujourd’hui se passe ici de l’appui du texte. Il est

difficile d’affirmer qu’il s’agit-là d’un choix délibéré du réalisateur. Son épouse, Sylvie

Nordmann, évoque en ces mots son travail :

« Je ne suis pas certaine que le choix du muet soit au départ

volontaire mais plus dicté par des considérations financières. En

revanche, Edgard disait qu’il était très content in fine que ce soit ainsi

et il était particulièrement content de la dernière séquence où

Laurens qui d’après lui détestait être le sujet de photos ou de films,

se “libérait” et cueillait une fleur. »209

Le caractère expérimentateur de Pillet lui aura certainement permis de transformer

une faiblesse en force en exploitant toutes les capacités de son outil. C’est en tout

cas en plasticien qu’il a abordé, avec la caméra, le travail de Magnelli, jouant sur des

rapports de formes par les enchaînements qu’il propose. Le film reste très didactique

établissant, sans redondance, un lien très fort entre le texte de la voix off et

l’image210.

208 Propos de Roger Bordier recueillis par courrier, op. cit., p. XXVIII. 209 Echange de courriels du 6 décembre 2005. 210 Film visionné dans les archives privées d’Edgard Pillet.

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Le Groupe Espace211

Comme le souligne Roger Bordier, « tourner autour » d’une œuvre en trois

dimensions constitue une des préoccupations des sculpteurs et des architectes

membres du Groupe Espace :

« Le débat qui dominait alors portait, dans les deux arts, sur un

même refus : celui de la face préférentielle. Pour les architectes,

l’exemple le plus détestable était la fameuse façade

haussmannienne. Tout pour la rue, l’opulence présentée aux

passants, et derrière, peu importe… Il fallait donc concevoir des

types de construction égalitaire, n’excluant pas pour autant

l’esthétique mais celle-ci devant concerner toutes les parties. De

même, pour les sculpteurs, engagés sensiblement dans une

réflexion identique, l’on devait pouvoir, comme ils aimaient à dire,

“tourner autour” »212.

L’action de la revue s’étend, réticulaire, à tous les domaines non encore

exploités. Ainsi en va-t-il de la création du Groupe Espace au sein duquel on

retrouve quelques fidèles du comité de rédaction de la revue : André Bloc

(président), Félix Del Marle (secrétaire général et principal initiateur de ce projet),

Edgard Pillet (délégué à la propagande) et Pierre Faucheux (membre du comité).

Paul Etienne-Sarisson et Pierre Lacombe participent à l’assemblée générale

constitutive de l’association du 17 octobre 1951 au Grand Palais213. Elle comprend

des architectes, des constructeurs et des plasticiens d’avant-garde qui désirent

travailler ensemble à la Reconstruction de la France de l’après-guerre. Comme il a

été vu à travers les débats qui animent L’Architecture d’aujourd’hui les réalisations en

cours ne correspondent pas, selon eux, aux avancées techniques et sociales de leur

temps. La raison première reste « la dissociation des arts plastiques : peinture,

211 Pour une étude synthétique et complète du Groupe Espace, on pourra se référer au texte de Véronique Wiesinger, "La Synthèse des arts et le Groupe Espace 1945-1975", dans Abstraction en France et en Italie 1945-1975. Autour de Jean Leppien, Paris, 1999, pp. 119 à 134. En attendant le résultat des recherches de Juliette Combes Latour dans le doctorat qu’elle prépare sur le sujet. 212 Op. cit. 213 Pour la liste détaillée des participants, voir Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°1, décembre 1951, 2 ème de couverture.

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sculpture, architecture »214. Seule une intelligente synthèse de ces trois disciplines

peut rendre la vie plus harmonieuse. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : du

conditionnement de l’être humain par son environnement. Les membres du Groupe

Espace préconisent dans leur manifeste diffusé par Art d'aujourd'hui en octobre

1951 :

« Un Art soucieux des conditions de vie, privée et collective, un Art

essentiel même à l’homme le moins attiré par les valeurs

esthétiques. Un Art constructif qui, par d’effectives réalisations,

participent à une action directe avec la communauté humaine. »215

Ici encore, Art d'aujourd'hui reste une source fiable pour suivre,

sporadiquement il est vrai, l’évolution du Groupe Espace. Elle se fait l’écho des

concours ouverts aux membres, de la création d’une branche suisse, anglaise puis

suédoise216. Elle présente les résultats du concours pour l’immeuble au 19 de la rue

du Docteur Blanche sans pour autant mentionner qu’il s’agit également d’une

exposition ouverte au public depuis le 18 juin217, commente sur deux doubles pages

l’importante exposition qui se tient à Biot durant l’été 1954218, illustrée par des

photographies d’œuvres au milieu d’un paysage méditerranéen (un espace couvert

protégeant maquettes et clichés) sans réelle démonstration d’une synthèse des trois

arts. Et surtout, en décembre 1953, Edgard Pillet y publie un bilan qui montre assez

bien combien cette association séduit les créateurs219 :

214 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, 2 ème de couverture. 215 Op. cit., voir en annexes p. X. Le manifeste est également publié le même mois dans L'Architecture d'aujourd'hui n°37. 216 Domitille D’Orgeval signale également la fondation de Groupes Espace en Belgique en 1952 à l’initiative de Jo Delahaut (nous trouvons dans Art d'aujourd'hui la trace d’un groupe "Art abstrait"), puis à partir de 1955, en Italie, Finlande, Tunisie et Turquie. Dans L’Engagement et la contribution d’André Bloc pour l’architecture et les arts de l’espace, mémoire de Maîtrise d’histoire de l‘art, Paris, 1996-1997, op. cit., pp. 39 et 40. 217 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°5, juillet 1953, pp.22 et 23. La livraiso n précédente, qui couvre les mois de mai et juin 1953, est celle dédiée au cubisme. Exceptionnellement, elle ne contient pas de page d’actualités. 218 Pierre Guéguen, “Une démonstration du Groupe Espace”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, pp. 18 à 21. 219 Le nombre de ses adhérents va croissant, certains y voyant sûrement la garanti d’obtenir des contrats. La consultation du fonds Delaunay qui contient les coordonnées de chaque membre année après année, rend ce chiffre tangible par l’augmentation sensible des pages de ces annuaires. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.

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« la liste de nos adhérents : 52 architectes, 22 peintres, 8 sculpteurs,

26 plasticiens, ainsi que des décorateurs, entrepreneurs,

constructeurs, mosaïstes, tapissiers, peintres-verriers, céramistes,

etc., groupant 16 nationalités différentes ».

Mais la séduciton ne semble pas s’étendre aux maîtres d’ouvrage puisque Edgard

Pillet ne peut citer que trois « principaux ouvrages » : les usines Renault à Flins, la

Maison de la Tunisie à la Cité universitaire de Paris et l’imprimerie Mame à Tours220.

L’architecte Claude Parent, alors membre du Groupe Espace, considère aujourd’hui

la revue comme l’organe de presse qui diffuse le mieux les idées de l’association221.

Dans les faits, il n’y a cependant que trois articles et six brèves et annonces en lien

direct avec le Groupe. Mais l’esprit est là et le Groupe Espace ressemble bien à un

formidable outil de mise en pratique des idées développées par Art d'aujourd'hui222.

L’Atelier d’art abstrait

La même synergie caractérise les relations entre Art d'aujourd'hui et l’Atelier

d’art abstrait que créent Edgard Pillet – co-fondateur de la revue – et l’artiste Jean

Dewasne223. Dans sa livraison d’octobre 1950, Art d'aujourd'hui annonce son

ouverture le 16 octobre dans des locaux situés rue de la Grande-Chaumière (connue

pour ses académies d’art). La semaine suivante, une conférence y est organisée par

les collaborateurs d’Art d’aujourd’hui. Car cet Atelier ne dispense pas seulement des

cours de technique, il propose également des interventions d’artistes et de critiques

220 Edgard Pillet, “Groupe Espace”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 18. Dans un entretien du 7 novembre 2006, Claude Parent avance même que le Groupe Espace a surtout fonctionné du temps du ministère d’Eugène Claudius-Petit : « Il donnait des commandes aux architectes et aux artistes qui faisaient parti du Groupe Espace. Il jouait le jeu d’aider les artistes. Du jour où ce ministre a dû arrêter la politique, ça a été plus dur. » Voir entretien annexe IX. 221 Entretien, le 1er décembre 2005. 222 Aujourd'hui : art et architecture prend le relais pour présenter et commenter les autres manifestations du groupe à partie de 1955. 223 Lydia Harambourg avance que « c’est à la demande de l’Ambassade américaine qui le sollicite que Dewasne ouvre un atelier qui doit accueillir les G.I. auxquels leur gouvernement offre quatre ans de bourse. » Dans L’École de Paris, Neuchâtel, 1993, p.142.

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reconnus, les conférences des Mardis de l’Atelier224. A la lecture de la note

d’intention de Dewasne et Pillet225, on constate qu’une même ligne guide l’Atelier

d’art abstrait et la revue. Ainsi, l’un et l’autre envisagent l’histoire de l’art comme

tendue vers l’abstraction226. De même, un peu à la manière Art d’aujourd’hui, dans

ses pages de brèves (propositions de bourse, appels pour des expositions, etc.),

Dewasne et Pillet veulent multiplier les occasions de rencontres et d’échanges227.

Enfin, de ces rencontres et échanges découle une idée partagée par les tenants de

l’abstraction géométrique et de la synthèse des arts : le travail collectif.

« [Les élèves] ne se contenteront pas de recevoir. […] Ils

participeront, chacun selon son désir, à une œuvre collective et à

chacun incombera une part de responsabilité dans les réussites

comme dans les échecs du mouvement. »

En somme, il s’agit ici de contribuer non seulement à une réalisation particulière mais

aussi à la réalisation de l’abstraction.

Notons que l’apparition de cet Atelier d’art abstrait cause quelques remous

dans le monde de l’avant-garde de l’époque. Son existence revient pour certains –

notamment les abstraits lyriques –, à académiser l’avant-garde abstraite. Michel

Ragon, futur critique de Cimaise, traduit parfaitement ce point de vue : « Dans le

milieu où j’étais, cela paraissait une plaisanterie : faire une académie d’art abstrait

c’était vraiment le non sens absolu. Donc je n’y suis jamais allé. »228 La création de

cet Atelier n’est pas non plus sans conséquence sur les rédacteurs d’Art

d’aujourd’hui ; elle est la cause d’une première scission entre les membres de la

224 Le programme de ces conférences se trouve dans Paris-Paris 1937-1957, Paris, 1992, p. 420. 225 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, p. 32. 226 On lit sous la signature des deux artistes : « On ne peut comprendre l’histoire de l’art depuis un siècle si on néglige son but essentiel, la marche à l’abstraction. » Cette même interprétation reste très sensible dans Art d’aujourd’hui et notamment dans le numéro « Cinquante ans de peinture » qui replace l’abstraction dans la continuité de l’histoire de l’art. Léon Degand écrit en conclusion de son “Essai de classification” : « Le mouvement pictural, de 1900 à 1950, se caractérise par une conquête progressive de l’autonomie de la peinture, comme langage et comme expression. » Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, p. 4. 227 « Il devient en effet indispensable de créer un lieu où les jeunes peintres puissent connaître tout ce que leurs aînés ont déjà apporté à cet art ; un lieu où les contacts, les réflexions et les discussions qu’ils auront entre eux, pourront être constamment revivifiés par la fréquentation des plus grands artistes et des esprits les plus éclairés en cette matière. » 228 Entretien, op. cit.

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revue et Charles Estienne lorsque celui-ci signe L’art abstrait est-il un

académisme ?229. Sa collaboration avec Art d’aujourd’hui continue néanmoins

jusqu’en 1951230.

Cependant, loin de vouloir figer l’abstraction dans un quelconque moule

académique, Dewasne et Pillet cherchent plutôt à former les jeunes artistes à la

technique comme le reconnaît aujourd’hui Michel Ragon :

« J’ai ensuite été ami avec Dewasne et en discutant avec lui je me

suis aperçu que ce […] qu’il voulait enseigner dans cette académie

d’art abstrait, c’était la vie des matériaux, les couleurs, tout un côté

scientifique de la peinture qui allait mal, évidemment, avec

l’abstraction lyrique, bien plus instinctive. »231

Les deux artistes ont pourtant pris les devants en précisant dans leur note

d’intention :

« Il ne s’agira pas, dans cet atelier, de recevoir l’enseignement d’un

maître ; mais plutôt de recueillir tous les renseignements utiles pour

tirer en commun les leçons qui s’imposeront. »

Le jeu sur les termes d’ « enseignement » et de « renseignement » l’indique : l’Atelier

d’art abstrait ne propose pas une lecture unique de l’abstraction, il tient compte, au

contraire, de toutes les expériences232.

Au-delà de l’Atelier, le pamphlet de Charles Estienne ne reste pas sans suite :

dans le numéro de mars 1951, Léon Degand répond longuement à son collègue

avec L’épouvantail de l’académisme abstrait233. Comme à son accoutumé, le critique

se montre déterminé et démonte méthodiquement l’argumentation de Charles

Estienne ; mais le ton reste assez courtois. Il n’en est pas de même trois ans plus

tard dans un extrait de l’ouvrage de Pierre Guéguen, Art abstrait, art scandaleux234 et

229 Editions de Beaune, Paris, 1950. 230 Précisons que Charles Estienne a peu écrit pour la revue. On compte en effet huit articles et six brèves de juillet-août 1949 (1ère série, n°2) à avril-mai 1951 (2 ème série, n°5). 231 Entretien, op. cit. 232 Nous préférons utiliser le terme d’expérience plutôt que celui d’avis car il est bien entendu que l’Atelier n’est pas tant un lieu de discussions que de pratique. Si le discours n’est pas exclu, il ne peut cependant que se soumettre à la pratique. 233 Pp. 32 et 33. 234 Publié aux Editions de Beaune comme L’Art abstrait est-il un académisme ?

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titré “Le Bonimenteur de l’Académisme Tachiste”235. Charles Estienne y est décrit

comme un critique instable, narcissique et opportuniste ne faisant encore illusion

qu’auprès d’un « infra petit monde » de « cinq pelés ». Pierre Guéguen le compare à

une belette qui va occuper les terriers creusés par les autres. Au fond, ce qui est

reproché dans un premier temps à Charles Estienne, c’est d’avoir trahi236 les

abstraits géométriques qu’il défendait jusqu’alors aux côtés de Léon Degand, en

accusant l’Atelier d’art abstrait de dérive académique. Dans un second temps, en

1954, c’est son engouement pour le tachisme qui est dénoncé par les rédacteurs

d’Art d’aujourd’hui. Et c’est bien Charles Estienne que Léon Degand vise, une fois de

plus, dans “Attention aux simulateurs”237 lorsqu’il aborde le cas de « la simulation

sublimée », sorte de synthèse de l’automatisme des Surréalistes et de l’abstraction. Il

n’a pas encore été possible d’établir un lien certain entre ces différents écrits et une

mention faite dans les archives de la revue238 à un procès opposant Charles

Estienne à Pierre Guéguen en avril 1954239. Mais le doute reste assez faible et l’on

peut constater que l’affaire a fait son chemin.

Elle a même largement dépassé les limites de l’Atelier d’art abstrait puisque

l’existence de ce dernier ne va pas jusque là : Edgard Pillet interrompt cette activité

dans le courant de l’année 1952240. Marc Ducourant invoque des raisons financières

et le manque de temps de l’artiste pour se consacrer à sa propre création241. Avant

cela, tout au long de l’aventure de l’Atelier d’art abstrait, Art d’aujourd’hui remplit avec

assiduité son rôle de passeur d’informations. D’octobre 1950 (mois de la création de

235 Dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, pp. 29 et 30. O n notera que Pierre Guéguen renvoie à Charles Estienne ce gros mot qu’est « académisme » ! 236 Le verbe « trahir » ne semble pas trop fort. C’est en ces termes que Denise René parle encore aujourd’hui de Charles Estienne : « Il n’était pas à une contradiction près pour être original, y compris jusqu’à sa trahison. » Entretien, op. cit. annexe VII. 237 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, pp. 10 et 11. 238 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. 239 Dans Art d'aujourd'hui de mars-avril 1954 (5ème série, n°2-3), Pierre Guéguen écrit “Matière et maîtrise une évolution : le tachisme” dans lequel il épingle encore Charles Estienne, accusant notamment des « retourneurs de vestes » de « stéréotyper » le Géométrisme abstrait (p. 52). 240 Jean Dewasne ralentit le rythme de ces rendez-vous avec les jeunes artistes mais continue son action ainsi que le rappelle un petit encadré paru dans Art d’aujourd’hui de janvier 1953 (4ème série, n°1) : « L’atelier d’art abstrait de Jean Dewasne p oursuit son activité […]. Cours et corrections tous les mercredis à 10h30. » 241 Dans son mémoire de D.E.A., L’Œuvre d’Edgard Pillet, op. cit.

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l’Atelier) à juin 1952, la revue fait mention de ses activités dans dix numéros sur les

douze parus : annonce du programme des conférences, résumé de celles-ci,

comptes-rendus des activités, photographies de l’Atelier, informations diverses.

Enfin, la livraison d’avril-mai 1951 s’illustre par une couverture réalisée à l’issu d’un

concours donné aux élèves de Pillet et Dewasne. L’Atelier d’art abstrait, par ses

idées, sa pratique, ses conférences données en grande partie par les rédacteurs

d’Art d’aujourd’hui, apparaît bien comme un prolongement de la revue.

Ainsi, les animateurs d’Art d'aujourd'hui tentent de pallier la frilosité des

musées face à l’avant-garde, et utilisent les techniques à disposition (cinéma,

imprimerie) ainsi que les entreprises individuelles et leurs logistiques (telles que les

galeries) dans un même but : la défense de l’abstraction géométrique et de la

synthèse des arts. Ici, la dispersion des initiatives n’est qu’apparente. Elle permet

d’œuvrer pour la réalisation effective de la synthèse des arts grâce au Groupe

Espace, pour la formation des nouvelles générations de peintres grâce à l’Atelier

d’art abstrait242, et pour la formation des différents publics grâce à la multiplication

des sources d’informations (conférences, éditions de livres et de revues, films sur

l’art, expositions en France et à l’étranger). Ainsi, Art d'aujourd'hui se trouve au cœur

d’un large programme où chaque projet a sa place et sa part de public à conquérir.

c. Aujourd’hui : art et architecture

Pourtant, les pages d’Art d'aujourd'hui dévolues à la promotion de l’abstraction

géométrique et de la synthèse des arts deviennent bientôt trop étroites pour englober

ce large champ d’action. "Art" pèse lourd tant dans le titre que dans la revue. Ce

terme à la définition flexible et multiple enferme cependant la revue dans une

acception trop classique qui ne fait pas assez de place aux arts appliqués. C’est en

tout cas l’avis d’André Bloc… et il ne fait pas l’unanimité :

242 Roger Bordier raconte : « Cet atelier était très connu aussi pour les conférences qu’il organisait rue de Rennes, au fameux "44" dans l’immeuble où habitait Sartre. Il y avait d’ailleurs en ce lieu bien d’autres rencontres et il était courant d’entendre : tu viens au 44 ?... On se voit demain au 44… »

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« Ce changement de titre a été sujet à discussions parce que nous

étions contre – Degand aussi, je crois. Art d'aujourd'hui devenait

Aujourd’hui, on supprimait le mot "art", cela nous gênait beaucoup.

Mais André Bloc voulait développer la revue dans un esprit

d’élargissement ; c’est-à-dire continuer à la développer sur le plan

artistique mais plus amplement, la diversifier vers toutes les

initiatives, les objets de design, tout ce qui relevait d’un certain

fonctionnalisme dont on parlait beaucoup à ce moment-là. Le design

intéressait André Bloc qui voulait introduire dans la revue la création,

l’invention d’objets, de mobilier. Il est vrai que jusque-là, avec Art

d'aujourd'hui nous étions dans le domaine peinture-sculpture. André

Bloc voulait aller au-delà et pouvoir parler aussi bien d’une peinture

que d’une nouvelle forme de machine à écrire. »243

Les deux dernières livraisons d’Art d'aujourd'hui

Le numéro de novembre 1954244 annonce l’intégration d’Art d'aujourd'hui dans

Aujourd’hui : art et architecture, sous forme d’un “Faire-part de naissance“245. Sur

une pleine page, douze paragraphes commençant par « aujourd’hui » – en gras et

dans une police de taille supérieure au reste du texte – présentent la revue à paraître

dans sa forme (une pagination triplée par rapport à celle des numéros courants d’Art

d'aujourd'hui et l’introduction de la couleur), sa fréquence (un bimestriel) et son

contenu. Ici, la filiation avec Art d'aujourd'hui est appuyée ; une manière de rassurer

le lecteur et de l’amener au dernier paragraphe, qui se montre insistant ?

« Aujourd’hui a besoin de votre concours et vous prie instamment de

souscrire votre abonnement et surtout de faire connaître la revue

autour de vous pour aider à faire connaître ce que notre époque

apporte de plus vivant et de plus valable dans le domaine des arts. »

Dans Quand triomphait l’art abstrait, Pantin, 2009, p. 21. 243 Entretien avec Roger Bordier, voir annexes V. 244 Il s’agit de l’avant-dernière livraison d’Art d’aujourd’hui. 245 Op. cit., p. 8.

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Le ton surprend par son autorité qui presse le lecteur à reconduire « son »

abonnement ; tel un devoir rendu à la justice artistique et non à la raison sociale. La

pression est forte, chacun possède un rôle auquel il ne doit pas faire défaut, y

compris le lecteur.

Avec des textes tels que “L’artiste et l’éthique“246 de Vasarely, “Le Commerce

de l’art“247 de Seuphor et “L’art de négliger l’essentiel“248 de Degand, cet avant-

dernier numéro d’Art d'aujourd'hui prend des airs de conclusion. Tous signés par une

plume de renom – un artiste phare de l’abstraction géométrique, le critique de

l’abstraction historique et une forte personnalité de la revue –, ces articles font un

point sur les préoccupations propres à leur rédacteur. Vasarely propose un bilan de

sa situation d’artiste : la place du créateur, son rôle, son attitude, celles des critiques,

des conservateurs, être à l’avant-garde et/ou être reconnu, la création et les muses,

les techniques, le monde moderne. Ses réflexions s’accompagnent tout au long du

texte des notions de courage, de persévérance et avant tout, de travail. Michel

Seuphor livre, quant à lui, un article à la violence désabusée. Ni les artistes, ni les

critiques, ni les marchands ne trouvent grâce à ses yeux. Seuls le public et l‘œuvre

possèdent, selon lui, une vérité ; le public est capable d’émotion et l’œuvre existe.

Enfin, Léon Degand revient sur l’amalgame qui perdure entre l’abstraction et une

certaine figuration, avec la nécessité de saisir ce qui sépare ces deux expressions.

Art d’aujourd’hui paraît donc une dernière fois en décembre 1954 avec un

numéro un peu hybride qui contient une déclaration mordante du comité de rédaction

adressée aux « pouvoirs officiels », “Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs

officiels“249. Il s’agit d’un récapitulatif accusateur de toutes les incongruités relevées

dans les musées et les foires internationales, lequel aurait parfaitement trouvé sa

place aux côtés des textes cités précédemment ; là encore, une forme de conclusion

aux cinq années de réquisitoire contre les méthodes d’expositions des institutions. A

la suite de cela, un texte sur Paule Vézelay250 se trouve pris entre neuf pages

246 Op. cit., p. 16. 247 Op. cit. p. 17. 248 Op. cit., p. 22. 249 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 2 et voir également en annexes p. XI. 250 Michel Seuphor, “Paule Vézelay“, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, op. cit., p. 12.

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constituant un petit catalogue du premier Salon de la sculpture abstraite251 et onze

sur la calligraphie japonaise252. Enfin, avant les traditionnelles pages consacrées à

l’actualité des expositions, se trouvent récapitulées les cinq années de couvertures et

de sommaires des trente-six numéros d’Art d'aujourd'hui253. Janvier 1955 laisse alors

place à la nouvelle formule.

Janvier 1955, premier numéro d’Aujourd'hui : art et architecture

La couverture en papier glacé d’Aujourd’hui se compose de quatre

photographies représentant un avion254, la bibliothèque d’enfants d’Hiroshima255, un

fauteuil de jardin présenté à la dixième Triennale de Milan dans la section étrangère

Grande-Bretagne (page 91 de la revue) ainsi qu’un détail d’une sculpture d’Eduardo

Chillida256. Cette Une a tout d’un programme : pour la réunion de la technique, de

l’architecture, du design et des beaux-arts. Cela n’est pas sans rappeler la

couverture du premier numéro d’Art d'aujourd'hui avec sa Villa Savoye de Le

Corbusier, sa sculpture d’André Bloc et sa peinture de Vasarely : un autre

programme, pas si différent. La typographie reste la même également mais la

pagination se trouve multipliée par trois avec cent huit pages, dont vingt et une de

publicités en ouverture du numéro257. En privilégiant l’architecture et le design sur

les beaux-arts, Aujourd’hui attire les annonceurs de l’équipement. Ces importantes

251 Cet ensemble est constitué de “Premier Salon de la sculpture abstraite“, par Roger Bordier, p. 3, des “Exposants“, pp. 4 et 5, de “Diversité des œuvres, des hommes, des idées“, pp. 6 à 10, et de “Pourquoi un Salon de la sculpture abstraite“, p. 11. Comme nous l’avons vu plus haut, Roger Bordier assure la présidence de ce Salon. 252 Avec des textes de Michel Seuphor, “La Calligraphie japonaise“, pp. 13 et 14, et de Shiryu Morita, “Quelques œuvres classiques de la Calligraphie“, pp. 15 à 17, puis “Classification des tendances des calligraphes contemporains au Japon“, p. 18, et enfin, “Œuvres de calligraphes et notes biographiques“, pp. 19 à 23. 253 Voir annexes pp. II à VI. 254 Il s’agit probablement d’un « A V ROE "Atlantique", transport long courrier », si l’on en juge par les clichés de l’article non signé "Formes en mouvement", pp 46 à 51. 255 Cette architecture du cabinet d’architectes Kunz Tange et du cabinet d’ingénieurs Tuboi, est détaillée dans les pages 38 et 39. 256 L’œuvre est également présentée à la Triennale de Milan dans la section étrangère espagnole et illustre un texte de José Luis Sanchez, pp. 76-77. 257 Pour cette première année, le nombre de pages de publicités reste le même avec le deuxième

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sociétés d’aménagements ou de mobilier (peintures, robinetterie, aéronautisme, ou

encore les marques Formica ou Saint-Gobain, etc.) mettent davantage de moyens

dans leur publicité et s’affichent, pour la plupart en pleine page et pour certaines, en

couleurs. Les galeries quant à elles, se partagent toujours une page divisée en

parcelles de petits rectangles. On constate une concordance ente la charte

graphique des annonces et celle de la revue. On lit effectivement page X258 cet

avertissement :

« Nous avions demandé aux annonceurs de notre revue

"Aujourd’hui" de bien vouloir nous apporter leur collaboration amicale

en donnant à leur publicité une présentation en harmonie avec le

caractère de la Revue.

Nous avons le désir de présenter, dans tous nos numéros, des

cahiers de publicité d’environ 25 pages, nous avons eu seulement à

refuser une page, qui devait paraître en couverture et dont la

conception aurait nui à la démonstration que nous désirions tenter.

Nous nous excusons très vivement auprès de cet annonceur qui,

nous l’espérons, se rangera par la suite à nos avis et nous

adressons nos vifs remerciements à tous ceux qui nous ont fait

confiance. » 259

Une tribune maintenue pour l’abstraction

Divisé en "Art d'aujourd'hui", "Art, science et technique", "Architecture",

"Equipement de l’habitation", "Formes en mouvement", "Dixième Triennale de Milan",

le sommaire expose clairement les différentes disciplines abordées dans la revue. La

partie consacrée aux arts plastiques se situe dans la continuité d’Art d'aujourd'hui260 ;

numéro puis descend à douze dans les trois autres livraisons. 258 Les annonces sont numérotées à part en chiffres romains. 259 L’équipe d’Aujourd’hui compose d’ailleurs six de ces pages (dont trois pour Lacombe). Notons aussi ces fauteuils « Style AA » édités sous le contrôle d’Aujourd’hui par « R. Guys ». 260 Il est d’ailleurs à noter que lors de l’entretien avec Roger Bordier, lorsque nous lui demandons de

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les signatures demeurent d’ailleurs familières (Léon Degand, Michel Seuphor, Roger

Bordier, Pierre Guéguen à partir du quatrième numéro. L’ouverture d’Aujourd'hui au-

delà des limites de l’abstraction géométrique provoque également le retour de Julien

Alvard et Herta Wescher, pourtant impliqués dans le comité de la revue Cimaise. Huit

pages avec des reproductions en couleurs se voient consacrées aux œuvres

abstraites de Ben Nicholson, et Léon Degand conserve même sa tribune en débutant

deux séries : "Pour une révision des valeurs" et "Le Monde comme il va" dans

lesquelles le rédacteur s’exprime avec l’assurance qu’on lui connaît. Le chapeau de

la première série précise ainsi :

« Aujourd’hui commence ici une série d’articles où l’on s’efforcera de

réviser un certain nombre de valeurs qui ne sont souvent établies

que par la force d’inertie de l’habitude ou par manque d’informations

sérieuses. Il ne suffit pas, en effet, de mettre l’accent sur les

créateurs et les principes qui méritent l’attention, l’admiration, la

sympathie, il importe aussi de débarrasser leurs abords de tout ce

qui leur porte préjudice et avec quoi l’on risquerait de les

confondre. »261

André Derain inaugure ce nouvel emportement de Léon Degand. Suivent Courbet,

Picasso ainsi que des notions générales. Plus personnels encore sont les textes du

"Monde comme il va" qui commentent et critiquent l’actualité culturelle vue depuis le

quotidien du rédacteur. Enfin, la partie "Art d'aujourd'hui" se voit complétée par "Les

Expositions", "Les Galeries", et "Photographies" qui offrent un éclairage sur

l’actualité.

On constate avec ce premier numéro qu’Aujourd’hui ne fait pas subir un

changement brusque à la ligne éditoriale d’Art d'aujourd'hui. L’ancienne revue

semble avoir simplement été absorbée par la nouvelle, d’ailleurs bien plus

volumineuse, et complétée par d’autres axes d’études ; le Faire-part de naissance a

tenu ses engagements – ou peut-être faut-il parler de « promesses » car ne

nous raconter la fin d’Art d'aujourd'hui, il relate celle d’Aujourd'hui : art et architecture ne faisant pas de distinction claire entre les deux revues. 261 Op. cit., p. 13.

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s’agissait-il pas un peu de rassurer rédacteurs et lecteurs ?262 Aussi, Léon Degand

maintient-il le cap de l’abstraction géométrique avec, dans la livraison suivante, en

mars-avril 1955, une critique de l’exposition Mondrian que complète un texte de

Michel Seuphor. Vasarely y rédige "Notes pour un manifeste"263 et Roger Bordier,

"Le Mouvement, l’œuvre transformable"264 alors que dans la double page réservée

aux annonces des galeries se trouve celle du "Mouvement" chez Denise René.

L'exposition, organisée à l'initiative du rédacteur séduit par des œuvres animées de

Jean Tinguely exposées à la Galerie Arnaud à la fin de l'année 1954. Elle marque

une étape dans l'appréhension de l'œuvre d'art saisie dans un instant donné plutôt

que fixée pour l'éternité. Léon Degand se charge du commentaire de cet événement

dans le numéro suivant265. Les repères (rédacteurs, artistes, galerie) sont conservés.

En dehors de ces pages consacrées aux arts plastiques, Roger Bordier publie

également "Polychromie architecturale"266 ainsi qu’une enquête sur la présentation

des œuvres dans les musées267, puis dans les galeries268. Ces textes entretiennent

une continuité avec les réflexions d’Art d'aujourd'hui269 sur l’accessibilité de l’art

auprès d’un large public et l’importance de son accrochage.

Une ouverture vers d’autres esthétiques et d’autres créations

Le ton d’Art d'aujourd'hui bien que conservé se retrouve dilué dans l’épaisse

revue dont le but s’élargit à la recherche « dans le monde entier, [des] œuvres les

plus caractéristiques où la création plastique a pu s’exercer correctement » comme

262 En troisième de couverture du dernier numéro d’Art d'aujourd'hui (décembre 1954) se lit en effet : « A la suite de l’annonce de l’intégration d’Art d'aujourd'hui dans notre nouvelle revue Aujourd’hui, nous avons reçu de nombreuses lettres de regrets et d’encouragements […] » Suit un courrier très touchant de lecteur « peintre-instituteur », vivant en province, qui exprime avec émotion et enthousiasme combien la revue, ses rédacteurs, leur style, les artistes qui y sont présentés fidèlement, sont devenus familiers pour lui-même et sa femme. 263Dans Aujourd’hui, n°2, mars-avril 1955, p. 10. 264 Op. cit., pp. 12 à 17. 265 Dans Aujourd’hui, n°3, mai-juin 1955, p. 14. 266 Dans Aujourd’hui, mars-avril 1955, op. cit., pp. 34 à 39. 267 "Musée d’art moderne", dans Aujourd’hui, mars-avril 1955, op. cit., pp. 58 à 73. 268 "Galeries d’art moderne", dans Aujourd’hui, n°3, mai-juin 1955, pp. 66 à 69. 269 Les thèmes récurrents d’Art d'aujourd'hui sont abordés largement dans la deuxième partie de cette

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l’annonce André Bloc dans l’éditorial. Il ajoute : « Nous croyons à l’Unité de la

création, qu’il s’agisse d’urbanisme, d’architecture, d’équipement intérieur ou d’art

pur. » 270 Les champs s’élargissent, donc, mais avec le même souci d’être au plus

près de la création qui animait déjà l’ancienne revue. Ce programme se trouve repris

en introduction de la rubrique "Equipement de l’habitation" avec la nette volonté

d’encourager ainsi les créateurs :

« Nos lecteurs trouveront ici quelques réalisations françaises

nouvelles, dans le domaine de l’ameublement ou de l'équipement,

choisies parmi celles qui nous ont semblé les plus valables.

Comparées aux modèles étrangers présentés dans ce numéro à

l’occasion de la Dixième Triennale de Milan, elles permettent

d’apprécier l’effort de quelques jeunes décorateurs français dans le

domaine du meuble de série. Nous avons l’intention d’ouvrir ici une

rubrique permanente où tous les véritables créateurs disposeront

d’une tribune pour la publication de leurs œuvres. »271

Cette annonce est suivie de quatre pages de photographies. Ces dernières sont

omniprésentes dans Aujourd’hui dont la mise en pages fourmille d’originalités et

d’audaces : flèches en surimpression colorées reliant différentes illustrations et

barrant les textes, photographies colorisées par aplats ou en quadrichromie, titres

des différentes parties en couleurs très vives avec des jeux optiques à la manière de

l’art cinétique, etc. Sur ce point, Aujourd’hui se différencie nettement d’Art

d'aujourd'hui dont la présentation, quoique recherchée, restait plus austère. On peut

y percevoir une adaptation aux couleurs et à l'audace que l'on rencontre dans les

affiches des années cinquante.

A posteriori, le maquettiste Pierre Lacombe définit ainsi les buts d’Aujourd’hui

dans le dernier numéro de la revue :

« L’ambition de la revue Aujourd’hui fut de donner un reflet vivant

des créations artistiques de tous les domaines plastiques. Tout en

traitant de peinture et sculpture comme Art d'aujourd'hui, elle élargit

étude. 270 André Bloc, éditorial d’Aujourd’hui, janvier-février 1955, op. cit., p. 3. 271 Aujourd’hui, janvier-février 1955, op. cit., p. 42.

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son programme à l’architecture, les arts appliqués, mobilier,

équipement, art photographique, art de l’ingénieur, constructions,

ponts, avions, navires, esthétique industrielle, etc… Aucun domaine

plastique dont la qualité était reconnue ne la laissa indifférente. Cette

optique s’accordait parfaitement aux idées d’André Bloc, qui

souhaitait un monde harmonieux où tous les éléments fussent en

accord, et dont les préoccupations plastiques prenaient le pas sur

toute autre considération. »272

Le changement de titre de la revue n’est donc pas anecdotique. En reléguant en

arrière plan « art » et « architecture », André Bloc se donne le droit de s’intéresser à

tout ce qui relève de la contemporanéité (Pierre Lacombe emploie d’ailleurs le terme

de « vivant »), sans restriction. Et la liste énumérée ci-dessus reflète bien l’insatiable

curiosité d’André Bloc mais aussi son parcours : on y lit l’ingénieur de formation

devenu artiste, architecte, plasticien. C’est aussi l’image d’une époque durant

laquelle l’espérance en la science et les techniques est très forte.

Le reflet du besoin de nouveauté d’André Bloc

Claude Parent explique sans détour le choix de ce changement de titre :

l’appétit d’André Bloc se retrouve par trop rationné par ses deux revues et cela, il le

refuse273. L’Architecture d’aujourd’hui est devenue intouchable et immuable, quant à

Art d'aujourd'hui, elle tient sa force de sa stricte ligne éditoriale. Leur fondateur

ressent alors le besoin de s’échapper d’autant qu’il est en train de commettre « une

grande trahison en passant à l’abstraction lyrique »274 et que le rédacteur qui donne

le ton d’Art d'aujourd'hui n’est autre que Léon Degand, inlassable défenseur de

l’abstraction géométrique. André Bloc « [préfère] s’en libérer. » Incapable de

statisme, exigeant à l’extrême, toujours prompt à l’autocritique, il ne peut supporter

272 "Aujourd’hui – 1955-1967", dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 60. 273 Claude Parent écrit à propos de la décision d’André Bloc : « J’applaudissais à cette "critique" qu’un homme aussi important avait le courage de se faire à soi-même. », dans "Souvenir d’Aujourd’hui", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., p. 170 274 Entretien avec Claude Parent, op. cit. annexe IX. Ainsi que la citation suivante.

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que « la merveilleuse et passionnelle petite revue Art d'aujourd'hui »275, sa revue, ne

lui permette pas d’aller là où sa curiosité le mène276. Il laisse cependant la même

équipe en place mais à la mort de Léon Degand, en 1958, le critique Charles Delloye

prend en charge la rubrique et l’oriente vers le lyrisme – ce qui convient bien sûr à

André Bloc. Julien Alvard décrit ainsi cette période qu’il considère comme « le début

d’un nouvel âge d’or de la revue. » Il explique :

« Il n’y avait plus de problème de principe. La revue était ouverte à

tout le monde, on disposait de beaucoup de place. On peut dire que

pendant cinq ou six ans, elle a donné un compte-rendu presque

exhaustif des activités parisiennes. Puis tout recommença à

s’embrouiller. [Avec les débuts du Pop Art, André Bloc] décida que

les temps n’étaient plus à la peinture (ce qui était vrai d’ailleurs) mais

plutôt à la sculpture et à l’architecture expérimentale. Bref, on

retourna à la synthèse des arts comme au premier jour et à la

nécessité de sortir de la confusion. »277

Voilà résumée – par la plume très personnelle de Julien Alvard – une partie de

l’évolution d’Aujourd’hui. On s’aperçoit qu’André Bloc, s’il aime la nouveauté, ne la

cherche pas à tout prix et que ses goûts restent inscrits dans l’abstraction et la

synthèse des arts. Toutefois, au milieu des années cinquante, l’art géométrique est

accepté, ce n’est plus une avant-garde. Dès 1952, Jean-Robert Arnaud et John

Franklin Koenig créent la revue Cimaise pour défendre l’abstraction lyrique

émergente et faire contrepoids à Art d'aujourd'hui, à la Galerie Denise René et plus

généralement, à ce qu’ils considèrent comme l’abstraction froide. Cette même année

Edgard Pillet cesse d’animer l’Atelier d’Art abstrait qui, selon Roger Bordier : « attir[e]

évidemment beaucoup de monde [et a] une assez large audience intellectuelle. Ses

275 Claude Parent, "Souvenir d’Aujourd’hui", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., p. 170. 276 A la lecture du texte de Véronique Wiesinger,"La Synthèse des arts et le Groupe Espace 1945-1975", on trouve d’autres explications qui viennent compléter celle-ci : l’inefficacité d’Art d'aujourd'hui à défendre la synthèse des arts parce que « peut-être pas assez lue par les architectes », le désir d’Edgard Pillet de « se consacrer à sa propre carrière » ainsi que le coût de la revue qui ne pouvait obtenir comme publicités que de modestes encadrés de galeries. Op. cit, p. 127. 277 "De Art d'aujourd'hui à Aujourd’hui parcours d’une revue", dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 60.

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conférences plais[ent] », il ajoute que ce succès ne se limite pas au microcosme des

amateurs de l’abstraction géométrique et précise :

« Il faut dire qu’à cette époque, il n’y [a] guère que ceux que l’on a

appelés – plus tard, d’ailleurs – les géométristes. Ils occup[ent] le

haut du pavé. »278

Cette peinture surprend et séduit un nombre de plus en plus important de

personnes279. André Bloc ne peut que vouloir s’évader vers d’autres esthétiques.

Dans le même élan d’ouverture qui lui fait créer Aujourd’hui, il propose aux

architectes Claude Parent et Patrice Goulet d’animer la partie Architecture de cette

nouvelle revue qui se doit d’être internationale et novatrice. Claude Parent la qualifie

aussi de « violente et agressive »280 : Aujourd'hui ouvre ses colonnes à des projets et

constructions auxquels L’Architecture d’aujourd’hui n’a pas su s’intéresser :

« Ce contenu moderne est allé à Aujourd’hui pour laquelle on ne

disait rien : c’était l’autre revue de Bloc. […] Aujourd’hui est devenu

la figure de proue de L’Architecture d’aujourd’hui. »281

Ainsi, le changement de cap qu’il fait opérer à Art d'aujourd'hui évite à la revue de

sombrer dans le médiocre, soit par d’inévitables concessions qui auraient amené les

rédacteurs à apporter leur commentaire au travail d’épigones de l’abstraction, soit en

subissant la dévalorisation de la popularité de cette esthétique. Comme le note en

effet Raymonde Moulin :

« Ces techniques, apparentées au dumping, ont été largement

utilisées en France dans les années cinquante. Il n’est pas exclu

qu’elles aient eu des conséquences néfastes sur la réputation et le

278 Entretien avec Roger Bordier, op. cit., Annexe V. 279 Raymonde Moulin, dans son ouvrage L’Artiste, l’institution et le marché, Paris, 1992, parle plus généralement de « dictature abstraite » : « Au cours des années cinquante […] le devant de la scène était occupé par les représentants, en concurrence les uns avec les autres, des différentes tendances abstraites. Les tenants de la nouvelle figuration évoquent ordinairement cette dure période de la “dictature abstraite”. » p. 336. 280 Claude Parent, "Souvenir d’Aujourd’hui", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., p. 171. 281 Entretien avec Claude Parent, op. cit., annexe IX.

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devenir économique de l’art abstrait français qui a connu, à certaines

exceptions près, deux décennies de traversée du désert. »282

La fin d’une aventure

Le 8 novembre 1966, André Bloc fait une chute mortelle alors qu’il

photographie les ruines d’un temple de New Delhi. A soixante-dix ans, sa soif de

découverte lui est fatale. Aujourd’hui : art et architecture se trouve bientôt

condamnée, elle ne possède ni l’aura de L’Architecture d’aujourd’hui ni son nombre

d’abonnés et d’annonceurs. Seule l’énergie et la volonté de son fondateur pouvait en

maintenir la publication. Le dernier numéro sort en décembre 1967, il est entièrement

consacré à André Bloc. Les années qui suivent son décès mettent également en

danger L’Architecture d’aujourd’hui. Sous la direction de sa veuve, Pierre Vago

assure la présidence intérimaire jusqu’à ce que Madame Bloc, ne pouvant imposer

un membre de l’équipe plutôt qu’un autre, propose l’architecte François Hébert-

Stevens comme rédacteur en chef, en avril 1967 sur une proposition de Charlotte

Perriand, puis Marc Emery un an après. Mais les directions que prend ce dernier,

donnant une très large place à l’urbanisme, déplaisent au comité. Ces dissensions

finissent de convaincre Madame Marguerite Bloc de vendre la revue, ce qu’elle

entreprend en 1972 auprès du groupe Expansion. Cette décision déplaît autant

qu’elle choque : on ne se débarrasse pas ainsi d’une institution ! Pierre Vago se sent

trahi, la rupture est définitive. Le comité démissionne en 1975 mais le titre perdure.

282 Dans L’Artiste, l’institution et le marché, op. cit., p. 53.

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3 Art d'aujourd'hui en chiffres

« Parmi les quelques cinq mille lecteurs d’Art d'aujourd'hui, beaucoup possèdent la collection complète de notre revue. »283

En 1986, Harry Bellet rédige un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise. Se

basant sur des techniques propres à l’archéologie, il choisit de privilégier une

approche combinant « des méthodes informatiques et de gestion de données »284.

L’étude de la revue se compose alors en grande partie d’index et de tableaux. Ayant

travaillé sur cette même revue, en 2001, nous avons pu en apprécier l’utilité. Dans le

cadre de cette thèse, il a semblé indispensable de réfléchir aussi à la méthodologie

de cette étude. C'est-à-dire : comment aborder une revue ? Quels peuvent être les

axes, les méthodes qui permettront d’approfondir la recherche ? Comment donner un

nouvel éclairage tant sur la revue que sur les possibilités offertes pour l’aborder ?

La mise en questions de ce travail même conduit à donner une place

importante aux index de la revue même si leur caractère purement utilitaire les

relègue dans les parties annexes. Cette démarche privilégiant le quantitatif est peu

courante en histoire de l’art, il faut en convenir. Elle n’est pourtant pas à négliger

dans ce corpus. Au-delà d’une approche tautologique de la recherche, ces outils

d’inventaire constituent une indispensable et indéniable aide pour poursuivre

l’ensemble de l’étude. Ils font ressortir des particularités d’Art d'aujourd'hui qui

n’apparaissent pas à la lecture – même approfondie – et viennent confirmer ou

infirmer des impressions. Léon Degand a-t-il une fréquence de publication qui

pourrait expliquer son influence sur la ligne éditoriale ? André Bloc profite-t-il de sa

revue pour se sur-représenter ? Victor Vasarely est-il aussi présent que John

283 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952, 2 ème de couverture. 284 Harry Bellet, Cimaise, 1953-1963, Mémoire de maîtrise sous la direction de Fanette Roche, Université de Paris I, 1986, p. 2.

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Franklin Koenig le prétendait ? D’autres artistes accaparent-ils les pages ? Ou

certains sont-ils curieusement discrets voire absents ?

Ces observations alimentent cette étude. Elles découlent de tableaux et

courbes qui s’appuient pour la majorité d’entre eux sur les index. Ils en sont le reflet

graphique et permettent de visualiser les artistes les plus cités ou qui ont le plus

collaboré à Art d'aujourd'hui, ainsi que la fréquence de participation des rédacteurs.

D’autres tableaux quantifient également l’évolution physique de la revue. Autant de

données qui viennent s’ajouter à ce qui a pu être écrit précédemment, qui

l’enrichissent d’un regard nouveau puisqu’ils forcent à se projeter un peu plus dans le

quotidien d’Art d'aujourd'hui afin de donner sens aux chiffres.

Enfin, qu’en est-il de l’audience d’Art d'aujourd'hui ? Qu’elle est la portée d’une

revue aux si grandes ambitions (artistiques et sociales) ? Une question qui persiste à

la lecture de textes dénonçant la quasi-indifférence des pouvoirs publics pour l’art, de

réflexions sur les conditions d’amélioration de vie des artistes, de recherches d’une

démocratisation de la création, d’articles de révolte sur l’absence d’une

muséographie intelligente, de notes encourageant l’apprentissage des arts à l’école.

Tout cela ne subsiste-t-il qu’imprimé sur le papier ou a-t-il une chance de trouver un

écho en dehors des pages de la revue ?

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a. Présentation chiffrée

L’histoire d’Art d'aujourd'hui a été racontée, ses rédacteurs, présentés, sa

ligne éditoriale, déterminée, et ses actions, détaillées. Il reste encore à envisager les

variations quantifiables de la revue, c’est-à-dire la fréquence de ses parutions et

l’évolution de sa pagination. Les réflexions qui suivent découlent des tableaux et

graphiques réalisés à partir des ours et des sommaires d’Art d'aujourd'hui (annexe I).

Selon leur nature et pour des raisons de lisibilité, certaines de ces représentations

chiffrées se trouvent, elles aussi, en annexes, d’autres, dans le corps de la thèse.

Parutions d’Art d'aujourd'hui par séries et par années civiles

Si l’on se réfère aux deux tableaux en annexes X et XI, on constate que bien

que jusqu’au début de l’année 1952 (3ème série, n°3-4, février-mars) l’ours qualifie Art

d'aujourd'hui de revue mensuelle285, l’irrégularité des parutions est flagrante, eten

premier lieu dans le nombre de livraisons éditées dans chaque série : neuf lors de la

première, puis huit, six, sept et enfin six. Dans la fréquence ensuite, qui ne respecte

pas un rythme bimestriel. Cela n’est pas stabilisé avec les années – on aurait même

tendance à penser que la première série reste la plus régulière, avec, visiblement, la

tentative d’une cadence mensuelle. Enfin, les séries ne commencent jamais au

même mois : juin, octobre, décembre, janvier puis février. Le tableau indiquant les

parutions par année civile montre cependant une couverture assez dense de la

période de ces presque six années. On constate également que plus d’un trimestre

sépare la première de la deuxième série. Cette période correspond à un changement

de maquette : les couvertures deviennent cartonnées, la pagination augmente. De

plus, le premier numéro de la deuxième série, consacré aux musées, est une

publication d’envergure qui demande la participation de relais à l’étranger. On y

trouve en effet un texte de Willem Sandberg, de la documentation sur des musées

285 Tout en précisant, dès octobre 1950 (2ème série, n°1), à côté des tarifs d’abonnements annue ls :

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américains ainsi qu’un compte-rendu de Michel Seuphor revenu d’un séjour en

Hollande.

Février et surtout septembre restent des périodes plus calmes. On ne peut

que constater cet état de fait ; il est difficile d’en tirer des conclusions. A posteriori, la

parution des publications semble tellement éloignée de toute logique (une fréquence

strictement bimestrielle, un numéro double en été ou un numéro consacré au Salon

des Réalités Nouvelles en août, etc.) que l’on ne peut que supposer que cette

irrégularité n’est que le résultat de diverses contraintes : retard dans les textes,

difficulté à obtenir des reproductions, temps nécessaire à la réalisation de la

maquette, période pleine pour l’imprimeur, etc. S’adjoint à cela la participation des

artistes pour certaines couvertures et pour les encarts couleurs qui s’ajoute à la

gestion des collaborateurs.

Evolution de la pagination

Ce graphique met en évidence le nombre de pages de la revue, numéro par

numéro. Ce décompte est établi sur la base de la pagination d’Art d'aujourd'hui.

Ainsi, le nombre de pages de la première année comprend à chaque fois la

couverture comme l’indique le seul numéro paginé de cette série (soit le deuxième).

En revanche, pour les autres années, la couverture n’est pas prise en compte

puisqu’elle ne l’est pas dans la table des matières des revues.

De plus, un point gris indique les numéros contenant un encart couleurs.

« 8 numéros ».

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80

64

3236

24

48

40

1ère

sér

ie n

°1n°

2

n°3

n°4

n°5

n°6

n°7-

8

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n°10

-11

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rie n

°1 n°2

n°3

n°4

n°5

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n°7

n°8

3èm

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rie n

°1 n°2

n°3-

4n°

5n°

6n°

7-8

4èm

e sé

rie n

°1 n°2

n°3-

4

n°5

n°6

n°7

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5èm

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rie n

°1

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3n°

4-5

n°6

n°7

n°8

Numéro des revues

Nom

bre

de p

ages

Contrairement à la fréquence de parution, la pagination, elle, reste assez

stable. Le graphique met bien en évidence la scission que provoque la deuxième

série par rapport à la première en posant la charte définitive de la revue : vingt-quatre

pages pour la première série puis trente-deux les années suivantes, les numéros

doubles et le numéro spécial bicentenaire de Paris286 exceptés ainsi que le premier

de la cinquième série287, pour lequel une double page, dans un papier de couleur

jaune, a été rajoutée.

Les numéros doubles se trouvent au nombre de deux dans les première,

troisième et cinquième séries ; on en trouve un seul la quatrième année et aucun la

deuxième. Hormis celle de mai-juin 1950, ces livraisons correspondent à des

numéros spéciaux : "Cinquante ans de peinture", "Le Graphisme et l’art",

"Photographies", "Le Cubisme", "Collages" et "Synthèse des arts". Cependant, tous

les numéros spéciaux ne sont pas doubles, loin de là puisque l’on peut en

286 2ème série, n°7, juillet 1951.

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comptabiliser dix-neuf. Notons enfin que la livraison la plus longue n’est pas même

consacrée à l’abstraction mais au cubisme, avec quatre-vingts pages.

Les encarts couleurs se généralisent à partir de la troisième série. Ils sont au

nombre de dix-sept. On imagine les difficultés que doit entraîner ce pari de publier

une sérigraphie dans presque chacun des numéros sur trois ans, sollicitant un artiste

et un graveur. Les trois livraisons, entre décembre 1951 et décembre 1954, qui ne

contiennent pas d’encart couleurs correspondent à trois numéros doubles

d’envergure : "Le Graphisme et l’art", "Photographies" et "Synthèse des arts". S’il

s’agissait des seules livraisons importantes de ces trois années, il aurait pu être

avancé que le comité de rédaction se trouvant déjà trop absorbé par la réalisation du

magazine ne pouvait envisager les préoccupations d’un encart couleurs. Cependant,

le numéro consacré au cubisme288 et le spécial "Collages" contiennent l’un et l’autre

une planche hors-texte. Ces cinq livraisons forment chacune un tout depuis la

couverture (souvent recherchée) jusqu’à la quasi-totalité voire la totalité des textes.

L’encart couleurs se doit d’être, lui aussi, en accord avec le sujet : "Cubisme" offre un

hors-texte de Juan Gris quand "Collages" en propose un réalisé d’après un collage

de Magnelli. Une technique chez cet artiste qui fait de surcroît l’objet d’un article289.

N’a-t-il pas été possible de trouver un hors-texte (ou une idée de hors-texte) en lien

avec les trois autres numéros spéciaux ? On le comprend sans mal pour

"Photographies" ; on peut en imaginer la difficulté pour "Le Graphisme et l’art" et

"Synthèse des arts".

b. Quantification des citations et des participations

Il s’agit maintenant d’envisager la revue dans son temps, c’est-à-dire de définir

l’impact qu’elle a pu avoir sur ses lecteurs et notamment sur les artistes. Grâce à

l’appui des index en annexes et des sommaires de la revue (annexe I), des tableaux

287 En février 1954. 288 Numéro le plus conséquent par son épaisseur et par le travail sur sa mise en pages. 289 Herta Wescher, “Collages de Magnelli“, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p.

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et graphiques peuvent être réalisés puis commentés. Ils permettent de visualiser ce

qui n’est actuellement que succession de noms et de titres, et de classer puis

d’interpréter les informations générales que livrent ces deux sources. Certaines de

ses représentations se trouvent ci-dessous dans le corps du texte, d’autres en

annexes.

Citations des artistes par articles

La première constatation que permet le graphique en annexe XII est qu’Art

d'aujourd'hui ne consacre pas plus de six articles à un artiste en cinq années. On

peut alors en conclure qu’il n’y a pas d’artiste qui monopolise les pages de la revue.

En allant un peu plus avant dans le détail, on remarque une forte présence

des aînés puisqu’ils se partagent vingt-huit articles, quatre couvertures et deux

encarts couleurs à eux huit, c’est-à-dire : Herbin et Mondrian (six articles chacun),

Kandinsky (cinq), Robert et Sonia Delaunay (trois et deux), Van Doesburg (deux),

Moholy-Nagy (deux) ainsi que Kupka (deux)290. Léon Degand écrit sur ce dernier un

texte didactique et très richement illustré d’œuvres tant abstraites que figuratives291.

Ainsi, les figuratifs ne sont pas absents non plus, avec douze articles, trois

couvertures et deux encarts couleurs pour ces cinq artistes : Braque (deux articles),

Lapicque (deux), Laurens (trois), Léger (trois) et Villon (deux). Il y a aussi, bien qu’ils

ne soient pas présents dans ce tableau, tous les peintres naïfs, primitifs, néo-

primitifs, les aliénés, dont les œuvres illustrent abondamment les trois numéros qui

leur sont consacrés292.

Il faut revenir un instant sur la place que tiennent Mondrian et Herbin dans les

pages de la revue et y lire leur importance auprès des jeunes peintres abstraits de la

période. Auguste Herbin, s’il ne bénéficie pas aujourd’hui de la même aura que

39. 290 On remarque qu’il manque le nom de Malevitch. Il est présent dans Art d'aujourd'hui mais seulement une fois, avec "Le Passage de la ligne" en juin 1952. 291 “Kupka“, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952, pp. 55 à 58. 292 "Les Enfants – les fous" (2ème série, n°2, novembre 1950), "Les Néo-primitifs" (2 ème série, n°4, mars 1951), "Paris vu par les peintres primitifs modernes" (2ème série, n°7, juillet 1951).

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Mondrian, a eu une grande influence après guerre. On pourra s’en convaincre en

lisant le texte de Serge Lemoine, "Paris 1950 : Auguste Herbin et son cercle"293 qui

décrypte les apports du peintre dans les créations de la jeune génération,

particulièrement Vasarely294. Ce que Julien Alvard commente en ces termes,

négligeant le talent du maître au bénéfice des circonstances ou de la nécessité :

« Les valeurs d’Herbin sont devenues énormes, inabordables mais il

fallait bien un ancêtre aux peintres comme Vasarely ou Dewasne, il

fallait un ancêtre pas trop éloigné dans le temps pour qu’il puisse

figurer auprès d’eux sans leur porter ombrage. Et le sort a voulu que

ce soit Herbin qui en serait le premier étonné, lui qui jusqu’à la fin de

sa vie s’est contenté d’un bol de lait tous les soirs en guise de repas,

tellement il était dans le besoin. »295

En définissant la ligne éditoriale de la revue, une impression d’ensemble

s’était dégagée en ne se fiant qu’à la mémoire des noms d’artistes. A l’appui d’un

décompte précis, certaines absences paraissent étonnantes : celles de Gilioli, Gorin,

Hartung, Lardera et Schneider. Il est vrai que pour des raisons de lisibilité il a fallu

renoncer à un tableau synthétisant l’index des brèves ; cela aurait mené à une liste

que son interminable longueur aurait rendue inutilisable296. Mais si l’on s’arrête sur

ces courtes critiques d’expositions, pour les cinq artistes cités plus haut, on en

dénombre trois pour Gilioli, deux pour Hartung, Lardera et Schneider mais aucune

pour Gorin. De même, le tableau qui suit contient les quatre premiers noms mais pas

celui de Jean Gorin. Le plasticien et théoricien d’architecture néo-plastique, membre

de Cercle et Carré puis d’Abstraction-Création, investi dans la création du Salon des

Réalités Nouvelles dont il devient pendant un temps le secrétaire général, et membre

293 Dans Auguste Herbin et son cercle, Galerie Lahumière, Paris, 2008. 294 De même, Céline Berchiche consacre ses travaux universitaires à l’influence d’Auguste Herbin après 1945. 295 Texte non daté. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard. Il faut néanmoins pondérer les propos du critique : Auguste Herbin n’a pas dû être aussi « étonné » que l’écrit Julien Alvard. Le peintre était, en effet, très actif à cette période dans la diffusion de l’art abstrait ; ne serait-ce que par son rôle au Salon des Réalités Nouvelles. 296 Nous avons comptabilisé deux cent quatre-vingt douze artistes cités sur quatre cent cinquante brèves.

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du Groupe Espace, n’est en effet présent dans la revue que par un texte de sa

plume, “Influence de Mondrian” écrit lors de la première année en décembre 1949.

Citations des artistes par séries, encarts couleurs et couvertures

En croisant les deux tableaux en annexe XII et XIII, on constate que les séries

"Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière" jouent un rôle capital dans ces

décomptes. Sur les trente et un artistes les plus cités qui figurent dans le tableau

précédent, vingt-deux sont interrogés dans l’une ou l’autre de ces deux séries, voire

dans les deux pour neuf de ces plasticiens. De plus, la liste ci-dessous rend compte

des artistes à qui la revue consacre un dossier car ce sont ceux-là aussi qui se

retrouvent obligatoirement dans le tableau des créateurs les plus cités. L’ensemble

de ces artistes, dans toutes leurs diversités (vivants et morts, abstraits et figuratifs,

jeunes et moins jeunes) constitue à peu de chose près ce que l’on peut appeler « la

base d’Art d'aujourd'hui ». Il faut persister à y ajouter Hartung, Gilioli, Lardera et

Schneider, ainsi que Sophie Taeuber-Arp qui a disparu de cette liste.

Arp : dossier de trois articles et "L’Art et la manière"

Bloc : "L’Art et la manière"

Calder : dossier de deux articles

Del Marle : dossier de deux articles

Robert Delaunay : dossier de deux articles et "Le Passage de la ligne"

Sonia Delaunay : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Dewasne : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Deyrolle : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Dias : "L’Art et la manière"

Domela : "Le Passage de la ligne"

Herbin : dossier de trois articles, "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la

manière"

Jacobsen : "L’Art et la manière"

Kandinsky : dossier de quatre articles, "Le Passage de la ligne"

Kupka : "Le Passage de la ligne"

Lapicque : "Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui"

Léger : dossier de deux articles

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Magnelli : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Moholy Nagy : dossier de deux articles

Mondrian : dossier de quatre articles et "Le Passage de la ligne"

Mortensen : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Pevsner : dossier de deux articles, "L’Art et la manière"

Pillet : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Poliakoff : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Schöffer : "L’Art et la manière"

Van Doesburg : dossier de deux articles, "Le Passage de la ligne"

Vasarely : "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière"

Villon : "Le Passage de la ligne"

Il y a donc, et cela apparaît clairement avec ces deux tableaux, des artistes

que l’on pourrait qualifier d’attachés à la revue comme ils peuvent l’être à une

galerie297 et de nombreux autres aux esthétiques différentes, présents dès la

couverture d’Art d'aujourd'hui, qui offrent aux lecteurs une belle diversité de styles.

Revenons sur le reproche de sectarisme dont les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui se

défendent à plusieurs reprises dans les pages de la revue. Quelques éléments de

réponse ont déjà été avancés, ajoutons celui-ci : certains artistes demeurent très

présents dans la revue. Les critiques font partie des proches connaissances, ils

s’intéressent à leurs œuvres et il est donc logique qu’ils s’adressent à eux plutôt qu’à

d’autres artistes pour des projets qui les obligent à un certain investissement, voire à

de la complicité avec le rédacteur. Il en est ainsi des séries "Le Passage de la ligne"

et "L’Art et la manière" qui nécessitent une connivence entre les deux parties et aux

couvertures et encarts couleurs qui demandent du temps à l’artiste. Ce dernier

tableau démontre que de façon systématique, un artiste qui répond aux deux

entretiens réalise soit une couverture, soit un encart couleurs, soit les deux298. Ce qui

signifie que ces artistes-là se rendent très disponibles pour Art d'aujourd'hui et créent

ainsi une sorte de cercle autour de la revue. Il s’agit de Sonia Delaunay, Dewasne,

297 La confrontation entre cette liste d’artistes et ceux participant à l’exposition itinérante Klar Form organisée par la Galerie Denise René montre d’ailleurs que sur les vingt et un artistes de Klar Form, seuls Marie Raymond, Le Corbusier et Sophie Taeuber-Arp ne sont pas communs aux deux listes. Les deux derniers apparaissent cependant dans les tableaux.

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Deyrolle, Herbin, Mortensen, Magnelli, Pillet, Poliakoff et Vasarelly. Des noms qui ne

surprennent pas. Mais qui aurait pu dire que Magnelli participait aux deux séries, se

retrouvait deux fois en couverture et réalisait deux encarts299 ?

Interventions des rédacteurs par articles

Le graphique en annexes XIV ne révèle pas de surprise : on retrouve parmi

les rédacteurs les plus assidus d’Art d'aujourd'hui les noms de Léon Degand, Roger

Van Gindertael, Pierre Guéguen, Michel Seuphor, Roger Bordier et Julien Alvard. Ce

dernier ayant finalement peu collaboré. Bien sûr, l’écrasante participation de Degand

saute aux yeux : soixante-quatorze articles alors que Gindertael, deuxième par le

nombre de textes, n’en rédige que quarante-cinq. Les écrits de Degand couvrent il

est vrai, l’ensemble des publications d’Art d'aujourd'hui : depuis sa première

participation en octobre 1949 (soit dès la troisième livraison) jusqu’à novembre 1954,

l’avant-dernier numéro. Seules les revues de décembre 1949 et de juillet 1951 (cette

dernière, consacrée au bicentenaire parisien et entièrement rédigée par Guéguen)

ne contiennent pas d’article de Degand. Il faut ajouter le dernier numéro, en

décembre 1954, qui ne mentionne aucun article signé du critique. Mais sa

participation active ne fait pas de doute dans le texte non signé et collectif Le

Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics tellement il semble être la

conclusion de tous les reproches aux musées accumulés par Degand au long de ces

cinq années300.

Le premier texte de Gindertael date de janvier 1950 et le dernier, de juillet

1953301. Moins constant que celle de Léon Degand, il est pourtant l’auteur de deux

298 Cf. annexes I et II. 299 Magnelli que Julien Alvard considère, peut-être avec la pointe d’ironie qui lui est coutumière, comme le père de la revue. Dans le tapuscrit du texte pour Aujourd’hui n°59-60 consacré à André Bloc et paru en décembre 1967. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Julien Alvard. Ajoutons que l’artiste est également le sujet d’un des films d’Edgard Pillet. 300 Voir annexes p. XI. 301 A cette date-là paraît le quatrième et dernier bulletin de la Galerie Arnaud et se prépare Cimaise : revue de l’art actuel pour octobre 1953 dont Roger Van Gindertael devient le rédacteur en chef.

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séries dans la revue : "Le Passage de la ligne" (vingt-deux articles) et "Peintres et

sculpteurs d’aujourd’hui" (trois articles) qui lui offrent une large tribune. Viennent

ensuite Pierre Guéguen (dont la présence est assez régulière tout au long des cinq

années mais qui doit surtout sa troisième position à la rédaction de la quasi-

intégralité des numéros de novembre 1950, mars 1951, juillet 1951 et d’octobre

1952), Michel Seuphor et Roger Bordier. L’investissement de ce dernier reste

remarquable : ses premiers articles datent de décembre 1953 (il ne collabore donc

qu’une année à Art d'aujourd'hui) mais il s’agit déjà de ceux pour la série "L’Art et la

manière" qu’il alimente de vingt et un textes. Il participe à tous les numéros jusqu’à la

fin, prenant même en charge une très grosse partie du numéro de mai-juin 1954

consacré à la synthèse des arts. Ainsi dans six numéros le critique rédige entre deux

et quatre articles pour la série auxquels il adjoint un article sur un thème tout à fait

différent dans cinq livraisons.

Interventions des rédacteurs par brèves

On le voit dans le graphique en annexe XV, les courtes critiques d’expositions

réunissent pour l’essentiel les rédacteurs réguliers de la revue : Alvard, Bordier,

Degand, Estienne, Guéguen, Seuphor, Van Gindertael, et Herta Wescher. Ajoutons

Delahaut qui assure une correspondance assez régulière depuis Bruxelles. Les

interventions extérieures sont cependant beaucoup moins nombreuses pour les

brèves que pour les articles.

La large participation de Léon Degand est une fois encore saisissante. Une

telle production d’écrits influe fortement sur la ligne d’Art d'aujourd'hui. Les choix

éditoriaux de Léon Degand se révèlent éclectiques ; ses activités quotidiennes se

devinent foisonnantes. Il écrit énormément et ses sujets sont d’autant plus diversifiés.

Il les appuie de connaissances indispensables à la rédaction des textes qui lui sont

attribués faisant la synthèse sur un point ou introduisant un numéro spécial. Restent

pourtant des choix propres, des colères, (notamment sur les musées) et enfin, de

nombreux articles sur l’abstraction ou sur des artistes abstraits. Mais on peut trouver

aussi sous la plume de Degand des textes sur Braque, Klee, Léger, Moore, Picasso,

la peinture mexicaine, etc. Ainsi, il y a quantitativement plus d’articles sur les

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abstraits écrits de la main de Léon Degand mais – il s’agit de l’affirmer ici – sans

exclusive.

Qu’en est-il de Roger Van Gindertael, Julien Alvard et Herta Wescher si on

met en perspective leurs participations à Art d'aujourd'hui avec leur départ pour la

revue Cimaise ? Les deux rédacteurs cessent de collaborer à la revue d’André Bloc

en août 1953302, Herta Wescher quant à elle poursuit la rédaction de brèves jusqu’au

dernier numéro. Elle est, de plus, l’auteur de la livraison consacrée au collage en

date de mars-avril 1954. Ainsi, le témoignage qu’elle livre au début de l’année 1971

dans le centième numéro de Cimaise303 possède des inexactitudes : contrairement à

ce qu’elle avance – sûrement pour faire court – Herta Wescher n’a pas fait partie du

comité et elle a même peu écrit dans Art d'aujourd'hui. Trente-huit brèves il est vrai

mais seulement dix-sept articles dont douze parus dans le seul numéro "Collages".

Cependant, l’intérêt de ce texte est qu’il révèle combien ces deux revues pourtant si

proches par leur ligne et leurs préoccupations, se plaçaient dans une concurrence

d’idées - d’ailleurs plus visible chez les rédacteurs de Cimaise qui avaient la

conviction de devoir s’opposer à un monopole de l’abstraction géométrique. Ainsi,

lorsque Herta Wescher écrit : « On était obligé de soutenir, exclusivement, l’art

géométrique, "fonctionnel" », il devient difficile aujourd’hui d’en juger tellement les

frontières entre l’abstraction chaude et froide apparaissent floues, poreuses… et très

secondaires avec le recul du temps. On constate cependant qu’elles l’ont sûrement

toujours été puisque Cimaise consacre des textes à Pillet, que ce dernier y fait une

couverture dès le troisième numéro (et Deyrolle dès le premier), que des artistes

comme Poliakoff, Gilioli, Hartung, Herbin, Domela, Schöffer, etc. demeurent

communs aux sommaires des deux revues. D’ailleurs, une étude détaillée sur la

réalité de cette concurrence entre Cimaise et Art d'aujourd'hui, comparant des index

302 Leur dernière brève paraît dans le numéro d’août 1953 mais Roger Van Gindertael écrit son dernier article pour la livraison de mai-juin de la même année et Julien Alvard pour celle de juillet. 303 "Une entreprise courageuse", dans Cimaise, n°100-101, janvier à avril 1971 : « Gindertael, A lvard et moi avions été, pour un temps plus ou moins long, membres du comité d’Art d'aujourd'hui, mais nous l’avions tous abandonné sans trop de regret en faveur de Cimaise. Alors que pour la première on était obligé de soutenir, exclusivement, l’art géométrique, “fonctionnel” dans lequel André Bloc, jusqu’à la mort de Léon Degand, voyait le salut unique, Cimaise nous permettait de nous tirer de cette impasse », pp. 62 à 65.

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réalisés par Harry Bellet et ceux établis ici, ainsi que les thématiques développées

dans les deux revues, montre une grande similitude entre elles304.

c. Du côté du lectorat : une tentative d’évaluation

Tout ce qui constitue Art d'aujourd'hui vient d’être listé puis chiffré en détail :

sa parution, sa pagination, ses rédacteurs ainsi que son contenu. Reste maintenant

à envisager sa réception. Cela prend d’autant plus d’importance que les rédacteurs

de la revue possèdent une véritable ambition de promotion de l’avant-garde

abstraite, de son initiation auprès du plus grand nombre. Ce bien louable dessein qui

les anime n’est pas que théorique : les actions menées par chacun d’eux, plus ou

moins dans le cercle de la revue, montrent un engagement fort sur le terrain de l’art

qui contribue certainement à la diffusion et à l’application de ces idées généreuses.

Il existe quelques difficultés à chiffrer précisément le lectorat. Les archives

d’Art d’aujourd’hui sont en effet quasi inexistantes, Madame Marguerite Bloc ayant

détruit ou s’étant séparée de la plus grande partie de ce qui a constitué la vie de son

époux. Il ne reste rien, non plus, dans les archives du gérant, Edgard Pillet. Sa

veuve, Sylvie Nordmann, garde précieusement et communique bien volontiers tous

témoignages touchant à l’œuvre de l’artiste mais c’est à regret qu’elle a constaté que

rien n’avait été conservé des documents administratifs d’Art d'aujourd'hui. Enfin,

l’association pour le contrôle de la diffusion des médias, plus connue sous le sigle

OJD (Office de Justification de la Diffusion), ne possède pas dans son catalogue les

chiffres de la revue.

Il faut donc se pencher, dans un premier temps, sur ce que dit la revue d’elle-

même. Les éditoriaux sont rares dans Art d'aujourd'hui, ils servent à annoncer un

changement dans la publication ou, comme en février-mars 1952305, à faire le point.

On y apprend que la revue compte « quelques cinq mille lecteurs » dont un grand

304 Comparaison réalisée par nous dans le cadre du colloque Les Revues d’art : formes, stratégies et réseaux au XXème siècle, 1er, 2 et 3 avril 2008, Cité du livre d’Aix-en-Provence. 305 Editorial signé Art d'aujourd'hui, dans le numéro double 3-4 de la 3ème série, 2ème de couverture.

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nombre « possè[de] la collection complète ». De plus, en janvier 1951, les membres

de la revue se félicitent de sa longévité : « Avec ce numéro, Art d'aujourd'hui entre

dans sa troisième année. Pour une revue d’avant-garde, cela constitue déjà un âge

respectable, tant d’essais sans lendemain ayant été tentés. » Enfin, ils mettent

l’accent sur l’internationalité d’Art d'aujourd'hui :

« Nous comptons maintenant dans le monde entier un grand nombre

d’amis. Les encouragements sont nombreux et souvent

enthousiastes. Sans prétention de notre part nous croyons qu’une

revue indépendante, énergique et vivante, est maintenant entrée

dans le domaine des réalités. » 306

Art d'aujourd'hui à l’étranger

La lecture attentive des ours renseigne, en effet, sur les pays (et villes) de

distribution. Leur liste se complète ainsi au fil des numéros :

2ème série, n°5, avril-mai 1951 � Argentine (Buenos Aires), Belgique (Bruxelles),

Brésil (São paulo), Italie (Turin). Viennent s’ajouter :

- 2ème série, n°6, juin 1951 � Suède (Stockholm)

- 2ème série, n°8, octobre 1951 � Milan

- 3ème série, n°1, décembre 1951 � Uruguay (Montevideo)

- 4ème série, n°2, mars 1953 � États-Unis (New York et Los Angeles)

- 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953 � Danemark (Copenhague)

- 5ème série, n°1, février 1954 � Iran (Téhéran) et Japon (Tokyo)

306 "A nos lecteurs", 2ème série, n°3, 2 ème de couverture.

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Pays distributeurs d’Art d'aujourd'hui

Si le planisphère ci-dessus montre une répartition plutôt intéressante des pays

distributeurs d’Art d'aujourd'hui, on peut cependant supposer que cela est le fruit de

contacts très personnels pris par les membres de la revue. A chaque ville

mentionnée ne correspond probablement qu’un seul lieu de vente, librairie ou galerie

d’un ami de confiance. Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à ce que la première liste

établie contienne les villes de São Paulo où Léon Degand exerça en tant que

directeur du musée d’Art moderne, et de Bruxelles avec laquelle Roger Van

Gindertael tisse des liens étroits. Cette vision du quotidien de la revue peut expliquer

le fait qu’elle ne soit vendue ni en Grande-Bretagne, ni en Espagne, ni en Allemagne,

pays proches, voire limitrophes ; une situation qui ne serait non pas le résultat d’une

volonté (des numéros spéciaux sont d’ailleurs consacrés à la Grande-Bretagne et à

l’Allemagne) mais celui d’une défaillance dans le réseau des connaissances307.

307 La tentation est grande, alors, d’extrapoler sur les liens à établir pour permettre la diffusion

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Ainsi, il est difficile d’établir un rapport direct entre l’étendue de la diffusion

d’Art d'aujourd'hui et une réelle demande d’un lectorat potentiel. L’évolution du prix

peut être, elle, un indice de la bonne santé de la revue.

Le prix de la revue

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Numéro des revues

Prix

du

num

éro

en F

ranc

s

Evolution du prix d’ Art d'aujourd'hui

internationale d’Art d'aujourd'hui. Ainsi, par exemple, l’exposition collective, Synthèse des arts, réalisée en 1953 par Charlotte Perriand et réunissant au Japon Fernand Léger et Le Corbusier, serait-elle la clef qui a ouvert les portes de Tokyo à la revue ?

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Numéro des revues Nombre de pages Prix de la revue en Francs

Evolution du prix et de la pagination d’ Art d'aujourd'hui

(le nombre de pages et le prix du premier numéro sont considérés comme l’indice de base, soit zéro)

On en remarque une augmentation constante jusqu’au début de la troisième

série. La publication d’un numéro double et du spécial "Paris vu par les peintres

primitifs modernes"308 (forcément plus chers) est l’occasion d’élever sensiblement le

prix de la livraison suivante. Comme le montrent les graphiques ci-dessous, avec la

deuxième série, alors que le nombre de pages de la revue reste stable, son prix ne

cesse d’augmenter (tous les deux numéros). Cela semble correspondre à une

période de tâtonnements : la revue change deux fois d’imprimeur309 et trouve son

image en adoptant des couvertures cartonnées souples et des pages un peu

épaisses. Enfin, les prix se stabilisent avec le numéro de janvier 1952 (3ème série,

n°2). Un équilibre financier a dû être trouvé avec l’imprimeur qui ne change plus (et

308 2ème série, n°7, juillet 1951, édité à l’occasion du bi centenaire de Paris. 309 Durant la première année, Art d'aujourd'hui sort des imprimeries Mont-Louis de Clermont-Ferrand ; du premier au sixième numéro de la deuxième série, des imprimeries de la Plaine (Paris 20ème), puis,

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l’édition d’encarts couleurs qui se systématise). En 1953 la création du Livre de

Poche en France déclenche une révolution dans l’économie de l'édition. Son prix est

de 150 Francs alors qu'un ouvrage traditionnel se vend à 600 Francs. Pour cette

même somme dans une période proche, l'amateur peut acquérir le numéro double

consacré à la photographie (octobre 1952), au collage (mars-avril 1954) ou à la

synthèse des arts (mai-juin 1954) ; la livraison dévolue au cubisme étant quant à elle

30 Francs plus chère. Un numéro courant lui revient à 300 Francs, soit le double d'un

roman publié en format poche mais le lecteur possède alors en plus de son

magazine (richement alimenté de photograhies), un encart couleurs.

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Numéro des revues

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Abonnement pour la FranceAbonnement pour l'étranger

Evolution du prix de l’abonnement d’ Art d'aujourd'hui

L’abonnement à Art d'aujourd'hui connaît lui aussi une augmentation régulière

jusqu’à la troisième série. Son prix est presque multiplié par trois jusqu’à sa

stabilisation en décembre 1951. Notons que dès le premier numéro, la revue est

envisagée comme un média exportable puisque le prix de son abonnement vers des

des imprimeries André Tournon et Compagnie (Paris 14ème).

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pays étrangers est mentionné. Un autre indice du lectorat de la revue réside dans la

conception de ses couvertures. A partir de sa deuxième année, en effet, Art

d’aujourd’hui fonctionne sur le principe du numéro thématique mais le sujet n’est que

rarement annoncé sur la couverture310. On peut supposer que la revue compte sur

un lectorat fidèle – le peu de presse artistique aidant – qui achète de manière

systématique et ce, quel que soit le thème du contenu. La seule tentative d’attirer

d’autres lecteurs est réalisée en anticipant sur l’achat d’impulsion provoqué par une

couverture attrayante : "Paris vu par les peintres primitifs modernes". Ce numéro

paraît en juillet 1951 lors de la célébration du bicentenaire de la capitale. Cette

livraison ne comporte pas de rubrique "Expositions" alors que même le catalogue de

l’exposition Klar Form311 n’y échappe pas. Enfin, autre singularité, cette livraison

compte quarante pages.

Un lectorat de fidèles

Ainsi, hormis ce numéro spécial, les rédacteurs écrivent (peut-être malgré

eux) comme s’ils ne s’adressent qu’à des habitués. Cela est d’autant plus sensible

lorsqu’ils s’expriment à la première personne, font part de leurs lacunes (« […] un

sculpteur dont j’ignorais l’existence »312) ou limites (« Comme tout Parisien

sédentaire, je suis imparfaitement averti de l’art britannique contemporain. »313), ou

lorsqu’ils emploient un ton aussi libre qu’efficace pour rendre compte d’un salon ; ils

agissent alors comme le feraient les membres d’un bulletin associatif. Mais peut-être

faut-il voir dans ces tournures personnelles une manière de décomplexer l’approche

de l’avant-garde, prouvant ainsi que tout un chacun peut se permettre une analyse

propre de l’art en général et de l’avant-garde en particulier.

310 Sur les vingt-cinq livraisons parues depuis cette date, vingt-deux se consacrent à un thème qui n’est mentionné sur la couverture que de neuf d’entre elles. 311 3ème série, n°1, décembre 1951. 312 Julien Alvard, "Exposition Méditerranée au Musée de l’Annonciade à Saint-Tropez", octobre 1950, 2ème série, n°1, non paginé. 313 Roger Van Gindertael, "Peintres britanniques d’aujourd’hui", mars 1953, 4ème série, n°2, p. 12.

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La dichotomie entre le prosélytisme de la revue et sa réalité existe pourtant.

Art d'aujourd'hui s’adresse à un lectorat restreint constitué en grande partie d’artistes.

Ses lecteurs sont ceux qui recherchent les informations distillées dans la revue sous

forme de communiqués de presse livrés tels quels, d’annonces de concours,

d’appels à participation, etc. Ce micro-public se devine aussi avec des séries comme

"L’Art et la manière" et "Le Passage de la ligne" qui n’existent que parce que les

artistes interrogés ont pleinement confiance en Roger Bordier et Roger Van

Gindertael qui mènent respectivement ces enquêtes314. D’un style bien différent mais

amenant à la même conclusion sont les pages – surprenantes – qui ouvrent le

numéro d’octobre 1949 avec "Artistes en vacances". On y voit Picasso et Goetz

discutant en maillot de bain, les pieds dans l’eau ou encore Picasso et Magnelli à

Golfe-Juan. Y fait suite, "Le Petit écho de Gordes" qui publie une photographie de

Charles Estienne en train de dormir, torse nu, en short et babouches sur un fauteuil

AA315 alors que le texte mentionne : « Charles Estienne travaille d’arrache-pied

depuis deux mois sur des ouvrages tenus secrets. » Tout cela est bien évidemment

très anecdotique mais renseigne cependant sur le fait que la revue ne craint pas, en

diffusant ce type de photographies et en les légendant aussi légèrement que celle

présentant Estienne, de perdre de la crédibilité, de décevoir ses lecteurs. Les

rédacteurs sont à l’aise avec eux et peuvent se montrer moqueurs et ironiques

envers leur ami dès les débuts de la revue. A l’évidence il y a des réflexes

communautaires dans Art d'aujourd'hui. D’ailleurs, le court éditorial de la livraison

inaugurant la troisième année316 n’évoque-t-il pas les « amis » de la revue plutôt que

ses lecteurs : « Nous comptons maintenant dans le monde entier un grand nombre

d’amis » ?

314 « Oui, une grande confiance. Sans cela, ça n’aurait pas fonctionné, cela n’aurait pas été possible. » Entretien avec Roger Bordier, voir annexe V. Ce dernier reconnaît également que si la revue peut publier les photographies d’œuvres à l’état d’ébauche prises par Sabine Weiss pour "L’Art et la manière", c’est que son lectorat est supposé déjà bien connaître le style des artistes interrogés. 315 Appelé ainsi par Charles Bernard qui commercialise alors ce fauteuil, en clin d’œil à André Bloc. 316 Janvier 1951, 2ème série, n°3, 2 ème de couverture.

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Une revue que l’on s’approprie

Des lecteurs se sentent en effet très proches de la revue. Le dernier numéro

publie en troisième de couverture la lettre de l’un d’entre eux qui montre son

attachement à la revue. A deux reprises est employé le terme de « familier » (« le

même groupe d’artistes, qui nous sont devenus si familiers », « tous ces noms

devenus familiers ») ainsi que « amis artistes »317. Les archives de la revue livrent

aussi des témoignages enthousiastes :

« Art d'aujourd'hui est irremplaçable pour nous instituteurs-artistes

(ma femme est poète, moi-même peintre-graveur – nous nous

occupons beaucoup d’Art à l’école également). Du fond de notre

Bourgogne nous suivons avec beaucoup d’intérêt l’évolution de

l’Art… jeune ! – Votre publication est un très précieux et fidèle

messager. »318

Si l’on en juge par les lettres conservées dans les archives, c’est souvent pour

ses qualités de « très précieux et fidèle messager » qu’Art d'aujourd'hui est apprécié.

La rédaction reçoit d’ailleurs de la part d’un public varié (artiste, étudiant, simple

amateur) des demandes de renseignements sur divers sujets (bibliographies, dates

et inscriptions à des salons, etc.). Et bien entendu, de l’autre côté de la chaîne, ceux

qui veulent faire passer une information adressent à la revue communiqués et

photographies. Art d'aujourd'hui sert de référence à ses lecteurs et la rédaction

insiste, dans ses réponses, sur l’âpreté de sa tâche :

« Croyez bien que nous menons, en France, un très dur combat.

Nous avons beaucoup d’ennemis, mais, par contre, nous avons

aussi la joie de recevoir, assez souvent, des lettres agréables »319

317 Décembre 1954, 5ème série, n°8. 318 Lettre non datée, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 319 Lettre non datée, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui.

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Celles-là ne semblent que peu réconforter André Bloc dont les soucis d’ordre

matériel et sûrement humain, paraissent l’accabler. Ainsi, lorsqu’un peintre du Nord,

Pierre Leclercq, envoie un courrier plein d’enthousiasme,

« Je serai très heureux de pouvoir vous être utile, et suis à votre

disposition si je puis vous servir en quoi que ce soit. Notre région

étant très défavorisée en ce qui concerne les manifestations d’art

contemporain, votre revue est le seul lien qui nous rattache à la vie

artistique nationale et internationale »,

le directeur de la revue se montre plus abattu qu’à son habitude :

« […] si vous souffrez de l’isolement, nous, nous avons par contre

d’autres difficultés d’ordre matériel et technique et en outre, à faire

face à des luttes et à des intrigues diverses.

Il faut beaucoup de courage pour continuer à maintenir la Revue qui,

comme vous pouvez peut-être le soupçonner, laisse un bon

déficit. »320

André Bloc souffre en outre de l’antisémitisme ambiant et de la jalousie qu’il

suscite auprès des autres artistes. Claude Parent le relate ainsi :

« Il faut savoir qu’à l’époque, on lisait dans les journaux : "La bande

à Bloc pleine de métèques". André Bloc a gagné des procès pour

diffamation. On était pourtant après la guerre. C’est incroyable que

les Français parlent de "juifs" et de "métèques" ! »

Ou encore :

« Bloc était un dévoreur de nouveautés : il ne pouvait pas

s’empêcher de papillonner, dès qu’une chose dans l’air du temps lui

plaisait, il se demandait ce que lui pourrait en faire. Cela irritait le

monde artistique parce que c’était un homme qui avait deux revues

et qui pouvait publier autant qu’il voulait ses propres recherches et

leur donner ainsi une sorte de caution morale.

320 Lettre du peintre Pierre Leclercq, datée du 30 janvier 1954, et réponse d’André Bloc, non datée, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui.

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[…]

Il faisait surtout des catalogues et des expositions pour le Groupe

Espace fondé avec Félix Del Marle. Ce qui n’était pas toujours

possible aux autres artistes car souvent ni eux ni la galerie n’en

avaient les moyens et n’avaient pas non plus la facilité de se projeter

dans le monde entier. Les artistes ont donc développé une sorte de

jalousie ou d’envie vis-à-vis d’André Bloc qui avait des revues. Son

appétit, sa curiosité pour les idées nouvelles ne l’ont jamais quitté.

Cela a été quelquefois mal pris alors qu’il fallait plutôt saluer cet

enthousiasme de jeune homme. »321

Les archives Delaunay contiennent en effet un texte diffamatoire signé

Georges Labro dans La Journée du bâtiment du 15 février 1952 à propos du

Manifeste du Groupe Espace considéré comme de la « littérature faisandée d’où

s’exhale la puanteur d’un orgueil démesuré et d’un mercantilisme à peine voilé... »

S’ajoutent à cela, des plasticiens « qui seraient pour la plupart des étrangers ou des

naturalisés de fraîche ou d’ancienne date. » S’ensuit une liste de noms à

consonance étrangère ; des artistes qui, selon l’auteur, ne craignent pas

« [d’]orienter les commandes des travaux d’architecture vers les

prêtres de l’art abstrait, de dévorer goulûment l’espace des artistes

français, de canaliser à leur profit les commandes et de se faire

patronner pour cela par un officiel de notre République dont la bonne

foi évidente a été surprise. »322

Avec le Groupe Espace, on voit combien les enthousiasmes successifs

d’André Bloc – et donc une certaine instabilité – ajoutés à la place grandissante qu’il

prend dans le milieu artistique, agacent. Ce groupe de plasticien devient pour nous

un microcosme qui permet d’imaginer les relations de son président à une autre

321 Entretien avec Claude Parent, op. cit., voir annexe IX. Roger Bordier dresse le même portrait dans son entretien : « Il y eut sans doute quelques propos déplaisants, mais nous en avions pris l’habitude. La réussite d’André Bloc à la tête de ces grandes revues L’Architecture d’aujourd’hui et Art d'aujourd'hui suscitait bien des jalousies, bien des envies. » Voir annexe V. 322 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Delaunay. Ce même fonds d’archives renseigne sur le fait que de cet article a découlé un procés qu’André Bloc a gagné.

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échelle sociale. Ces difficultés d’ordre personnel, humain, social, expliquent

probablement en partie le peu d’écho que connaît, aujourd’hui, l’œuvre d’André Bloc

dans son ensemble (artistique, architecturale, éditoriale, etc.). Le témoignage du

sculpteur Gisiger donne au personnage une dimension d’artiste maudit mais il

apporte aussi une précision notable :

« Mais cette époque incertaine […] l’a obligé de vivre pratiquement à

l’écart. Ni ses revues, ni son activité de polémiste n’ont su attirer

l’attention sur cet homme qui méritait plus qu’un autre qu’on

l’écoutât. »323

Le financement d’Art d'aujourd'hui

Dans ce contexte délicat pour la jeune revue Art d'aujourd'hui, bénéficier de

l’aura et des finances de L’Architecture d’aujourd’hui devient tout bonnement vital :

« Qu’il nous soit permis de rappeler à nos lecteurs que si Art

d'aujourd'hui a pu se maintenir et se développer, c’est grâce à

L’Architecture d’aujourd’hui qui lui a assuré la meilleure caution

morale. Il était donc bon de redire que l’action d’Art d'aujourd'hui

s’est toujours poursuivie dans le plus large désintéressement. »324

Un désintéressement possible (et en partie subi) pour Art d'aujourd'hui grâce

aux 20% de publicité qui alimentent, en revanche, la revue d’architecture à partir de

juin 1940 :

« Toujours 20% de publicité en juillet 1950, sans doute un des

derniers numéros à accueillir les annonces artisanales. Mais les

affaires ont repris, avec 141 pages et 29 de pub, près de cinq pages

323 "Témoignages", dans Aujourd’hui spécial André Bloc, décembre 1967, op. cit. p. 160. Souligné par nous. 324 Editorial signé Art d'aujourd'hui, dans Art d'aujourd'hui, 3ème série n°3-4, février-mars 1952, 2 ème de couverture.

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pour le grand classique que reste l’étanchéité, trois pour la peinture

et autant pour des entreprises générales. » 325

Les entreprises du bâtiment investissent plus dans leur communication que

les artisans et, a fortiori, les galeristes. Art d'aujourd'hui ne peut espérer toucher ces

entreprises mieux loties financièrement326 mais, comme vu plus haut, Aujourd'hui :

art et architecture en bénéficie dès sa création. Pour cela, un important travail en

amont a dû être réalisé par des membres de la revue d’architecture auprès de ses

annonceurs ; le réseau d’Art d'aujourd'hui se limitant aux galeries, aux éditeurs d’art,

à la fonderie Susse et aux fournisseurs de matériels de beaux-arts. On trouve dans

les archives un courrier d’André Bloc, daté de l’année 1951 et adressé à la Galerie

Carré, justifiant ainsi une élévation des tarifs des publicités : « nous avons augmenté

fortement le tirage de la Revue, ce qui justifie ce changement. »327 Cette indication

n’est relayée par aucun chiffre, ni dans le courrier lui-même, ni dans les archives de

l’imprimeur – introuvable –, ni dans celles de la fonderie Susse – toujours en activité

– qui auraient pu donner des indices supplémentaires.

Cette tentative d’évaluation, malgré un manque évident de chiffres, mène

pourtant à une conclusion, celle d’un lectorat restreint, composé pour l’essentiel

d’amateurs et d’artistes, donc de personnes déjà acquises à la cause de l’avant-

garde abstraite. Reprenons, cependant, ici les mots de Jean-Pierre Rioux qui décrit

une presse florissante (généraliste, satirique, enfantine, de vulgarisation, etc.) au

325 L’ensemble de ces chiffres provient de l’article de Jean-Claude Garcias, "Fantasmes, soixante ans de réclame", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1990, op. cit., p. 33. Il précise que la livraison d’avril-mai 1931 comptait « un bon tiers de pub » (p. 32). De notre côté, nous avons dénombré dès le premier numéro de L'Architecture d'Aujourd'hui, en novembre 1930, dix-neuf pages d’annonces en introduction puis six à l’intérieur du magazine sur les cent deux pages totales ; annonces pour des entreprises liées au bâtiment (ascenseurs, contreplaqué, dallage de liège, caoutchouc, peinture). Trois ans plus tard, le premier numéro de 1933 s’ouvre avec soixante et une pages de publicités auxquelles s’ajoutent trois autres dans des papiers et formats différents. Ces pages ne sont pas comptabilisées dans le sommaire et six autres publicités s’ajoutent à l’intérieur du magazine. L’abondance des annonceurs dans la revue attire même une société de communication dont l’accroche est la suivante : « Ne dispersez pas votre budget de publicité à tort et à travers. » 326 Il est à noter que ces sociétés ne boudent pas complètement le deuxième numéro hors-série de L'Architecture d'Aujourd'hui consacré aux arts plastiques (1949) puisque sur cent quarante deux pages, quatorze sont des publicités pour les peintures laquées, les enseignes, des entrepreneurs divers et Susse Fondeurs qui devient par la suite, un annonceur fidèle d’Art d'aujourd'hui. 327 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui.

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début du 20ème siècle, laissant peu de place aux plus spécialisées et confidentielles

mais néanmoins influentes :

« Devant tant de spécialités plaisantes mises à portée de mains, on

comprend par contraste que les revues de culture générale, même

prestigieuses et encore florissantes, aient été cantonnées dans les

rayons pour élites et que les "petites revues" artistiques ou politiques

n’aient influé – fortement d’ailleurs – que par le réseau discret du

public averti ou le canal militant de la sympathie avant-gardiste, très

loin des bains de foule de la grande presse. »328

328 Le Temps des masses, le vingtième siècle, Histoire culturelle de la France, Paris, 2004, p. 81.

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II. L’art pour tous dans Art d’aujourd’hui

« L’art est un service social »1

Si l’abstraction est considérée par d’aucuns comme un art ne s’adressant qu’à

une élite intellectuelle capable de comprendre des œuvres sans contenu ni sujet2, Art

d’aujourd’hui démontre tout au long de ses pages que l’élitisme ne se situe pas à ce

niveau-là. Dans ce but, la revue propose des mises en pages aérées qui éclairent

des textes rédigés avec la réelle volonté d’amener le lecteur vers la création

abstraite, en lui facilitant l’accès à la compréhension des œuvres. Tout le monde peut

ressentir une forte émotion devant une œuvre, il suffit seulement d’avoir un peu

aiguisé son regard.

Ce regard, on le porte d’abord autour de soi, et les rédacteurs d’Art

d’aujourd’hui cultivent cette idée en lançant de régulières passerelles entre la

création et le quotidien. La rue devient le lieu de rencontres fortuites3 où affiches,

cabanes de foire et tatouages peuvent se prêter aux commentaires du critique d’art.

Cela sans prétention, car si le quotidien contient de l’art, les rédacteurs rappellent

aussi que l’art et surtout la vie des artistes, restent également bien ancrés dans le

quotidien.

En revanche, si l’art se trouve réservé à une élite, c’est bien plutôt dans

l’échelle sociale qu’il faut la chercher. Le tableau de chevalet, s’il n’est pas remis en

question dans Art d’aujourd’hui, ne doit cependant pas être la seule alternative pour

approcher la création. La synthèse des arts représente ainsi pour les rédacteurs de

1 Roger Bordier, “L’Art est un service social”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 13. 2 Nous faisons ici référence au discours prononcé le 19 décembre 1949 par Maurice Thorez : « Nous considérons, quant à nous, qu’il n’est pas indifférent de donner un contenu au tableau, de lui trouver un sujet […] » que Léon Degand épingle dans sa "Critique de la critique", dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, 4 ème de couverture. 3 “Rencontres fortuites” est le titre d’un article d’Edouard Boubat qui met en relation - a posteriori - des photographies prises dans la rue et des œuvres de Seurat, Bazaine et Lohse, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°5, décembre 1949, non paginé (deux pages) .

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la revue une solution contre cette discrimination sociale. Loin d’être omniprésente

dans ses pages, elle relève cependant d’une véritable préoccupation.

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1. Didactisme

« L’art moderne est difficile à comprendre ? Oui, pour ceux qui n’ont pas appris son langage. »4

Est-ce en réaction au peu de place laissée à l’avant-garde par les musées que

les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui choisissent d’aborder l’actualité non pas seulement

en critiques, mais également en pédagogues ? L’attention est portée sur la mise en

pages sans l’appui de laquelle les tentatives de didactisme dans les sujets mêmes

des textes n’auraient pas un impact suffisant. Les compositions claires, allégées,

privilégiant les illustrations, restent les meilleures alliées de cette volonté de

transparence.

La méthode employée par les rédacteurs fait se porter l’attention sur de

fréquents rappels historiques : il faut clarifier l’évolution des formes. Est d’ailleurs

citée, dès la troisième livraison, cette déclaration de Léon Degand prononcée au

deuxième Congrès International de la Critique d’Art, alors qu’il entame tout juste sa

collaboration avec la revue :

« Le public ne peut pas comprendre l’art moderne parce que l’art

moderne est incompréhensible. Or, pour qui n’entend rien à la

peinture, il y a autant de mystère indéchiffrable dans la composition

d’un Vermeer de Delft que dans celle d’un Juan Gris ou d’un

Kandinsky. Combien de fois faudra-t-il encore répéter que

l’identification d’une cruche, d’un mur ou d’un corps humain, dans un

tableau figuratif, n’équivaut en rien à la compréhension de sa

signification plastique ? En vérité, l’art moderne n’est

incompréhensible que pour ceux qui ne comprennent pas l’art

ancien. Et l’incompréhension de l’art moderne pourrait bien

4 Léon Degand, “La Situation sociale et économique de l’artiste”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p.18.

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constituer une preuve d’incompréhension générale des arts

plastiques. »5

Ainsi, parallèlement à ces éclairages historiques, les rédacteurs s’appliquent à

former le regard et le goût de leurs lecteurs à une abstraction géométrique exigeante,

considérée comme l’aboutissement de toutes les formes antérieures. Le moment du

passage de la figuration à l’abstraction chez différents artistes devient d’ailleurs le

sujet d’une des principales séries de la revue. Autant d’initiatives qui tendent vers un

même but : la promotion de l’art abstrait.

5 “Je ne prétends pas être artiste ou critique d’art… ou le jeu des devinettes”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé.

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a. Clarté de la mise en pages

Le souci d’une mise en pages qui privilégie la clarté est manifeste dans Art

d’aujourd’hui. La présence du graphiste Pierre Faucheux dans le comité directeur

jusqu’en juillet 1953 n’est certainement pas étrangère à cela. Même si dès mars

1951, Paul Etienne-Sarisson prend en charge la composition de certains numéros,

on peut supposer que la ligne générale qui ne change que très peu au cours des

années, a été impulsée par Pierre Faucheux. On retrouve d’ailleurs à travers ses

mots, un principe qui peut s’appliquer à la mise en pages de la revue : « Quel résultat

esthétique, direz-vous ? L’accord parfait entre la signification du texte et la forme

typographique adoptée. »6

Lorsque Paul Etienne-Sarisson, dans un communiqué envoyé à d’autres

revues, commente son travail sur le numéro consacré à la photographie7, il explique :

« […] Je me suis efforcé de présenter une revue qui soit autre chose

que l’habituel “album-de-belles-images-en-pleine-page” qu’il nous est

donné de voir. Par le jeu de la mise en pages, les rapports d’échelle,

la confrontation des documents, l’emploi des blancs, certaines

citations, j’ai tenté de présenter, dans une Revue de défense de l’art

non-objectif, une image qui voudrait être originale et qui soit le fidèle

reflet des possibilités actuelles de la photographie en dehors de

certaines “cuisines”, telles que surimpression ou photogrammes,

lesquelles prétendent atteindre le subjectif par des moyens un peu

faciles. »8

On constate la volonté de se démarquer de ce qui a déjà été fait auparavant

(« présenter une revue qui soit autre chose que l’habituel “album-de-belles-images-

en-pleine-page” qu’il nous est donné de voir »), ceci parce qu’Art d’aujourd’hui, en

tant que revue d’avant-garde, ne doit pas se placer à la suite des autres mais doit

6 Pierre Faucheux, Ecrire l’espace, Paris, 1978, p. 168. 7 Il s’agit d’Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°7-8, octobre 1952. 8 Lettre datée du 18 novembre 1952, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui.

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innover (Paul Etienne-Sarisson le précise : « dans une Revue de défense de l’art

non-objectif » – on remarque le « R » majuscule) et parce qu’elle se doit d’être un

bon représentant de cette technique photographique (« le fidèle reflet des possibilités

actuelles de la photographie »).

Il ne faut pourtant pas s’attendre, en feuilletant Art d'aujourd'hui, à y trouver

des mises en pages audacieuses et de la pure recherche graphique. La typographie

reste, à première vue, d’un confondant académisme : alternances de polices bâtons

et à empâtements, titres lisibles et découpages des textes immédiatement visibles.

Mais il faut bien comprendre que pour ceux qui conçoivent que la beauté d’un objet

tient à son adéquation avec sa fonction, la composition de la revue ne peut être

valable que mise au service du propos du rédacteur. Les textes très découpés et en

doubles colonnes facilitent la lecture et ne la découragent pas, quand une sage

composition ne détourne pas le lecteur du but de l’article. On peut même ajouter

qu’elle n’effraie pas un néophyte qui, attiré par la couverture colorée, viendrait

feuilleter la revue. On remarquera d’ailleurs plus loin que la courte collaboration avec

Willem Sandberg, graphiste de formation, se révèle périlleuse pour la compréhension

même du contenu de son texte. Ainsi, si au regard des ambitions avant-gardistes

d’André Bloc la revue apparaît comme un échec, mise en équation avec son but

didactique, Art d'aujourd'hui, remplit très honnêtement son rôle. La revue, comme les

rédacteurs, se met au service des artistes, de la création et des lecteurs.

L’affaire Van Doesburg

L’intérêt que les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui portent à la mise en pages se lit

également dans cet ensemble de lettres qui font réponse à une vive critique de

Madame Théo Van Doesburg quant à la présentation du dossier consacré à son mari

alors disparu9. Outre les simples constats de fautes – une photographie imprimée à

l’envers ainsi que « des erreurs de légendes » –, elle déplore « l’ensemble des

clichés […] très mal réparti en surface » parce que « trop petits » et « trop

9 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 1 à 9.

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nombreux ». Ce qu’elle résume séchement par ces mots couperets : « En bref la

mise en pages me paraît laisser à désirer »10.

C’est le secrétaire général de rédaction, Edgard Pillet, qui reçoit ce courrier et

en avertit André Bloc par téléphone avant de le lui faire parvenir, le lendemain même

accompagnée d’un mot qui récapitule les erreurs de présentation. Edgard Pillet se

montre impartial ; s’il n’est pas aussi sévère sur la mise en pages, il reconnaît des

points faibles et argumente son propos. C’est finalement plus le fonctionnement

général de ce numéro qu’il remet en question : pourquoi, si la revue consacre huit

pages à un artiste, ne pas reproduire une de ses œuvres en couverture ou sur

l’encart couleurs11 ? Jean Dewasne a, en effet, spécialement composé la une de

cette livraison alors qu’une seule page lui est consacrée avec un texte de Léon

Degand dans la rubrique "Expositions"12. Le hors-texte, quant à lui, a été réalisé par

Wilfredo Arcay qui reprend un relief de Sophie Taeuber-Arp composé pour l’Aubette

à Strasbourg. Dans la continuité du dossier sur Théo Van Doesbourg, Michel

Seuphor présente, au moyen d’un texte13 illustré de nombreuses photographies ce

lieu exemplaire de l’intégration des arts dans l’architecture inauguré en 1928.

Néanmoins, comme le déplore Edgard Pillet, la fidèle adaptation sérigraphique

d’Arcay de l’œuvre en trois dimensions et à plus grande échelle de la plasticienne,

s’avère être d’une qualité moyenne. La transposition n’offre en effet qu’une

composition de rectangles colorés de tailles différentes dont le rythme ne peut être

retrouvé du fait de l’absence de relief et de jeu d’ombre. Le travail de Sophie

Taeuber-Arp perd ici tout son sens.

L’affaire suit son cours et André Bloc fait passer une copie de la lettre de

Madame Van Doesburg à Paul Etienne-Sarisson le 25 février 1954 afin qu’il lui

10 Lettre datée du 22 février 1954, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 11 Lettre datée du 23 février 1954, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 12 Op. cit., p. 28. 13 Michel Seuphor, “L’Aubette de Strasbourg”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 10 à 13.

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fournisse des arguments en réponse à la plainte14. Le maquettiste se défend de tout

et explique :

« Les personnes […] que j’ai consultées m’ont au contraire affirmé

qu’elles trouvaient cette mise en pages très conforme à l’esprit de

l’œuvre de Théo V. D. [sic] »15

Bien sûr, la diagonale chère à l’artiste néo-plasticien ne trouve pas sa place dans les

lignes de force des compositions de la revue, mais reproductions de tableaux et

même photographies d’intérieur (au moyen d’escaliers ou de cadrage en plongée)

laissent la part belle à cette dynamique. Les pages du dossier sont en revanche très

clairement composées selon un rythme d’horizontales et de verticales qui délimitent

des rectangles de tailles différentes. Rythme qui ne dénote pas avec les œuvres de

Théo Van Doesburg mais crée des rencontres parfois difficiles entre petites et

grandes illustrations comme l’a noté Edgard Pillet. Cette petite affaire qui n’a même

pas eu de suite dans les pages d’Art d’aujourd’hui contrairement à ce que demandait

Madame Van Doesburg, montre, même si elle paraît anecdotique, tout l’intérêt

qu’André Bloc porte à la mise en pages. Dès réception du courrier, en effet, Edgard

Pillet le prévient par téléphone et le directeur lui demande de joindre un commentaire

écrit à la lettre qui va lui être expédiée16. Les archives ne permettent pas de

connaître la suite des échanges mais on saisit à la lecture de la lettre du secrétaire

de rédaction combien la question lui semble importante, combien, de manière

générale, il reste attentif aux critiques extérieures : « […] l’encart que nous avons

passé n’est pas de l’avis général fameux », et attendant une même attention de la

part du comité : « […] je crois qu’il serait bon d’en discuter en comité. »17

Il est certes malvenu de se fâcher avec la veuve d’un des pionniers de cette

abstraction tant soutenue. De plus comme cela a été vu précédemment avec

14 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 15 Lettre datée du 16 mars 1954, Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 16 Lettre d’Edgard Pillet à André Bloc datée du 23 février 1954 : « Comme vous me le demandez voici mon opinion là-dessus », Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui.

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L’Architecture d’aujourd’hui, André Bloc insiste dès la création de la revue pour que

sa mise en pages soit toujours à l’avant-garde des créations graphiques. Il privilégie

également les photographies, argumentant que ce sont vers elles que les lecteurs

portent leur regard plutôt que vers les plans ou même les textes18. Une idée qu’il

pousse peut-être à l’excès dans les premières années si l’on en juge par le

témoignage de l’architecte Julius Posener qui parle de la « manie de collectionner

qui se manifestait au sein de la Revue ». Il explique :

« On voulait tout publier. Il est indéniable que la présentation de telle

ou telle œuvre en souffrit souvent. De belles présentations […] sont

des exceptions. Beaucoup plus souvent, le lecteur avait l’impression

qu’on lui présentait trop de choses et trop rapidement. La qualité

parfois douteuse des clichés contribuait à cette impression du “à

peine vu”. Pour avoir un exemple de chaque type de bâtiment, on

photographiait parfois d’autres revues, ce qui donnait de petites

illustrations, des “timbres-poste” à grande trame. »19

Si l’envie de partager tout ce vers quoi sa curiosité le mène ne faiblit pas chez André

Bloc, la manière va quant à elle sensiblement s’améliorer.

Omniprésence de la photographie

On le constate dans l’évolution de la mise en pages d’Art d’aujourd’hui et dans

la comparaison de celle-ci avec celle de ses contemporaines. La composition des

pages acquiert plus de clarté ; elles s’aèrent, s’ordonnent (les textes à la verticale au

milieu d’autres à l’horizontale disparaissent), se structurent dans un équilibre entre

images et textes. On se trouve certainement sous l’influence de l’art géométrique et

cet ordre permet une meilleure compréhension des textes. Cela est conforté, comme

le pensait André Bloc, par l’omniprésence des photographies dans les pages de la

17 Op. cit. 18 Cf. Gilles Ragot, “Pierre Vago et les débuts de L’Architecture d’aujourd’hui, 1930-1940”, dans Revue de l’art, n°89, 1990, pp. 77 à 81. 19 “L’Architecture d’aujourd’hui : rétrospective de la première décennie 1930-1940”, dans Aujourd’hui spécial André Bloc, n°59-60, décembre 1967, pp. 19 et 20.

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revue. Indispensable en art, le support visuel l’est d’autant plus lorsque l’on

commente des œuvres récentes, pour l’essentiel inconnues du lecteur. De ce souci

permanent découle un accord rigoureux entre reproductions d’œuvres et leurs

descriptions par les critiques. Il est en effet rare qu’une illustration ne fasse pas écho

à un commentaire. Le lecteur ne se trouve pas désemparé par des réflexions et des

explications qui sans image deviendraient stériles. De plus, qu’il habite ou non à

Paris, il peut ainsi avoir connaissance de l’évolution des formes – bien qu’une

illustration ne remplace jamais l’œuvre originale.

Les reproductions, quoi qu’en noir et blanc, restent généralement de bonne

qualité et de taille respectable même si les rédacteurs déplorent parfois dans leurs

textes de ne pouvoir présenter aux lecteurs que des œuvres privées de leurs

couleurs, de leur format et de leur matière. Il faut certainement voir là une aspiration

à une technique toujours plus performante de la reproduction qui reflète bien l’état

d’esprit de cette période d’expansion des Trente Glorieuses et, une fois de plus, un

vrai attachement, déjà, à l’impact visuel. Cela se retrouve dans le texte que Georges

Boudaille consacre à l’affiche :

« Notre civilisation, a-t-on dit, est la civilisation de l’image. La vitesse

croissante permise par le progrès, devenant un impératif vital,

l’homme moderne ne lit plus. Il parcourt ses journaux et ne connaît

plus que l’illustration. Qui me contredira ? Pas le “lecteur” ( ?) de

cette revue où le cliché (ceci soit dit sans amertume), a la meilleure

part… »20

Par ce parallèle, le rédacteur donne à Art d’aujourd’hui les qualités qu’il reconnaît à

l’affiche tout au long du texte : « attirer le regard le plus distrait », « forcer l’attention

la plus indifférente », « incruster dans la mémoire la plus rétive un nom encore

inconnu ». Ces propriétés données à l’affiche la rendent « ignoble ou sublime ;

appliquées à la revue, on peut y trouver de grandes qualités de didactisme. Quoi qu’il

en soit, la revue Art d’aujourd’hui correspond à son époque et évolue avec elle.

20 Georges Boudaille, “L’Affiche”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, non paginé (deux pages).

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Absence d’articles fleuves

La presque totale absence d’articles fleuves couvrant d’interminables pages

joue également son rôle dans la séduction du lecteur, souvent plus attiré par des

interventions écrites courtes. Si le sujet demande un texte long, ce dernier se trouve

alors clairement orchestré pour faire apparaître des paragraphes bien distincts et ne

pas donner l’impression au lecteur qu’il s’engage dans une fastidieuse et rébarbative

étude. L’exemple de l’article "Les Néo-primitifs"21 est assez éloquent qui se divise en

trois grandes parties (avec notations en chiffres romains), elles-mêmes divisées.

Pierre Guéguen construit d’ailleurs ici son article comme on le ferait pour un cours ou

un exposé ; il porte d’abord sa réflexion sur le problème de dénomination de cette

mouvance, puis en détermine les caractéristiques et en montre enfin les

répercussions dans l’art moderne. Cela avant de s’arrêter sur neuf artistes, répartis

en trois catégories "Les Imaginateurs", "Les Visionnaires" et "Les Maîtres de la

réalité".

On retrouve parfois ce découpage méthodique à l’échelle d’un numéro entier

comme c’est le cas du spécial "Pays nordiques"22. Une première division fait

apparaître les quatre pays sur lesquels les rédacteurs s’arrêtent : Suède, Finlande,

Islande, Danemark. Puis, à l’intérieur de cette partition, l’exemple le plus frappant

reste "L’Art abstrait en Suède" orchestré lui-même en quatre périodes, de 1910 à

1952. Le lecteur est ainsi guidé dans sa découverte. Ce découpage révèle

également l’attention toute particulière donnée aux dossiers. Ainsi, celui consacré à

Wassily Kandinsky23 se veut très complet et cette qualité est lisible au seul parcours

des titres des articles. “W. Kandinsky”, un court écrit de l’artiste ouvre l’ensemble,

puis se succèdent "Situation de Kandinsky", "La peinture de Kandinsky – Expression

de l’universalité spirituelle", "La leçon de peinture de Kandinsky", "Bibliographie des

œuvres de Kandinsky" et enfin “Bibliographie des œuvres publiées sur Kandinsky".

Ces huit pages permettent de lire quelques lignes de l’artiste, de saisir son évolution

jusqu’à l’abstraction, de déchiffrer sa peinture, d’aborder son principal ouvrage

21 Pierre Guéguen, "Les Néo-primitifs", dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°4, mars 1951, pp. 1 à 19. 22 Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953. 23 Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°6, janvier 1950.

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théorique, Du spirituel dans l’art, et de posséder des bibliographies détaillées de et

sur le peintre théoricien.

L’extrême rigueur de la série "Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui"

L’accord entre la rigueur de la mise en pages et la volonté de didactisme

atteint son point le plus haut avec les trois études monographiques que Roger Van

Gindertael propose : "Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui". Il a déjà été souligné que

le critique est à son habitude très méthodique dans la rédaction de ses textes. Ici, la

présentation de chaque double page emprunte à celle de la fiche de synthèse. Dès

la table des matières, il est précisé que le but des articles est de « réunir une

documentation de base sur les artistes contemporains […] jusqu’aux plus jeunes. »

Et de décrire avec application la forme même de ces études :

« Suivant le modèle de cette première double page, chaque étude

comprendra : un portrait de l’artiste – une notice biographique – un

catalogue succinct des œuvres principales indiquant pour chacune

d’elles : période, date, titre, format (haut. sur larg. en cms) et

propriété – une bibliographie – et un bref commentaire de l’œuvre

dont l’évolution sera représentée par une suite de reproductions

datées. »24

Cette série se place effectivement sous le signe de la méthodologie, mais Roger Van

Gindertael ne rédige que trois articles sur cette forme peut-être finalement trop rigide,

trop empruntée à la pédagogie et donc mal adaptée à un magazine. Les textes

portent sur Charles Lapicque25, Gérard Schneider26 et André Lanskoy27.

Comme indiqué dans la table des matières, ces portraits, composés selon une

même grille, présentent sur la page de gauche une photographie de l’artiste au

travail sous laquelle se trouvent son nom en larges et gras caractères ainsi que des

24 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, deuxième de couverture . 25 Op. cit., pp. 26-27. 26 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°6, juin 1951, pp. 26-27. 27 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, pp. 30-31.

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« notes biographiques ». Sur les deux autres tiers de la largeur de la page,

s’orchestrent dans la symétrie, la reproduction d’une œuvre ainsi qu’une chronologie

des « œuvres principales ». En une seule page se trouvent déjà réunies nombre

d’informations classées selon qu’elles concernent le parcours de l’artiste ou son

travail. A droite, un « commentaire » se fait aussi bref qu’efficace d’autant qu’il se

trouve encadré de huit à dix reproductions titrées et datées, éloquentes quant à

l’évolution de l’œuvre. Les autres numéros d’Art d’aujourd’hui poursuivent les

présentations d’artistes mais sans s’astreindre à cet exercice qui ne laisse quasiment

pas de place à l’affect. On peut comprendre qu’après avoir commencé cette série

biographique sur les peintres, Roger Van Gindertael ait eu envie de s’arrêter sur leur

« passage de la ligne »28 – abordé plus bas – plutôt que de résumer une vie d’artiste

à une énumération de périodes.

Le numéro spécial photographie

Le didactisme par la forme n’exige pas obligatoirement une telle rigueur. Ce

peut également être une mise en pages intelligente permettant au lecteur de saisir

des idées par delà le texte. On le constate notamment dans le numéro consacré à la

photographie29. Composé lui aussi en séries de doubles pages, il fait se rencontrer et

interagir les clichés. On comprend que des photographies ont été choisies

essentiellement pour le sens qu’elles apportent par leurs confrontations à une ou

plusieurs autres. Pierre Guéguen qui réalise le texte principal du numéro le note en

commentant les clichés de Paul Etienne-Sarisson et d’Agnès Varda. Découpé selon

la même composition triangulaire, le second oppose au noir du premier, le blanc

éclatant d’une montagne de sel :

« Et grâces soient rendues à l’Art Abstrait, à la vision nouvelle qu’il

nous donne du monde dont il se détourne (mais c’est une bonne

méthode !) car ce qui nous frappe maintenant dans une aussi belle

28 Pour ceux qui l’ont passée puisque Charles Lapicque qui inaugure la courte série de trois textes, est figuratif. Il fait cependant partie de la Galerie Denise René et participe à l’exposition Klar Form. 29 Art d'aujourd'hui, octobre 1952, op. cit.

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page, c’est d’abord le magnifique triangle noir […]. La photo jumelle,

d’Agnès Varda, bénéficie rythmiquement de cette splendeur. »30

Le commentaire de Pierre Guéguen vient souligner la mise en pages mais il ne

s’impose nullement, étant distribué dans les pages selon les besoins de la

composition plutôt que du lien texte/images puisque ces dernières se répondent l’une

l’autre.

Seule une citation vient quelques fois appuyer un parallèle entre deux clichés

comme c’est le cas avec ce plan serré d’un mur de pierres et de ciment par Daniel

Masclet, et cette foule durant un meeting sous la pluie prise en plan large par

Siegfried Lauterwasser : « Si tu regardes des murs barbouillés de taches, ou faits de

pierres d’espèces différentes, et qu’il te faille imaginer quelques scènes…, tu y

découvriras des combats et figures de mouvements rapides, d’étranges airs de

visages… »31 Il est étonnant que ce parallèle, contrairement au précédent dont la

composition triangulaire faisait oublier le sujet, renvoie à la figuration. Ici les aspérités

du mur évoquent scènes et personnages. Mais il faut peut-être voir là un moyen de

renvoyer les deux clichés à leur évidence formelle commune : la matière.

Deux contre-exemples

La mise en pages se trouve ainsi encore exploitée dans le but d’éclairer le

regard, de donner à réfléchir. On reste alors surpris lorsque cette clarté fait défaut

comme c’est le cas à la lecture du numéro consacré à l’Italie32. Cette livraison ne

bénéficie pas des découpages très clairs des autres Art d'aujourd'hui et semble par

comparaison d’autant plus confuse. Sous le grand titre "Art abstrait / Italie 1951", la

table des matières indique les textes des différents critiques italiens chacun portant

sur une ville (Milan, Florence, Rome, Naples, Turin, ainsi que, plus indistinctement,

Venise et Bologne). La lecture n’est cependant pas guidée par un tel découpage : les

textes se succèdent, généralement avec une police différente mais sans titre. Le

30 Op. cit. p. 43. 31 Léonard de Vinci, op. cit. p. 30.

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lecteur passe ainsi de l’un à l’autre sans bien en savoir le sujet ni même, s’il n’est pas

suffisamment attentif, sans comprendre que son thème et son auteur ont changé.

C’est l’unique exemple de dossier dont la présentation dessert le contenu.

Cette confusion peut se retrouver en revanche à l’échelle d’un article, mais là

encore, il s’agit de cas très rares. Deux, seulement, ont été relevés. Ainsi "Réflexions

disparates sur l’organisation d’un musée d’art d’aujourd’hui"33, possède une

présentation assez déconcertante. Sa mise en pages le rend brouillon et il faut

posséder le témoignage de Willem Sandberg34, auteur du texte, pour comprendre

pourquoi cet écrit du conservateur du musée d’Amsterdam est si mal mis en valeur.

Ce célèbre directeur du Stedelijk Museum raconte en effet que c’est là un des

premiers textes qu’il écrit et qu’ayant du mal à mettre en ordre ses idées, il opte pour

« un texte central avec de longues digressions en marge » accompagné

d’illustrations. Avant de travailler au Stedelijk Museum, Sandberg était graphiste et il

poursuit cette activité pour les publications du musée. Ses réalisations sont

reconnaissables à son refus des majuscules et de la ponctuation35, ce qu’André Bloc

publie tel quel dans la revue, accompagné d’un photomontage. Ainsi, le document

reçu à la rédaction est fait, comme le titre l’indique, de notes disparates. Pourtant,

présenter ces réflexions les unes en-dessous des autres, sans majuscule ni

ponctuation, avec, de plus, des citations occupant les trois quarts de la largeur, alors

que d’autres, écrites en petits caractères, n’en prennent que le quart, confère à

l’article un aspect très pêle-mêle. La pertinence des réflexions se perd quelque peu

dans cet enchaînement de phrases qui n’ont pas forcément de lien entre elles. Ici la

fidélité au texte original conduit le maquettiste à la desservir. Il en est autrement d’un

article d’Herta Wescher, "Aspects nouveaux du relief"36. Ce texte, bien que découpé

en thèmes distincts par l’auteur, ne se voit pas ponctué d’intertitres faisant apparaître

son développement, comme c’est habituellement le cas. Ses sept pages ordonnent

paragraphes et illustrations abondantes avec harmonie mais sans le souci de servir

32 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°2, janvier 1952. 33 Willem Sandberg, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, pp. 1 à 9. 34 Dans Aujourd’hui, décembre 1967, op. cit., p. 165. 35 On trouvera des indications biographiques sur Willem Sandberg dans le texte d’Ad Peterson, "Sandberg ou le musée engagé" dans 1945, les figures de la liberté, Genève, 1995, pp. 138 à 143. 36 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, pp. 1 à 7.

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le fond de l’article. Cependant ces exemples de mises en pages chaotiques, par leur

faible nombre (seulement trois) et par le fait que l’on puisse en énumérer rapidement

les erreurs, démontrent au final combien le comité d’Art d'aujourd'hui se préoccupe

de la lisibilité de ses articles.

b. Donner le goût de l’art

Il est tentant de penser que le lectorat de la revue, en majorité constitué

d'amateurs, pourrait souhaiter une publication plus propice à la contemplation,

nourrie de textes littéraires balançant avec des reproductions pleines pages sans

commentaire. Comment donner le goût de l'art dans une période où les publications

sur le sujet sont rares (a fortiori celles sur l'art moderne) et les ouvrages peu

illustrés ? Quand les grands auteurs d'histoire de l'art publient ou ont publié leurs

essais mais sur des périodes déjà anciennes ? Art d'aujourd'hui qui propose une

formule légère, sans cesse actualisée, bien illustrée et bien documentée, se

distingue. La pesanteur du didactisme ne doit pas alors être ressentie par les initiés,

eux-mêmes en manque d'informations et d'acquisitions régulières sur l'art. Donner le

goût de l'art par l'explication, la remise en questions des prêts à penser, l'ouverture,

peut permettre à chacun de forger sa propre curiosité.

Des numéros spéciaux pour approfondir les sujets

On a souvent l’impression en lisant Art d’aujourd’hui que les rédacteurs sont

seuls contre tous, menant à la fois un combat contre des idées reçues, contre une

presse traditionaliste, et contre les institutions françaises frileuses. C’est donc un

véritable programme de sensibilisation à la création plastique d’avant-garde qui se

dessine a posteriori dans les pages de la revue. L’anecdote que relate Léon

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Degand37 est assez éloquente quant au peu de crédibilité accordée aux artistes de

leur temps, même les plus fameux. Il raconte qu’un journaliste vient de citer un

entretien imaginaire avec Picasso qu’il a pris pour vrai et dans lequel l’artiste dit être

« un fumiste, abusant de l’imbécillité de ses contemporains ». Le rédacteur d’Art

d’aujourd’hui déplore que tout le monde ait accepté ces propos sans sourciller alors

qu’« un examen sérieux des œuvres de l’artiste leur aurait démontré leur erreur. »

Mais voilà : combien de personnes savent lire une œuvre ?

Durant ses cinq années de parution, Art d’aujourd’hui ouvre ses colonnes à de

nombreuses formes de créations en prenant le temps de les aborder largement. Les

sujets ne sont pas survolés mais approfondis à travers des dossiers voire des

numéros spéciaux. Dès la deuxième année, la revue systématise ce fonctionnement

en mettant un thème en évidence dans presque toutes ses livraisons. Cela permet,

aussi bien aux rédacteurs qu’aux lecteurs, de prendre le temps d’explorer un sujet et

de profiter, selon le cas, de la participation de spécialistes (notamment pour les

numéros consacrés à la création de pays étrangers). Ainsi, de livraison en livraison,

les lecteurs d’Art d’aujourd’hui acquièrent ou affinent des connaissances en histoire

de l’art et dans l’appréhension d’une œuvre. Cela sous différents angles :

- par le biais d’un panorama de la création d’un pays ou d’un ensemble de

pays ("La Peinture aux Etats-Unis", "Italie 1951", "Art mexicain", "Sculpture aux

U.S.A. ", "Grande-Bretagne", "Allemagne", "Pays nordiques")

- par la présentation des styles et des mouvements ("Les Enfants – Les Fous",

"Les Néo-primitifs", "Paris vu par les peintres primitifs modernes", "Ecole de Paris –

20 artistes", "Le Cubisme")

- par une approche technique de l’art ("Arts graphiques", "Photographies",

"Collages", "Synthèse des arts")

- sans oublier un numéro consacré aux musées d’art moderne et un autre à

l’espace dans les arts plastiques.

37 Léon Degand, “L’Affaire Picasso”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 29.

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S’ouvrir à la diversité des arts

Dans cet esprit de didactisme et cette ouverture aux différents arts qui portent

les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui, notons le très complet numéro consacré au

collage38 rédigé dans sa presque intégralité par la spécialiste en la matière, Herta

Wescher. Quarante pages font le point sur cette technique dans l’art contemporain

depuis le cubisme jusqu’au constructivisme, pour ensuite aborder de plus larges

notions telles que la spontanéité, les rapports de plans qu’offre cette technique, ou

ses effets de matières. Cette approche très dirigée que propose Art d’aujourd’hui va

parfois jusqu’au scolaire comme on peut le constater avec le dossier consacré à la

calligraphie japonaise39. Michel Seuphor rédige une introduction qui explique la

raison du texte, replaçant le sujet dans son actualité : des expositions à New York, à

Paris puis dans différents pays d’Europe, et l’influence de la calligraphie sur certains

peintres contemporains. Suit alors une étude de Shiryu Morita – lui-même artiste

japonais et directeur de revue – qui par sa méthode d’explication s’apparente plus à

un cours magistral qu’à un article de presse. L’ensemble est découpé en trois

grandes parties : “Quelques œuvres classiques de la Calligraphie”40 (elle-même

divisée entre la Chine et le Japon) permet un retour historique sur cet art,

“Classifications et tendances des calligraphes contemporains au Japon”41 éclaire sur

les différentes écoles ; enfin, “Œuvres de calligraphes et notes biographiques”42 fait

un point sur les artistes calligraphes japonais. Ce dossier est très soigné, très bien

documenté, procédant le plus souvent par de courts commentaires de chacune des

nombreuses illustrations.

On le devine, la stratégie repose sur l’espoir que plus la revue s’ouvre sur les

autres arts (que ce soit vers le passé ou vers d’autres pays), plus le regard des

lecteurs est susceptible lui aussi de s’ouvrir. L’approche peut donc être très

méthodique ou apporter un éclairage nouveau sur des idées reçues. La lecture qui

est faite de l’exposition consacrée aux arts du Mexique et qui donne lieu à un

38 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954. 39 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, pp. 13 à 23. 40 Op. cit., pp.15 à 17. 41 Op. cit., p 18.

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numéro spécial43 apparaît comme éminemment moderne dans une France où la

question de la colonisation est loin d’être réglée. Ainsi Roger Van Gindertael donne

une approche sensible et sensée de l’évolution de cet art. Il semble avoir posé les

bonnes interrogations afin de ne pas accepter d’emblée les schémas habituels :

« Il serait vain de ne pas reconnaître l’incompatibilité des deux

civilisations qui se heurtèrent pendant les opérations militaires de

Cortez et ne manquèrent pas de s’opposer pendant la longue

période d’occupation, avant de se résoudre dans le métissage, dont

l’art populaire actuel est le résultat. Cette expansion de la sensibilité

et de l’esprit indigènes dans le “populaire” doit suffire à faire rejeter

l’idée d’une collaboration efficace entre les deux “esprits” dans

l’élaboration immédiate des œuvres d’art de l’époque dite coloniale.

La dominante, comme la domination, y est espagnole. Aucune

continuité d’une tradition indigène ne s’y dessine clairement ; en

toute objectivité, il y a rupture complète. On peut, tout au plus, faire

état d’une surcharge de décoration pour détacher de la branche

maîtresse du baroque ibérique le rameau du style mexicain. Mais

encore n’est-ce pas tellement évident. Et ne faut-il pas attribuer cette

redondance à la médiocrité décadente des artistes émigrants et à

une main-d’œuvre plus docile que convaincue, plutôt qu’à la

pénétration du mode d’expression des indigènes qui avaient toujours

donné au contraire, jusque-là, des preuves de leur sens du contraste

mesuré, des formes exactement expressive et de la vraie grandeur ?

[…]

L’Art aztèque est bien mort avec la “découverte” des Amériques. »44

C’est bien par l’observation des œuvres mexicaines créées avant la colonisation que

le rédacteur arrive à cette conclusion. Il oppose en effet à la « surcharge de

décoration » qu’il voit dans les créations de l’époque coloniale, le « sens du contraste

mesuré, [les] formes exactement expressives et [la] vraie grandeur » des œuvres

42 Op. cit., pp. 19 à 23. 43 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, Août 1952. 44 Roger Van Gindertael, “L’Art baroque”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 6 à 7.

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postérieures. La culture du colonisé pâtit de cette violente intrusion. Le schéma se

renverse : ce n’est plus l’artiste mexicain, issu d’une culture prétendument primitive,

qui serait la cause d’une expression artistique grossière, mais plutôt le colonisateur

espagnol, qui aurait emmené sur ces terres lointaines des créateurs d’une

« médiocrité décadente » incapables d’insufler une inspiration sincère aux artistes

dépossédés de leur culture esthétique.

"Cinquante ans de gravure"

De manière toute naturelle pour une revue qui s’attache à la défense de

l’abstraction, ses deux premiers grands dossiers sont consacrés aux deux importants

précurseurs de l’abstraction, Piet Mondrian45 et Wassily Kandinsky46. Mais poussant

la réflexion plus avant sur la nécessité de guider les lecteurs au plus près, les

rédacteurs d’Art d’aujourd’hui consacrent les deux numéros suivants à un panorama

recouvrant les cinquante dernières années de peinture47 puis de gravure48. Le

numéro "Cinquante ans de sculpture"49 sort quant à lui neuf mois après. Il est très

illustré et aborde méthodiquement cet art du modelé à travers les grands

mouvements (le suprématisme, le néo-plasticisme, le constructivisme, le cubisme,

Dada et le surréalisme, l’expressionnisme, les sculptures naïves mais aussi les

sculptures de peintres). La livraison consacrée à la gravure, toujours dans cette

volonté d’être extrêmement didactique, s’ouvre sur une histoire de cet art :

“Cinquante années de gravure”50 par Jean Adhémar, conservateur adjoint au Cabinet

des estampes (on voit ici encore que les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui font bien

volontiers appel à des spécialistes).

On trouve dans le texte qui suit, “L’Artiste et l’artisan”, un exemple type des

rapprochements qu’utilise Léon Degand pour bien se faire comprendre. Alors qu’il

45 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°5, décembre 1949. 46 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°6, janvier 1950. 47 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°7-8, Mars 1950. 48 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°9, avril 1950. 49 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°3, janvier 1951. 50 Op. cit., pp. 2 à 6.

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explique la différence entre artiste et artisan en mettant en garde des dangers pour

l’artiste de se complaire dans « la virtuosité » de sa technique, il explique :

« Il ne suffit pas d’être calligraphe pour être écrivain. Un nouveau

caractère d’imprimerie ne détermine pas l’apparition d’une nouvelle

littérature. »51

Le numéro est en grande partie constitué de différents témoignages sur cette

technique plutôt que de textes théoriques. On devine qu’il n’a pas toujours été

possible pour le comité de rédaction d’obtenir la même exigence pédagogique que

celle qu’il s’impose à lui-même. Cependant, certains graveurs jouent le jeu du

didactisme comme Albert Flocon qui livre un texte riche d’enseignements sur son art

avec des informations techniques précises52 : le bon positionnement du burin sur la

plaque de cuivre, la lenteur du travail, les limites de la technique, etc. D’autres

détonnent en revanche, comme cet extrait d’"A la Gloire de la Main" de Gaston

Bachelard53 dont le texte plutôt poétique use d’un style complexe, inhabituel dans la

revue.

"Cinquante ans de peinture"

La première livraison de cette série de panoramas est la plus méthodique. Les

trois premières pages des "Cinquante ans de peinture" présentent une classification

des mouvements et tendances de la peinture54. De manière presque scolaire le nom

du mouvement est écrit en lettres capitales au-dessus de la reproduction en noir et

blanc d’une œuvre représentative. Viennent ensuite, collé à la reproduction, le nom

de l’artiste, puis, dessous, un très court paragraphe indique les grandes lignes

nécessaires à la découverte du mouvement. Tout cela reste très synthétique

puisqu’une double page suffit à couvrir – en plus du sommaire et de l’ours – la

51 Dans Art d'aujourd'hui, avril 1950, op. cit., p. 7.52 Albert Flocon, "L’Eloge du burin", dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 13. 53 Gaston Bachelard, “Matière et main”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 9. 54 Léon Degand, “Essai de classification”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 2 à 4.

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période qui va de 1900 au suprématisme en abordant l’expressionnisme, le

fauvisme, le cubisme analytique, le rayonnisme, le futurisme, l’abstraction, la peinture

métaphysique, le collage, l’orphisme, et le cubisme synthétique. Suivent sur une

seule page le constructivisme, Dada, le néo-plasticisme, le purisme, le surréalisme,

le néo-humanisme, l’école de Paris, les naïfs, et même les enfants et les fous. A cela

s’ajoutent deux autres petits encadrés, non illustrés cette fois-ci : "Caractère général"

et "Situation en 1950".

Les indications apportées sont très claires, il s’agit de pistes pour comprendre

les différentes tendances exposées. Léon Degand ne rentre pas dans les détails et

son efficacité à résumer tous ces mouvements montre la maîtrise de ses

connaissances. Il lit l’histoire de la peinture depuis 1900 comme une longue marche

vers l’abstraction, idée qui se confirme dans sa conclusion :

« Le mouvement pictural, de 1900 à 1950, se caractérise par une

conquête progressive de l’autonomie de la peinture, comme langage

et comme expression. »55

L’ensemble de ces trois pages constitue donc une série de fiches concises,

synthétiques, donnant l’essentiel de chaque mouvement (influences, opposition à

une tendance, etc.). Chacun d’entre eux se trouve ensuite détaillé dans un long

article très illustré, au ton parfois un peu professoral. Cette dérive se trouve

contrebalancée par des textes qui prennent la forme de témoignages (“Dada” de

Gabrielle Buffet-Picabia et “Le Purisme” de Le Corbusier) et rendent la lecture plus

vivante, permettant de maintenir l’attention.

Certains textes méritent que de s’y arrêter tel celui qu’André Lhote consacre

au cubisme56. Son approche habile pour aborder les déformations et les perspectives

aléatoires qui peuvent surprendre dans les tableaux de Cézanne, d’abord, et des

artistes cubistes, ensuite, est à relever. Il explique ce choix plastique en énumérant

des exemples d’illusions optiques auxquelles nous sommes quotidiennement sujets :

le rapport des formes entre elles qui deviennent plus ou moins obliques, plus ou

moins convexes selon qu’elles sont à proximité d’autres formes, elles aussi plus ou

55 Op. cit. p. 4. 56 André Lhote, “Le Cubisme”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 11 à 15.

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moins verticales, plus ou moins rectilignes, ou encore la luminosité d’un objet qui le

rend plus présent dans l’espace. Exposées ainsi, ces distorsions n’apparaissent plus

comme fantaisistes mais au contraire comme le résultat d’une attentive observation

de la réalité que les peintres inscrivent dans une permanence, à l’image de ce que

cherchait Paul Cézanne. Ce temps immuable se trouve dans le rapport à établir entre

l’objet et sa forme géométrique, en quelque sorte matricielle. De cette démonstration

André Lhote aboutit à une lecture du cubisme à travers une évolution vers

l’abstraction :

« Le Cubisme sut trouver, justement, le revêtement coloré, mais

abstrait , qui convenait à son entreprise de réintégration de la

peinture dans son domaine spécifique, qui est, sans conteste

possible, celui de la transposition géométrique du dessin et de

l’organisation plastique et colorée d’une surface, dédiée, non aux

objets matériels, mais aux analogies plastiques, aux métaphores

poétiques tirées des objets. »57

Cette lecture est sensible dans l’ensemble du numéro, notamment, une fois

encore, sous la plume de Léon Degand. Il écrit quatre textes dans le cadre de ce

panorama de la peinture moderne, chacun d’entre eux démontre que la finaltié

picturale se trouve dans l’abstraction. Lorsqu’il rédige une étude sur Klee, il s’attache

à expliquer sa démarche qui serait non pas une réinterprétation de la réalité mais la

transcription de sa pensée abstraite :

« Paul Klee semble partir de cette expression picturale,

immédiatement imaginée, pour lui subsituer une métaphore plastique

qui constitue, en quelque sorte, une expression picturale au

deuxième degré. »

Il la conclut par ces mots :

« Rien d’étonnant, dans ces conditions, si l’œuvre de Klee connaît

un renouveau de prestige auprès de maints jeunes peintres qui,

57 Op. cit., p. 15.

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aujourd’hui, sans aller jusqu’à l’abstraction intégrale, se détournent

résolument de tout réalisme. »58

De même, il aborde le futurisme comme étant précurseur, en certains points, de

l’abstraction, notant :

« Mais n’est-ce pas là une allusion à cette complexité des sentiments

que la peinture contemporaine a tendance à exprimer en s’abstenant

de plus en plus de toute image limitée à un seul aspect simpliste du

monde extérieur ? Voire, en généralisant son expression picturale

par l’usage de l’Abstraction ? »59

Son texte de conclusion à l’ensemble du numéro rétrospectif, "Les Nouveaux

Courants picturaux à Paris de 1930 à 1950", rend évident le sentiment de limpidité

qui se dégage des écrits de Degand. Il découle de l’assurance avec laquelle le

rédacteur exprime ses idées sur l’évolution de la création plastique : toute tendue

vers une libération du sujet, en marche vers l’abstraction.

"Cinquante ans de sculpture"

Cette livraison consacrée à la sculpture est l’ultime épisode de la série des

numéros thématiques rétrospectifs. Alors que les deux premiers se suivent, ce

dernier arrive sept mois et quatre livraisons plus tard. Son introduction, rédigée par

Léon Degand60, expose les difficultés rencontrées pour aborder un tel sujet ; l’histoire

et le développement de la sculpture moderne se divisent difficilement en

mouvements. Cet art évolue en fonction de personnalités, électrons souvent libres,

indépendants de tout groupement d’artistes et par le fait, difficilement classables. Or,

l’ambition même de ces numéros spéciaux reste la précision que vient appuyer un

inévitable catalogage. Le texte de Léon Degand s’étend sur cinq pages mais il se

trouve curieusement interrompu alors qu’une sculpture de Calder détourée occupe la

58 Léon Degand, “Klee”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 16. 59 Léon Degand, “Futurisme”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, p. 17. 60 Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°3, janvier 1951, 2 ème de couverture puis pp. 1 à 5.

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majeure partie de la page laissée blanche. La fin du texte – trois paragraphes – est

ainsi reléguée en fin de numéro, dans la partie "Bibliographie"61.

L’introduction est suivie de "Prolégomènes", réflexions sur les innovations

dans la sculpture durant les années précédant la Première Guerre mondiale,

exposées par Félix Del Marle62. Ce dernier écrit peu pour Art d'aujourd'hui et sa

participation la plus importante concerne cette livraison. Trois autres textes courts

regroupés en un dossier bien illustré portent sur le suprématisme, le néoplasticisme

et le constructivisme – des courants de pensée esthétiques dans lesquels s’inscrit

l’artiste, ce qui le pousse d’ailleurs à se citer lorsqu’il aborde la doctrine de Mondrian

et Van Doesburg. Entre les différents écrits de Del Marle s’articule une visite de

l’atelier de Constantin Brancusi réalisée par Julien Alvard. Néanmoins, le peu de

place accordée à cet artiste majeur ainsi que la neutralité du texte laissent supposer

que l’entretien n’a pas été réalisé expressément pour ce numéro et qu’il s’agit là d’un

réemploi.

Cécile Agay propose, en une page, un panorama des "Sculptures naïves"

entre palais du facteur Cheval, lion de manège et roches sculptées par un ermite,

quand Roger Van Gindertael et Léon Degand s’illustrent dans un domaine qui leur

est réservé : la synthèse didactique. A eux deux, ils se partagent le cubisme, Dada et

le surréalisme, l’expressionnisme ainsi que les peintres sculpteurs, mais également

une synthèse 1930 à 195063. Enfin, notons en quatrième de couverture, une publicité

plein page et bicolore de la fonderie Susse illustrée de sculptures en bronze de Bloc

et de Gilioli. C’est la seconde et dernière fois que la fonderie fait une publicité aussi

prestigieuse dans la revue. La précédente concernait le numéro consacré aux

musées d’Art moderne.

c. Pour mieux aborder l’abstraction

61 Op. cit., p. 28. 62 Op. cit., pp. 6 et 7. 63 Ces textes courent sur quinze pages soit la moitié du numéro.

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Durant sa quatrième année de publication, Art d’aujourd’hui consacre au

cubisme une livraison très complète – et la plus épaisse des trente-six numéros64. Un

texte retrace la naissance du mouvement, rédigé par celui qui la connaît le mieux : le

marchand Daniel-Henry Kahnweiler. Suivent des articles qui abordent

méthodiquement toutes les techniques (peinture, collage, sculpture et dessin), et se

succèdent ainsi analyses et témoignages (de Kahnweiler ou de Gabrielle Buffet).

Enfin, l’ensemble se trouve ponctué de documents d’archives : photographies,

illustrations, textes mis en pages par Apollinaire et fac-similés de la revue Sic (Sons,

Idées, Couleurs) que Pierre Albert-Biro crée en janvier 1916 pour laisser libre cours à

ses talents multiples, tant plastiques que littéraires, sans s'attacher à une école et

ses inévitables querelles.

L’abstraction, but ultime

Telle la colonne vertébrale du numéro, l’important article de Léon Degand65

fait le point sur le mouvement, son évolution, et permet de présenter et de

commenter méthodiquement chacune des nombreuses reproductions. Toujours avec

pédagogie, Léon Degand avance doucement dans son historique du cubisme et

ménage des pauses dans son argumentation : « Faisons le point au terme de cette

première période du Cubisme. »66 C’est que toute sa démonstration tend là encore

vers un seul but, annoncé dès l’introduction du numéro67 : le cubisme, comme tant

d’autres mouvements, n’est qu’une étape vers l’abstraction, but ultime. Ainsi, de la

conclusion de “La Peinture cubiste” :

« Au fond, le mouvement cubiste fut et se voulut un acheminement

vers l’Abstraction. Et le fait que la plupart des Cubistes se refusèrent

64 Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953. 65Léon Degand, “La Peinture cubiste”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 8 à 31. 66 Ibid., p. 19. 67 Léon Degand, “Situation et signification du cubisme”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 1.

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à la conclusion logique de leurs efforts, ou l’ignorèrent, n’y change

rien. »68

Cela révèle d’une part que les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui ne voient pas d’autre

issue pour l’art que l’abstraction – il n’est par exemple jamais fait mention du ready-

made, et Marcel Duchamp n’est cité que dans les présentations de Dada et du

surréalisme du numéro rétrospectif sur la peinture. D’autre part, envisager l’évolution

de l’expression plastique depuis les impressionnistes, sous l’angle de l’éclosion finale

de l’abstraction, permet aux rédacteurs d’Art d'aujourd'hui d’affirmer la place

prépondérante de cette avant-garde.

Car de nombreux exemples sont cités dans Art d’aujourd’hui de l’indifférence

voire du rejet dans lesquels évolue l’art abstrait au début des années cinquante, à

travers la radiodiffusion, la télévision ou la presse écrite. Les rédacteurs de la revue

ne peuvent que déplorer ce que Léon Degand résume en ces termes :

« Depuis que les arts plastiques ont accédé à l’autonomie de leurs

moyens et de leurs fins, une nouvelle critique est née : celle qui se

vante de son incompréhension. Comme s’il y avait lieu d’être fier de

ne pas comprendre. » 69

Ils se livrent alors à une bataille contre de nombreux a priori opposant inlassablement

clarté et didactisme à la méconnaissance, opposant aussi à la mauvaise foi décrite

ci-dessus, une forme de prosélytisme :

« Nouvelle logique de cette nouvelle critique : je ne comprends pas

donc c’est incompréhensible. Je n’éprouve aucune émotion, donc

l’œuvre est exclusivement cérébrale. L’œuvre ne m’inspire que des

plaisanteries, donc elle est ridicule. Je désespère de comprendre,

donc l’œuvre est le témoignage d’un désespoir. »70

Il y a urgence à combattre l’ignorance et c’est en allant au plus proche de la création

abstraite que l’on peut aider à comprendre cette forme d’art71.

68 Léon Degand, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 31. 69 Léon Degand, “Propos sur la critique”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, p. 25. 70 Ibid. 71« En effet, tant qu’une place spécifique n’aura pas été créée dans l’équipement mental des individus

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Combattre l’ignorance

Ce peut être d’abord par une analyse fine des composantes de ce langage

comme on peut la lire sous la plume de Julien Alvard :

« Ce qui m’a paru soudain frappant c’est la façon, toute différente de

la peinture, dont la sculpture pose le problème de l’abstrait. En effet,

elle heurte si fort par son caractère insolite que même les moins

avertis ou les plus hostiles ne peuvent se raccrocher à cette notion

de décoratif qu’ils invoquent fréquemment devant la peinture

abstraite. Tout ce qu’il peut y avoir de fête pour les yeux dans la

couleur est absent ici. Seule, demeure la forme dans son austérité,

avec son encombrant volume. […] Devant les monolithes de Gilioli,

on est complètement dérouté. […] La notion de contenu est

entièrement dépassée. On est en présence de la forme pure. »72

Ici, le critique ne commente pas les œuvres du Salon de la Jeune Sculpture pour

elles-mêmes mais utilise leurs caractéristiques, parfois arides, pour en faire les

représentantes de l’abstraction. Il suffit donc de regarder, de ne pas « se raccrocher

à cette notion de décoratif », de ne pas se laisser envahir par la seule contemplation

des couleurs. L’avant-garde abstraite fait se conjuguer la composition, le rythme, les

lignes, les courbes, etc. qui sont ainsi mis violemment en relief par la sculpture.

Combattre l’ignorance hostile à l’abstraction, ce peut être également se

rapprocher des créateurs, tenter de connaître leurs préoccupations esthétiques, leur

profonde évolution. A plusieurs reprises, les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui posent le

problème du moment où un artiste figuratif réalise une œuvre abstraite. Dès les

portraits d’artistes de Roger Van Gindertael (présentés dans le sommaire comme

pour un tel objet, tant que celui-ci se heurtera à des attentes relevant d’économies "ordinaires" auxquelles […] il n’est pas adapté, il ne rencontrera dans les processus cognitifs que le vide - vide qui lui-même sera vécu dans le malaise, soit humilié ("je ne comprends pas") soit scandalisé ("il n’y a rien à comprendre"). » Nathalie Heinich, "Christo à Paris, 1985 : emballé, pas emballé ?" dans L’Art contemporain exposé aux rejets, Etudes de cas, Nîmes, 1998, p. 13. 72 Julien Alvard, “A propos du Salon de la jeune sculpture”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, p. 30.

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« une documentation de base sur les artistes contemporains »73), la question est

sous-jacente, ainsi de la courte biographie de Gérard Schneider74 qui tente

d’expliquer comment le peintre a commencé avec une peinture figurative pour

devenir abstrait. La phrase : « Dans l’œuvre de Schneider, ce moment est crucial qui

l’amène logiquement à la non-figuration. » indique bien que le critique cherche à

comprendre comment et quand un artiste « passe la ligne ». De même, on lit dans la

chronologie des « œuvres principales », une division en « peinture d’imagination »,

puis « période intermédiaire », et « période abstraite». On retrouve ce même

découpage dans le portrait d’André Lanskoy75 qui nomme pour la première fois cette

notion de passage retenue par Roger Van Gindertael : « Le passage d’un monde à

l’autre s’est fait sans rupture et sans changement de signification. »

La série "Le Passage de la ligne"

Le rédacteur ne poursuit pas cette série et en entame une autre en juin 1952.

"Le Passage de la ligne" aborde un sujet plus délicat : retrouver, commenter et

comprendre le moment où l’artiste quitte l’imitation du monde réel pour l’abstraction.

Le titre du premier épisode “Quelques documents pour aider à mieux comprendre LE

PASSAGE DE LA LIGNE réunis par R. V. Gindertael”76, donne du rédacteur l’image d’un

chercheur et montre également l’ambition didactique du projet. Car si Roger Van

Gindertael entreprend des recherches c’est dans l’idée de servir les lecteurs auprès

desquels il semble s’excuser lorsque les textes qu’il possède de Casimir Malevitch

ne répondent pas précisément à la question : « Je suis moins bien documenté pour

retrouver les circonstances de ce moment important et ses coordonnées

psychologiques. »77 Avec cette série, il semble vouloir répondre simplement à une

73 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, 2 ème de couverture. 74 Roger Van Gindertael, “Schneider”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°6, juin 1951, pp. 26 à 27. 75 Roger Van Gindertael, “Lanskoy”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, pp. 30 à 31. 76 Dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 17. 77Ibid., p. 19.

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demande tacite des lecteurs, se définissant comme étant « uniquement un

rapporteur »78.

On retrouve ici encore l’esprit méthodique et didactique de Roger Van

Gindertael. Il commence son enquête par les précurseurs : Wassily Kandinsky,

Casimir Malevitch, Piet Mondrian, Théo Van Doesburg et Georges Vantongerloo79 et

poursuit avec Frank Kupka, Jacques Villon, Robert puis Sonia Delaunay et Alberto

Magnelli80. Pour rédiger son premier épisode, ainsi que le texte sur Robert Delaunay,

le critique s’appuie sur les écrits des artistes. Il fait ensuite des entretiens avec ses

contemporains81 et n’oublie pas les très jeunes en allant à l’Atelier d’art abstrait de

Jean Dewasne et Edgard Pillet (artistes qu’il interroge également) 82. Il y rencontre

Araceli Gilbert, Pascal Navarro, Horst Egon Kalinowsky et Wilfredo Arcay83 pour

essayer de comprendre comment « on passe la ligne » une fois que l’on a l’exemple

des aînés.

Des textes introspectifs

Cette ambitieuse série demande aux artistes de se replacer dans ce moment

déterminant de l’évolution de leur œuvre. Roger Van Gindertael ne s’éloigne jamais

de son sujet et fait preuve d’une grande rigueur tout au long des entretiens qui ne

s’orientent jamais vers des généralités sur le travail de l’artiste. Le critique s’en tient à

circonscrire le moment du passage, à en comprendre le déclencheur et

l’enchaînement des faits. Les textes qui en ressortent sont d’une grande limpidité.

On devine l’ampleur du travail de Roger Van Gindertael lorsqu’il n’a pour

références que les écrits des artistes. Avec ceux de Wassily Kandinsky84, il fait

78 Ibid., p. 18. 79 Ibid., pp. 17 à 21. 80 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, août 1952, pp. 18 à 22. 81 Roger Van Gindertael réalise des entretiens avec Auguste Herbin et César Domela (3ème série, n°7-8, octobre 1952), et avec Jean Deyrolle, Serge Poliakoff et Victor Vasarely (4ème série, n°2, mars 1953). 82 Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°1, janvier 1953, pp. 15 à 19. 83 Ce dernier réalise ensuite à trois reprises les sérigraphies des encarts couleurs de la revue d’après des œuvres de Juan Gris (4ème série, n°3-4), Carlsund (4 ème série, n°7) et André Bloc (5 ème série, n°1). 84 Op. cit., pp. 18 à 19.

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preuve de rigueur dans ses choix. On comprend qu’il a dû opérer un tri drastique

dans un corpus important afin de rester dans les limites de son projet. De l’analyse

des textes le rédacteur détermine la « circonstance » du passage (précisant que

l’artiste nomme cela le « durchbruch », soit : « la percée »), c’est-à-dire la vision du

tableau de Monet, La Meule, puis « l’intention » (« aller plus loin »), « le moyen »

(« abandonner la nature et l’objet ») et enfin le « pourquoi » (« le spirituel »). Certains

écrits, moins explicites sur le point précis de la recherche de Roger Van Gindertael,

l’oblige à reconnaître : « Je pense pouvoir m’abstenir de reproduire leurs écrits qui

n’intéressent pas directement le moment du passage. »85

Ainsi, tout au long des cinq épisodes, le rédacteur aborde à travers "Le

Passage de la ligne", la solitude et les doutes de Frantisek Kupka dans son travail

vers l’abstraction, les hésitations de Jacques Villon à définitivement quitter la

représentation de la réalité, l’intérêt pour la couleur de Robert Delaunay qui le mène

à l’abstrait, ou l’importance des hasards dans les passages d’Auguste Herbin et de

Jean Deyrolle. Ces réalisations abstraites qui semblent hermétiques voire

prétentieuses à certains amateurs, apparaissent ici comme le résultat d’un long

cheminement effectué par d’humbles artistes. L’amusante anecdote relatée par

Serge Poliakoff montre que le créateur reste lucide face à son travail86. L’artiste

explique combien, jeune, il fut enthousiasmé par la richesse des peintures de

sarcophages vus lors de son voyage en Angleterre. Il raconte qu’alors que les

gardiens détournaient le regard, il était allé gratter la surface de l’une des pièces afin

de s’assurer qu’une telle densité colorée provenait bien, comme il le pensait, de la

superposition de différentes couleurs. Il adopta alors cette technique que Léon

Degand commente plus tard en ces termes : « On s’est beaucoup arrêté à la matière

de cette peinture, pour la déplorer, la louer, l’imiter, pour y trouver le secret de

l’incompréhensible séduction. » Son secret, à l’origine d’« un succès

étourdissant »87, Serge Poliakoff le livre ici simplement et n’hésite pas à démystifier

l’acte créateur précisant que ne se souvenant pas exactement du mot

85 A propos de Van Doesburg et de Vantongerloo”, ibid., p. 21. 86 Op. cit., pp. 21 à 22. 87 Léon Degand, “Poliakoff”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 32.

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« sarcophage » et aimant jouer de son Français approximatif, il avait pendant

longtemps appelé cette époque de jeunesse, sa « période saragophe » !

L’ensemble de ces témoignages éclaire davantage sur l’abstraction qu’un

texte très théorique. Roger Van Gindertael l’espérait bien dès la présentation de la

série, ajoutant que ces expériences « intéressent un point très précis de “l’acte-

contre-nature” reproché aux artistes abstraits. »88 Car c’est toujours de cela qu’il

s’agit : défendre l’abstraction. D’abord parce que c’est une forme d’expression

actuelle voire d’avenir, ensuite parce que loin d’être engendrée par un « acte-contre-

nature », elle résulte de la prise en compte des seules qualités de l’expression

plastique (composition, forme, couleur, ligne, matière, etc.). Enfin, plus que la

figuration, l’art abstrait permet l’intégration de la peinture et de la sculpture dans

l’architecture. Ces trois évidences prouvent bien l'impérieuse nécessité du combat

contre l’ignorance ; il faut accepter l'art de son époque. L'article que Michel Seuphor

rédige sur le café-dancing de l'Aubette à Strasbourg met en perspective la

méconnaissance et le mépris pour l'art moderne tels qu'ils ont été pratiqués par le

propriétaire des murs après la Seconde Guerre mondiale, période encore toute

proche :

« [Il] se croyait sans doute très éclairé en remplaçant ces fantaisies

démodées par un style plus proche de 1900 et beaucoup plus en

accord, évidemment, avec le goût du jour. »

L’auteur conclut :

« Ainsi furent anéantis par la paresse de l’intelligence, par une

carence lamentable de jugement, les plus pertinents exemples qui

furent réalisés à ce jour de l’art moderne spatialement appliqué. »89

Une seule arme valable contre l’ignorance : l’art à l’école

88 Roger Van Gindertael, “Le Passage de la ligne”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 18. 89 Michel Seuphor, “L’Aubette de Strasbourg”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953,

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Par quels moyens peut-on remédier à l'indifférence du public envers les

artistes ? Léon Degand le constate en énumérant les différentes aides susceptibles

d’être apportées aux artistes (achats de leurs œuvres par les institutions, bourses,

obligation d’inclure une création artistique dans la construction de bâtiments

importants, etc.) : seul le contact régulier des plus jeunes avec l’art qui leur est

contemporain reste une solution valable90. Ainsi, Art d’aujourd’hui donne l’exemple

d’une école de Montrouge construite par Pierre Vago et mise en couleurs par André

Bloc et Pierre Lacombe, et cite les réactions des élèves91. D’autres fois, un rédacteur

informe d’initiatives de peintres qui enseignent les techniques artistiques aux enfants,

afin de donner plus tard des adultes qui aient :

« une connaissance plus profonde, une compréhension plus juste,

un esprit critique moins dangereusement intuitif de l’art, et pour tout

dire, pour dire mieux, du faire. Et c’est cela qui est important. »92

La question de l’enseignement de l’art, notamment à l’école, se pose d’autant plus

qu’à cette période, les nombreux enfants du baby-boom sont déjà scolarisés. Ainsi,

inlassablement, Art d’aujourd’hui prône le didactisme :

« La critique explicative est qualifiée parfois de didactique, pour la

discréditer. A la vérité, elle l’est. Et heureusement, sans quoi rien ne

suppléerait aux lacunes de nos diverses sortes d’enseignements. »93

Il faut voir cela comme une première étape contre la discrimination sociale et

culturelle – idée qui sera détaillée au terme de cette étude. Une inspectrice des

écoles maternelles toute aussi favorable à l'introduction de l'art dans les écoles et

œuvrant en ce sens, argumente en 1960 dans la revue Art enfantin94 sur cette

p. 11. 90 Léon Degand, “La Situation sociale et économique de l’artiste”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 17 à 18. 91 “Ecole à Montrouge”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 32. 92 Roger Bordier, “L’Enfance devant la technique”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 32. 93 Léon Degand, “Propos sur la critique d’art”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, p. 25. 94 Ce périodique, organe du Mouvement de l'Ecole moderne initié par le pédagogue Célestin Freinet, est dirigé par son épouse, Elise Freinet, qui donne une orientation artistique à l'éducation.

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nécessité d'autant plus impérieuse pour des enfants dont le cadre de vie, dessiné par

une architecture moderne, se standardise :

« Dans un monde mécanisé où les esprits et les cœurs se

banalisent, s’uniformisent à l’image de ces cubes de béton et de

ciment, geôles modernes des fourmis humaines, nous avons plaisir à

venir chaque année nous replonger à l’écoute du monde au milieu

de ces œuvres fraîches, naïves ou recherchées, mais toujours

créées dans la joie des mains, du cœur et de l’esprit. »95

95 Madeleine Porquet, "XVIè Congrès international école moderne 10-14 avril" dans Art enfantin, n°3-4, juin-septembre 1960, p. 2.

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2. Le quotidien de l’art

« Il ne faut pas sortir, selon moi, du cadre du métier. »96

Avec Art d'aujourd'hui, l’art devient donc compréhensible ; les rédacteurs font

en sorte qu’il devienne également abordable. L’acte créatif n’est pas appréhendé

comme le fruit d’une géniale inspiration mais comme celui d’un long labeur.

L’attention se trouve alors souvent portée sur la technique des artistes – leurs

recettes, leurs exigences – à tel point qu’une série lui est consacrée : "L’Art et la

manière". L’artiste devient ainsi l’égal de l’artisan, voire de l’ouvrier. Comparaison

appuyée par les différents textes traitant des difficiles conditions de vie des jeunes

créateurs.

L’art dans notre propre quotidien se trouve avant tout au musée qui reste un

espace à privilégier et surtout, à en croire les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui, à

améliorer. Des textes paraissent à plusieurs reprises, s’attachant particulièrement à

la scénographie d’une exposition, d’un musée. Le bilan des manifestations

parisiennes qu’établit la revue n’est pas bien brillant, et cela paraît d’autant plus

insupportable aux rédacteurs qu’elles ont lieu dans la Capitale des Arts.

Cependant, au-delà des cimaises privées et institutionnelles la contemplation

reste possible et c’est ce que les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui entreprennent de

démontrer durant les cinq années de publication. La création se rencontre dans la

rue grâce à une affiche, une peinture de baraque foraine, des graffiti ou un tatouage.

Elle prend des formes multiples – art brut, art populaire, dessins d’enfants – mais

seuls le regard et l’attention que le spectateur saura y porter la révéleront. Enfin, l’art

au quotidien devient tangible pour le lecteur qui peut collectionner les sérigraphies

accompagnant dix-sept livraisons ou répondre aux sollicitations régulières à

participer à l’élaboration de numéros de la revue.

96 Propos de Robert Jacobsen recueillis par Roger Bordier pour la série "L’Art et la manière" : “Le Fer et le faire de Jacobsen”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p. 48.

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a. Les artistes au jour le jour

Art d’aujourd’hui privilégie dans ses pages, une approche de l’art par sa

technique. Cela peut se faire par une mise au point sur l’une d’elles comme le

propose Georges Boudaille avec les photogrammes, mettant l’accent sur le procédé

lui-même de cette méthode de reproduction photographique et trouvant là une

« agréable occasion de revenir sur cette technique qu’on s’apprête trop vite à

oublier. »97 L’intérêt porté à la pratique se voit également dans les portraits

d’artistes ; ainsi celui du sculpteur Robert Tatin par Pierre Guéguen qui apprécie

notamment ses recherches menées sur la coloration de la terre avant cuisson. Il

remarque alors :

« Un génie comme Picasso, potier provençal n’a pas techniquement

apporté de progrès dans la céramique. Il a dû conserver le mode

traditionnel »98.

Sont ainsi mis sur un pied d’égalité la recherche formelle, plastique et

l’expérimentation technique. Le génie de Picasso, l’image de l’artiste inspiré ne prend

pas plus de place dans Art d’aujourd’hui que l’artiste travailleur, dur à la tâche ou

bricoleur. Un ouvrier de l’art.

La série "L’Art et la manière"

Preuve de l’importance accordée aux techniques, Art d’aujourd’hui consacre

une série de six articles à ce sujet, "L’Art et la manière". Les prémisses se lisent dans

des textes tels que la conférence du graveur Anton Prinner99. Il donne des astuces

pour graver au burin et à l’eau-forte, puis livre ses découvertes, insistant sur la

nécessité d’expérimenter. La série, elle, ne débute que quatre années plus tard avec

97 Georges Boudaille, “Photogrammes”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p. 17. 98 Pierre Guéguen, “Tatin”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 54. 99 “La Gravure : la science du burin – le mystère de l’eau forte – les trouvailles”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé (dix pages).

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le numéro de décembre 1953. Elle rend compte du travail de treize peintres et sept

sculpteurs100. A l’initiative de ce projet, Roger Bordier raconte comment une simple

idée a séduit les membres du comité pour devenir une des séries phares de la

revue :

« C’était au départ une petite idée mais elle a vite pris de

l’importance grâce à des gens comme André Bloc et Léon Degand

qui avaient un rôle important dans le comité. “Secrets de fabrication”,

je le prenais presque ironiquement – bien que sérieusement quand

même – : chaque peintre, chaque sculpteur, doit avoir son secret de

fabrication, si on l’amenait à l’avouer. […] Cela m’a conduit à faire ce

que j’ai appelé "L’Art et la manière". »101

Les textes mettent en évidence le fait que la façon dont travaille l’artiste est

déterminante pour comprendre sa démarche. La lecture des témoignages d’artistes

et de leurs préoccupations tant plastiques que techniques, révèle à quel point toute

une partie de leur travail échappe à l’amateur, aussi attentifs qu’il puisse l’être. Cette

série permet également de montrer que l’artiste est un travailleur dur à la tâche, qui

cherche, expérimente, se trompe ou réussit. Roger Bordier décrit ainsi Alberto

Magnelli : « […] il n’est pas de ceux qui prétendent peindre sous la dictée de

l’inspiration. » Ou encore : « Magnelli, sûrement, croit à l’état de grâce. Mais l’état de

grâce, et tant pis si je parais terriblement prosaïque, c’est encore, au fond, une

technique. »102

Roger Bordier se montre moins rigoureux que Roger Van Gindertael pour la

série d’articles du "Passage de la ligne", et s’autorise quelques digressions. Mais si

certains textes font parfois des infidélités au projet de départ, les illustrations qui les

accompagnent ne s’en éloignent jamais et restent très explicites : une photographie

de l’artiste au travail, des reproductions de croquis préparatoires, des gros plans sur

100 Les artistes interrogés pour la série "L’Art et la manière" sont : Herbin, Poliakoff, Pevsner (4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 19 à 25), Magnelli, Deyrolle, Gilioli, Vasarely (5ème série, n°1, février 1954, pp. 20 à 25), Hartung, Pillet, Jacobsen et Dewasne (5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, pp. 44 à 51), Arp, Mortensen, Bloc, Bozzolini (5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, pp. 44 à 51), Sonia D elaunay, Schöffer, Dias (5ème série, n°6, septembre 1954, pp. 12 à 17), Seuphor et Lardera (5ème série, n°7, novembre 1954, pp. 18 à 21). 101 Entretien avec Roger Bordier, voir en annexes. 102 Roger Bordier, “Simplicité de Magnelli”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 20.

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les toiles pour montrer la matière et le trait. Roger Bordier explique d’ailleurs l’intérêt

de la présence de la photographe pendant le temps de l’entretien et l’on saisit ici

combien l’introduction du reportage photographique dans cette série est une

appropriation, par la revue, des moyens – et des nouvelles modes éditoriales – qui lui

sont contemporains :

« J’allais dans l’atelier de l’artiste avec une photographe qui

s’appelait Sabine Weiss. Nous faisions tout en même temps car je

voulais que ce soit très vivant, que ce soit une rencontre vécue et

non pas une organisation journalistique avec un reporter qui vient, et

ensuite un photographe. Donc je prévenais les artistes et nous

discutions pendant que la photographe opérait. […] J’avais dit que

l’article ne se ferait qu’à cette condition. J’y tenais beaucoup parce

que précisément, je voulais que l’on soit dans un vécu, chez l’artiste,

avec l’artiste chez lui, devant sa toile, bien installé dans son œuvre,

l’accomplissant. Sabine Weiss suivait très exactement l’entretien ; je

posais mes questions, prenais des notes et elle voyait ce qu’il fallait

photographier. Il y avait un certain nombre de choses au mur que

l’on commentait, d’autres en train… Celui qui s’est le mieux prêté à

ce jeu de l’œuvre en train – qui fait un peu penser au film de Clouzot

sur Picasso103 – c’est Hartung. Je le croyais plus réservé mais au

contraire, il s’est mis à peindre devant nous. »104

Roger Bordier précise alors que seul Serge Poliakoff s’est montré hésitant sur

la présence de la photographe. L’article sur sa technique en pâtit qui ne peut

présenter que trois clichés – en noir et blanc rappelons-le – de trois étapes de son

travail105. Cela apparaît d’autant plus préjudiciable à une œuvre dont on sait

l’importance de la couleur. Les autres artistes bénéficient de beaucoup plus

d’illustrations pour présenter leur travail. Certains ne montrent que leurs mains

manipulant des outils mais cela reste très éclairant. D’autres se prêtent volontiers au

jeu et offrent l’occasion de les saisir dans les diverses étapes de leur création.

103 Le Mystère Picasso, 1955. 104 Entretien avec Roger Bordier, voir annexe V. 105 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 22 et 23.

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Cette série soulève diverses questions découlant de la technique. Ainsi,

Auguste Herbin106 et Berto Lardera107 se préoccupent de la conservation et de la

stabilité de leurs œuvres. On constate également combien l’intérêt des artistes pour

leur époque se répercute dans leur technique ; que ce soit en utilisant de nouveaux

matériaux tel le polyester qu’emploie André Bloc pour enchâsser les verres de ses

vitraux108, ou « l’intervention de la science la plus moderne dans l’animation, voire la

sonorisation de la sculpture » chez Nicolas Schöffer109. Comme l’explique Jean

Dewasne :

« Pourquoi s’étonner, donc, qu’un artiste profite de tous les progrès

que la science moderne met à sa disposition ? Il me semble que

s’offre là, pour lui, le moyen de se mettre au niveau des techniques

de sa civilisation, en un mot de maintenir le contact indispensable

avec son temps. »110

L’inspiration qu’offre la modernité est ainsi illustrée par Silvano Bozzolini qui part de

la photographie d’une salle de cinéma durant une projection en cinémascope pour

n’en garder que les lignes et les plans dans une œuvre abstraite111. De même Sonia

Delaunay traduit dans des compositions abstraites, les rectangles de couleur des

affiches de campagnes électorales, les halos de lumière autour des lampadaires du

boulevard Saint-Michel ou les rythmes du fox-trot et du tango du Bal Bullier112. Roger

Bordier commente :

« […] Le concept de traduction s’exerce généralement sur des

réalités très actuelles ce qui signifie du même coup la disposition de

l’art non-figuratif à rendre visuellement, les impressions mentales et

physiques qui sont celles de son temps. »113

106 Dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 21. 107 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 21. 108 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 48. 109 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 15. 110 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série n°2-3, mars-avril 1954, p. 50. 111 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 50. 112 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 12.

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L’artiste, homme de métier

Bien sûr, la thématique de la technique des artistes amène souvent à lancer

des ponts vers cet autre travailleur manuel, l’artisan. La comparaison avec ce dernier

s’avère toujours valorisante, l’artisan étant vu comme modeste et persévérant :

« [Hartung est] un travailleur conscient, capable d’observer les règles

de l’auto-critique et doué d’une patience véritablement artisanale.

[…] Ainsi, ces toiles, qui paraissent d’un seul jet, Hartung les travaille

souvent pendant quatre ou cinq semaines. On ne saurait mieux

prouver, n’est-ce pas, cette patience artisanale dont nous parlons

plus haut. »114

De nombreux artistes sont ainsi comparés à des artisans – Robert Jacobsen, Silvano

Bozzolini, Nicolas Schöffer, Cicero Dias ou Berto Lardera –, toujours dans une vision

très positive. Le savoir-faire artisanal devient une référence ; Cicero Dias dit accorder

« le plus grand intérêt […] à la parfaite technique d’un peintre en bâtiment.»115 Quant

à Emile Gilioli, il affirme que l’apprentissage reçu en observant les tailleurs de pierre

des bordures de trottoirs lui a été plus bénéfique que celui des Beaux-Arts de Nice et

de Paris116.

La période durant laquelle la série est conçue marque les débuts des années

fastes pour l’abstraction géométrique qui engendre une importante production

d’œuvres médiocres. Il y a donc le souci de se démarquer fortement de ce succès

factice. L’artiste doit apparaître comme un travailleur qui « vingt fois sur le métier

[remet son] ouvrage »117, il n’a rien de commun avec la figure romantique de l’artiste

doué que décrypte Nathalie Heinich :

113 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, mai-juin 1954, op. cit., p. 50. 114 Roger Bordier, “Hartung ou l’improvisation travaillée”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, pp. 44 et 45. 115 Roger Bordier, “Cicero Dias et le fait mural”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 17. 116 Roger Bordier, “La progressivité chez Gilioli”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 23. 117 Nicolas Boileau, L’Art poétique, Chant I, 1674.

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« Don plutôt qu’apprentissage ou enseignement, inspiration plutôt

que labeur soigné et régulier, innovation plutôt qu’imitation des

canons, génie plutôt que talent et travail. »118

Bien au contraire, Roger Bordier a à cœur d’expliquer à propos de Berto

Lardera :

« Cette sensibilité, il ne prétend pas la recevoir de quelque sublime

condition d’artiste existant en soi. […] Il reconnaît l’avoir découverte,

et la découvrir encore, patiemment, dans l’apprentissage de la

manière, la répétition du travail quotidien »119

Et c’est d’ailleurs bien sur ce point que s’étend Jean Dewasne, insistant sur le fait

que l’artiste doit au moins égaler sinon dépasser l’artisan, faisant remarquer que

même si ce dernier « ne [vise] qu’à l’utile, au pratique, au solide, et tout au plus à

l’agréable, à l’attirant », il ne concevra pas qu’une carrosserie de voiture craquelle.

Dewasne ajoute :

« Ce n’est jamais qu’un moyen de transport corporel. Ce qui véhicule

la pensée, l’esprit, la passion est, à ce qu’il me semble, encore plus

précieux. »120

Mais à trop comparer l’artiste et l’artisan, on risque d’alimenter les critiques visant à

assimiler abstraction et art décoratif. D’où l’importance de rappeler qu’il faut dépasser

le travail de l’artisan ou, comme l’exprime Sonia Delaunay :

« Il faut que chacune [des interventions de l’artiste] vise à exprimer

une recherche nouvelle ou plutôt un perfectionnement de ce qu’il

doit, toute sa vie, exprimer. Vous le voyez : c’est le contraire de la

production en série, maladie des temps actuels. »121

118 L’Elite artiste, Paris, 2005, p. 39. Comme il a été vu plus haut, la sociologue situe la naissance de ces poncifs sur la vie d’artiste au Chef-d’œuvre inconnu de Balzac 1831, et sa propagation, avec Crépuscule de Georges Ohnet, en 1901, « l’un des auteurs les plus lus au XIXème siècle [et] aussi un grand pourvoyeur de clichés » (p. 84). Il y a donc fort à faire pour les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui qui combattent l’idée que la création n’est que passive attente de la venue des muses. 119 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, novembre 1954, op. cit. p. 20. 120 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, mars-avril 1954, op. cit, p. 51. 121 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, septembre 1954, op. cit., p. 13.

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Outre le travail au quotidien sans relâche, les artistes reviennent sur la

nécessaire expérience acquise au fil des années. Serge Poliakoff qui considère

qu’on ne devient artiste que lorsque l’on a trouvé sa propre technique, explique

pouvoir réaliser précisément ses dosages pour préparer sa peinture parce que cela

est « le résultat de vingt-cinq années d’expérience. »122 Ces considérations

d’hommes de métier s’apparentent parfois à la recette de cuisine, au bon conseil de

l’aîné aux plus jeunes. Ainsi Jean Deyrolle vantant les mérites de son astuce qui

consiste à mettre ses peintures dans des godets de verre et en expliquant tous les

avantages123.

On le voit, l’artiste vu à travers le prisme de sa technique revendique son

talent de manuel, loin de l’image de petit bourgeois s’adressant aux bourgeois que

veut lui faire endosser la critique communiste124. Cette description d’une

photographie de Robert Jacobsen résume bien les caractéristiques de l’artiste mises

en avant par Art d’aujourd’hui :

« Jacobsen a été un jour photographié, montant, en tenue de travail

et sa fillette près de lui, sa petite rue de banlieue. Deux ouvriers

poussant leur bicyclette, et qui se trouvaient dans le champ de

l’appareil, ont été également photographiés à ses côtés. Maillot de

corps, petite casquette, veste et pantalon de bleus… on se dit :

“Tiens, voilà un brave type de métallo qui vient d’aller chercher sa

fillette à l’école et qui rentre chez lui en compagnie de deux copains.”

Ce qui est à peine se tromper. Ce Danois solide et simple comme la

ferraille qu’il maîtrise à longueur de journée, est de la classe des

travailleurs banlieusards. »125

Roger Bordier conclut l’ensemble de son texte sur ces mots :

« Là-dessus, le ferrailleur de Suresnes est retourné à son établi, à

ses étaux, dans cet atelier où il travaille, avec la saine application du

costaud, dix heures par jour. »

122 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, décembre 1953, op. cit., p. 23. 123 Roger Bordier, “Deyrolle et la détrempe”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 22. 124 Nous le verrons dans la troisième partie, notamment avec le texte de Julien Alvard, “Le Réalisme socialiste au Salon d’automne”, dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non paginé.

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Il y est décrit un bon père de famille que l’on imagine allant chercher sa petite fille à

l’école pour la ramener dans un modeste pavillon de banlieue. Cet homme en pleine

santé (« solide et simple » et « saine application du costaud ») est un infatigable

travailleur qui « maîtrise [la ferraille] à longueur de journée », « dix heures par jour ».

Et la plus grande de ses qualités serait bien qu’il « est de la classe des travailleurs

banlieusards ». Le mythe de l’artiste doué, solitaire, accumulant les conquêtes,

maladif, voire psychologiquement fragile, vivant la nuit, parfois dans les excès mais

investi d’une vocation, autrement dit, le mythe de la bohème, cela n’est pas

compatible avec la vie d’artiste telle que la conçoivent les membres d’Art

d’aujourd’hui126.

Deux séries complémentaires

Les artistes interrogés par Roger Bordier sont ceux que l’on retrouve

régulièrement dans les pages de la revue. Ils constituent ce réseau autour d’Art

d’aujourd’hui qui a été précédemment défini. Les rédacteurs ont donc à cœur de leur

donner une respectabilité qui passe, on le voit, par les notions de travail et de famille.

Certains artistes témoignant dans "L’Art et la manière" le font également dans "Le

Passage de la ligne". Les deux séries se complètent alors parfaitement donnant une

approche du travail de l’artiste particulièrement riche, sous un angle original. Il en est

ainsi de Jean Dewasne, Jean Deyrolle, Auguste Herbin, Alberto Magnelli, Richard

Mortensen, Edgard Pillet, Serge Poliakoff et Victor Vasarely. On remarque que Sonia

Delaunay qui n’avait pas voulu répondre elle-même à la question de son « passage

de la ligne » considérant que les textes de son mari parlaient pour elle, n’aborde pas

125 Roger Bordier, “Le fer et le faire de Jacobsen”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p. 48. 126 En cela ils s’opposent à la représentation collective de l’artiste que Nathalie Heinich définit dans son livre L’Elite artiste – Paris, 2005 - comme « la normalité en art » et dont elle situe l’origine au roman de Balzac, Le Chef-d’œuvre inconnu en 1831. A la lecture de ce minutieux décryptage de l’image du créateur, on saisit les écueils dans lesquels les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui ne veulent pas faire tomber leurs lecteurs tant amateurs qu’artistes. Considérer l’artiste a priori comme un être d’exception, c’est l’exclure, in fine, de la société.

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non plus franchement le problème de la technique mais commente son travail sous

un angle large. Roger Bordier se souvient :

« Ah… elle était difficile… j’ai eu du mal alors que je la connaissais

très bien. Quand je lui ai téléphoné pour lui parler du projet, elle a

trouvé que c’était une excellente idée. Mais lorsque je l’ai rencontrée,

j’ai senti des réticences ; j’ai senti qu’il y avait des choses qu’elle

voulait me dire et d’autres non, qu’elle hésitait : “Ne parlons pas de

ça”… c’était son caractère. »127

L’intérêt des articles de ces deux séries dépend en effet beaucoup de la

volonté de l’artiste interrogé à se prêter à cette introspection. Ainsi, plus le créateur

entre dans les détails de sa technique plus son œuvre prend du relief. Roger Bordier

parle d’une grande confiance qui le liait aux artistes : « Sans cela, ça n’aurait pas

fonctionné, cela n’aurait pas été possible. Je crois qu’aucun n’a refusé. »128 Cela va

dans le sens d’un milieu restreint de l’abstraction géométrique où tout le monde se

connaît et se soutient. Roger Bordier raconte qu’il était seul à sélectionner les artistes

et que si Roger Van Gindertael et lui ont eu des choix communs, ce n’était pas suite

à une concertation. Ainsi, sur les vingt-deux artistes du "Passage de la ligne", hormis

les sept pionniers décédés et les quatre jeunes choisis dans l’Atelier d’art abstrait de

Jean Dewasne et Edgard Pillet, tous les autres peintres (Jacques Villon et César

Domela exceptés), sont interrogés par Roger Bordier. Soit neuf artistes en

commun129.

Le cas Joseph Lacasse

A la question de l’absence de photographie d’œuvre achevée dans les articles

de "L’Art et la manière", le rédacteur a répondu qu’il « supposait [les artistes] assez

connus », qu’Art d’aujourd’hui n’avait pas pour but de faire découvrir des créateurs. Il

faut alors s’interroger sur le texte consacré à Joseph Lacasse. Paru dans le numéro

127 Entretien avec Roger Bordier, voir annexe V. 128 Ibid. 129 La série "L’Art et la manière" comprend vingt entretiens d’artistes.

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de novembre 1954, soit en même temps que le dernier épisode de "L’Art et la

manière", son titre est assez éloquent : "Il faut maintenant connaître Lacasse"130.

Roger Bordier n’avait-il pas choisi cet artiste pour faire partie de son enquête sur la

technique ? On remarque dans un premier temps qu’exceptionnellement dans cet

ultime partie de la série, ce ne sont pas trois voire quatre artistes qui sont interrogés

mais seulement deux, donnant ainsi l’impression d’un dossier incomplet. Dans un

second temps, le texte lui-même, s’il présente longuement Lacasse, insiste ensuite

sur sa technique et emploie la même approche que dans "L’Art et la manière". La fin

du texte est d’ailleurs très proche d’un article de cette série, tout comme les

photographies de Sabine Weiss qui montrent l’artiste au travail, des esquisses et un

détail d’œuvre. Ainsi, comme on peut le deviner à la lecture du titre même de l’article,

Roger Bordier avait peut-être prévu de l’inclure dans la série mais face à la

méconnaissance du public, il a dû se résoudre à rédiger une longue introduction afin

d’en faire un texte de présentation de Joseph Lacasse.

Un quotidien d’ascèse

Ainsi, en montrant les artistes au travail, expliquant de manière très

pragmatique les problèmes qu’ils peuvent rencontrer, livrant même leurs recettes, Art

d’aujourd’hui montre l’acte créatif comme un travail quotidien, souvent difficile, fait de

gestes répétés, d’habitudes, loin de l’idée du génie inspiré que peut en avoir le

public. C’est également une manière de prouver que l’on peut s’intéresser à l’avant-

garde sans négliger la technique, et cela, à travers des propos intelligents. Une façon

également de revoir un discours ambiant pendant et après-guerre qui remet au goût

du jour le travail manuel et les techniques en les opposant à un art novateur, les

deux semblant incompatibles131. Art d’aujourd’hui qui s’attache à faire renouer le

130 Roger Bordier, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, pp. 13 à 15. 131 Voir à ce sujet Sarah Wilson, “La Vie artistique à Paris sous l’Occupation” dans le catalogue Paris-Paris 1937-1957, p. 147 à 157. Elle cite notamment cet extrait de “L’Art et le peuple”, éditorial du magazine Chantiers (qui soutient avec force l’artisanat) par Robert Forestier (n°14, 15 décembre 1941) : « C’est méconnaître le bon sens, et parfois même le goût du peuple, que de lui infliger de tels enfantillages [à propos du Faucheur de Miró au Pavillon espagnol en 1937]… C’est chercher à le

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public et l’art d’avant-garde, n’hésite pas à établir une comparaison entre l’artiste et

l’ouvrier. Roger Bordier explique d’ailleurs que l’idée de "L’Art et la manière" « a

beaucoup été soutenue par Léon Degand qui [lui] a dit [qu’il devait] peut-être élargir

le sujet, voir l’ensemble des conditions de travail des artistes. », même s’il reconnaît

que Degand s’intéressait plus particulièrement aux « difficultés au quotidien » des

artistes132. Si la série ne s’étend pas sur ces préoccupations matérielles, la revue

dans son ensemble se montre très sensible aux conditions de vie des artistes ;

n’oublions pas qu’il est précisé dans l’éditorial du premier numéro :

« La nouvelle publication ne comportera qu’un nombre de pages

limité afin d’en rendre le prix abordable pour tous les artistes. »133

En montrant la réalité de la vie d’un plasticien d’avant-garde telle que la

présente “Leur deuxième métier”134, les rédacteurs rapprochent une fois encore

implicitement la vie de l’artiste de celle de tous travailleurs :

« Finie la vie de Bohème en costume de bal, la vie du peintre est

celle d’un homme comme les autres. Il doit gagner sa vie le jour,

peindre la nuit. Il a oublié ce qu’est l’insouciance. Il vole péniblement

quelques heures pour peindre. Ne laissons jamais dire à personne

que le peintre a du génie dans la mesure où il meurt de faim ou de

maladie, disons plutôt que, s’il a du génie, il peindra malgré tout,

mais il perdra des années à travailler à une besogne pour laquelle il

n’est pas fait. »135

Le ton du reste de l’article est plus léger. Onze courts paragraphes décrivent le

métier, la famille et le quotidien d’autant d’artistes. Une photographie les montre

chacun dans leur « deuxième métier » (fabricant de matelas pneumatiques,

secrétaire, cordonnier, guitariste, attaché de l’ambassade du Brésil, etc.) et une

reproduction d’un de leurs tableaux accompagne chaque texte. La conclusion

redevient cependant amère :

dégoûter définitivement de l’art, et c’est finalement l’insulter. ». 132 Entretien avec Roger Bordier, voir annexe V. 133 Juin 1949, non paginé. 134 Cécile Agay et Georges Boudaille, “Leur deuxième métier”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1951, pp. 22 à 25. 135 Op. cit., p. 22.

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« Ainsi le jeune peintre d’avant-garde [...] est condamné au célibat, à

la stérilité et au régime monastique. [...] Celui qui veut, malgré tout

(et ce tout est énorme), avoir une vie “humaine” et digne, doit

“travailler” pour pourvoir à sa subsistance et à celle de la famille, s’il

a eu le courage d’en fonder une. [...] On ne peut s’empêcher de

s’indigner à la pensée de tant de temps perdu pour l’art ! Car ce sont

sans doute là les meilleurs, ceux qui ont compris qu’il faut vivre pour

peindre et non peindre pour vivre. Quand donc l’Etat, et les grandes

entreprises industrielles et commerciales, enfin soucieuses de leur

prestige, comprendront-ils le rôle qui leur échut de remplacer les

mécènes d’antan par des commandes de décoration dignes de leur

budget ? »136

L’exemple de Wols retracé par Michel Ragon

Afin de mieux comprendre l’indignation qui perce à travers ces lignes, il

apparaît nécessaire de citer longuement Michel Ragon qui décrit, avec le souci du

détail de ceux qui l’ont cotoyée, la misère quotidienne dans laquelle vivent les jeunes

artistes abstraits dans l’après guerre :

« Je me souviens d’un vieil homme empâté, que je rencontrais

fréquemment dans les rues de Saint-Germain-des-Prés, marchant

pesamment en s’appuyant sur une canne, la tête nue, avec des

cheveux en couronne sur un front dégarni. Il vivait avec sa femme

dans une chambre d’hôtel, jouait du banjo, buvait sec. Comme la

chambre était petite, il se servait de son lit comme table de travail,

posant sur les couvertures de petites feuilles de papier qu’il

remplissait de dessins rageurs. Il allait porter d’autres feuilles,

maculées de taches de gouache, ou d’aquarelle, dans les galeries

voisines, les offrant pour un prix modique. On les lui refusait partout.

Certains galeristes, apitoyés, lui tendaient un billet de cinq mille

136 Op. cit., p. 25.

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francs (cinquante francs actuels) et négligeaient de prendre l’œuvre

que l’artiste offrait en échange de cette aumône.

Lorsque ce peintre mourut, en 1951, je m’aperçus avec stupeur qu’il

n’avait que trente-sept ans. Il s’agit de Wols, bien sûr.

En 1973, quand la Nationalgalerie de Berlin organisa une

rétrospective de Wols, qui eut un retentissement mondial, la pauvre

compagne des jours terribles, Grety, m’écrivit :

“Je suis écœurée lorsque je relis l’Argus du vivant de Wols, avec

toutes les insultes que Messieurs les critiques d’art lui ont lancées

pour les taches…[…]”

Le rejet des artistes dits de l’abstraction lyrique, leur misère, de 1945

à 1950, est aujourd’hui inimaginable. Hartung, amputé d’une jambe,

paraissait un privilégié avec sa petite pension de légionnaire mutilé

de guerre. Schneider gagnait sa vie comme restaurateur de tableaux

anciens. Poliakoff était guitariste dans un cabaret russe où un peintre

alors célèbre, son compatriote Terechkovitch, lui jetait

fastueusement des pourboires. Gilioli s’était casé dans un entrepôt

de la S.N.C.F., près de l’impasse Ronsin. […]

Mais Wols, Atlan et les peintres de Cobra (Appel, Constant,

Corneille, Jorn) touchaient le fond de l’indigence. En août 1947, le

rationnement du pain avait atteint son chiffre le plus bas depuis 1940

[…]. Ces deux cents grammes de pain constituaient pour la plupart

d’entre nous le seul aliment solide. Plus chanceux que mes amis

peintres et sculpteurs, je passais de la famine à la fringale apaisée

lorsque je reprenais le harnais des travaux manuels : manœuvre

d’usine en 1946, ouvrier agricole en Angleterre en 1950, peintre en

bâtiment en 1951 ; pour ne citer que les vrais métiers.

Georges Mathieu, lui, gagnait sa vie comme publiciste dans une

compagnie de navigation américaine. Afficher ainsi un second

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métier, au risque de passer pour un amateur, paraissait déjà de

l’extravagance. »137

La sourde révolte des rédacteurs d’Art d'aujourd'hui

Les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui ne s’étendent pas sur les détails de ces

existences privées de tout. On trouve cette simple remarque de Victor Vasarely qui

exprime avec pudeur tous les aléas de la vie d’artiste :

« Si elle n’est pas toujours un drame, la vie d’un créateur est une

aventure où il y a peu de place pour une sécurité quelconque. »138

Ou encore ces mots sous la plume de Pierre Guéguen qui donnent une idée du

quotidien de certains photographes :

« […] des jeunes mordus par la fièvre de l’image, qui habitent de

sordides chambres d’hôtel, parfois sans eau. Ainsi Hassner, à qui il

arrive de laver ses épreuves sur le palier ou dans la rue à une

fontaine, au petit jour… »139

Quelques mois plus tard, le même s’indigne de propos rapportés de Georges Braque

qui estime « concret » le prix des œuvres abstraites :

« On ne peut s’empêcher d’évoquer plusieurs artistes abstraits qui

travaillent dans la solitude en vivant littéralement de faim. Je parlais

l’autre jour, dans Art d’aujourd’hui, de l’un d’eux, dont la misère

courageuse doit délaisser la sculpture, où il excelle, pour dessiner

sur du papier d’emballage, et cela dans un coin du Midi célèbre pour

ses artistes richards. »140

137 Michel Ragon, D’une berge à l’autre, Paris, 1997, p. 164 à 166. 138 Victor Vasarely, “L’Artiste et l’éthique”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 16. 139 Pierre Guéguen, “Tout n’est qu’image”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°7-8, Octobre 1952, p. 24. 140 Pierre Guéguen, “L’indigence de Braque”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°6, août 1953, p. 29.

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Passée cette juste colère, la suite du texte, par Veillon Duverneuil, amène une

réflexion supplémentaire d’une logique toute pratique :

« Nous n’avons pas ouï dire, que [Braque] pratiquait de son côté des

prix tellement abstraits !

Nous ne lui demanderons pas ici combien de millions il réclame pour

se séparer de l’une de ses toiles, et ne lui en ferons pas le reproche.

Une forme de solidarité professionnelle ou artistique voudrait en effet

que les agissements et les exigences des “anciens” constituassent

des exemples, auxquels les générations nouvelles pourraient –

modestement – se référer. »141

Le rédacteur ne répond pas à l’attaque du peintre par une autre attaque, préférant

une réflexion plus favorable aux jeunes artistes abstraits142.

L’analyse de Léon Degand

C’est que pour les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui, la situation de l’accueil de

l’art abstrait doit être revue à sa base comme l’explique Léon Degand143. Lui aussi

use de beaucoup de bon sens pour envisager les différents moyens de venir en aide

intelligemment aux créateurs. Ses reproches vont essentiellement à l’Etat qu’il

accuse d’être frileux envers les jeunes artistes, favorisant ceux déjà reconnus. Le

texte de Léon Degand est surtout instructif, ici, dans ce qu’il apporte

d’enseignements sur les propositions d’aides. Il existe déjà d’hypothétiques achats

institutionnels ou l’obligation pour les architectes s’occupant d’un important chantier

141 Veillon Duverneuil, “L’indigence de Braque”, ibid. 142 Notons que la remarque de Georges Braque choque les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui au point que quelques mois plus tard (4ème série, n°8, décembre 1953, p. 30), Michel Seuphor remet en question la véracité de ces dires. Il explique à propos de l’exposition Breuil que ce peintre est « encouragé » par Georges Braque et écrit : « Tiens ! je croyais Braque adversaire de l’abstraction, du moins si l’on en croit le journal Arts. […] Que faut-il donc penser du journal Arts et de ses interviews imaginaires ? Nous attendons un démenti de Braque à ces élucubrations de folliculaire en mal de copie. » 143 Dans son texte “La Situation sociale et économique de l’artiste”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp. 17 et 18 dont sont tirées l es réflexions et les citations qui suivent.

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de consacrer « un certain pourcentage du budget à des ornements de peinture ou de

sculpture », la fameuse loi du 1% examinée plus loin. Enfin, il est envisagé de

remplacer par des artistes les fonctionnaires chargés de la conservation de petits

musées.

Léon Degand ne voit de véritables solutions dans aucune de ces propositions.

D’abord, les achats des musées, tout comme les commandes officielles, restent trop

exceptionnels et puis « l’Etat […] possède à un degré miraculeux le goût instinctif de

la médiocrité » ; ensuite l’architecte peut quant à lui préférer « une architecture sans

ornement » ; enfin, « un bon peintre n’est pas nécessairement un bon

conservateur », même d’un petit musée ! Le critique n’est pas plus séduit par les

remises de prix qu’il juge inéquitables, les jeunes artistes recevant moins que leurs

aînés. De plus, ces prix n’impliquent pas une contrepartie de la part du créateur, ce

qui n’est pas non plus souhaitable pour ce dernier qui doit trouver sa place dans la

société.

Le rédacteur remet également en question le mécénat qui décharge à tort la

société d’une tâche qui lui incombe :

« La société aimerait qu’on fit quelque chose d’efficace pour les

artistes, mais en dehors d’elle. Or ce sont précisément les solutions

qui engagent la société qui, seules, seraient efficaces.

La société est ravie du mécénat. Le mécène assume tout seul, en

effet, des frais et des responsabilités dont elle évite la charge, mais

dont elle partage les bénéfices. Qu’un original, se dit-elle, fournisse à

un autre original les moyens de cultiver son originalité, c’est leur

affaire. La société n’y risque rien et n’y perd rien. Et si l’artiste

réussit, c’est un grand nom de plus à inscrire à l’actif de la société. »

Enfin, Léon Degand critique fortement (« Il convient de se fâcher pour de bon. ») la

quiétude d’esprit qu’inspire aux autorités le second métier des artistes :

« [Il est] surprenant que l’on ose présenter la solution du second

métier comme la plus souhaitable, la plus conforme au meilleur ordre

des choses. »

Globalement, le rédacteur reste insatisfait de toutes ces solutions. Le vrai

problème reste, selon lui, le manque d’éducation du public, ce qu’il appelle :

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« la vaste entreprise d’obscurantisme artistique que l’on a si

admirablement mise sur pied et qui, depuis des dizaines d’années,

avec une férocité qui ne faiblit pas, par tous les moyens, de l’école

au musée en passant par la grande presse, s’acharne à discréditer

auprès du public l’art de son époque, à dégoûter d’avance le public

de l’art pratiqué par les vrais artistes vivant à son époque, à

l’entretenir dans une ignorance somnolente, furibonde ou satisfaite

du langage plastique de son époque. »

De cet état de fait découlent deux conséquences : les artistes vivants ne trouvent

pas d’acheteur puisqu’« on empêche de former des amateurs », et la société elle-

même se trouve « [privée] des valeurs artistiques auxquelles elle a droit. »

Victor Vasarely explique cette négation de l’avant-garde par la société comme

une précaution que celle-là prendrait contre un véritable danger :

« La société défend l’ordre et l’éthique établis, l’avant-garde vise à

les modifier ou les détruire. Ne soyons pas étonnés si cette société

ne nous prête pas main-forte en nous reconnaissant, en nous aidant

matériellement. Pour elle, cela équivaudrait à un suicide, pour nous,

à un triomphe prématuré. »144

b. Réflexions sur les musées

Lien direct entre l’art et le public, lieu potentiel de sensibilisation, qui plus est

d’acquisitions d’œuvres récentes, le musée cristallise nombre d’espérances des

rédacteurs d’Art d’aujourd’hui. Il possède en effet le pouvoir de répondre à leurs

attentes telles que les formule Léon Degand. Julien Alvard loue : « cette mission de

diffusion de la sensibilité artistique moderne » que s’est attribuée le musée de

Grenoble, regrettant aussitôt après qu’au musée national d’Art moderne, « la

144 “L’Artiste et l’éthique”, dans Art d’aujourd’hui 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 16.

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peinture abstraite [fasse] antichambre sans qu’on sache vraiment pourquoi et cette

prudence confine à la tiédeur. »145

Pour avoir une résonance sociale, le musée doit avant tout répondre à des

problèmes extrêmement pratiques. C’est sur des détails très concrets que les

rédacteurs de la revue s’arrêtent – rejoignant les préoccupations de Fernand Léger

qui indiquait tout simplement que : « Les musées sont des endroits qui ferment à six

heures : exactement au moment où les ouvriers sortent des ateliers. »146 A en croire

les critiques d’Art d’aujourd’hui, les musées parisiens n’ont pas que ce détail

d’horaire à revoir, et tout ce qui leur est reproché l’est d’autant plus que Paris,

capitale des arts, se doit de promouvoir la création. Parmi cet ensemble d’institutions

culturelles, le musée d’Art moderne se trouve particulièrement montré du doigt,

notamment par Léon Degand.

Les déconvenues de Léon Degand

Est-ce son expérience de directeur du musée d’Art moderne de São Paulo en

1948 et 1949 qui fait qu’il est le critique qui rend le plus souvent compte de ses

déconvenues lors de visites dans les lieux institutionnels ? A lire ses articles, il

semble qu’une exposition à Paris n’implique pas forcément que les œuvres soient

« exposées », c’est-à-dire – selon le Petit Robert – « soumises à la vue ». Les pièces

se trouvent en effet accrochées ou posées, elles sont présentes, mais pas forcément

lisibles, ni même, visibles.

Dans son premier texte sur le sujet, “L’Air de Paris”147 Léon Degand compare

les expositions à « un débarras vétuste et en désordre ». Il dit trouver les vitrines de

la rue du Faubourg Saint-Honoré mieux agencées. Le critique en arrive à se

demander si des articles de confection ne sont pas mieux considérés que des

œuvres d’art. Les couleurs de certaines se trouvent en effet totalement dénaturées

145 “Epanouissement de l’Art abstrait, exposition organisée par le Musée de Grenoble à la galerie Maeght”, dans Art d’aujourd’hui 1ère série, n°1, juin 1949, non paginé. 146 “L’Art et le peuple - 1946”, dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, p. 250. 147 Brève de la partie "Expositions", dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non

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par un mauvais éclairage, quand ce n’est pas le tableau dans sa totalité qui devient

illisible.

Léon Degand accumule les déconvenues et son ton trahit un profond

agacement :

« Ailleurs, des peintures doivent être regardées à contre-jour.

Ailleurs encore, des tableaux sous verre sont placés de telle manière

que l’on a beau se contorsionner, les reflets de la vitre empêchent

toujours de distinguer quoi que ce soit. En maints endroits, des

verrières encrassées – et Dieu sait depuis quand – tamisent

fâcheusement la belle lumière ».

A ces problèmes techniques s’ajoute un manque de soin dans la présentation qui fait

se rencontrer des œuvres qui s’entrechoquent, se heurtent, et « se détruisent

mutuellement. » Mais le paroxysme de l’exaspération arrive avec cette constatation

que le rédacteur fait à plusieurs reprises, dans divers lieux : les tableaux se voient

ornés d’un numéro d’ordre collé (quand ce n’est pas punaisé) à même la toile. Et

Léon Degand d’envier le sort des chaussures et des soutiens-gorge du Faubourg

Saint-Honoré…

C’est le même constat qu’il fait moins de deux ans plus tard avec un texte

intitulé “Chronique désabusée des musées de Paris”148 : couleurs faussées par

l’éclairage, numéro d’ordre à même la toile. Cela dans quatre lieux différents : le Petit

Palais, le Jeu de Paume, le musée Carnavalet et le musée d’Art moderne. Léon

Degand appuie son propos d’un exemple précis. Il compare en effet le souvenir qu’il

gardait du tableau des Trois musiciens de Velasquez contemplé au Palais des

beaux-arts de Bruxelles sous la lumière naturelle des verrières, à la vision que lui en

offre le Petit Palais : « […] Les Trois musiciens sont placés sur un mur beaucoup

plus éclairé et, miracle, le tableau a disparu. La lumière de plein fouet, en créant des

reflets, l’a éteint. » Léon Degand rapporte que c’est le cas de la plupart des œuvres

exposées, l’éclairage étant celui de tubes fluorescents.

paginé. 148 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°4, mars 1951, p. 28.

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Comment apprécier un tableau si celui-là est « deven[u] à peu près

incompréhensibl[e] » ? Et c’est bien là que réside le problème : ces œuvres mal

éclairées, mal présentées, « disparaissent » ou « deviennent incompréhensibles ».

Le critique n’en est pas à se demander si les musées parisiens peuvent permettre

aux visiteurs de se cultiver ou de s’enthousiasmer. Il ne peut que constater que ces

musées tuent les œuvres. Il en explique la raison : « [Le] détestable éclairage […]

saisit en force le haut des tableaux, et laisse le bas dans une ombre relative. Le haut

est exalté, le bas étouffé, toutes les valeurs sont faussées. » Et cela dans le meilleur

des cas, quand ce n’est pas le vernis qui devient surface réfléchissante. L’éclairage

est bien sûr un souci majeur dans la présentation des œuvres, et la technologie des

années cinquante ne permet pas encore l’idéal de la lumière naturelle obtenue par

un éclairage artificiel. Léon Degand parle de « l’injure d’un éclairage forain » pour

L’Etienne Chevalier et Saint-Etienne de Fouquet qui se trouve sous les feux d’un

projecteur. Ce sont à chaque fois des cas manifestes, des observations simples

qu’émet le critique. Ainsi, si les musées n’apportent pas culture et enthousiasme aux

visiteurs, Léon Degand leur permet néanmoins d’entraîner leur sens critique !

Les problèmes techniques ne sont pas les seuls à pouvoir « détruire une

œuvre ». Lorsque le rédacteur décrit une exposition au Pavillon de Marsan du

Louvre, il se montre en proie à un total désarroi face à la mise en place de

l’exposition. L’agencement des œuvres lui semble incohérent et l’effet produit n’est

pas seulement une exposition incompréhensible pour le public, mais aussi une

altération des pièces exposées qui se repoussent au lieu de se répondre :

« Il semble que ces responsables aient craint comme peste, menés

par quelque secrète phobie, le groupement des œuvres par peintres

et par tendances, ou, même, par simples parentés formelles ou

chromatiques. On aura rarement assisté à pareille cacophonie, à

pareille démolition de tableaux par rapprochements indésirables et

incongrus. »149

Il ne suffit pas d’accrocher une œuvre même avec de bonnes conditions d’éclairage,

elle doit être aidée par le commissaire d’exposition qui la met en valeur grâce à la

149 “Cinquante ans de Peinture française”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 26.

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scénographie et à des résonances avec d’autres pièces. Ce point de vue est plus

explicite encore dans l’article que Léon Degand rédige sur le quatrième Salon de la

Jeune Sculpture150.

La mise en espace du Salon de la Jeune Sculpture

Lorsqu’il commente cet événement qui se déroule dans les jardins du musée

Rodin, le rédacteur ne cherche plus les bons mots mais se fait très explicatif. Il

procède à une description assez méthodique des erreurs qu’il voit dans la mise en

place des sculptures, et les photographies, prises sur les lieux, appuient le texte.

Léon Degand introduit son article en relatant la déception que cause l’exposition. Les

visiteurs en accusent les œuvres mais le critique, lui, avance une autre cause :

« Une sculpture vaut par elle-même, sans doute. Mais quels que

soient ses mérites, elle vaut aussi en fonction du milieu où il nous est

donné de la considérer. »

Il décrit ensuite différentes œuvres en expliquant ce qui en gâche non pas la

contemplation mais tout simplement l’appréhension, la visibilité. Le lieu ne convient

pas (un jardin avec des feuillages encombrants) ni la disposition des sculptures qui

se retrouvent alignées et insuffisamment espacées les unes des autres. Selon la

nature et la matière de l’œuvre, elle résiste ou non à ce décor envahissant. La façon

dont Léon Degand expose ces handicaps est très claire, didactique. Elle aide à faire

comprendre au lecteur l’importance de la mise en scène d’une exposition par des

remarques simplement basées sur l’observation :

« […] Il n’est guère étonnant, si la sculpture de Arp se défend par sa

masse de blancheur, que celle de Bloc perde la finesse linéaire de

ses proportions, et que le fer énergique de Jacobsen et la tôle de

Lardera se dissolvent dans leur fond sombre d’arbustes feuillus. »

150 “Le 4ème salon de la Jeune Sculpture”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 24.

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Pour un accrochage logique

Pour Léon Degand, le problème est toujours le même : le manque de logique.

On l’a constaté dans sa critique de l’exposition Cinquante ans de peinture française

au Pavillon de Marsan du Louvre, on le retrouve dans celle du Pavillon français de la

Biennale de Venise :

« Dufy dont les peintures doivent être regardées de près, dans la

grande salle ; Léger, dont les peintures, même les plus petites, sont

monumentales, dans une salle relativement minuscule ! La saison ne

paraît pas favorable aux accrochages selon la logique. »151

Léon Degand apprécie un accrochage « d’une grande clarté », chaque œuvre

devant être « suffisamment éloignée de sa voisine, toujours choisie, cependant, afin

d’éviter les rencontres nuisibles. »152 C’est à dire un accrochage « logique, clair, bien

aéré. »153 Il s’en explique dans la critique du Salon de mai 1952 :

« C’est une navrante entreprise de destruction, et les tableaux des

organisateurs, eux-mêmes, n’ont pas été épargnés. […] Je pense au

public, qui ne sait presque jamais pourquoi un tableau lui donne

mauvaise impression (il suffit de lui avoir montré dans des conditions

fâcheuses de présentation), aux peintres que l’on accusera d’avoir

mal peint, au Salon de Mai lui-même, qui n’avait pas besoin de cette

disgrâce. Sans excuses. »154

Car c’est bien toujours du public qu’il est question en filigrane. Un public qui a

besoin de repères :

« Pour le public, le dépouillement passe pour du vide, la

simplification pour pauvreté, la surcharge pour richesse, la

profondeur pour supercherie, la liberté pour provocation »155.

151“La XXVIème Biennale de Venise”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 17. 152 “Le Septième Salon des Réalités Nouvelles”, dans Art d’aujourd’hui, août 1952, op. cit., p. 26. 153 “Les Picasso des Musées de Leningrad et Moscou”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 59. 154 “Le Salon de mai”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°5, juin 1952, p. 25. 155 Dor de la Souchère (conservateur), “Le Musée d’Antibes et Picasso”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p. 22.

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C’est pourquoi Léon Degand, regrettant les mauvais choix opérés lors de l’exposition

sur le cubisme présentée au musée d’Art moderne à Paris, met en garde : « Il ne faut

pas contribuer à entretenir des erreurs dans l’esprit souvent confus d’un public

souvent mal informé »156. Cette remarque figure dans le numéro qu’Art d’aujourd’hui

consacre à ce mouvement au travers de propos limpides ; une manière de joindre le

geste à la parole. Ainsi que le constate Pierre Guéguen, louant des expositions d’art

abstrait se déroulant dans le sud de la France : « Voici un point capital : la qualité de

cette sorte d’exposition a une importance énorme pour la diffusion de l’Art

Abstrait. »157

Le numéro "Photographies" : une exposition sur papier

Clarté et didactisme guident les rédacteurs autant que les metteurs en pages

d’Art d’aujourd’hui tout au long des cinq années d’existence de la revue. Les

reproches faits à l’encontre des expositions ne sont donc pas que des paroles. Le

numéro consacré à la photographie158 reste un bon élément de comparaison. D’une

présentation différente des autres livraisons, il laisse la plus grande place à des

photographies qui se succèdent, se confrontent sur une succession de doubles

pages. Il s’agit donc en quelque sorte, d’une exposition sur papier et les partis pris

par le comité de rédaction donnent alors, à notre réflexion, tout son sens.

En presque quarante pages sont ainsi mis en évidence des caractéristiques

de la photographie. Le choix du sujet d’un cliché se lit dans une opposition (p. 52-

53), des analogies (p. 34-35) ou une récurrence de la forme (p. 16-17). Les aspects

plastiques comprennent, quant à eux, les oppositions noir/blanc (p. 20-21), la

composition (p. 4-5), les alternances de rythmes (p. 8-9, 18-19 et 44-45), les jeux de

lignes (p. 2-3, 22-23 et 28-29), de courbes (p. 50-51), les plans plus ou moins

rapprochés (p. 14-15 et 36-37), ou le rendu de la matière (p. 30-31, 42-43, 54-55).

Ce numéro, en mettant l’accent sur des concordances ou des oppositions

156“La Peinture cubiste”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953, p. 30. 157 “Azur et abstraction”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°6, août 1952, p. 28. 158 Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°7-8, octobre 1952.

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essentiellement formelles, donne en fait une leçon d’abstraction : « Et grâces soient

rendues à l’Art Abstrait, à la vision nouvelle qu’il nous donne du monde dont il se

détourne. »159

Le musée d’Art moderne : bête noire de Léon Degand

Amener le public vers l’abstraction voilà qui devrait être, selon les rédacteurs

d’Art d’aujourd’hui, la mission de la capitale des arts, par essence à l’avant-garde.

« Mais, quand même, ne perdons jamais de vue que Paris doit être exemplaire »160 :

cette idée reste très présente dans les pages de la revue et en particulier dans les

textes de Léon Degand. Il en explique la raison par le fait que : « Paris passe pour le

centre mondial des arts plastiques de l’époque contemporaine. »161 On comprend

alors d’autant mieux sa déception lorsqu’il arpente les salles du musée d’Art

moderne. Ne titre-t-il pas d’ailleurs son article : "Le Musée qui devrait être

exemplaire : le Musée d’art moderne de Paris" ? Pour le critique, pas de demi-

mesure :

« La mission du Musée d’art moderne, à Paris, est donc singulière,

plus importante, plus vaste, plus délicate qu’en n’importe quel autre

endroit du monde. »162.

La réalité paraît bien différente de ses ambitions, et Léon Degand ne peut

s’empêcher d’éreinter l’institution muséale dans plusieurs chroniques.

Dans ce texte, le critique abandonne son ton à la fois ironique et agacé pour

exposer clairement ses réserves. Il note d’abord des manques dans la collection, tel

Georges Seurat, absent de la salle du néo-impressionnisme parce que laissé au Jeu

de Paume (où sont exposés les impressionnistes), ou Dada et l’expressionnisme qui

ne sont pas montrés. Il regrette la mauvaise présentation des mouvements qui mène

159 Pierre Guéguen, “Tout n’est qu’image”, dans Art d'aujourd'hui, op. cit., p. 43. 160 Léon Degand, “L’Air de Paris”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non paginé. 161 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, p. 20. 162 On retiendra également la réflexion d’André Bloc : « Comment peut-on, à Paris, rater aussi totalement des expositions ? ». “Sculpture en plein air” dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, p. 4.

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à la confusion : les salles consacrées au fauvisme ou au cubisme contiennent

effectivement des œuvres d’artistes ayant participé à ces mouvements mais les

pièces exposées ne correspondent pas à ces périodes. Léon Degand s’inquiète :

« Dans ces conditions, un visiteur peu averti – et c’est, pensons-

nous, pour lui aussi que les musées sont faits – est en droit de

s’imaginer que fauvisme et cubisme désignent des groupes de

peintres, et non certaines manières de ces peintres. »

De même, il constate que les tableaux étiquetés abstraits ne le sont pas tous163.

Enfin, le rédacteur s’arrête sur une certaine partie des œuvres qu’il juge ne pas être

de grande qualité soit parce que leurs auteurs sont assez médiocres, soit parce que

le conservateur n’a pas fait les bons choix en achetant les œuvres d’artistes pourtant

talentueux.

A ces critiques de faits qui ressemblent plus à de la maladresse ou à de la

négligence de la part du musée, Léon Degand joint des reproches sur ce qui paraît

bien être une réelle volonté de muséographie. Mobilier et objets d’art décoratif sont

en effet présentés dans les salles afin de donner un éclairage sur l’époque de

création des œuvres. Le rédacteur refuse de croire que des éléments extérieurs à la

peinture puissent apporter quoi que ce soit quant à sa compréhension. Il ne voit dans

cet aménagement qu’une source de confusion pour le visiteur et qu’une raison de

plus pour lui de se détourner des œuvres : « Il est inutile de distraire l’attention du

public de ce que l’on a tant de mal à lui faire comprendre. »

Un an après, Léon Degand signe une courte chronique de l’exposition

consacrée à Paul Signac au musée d’Art moderne – dont il critique la programmation

habituelle en une phrase introductive : « Cette manifestation, contrairement à bien

d’autres […] s’imposait. »164 Mais cette réserve ressemble presque à un bon point

pour le musée à l’aune de la suite ! Les critiques de Léon Degand portent sur des

incohérences et l’on comprend bien que cela est le fruit d’une certaine nonchalance,

163 A cette époque, en effet, le musée d’Art moderne connaît un nouvel accrochage qui intègre les abstraits (ou assimilés…). Georges Richar-Rivier, dans son doctorat La Nouvelle Ecole de Paris et la revue Art d'aujourd'hui ou les abstractions au début des années cinquante (Lille, 1987), liste les artistes représentés dans cette institution ainsi que ses acquisitions, pp. 221 à 213. 164 “Rétrospective Signac”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°1, décembre 1951, p. 25. Souligné par nous.

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un manque de passion. Cette indifférence devient vite un manque de respect

lorsque, une fois de plus, les numéros d’ordre sont mis « à même la surface peinte

de l’œuvre, incorporant ainsi à la composition un élément étranger, parfaitement

incongru. » Ici le dommage est seulement d’ordre esthétique. Ce que rapporte le

critique deux ans plus tard, en visitant la salle des acquisitions récentes, montre qu’il

atteint parfois l’intégrité de l’œuvre.

A lire les uns après les autres les textes que Léon Degand écrit sur le musée

d’Art moderne, on peut avoir l’impression d’assister à une série de feuilletons

burlesques. Pour rédiger ses « Fâcheuses découvertes »165, résultat de toutes les

critiques qu’il a émises et accumulées, le rédacteur dit être retourné au musée en

ayant oublié ses précédentes déconvenues. Elles ont pourtant dû lui revenir bien vite

en mémoire puisqu’à peine entré dans les lieux, il se heurte à un « abominable stand

de fancy-fair », autrement dit : « le kiosque de vente des publications, livres d’art,

reproductions ». Pour le décrire, le critique utilise à nouveau le qualificatif de

« forain » (« [des] toiles […] couvertes de peintures d’un style mi-salon, mi-forain »)

comme il l’avait fait pour l’éclairage du Petit Palais. Léon Degand regrette

certainement le clinquant de l’installation, son manque de discrétion qui ne prépare

pas le visiteur à la contemplation. Que penser alors des œuvres présentées dans un

lieu qui a des attributs de foire ? Comment les considérer comme des pièces

uniques, précieuses, voire exceptionnelles ?

Il énumère et comptabilise les égarements du musée. Son agacement

augmente au fur et à mesure. Le ton trahit déjà son irritation lorsqu’il pénètre dans

les salles : « Il est 16 h 15 et le musée ferme à 17 heures. Il fait presque noir et il n’y

a pas de lumière. On paye donc pour ne rien voir. » Des phrases courtes,

catégoriques, s’appuyant sur de simples constats pour une évidence bien regrettable

en guise de conclusion : on ne voit rien dans ce lieu d’exposition… et en plus, on a

dépensé de l’argent pour cela. Enfin Léon Degand revient sur ce qui le choque le

plus : jusqu’à présent il s’indignait de ce que les cartels posés sur la toile parasitent

la composition, ici, il a à déplorer des cartels punaisés dans la matière de l’œuvre. Il

165 “Fâcheuses découvertes au Musée d’Art moderne de Paris”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°1, janvier 1953, p. 28.

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décrit cela comme il raconterait un acte de torture : « Le petit papier est fixé par deux

bonnes punaises dont les pointes sont enfoncées dans la peinture même ».

Arrivé au terme de sa description, Léon Degand est en proie à un réel

désarroi : « Voilà qui est édifiant et se dispense d’autres commentaires. Le plus

terrible, c’est que l’on n’est même plus surpris. » Il précise : « Je signale ces faits

sans aucun plaisir. » Le rédacteur est personnellement très attaché à Paris. Il l’est

d’autant plus que, belge de naissance, il se sent « redevable de la majeure partie de

[sa] formation à la culture française ». S’ajoutent à cela ses voyages à l’étranger qui

lui ont permis « de mesurer […] l’importance capitale de Paris dans le monde des

arts »166.

Moins passionné mais aussi critique : Michel Seuphor

Michel Seuphor, moins passionné mais aussi critique, rédige deux autres

chroniques sur des expositions se déroulant au musée d’Art moderne. Ici, le ton ne

prend pas l’implication personnelle qu’y met Léon Degand mais les reproches émis

restent à peu près les mêmes. Lors de l’exposition sur Le Corbusier167, Michel

Seuphor note l’effort de scénographie du musée mais en conteste la forme. La salle

se trouve divisée « en boxes et passages placés d’une manière asymétrique » ;

présentation que le critique juge « un peu irritante » car elle contraint par trop le

regard. Pourtant, présenter les travaux de Le Corbusier sous la forme d’une série de

modules ne paraît pas dénué de cohérence. Aujourd’hui, les expositions dont la

scénographie prend une place importante tant esthétique que symbolique sont

courantes. Le rédacteur trouve quant à lui la présentation de l’exposition confuse.

Partage-t-il l’avis de Léon Degand qui écrit en constatant que le musée mêle dans

ses salles art et art décoratif : « Il est inutile de distraire l’attention du public de ce

que l’on a tant de mal à lui faire comprendre. »168 ? Une exposition doit-elle

166 “Le Musée qui devrait être exemplaire : le Musée d’Art moderne de Paris”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 21. 167 “Le Corbusier”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 26. 168 Op. cit.

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seulement être claire et respecter les œuvres ? Pour Michel Seuphor, la maladresse

de la scénographie qui dénature l’exposition consacrée au Corbusier s’accorde avec

les remarques de Léon Degand quant à une certaine désinvolture dans le traitement

des œuvres.

Depuis novembre 2000, la Cité universitaire de Caracas construite entre 1940

et 1960 selon les plans de l’architecte Carlos Raúl Villanueva est classée au

Patrimoine mondial de l’Unesco. Il aura fallu du temps pour que cet ensemble

exemplaire de la synthèse des arts soit reconnu. Dans la Cité universitaire de

Caracas prennent place sculptures, mosaïques, vitraux, peintures murales, d’artistes

tels Jean Arp, André Bloc, Alexander Calder, Henri Laurens, Fernand Léger, Antoine

Pevsner, Victor Vasarely et d’autres. Un lieu qu’Art d’aujourd’hui ne manque pas de

présenter longuement dans un article très illustré169.

Quelques mois avant l’inauguration de la Cité universitaire, les œuvres et

projets sont exposés dans le hall du musée d’Art moderne de Paris. L’exposition ne

dure que deux jours mais Michel Seuphor en rend compte, regrettant que le musée

ait réalisé cette manifestation : « avec la plus mauvaise grâce du monde »170. Les

pièces sont exposées dans l’entrée « mêlées à d’autres objets encombrants ». La

description qu’il fait de la présentation de certaines œuvres montre plus que de la

mauvaise grâce :

« D’André Bloc nous avons pu voir la mosaïque elle-même (2m.60 x

6m.50), quoique voir soit beaucoup dire : l’œuvre était placée

derrière d’épaisses colonnes carrées de telle manière que d’aucun

angle la vue ne pouvait l’embrasser dans son ensemble. Je ferai la

même doléance pour le grand bronze de Arp (3m.20 de haut), placé

dans une encoignure et pitoyablement éclairé par un réflecteur

braqué sur l’une de ses bosses. »

On comprend bien que si les efforts de scénographie originale du musée d’Art

moderne se conjuguent avec de telles incohérences, ils irritent plus qu’ils ne

169 Léon Degand et Roger Bordier, “Essai d’intégration des arts au centre culturel de la Cité universitaire de Caracas”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, pp. 1 à 6. 170 Michel Seuphor, “Caracas”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 28.

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convainquent les critiques d’Art d’aujourd’hui. Cette phrase de l’éditorial du numéro

consacré aux musées d’art moderne résume tout cela :

« Hélas, pourquoi nous faut-il déplorer que Paris, Capitale Mondiale

des Arts, ait failli à sa tâche en ne proposant qu’un Musée d’Art

moderne médiocre, d’une architecture à la fois pédante et

incohérente et dont le contenu donne une physionomie inexacte de

l’art contemporain. »171

Une livraison consacrée aux musées d’Art moderne

De remarque en remarque, Art d’aujourd’hui montre son intérêt pour la

scénographie, que les manifestations se déroulent en institutions ou dans les

galeries. Une exposition d’André Bloc à la Galerie Apollo de Bruxelles donne

d’ailleurs lieu à un double texte laissant autant de place et d’importance à la critique

de l’exposition elle-même qu’à sa présentation172. On constate également tout au

long des publications que de nombreuses critiques sont illustrées par des

photographies de l’exposition elle-même ; les œuvres étant cadrées suffisamment

large pour les montrer en situation et non sorties de leur contexte.

Les musées d’art moderne, lieux de tant d’espoirs, il faut le répéter,

deviennent ainsi l’objet de toutes les attentions auquel un numéro spécial est

consacré en octobre 1950. L’éditorial indique dès sa première phrase que le nombre

de musées augmente considérablement mais que ce sont là des lieux de

conservation du passé : « Le respect du passé […] amène à oublier le présent. »173

Ce que Michel Seuphor traduit par cette phrase éloquente : « Les musées sont des

171 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, 2 ème de couverture. Notons aussi, à propos du rôle que les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui donnent à Paris, cette phrase de conclusion du texte collectif “Le respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs public”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 2 : « La situation est d’autant plus grave que la cause de la France, en l’occurrence et aux yeux de tous, se confond avec la cause de l’art. », voir annexes p. XI. 172 Jo Delahaut, Jean Seaux, “Exposition André Bloc à Bruxelles”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°1, janvier 1953, p. 25. 173 Dans Art d’aujourd’hui, octobre 1950, op. cit., deuxième de couverture.

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cimetières » 174. Et cela n’exclut pas les musées d’art moderne qui, selon lui,

adoptent d’abord les suiveurs avant de consacrer le génie, une fois qu’il est mort. Le

rédacteur écrit ce texte alors qu’il revient d’un voyage à l’étranger qui lui a permis de

visiter de nombreux musées ; les cimetières de l’art ne sont donc pas l’apanage de la

France. Pour Michel Seuphor, la vraie incohérence des musées reste que les

œuvres n’ont pas pour destination première d’y être enfermées. Il achève sa

démonstration en reconnaissant que sa plus grande émotion a été de retourner dans

les ateliers de ses amis artistes.

Le terme de « conservateur de musée » résonne d’ailleurs comme une

sonnette d’alarme pour les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui qui préfèrent qualifier de

« directeurs » les personnes collaborant à ce numéro de réflexions sur le musée et

ses métiers. La revue tient à cette nuance, faisant observer qu’un conservateur

conserve alors que les directeurs sont de « véritables animateurs qui avec une foi

ardente se jettent dans la mêlée des Arts pour en arracher le meilleur. »175 Ainsi ce

numéro se compose d’observations de directeurs de musée sur leur travail, et de

présentations – essentiellement photographiques – de musées étrangers. A cela

s’ajoutent le texte de Michel Seuphor évoqué ci-dessus, ainsi que “Le Musée qui

devrait être exemplaire : le Musée d’Art moderne de Paris” de Léon Degand sur

lequel il n’est pas utile de revenir.

Le Stedelijk Museum par Willem Sandberg

La revue s’ouvre avec le fameux texte du directeur du Stedelijk Museum

d’Amsterdam 176, Willem Sandberg. Cet article est une suite de réflexions n’ayant pas

forcément de lien entre elles, telle une prise de notes. Comme vu précédemment,

cette succession de phrases courtes, sans majuscule, sans point et avec différentes

typographies manque un peu de clarté, d’autant que les phrases sont complétées

174 “Les Muses fonctionnaires”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., p. 19. 175 Dans Art d’aujourd’hui, ibid., deuxième de couverture. 176 “Réflexions disparates sur l’organisation d’un musée d’art d’aujourd’hui”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., pp. 1 à 9.

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par d’autres de police plus petite, dans la marge de droite, et que la lecture doit donc

aller des unes aux autres.

C’est une approche très concrète des besoins d’un musée, des problèmes

auxquels un directeur doit faire face, des solutions que Willem Sandberg a trouvées,

des choix qu’il a faits, qui sont proposés ici. Ses initiatives au sein de son musée sont

innovantes ou volontaires. Innovant le fait que les tableaux non exposés soient

laissés sur des cloisons coulissantes pour que le public puisse quand même y avoir

accès. Innovante encore la disposition des sculptures qui se trouvent dans des

niches « comme les livres dans une bibliothèque ». Innovante aussi la présentation

tant d’œuvres graphiques, que d’exemples d’art appliqué et de films à la

cinémathèque. Enfin, est volontaire le refus d’expositions liées à un événement

(décès ou anniversaire d’un artiste), une programmation ne devant pas être, selon

Sandberg, modifiée pour de telles occasions. Les initiatives du Stedelijk Museum

sont visibles sur les photographies illustrant l’article. On y voit des enfants

accompagnés vraisemblablement de leur instituteur, attroupés devant une œuvre et

écoutant les commentaires d’un médiateur. Ou encore le système des cloisons

coulissantes portant les tableaux que les visiteurs peuvent manipuler. Ou tout

simplement des salles du musée, claires, spacieuses, à la présentation aérée et

cohérente.

Parmi les réflexions avancées, certaines sonnent comme des formules et

résument à elles seules les idées développées. Ainsi, on notera que revendiquant la

nécessaire marque du directeur dans les collections du musée, Willem Sandberg

termine son article en établissant un parallèle entre l’art et l’amour : il présente ce

qu’il aime et espère pouvoir partager avec les visiteurs. Cette implication est, selon

lui, la seule façon de donner vie à ce qui est exposé. Une manière de faire écho à ce

qu’il avance pour marquer la différence entre musée d’art moderne et musée d’art

ancien : « Le musée d’art ancien tâche souvent de donner une idée objective du

passé sans se rendre compte que cela est impossible. » Dans ce souci de faire

partager son amour de l’art aux visiteurs, le directeur cherche à être le plus percutant

possible. Pour cela il se fixe un premier objectif : « Une exposition qui sait accaparer

le visiteur ne le fatigue pas ». Ainsi, il faut d’abord limiter la grandeur des

manifestations : « Les expositions avec des centaines de numéros nous laissent

comme seule impression un mal de tête ». Et s’il y a nécessité de didactisme dans

un musée, il ne faut pas qu’il prime sur la contemplation. Afin d’éviter que le savoir

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prime sur le plaisir, il fait en sorte que les visiteurs ne parcourent pas le musée

absorbés par la lecture du catalogue : « Heureux sont les myopes ; leurs lunettes les

empêchent de regarder alternativement les objets et les explications du guide ».

Enfin, un musée a besoin d’ouvertures sur l’extérieur. D’une part pour que les

passants aperçoivent les collections (comme un magasin qui ne peut se concevoir

sans vitrine), d’autre part pour que le visiteur du musée puisse regarder la ville : « Il a

besoin de comparer le monde irréel du musée avec la réalité de la vie quotidienne ».

Ainsi, dans l’idéal, la visite au musée s’apparente à un agréable moment qui incite

les passants à entrer, ce à quoi l’architecture même du lieu doit inviter : « Le front

fermé et sévère d’un musée – même si on l’a déguisé en temple grec – n’a d’attrait

que pour les snobs ». La conclusion du texte résume l’esprit dans lequel Willem

Sandberg dirige l’institution :

« J’aimerais bien inscrire à l’entrée de notre musée : celui qui entre

oublie tout ce qu’il a appris sur l’art, celui qui sort commence à y

penser. Tâchez de regarder par vos propres yeux. »

Au final et de manière très pragmatique, il ressort de ses réflexions la

nécessité d’horaires souples, d’une muséographie agréable et adaptable aux

besoins, d’une bonne lumière, de prix attractifs – notamment par le biais

d’abonnements afin d’encourager des visites courtes mais fréquentes – et de

mélanger différentes formes de création – architecture, peinture, sculpture, art

graphique, arts appliqués, cinéma et photographie. Autant d’attentions dans le but de

privilégier le bien-être et le plaisir.

Panorama de musées hors de Paris

Plus technique est l’article "L’Architecture et l’organisation des musées d’art

moderne"177. Son propos est de montrer la complémentarité qui doit exister entre

architecture et muséographie dans la construction d’un musée. Pour cela, l’auteur

donne un aperçu complet des besoins de l’institution en matière de muséographie

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(entretien, éclairage, sécurité, bibliothèque, déambulation des visiteurs, espace pour

les chercheurs, pour le personnel, etc.). Le lecteur ne se trouve plus placé comme un

simple visiteur, il a connaissance des problèmes qui doivent être abordés pour le bon

fonctionnement d’un musée.

Pour ce numéro spécial, Art d’aujourd’hui choisit également de mettre en

avant cinq musées d’art moderne (dont quatre américains). Trois d’entre eux sont

présentés par une série de photographies dont la légende des clichés constitue le

seul texte, aucun article n’étant signé. La revue privilégie ici encore autant que

possible une mise en pages très illustrée. Cette volonté de laisser parler les images,

de mettre le lecteur en position de spectateur et de lui permettre de juger par lui-

même est peut-être un peu poussée à l’extrême. Ainsi, sur une double pages178, cinq

photographies montrent le Museum of Modern Art de New York, intérieur et extérieur.

Les légendes sont lapidaires (« la façade », « exposition de matériaux », « une salle

de sculpture », etc.) et ne donnent pas d’indication de jugement. Il est vrai que les

clichés sont suffisamment explicites : façade résolument moderne, vaste salle de

sculptures avec des éclairages dirigés et une lumière douce, présentation de design

et de matériaux de fabrication, sculptures en plein air. Autant d’éléments qui mettent

en valeur les œuvres ou qui sont la preuve de l’intérêt pour la synthèse des arts.

Sur la page suivante, trois photographies présentent des expositions

temporaires dans les salles du Walker Art Center de Minneapolis179. Les légendes

sont tout aussi laconiques que celles de l’article sur le MoMA. Enfin, dans le même

esprit, une double page est consacrée au Guggenheim avec, sur la page de gauche,

un bref article non signé sur l’architecture de Frank Lloyd Wright180 illustré de la

maquette du projet - qui n’est réalisé qu’en 1959 – et sur la page de droite, des

photographies des salles du Guggenheim tel qu’il est en 1950181.

Un court texte accompagne également les photographies du musée de San

Francisco afin de vanter le choix de sa programmation et sa récente rénovation qui

177 Chita de la Calle, dans Art d’aujourd’hui, octobre 1950, ibid., p. 15. 178 “The Museum of Modern Art, New York”, dans Art d’aujourd’hui, octobre 1950, ibid., p. 16. 179 “Walker Art Center – Minneapolis – Minnesota”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., p. 18. 180 “Maquette pour le musée S.R. Guggenheim – architecte Frank Lloyd Wright”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., p. 12. 181 “Museum of non-objective painting - S.R. Guggenheim foundation – New York”, dans Art

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simplifie l’architecture au profit des œuvres exposées182. Art d’aujourd’hui loue

également la muséographie, parlant de « techniques muséographiques », et

applaudit les « techniques modernes didactiques, publicitaires et de la propagande ».

Des réflexions toutefois vagues qui rendent ces présentations de musées étrangers

assez énigmatiques. Qui a écrit les textes ? D’où viennent les photographies ? Qui

les a prises ? Le choix de ces musées est-il le fruit d’une vraie enquête sur les

institutions étrangères ou est-ce le résultat d’opportunités – de bonnes

photographies, facilement disponibles ? Cependant, ce qui ressort des clichés des

institutions américaines et qui peut être mis en balance avec ce que les rédacteurs

d’Art d’aujourd’hui rapportent sur les musées français, est une simplicité, une

sobriété, une clarté dans l’aménagement des salles : des tableaux espacés, des

lumières apparemment diffuses, et pas un seul cartel sur les œuvres. Enfin,

concernant les œuvres elles-mêmes, les photographies montrent essentiellement de

l’abstraction. Seul le musée Kröller-Müller en Hollande, présenté comme une

curiosité, bénéficie d’un avis personnel183. Michel Seuphor n’établit pas cette fois-ci

de parallèle entre musée et cimetière mais entre musée et église. Sa découverte

confine à l’expérience personnelle, au pèlerinage, ce qui séduit fortement le critique

très croyant. Ainsi, son texte plein d’enthousiasme, tient du carnet de route.

“Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics”184

Un premier bilan de la situation muséale est donné avec ce numéro, un

second, plus virulent, paraît dans le dernier Art d’aujourd’hui. Ainsi, avant de clore

ces cinq années de publication, la rédaction de la revue diffuse en page deux, tel un

avertissement pour mauvaise conduite, un texte encadré dont le titre en gras et en

capitales annonce : “Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics”185. Sa

d’aujourd’hui, ibid., p. 13. 182 “San Francisco Museum of Art”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., p. 10 et 11. 183 Michel Seuphor, “Le Musée dans les bois – Le Musée Kröller-Müller, Hollande”, dans Art d’aujourd’hui, ibid., p. 14. 184 Cf. annexe IV. 185 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 2. Voir annexes p. X I.

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mise en pages l’apparente à un tract, à une affiche, à une annonce officielle. Le ton

va de pair. Ce texte fait la somme des critiques rencontrées dans les pages d’Art

d’aujourd’hui. On retrouve notamment résumées, celles émises durant les cinq

années de publication à l’encontre du musée d’Art moderne et des Biennales de

Venise.

Le texte tient plutôt d’une énumération de faits (qui prend la forme d’une

énumération de reproches) divisée en sous parties correspondant aux différents lieux

visés par Art d’aujourd’hui. Une introduction très solennelle explique la raison de

cette page. Le ton est grave, il s’agit de prendre ses responsabilités (« Avec le souci

d’accomplir un devoir essentiel »), il est question de passion, de Paris capitale des

arts et de la France toute entière qui dénigrent la création, de pouvoirs officiels qui ne

font pas leur travail, et par conséquent, d’œuvres en péril.

Ces remarques ont aujourd’hui valeur de témoignage sur l’agencement des

musées au début des années cinquante. On constate d’abord que le lieu d’exposition

n’est pas neutre, que le contenant ne s’efface pas devant le contenu. A la lecture du

texte, on suppose au contraire une accumulation de signes extérieurs de richesses :

« lourds rideaux inutilement décoratifs », « faux marbre », « encadrement des portes

peint en faux bois sur le mur », « certains Rembrandt honorés de cadres pseudo-

baroques en contreplaqué », « abus de velours pompeux », « dorures ridicules aux

fenêtres », « fausse richesse, genre nouveau riche ». Autant de détails qui, bien

qu’ils ne soient qu’illusion pour la plupart, se réfèrent aux attributs de l’intérieur

bourgeois par la noblesse des matériaux tels que l’étoffe des « lourds rideaux », le

marbre, le bois, le velours, les dorures.

Tout cela donne à la fois le sentiment que ces apparences apportent au

musée une respectabilité, du prestige, de la grandeur (on est dans un lieu de culture,

un lieu qui renferme les trésors des plus grands artistes), et dans un même temps,

les caractéristiques de la décoration rappellent celles d’un intérieur privé, comme le

serait celui d’un collectionneur. Cette image ne correspond pas à celle de mission de

service public que doit remplir le musée, l’idée de collection privée se trouvant bien

éloignée du rôle de l’institution muséale. Mais le rapport qu’établit Art d’aujourd’hui

est sans merci et tous ces semblants de richesse paraissent encore plus dérisoires

lorsqu’ils sont mis en parallèle avec ces autres descriptions : « murs sales et

dégradés », « plafonds sombres » et « insuffisance et pauvreté inexcusables du

matériel d’exposition ».

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Comme évoqué plus haut dans un des articles de Léon Degand186, certaines

œuvres du musée d’Art moderne partagent leurs salles avec du mobilier qui leur est

contemporain ; cela afin d’indiquer la tendance d’une époque, les sources

d’inspiration communes à différentes créations. C’est là un vrai choix de

muséographie qu’Art d’aujourd’hui conteste, avançant d’une part que des œuvres se

défendent seules et contestant d’autre part la qualité des pièces de mobilier

exposées : « Meubles encombrants et laids, inutiles, bien que l’on semble prétendre

le contraire, pour la compréhension des peintures qu’ils accompagnent. » Cette

remarque est-elle le fruit de la mauvaise foi des rédacteurs d’Art d’aujourd’hui ou le

choix du mobilier est-il réellement contestable ? Y a-t-il eu un véritable travail de

scénographie ou la présence de ces meubles est-elle circonstancielle ?

La réflexion que développe Jean Cassou quelques années plus tard, en 1960,

avec l’exposition d’ampleur européenne, Les Sources du XXème siècle, invite à

penser que la volonté de médiation est patente. Sandra Persuy évoque, en effet,

dans son article "Les Sources du XXème siècle : une vision européenne et

pluridisciplinaire de l’art"187, une muséographie « environnementale », expliquant :

« Certaines œuvres sont choisies à dessein pour leur capacité à évoquer la

rencontre de différentes pratiques artistiques ». Elle établit, de plus, le parallèle entre

l’événement initié par la Conseil de l’Europe et le recueil de textes rédigés par le

directeur du musée d’Art moderne, Panorama des arts plastiques contemporains,

publié la même année, dont la réflexion sous-tend celle de l’exposition. On comprend

d’une part que Jean Cassou privilégie une approche plurielle et documentée de la

création – dans son acception large – et, d’autre part, la description établie par

Sandra Persuy indique que la ligne de cet ouvrage n’est guère éloignée de celle d’Art

d'aujourd'hui :

« Plusieurs chapitres consacrés à l’architecture, aux arts du

spectacle (théâtre, ballet, cinéma) et à la renaissance des métiers

d’art (céramique et tapisserie) témoigne également d’une vision

pluridisciplinaire de la création artistique. L’alternance de textes

186 Léon Degand, “Le Musée qui devrait être exemplaire : le Musée d’Art moderne de Paris”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 20 et 21. 187 Dans dans Les Cahiers du musée national d’Art moderne, n°67, printemps 1999, pp. 30 à 63.

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critiques, de chronologies de citations et d’extraits de documents

originaux inaugure un nouveau type d’ouvrage à vocation

pédagogique. »

Peut-être sont-ce les profondes similitudes sur le fond qui rendent les divergences de

formes insupportables à Léon Degand.

Enfin, outre ces associations ponctuelles entre œuvres et mobilier

contemporains, le musée d’Art moderne choisit de mêler genres et origines dans une

visée pédagogique. Une comparaison est faite entre de l’artisanat congolais et des

peintures cubistes, maladroitement appuyée par un carton explicatif. Ces choix de

muséographie cherchent à faire comprendre la démarche des artistes ; mais qu’en

est-il du Louvre lorsque « la Pietà d’Avignon [se trouve] placée devant un faux mur

de pierres » ? Cette mise en scène cherche-t-elle à reconstituer l’emplacement

original de l’œuvre ? Est-ce pour créer des respirations dans la visite et la rendre

plus attractive ?

Mise en perspective des pratiques actuelles

Aujourd’hui, afin d’échapper un peu à la désormais traditionnelle neutralité du

cube blanc, certains musées osent des couleurs de cimaises très vives dans leurs

salles d’expositions permanentes ou temporaires. Ce choix intervient forcément dans

l’appréhension que l’on peut avoir de l’œuvre. Le mur n’est plus seulement support, il

devient accompagnement. C’est aussi un moyen de jalonner la visite, de rythmer la

déambulation dans des successions de salles. Art d’aujourd’hui décrit un musée du

Louvre en 1954 aux « bleus trop forts », aux « verts variés » et aux « ocres criards ».

Enfin, alors que l’édition d’ouvrages sur l’art reste encore très réduite dans les

années cinquante, le musée d’Art moderne propose dans son hall d’accueil, un stand

de vente de livres et de reproductions qualifié ici de « ridicule ». Le commerce des

produits dérivés, reproductions d’œuvres d’art sur toutes sortes de supports ou en

modèle réduit, est une des conséquences de la démocratisation de la culture mais ce

commerce a largement débordé des limites de la préoccupation sociale. L’équilibre

reste à trouver entre le culturel, l’artistique et le mercantile, à l’image des multiples de

la Galerie Denise René du boulevard Saint-Germain à partir de 1966, créations

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originales éditées en nombre limité et vendues à un prix accessible à un plus grand

nombre sinon à tout le monde... La qualité des produits et la manière de présenter ce

commerce paraissent bien sûr déterminantes. Ainsi, André Bloc déplore-t-il le

tourisme culturel tel qu’il a pu le voir sur la Côte d’Azur (Vallauris et Pablo Picasso,

Vence et Henri Matisse) car il n’est pas pratiqué dans le respect des œuvres, des

artistes et du public :

« Faut-il se réjouir de la publicité outrancière faite autour des

vedettes de la peinture ? Notre siècle sera-t-il surtout celui de “la

Propagande” ? La Côte d’Azur accueille, chaque été, un public très

vaste et très “éclectique”, public dont les autochtones savent bien

exploiter les travers. »188

Les artistes deviennent des « vedettes », et leurs créations des sources de profit ; le

public se trouve berné.

Le manque « de goût, d’intelligence et d’amour »

Cette notion de « respect » que l’on trouve dans le titre “Le respect dû aux

œuvres d’art par les pouvoirs publics” correspond au dénominateur commun de

toutes les critiques d’Art d’aujourd’hui à l’encontre des musées. C’est le manque de

respect des visiteurs, des artistes et des œuvres d’art qui est montré du doigt dans

chacun des textes critiques. Le musée doit remplir son rôle d’intérêt public. Pour

cela, il se doit d’être didactique, clair, de mettre les œuvres à disposition des visiteurs

dans les meilleures conditions possibles. Et dans le meilleur des cas, le musée doit

faire aimer l’art. Ce qui se trouve décrit dans les critiques successives montre un

manque de soin et de clarté dans la présentation des œuvres ce qui ne peut que

dérouter le public et peut-être même le détourner de l’art ou le tromper quand, en

plus, les œuvres ne sont pas de qualité. Par son manquement à son devoir de

promotion de la culture, le musée ne respecte pas ses visiteurs.

188 André Bloc, “Peut-on le dire?”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, p. 1.

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Art d’aujourd’hui attend aussi plus de respect pour les artistes eux-mêmes en

rappelant régulièrement à quel point leur vie consacrée à l’art peut être difficile. Ce

respect commence par l’achat d’œuvres aux jeunes artistes, idée que défend Léon

Degand, même s’il juge les toiles de la salle des acquisitions récentes du musée

d’Art moderne de Paris « aussi faibles que grandes » puisqu’il ajoute : « Tant pis. Il

faut encourager les jeunes par des achats officiels. »189 Art d’aujourd’hui montre

plutôt des institutions frileuses, bien plus à l’aise avec des œuvres d’artistes déjà

consacrés qu’avec celles des créateurs vivants. Dans son éditorial du numéro

consacré aux musées d’art moderne, le comité de rédaction parle de « respect du

passé » ; on le devine envahissant, voire exclusif.

Mais ce que les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui reprochent le plus aux

responsables des musées est leur manque « de goût, d’intelligence et d’amour. »190

Les musées invoquent des problèmes d’ordre budgétaire mais les

dysfonctionnements rapportés par les critiques de la revue ressemblent bien souvent

à de l’indifférence pour les œuvres. Des œuvres invisibles parce que mal ou pas

éclairées du tout, parce que dissimulées par des colonnes, des cartels punaisés

dans la toile. Par ce manque d’amour pour les pièces qu’il expose, le musée ne

respecte ni les créations ni leurs créateurs.

c. L’art au quotidien, l’art dans le quotidien

L’exemple d’une exposition réussie est donné avec celle du Museum of

Modern Art de New York qui ne présente pas une forme d’art traditionnel. Il s’agit en

effet d’une exposition consacrée à l’affiche permettant de mettre l’accent sur son

évolution stylistique et ses sources, constituées par les formes les plus modernes de

la création artistique :

189 “Fâcheuses découvertes au Musée d’Art moderne de Paris”, dans Art d’aujourd’hui, janvier 1953, op. cit., p. 28. 190 “Le respect dû aux œuvres d’art par les pouvoir publics”, op. cit.

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« Le Museum of Modern Art de New York a présenté, avec la même

importance que les chefs-d’œuvre de l’art plastique, les sélections de

[l’American Institut of Graphic Art] et affirmé par là l’étroite relation

qui unit toutes les branches de l’art moderne ; il a encouragé les

artistes graphiques en mettant en évidence la valeur éducative de

leur mission : par eux, le grand public, celui du métro et du

boulevard, a vécu les combats des différentes tendances de l’art

contemporain. »191

Ainsi, l’affiche devient un fantastique médium pour apporter en douceur et au

quotidien, l’art d’avant-garde au plus près de tous192.

Les arts graphiques, médias de l’avant-garde

Il semble alors nécessaire d’améliorer la qualité de tout support de

communication que ce soit pour le bien du public ou des graphistes eux-mêmes :

« Si l’on réfléchit au traditionalisme de nos affiches, de nos décors

de théâtre, de toute notre publicité, au peu de souci que les

directeurs de journaux, les éditeurs, les grands commerçants ont de

la présentation de leurs imprimés, des économies qu’ils font

constamment dans ce domaine, on ne peut que considérer l’extrême

191 Bernard Gheerbrant, “L’Effort typographique”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952, p. 17. 192 Cette conception très positive de l’affiche n’est pas nouvelle, Nicholas-Henri Zmelty développe cette idée avec l’article "L’Affiche illustrée, miroir de la modernité esthétique et culturelle en France à la fin du XIXème siècle" dans Le Salon de la rue : l’Affiche illustrée de 1890 à 1910, Strasbourg, 2007. L’affiche n’étant pas considérée comme un art majeur, elle échappe aux conventions et permet plus de libertés stylistiques. Certains critiques, en cette dernière décennie du XIXème siècle, le constatent et en deviennent de fervents défenseurs : « Si l’idée que l’affiche puisse rendre le peuple "heureux et souriant" semble aujourd’hui quelque peu étonnante, elle s’inscrit à l’époque dans un contexte précis et ne relève en rien de l’élucubration. Les théoriciens de l’art social […] en plus de reconnaître à l’affiche un statut artistique et une dimension décorative, s’accordent pour lui conférer d’autres vertus : elle serait notamment un parfait vecteur d’éducation esthétique du peuple. Dans La Critique du 20 janvier 1898, Emile Straus est formel : "L’Affiche, voici le véritable Musée des Foules, le Musée du Jour gratuit, joie éveil d’art perpétuel. " Nombreux sont les critiques à user d’appellations telles que "musée de la rue" ou "musée en plein air". »

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urgence d’une union étroite de nos artistes graphiques, menacés du

chômage dès le premier signe de crise. »193

L’ensemble de ce texte offre un bilan très complet du développement de la

typographie, des faiblesses du métier, des problèmes en France et des buts à

atteindre pour chaque création. Il se trouve illustré par de nombreux exemples de

réalisations de Pierre Faucheux mais également par un contre-exemple, imprimé

pleine page : la couverture de 491 du 4 mars 1949, de Michel Tapié. La légende

(écrite en orange probablement pour attirer le regard et ne pas laisser passer le

lecteur sur ce contre-exemple) est de Pierre Faucheux qui explique que :

« Michel Tapié a tenté de reprendre la formule graphique de 391194

qui nous étonne encore et dont la violence lui a échappé. Le

mélange des caractères ou l’exagération de certaines proportions ne

suffisent pas pour provoquer l’intérêt du lecteur, la forme n’est pas

capable de combler le vide d’une matière explosive inexistante. »195

On conclut de cette brève et efficace remarque que d’une part n’est pas graphiste qui

veut, et d’autre part, la forme ne remplace pas le fond. C’est avec cette même

précision dans le commentaire que Pierre Faucheux rédige “Construction de la

lettre”196 qui, quoiqu’un peu technique reste très précieux sur les préoccupations du

maquettiste face à la lettre.

Ces deux textes alimentent un numéro dense consacré au graphisme. Les

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui s’appliquent à montrer que l’art est présent tous les

jours un peu partout, pour peu que l’on y prenne garde. Ainsi de l’affiche que

Georges Boudaille décrit en ces termes deux ans auparavant :

« […] L’Affiche tend à être à notre époque, toute distance respectée,

ce que la statuaire fut à l’antiquité et au moyen âge. [...] Si l’Affiche

ne compte pas encore de nombreux chefs-d’œuvre à son actif, cela

ne l’empêche pas d’être un art... au sens même où on l’entend de la

médecine. [...] On l’accuse d’enlaidir nos sites, mais elle est la parure

193 Bernard Gheerbrant, op. cit. 194 391 est la revue créée à Barcelone par Francis Picabia, publiée de janvier 1917 à novembre 1924. 195 Pierre Faucheux, op. cit. p. 19. 196 Dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 23 à 27.

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de nos cités modernes. Car elle est l’incarnation la plus vivace et la

plus prospère de l’art mural. Parce qu’elle n’a perdu ni le contact

quotidien avec le grand public, ni le souci d’efficacité qui est la

condition sine qua non de son existence, elle est peut-être une des

formes les plus valables de l’art d’aujourd’hui... une des plus

représentatives de notre civilisation. »197

Bien que prenant des précautions dans son énoncé, le rédacteur n’hésite pas à

établir des comparaisons audacieuses entre une réalisation d’art appliqué produite

en série qu’est l’affiche et celle d’un art majeur, qui plus est, rattachée au passé, la

statuaire antique et médiévale. Ce rapprochement ne peut que fortement frapper les

esprits et mener les lecteurs à s’interroger sur les richesses de la création qui leur est

la plus proche.

Selon Roger Van Gindertael,

« Les artistes d’esprit moderne ne sont pas à convaincre qui savent

que servir n’est pas nécessairement déchoir, à condition que ce ne

soit pas à l’avilissement du plus grand nombre. »198

Et le critique s’accorde aussi à penser que l’affiche devient une solution pleinement

envisageable pour remédier à la séparation entre public et art :

« […] Ainsi, il ne me paraît pas négligeable que les “responsables”

de notre art vivant s’intéressent à l’affiche, à cet autre art mural

peut-être plus actuel et plus immédiatement accessible que celui qui

attend d’hypothétiques architectures. »199

Roger Van Gindertael revient sur cette idée un an après en commentant le travail

d’un artiste américain travaillant à Paris, Léo Zimmerman. Il explique :

« L’œuvre d’art contemporaine ne trouve généralement qu’un public

restreint : le petit cercle des habitués des galeries et celui plus intime

encore des amis des artistes et des collectionneurs. »

197"L’Affiche", dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, non paginé. 198 Roger Van Gindertael, "L’Art graphique au service de la Publicité", dans Art d'aujourd'hui, février-mars 1952, op. cit., p. 33. 199 Ibid.

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Ainsi, l’artiste Léo Zimmerman décide, afin de mettre en contact public et créations

contemporaines, de pratiquer un art mural adapté à la société contemporaine il

renonce aux murs des villes pour concentrer ses efforts sur ceux qui bordent routes

et autoroutes très fréquentées. On suppose le jeune artiste particulièrement novateur

dans ses idées puisqu’il va même jusqu’à concevoir un partenariat avec une grande

firme américaine de peinture afin de financer son projet. Cependant, Roger Van

Gindertael insiste sur le fait que malgré toutes ces préoccupations périphériques à

l’art, le travail de Léo Zimmerman constitue « non des maquettes, mais bien des

peintures »200.

Le dessin d’enfant

Ce qui reste surtout remarquable dans le traitement qu’Art d'aujourd'hui

réserve à ces formes d’un art différent, est la volonté de les aborder comme des

créations majeures. Le numéro "Les Enfants – Les Fous" se trouve divisé de manière

à offrir une riche étude sur le sujet. Le texte “Les Libertés du dessin d’enfant”201 en

est un bon exemple qui donne une grille de lecture de ces travaux à travers leurs

communes particularités : l’indéchiffrable, le gros plan, les échelles différentes, la

non-perspective, le centre optique, la vue globale qui ne cache rien, le profil-face.

C’est là une véritable leçon d’esthétique, de recherches plastiques. Pierre Guéguen

ne cesse de dire que même si l’adulte ne comprend pas, le dessin possède une

cohérence pour l’enfant. Cela n'est pas facile à entendre pour des parents ni même

des enseignants et l'incompréhension perdure :

« Dans notre enseignement primaire voué aux connaissances

rudimentaires du lire, écrire et compter, il est certainement encore

beaucoup d’instituteurs et de parents qui trouvent superflues les

techniques culturelles du dessin, de la danse, du théâtre et du chant.

Le temps de scolarité est court, les classes surchargées, les élèves

200 Roger Van Gindertael, "Zimmerman", dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°2, mars 1953, p. 31. 201 Pierre Guéguen, "Les Libertés du dessin d’enfant", dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°2, novembre 1950, pp. 14 et 15.

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énervés et les examens pressants : il n’y a pas de temps à perdre en

fantaisie qui ne sont pas indispensables aux enfants du peuple.

Demain, ouvriers, manœuvres ou paysans, ils auront à travailler dur

pour "tirer leur paye" et leurs existences seront sans superflu...

La plus grande misère d’un éducateur est peut-être de se résigner

d’avance à la pauvreté et au malheur ; de ne point voir que jusque

dans les milieux prolétariens les plus déshérités, demeure le besoin

de la joie exceptionnelle et nécessaire porteuse d’espérance et de

rédemption.

[...] Si, dès l’enfance, l’habitude était prise d’avoir avec soi-même des

exigences qui exaltent le cœur et l’esprit, l’homme, dans sa maturité,

serait présent aux somptuosités de la vie et peut-être le monde en

serait changé. »202

Cette certitude est déjà partagée par les rédacteurs d'Art d'aujourd'hui et le soin qui

entoure la réalisation de la livraison le prouve. L'argumentation de Pierre Guéguen

se poursuit avec de nombreuses références à l’histoire de l’art qui permettent

d’établir des comparaisons et rendent la leçon plus compréhensible (ainsi la non-

perspective qui se trouve mise en écho avec le Quattrocento). Cette phrase de

conclusion à un article remettant en question la maladresse des dessins d’enfants,

résume la finalité de ce numéro spécial :

« On comprend alors que ses prétendues erreurs sont tout

simplement des moyens d’expression aussi valables que tant

d’autres, parce qu’ils sont éminemment plastiques, en dehors de leur

fraîcheur colorée et de leur naïveté ravissante. »203

202 Elise Freinet, éditorial de l'Art enfantin, n°16, mars-avril 1963, p. 1. 203 Pierre Guéguen, “Bravo… les artistes !”, Art d’aujourd’hui, op. cit., p. 8.

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Les arts « autres »

De même, “Peinture foraine”204 est porté par le désir de montrer que ces

réalisations sur des baraques de foire présentent une subtile efficacité et qu’à bien y

regarder, elles usent de certains ressorts de l’art classique. Il est ainsi question de

« [...] la sorcière à la Goya », mais on lit également : « [...] On dirait une estampe

chinoise [...] Il y a donc une composition, un équilibre. Une partie de ce qui fait une

œuvre d’art. » Les observations de Cécile Agay la mènent à un tuyau d’arrosage

dans la rue, posé devant la peinture, qui « ressemble lui aussi, à un dragon crachant

des flammes ! » Enfin, ces peintures sont comparées aux images d’Epinal, art

populaire, certes, mais attaché à une tradition : « […] l’image d’Epinal modernisée

qui la représente, en couleurs criardes […] » ou encore :

« Cette fois c’est une véritable image d’Epinal. [...] L’imagination de

l’imagier a su donner dans les coloris raffinés, avec une naïveté

évocatrice, à la représentation des puces, beaucoup de saveur et de

caractère. »

On peut donc tout commenter, porter un intérêt à toute chose sans que cela la

consacre œuvre d’art. Ce que Georges Boudaille traduit en ces termes lorsqu’il parle

de tatouage :

« [Il] appartient aussi au domaine de l’art en tant que moyen

d’expression graphique, au même titre que toute l’imagerie

symbolique et populaire, de l’ex-voto au graffiti en passant par l’art

brut. » 205

Autant de formes d’art dont la revue fait d’ailleurs régulièrement mention dans

ses pages. Ainsi le numéro "Cinquante ans de peinture" n’oublie pas les œuvres

naïves ni celles des enfants et des aliénés206, ni la livraison "Cinquante ans de

204 Cécile Agay, “Peinture foraine”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non paginé (deux pages). 205 "Tatouages", dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°10-11, mai-juin 1950, p. 14. 206 Pierre Guéguen, "Naïfs, enfants, fous", dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, pp. 50 et 51.

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sculptures", les “Sculptures naïves” auxquelles Cécile Agay consacre un texte207.

Durant les deux premières années, la rédactrice propose en effet des ouvertures

vers des créations autres. Après la peinture des cabanes de foire, elle s’intéresse

elle aussi aux créations d’aliénés208 puis aux masques de Lötschental209 qu’elle

compare aux sculptures tibétaines ou africaines. Après ce texte, Cécile Agay ne

collabore plus avec la revue mais Pierre Guéguen continue à tenir les lecteurs

informés de ces créations à la marge des beaux-arts et des arts populaires : art brut,

art naïf, dessins d’enfants, dessins d’aliénés, art primitif moderne, graffiti, et bien sûr,

travaux de Gaston Chaissac.

Ainsi les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui s’appliquent à démontrer que l’art peut

se rencontrer en tout lieu et soutiennent qu’établir des frontières strictes entre les

œuvres engendre des classifications par trop hermétiques. Si l’art se trouve aisément

dans le quotidien alors il n’est pas dépendant de la situation sociale de celui qui le

contemple ; l’art dépasse la notion de propriété privée. La revue propose cependant

une réponse au problème financier que présente le fait de posséder une œuvre, et

au manque d’habitude ou d’envie d’aller à la rencontre de l’art dans les galeries.

L’idée se met en place durant la première année qui voit trois de ses numéros

enrichis de hors-texte en couleurs210. L’impression de ces œuvres pleine page est

semblable à celle de l’ensemble du numéro à la grande différence qu’elle bénéficie

de couleurs.

Les encarts couleurs

Cette même année, un numéro est consacré à la gravure211. On y lit sur la

deuxième de couverture :

207 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°3, janvier 1951, p. 19. 208 "Architecture des fous", dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°2, novembre 1950, p. 22. 209 "Art populaire : les masques diaboliques de Lötschental", dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p. 14. 210 Un hors-texte de Gérard Schneider pour le n°5, en décembre 1949 ; un de Jean Bazaine pour le n°6, en janvier 1950 ; un d’Alberto Magnelli et un de Fernand Léger dans le n°10-11, en mai-juin 1950. 211 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°9, avril 1950.

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« 300 exemplaires numérotés contiennent, au choix, un hors-texte

tiré sur une planche originale de : Baumester, Bertholle, Chastel,

Durand, Duthoo, Fautrier, Friedlaender, Fiorini, Flocon, Gœtz, Le

Louarn, Le Moal, Piaubert, Prébandier, Signovert, Singier, Ubac,

Vieillard, Villon, Vulliamy, Yersin, Zao Wou Ki. »

L’idée est trouvée ! On peut supposer que cette expérience qui consiste à tirer des

planches hors-texte – ici pour un nombre réduit d’exemplaires de la revue – préfigure

les tirages d’encarts en couleurs à plus grande échelle, et non en tirage limité, dont

vont bénéficier dix-sept livraisons.

La formule n’est pas nouvelle puisque dès 1893, du fait du perfectionnement

de la reproduction photomécanique, la revue L’Œuvre d’art est constituée de grandes

reproductions afin de permettre « aux artistes et aux amateurs, le seul moyen qu’ils

aient de se former à peu de frais, un musée comprenant les plus grands chefs-

d’œuvre de toutes les écoles et les meilleurs ouvrages exposés aux divers salons de

France et de l’étranger. »212 Il est cependant à noter que dans le cas d’Art

d'aujourd'hui, on s’applique à constituer non pas un musée des « plus grands chefs-

d’œuvre » reconnus mais une collection d’œuvres de l’avant-garde. Autre originalité

de la revue, ces planches hors-texte s’adressent à tous les lecteurs et ne servent pas

à encourager ou remercier des abonnements comme le proposait, au début des

années vingt, la revue d’Amédée Ozenfant et de Le Corbusier (encore Charles-

Edouard Jeanneret), L’Esprit Nouveau, sous forme de gravures originales

numérotées213. Art d'aujourd'hui opte pour moins précieux mais moins discriminant

aussi. Enfin si l’on trouve des sérigraphies pleine page dans Cahiers d’art des

années cinquante, elles ne sont pas détachables et tiennent lieu soit de couverture,

soit de luxueuses illustrations d’articles. Ainsi, les animateurs d’Art d'aujourd'hui se

réapproprient une idée – qui sans être banale n’est pas non plus unique – mais en

l’adaptant à leur conception d’un art pour tous.

Le premier encart accompagne le numéro quatre de la deuxième année,

spécial Néo-primitifs. Jean Dewasne en est l’auteur bien qu’aucun texte ne lui soit

212 Cité dans Yves Chevrefils Desbiolles, op. cit., Paris, 1993, p. 46. 213 On trouvera plus de détails dans Françoise Levaillant, "Norme et forme à travers L’Esprit

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consacré. Mais l’artiste est un proche du comité de rédaction et l’on peut supposer

qu’il a été séduit par cette initiative. Durant cette deuxième année, aucune autre

sérigraphie n’est éditée214. Il faut donc attendre les première et deuxième livraisons

de la série suivante pour voir une œuvre de Fernand Léger puis d’Alberto Magnelli ;

celles de Victor Vasarely et de Wassily Kandinsky font suite avec les numéros cinq et

six. Ainsi, sur cette année-là, seuls les deux numéros doubles ("Le Graphisme et

l’art", et "Photographies") ne sont pas accompagnés d’encart. La formule se

généralise pour les deux dernières années puisque douze livraisons sur treize sont

complétées de sérigraphies215. Ce n’est d’ailleurs qu’à partir de là qu’elles

apparaissent dans le sommaire alors que les créateurs des premières de couverture

le sont depuis le début.

Ces encarts demeurent un exemple très concret de la volonté de rendre l’art

accessible au plus grand nombre216 et de diffuser largement le travail des artistes.

Les sérigraphies, si elles ne prennent pas leur valeur par le nombre de leurs tirages

(elles sont éditées en autant d’exemplaires que la revue), bénéficient cependant

d’une très belle qualité d’impression. Seul le travail de Jean Dewasne, premier de la

série, est imprimé sur un papier cartonné légèrement brillant qui se prête assez mal à

la sérigraphie, unifiant trop les aplats noirs, jaunes et blancs malgré un contraste de

matité. Les autres tirages sont réalisés en revanche sur un papier à grain qui offre un

rendu plus en matière, des nuances de matités, des transparences et plus de relief

(accentué par celui, tactile, de la presse). Pour chacune de ces dix-sept livraisons, on

se trouve ainsi en possession d’un véritable travail de graveur qui s’offre à la

contemplation comme toute œuvre plastique. Notons les effets d’encre très libres de

la gravure de Fernand Léger217, les jeux de matières de la sérigraphie d’après un

Nouveau", dans Le Retour à l’ordre, Saint-Etienne, 1975. 214 En deuxième de couverture du dernier numéro de cette deuxième série une étiquette autocollante est ajoutée sur laquelle est écrit en rouge : « ABONNEMENT 3ème SERIE (8 numéros) chaque numéro comprendra une planche hors-texte gouache couleur ». Le prix de l’abonnement passe alors de 1500 Francs à 2000 Francs pour la France, et de 1800 Francs à 2300 Francs pour l’étranger. 215 Seul le numéro consacré à la synthèse des arts n’en possède pas (5ème série, n°4-5, mai-juin 1954). 216 On trouve dans les archives de la revue deux lettres de commande, contre remboursement, d’encarts supplémentaires. 217 Encart couleurs du n°1 de la 3 ème série, décembre 1951.

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bois gravé de Ernst Wilhelm Nay218, ou encore la finesse des incisions chez Hans

Hartung219. Cinq encarts sont réalisés par les Ateliers Renson à Paris, ils comportent

un nombre plus important de couleurs que les autres ; jusqu’à onze pour la gouache

de Ben Nicholson. La revue possède cependant son propre atelier de sérigraphie

dans lequel Wilfredo Arcay exécute quatre planches (d’après des œuvres de Juan

Gris, Otto G. Carlsund, Sophie Taeuber-Arp et André Bloc).

Le choix des artistes n’est lié au contenu de la revue que dans la moitié des

cas. Ainsi d’Alberto Magnelli220, de Ben Nicholson221, d’Ernst Wilhelm Nay222 et

d’Otto G. Carlsund223 qui accompagnent respectivement les numéros spéciaux

"Italie", "Grande-Bretagne", "Allemagne" et "Pays nordiques" dans lesquels un article

est consacré à chacun. De même, le catalogue Klar Form224 comprend l’encart de

Fernand Léger (artiste français le plus célèbre participant à l’exposition), le spécial

Cubisme225, celui de Juan Gris, et le spécial Collages226 se trouve enrichi d’une

sérigraphie d’après un collage réalisé spécialement par Alberto Magnelli. Un encart

de Victor Vasarely227 accompagne un texte qui lui est consacré et lorsque Michel

Seuphor écrit un article sur L’Aubette à Strasbourg, Wilfredo Arcay réalise un encart

couleur d’après un des reliefs de Sophie Taeuber-Arp pour le bar228.

Il est difficile de savoir comment le choix des artistes s’opère. Roger Bordier

explique aujourd’hui qu’André Bloc était seul à décider229. On peut lire dans une

lettre d’André Bloc à Edgard Pillet datant du 25 février 1954 : « Magnelli accepte le

principe de préparer un collage simple pour la planche “hors-texte” du numéro sur les

“collages” »230. Il est à rappeler que ce spécial Collages correspond aux mois de

mars et avril 1954, on peut donc en déduire que soit ces tirages ne demandent pas

218 Encart couleurs du n°6 de la 4 ème série, août 1953. 219 Encart couleurs du n°6 de la 5 ème série, septembre 1954. 220 Encart couleurs du n°2 de la 3 ème série, janvier 1952. 221 Encart couleurs du n°2 de la 4 ème série, mars 1953. 222 Encart couleurs du n°6 de la 4 ème série, août 1953. 223 Encart couleurs du n°7 de la 4 ème série, octobre-novembre 1953. 224 Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°1, décembre 1951. 225 Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953. 226 Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954. 227 Encart couleurs du n°5 de la 3 ème série, juin 1952. 228 Encart couleurs du n°8 de la 4 ème série, décembre 1953. 229 Dans un courrier en date du 7 août 2009. 230 Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d’Art

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beaucoup de temps pour être réalisés, soit – et c’est le plus probable – la revue ne

sort pas forcément au début de la période de parution annoncée.

La participation des lecteurs

Art d’aujourd’hui fait donc participer les artistes tant pour la réalisation des

encarts couleur que pour les premières de couverture. La revue demande également

aux lecteurs de s’investir. Ainsi dans le numéro de janvier 1950 est annoncé un

concours de couvertures pour les numéros spéciaux à venir : "Cinquante ans de

peinture", "Cinquante ans de sculpture" et "Les Musées d’Art moderne". Les

modalités techniques sont indiquées : un travail en deux couleurs (noir compris),

dans des dimensions égales ou proportionnelles à celles de la revue, soit vingt-

quatre par trente et un centimètres. Le premier prix voit son projet édité et reçoit une

somme de dix mille Francs. De même, la couverture du numéro spécial Espace231

est le résultat d’un concours auprès des élèves de l’Atelier d’art abstrait de Jean

Dewasne et Edgard Pillet. Ces appels sont plus qu’anecdotiques : ils permettent aux

lecteurs de s’impliquer dans la revue, aux jeunes artistes de voir leur œuvre diffusée

en Une. L’implication des lecteurs est encore plus importante dans la livraison

"Photographies"232 puisque le comité de rédaction leur lance un appel pour qu’ils

envoient leurs clichés : « Nous ne savons pas encore ce que révéleront et ces envois

et nos propres recherches »233. Au final : un numéro luxueux illustré de

photographies occupant des doubles pages entières, assemblées par des

rapprochements formels fort judicieux. La couverture brillante attire quant à elle le

regard : elle présente sur la presque totalité de son format, trois doigts en très gros

plan. Enfin, en conclusion du texte “Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs

officiels”, publié dans le dernier numéro d’Art d’aujourd’hui, on peut lire : « Nous

moderne-Centre de Création industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 231 Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951. 232 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°7-8, octobre 1952. 233 Dans Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°6, août 1952, 3 ème de couverture.

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prions nos lecteurs de bien vouloir nous adresser les informations qu’ils

posséderaient sur la question. »234

Cela renforce l’idée du lectorat de la revue constitué de nombreux artistes

dont les appels à participation les concernent directement. Avoir son nom et son

œuvre en couverture ou à l’intérieur d’une revue d’art est une publicité recherchée.

De plus, qu’il soit artiste ou non, le lecteur d’Art d’aujourd’hui sait qu’il fait partie d’un

microcosme dans lequel tous ces amateurs d’abstraction géométrique se

comprennent, voire se sentent mutuellement investis d’une juste cause : partager

avec le plus grand nombre leur passion pour l’art abstrait. Et il s’agit bien d’une juste

cause puisque seules l’abstraction et l’intégration des arts peuvent offrir un quotidien

qui serait réalisé « […] pour que les hommes s’y retrouvent, y soient à l’aise, s’y

réjouissent à l’image exaltante du vrai et du beau. »235

C’est en effet dans cet esprit que Michel Seuphor présente, avec une grande

clarté, le « dogme néo-plastique ». Comme une incitation pour chacun à le mettre en

pratique, il prend l’exemple de l’atelier de Mondrian et en livre une démonstration

d’une grande simplicité :

« Il suffit d’appliquer sur un fastidieux mur blanc trois ou quatre

carrés de couleur pour l’humaniser, le rendre sonore. On peut choisir

ces carrés de dimensions différentes, on peut les grouper ou les

placer très loin les uns des autres. Toutes les positions sont bonnes

à l’exclusion de la symétrie qui tue le jeu et réintroduirait l’ennui. »236

Expliquée ainsi, la plastique de cet atelier aujourd’hui si connu, paraît provenir d’un

manuel de décoration. Une excellente façon de rendre la chose accessible

intellectuellement mais aussi financièrement (« Il suffit d’appliquer sur un fastidieux

mur blanc trois ou quatre carrés de couleur »).

234 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 2. 235 Michel Seuphor, “La Synthèse des arts est-elle possible ?”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 11. 236 Ibid.

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3. La synthèse des arts

« Au sein d’une vraie synthèse, architecture, peinture et sculpture sont liées par une intime convenance plastique. Dans ces conditions, une peinture et une sculpture sont belles, non seulement par elles-mêmes, mais aussi par leur fonction plastique dans le milieu architectural pour lequel elles ont été conçues. »237

Si les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui ont pleinement conscience qu’il faut

former le regard et le sens critique du spectateur afin de lui apporter ensuite ce qu’ils

considèrent comme le meilleur de l’avant-garde, ils savent également que c’est en

mettant le public en contact quotidien avec cette création que l’œil s’éduquera tout

seul. Pour les animateurs d’Art d’aujourd’hui – qui se placent dans la lignée de Piet

Mondrian, Théo Van Doesburg et du Stijl –, une des solutions, en cette période de

reconstruction d’après-guerre, se trouve dans la synthèse des arts, intégration à la

vie quotidienne de créations contemporaines. Certains d’entre eux sont, de plus,

impliqués dans cette recherche en tant qu’artistes et la revue devient alors un

support privilégié à leurs réflexions.

Au-delà du contenu des textes, Art d’aujourd’hui, par sa mise en pages

soignée et ses recherches graphiques, contribue à mettre entre les mains de ses

lecteurs un objet sans cesse nouveau. Les premières de couverture et l’édition de

planches colorées hors-texte – à partir de mars 1951 –, révèlent le souci de leur

apporter le meilleur de l’avant-garde. Contenu et support s’accordent ainsi

parfaitement, les textes prenant davantage de sens grâce aux compositions qui les

accompagnent.

Comment continuer à faire vivre une forme d’expression qui reste pour

beaucoup apparentée à une expression dépassée, vieillie, qui aurait tout dit quelque

vingt années auparavant avec le néoplasticisme ou à laquelle certains n’accordent

237 Léon Degand, “Réflexions sur la synthèse des arts plastiques”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 33.

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qu’un intérêt décoratif ? Comment faire accepter que l’on puisse être créateur à part

entière même si l’on travaille en relation avec architectes et urbanistes ? Pour contrer

les réticences, les rédacteurs citent aussi souvent que possible les exemples d’une

intégration des arts réussie, commentent longuement les grandes réalisations, et

traquent aussi les erreurs existantes avec une intransigeance à la hauteur de leurs

espérances en la synthèse des arts.

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a. Des rédacteurs impliqués

Comme exposé en première partie lors de la présentation des parcours des

différents membres du comité et des rédacteurs d’Art d’aujourd’hui, un certain

nombre s’investit, en tant qu’artiste, dans la synthèse des arts. Denise René relate ce

souvenir d’une conférence à l’Atelier d’art abstrait :

« J’ai assisté à une des prises de position d’André Bloc avec en

préambule : “Mes chers amis, je serai bref, je ne fais pas de discours

mais j’agis. Je suis un homme d’action, donc j’agis.” Il faut bien voir

qu’il s’adressait à un public essentiellement constitué d’artistes ! »238

Cette activité des uns et des autres est lisible dans les pages d’Art d’aujourd’hui.

Dans la série "L’Art et la manière", Roger Bordier décrit par ces mots le directeur de

la revue :

« Le monde idéal d’André Bloc, on l’entrevoit sans peine : il est celui

de l’application totale de l’art au décor commun, de son entrée dans

la vie, et sans hésitation ; celui des peintures à l’intérieur et à

l’extérieur des murs, des compositions esthético-architecturales, des

sculptures-jouets dans les squares, etc. »239

Le manifeste du Groupe Espace240

Par ses animateurs mêmes, Art d’aujourd’hui se trouve ainsi intrinsèquement

lié à la synthèse des arts. Dans la livraison d’octobre 1951 est publié en deuxième de

couverture, le manifeste du Groupe Espace dont le contenu reste très proche des

observations faites dans la revue : de trop nombreuses constructions sont réalisées

238 Voir entretien annexe VII. 239 "La Constante sollicitation d’André Bloc", dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 48. 240 Cf. annexe III.

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sans tenir assez compte de la vie et des activités qu’elles abritent. Ce manifeste se

trouve introduit par un court article :

« Un groupe s’est formé en France pour aborder cette tâche difficile

de synthèse, sans laquelle aucune civilisation ne peut affirmer sa

présence.

[…] Les grandes réalisations de la Reconstruction entrent dans une

phase décisive. Les Architectes, qui ont été chargés des travaux

essentiels, ont compris qu’ils pouvaient utilement associer, à leurs

études, d’autres plasticiens. »241

Sous le manifeste se trouvent les noms des personnes faisant partie du Groupe

Espace. On peut lire parmi les premiers signataires : André Bloc, Félix Del Marle,

Paul Etienne-Sarisson, Pierre Faucheux et Edgard Pillet. Sur ces trente-neuf

signatures, quinze sont de personnes plus ou moins directement liées à la revue242.

Enfin, l’adresse temporaire donnée sur le manifeste du Groupe Espace est celle d’Art

d'aujourd'hui, le 5 de la rue Bartholdi, à Boulogne.

La polychromie ornementale de Félix Del Marle

La revue rend régulièrement compte dans ses brèves, des expositions de son

secrétaire général de rédaction, Edgard Pillet, ou des réalisations d’André Bloc. On

peut ainsi constater combien ses membres sont actifs bien qu’il n’y ait pas de

surenchère quant à la place qui leur est réservée dans les pages d’Art d’aujourd’hui.

En janvier 1951, Félix Del Marle entre dans le comité de rédaction ; on sait qu’un an

auparavant, il avait déjà participé au sommaire de la revue en soumettant à son

directeur le texte de Piet Mondrian, “Le Home, la rue, la cité”243. A la mort de Félix

Del Marle (le 2 décembre 1952), la revue lui rend hommage dans le numéro de

241 Op. cit., 2ème de couverture. 242 Hormis les cinq noms déjà mentionnés, citons en effet Baertling, Boethy, Bozzolini, Dewasne, Dorazio, Gorin, Jacobsen, Lardera, Schöffer et Vasarely, artistes présents dans les pages d’Art d’aujourd’hui. 243 Texte paru dans le numéro consacré à Mondrian, 1ère série, n°5, décembre 1949, non paginé (deux

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janvier 1953, et donne ainsi un aperçu de l’important travail accompli par l’artiste en

matière de synthèse des arts. La publication d’extraits d’articles et de lettres de Del

Marle souligne cette constante préoccupation et la réflexion qu’il a menée durant de

nombreuses années. Pour preuve de son incessante activité, l’introduction à ces

textes indique que l’artiste n’a pas

« vu achevée la réalisation des polychromies extérieures et

intérieures des nouvelles usines et cité Renault de Flins, éclatante

démonstration des principes qu’il avait posés depuis vingt-cinq ans

et qui guidaient son effort […] »244.

Jusqu’à sa mort, donc, Félix Del Marle poursuit des recherches entamées très tôt.

Le premier texte cité date en effet de mai 1927, il est tiré du Bulletin de l’Effort

Moderne et donne déjà à la couleur la vertu de « lier la vie collective de la cité à la

vie individuelle de ses habitants. »245 Le 1er octobre 1952, dans une lettre adressée à

un de ses collaborateurs dans la mise en place des peintures des usines Renault,

Félix Del Marle attribue également à la couleur la fonction d’apporter : « un

soulagement à la peine de l’Homme dans son labeur quotidien », ajoutant :

« Nous ne sommes pas des démiurges comme Picasso et parfois

Arp, mais nous relevons avec nos moyens plastiques et fraternels le

défi ancestral : “Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front”. »246

La portée éminemment sociale de ces propos révèle ce qui distingue la peinture sur

des surfaces de la peinture dans l’espace, ce que Félix Del Marle appelle la

polychromie ornementale en opposition à la polychromie architecturale ; et cette

différence joue sur le résultat que l’artiste décrit ainsi : « Un bâtiment où doivent vivre

des hommes ne peut être uniquement un “objet plastique”, donnant avant tout

satisfaction à celui qui l’a créé. »247

Ces trois pages réalisées en hommage à Félix Del Marle montrent sur une

photographie occupant une large place, l’artiste au travail, entouré de maquettes et

pages). 244 “Félix Del Marle : la couleur au service de l’homme”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°1, janvier 1953, deuxième de couverture. 245 Ibid. 246 Ibid., p. 2.

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tenant un compas. Sous ce cliché, une citation de Piet Mondrian datant de mars

1942, en caractères gras :

« Dans le Futur, la transformation d’une expression purement

plastique en réalité tangible remplacera l’œuvre d’art. Il n’y aura plus

alors besoin de peintures et de sculptures, car on vivra dans l’Art

même. »

Cette mise en pages est à elle seule très explicite : comme le dit André Bloc, l’artiste

doit agir et c’est ce que prouve la photographie de Del Marle dans son atelier, non

pas pinceau à la main devant un chevalet, mais occupé à des maquettes et prenant

des mesures avec un compas. Cela avec le dessein, annoncé par le grand

précurseur Mondrian dix années auparavant (la photographie date de 1952), de

dépasser la création solitaire destinée à une contemplation individuelle pour aboutir à

un art pour tous, vivable au quotidien. C’est effectivement le but à atteindre pour

Félix Del Marle qui considère même dans une lettre du 9 mars 1952 que « Mondrian

a œuvré dans une tour d’ivoire ». Il explique plus loin :

« Une œuvre néo-plastique, donc architecturale, est insuffisante en

elle-même et rejoint la tour d’ivoire individualiste, si elle n’est pas

plantée dans une réalité concrète, organisée, si elle, Réalité

Abstraite, intellectuelle, n’est pas équilibrée avec l’Ambiance

Concrète, avec la Vie Ambiante, en vue, par cet équilibre, de former

une Unité digne de ce nom. »248

La Reconstruction propice à la synthèse des arts

Il n’est pas question de mettre en doute le travail de Mondrian mais bien de

continuer dans sa voie, c’est-à-dire de rester ancré à son époque, d’évoluer avec

elle. L’artiste des années cinquante n’en est plus aux essais plastiques dans la

solitude de l’atelier, il doit se frotter, avec ses créations, à la réalité sociale. De plus,

247 Ibid., p. 1. 248 Ibid., p. 2.

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l’époque apparaît favorable à cette synthèse par l’importance des travaux de la

reconstruction d’après-guerre, d’abord, et par la constante amélioration des

techniques, ensuite, qui oriente esthétiquement l’architecture. Cependant, l’opinion

ne suit pas et cela à tous les niveaux de la société. C’est ce qu’explique André Bloc

dans le recueil Témoignages pour l’art abstrait, édité par Art d’aujourd’hui :

« J’ai pu constater, depuis que je dirige une revue d’Architecture,

combien les problèmes de plastique comptent peu, en particulier en

France, dans les programmes contemporains. La formation actuelle

de l’Architecte et l’indifférence du public pour l’architecture, sont,

selon moi, les principales causes. L’Architecte ne s’intéresse pas

assez aux valeurs relatives des plans, des volumes, des couleurs. A

vrai dire, les commandes ne l’encouragent pas dans cette voie. Ce

qu’on lui demande c’est de savoir résoudre des problèmes pratiques

dans les meilleures conditions. A l’heure actuelle, l’Architecte n’est

pas préparé à proposer un programme de collaboration aux

sculpteurs et aux peintres. Quand il les appelle, il considère trop

souvent leur intervention comme inutile ou secondaire. »249

Les animateurs-artistes d’Art d’aujourd’hui (Félix Del Marle, André Bloc ou Edgard

Pillet) confrontent ainsi leurs réalisations à la théorie qu’ils expriment notamment

dans les pages d’Art d’aujourd’hui ou dans ses éditions. Leurs discours sont donc

chargés de leurs expériences.

« Mais il faut faciliter la tâche de “l’Autorité”. Architectes, peintres et

sculpteurs doivent songer, dès à présent, à organiser la tâche

commune. Ils doivent demander une aide, mais sur des bases

précises et déjà, avec des exemples à la base de leurs thèses. »250

Il reste important en effet pour les promoteurs de la synthèse des arts, de ne pas

perdre toute crédibilité en donnant l’impression que leurs projets sont inconsistants.

La revue devient alors un espace d’opinions et de discussions autour de

l’intégration de la peinture et de la sculpture dans l’architecture. Car, comme

l’explique maintenant Roger Bordier, « si le projet est séduisant, il apparaît moins

249 Propos recueillis par Julien Alvard, Boulogne, 1952, p. 29.

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facile à théoriser. »251 En premier lieu subsiste un problème de définition que les

rédacteurs de la revue tentent d’éclaircir : la synthèse des arts est un travail commun

entre architectes et plasticiens. Dans l’idéal, ce travail doit être entrepris dès l’origine

du projet. Il ne s’agit pas de faire intervenir, une fois le bâtiment terminé, peintures,

sculptures, mosaïques, etc. dans un seul but décoratif. Ces disciplines doivent entrer

dans la conception de l’édifice pour apporter une réflexion sur l’espace et le confort,

et associer au fonctionnel un certain art de vivre. Sans cela, les pratiques sont

ajoutées les unes aux autres et non intégrées comme le précise Léon Degand :

« Une authentique synthèse des arts plastiques doit se faire par

intégration, non par addition des trois plastiques en présence.

Précisons : par une intégration de la peinture et de la sculpture à la

plastique de l’architecture. Car il n’est pas question que l’architecture

devienne picturale ou sculpturale. »

Pour se faire bien comprendre, le rédacteur sait user d’exemples précis et bien

connus, comme ici :

« L’unité de style sert l’intégration de la peinture et de la sculpture à

l’architecture. Mais il ne faut pas la confondre avec cette intégration.

Au château de Versailles, peinture et sculpture sont plaquées sur

l’architecture. Non intégrées. »252

Il reste pourtant vrai que l’architecture domine peinture et sculpture puisque c’est

généralement sur les plans de l’architecte que les artistes travaillent. Dans l’idéal, ils

apportent leurs conseils mais la fonction (l’habitation, le lieu de travail, de vente, de

restauration, etc.) prime sur l’ensemble.

L’architecture, un art dominant

Voilà la première réserve que Roger Bordier émet quant à la synthèse :

250 Ibid. 251 Voir entretien annexes V. 252 “Réflexions sur la synthèse des arts plastiques”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 33.

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« L’architecte (à qui son rôle de maître d’œuvre et surtout son statut

juridique confèrent un relatif privilège) intervient auprès d’un

sculpteur et d’un peintre, par exemple, pour leur demander une

participation. Même si celle-ci est importante, peut-on valablement

parler de synthèse ? Il s’agit plutôt d’un accompagnement, d’un ajout

décoratif. Il faut (et ce n’est pas forcément réducteur, d’où un côté

positif) que les artistes considèrent l’architecture envisagée comme

une valeur inspirante. »253

C’est là en effet ce que tous les rédacteurs reconnaissent et formulent chacun à leur

manière. Pierre Guéguen parle du « nom majeur », du « nom de gloire » qu’est la

« Synthèse des Arts Plastiques » qu’il affuble de majuscules et de caractères gras

mais précise qu’elle est « réalisée à la faveur de l’architecture, art majeur. »254 Ainsi

les arts plastiques sont dépendants d’une autre discipline mais cela n’a rien de

péjoratif car il s’agit d’un « art majeur ».

Léon Degand est catégorique : « Dans la synthèse des arts plastiques il y a

toujours un art dominant, et c’est toujours le même : l’architecture. » Il en donne la

raison : la peinture et la sculpture servent souvent à décorer l’architecture mais

l’inverse est impossible. Il conclut :

« On comprend aussitôt pourquoi la peinture et la sculpture ne

sauraient prétendre à une synthèse des arts plastiques opérée sous

leur prédominance. »255

Ce point est donc posé : la synthèse des arts s’élabore sous la dominance de

l’architecture puisqu’elle n’est pas envisageable autrement mais cela reste, pour la

peinture et la sculpture, une manière de se mettre au service d’un grand art.

Il n’est pas inutile de le rappeler aux artistes habitués à être seuls maîtres à

bord de leur atelier. La synthèse des arts induit en effet la nécessité du retrait de

l’artiste qui ne se trouve plus au centre d’une œuvre mais à son service. Edgard

Pillet, fort de son expérience parle d’un « complexe d’inadaptation » des peintres et

253 Voir entretien annexe V. 254 Pierre Guéguen, “Une démonstration du Groupe Espace, l’exposition Architecture Couleur Formes à Biot (Côte d’Azur)”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 18. 255 Dans Art d’aujourd’hui, mai-juin 1954, op. cit., p. 33.

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des sculpteurs devant les architectes. Il y aurait donc à la fois des difficultés à

travailler ensemble (« inadaptation ») que l’on imagine sans peine, et une sensation,

forcément déroutante pour l’artiste, de se sentir dépassé par l’architecte, du fait de

ses connaissances techniques et de sa responsabilité dans l’entreprise. On peut

d’ailleurs préciser, pour aller dans ce sens, qu’il est plus fréquent de rencontrer des

artistes autodidactes que des architectes. Cela confère à ce métier un autre statut.

Cependant, Edgard Pillet ne s’arrête pas là : « Il est aussi vrai que l’architecte est

trop souvent handicapé par une méconnaissance grave des problèmes

plastiques. »256 Ce sont là bien sûr des propos de peintre ! Mais Pillet poursuit et

résume clairement le problème dans ce qui pourrait être une juste définition de la

synthèse :

« Construire solide, confortable, rentable, fonctionnel, c’est faire

œuvre de bon technicien, mais résumer toutes ces qualités

indispensables, les enclore ou mieux les “signifier” dans un rythme

plastique éloquent, c’est faire œuvre d’artiste. »

Il faut réunir connaissances techniques et véritable sensibilité artistique pour

atteindre l’intégration des arts plastiques dans l’architecture. De plus, peintures et

sculptures doivent à ce point s’intégrer à l’architecture qu’elles permettent de la

rendre plus lisible dans ses fonctions mêmes.

La synthèse des trois arts : une utopie ?

Il apparaît donc nécessaire, comme l’indique Roger Bordier que la synthèse

soit :

« entièrement définie, dès le départ, dans un rapport organique

étroit : architecte-peintre-sculpteur. L’œuvre sera donc le résultat,

non identifiable isolément, d’une initiative commune. Fruit d’un

véritable travail d’équipe, elle doit en traduire pleinement, et le sens

256 “Groupe Espace”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 18.

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initial, et la forme active. On pourrait ici paraphraser une formule

célèbre en parlant d’intelligence collective. »257

On saisit la complexité de l’entreprise, confirmée par la consultation des courriers du

Groupe Espace258 ; on constate que même dans ce cadre là, la synthèse n’est pas

toujours applicable. Une convocation datée du 22 février 1952 invite en effet les

artistes à venir sur le chantier « d’un des immeubles les plus modernes de Paris »

afin de proposer des solutions à trois projets : une peinture pour plafond, une

fontaine et un décor en céramique pour un bassin. Il ne s’agit donc que

d’interventions a posteriori non d’une réflexion collégiale.

Et c’est sur ce point précis que Michel Seuphor émet de fortes réserves dans

un texte au titre éloquent : “La Synthèse des arts est-elle possible ?”. Il plonge

d’abord le lecteur dans l’ambiance d’une cathédrale au XIIIème siècle durant l’office et

affirme que s’accomplit là une synthèse totale : architecture, sculpture, peinture,

musique, poésie et même danse grâce aux mouvements et déplacements ordonnés

des prêtres. Le rédacteur juge son époque en revanche trop portée vers

l’individualisme, il constate :

« Même en choisissant le meilleur de ce qui s’offre, une synthèse

des arts ne semble pas possible à cause de la multiplicité des styles,

des caractères. »259.

Julien Alvard ne cache pas lui non plus ses réticences :

« Dans ce sens, on ne peut vraiment pas dire que les idées de

Mondrian ont triomphé ? L’architecture actuelle est aux antipodes de

la notion de “rapports purs”. Et on est bien obligé de constater

qu’aucun artiste, peintre, sculpteur ou architecte, n’a pu faire passer

dans la réalité le sentiment esthétique de Mondrian. Tous ceux qui

ont tenté un effort, n’ont pas attaqué la difficulté de front. Il aurait

fallu, en effet, ou que le peintre devînt maître absolu de l’architecture

(j’insiste sur le mot absolu), ou que l’architecte se convertît

257 Voir entretien annexe V. 258 Le fonds Delaunay est riche d’une importante documentation sur le Groupe Espace due à l’investissement de Sonia Delaunay dans le projet. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.

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entièrement à la peinture. La possibilité d’un compromis entre le

peintre et l’architecte est par nature incompatible avec la notion de

“rapports purs”. »260

L’existence de cette synthèse dépendrait-elle de l’existence de géniaux

créateurs capables d’accomplir les trois arts avec un même talent ?

« La synthèse ne peut être que le reflet, non plus cette fois d’une

intelligence collective, mais de caractéristiques personnelles. Bref,

de certaines connaissances, d’un talent, d’une imagination, etc.,

réunis en un seul être. L’artiste est tout à la fois architecte, sculpteur

et peintre : l’homogénéité, alors, ne se découvre pas a posteriori, elle

est portée a priori par le créateur, celui-là en l’occurrence complet

maître d’œuvre. »261

Ces propos de Roger Bordier réduisent ainsi sensiblement le nombre de réalisations

pouvant prétendre à la qualification d’exemples de la synthèse des arts. Le critique

parle d’« une part d’utopie [qu’il] aime beaucoup » ; qu’en est-il des multiples

constructions faisant se rencontrer différentes formes d’art ? Ne s’agirait-il alors que

d’art décoratif appliqué à un bâtiment ?

Synthèse et décoration

L’amalgame entre synthèse des arts et art décoratif s’installe rapidement dans

les esprits. Jean-Paul Ameline explique en abordant ce sujet du travail commun entre

artistes, architectes, concepteurs de mobilier :

« C’est une opinion capitale qui se retourne parfois contre ses

concepteurs car il est facile de répondre : “Vous voyez l’abstraction

c’est finalement très bien pour les arts décoratifs mais ce n’est pas

de la peinture de chevalet.” Il est très important de comprendre qu’au

début des années cinquante, l’abstraction géométrique est

259 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 10. 260 “L’Espace cubiste”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953, p. 47. 261 Entretien avec Roger Bordier, ibid.

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considérée comme très bien adaptée aux arts décoratifs, sous une

forme appliquée, mais sans avenir du côté du tableau de

chevalet. »262

Pour contrer cette opinion, André Bloc insiste sur cette définition :

« Autrefois le problème n’était pas considéré sous cet angle ; il

s’agissait bien […] d’un art déclaré décoratif. Aujourd’hui, la synthèse

est plutôt la conception d’un prolongement des divers arts les uns

vers les autres. Tous les éléments appartiennent à l’ensemble et ne

pourraient être séparés sans inconvénients. »263

Les tenants de l’abstraction géométrique prônent donc une intégration des

arts dans l’architecture mais sans rejeter systématiquement le tableau de chevalet.

Edgard Pillet raconte dans la série "L’Art et la manière", qu’après son expérience de

peintures murales dans l’usine Mame, il craignait de ne pouvoir revenir facilement

aux formats plus réduits et aux contraintes si différentes de la peinture de chevalet.

Force lui fut de constater que :

« celle-ci continuait bel et bien d’exister, que sa nature intrinsèque et

les sollicitations qui en émanent s’affirmaient avec la certitude de

tout ce qui, en art, dans le monde intellectuel, enfin d’une façon tout

à fait générale, détient sa réalité de l’évidence d’une fonction, se

définit par une qualité représentative pour ainsi dire inaltérable. »264

La synthèse des arts : un pas vers l’abstraction

On comprend, à la lecture des propos d’André Bloc, que la synthèse des arts

doit remplir le rôle de vecteur d’une population néophyte vers l’abstraction. Le fossé

262 Entretien réalisé le 30 mai 2000 (Jean-Paul Ameline préparait alors l’exposition Denise René, l’intrépide), dans le cadre d‘un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise, sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris 1. 263 Témoignages pour l’art abstrait, Boulogne, 1952, op. cit., p. 29. 264 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954, p. 46.

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entre le public et l’art existe et celui avec l’avant-garde demeure encore plus creusé.

André Bloc l’explique :

« Dans l’œuvre abstraite, la plastique surgit brutalement sans liaison

apparente avec les préoccupations humaines. Il faut tout demander

à l’émotion plastique pure. Seuls des amateurs très éduqués

peuvent comprendre un art totalement dépouillé de compromission.

Mais le grand public qui prend contact avec l’art par la figuration,

c’est-à-dire en définitive par une déviation, se trouve désemparé

devant l’art abstrait. »265

Afin d’éduquer le regard, la solution serait donc selon lui « de réaliser, avec

l’Architecture, une totale unité plastique. »

Opinion que ne peut partager Félix Del Marle qui n’envisage plus aucun avenir

pour le tableau de chevalet, considérant que :

« tout a été dit, TOUT, sur ce plan individuel, anarchique, et sans

destination formelle, sans liaison intime avec la vie ambiante. »266

Ces propos sont écrits dans une lettre datant du 9 mars 1952, alors que l’artiste

travaille aux polychromies des usines Renault à Flins. Peut-être n’a-t-il pas, à ce

moment-là, le recul que possède Edgard Pillet lorsqu’il s’entretient avec Roger

Bordier. Peut-être aussi, comme on peut le deviner dans la lettre du 16 septembre

1949, que Félix Del Marle se trouve très fermement engagé dans un art collectif

destiné à la collectivité. Dans ce courrier, il conçoit comme un grand soulagement de

s’être libéré de la couleur empreinte de « romantisme, impressionnisme, symbolisme,

ésotérisme, etc. » pour aboutir à un niveau bien plus réfléchi et même scientifique de

la notion de couleur ; ce que l’artiste appelle « ses qualités intrinsèques, formelles,

constructives » qui permettent alors d’en comprendre les « effets psychiques et

thérapeutiques »267.

265 Témoignages pour l’art abstrait, Boulogne, 1952, ibid. 266 Dans Art d’aujourd’hui, janvier 1958, op. cit., p. 2. 267 Ibid.

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Divergences de Julien Alvard

C’est exactement cette conception de la peinture contre laquelle Julien Alvard

s’oppose la même année dans son texte paru dans Témoignages pour l’art abstrait.

Le propos est dur : l’art véritable ne peut se préoccuper de questions matérielles, la

synthèse des arts ne mène donc qu’à des créations tièdes destinées à un public

formaté. Sa démonstration est bien argumentée ce qui expliquerait qu’elle ait été

publiée alors qu’elle diverge des idées d’Art d'aujourd'hui. Elle pose avec acuité la

question de la nature d’un art soumis à des contraintes prosaïques – une critique

fréquemment émise contre l’abstraction géométrique et la synthèse des arts en

particulier. Julien Alvard ne remet pas en cause la nécessité de cette dernière mais

en nie la valeur artistique pure ; ce qui remet en question, de fait, l’apport de ces

créations auprès du plus grand nombre. Le développement de la pensée d’Alvard qui

fait s’articuler certitudes et précautions, semble suffisamment porteur de sens en

regard de ce qui vient d’être vu de la défense passionnée de la synthèse, pour le

citer amplement :

« Nous avons vu naître vers les années 1920-1925 la notion d’un art

fonctionnel. Cette notion trouve son origine dans les recherches

poursuivies par l’architecture pour s’adapter aux exigences de la vie

moderne. Aussitôt on a vu se former un mouvement pour prôner la

beauté des usines (les cathédrales modernes [sic]), celle des

turbines, des avions, que sais-je, la liste des interventions modernes

est longue. La Tour Eiffel tournait la tête à tout le monde (il faut

croire qu’elles n’étaient pas très solides). Cette esthétique “mécano”

est rapidement devenue un poncif des épanchements lyrico-rationnel

de cette époque.

En 1952 ces conceptions portent des fruits amers et l’on voit

s’épanouir une tendance à rationaliser les éléments picturaux pour

en tirer l’espoir d’une peinture enfin débarrassée de ses scories

subjectives, des œuvres selon l’intelligence, parfaitement

aseptiques, un art sain pour individus sains, bons époux, bons pères,

bons citoyens, art zéro pour individus zéro.

Qu’on me comprenne bien : je ne plaide pas en faveur de je ne sais

quel obscurantisme et je m’en voudrais d’accabler la technique. Je

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conçois parfaitement qu’on puisse faire œuvre bonne et

éminemment souhaitable en cherchant le confort à l’usine, dans la

rue et dans l’habitation. Les formes fonctionnelles existent et sont

parfaitement justifiées. Et il ne m’est jamais venu à l’esprit de nier les

effets curatifs ou reposants de la couleur.

Mais lorsqu’on cherche à utiliser la peinture ou l’architecture pour

harmoniser des locaux de travail en vue d’une amélioration du

rendement et du bien-être des travailleurs, lorsqu’on s’efforce de

répandre leurs vertus psychologiques, peut-on vraiment dire que l’on

fait appel à l’art ?

[…]

Les arts ne sont pas faits pour la relaxation psychique ou physique

non plus que pour la psychothérapie.

L’art est un autre monde […]. Il n’est en rien un ornement, il n’a rien

à voir avec le bien-être matériel, le confort intellectuel (Dieu nous

préserve des robinets d’eau tiède). […]

Faire entrer l’art abstrait dans la vie en lui demandant de prolonger

les bienfaits de la technique, ce serait tout simplement jeter le

manche après la cognée et le ranger dans les accessoires de

l’ingéniosité actuelle. »268

Malgré une approche toute aussi pluridisciplinaire et décloisonnée de la

création plastique qu’Art d’aujourd’hui, Cimaise privilégie un art pictural et se

démarque fortement de son aînée par la défense de l’abstraction lyrique. On

comprend, à la description que Pierre Restany fait de son confrère Julien Alvard, que

la synthèse des arts ne peut lui sembler qu’une suite de compromis269 fort éloignée

de la peinture nuagiste dont il se fait bientôt le défenseur :

268 Boulogne, 1952, p. 286. 269 Julien Alvard emploie d’ailleurs ce terme pour critiquer une certaine forme de synthèse dans un article sur Casimir Malevitch : « Comment s’étonner dans ces conditions qu’il ait été le plus farouche adversaire de tout art de compromis, de tout art destiné à des fins utilitaires, pour tout dire de l’art appliqué qu’on voyait encouragé de toutes les façons dans la Russie d’après 1920. » “Les Idées de

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« [Il] avait des visions raffinées concernant la peinture abstraite qui

se situait, pour lui, dans une sorte d’imagination, d’inframince – pour

employer la parole de Duchamp – qui permettait toutes les subtilités.

Il croyait en l’art abstrait en tant qu’art d’essences subtiles. Il avait

réuni autour de lui un certain nombre de peintres, les nuagistes, qui

[…] s’exprimaient de façon très évanescente : l’art à la limite de la

présence, de la perception, un art véritablement de la subtilité, de la

profondeur, avec très peu de matière. Un art qu’il a lui même qualifié

d’art moral, qui devait se définir lui aussi comme l’art de

l’intransigeance, de l’exclusivité. »270

b. La synthèse des arts dans les pages271

Cette appellation, « synthèse des arts », reste assez complexe à définir car

elle implique davantage que la réunion des trois disciplines. Il reste par exemple

difficile de la séparer de la notion d’arts appliqués. Ainsi, un lien se tisse forcément

entre le contenu d’Art d’aujourd’hui qui met en avant la synthèse des arts, et sa mise

en pages recherchée, très soignée. Pourtant là, il n’est question ni de peinture, ni de

sculpture, et encore moins d’architecture, mais de graphisme, de composition, de

typographie, de photographie et d’illustration. Il s’agit alors d’une synthèse qui

s’appliquerait à des réalisations en deux dimensions et aux formats réduits. Mais on

voit également dans ce soin de mise en pages de la revue, le goût pour la

pluridisciplinarité, l’égalité entre les arts, le désir de faire du « beau » partout,

d’apporter le « beau » à tous. Ce qui n’est donc pas bien éloigné des piliers de la

synthèse.

Malevitch”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°5, juillet 1953, p. 21. 270 Entretien réalisé le 17 mai 2000 dans le cadre d‘un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise, sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris 1. 271 Nous remercions Françoise Biver pour ses observations qui ont permis d’alimenter cette recherche.

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Des maquettistes attitrés

D’autant que, comme il a été vu plus haut, André Bloc apporte une attention

particulière à ce que ses revues soient non seulement claires et agréables à la vue

mais également supports de recherches graphiques – sans, pourtant, que l’originalité

prenne le pas sur le sens du message transmis par les textes. Pierre Vago, son

compagnon d’aventure dans L’Architecture d’aujourd’hui le dit : « Bloc […] voulait

toujours être à la page et même à l’avant-garde ! Il fallait sans cesse innover. »272 Et

pour cela, le directeur de publication bénéficie des conseils de celui qui va

transformer l’édition par ses mises en pages et ses couvertures : Pierre Faucheux.

Ce dernier explique ses partis pris dès sa première réalisation pour le Club français

des libraires dans les années quarante :

« D’emblée j’introduisais des notions totalement étrangères aux

éditeurs et aux imprimeurs : le choix intransigeant des caractères,

l’exigence de lisibilité, l’échelle des rapports inattendus entre les

éléments en œuvre. Pour servir l’authenticité existaient des sources

documentaires innombrables auxquelles j’ajoutais une diversité sans

limites dans la disposition et dans les moyens.

Un STYLE était né. »273

On ne peut qu’établir un lien entre les « sources documentaires

innombrables » qu’utilise le graphiste et la richesse des illustrations voulue par André

Bloc pour ses publications. Lorsque Pierre Faucheux cesse de mettre en pages Art

d'aujourd'hui, Paul Etienne-Sarisson puis Pierre Lacombe prennent le relais. La

revue bénéficie ainsi d’un maquettiste présent quotidiennement ; tout comme elle

s’est adjoint les services de la photographe Sabine Weiss qui y travaille

régulièrement. Autant de précautions prises pour obtenir cette implication que l’on

devine à chaque page, maintenir une recherche constante mais également une unité

de style.

272 Gilles Ragot, “Pierre Vago et les débuts de L’Architecture d’aujourd’hui, 1930-1940”, dans Revue de l’art, n°89, 1990, p. 79. 273 Pierre Faucheux, Ecrire l’espace, Paris, 1978, p. 96. En majuscule dans le texte.

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Cette unité, évidente, paraît plus fragile lorsque l’on se penche attentivement

sur l’ensemble des numéros : Art d'aujourd'hui offre en effet un terrain

d’expérimentations dans la marge étroite que se ménagent les graphistes274.

Certaines compositions décentrées privilégiant de larges plages blanches ou l’emploi

de typographies en basse casse montrent des inspirations venant du Bauhaus.

D’autres maquettes, très tenues, réfléchies, proposent un bel équilibre des blancs,

des dialogues maîtrisés entre les illustrations elles-mêmes, une attention particulière

portée aux légendes. Quand des livraisons font se succéder des photographies

pleines pages dans une composition qui s’apparente au catalogue et des brèves

serrées sur plusieurs colonnes à l’identique d’un quelconque magazine d’information.

Une ligne se dégage néanmoins ; la mise en page, envisagée comme un des

éléments constitutifs de la revue, ne peut prendre le pas sur le texte, elle est

travaillée avec lui, elle l’accompagne et le sert. Il n’y a pas la volonté de choquer par

trop d’innovations, ni même de surprendre. L’ambition est d’adhérer aux codes de la

presse afin que tous les lecteurs puissent avoir accès au contenu des publications.

On retrouve ainsi dans les pages de la revue une rigueur mêlée de fantaisie. A

commencer par la couverture du premier numéro sur laquelle les photographies

occupent toute la place alors que le titre même de la revue est à peine lisible275. A

n’en pas douter, un tel choix de la part d’un maquettiste déjà rompu à l’exercice ne

peut que dénoter une recherche stylistique : nul ne connaît Art d'aujourd'hui et son

titre apparaît à peine, la chose est audacieuse. A l’opposé, les autres couvertures,

pouvant être lisibles depuis la devanture d’un kiosque, se présentent comme des

affiches. Loin d’être monotones, les numéros se succèdent sans se ressembler

comme autant de réflexions sur la place et la liberté du graphiste dans un organe de

presse dont le contenu doit être accompagné et non étouffé. L’image typographique

n’est pas fixée ; les polices avec et sans empâtements se trouvent mixées dans un

même article, voire dans un même titre. Pierre Faucheux insère des erreurs dans ses

compositions, telles des fautes de syntaxe typographique grossières. Ainsi, des

274 Il faut d’ailleurs mentionner que la une sélectionnée pour le numéro d’avril-mai 1951 - à l’issue d’un concours de couvertures initié par la revue - est celle qui, en comparaison des quelques autres projets finalistes, ne reprend pas la ligne typographique du titre. 275 Voir annexe I.

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répétitions visuelles font se succéder verticalement, à gauche, des guillemets

fermants pour ponctuer une citation d’Auguste Herbin sur plusieurs lignes, sans autre

justification que le jeu formel que cela amène. Quant aux filets, si l’on a recourt à eux

dans la presse pour rendre une composition plus claire, ils sont ici

proportionnellement trop gras par rapport aux textes et remplissent alors le rôle de

lignes, de réseaux, en véritable création néo-plastique.

Dans les pas du néoplasticisme

Art d’aujourd’hui comprend trente-six numéros qui se divisent en cinq séries.

Chacune des séries correspond à peu près à une année. Sur cet ensemble de

revues, vingt-deux ont une couverture originale composée par un artiste. De même,

trois numéros de la première année bénéficient de hors-texte en couleurs, prémisses

des encarts détachables qui accompagnent par la suite dix-sept livraisons de la

revue. Le format des revues n’évolue pas au cours des années : trente et un sur

vingt-quatre centimètres. En revanche, le nombre de pages augmente, passant de

vingt-quatre la première année, à trente-deux.

Dès le premier numéro, le principe général de la mise en pages est établi.

Cette dernière suit une grille rigoureuse qui quadrille l’espace en petits rectangles. Si

on la représente schématiquement en traçant les lignes de force, on obtient une

composition s’apparentant aux dernières œuvres de Piet Mondrian, tel New York city

(1942), Broadway Boogie-Woogie (1942-1943) ou Victory Boogie-Woogie (1943-

1944). Un espace divisé, fragmenté, régulier, mais très dynamique. Certaines pages,

notamment celles réunissant différentes brèves ou actualités, semblent en effet

foisonner d’informations. La mise en pages joue parfois avec d’épaisses lignes noires

qui viennent souligner un titre autant que diviser l’espace du papier. Elles évoquent

les lignes des œuvres plus anciennes de Piet Mondrian, tout autant que celles de

certains travaux de Félix Del Marle. Parfois, des éléments viennent perturber cette

rigueur telles des illustrations pleines pages ou d’autres empiétant sur la marge.

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Les expérimentations de la première année

Les trois premiers numéros montrent les signes d’une composition encore

plus libre : la première livraison276 mêle papier glacé et papier plus épais – type

papier à dessin – probablement à cause de contraintes matérielles, pour l’article

central de Charlotte Perriand, "Spectacles au Japon"277. De courts textes se

retrouvent présentés verticalement, parfois dans la marge, comme un ajout de

dernière minute. Enfin, le symbole désuet de la main tendant l’index est quelques

fois utilisé afin d’indiquer la suite d’un article d’une page sur l’autre, ou de préciser

qu’une photographie correspond à telle ou telle brève. Ce signe est presque

totalement supprimé dès la quatrième livraison au profit d’une mise en pages plus

ordonnée. Ces pages denses et l’emploi de la main à l’index tendu sont, semble-t-il,

assez représentatifs de style de Pierre Faucheux :

« Ses compositions sont inspirées du dadaïsme et de Schwitters et

reprennent quelques inventions lettristes comme la coupe brute des

lignes de texte et leur "collage" dans la page. [...] La mise en page se

singularise par les combinaisons abruptes de caractères et de

signes, et par la place conférée au noir. »278

Malgré une certaine austérité – qui donne à la revue son identité – des

recherches graphiques ou de composition cassent le rythme. Ainsi la première

année, la couleur vient à deux reprises illustrer un article. Une eau-forte de Jacques

Villon est reproduite en deux couleurs, noir et brun279. L’originalité se trouve dans la

présentation de cette gravure : en haut de la page, les deux états sont présentés

séparément, d’une part le fond brun, d’autre part le dessin au noir. Dessous, en

grand format, la gravure finale, résultat de la superposition des deux précédentes.

Plus étonnante reste l’utilisation de la couleur dans le long article sur Jean Arp280. On

276 Juin 1949. 277 Comme nous l’avons vu, il s’agit d’un article déjà imprimé, certainement en vue d’une publication dans L’Architecture d’aujourd’hui. 278 Michel Wlassikoff, Histoire du graphisme en France, Paris, 2005, p. 161. 279 1ère série, n°9, avril 1950, non paginé (une page). 280 Charles Estienne, “Arp, poète”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°10-11, mai-juin 1950, non paginé (trois pages).

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y voit un projet de décoration murale intérieure. L’architecture se trouve tracée en

noir et gris, et le panneau de l’artiste, très probablement en bois, apparaît colorisé en

un camaïeu de bruns (résultat des passages du jaune, du magenta et du noir utilisés

pour la couverture). Dans les deux articles, l’emploi de la couleur n’est pas gratuit :

cette dernière a une fonction didactique dans le premier cas, et rend l’illustration plus

claire et plus compréhensible dans le second. Dans ce même article sur Jean Arp,

une composition sur une double page met en relief un texte de l’artiste. Elle

présente, à gauche, un portait de Jean Arp pleine page, et à droite, son texte aux

lignes très espacées, en capitales d’une typographie différente de celle utilisée dans

la revue.

Ce numéro comprend également un article sur Alexander Calder281 contenant

quelques originalités. A commencer par le titre, “Calder”, qui reproduit la signature de

l’artiste. Puis le dessin d’une spirale occupe la moitié d’une page sans qu’il soit

associé à un titre et sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’un dessin de l’artiste. Il

en est de même sur la page suivante où un schéma tricolore montre l’évolution du

déplacement d’un mobile sans aucune légende. On peut noter qu’ici encore,

l’utilisation de la couleur n’est pas gratuite, elle permet de visualiser trois états

différents du mobile. Un peu plus loin, une page montre des photographies de

l’intérieur de la maison de Calder alors que la moitié de la feuille se trouve occupée

par une silhouette du cirque de l’artiste qui apparaît comme en ombre chinoise. Cette

même inclusion de détails d’œuvres de l’artiste est déjà visible, bien que plus

discrète, dans le dossier sur Kandinsky282.

Autre originalité de la revue : la double page qui ouvre le dossier consacré à

Piet Mondrian283. En haut de la page de gauche, « P. Mondrian » est tracé à la

main ; il s’agit de la signature autographe de l’artiste que l’on retrouve à la fin du

texte manuscrit couvrant la majorité des deux feuilles. Sur cette même page, une

grande photographie détourée montre Piet Mondrian au travail, blouse tachée de

peinture, pinceau et cigarette dans la main droite, le visage baissé, concentré,

presque grave. Sur la page de droite, quatre reproductions d’arbres peints par

281 Talcott Clapp, “Calder”, dans Art d’aujourd’hui, op. cit., non paginé (dix pages). 282 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, non paginé (huit pages). 283 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°5, décembre 1949, non paginé.

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l’artiste occupent toute la hauteur. La première est tout à fait figurative.

Progressivement, les tableaux deviennent plus synthétiques, moins attachés à une

copie de la réalité. Cette évolution semble irréversible, elle est pourtant rapide : les

deux premières œuvres datent de 1910, les deux autres, de 1911.

Dès la deuxième série de publications (s’étalant sur les années 1950 et 1951),

les illustrations sont de plus en plus nombreuses et les textes, allégés. Hormis dans

les "Réflexions disparates sur l’organisation d’un musée d’art d’aujourd’hui"284

agrémentées de croquis de leur auteur, Willem Sandberg, la mise en pages ne

propose plus de jeux d'écritures manuscrites ou de croquis comme dessinés à même

la revue mais elle sait provoquer la surprise et rompre la monotonie bien que suivant

toujours la même grille. Rappelons également que si le contenu ne se trouve pas

soumis à des divisions par rubriques, il dépend néanmoins d’un thème différent pour

presque chaque numéro ("Les Musées d’art moderne", "Les Enfants – Les Fous",

"Cinquante ans de sculpture", "Les Néo-primitifs", "Espace", "La Peinture aux Etats-

Unis", "Paris vu par les peintres primitifs modernes", etc.) qui influe sur leur

présentation, à commencer par la Une. Les premières de couverture d’Art

d’aujourd’hui bénéficient en effet toujours d’un soin tout particulier et cet effort reste

constant.

Les premières de couverture

Avec la deuxième année, les couvertures, du même papier que les pages

intérieures, cèdent d'ailleurs la place à de plus rigides, cartonnées, au grain apparent

qui augmente la qualité d’impression, offrant des couleurs plus lumineuses et des

contrastes plus forts. La livraison consacrée aux musées d’art moderne inaugure

cette nouvelle présentation. Elle est le résultat d’un concours proposé par Art

d’aujourd’hui. Le gagnant, Jean Liger, s’est inspiré du musée à croissance illimitée

de Le Corbusier et propose un dessin qui tient autant du projet d’architecture que

284 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°1, octobre 1950, pp. 1 à 9.

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d’une œuvre abstraite puisqu’il s’agit d’une spirale carrée285. Seuls les numéros dont

la une est illustrée d’un cliché pleine page possèdent une couverture glacée ; il s’agit

d’"Art mexicain", de "Photographie" mais aussi de la première livraison de la dernière

année présentant un détail photographique d’une œuvre de Pevsner. Pourtant ici, le

papier, bien que lisse, n’est pas d’une aussi belle qualité que les deux autres.

Mises à part les quatre couvertures résultant de concours286 et les trois

mentions dans le sommaire indiquant que les couvertures ont été « spécialement »

composées pour la revue287, il reste difficile de savoir comment le choix se porte sur

les autres reproductions pleine page d’œuvres d’artistes contemporains à la

publication. Les intitulés sont divers. Dans les premières années, ils laissent

supposer une forte implication de l’artiste dans sa réalisation avec des formulations

telles que « La couverture est de Magnelli »288, « La couverture a été réalisée par

Sonia Delaunay, sur un thème de Robert Delaunay »289, ou encore, « Couverture

de »290. A partir de la quatrième série, ils impliquent le travail du graveur postérieur à

celui de l’artiste : « La couverture a été réalisée d’après une gouache originale (ou un

collage original) de »291 ou « La couverture a été réalisée d’après une gouache (ou

un collage) de »292, la mention « original(e) » étant ainsi finalement supprimée.

Les Unes bénéficient de compositions aux styles très caractérisitques de

chaque artiste : une relecture par Sonia Delaunay des cercles concentriques de

Robert Delaunay (octobre 1951), les larges formes découpées par Pillet (juin 1952)

285 On peut avoir un aperçu de toutes les couvertures en annexes pp. II à VI. 286 Couverture de Jeanne Coppel pour "Cinquante ans de peinture", Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950. Couverture de Jean Liger pour "Les Musées d’art moderne", Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°1, octobre 1950. Couverture d’Yves Aral pour "Cin quante ans de sculpture", Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°3, janvier 1951. Couverture de Marie-Anne Febvre-Desportes pour "Espace", Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951. 287 Couverture d’Alberto Magnelli, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°1, janvier 1953. Couverture de Jean Arp, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°6, août 1953. Couverture de Jean Dewasne, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953. 288 Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°2, juillet-août 1949. 289 Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951. 290 Victor Vasarely, Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°1, décembre 1951. Bruno Munari, Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°2, janvier 1952. Edgard Pillet, Art d'aujourd'hui, 3ème série, n°5, juin 1952. 291 Serge Poliakoff, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°2, mars 1953. Pablo Palazuelo, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°5, juillet 1953. Sonia Delaunay, Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°2-3, mars-avril 1954. 292 Olle Baertling, Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953. Cicero Dias, Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°6, septembre 1954. Jean Leppien, Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°7, novembre 1954. André Bloc, Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, octobre 1954.

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semblables à celles que les lecteurs retrouveront dans les photographies qui

illustrent "L'Art et la manière" (mars-avril 1954), les formes biomorphiques d’Arp

(août 1953), les peintures en bandeaux dans des harmonies colorées oranges et

bleues de Dewasne (décembre 1953), les jeux de quadrilatères et de quadrillages de

Leppien (novembre 1954). Cependant, même celles qui ne proviennent pas d’une

création originale d’un artiste, sont le résultat d’une recherche graphique ou

photographique sur le visuel lui-même – le titre de la revue se trouvant presque

toujours ajouté et non inclus dans la composition elle-même. Le numéro "Les Enfants

– Les Fous"293 présente par exemple une expérience non renouvelée : sa couverture

est composée d’une feuille cartonnée qui ne fait que dix-neuf centimètres sur les

vingt-quatre de la revue. Le titre, la date et le numéro de la revue écrits en hauteur,

occupent les cinq centimètres restants sur ce qui constitue la première page du

magazine.

De même, trois numéros d’Art d’aujourd’hui jouent de surimpression en

superposant à la couverture cartonnée, un papier cristal imprimé294. Il s’agit de

"Cubisme"295 dans la quatrième année et dans la série précédente, d’"Italie 1951"296,

et du "Graphisme et l’art"297. Sur la couverture de ce dernier est annoncé :

« […] Etant donné le sujet traité, nous nous devions de faire un

numéro dont la présentation ne soit pas inférieure aux exemples qu’il

propose. Ainsi, avons-nous voulu réaliser une mise en pages plus

étudiée que les précédentes et plus conforme à l’esprit de la Revue

et aux idées que nous défendons. »

Là encore, la composition suit une stricte grille quadrillant la page, sur laquelle textes

et illustrations trouvent place. L’utilisation de la couleur (rouge et orange) y est

ponctuelle. Importance est donnée aux exemples illustrés : lettres, compositions, jeux

293 Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°2, novembre 1950. 294 La livraison d’octobre 1951 que nous possédons est également recouverte de papier cristal mais sans surimpression. Est-ce là une expérience unique ou plus simplement un exemplaire mieux conservé que les autres ? Nous ne pouvons trancher d’autant qu’aucune des revues conservées au Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne ne possède de couverture cristal. 295 Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°3-4, mai-juin 1953. 296 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°2, janvier 1952. 297 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°3-4, février-mars 1952.

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graphiques (collages, éditions, peintures, publicités), une série de mots associe leur

sens à leur typographie, des alphabets sanscrit, arménien, laotien, etc. se succèdent.

Cette troisième série comporte une livraison un peu particulière puisqu’il s’agit du

catalogue de l’exposition Klar Form298 que Denise René organise dans les pays

nordiques299 autour de vingt artistes travaillant à Paris. Sa composition s’adapte alors

à la formule du catalogue. Elle présente de manière très claire, très ordonnée un

artiste par page avec une note biographique, un rapide portrait, deux photographies

d’œuvres et une de leur créateur.

Intervention mesurée de la couleur

Ainsi Art d’aujourd’hui trouve rapidement son identité visuelle et les mises en

pages des revues sont cohérentes les unes avec les autres qui alternent avec rythme

les pages très concentrées en images (souvent de bonne dimension) et celles

laissant une large place aux blancs. On remarque cependant moins d’originalité dans

les compositions des deux dernières années de publication. La couleur intervient

pourtant par deux fois, d’abord dans le numéro consacré au cubisme, exceptionnel

par la volonté d’apporter aux lecteurs un objet aussi riche par ses textes et ses

documents que par sa présentation. C’est une revue très illustrée – avec des

reproductions présentées pleine page et en séries de vignettes – jouant sur la

diversité des textures et la couleur des papiers (mate, glacée, plus ou moins épaisse,

jaune, orange, rouge, bleue), ou reproduisant sur des feuilles de couleur, des pages

de la revue Sic de Pierre Albert-Biro. Pour la première de couverture de cette

livraison, Paul Etienne-Sarisson semble avoir suivi les bons conseils de Pierre

Faucheux. Il réalise une composition à partir de pages jaunies des Peintres cubistes

corrigées par Guillaume Apollinaire sur lesquelles déborde le mot « ART » d’Art

d'aujourd'hui en épaisses lettres majuscules orange ; couleur qui contraste fortement

avec le bleu de « cubisme » imprimé sur le papier cristal recouvrant ici la revue.

298 Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°1, décembre 1951. 299 L’exposition se déplace notamment au Danemark (Copenhague et Aarhus), en Finlande (Helsinki), en Suède (Stockholm) et en Norvège (Oslo).

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L’autre numéro qui bénéficie de couleurs est le spécial "Synthèse des arts"300.

La villa d’André Bloc à Meudon tire avantage de trois photographies couleurs, une en

extérieur de nuit faisant ressortir par un jeu d’éclairage les larges baies vitrées, et

deux d’intérieur. Des polychromies de Del Marle, Arcay et Pillet s’illustrent elles aussi

fort heureusement en couleurs tout comme un projet dessiné de Jean Gorin ou

divers exemples d’architectures accueillant peintures murales, mosaïques ou

tentures. D’autres clichés sont colorisés entièrement (une large bande jaune couvre

deux photographies, un aplat bleu colore celle d’un fond de piscine dans laquelle se

trouve une sculpture), ou partiellement comme c’est le cas des vitraux de Fernand

Léger dans l’église d’Audincourt, touche colorée dans le chœur en noir et blanc.

Enfin, les encarts couleurs livrés avec dix-sept Art d'aujourd'hui ont déjà été

commentés pour la qualité de leurs tirages, les nuances de matités, les

transparences et le jeu de reliefs (accuenté par celui, tactile, de la presse). Pour

chacune de ces sérigraphies, on se trouve ainsi en possession d’un véritable travail

de graveur qui s’offre à la contemplation comme toute œuvre plastique. Il s’agit donc

bien là de l’application – à l’échelle de l’édition – de la synthèse des arts.

c. La synthèse des arts dans le texte

Sur la couverture du premier numéro d’Art d’aujourd’hui figurent trois

photographies : celle d’une sculpture d’André Bloc, celle d’une peinture de Victor

Vasarely et enfin, celle d’une maison de Le Corbusier. Se trouvent ainsi réunis en

trois clichés, les trois arts majeurs de la synthèse par des créations d’artistes

emblématiques. La revue s’ouvre sur une double page au titre écrit en grandes

capitales : "Le Mur". Le ton est donné dès cet article composé d’un court texte de

Michel Seuphor et de l’allocution d’un ministre suisse en l’honneur de Le Corbusier.

L’illustration occupe la plus grande partie de la mise en pages ; il s’agit de

photographies de travaux de Vassily Kandinsky, Cicero Dias et Le Corbusier. Sur la

300 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954.

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page suivante, un autre mur est présenté par une photographie : celui de l’atelier

parisien de Piet Mondrian.

La ligne est annoncée dès l’ouverture de ce premier numéro mais quelle est la

fréquence des textes abordant la synthèse des arts ? On constate dans un premier

temps qu’Art d’aujourd’hui présente trente-cinq artistes dont tous ne sont pas

impliqués dans l’abstraction ou la synthèse des arts. Si l’on ne considère que les

textes ayant pour sujet principal cette intégration des arts, on observe qu’il y a

finalement moins de textes sur la synthèse qu’on ne pouvait l’imaginer. Mais cet

esprit particulier qui vient d’être étudié, faisant se rencontrer des articles sur l’art

abstrait, la technique des artistes, leur vie quotidienne, les arts que l’on peut qualifier

de mineurs, mais également le fonctionnement des musées, des salons, constitue

une ouverture vers la synthèse. Une manière d’évoquer tous les aspects de la

création.

Des héritiers de De Stijl

Art d’aujourd’hui aborde la synthèse des arts avec la même approche

didactique que les autres thèmes. Ainsi, sont faits de réguliers rappels à Piet

Mondrian, Théo Van Doesburg et l’ensemble du mouvement De Stijl. Cette volonté

est également une façon de se placer dans la lignée de ce riche héritage. En

rattachant l’abstraction géométrique à l’histoire de l’art, les rédacteurs d’Art

d’aujourd’hui montrent que l’art abstrait qu’ils défendent avec ardeur, n’est pas un art

décoratif.

Dès la première année, un numéro est ainsi en partie consacré à Piet

Mondrian301. Une de ses œuvres fait la couverture et un dossier aborde différents

points de son travail. L’ensemble s’ouvre sur une double page qui présente un texte

autographe de Mondrian encadré de photographies d’œuvres et d’un portrait de

l’artiste au travail. Michel Seuphor signe ensuite avec “Piet Mondrian et les origines

du néo-plasticisme” une rapide biographie de l’artiste. Puis le texte “P. Mondrian : le

301 Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°5, décembre 1949, non paginé (huit pages) .

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home – la rue – la cité (extraits)” pose les cinq lois plasticiennes régissant le home.

Ce texte était déjà paru dans la revue Vouloir n°25 en 1927 dont Félix Del Marle était

le rédacteur en chef de la partie consacrée aux arts plastiques302.

Dans cet extrait de son texte, datant de 1926, Piet Mondrian explique son

programme : « une infinité de plans en couleurs et en non-couleurs s’accordant avec

les meubles et objets qui ne seront rien en eux-mêmes, mais joueront comme

éléments constructifs du tout. » L’homme lui-même n’est « rien », « il ne sera qu’une

partie du tout, et c’est alors qu’ayant perdu la vanité de sa petite et mesquine

individualité, il sera heureux dans cet Eden qu’il aura créé ! » Enfin, le dossier sur

Mondrian se clôt par un court texte de Jean Gorin, “Influence de Mondrian : Del

Marle – Graeser – Gorin – Lohse” daté d’août 1949303. Il y explique l’importance du

néoplasticisme, les conséquences qu’il a eues sur l’architecture, et partant, qu’il aura

sur la vie quotidienne.

Quatre années plus tard, Art d’aujourd’hui consacre treize pages à Théo Van

Doesburg et à l’Aubette, place Kléber à Strasbourg. Ici encore, le texte sur l’artiste

lui-même304 retrace simplement son parcours esthétique et bénéficie de nombreuses

illustrations. Plus personnel est l’article de Michel Seuphor, “L’Aubette de

Strasbourg”305. Le rédacteur y raconte comment « les plus pertinents exemples qui

furent réalisés à ce jour de l’art moderne spatialement appliqué » ont été

commandés, puis réalisés par Théo Van Doesburg, Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp,

puis totalement détruits. Partant de cette histoire rapidement brossée, Seuphor tente

de faire revivre l’Aubette par des descriptions enthousiastes, appuyées de

photographies. Ces dernières occupent plus de place que le texte, comme c’est

302 Il fait d’ailleurs mention de ce texte dans une lettre qu’il adresse à André Bloc le 29 juillet 1949 (soit un mois après la publication du premier numéro d’Art d'aujourd'hui) : « L’article de Mondrian, inédit “Le Home, la Rue et la Cité” est à votre disposition. C’est, je crois ce que Mondrian a écrit de mieux ! » (Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui). De même, les quatre schémas explicatifs des œuvres de Piet Mondrian illustrant l’article de Michel Seuphor proviennent également de la revue Vouloir ; ils illustraient un article de Georges Vantongerloo sur l’artiste, “L’Art plastique L2 = S Néo-Plasticisme”. 303 Dans Art d’aujourd’hui, décembre 1949, op. cit., non paginé (une page). 304 H. Buys, “Le Développement de Théo Van Doesburg”, dans Art d’aujourd’hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, pp.3 à 9. 305 Dans Art d’aujourd’hui, décembre 1953, op. cit., pp.10 à 13.

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fréquemment le cas dans la revue. Par son enthousiasme et ses nombreuses

illustrations cet article devient un véritable appel à la réalisation de tels projets.

Hormis ces deux importantes publications, la revue ne revient que brièvement

sur les deux artistes. Un texte de Félix Del Marle aborde le néoplasticisme dans le

numéro spécial "Cinquante ans de sculpture"306 ; il s’agit d’un article court,

simplement explicatif, telle une fiche de synthèse. De même, une exposition de De

Stijl au Stedelijk Museum est l’occasion pour Léon Degand et Michel Seuphor de se

partager une page en deux articles distincts307. Le premier présente le

bouleversement plastique qu’a produit le néoplasticisme ; le second retrace les

débuts du mouvement, citant intégralement ce qui peut être considéré comme

l’éditorial du premier numéro de la revue De Stijl. Enfin, le texte “Mondrian

indésirable”308 de Michel Seuphor revient sur l’accueil encore très réservé fait à

l’œuvre de l’artiste. Le critique écrit cet article dix ans après la mort de Piet Mondrian,

faisant le constat (amer) que Paris ne lui a pas encore officiellement consacré de

rétrospective309.

Des sympathisants des idées de Fernand Léger

Avant les deux numéros spéciaux sur Piet Mondrian et Théo Van Doesburg,

c’est Fernand Léger qui est mis à l’honneur dans les pages de la revue310. Premier

artiste qu’Art d’aujourd’hui met ainsi en avant avec une couverture, un portrait de

trois pages et un texte de Fernand Léger lui-même. Léon Degand l’explique dès

l’ouverture de son portrait :

« Dans le cadre de nos préoccupations actuelles, l’œuvre de

Fernand Léger me paraît donc une des plus riches d’enseignement.

Elle illustre, en effet, et avec quelle vigueur, quelle clarté, quel sens

306 Félix Del Marle, “Le Néoplasticisme”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°3, janvier 1951, p. 9. 307 “Exposition du Stijl - Stedelijk Museum – Amsterdam”, dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, p. 26. 308 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, p. 1. 309 Sur cette lacune et bien d’autres, voir Philippe Dagen, La Haine de l’art, Paris, 1997, p. 97. 310 Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé (quatre pages ).

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monumental qui lui est propre, quelques points de vue essentiels sur

le chemin de la Figuration à l’Abstraction et celui du tableau de

chevalet au panneau mural. »311

L’artiste conjugue en effet figuration et avant-garde mais également art de

collectionneur et art collectif. Il représente en quelque sorte l’image du passeur pour

mener le grand public vers l’art le plus novateur.

Le propos de Léon Degand n’est pas de remplacer le tableau de chevalet par

la peinture murale mais bien de favoriser l’essor de cette dernière. Les deux doivent

en effet pouvoir coexister car les deux contiennent des qualités propres qui se

complètent. Prouvant une fois encore son sens de la juste comparaison, le critique

qui met en parallèle le tableau de chevalet avec « une conversation particulière »,

ajoute : « L’atmosphère de la peinture murale est plutôt celle du discours. Du

discours devant quelques personnes, dans un petit local, ou devant une foule, dans

un lieu de grandes dimensions. » Et Léon Degand reconnaît en Fernand Léger la

qualité de savoir s’adapter à ces deux techniques (puisqu’il ne s’agit pas là

seulement de deux formats) sans faire du mur un simple tableau agrandi.

Le texte qui suit312, signé de l’artiste, montre que la question le préoccupe

depuis longtemps. Il y explique l’importance de la couleur dans la vie quotidienne,

« nécessité vitale comme l’eau et le feu », ainsi que les bouleversements positifs

qu’elle pourrait amener, notamment dans la cité. L’artiste expose quelques unes de

ses réflexions pour une amélioration de la vie quotidienne. L’exemple du projet

soumis en vue de l’Exposition universelle de 1937 montre l’ampleur de l’ambition

sociale que Fernand Léger donne à ses créations. Il avait proposé en effet d’« utiliser

les 300 000 chômeurs à gratter toutes les maisons de Paris » afin de créer la

surprise d’une capitale blanche le jour et éclairée la nuit de lumières colorées, par

des avions313. Fernand Léger cherche ainsi à trouver un emploi, même temporaire,

aux ouvriers chômeurs tout en proposant un projet d’envergure, nécessitant les

311 Léon Degand, “F. Léger”, dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé. 312 Un extrait de ce texte était déjà paru - en guise d’annonce - dans le numéro précédent en lien avec l’exposition sur l’art mural à Avignon. 313 "Un nouvel espace en architecture", dans Art d’aujourd’hui, op. cit., non paginé (une page).

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progrès réalisés par l’aviation et par les techniques d’éclairage. Un projet d’une

grande modernité pour éblouir les visiteurs de la capitale française.

La synthèse des arts au fil des pages

Un autre aspect caractéristique de la revue est l’assurance d’aller dans la

bonne direction durant cette période de la reconstruction d’après-guerre. Si Art

d’aujourd’hui ne consacre que huit articles conséquents à la synthèse des arts sur

cinq années, on remarque que de nombreux exemples sont cités, parfois très

brièvement, avec la volonté affichée d’ouvrir la voie. Il ne s’agit bien souvent, en

effet, que de brèves, des informations sur des événements, une réalisation ou un

projet, en dernières pages. C’est dans ces pages que se trouvent parfois annoncés

des événements ayant trait à la synthèse des arts. Ainsi, un encadré a pour titre : “Le

VIIème congrès CIAM314 a tenu ses assises à Bergamo, Italie, du 24 au 30 juillet”315.

L’article relève « quelques-unes des résolutions […] adoptées par les membres de ce

Congrès. » Il s’agit d’éduquer l’homme de la rue à l’art contemporain afin de lui faire

« apprécier les vraies valeurs artistiques ». La question de l’urbanisme est également

abordée. C’est dans ce cadre que doivent se développer l’architecture, la peinture, la

sculpture, afin de retrouver la « fonction sociale » de la création. Pour cela, les

créateurs doivent travailler ensemble « dans un sincère esprit d’équipe ». Les

membres du CIAM disent que « leur devoir envers l’homme c’est de lui offrir l’art

dans sa forme la plus avancée. » Se contenter du fonctionnel ne s’avère donc pas

suffisant. A travers ce compte-rendu se trouve définie la synthèse des arts.

Sur la même page un autre encadré informe d’une initiative suédoise ; le titre

du texte dit tout : “L’Art abstrait collectif en plein air dans l’exposition internationale de

sport à Stockholm”. Art d’aujourd’hui utilise fréquemment ce procédé de texte très

court mais d’illustration parlante voire d’une simple photographie légendée. C’est le

cas de deux clichés montrant une même sculpture envahie par les enfants sur l’un, et

314 Congrès International d’Architecture Moderne, fondé en 1928 par Le Corbusier. 315 Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°3, octobre 1949, non paginé.

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laissée telle une œuvre d’art dans un parc sur l’autre316. La légende – « Sculptures

de Moller-Nielsen à Stockholm, idée originale d’une sculpture-jouet érigée dans un

jardin public par la municipalité » – et les photographies en disent assez long.

Un autre exemple est cette photographie qui montre Miró au travail dans son

atelier en train de peindre une fresque317. Sous le cliché est précisé que cette œuvre

a pris place à l’Université d’Harvard, dans « le nouveau centre universitaire […] édifié

par l’architecte Gropius et “The Architects Collaborative” ». Citons encore le numéro

d’avril-mai 1951 consacré à l’espace, dans lequel Félix Del Marle rédige “La Couleur

dans l’espace”318. Il y démontre l’indépendance et l’importance de la couleur ; notions

dont les plasticiens prennent peu à peu conscience grâce à son emploi dans

l’espace qui lui fait jouer « un rôle égal en importance à celui des formes

architecturales ».

Lorsque les rédacteurs parlent d’une exposition consacrée à l’art mural ou à la

tapisserie, on sent cependant un enthousiasme modéré. Si l’initiative reste vivement

saluée, elle devient également l’occasion pour eux de rappeler que ce n’est pas là le

lieu de destination de ces créations. Julien Alvard développe longuement ses

réticences lors de l’exposition “La Peinture murale à la galerie Maeght”319. Parlant de

« conditions invraisemblables » pour les galeries organisatrices, le rédacteur insiste

sur le paradoxe de devoir présenter, dans des lieux destinés aux tableaux de

chevalet et aux sculptures pouvant être emportés par leurs acquéreurs320, des

œuvres destinées quant à elles à demeurer sur la cimaise. Alvard déplore

« l’absence de monuments » susceptibles de recevoir la peinture monumentale

malgré les nombreuses constructions. L’habitude veut que l’on se préoccupe avant

tout de la fonction d’un bâtiment, de son confort, laissant de côté son âme : « N’y a-t-

il plus que les artistes pour savoir qu’une maison peut être habitable sans être

vivable […] ? »

Ce qui ressort de l’ensemble de ces courts articles, c’est l’ambition qui les

sous-tend tous. Les rédacteurs commentent des réalisations, des plus simples aux

316 Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, 3 ème de couverture. 317 Dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°1, décembre 1951, p. 24. 318 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, pp. 11 à 13. 319 Dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°6, juin 1951, p. 30.

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plus ambitieuses, afin de montrer que la synthèse des arts est possible. On

remarque d’ailleurs, par le ton qu’ils emploient, que leur but n’est pas seulement

d’énumérer des exemples, mais de souligner la prise de position d’une municipalité,

d’une université, en faveur de l’art moderne. De même, en présentant des créations

aussi diverses, ils prouvent l’étendue des possibilités et la pertinence de l’intégration

des arts dans l’espace public ou privé.

La Triennale de Milan

Hormis ces quelques réalisations et expositions, deux événements importants

se trouvent longuement relatés dans la revue : la neuvième Triennale de Milan et la

Cité universitaire de Caracas. Pour évoquer l’événement italien, un article expose

avec ferveur diverses créations s’intégrant dans l’architecture321. Cinq pages

composées essentiellement de photographies montrent des œuvres en situation. On

voit ainsi un luminaire spatial au néon, un plafond lumineux, un autre en relief, des

peintures murales réalisées pour un magasin, un restaurant ou un studio, une

sculpture pour une façade de garage, des intérieurs et des extérieurs d’immeubles,

une station-service, une devanture de magasin… Les photographies ne présentent

donc pas seulement des œuvres réalisées dans le cadre de la Triennale.

Piero Dorazio signe le texte qui accompagne les illustrations ; trois rapides

paragraphes expliquent qu’en Italie, les réalisations des artistes d’avant-garde ont

formé le goût du public et que la Triennale de Milan a permis de présenter nombre de

projets et réalisations. Les photographies illustrent exactement ce qu’expose le texte,

soit aussi bien des travaux pris dans le cadre de la Triennale que des lieux

quotidiens dans lesquels prennent place peintures murales et sculptures.

320 Condition d’existence d’une galerie, rappelons-le. 321 Piero Dorazio, “La Triennale de Milan : les premières réalisations architecturales”, dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°2, janvier 1952, pp. 23 à 27.

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La Cité universitaire de Caracas

Quant à la Cité universitaire de Caracas, exemple parfait d’intégration des arts

à l’architecture, elle rassemble en effet des œuvres de nombreux artistes présents

dans la Galerie Denise René. Celle-là s’en explique :

« Nous étions, Vasarely et moi-même, très amis avec l’architecte de

la Cité universitaire, Carlos Raul Villanueva. Nous avions un rôle

prépondérant dans l’évolution de la vie artistique au Venezuela.

C’est nous qui avons révélé certains artistes, comme Sotto par

exemple. Nous étions à la base de toute cette histoire artistique, de

l’aventure de l’art abstrait au Venezuela. Vasarely qui était très

réputé, qui était comme un chef de file, a ouvert la porte. »322

Deux articles annoncent la réalisation du centre culturel de la Cité universitaire

de Caracas. Il s’agit de la critique par Michel Seuphor323 de l’exposition des projets

pour Caracas, au musée d’Art moderne à Paris, et de l’encadré324 terminant le texte

de Roger Bordier, “L’Art est un service social” dans le numéro consacré à la

synthèse des arts325. Cette note explique que les photographies du site sont arrivées

trop tard pour être diffusées dans le numéro. Il faut donc attendre la livraison

suivante pour découvrir cet ensemble exceptionnel. “Essai d’intégration des arts au

centre culturel de la Cité universitaire de Caracas”326 est un article composé de deux

textes et de nombreuses illustrations légendées327. Léon Degand, dans l’introduction,

ne cache pas son enthousiasme ; il le manifeste d’autant plus que toutes ces

créations se trouvent dans un lieu réservé à la jeunesse et à l’enseignement. Roger

Bordier, ne pouvant se baser que sur des photographies, reste quant à lui un peu

322 Voir entretien annexe VII. 323 “Caracas”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°1, février 1954, pp. 28 et 29. 324 “Caracas”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 31. 325 Art d'aujourd'hui, op. cit. 326 Sous ce titre sont cités l’architecte Carlos Raul Villanueva et les artistes Jean Arp, Armando Barrios, André Bloc, Gonzalez Bogen, Alexander Calder, Pedron Léon Castro, Francis Conarvaez, Henri Laurens, Fernand Léger, Balthazar Lobo, Matéo Manaure, Pascual Navarro, Alirio Oramas, Antoine Pevsner, Hector Poléo, Victor Vasarely et Oswaldo Vigas. 327 Dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, pp. 1 à 6.

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plus prudent. Il avoue pourtant son entière adhésion à la plupart des réalisations et

aux interactions de celles-là entre elles ou avec l’architecture.

On constate cependant que si le rédacteur se montre enthousiaste envers les

artistes venant de France (Antoine Pevsner, Victor Vasarely, Fernand Léger, Jean

Arp, Henri Laurens, André Bloc) et Alexander Calder, il l’est moins envers les artistes

qu’il qualifie de « locaux ». Il cite Pascual Navarro, Mateo Manaure – qu’il fait suivre

de « etc. » – dont les réalisations sont considérées comme « dignes d’intérêt mais

sans personnalité bien définie et sous l’influence absolue des artistes qui forment

l’école abstraite de Paris ». Le « etc. » correspond probablement à Armando Barrios,

Oswaldo Vigas et Alirio Oramas dont les photographies des œuvres sont reléguées

pour la plupart à la fin de l’article. On peut comprendre cette réticence de la part du

rédacteur qui doit juger des œuvres uniquement d’après leurs photographies ; il est

en revanche plus à l’aise avec celles des artistes qu’il connaît bien. Il l’admet lui-

même aujourd’hui :

« J’avais dû accepter [d’écrire l’article] en rechignant un peu. Je

voyais bien la nécessité d’en parler parce que c’était quelque chose

d’important mais s’appuyer seulement sur une documentation

photographique me paraissait un peu insuffisant. »328

Les illustrations qui accompagnent les textes montrent des sculptures mises en

relation avec une peinture murale, une mosaïque, un relief. On ne perçoit que très

peu d’éléments du bâtiment lui-même, on le devine sobre, laissant la part belle aux

nombreux muraux.

Le numéro spécial "Synthèse des arts"

Durant sa dernière année de parution, en 1954, Art d’aujourd’hui consacre à la

synthèse des arts un numéro dont la couverture aux rectangles jaune, bleu et rouge

place dès l’abord la livraison sous le signe du néo-plasticisme329 : la nouvelle revue,

328 Voir entretien annexes V. 329 Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954.

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Aujourd’hui : art et architecture est déjà en germe, avec ses nombreuses pages

ouvertes à la création industrielle. "La Synthèse des arts plastiques dans le passé"330

par Léon Degand ouvre le numéro sur un tour d’horizon de la synthèse des arts dans

l’histoire en partant des civilisations anciennes. Ce panorama tend à démontrer

l’évidence de l’intégration des arts dans l’architecture depuis les temples égyptiens,

les habitations romaines mais aussi les églises romanes, gothiques, Renaissance, ou

encore les palais baroques. Ce texte est suivi par celui d’Hans Ludwig C. Jaffé,

directeur adjoint des musées d’Amsterdam : "De Stijl"331. Il rédige un historique du

groupe, depuis sa fondation jusqu’à la mort de Théo Van Doesburg, qu’il éclaire de

très nombreuses citations d’articles de De Stijl. Le texte permet de faire un point sur

ce mouvement d’importance dans la synthèse des arts, mais il faut en revanche

noter que le Bauhaus n’est à peu près jamais mentionné.

La majeure partie du numéro est constituée d’un très long texte de dix-huit

pages écrit par Roger Bordier, à son initiative332. Composé de différentes parties (un

préambule, "Plastique de la construction", "De la méthode empirique d’Alvar Aalto

aux théories de Schöffer", "Les Collaborations", "Les Diverses applications", "Le

Dehors", "A propos de l’Eglise", "L’Expérience systématique", "Demain", et

"Caracas"), l’article est comme toujours très illustré, de photographies tant en noir

que colorisées, de dessins, d’études, etc. Le rédacteur lui-même a eu besoin de ces

nombreuses illustrations pour écrire son texte, accordant qu’à la revue, ils étaient

« bien documentés » pour réaliser leurs recherches. Il explique son travail :

« On travaillait par correspondance, par recherches dans

d’anciennes revues, par des souvenirs que certaines personnes

pouvaient avoir. Par exemple, je me rappelle avoir rencontré pour cet

article Henri-Pierre Rocher qui […] connaissait bien le

développement artistique moderne, il le connaissait en amateur. Je

glanais des renseignements ici ou là ; dans des milieux d’architectes.

330 Dans Art d'aujourd'hui, op. cit. pp. 2 à 5. 331 Dans Art d'aujourd'hui, op. cit. pp. 6 à 8. 332 Ainsi qu’il l’explique dans l’entretien en annexe V.

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Claude Parent m’a beaucoup aidé, il avait des idées très

intéressantes sur le sujet. »333

Tout au long de l’article, Roger Bordier commente des exemples de cette

synthèse des arts pris dans tous les domaines : maisons particulières, immeubles

d’habitation, de bureaux, lieux de culte, salles de spectacle, établissements scolaires

et universitaires, usines. Le titre de son article est éloquent quant aux ambitions que

les rédacteurs d’Art d’aujourd’hui mettent dans l’intégration des arts : "L’Art est un

service social". Il s’agit d’une solution bénéfique pour tous : les artistes d’abord qui

trouveraient là de nouveaux territoires d’expérimentations, d’expression et de

revenus, le public ensuite qui profiterait, au quotidien, de créations d’avant-garde.

L’art ne doit pas rester réservé à une élite intellectuelle ou sociale mais doit participer

à l’ouverture d’esprit de toute la population. C’est plein d’espoir en la synthèse des

arts que Roger Bordier écrit ces lignes :

« Quant [aux artistes], il n’est pas besoin de rappeler, je pense, ce

qu’ils peuvent gagner à retourner au grand œuvre. Et faire gagner à

tous. Il est une petite phrase, retenue un jour dans une critique au

hasard des lectures quotidiennes, et que je ne puis m’empêcher

d’évoquer chaque fois que se pose cette question. L’auteur ironisait,

assez lamentablement, sur l’art considéré comme un service social.

Autrement dit, il estimait que l’artiste qui va vers le mur, vers

l’extérieur, vers l’architecture, donc vers la société, déchoit.

Il est évident que le peintre engagé dans la synthèse ne peut

raisonner exactement de la même manière que lorsqu’il se trouve

devant son chevalet. C’est bien ce qui réjouit ses détracteurs, qui

parlent volontiers de dépoétisation. Ces gens-là calculent la poésie

au mètre carré. Mesquins alors qu’ils prétendent défendre une liberté

intégrale, ils lui mesurent chichement sa part et refusent

bourgeoisement de laisser sortir cet enfant terrible au delà de limites

que nous connaissons bien : celle du salon, du boudoir ou du

vestibule. [...] Il n’est pas davantage question de mépriser, encore

moins d’abandonner, l’œuvre individuelle, à caractère intime. On

333 Ibid.

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peut même espérer que plus l’art en situation contribuera à

développer le goût du grand nombre, moins rares seront ceux qui

tiendront à animer leur cadre personnel de façon plus heureuse. De

mon point de vue, d’ailleurs, l’art est, de toute manière, un service

social. Il est une des bases de la qualité intellectuelle et par là

favorise les rapports des êtres entre eux. »334

On y retrouve le combat contre l’idée trop répandue qu’une œuvre véritable ne se

conçoit que dans l’isolement de l’atelier et sans être dépendante d’un quelconque

but. Le parallèle que le rédacteur établit entre peinture et poésie montre combien

cette vision de l’art est dépassée. Ces deux termes mis en présence amènent

immanquablement à l'esprit le célèbre « Ut pictura poesis » d'Horace (« La poésie

est comme la peinture ») qui depuis la Renaissance souffre d'un contresens

induisant qu'une peinture doit s'inspirer de la littérature, d'un récit. De plus, Roger

Bordier insiste sur le fait que la pratique de la peinture murale n’implique pas la

négation du tableau de chevalet mais en permet une alternative qui profitera au plus

« grand nombre » et non seulement à ceux qui peuvent en décorer leur « salon »,

leur « boudoir » ou leur « vestibule ».

L’humour de Pierre Guéguen contre l’"Anti-synthèse"

Il faut noter également l’article persifleur de Pierre Guéguen : "Anti-

synthèse"335 qui se moque des essais ratés de la synthèse des arts : bas-reliefs au

style archaïque plaqués sur une façade, décors encombrants pour bâtiments d’une

sobre architecture ; ou encore ce décrochement décoratif sur la tour de la Cité

universitaire de Mexico qui condamne visiblement les fenêtres d’un étage. La

recherche de l’esthétique n’est rien si elle ne s’allie pas au fonctionnel. Une flèche

pointe chacune des photographies de ces expériences malheureuses pour la relier à

une remarque mordante : « Tatouage sur pilotis », « Prométhée cherche des

334 “L’Art est un service social – Préambule”, dans Art d’aujourd’hui, mai-juin 1954, op. cit., p. 14. 335 Dans Art d’aujourd’hui, op. cit., pp. 34 et 35.

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allumettes », « Oui, la sculpture est un vieil art » etc. C’est aux partisans d’un art d’en

traquer les contre-exemples pour qu’il n’y ait pas de méprise et afin de mieux en

défendre les réussites.

Si le texte prend ici un ton ironique, son auteur sait également user

d’arguments plus pragmatiques pour démontrer là où architecture, peinture et

sculpture n’opèrent pas une synthèse. Pour cela, il cite en exemple les plafonds

peints de la Renaissance que l’on ne peut admirer qu’en prenant le risque « de se

cogner aux gens et aux choses »336. Avec le même style direct et conservant le

même bon sens, Pierre Guéguen s’en prend au plafond de la Sixtine, connu de tous :

« Voilà donc un espace plastique d’il y a quatre siècles, révéré par

tous, qui premièrement est impossible à regarder, si beau qu’il soit à

voir, et qui, secondement, ne doit même pas être regardé, puisque

l’usager vient à la Chapelle Sixtine pour tout autre chose : suivre la

messe, le nez dans un missel ! […] Un espace plastique, si beau

qu’il soit, dans la définition duquel entre une part de torticolis, nous

ne pouvons plus y souscrire ! »

Il devient ainsi très clair que la synthèse des arts ne peut avoir lieu que si la

forme reste en parfait accord avec la fonction, la destination de la création. Pierre

Guéguen l’explique dans ce même texte, indiquant, de plus, l’importance des progrès

techniques réalisés durant le XXème siècle en faveur de cette intégration des arts

dans l’architecture :

« Le logis a pour charge d’acquitter des fonctions domestiques : abri,

chauffage, aération, clarté, nourriture, sommeil, repos, travail. Au

début du siècle, ces fonctions étaient mal réalisées, ce qui constituait

un véritable scandale à l’époque où l’industrie créait ces machines si

perfectionnées, si utiles. C’est alors que Le Corbusier lança son

fameux slogan : Le Logis, Machine à Habiter . Et pendant que le

public s’indignait, que l’on osât confondre ses belles façades en toc,

ses intérieurs en faux styles, avec une Royce ou un Yacht ou un

merveilleux Avion , les architectes modernes, collaborant avec les

336 "Une démonstration du Groupe Espace, l’exposition Architecture Couleur Formes à Biot (Côte d’Azur)", dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°6, septembre 1954, p. 18.

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ingénieurs, étudiaient scientifiquement les Fonctions de

l’Habitation et renouvelaient la notion de luxe, trop souvent

synonyme d’inconfort et de tape à l’œil , pour en faire une notion

d’adaptation large, logique, pratique, de l’habitation à la vie de

l’usager . »

De la synthèse des arts à l‘art dans le quotidien

Enfin, lorsque dans les pages d’Art d’aujourd’hui est publié le faire-part de

naissance d’Aujourd’hui : art et architecture, il se présente comme un manifeste. Sur

les douze sentences énoncées comme autant d’engagements sur les publications à

venir, trois vont très explicitement dans le sens de la synthèse des arts :

« Aujourd’hui montrera les relations étroites, qui tendent de plus en

plus à lier les œuvres d’art aux créations architecturales

contemporaines et recherchera les liens entre la peinture, la

sculpture et l’architecture. »

« Aujourd’hui recherchera dans les objets de la vie courante ceux qui

ont une valeur exceptionnelle d’ordre plastique. Peintres et

sculpteurs sont étroitement associés à la création des objets utiles

de la vie courante : mobilier, tapisserie, vitraux, appareils d’éclairage,

etc. »

« Aujourd’hui montrera que les chemins nouveaux de la technique et

de l’invention architecturale ont des rapports étroits avec l’art

abstrait. »337

Ainsi, Art d’aujourd’hui reste lié à la synthèse des arts par ses fondateurs

mêmes. Elle est prégnante dans l’histoire de la revue, par les sujets des articles et

par leur mise en pages. On remarque cependant que lorsque Art d’aujourd’hui

aborde l’intégration des arts dans l’architecture, cela concerne le plus souvent des

337 “Faire-part de naissance”, dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 8.

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bâtiments publics. En revanche, on ne trouve pas d’exemple de design (mobilier,

objets usuels) bien que celui-là soit alors en plein essor et qu’il contribue à une

amélioration esthétique du quotidien. On ne parle pas de commande à titre privé et

individuel ; la synthèse des arts ne peut être assimilée à la notion de propriété, de

collection, d’individualisme. Aujourd’hui va combler ce manque quitte à oublier que

« l’art est un service social ».

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III. L’art pour tous : une vision sociale de l’art

« La critique éclairée et écoutée ne peut servir à faire prendre conscience de leurs responsabilités à ceux qui engagent notre avenir, mais elle peut provoquer dans le public des réactions salutaires. Une information précise, une éducation constante des masses sur des questions difficiles mais essentielles, voilà un travail à accomplir. »1

Art d'aujourd'hui n’évolue pas dans un monde clôt, celui des seules querelles

esthétiques ; il s’inscrit dans une époque et participe à un mouvement intellectuel. La

revue prend le relais des courants de pensée qui œuvrent pour rendre l’art

accessible au plus grand nombre. L’héritage est ancien et les applications,

nombreuses, multiples et parfois même contradictoires. On le constate dans les arts

visuels avec la doctrine du réalisme socialiste qui défend les mêmes convictions

mais par une expression plastique radicalement opposée à l’abstraction

géométrique.

Au-delà de ces idées altruistes – et certains diraient « en-deçà » –, un autre

type de création s’installe durablement dans le quotidien. Il n’est pas identifiable dans

la forme, il évolue vite et s’adapte aux nouvelles technologies si séduisantes, touche

à tous les domaines et remporte une vive adhésion dans les milieux populaires.

Cette éclatante réussite à rassembler les foules ne conquit pourtant pas

l’intelligentsia. Il s’agit de l’art de masse qui devient le réceptacle de toutes les

suspicions – perte des cultures populaires, abêtissement des foules, cupidité des

producteurs.

Le terme de cette étude replace ainsi une revue engagée dans les réflexions

sociales de son temps. Au fil des pages d’Art d'aujourd'hui trois grandes orientations

se dessinent pour que se réalise cette mission de l’art pour tous. Amener la création,

dans sa pluralité, au plus près de chacun jusque dans son quotidien ; proposer dès

le plus jeune âge un enseignement artistique dans les établissements scolaires ; et

1 André Bloc, "Pour une critique architecturale", dans L'Architecture d'Aujourd'hui, décembre 1965, cité dans Aujourd’hui n°59-60, décembre 1967, p. 33.

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enfin, œuvrer tant pour la jeune création que pour son public potentiel en insistant

sur le rôle didactique que doivent accomplir les musées d’art moderne. Que reste-t-il

aujourd’hui de ce triptyque idéal ?

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1. Pour un art social

« Ils réclament pour l’harmonieux développement de toutes les activités humaines la présence fondamentale de la plastique. »2

La synthèse des arts a-t-elle toujours été liée à cette volonté de rapprocher art

et public qui anime les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui ? Partant des notions d’œuvre

commune, d’œuvre d’art totale, voire du Gesamtkunstwerk de Richard Wagner, ce

désir d’un retour au travail collectif de la fin du XIXème au début du XXème siècle et

l’adéquation qu’il peut trouver avec un contenu social, sont étudiés. Cela afin de

replacer les aspirations d’Art d'aujourd'hui dans une continuité artistique, d’en voir les

similitudes et les évolutions.

Dans la période d’après-guerre la croyance en la possibilité d’un monde

meilleur grâce à un contact permanent avec les arts devient plus présente. Des

initiatives fleurissent ou se renforcent comme l’essor des ciné-clubs ou la

décentralisation théâtrale, et l’on perçoit une préoccupation semblable dans les

réflexions des intellectuels.

Beaucoup de ces intellectuels sont au moins des sympathisants voire des

militants du Parti communiste français qui conserve une influence considérable.

Pourtant, si ses idées séduisent aussi artistes et critiques, qu’en est-il de son

esthétique, le réalisme socialiste, esthétique figurative et empreinte d’un fort contenu

social, sur les créateurs d’avant-garde ?

2 "Manifeste du Groupe Espace", dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, deuxième de couverture.

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a. Œuvre commune et bien commun

Comme il a été vu longuement, Art d'aujourd'hui en tant qu’organe de

l’abstraction géométrique se fait l’héritier de cet art abstrait des années 1910 et 1920

qui fut porté par l’aspiration de le rendre accessible au plus grand nombre. Héritier

également, cela va de soi, de De Stijl et de l’école du Bauhaus où s’expérimentent

ces idées, Art d'aujourd'hui n’aborde pourtant que rarement de manière frontale

l’école de Walter Gropius ; mais elle se devine au long des textes, telle une pensée

assimilée3. Claude-Hélène Sibert, dans un article consacré à Jean Leppien, la

considère comme une évidence : « L’histoire du Bauhaus n’est plus à écrire, ni

même à raconter. Nous la connaissons tous »4. Au-delà même de l’histoire de

l’école, c’est son enseignement que l’on retrouve depuis l’œuvre réalisée en

commun, les liens à nouer entre l’artiste et l’artisan, jusqu’à l’art pensé en direction

d’un public populaire.

3 Grâce au travail effectué par le Centre allemand d’Histoire de l’Art - qui consiste à alimenter une banque de données recensant les références à l’Allemagne citées dans les revues d’art de la période qui nous intéresse - nous avons réalisé une recherche par mots clefs dans Art d’aujourd’hui. Les termes retenus étaient : mission sociale de l’art, synthèse, intégration de la sculpture, peinture et typographie, De Stijl, Bauhaus, artistes allemands en France, et artistes français en Allemagne. Sur les trente-six numéros d’Art d’aujourd’hui, le mot « Bauhaus » se retrouve dans quinze articles de neuf livraisons différentes. De même, dix-neuf textes et un numéro spécial Allemagne - comprenant huit articles - ont été étudiés d’après ce fichier : ce terme est mentionné trente fois dont douze dans l’article Les Peintres du Bauhaus. Ces données nous poussent donc à conclure que le terme de « Bauhaus » est quasi inexistant d’Art d'aujourd'hui. Pourtant, la ligne de la revue est en filiation directe avec les idées de l’école de Weimar. C’est donc plus subtilement qu’il nous a fallu chercher la présence du Bauhaus dans la revue lors de notre participation à la table ronde France Allemagne 1945-1960, les transferts artistiques et culturels, en mars 2003. La recherche s’est faite non sur les termes mais sur les idées développées. C’est en cela que nous pouvons affirmer que les enseignements du Bauhaus relèvent pour les animateurs d’Art d'aujourd'hui, d’une pensée assimilée. 4 Art d'aujourd'hui, 5ème série, n° 1, février 1954, p. 19. Rappelons qu’avec la création des Congrès Internationaux d’Architectures Modernes (CIAM) en 1928 qui réunissent des architectes de tous pays, dont Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Walter Gropius, Mies van der Rohe, Hannes Meyer et Gerrit Rietveld, les idées circulent très vite.

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Un héritage des années 20

L’œuvre commune, Walter Gropius l’envisage comme un point de départ à la

création et il l’exprime dès 1919 dans le manifeste de l’école :

« Architectes, peintres et sculpteurs doivent réapprendre à connaître

et à comprendre la forme complexe de l’édifice, dans sa totalité et

dans chacune de ses parties ; leurs œuvres alors s’imprégneront à

nouveau de l’esprit architectural qu’elles ont perdu dans les salons.

[…] Formons donc une nouvelle corporation d’artisans, sans la

prétention de classes qui dresse un mur d’arrogance entre artistes et

artisans ! »5

On reste ici assez peu éloigné d’un autre texte publié trente-deux ans plus tard dans

Art d’aujourd’hui. Il introduit le Manifeste du Groupe Espace :

« La dissociation des arts plastiques : peinture, sculpture,

architecture, est un fait déplorable mais tellement admis par les

artistes, les critiques et le public, que les essais les plus timides pour

replacer les arts dans la vie courante apparaissent, à beaucoup,

comme des audaces inutiles. »6

Toujours dans le Manifeste du Bauhaus, Gropius exhorte les artistes à se

tourner vers l’artisanat :

« Architectes, sculpteurs, peintres, nous devons tous revenir à

l’artisanat ! Car "l’art n’est pas un métier". Il n’y a pas de différence

essentielle entre l’artiste et l’artisan. L’artiste est une amplification de

l’artisan. »7

Cette mise en avant de l’artisanat se retrouve dans Art d'aujourd'hui8 ; et d’une

manière générale, la revue refuse de faire des hiérarchisations entre les différentes

5 "Manifeste du Bauhaus", 1919, cité dans Jacques Aron, Anthologie du Bauhaus, Bruxelles, 1995, pp. 57 et 58. 6 Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°8, octobre 1951, 2 ème de couverture. Signalons que lorsqu’André Bloc ouvre l’assemblée générale constituante du Groupe Espace le 17 octobre 1951, il le fait en rappelant les actions du Stijl et du Bauhaus. 7 Op. cit., p. 58. 8 Léon Degand, "L’Artiste et l’artisan" dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°9, avril 1950 (numéro spécial

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formes de créations et en aborde de très diverses (tatouage, timbre poste, tapisserie,

peinture foraine, etc.). Les parallèles entre les déclarations des enseignants ou

directeurs successifs du Bauhaus et les textes parus dans Art d'aujourd'hui

pourraient être poursuivis de la sorte. Dans cette logique de revenir au métier, on

constate en effet la même attention portée aux matériaux et à la technique, le désir

d’inclure les conclusions de l’ingénieur dans les recherches plastiques avec la même

ambition d’être résolument de son temps ou la volonté d’introduire la couleur dans

les diverses réalisations. Cette couleur se trouve abordée de manière quasi

scientifique par l’estimation des conséquences physiologiques et psychologiques sur

ceux qui la côtoient. Félix Del Marle y ajoute une fonction sociale lorsqu’il avance

qu’« il importe que la Couleur contribue à lier la vie collective de la cité à la vie

individuelle de ses habitants. »9

Un art pour le public populaire

Et c’est bien là que se rejoignent encore l’école du Bauhaus et la revue : la

nécessité d’un art pour le public populaire. Avec de grandes ambitions teintées

d’utopie pour les maîtres du Bauhaus10 et des visées plus accessibles dans Art

d'aujourd'hui, fortement marquées par l’exigence d’un didactisme à destination de ce

public. Là-dessus la revue rejoint les positions de Fernand Léger ; on retrouve dans

ses écrits et conférences cette idée que

« la peinture deman[dant] tout de même, comme toute chose

intellectuelle, une durée d’adaptation[, il] y a une période préliminaire

gravure), pp. 7 et 8. 9 "La Couleur au service de l’homme" dans Art d’aujourd’hui, janvier 1953, 4ème série, n°1, 2 ème de couverture. 10 On peut lire sous la plume de Hannes Mayer des propos pleins d’espoir que l’on retrouve chez d’autres membres du Bauhaus : « Notre œuvre orientée vers la collectivité et ancrée dans les couches populaires sera la démonstration d’une conception du monde. » "Bauhaus et société", dans Zeitschrift Bauhaus, n°1, 1929, cité dans Jacques Aron, Anthologie du Bauhaus, op. cit., p. 217.

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de confusion assez pénible dans laquelle le goût, le choix doivent se

former, se réaliser. »11

Pour Léger, c’est d’abord tout bonnement un problème d’horaires et de temps à

consacrer à l’oisiveté. Il le répète :

« Cette situation est créée par l‘ordre social existant. Les loisirs des

ouvriers et des employés sont très limités. On ne peut pas leur

demander de passer leur dimanche à s’enfermer dans des musées.

Les galeries privées et les musées ferment leurs portes juste au

moment où les travailleurs sortent de leurs ateliers, de leurs usines.

Tout s’organise pour les éloigner des sanctuaires. Pour que cette

majorité d’individus puisse s’intéresser aux œuvres modernes il faut

leur donner le temps "pour cela". Dès qu’ils l’auront, vous pourrez

assister au développement rapide de leur sensibilité. »12

Les tentatives de Fernand Léger d’aller à la rencontre des ouvriers par des

conférences données dans les usines ne lui donnent pas satisfaction. Il regrette

également de constater que l’ouverture du musée du Louvre en dehors des heures

de travail se résume à une ruée vers La Joconde13. Aussi le contact ne peut s’établir,

lui semble-t-il, que par la peinture murale, la couleur dans l’architecture, mais cela

s’avère être pour Léger, comme l’indique Olivier Cinqualbre, « un rendez-vous à

jamais reporté »14. L’artiste a de nombreux projets, encore plus d’idées sur la

question et se trouve pressenti voire engagé pour différents programmes. Mais peu

aboutissent ou, tout au moins, dans l’ampleur qu’il avait escomptée15 ; et ce, même

lorsqu’il travaille avec Le Corbusier. L’architecte dont les multiples talents pourraient

faire de lui une incarnation de la synthèse des arts16, place en effet ses recherches

11 "A propos du corps humain considéré comme un objet (1945)" dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, p. 232. 12 Ibid., p. 231. 13 "Peinture murale et peinture de chevalet (1950)", dans Fonctions de la peinture, op. cit., p. 282. 14 "Un rendez-vous à jamais reporté : Léger et l’architecture", dans Fernand Léger, Paris, 1997, p. 259. 15 Pour un regard sur ces divers projets, se reporter au texte d’Olivier Cinqualbre cité ci-dessus. 16 Nous évoquons le sujet au conditionnel car selon Roger Bordier : « Le Corbusier […] ne voulait pas entendre parler de synthèse des arts ; c’était très curieux. Il m’avait plutôt parlé des rapports entre l’urbanisme et l’architecture […]. Alors que quand j’abordais la synthèse des arts, il me répondait : "Je

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sur l’habitat social et sur l’apport de la couleur dans l’architecture17. Mais plutôt que

de s’adjoindre les talents d’un artiste, Le Corbusier mène son travail avec les

architectes-designers Charlotte Perriand et Pierre Jeannneret.

Pour une amélioration des conditions de vie

Ensemble ou séparément, ils s’interrogent sur l’amélioration des conditions de

vie qui passerait par une amélioration du confort domestique. Dans ce but, est fondé

le Congrès international d’Architecture Moderne (CIAM) en 1928 – avec la

participation de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret – afin de promouvoir une

architecture et un urbanisme fonctionnels, en réaction au développement anarchique

des villes18. De même, les trois créateurs présentent au Salon d’automne de 1929 un

ensemble de mobilier modulable sous le nom d’« Equipement intérieur de

l’habitation ». Il s’agit d’envisager de manière globale ce qui constitue le quotidien

afin d’y apporter, par l’objet (depuis le bâtiment jusqu’à l’ustensile), confort et

modernité. Si le propos peut paraître teinté d’utopie, leurs réalisations démontrent au

contraire une prise en compte précise du contexte. La loi Loucheur du 13 juillet 1928

incitant les familles à devenir propriétaires par des aides de l’Etat et lançant un vaste

programme de constructions à bon marché et à loyer moyen, amène Le Corbusier et

son équipe à travailler à la réalisation de maisons ouvrières. Charlotte Perriand, au

cours de ses recherches, comprend combien l’espace est important pour la sérénité

du quotidien ; elle s’attache alors à la conception de rangements, sous forme de

« murs utilitaires »19, afin de ménager des zones de vide dans l’habitat. C’est donc

en commençant par le mobilier – modulable – que Le Corbusier envisage la

ne vois pas du tout. Quelle synthèse ? On met une sculpture là ou une peinture là." Organiquement, il n’imaginait pas qu’une synthèse puisse être concevable. » Voir entretien annexe V. 17 Il réalise notamment en 1931 puis en 1958 pour la société suisse de papiers peints, Salubra, une gamme de couleurs pour l’architecture : les Claviers de couleurs. 18 En 1933, le 4ème CIAM aboutit à la Charte d’Athènes qui développe quatre préceptes majeurs (constituant le style dit « International ») : un maximum de rendement, la modularité, le concept de zone et la préfabrication des éléments. Cela afin de pouvoir habiter, travailler, se divertir et circuler. 19 Arthur Rüegg, "Les « cellules vitales » : cuisson et sanitaire", dans Charlotte Perriand, Paris, 2005, p. 130.

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réalisation de ces maisons ouvrières. Cependant, le ministre du Travail, de l'Hygiène,

de l'Assistance et de la Prévoyance sociale, Louis Loucheur, ne reste pas assez

longtemps en place pour qu’un prototype voit le jour : « La rencontre du public

modeste et de l’architecture moderne n’eut pas lieu »20.

L’Unité d’habitation à Marseille

Cette réflexion se poursuit pourtant avec « L’élément biologique : la cellule de

14 m² par habitant » qui, partant d’un travail théorique, devient une étape dans la

réalisation de la Cité radieuse à Marseille. Le Corbusier conçoit son Unité

d’habitation en réponse aux besoins de ses futurs occupants qu’il projette dans un

quotidien moderne. Depuis l’émancipation de la femme qui ne peut plus consacrer

ses journées aux tâches ménagères ni aux enfants, jusqu’aux commodités

domestiques qui doivent être accessibles à tous :

« Et, ici, pour Marseille, notre équipe d’ingénieurs et d’architectes a

connu ce que cela représente comme casse-tête chinois de fournir à

l’habitation, isolation phonique et thermique, eau, gaz, électricité,

évacuation des ordures et des odeurs de cuisine, chauffage et

fraîcheur, et cela non pas à la simple famille d’un honnête client,

mais à une communauté de mille six cents habitants, entrés tous par

la même porte. »21

Cette nouvelle qualité de vie qui n’est pas seulement pensée comme un ensemble

de prouesses techniques mais apporte un certain art de vivre. Dégagés de nombre

de leurs préoccupations journalières (garde d’enfants, lessive, stationnement,

circulation, sécurité, promiscuité, etc.), les habitants peuvent se consacrer à leurs

occupations. Car Le Corbusier imagine pour la Cité radieuse des individus qui

sauront cultiver tant leur corps que leur esprit22. On trouve d’ailleurs cette remarque

20 Ibid. 21 Le Corbusier, "Une unité d’habitation de grandeur conforme" dans L’Homme et l’architecture, numéro spécial "Unité d’habitation à Marseille de Le Corbusier", n° 11 à 14, 1947, p. 6. 22 "Extrait du rapport de Le Corbusier à la commission du siège des Nations unies" dans L’Homme et

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sous la plume de l’architecte André Wogenscky – qui participe à l’élaboration du

projet – : « On aimerait à voir chez les habitants de l’Unité d’habitation le goût des

œuvres plastiques si modestes soient-elles »23.

L’Union des Artistes Modernes (U.A.M.)

Ce souci de permettre à chacun de bénéficier d’un foyer harmonieux et peut-

être par conséquent, d’élever le goût de tous, a déjà poussé des créateurs à se

regrouper. Il en va ainsi de l’Union des Artistes modernes (U.A.M.) qui voit le jour en

1929 grâce notamment à Charlotte Perriand, Robert Mallet-Stevens et Francis

Jourdain en réaction à la Société des Artistes Décorateurs jugée trop conservatrice.

L’impulsion a été donnée en réaction à l’exposition des Arts décoratifs et industriels

qui malgré un énoncé bien prometteur n’avait fait que conforter une esthétique

appartenant au passé. En 1937, lorsque l’exposition internationale se place sous le

thème des « Arts et Techniques dans la vie moderne », les membres de l’U.A.M.

veulent démontrer ce que doit être une véritable collaboration entre art et technique.

Pour ce faire, un pavillon est consacré à leurs productions qui s’incrivent dans la

société qui leur est contemporaine, celle de l’industrialisation :

« Des artistes-créateurs, il y en a soi-disant partout. Mais des artistes

acceptant de se plier aux exigences de l’ingénieur et de l’industiel,

cela ne court pas les rues. Standardisation et normalisation sont les

points d’attraction pour agir utilement et immédiatement. Ce ne sont

pas des phénomènes nouveaux et monstrueux. La fabrication en

série a existé depuis que les hommes ont employé une machine, si

simple fût-elle. Le tour du potier date de loin… Quant à la

normalisation, elle n’est pas issue de cerveaux humains dégénérés.

C’est une loi de la Nature. »24

l’architecture, op. cit., p. 12. 23 André Wogenscky, "Regards sur l’Unité d’habitation" dans L’Homme et l’architecture, op. cit., p. 21. 24 Maurice Barret (membre de l’U.A.M.), "Le Pavillon de l’U.A.M. à l’Exposition" dans L'Architecture d'Aujourd'hui, n°7, juillet 1937, p. 71 (cité dans Paris-Paris 1937-1957, Paris, 1992, p. 671).

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Une idée que Georges-Henri Pingusson, Président de l’association, reprend en 1949

dans un texte en forme de manifeste :

« Cette synthèse élargie de tous les arts a été et reste encore le

postulat majeur de l’U.A.M. Il affirme aussi que ce qui est beau et

bon pour un homme l’est pour tous et que la production en série doit

faire l’objet des recherches des artistes plus que la pièce rare. »25

Il ajoute à cette déclaration qui établit l’œuvre commune comme une quête

pour le bien commun, des ambitions que l’on a déjà pu voir avec la Cité radieuse qui

allie le beau à l’utile, le premier découlant forcément du second. Ce bien commun est

alors procuré par une réelle prise en compte des besoins de la population et une

précise adaptation des objets à ses nécessités. Des idées partagées par Paul

Breton, commissaire général du Salon des arts ménagers, défenseur d’un design

français26 : « C’est au foyer qu’il importe le plus, sans doute, de ne pas introduire le

laid, même en invoquant le confort et l’utilité. »27

Une esthétique de l’industrie à inventer

Inventer les formes de la modernité, les concevoir belles et pratiques, voire

pratiques donc belles, cela n’est pas une évidence dans une tradition de l’objet où la

référence reste le passé. Aux débuts de l’industrialisation on cherche d’abord à

adapter les nouvelles techniques à une esthétique préexistante. Or cette esthétique

est née de la technique qui a conçu l’objet, elle est liée à elle, aux gestes de l’artisan

(menuisier, potier, céramiste, verrier, etc.). Reproduire de telles formes après la

mécanisation et la mise en série rend la ligne de l’objet anachronique. Le germaniste

Henri Lichtenberger le note en 1916 :

« A ce point de vue, l’art industriel qui se développe dans le nouvel

Empire allemand au lendemain de la guerre de 1870 marque un

25 Cité dans Paris-Paris 1937-1957, Paris, 1992, p. 673. 26 Il participe d’ailleurs à la création de Formes Utiles en 1949 et de l’Institut français d’esthétique industrielle, en 1951. 27 Cité dans : Jacques Rouaud, "L’esprit Arts ménagers", dans Les Bons Génies de la vie domestique,

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point culminant de mauvais goût. […] Par ses soins, on voit se

répandre partout le simili-bronze en zinc recouvert d’un enduit, le

simili-cuir en papier, les vitraux de papier transparent collé sur une

simple vitre et imitant les baguettes de plomb des vitraux

authentiques, […] les faïences lourdement décorées à l’aide de

décalcomanies, les moulures en papier mâché, les peintures imitant

le bois ou le marbre. »28

Cela afin de « pasticher les styles du passé » – renaissance, néogothique, baroque –

en dehors de toute « esthétique du monde de la machine »29.

Exemple de la verrerie Daum

On se trouve dans une période d’adaptation où l’industrie se préoccupe

davantage des aspects techniques de la production en série que d’invention des

formes30. On le constate par exemple avec la mise en série d’une partie de la

production de la verrerie Daum à Nancy. Cela passe par sa rationalisation en allant

vers des motifs simples, sans grandes recherches, en plaquant même un décor

traditionnel sur la forme. Les frères Daum ne vont pas se préoccuper de l’adéquation

du décor à la forme, ils vont au contraire décliner un même motif sur différentes

pièces31. S’ils ont recours à ce procédé jusque là impensable dans une production

Paris, 2000, p. 56. 28 L’Allemagne moderne, Paris, 1916, p. 378, cité par Guy Balangé, "De la belle forme à la « Guteform » " dans Les Bons Génies de la vie domestique, Paris, 2000, p. 89. 29 Michael Audritzky, "L’Allemagne à l’aube du mouvement moderne", dans Les Bons Génies de la vie domestique, op. cit., p. 105. 30 Dans la période d’après-guerre, une production naît, issue des nécessités de la Reconstruction. Yvonne Brunhammer décrit le mobilier (dans "Quand l’art d’habiter se substitue au style", Paris-Paris 1937-1957, op. cit., p.679) comme « populaire, robuste et sympathique et qui était destiné à être fabriqué en série », conçu dans « un style simple […] et fonctionnel » mais il ne parvient à séduire ni les industriels, ni les usagers. Comme nous l’avons vu plus haut concernant l’architecture de cette période, une majorité de la population préfère s’en référer à leurs habitudes d’avant-guerre. Yvonne Brunhammer le constate même pour Art et Décoration : « Il est symptomatique de trouver dans les pages de [cette] revue qui, depuis sa création en 1897, avait inlassablement défendu la création contemporaine, des articles consacrés aux styles du passé ainsi que des reconstitutions ordonnées par les décorateurs à la mode autour de meubles anciens, dans les demeures parisiennes. » 31 Christophe Bardin, "Les objets d’art courants 1891-1914", dans Daum, collection du Musée des

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d’art, c’est qu’il répond à « un souci de rationalité et de rentabilité qui sied à une

industrie d’art où le problème est certes de produire de beaux objets mais également

de les produire de la manière la plus efficace possible »32.

Avec ces nouvelles productions une autre question se fait jour dans ce

domaine d’activité : ne plus s’adresser uniquement à une clientèle fortunée.

« L’art décoratif devient industriel et ce n’est qu’à cette condition qu’il

peut être l’embellissement de toutes les demeures, modestes ou

luxueuses. Ce n’est plus un art de caste. […] La beauté des formes,

des couleurs, facilement accessibles à tous, n’en perd point

cependant ses anciennes qualités artistiques : elle devient populaire,

mais elle reste artistique. L’ambition des artistes lorrains de rendre

belles toutes les choses utiles a été réalisée »33.

Il s’agit bien de faire entrer l’art dans le quotidien. De ce simple déplacement de la

création se dégagent différents points. Le désir de rendre la vie plus belle en y

introduisant de l’art s’y lit de prime abord. On place dans la contemplation et même

dans la simple fréquentation d’œuvres des vertus unificatrices. Néanmoins, cela

n’engage pas aux yeux de tous une participation du peuple. Jean Galard qualifie ces

créations issues de la collaboration entre différents corps de métiers, d’« aspiration à

l’art total ». Il poursuit : « [Elle] a inspiré des tentatives d’aménagement du cadre

quotidien de la vie, de façon à conférer à l’existence une qualité artistique

ininterrompue. »34 Il raconte l’Histoire d’un pauvre riche écrite en 1900 par

l’architecte Adolf Loos mettant en scène un riche amateur désireux de vivre dans un

appartement où tout ne serait qu’Art. Lorsque la demeure se trouve terminée,

l’architecte dit à son client : « Vous êtes complet », rendant le pauvre riche

« contraint de devenir spectateur de sa propre vie figée et terminée »35.

beaux-arts de Nancy, Nancy et Paris, 2000, p. 161. 32 Op. cit., p. 165. 33 Georges Mercy, "Enquêtes industrielles de L’Evénement. L’art industriel en Lorraine", L’Evénement, 4 septembre 1900, cité dans Daum, collection du Musée des beaux-arts de Nancy, op. cit., p. 165. 34 Jean Galard, "L’Art sans œuvre", dans L’Œuvre d’art totale, Paris, 2003, p. 163. 35 Ibid. p. 165. Au-delà de la fiction, on trouve ce témoignage de César Domela recueilli par Pierre Descargues sur France Culture en 1984 : « J’ai été influencé par [l’atelier de Mondrian] et quand j’étais à Berlin, j’ai même exécuté quelques intérieurs néo-plastiques, dont le mien. Avec le résultat que ma femme et moi, on se rencontrait dans le café en bas, car on ne pouvait pas supporter de vivre dans un tableau. » Ces propos sont transcrits dans les annexes de Mondrian ou l’abstraction blanche

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L’Art nouveau

L’Art nouveau correspond à ce désir de « qualité artistique ininterrompue » et

amène les artistes à travailler en commun et à toucher à tout sans hiérarchie. Il se

développe dans toute l’Europe sous différentes dénominations : l’Arts & Crafts en

Angleterre, le Modern Style en Grande-Bretagne, le Jugenstil en Allemagne ou la

Secession en Autriche, entre autres. Tous ces mouvements permettent aux artistes

de s’impliquer dans l’architecture, dans l’architecture d’intérieur, dans la création

d’objets, de mobilier ainsi que dans l’art graphique. C’est aussi pour eux une

rencontre avec l’industrie et le travail en série. Cependant certains, prônant un retour

à l’artisanat plutôt qu’un élan vers les arts appliqués, entreprennent de tout réaliser à

la main. Ainsi de l’Anglais William Morris qui de ce fait, comme le remarque Serge

Lemoine, met son système en faillite puisque ses œuvres restent inaccessibles au

plus grand nombre36.

Or, selon Morris, pour être en harmonie avec le quotidien, l’art doit être créé

par et pour le peuple. Se dessinent déjà les contours de ce qui va animer les artistes

abstraits du début du XXème siècle : un art qui concerne l’ouvrier depuis son

élaboration jusqu’à son utilisation, un art qui s’adresse à tous, un art qui tire sa

qualité esthétique de sa fonctionnalité, un art qui décloisonne et va au-delà des

hiérarchies notamment entre artiste et artisan. Dans cette alliance entre artistes et

artisans, se lit une croyance en un Moyen Âge symbole d’une période d’union

puisque la notion d’artiste n’existait pas et que les grandes créations (entendons par

là, les cathédrales) étaient réalisées par le peuple, en direction du peuple et pour

instruire le peuple. La gravure de Lyonel Feininger qui illustre le manifeste originel du

Bauhaus d’avril 1919 représente une cathédrale. Cette école est fondée par Walter

Gropius dans les pas de l’école des Métiers d’Arts d’Henry Van de Velde ouverte à

Weimar en 1902 qui proposait de faire travailler ensemble artistes, artisans et

d’Arno Mansar, Paris, 2000, p. 182. Ces expériences fictives ou réelles trouvent un écho, à une autre échelle, dans l’urbanisme. Là aussi, la vie devrait se figer autour des œuvres installées à un carrefour ou sur une place car l’évolution de ses entours brise l’harmonie, défait les proportions, détruit la composition de l’ensemble. Et l’œuvre devient alors violemment inadaptée à son lieu d’accueil. 36 Serge Lemoine, "Mondrian - De Stijl", dans Cours organique d’art contemporain, n.p., 1983-1984,

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industriels. A cette même période est créée l’association Deutscher Werkbund qui

réunissait architectes, artisans et industriels avec pour ambition de réaliser des

objets du quotidien associant esthétique et fonctionnalité, l’esthétique découlant

d’ailleurs, une fois encore, d’une juste adéquation de la forme à la fonction.

L’industrialisation que connaît le XIXème siècle métamorphose la société

économiquement, socialement, transforme la ville, les habitudes et amène les

artistes vers de nouveaux questionnements : les arts, déhiérarchisés, s’entremêlent,

les créateurs sortent de leur atelier, s’unissent dans le travail, avec l’ambition

d’insuffler le goût aux foules. Les artistes se succèdent, des mouvements naissent

avec des préoccupations plastiques propres à chaque période mais ce désir de

rendre l’art à la vie reste ancré. Cela évoque également le Gesamtkunstwerk de

Richard Wagner, cette notion d’"œuvre d’art totale" qu’il applique au théâtre lyrique

dans son texte L’Œuvre d’art de l’avenir (1849). Né de la collaboration de différents

talents dans diverses disciplines, ce Gesamtkunstwerk devient également pour les

spectateurs « […] l’idéal d’un art salvateur, capable de rétablir ou de recréer l’unité

perdue (métaphysiquement ou socialement) »37.

b. Le reflet d’une époque

Retrouver l’union sociale grâce aux arts demeure une volonté – ou une utopie

– qui resurgit périodiquement à travers les siècles depuis le siècle des Lumières. Ce

dessein prend pourtant de l’ampleur avec l’après-guerre, période marquée par une

recherche de symboles puissants. L’enrichissement culturel de l’individu le sort de

son quotidien, l’élève dans ses pensées et peut contribuer à lutter contre la mise en

place de régimes totalitaires. De plus, se révèle le désir de retrouver le prestige de la

France et de le partager. Ensuite, des valeurs telles que celles de la résistance, de la

liberté, de la souffrance, peuvent trouver dans les arts, le moyen de leur expression

voire de leur exaltation. Enfin, bien entendu, les arts plastiques et l’architecture

Bibliothèque Kandinsky.

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trouvent dans la Reconstruction un terrain potentiel d’expérimentations, du moins en

théorie car, nous le savons, leur mise en pratique n’est que peu effective. Ainsi,

fortes de tous ces paramètres, de nombreuses initiatives aboutissent ou prennent un

essor sans commune mesure à cette époque : la décentralisation théâtrale, les ciné-

clubs, l’ouverture du musée d’Art moderne, la création du Domaine musical de Pierre

Boulez, ou encore des associations comme Peuple et Culture ou Travail et Culture :

« L’accession du Peuple à l’œuvre d’art est un problème qui est dans

l’air, qui est partout »38

Art d'aujourd'hui, maillon d’une chaîne

Dans cette même dynamique de démocratisation, on s’attache également à

valoriser la culture populaire. L’important reste de se retrouver dans un patrimoine

commun ou, mieux, dans l’intérêt et la fierté de ce patrimoine. On partage cette idée

aussi bien au sein des formations communistes que des groupements chrétiens. Et

la façon qu’ont les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui de comparer les artistes aux

ouvriers plutôt qu’à des génies inspirés montre combien ce rapprochement paraît

valorisant. Dans leurs choix, également, de traiter tous les arts avec le même sérieux

en consacrant des articles aux affiches, aux graffitis ou aux tatouages. Les

photographies qui illustrent ces textes montrent des murs fatigués, des ouvriers

tatoués ou encore, dans "Rencontres fortuites", les photographies d’Edouard Boubat

mettent en parallèle tableaux et scènes ordinaires. En valorisant ainsi le quotidien

populaire, on crée, peut-être même sans le préméditer, des attaches familières qui

donnent confiance ; tel un hameçon qui happerait le lecteur depuis son univers pour

lui en proposer des projections esthétiques.

Il faut cependant préciser qu’Art d'aujourd'hui, par sa nature même de revue

d’art, ne s’adresse pas directement à l’ouvrier. On ne cherche pas à s’adapter à un

lectorat populaire même si l’attrait des couvertures couleurs et originales, de la mise

37 Jean Galard et Julian Zugazagoitia, "Introduction" à L’Œuvre d’art totale, Paris, 2003, p. 6. 38 Fernand Léger, "L’art et le peuple", conférence prononcée à la Sorbonne pour l’association Travail

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en pages moderne et des nombreuses illustrations font parties intégrantes de sa

conception. Sa particularité en matière d’art pour tous, réside dans le fait d’affirmer

que l’avant-garde n’est pas l’apanage de l’élite, qu’elle peut irradier dans tous les

milieux comme on le présuppose des œuvres reconnues et du patrimoine. Mais les

animateurs de la revue, bien que très actifs dans la promotion de l’avant-garde, ne

vont pas œuvrer dans des quartiers populaires comme leur engagement aurait pu le

laisser supposer. Le lecteur d’Art d'aujourd'hui est potentiellement un amateur d’art,

peut-être bénévole d’une association culturelle, un artiste, un galeriste, un critique,

un enseignant, un directeur de musée. Les textes de la revue s’apparentent alors à

de la théorie que ces lecteurs doivent appliquer ; et les pages hors-texte

apparaissent dans cette optique comme l’équivalent d’un matériel pédagogique à

l’intention des enseignants.

Dans une société en pleine mutation, peut-être est-il préférable que chacun

joue son rôle de fidèle maillon d’une chaîne qui conduit à la jouissance des œuvres.

La guerre associée aux changements qu’elle a provoqués, se répercutent sur l’art et

la culture. Les artistes ne peuvent plus créer comme ils le faisaient jusque là car

même leurs techniques connaissent des évolutions et des possibilités différentes.

Cela a été constaté avec la série "L’Art et la manière" proposée par Roger Bordier :

André Bloc emploie du polyester dans ses vitraux, Jean Dewasne exprime l’évidence

pour l’artiste de rester en lien avec son temps et que dire des sculptures électriques

de Nicolas Schöffer ? Le parallèle s’impose avec la musique qui joue de la

sérialisation, du mixage, du montage, du collage, de l’accélération ou du

ralentissement d’une mélodie ou de l’enregistrement de bruits quotidiens. Les artistes

ont envie d’entraîner le spectateur dans leurs démarches ; de ces profonds

changements naît le besoin de dialoguer, de se faire comprendre. Pourquoi les

artistes du début du XXème siècle – à l’origine de tant de bouleversements plastiques

(fauvisme, cubisme, abstraction) et théoriques (Dada, surréalisme, ready-made) –

n’ont-ils visiblement pas eu pour préoccupation de tisser des liens avec un public qui

leur soit propre ?39

et Culture, retranscrite dans Arts de France, n°6, Paris, juin 1946, pp. 36-42. 39 Ce n’est, en tout cas, pas ce que retient l’Histoire qui s’arrête sur les communautés d’artistes de Montparnasse et Montmartre, les échanges et les concurrences entre créateurs, leurs liens avec

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La démocratisation cuturelle : une préoccupation devenue politique

Ce dessein philanthropique, s’il a parcouru le temps, prend une ampleur toute

différente sous le Front populaire40, et surtout, il devient politique. Si l’État se mêle de

culture, il ne peut désormais le faire qu’avec la finalité de rendre l’art accessible à

tous. Jusque là, en France, les liens qui unissaient les arts et le pouvoir se trouvaient

souvent confinés à un rapport de faire valoir du second par les premiers. Roger

Lesbats diagnostique d’ailleurs, dans cette subordination une perte entre public et

artistes :

« Qui s’étonnera que cet homme nouveau traite sans ménagement

les choses de l’intelligence et de l‘imagination ? […] Son appréciation

repose encore sur un fonds de rancune : il n’oublie pas que l’art fut

généralement un privilège de la puissance ou de la richesse, parfois

même un symbole de despotisme. […] Entre cet homme nouveau et

l’artiste, il ne peut y avoir évidemment ni estime, ni confiance, ni

compréhension. […] »41

Encore faut-il différencier, parmi les actions orientées vers le peuple, celles,

sociales, abordées ici, de celles, uniquement politiques, qui visent à unir un peuple

en le rassemblant autour d’un patrimoine culturel. Un besoin d’union nationale se

ressent dans la période très trouble qui nous occupe, depuis ses règlements de

comptes liés à la période de l’Occupation jusqu’à ses manifestations ouvrières. Mais

bien que l’État inscrive dans le préambule de la Constitution de 1946 l’accessibilité à

la culture égale pour tous, dans les faits, l’urgence se situe d’abord ailleurs que dans

la Culture, ensuite, dans la préservation des monuments ainsi que dans le

recensement et le retour des œuvres mises à l’abri ou spoliées. Le travail de

médiation s’opère donc, pour l’essentiel, en dehors des institutions. Il est réalisé par

des galeries, des critiques et des artistes mais aussi par des bénévoles souvent

réunis depuis la Résistance et formant des réseaux qui couvrent le territoire et offrent

critiques et galeristes, alimentant une fois encore le mythe de la bohème. 40 Sur le sujet, se référer à Pascal Ory, La Belle Illusion, Paris, 1994. 41 "L’Art et la vie collective – Il y a une centaine d’années, l’art s’est séparé de la vie. – A quelles conditions l’artiste et le public pourraient se réconcilier ?" dans Les Problèmes de la peinture, Lyon,

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aux populations représentations théâtrales, expositions, concerts, conférences, etc.

On pense surtout à l’association communiste Peuple et Culture fondée à Grenoble

en novembre 1944 et à Travail et Culture, avec une orientation plutôt catholique. Ces

deux formations œuvrent ainsi non avec l’ambition de contenir une population par la

culture mais bien dans le sillage altruiste des valeurs de la Résistance.

Sur ce terreau d’idéaux et de foi germent, fertilisés même par les contraintes,

galeries, revues et salons, compagnies théâtrales, ciné-clubs, ensembles musicaux,

etc. On reste là encore dans la lignée des idées du Front populaire qui ont réinvesti

les politiques culturelles depuis la Libération. Les mesures mises en place touchaient

tant les artistes par des aides à la création (littéraire et radiophonique), que les

usagers grâce à des tarifs abordables dans les théâtres, des horaires d’ouverture en

nocturne au Louvre, des thématiques très accessibles comme une exposition

prestigieuse et accrocheuse consacrée à Vincent Van Gogh ou la réalisation du

musée des Arts et Traditions populaires. Mais au-delà de toutes ces actions ciblées,

la plus importante restait, bien entendu, l’instauration des congés payés qui

permettaient de jouir d’un nouveau temps libre, notamment en l’occupant par des

activités culturelles. Le théâtre était déjà devenu le lieu où s’exprimait et

s’expérimentait le plus cette notion de démocratisation de la culture. Il a pu se

développer grâce à la décentralisation. Une mesure généreuse qui coûtait moins

cher que bien d’autres projets comme la construction de musées ou de bibliothèques

en régions42.

La décentralisation théâtrale

Avant cela, déjà, de 1925 à 1929, Jacques Copeau et les Copiaux ont arpenté

les routes pour amener le théâtre à ceux qui n’y avaient pas accès. On retrouvait

d’ailleurs à cette époque ce même souci prosaïque dans le domaine de la lecture

avec la création des bibliobus qui desservaient les zones rurales. Les Copiaux

1945, p. 357. 42 La Direction des bibliothèques de France est néanmoins fondée à la Libération et permet de centraliser les efforts d'organisation jusque là très éparpillés.

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réalisaient un important travail d’approche et de familiarisation avec le public en

s’installant dans les villages, en participant aux vendanges ou aux grandes fêtes

populaires43, en haranguant la foule comme le faisaient les bateleurs pour vanter leur

spectacle, et en s’inspirant des traditions locales pour monter leurs pièces. Cette

expérience se poursuivit grâce à la "Compagnie des Quatre-Saisons" créée par Jean

Dasté, Maurice Jacquemont et André Barsacq qui choisirent de rester en province et,

en plus, de tourner :

« Un de nos principaux objectifs, c'est l'implantation en province.

Nous entendons par là, non pas promener des tournées rapides

dans les principales villes, mais choisir chaque année une province,

nous y installer pendant quatre mois, prendre d'abord connaissance

avec le pays et ses habitants, composer des spectacles pour ce

public. »44

Les fêtes populaires – largement facilitées par le sous-secrétaire d'État aux

Sports et aux Loisirs du Front populaire, Léo Lagrange – permettaient à la

compagnie de présenter ses spectacles. Les artistes apprivoisaient le public en lui

prouvant qu’ils n’étaient pas si éloignés que ça les uns des autres45. Le Front

populaire ne perdura pas mais force est de constater, avec Pascal Ory, que Vichy

poursuivit la décentralisation théâtrale entamée en 1936. Enfin, Jeanne Laurent,

sous-secrétaire des Spectacles et de la Musique à la direction générale des Arts et

des Lettres en 1946, œuvre pour une démocratisation du théâtre. Alors que les choix

du public populaire se partagent entre grands textes classiques et répertoire du

Boulevard, elle incite différents hommes de théâtre à s’installer en province et invite

les grands critiques de la presse nationale à s’y rendre. Jean Dasté en devient un

des pionniers, d'abord à Grenoble de 1945 à 1947 puis à Saint-Étienne.

La démarche de Jean Dasté à La Comédie de Saint-Étienne est intéressante

ici car elle n’est pas bien différente de l’action d’Art d'aujourd'hui dans son domaine.

L’homme de théâtre commence, en effet, sa programmation par des classiques afin

43 Comme par exemple les célébrations du vin en Bourgogne ; Copiaux vient de la déformation du nom "Copeau" par les Bourguignons. 44 Jean Dasté, Bulletin des Amis du Théâtre des Quatre-Saisons, juin 1937. 45 C’est une démarche que l‘on retrouve ensuite dans Art d'aujourd'hui qui associe artistes et ouvriers.

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de rassurer le public et de l’inciter à venir, tout comme les rédacteurs d’Art

d'aujourd'hui consacrent deux numéros de la première série à des rétrospectives

didactiques sur la peinture et la gravure, puis, l’année suivante, sur la sculpture.

Dasté utilise aussi l’atout de la comédie ; Molière permettant de réunir le classique à

la comédie. Le souci constant de Dasté pour son public le mène à inventer de

nouvelles formes de représentation. Ainsi use-t-il de poésies, chansons, mimes mais

aussi de masques, de musiques et de décors suggestifs pour toucher la population,

soit dans des intermèdes, soit au début du spectacle qui peut être, aussi, une

présentation orale de la pièce à venir. L’important est de donner des repères afin que

chacun puisse ensuite donner libre cours à son émotion. Là encore, on retrouve des

principes d’Art d'aujourd'hui tant dans la manière de soigner la présentation, d’en

inventer des originalités que dans le didactisme. Rien d’étonnant non plus à ce que

Jean Dasté propose rapidement aux enseignants d’initier leurs élèves aux pratiques

théâtrales :

« Avec de nombreux enseignants, nous croyons qu'apprendre à

exprimer avec simplicité et vérité un sentiment ou un texte peut aider

à l'épanouissement des jeunes êtres, but de l'éducation. »46

Le théâtre connaît un grand succès dans l’après-guerre. L’activité de Jean

Vilar, initiateur du festival d’Avignon en 1947 puis directeur du Théâtre national

populaire (TNP) en 1952 au Palais de Chaillot à Paris, en est une belle preuve. Le

festival apparaît comme une bouffée d’enthousiasme salutaire aux Avignonnais, aux

festivaliers et au monde du théâtre. Il se rêve en salles métissées tout comme, plus

tard, le TNP qui propose de grands textes à un large public, mais la réalité n’est peut-

être pas à la hauteur de l’ambition. Vilar considère le théâtre comme un « service

public » qu’il compare à l’eau, au gaz et à l’électricité – tout comme une revue peut

titrer : « L’Art est un service social »47 ! Dans ce but, il favorise les abonnements,

diminue les tarifs mais aussi fait de la sortie au théâtre un acte simple qui ne

nécessite pas de porter costumes et robes de soirée, ou de donner un pourboire aux

46 Archives de la Comédie de Saint-Etienne. 47 Roger Bordier, “L’Art est un service social”, dans Art d’aujourd’hui, 5ème série, n°4-5, mai-juin 1954, p. 13.

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ouvreuses. Tout, depuis le cadre même du théâtre jusqu’aux usages, est revu en

fonction d’un public qui se considère étranger à ce lieu de culture.

Les Cinéclubs

Le cinéma, quant à lui, profite de la starisation des acteurs et actrices48 et

attire les foules. Ce faisant, un mouvement de cinéphiles se développe après les

années de frustration de la guerre durant lesquelles on projetait clandestinement des

films en 16 mm. Ces séances ne faisaient qu’alimenter un peu plus le besoin de voir

du cinéma, devenant de fait acte de résistance. Des cinéclubs se mettent alors en

place, s’organisent, s’associent, certains se fédèrent. Pierre Billard, président de la

Fédération française des Cinéclubs durant les années cinquante, raconte

l’organisation de ces quelques cent quatre-vingts cinéclubs affiliés49, projetant, dans

les cinémas commerciaux des villes, les films fournis par la Fédération (en

provenance de distributeurs ou de la Cinémathèque française)50. Ce qui retient

l’attention ici dans la mise en parallèle de diverses initiatives – tout en ayant celles

d’Art d'aujourd'hui en ligne de mire –, c’est le désir de dialogue et de débat avec le

public à l’issue des projections, la volonté d’accompagner une œuvre et d’en faire

découvrir d’autres, nouveautés et grands classiques. Dans ce but, des stages de

formateurs sont organisés afin de guider les soixante mille adhérents que Pierre

Billard définit comme étant constitués de « beaucoup d'enseignants, de professions

libérales, des personnes un peu cultivées ou ayant envie de le devenir. ».

La Fédération française des Cinéclubs ne propose pas de projections dans les

écoles, les patronages et les campagnes. D’autres associations s’en chargent.

Cependant, le cinéma ainsi amené en tous lieux, accompagné de discussions,

parfois de projets pédagogiques, peine finalement à devenir objet de contemplation

48 Sur le sujet, on se réfèrera à Edgar Morin, Les Stars, Paris, 1972. 49 L’éditorial, non signé, de Cinéma 55 (n°1, novembr e 1954) donne également le chiffre de 60 000 adhérents. 50 Nous nous basons sur les propos recueillis en juin 1999 par son fils Laurent Billard et qui a bien voulu nous en communiquer une copie. De même, sauf mention contraire, toutes les citations proviennent de cette source.

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et de plaisir. D’abord considéré comme un moyen d’exprimer les traumatismes de la

guerre mais aussi une conscience sociale, il devient peu à peu une manière

didactique d’aborder et de diffuser la culture.

« Ce qui voulait dire dans l'esprit du législateur – qui n’était pas celui

des pratiquants – : utiliser le cinéma pour montrer des adaptations

de grands romans, apporter des informations sur la peinture,

informer sur les autres arts et les autres formes de culture par le

moyen de cette technique particulière qui s’appelait le cinéma. Et

non pas développer une culture spécifiquement cinématographique

c’est-à-dire consacrée aux artistes du cinéma. »

Il s’agit alors de l’accompagner pour que de média, le cinéma soit administrativement

reconnu comme art. Pierre Billard crée alors en 1954 la revue Cinéma51 trois ans

après les Cahiers du Cinéma (1951) et deux ans après Positif (1952), « c'est à dire

dans une période qui est celle de la naissance de l'expression par les revues de ce

phénomène de cinéphilie qui mûrissait lentement. » Cinéma cherche à expliquer,

théoriser, exprimer ce qu’est le cinéma sans fort parti pris pour une esthétique

spécifique contrairement aux deux autres revues :

« Il y avait chez nous une volonté pédagogique qui n'était pas chez

les autres. Nous n'étions pas des idéologues, nous ne voulions pas

enseigner une certaine théorie du cinéma, ni choisir celui qui nous

plaisait contre celui qui nous plaisait moins. Nous voulions inspirer

un amour du cinéma en défendant certains films. »

Enquêtes et publications sur la réception de l’art

Le didactisme, la pédagogie, l’accès au plus grand nombre, sont des

questionnements qui non seulement se lisent entre les lignes dans les textes des

critiques mais qui deviennent, aussi, des sujets à part entière. C’est le cas de la

51 Ce titre est suivi de l’année : Cinéma 54, Cinéma 55, etc.

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grande enquête que publie la revue Esprit52 en juin 1950. Parmi les quinze questions

posées aux nombreux artistes interrogés, la première est : « L’art doit-il avoir un

contenu social ? », puis, plus loin : « Le problème de la communication se pose-t-il

pour vous ? – Ou bien pensez-vous que le public doive faire seul et lentement le

chemin qui le sépare de vos œuvres ? – Dans quelle mesure vous suit-il ? ». Enfin,

abordant la querelle entre les partisans d’un art figuratif et ceux d’un art non figuratif :

« Pensez-vous qu’un art réaliste soit plus proche de sa sensibilité ? – Le mot

“réalisme” ne servant qu’à désigner en ce moment une mauvaise querelle, pensez-

vous qu’en vidant celui-ci de tout contenu politique, il puisse exister une expression

valable d’art […] au moyen de laquelle l’artiste puisse être entendu du plus grand

nombre ? » Ainsi, près de la moitié des questions concerne le rapport entre l’art et le

public. De même, avec cette autre grande enquête en deux parties parue dans

Preuves53 en avril et mai 1952 qui se construit également autour d’un questionnaire

proposé à des artistes et des critiques. Neuf points sont abordés, et parmi eux :

« L’art doit-il être accessible aux masses ? – Quels moyens proposez-vous pour

renouer le dialogue entre l’artiste et son public ? – Est-il prouvé que le réalisme

socialiste soit voulu par le peuple, exigé et défini par lui ? »

En 1945, déjà, paraît Les Problèmes de la peinture54, un recueil de textes de

différents critiques dont la préface insiste déjà sur la séparation entre public et art :

« On finit par trouver naturel et on a grand tort, le divorce entre public

et artistes, tout en se méprenant sur ses causes, et en

méconnaissant sa gravité. […] Le temps que nous vivons est une

transition vers un monde plus ou moins proche où art et société se

conjugueront. »55

L’analyse qu’en donne Raymond Cogniat est très réaliste, sans concession et sans

illusion. Il fustige les hommes politiques qui vantent dans leurs discours la culture et

52 Camille Bourniquel, "Réalisme et réalité : enquête sur la peinture", dans Esprit, n°168, juin 1950, pp. 897 à 960. 53 "Enquête sur le réalisme socialiste", dans Preuves, n°14, avril 1952, pp. 6 à 11, et n°15, mai 1952, pp. 46 à 53. 54 Sous la direction de Gaston Diehl, éditions Confluences à Lyon. L’avant-propos précise que ce livre devait sortir en juin 1944 mais que des problèmes d’ordre matériel ont retardé sa publication. 55 Préface (datée de juin 1944) de René Tavernier à Les Problèmes de la peinture, op. cit., pp. 12 et 13.

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le rayonnement de la France mais qui, dans les faits, ne considèrent pas les artistes

à leur juste valeur. Toutefois, il ne s’en tient pas à ces boucs émissaires tout trouvés

et conclut son texte de manière un peu surprenante, loin des constats de

compassion pour le petit peuple :

« Les amateurs de ce que nous appelons la bonne peinture, le bon

théâtre, la bonne littérature, c’est un très petit nombre, une manière

de cercle fermé […]. Le grand public considère ce cercle avec un

respect ironique, pensant que l’accès lui en est fermé, mais n’ayant

d’ailleurs nullement l’intention de faire un effort, si petit soit-il, pour

tenter d’y accéder ou de pénétrer dans la compréhension des

œuvres. »56

Parmi les différentes parties qui découpent l’ouvrage, la huitième se nomme

"La Peinture langage public" et les titres de plusieurs articles se montrent éloquents :

"L’Art de la collectivité"57, "L’Art et la vie collective – Il y a une centaine d’années, l’art

s’est séparé de la vie – A quelles conditions l’artiste et le public pourraient se

réconcilier ?"58, "La Peinture murale"59 ou encore "L’Art dans la société

contemporaine"60. A cette récurrente question de l’art et de la société, Gaston Diehl,

qui affirme : « Pourtant, qu’on le veuille ou non, la peinture est d’ordre public »61,

avance une solution très prosaïque. Il voit l’évidente occasion de renouer le lien entre

création et quotidien dans la nécessaire reconstruction de cette période d’après-

guerre :

« […] Devant l’ampleur des tâches qu’offrira demain la reconstruction

de la France, devant cette possibilité presque unique dans l’histoire

de redonner à la peinture murale sa place légitime et prépondérante,

les artistes comprendront-ils leur devoir – car ils ont aussi des

devoirs – ? Sauront-ils s’intégrer moralement et non pas seulement

56 "L’Art dans la société contemporaine" dans Les problèmes de la peinture, op. cit. p. 389. 57 Gaston Diehl, op. cit., pp. 347 et 348. 58 Roger Lesbats, op. cit., pp. 349 à 361. 59 André Fasani, op. cit., pp. 368 à 372. 60 Raymond Cogniat, "L’Art dans la société contemporaine", op. cit., pp. 385 à 390. 61 Op. cit., p. 347.

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par la spéculation, dans une collectivité dont ils font partie bon gré

mal gré ? »62

Différents textes des Problèmes de la peinture cherchent à établir une

chronologie de la séparation de l’artiste avec la société. Ils expliquent comment, du

Moyen Âge à nos jours, l’art s’est éloigné du collectif pour aller vers l’individu, et

s’arrêtent surtout sur la nécessité de recréer ce lien. Roger Lesbat63 situe la rupture

au XIXème siècle. Il explique que pour réaliser ses créations, l’artiste n’a pu s’appuyer

que sur une petite partie de la population, forcément cultivée, et non sur le peuple.

Mais les encouragements et les commandes de ces amateurs d’art suffisaient à

motiver l’artiste et les œuvres existaient. Au XIXème siècle, ce mécénat cessa et

l’artiste, face à sa solitude, se mit à créer pour lui même. Raymond Cogniat, quant à

lui, propose une évolution plus graduelle. Partant de l’art religieux médiéval

s’adressant aux foules afin de servir la foi en l’Eglise, il regrette qu’avec la

Renaissance, l’artiste se mette au service d’une certaine classe sociale, puis que le

XIXème siècle le renferme sur lui-même. Parlant de l’art, Cogniat résume ainsi son

évolution :

« Il a donc, à ses origines, exprimé une pensée collective, puis le

raffinement de mœurs d’une société plus restreinte, puis enfin les

préoccupations d’un individu, l’auteur. Autrement dit, il s’est de plus

en plus éloigné du grand public pour mieux satisfaire l’individu. » 64

Les Peintres témoins de leur temps

On retrouve cette recherche d’une époque coupable dans les textes de

Fernand Léger. Ainsi, en 1946, sa conférence L’Art et le peuple65 condamne la

Renaissance par deux fois. Dans ses déclarations précédentes, déjà, l’artiste

reproche à cette période d’avoir installé durablement la confusion entre art et copie

62 Ibid., p. 348. 63 Op. cit., p. 355. 64 Op. cit., pp. 387 et 388.

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parfaite de la réalité. Avec ce texte, il l’accuse également d’avoir favorisé

l’émergence du tableau de chevalet dont la contemplation ne peut être sinon

absolument solitaire, du moins privilégiée. Dans son désir de toucher le peuple,

Fernand Léger fait partie de l’association "Les Peintres témoins de leur temps" à

laquelle une exposition au musée national d’Art moderne est consacrée. Et l’on peut

le voir dans Art d'aujourd'hui photographié devant le car qui le mène dans les usines

et sur les chantiers, puis montant sur une échelle. Léon Degand critique vivement la

démarche, mettant en garde contre un art trop proche d’un certain quotidien du

travailleur, le quotidien pittoresque, le plus plastique, esthétique, que l’on expose à

des artistes venus en groupe :

« Que n’ont-ils regardé le boulot du guichet dans une administration,

une banque, une agence de voyages, un bureau de poste. C’est

moins grandiose certes. Comme c’est gai de distribuer des timbres

poste et d’inscrire des mandats dans un registre à longueur

d’années, en se disant qu’aucune révolution ne modifiera rien, mais

rien de rien, à ce genre de récréation ! Cela aussi, pourtant, c’est du

travail. » 66

Degand se demande enfin si, considérer que pour plaire aux foules, il faut leur

montrer leur quotidien, prend bien en compte le besoin de poésie et d’évasion de

chacun.

Michel Ragon qui dit aujourd’hui avoir vécu ces expériences artistiques

comme un rejet et les avoir trouvées « ridicules »67, se fait ironique :

« Les peintres qui se voulaient témoins de leur temps furent

emmenés en autocar peindre les ouvriers dans les usines, les

paysans dans les champs, les concierges dans leurs loges, l’heure à

l’horloge parlante, etc. Ceci tombait fatalement dans le tableau

d’histoire genre : Le 18 mars 1871. Victor Hugo mène au Père-

Lachaise le corps de son fils Charles. Les fédérés présentent les

armes en entrouvrent les barricades pour laisser passer la gloire et

la mort. Plus tard, les “peintres témoins de leur temps” qui, chaque

65 Fernand Léger, "L’Art et le peuple", dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, p. 250. 66 "Les Peintres témoins de leur temps" dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°4, mars 1951, p. 29.

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année, obéissaient à un thème de circonstance, s’appliquèrent à

décrire le “bonheur” qui, comme chacun le sait, est bien l’une des

caractéristiques majeures de notre temps. Mais là encore,

resurgissait l’antagonisme entre les tenants du réalisme bourgeois et

les supporters du réalisme socialiste. Il ne fallait pas que ce salon

continue à nous montrer, sous prétexte de réalisme, des prolétaires

écrasés par le capitalisme. Les peintres témoins de leur temps ont

su faire preuve de discipline. Ils ont prouvé que le bonheur n’était

pas seulement la propriété du réalisme socialiste soviétique. »68

Le réalisme socialiste s’inquiète lui aussi d’un art séparé de la société. On le

voit dans la revue Arts de France qui promeut des propositions autres que le tableau

de chevalet (peinture murale, tapisserie, etc.). Dans son texte consacré à ce

périodique, Jean-Philippe Chimot explique que pour resserrer ce lien distendu,

« la revue se préoccupe aussi de redéfinir une conception du musée,

une politique de l’éducation artistique (l’un et l’autre, ouverts à tous,

c’est-à-dire populaires). »

Il ajoute parmi les objectifs de la revue :

« toucher un public populaire, privé des rapports à l’art ; conviction-

souhait que l’histoire influe directement – événementiellement – sur

l’art ; désir de libérer l’art des galeries d’art et de le faire sortir dans

les lieux publics à la rencontre d’un large public. »69

L’architecture n’est pas non plus absente de la revue qui l’envisage aussi sous le jour

de la Reconstruction. Ici, dans Arts de France, la solution se trouve dans le style : le

réalisme socialiste.

67 Entretien avec Michel Ragon, voir annexe VIII. 68 Cinquante ans d’art vivant, Paris, 2001, p. 53. 69 Jean-Philippe Chimot, "Avatars de la théorie de l’art dans Arts de France (1945-1949)", dans Art et Idéologies : l’art en Occident, 1945-1949, Saint-Etienne, 1978, p. 147.

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c. Un autre point de vue : le réalisme socialiste

Cette doctrine plastique imposée aux artistes communistes français par

Andreï Jdanov en 1947 défend l’idée que pour rapprocher la création et le peuple, il

faut que l’œuvre soit immédiatement compréhensible par un public populaire. Pour

ce faire, les créations doivent être figuratives et leurs thèmes, extraits des

préoccupations quotidiennes du public visé ou d’événements liés à l’actualité du parti

communiste, tout en dénonçant sans équivoque la société capitaliste :

« Le réalisme socialiste doit exprimer une conception positive,

optimiste, d’un monde divisé en deux camps, où le triomphe du bien

est programmé par l’Histoire. Cet art expose une leçon, il doit être

didactique, clair, sans préoccupations formalistes. Il rend lisibles les

mots d’ordre du Parti et contribue à les faire appliquer. »70

Cependant, au sein même du Parti, le réalisme socialiste ne satisfait pas tout le

monde et provoque débats, embarras voire ruptures. Serge Guilbault dans son

incontournable ouvrage Comment New York vola l’idée d’art moderne71, relate un

échange entre Louis Aragon et Roger Garaudy par revues interposées. Ce dernier

écrit en effet en novembre 1946 dans Arts de France un article ayant pour titre

“Artistes sans uniformes” dans lequel il dément que le PCF impose une esthétique

aux créateurs, quels qu’ils soient. Cela lui apparaît comme une violation du droit le

plus élémentaire de l’artiste : celui de composer librement. Pourtant, Aragon lui

répond avec “L’Art, zone libre ?” dans les Lettres françaises du 29 novembre 1946 :

« Le Parti communiste a une esthétique, et elle s’appelle le réalisme. » L’art ne serait

donc pas une zone libre.

70 Jean-Pierre A. Bernard, "Le Paris des camarades", dans Paris 1944-1954, Paris, 1995, p. 234. 71 Nîmes, 1996. Les extraits d’articles cités ici se trouvent en p. 171 du livre de Serge Guilbault.

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Les contradictions Picasso et Léger

Ainsi, que dire de l’adhésion très médiatisée de Picasso, artiste insoumis et

inlassable expérimentateur de son art ? Cette contradiction trouve son acmé en 1953

à la mort de Staline, avec le portrait qu’en fait Picasso à la demande d’Aragon pour la

une des Lettres françaises72. L’hommage de l’artiste au Petit Père des peuples est

loin d’être conforme aux attentes des Communistes (dirigeants, intellectuels et

nombre d’adhérents). A cela s’ajoute un autre malaise. Comme l’explique Lucie

Fougeron : « Ce portrait […] a perdu tout sens de la propagande de masse, alors

que les responsabilités qui lui sont confiées sont essentiellement des responsabilités

de propagande »73. Ce qu’elle qualifie de « contorsions auxquelles doit se livrer le

Parti communiste français pour vouloir chevaucher deux montures : enrôler le plus

grand nombre possible de non-communistes et préserver la force révolutionnaire du

parti »74 se constate dans des cas divers.

Michel Seuphor le met en évidence dans une critique de l’exposition à la

Maison de la Pensée française de l’autre grand artiste français du PCF, Fernand

Léger :

« Trois grandes salles représentant le fruit de deux ans de labeur.

Réalisme social peut-être. Mais cela ne veut pas dire que les

dirigeants actuels de Moscou le trouveraient suffisamment

académique pour leur goût. »75

L’artiste partage avec le Parti la réticence envers un art abstrait accessible à tous :

« On a beaucoup critiqué l’Art pour l’Art (c’est-à-dire sans sujet), et

l’Art abstrait (c’est-à-dire sans objet) mais il semble bien que leur

temps va finir. Nous assistons à un retour au grand sujet, qui soit

compréhensible au peuple. »76

72 Pour une étude détaillée de l’affaire, voir Lucie Fougeron, "Une « affaire » politique : le portrait de Staline par Picasso" dans Communisme, n°53/54, 1998, pp. 118 à 149. 73 Op. cit., p. 122. 74 Ibid, p. 123. 75 "Léger", rubrique "Expositions à Paris", dans Art d'aujourd'hui, 5ème série n°8, décembre 1954, p. 31. 76 "Peinture murale et peinture de chevalet (1950)" dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, p. 279. Les citations qui suivent sont extraites du même texte, pp. 277 à 283.

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Il émet de fortes réserves lorsque l’art non figuratif s’applique au tableau de chevalet

mais lui reconnaît des « possibilités […] illimitées pour le mural », pratique qu’il

préconise pour toucher les ouvriers jusque dans leur quotidien. Fernand Léger voit

pourtant bien que la dichotomie ne se situe pas entre abstrait et figuratif mais bien

entre bonne et mauvaise peinture. La chose est complexe : on ne donne pas les

moyens au public populaire de juger une œuvre alors il va le faire « par

comparaison ; "la main la mieux imitée est la plus belle", ce qui est faux. ». Ainsi,

dans une volonté d’éducation à l’art, il est impératif d’apporter à ce public de

véritables repères, ce que le réalisme socialiste ne permet pas puisque se

concentrant sur « les moyens pour […] toucher [le peuple] ». Il va plus loin : « En

Russie on ne cherche pas la qualité, mais l’efficacité. Peut-être est-ce nécessaire, je

n’en sais rien. Mais pour nous c’est dramatique. » Dans ce texte, Fernand Léger

exprime en une phrase le malaise que provoque la doctrine esthétique du parti

communiste :

« Il y a malheureusement une chose certaine : c’est que dans cette

évolution de l’œuvre d’art, la qualité est secondaire pour ceux qui

dirigent le seul mouvement social intéressant de notre époque. »

Ce sont pourtant des arguments esthétiques que donne Louis Aragon

lorsqu’en conclusion du Salon d’automne de 1953, le Comité central se détache du

réalisme socialiste. L’imposante toile d’André Fougeron, Civilisation atlantique, sert

alors de bouc émissaire :

« Je ne veux pas ici me livrer à la description de ce tableau, parce

que, ramené à des mots, il deviendrait plus consternant que nature

[…]. Tous les moyens ne sont pas bons à évoquer ce qui touche à

l’honneur de la France. »

Quels sont donc ces moyens décriés par l’auteur ? Une insuffisance dans le

réalisme, le fini, l’absence de travail bien fait, d’académisme aussi. Le tableau de

Fougeron n’est certes pas subtil dans sa démonstration, sacrifiant la finesse à un

anti-impérialisme américain ostentatoire, mais notons qu’Aragon n’argumente à

aucun moment vers des positions avant-gardistes :

« Mais l’invraisemblable ici, c’est la peinture même, hâtive, grossière,

méprisante, du haut d’une maîtrise qu’on croit posséder une fois

pour toutes, la composition antiréaliste, sans perspective vraie, par

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énumération de symboles sans lien, sans respect de la crédibilité.

[…]

Il faut dire halte-là à André Fougeron. »77

L’ambiguïté du PCF

Le PCF bénéficie après-guerre de l’aura de la Résistance ; on l’appelle « le

parti des fusillés » et il se présente comme étant le parti du progrès. De nombreux

artistes et critiques se reconnaissent dans les valeurs du PCF ainsi que dans cette

notion de progrès mais refusent de voir son application dans le réalisme socialiste.

Jean-Paul Ameline relate cette anecdote :

« Par exemple à l’Atelier d’art abstrait, Dewasne fait une

conférence : La Peinture et le matérialisme historique78. Il y explique

que l’art abstrait c’est le progrès, que la dictature du prolétariat c’est

le progrès et que le parti qui est sensé incarner ce double progrès ne

l’incarne que partiellement. D’où une sorte de malaise chez les

artistes et chez les critiques d’art qui sont souvent des gens de

gauche, des gens militants et qui se retrouvent dans un parti qui

défend des options sectaires, hyper-figuratives, hyper-

traditionalistes, les mettant en opposition complète avec ce parti. »79

Ce malaise, redoublé par un changement de position du PCF vis-à-vis de l’art, se

trouve exprimé par la plume du peintre Auguste Herbin, vice-président du Salon des

Réalités Nouvelles, lorsqu’il en rédige le Premier Manifeste en 194880 :

77 "Toutes les couleurs de l’automne", dans Les Lettres françaises du 12 novembre 1953. Texte cité dans Aragon, Ecrits sur l’art moderne, Paris, 1981, pp. 115 à 135. 78 Il s’agit, plus précisément, du Matérialisme dialectique et l’art abstrait, prononcé le 21 janvier 1952, dont Art d'aujourd'hui propose un résumé rédigé par l’auteur dans la livraison de février-mars 1952. 79 Entretien réalisé le 30 mai 2000, dans le cadre d‘un mémoire de maîtrise sur la revue Cimaise, sous la direction de Philippe Dagen, Université Paris 1. 80 Herbin écrit ce manifeste avec Félix Del Marle ainsi que l’atteste son courrier du 24 septembre 1948 envoyé à Frédo Sidès, président du salon. Cité par Domitille d’Orgeval dans "L’Abstraction géométrique au Salon des Réalités Nouvelles de 1946 aux années 2000. L’histoire d’une incessante conquête", dans Permanence de l’abstraction géométrique aux Réalités Nouvelles, Tours, 2007.

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« Contrairement à ce qu’il était permis d’espérer, le Parti

communiste, sans raisons valables, a cru bon de prendre une

position d’hostilité contre l’Art abstrait non objectif. Sans appuyer sur

la contradiction de cette attitude avec celle de ses premiers

dirigeants, nous persistons à considérer que toute démagogie en art

engendre infailliblement l’idolâtrie qui conduit à l’esclavage et nous

revendiquons plus que jamais la liberté d’expression et la réalisation

d’un art que nous considérons comme le plus humain et le plus apte

à élargir, approfondir la conscience de l’Homme, contribuant ainsi à

sa libération, tant sur le plan matériel que sur le plan spirituel. »

D’autres artistes abstraits se trouvent dans cette situation inconfortable. La lettre de

Jean Leppien du 4 octobre 1948 en réponse à Auguste Herbin montre à quelles

absurdités il doit faire face :

« C’est une question qui me tracasse et chagrine sans cesse en tant

qu’ex-militant communiste depuis toujours et jusqu’à la guerre que

de voir l’incompréhension et l’hostilité du parti envers la peinture

abstraite. Je suis persuadé de faire un boulot révolutionnaire. Même

s’il n’est pas admis et reconnu comme tel. Ce qui est encore plus

grotesque en somme c’est que j’ai dû quitter l’Allemagne en tant

qu’élève du Bauhaus et en tant que peintre abstrait donc persécuté

comme faisant du “Kulturbolchevism” et que maintenant on sort les

mêmes arguments stupides, agrémentés d’une autre sauce, de

l’autre côté. »81

Les critiques ne sont pas en reste : Léon Degand qui a été jusqu’en 1947 un

rédacteur important des Lettres françaises, dans lesquelles il défendait l’abstraction,

s’oppose fermement aux conclusions dont découle le réalisme socialiste. On peut lire

ses notes prises alors qu’il écrit toujours pour le périodique communiste :

« L’art et le peuple : […] Le fond de la question est ce postulat qu’il

est moral que l’art soit compris par le peuple, qu’il y a là un caractère

81 Véronique Wiesinger, "Paris après-guerre, les artistes, les critiques et les galeries", dans Abstraction en France et en Italie 1945-1975. Autour de Jean Leppien, Paris, 1999, p. 46 et 47. Archives des Réalités Nouvelles.

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d’obligation ; et qu’il est immoral que l’art ne puisse être compris que

d’une minorité […].

Ce postulat résulte de l’esprit démocratique qui [veut ?] que tout soit

mis à la disposition de tous, c’est-à-dire, conclut-on hâtivement, à la

portée de tous. »82

Ainsi ce n’est pas l’art qui doit devenir accessible mais le public qui doit pouvoir y

accéder. De ce désaccord originel avec la doctrine plastique communiste – qui se

fonde sur la différence à établir entre la mise à la portée de tous de la création et sa

mise à disposition de tous – réside la notion de qualité de l’œuvre d’art. Si les

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui s’opposent à cette esthétique, ce n’est pas tant pour sa

figuration mais parce qu’elle demeure conservatrice et portée par des talents très

divers. En 1952 Léon Degand note d’ailleurs dans son introduction à l’ouvrage phare

Témoignages pour l’art abstrait : « Un chef-d’œuvre figuratif vaudra toujours mieux

qu’une médiocrité abstraite. La qualité importe avant la tendance. »83 Et, comme il a

été vu plusieurs fois, les pages de la revue ne sont pas fermées aux artistes

figuratifs84.

Un art de propagande

Maurice Fréchuret rapporte qu’en 1948 le tableau d’André Fougeron,

Parisiennes au marché, est considéré par Georges Limbour, dans Les Temps

modernes de novembre 1948, comme le « plus mauvais tableau du monde »85. Au-

delà de la constatation de la piètre qualité des œuvres, Léon Degand met l’accent

82 Carnet de Léon Degand n°9 - 1944 / juillet 1946. L a date de cet écrit reste en revanche illisible. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand. Les mots soulignés sont ainsi dans le carnet. 83 En p. 11. 84 Le cas de Picasso est intéressant à ce sujet : on peut lire toute l’admiration de Léon Degand pour l’artiste dans les critiques qu’il écrit contre lui quand, à ses yeux, ce dernier se perd dans le militantisme communiste - "Le Salon de mai", rubrique "Les Expositions", dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°6, juin 1951, p. 28 et "L’Exposition Picas so au musée d’Art moderne de Rome", dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°5, juillet 1953, p. 14. 85 "Les Formes engagées", dans Face à l’histoire, Paris, 1996, p. 231.

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sur la propagande dont elles sont chargées. Sa réflexion le mène toujours à la même

constatation :

« De bonnes affiches seraient beaucoup plus efficaces »86, « Il serait

beaucoup plus efficace pour la cause, bien que moins glorieux pour

le peintre, que Fougeron fit de bonnes affiches qui, bien en vue dans

nos rues et tirées à des milliers d’exemplaires, frapperait l’attention

de millions de citoyens »87 ou encore « L’affiche sert bien mieux la

propagande. »88.

Pour le critique, il s’agit là d’une évidence, celle qui consiste à adopter les moyens

les plus radicaux et les plus modernes pour servir au mieux la cause que l’on

défend :

« A notre époque, de même qu’on ne voyage plus dans une voiture à

chevaux quand on est pressé, il ne convient plus de peindre des

tableaux, même réalistes et vengeurs, quand on veut faire

efficacement de “l’art social”. »89

Et à propos de l’exposition Fougeron à la Galerie Berheim : « Cette propagande en

chambre, dans une galerie du Faubourg Saint-Honoré, est dérisoire. A temps

moderne, moyens modernes. »90 Or, on a affaire ici à une esthétique qui détourne le

public populaire de la véritable avant-garde avec des réalisations médiocres dans le

seul but de servir une cause qui serait bien mieux portée par l’affiche… La perception

que Léon Degand a du réalisme socialiste tient certainement dans cette phrase :

« Cette peinture est donc inutile. »91

Il faut ajouter ici un autre point de discorde entre les partisans des deux

camps : le réalisme socialiste reste attaché à une technique et à une forme, elles

aussi anachroniques aux yeux des rédacteurs d’Art d'aujourd'hui : celles du tableau

de chevalet. Sarah Wilson y lit le lien filial qu’établissent les adhérents à la doctrine

communiste entre leurs œuvres et celles de Jacques Callot, Francisco Goya, Honoré

86 "L’Air de Paris", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non paginé. 87 "Fougeron" rubrique "Les Expositions", dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°4, mars 1951, p. 31. 88 Abstraction Figuration : langage et signification de la peinture, Paris, 1988, p. 253. 89 Ibid. 90 Op. cit., Art d'aujourd'hui, mars 1951. 91 Op. cit., Art d'aujourd'hui, novembre 1949.

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Daumier et Gustave Courbet92. Cela, sans admettre, peut-être sans vouloir

l’admettre, que le tableau de chevalet est inextricablement dépendant de la notion de

propriété, voire de luxe. Félix Del Marle, quant à lui, détermine « la véritable

“Peinture Réaliste Sociale” » 93, elle se résume en ces mots : « la Couleur

architecturée ».

« [Celle] devenue à la fois Abstraite et Concrète, Individuelle et

Universelle, elle est en outre la plus “grave” des manifestations

picturales de notre époque, et requiert l’attention de tous ceux qui se

préoccupent de l’Homme et de ses futures – et sans doute

prochaines – conditions d’existence ».

Cette « couleur dans l’espace » s’adresse à tous, ne se préoccupe pas de

propagande mais « des influences thérapeutiques et psychiques de la couleur sur

l‘Individu et sur les Masses ».

Art d'aujourd'hui et le réalisme socialiste

Art d’aujourd’hui évoque cependant assez peu le réalisme socialiste dans ses

pages ou alors par allusions comme c’est le cas dans le texte de Félix Del Marle. De

manière générale, les articles paraissant dans la revue se positionnent rarement

contre quelque chose. Hormis un certain acharnement de Léon Degand sur le musée

d’Art moderne à Paris, les rédacteurs utilisent leur tribune pour la création qu’ils

défendent plutôt que contre un art qu’ils critiquent. Art d’aujourd’hui n’est pas une

revue polémiste. Le texte de Julien Alvard, "Le Réalisme socialiste au Salon

d’automne"94, met tout de suite en évidence le malaise que crée le réalisme

socialiste pour les nombreux artistes et critiques communistes (ce qui n’est d’ailleurs

pas le cas de Julien Alvard) n’adhérant pas à l’esthétique prônée par le Parti. Le

rédacteur commence son article en évoquant le cas de Picasso au Salon d’automne

92 "1937 Problèmes de la peinture en marge de l’Exposition internationale", dans Paris-Paris 1937 1957, op. cit., p. 74. 93 "La Couleur dans l’espace", dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°5, avril-mai 1951, p.12 et 13. 94 Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, non paginé.

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de 1944. L’artiste vient d’adhérer au PCF – le 5 octobre – et pour la première fois,

non seulement il peut participer au Salon, mais en plus, une exposition personnelle

lui est consacrée. Ses œuvres déroutent la plupart des visiteurs mais les militants

font bloc malgré l’incompréhension qu’elle suscite chez nombre d’entre eux. Cinq ans

après, Picasso n’expose plus au Salon et Alvard le juge « bien inspiré », faisant

remarquer qu’ainsi, « il épargne à [ceux qui l’avaient soutenu,] qui prônent

aujourd’hui la peinture de Fougeron les affres d’une pénible contradiction. »95

On le comprend bien vite, le Salon d’automne est un prétexte que se donne

Julien Alvard pour aborder le délicat sujet du réalisme socialiste96. Le texte met en

garde contre cette esthétique en interrogeant les condamnations émises par le PCF.

Pour cela, il définit ce que les théoriciens de cette doctrine appellent « l’art

formaliste », et cite :

« Par ses racines et ses prolongements, dit M. Fried dans la tribune

des Arts de la revue Etudes soviétiques (octobre 1948), l’esthétique

formaliste s’intègre dans l’idéologie de l’individualisme bourgeois. Le

mépris hautain que les décadents affectent pour le monde extérieur

masque avantageusement leur hostilité envers les masses

populaires et la terreur de voir menacées leurs positions

privilégiées. »

Julien Alvard est révolté par de tels propos. Il sait combien la vie d’un artiste d’avant-

garde peut se révéler difficile et solitaire, bien éloignée des milieux bourgeois qui

d’ailleurs rejettent l’abstraction. C’est presque un procès que le critique fait aux

théoriciens du réalisme socialiste. Il explique que leur doctrine a été introduite en

France par l’intermédiaire de Jdanov, Fougeron, puis Milhau. Il reproche

essentiellement au réalisme socialiste une esthétique trompeuse pour celui qui

l’apprécie car ce n’est là que l’outil d’une propagande, incapable d’éduquer le

regard :

95 Ibid. 96 Sarah Wilson dans son texte "La Vie artistique à Paris sous l’Occupation" (Paris-Paris 1937-1957, op. cit.) écrit : « Après 1948, le Salon d’automne devint, ironie du sort, la scène privilégiée du réalisme socialiste. », p. 156.

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« Mais qu’on fasse croire à ceux qui n’ont aucun moyen de se

défendre, et c’est le cas de la totalité du grand public, qu’ils ont sous

les yeux l’art de l’avenir, c’est un abus de confiance sans excuse. »97

C’est encore Julien Alvard qui pose la question : « Que pensez-vous du

réalisme socialiste ? » lors d’une "Enquête auprès des jeunes artistes"98. Sur les

onze avec lesquels le critique s’entretient, cinq ne se sentent pas concernés par le

problème : « Je sais qu’il existe mais je ne m’en occupe pas »99, « Il m’est difficile de

répondre, c’est une idée qui ne m’est pas venue à l’esprit »100, « Je n’y ai jamais

vraiment réfléchi parce que je n’en éprouvai pas le besoin. Je crois que c’est une

question qui ne devrait pas être à l’ordre du jour »101, « Je comprends qu’on s’y

intéresse mais je laisse cela aux autres »102, ou encore : « Le problème ne se pose

pas pour moi. »103. Soulignons simplement que quatre de ces cinq réponses (citées

dans leur intégralité), d’une provocante indifférence sont celles d’artistes nord-

américains, pays où le maccarthysme sévit violemment. Quant à Denise Chenay, si

elle ne se préoccupe pas du réalisme socialiste, on comprend en la lisant que c’est

parce que tout son combat se situe dans la reconnaissance des artistes femmes.

Les autres réponses ne montrent pas un engagement particulier des créateurs

mais certaines renseignent sur la vision du problème à l’étranger. Cujawski, peintre

né en Pologne, raconte qu’il ne peut plus retourner dans son pays, à moins qu’il ne

renonce à exposer. Ceux qui y peignent selon les principes du réalisme socialiste

sont les mêmes qui pratiquaient auparavant une peinture officielle ; « Ils n’ont eu

qu’à changer les thèmes et les personnages. » Le peintre italien Guerrini, quant à lui,

explique que le parti communiste italien « soutient la jeune peinture abstraite ». Il

avance que le réalisme socialiste peut se justifier en URSS qui ne possède pas une

esthétique propre contrairement à l’Europe occidentale. Pour lui, si le PCF ne voit

pas que la peinture abstraite est une réponse à « la lutte contre l’idéologie

97 Op. cit. 98 Dans Art d’aujourd’hui, 1ère série, n°10-11, mai-juin 1950, pp. 19 à 22. 99 Léo Zimmerman, peintre, « venu à Paris comme G.I. ». 100 Shinkichi Tajiri, sculpteur, « venu à Paris comme G.I. ». 101 Denise Chenay, peintre, née en Algérie. 102 Sager, sculpteur canadien. 103 Robert Beer, peintre, « venu à Paris comme G.I. ».

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bourgeoise », c’est que ses membres ne sont pas des professionnels. Il donne

l’exemple d’Aragon. Julien Alvard conclut cette première partie de l’enquête en

mettant l'accent sur le désintérêt des artistes pour le réalisme socialiste, ajoutant qu’il

espère approfondir la question avec ceux adhérant à cette esthétique. Cela ne se

fera pas, en tout cas dans les pages d’Art d’aujourd’hui104. D’ailleurs, dans la

seconde partie de son enquête105, le critique décide de ne plus poser la question du

réalisme socialiste, « qui paraît déjà une vieille histoire hors d’usage. »

De manière plus mordante, Léon Degand écrit sa "Lettre à quelques peintres

figuratifs que guette l’abstraction"106. Elle s’adresse essentiellement aux artistes que

l’on regroupe sous l’appellation, « la nouvelle école de Paris »107. Il s’arrête aussi sur

le cas d’Edouard Pignon qu’il considère sans qu’il y ait de doute pour lui, comme un

bon peintre : « Nul, même parmi les Abstraits les plus intransigeants, ne songe à nier

le véritable tempérament de peintre de Pignon. » Degand regrette que l’artiste se plie

à l’esthétique du PCF mais remarque que son tempérament l’emporte dans ses

dernières peintures réalisées sur le thème des oliviers. Le critique lit dans ces

œuvres une lutte entre la volonté de Pignon de suivre la ligne donnée par le Parti, et

ses ambitions artistiques qui le poussent vers des recherches formelles. Léon

Degand clôt son paragraphe en montrant l’inextricable situation de l’artiste : « Qui

trompe-t-il ? Son épouse figurative ? Ou sa maîtresse abstractisante ? Le Parti ? Ou

la peinture ? Ou lui même ? »108

Arts de France et Art d'aujourd'hui : des buts communs

Et pourtant, malgré ces différences stylistiques, il faut bien revenir aux

similitudes de buts évoqués dans la partie précédente. Jean-Philippe Chimot a livré

104 Ni dans celles de Cimaise. 105 Julien Alvard, "Enquêtes auprès des jeunes artistes", dans Art d’aujourd’hui, 2ème série, n°2, novembre 1950, pp. 20 et 21. 106 Dans Art d’aujourd’hui, 3ème série, n°5, juin 1952, pp. 1 à 5. 107 Lapicque, Le Moal, Bazaine, Estève, Singier, Manessier et Tal Coat. 108 Ibid. p. 3. Dans le même numéro, une critique du Salon de mai lui permet de revenir sur cette idée pour la résumer en une phase : « Pignon caractéristique : 50 % pour le peintre (les déformations expressives), 50% pour le Parti (le sujet) » p. 26.

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dans les actes du colloque Art et Idéologies cités plus haut, une approche de la

revue communiste Arts de France en dégageant notamment les ambitions, et les

moyens mis en œuvre pour les réaliser109. Si l’on s’arrête sur les grandes lignes

d’Arts de France et Art d’aujourd’hui, on sait qu’elles partagent un même dessein :

celui d’un art plus proche d’un public populaire à qui la création ne s’adresse

généralement pas. Pour cela, les deux revues envisagent de faire sortir l’art dans la

rue. A cela s’ajoute, pour Arts de France, le désir de voir l’artiste s’impliquer dans

l’actualité et d’en rendre compte dans ses œuvres ; et pour Art d’aujourd’hui, la

reconnaissance de l’abstraction et la nécessité de la synthèse des arts.

Les revues emploient des moyens assez similaires pour atteindre leur but en

privilégiant le didactisme, en donnant des notions d’histoire de l’art à leurs lecteurs,

en laissant la parole à des artistes reconnus, en abordant largement les techniques

artistiques, en réfléchissant sur le devoir des musées et la nécessité d’une éducation

artistique ouverte à tous. Importance est également attribuée à diverses formes d’art

telles que la gravure, la tapisserie ou la peinture murale, et une attention toute

particulière est apportée à l’architecture et à l’urbanisme. Cela s’explique par la

période de reconstruction dans laquelle s’inscrivent ces revues. Art d’aujourd’hui

associe à cela une mise en page attractive avec, notamment, de nombreuses

illustrations. Ensuite, bien sûr, chaque revue défend ses orientations esthétiques par

des entretiens d’artistes qu’elle affectionne, par les critiques d’expositions, par les

informations qu’elle livre. S’opposer ouvertement à ce que l’on n’aime pas reste une

façon d’affirmer ses opinions. Les deux revues, sans en abuser, en usent cependant,

et c’est ainsi que les rédacteurs d’Arts de France, comme d’autres, considèrent

l’abstraction comme l’art d’une élite sociale. Ceux d’Art d’aujourd’hui y répondent

indirectement par des articles montrant la vie difficile des artistes abstraits, leur

manque de moyens pour vivre, l’incompréhension de leurs concitoyens face à leur

travail, et établissant, de surcroît implicitement, une comparaison entre l’artiste et

l’ouvrier.

De son côté, Art d’aujourd’hui voit l’attachement au réalisme comme un

ancrage dans la tradition picturale, et non comme une évolution sociale. Il condamne

109 Pour ce qui concerne Arts de France, notre étude s’appuie sur l’article de Jean-Philippe Chimot.

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les messages frontaux du réalisme socialiste qui tendraient à insinuer que le public

populaire auquel il s’adresse n’est pas capable de saisir des choses fines, n’a pas

une sensibilité assez développée. Les textes abordant directement le réalisme

socialiste dans Art d'aujourd'hui restent assez limités. Pourtant la revue de presse,

"Critique de la critique", épingle parfois quelques écrits lus dans des périodiques

communistes. Citons par exemple la réponse au texte de Jean Marcenac dans

Lettres françaises, affirmant qu’« en un an […] Fougeron a fait un tableau et

beaucoup de bien à la peinture française […] »110. Art d'aujourd'hui réplique par une

plaisanterie facile :

« Bien sûr que M. Fougeron a fait beaucoup de bien à la peinture

française, car après tout qui l’empêchait d’exécuter dix ou vingt toiles

au lieu d’une dans l’année. »111

Léon Degand ironise de la même manière sur le discours que Maurice Thorez

prononce le 19 décembre 1949112. Ces moqueries, si elles semblent gratuites,

reflètent peut-être le désarroi des rédacteurs face à l’incompréhension qui existe

entre eux et les défenseurs du réalisme socialiste, pourtant motivés par des buts

communs. Les remarques impertinentes de Léon Degand ne sont d’ailleurs pas

innocentes, elles pointent du doigt les contradictions de l’esthétique de ce réalisme

social. Elles ne laissent rien passer au discours de Maurice Thorez, et cette critique

systématique apparaît comme un exutoire.

Il faut ici souligner pour conclure que c’est bien de la doctrine que les

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui s’indignent ; ils s’en prennent rarement aux hommes,

encore moins aux artistes. Lorsque Julien Alvard aborde encore « l’inévitable

réalisme socialiste » dans sa critique du Premier Salon des Jeunes Peintres, il le fait

en dénonçant « cette pernicieuse esthétique [qui] déconsidère la lutte politique

ouvrière dont elle ose se prétendre l’expression et qu’elle traite en drame de

patronage » mais parce qu’elle « entraîne scandaleusement dans une voie sans

110 Ce texte est cité sans références. 111 Non signé, "Critique de la critique", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°4, novembre 1949, quatrième de couverture. 112 Léon Degand, "Critique de la critique", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°6, janvier 1950, quatrième de couverture.

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issue des peintres qui nous restent infiniment sympathiques dans leurs

intentions »113. Roger Bordier le reconnaît encore aujourd’hui :

« Je ne me suis jamais senti un adversaire du réalisme socialiste.

Absolument pas. Je connais bien des gens qui sont encore

maintenant du réalisme socialiste comme Boris Taslitzky qui est un

ami. »

En revanche, il est incontestable pour lui que l’aspect dogmatique de cette

esthétique allait à l’encontre de ses idées tout comme :

« la manière dont le socialisme était restitué, interprété, dont il

pouvait apparaître dans cette peinture-là ; c’est-à-dire

essentiellement dans un académisme d’ancien régime. […] J’étais

gêné par cette forte contradiction dont il était alors impossible de

discuter avec les artistes de cette tendance ; ils se dérobaient. Car la

contradiction est très forte : il est difficile d’être à ce point

bourgeoisement académique tout en prônant un socialisme actif,

militant. Ils pouvaient très bien s’interroger là-dessus. Pourquoi n’ont-

ils jamais mis ça en chantier ? »114

Enfin, ajoutons, au vu de ce qui va suivre, que s’il est souvent question de

« malaise » et de « contradiction » dans cette partie, elle ne concerne qu’une

minorité de personnes, microcosme des avant-gardes (ou des personnes s’en

réclamant) lui-même inclus dans le petit monde de l’art.

113 "Le Premier Salon des Jeunes Peintres", dans Art d'aujourd'hui, 1ère série, n°7-8, mars 1950, n.p. 114 Voir entretien annexe V.

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2. Vers un art de masse

« Précisons que lorsque l’on dit public, l’on ne pense pas au public ordinaire et normal, moyennement compréhensif et préparé, mais compréhensif et préparé quand même, qui s’intéresse à tout. Ce public-là constitue une minorité. En réalité nous entendons masse, dont le sentiment artistique est certain, mais non développé, non affiné. »115

Elargissant un peu plus encore l’angle de vue, les conflits qui divisent le petit

monde de l’art paraissent des vétilles. Art d'aujourd'hui n’a rien d’un satellite

déconnecté de son époque, il faut donc faire cette mise au point. Plus que le

contexte de l’après-guerre, c’est celui des Trente Glorieuses dont il va être question

ici et qui incite à une prise de distance avec le milieu artistique. Après avoir focalisé

sur les différentes acceptions d’un art social, agrandissons le champ afin de proposer

un plan large de la France des années cinquante. Car les bouleversements qu’opère

l’entrée dans l’ère de la consommation ont des retentissements dans tous les

domaines de la vie quotidienne. On se passionne tout à coup pour l’équipement de la

maison et même les gestes les plus usuels sont à modifier.

Dans cette société qui déplace les habitudes, l’importance donnée aux loisirs

engendre également une métamorphose entraînant avec elle les pratiques

culturelles qui connaissent alors de profondes mutations. Les technologies se

perfectionnent tout comme les systèmes de communication. On découvre petit à petit

une nouvelle forme de création, de celle qui s’adresse à un public indéfini ; des

œuvres produites à ces fins-là et grâce à de nouveaux médias. Leurs amateurs

deviennent, de ce fait, des consommateurs d’une "culture de masse".

Ces œuvres, très séduisantes car très accessibles, reçoivent la critique de

toute une élite intellectuelle. Entre diabolisation et questionnement sur le

115 Léon Degand, carnet n°9 daté de 1944 à juillet 194 6. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand, texte daté du 10 décembre sans précision de l’année.

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fonctionnement de ces réalisations, une hiérarchie s’établit. Les pratiques légitimes

distinguent ceux qui arpentent les musées, écoutent de l’opéra et lisent des essais,

quand visiter des événements surmédiatisés, assister à des concerts de variété et

s’évader par des romans populaires nivellent ceux qui s’y adonnent. Pourtant, des

leçons restent à tirer de la propension de l’art de masse à fédérer un si grand

nombre.

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a. Les Trente Glorieuses : de la désolation à la consommation

La distance parcourue par l’équipement et le confort de l’habitation entre

l’après Seconde Guerre mondiale et le courant des années cinquante reste

exceptionnelle. Si le contexte de départ est, en effet et fort heureusement,

exceptionnel lui aussi, la croissance qui s’ensuit demeure unique. On part d’une

situation à proprement parler désastreuse tant en matière de pertes de logements

que d’insalubrité, d’inconfort et de promiscuité. Concernant les pertes, l’historien

Jean-Pierre Rioux établit ce rapide et saisissant bilan :

« Au 1er janvier 1950, […] on recense au total 460 000 immeubles

détruits et 1 900 000 endommagés, contre respectivement 345 000

et 541 000 en 1918. La Normandie vient en tête du martyrologue

national. […] Caen sinistrée à 73%, Saint-Lô à 77%, Rouen à 50%,

Le Havre à 82% […]. La province a perdu environ 40% de son

patrimoine productif. Des sinistrés des grandes villes passent un très

dur hiver 1944-1945 dans des baraquements de bois, certains y

resteront plus de dix ans. »116

Quant aux habitations qui restent encore debout, rappelons que le ministre de la

Reconstruction et de l’Urbanisme lui-même, Eugène Claudius-Petit, en qualifie treize

millions du terme de « taudis ». Rien que pour Paris, le bilan est lourd :

« 100 000 logements insalubres ; 90 000 garnis inhabitables ; 50%

de logements sans WC, sans salle de bains. Pas assez de

logements. […] Manque d’aménagements, transports insuffisants,

banlieue mal desservie, mauvais fonctionnement des services. »117

116 La France de la quatrième république, tome 1 L’ardeur et la nécessité (1944-1952), Paris, 1980, p. 33. 117 Philippe Gumplowicz et Jean-Claude Klein, "Culture, culture, culture", dans Paris 1944-1954, Paris 1995, p. 12.

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Vers des habitations modernes

Pourtant, sur cette désolation, de grandes mutations sont en germe. Un virage

radical se dessine, il conduit vers une société nouvelle : la société de consommation.

Les raisons, l’évolution et les conséquences de ce changement ne vont pas être

examinées en détail ; cela n’entre pas dans le sujet de cette étude et se trouve, de

plus, déjà largement abordé dans de nombreux ouvrages. Il reste cependant

intéressant de réfléchir à l’évolution de la consommation dans le domaine des arts

appliqués à l’industrie car elle concerne la sphère d’Art d'aujourd'hui. Le rapport à la

maison, à son intérieur, évolue, en effet, parce que de nouvelles habitudes ont été

prises pendant la guerre, notamment dans le miieu professionnel qui s’est ubanisé et

féminisé. Davantage de femmes travaillent118 qui ont moins de temps à consacrer à

leur intéreur et ont donc besoin d’être aidées. C’est justement l’apport de leur salaire

qui leur permet d’acquérir de nouveaux produits : les appareils d’électroménager.

Jean Fourastier constate d'ailleurs que, quand une ménagère française passe cinq

heures par jour au travail de la maison, son homologue américaine, bien mieux

équipée, y consacre une heure et demie119. Le pouvoir d’achat augmente et l’envie

de consommer aussi120. On désire que le temps des privations se conjugue au

passé. Et cela devient possible grâce aux techniques qui ont connu un net progrès

durant la guerre121. Leur évolution dépasse le domaine industriel pour s’inscrire dans

la vie quotidienne et les foyers.

De cette modernisation découlent de nouvelles habitudes qui peuvent

nécessiter un apprentissage ; des guides à destination des ménagères sont édités,

relayés par la presse féminine en plein essor. La conception même des logements

118 Le baby-boom fait cependant revenir nombre d’entre elles au foyer. 119 Machinisme et bien-être, Paris, 1951, cité par Joffre Dumazedier dans Vers une civilisation du loisir ?, Paris, 1962 réed.1972, p. 103. 120 Pour le détail de l’évolution des logements et de leur équipement en France, voir Jean Fourastié, Les Trente Glorieuses, Paris, 2004, pp. 130 et 131. 121 « L’architecture et le design bénéficièrent des nouvelles applications développées par la recherche militaire, des données anthropométriques ainsi que des matériaux et méthodes de construction de pointe. Les nouvelles matières telles que les plastiques laminés, la fibre de verre et la mousse de latex conditionnèrent le look des années cinquante. » Charlotte et Peter Fiell, Decorative Art 50’s, Cologne, 2000, p. 23.

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doit prendre en compte de nouveaux équipements : eau courante, gaz et électricité

sont de rigueur. D’autant que :

« dès 1951, il est communément admis que les appareils ménagers

ne sont pas des caprices mais des biens nécessaires, dont l’utilité

est incontestable et l’acquisition une aspiration légitime. »122

Les journées de travail demeurent très lourdes, les tâches ménagères doivent être

allégées. Jean-Claude Kaufmann remarque tout bonnement :

« Il n’est pas exagéré de dire que, sans la "machine à laver", la

seconde moitié du XXème siècle n’aurait pu être celle de

l’émancipation féminine. La masse de travail que constitue une

lessive à la main aurait en effet fortement entravé l’accès des

femmes au salariat, condition de leur émancipation. »123

Et si, comme le note plus loin le sociologue, leur temps consacré à la maison

n’évolue guère, leurs occupations se diversifient et gagnent en intérêt puisqu’elles

ont davantage le loisir de jouer avec leurs enfants et de s’occuper de la décoration

de leur intérieur.

Tenir son foyer propre et accueillant n’a rien de nouveau pour la parfaite

femme d’intérieur mais ces obligations prennent un tour différent avec l’arrivée en

masse de l’électroménager. Car les améliorations techniques s’embellissent ici de

préoccupations esthétiques, ergonomiques, pratiques. C’est une vision nouvelle de

l’objet que de le concevoir beau et utile, et beau parce qu’utile. Cette conception est

également mise en avant par le Groupe Espace dans son manifeste en 1951,

préconisant : « un Art qui s’inscrive dans l’Espace réel, réponde aux nécessités

fonctionnelles et à tous les besoins de l’homme, des plus simples aux plus

élevés. »124 On entre finalement dans un univers auquel on ne donne pas encore le

nom de design. Le mobilier et les objets de la vie quotidienne sont touchés par cette

122 Claire Leymonerie, "Le Salon des arts ménagers dans les années 1950, théâtre d’une conversion à la consommation de masse", dans Vingtième siècle, Paris, 2006, p. 43. 123 "Moulinex libère la femme ?", dans Les Bons Génies de la vie domestique, Paris, 2000, p. 21. On sait par ailleurs que dans les milieux ouvriers, les femmes achètent parfois en commun une machine à laver le linge. Le choix de la mutualité du bien plutôt que son manque en prouve sa nécessité. 124 Dans Art d'aujourd'hui, 2ème série n°8, octobre 1951, 2 ème de couverture.

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conception moderne qui vient bouleverser les habitudes de rafistolage et de

"système D". Claire Leymonerie125 en cite quelques répercutions dans la presse :

« L’Usine nouvelle signale en [avril] 1953 un "souci de plus en plus

net de l’esthétique et du fini des appareils qui allient ainsi à la

perfection technique une présentation sobre et harmonieuse

contribuant à l’embellissement du logis." Tandis que Réforme [en

février 1953] note "le souci des proportions heureuses – et plus elles

sont heureuses, plus elles sont utiles –, la recherche des

combinaisons de couleurs – et les palettes les plus savantes se

révèlent être les plus pratiques –, le goût des belles matières". »

L’accent est mis sur l’association du beau et de l’utile ; le second découlant du

premier lorsque l’harmonie se trouve réalisée. Dans ce même esprit, l’historienne

rappelle l’existence des expositions "Formes utiles",

« sélections de produits sensés répondre aux critères de beauté et

d’utilité et présentés chaque année à partir de 1951 dans le cadre du

Salon des arts ménagers, participent également à la promotion d’une

esthétique fonctionnaliste alors érigée au rang de doctrine. »126

Le Salon des arts ménagers

Ce Salon des arts ménagers existe en France depuis 1923 et l’on comprend

bien quelle importance il prend avec l’arrivée des nouveaux appareils électriques et

équipements de la maison. D’autant que le Salon, géré par le secteur public, œuvre

pour la recherche en matière de créations industrielles. Véritable mécène pour les

entreprises,

« le Salon [offre] aux services publics, aux fabricants, aux

distributeurs, et à leurs groupements professionnels, mais aussi aux

consommateurs et à leurs associations, la plus importante tribune

125 Op. cit., p. 54. 126 Claire Leymonerie, ibid.

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que l’on puisse imaginer, tant par sa fréquentation que par son

retentissement national et international.

Ce mécénat, par son objet, sa durée, son ampleur et son influence

sur la vie quotidienne est sans équivalent au XXème siècle. »127

Une action qui se fait d’autant plus sentir qu’au milieu des années cinquante,

l’augmentation des revenus, la banalisation du crédit mais aussi la baisse des prix,

donnent au Salon une activité essentiellement commerciale. Les produits qui y sont

proposés deviennent accessibles à une population de plus en plus large –

encouragée par la presse qui se mue volontiers en guide pratique pour orienter le

lecteur tant dans la manifestation que dans les nouveautés. Tout un chacun veut

posséder une cuisine ergonomique, moderne et colorée ; ce à quoi les constructeurs

s’adaptent128. Cette pièce de la maison, jusque-là fruste, qui possédait comme

principal atout d’être plus chaude que les autres, devient un pôle d’attention et

d’intérêt insoupçonnés.

Le Salon propose un rêve à portée de presque tous les porte-monnaie : un

foyer contemporain et bien organisé. Boris Vian, alors ingénieur à l’Association

française de normalisation (Afnor) et présent au Salon des arts ménagers, pousse

"La Complainte du progrès" en 1955, qui mêle marques d’électroménager, inventions

réelles et fantasques, tout cela, pour le plus grand bonheur des heureux propriétaires

qui s’attachent plus aux biens qu’aux personnes.

127 Jacques Rouaud, "L’esprit Arts ménagers", dans Les Bons Génies de la vie domestique, op. cit., p. 58. 128 Claire Leymonerie, op. cit, p. 52.

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Ces inventions véhiculent bien souvent une idée de la modernité vue comme

l’intrusion de la science et de la technologie dans le quotidien, notamment par des

formes élancées, aérodynamiques, des chromes (le style streamlining) que l’on

retrouve dans le dessin des appareils d’électroménager ou de la voiture de Citroën,

la DS. Des écrivains décrivent alors un monde où les objets prennent de plus en plus

d’importance à moins que ce ne soient les êtres qui en perdent. Ainsi du Nouveau

Roman qui éclôt dans les années cinquante et dont les personnages et leurs actes

confinent à l’abstraction dans la littérature. En 1964, Georges Perec qui dépeint,

dans son roman Les Choses, de jeunes consommateurs travaillant eux-mêmes pour

des sociétés de sondages, développe ostensiblement dans l’incipit une longue

description d’un appartement, s’attardant sur chaque meuble, décoration, tapis,

tenture.

L’année 1954

Il est étonnant de voir combien le milieu des années cinquante – et peut-être

même cette fameuse année 1954 qui met un terme à l’aventure d’Art d'aujourd'hui –

est un tournant qui fait entrer dans l’ère de la consommation. Si dès le début de la

décennie on assiste à une augmentation des dépenses des foyers, 1954-1955

montrent que des habitudes ont été prises. Le temps du rationnement et des

Une tourniquette

Pour fair' la vinaigrette

Un bel aérateur

Pour bouffer les odeurs

Des draps qui chauffent

Un pistolet à gaufres

Un avion pour deux

Et nous serons heureux

Un Frigidaire

Un joli scooter

Un atomixer

Et du Dunlopillo

Une cuisinière

Avec un four en verre

Des tas de couverts

Et des pell' à gâteaux

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privations, appartient bien au passé. Place au plaisir, à un peu plus de légèreté et à

la consommation :

« [Les dépenses] qui touchent à la santé et à l’hygiène corporelle […]

gonflent de 86%129. Celle du home, […] par l’irrésistible ascension

bien orchestrée par la publicité de tout ce qui touche à l’équipement

du logement, en hausse de 110% à un rythme annuel de 15% à

partir de 1955 : produits d’entretien multiples et surtout appareils

ménagers. Ces derniers sont devenus les symboles de l’honnête et

utile aisance dès 1950, année où le Salon des "Arts ménagers"

prend son essor, mais n’ont entamé leur ascension rapide qu’à partir

de 1954. […] La marche vers le mieux-être commence chez soi,

dans le confort familial discret et quotidien plus que dans les

dépenses de prestige extérieur. […] Dès 1954, 21% des ménages

possèdent une [télévision]. […] Enfin, les dépenses de culture et de

loisir, en progrès de 42%, s’annoncent déjà comme l’étape post-

automobile de la course au mieux vivre » 130

On comprend que dans ce contexte où une large place est laissée à

l’innovation, à l’amélioration du confort, à la recherche formelle dans des utilisations

quotidiennes, Art d'aujourd'hui aurait perdu son ancrage avec le quotidien de la

création et ne serait devenue qu’une revue consacrée à l’abstraction, en dehors des

réalités. En créant Aujourd'hui : art et architecture, André Bloc s’ouvre à cette

synthèse des arts qui glisse vers des créations plastiques, voire artistiques,

appliquées à l’industrie. Sous sa plume, la conversion d’Art d'aujourd'hui en

Aujourd'hui : art et architecture n’est que la conséquence logique de sa vocation

dans la divulgation de l’innovation plastique au plus grand nombre :

« Dès son premier numéro, AUJOURD’HUI apportait sa contribution

à la synthèse des arts, en montrant le parallélisme des recherches

dans divers domaines de la construction et de la plastique. […] Nous

demandons à nos lecteurs de bien vouloir admettre qu’une grande

129 C’est en cette même année 1954 que Roland Barthes dans Mythologies, Paris, 1957, situe : « le premier Congrès mondial de la Détergence (Paris septembre 1954) [qui] a autorisé le monde à se laisser aller à l’euphorie d’Omo. » "Saponides et détergents", p. 36. 130 Jean-Pierre Rioux, La France de la quatrième république, tome 2 L’expansion et l’impuissance

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revue d’art ne peut être faite à l’usage exclusif des spécialistes et

qu’elle doit se donner une plus haute mission, même au risque de

surprendre et de ne pas toujours être immédiatement comprise. »131

La revue de référence dans le domaine, The Studio Magazine, créée en Grande-

Bretagne en 1893, se donnait cette même mission de promotion des créations

originales en matière de beaux-arts et d’arts décoratifs. Elle instaurait un annuaire

dès 1906 qui les présentait et qui, à partir des années cinquante, crée des parallèles

entre l’avant-garde et les objets usuels.

Cette année 1954 reste également marquée, dans un autre domaine des arts

appliqués, par le retour inattendu de Gabrielle Chanel, dite Coco Chanel, en France

et dans le monde de la couture. Alors âgée de soixante et onze ans, exilée en

Suisse, elle rouvre sa maison de couture et affronte le "New Look" lancé par

Christian Dior. Celle qui a voulu libérer le corps de la femme par des tenues

confortables et élégantes s’oppose catégoriquement à ces surcharges brodées, ces

longueurs de jupe inadaptées à la vie moderne et ces tailles de guêpe enserrées

dans des corsets qu’imposent les nouvelles silhouettes, fruits d’un désir d’ultra-

féminisation après les années de guerre. Mais déjà la mode des années cinquante

s’accorde au nouveau style de vie de la femme moderne qui exige des tenues plus

pratiques, avec lesquelles on peut bouger librement et travailler.

Du Tergal à la DS, des innovations dans tous les domaines industriels

Les années cinquante opèrent ainsi dans le domaine de la mode un virage,

reflet des changements sociaux, économiques et techniques, depuis la place de la

femme dans la société active jusqu’aux inventions textiles. Comme dans les autres

secteurs, les pénuries causées par la Seconde Guerre mondiale ont été contournées

en partie par l’inventivité des populations et ont impulsé les recherches vers des

fibres de substitution, moins chères, parfois plus solides, plus pratiques d’entretien.

(1952-1958), Paris, 1983, pp. 242 à 244. 131 André Bloc, éditorial d’Aujourd’hui, n°2, mars-avril 1955, p. 3.

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Des fibres synthétiques, des Polyamides (le Rilsan), des chlorofibres (le Rhovyl), des

polyesters (le Tergal), des acryliques (le Crylor) sont ainsi inventés dans les années

cinquante. Les conditions de fabrication des vêtements s’améliorent ; on produit,

plus, moins cher et mieux pour l’ouvrier. Enfin, à partir de 1948, en France, les

industriels se mettent à importer des Etats-Unis l’idée du prêt-à-porter. Un

phénomène auquel le magazine Elle consacre une rubrique en 1953 – sous la

direction de Claude Brouet – et un numéro spécial, deux ans plus tard. Pour la

journaliste, dans ce milieu des années cinquante, la mode « descend dans la rue » et

bientôt, l’enseigne à bas prix Prisunic crée une ligne de vêtements conçus par des

créateurs afin que soient « accessibles au plus grand nombre des choses de

style »132, ce qui ne fait que confirmer cette démocratisation du costume. Cela

contribue à la redéfinition, une décennie plus tard, de la haute couture, dont la

production chute au bénéfice de la fonction prescriptive. La manière de se vêtir

devient ainsi plus libre puisque « la haute couture […] doit désormais partager son

rôle de donneuse d’idées avec les jeunes créateurs et le prêt-à-porter. »133

Aujourd'hui : art et architecture ne rend pas compte de l’évolution de la

couture mais ne s’en tient pas non plus strictement à l’art appliqué à l’architecture

puisque l’art de l’ingénieur n’est pas absent de ses pages. Il faut dire que si la

machine à laver le linge et le réfrigérateur sont en tête des dépenses des ménages,

l’automobile est juste derrière (avec la télévision mais nous allons y venir)134. Difficile

pour l’ingénieur de formation qu’est André Bloc de négliger l’avion ou encore la

voiture, résultat du progrès technologique, de l’abondance pétrolière, vecteur d’une

plus grande liberté dans les déplacements, d’une plus grande rapidité mais aussi,

mythe moderne tel que le conçoit Roland Barthes :

« Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact

des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande

création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus,

132 Claude Brouet était l’invitée de La Fabrique de l’Histoire sur France Culture le lundi 20 novembre 2007, à l’occasion d’une série d’émissions consacrées à l’histoire de la mode. 133 Madeleine Delpierre, Le Costume et la haute-couture 1945-1995, Paris, 1997, p. 33. 134 Entre 1949 et 1957, les dépenses pour l’électroménager progressent de 400% et pour l’automobile de, 285%, Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République, tome 2, op. cit., p. 175.

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consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple

qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »135

Ce rapprochement avec les cathédrales pour la communion des savoirs et savoir-

faire qu’opèrent l’automobile et la foi qu’elle génère dans la population, n’est pas

sans rappeler la gravure d’une cathédrale de Lyonel Feininger illustrant le manifeste

du Bauhaus d’avril 1919.

Des progrès inégalement partagés

Les guerres entraînent des ravages que les populations combattent par une

nouvelle soif de vivre une fois la paix revenue. Dans leurs desseins destructeurs,

elles stimulent également la recherche, ce qui a majoritairement des répercussions

positives, lorsque le calme revient. On le retrouve aussi durant la "Belle Epoque" qui

conserve d’ailleurs des points communs avec les Trente Glorieuses par leur

croissance, leur goût pour la nouveauté, le développement des innovations

techniques et l’amélioration du quotidien.

« Ce furent, vraiment, des années d’intenses curiosités et

d’émerveillements à répétition, qu’on lisait dans Jules Verne et qu’on

installait dans la vie quotidienne. […]

Voici l’industrie de l’aluminium, les premières autos et les aéroplanes

de la France qui étonnent le monde entier, la fée électricité si

longtemps redoutée devenue promesse sécurisante pour tous »136.

Une croissance qui n’est néanmoins pas partagée par tous ; ces désirs de

consommation et ces nouveaux besoins sont, pour certains ménages, reportés dans

l’attente d’un logement décent. Claire Leymonerie chiffre, pour 1954 et 1955,

respectivement, à 50% la proportion de « logements de une à deux pièces

135 Roland Barthes, Mythologies, op. cit., p. 140. 136 Jean-Pierre Rioux, Le Temps des masses, le vingtième siècle, Histoire culturelle de la France, Paris, 2004, p. 72.

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surpeuplés » et à 27% les « ménages qui souhaitent déménager au plus vite »137

Des habitations trop petites mais surtout sans les installations indispensables à

l’équipement de nouveaux appareils puisqu’en 1959, on dénombre encore en France

41% de logements sans eau courante, 70% sans eau chaude, 73% sans toilettes

privatives, quant à la baignoire ou la douche, seuls 10% des foyers en sont

équipés138. Et c’est, bien entendu, de façon très inéquitable que la population

s’installe et s’appareille. Les agriculteurs, notamment, bien que de moins en moins

nombreux, restent pénalisés dans leur consommation ; et nombre d’entre eux qui

viennent travailler en usine, ne profitent guère plus de cette "prospérité générale"

puisqu’elle ne touche qu’en partie les ouvriers dont les dépenses doivent souvent se

restreindre aux premières nécessités.

b. Société de loisirs et culture de masse

Dans la continuité des habitudes de la guerre, l’achat de la presse demeure

important. L’écrit n’a pas perdu son attrait qu’il maintient depuis la seconde moitié du

XIXème siècle. Il est à noter, en effet, que dans son livre, La Culture de masse en

France, Dominique Kalifa débute son argumentation par les années 1860, avec

comme vecteur premier : l’imprimé, et la presse en particulier. Ce média se

perfectionne en permanence et se fait toujours plus attrayant pour attirer puis

fidéliser le lecteur. La publication de feuilletons est une réussite en la matière. La

fiction se vend bien dans la presse mais aussi sous forme de petits livres à prix

réduit ; on assiste à une véritable « lecture de masse »139. Cela est rendu possible

par une plus large alphabétisation et par des améliorations dans la distribution

(réseaux ferrés, création de kiosques dans les gares – les kiosques Hachette –, et

vente dans les boutiques non spécialisées comme les épiceries, merceries,

quincailleries). Cette généralisation de la lecture – en Français – amène ainsi, dès le

137 Op. cit., pp. 44 et 45. 138 Notons que pour ce qui concerne le confort domestique, les Habitations à Loyer Modéré ont marqué un réel progrès pour leurs locataires.

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XIXème siècle, « un très ample processus d’acculturation et d’homogénéisation

culturelle. »

Diversification de l’édition

De véritables stratégies sont mises en place dans le monde de l’édition afin de

proposer aux lecteurs toujours plus de choix (dans différents genres : sentimental,

policier, historique, pratique, etc.), toujours moins cher et toujours mieux distribué.

Depuis la fin du XVIème siècle existent des publications destinées à un lectorat

populaire. Il s’agit des livres réservés au colportage. Le troyen Nicolas Oudot avait

mis au point des éditions à bon marché de couverture bleue – la Bibliothèque bleue –

reprenant des écrits à succès mais aussi des almanachs afin de toucher les

analphabètes. Ces éditions ne respectaient pas le texte à la lettre, des coupes

sévères étaient opérées en fonction des goûts du public (qui n’était pas que

populaire), des impératifs de mises en pages et de pagination.

Avec les années 1950, la suprématie de l’imprimé vit ses dernières années.

Mais de belles années ! C’est en s’inspirant de l’américain Pocket Book qu’Henri

Filipacchi sort en février 1953, le Livre de poche140 qui connaît un succès immédiat

auprès du grand public grâce à ses couvertures colorées et attractives mais surtout

grâce aux auteurs publiés et à son prix modique (cent cinquante Francs de l’époque

quand une édition courante en coûtait six cents). Ainsi, si les précédentes

expériences de l’entre-deux-guerres – avec la Collection pourpre d’Hachette, le Livre

de demain d’Arthème Fayard et le Livre moderne illustré d’Henri Ferenczi – ne

déclenchent pas l’enthousiasme espéré, le Livre de poche, lui, passe de quatre

publications par mois à ses débuts, à douze en 1962, soit en moins de dix ans141.

Cette lecture transportable en tous lieux grâce à un petit format et à une certaine

139 Dominique Kalifa, op. cit., Paris, 2001, p. 23. 140 Koenigsmark de Pierre Benoit est le premier roman d’une liste qui s’agrandit le même mois avec Clefs du royaume d’Archibald Joseph Cronin, Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry et Ambre de Katleen Windsor. Plus tard, le Livre de Poche élargit son champ et ne s'en tient pas à la seule publication de romans. Des séries sont créées : historique, exploration, classique et encyclopédique. 141 Chiffres donnés par Jean-François Sirinelli dans Le Temps des masses, le vingtième siècle,

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forme de désacralisation de l’objet livre (prix raisonnable, couverture souple, papier

modeste) permet aux lecteurs de se l’approprier pleinement. Lire devient banal et

s’adapte au quotidien (aux transports en commun par exemple). En somme, le Livre

de poche serait un véritable instrument de démocratisation de la lecture. Des études

poussent pourtant à modérer cet enthousiasme :

« Les vrais optimistes furent, par exemple, ceux qui, vers 1953

(lancement de la Librairie générale française), crurent à la

démocratisation de la lecture par le moyen, tout économique, du livre

de poche ; trente ans après, toutes les analyses convergent vers la

même conviction : le livre de poche est un succès, il s’est diversifié

et ennobli […] mais il n’a aucunement contribué à “faire lire” le non-

lecteur, malgré l’existence de collections indubitablement populaires

[…]. Il a simplement facilité la lecture chez les lecteurs assidus. Ce

n’est pas rien, mais pas exactement le but recherché.

C’est que, sans doute, le but recherché est inatteignable par la seule

économie. L’est-il même par les seuls équipements ? »142

L’influence américaine dans l’édition ne se limite pas au format des livres, elle

inspire à Marcel Duhamel, en 1945, la création de la Série noire chez Gallimard qui

met en scène des aventures policières sombres et teintées d’un humour grinçant. Le

genre est nouveau en France et séduit plus certainement les classes cultivées. Que

Gallimard, éditeur influent de la période, lance une collection à visée populaire (avant

celle du Rayon fantastique en 1952) devient symptomatique, selon Pascal Ory, d’une

« fin des arts mineurs »143. Cela ne remet cependant pas en question une

hiérarchisation des arts qui se muerait alors en clivage art majeur / art de masse

plutôt qu’art majeur / art mineur. A ce dernier terme, ouvertement dépréciatif quant à

la qualité de la création, est préféré celui de « masse » qui oriente sur la réception

même de l’œuvre et son public.

Ces deux genres littéraires, la science fiction et le roman noir, se développent

aussi au cinéma par les films américains. Rappelons que les accords Blum-Byrnes

Histoire culturelle de la France, Paris, 2004, p. 284. 142 Pascal Ory, L’Aventure culturelle française, 1945-1989, op. cit., p. 37.

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signés en mai 1946, qui ont permis à la France de recevoir des aides financières des

Etats-Unis, stipulaient de très nombreuses contreparties dont une forte diffusion de

films américains sur les écrans français. Une habile manière de faciliter le

développement de son industrie, de promouvoir la création américaine et par

conséquent, son style de vie. Cette civilisation moderne, venue au secours de la

France, de l’autre côté de l’Atlantique, apporte sa part de rêve à une population qui

vient de connaître l’Occupation et la guerre, qui subit les ruines et la misère sociale,

et qui entre dans la décolonisation et la guerre froide. Il y a, à l’évidence, un besoin

de légèreté dans ce monde si rude. D’autant que l’on n’a guère pu profiter des

progrès sociaux du Front populaire : la semaine de quarante heures et les congés

payés qui, de plus bénéficient d’une troisième semaine supplémentaire en 1956,

sous le gouvernement de Guy Mollet. D’autres mesures sont prises en faveur des

ouvriers : le travail à temps partiel se développe, notamment pour les femmes, les

tâches ingrates sont davantage robotisées et rendent ainsi le travail moins pénible et

moins abrutissant. Enfin, souffle cette nouvelle liberté à laquelle aspirent les femmes

dans leurs tâches ménagères. Le temps des loisirs s’accroît – du temps de vacance

qu’il s’agit de combler.

Ce dernier point est pris très au sérieux par le sociologue Joffre

Dumazedier144 : la qualité des loisirs n'est pas très éloignée de l'évolution d'une

civilisation. Le temps passé en dehors du travail doit d'abord s'accommoder de

toutes les tâches inhérentes à la vie de famille, à la tenue d'une maison et au repos.

Le loisir est ce qu'il reste et qu'il s'agit d'aménager avec soin ; plus le travail est

pénible, plus ce temps est à prendre en considération et il faut éviter qu'il ne

devienne aussi aliénant que le travail. Il faut l'accompagner culturellement et cultiver

sa créativité ; considérer, également, que l'on doit toute sa vie durant approfondir les

notions vues durant sa scolarité. Car l'homme a des besoins culturels. Dumazedier

apporte cette mise en garde prémonitoire : dans une société où les besoins

fondamentaux sont assurés pour les trois quarts de la population, il est nécessaire

d’introduire du culturel, de la culture populaire afin d’offrir à tous autre chose que de

la consommation sinon, la publicité se développant et s'affinant, on assiterait à une

143 L’Aventure culturelle française, 1945-1989, op. cit., p. 70.

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course à la surconsommation et à l’insatisfaction permanente145. Avant cela, les

cultures marginales prennent très vite leur véritable essor puisque coïncident avec

l’augmentation du temps libre des Français, le perfectionnement des techniques de

diffusion et l’industrialisation du divertissement.

Développement de la presse magazine

La presse magazine qui se diversifie et se développe, devient un formidable

relais de la culture de masse146. Elle segmente son lectorat et offre un large choix à

chacun. La presse enfantine rassemble la jeunesse autour de titres tels que Pierrot

(1925 puis 1947147), Le Journal de Mickey (1934 puis 1952), Spirou (1938), Vaillant

(1945), Tintin (1948), Lisette (1921 puis 1946) et La Semaine de Suzette (1905 puis

1949) ; L’Equipe (1946) réunit la gent masculine de toutes classes et tous milieux ;

quand les magazines féminins séduisent par l’image qu’ils délivrent d’un quotidien

fantasmé. Qu’il s’agisse de la sentimentalité très édulcorée des romans-photos de

Confidences (1938), Nous deux (1947) ou Bonne soirée (1947), de la mère de famille

accomplie suivant un modèle éprouvé par Le Petit Écho de la mode148, Modes &

Travaux (1919) puis Femme pratique (1958), des intérieurs admirables de Maison

française (1946), Votre maison (1947) ou Mon jardin et ma maison (1958) ou de la

femme moderne et libre qui se dessine au fil des informations et des conseils

délivrés par Marie-France (1944), Elle (1945) et Marie-Claire (1939 puis 1954). Un

idéal que souligne Roland Barthes à travers les fiches cuisine du magazine Elle :

144 On peut se reporter à son essai Vers une civilisation du loisir ?, Paris, 1962 réed.1972. 145 Ibid., p. 122. 146 Elle offre également un espace privilégié pour les publicités qui profitent ainsi du ciblage des lecteurs. Les annonceurs y ont, en effet, bien saisi leur intérêt qui connaissent, dès les années cinquante, le bénéfice des études de marché et de la segmentation des consommateurs. Notons que la publicité tient déjà une place de choix dans la vie moderne. Une expérience grandeur réelle menée en 1953 grâce au personnage dessiné par Savignac avec haut de forme, cigare et gants blancs portant en bandoulière les lettres GARAP en mesure et en démontre l’influence. Ce sigle "GARAP" est très rapidement connu de la population déjà curieuse d’en découvrir. Il s’agit en fait d’un leurre qui ne sert qu’à prouver la puissance de la publicité ! 147 Les magazines ayant deux dates correspondent aux périodiques ayant dû cesser leur parution pendant la guerre. 148 Ce magazine devient L’Écho de la mode en 1955.

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« Seulement, ici, l’invention, confinée à une réalité féerique, doit

porter uniquement sur la garniture, car la vocation "distinguée" du

journal lui interdit d’aborder les problèmes réels de l’alimentation (le

problème réel n’est pas de trouver à piquer des cerises dans un

perdreau, c’est de trouver le perdreau, c’est-à-dire de le payer)

Cette cuisine ornementale est effectivement supportée par une

économie tout à fait mythique. Il s’agit ouvertement d’une cuisine de

rêve, comme en font foi d’ailleurs les photographies d’Elle, qui ne

saisissent le plat qu’en survol, comme un objet à la fois proche et

inaccessible, dont la consommation peut très bien être épuisée par

le seul regard. C’est, au sens plein du mot, une cuisine d’affiche,

totalement magique, surtout si l’on se rappelle que ce journal se lit

beaucoup dans des milieux à faibles revenus. Ceci explique

d’ailleurs cela : c’est parce qu’Elle s’adresse à un public vraiment

populaire qu’elle prend bien soin de ne pas postuler une cuisine

économique. Voyez l’Express, au contraire, dont le public

exclusivement bourgeois est doté d’un pouvoir d’achat confortable :

sa cuisine est réelle, non magique ; Elle donne la recette des

perdreaux-fantaisie, l’Express celle de la salade niçoise. Le public

d’Elle n’a droit qu’à la fable, à celui de l’Express on peut proposer

des plats réels, assuré qu’il pourra les confectionner. »149

Dans cette façon de projeter la lectrice vers un quotidien vaguement sublimé sans

qu’il soit tout à fait inaccessible, se lit déjà un schéma de la société de

consommation. Celui qui sait susciter des envies, créer des frustrations, en donnant

l’impression que l’on pourrait vivre beaucoup mieux, être beaucoup plus heureux, en

possédant guère plus que ce que l’on ne possède déjà… mais toujours davantage.

Plus généralement que ces périodiques spécifiques, c’est le magazine illustré

qui rallie tous les lecteurs, sexes confondus ; Paris Match, créé en 1949 (sur le

modèle de Match d’avant-guerre), devient l’hebdomadaire de référence des années

cinquante. L’Express, à partir de mai 1953, suit l’exemple en privilégiant lui aussi

l’image photographique pour faire circuler l’information. Ces nouvelles mises en

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pages font le succès de l’imprimé et André Bloc l’avait bien compris qui insistait dès

L'Architecture d'aujourd'hui sur la qualité et la quantité des reproductions. Et si l’on

peut déjà lire dans le quotidien Paris-Soir daté du 2 mai 1931 : « L’image est

devenue la reine de notre temps. Nous ne nous contentons plus de savoir, nous

voulons voir »150, l’après-guerre propose, elle, de nouvelles formes d’images. Les

technologies se sont améliorées tant du côté de la prise de vue avec des appareils

photographiques plus légers et plus maniables, que du côté de l’impression.

Le cinéma et ses vedettes

L’impulsion donnée par la reconstruction des salles de cinéma ouvre

également la voie à des expérimentations sur le format même de l’image ; elle se

découvre en relief au milieu des années cinquante, panoramique avec le

Cinémascope, ou encore multiple avec le Cinérama qui permet la synchronisation de

trois projecteurs. Le cinéma offre, de plus, du grand spectacle d’exostime,

d’aventure, de violence, avec des films en costumes, mais également en forçant le

trait de l’érotisme - avec des actrices voluptueuses comme Gina Lollobrigida, Sophia

Loren, Martine Carol et Brigitte Bardot découverte au festival de Cannes de 1954.

« Les films multiplient les strip-tease de stars, baignades,

déshabillages, rhabillages, etc. Une vague d’innocence perverse

porte au premier rang les gamines érotiques, Audrey Hepburn, Leslie

Caron, Françoise Arnoul, Marina Vlady, Brigitte Bardot. »151

Cette érotisation de la femme se retrouve dans l’imagerie populaire de cette période

à travers notamment les dessins de pin-up, puis avec la création du magazine

Playboy aux Etats-Unis en 1953.

L’univers véhiculé par le cinéma – ses vedettes, ses personnages, autrement

dit : ses stars, telles que les définit Edgar Morin – se trouve abondamment relayé par

les différents autres médias. Des attentes différentes se font jour, plus intrusives,

149 "Cuisine ornementale", dans Mythologies, Paris, 1957, p. 121. 150 Cité par Dominique Kalifa dans La Culture de masse en France, op. cit, p. 55.

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plus pressantes et plus fréquentes sur l’image des personnalités emblématiques.

Des magazines comme Ici Paris (1945), Point de vue (1948), France Dimanche

(1946) et, plus tard, Jours de France (1954) proposent alors des photographies de

vedettes dans leur intimité et alimentent les rumeurs.

« Les stars participent dès lors à la vie quotidienne des mortels. Ce

ne sont plus des étoiles inaccessibles mais des médiatrices entre le

ciel de l’écran et la terre. […] Aussi l’évolution qui dégrade la divinité

de la star stimule et multiplie les points de contact entre stars et

mortels. Loin de détruire le culte, elle le favorise. Plus présente, plus

intime, la star est presque à la disposition de ses adorateurs : d’où la

floraison des clubs, magazines, photos, courriers qui

institutionnalisent la ferveur. Un réseau de canaux draine désormais

l’hommage collectif et renvoie aux fidèles les mille fétiches qu’ils

réclament. »152

Les médias s’installent dans les maisons

Les médias prennent de plus en plus d’ampleur d’abord en segmentant leur

public afin de toucher chacun et, in fine, d’atteindre tout le monde, ensuite en se

répondant les uns les autres (presse, radio, cinéma, télévision). Depuis les héros de

la presse enfantine jusqu’aux modèles donnés par la presse adulte tant dans ses

articles que dans sa publicité153, on assiste alors à la construction d’un imaginaire

commun de la jeunesse et à une uniformisation des canons de pensée des adultes.

D’autant que la banalisation de l’électricité qui permet l’intrusion d’appareils

d’électroménager dans le quotidien, y installe aussi les médias. Les foyers s’équipent

de tourne-disque pour écouter les microsillons que la firme Barclay diffuse en France

à partir de 1952154 et qui conquierent très vite un large public d’autant que la

151 Edgar Morin, Les Stars, Paris, 1972, p. 30. 152 Edgar Morin, op. cit., pp. 33 et 34. 153 Et que dire de la fameuse rubrique "Le Courrier du cœur" du magazine Elle qui, à partir de 1946, offre une tribune aux confessions intimes et aux conseils de Marcelle Ségal. 154 Le microsillon est inventé en 1948 aux Etats-Unis.

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musique se diversifie (le Jazz, le Be-bop puis le Rock’n’Roll en 1956). La radio dont

la place reste centrale et dont la taille se réduit (le "transistor"), permet de toucher en

un même moment de nombreuses personnes de tous milieux. Ses émissions, loin

d’être un fond sonore, sont écoutées et suivies. Pourtant, l’époque est à l’image, et

l’image animée arrive dans les premiers foyers via le petit écran en 1949. Les

mêmes rêves ambitieux bercent la télévision et la radio : les quelques heures

d’antenne sont dévolues à des émissions littéraires, à l’adaptation de grands

classiques, qui plus est interprétés par les Comédiens du Français. Mais une fois

encore, ce sont les émissions de variétés et leurs animateurs qui remportent le plus

de succès. La télévision se peuple ainsi peu à peu d’idoles bien réelles ou tirées des

fictions, depuis les présentatrices jusqu’aux héros de séries. On retrouve ces

derniers dans les télé-romans155, dans la bande-dessinée (ainsi de Thierry la Fronde)

et dans les disques aussi, qui permettent de réécouter la musique d’un générique

quand ce n’est pas un comédien ou une présentatrice qui s’essaye à la chanson.

Ainsi, ce nouvel objet envisagé à sa création comme un droit donné aux

Français de s’éduquer, de se cultiver et de se divertir à moindre coût et cela, où qu’ils

soient, remplit avec le plus de bonheur sa troisième fonction. Les hommes de

télévision eux-mêmes croient pourtant en leur noble tâche et argumentent sur « les

valeurs antérieures d’éducation populaire » réalisables ici pour tous et notamment

pour « les paysans et ces mineurs du Nord qui se saignaient aux quatre veines pour

avoir la télévision »156. Populaire, ce média l’est certainement qui séduit largement et

se regarde d’abord en commun lors de séances organisées dans des salles

municipales ou des cafés. Mais pour l’aspect éducatif, le téléviseur n’est pas, lui non

plus, le bon outil. A la fin des années cinquante, l’engouement est massif, le petit

écran pénètre les foyers ; n’y déversant cependant pas la culture que certains

espéraient, il devient la cible de critiques acerbes des intellectuels.

Décrite avec enthousiamse par Joffre Dumazedier, en 1962, comme

permettant au foyer de se muer en « une petite agence d’information sur le monde

155 Il s’agit d’une nouvelle forme de roman populaire qui prolonge les aventures des héros de séries télévisées. 156 Jacques Krier, Pierre Chambat et Alain Ehrenberg cités par Isabelle Gaillard, "De l’étrange lucarne à la télévision", dans XXème siècle, n°91, pp. 13 et 14.

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entier [devenant] aussi et de plus en plus, un cadre possible de formation

mutuelle »157, la télévision, comme les autres médias, contribue pourtant à la

promotion d’une culture marginale. Les créations qui la constituent, d’un abord

immédiat et aisé, emportent l’adhésion du plus grand nombre. Par ces relais

médiatiques, l’accroissement du public potentiel est, jusque là, sans commune

mesure. C’est cet aspect-là, ajouté au caractère industriel lié aux nouvelles

technologies qui font que l’on peut parler ici de culture de masse. Le philosophe

Roger Pouivet réfute l’existence d’une telle culture. L’art de masse étant intelligible

sans qu’aucune connaissance préalable ne soit nécessaire, « à moins qu’il ne

s’agisse d’un pré requis interne à l’art de masse », il ne peut y avoir constitution

d’une culture, d’autant qu’une « œuvre chasse l’autre. »158.

Le goût du public

Il existe donc d’après Roger Pouivet, un art sans culture. Et cela incommode ;

c’est la première fois que le grand public profite d’un accès aussi large à la création.

Ce moment devient alors, pour les intellectuels, l’occasion de découvrir réellement

les goûts de ce public :

« Autrefois les masses n’avaient pas accès à l’art ; la musique, la

peinture, et même les livres, étaient des plaisirs réservés aux gens

riches. On pouvait supposer que les pauvres, le "vulgaire" en

auraient joui également, si la possibilité leur en avait été donnée.

Mais aujourd’hui où chacun peut lire, visiter les musées, écouter de

la grande musique, au moins à la radio, le jugement des masses sur

ces choses est devenu une réalité, et, à travers lui, il est devenu

évident que le grand art n’est pas un plaisir direct des sens. Sans

157 Op. cit., p. 110. 158 "Qu’est-ce que l’art de masse ?", conférence prononcée le 11 mars 2004 au Lycée Henry IV à Paris.

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quoi, il flatterait – comme les gâteaux ou les cocktails – aussi bien le

goût sans éducation que le goût cultivé. »159

Suzanne K. Langer oppose un peu artificiellement riches et pauvres alors que

l’abondance financière ne peut en rien garantir fermement une éducation cultivée. Et

même si le sens de la symétrie proposée par la philosophe est compréhensible, il

semble nécessaire de préciser que la formation du goût dépasse ces clivages, tout

comme l’acceptation de la modernité. Dans cette période de grands

bouleversements dans les habitudes mêmes, les gestes du quotidien doivent

changer. Avec une modernité qui envahit les foyers et les modes de vie, les

nouveaux usagers ont besoin d’être guidés. On sait combien les habitants de la Cité

radieuse de Le Corbusier ont mal perçu la vie qui leur était proposée dans ces

logements collectifs, équipés, pensés en lien avec une existence moderne dont ils

n’avaient pas encore jaugé les retentissements dans leur propre quotidien. Afin de

faire accepter ce programme architectural complet, il devenait donc nécessaire de

l’expliquer. Parallèlement à cela, la validation par ses usagers d’une réalisation

moderne ne prouve pas que ces derniers en aient réellement saisi l’essence. Il

convient de s’arrêter un moment sur le film Mon oncle (1958) de Jacques Tati et

notamment sur son principal décor, révélateur des travers de cette modernité.

Personnage à part entière, la villa Arpel avec tous ses gadgets aussi futiles que

sophistiqués n’est pas seulement une formidable source de gags. Elle est le fruit du

regard attentif, bien que moqueur et certainement sceptique, du réalisateur et de son

scénariste, Jacques Lagrange, sur l’architecture et l’équipement de la maison dans

les années cinquante.

La Villa Arpel, regard de Jacques Tati et Jacques Lagrange sur la vie moderne

Opposant les logements vieillots mais pleins de charme des faubourgs à la

modernité aliénante de la ville nouvelle, le film se moque des nouveaux besoins que

159 Suzanne K. Langer, "On Significance in Music", in Aesthetic and the Arts, New York, 1968, pp. 182 à 212, citée par Pierre Bourdieu dans La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, 1979, p. 32.

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se découvrent les Français. Il détourne aussi les aspirations des promoteurs de la

synthèse des arts. Si de nombreuses réalisations pour la collectivité voient, en effet,

le jour durant cette période (usines réaménagées ou construites, cantines,

universités, maisons de la Cité universitaire de Paris, etc.), cela n’empêche pas les

artistes de créer des villas pour de riches particuliers. Ces habitations aux formes

régulières, aux grandes verrières, à la pièce d’eau agrémentée d’une fontaine, aux

vastes espaces décorés de quelques pièces de mobilier d’avant-garde et de peinture

murale, trouvent, ici, une juste représentation : la villa habitée par le patron d’une

importante usine, Monsieur Arpel, par son épouse ainsi que par leur fils Gérard, est

un modèle de modernité et d’avant-garde. L’artiste Jacques Lagrange en est le

concepteur ; c’est lui qui depuis Les Vacances de Monsieur Hulot collabore très

étroitement avec Jacques Tati, tant pour les décors que pour les scénarii.

L’image que donnent les deux hommes de cette construction moderne est

bien lointaine de celle que veulent véhiculer les promoteurs d’une architecture

nouvelle. Les Arpel sont présentés comme des bourgeois prisonniers de leur

apparence, mettant en marche leur fontaine-poisson dès que l’on sonne au portail

(électrique) mais l’éteignant bien vite – probablement par économie – dès que le

visiteur tourne les talons. Le quotidien de ces heureux propriétaires se trouve régi par

nombre de rituels qu’ils s’imposent à eux-mêmes croyant ainsi profiter au mieux de

leur acquisition immobilière. Il en est ainsi du repas pris sur la terrasse dans l’intimité

de la petite famille qui répond pourtant à une mise en scène orchestrée par Madame

Arpel, dont celle du café du père, bu un peu plus loin de la table commune, sous une

ombrelle ridiculement petite. La modernité n’est plus ici vecteur d’un

affranchissement (notamment pour la ménagère) mais porteuse de contraintes,

souvent absurdes.

On voit en effet une mère de famille veiller sans relâche à la tenue de sa

maison, jusqu’à cette feuille tombée dans le chemin dallé qu’elle s’empresse de

ramasser. Et c’est finalement le petit Gérard qui en perd sa fougue d’enfant, harcelé

par sa mère dès qu’il met un pied dans la maison. Le garçonnet est accueilli par

d’assommantes recommandations :

« Range tes affaires et je t’en supplie ne dérange rien ! Retire tes

chaussures ! Lave-toi les mains, et en frottant ! […] Accroche ta

veste correctement et mets tes chaussons ! »

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La volonté d’hygiène est poussée à son paroxysme dans la cuisine qui, d’un blanc

immaculé, ressemble à un laboratoire rempli d’appareils en tous genres que seule

Madame Arpel sait faire fonctionner. Cette habitation qui vole à ses propriétaires

spontanéité et liberté s’oppose aux ambitions des architectes, sculpteurs et peintres

des années cinquante. Les artistes voient dans la synthèse des arts rien de moins

qu’un service social qui « favorise les rapports des êtres entre eux »160. Tati montre

une maîtresse de maison tellement fière de son acquisition qu’elle ne peut

s’empêcher de la faire visiter à toutes ses connaissances ; chacune commente pour

elle-même sans écouter l’autre, alors que Madame Arpel répète à l’envie que « c’est

pratique : tout communique »… sauf les êtres entre eux qui se perdent dans un

individualisme chichiteux.

Pour le réalisateur, la poésie ne se révèle que dans l’appartement visiblement

vétuste de Monsieur Hulot qui, en entrouvrant sa fenêtre, dirige un rayon de soleil sur

un oiseau et le fait chanter. Et c’est encore dans cette vieille habitation à la

périphérie de la ville que vibre la convivialité entre voisins bien entretenue par les

interminables escaliers qui obligent chacun à se croiser. Hulot monte, redescend,

passe sur le balcon de la voisine qui étend son linge, en croise une autre peu vêtue,

tourne autour de son appartement avant de pouvoir accéder à la porte d’entrée. Son

parcours labyrinthique est filmé comme une plaisante balade sans qu’apparaissent

les désagréments de cette promiscuité. Dans ce petit monde en mutation que décrit

Jacques Tati, la modernité n’a pas le beau rôle parce que ceux qui se l’approprient

n’y mettent pas de mesure et la vivent comme une posture – envahissante – jusqu’au

ridicule. Ici, on le devine, ce n’est pas tant le goût des Arpel qui les a poussés à vivre

dans cette villa qu’un certain conformisme, une certaine idée de ce qu’est la

bourgeoisie. On ne croit pas à la sincérité des cris d’émerveillement de Madame

Arpel. Elle réagit comme le ferait une lectrice de la presse féminine qui cuisinerait à

la lettre les « perdreaux fantaisie » ! Certes elle a les apparences de la classe

dominante mais elle n’en pas la culture. Ainsi, la création est une chose, l’usage que

l‘on en fait en est une autre.

160 Roger Bordier, “L’Art est un service social – Préambule”, dans Art d’aujourd’hui, mai-juin 1954, 5ème

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Difficulté à comprendre les avant-gardes

L’accès aux avant-gardes ne se résume pas à leurs possessions, il en va

aussi de leur compréhension et de leur acceptation. La nuance est sensible, et la

lecture d’un document datant de 1960, à visée publicitaire, confirme que même dans

un milieu spécialisé, l’adoption de nouveaux usages n’est ni évidente, ni immédiate.

Il s’agit de Beauté des formes : le béton, une publication de prestige éditée par la

Chambre syndicale des constructeurs en ciment armé de France et de la

communauté, destinée à être envoyée à des professionnels. On constate que toutes

les grandes photographies d’ouvrages d’art qui illustrent les possibilités de ce

matériau sont mises en correspondance avec une représentation soit d’une

élaboration de la nature, soit d’une construction très ancienne. Ainsi d’une vue

aérienne des usines Renault à Flins et d’un plan d’un temple romain ou d’une façade

d’habitation à loyer modéré de Nanterre et d’une gravure représentant des abeilles

construisant leur rûche. Les courts textes qui les accompagnent sont à l’avenant. Ici :

« les insectes bâtisseurs, termites, abeilles, polistes, ont peut-être

aidé l’homme à sortir de sa préhistoire en lui enseignant la vie de la

colonie… de béton : cette somme de quiétude, chauffage, lumière,

télévision, de confort total, objet de sa quête millénaire. »

Ces formes nouvelles nées de la modernité nécessitent donc un

accompagnement pour être admises. La défense de l’innovation dans l’architecture,

les arts ou les techniques n’est le fait que d’une élite :

« Non, il n’y a jamais eu de peuples artistiques, même aux grandes

époques créatrices ! Mais il y a eu des artistes inspirés ou

encouragés par un souverain, par une aristocratie, un clergé, un

mécénat, une classe sociale, en somme par un public avisé, cultivé

et en petit nombre. »

[…] tout au plus [l’artiste] eut-il à se plaindre d’indifférence, car les

peuples sont par nature incultes et légers. Et puis, pour ces peuples,

la vie était esclavage ou obligation, dépendance, oppression des

série, n°4-5, p. 14.

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hommes et de la nature. Ce n’était pas pour leur délectation qu’on

créait de la beauté, mais pour la gloire d’un tyran, la vanité de

quelques aristocrates, le culte d’un Dieu. […] »161

Bien sûr, ce constat appartient au passé lorsque Roger Lesbats écrit ce texte.

Pourtant, même si déjà, dans cet après Seconde Guerre mondiale, la

démocratisation culturelle est en marche, « On [a instruit l’homme moyen], mais on

ne l’a pas éduqué. »162 Cet homme moyen se trouve alors tout naturellement plus

volontiers attiré par l’art de masse que lui offre la société de loisirs naissante.

c. Art social versus art de masse

Il existe cependant des lieux et des moments où la population a accès à

toutes les nouveautés qu’elles soient techniques, commerciales, politiques,

culturelles ou même coloniales ; il s’agit des Expositions universelles. Là, des efforts

importants sont réalisés pour attirer un public varié. Les tarifs d’entrée sont pensés

afin que toute la population puisse assister aux événements, même en famille, et

pour que la manifestation connaisse une réelle ampleur nationale, des offres

promotionnelles sont consenties sur les trajets en train. Les provinciaux peuvent ainsi

se déplacer. Une presse nombreuse promeut cette actualité et, sur place, le contenu

tant des expositions que des discours, est varié et conçu pour séduire le plus grand

nombre. « Donner aux masses tout à voir et tout à comprendre, telle était une partie

du message délivré par les Expositions »163 Cette ambition anime depuis longtemps

les organisateurs mais à trop vouloir séduire tous les visiteurs, on risque d’emprunter

un nouveau chemin :

« A compter des années 1870, l’esprit des Expositions change en

effet. Au projet éducatif et moral se substitue le désir d’offrir plaisir et

161 Roger Lesbats, "L’Art et la vie collective – Il y a une centaine d’années, l’art s’est séparé de la vie. – A quelles conditions l’artiste et le public pourraient se réconcilier ?" dans Les Problèmes de la peinture, op. cit. pp. 355 et 356. 162 Ibid. 163 Christophe Prochasson, Histoire de la France, choix culturels et mémoire, Paris, 2000, p. 197.

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divertissement à un public de consommateurs. Si le principe de l’art

social demeure, c’est de plus en plus à cette figure nouvelle du

"spectateur-acheteur" que l’on s’adresse. Catalogues, publicités,

modes d’exposition inspirés de ceux du grand magasin cherchent à

attirer le public populaire par la tentation du bas prix et du luxe

ostentatoire. »164

« Pluralité des formes de réception »

Ces objets dérivés d’une culture légitime sont, certes, le produit d’une

démarche commerciale en amont mais ils ne présupposent en rien la bêtise de son

futur acquéreur. Relique d’une émotion ressentie lors d’une visite, complément

d’informations qui sera lu ultérieurement et qui prolonge le dépaysement une fois

rentré chez soi ou souvenir à offrir, les raisons de l’achat peuvent être sincères,

fondées et réfléchies.

« Si [les produits dérivés] sont destinés pour une bonne part à des

satisfactions éphémères et superficielles (ce qu’on ne peut leur

reprocher, d’ailleurs), rien ne dit qu’à l’occasion, quelque usage

incongru ne puisse venir réveiller des interrogations plus durables,

qui conduiront un consommateur d’occasion vers des horizons

insoupçonnés. La prolifération des itinéraires d’autodidaxie est aussi

le pendant de cette consommation culturelle de masse. »165

Si l’on s’accorde sur le fait que chacun s’approprie un chef-d’œuvre en

fonction de sa propre histoire, de ses affects et de sa disponibilité, pourquoi en

serait-il autrement avec une création programmée pour toucher des milliers de

personnes166 ? Cela fait-il du public auquel elle s’adresse une foule indéfinie, niant

164 Dominique Kalifa, La Culture de masse en France, Paris, 2001, p. 49. 165 Joël Roman, "Héritiers, parvenus et passeurs", dans Esprit, n°3-4, mars avril 2002, p. 144. 166 Dans le même article (p. 143), Joël Roman rappelle que les emplois détournés d’un objet de culture ne sont pas l’apanage des productions de l’art de masse : « […] on ne saurait préjuger des usages que chacun peut être amené à faire des productions culturelles qu’il fréquente. Peser du sucre*, caler une table ou orner une bibliothèque, et pourquoi pas lire un livre… » *Cela fait référence

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les individualités comme le sous-entend le vocable de « masse » qui confère à un

anonymat ? Autrement formulée, la question devient plus radicale : les termes « art

de masse » ne contiennent-ils pas en eux la critique apportée par une élite ? Il faut

postuler sur l’addition de sujets qui constitue une foule. On ne tient pas compte, en

accolant « masse » à « art » non seulement des individus mais aussi de leur

réception. Un nombre indéterminé de personnes peut être touché par une œuvre

mais sans que la raison, l’intensité, la nature même de cette émotion, ne leur soit

commune. Ce que Dominique Kalifa appelle : « La pluralité des formes de réception

ou d’appropriation », expliquant qu’une masse n’est pas constituée de

« consommateurs passifs et captifs »167. Ils le sont d’autant moins que la multiplicité

des œuvres accessibles leur permet de choisir selon leurs goûts propres. C’est

d’ailleurs à ces personnes-là que Léon Degand désire s’adresser :

« Art et public – Précisons que lorsque l’on dit public, l’on ne pense

pas au public ordinaire et normal, moyennement compréhensif et

préparé, mais compréhensif et préparé quand même, qui s’intéresse

à tout. Ce public-là constitue une minorité.

En réalité nous entendons masse, dont le sentiment artistique est

certain, mais non développé, non affiné. Cette masse, qui ne suit pas

les expositions, mais orne son intérieur de chromos ou hante les

Salons officiels, est ce magma médiocre qu’il est du devoir et dans le

programme des [illisible] d’élever à plus d’intrépidités et de noblesse

de pensée. »168

L’appétence pour la création artistique existe dans toutes les couches de la

société. Il n’y a pas, pour le critique, à argumenter sur l’intérêt à fréquenter les lieux

dévolus à l’art ou à favoriser les contacts avec la création. La tâche est plus subtile,

elle se situe dans la formation du goût ou, dans un premier temps, dans le

développement de la curiosité. De ses nombreuses expériences, Fernand Léger

à l’anecdote des fortes ventes de L’Être et le Néant de Sartre durant l’Occupation car le livre pesé 1kg et permettait « d’étalonner les balances du marché noir ». 167 Op. cit. 168 Carnet de Léon Degand n°9 daté de 1944 à juillet 1 946, texte marqué du 10 décembre sans précision de l’année. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand.

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conclut en 1950 : « Il est très difficile de toucher le peuple par la qualité. »169 Il faut se

rendre à l’évidence que la "lutte" est bien inégale entre l’art majeur et l’art de masse,

généralement plus séduisant, car plus directement compréhensible et s’adressant

essentiellement à l’émotion. Ces plaisirs souvent partagés, constituent un album de

souvenirs qui soudent familles et amis, et entérinent leurs préférences. Pierre

Bourdieu le situe dans « l’hérédité culturelle » et lui confère ainsi un enracinement

profond dans la constitution de l’être comme l’est « l’inconscient de classe »170. Une

réflexion sur les points forts de l’art de masse peut cependant permettre de conduire

des personnes peu réceptives a priori, vers de nouvelles pratiques : en organisant

une manifestation grand public dans une institution culturelle, en utilisant les

technologies (la vidéo, l’Internet, le virtuel, l’habillage sonore) comme outil de

médiation, ou en permettant l’appropriation d’une partie des lieux pour des

événements privés (professionnels, associatifs, voire amicaux et familiaux)171.

Le regard des élites sur la culture de masse

L’art de masse échappe aux élites intellectuelles car il découle de produits

générés puis diffusés par des industries. Cette réalité-là ne correspond pas à l’idée

qu’elles se font d’un art qui s’adresserait au peuple. Pourquoi ne pas accepter, avec

Joffre Dumazedier, qu'une esthétique découlant de l'art de masse, même kitsch,

révèle un intérêt des populations pour la chose plastique et s'impose comme une

véritable affirmation de leurs goûts172 ? Il faut reconnaître, ici encore, dans ce désir

de prise en charge, voire de contrôle sur le plan culturel de la population, les

169 "Peinture murale et peinture de chevalet", dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, p. 282. 170 Pierre Bourdieu, La Distinction, critique sociale du jugement, Paris, 1979, p. 429. 171 Dans sa synthèse Vous avez dit musées ? Paris, 2006 - notamment pp 46 à 48 -, Laurent Gervereau développe diverses initiatives susceptibles de favoriser de tels échanges. Cela apparaît d’autant plus nécessaire que c’est plus vraisemblablement en se reconnaissant comme étant contre une création contemporaine que se lient des personnes. Ainsi, « […] les réactions à l’art contemporain ne se déploient guère que sur le mode rudimentaire et difficilement analysable du grognement, de l’exclamation ou du rire entre les membres d’une famille ou d’un groupe d’amis, qui nouent ainsi leur complicité contre l’intrusion, dans leur univers familier, d’un objet d’art non identifié. » Nathalie Heinich, "Raynaud à Paris, 1990 : des chercheurs à qui on ne la fait pas" dans L’Art contemporain exposé aux rejets, Etudes de cas, Nîmes, 1998, p. 121.

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stigmates d’une colonisation sociale qui s’appuie fortement sur le schéma dominant /

dominé. L’exemple cité par Jean-Pierre Esquenazi dans Sociologie des publics173

illustre parfaitement notre propos. Il raconte comment en 1935 un documentaire,

"Housing problems", dénonçant les conditions d’habitation de personnes modestes à

Londres, interpelle les intellectuels puis les pouvoirs publics au point que la

construction d’immeubles est entreprise à la périphérie de la ville. Leurs nouveaux

habitants découvrent alors un mode de vie plus centré sur la maison dont les

occupations s’organisent notamment autour des médias (presse, radio et bientôt

télévision). Les intellectuels pointent alors du doigt les méfaits de telles habitations

qui nient une culture populaire faite d’échanges et d’occupations urbaines au profit

d’une culture de masse qui renferme et normalise ceux qui s’y adonnent. Jean-Pierre

Esquenazi emploie les termes de « pathologisation de la vie quotidienne par la

critique lettrée » qui serait le reflet « d’une peur de la démocratisation » avançant que

« l’on concède aux classes populaires les avantages du progrès social mais on

préfère appeler "aliénation" les conditions qui en résultent. »174

Il y a donc uniformisation, appauvrissement et, in fine, perte des cultures

populaires qui distinguaient une région, un corps de métier par rapport à un autre.

Leurs variétés, leurs spécificités et leurs originalités deviennent vulnérables face à

l’ampleur que prennent les médias de masse. De ce fait, le petit écran, qui en est le

parangon et qui y adjoint la réussite d’une nouveauté technologique mise à

disposition des foules, rassemble réticences et rejets. On lui reproche notamment à

la fois, le mauvais exemple donné par des programmes violents, sans morales et

risquant de se substituer à l’autorité parentale, la façon dont il vampirise les moments

de loisirs, les soirées (empiétant sur le temps de sommeil), les dimanches après-

midi, même les temps de repas, et encore, l’abêtissement des téléspectateurs175.

Pourtant, on ne peut ignorer non plus ses bienfaits sur la création du lien social né

d’une culture commune à tous. Il n’y a plus à être "initié à". Les conversations autour

des programmes télévisuels jouent pleinement ce rôle unificateur. Cela fait d’ailleurs

172 Op. cit., p. 121. 173 Dans l’encadré "Progrès social et déclin culturel", Paris, 2003, p. 32. 174 Ibid. 175 Pour plus de détails, se référer à Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques culturelles, Paris,

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partie des qualités que l’on concède à ce média dès sa création. Focalisant tous les

regards, il impose de fait des modèles communs à tous et élargit le champ des

conversations possibles en ouvrant les regards vers d'autres horizons que ceux du

quotidien176. Certains reconnaissent et soulignent cette qualité-là tout comme celle

de ramener au sein du foyer enfants et époux ; évitant aux uns de jouer dans la rue,

aux autres de trop fréquenter les débits de boissons. Mais, on l’a compris, il y a

toujours une méfiance a priori des élites intellectuelles face aux nouveautés (cinéma,

radio, télévision, bande dessinée, etc.).

Dès la publication des romans populaires, lorsque l’alphabétisation devient

plus importante et plus répandue, les nouveaux lecteurs177 – séduits par ces romans

bon marché, source de satisfaction directe – éprouvent une gêne, un complexe.

Comme si cette occupation était vaine, associée à une perte de temps. Un sentiment

que leur renvoient lettrés et penseurs qui déplorent cet usage de la lecture. Elle

n’aurait pour dessein, selon eux, que de faire momentanément oublier aux gens de

peu leur misère, leur quotidien difficile. Une critique que l’on retrouve adressée à la

télévision et qui semble finalement peu recevable – car pourquoi vouloir se priver

d’un moment de quiétude ? – si elle n’était pas accompagnée de la crainte que cette

échappatoire n’aliène trop les masses au point de se substituer aux réelles

2005, p. 28. 176 Il faut préciser que le caractère fédérateur de la télévision se dilue aujourd’hui par l’offre grandissante de chaînes que propose le média : « La masse se retrouverait alors tout autant éclatée que massifiée. Les choses se compliquent encore avec l’interactivité qui transforme l’individualisme du zappeur en principe d’existence. Lorsqu’on a affaire à un paysage télévisuel à deux cents, trois cents ou cinq cents chaînes, qui plus est interactives, chacun peut avoir son propre programme. C’est tout juste si chacun ne peut pas composer son film en fonction du dénouement qu’il souhaite. La conséquence, c’est la montée de ce qu’on peut appeler un individualisme de masse, avec des phénomènes de rassemblements momentanés à base fortement émotive, lors de certains chocs collectifs de type humanitaires - le Téléthon, un massacre particulièrement télégénique, etc. [...] La conséquence, c’est enfin le développement d’un mode de perception "sans mémoire", voué à opérer dans un perpétuel et foisonnant présent. Avec ce dernier changement, la boucle se boucle : la disparition de l’aura est complète quand une pensée vouée totalement au présent ne peut plus avoir de rapport à la provenance des choses, à "l’apparition unique d’un lointain" et à la tradition qui la conserve de manière, au sens propre, recueillie. » Yves Michaud , L’Art à l’état gazeux, Paris, 2008, p. 125 177 Dominique Kalifa les nomme des « lecteurs "illettrés" » argumentant « qu’ils ne disposent ni de références littéraires, ni de capacité de mise à distance critique, ils n’inscrivent pas leur lecture dans une quelconque stratégie distinctive » se percevant comme « des lecteurs dominés ». Dans La Culture de masse en France, op. cit., p. 26.

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revendications178. Ajoutons à cela la certitude que ces « usines de rêves […] –

cinéma, télévision, radio – » comme les nomme André Malraux, ne soient

employées, lorsqu’elles proviennent du secteur privé, « certainement pas [à]

dispenser de la culture, mais bien plutôt [à] gagner de l’argent. »179 Cela au détriment

d’un public berné – par ce vil dessein et par la piètre qualité de ce qu’il reçoit.

Une hiérarchisation des cultures

Ces mêmes raisonnements se répètent et accompagnent les critiques de

toute innovation dans cet ensemble des arts de masse. Les créateurs eux-mêmes

pâtissent de ce jugement. Alors que l’objet unique, la rareté, est valorisé par l’élite,

les artistes qui connaissent le succès commercial (romanciers, musiciens, metteurs

en scène de théâtre ou de cinéma) voient leur talent et même leurs aspirations

artistiques entachés par le jugement porté sur l’art de masse en général. Car ce

jugement nivelle les créations comme il nivelle les publics. Elles ne seraient pour

beaucoup d’entre elles que la récupération des inventions des arts majeurs une fois

éculées, vidées de leurs substances. Pourtant, on peut tout aussi bien interpréter

positivement cette réappropriation, à l’image de Fernand Léger qui y projette la

possibilité pour l’art abstrait de trouver des échos dans le quotidien :

« Toutes les grandes époques de la peinture ont toujours été suivies

par une époque mineure et décorative qu’elles ont inspirée.

L’industrie et les décorateurs ont su les vulgariser.

[…]

Des différentes orientations qui se sont développées ces quelques

vingt-cinq ans, l’art abstrait est la plus importante, la plus

intéressante. […] Une preuve de sa vitalité fut son utilisation dans le

178 Citant Herbert Marcuse et Theodor Adorno, Jacinto Lageira développe plus longuement ce raisonnement avec "Masse et faiblesse", dans Les Arts de masse en question, Bruxelles, 2007, p. 84. 179 Extrait de l’intervention d’André Malraux à l’Assemblée nationale du 9 novembre 1967, cité dans Maryvonne de Saint Pulgent, Culture et communication, les missions d’un grand ministère, Paris, 2009, p. 100.

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domaine commercial et industriel. Depuis une dizaine d’années, on a

vu sortir des usines des linoléums imprimés de rectangles colorés,

grossièrement imités des apports les plus radicaux de ces œuvres.

C’est une adaptation populaire ; le cycle est complet. »180

Les développements qui précèdent mènent à cette équation évidente mais

qu’il faut poser : plus il y a progrès social, plus l’essor de l’art de masse est important.

Car le peuple aspire au divertissement. Se pose ici la question du contenu de cette

culture. Les réflexions de Roger Pouivet sur le sujet semblent apporter de bonnes

réponses ; elles mènent à envisager les finalités des œuvres. Ainsi, les réalisations

qui s’inscrivent dans l’art de masse ont pour but

« de nous distraire, de nous tirer des larmes ou de nous amuser, de

nous procurer un effet physique ou quasiment physique, une

certaine énergie, nous délasser, nous accompagner dans nos

activités quotidiennes (la musique) ou au contraire nous changer les

idées (le cinéma, le roman). »181

Quand des œuvres d’art majeur « ont des finalités cognitives, morales, religieuses

[et] permettent le plein développement de la nature humaine ». Et de conclure :

« A mon sens toutes les finalités ne se valent pas. Des finalités

cognitives, morales et religieuses sont supérieures à des finalités

affectives et biologiques. »

La hiérarchie des objectifs ainsi établie n’implique toutefois pas celle de la

qualité artistique ; une création apparentée à l’art de masse peut être plus réussie

qu’une œuvre d’art. On différencie donc un art majeur, classique, relatif à des

pratiques légitimes – qui « distinguent » ainsi que le soutenait Pierre Bourdieu –, d’un

art mineur, de masse, relatif à des pratiques dites illégitimes – qui nivellent.

Cependant, toujours d’après Pouivet, le statut d’œuvre d’art n’est pas fixe, il évolue

avec le regard, la manière d’envisager cette œuvre. Notamment dans son utilisation

à des fins de loisir, comme l’expose Hannah Arendt :

180 "A propos du corps humain considéré comme un objet (1945)" dans Fonctions de la peinture, op. cit., pp. 229 et 233. 181 Roger Pouivet, "Des arts populaires aux arts de masse", dans Les Arts de masse en question, op.

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« Je ne fais pas allusion, bien sûr, à la diffusion de masse. Quand

livres ou reproductions sont jetés sur le marché à bas prix et sont

vendus en nombre considérable, cela n’atteint pas la nature des

objets en question. Mais leur nature est atteinte quand ces objets

eux-mêmes sont modifiés – réécrits, condensés, digérés, réduits à

l’état de pacotille pour la reproduction ou la mise en images. Cela ne

veut pas dire que la culture se répande dans les masses, mais que

la culture se trouve détruite pour engendrer le loisir. »182

Roger Pouivet prend l’exemple de La Joconde, incontestable paradigme d’un art

classique dont le statut ontologique varie de l’œuvre peinte par Léonard de Vinci à

l’objet de tous les regards des masses s’étant affairées dans le musée du Louvre

pour le trouver183. Dans ce cas, le lien entre le créateur – Léonard de Vinci – et le

public n’est-il pas rompu par cet intérêt qui n’est que touristique ? La Joconde ne

perd-elle pas, ici, toute son essence, toute la finalité qu’avait mise son créateur en la

concevant ?

La culture pour tous

C’est ce tissage aussi étroit que fragile qu’Art d'aujourd'hui veut établir puis

maintenir entre ses lecteurs et les créateurs. Les rédacteurs aspirent à élever le

peuple, à le sortir de sa condition par la contemplation et, avant d’en arriver là, par

une certaine éducation à l’avant-garde. L’art de masse ne se soucie pas d’éducation,

il n’en a pas besoin : il s’adresse à tous, de tout niveau social et culturel, il ne

demande aucun apprentissage préalable pour être apprécié. Une sorte d’absolu

consensus se met en place. Les pages de la revue ont cette façon singulière de

s’ouvrir aux créations les plus diverses (peintures, sculptures, gravures, films,

affiches, tatouages, dessins d’enfants, arts appliqués à l’industrie) en ayant toujours

cit., p. 33. 182 La Crise de la culture, Paris, 1989, p. 266. 183 Cité par Jacques Morizot, "Les Arts plastiques, l’art de masse et l’art contemporain", dans Les Arts de masse en question, op. cit., p. 60.

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le souci de faire voler en éclats les hiérarchies établies entre ces différents types. Le

projet des animateurs d’Art d'aujourd'hui est complexe, utopique aussi, peut-être : il

consiste à donner aux lecteurs suffisamment de clefs pour élargir le champ de leurs

connaissances culturelles, puis d’assurance dans leurs goûts pour qu’ils constatent

d’eux-mêmes ce que le quotidien peut contenir d’artistique. L’ambition n’est pas des

moindres, elle confine à la mission. C’est, en tout cas, comme cela que l’on peut

percevoir les notes personnelles que Léon Degand rédige dès 1933 :

« Nous, intellectuels, ne pouvons nous distraire à aucun moment de

la tâche qui nous incombe de transformer la mentalité des gens qui

nous écoutent. Nous ne pouvons, par conséquent, rien créer qui soit

de nature à distraire cette audience du travail que nous lui

demandons. La vie de tout le monde est trop en jeu pour chercher

aujourd’hui une distraction à nos devoirs. »184

Depuis les Lumières, se nourrit cet idéal de partage de la culture. Il traverse

les siècles, répondant à divers impératifs. L’opposition faite par André Malraux entre

les « usines de rêves » privées et publiques, les unes animées d’intentions

mercantiles, les autres au-dessus de tout soupçon omet un peu trop vite les

capacités à drainer, apaiser et contrôler les foules des grandes manifestations

culturelles entreprises par l’Etat – défilés, fêtes mais aussi gestion des médias. La

révolution qui se dessine dans les années cinquante et se réalise la décennie

suivante, provient d’un élargissement sans précédent de l’offre culturelle à

destination de tous. Cette mutation incite à considérer que toutes les cultures –

même celle qui distinguait une élite, sociale ou intellectuelle – doit devenir accessible

au plus grand nombre. La culture légitime ne serait plus, alors, une richesse qui

valorise la personne mais un droit universel, celui-là même que l’on retrouve dans la

"Déclaration universelle des droits de l’homme", article vingt-sept :

« 1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie

culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au

progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent. »

184 Carnet de Léon Degand n°4. Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Léon Degand.

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Le second alinéa concerne les artistes et pourrait, toute comme celui qui précède,

être validé par les animateurs d’Art d'aujourd'hui :

« 2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels

découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont

il est l'auteur. »

Car l’autre mission de la revue vise à soutenir les artistes. Loin d’être

considérés par les rédacteurs comme vivant en marge, en dehors des contingences

et des réalités sociales – telle l’élite artiste décryptée par Nathalie Heinich185 –, ils

apparaissent, grâce à l’exercice de leur profession, comme participants majeurs de la

vie publique. Ils la commentent, la critiquent, la rendent plus harmonieuse ou

l’éclairent d’un jour nouveau.

« Pour rendre aux Arts Plastiques toute leur valeur humaine, il faut

rétablir le contact avec le public, avec les foules. Pour que l’artiste

puisse avoir une action sociale, il faut que son rôle soit élargi par la

présence permanente de ses œuvres dans toutes les formes

d’activité. Il ne peut plus se contenter de la compréhension plus ou

moins juste d’amateurs peu nombreux et insuffisamment

informés. »186

André Bloc, qui rédige ces lignes, s’en remet fréquemment aux pouvoirs publics qui

ont le devoir, selon lui, d’aider ceux qui nourrissent ainsi de grandes ambitions

artistiques. Mais les institutions culturelles françaises n’ont pas alors pour objectif de

faire l’actualité de la création artistique187 et ne promeuvent donc pas l’avant-garde.

La frilosité hexagonale non seulement touche les collections des musées qui

demeurent académiques (même celles du tout nouveau musée d’Art moderne dont

son directeur, Jean Cassou, doit composer avec les acquisitions passées et comble

185 L’Elite artiste, excellence et singularité en régime démocratique, Paris, 2005. 186 André Bloc, "Intégration des arts plastiques dans la vie", dans Espace - Architecture-formes-couleur, catalogue de l’exposition du Groupe Espace à Biot, 1954, p. 5. 187 Les chiffres ne trompent pas, ainsi qu’Harry Bellet le mentionne avec le texte "1943-1959 des galeries" dans Cimaise n°199 de mars-avril-mai 1989, p.25. : « L’étude réa lisée par Françoise Levaillant* sur la presse des années 1947-1948 avait permis de démontrer que les expositions avaient lieu, au moins en ce qui concerne Paris, à 86,4% dans des galeries (le phénomène s’est fortement accentué durant la décennie suivante, jusqu’à une apogée en 1960), toutes pratiques confondues. » *Dans Les Arts plastiques dans la presse parisienne 1947-1948, Université de Paris 1 et MNAM,

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les lacunes par des œuvres d’artistes déjà reconnus) mais en plus elle n’est pas

palliée par une attitude aventureuse des collectionneurs privés qui restent rares et

d’une discrétion qui s’apparente à de la gêne. Il est temps de réagir à la double

déception causée par la politique culturelle et par les goûts populaires.

Le ministère des Affaires culturelles

Dans un pays où l’accès à la culture est considéré comme un droit social, où

la classe politique reste sensibilisée à la sauvegarde du patrimoine tout comme à

celle de la place de Paris dans le monde des arts, ces questions-là ne peuvent rester

plus longtemps dans le giron du ministère de l’Education ou être mêlées à celui de la

Jeunesse et des Lettres. En 1956, un article de Robert Brichet qui exerce alors au

secrétariat d’Etat aux Arts et aux Lettres, pose tout en finesse les prémisses d’un

ministère des Arts :

« Le ministre des Arts créé, comment sera conçue sa politique ?

[…] Il aura à : – élever le goût du public, – aider les artistes, –

conserver le legs du passé.

Le ministre des Arts devra apprendre au public à apprécier l’art,

l’inciter à développer sa sensibilité artistique par une éducation qui

suggérera plus qu’elle n’imposera. »188

Mais c’est bien d’un ministère des Affaires culturelles dont hérite André

Malraux le 3 février 1959, et sans une acception large du terme. Lui manqueront, en

effet, la radio et la télévision, restées au ministère de l’Information, les bibliothèques,

conservées à l’Education nationale tout comme l’Institut de France, les musées

scientifiques, l’éducation artistique en milieu scolaire, l’éducation populaire et les

politiques culturelles pour la jeunesse. Enfin, l’action culturelle à l’étranger demeure

le domaine du ministère des Affaires étrangères. Malgré un manque d’ampleur dans

Paris, octobre 1980, non publiée. 188 "Pour un ministère des Arts", dans Les Cahiers de la République, décembre 1956, cité dans

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la diversité des destinataires de son action culturelle, André Malraux rédige en juillet

1959, les missions du ministère (décret n°59-889) q ui reprennent dès le premier

article, les propos de Robert Brichet en vue de la démocratisation des arts :

« Le Ministère chargé des Affaires Culturelles a pour mission de

rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de

la France, au plus grand nombre possible de Français ; d’assurer la

plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la

création des œuvres de l’art et de l’esprit qui l’enrichissent. »

On le voit, une triple responsabilité demeure : guider le peuple vers des œuvres

emblématiques et reconnues, conserver un patrimoine français et aider à la création

contemporaine qui constituera, ensuite, le prestige français et son patrimoine futur.

Différenciant la connaissance de la culture, Malraux conçoit la démocratisation

comme une simple mise en présence du public avec l’œuvre. Une vision idéaliste

remise en cause par Pierre Bourdieu en 1966 avec L‘Amour de l’art. Les musées et

leur public189. Il y soutient que la seule fréquentation de l’art dans les institutions

culturelles ne suffit pas et insiste sur la nécessité d’un apprentissage. L’école

conserve, ici, une place primordiale, les institutions muséales ne pouvant pas

prendre seules en charge cette démocratisation. C’est en partie ce que démontre

l’étude de Bourdieu qui s’appuie sur une enquête de 1946. Ainsi, croiser un ouvrier

dans un musée est quarante fois moins probable que d’y croiser un cadre supérieur.

Le clivage n’est pas tant dû au coût du billet d’entrée qu’à une gêne ressentie

par l’ouvrier, un manque d’habitude, l’impression de ne pas être à sa place et de

devoir jouer un rôle. Ces différences d’attitudes et de goûts, en fonction des classes

sociales, sont encore perceptibles dans les salles du musée. Les néophytes sont

attirés par des œuvres figuratives voire par des scènes de genre – qui les

rapprochent de leur quotidien. Ils sollicitent une visite guidée ; les œuvres ne leur

procurant pas spontanément une émotion, il leur faut entreprendre un processus de

compréhension. En politique culturelle, mettre le public en contact avec l’art ne suffit

pas ; une démarche didactique s’impose. Comment résoudre cette équation trop

Maryvonne de Saint Pulgent, op. cit., p. 98. 189 Paris, 1966.

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rarement démentie par quelques exceptions : milieu social défavorisé = cycle

scolaire court = peu d’accessibilité à l’art ? Si l’école prend le relais de la vie

culturelle des enfants, elle doit alors le faire dès leur plus jeune âge et avec autant

d’application que de constance. Relever ce défi à l’échelle nationale n’est pas chose

aisée et cela est développé plus bas.

Au-delà de ces questions, le travail de Pierre Bourdieu crée un déplacement

du regard porté sur la culture. Il mène à une autre alternative, envisagée à partir des

années soixante-dix puis exploitée largement par Jack Lang lorsqu’il a à charge ce

ministère190 : élargir la notion de culture afin de ne pas recréer de hiérarchies

sociales dans les pratiques culturelles. En ne focalisant plus sur les pratiques

légitimes, en ouvrant le champ vers des créations très diverses, en les mêlant dans

un même lieu, et en réalisant de grandes célébrations à vocation fédératrice dont le

paradigme serait la Fête de la musique depuis 1982. Faut-il y voir un recul de la

démocratisation de la culture ? Les expériences menées dans les musées, les

mesures prises par les ministres de la Culture successifs, montrent que cet idéal

n’est pas oublié191. L’ouverture à la création depuis le design, les arts graphiques, ou

dans d’autres domaines, les musiques populaires, les arts de la rue, etc. ramène une

fois encore aux principes développés par les animateurs d’Art d'aujourd'hui.

De même, ils ne pourraient que louer l’augmentation du nombre de visites

dans les musées qui se voit multiplié par dix entre les années soixante et les années

quatre-vingt-dix192. Des chiffres qui s’expliquent par l’accroissement général de la

population, pour laquelle l’accès à la culture se fait de plus en plus aisément grâce

aux nouveaux médias et dont le temps et le désir de loisirs vont crescendo. Ajoutons

à cela une offre muséale en perpétuels essors et renouvellements (parallèlement à

l’élargissement de la notion de culture). Il faut cependant tempérerce point de vue en

précisant que, d’une part, ce développement quantitatif ne va pas de pair avec une

diversification sensible des publics. D’autre part, il reste que la façon d’aborder l’art,

190 De mai 1981 à mars 1986 puis de mai 1988 à mars 1993. Son ministère change de nom à plusieurs reprises, ajoutant différentes attributions à celle de la Culture : la Communication, les Grands Travaux et le Bicentenaire [de la Révolution française], mais aussi l’Education. 191 Pour le détail des actions entreprises par l’Etat en faveur de la création, on peut se reporter à l’ouvrage de référence de Raymonde Moulin, L’Artiste, l’institution et le marché, Paris, 1992. Notamment le chapitre IV, "L’Etat et les artistes".

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de ne pas le consommer comme un produit ordinaire, d’y mettre de la « distance » –

ainsi que le souligne Bourdieu – demeure l’apport le plus précieux mais aussi le plus

fragile. Atteindre ce but, chez le médiateur (conférencier, critique, guide) n’est jamais

une évidence et se vérifie rarement. De l’intime rencontre avec l’art découle toutefois

un élargissement de nos représentations.

« L’art modèle l’expérience, en agissant sur nos structures

perceptives, en formant les schèmes du regard. Nous ne saurions

dire exactement quels artistes ont rendu possible pour nous la

perception esthétique de la Mer, de la Montagne, du Désert. Mais il

est certain qu’avant leur intervention il n’y avait qu’un objet d’effroi là

où nous voyons la manifestation du sublime. » 193

C’est pour permettre à chacun d’accéder à cette ouverture que les rédacteurs

d’Art d'aujourd'hui choisissent le didactisme plutôt que l’élitisme, souhaitent

l’apprentissage de l’art dans les écoles, de bonnes conditions d’accrochage et des

indications claires dans les musées et ne limitent pas leur verve aux seuls arts

majeurs, entendu que :

« l’origine des schèmes qui structurent notre perception ne doit pas

être nécessairement cherchée dans les œuvres de l’art le plus

classiquement établi. Les schèmes perceptifs d’aujourd’hui

proviennent massivement des affiches publicitaires, des photos de

presse, des images de cinéma et de télévision. »194

Il s’agirait de construire son regard par la présence des œuvres, de poursuivre en se

nourrissant de tout ce que l’on côtoie pour donner à son quotidien une nouvelle

dimension. Pour cela, la fréquentation quotidienne de l'avant-garde, l'introduction de

l'art dans la scolarité et une profonde implication des musées telles que le promeut

Art d'aujourd'hui peuvent contribuer à rendre réelles ces aspirations et contribuèrent

très certainement à en hâter l’avènement.

192 Elisabeth Caillet et Odile Coppey, Stratégies pour l’action culturelle, Paris, 2003, pp. 17 et 18. 193 Jean Galard, "L’Art sans œuvre", dans L’Œuvre d’art totale, Paris, 2003, p. 174. 194 Ibid.

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3. Du devenir des objectifs d’ Art d'aujourd'hui

« Puisque nous faisons l’Histoire autant que nous la subissons, bravons tout bonnement les risques d’“erreur”, non sans prendre la responsabilité de nos oublis volontaires ou involontaires. »195

Art d'aujourd'hui, héritier de courants de pensée partisans d’un art pour tous,

évoluant dans une société moderne naissante, devient un passeur, un maillon de la

longue chaîne dont il faut envisager maintenant les développements postérieurs à la

revue. Nulle ambition, ici, de vouloir démontrer un peu naïvement qu’elle aurait eu un

ascendant excessif sur les mesures prises depuis 1954. Il s’agit plus précisément de

situer Art d'aujourd'hui dans l’évolution des idées de démocratisation depuis l’art

dans le quotidien, son enseignement auprès des plus jeunes et les liens que les

musées d’art moderne et contemporain tissent avec les publics.

Ce bilan se révèle nécessaire au regard du ministère des Affaires culturelles

en germe et qui va institutionnaliser ces batailles. Robert Brichet, haut fonctionnaire

au secrétariat d’État aux arts et aux lettres, rédige dès 1956 "Pour un ministère des

Arts" dont le projet pourrait être co-signé par le comité d’Art d'aujourd'hui et dont les

lignes ci-dessous sont les plus manifestes :

« L‘État peut donner la pleine mesure de son action en construisant

un cadre digne de l’homme civilisé du XXème siècle. L’architecture,

par la beauté des monuments constamment offerts à la vue du

public, jouera ici un rôle majeur.

[…] L’éducation du public se fera également dans les musées. C’est

pourquoi ces derniers devront être enrichis. Mais il ne faut pas

perdre de vue que l’éducation artistique doit se faire partout et tous

les jours.

195 Léon Degand, “La Sculpture de 1930 à 1950”, dans Art d'aujourd'hui, janvier 1951, p. 22.

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[…] L’art vivant apparaîtra dans la vie journalière, même dans les

objets d’usage courant.

L’esthétique industrielle, dont l’action est constante et profonde, ne

saurait laisser indifférent le ministre des Arts. »196

196 Dans Les Cahiers de la République, décembre 1956, cité par Maryvonne de Saint Pulgent, op. cit., p. 99.

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a. L’art dans le quotidien

Mettre le public en contact quotidien avec l’art est l’un des objectifs majeurs

d’Art d'aujourd'hui. La synthèse des arts se trouve donc être la solution offrant le

programme le plus complet puisque exigeant une union parfaite entre l’architecte, le

peintre et le sculpteur. Et c’est en voulant donner corps à cet idéal que des

animateurs et des proches de la revue créent le Groupe Espace en 1951. Un idéal,

en effet, dont même les plus ardents défenseurs connaissent les limites. Roger

Bordier le premier, qui rédige pourtant la quasi-intégralité du numéro consacré à

l’intégration des arts dans l’architecture, reconnaît aujourd’hui que si ce qu’il nomme

une « utopie » l’a toujours beaucoup séduit, cela n’en reste pas moins une utopie :

« […] peut-on valablement parler de synthèse ? Il s’agit plutôt d’un

accompagnement, d’un ajout décoratif. Il faut (et ce n’est pas

forcément réducteur, d’où un côté positif) que les artistes considèrent

l’architecture envisagée comme une valeur inspirante. »197

Synthèse ou intégration des arts ?

Ces propos reflètent-ils une désillusion ? Les sagesses de l’âge ? Tout porte à

croire, en lisant le témoignage du critique, que personne ne se berçait d’illusions

mais que la période était tellement propice à ce développement, qu’il fallait ré-initier

ce mouvement, l'alimenter quitte à se mentir un peu à soi-même. Les enseignants du

Bauhaus eux-mêmes avaient abouti aux mêmes conclusions. Ainsi que le relate

Élodie Vitale198, les différentes tentatives de synthèse des arts restent vouées à

l’échec. Le réaménagement du théâtre de Iéna en 1922, par exemple, fait écrire à

Lothar Schreyer que :

197 Voir entretien annexe V. 198 “De l’œuvre d’art totale à l’œuvre totale : art et architecture au Bauhaus“, dans Les Cahiers du musée national d’Art moderne, n°39, printemps 1992, pp. 62 à 77.

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« Ni le développement artistique de la nouvelle architecture, ni celui

de la nouvelle peinture ne sont suffisamment avancés pour que leur

union soit déjà possible. »199

Bien que les deux expressions soient souvent employées confusément, ne serait-il

pas plus juste de parler d’intégration de la peinture et de la sculpture dans

l’architecture indiquant ainsi l’impossible réunion fusionnelle – cette fameuse

synthèse – des trois parties ? Cependant, lorsque Jean Leppien commente le salon

de musique en porcelaine que Kandinsky avait réalisé en 1931 à l’occasion de

l’Exposition internationale d’Architecture à Berlin, et dont il a en charge la

reconstitution, il emploie le terme d’intégration tout en soulignant, là encore,

l’impossibilité de la tâche :

« Ce n’était pas une chapelle, ce n’était pas un sanctuaire, c’était un

stand pour montrer l’intégration de l’art dans l’architecture, qui était

toujours le principe sacré du Bauhaus, et de tous les peintres et de

tous les étudiants du Bauhaus. Et, comme on n’y est jamais arrivé,

comme on n’y était jamais arrivé depuis les églises du moyen âge,

tout le monde, y compris Kandinsky, était certainement content de

pouvoir faire un petit bout de semblant d’intégration. »200

Certes, moins de vingt ans plus tard, en 1949, André Bloc réalise sa propre

villa, à Meudon, en la concevant depuis le parc alentour jusqu’au mobilier. Il désire

que l’architecture soit envisagée avec le regard esthétique du sculpteur afin de ne

pas tenir compte seulement de paramètres pratiques. Cependant, il y a négation, ici,

de l’idée d’œuvre collective qui devient un des piliers de la fondation du Groupe

Espace. Ainsi que le raconte Claude Parent, ses architectes

« travaill[aient] dès l’origine avec le sculpteur ou le peintre. Avant

même de commencer [leur] architecture, [ils] discut[aient]. »201

199 Ibid., p. 69. 200 Dans Le Temps de Paris, une émission d’Antoine Livio sur Radio Suisse Romande, le 18 novembre 1975. Cité par Véronique Wiesinger, "La Synthèse des arts et le Groupe Espace 1945-1975", dans Abstraction en France et en Italie 1945-1975. Autour de Jean Leppien, Paris, 1999, p. 134. 201 Pour cette citation et les suivantes, voir entretien annexe IX.

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Cependant, l’attachement d’André Bloc pour les échanges entre créateurs, ajouté à

ses propres recherches sur les sculptures-habitacles qu’il réalise dans son parc – et

dont la maison qu’il conçoit à Carboneras, en Espagne, n’est pas très éloignée –,

amène l’architecte Parent à penser que dans le milieu des années soixante,

« […] dans le Groupe Espace, le sculpteur avait pris le pas sur

l’architecte […] d’une manière générale cela détruisait le Groupe

Espace car le dialogue avec l’architecture se trouvait faussé par le

fait que l’œuvre envisagée était initiée par le sculpteur seul. »

Peut-être que ce penchant vers l’architecture-sculpture doit se voir comme un

repli. La création de la section architecture202 du Salon des Réalités Nouvelles en

1949, par son secrétaire général Félix Del Marle, pose elle-même des problèmes de

définition. L’artiste considère en effet dès sa troisième édition – dans une lettre à

Jean Gorin de mars 1951 – que certaines œuvres ne répondent pas à l’idéal de

synthèse et sont bien plutôt des "objets" sans lien réel avec l’architecture. Plus tard,

Jean Gorin se montre lui aussi intransigeant avec les actions du Groupe Espace et le

signale par une lettre ouverte lue lors de l’Assemblée Générale du 9 mars 1956203.

De plus, le Groupe Espace ne peut réellement fonctionner que sous perfusion de

commandes publiques, soit grâce au ministre Eugène Claudius-Petit, fervent

défenseur de la jeune architecture. L’autre moteur du groupe doit se chercher dans

la personnalité d’André Bloc qui équilibre les tensions et passe outre « les querelles

intestines ». Claude Parent retrace ainsi la fin du collectif :

« Quand il est mort, une grande réunion – dont il ne reste aucune

trace – du Groupe Espace s’est déroulée chez moi. J’ai été élu

président de force. Je leur ai quand même précisé que pour moi le

Groupe était fini, qu’il y avait trop de mésententes entre tous et que

de toute façon, les commandes se raréfiaient. Et même, dès lors que

le tachisme s’est installé, je ne voyais plus le rapport des arts avec

l’architecture. Ce n’était pas une victoire de l’un par rapport à l’autre,

202 Elle est baptisée "salle Espace", l’année suivante, par Pierre Descargues dans une critique parue au journal Arts du 16 juin 1950. 203 Courriers cités par Domitille d’Orgeval dans L’Engagement et la contribution d’André Bloc pour l’architecture et les arts de l’espace, mémoire de Maîtrise d’histoire de l‘art sous la direction de Serge Lemoine, Université de Paris IV-Sorbonne, Paris, 1996-1997, pp. 33 et 43.

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c’était une évolution, une page se tournait, c’était tout. J’ai donc

annoncé que l’on pouvait dissoudre le Groupe Espace car je ne

pouvais pas continuer à participer à quelque chose qui n’était plus

qu’une association dont le dogme fondateur n’était plus respecté. »

Une concrétisation dans l’industrialisation

La synthèse des arts reste liée à l’abstraction géométrique. Qu’arrive-t-il

lorsque l’esthétique évolue ? Peut-on finalement intégrer les arts à l’architecture ou à

l’urbanisme ? Elodie Vitale avance l’anachronisme du modèle de la cathédrale

gothique dans le Manifeste du Bauhaus204. Mais lorsqu’elle cite Walter Gropius

voulant concrétiser « une architecture totale embrassant tout l’environnement visible

depuis le simple ustensile jusqu’à la ville complexe », on peut se demander si de nos

jours, dans nos sociétés consuméristes et globalisantes, cette utopie ne s’est pas

matérialisée dans l’enseigne suédoise de conception, réalisation et vente de

meubles qui s’est diversifiée depuis « le simple ustensile » – une petite cuillère, par

exemple, mais aussi l’alimentation – jusqu’à, dernièrement, la construction

d’appartements. Quant à l’idée d’« embrass[er] tout l’environnement visible », la

marque IKÉA par l’implantation mondiale de ses magasins et donc la diffusion non

moins internationale de ses produits, devient la réponse exacte, bien que

surprenante – et peut-être décevante parce qu’exclusivement mercantile – à ce vœu

du fondateur du Bauhaus. D’autant que dès 1922, le Bauhaus délaisse peu à peu

l’artisanat pour l’industrie et le travail en série, s’accordant ainsi à l’évolution de la

société ; ce que l’enseigne bleue et jaune sait pleinement exploiter.

Plus largement, la démocratisation du design à laquelle nous assistons depuis

les années cinquante n’est pas à négliger. Tirant parti de l’industrialisation et des

réseaux de commercialisation à grande échelle, il peut apporter à l’environnement

quotidien de chacun une incontestable plus-value. Et l’œil aiguisé constate du reste

que nombre de pièces commercialisées aujourd’hui dans ces magasins sont une

204 Op. cit., p. 65.

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réappropriation dans un style plus actuel, des créations des débuts de l’esthétique

industrielle. Le travail que Charlotte Perriand a mené pour aboutir à un mobilier

fonctionnel basé sur l’organisation et le gain de place demeure d’une actualité

prégnante. Peuvent être cités pêle-mêle : le bahut à portes coulissantes (1939), le

mobilier empilable et sa table de 1953 en tôle d’aluminium anodisée, l’utilisation des

tiroirs en plastique en 1955, les bibliothèques rangements et leur agencement de

cases colorées ouvertes ou fermées (1956) ou encore, avant cela, la penderie et la

table démontables présentées à l’exposition Formes Utiles, objets de notre temps au

musée des Arts décoratifs en 1949.

La procédure du 1%

Le design, pour lequel la France s’est dotée d’un Institut français d’esthétique

industrielle en 1950, bénéficie donc d’un certain soutien. Mais il ne peut, à lui seul,

suffire à intégrer l’art dans le quotidien. Les autres solutions sont institutionnelles ; il

s’agit des commandes publiques et du 1%. Deux projets de loi différents – un de

Mario Roustan l’autre de Jean Zay et Georges Huysmans – proposent en 1936, afin

de porter assistance aux artistes sans emploi, de consacrer 1,5% du budget de la

construction de bâtiments financés par L’Etat à la réalisation d’une « décoration »205

destinée à être insérée dans ledit bâtiment. Aucun des deux projets n’aboutit mais

Jean Zay en conçoit une application pour les constructions scolaires et universitaires

lorsqu’il est ministre de l’Instruction publique sous le Front populaire. A l’argument

d’aide aux artistes s’ajoute celui de la fréquentation quotidienne des œuvres pour les

plus jeunes, ce qui ne peut être que bénéfique. Yves Aguilar qui tout au long de son

essai abondamment documenté reste très critique envers ce procédé, en montre les

limites dès la création :

205 On remarque, en effet, tout au long des lettres, discours et échanges divers cités dans le livre d’Yves Aguilar, Un art de fonctionnaires : le 1%, Nîmes, 1998, que c’est le terme de « décoration » qui revient (voire celui de « déco » employé dans une lettre d’un directeur d’I.U.T., page 115). Nous sommes loin de l’amibtion de synthèse défendue par le Groupe Espace.

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« L’idée de Jean Zay était de confier la décoration des immeubles de

l’instruction publique à des artistes en chômage. Etant donné le

mode de production artistique, le flou de la catégorie socio-

professionnelle, les critères de l’activité ou du chômage de l’artiste,

vivant souvent d’un "vrai" métier, il est vraisemblable que l’idée aurait

été difficile à appliquer. »206

Après la Seconde Guerre mondiale, afin de renouer avec la force symbolique

de la France et son prestige culturel, afin de prouver sa vigueur à faire face et la

vivacité de ses artistes (qui obtiendraient ainsi une aide substantielle), un projet de loi

est étudié et le texte fondateur (d’un arrêté et non d’une loi) sur le 1% voit enfin le

jour le 18 mai 1951. Il s’applique aux bâtiments scolaires et universitaires207. Notons

qu’Art d'aujourd'hui ne fait jamais mention du 1% dans ses pages. Il n’aurait pourtant

pas été étonnant d’y lire dans celles consacrées aux informations diverses, une mise

au point sur l’avancée de cet arrêté ou une prise de position claire émise par Léon

Degand. Ce dernier y fait indirectement une allusion tout en semblant en ignorer

l’existence :

« Dans certains pays la loi oblige les architectes, chargés

d’entreprises dépassant un certain coût, de consacrer un certain

pourcentage du budget à des ornements de peinture ou de

sculpture. Et si l’on préfère une architecture sans ornements ? »208

Il faut attendre Aujourd'hui : art et architecture pour trouver une critique

clairement dirigée et argumentée :

« […] Il s’agirait de savoir si le 1% est une aumône destinée à venir

en aide aux artistes médiocres […]. Nous sommes encore à attendre

des réalisations dignes d’intérêt. Nous aimerions pourtant qu’un

effort cohérent soit tenté […]

206 Op. cit., p.65. 207 Peu à peu le 1% s’étend à la plupart des bâtiments publics, qu’ils soient créés, agrandis ou rénovés. 208 "La Situation sociale et économique de l’artiste", dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 17.

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Ne serait-il pas possible d’obtenir des pouvoirs publics qu’ils nous

précisent dans quelles conditions fonctionne le système du 1%. Si

les sommes réunies ne sont destinées qu’à nous imposer quelques

navets supplémentaires, il vaut mieux y renoncer.

Par contre, si l’on veut défendre sérieusement les artistes de notre

époque, le système du 1% doit être étendu, généralisé, mais il

faudrait que les études préalables soient entreprises par des

organismes appropriés, de manière à ce que l’idée directrice ne soit

pas déviée de ses buts. »209

Cela fait déjà quatre ans que le 1% existe. Il s’agit sûrement du temps

nécessaire à la réalisation de plusieurs œuvres afin de pouvoir donner un avis

alimenté par l’expérience. De plus, au vu de la critique négative faite à cette initiative

qui aurait pu, en toute logique, séduire les rédacteurs, on peut se demander si ces

derniers n’attendaient pas quelques créations sensibles pour les commenter

positivement210. La critique qu’émet Jeanne Laurent date de cette même année

1955. Elle fustige les amitiés nées à la Villa Médicis entre architectes, peintres et

sculpteurs « sans mérite » qui monopolisent ensuite les offres du 1%, « répand[ant]

dans tout le pays des œuvres qui ont contribué à gâter le goût du public »211 Car

comme l’enseigne Raymonde Moulin212, les administratifs en charge des dossiers

pour la sélection d’une œuvre du 1% portent plus facilement leur choix sur l’artiste de

la région qui aurait reçu le Prix de Rome. Cette reconnaissance reste bien

évidemment rassurante. A partir des années quatre-vingts, le 1% étant combiné à la

politique de grands travaux, il est plutôt fait appel à des artistes de notoriété

nationale si ce n’est internationale.

Mais le goût du public se gâte-t-il à la fréquentation de ces réalisations comme

le craint Jeanne Laurent ? Il semblerait plutôt qu'indifférent ou franchement hostile, il

209 Dans "Le Un pour cent aux artistes", n°5, novembre 1955, p. 3. Texte non signé devant donc faire consensus au sein du comité. 210 Il est à noter que dans les années soixante-dix, Edgard Pillet fera une cinquantaine de pièces dans le cadre du 1%. 211 Mentionnée par Yves Aguilar, op. cit., p. 67. Cette citation est extraite de l’ouvrage La République et les Beaux-Arts de Jeanne Laurent, alors écartée de la sous-direction des spectacles et de la musique au ministère de l’Éducation nationale.

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affine, ici, son aversion pour l’art qui lui est contemporain. Obligé de côtoyer

quotidiennement un objet décoratif dont l’esthétique ne le convainc pas, il développe

ses arguments contre l’argent public mal dépensé, gaspillé, les artistes parisiens ou

étrangers sollicités, et le snobisme de l’art en général. La procédure, aussi

généreuse soit-elle, connaît dans son application des dysfonctionnements

inévitables : des architectes qui ne connaissent pas l’art contemporain ni même

précisément le règlement du 1% alors que le choix de l’artiste leur revient en partie.

Des fonctionnaires non formés à l’art et, pour certains, ne voyant pas d’intérêt au 1%

mais qui participent aussi à la sélection des créateurs. Les artistes eux-mêmes qui

considèrent parfois cette commande plus comme une activité alimentaire que comme

une façon d’ouvrir leur création au plus grand nombre. Travaillant sans passion,

certains ne se déplacent pas sur le chantier et n’appréhendent le lieu qu’au travers

de maquette, dessin, photographie et photomontage. Leur réalisation ne peut alors

difficilement être autrement que plaquée sur un bâtiment qui, de plus, ne l’a pas prise

en compte dès le départ213. Il faut attendre la moitié des années 1970 pour que l’avis

des bénéficiaires de l’œuvre soit sollicité. Là encore, la lourdeur administrative ainsi

que les aléas d’une œuvre acceptée d’après un projet, faussent la qualité du choix.

C’est finalement les mêmes problèmes qui apparaissent dans toute entreprise de

décentralisation. Afin d’éviter un résultat médiocre ou inadapté parce qu’imposé par

une instance supérieure et avisée, la décentralisation nécessite, à toutes les étapes,

des personnes concernées. Sans cela, la déception causée par une entreprise

initialement altruiste est ressentie plus violemment que ne l’était le vide artistique.

La commande publique

Ce système connaît donc nombre de problèmes. L’artiste, s’il lui procure du

travail, n’accède guère à la notoriété car il se coupe généralement du circuit des

galeries ; quant à l’usager qui, dans le meilleur des cas, il reste bien souvent

212 Dans Le Marché de la peinture en France, Paris, 1967, p. 278. 213 La liste de ces irrégularités n’est pas exhaustive. On pourra se reporter, une fois encore, au livre d’Yves Aguilar, Nîmes, 1998.

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indifférent à la création ainsi subie. Les fortes dépenses d’argent public engendrées

par ces projets ne font qu’augmenter le mécontentement. Et la difficulté à estimer la

qualité et l’intérêt d’une œuvre d’art à l’aune de son coût ne peut aider à temporiser

l’insatisfaction. La commande publique, née des mêmes élans généreux, pâtit des

mêmes défauts. Elle permet d’orner places et jardins publics, gares, stations de

métro et aéroports, autoroutes, ainsi que des bâtiments anciens afin de faire se

rencontrer patrimoine et contemporanéité.

« C’est évidemment au nom du souci du public et de l’esthétisation

de sa vie dans les banlieues tristes que les fonctionnaires en mission

culturelle justifient les commandes publiques pour lesquelles le

public n’a vraiment pas son mot à dire. [Car] un art officiel, c’est

toujours un art sans nécessité, un art de commande et pas de

demande »214

« Un art de commande et pas de demande », là se situe probablement son

plus grand défaut. Non désirée par ses usagers, issue de la volonté d’une

administration, l’œuvre réalisée au titre de la commande publique cristallise pourtant

de nombreuses attentes. Elle doit venir en aide aux artistes, mais aussi donner

l’occasion de rassembler une collection d’œuvres contemporaines exemplaire,

moderniser l’image d’une commune par la notoriété d’un artiste, ou encore permettre

de ne négliger ni la province, ni les différentes formes d’expression dont les métiers

d’art (tapisserie, vitrail, porcelaine, travail du verre). Le fait de choisir parmi les

œuvres les plus novatrices215 – pour ne surtout pas engendrer de nouveaux artistes

maudits reconnus ensuite par la postérité – amène à ce que Raymonde Moulin

appelle « le paradoxe de la commande publique des années quatre-vingts »216 : c’est

l’État qui promeut l’avant-garde et avec elle, l’agitation, le malentendu, voire

l’opposition217. Ce que Philippe Dagen analyse d’un œil critique :

214 Yves Michaud, cité dans Yves Aguilard, op. cit., p. 11. 215 Nous faisons référence ici, au rapport de 1984 du ministère de la Culture, La Politique culturelle, 1981-1984, qui encourage « l’art sous ses formes les plus novatrices ». Cité par Raymonde Moulin, op. cit, p. 92. 216 Dans L’Artiste, l’institution et le marché, op. cit., p. 152. 217 Pour plus de détails, on pourra se référer aux études de cas que propose Nathalie Heinich dans L’Art contemporain exposé aux rejets, Nîmes, 1998.

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« L’État avait traité l’art moderne en pestiféré un siècle durant. Il

changeait ses procédés et le traitait en enfant prodigue, le fêtait, lui

glissait des billets dans les poches. Changement de tactique, mais

but et résultat identiques : la défense de l’ordre. La subversion

subventionnée cessait d’être subversive à l’instant. Les chiens jadis

enragés mangeaient dans la main du ministre. Joli spectacle. Jolie

ruse de la raison d’État. »218

L’exemple de Brancusi à Targu Jiu

Alors que reste-t-il de la volonté de former le goût par la fréquentation

régulière des œuvres ? Habituellement accompagnées de médiation lors de leur

installation, les créations ne sont pas abandonnées à ceux qui vont les côtoyer. Elles

peuvent devenir un repère dans l’espace public autour duquel d’autres

manifestations culturelles prennent place. Enfin, qu’en est-il de la synthèse des arts ?

La commande publique, encore moins que le 1%, ne se préoccupe d’intégration à

l’urbanisme ou à l’architecture ; l’artiste prend en compte l’environnement tant urbain,

architectural que social mais son intervention, forcément rétrospective, peine à faire

corps avec celui-ci. Et ce cadre lui-même peut aussi être amené à évoluer, rendant

parfois l’œuvre obsolète et dérisoire. Même les créations conçues pour s’intégrer

pâtissent d’un paysage voué à se modifier. L’expérience de Brancusi à Targu Jiu en

Roumanie en 1937 aurait pu servir d’avertissement à cette commande publique

parce que prestigieuse dans le dessein et déliquescente dans son état actuel.

Initiées par un montage électoral, trois réalisations monumentales du célèbre

sculpteur – la Colonne sans fin, la Table du silence et la Porte du baiser – ont pris

place dans la ville de Targu Jiu. Si l’on s’en réfère aux photographies et témoignage

qu’en donne Sergheï Litvin Manoliu219, ce qui reste aujourd’hui dans la petite ville

minière roumaine proche du village natal du sculpteur, se résume à une colonne

moins élancée que prévu et qui penche désormais suite à une tentative

218 Dans La Haine de l’art, op. cit., p. 105.

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d’abattement, une table sans ses douze chaises et une porte réduite à sa plus simple

expression. Les directives de l’artiste n’ont pas été respectées et la conservation de

ses œuvres est franchement sujette à caution.

Infiltration du quotidien dans l’art

Aujourd’hui, l’extraterritorialité de l’art rend poreuses les frontières entre le

quotidien et l’artistique. Ce n’est pas tant l’art qui s’introduit dans le quotidien que le

quotidien qui s’est infiltré dans l’art. Lorsque Pierre Restany rédacteur de la revue

Cimaise à partir de 1956, raconte avoir compris que désormais il fallait « situer le

destin de l’art au niveau de l’auto-expressivité des objets industriels et du langage de

la rue »220, on comprend, avec lui que deux raisonnements s’affrontent par rapport à

la création émergeante : celui qui s’appuie sur l’esthétique et celui qui repose sur la

sociologie et l’anthropologie. Les changements survenus dans la société, son entrée

dans l’ère de la consommation et des loisirs, trouvent des résonances dans la

production plastique. Les nouveaux réalistes et les artistes du pop art font pénétrer

dans le champ de la création artistique des objets du quotidien de façon bien plus

systématique et littérale que Marcel Duchamp, Dada, les surréalistes ou Braque et

Picasso. Car c’est également le langage de la société de consommation ainsi que sa

culture de masse qui franchissent les frontières de la culture légitime : la publicité, la

bande dessinée, le cinéma, les médias, etc.

Cet ancrage dans le quotidien connaît dès lors de multiples appropriations

qu’il serait vain d’énumérer ici ; mentionnons seulement sans vouloir établir de

filiation directe avec Art d'aujourd'hui, les graffiti – avec Jean-Michel Basquiat, puis

Keith Haring et d’autres de nos jours qui prennent comme support d’expression aussi

bien le mur que la toile – et le tatouage – médium d’expression possible en body art.

Ainsi, la théorie de Fernand Léger selon laquelle l'appropriation par les arts

décoratifs ou industriels d'une esthétique développée par des artistes au sens fort,

219 Dans Brancusi > Targu Jiu, Paris, 2003. 220 Entretien réalisé le 17 mai 2000 dans le cadre d’un mémoire de maîtrise.

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en indiquerait sa fortune, devient caduque, voire s’inverse221. Les artistes, fins

observateurs de leurs contemporains, prennent acte de la société dans laquelle ils

évoluent. Comme le validait l’exposition de peinture figurative en automne 2000 à

l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts : Ce sont les pommes qui ont changé.

Comment, en effet, continuer à peindre des compositions au compotier et cruche en

grès quand les cartons d’emballage et les boîtes métalliques occupent nos

étagères ?!

Parallèlement à ces mouvements qui ne se fondent pas sur la prise en compte

du public, on a pu voir des artistes comme Daniel Buren ou le Groupe de Recherche

d’Art Visuel descendre dans la rue pour y installer leurs réalisations qui modifient

alors les habitudes des passants voire nécessitent leur concours pour exister. De

plus en plus participative, de plus en plus désacralisée, réduite parfois à un geste,

l’œuvre, aujourd’hui, peine parfois à émerger du quotidien. Et ce sont les critères

pouvant servir à définir ce qui fait l’art qui deviennent bien difficiles à établir.

La culture événement

Paradoxalement, jamais une époque n’a été autant pétrie de culture et d’art

qu’aujourd’hui. Envisagés sous le jour de l’événementiel – concession de la culture à

la société de consommation –, art et culture envahissent nos villes et même nos

campagnes. L’art dans le quotidien est devenu une succession d’événements :

expositions surmédiatisées, festivals, Nuit des musées, Journées du patrimoine, Fête

de la musique, Fête du cinéma, etc. Et quelle que soit la spécificité de l’institution

culturelle, se rattacher à l’un de ces événements ou à tous ne peut que favoriser un

éclairage nouveau et une lecture plurielle des œuvres.

L’événement fondateur reste la Fête de la musique instaurée par le ministère

de Jack Lang en 1982. Durant cette période du « tout culturel » les termes de

“beaux-arts” se voient remplacés dans les textes officiels par ceux d’“arts plastiques”.

221 "A propos du corps humain considéré comme un objet (1945)" dans Fonctions de la peinture, Paris, 1997, pp. 229 à 233.

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Un glissement de sens qui entérine une acception large de ce que peut être la

culture, entraînant

« l’abandon progressif de la démocratisation culturelle (la culture

pour tous) au profit de la démocratie culturelle (la culture de tous et

par tous). »222

Ce phénomène prend de l’ampleur avec les nouvelles technologies et dans un

contexte d’hyper médiatisation du quotidien entamé par la télévision et poursuivi puis

dépassé par l’Internet et les échanges qu’il a facilités ou générés (forums, blogs,

commentaires des internautes, pages personnelles223). Les possibilités qui

paraissent illimitées aujourd’hui seront pourtant démultipliées d’ici quelques années

voire quelques mois, si bien que l'on ne peut plus avancer de prospective sur les

pratiques culturelles de chacun.

La création et l’Internet

Notons, en effet, qu’actuellement pas loin de vingt-quatre heures de vidéos

sont envoyées chaque minute sur le site Web YouTube224 et que deux cent

cinquante mille artistes ont créé leur page personnelle sur celui de Myspace

France225. A l’autre bout du réseau, les webspectateurs sont présents puisqu’en

janvier 2009, aux Etats-Unis, on en compte un peu plus de cent millions pour le seul

site YouTube, chacun ayant visionné en moyenne plus de soixante vidéos durant le

222 Philippe Poirrier cité dans Antoine de Baecque, Crises dans la culture française, Paris, 2008, p. 172. 223 On parle plus généralement d’UGC (User Generated Content) soit de contenu produit par l’utilisateur, ce qui ouvre tous les possibles : musique, vidéo, photographie, art graphique, art numérique, écrit, etc. Des études datant de juin 2008 indiquent cependant que parmi les internautes ayant entre quinze et vingt-neuf ans, seulement 14% d’entre eux créent du contenu. 224 Information publiée par le blog de référence dans le domaine, TechCrunch le 20 mai 2009 : http://fr.techcrunch.com/2009/05/21/chaque-minute-pres-de-24-heures-de-videos-arrivent-sur-youtube/. 225 Chiffres donnés lors de la session plénière "Au delà du Web 2.0 : le social graph et les communautés virtuelles" au Digiworld Summit, du 18 au 20 novembre 2008, à Montpellier organisé par l'Institut de l'Audiovisuel et des Télécommunications en Europe.

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mois226. Plus spectaculaire, car conduisant dans un univers parallèle, Second Life

(appelé SL par les habitués), ainsi que son nom l’indique en partie, offre une autre

vie aux internautes. Créé par la société Linden Lab en 2003, ce monde virtuel n’est

pas un jeu, il permet toutes les réalisations imaginables, à commencer par son

propre personnage, un avatar, qui n’est pas tenu d’appartenir à l’espèce humaine.

Tout est à construire sur Second Life ce qui incite les recherches en architecture :

« Des étudiants du Royal Institute of Technology de Stockholm ont

ainsi fondé en 2006 le groupe LOL architects11 pour installer dans

Second Life un étonnant laboratoire voué à l’architecture virtuelle.

"The Office" expérimente les architectures de demain à l’aide des

outils de modélisation 3D. Séminaires, ateliers et performances liant

monde réel et virtuel s’y déroulent régulièrement, qui examinent les

limites et les potentialités pour la production d’architecture dans un

monde où les frontières entre représentation et réalité sont de plus

en plus floues. "Un bâtiment dans Second Life a la possibilité de

voler ou de bouger, pourtant la plupart des maisons sont recouvertes

d’une texture en bois et sont figées au sol. Au lieu de façonner un

monde propre aux possibilités du virtuel, les utilisateurs de Second

Life ont créé une copie du globe. L’architecture de Second Life est

étonnamment ordinaire", relève l’un des étudiants. »227

Les intérêts économiques que certains ont pressentis ont fait s’installer de

nombreuses marques sur SL, et une économie de la culture se développe également

grâce aux Linden Dollars, la monnaie en cours dans ce monde virtuel. On peut

assister à des concerts donnés par les avatars de chanteurs réels, à des films, des

colloques, des expositions, des performances d’artistes et même à des remakes de

performances illustres. Des œuvres (virtuelles) sont produites par des avatars qui

sont ensuite achetées par des collectionneurs, avatars d’autres internautes. Tout

n’est donc pas virtuel dans SL et des institutions culturelles s’y établissent (le MoMA

226 Chiffres publiés par l’institut de statistiques sur les usages du Web, comScore, le 4 mars 2009 : http://www.comscore.com/Press_Events/Press_Releases/2009/3/YouTube_Surpasses_100_Million_US_Viewers. 227 Marie Lechner et Annick Rivoire "La double-vie du deuxième monde" dans Second Life, un monde possible, Paris, 2007, p. 24.

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et le Palais de Tokyo, par exemple) pour proposer d’autres formes d’art. Un étudiant

des Beaux-Arts du Massachusetts College of Art, a validé sa thèse grâce à un travail

sur Second Life228.

Le fait qu'un colloque s'intitulant "Le Web matériau de création" se soit tenu à

la Bibliothèque nationale de France, révèle l’ampleur certaine du phénomène,

l'assoie dans les pratiques culturelles et permet d'en dégager des tendances,

d'envisager de nouveaux comportements face à ce format artistique. Car avec

l’Internet, l’art est bel et bien entré dans nos maisons, accessible à tout moment et à

tous mais une partie des créations restent virtuelles, soit dématérialisées.

b. L’enseignement de l’art en milieu scolaire

Il n’est que rarement question d’enseignement de l’art en milieu scolaire dans

les pages d’Art d'aujourd'hui ; pourtant, la nécessité de faire apparaître cette réflexion

ici est apparue comme évidente. Assez curieusement, ce thème peu exploité est

vécu comme une fatalité plus que comme un défi à relever. Nous l’avions vu en nous

arrêtant sur L'Architecture d'aujourd'hui, André Bloc avait pour projet, en 1957, de

fonder une école d’architecture. Ainsi, les entreprises ambitieuses ne font pas peur

aux animateurs de la revue mais cette question-là, aussi primordiale leur paraît-elle,

ne doit pas trouver de solution à leurs yeux parce qu’elle est trop ancrée dans

l’institution :

« La vaste entreprise d’obscurantisme artistique que l’on a si

admirablement mise sur pied et qui, depuis des dizaines d’années,

avec une férocité qui ne faiblit pas, par tous les moyens, de l’école

au musée en passant par la grande presse, s’acharne à discréditer

auprès du public l’art de son époque, à dégoûter d’avance le public

de l’art pratiqué par les vrais artistes vivant à son époque, à

l’entretenir dans une ignorance somnolente, furibonde ou satisfaite

du langage plastique de son époque. […] On empêche de former

228 Selon une information publiée par L’atelier.fr le 17 mars 2009.

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des amateurs. […] Si tout le mal que l’on s’est donné pour aveugler

le public avait servi à l’éduquer, l’artiste d’aujourd’hui disposerait de

possibilités égales à celles de tous les citoyens qui, pour vivre,

vendent les produits de leur industrie. »229

Une question cruciale à lire entre les lignes

Le monde de l’enfance et son extrême inventivité vierge d’a priori esthétique

sont mis sur le devant de la scène depuis que Jean Dubuffet théorise l’art brut. Pierre

Guéguen propose aussi un éclairage subtil de ces créations dans le numéro

consacré aux dessins d’enfants230. Son approche montre une connaissance ou du

moins un intérêt pour la psychanalyse. Avertissant dès la première phrase de

l’introduction : « Les enfants ne sont pas de petits bonshommes, des adultes en

réduction. Ils forment […] une humanité à part. », il argumente cette assertion par

quelques courts paragraphes sur les distinctions entre l’adulte et l’enfant. A-t-il été

mis en contact avec les thèses développées dans Psychanalyse et pédiatrie en 1939

par Françoise Dolto, bien qu’encore peu répandues ? Ses articles expliquant

l’évolution graphique des enfants au regard de leurs développements psychomoteur

et psychologique font preuve d’un regard neuf et parfaitement adapté à leur sujet.

Les textes montrent l’intérêt du dessin d’enfants en soi sans aborder pour autant ce

qu’il apporte aux petits créateurs eux-mêmes. Art d'aujourd'hui reste ainsi dans sa

ligne éditoriale qui n’est pas celle d’un magazine de pédagogie. Ils mettent

cependant volontiers en avant les initiatives allant dans le sens de l’épanouissement

artistique de l’enfant. Roger Bordier commente par exemple des cours de dessins

pour les plus jeunes donnés par des artistes en dehors du temps scolaire. Décrivant

l’action d’Augusto Rodrigues au Brésil, il conclut :

« L’adulte que Rodrigues, intelligemment, prépare en l’enfant, aura,

demain, et il n’est pas besoin pour cela de devenir artiste, même du

229Léon Degand, "La Situation sociale et économique de l’artiste", dans Art d'aujourd'hui 4ème série, n°8, décembre 1953, p. 18. 230 Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°2, novembre 1950.

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dimanche, une connaissance plus profonde, une compréhension

plus juste, un esprit critique moins dangereusement intuitif de l’art, et

pour tout dire, du faire. Et c’est cela qui est important. »231

Tâchant de remédier aux manques de l’enseignement inculqué aux enfants d’hier, le

didactisme des textes d’Art d'aujourd'hui s’adresse, quant à lui, aux adultes :

« La critique explicative est qualifiée parfois de didactique, pour la

discréditer. A la vérité, elle l’est. Et heureusement, sans quoi rien ne

suppléerait aux lacunes de nos diverses sortes

d’enseignements. »232

Un souci constant dans l’enseignement

On reconnaît dans l‘histoire de l’éducation en France un souci constant de

l’enseignement des arts : en musique (par le chant, généralement choral) et en

dessin. Ce dernier est d’abord envisagé indifféremment sous son aspect technique et

créatif. Lorsque les deux particularités sont distinguées, la pratique du trait pensée

comme artistique reste celle d’imitation ; il n’est donc pas considéré comme dessin

d’imagination. La réforme des programmes de 1908 distinguant les deux formes de

dessin incite également les enseignants à

« intéresser leurs élèves aux formes d’art régionales et de compléter,

autant que possible, l’étude de modèles par des promenades dans

les musées et par des visites aux monuments »233.

En dessin comme en musique, on associe la pratique à la mise en contact avec les

œuvres. Les idées poursuivent leur évolution dans ce sens avec, en 1925, la création

d’un nouvel enseignement "Art ou explication des chefs-d’oeuvre de l’art". Le

231 Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 32. 232 Léon Degand, “Propos sur la critique d’art”, dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, p. 25. 233 Cité par Eric Gross, Rapport à Monsieur le ministre de l'Education nationale et Madame la ministre de la Culture et de la Communication, Un enjeu reformulé, une responsabilité devenue commune, 14 décembre 2007, p. 5.

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rapporteur Eric Gross note : « La notion d’arts plastiques apparaît pour la première

fois dans les programmes »234. Cela laisse présager d’une conception plus large qui

tiendrait compte des aptitudes multiples des enfants pour la couleur, le volume, le

découpage, etc. Enfin, dès sa création, le ministère des Affaires culturelles, grâce au

plan Landowski, se rapproche quelque peu de celui de l’Education nationale afin

d’agir plus intensément dans le domaine de la musique. C’est déjà là une voie qui

s’ouvre sur les arts.

Cependant, dans leur ouvrage de référence, L’Activité créatrice chez l’enfant,

Robert Gloton et Claude Clero235 livrent un témoignage précis sur la réalité en milieu

scolaire de l’écart entre les intentions et les applications. Il est utile de le citer

largement :

« Sait-on que les programmes officiels appliqués jusqu’en 1965,

malgré quelques modifications de détails en 1923, dataient de 1882.

Ils proposaient par exemple des alignements au moyen de cubes,

briques,… et "essais de copie" de ces combinaisons pour la

première Section enfantine ! ainsi que "la copie d’objets usuels très

simples" et des croquis de tout genre ! Le dessin libre devait être fait

hors de la classe ! Les arrangements décoratifs élémentaires :

bordures, carrelages, étaient ornés de motifs géométriques simples

et de feuille de marronnier, d’acacia et ombelle. Au Cours

élémentaire, les objets à copier "sont placés sous les yeux des

élèves" ! En fait, l’essentiel se résume simplement à ceci : dessin

d’après modèle (y compris modèle vivant vêtu au Cours supérieur) ;

arrangements décoratifs, dessins géométriques. L’imagination peut

se développer "librement" hors de classe "par les illustrations des

devoirs". Et de nombreux adultes de nos générations ont acquis des

notions d’art sur ces bases !

[…] Au certificat d’études primaires, une épreuve artistique de 40

minutes, durant des années, consista en une "nature morte" ou

234 Op. cit., p. 6. 235 Respectivement pédagogue, inspecteur de l'Education nationale, président du Groupe français d'éducation nouvelle, et artiste plasticien, professeur de dessin, secrétaire général de l’Union des arts plastiques.

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"Géométral" du type : savon de Marseille, seau, boîte à craie,

dictionnaire, corbeille à papier… ! ou le chapeau de l’inspecteur ! »236

Un enseignement académique de l’art

On le voit, l’académisme reste le maître mot dans un enseignement où

l’imaginaire et la créativité (terme d’ailleurs tardivement inventé237) n’ont pas leur

place. L’école dispense un savoir-faire, valorise l’application et la minutie, mais en

n’associant pas dessin et expression, elle fait de la discipline une tâche rébarbative.

Ainsi inculquée aux enfants, malléables autant que réceptifs, l’approche artistique

s’en trouve dangereusement amoindrie. Comment ces futurs adultes peuvent-ils

alors envisager que les débordements de couleurs, les déstructurations de la forme,

l’abandon de la copie, en somme, puissent procurer une honnête délectation ? Le

patrimoine se trouve ainsi bien gardé ! Impossible pour les artistes d’avant-garde et

leurs défenseurs d’y trouver leurs comptes. Fernand Léger, grand pourfendeur de la

Renaissance stigmatise cet enseignement conformiste :

« Tout dépend donc de l’éducation ; et l’éducation, toute l’éducation

faites dans les écoles, est mauvaise. Tous les maîtres disent :

"Regardez la Renaissance, c’est le plus haut point qui ait été atteint !

C’est le progrès !" Tout le mal vient de cette affirmation. Il n’y a pas

de progrès en art. »238

Reconnaissons la difficulté à trouver le juste équilibre entre l’apprentissage

d’une discipline plastique et les ambitions de l’école qui restent pour l’essentiel de

236 Paris, 1971, pp. 122 à 125. 237 Ainsi que l’expliquent Robert Gloton et Claude Clero après avoir cité Les Contradictions de la culture et de la pédagogie d’André de Peretti (1969) contenant ce terme : « Le dictionnaire connaît la création, le créateur, la créature – dans ses sens les plus spécialisés – mais c’est tout. L’inventaire des idées reçues est toujours instructif. Il témoigne ici du fait que la création n’a jamais été considérée que sous son aspect statique de chose créée ou tout au plus sous celui de l’acte en train de s’accomplir. Jamais jusqu’ici, semble-t-il, l’intérêt ne s’est porté sur l’aptitude à créer, sur les formes internes et externes qui poussent un homme à inventer et sur les conditions nécessaires à l’éclosion de l’œuvre – en un mot sur tout ce que recouvre le néologisme un peu barbare de "créativité". » Op. cit., p. 11.

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former des citoyens dans une forte volonté d’égalité. De cette belle idée à celle de

dompter toute personnalité, la marge s’avère étroite. Or la pratique d’une activité

artistique parce qu’elle favorise le développement des individualités et incite même à

l’originalité est longtemps perçue comme incompatible avec un programme qui tend

à fabriquer de futurs bons citoyens.

Quelques enseignants concernés pour une majorité d’incrédules

Les arts à l’école peinent ainsi à entrer dans les programmes autrement qu’à

très petites doses, presque par effraction, et relèvent plutôt du bon vouloir du maître

ou de la maîtresse. Art d'aujourd'hui, dans ce cadre, a son rôle à jouer comme en

témoigne le courrier ci-dessous :

« Art d'aujourd'hui est irremplaçable pour nous instituteurs-artistes

(ma femme est poète, moi-même peintre-graveur – nous nous

occupons beaucoup d’Art à l’école également). Du fond de notre

Bourgogne nous suivons avec beaucoup d’intérêt l’évolution de

l’Art… jeune ! – Votre publication est un très précieux et fidèle

messager. […] »

André Bloc répond, conscient de la mission qui leur incombe et la déléguant à ces

deux lecteurs :

« […] Nous poursuivons un effort très difficile dans l’espoir de

réveiller un peu le public de notre pays qui, d’une manière générale,

ne s’intéresse pas suffisamment à l’évolution de notre Art

contemporain. En province, particulièrement, la situation n’est pas

brillante et cela fait toujours un grand plaisir de constater que des

personnes, comme vous, pensent à faire apprécier l’art présent.

238 "L’Art et le peuple (1946)" dans Fonctions de la peinture, op. cit., p. 249.

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Vous pouvez beaucoup en agissant sur vos élèves, qui, nous en

sommes persuadés, s’intéresseront très vite à notre Art Moderne. Il

suffit d’essayer de leur faire comprendre. »239

De même, dans le dernier numéro de la revue, la lettre d’un inconditionnel est

citée. Ce dernier, instituteur lui aussi, loue les mérites des éditions d’Art d'aujourd'hui

en tant qu’instrument de promotion auprès des autres enseignants :

« Car je fais du prosélytisme autant que je peux. A chacune des

réunions où je présente l’art à l’école – on m’a repris à cause de mes

goûts plastiques la fonction de délégué départemental, etc… Je ne

manque pas d’exhiber Témoignages [pour l’art abstrait] – on ne dira

jamais assez de bien des sérigraphies – et de proclamer à mes

collègues déformés par un enseignement stupide que mes élèves,

petits paysans abrupts, aimaient, ressentaient ! »240

Robert Gloton et Claude Clero dénoncent de même, quelque dix-sept ans plus tard,

une incompréhension de nombre d’enseignants pour l’art de leur époque, leurs

connaissances s’arrêtant plus ou moins à l’impressionnisme, ce qui engendre un

« mépris assez étonnant pour la créativité »241. De l’art vu comme un patrimoine à

préserver et à transmettre, il découle une impossibilité à détecter l’intérêt pour

l’enseignement général d'une plus grande considération de la pratique artistique :

« Reconnaître que l’activité créatrice de l’artiste enrichit l’humanité

est une évidence. Mais il est rare, même parmi les enseignants,

qu’on se rende compte à quel point à l’école toute réalisation

personnelle originale d’un enfant accroît la richesse culturelle du

groupe et augmente d’autant son pouvoir d’auto-éducation. Cette

seule remarque suffirait pour justifier une pédagogie de l’activité

créatrice. »242

239 Pour cet échange de courriers : Bibliothèque Kandinsky, Centre de documentation et de recherche du musée national d'Art moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, fonds Art d'aujourd'hui. 240 Dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°8, décembre 1954, 3 ème de couverture. 241 Op. cit., p. 116. 242 Robert Gloton et Claude Clero, op. cit, p. 23.

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Un apprentissage bénéfique aux autres enseignements

Et pourtant, dès l’après-guerre, dans l’élan de la croyance en les bienfaits de

l’art pour la société, Jean Guéhenno est missionné pour vanter la culture auprès du

ministère de l’Education. Chaque gouvernement s‘accorde à en reconnaître

l’importance mais les moyens manquent et les bonnes volontés s’essoufflent face à

l’ampleur de la tâche. Perçu comme exacerbant les personnalités au préjudice de

l'égalité entre élèves, l’apport de la culture est bientôt considéré comme un facteur

rétablissant cette égalité en limitant l’écart entre les milieux culturels. La multitude

des enfants qui franchissent les portails des écoles, collèges et lycées fait se côtoyer

des individus de toutes origines géographiques, sociales et culturelles. Deux constats

apparaissent : d’une part presque immanquablement, ceux qui accèdent aux plus

hautes études ont été très tôt en contact avec un univers culturel dense. D’autre part

la culture s’acquiert plus aisément par une pratique créative. Une confrontation

régulière avec l’art permet de l’appréhender sensiblement et non pas comme un

savoir. Cette intelligence sensible sert à l’individu jusque dans son apprentissage

scolaire. Un échange très constructif s’établit : l’école laisse dans ses programmes

une place à l’art qui lui même favorise les acquisitions fondamentales.

Cet argument est avancé aujourd’hui pour convaincre les réticents. On le

retrouve dans plusieurs allocutions du séminaire national Education artistique et

culturelle qui s’est tenu en janvier 2007 à Paris. Parmi les intervenants, Bruno

Racine, alors Président du Centre Pompidou et du Haut Conseil de l’Education

artistique et culturelle, insiste sur les liens entre musique et mathématiques, théâtre

et expression orale ou encore sur les bienfaits du chant pour l’apprentissage d’une

langue étrangère et sur le gain d’autonomie des élèves dans l’élaboration d’un projet

culturel de groupe. Il distingue :

« L’éducation à l’art (c’est-à-dire ce bagage culturel que tout un

chacun doit avoir) et l’éducation par l’art ou par les arts (c’est-à-dire

en quoi les disciplines artistiques contribuent à l’éducation en

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général et à la construction de compétences qui sont nécessaires

pour chacun). »243

Une visite au musée dont le contenu est directement lié à celui d’un cours

permet non seulement d’illustrer de manière vivante le propos de l’enseignant mais

en offre aussi aux élèves une meilleure appréhension car l’approche des objets,

artistiques ou non, fait appel à des démarches intellectuelles complémentaires de

celles de la classe. Alors que l’enseignement privilégie la perception, la concentration

et la mémoire auditives, le musée sollicite la vue voire le toucher. De plus, quand

l’école demande d’apprendre et travaille sur les acquisitions, le musée propose

l’expérimentation, l’observation et favorise le dialogue. Quand l’école apporte la

connaissance par le déroulement de la parole et de l’écrit – allant de la partie vers le

tout–, l’œuvre d’art expose le tout et invite à en détailler les parties. Le contexte de

sortie en dehors de l’enceinte de l’école jouant son rôle attractif, catalyse ces

spécificités et peut favoriser les apprentissages notamment chez les enfants en

difficulté.

La complémentarité entre école et musée s’avère être, en fait, physiologique :

la première développe l’hémisphère gauche du cerveau, siège de l’objectivité, du

savoir et de l’intelligence cognitive quand le second sollicite l’hémisphère droit où se

logent l’émotion, la créativité et l’intuition244. Il apparaît nécessaire au bon

développement de l’enfant, d’entretenir ces deux pôles. Or l’enseignement des

matières générales se prête mal à des méthodes pédagogiques ouvertes sur l’affect ;

ce que les œuvres d’art permettent aisément parce que s’adressant de fait à

l’émotion et à l’affectivité. Cet enrichissement personnel par l’art ne peut s’opérer que

grâce à un véritable travail de médiation en bonne intelligence avec les enseignants,

bien au-delà d’une simple visite guidée dont l’approche reste similaire à celle que les

élèves reçoivent en cours.

243 "Enjeux de l’éducation artistique pour le devenir de l’école et de ses élèves, évolution des politiques publiques en matière d’aménagement culturel" dans les actes Education artistique et culturelle, p. 16 (disponible en ligne). 244 Toutes ces notions sont abordées par Michel Allard "Le Musée, agent de changement en éducation" dans Les Musées en mouvement, Bruxelles, 2000, pp. 125 à 128.

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Une difficile entente entre deux ministères

Puisque l’art est bénéfique aux autres enseignements, à la construction de la

personnalité, à la compréhension de l’altérité, et in fine, à l’élaboration de la

citoyenneté, l’institutionnalisation de l’art à l’école ne cesse d’être annoncée et des

programmes, d’être rédigés. Chaque gouvernement cherche à y laisser son

empreinte comme les présidents signent leurs grands travaux. Pourtant, depuis la

création du ministère des Affaires culturelles, les mesures en faveur de l’art à l’école

achoppent sur la difficile entente entre la Culture et l’Education – un héritage d’André

Malraux qui fait se distinguer clairement les deux missions en ne favorisant pas leur

alliance. Ainsi, quand le ministre des Affaires culturelles défend son premier budget

au Sénat le 8 décembre 1959, il s’exprime en ces termes :

« L’Education enseigne… Il appartient à l’université de faire

connaître Racine, il appartient seulement à ceux qui jouent des

pièces de les faire aimer… La connaissance est à l’université,

l’amour, peut-être, est à nous. »245

Quand l’éducation artistique obligatoire cible l’ensemble des enfants – soit un

objectif premier de quantité –, l’action culturelle, elle, vise des événements, des

moments forts de rencontres et des actions remarquables – soit avant tout des

ambitions de qualité. On voit la difficulté à amener l’excellence ou, du moins,

l’exceptionnel à portée de tous. Et pourtant, n’est-on pas plus assuré qu’un enfant

d’ouvrier mette les pieds à l’école plutôt que dans une des maisons de la culture

voulues par Malraux ? A la fin des années soixante, la nécessité d’acquérir un

bagage culturel au cours de sa scolarité est une chose entendue. Des heures sont

libérées sur les emplois du temps de l’école élémentaire durant lesquelles les enfants

pratiquent une activité artistique (avec les réserves énoncées dans l’ouvrage de

Robert Gloton et Claude Clero). Ce qui intéresse ici, c’est la remise en question de la

puissance évocatrice de l’art qui prévaut alors au ministère des Affaires culturelles :

la seule mise en contact avec la création suffit à la délectation, nul besoin de

245 Cité dans Pascale Lismonde, Les Arts à l’école, Le Plan de Jack Lang et Catherine Tasca, Paris, 2002, p. 24.

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médiation. L’école opère, elle, un va et vient entre la pratique comme moyen

d’approcher la contemplation et la mise en perspective d’une histoire culturelle qui

valorise le geste créatif. La pratique devient une amorce à la théorie. C’est un pas

vers l’art et la culture.

Pascal Ory qui diagnostique une « société scolarisée » 246 – puisque pour la

fin des années quatre-vingts, les Français passent un quart de leur vie à l’école – en

constate l’influence sur les ventes de livres et de périodiques à caractère

encyclopédique. On peut alors envisager que l’économie culturelle tendrait à se

développer si l’école elle-même devenait plus culturelle. L’offre dans ce domaine a

considérablement augmenté en France ce qui incite à promouvoir une approche

pédagogique de l’art… ne serait-ce que par souci de rentabilité : quelle serait l’utilité

d’équipements ou d’événements de grande ampleur pour un public indifférent voire

absent ? L’incidence sur l’économie de la culture en général d’une fréquentation de

l’art précoce et régulière paraît logique mais il faut sûrement un contact bien plus

assidu avec la création pour que découle, comme le pronostique Léon Degand, un

lien direct entre l’enseignement de l’art à l’école et le désir de collection. Pour qu’une

répercussion directe sur les finances des artistes soit sensible, un grand pas reste

encore à franchir ! On remarque bien davantage, depuis les années soixante, une

institutionnalisation des artistes rémunérés pour intervenir dans les écoles et

collèges. Une sorte de second métier qui les maintient dans le domaine artistique. Ce

système de subvention connaît ses limites comme tous les autres et présente les

mêmes restrictions dans le choix des artistes que le 1%.

Néanmoins, les innombrables expériences entreprises en milieu scolaire

aujourd’hui indiquent que l’art pose quelques jalons à l’école. Certes cela s’opère

dans un rapport ambivalent : inscrit dans les programmes pour le primaire et le

collège tout en conservant des airs d’école buissonnière, obligatoire mais sans

formation spécifique pour les enseignants. Quelque peu dépourvus, ne pouvant

s’improviser historiens des arts ou artistes, ils bénéficient cependant d’un important

réseau de documentation, le Scéren – Service pour la culture, les éditions et les

ressources pour l’Education nationale – au catalogue dense et varié dans ses

246 Dans L’Aventure culturelle française, 1945-1989, Paris, 1989, p. 98.

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approches, ses thèmes et ses supports de diffusion. L’Internet est devenu également

un outil de pédagogie où les institutions culturelles mettent à leur disposition des

ressources en ligne pour préparer une visite avec la classe ou au contraire pallier le

manque de musée, pour travailler à l’école à partir de documents à imprimer ou à

projeter. Depuis 1983 des artistes peuvent pénétrer dans l’école pour des actions

ponctuelles ou au long cours, ou même pour y entreprendre des résidences ; on voit

s’installer des galeries d’art dans les établissements scolaires grâce à des

partenariats étroits avec les FRAC, les artothèques, etc. Les classes culturelles,

quant à elles, travaillent toute l’année dans un domaine – le patrimoine, le cinéma,

les arts plastiques, la musique, etc.

Une mise en place périlleuse

Reste que les objectifs à atteindre demeurent flous et évoluent voire se

contredisent d’un programme à un autre, ce qui ne permet pas d’asseoir le statut des

arts dans l‘école. Entre la volonté d’un enseignement de connaissances culturelles

qui souderaient un socle commun, le maintien d’une régularité dans l’apprentissage

sans en faire une discipline spécifique et la faveur donnée aux rencontres avec les

artistes, les réformes se succèdent. Est-il réellement nécessaire d’entretenir une

cohérence d’année en année ? Ne faut-il pas, surtout, qu’il y ait de la ferveur, de

l’élan, du plaisir et de l’intérêt de la part de l’enseignant et de sa classe ? N’est-ce

pas plutôt ce goût-là qui peut se propager du maître jusqu’à ses élèves et les rendre

curieux ? N’est-ce pas la curiosité, le souvenir d’une émotion originelle, qui peut

décider d’une vie tournée vers l’art ?

Les projets ambitieux restent limités au regard des douze millions cinq cent

quatre-vingt-quinze milles six cents quatre-vingt-deux (12 595 682) enfants

scolarisés en France247 et les institutions culturelles demeurent le principal

interlocuteur des enseignants. Elles peinent, dans les faits, à accomplir leur mission

comme elles l’entendent. Certains directeurs de musée se montrent sceptiques quant

247 Chiffre du ministère du l'Education nationale pour l'année scolaire 2007-2008 comprenant les

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à l’impact des sorties scolaires au musée. Ils rappellent toutes les contingences

matérielles notamment les horaires du bus et ceux du temps scolaire, mais aussi

l’impossibilité de connaître les desseins de l’enseignant dans sa démarche vers le

musée depuis un investissement profond jusqu’à la sortie prétexte. Que se passe-t-il

dans la classe avant et après ? Comment les enfants eux-mêmes, ce public dit

« captif », vivent-ils ces sorties scolaires ?

Il y a une évidente tranquillité pour le musée à recevoir les scolaires car cela

alimente leurs indispensables statistiques. Le risque est d’entraîner une inévitable

paresse là où il faut sans cesse se renouveler et se questionner, aller chercher

partenariats et conventions avec des associations, des centres de loisirs, des

étudiants spécialisés, organiser des projets ciblés, surprendre. Depuis les années

soixante-dix, en effet, le recul pris sur la mission éducative du musée montre que le

public individuel n’a toujours pas sensiblement évolué.

« J’aimerais que le musée devienne plus artistique et moins

pédagogique. Parce qu’à force de faire de la pédagogie, le musée

finit par devenir l’école dans la tête des enfants. Je préfère donc que

l’enfant conserve un souvenir personnel d’une œuvre même s’il n’a

rien compris. »248

c. La place des publics dans les musées d’art moderne et contemporain

« Si le critique n’admire jamais, le public, lui, a soif d’aimer, d’adorer

avant même de connaître. Il ne se fait pas prier deux fois pour voir

ce qu’on lui annonce comme beau ou comme célèbre. Il y court les

yeux fermés et revient ébloui. Jamais las d’être ému. Le moindre

guide lui paraît prodigieux et il écoute bouche bée. Cet innocent aura

les mains pleines et les plus pures joies. »249

écoliers, les collégiens, les lycéens et les apprentis. 248 Françoise Cohen, entretien réalisé le 13 février 2006. 249"Le Commerce de l’art" dans Art d'aujourd'hui, 5ème série, n°7, novembre 1954, p. 17.

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C’est en ces termes, aux connotations bibliques, que Michel Seuphor évoque le

public, assemblée candide avide de beauté plastique et de commentaires savants.

Un public idéal, en somme, qu’il ne s’agirait pas de convaincre mais seulement

d’instruire. Un public présent, également, visiteur des musées et des expositions.

Une histoire de l’accueil des publics

On trouve les mêmes descriptions lorsqu'après la Révolution française des

salles du Louvre sont ouvertes au public, restituant en quelque sorte les collections

royales au peuple en 1793, sous forme du Museum central. Le « Florilège » de Jean

Galard250 sur les visiteurs du Louvre contient de nombreux commentaires sur le

public du musée qui se presse en masse, populaire, pour se délecter des chefs-

d’œuvre qui y sont conservés. Le Louvre du XIXème siècle reste un endroit très

fréquenté et très apprécié de la classe populaire, ce qu’admirent les correspondants

étrangers. Dès cette époque, la différenciation est marquée entre amateurs d’art et

néophytes. Se pose, dans l’élan de la Révolution et des idées d’égalité, la question

de la médiation et l’on agence pour cela les œuvres différemment selon le public

auquel on s’adresse, optant pour le classement et la clarté à l’attention des érudits,

et pour la balade contemplative et désordonnée pour les novices. Une politique

culturelle qui étonne aujourd’hui où l’on opte plus volontiers pour le contraire :

« l’édification » pour les connaisseurs et « un musée savant, exhaustif,

encyclopédique : un lieu d’éducation »251 pour les autres. Le matériel de médiation

mis en place au XIXème siècle se cantonne aux cartels (nom de l’artiste et sujet de

l’œuvre) ; ce que Roland Recht qualifie de « degré zéro du commentaire »252. Il

poursuit son analyse des grandes étapes de l’instauration du commentaire dans les

musées d’art en mentionnant l’initiative que prit le musée de Berlin vers 1830, de

faire appel à des spécialistes de l’art pour réfléchir à la mise en valeur des collections

250 Visiteurs du Louvre, un florilège cité par Claude Fourteau, "La Politique des publics au Louvre" dans Publics et projets culturels : un enjeu des musées en Europe, Paris, 2000, p. 240. 251 Yves Michaud, L’Artiste et les commissaires, Nîmes, 1989, p. 183. 252 Roland Recht, "De l’œuvre-langage au trop de commentaire ?", L’Art peut-il se passer de

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royales. Afin d’éduquer le public, un travail de balisage du bon goût est envisagé

auquel doivent s’ajouter des salles plus spécifiques réservées aux chercheurs et aux

initiés puisque présentant des pièces jugées mineures. Une différenciation est faite

ici entre la contemplation, là encore ménagée pour les béotiens, et la valeur

documentaire d’une œuvre laquelle est laissée à la vue du public uniquement dans

ce but. Ces accrochages se trouvent accompagnés d’indications sommaires (artistes

et sujets) afin, comme le cite Roland Recht, d’« éviter aux visiteurs les moins

fortunés d’acquérir le catalogue »253

Enfin, c’est avec l’importante exposition La Vie et l’œuvre de Van Gogh qui

s’est déroulée durant l’Exposition internationale des Arts et des Techniques de 1937,

que René Huyghe introduit l’idée que l’art peut être accompagné de documentations.

S’inspirant de l’important travail de Georges Henri Rivière sur la muséographie en

ethnographie, il inscrit dans le parcours de l’exposition, non sans heurter l’assistance,

des documents qui viennent commenter les œuvres : les pérégrinations de l'artiste

sont visualisées par des cartes, des passages de sa correspondance sont cités, des

tableaux sont détaillés sur des panneaux, etc. Au-delà d’une nouvelle conception de

l’exposition, cet événement indique aussi que des œuvres – incontestablement –

majeures peuvent être considérées aussi comme des indices, des indications de la

vie d’un artiste, de son parcours. De l’œuvre documentée à l’œuvre-document, les

deux points de vue s’alternent et se complètent selon l’angle que privilégie le visiteur.

Avant le commentaire écrit, les responsables des musées se sont intéressés

au commentaire oral, préoccupation bien compréhensible dans une société

majoritairement analphabète. Au XVIIème siècle les Salons peuvent ainsi être visités

avec un conférencier qui n’était autre qu’un artiste de l’Académie. Il faut attendre la

période de l’après Seconde Guerre mondiale et ses soucis d’œuvrer en faveur d’une

accessibilité de l’art au plus grand nombre, pour revoir des guides. Cette fois, les

visites-conférences des musées nationaux sont assurées de manière tout à fait

logique par des personnes formées à l’Ecole du Louvre. Le commentaire oral

s’élabore ainsi d’une façon plus scientifique. Aujourd'hui, et ce depuis la fin des

années soixante-dix, les conférenciers sont devenus des médiateurs et ils diversifient

commentaire(s) ?, Val de Marne, 2006, p. 16.

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leur pratique par des activités plus participatives : ateliers, contes, visites tactiles

pour non-voyants, etc.

Avec Pierre Bourdieu, une prise de conscience déterminante

La prise de conscience a lieu avec le résultat des sondages d’opinion et

enquêtes menés pour Pierre Bourdieu qui publie L‘Amour de l’art. Les musées et leur

public en 1966. On y découvre que les visiteurs ne se conduisent pas de la même

manière selon leur âge, leur sexe, leur origine géographique, et surtout leur milieu

social et leur niveau d’études. Ce livre, dont le titre considère pourtant encore le

public au singulier, fait prendre conscience des inégalités qu’engendre l’institution

culturelle ; comme si les pratiques culturelles ne faisaient qu’entériner une situation

sociale. Il en découle la nécessité d’une pédagogie à l’intention des visiteurs. Besoin

d’autant plus impérieux que l’offre muséale augmente tout comme le niveau d’étude,

ce qui engendre une fréquentation plus soutenue des expositions. Il faut toutefois

reconnaître que plus qu’une démocratisation de la culture, on a affaire à un

renforcement des habitudes des initiés.

Il est intéressant de noter, ainsi que le fait Laurent Gervereau254, qu’après

guerre, en 1946, est créé à l’Unesco le Conseil international des musées (ICOM) qui

encourage les échanges culturels entre pays pour tendre vers une plus grande

connaissance et compréhension des civilisations étrangères. Ce souci éloigne du

caractère nationaliste qui jusque-là imprégnait les musées. L’on favorisait l’accession

du peuple aux collections royales puis républicaines afin d’en faire comprendre

l’importance et, partant, de célébrer la puissance du pays ; de là ne pouvait découler

qu’un sentiment de fierté patriotique. Aujourd’hui ouvertement touristique, populaire,

massive, l’approche du musée a changé. Les équipements doivent être revus à

l’aune de cette mutation qui transforme le temple de la culture en un espace

pluridisciplinaire englobé dans la sphère des loisirs. Le musée élargit de fait sa

périphérie, dilate son propos, prend en compte des formes créatives de plus en plus

253 Ibid.

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variées dans la nature et dans la hiérarchie des arts. Et c’est peut-être finalement la

définition même du musée qui évolue.

Evolution de la définition du musée

Résultat d’une volonté encyclopédique et nationaliste, le musée s’est

longtemps contenté d’être, avant tout, un lieu où entreposer les œuvres et les

montrer. Dans le meilleur des cas, le manque de logique qui ordonnait le musée

conférait à certains d’entre eux charme et fantaisie, attribuant de fait un certain

mystère aux œuvres et favorisant les appropriations personnelles multiples ; un

« musée où vagabonder » comme le qualifie Yves Michaud255. Un regard sur les

définitions du musée exprimées à l’échelle mondiale par l’ICOM256, permet d’en

envisager les évolutions au moins dans la manière de penser ce lieu, ses actions,

ses devoirs. Etant donnée l’ampleur de la tâche, on comprend que ces définitions

restent très – voire trop – ouvertes. Ainsi, à sa fondation en 1946, l’ICOM délimite les

statuts du musée à la conservation et à la présentation au public, élargissant

cependant la définition aux objets vivants :

« Le mot "musée" désigne toutes les collections de documents

artistiques, techniques, scientifiques, historiques ou archéologiques

ouvertes au public, y compris les jardins zoologiques et botaniques,

mais à l'exclusion des bibliothèques, exception faite de celles qui

entretiennent en permanence des salles d’exposition. »

En 1951, une deuxième définition est présentée, elle inclut les besoins du

public – délectation et éducation – :

« 1. Le mot musée désigne ici tout établissement permanent,

administré dans l'intérêt général en vue de conserver, étudier, mettre

en valeur par des moyens divers et essentiellement exposer pour la

délectation et l'éducation du public un ensemble d'éléments de

254 Dans Vous avez dit musées ?, Paris, 2006, p. 54. 255 Dans L’Artiste et les commissaires, op. cit., p. 183. 256 Ces textes se trouvent sur le site Web de l’ICOM : http://icom.museum/hist_def_fr.html

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valeur culturelle : collections d'objets artistiques, historiques

scientifiques et techniques, jardins botaniques et zoologiques,

aquariums.

2. Seront assimilés à des musées les bibliothèques publiques et les

centres d'archives qui entretiennent en permanence des salles

d'exposition. »

La préoccupation première reste néanmoins de circonscrire l’ensemble des

institutions pouvant être considérées comme un musée. Par conséquence, en 1961,

la définition est sensiblement simplifiée voire imprécise :

« L'ICOM reconnaît la qualité de musée à toute institution qui

présente des ensembles de biens culturels à des fins de

conservation, d'étude, d'éducation et de délectation. »

Puis, en 1974, insistance est faite sur l’inscription sociale du musée tout en

préservant le quatuor « conservation, études, éducation et délectation ». Seulement,

la conservation n’est pas ici considérée comme une fin en soi mais comme une des

étapes du fonctionnement du musée – acquérir, conserver, communiquer – cela en

vue de servir à des publics multiples puisqu’à des fins d’études (étudiants,

chercheurs), d’éducation (étudiants, scolaires, enseignants, amateurs, néophytes) et

de délectation – on peut espérer ici additionner tous les publics :

« Le musée est une institution permanente, sans but lucratif, au

service de la société et de son développement, ouverte au public, et

qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l'homme

et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les

communique et notamment les expose à des fins d'études,

d'éducation et de délectation. »

Cette définition est reprise en 1989, 1995 et en 2001 avec seulement des

précisions typologiques dans les alinéas qui font suite. Enfin, aujourd’hui (2007)

s’ajoute une autre dimension, celle de la nature des objets exposés qui prennent les

termes génériques de « patrimoine matériel et immatériel » afin de répondre, on le

suppose, aux différentes formes d’art, dont l’art conceptuel, ainsi qu’à l’impact de

l’Internet et du virtuel, dans la société contemporaine :

« Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au

service de la société et de son développement, ouverte au public, qui

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acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel

et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins

d'études, d'éducation et de délectation. »

On retient que l’acception du musée étant très large, puisque s’étendant au parc

zoologique et au jardin botanique, à aucun moment n’est évoquée l’idée d’aide

apportée aux artistes. Il semble difficile de comparer ces définitions avec la

nomenclature publiée dans Art d'aujourd'hui257 tant les musées ont évolué et leur

impact culturel et économique est devenu prépondérant.

Il faut donc se rapprocher du sujet : le musée d’art moderne et contemporain

en France. La Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France fait

mention, dès l’article premier, non seulement de « l’éducation » mais aussi du

« plaisir du public ». Ces aspects doivent être pris en compte dès la conception du

musée puisqu’ils constituent un des buts de l’exposition de la collection :

« Est considérée comme musée, au sens de la présente loi, toute

collection permanente composée de biens dont la conservation et la

présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la

connaissance, de l'éducation et du plaisir du public. »

Le deuxième article se fait plus précis sur les devoirs des musées qui, au nombre de

quatre, s’orientent vers les publics – depuis le plus large en b) jusqu’au plus

spécialisé en d) – dans trois des locutions :

« Les musées de France ont pour missions permanentes de :

a) Conserver, restaurer, étudier et enrichir leurs collections ;

b) Rendre leurs collections accessibles au public le plus large ;

c) Concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation et de

diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ;

d) Contribuer aux progrès de la connaissance et de la recherche

ainsi qu'à leur diffusion. »

257 "Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics", 5ème série, n°8, décembre 1954, p. 2. Voir annexes, p. XI.

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Enfin, l’article sept précise les impératifs de tarifs bas et l’exonération pour les

mineurs des droits d’entrée aux collections, ainsi que de la nécessité pour les

musées de France de posséder, seul ou à plusieurs,

« un service ayant en charge les actions d'accueil des publics, de

diffusion, d'animation et de médiation culturelles. Ces actions sont

assurées par des personnels qualifiés. »

Le musée ne se limite plus du tout au lieu où seuls la conservation et le

stockage des œuvres comptent même si ces fonctions priment sur les autres. Et

même Roland Arpin, riche de sa longue expérience de l’institution culturelle au

Québec, propose sa propre définition en 1992 dans le cadre de l’ICOM qui place la

question des publics comme centrale :

« Le musée est une institution socioculturelle enracinée dans la cité,

qui offre l’accès à la richesse de l’histoire sous ses nombreuses

formes et qui contribue à développer l’intelligence et le cœur de ses

publics qui sont sa première raison d’être. »258

Le musée doit remplir la mission éducative auprès des uns, tout en préservant l’état

contemplatif des autres, sans négliger les entreprises à destination des touristes.

L’enjeu reste donc de trouver le juste équilibre entre échapper à l’élitisme des

chercheurs tout en maintenant la permanence d’un discours scientifique qui fait la

raison d’être du lieu.

Les risques de dérives

La condition minimum qui accorde toutes les définitions, reste la possession

d’une collection259 ; cette collection doit alors être mise en valeur par les

conservateurs qui lui donnent une signification et l’explicitent. Cette phase

258 Citée dans "La Révolution tranquille des musées" dans Les Musées en mouvement, Bruxelles, 2000, p. 36. 259 Même si, à l’heure actuelle la plus-value apportée à une ville par la construction de son propre musée pousse des communes à se doter d’un beau bâtiment et à ne se préoccuper qu’ensuite d’en constituer une collection par des dépôts, des prêts, des donations, etc.

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d’échanges n’est pas la tâche la plus aisée à entreprendre car il est impossible

d’envisager le public dans la diversité de ses attentes et de ses compréhensions

mais ce n’est pas, non plus, la moins captivante ! Elle ne peut être négligée car elle

est un dû de l’institution muséale fonctionnant grâce à l’argent public et conservant

les biens acquis par l’Etat et propriété de la nation. Elle constitue, par ailleurs, un

travail très enrichissant pour les chercheurs eux-mêmes trop souvent cantonnés aux

publications scientifiques, colloques et laboratoires. Mais il faut bien reconnaître

qu’aujourd’hui, les expériences en matière de médiation sont nombreuses et que la

critique opère un retournement à cent quatre-vingt degrés : on craint l’abandon

progressif du discours scientifique et savant au bénéfice du divertissement. La

pression de la société de loisir et l’injonction de rentabilité laissent présager aux plus

pessimistes observateurs un glissement vers le parc d’attractions ! Sans aller jusqu’à

cette vision excessive, on retrouve souvent cette même constatation : le « temple »

s’est transformé en « forum ».

Plus radical, Laurent Gervereau diagnostique une mutation des « musées-

inventaires » en « musées-démonstrations »260 qui relèguent leur collection et leur

mission scientifique au second plan sous le coup de l’impératif événementiel. Or les

différentes définitions du musée indiquent que c’est dans l’articulation entre

« conservation, études, éducations et délectation » que le musée existe. Par ailleurs,

la pratique du musée a changé aussi pour le visiteur. Il va au musée pour faire une

sortie – culturelle, certes – mais en l’inscrivant bien souvent plus dans une démarche

de loisir que pour son seul enrichissement. Cela engendre des attentes différentes

par rapport au musée, ludiques notamment. Les équipements s’y adaptent par l’ajout

de restaurants et de boutiques ; la manière de communiquer aussi, qui privilégie des

affiches attrayantes et du matériel didactiques à l’entrée ou dans les salles. Même

l’approche du travail scientifique s’en trouve modifiée : il n’est plus considéré comme

un savoir à assimiler mais à discuter, à s’approprier. L’important étant que chacun,

quel que soit son bagage culturel et émotionnel, ne soit plus tout à fait le même en

sortant du musée, qu’il ait acquis quelque chose, ressenti une émotion, réfléchi,

infléchi une certitude, bref, qu’il y ait un avant et un après la visite.

260 Op. cit., p. 15.

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Par conséquent, non seulement le musée doit attirer les publics dans ses

murs mais encore doit-il réussir à en toucher le plus possible une fois entrés, et les

engager, aussi, à revenir. Pour cela, il doit inventer des événements, diversifier ses

approches, ses propositions, accueillir ponctuellement d’autres formes de créations

comme le spectacle vivant afin de donner vie aux collections, d’en proposer d’autres

regards – et ainsi ne pas faire du musée le lieu d’une collection immuable et des

certitudes. La tendance en art contemporain depuis plusieurs années joue de l’esprit

participatif de la création. A cet égard, le Château d’Oiron, dans les deux-Sèvres, est

le parangon de cet art relationnel avec notamment le repas annuel du 30 juin qui

rassemble les cent cinquante Oironais possédant leur propre service de table sur un

projet de Raoul Marek261. Ou encore Les Écoliers d’Oiron de Christian Boltanski qui

recense à chaque rentrée depuis 1993 les photographies des enfants de l’école. Le

musée devient ici un lieu de vie dans lequel les citoyens ont leurs marques, leurs

repères et même une partie de leur vie. C’est un cas un peu extrême de la prise en

compte des publics qui s’explique par la volonté d’inscrire un lieu d’art actuel dans

une commune de moins de mille habitants et de ne pas en faire un objet culturel non

identifié ou un point de repère touristique.

Le musée doit-il aussi devenir un lieu de convivialité ? C’est une piste que

certains préconisent pour rendre l’art plus accessible. Un endroit où l’on se retrouve,

où le personnel d’accueil est disponible, où l’enfant et l’adulte vont chacun faire des

activités (ateliers pratiques, contes, pour les uns, conférences, visites guidées, pour

les autres) ou ensemble (en atelier ou pour des interventions diverses dans les

salles). La liste des possibilités offertes par les musées – conjuguant apprentissage,

enseignement, contemplation des œuvres, moments d’exception, dans et hors les

murs de l’institution, cela dans une incroyable variété d’expériences – amène à

penser que le musée devient un centre culturel.

Très loin de supposer que l’on puisse aboutir à de telles comparaisons, Michel

Seuphor établit plutôt le parallèle entre musée et cimetière, avouant ne pas être un

grand « amateur de musées »262, il regrette de n’en trouver que de rares où il ait

261 En dehors de ce repas, le service de table est exposé en permanence au Château d’Oiron dans la salle à manger, et fait ainsi partie de l’œuvre La Salle du monde. 262 "Une demeure pour l’esprit" dans le dossier Musées d’art moderne de Aujourd'hui : art et

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« senti dans l’atmosphère […] plus d’amour que d’esprit fonctionnaire. » Les musées

d’art moderne qui sont critiqués dans les revues d’André Bloc ne le sont pas tant

pour leur manque de didactisme et de médiation que par le manque de goût avec

lequel ils sont gérés :

« Un accrochage est une œuvre d’art en soi, et non pas la moins

facile à réussir.

Mais ce que l’on sait dans les galeries d’art semble être ignoré dans

la plupart de nos musées. Evidemment, le but n’est pas le même.

Dans le premier cas, il s’agit de vendre, ce qui oblige à envelopper ;

dans le second cas, il s’agit d’éduquer, ce qui, apparemment,

n’oblige à rien du tout. »263

De l’accrochage aux animations multimédia

Effectivement, l’accrochage est le moyen de communication du conservateur

ou du commissaire. Qu’il en ait conscience au non, tout est choix de sa part et tout

fait sens aux yeux des publics. Que les raisons soient matérielles ou intellectuelles,

l’absence d’une œuvre, son isolement ou son rapprochement avec d’autres émet des

sens différents. S’ajoute aujourd’hui un questionnement sur le commentaire de

l’œuvre depuis sa forme, sa longueur, sa nature même. Les moyens sont de plus en

plus nombreux et variés, ils doivent pouvoir accompagner le néophyte sans perturber

le plaisir de l’amateur : depuis les cartels et les textes inscrits sur les cimaises, les

fiches disponibles dans les salles, le livret remis en début de parcours jusqu’aux

audio-guides et aux diverses animations multimédias proposées en cours de visite

dans des salles dédiées, jusqu’à des scénographies recherchées, véritables mises

en scène des pièces. En dehors du musée, l’exposition se poursuit par le catalogue,

les médias, les affiches, les conférences, les animations diverses, les produits mis en

architecture, n°2, mars-avril 1955, p. 59. 263 Ibid.

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vente (publications jeunesse, papeterie, vidéo, produits dérivés divers) et le site web

d’une richesse inépuisable pour certains.

Les musées ne peuvent, en effet, rester en dehors des nouvelles technologies

qui sont des possibilités de communication efficaces et qui font partie du paysage

quotidien de leurs visiteurs. Des moyens de technologie de pointe sont mis en place

comme le flashcode, actuellement à l’essai à San Francisco, qui permet, en scannant

un code barre à l’entrée d’un lieu (qui peut être dédié à la culture) avec son

téléphone mobile, d’obtenir des renseignements dont, entre autres, des

enregistrements audio. Cela inciterait les personnes à entrer dans le musée. Plus

près de nous, le Louvre exploite ces nouveaux médias depuis un site web très

développé qui propose notamment des animations en trois dimensions pour visiter

des expositions fictives (permettant de réunir des œuvres sans les déplacer) mais

aussi pour visualiser des reconstitutions de bâtiments d’après des vestiges

conservés dans le musée : de quoi rendre le visiteur curieux et lui faire partager le

travail scientifique de façon attractive sans être futile. De même, lors des visites, des

guides multimédias individuels proposent en différentes langues : commentaires de

conservateurs et commissaires du musée, orientation dans le Louvre, choix d’un

parcours en fonction de son âge, de sa mobilité ou de ses intérêts, jeux pour les plus

jeunes, etc. Le musée national d’Art moderne, quant à lui, compte sur ces nouveaux

objets pour séduire le public adolescent. Une offre très étendue, donc, qui atteint le

public dans sa pluralité et dans la diversité des moments (avant, pendant et après la

visite). Ces moyens, nouveaux et classiques, aident à préparer ou poursuivre la visite

sans surcharger le moment lui-même et favorisent, peut-être, une plus grande

réceptivité aux œuvres.

De la difficulté du commentaire

Les choix dans les outils de médiation restent très ouverts ; pourtant ils ne font

pas l’unanimité et des conservateurs maintiennent un niveau très exigeant et

avouent préférer toucher profondément une seule personne plutôt que d’amener une

foule dispersée entre les murs du musée. A l’opposé, d’autres glissent vers la

valorisation sans mesure des cultures populaires. Enfin, certains optent pour un

musée très didactique, voulant à tous prix que l’art s’adresse à tous. L’artiste

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François Morellet compare les œuvres à des pique-niques et des auberges

espagnoles dans lesquelles chacun amène ce qu’il a chez lui. Cela demande

cependant, plus que des connaissances, le fait d’oser émettre un avis, ne serait-ce

qu’à soi-même ; peu s’y hasardent. D’autant que l’art contemporain est par essence

très perturbateur. La nature de ses œuvres ne ressemble à rien d’autre auparavant ;

parfois, elles n’ont pas même d’existence matérielle. La tentation est grande, alors,

pour les médiateurs, de mettre le doigt sur ce qu’il y a à regarder et la manière dont il

faut l’appréhender. Le matériel pédagogique et les visites guidées possèdent ce

défaut de séduire les personnes en quête de savoir264 mais de proposer finalement

des prêts à penser ne déversant qu’une interprétation, certes savante mais univoque

et induisant un intérêt moindre pour les déductions des auditeurs eux-mêmes (ce qui

s'avère souvent vrai, d’ailleurs). Pour palier ces défauts, les médiateurs ont recours à

divers stratagèmes comme des ateliers de pratique qui font retrouver les gestes de

l’artiste afin de passer par le sensible plutôt que par la parole didactique.

Ce retour vers l’artiste devient fréquent. Soit par la manipulation mimétique,

soit par la mise en scène de son atelier, de ses habitudes, soit en divulguant des

extraits d’entretiens (filmés, enregistrés ou écrits). Une manière de retourner à la

source de la création qui serait alors peut-être la plus directe, la moins chargée de

tous les filtres des différents critiques, commissaires, historiens et autres médiateurs.

Par ses deux séries introspectives, "Le Passage de la ligne" et "L’Art et la manière",

on comprend qu’Art d'aujourd'hui favorise cette perception sensible mais avec les

réserves qu’impose le support même de l’imprimé qui ne peut présenter que des

reproductions :

« Les conversations de peintre à peintre, orales ou par

correspondance, n’aident pas nécessairement à comprendre leur

peinture – qu’il faut toujours avoir vue avant –, mais contribuent

souvent à élargir notre horizon. »265

264 Soit le public « bouche bée » que vante Michel Seuphor avec "Le Commerce de l’art" dans Art d'aujourd'hui, op. cit. 265 Léon Degand, "Bibliographie pour comprendre la peinture" dans Art d'aujourd'hui, 2ème série, n°2, novembre 1950, p. 17. Cette réflexion n’est pas sans nous rappeler celle de John-Franklin Koenig relevée le 23 mars 2000 à propos de la série "Écrits d’artiste" proposée par la revue Cimaise et finalement très peu suivie. La raison qu’il en donne se trouve être non pas les évidents problèmes

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L’équipe du Musée d’Art Contemporain de Val-de-Marne s’appuie sur les

paroles des artistes, diffusées sous forme d’entretiens filmés, pour accompagner les

œuvres. Né de la volonté d’implanter l’art contemporain dans un quartier dit difficile,

le MAC/VAL travaille sur un délicat équilibre : faire en sorte que le discours sous-

tendant chaque accrochage soit clair mais sans envahir le lien que le visiteur va

tisser avec les œuvres. Faire comprendre que tout le monde peut formuler un

commentaire face à une œuvre. A chacun, donc, d’accomplir sa propre visite et de

l’interpréter personnellement.

Le grand effort de didactisme des animateurs d’Art d'aujourd'hui avait-il ce but-

là ? C’est très probable. La place laissée aux illustrations, les encarts couleurs, les

couvertures illustrées pleine page mènent à conclure que c’est un regard que les

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui veulent former, une curiosité qu’ils veulent susciter.

Léon Degand n’entame-t-il pas sa "Bibliographie pour comprendre la peinture" par

cette phrase, en exergue : « Il est bien entendu que la peinture ne s’enseigne

pas. »266

Le commentaire sous toutes les formes doit donc être préparé avec beaucoup

de soin. Mais il reste encore un écueil à prendre en compte : la condition même de la

visite. L’économie de la culture est telle, mêlée à celle des loisirs, que l’on se presse

au musée non pas individuellement mais en groupe : avec l’école, en voyages

organisés, en associations, en clubs, etc. C’est donc dans une démarche qui n’est

pas tout à fait volontariste que se font de nombreuses visites. Un guide ou des

écouteurs (qui isolent la personne et l’empêchent de profiter des échanges favorisés

par une visite en groupe), indiquent ce qu’il faut voir et ce qu’il faut en penser non

pas à un individu qui fait la démarche de suivre une visite mais à un individu qui suit

le mouvement d’un groupe. Philippe Dagen qui n’est pas tendre avec ces pratiques

de l’ingénierie culturelle, incite à penser que ce trop plein aboutit aux mêmes effets

logistiques à gérer des textes à récupérer dans un temps imparti mais qu’« il n’y a pas tellement d’artistes capables de dire des choses pertinentes sur leur travail. […] Je connais très peu d’artistes qui ont écrit sur l’art ou alors ils ont parlé d’eux-mêmes mais seulement dans de petits textes. » Il est vrai que la série de Cimaise est conçue comme une idée brillante devant éclairer le lecteur sur l’œuvre d’un artiste. De ce fait, chaque texte trahit leur volonté de tout exprimer dans les quelques feuillets qui leur sont impartis. 266 Ibid.

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que les manquements dénoncés par Art d'aujourd'hui en 1954267 quand le comité

dénonçait un « manque de véritable amour pour les œuvres exposées » :

« Ces pratiques […] prennent les œuvres en otage. Elles humilient

les artistes à titre posthume. Elles n’ont rien de commun avec la

création. »268

D’un côté on ne respecte ni œuvres ni artistes, de l’autre, on formate les

visiteurs. Si créateurs et créations permettent d’« élargir notre horizon »269, de penser

par nous-mêmes, d’avoir des réflexions qu’il ne nous est guère permis d’avoir dans le

quotidien, les voilà rabattues par un discours obligé. Les grandes expositions

d’ampleur nationale où les foules se pressent de toutes régions voire de toutes

nationalités accentuent ce phénomène d’uniformisation. Lui-même encore intensifié

quand ces événements sont itinérants270, divulguant un même discours que ce soit

au Grand Palais à Paris, dans un musée de province ou n’importe où dans le monde.

Ainsi, pour une grande majorité des lieux d’exposition, les incuries décrites

dans Art d'aujourd'hui ne sont qu’un très lointain passé. Mais ont-ils réussi à

démocratiser l’art sans le massifier lui et son public ? L’impulsion donnée par les

artistes – qui à travers leurs œuvres pensent, prennent des risques, exposent des

idées – pour faire entendre autre chose qu’une pensée unique ne s’étiole-t-elle pas,

étouffée par souci de didactisme ? Le visiteur ne doit pas être guidé comme un esprit

paresseux mais être mis en confiance pour rester actif. Les recherches sur le sujet

sont innombrables, depuis la rédaction du cartel, le nombre limité de caractères qu’il

doit contenir pour ne pas décourager le visiteur de le lire sans, non plus, trop

l’absorber ; une visite d’exposition ne peut se résumer à la lecture d’une succession

de carrés de contrecollé de quelques centimètres carrés ! La tâche n’est pas simple :

quel que soit le média utilisé, du plus simple au plus sophistiqué, il faut apporter une

information courte, ouverte mais nécessaire, puis donner l’envie au lecteur de

prendre ou reprendre le recul indispensable à la contemplation de la seule cause du

267 Dans "Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics", op. cit. 268 Dans La Haine de l’art, op. cit., p. 87. 269 Léon Degand, "Bibliographie pour comprendre la peinture", op. cit. 270 Ce qui est fréquent, ces grandes expositions ayant besoin d’être coproduites pour exister.

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musée : l’œuvre. De ce déplacement physique, on espère alors un déplacement

intellectuel que la lecture du cartel aura facilité.

Enfin, ultime paradoxe, à lire la précieuse synthèse d’Elisabeth Caillet271, on

en vient à se demander si plus un médiateur propose un discours personnel, dans

lequel il s’implique, assez éloigné des indications habituellement attendues, plus il

n’inviterait pas ses auditeurs à en faire autant, plus il ne les inciterait pas à prendre

leur propre chemin (qui peut être pluriel). Les animateurs d’Art d'aujourd'hui étaient

loin de se douter de la tournure que prendraient les visites aux musées272 mais il est

des évidences qui perdurent :

« L’œuvre d’art est un instrument de jouissance, certes, mais où

chacun prend son plaisir à sa manière, selon les critères de son

choix. »273

271 Elisabeth Caillet, “L’ambiguïté de la médiation culturelle : entre savoir et présence” dans Publics et musées n°6, juillet-décembre 1994, Lyon, pp. 53 à 70. 272 Elles font aujourd’hui l’objet d’une publication périodique, Publics et Musées, éditée aux Presses Universitaires de Lyon et de formations universitaires via des sections en médiation culturelle. 273 Léon Degand, "Propos sur la critique" dans Art d'aujourd'hui, 4ème série, n°7, octobre-novembre 1953, p. 26.

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Conclusion

Edgard Pillet résume en ces mots l’ambition de la revue : « Art d'aujourd'hui se

voulait instrument de combat et il le fut aussi longtemps que le combat – ce combat –

fut nécessaire. »1 Ce combat est la valorisation de l’abstraction pour la

reconnaissance de ses artistes et de son expression dans la vie quotidienne. Ces

militants de l’avant-garde abstraite participent pleinement à une toute jeune histoire

en train de se faire. Une entreprise rendue possible grâce au soutien de

L'Architecture d'aujourd'hui, périodique d’André Bloc qui fait autorité dans le milieu de

la construction et attirent les annonceurs (entrepreneurs, fabricants de matériaux, de

mobiliers, etc.). L'histoire d'une revue, comme toute aventure humaine, fait ainsi se

mêler différentes trajectoires. D'abord, celles de ses fondateurs et de ses animateurs

qui résultent de rencontres voire de hasards, puis se muent en ténacité soutenue par

la foi en des idées et l’impérieuse nécessité de les exprimer. Ensuite celles des

artistes faisant ou non partie du cercle d’Art d'aujourd'hui.

L’itinéraire de ces personnes influence alors plus ou moins le quotidien de la

revue et partant, sa ligne éditoriale. Ici, il y a cependant assez peu de place pour la

petite histoire. Il faut dire que la grande est encore très présente par l'époque

troublée dans laquelle les événements prennent place. Le milieu de l'art est aussi

bouillonnant que multiple ce qui fait d’Art d'aujourd'hui un magazine en sursis. Son

directeur André Bloc, en effet, est en prise avec son temps, en perpétuelle recherche

de nouveautés et de renouvellement. De la création de la revue à sa disparition, ses

décisions sont le reflet de sa perception de cette actualité artistique – mais peut-être

aussi de ses différentes expériences en tant qu’artiste – jusqu’à l’ultime choix de

mettre fin à l’existence de la revue pour lui substituer Aujourd'hui : art et architecture.

Peu de place pour la petite histoire, certes, mais une tribune ouverte qui laisse

s’exprimer la personnalité, le style, le rôle de chacun dans le monde de l'art et surtout

leurs convictions profondes en matière de création plastique. Il s'agit, pour une

partie, de grands noms de la critique d'art ce qui laisse supposer tant du manque de

tribunes par ailleurs, que des ambitions d'Art d'aujourd'hui dès sa création. La revue

1 "Art d’aujourd’hui", dans Aujourd'hui : art et architecture, numéro spécial André Bloc, n°59-60,

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se positionne en effet très vite dans une optique professionnelle ; les meilleures

plumes sont invitées à y participer et André Bloc cherche d'ailleurs celle du plus

fervent défenseur de l'abstraction géométrique, Léon Degand, pourtant en poste en

Amérique latine. A son retour en France, il devient un critique assidu, enrichissant la

revue de ses connaissances et de sa facilité à les communiquer mais la marquant

également de son assurance de jugement, voire de son intransigeance quant à

l’abstraction.

La critique d’art se définit par le jugement esthétique qui, lui-même, amène à

la notion de goût – le bon et le mauvais goût que le critique est censé désigner aux

lecteurs. Néanmoins, il serait réducteur voire erroné d’envisager l’activité des

rédacteurs d’Art d'aujourd'hui sous ce jour-là. Le désir de clarté qui les anime se

trouve en effet guidé par l’idée qu’il n'y a pas d'autre aboutissement à la création que

l'abstrait. Cela est visible dans le détail des textes où l'abstraction est présentée

comme la finalité de l'évolution plastique2. Dans cette optique-là, l'incompréhension

du public vis-à-vis du travail à terme abstrait de tous les créateurs ne peut que

générer une vision dramatique de la scission entre les deux camps qui n’irait qu’en

se creusant davantage jusqu’à la rupture définitive. Cette anticipation alarmiste –

bien plus qu’une simple question de goût – impose de sortir du cadre de la presse

pour étendre leur action grâce à des approches plus variées : publications,

conférences, réalisation de films sur l’art et fondation du Groupe Espace, notamment.

L’abstraction, en détachant la création du sujet, en la rendant aux seuls faits

plastiques (composition, lignes, formes, couleurs, contrastes, rythmes), s’appuie sur

des impressions visuelles. Elle ne demande aucune connaissance littéraire ou

historique et s'adresse directement à la perception, aux sensations, à l'affect. Un art

concret tel que l’avait défini Théo Van Doesburg en 1930 : « Peinture concrète et non

abstraite, parce que rien n’est plus concret, plus réel qu’une ligne, qu’une couleur,

qu’une surface. »3. C’est du moins ce que pensent les défenseurs de cette

esthétique, envisagée comme une expression commune à tous, une sorte

décembre 1967, p. 58. 2 Ce qui était sans compter avec la présence de plus en plus prégnante de l’objet dans la société et donc dans la création. 3 Cité dans Art Concret, Galerie René Drouin, Paris, 1945, n.p..

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d'esperanto de la création comme l'avance Pascal Rousseau4. Un langage

fondamentalement naturel et éminemment universel, s’exprimant par-delà

l'entendement et pouvant, de fait, toucher le plus grand nombre de personnes

possible. Et pourtant cet esperanto nécessite une formation de l'œil et une initiation

de l’esprit qu’il serait tentant de concevoir comme une réinitialisation.

Ce retour à des données fondamentales, les animateurs de la revue le

prennent en charge. Malgré l'évidence supposée de la création abstraite pour le

bonheur de chacun et son accessibilité présumée, la voie engagée par Art

d'aujourd'hui n'est pas celle de la contemplation qui verrait, en regard de grandes

illustrations, des textes poétiques ou du moins, littéraires. C’est le chemin du

didactisme que les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui empruntent avec conviction. Il se lit

dès les titres des articles qui font dans la littéralité : pas de jeu de mots, pas de

fioriture. Pour autant, ce didactisme ne propose pas d’approche herméneutique ; il

n’y a pas de décodage des œuvres à opérer, l’abstrait existe par lui-même avec les

composants plastiques qui sont les siens. C’est cette acception-là de l’abstraction

que les rédacteurs veulent passer. Cette démarche est légitime face à une création

qui rencontre trop souvent les dénis de signification (« Ça ne veut rien dire ») se

proposant de dénoncer le ressenti soit d’un travail vide de sens et d’intérêt, soit d’une

volonté, de la part des artistes et des critiques, d’un élitisme dédaigneux. Art

d'aujourd'hui se situe à l’opposé d’un dessein de distinction et donc d’exclusion d’un

certain lectorat.

Et pourtant. Régis Debray consacre un essai à l’action de transmettre où il en

expose la dimension sacrée – « Pour communiquer, il suffit d’intéresser. Pour bien

transmettre, il faut transformer, sinon convertir. » – mais aussi corporative qui semble

s’appliquer à Art d'aujourd'hui et son cercle :

« Nous transmettons pour que ce que nous vivons, croyons et

pensons ne meurent pas avec nous (plutôt qu’avec moi).

[La transmission] immunise un organisme collectif contre le désordre

et l’agression. Gardienne de l’intégrité d’un nous, elle assure la

4 "Un langage universel. L’esthétique scientifique aux origines de l’abstraction", dans Aux origines de l’abstraction 1800-1914, Paris, 2003, p. 20.

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survie du groupe par le partage entre individus de ce qui lui est

commun. […] C’est un enjeu de civilisation. Elle opère en corps […]

pour faire passer d’hier à aujourd’hui le corpus de connaissances, de

valeurs ou de savoir-faire qui assoit, à travers de multiples aller-

retour, l’identité d’un groupe stable »5.

Parce qu’Art d'aujourd'hui transmet et ne communique pas, la revue ne peut

s’adresser à un large public. L’antinomie entre l’ambition d’universalité de la revue et

l’influence qui est celle d’un organe de presse spécialisé (atteignant, de plus,

davantage les artistes) n’est pas le moindre des paradoxes à explorer.

Les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui dont le lectorat reste ciblé, auraient pu se

satisfaire d’un dialogue entre convaincus qui aurait abouti à une somme de réflexions

et de débats. Cela aurait constitué une source toute différente et non négligeable

pour l’historien actuel. Les contours de la tâche que les animateurs se sont assignés

sont pourtant tout autres et c’est justement la voie entreprise qui fait de la revue un

objet d’étude tant par son contenu que par sa forme. Le didactisme d’Art

d'aujourd'hui revêt à première vue le sens d’instruction méthodique que l’on a

tendance à considérer exclusivement. On le constate en effet dans les numéros

spéciaux consacrés à un sujet ; singulièrement ceux proposant un panorama sur la

peinture, la gravure ou encore la sculpture. Mais ce didactisme connaît également

des développements plus subtils par le découpage des textes, l’abondante

illustration, la mise en pages attractive. De même, le décloisonnement des pratiques

opéré par la revue offre une ouverture sur la création plastique dans une large

diversité, notamment des formes très quotidiennes (les tatouages, les dessins

d’enfant ou les affiches).

En partant de la réalité du quotidien comme un ancrage rassurant et en

valorisant les goûts et les pratiques des lecteurs, les rédacteurs ne cherchent pas à

leur plaire, à les séduire. Ils veulent en dégager une véritable analyse, démontrer la

richesse de cette approche qui peut ainsi s’appliquer même aux banalités du

quotidien. Ils exploitent une méthode heuristique qui permettra aux lecteurs, par

mimétisme dans un premier temps, d’entrainer leur œil et leur jugement critique, puis

5 Transmettre, Paris, 1997, pp. 18 à 22.

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de s’approprier une part de la création. Il faut les guider dans leurs pratiques

culturelles et les amener à plus d’exigence. Car savoir apprécier l’art d’avant-garde

est déterminant pour son propre avenir mais également pour celui des hommes et

des femmes qui sont à l’origine de ces créations, qui travaillent quotidiennement pour

cela et participent, de fait, à une économie. L’ultime dessein de la revue se situe, au-

delà de l’élargissement du champ des amateurs d’art, dans l’accroissement de celui

encore plus restreint des collectionneurs.

Les textes paraissant dans Art d'aujourd'hui vont à l’encontre du schéma de

singularité que démonte Nathalie Heinich dans son ouvrage L’Elite artiste. Le mythe

de l’artiste-individu atypique prendrait son origine en 1831 dans Le Chef-d’œuvre

inconnu de Balzac :

« [...] la figure de l’artiste moderne construite par Balzac ne prend

tout son sens que parce qu’elle est devenue le modèle de milliers

d’artistes, pendant plusieurs générations, et qu’elle continue

d’informer largement le sens commun de la normalité en art. Il ne

s’agit donc pas d’un cas isolé mais de la préfiguration – ou de

l’expression – fictionnelle d’un paradigme, une figure constituante qui

fixera collectivement les représentations, voire les conduites

réelles. »6

Les rédacteurs luttent contre cette idée essentiellement par ce qu’elle induit de

« don inné » que recevrait l’artiste qui de ce fait, n’aurait comme seule préoccupation

que d’attendre l’inspiration, dans une forme de passivité. Or, Art d'aujourd'hui donne

de l’artiste l’image d’un homme au travail, d’un ouvrier de l’art. Plus loin dans son

essai, la sociologue distingue trois « régimes d’activité » qui sont le régime artisanal,

le régime professionnel et le régime vocationnel7. Les deux premiers se transmettent

soit par l’intermédiaire d’un apprentissage dans l’atelier d’un maître, soit lors d’une

formation en académie ou à l’université. Seule la vocation se passe d’apprentissage

puisqu’elle est innée. Cette conception de l’artiste est incompatible avec le contenu

des pages de la revue. Tout, dans Art d'aujourd'hui est voué à la transmission. C’est

là son ambition : celle de fédérer artistes et amateurs, de partager les connaissances

6 Paris, 2005, p. 22.

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tant en vue d’informer les seconds que de renseigner les jeunes créateurs par

l’exemple des aînés.

Non seulement, l’artiste est avant tout un travailleur, mais en plus, il sait se

mettre au service de sa création. Car parmi les grands chantiers de la revue, il y a

celui qui consiste à faire accepter l’idée de l’œuvre commune, pratiquée à tâche

égale, dans le but de rendre la ville, l’habitat, le lieu de travail, plus harmonieux et

ainsi d’améliorer les conditions de vie de tous. L’ambition de la synthèse des arts à

l’échelle d’une société peut voir le jour dans le contexte social et urbanistique dans

lequel se trouve la France à cette période : celui de la reconstruction de l’après-

guerre entre villes bombardées et logements insalubres dans de très grandes

proportions.

La mission que se donnent les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui n’est donc pas

confinée aux développements d’une esthétique ; elle s’inscrit dans l’esprit qui anime

les pionniers de l’art abstrait, et cela, dès les débuts. La revue se fait l’héritière de

Mondrian et de Van Doesburg, se plaçant dans un courant d’idées et dans des

mouvements plastiques qui allient la création réalisée en commun à la volonté de

jouer un rôle dans le quotidien de toute la population sans discrimination sociale ou

intellectuelle. Des idées qui s’attachent autant à la transmission des maîtres de

l’abstrait qu’à une inscription sociale très contemporaine à la revue. Quels que soient

les domaines artistiques, les créations, notamment les plus actuelles, doivent pouvoir

toucher tous les publics – grâce à des compagnies de théâtre itinérantes, des

discussions après des projections de films dans les Cinéclubs, le parcours de

bibliobus, etc.

Pour les rédacteurs, rendre l’avant-garde accessible au plus grand nombre

c’est aussi accepter l’art comme une pratique technique. Cette conception de l’art

n’est pas unique à cette période ; Jean Cassou la met en scène en 1960 dans la

prestigieuse exposition Les Sources du XXème siècle et l’appuie de son ouvrage

Panorama des arts plastiques contemporains qui « peut être considéré comme [son]

armature théorique » 8. Pierre Francastel y consacre un essai en 1956 :

7 Op. cit., p. 86. 8 Sandra Persuy, "Les Sources du XXème siècle : une vision européenne et pluridisciplinaire de l’art moderne", dans Les Cahiers du musée national d’Art moderne, n°67, printemps 1999, p. 36.

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« L’opposition de l’Art et de la Technique se résout dès qu’on

constate que l’art est lui-même, dans une certaine mesure, une

technique sur le double plan des activités opératoires et figuratives.

[...] Le domaine de l’art, ce n’est pas l’absolu, mais le possible. Par

l’art, les sociétés rendent le monde un peu plus commode ou un peu

plus puissant et elles parviennent parfois à le soustraire aux règles

de fer de la matière ou aux lois sociales et divines pour le rendre

momentanément un peu plus humain. »9

Rendre sa technique à la création, ne pas l’extraire du travail journalier de l’artiste,

c’est placer l’acte créatif dans une réalité plus tangible, physique, presque tactile.

C’est permettre au lecteur néophyte (s’il existe), de mieux se l’approprier par un

contact plus immédiat.

Un contact favorisé aussi par la lecture de la revue elle-même. Le soin

apporté à la présentation d'Art d'aujourd'hui implique qu’il faille considérer aussi bien

le fond que la forme des textes. A l’image de la perception de l’objet moderne par les

rédacteurs dont la forme se doit d’être liée à sa fonction, la mise en pages de la

revue ne se sépare pas du fond des articles. Il s’agit d’accompagner les textes et non

pas de les dissoudre dans des expérimentations graphiques. La revue est soignée

dans sa mise en pages mais elle n’est pas le reflet de l’esprit fantaisiste dont sait

faire preuve Pierre Faucheux, déjà en place au Club français du livre où il innove

sans cesse. Le typographe est décrit par ses pairs (dont Robert Massin) comme un

homme d’une grande inventivité qui se donne la liberté nécessaire pour traduire,

avec tous les moyens que lui offre le livre (la lettre, la composition, la reliure, la

tranche, le papier de la couverture, des pages, etc.), l’ambiance d’un livre ou d’une

collection.

Plus loin, elle précise que « les chapitres […] sont pour la plupart composés à partir d’articles déjà publiés » ce qui indique bien que ces questions ne sont pas nouvelles pour le directeur du musée d’Art moderne. Autre point commun avec la revue, son livre couvre des champs larges depuis le cinéma, le théâtre, le ballet, l’architecture tout comme les métiers d’art et propose une « alternance de textes critiques, de chronologies de citations et d’extraits de documents originaux [qui] inaugure un nouveau type d’ouvrage à vocation pédagogique. » 9 Art et technique aux XIXème et XXème siècles, Paris, 1956, p. 16.

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En faisant appel à Pierre Faucheux, la nouvelle équipe de la revue prouve

qu’elle connaît son travail, s’y intéresse et désire une revue dont l’esthétique a du

sens. Il se lit dans les couvertures originales et la mise en pages, claire, aérée, très

illustrée et rendant la lecture aisée. La revue ne met cependant pas en pratique

l’esprit d’avant-garde qu’elle prône ; par volonté éditoriale, donc, mais probablement

aussi à cause de probables contingences telles que le coût d’impression ou

l’équipement de l’imprimerie au lendemain de la guerre.

Serge Lemoine expose en quelques judicieux exemples, dans son texte "Avec

ou sans serif"10, comment la France est longtemps passée à côté du graphisme. Il

cite la revue au contenu avant-gardiste L’Esprit nouveau de Le Corbusier et

Ozenfant ou Minotaure, parution luxueuse et très soignée dans ses couvertures

(réalisées par Picasso, Dalí ou Ernst) mais dont la réflexion sur la mise en forme des

textes et leur rapport aux illustrations reste écartée. S’agit-il là d’un esprit français qui

donnerait la primauté voire l’exclusivité au texte ? Il est sûr, en tout cas, que cette

culture du graphisme qui fait défaut en France à cette époque est pourtant bien

présente en Suisse, en Allemagne, dans les Pays-Bas ou aux Etats-Unis.

Il serait néanmoins incorrect de considérer l’ensemble des livraisons d’Art

d'aujourd'hui comme étrangères aux expériences graphiques. Un regard attentif

courant sur l’ensemble des numéros montre les audaces dont les graphistes font

preuve dans une succession de détails. Mais reprenant les principes de la synthèse

des arts pour les appliquer à la mise en pages, la revue utilise composition,

typographie et illustration au service du texte, c’est-à-dire en tenant compte tant de

l’intérêt qu’il faut susciter a priori pour inciter à la lecture, que du confort du lecteur

dans sa découverte des textes. Ainsi, les trois graphistes qui œuvrent

successivement dans Art d'aujourd'hui ne fixent pas une ligne typographique et se

permettent d’expérimenter tout en désirant cependant adhérer aux codes de la

presse. Art d'aujourd'hui par ses pages composées comme celles des catalogues

s’apparente à la revue haut de gamme telle Derrière le miroir ou Cahiers d’art, tout

en s’en démarquant du fait de son dessein d’être largement diffusée.

10 Préface à Roxane Jubert, Graphisme, typographie, histoire, Paris, 2005, p. 6.

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Pourquoi vouloir rendre l’art accessible au plus grand nombre ? Une évidence

pour les abstraits naît d’une supposée évidence de l’expression abstraite, cet

esperanto de l’art. Une adéquation avec l’époque dont les intellectuels, pour

beaucoup n’envisagent pas qu’une nouveauté ne puisse être partagée par tous.

L’organe de presse qu’est Art d'aujourd'hui souhaite incarner son époque voire la

devancer afin de pouvoir accomplir sa mission de transmission. Par ses choix

éditoriaux, la revue se condamne à l’échec si elle ne parvient pas à influer sur le

quotidien de ses contemporains. Cette influence peut ne pas être directe car Art

d'aujourd'hui ne vise pas (et ne peut l’envisager) une cible très large de lecteurs. Le

périodique se fait le porteur d’une conception de la création, un relais, un maillon

d’une chaîne qui cherche à polliniser les esprits. En cela, les lecteurs parmi les

enseignants deviennent précieux et l’on ne s’étonnera ni de la présence de leurs

courriers dans les archives de la revue, ni que l’un d’entre eux soit publié en guise de

conclusion au dernier numéro.

L’enseignement de l’art à l’école reste, pour les rédacteurs un moyen, non pas

d’améliorer les chances des élèves dans leur réussite scolaire11, mais de les

familiariser avec une pratique de collectionneur pour leur simple plaisir et celui des

artistes. Leur point de vue sur l’éducation n’est pas approfondi dans les pages d’Art

d'aujourd'hui, à peine se dessine-t-il au fil d’une lecture attentive. L’apport

pédagogique de la fréquentation des œuvres dès le plus jeune âge ne trouve pas sa

place dans cette revue d’art. D’ailleurs, les rédacteurs ne parlent pas de « culture »

mais d’« art ». Il n’est jamais question « de regarder un tableau en vue de parfaire sa

connaissance » pour reprendre les termes d’Hannah Arendt qui compare cet acte à

celui « d’utiliser une peinture pour boucher un trou dans un mur » : « Tout va bien

tant qu’on demeure averti que ces utilisations, légitimes ou non, ne constituent pas la

relation appropriée avec l’art. »12 Cette notion de « relation appropriée » prend

néanmoins, a contrario, toute son importance avec Art d'aujourd'hui qui défend, dans

sa mission de rendre l’art accessible, un art utile.

11 Arguments avancés par ailleurs dans les colloques et rapports cherchant à convaincre les réticents des bienfaits d’un enseignement de l’art à l’école 12 La Crise de la culture, Paris, 1989, p. 260.

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L’art devrait se mettre au service de la vie quotidienne par le truchement de la

synthèse, nous l’avons vu. Une intégration de la peinture, de la sculpture et des

métiers d’art dans l’urbanisme et l’architecture rendue possible par la nécessité de

reconstruction de la France. Une intégration rendue nécessaire par les changements

sociaux encore imperceptibles qui sont en train de s’opérer. L’habitat doit se

rationnaliser et s’adapter aux progrès techniques, aux flux des populations venant

s’installer en ville, au travail des femmes ainsi qu’aux nombreuses naissances.

Associer les artistes plasticiens à ces profondes mutations, à ces déracinements, à

l’acclimatation à de nouveaux modes de vie (dont celui de la collectivité), peut aider à

les rendre moins violents, à accompagner les personnes plus sereinement. La

création artistique, non pas appréhendée dans sa finitude comme un tout

indissoluble, voulu par l’artiste, mais décomposée en ses éléments constitutifs, fait

prendre conscience de l’utilité de chacun. La couleur devient thérapie. Associée à

certaines formes, elle donne de l’entrain aux travailleurs ou imprègne d’un calme

serein les locaux dévolus aux pauses. Une telle conception de la création artistique

ne peut convaincre tout le monde, y compris du côté des partisans de l’abstraction.

L’art, en se parant de velléités sociales permet-il toujours cette « relation

appropriée » ? Ne perd-il pas de sa substance, de ce qui fait que l’art est de l’art ?

Garde-t-il son « critère d’authenticité »13, son aura telle que la conçoit Walter

Benjamin ? L’introduction de la technique, qui n’est pas celle envisagée par le

philosophe, n’en est pas moins bien présente dans les travaux issus de la synthèse

des arts, qui déplacent la valeur ontologique de l’œuvre d’art.

Cette question touchant à la nature de la création reste d’actualité mais on

perçoit combien elle a évolué. L’interrogation sur le statut de l’art est en jeu

aujourd’hui parce que les formes de la création ont profondément muté engendrant

la transformation ontologique d’un objet qui se meut ainsi du rang de produit de

consommation (porte-bouteilles, boîte de soupe, costume de feutre...), à celui

d’œuvre d’art. Quant à la création envisagée comme utile, pour l’essentiel, soit elle

bascule dans le champ des arts appliqués qui s’élargit avec les progrès

technologiques et un souci croissant de l’esthétique (poussé par la mercatique), soit

13 L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (version de 1939), Paris, 2000, p. 282.

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elle pénètre le cadre d’un art subventionné, géré administrativement. La mutation

d’Art d'aujourd'hui en Aujourd'hui : art et architecture exprime bien ce renversement

des pratiques artistiques.

Il s’est opéré avec les Trente Glorieuses et l’essor de la culture de masse, la

prétention à l’accessibilité d’un certain confort, y compris celui de la vue. « C’est fou

ce que ce monde est beau » se plaît à remarquer aujourd’hui Yves Michaud14 en

décrivant notre quotidien où le stylisme, le design et le modelage des corps occupent

une place de choix. Ce constat ne fait que renforcer la thèse de Benjamin quant à la

disparition de l’aura de l’œuvre d’art. Nous sommes entourés de beauté mais

l’œuvre, unique dans l’expérience esthétique et émotionnelle qu’elle procure, fait

défaut. La chose n’est pas sans conséquences, il s’agit de la mise en évidence de la

perte de l’art :

« C’est comme si, plus il y a de beauté, moins il y a d’œuvres d’art,

ou encore comme si, moins il y a d’art, plus l’artistique se répand et

colore tout, passant pour ainsi dire à l’état de gaz ou de vapeur et

recouvrant toutes choses comme d’une buée. L’art s’est volatilisé en

éther esthétique, si l’on se rappelle que l’éther fut conçu par les

physiciens et les philosophes après Newton comme ce milieu subtil

qui imprègne tous les corps. »15

Les musées, en conservant bel et bien des pièces uniques ou éditées en séries

limitées, parviennent-ils à en conserver l’aura ? Rien n’est moins sûr si l’on en juge

par tous les artifices qui entourent l’œuvre dans une grande majorité d’institutions

muséales afin de les rendre plus attractives. Les conséquences sont palpables : les

musées ont de plus en plus de visiteurs. Mais que voient-ils ?

Ainsi, les directions prises par Art d'aujourd'hui ont toutes été corrompues par

la société de consommation. Evolution inévitable d’une collectivité qui donne une

large place à une nouvelle forme de culture dont les pratiques, mieux partagées sont

étendues à l’ensemble des citoyens. La création reste donc bien vivante et les

artistes savent s’adapter quand ils ne les anticipent pas, aux changements profonds.

14 L’Art à l’état gazeux, Paris, 2008, p. 7. 15 Ibid., p. 9.

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« il [n’est] pas sans importance de remarquer que le dernier individu

à demeurer dans une société de masse semble être l’artiste. Notre

affaire est la culture, ou plutôt ce qui arrive à la culture soumise aux

conditions différentes de la société et de la société de masse. Aussi,

notre intérêt pour l’artiste n’est-il pas tant axé sur son individualisme

subjectif, que sur ce fait qu’il est, après tout, le producteur

authentique des objets que chaque civilisation laisse derrière elle

comme la quintessence et le témoignage durable de l’esprit qui

l’anime. »16

Comme il a été annoncé en introduction, ces pages n’ont pas commenté

d’œuvres, et ont plus évoqué les artistes qu’elles ne s’y sont arrêtées ce qui a pu

frustrer les attentes que certains peuvent avoir envers une thèse en histoire de l’art.

Néanmoins, l’intense aventure qu’a été Art d'aujourd'hui n’a été motivée que par la

création ; cet état de créativité qui se vit tant à la naissance d’une œuvre que dans le

regard que pose ensuite dessus l’amateur curieux, ému ou enthousiaste. La revue a

tenté de l’accompagner tout au long de ces cinq années de publication et

d’événements, offrant aujourd’hui ce témoignage durable que nous avons recueilli et

détaillé quelques soixante ans plus tard.

16 Hannah Arendt, La Crise de la culture, Paris, 1989, p. 257.

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Bibliographie

Archives

Fonds Art d’aujourd’hui, Documentation du musée national d’Art moderne – Centre

Georges Pompidou, Paris.

Fonds Julien Alvard, Documentation du musée national d’Art moderne – Centre

Georges Pompidou, Paris.

Fonds André Bloc, Archives privées de la Galerie Philippe Samuel, Paris.

Fonds André Bloc (don de Natalie Seroussi, Meudon), Musée de Grenoble,

Grenoble.

Fonds Constantin Brancusi, Documentation du musée national d’Art moderne –

Centre Georges Pompidou, Paris.

Fonds Léon Degand, Documentation du musée national d’Art moderne – Centre

Georges Pompidou, Paris.

Fonds Delaunay, Documentation du musée national d’Art moderne – Centre Georges

Pompidou, Paris.

Fonds Pierre Faucheux, Institut Mémoires de l’Edition contemporaine, Paris.

Fonds Albert Gleizes, Documentation du musée national d’Art moderne – Centre

Georges Pompidou, Paris.

Fonds Galerie Arnaud, Pressbook, correspondance, Cimaise, Documentation du

musée national d’Art moderne – Centre Georges Pompidou, Paris.

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Sources

Périodiques

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Cimaise, numéro spécial 100-101, janvier-avril 1971.

Esprit numéro spécial “Réalisme et réalité“, n°168, juin 1950.

“Enquête sur le réalisme socialiste”, dans Preuves, n°10-14, avril 1952, pp. 6-11, et

n°10-15, mai 1952, pp. 46-53.

“Pour ou contre l’art abstrait”, dans Cahiers des amis des arts, n°11, 1947.

Ouvrages

Do figurativismo au abstracionismo, Museu de Arte Moderne, São Paulo, 1949.

Espace – architecture – formes – couleur, Boulogne, 1954.

J.F. Koenig, SMI, Paris, 1969.

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l’art abstrait, Editions Art d’aujourd’hui, Boulogne-sur-Seine, 1952.

BOURNIQUEL (Camille), “Réalisme et réalité : enquête sur la peinture”, dans Esprit,

n°168, juin 1950, pp. 897-960.

ESTIENNE (Charles), L’Art abstrait est-il un académisme ?, Editions de Beaune,

Paris, 1950.

PONGE (Francis) et MAYWALD (Willy), Artistes chez eux, éditions de L’Architecture

d’aujourd’hui, Boulogne, 1949.

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RAGON (Michel), L’Aventure de l’art abstrait, Robert Laffont, Paris 1956.

RAGON (Michel), Trompe-l'œil, Paris, Albin Michel, 1956.

Méthodologie

BELLET (Harry), "Art moderne et bibliographie. Le dépouillement des périodiques et

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de synthèse", dans Bulletin des bibliothèque de France, Paris, 1991, pp. 257 à

259.

DESCAMPS (Florence), L’Historien, l’archiviste et le magnétophone. De la

constitution de la source orale à son exploitation, Comité pour l’histoire

économique et financière, Paris, 2001.

FARGE (Arlette), Le Goût de l’archive, Le Seuil, Paris, 1989.

Contexte artistique, culturel et historique

Catalogues d’expositions

1945, les figures de la liberté, Musée Rath, Genève, 1995.

Abstractions. France 1940-1965. Peintures et dessins des collections du musée

national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou – RMN, Paris, 1997.

Abstraction en France et en Italie 1945-1975. Autour de Jean Leppien, musées de la

Ville de Strasbourg – RMN, Paris, 1999.

Les Années 1950, Centre Georges Pompidou, Paris, 1988.

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412

Les Années de combat. Le Renouveau des arts vu de Paris. Galerie Arnaud 1951-

1962. Revue Cimaise, Editions Ville d’Angers – Présence de l’Art

Contemporain (P.A.C.A.), Angers, 1999.

L’Art en Europe : les années décisives, 1945-1953, Skira – musée d’Art moderne de

Saint-Etienne, Saint-Etienne, 1987.

L’Aubette ou la couleur dans l’architecture, musées de la Ville de Strasbourg,

Strasbourg, 2008.

Auguste Herbin et son cercle, Galerie Lahumière, Paris, 2008.

Autour de Michel Ragon, musée des Beaux-Arts de Nantes et Paris Art Center,

Nantes/Paris, 1984.

Aux origines de l’abstraction, Musée d’Orsay – RMN, Paris, 2003.

Bloc ou le monolithe fracturé, Editions HYX, Orléans, 1996.

Les Bons Génies de la vie domestique, Centre Georges Pompidou, Paris, 2000.

Charles Estienne et l’art à Paris 1945-1966, Fondation nationale des Arts graphiques

et plastiques, Paris, 1984.

Charles Estienne. Une idée de Nature, FRAC de Bretagne, Brest, 1984.

Charlotte Perriand, Centre Georges Pompidou, Paris, 2005.

Chemins de la création. Hommage à Julien Alvard, Château d’Ancy-le-Franc, 1997.

Daum, collection du musée des Beaux-Arts de Nancy, RMN, Nancy – Paris, 2000.

Denise René, l’intrépide. Une galerie dans l’aventure de l’art abstrait 1944-1978,

Centre Georges Pompidou, Paris, 2001.

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413

L’Ecriture griffée, musée de Saint-Etienne – RMN, Saint-Etienne, 1993.

Edgard Pillet, Rmn – ReConnaître, Grenoble-Paris, 2001.

Face à l’Histoire. L’artiste moderne devant l’événement historique, 1933/1996,

Centre Georges Pompidou – Flammarion, Paris, 1996.

Félix Del Marle, Rmn – ReConnaître, Grenoble-Paris, 2000.

Fernand Léger, Centre Georges Pompidou, Paris, 1997.

L'Œil moteur. Art optique et cinétique 1950-1975, musées de la Ville de Strasbourg,

Strasbourg, 2005.

Paris-New York, Centre Georges Pompidou – Gallimard, Paris, 1991.

Paris-Paris 1937-1957, Centre Georges Pompidou, Paris, 1981.

Quadrum – Revue internatinale d’art moderne (1956-1966), Les Carnets des musées

royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, 2007.

Réalités Nouvelles, 1946-1956, musée des Beaux-Arts et de la Dentelle, Calais,

1980.

Le Salon de la rue : l’affiche illustrée de 1890 à 1910, musées de la Ville de

Strasbourg, Strasbourg, 2007.

Un Combat pour l’art moderne : Hommage à René Déroudille, Bulletin des musées et

monuments lyonnais, Réunion des Musée nationaux – Musée des Beaux-Arts

de Lyon, Lyon, 1997.

Vouloir, Lille 1925, musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, 2004.

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414

Ouvrages

Art et idéologies. L’art en Occident, 1945-1949, Centre Interdisciplinaire d’Etude et

de Recherche sur l’Expression Contemporaine, Saint-Etienne, 1978.

Le Retour à l’ordre dans les arts plastiques et l’architecture, 1919-1925, Centre

Interdisciplinaire d’Etude et de Recherche sur l’Expression Contemporaine,

Travaux n°8, Saint-Etienne, 1974.

ABIRACHED (Robert) (dir.), La Décentralisation théâtrale, tome 1, Le Premier Age

1945-1958, Acte Sud, Arles, 1992.

ADAMSON (Natalie), Painting, Politics and the Struggle for the Ecole de Paris, 1944-

1964, Ashgate, Surrey, 2009.

AGUILAR (Yves), Un art de fonctionnaires : le 1%, Editions Jacqueline Chambon,

Nîmes, 1998.

ARENDT (Hannah), La Crise de la culture, Folio, Paris, 1989.

ARON (Jacques), Anthologie du Bauhaus, Didier Devillez Editeur, Bruxelles, 1995.

DE BAECQUE (Antoine), Crises dans la culture française. Anatomie d’un échec,

Bayard, Paris, 2008

BALZAC (Honoré), Le Chef-d’œuvre inconnu, Mille et une nuits, Paris, 1993 (1831).

BARTHES (Roland), Mythologies, Le Seuil, Paris, 1957.

BENJAMIN (Walter), L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique

(version de 1939), dans Œuvres III, Gallimard, Paris, 2000, pp. 269 à 316.

BERTRAND DORLEAC (Laurence), L’Art de la défaite 1940-1944, Seuil, Paris, 1993.

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415

BONNEFOI (Geneviève), Les Années fertiles 1940-1960, Mouvements éditions,

Paris, 1988.

BORDIER (Roger), Quand triomphait l’art abstrait, Commun’art, Le Temps des

cerises, Pantin, 2009.

BOUDAILLE (Georges) et JAVAULT (Patrick), L’Art abstrait, nouvelles éditions

françaises, Casterman, Paris, 1990.

BURGUIERE (André) et REVEL (Jacques) (dir.), Histoire de la France, choix

culturels et mémoire, Le Seuil, Paris, 2000.

CASSOU (Jean), Panorama des arts plastiques contemporains, NRF, Paris, 1960.

CASSOU (Jean), Une vie pour la liberté, Editions Robert Laffont, Paris, 1981.

DE CAYEUX (Agnès) et GUIBERT (Cécile) (dir.), Second Life : un monde possible,

Editions Les Petits Matins, Paris, 2007.

CHEBEL D’APPOLLONIA (Ariane), Histoire politique des intellectuels en France

1944-1954, Editions Complexe, Bruxelles, 1990.

CONE (Michele), French Modernisms. Perspectives on art before, during, and after

Vichy. Cambridge university press, Cambridge, 2001.

CONIO (Gérard), Le Constructivisme russe, Editions L’Age d’Homme, collection

Cahiers d’Avant-garde, Lausanne, 1987.

DAGEN (Philippe), La Haine de l’art, Grasset, Paris, 1997.

DEGAND (Léon), Abstraction, figuration. Langage et signification de la peinture,

Diagonales, Les Editions du Cercle d’Art, Paris, 1988.

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416

DELPIERRE (Madeleine), Le Costume et la haute-couture 1945-1995, Flammarion,

Paris, 1997.

DIEHL (Gaston) (dir.), Les Problèmes de la peinture, Confluences, Lyon, 1945.

DIEHL (Gaston), La Peinture en France dans les années noires. Comment les

peintres, aînés ou jeunes, parvinrent à s’imposer entre 1935 et 1945,

Z’éditions – G. Diehl, 1999. Nice.

DUBUFFET (Jean), Asphyxiante culture, Les Editions de minuit, Paris, 1986.

DUMAZEDIER (Joffre) (dir.), Vers une civilisation du loisir ? Le Seuil, Paris, 1962

réed.1972.

FAUCHEREAU (Serge) (présenté par), La Querelle du réalisme, Diagonales, Cercle

d’Art, Paris, 1987.

FAUCHEUX (Pierre) et REVEL (Jean-François), Ecrire l’espace, Robert Laffont,

Paris, 1978.

FIELL (Charlotte et Peter), Decorative Art 50’s, Taschen, Cologne, 2000.

FOX WEBER (Nicholas), C’était Le Corbusier, Fayard, Paris, 2009.

FRANCASTEL (Pierre), Art et technique aux XIXème et XXème siècles, les Editions de

Minuit, Paris, 1956.

GALARD (Jean) et ZUGAZAGOITIA (Julian) (sous la direction de), L’Œuvre d’art

totale, Gallimard, Paris, 2003.

GUILBAUT (Serge), Comment New York vola l’idée d’art moderne, Editions

Jacqueline Chambon, Nîmes, 1996.

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417

GUMPLOWICZ (Philippe) et KLEIN (Jean-Claude) (dir.), Paris 1944-1954. Artistes,

intellectuels, publics : la culture comme enjeu, Autrement, Paris, 1995.

HARAMBOURG (Lydia), L’Ecole de Paris, 1945-1965 : dictionnaire des peintres,

Ides et Calendes, Neuchâtel, 1993.

HEINICH (Nathalie), L’Art contemporain exposé aux rejets, Etudes de cas, Editions

Jacqueline Chambon, Nîmes, 1998.

HEINICH (Nathalie), L’Elite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique,

Gallimard, Paris, 2005.

JUBERT (Roxanne), Graphisme, typographie, histoire, Flammarion, Paris, 2005.

KORZILIUS (Jean-Loup), La Peinture en Allemagne 1933-1955. Sur le chemin vers

l’inconnu, L’Harmattan, Paris, 2000.

KRIS (Ernst) et KURZ (Otto), L’Image de l’artiste : Légende, mythe et magie,

Rivages, Paris, 1987.

LEGER (Fernand), Fonctions de la peinture, Gallimard, Paris, 1997.

LEMOINE (Serge), Art concret suisse : mémoire et progrès, Le Coin du miroir, Dijon,

1982.

LEMOINE (Serge), Art constructif, Centre Georges Pompidou, Paris, 1992.

LITVIN MANOLIU (Sergheï), Brancusi > Targu Jiu, Paris, 2003.

MICHAUD (Yves), L'Artiste et les commissaires, Editions Jacqueline Chambon,

Nîmes, 1989.

MICHAUD (Yves), L’Art à l’état gazeux, Hachette, Paris, 2008.

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418

MILLET (Catherine), Conversations avec Denise René, Adam Biro, Paris, 2001.

MONNIER (Gérard), L’Art et ses institutions en France, de la Révolution à nos jours,

Folio Gallimard, Paris, 1995.

MONNIER (Gérard), Le Corbusier : les unités d’habitations en France, Belin, Paris,

2002.

MORIN (Edgar), Les Stars, Le Seuil, Paris, 1972.

ORY (Pascal), L’Aventure culturelle française, 1945-1989, Flammarion, Paris, 1989.

ORY (Pascal), La Belle Illusion. Culture et politique sous le signe du Front populaire

1935-1938, Plon, Paris, 1994.

PARENT (Francis) et PERROT (Raymond), Le Salon de la jeune peinture. Une

histoire 1950-1983, Jeune peinture, Paris, 1983.

PLAZY (Gilles), Les Aventures de la peinture moderne, Editions Liane Levi, Paris,

1987.

RAGON (Michel) et SEUPHOR (Michel), L’Art abstrait 1939-1970 en Europe (volume

3), Maeght éditeur, Paris, 1973.

RAGON (Michel), Cinquante ans d’art vivant, Fayard, Paris, 2001.

RAGON (Michel), D’une berge à l’autre. Pour mémoire 1943-1953, Albin Michel,

Paris, 1997.

RAGON (Michel), Journal de l’art abstrait, Skira, Genève, 1992.

RASPAIL (Thierry) et SAEZ (Jean-Pierre) (dir.), L’Art contemporain : champs

artistiques, critères, réception. Actes du colloque "L’Art sur la Place",

L’Harmattan, Paris, 2000.

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419

RENE (Denise), Mes années 50, Editions Denise René, Paris, 1988.

RIOUX (Jean-Pierre), Nouvelle histoire de la France contemporaine. La France de la

Quatrième République, tomes 15 et 16, Le Seuil, Paris, 1980.

RIOUX (Jean-Pierre) et SIRINELLI (Jean-François), Histoire culturelle de la France.

Le Temps des masses. Le Vingtième siècle, tome 4, Le Seuil, Paris, 2004.

SAINT PULGENT (Maryvonne de), Culture et communication. Les missions d’un

grand ministère, Gallimard, Paris, 2009.

SEUPHOR (Michel), Un siècle de libertés. Entretiens avec Alexandre Grenier,

Hazan, Paris, 1996.

WLASSIKOFF (Michel), Histoire du graphisme en France, Les Arts décoratifs et

Dominique Carré éditeur, Paris, 2005.

Périodiques et articles

L’Architecture d’aujourd’hui, numéro spécial 60 ans, n°272, décembre 1990.

Aujourd’hui, numéro spécial hommage à André Bloc, n°59-60, déc embre 1967.

Les Cahiers français, numéro spécial "Les Politiques culturelles", La Documentation

française, janvier-février 2009.

L’Homme et l’architecture, numéro spécial "Unité d’habitation à Marseille de Le

Corbusier", n°11 à 14, 1947.

Vingtième siècle, revue d’histoire, numéro spécial ″Consommer en masse″, n°91,

juillet-septembre 2006.

ADAMSON (Natalie), “Against the Amnesiacs: The Art Criticism of Jean Bazaine,

1934-1944” dans Ian Coller, Helen Davies et Julie Kalman, French History and

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420

Civilisation: Papers from the George Rudé Seminar, vol.1, 2005, pp. 114 à

125.

ADAMSON (Natalie) “‘An ambiguous meaning links us to history’: Reconsidering the

situation of la jeune peinture in Paris, 1956.” Third Text, mars 2005, pp. 141 à

150.

BELLET (Harry), "1943-1959, des galeries", dans Cimaise, n°199, mars-avril-mai

1989, pp. 25 à 36.

BORDIER (Roger), André Bloc : l’expression ardente et diversifiée d’une œuvre qui

rayonne vers son temps, la communauté humaine, la présence des choses,

tapuscrit non daté, archives privées de la Galerie Philippe Samuel.

CHIMOT (Jean-Pilippe), “Avatars de la théorie de l’art dans Arts de France (1945-

1949)“, dans Travaux XX Art et Idéologies. L’art en Occident, 1945-1949,

1978, pp. 145 à 157.

DELPORTE (Christian), "La publicité à la conquête des masses", dans La Culture de

masse en France de la Belle Epoque à aujourd’hui sous la direction de RIOUX

(Jean-Pierre) et SIRINELLI (Jean-François), Fayard, Paris, 2002.

FOUGERON (Lucie), “Une « affaire » politique : le portrait de Staline par Picasso”,

dans Communisme, n°53/54, 1998, pp. 118-149.

LEMOINE (Serge), "Art de France", préface à Hommage à Denise René. 50 ans d’art

construit, Les éditions Ronald Hirle, Strasbourg, 1996.

d’ORGEVAL (Domitille), "L’Abstraction géométrique au Salon des Réalités Nouvelles

de 1946 aux années 2000. L’histoire d’une incessante conquête" dans

Permanence de l’abstraction géométrique aux Réalités Nouvelles, Tours,

2007.

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421

PERSUY (Sandra), "Les Sources du XXème siècle : une vision européenne et

pluridisciplinaire de l’art moderne", dans Les Cahiers du musée national d’Art

moderne, n°67, printemps 1999, pp. 30 à 63.

VITALE (Elodie), “De l’œuvre d’art totale à l’œuvre totale : art et architecture au

Bauhaus“, dans Les Cahiers du musée national d'Art moderne, n°39,

printemps 1992, pp. 62 à 77.

WILL-LEVAILLANT (Françoise), "Note sur « L’Affaire » de la Pravda dans la presse

parisienne août-septembre 1947", dans Les Cahiers du musée national d'Art

moderne, n°9, 1982, pp. 147 à 149.

WILSON (Sarah), "Paris post war : in search of the absolute" dans Paris post war :

art and existencialism 1945-1955, Editions Frances Morris, Londres, 1993.

Travaux universitaires

DUCOURANT (Marc), L’Œuvre d’Edgard Pillet, Mémoire de D.E.A. d’histoire de l’art,

sous la direction de Serge Lemoine, Université de Paris IV – Sorbonne, Paris,

1999.

D’ORGEVAL (Domitille), L’Engagement et la contribution d’André Bloc pour

l’architecture et les arts de l’espace, mémoire de Maîtrise d’histoire de l‘art

sous la direction de Serge Lemoine, Université de Paris IV – Sorbonne, Paris,

1996-1997.

GHIYATI (Karim), Un homme de théâtre au cinéma : Jean Dasté, Mémoire de

Maîtrise d'histoire, sous la direction de Jean Gili, Université de Nice, 1995.

Documents autres

Beauté des formes : le béton, édité par la Chambre syndicale des constructeurs en

ciment armé de France et de la communauté, Paris, 1960.

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422

CLOUZOT (Henri-Georges), Le Mystère Picasso, 1955.

GUICHARD (Camille), Denise René, Terra Luna Films, 1999.

LEMOINE (SERGE), Mondrian et De Stijl, Cours organique d’art contemporain,

1983-1984.

PILLET (Edgard), Génèse, 1951.

PILLET (Edgard), Magnelli, 1951.

REWAL (Manu), Le Corbusier en Indes, Play Film, 2000.

La presse

Ouvrages

L’Engagement, Actes du symposium de l’AICA, Presses Universitaires de Rennes,

Rennes, 2002.

CHARLES (Christophe), Le Siècle de la presse (1830-1939), Le Seuil, Paris, 2004.

CHEVREFILS DESBIOLLES (Yves), Les Revues d’art à Paris de 1905 à 1940,

Ent’revues, Paris, 1993.

FRANGINE (Pierre-Henry) et POINSOT (Jean-Marc) (dir.), L’invention de la critique

d’art, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2002.

LEEMAN (Richard), Le Critique, l’art et l’histoire, de Michel Ragon à Jean Clair,

Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2010

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Périodiques et articles

Ce sujet d'étude fait se pencher sur différents organes de presse

contemporains d'Art d'aujourd'hui ou qui lui sont liés, de manière parfois un peu

intuitive. Ces lectures-sondages se trouvent retranscrites par les séries de livraisons

citées. Il faut également y ajouter d'autres références qui correspondent, quant à

elles, à des articles ou des numéros étudiés en détails.

Arts : Beaux-arts – Littérature – Spectacle, 1952-1953.

Art enfantin, n°3-4, juin-septembre 1960 et n°16, mars-avril 19 63.

Aujourd’hui : art et architecture, janvier 1955-décembre 1967.

L’Architecture d’aujourd’hui, 1930-1990.

L’Art sacré, Paris, 1935-1969.

Cahier d’art, 1949-1950.

Chantiers, organe technique de L’Art d'aujourd'hui, 1933-1935.

Cimaise, Bulletins de la Galerie Arnaud, du n°1 novembre 1952 au n°4-5 juillet 1953.

Cimaise : revue de l’art actuel, du n°1, 1 ère série, novembre 1953, au n°66,

novembre–décembre 1963.

Travaux universitaires

MAILHO (Lorraine), Charles Estienne, critique d’art 1945-1960, Doctorat de 3ème

cycle, sous la direction de Marc le Bot, Université de Paris I – Panthéon

Sorbonne, 1983.

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424

RICHAR-RIVIER (Georges), La Nouvelle Ecole de Paris et la revue Art d'aujourd'hui

ou les abstractions du début des années cinquante, Doctorat de 3ème cycle,

sous la direction d’Hubert Damisch, Université de Lille III – EHESS, Lille,

1987.

Les pratiques culturelles

Ouvrages

BOURDIEU (Pierre), La Distinction, critique sociale du jugement, Les Editions de

minuit, Paris, 2003.

BROSSAT (Alain), Le Grand Dégoût culturel, Seuil, Paris, 2008.

COMETTI (Jean-Pierre) (dir.), Les Arts de masse en question, La Lettre volée,

Bruxelles, 2007.

COULANGEON (Philippe), Sociologie des pratiques culturelles, La Découverte,

Paris, 2005.

HEINICH (Nathalie), La Sociologie de l’art, La Découverte, Paris, 2001.

KALIFA (Dominique), La Culture de masse en France – 1860-1930, La Découverte,

Paris, 2001.

LAHIRE (Bernard), La Culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de

soi, La Découverte, Paris, 2004.

Périodiques et articles

Esprit, numéro spécial “Quelle culture défendre ?“, n° 3- 4, mars-avril 2002.

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425

Les musées

Ouvrages

L’Art peut-il se passer de commentaire(s) ?, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, 2006.

Les Musées en mouvement. Nouvelles conceptions, nouveaux publics (Belgique,

Canada), Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 2000.

Publics & projets culturels. Un enjeu des musées en Europe, L’Harmattan, Paris,

2003.

BOURDIEU (Pierre), L’Amour de l’art, les musées d’art européen et leur public, Les

Editions de minuit, Paris, 1966.

CAILLET (Elisabeth) et COPPEY (Odile), Stratégies pour l’action culturelle,

L’Harmattan, Paris, 2003.

ESQUENAZI (Jean-Pierre), Sociologie des publics, La Découverte, Paris, 2003.

GERVEREAU (Laurent), Vous avez dit musées ? Tout savoir sur la crise culturelle,

CNRS éditions, Paris, 2006.

Périodiques et articles

Publics & Musées, n°1, Presses universitaires de Lyon, juin 1992.

Publics & Musées, n°6, Presses universitaires de Lyon, juillet-déce mbre 1994.

JUBERT (Roxane), “Entre voir et lire : la conception visuelle des catalogues

d’exposition“, dans Les Cahiers du musée national d’Art moderne, n°56/57,

été/automne 1996, pp. 37 à 52.

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426

L’art à l’école

Ouvrages

CLERO (Claude) et GLOTON (Robert), L’Activité créatrice chez l’enfant, Casterman,

Paris, 1971.

LISMONDE (Pacale), Les Arts à l’école. Le Plan de Jack Lang et Catherine Tasca,

Gallimard, Paris, 2002.

Périodiques et articles

Beaux-Arts magazine, numéro hors-série spécial "L’Art à l’école", en co-édition avec

le CNDP, 2001.

Documents autres

Actes du séminaire national : Education artistique et culturelle qui s’est tenu à la Cité

internationale universitaire de Paris du 21 au 23 janvier 2007, septembre

2007. Publié sur le site web du ministère de l'Education nationale.

GROSS (Éric), Rapport à Monsieur le ministre de l'Education nationale et Madame la

ministre de la Culture et de la Communication. Un enjeu reformulé, une

responsabilité devenue commune – Vingt propositions et huit

recommandations pour renouveler et renforcer le partenariat Éducation-

Culture-Collectivités locales en faveur de l'éducation artistique et culturelle, 14

décembre 2007. Publié sur le site web du ministère de l'Education nationale.

TAVOILLOT (Pierre-Henri), "La Place de l’école dans la transmission de la culture",

dans Les Cahiers français, Paris, janvier-février 2009.

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Table des matières

Introduction....................................... ........................................................................ 6

Introduction....................................... ........................................................................ 6

I. Art d'aujourd'hui , une histoire..................................... ....................................... 17

1. De L’Architecture d’aujourd’hui à Art d’aujourd’hui .................................... 19

a. L’Architecture d’aujourd’hui ------------------------------------------------------------------------- 21

Les débuts de la revue..................................................................................................... 22 Une revue ambitieuse ...................................................................................................... 24 Chantiers, organe technique de L'Architecture d'aujourd'hui .......................................... 27 L'Architecture d'aujourd'hui et la Reconstruction ............................................................. 28 Les actions de L'Architecture d'aujourd'hui...................................................................... 30

b. Art d'aujourd'hui : une nécessité----------------------------------- -------------------------------- 35

Une actualité artistique foisonnante................................................................................. 35 Le musée d’Art moderne.................................................................................................. 36 Présence de l’art abstrait dans les galeries ..................................................................... 38 Absence de l’art abstrait dans les institutions parisiennes .............................................. 39 L’abstrait, une esthétique pour l’après-guerre ................................................................. 41 Elaboration d’Art d'aujourd'hui ......................................................................................... 42

c. Les membres du comité de rédaction et les collab orateurs------------------------------- 45

André Bloc........................................................................................................................ 46 Edgard Pillet..................................................................................................................... 49 Léon Degand.................................................................................................................... 52 Julien Alvard..................................................................................................................... 57 Roger Van Gindertael ...................................................................................................... 62 Herta Wescher ................................................................................................................. 63 Pierre Guéguen................................................................................................................ 64 Michel Seuphor ................................................................................................................ 65 Félix Del Marle ................................................................................................................. 68 Pierre Faucheux............................................................................................................... 68 Roger Bordier................................................................................................................... 69 Charles Estienne.............................................................................................................. 70

2. Cinq années d’existence : juin 1949 – décembre 1954 ................................ 74

a. La ligne éditoriale----------------------------- ----------------------------------------------------------- 75

Soin de la mise en pages, clarté et didactisme ............................................................... 76

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Colères et impertinence, des armes contre le rejet de l’abstraction................................ 78 "Critique de la critique"..................................................................................................... 80 Des rédacteurs convaincus.............................................................................................. 81 Une réputation de sectarisme.......................................................................................... 83 Confirmation ou infirmation de cette réputation ? ............................................................ 85

b. Art d’aujourd’hui hors les pages ------------------------------------ ------------------------------- 89

Les éditions Art d'aujourd'hui ........................................................................................... 89

Les expositions ................................................................................................................ 91 Un lectorat sollicité ........................................................................................................... 93 Les films sur l’art .............................................................................................................. 95 Le Groupe Espace ........................................................................................................... 97 L’Atelier d’art abstrait ....................................................................................................... 99

c. Aujourd’hui : art et architecture --------------------------------------------------------------------103

Les deux dernières livraisons d’Art d'aujourd'hui........................................................... 104 Janvier 1955, premier numéro d’Aujourd'hui : art et architecture .................................. 106 Une tribune maintenue pour l’abstraction ...................................................................... 107 Une ouverture vers d’autres esthétiques et d’autres créations ..................................... 109 Le reflet du besoin de nouveauté d’André Bloc ............................................................. 111 La fin d’une aventure...................................................................................................... 114

3 Art d'aujourd'hui en chiffres....................................... .................................. 115

a. Présentation chiffrée --------------------------- -------------------------------------------------------117

Parutions d’Art d'aujourd'hui par séries et par années civiles ....................................... 117 Evolution de la pagination.............................................................................................. 118

b. Quantification des citations et des participatio ns -------------------------------------------120

Citations des artistes par articles ................................................................................... 121 Citations des artistes par séries, encarts couleurs et couvertures ................................ 123 Interventions des rédacteurs par articles ....................................................................... 125 Interventions des rédacteurs par brèves ....................................................................... 126

c. Du côté du lectorat : une tentative d’évaluation ----------------------------------------------128

Art d'aujourd'hui à l’étranger .......................................................................................... 129 Pays distributeurs d’Art d'aujourd'hui............................................................................. 130

Le prix de la revue.......................................................................................................... 131 Un lectorat de fidèles ..................................................................................................... 134 Une revue que l’on s’approprie ...................................................................................... 136 Le financement d’Art d'aujourd'hui................................................................................. 139

II. L’art pour tous dans Art d’aujourd’hui ........................................................... 142

1. Didactisme ......................................... ............................................................ 144

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a. Clarté de la mise en pages---------------------- -----------------------------------------------------146

L’affaire Van Doesburg .................................................................................................. 147 Omniprésence de la photographie................................................................................. 150 Absence d’articles fleuves ............................................................................................. 152 L’extrême rigueur de la série "Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui" ............................. 153 Le numéro spécial photographie.................................................................................... 154 Deux contre-exemples ................................................................................................... 155

b. Donner le goût de l’art ------------------------- -------------------------------------------------------157

Des numéros spéciaux pour approfondir les sujets....................................................... 157 S’ouvrir à la diversité des arts........................................................................................ 159 "Cinquante ans de gravure" ........................................................................................... 161 "Cinquante ans de peinture" .......................................................................................... 162 "Cinquante ans de sculpture"......................................................................................... 165

c. Pour mieux aborder l’abstraction ---------------- -------------------------------------------------166

L’abstraction, but ultime ................................................................................................. 167 Combattre l’ignorance.................................................................................................... 169 La série "Le Passage de la ligne" .................................................................................. 170 Des textes introspectifs .................................................................................................. 171 Une seule arme valable contre l’ignorance : l’art à l’école............................................. 173

2. Le quotidien de l’art .............................. ........................................................ 176

a. Les artistes au jour le jour -------------------- -------------------------------------------------------177

La série "L’Art et la manière" ......................................................................................... 177 L’artiste, homme de métier ............................................................................................ 181 Deux séries complémentaires........................................................................................ 184 Le cas Joseph Lacasse ................................................................................................. 185 Un quotidien d’ascèse.................................................................................................... 186 L’exemple de Wols retracé par Michel Ragon ............................................................... 188 La sourde révolte des rédacteurs d’Art d'aujourd'hui..................................................... 190

L’analyse de Léon Degand ............................................................................................ 191 b. Réflexions sur les musées ----------------------- ---------------------------------------------------193

Les déconvenues de Léon Degand ............................................................................... 194 La mise en espace du Salon de la Jeune Sculpture...................................................... 197 Pour un accrochage logique .......................................................................................... 198 Le numéro "Photographies" : une exposition sur papier................................................ 199 Le musée d’Art moderne : bête noire de Léon Degand................................................. 200 Moins passionné mais aussi critique : Michel Seuphor ................................................. 203 Une livraison consacrée aux musées d’Art moderne .................................................... 205 Le Stedelijk Museum par Willem Sandberg................................................................... 206 Panorama de musées hors de Paris.............................................................................. 208 “Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs publics” .......................................... 210

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430

Mise en perspective des pratiques actuelles ................................................................. 213 Le manque « de goût, d’intelligence et d’amour » ......................................................... 214

c. L’art au quotidien, l’art dans le quotidien----- --------------------------------------------------215

Les arts graphiques, médias de l’avant-garde............................................................... 216 Le dessin d’enfant .......................................................................................................... 219 Les arts « autres » ......................................................................................................... 221 Les encarts couleurs ...................................................................................................... 222 La participation des lecteurs .......................................................................................... 226

3. La synthèse des arts ............................... ...................................................... 228

a. Des rédacteurs impliqués------------------------ ----------------------------------------------------230

Le manifeste du Groupe Espace ................................................................................... 230 La polychromie ornementale de Félix Del Marle ........................................................... 231 La Reconstruction propice à la synthèse des arts ......................................................... 233 L’architecture, un art dominant ...................................................................................... 235 La synthèse des trois arts : une utopie ? ....................................................................... 237 Synthèse et décoration .................................................................................................. 239 La synthèse des arts : un pas vers l’abstraction............................................................ 240 Divergences de Julien Alvard ........................................................................................ 242

b. La synthèse des arts dans les pages ------------- -----------------------------------------------244

Des maquettistes attitrés ............................................................................................... 245 Dans les pas du néoplasticisme .................................................................................... 247 Les expérimentations de la première année.................................................................. 248 Les premières de couverture ......................................................................................... 250 Intervention mesurée de la couleur................................................................................ 253

c. La synthèse des arts dans le texte-------------- --------------------------------------------------254

Des héritiers de De Stijl ................................................................................................. 255 Des sympathisants des idées de Fernand Léger .......................................................... 257 La synthèse des arts au fil des pages............................................................................ 259 La Triennale de Milan..................................................................................................... 261 La Cité universitaire de Caracas.................................................................................... 262 Le numéro spécial "Synthèse des arts" ......................................................................... 263 L’humour de Pierre Guéguen contre l’"Anti-synthèse" .................................................. 266 De la synthèse des arts à l‘art dans le quotidien ........................................................... 268

III. L’art pour tous : une vision sociale de l’art. .................................................. 270

1. Pour un art social ................................. ......................................................... 272

a. Œuvre commune et bien commun -------------------- --------------------------------------------273

Un héritage des années 20............................................................................................ 274

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431

Un art pour le public populaire ....................................................................................... 275 Pour une amélioration des conditions de vie ................................................................. 277 L’Unité d’habitation à Marseille ...................................................................................... 278 L’Union des Artistes Modernes (U.A.M.) ....................................................................... 279 Une esthétique de l’industrie à inventer......................................................................... 280 Exemple de la verrerie Daum ........................................................................................ 281 L’Art nouveau ................................................................................................................. 283

b. Le reflet d’une époque -------------------------- ------------------------------------------------------284

Art d'aujourd'hui, maillon d’une chaîne .......................................................................... 285

La démocratisation cuturelle : une préoccupation devenue politique............................ 287 La décentralisation théâtrale.......................................................................................... 288 Les Cinéclubs................................................................................................................. 291 Enquêtes et publications sur la réception de l’art .......................................................... 292 Les Peintres témoins de leur temps............................................................................... 295

c. Un autre point de vue : le réalisme socialiste -- -----------------------------------------------298

Les contradictions Picasso et Léger .............................................................................. 299 L’ambiguïté du PCF ....................................................................................................... 301 Un art de propagande .................................................................................................... 303 Art d'aujourd'hui et le réalisme socialiste ....................................................................... 305 Arts de France et Art d'aujourd'hui : des buts communs ............................................... 308

2. Vers un art de masse ............................... ..................................................... 312

a. Les Trente Glorieuses : de la désolation à la co nsommation----------------------------314

Vers des habitations modernes ..................................................................................... 315 Le Salon des arts ménagers .......................................................................................... 317 L’année 1954 ................................................................................................................. 319 Du Tergal à la DS, des innovations dans tous les domaines industriels ....................... 321 Des progrès inégalement partagés................................................................................ 323

b. Société de loisirs et culture de masse---------- -------------------------------------------------324

Diversification de l’édition .............................................................................................. 325 Développement de la presse magazine ........................................................................ 328 Le cinéma et ses vedettes ............................................................................................. 330 Les médias s’installent dans les maisons...................................................................... 331 Le goût du public............................................................................................................ 333 La Villa Arpel, regard de Jacques Tati et Jacques Lagrange sur la vie moderne ......... 334 Difficulté à comprendre les avant-gardes ...................................................................... 337

c. Art social versus art de masse ------------------ ---------------------------------------------------338

« Pluralité des formes de réception » ............................................................................ 339 Le regard des élites sur la culture de masse ................................................................. 341 Une hiérarchisation des cultures.................................................................................... 344 La culture pour tous ....................................................................................................... 346

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432

Le ministère des Affaires culturelles .............................................................................. 349

3. Du devenir des objectifs d’ Art d'aujourd'hui .............................................. 353

a. L’art dans le quotidien ------------------------- -------------------------------------------------------355

Synthèse ou intégration des arts ? ................................................................................ 355 Une concrétisation dans l’industrialisation..................................................................... 358 La procédure du 1%....................................................................................................... 359 La commande publique.................................................................................................. 362 L’exemple de Brancusi à Targu Jiu................................................................................ 364 Infiltration du quotidien dans l’art ................................................................................... 365 La culture événement..................................................................................................... 366 La création et l’Internet .................................................................................................. 367

b. L’enseignement de l’art en milieu scolaire ------ -----------------------------------------------369

Une question cruciale à lire entre les lignes .................................................................. 370 Un souci constant dans l’enseignement ........................................................................ 371 Un enseignement académique de l’art .......................................................................... 373 Quelques enseignants concernés pour une majorité d’incrédules ................................ 374 Un apprentissage bénéfique aux autres enseignements............................................... 376 Une difficile entente entre deux ministères.................................................................... 378 Une mise en place périlleuse......................................................................................... 380

c. La place des publics dans les musées d’art moder ne et contemporain--------------381

Une histoire de l’accueil des publics .............................................................................. 382 Avec Pierre Bourdieu, une prise de conscience déterminante...................................... 384 Evolution de la définition du musée ............................................................................... 385 Les risques de dérives ................................................................................................... 388 De l’accrochage aux animations multimédia ................................................................. 391 De la difficulté du commentaire...................................................................................... 392

Conclusion ......................................... ................................................................... 397

Bibliographie...................................... ................................................................... 409

Archives------------------------------------------- ------------------------------------------------------------409

Sources-------------------------------------------- ------------------------------------------------------------410

Périodiques .................................................................................................................... 410 Ouvrages........................................................................................................................ 410

Méthodologie --------------------------------------- ---------------------------------------------------------411

Contexte artistique, culturel et historique -------- -------------------------------------------------411

Catalogues d’expositions ............................................................................................... 411 Ouvrages........................................................................................................................ 414 Périodiques et articles.................................................................................................... 419

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433

Travaux universitaires .................................................................................................... 421 Documents autres .......................................................................................................... 421

La presse ------------------------------------------ -----------------------------------------------------------422

Ouvrages........................................................................................................................ 422 Périodiques et articles.................................................................................................... 423 Travaux universitaires .................................................................................................... 423

Les pratiques culturelles -------------------------- ------------------------------------------------------424

Ouvrages........................................................................................................................ 424 Périodiques et articles.................................................................................................... 424

Les musées ----------------------------------------- ---------------------------------------------------------425

Ouvrages........................................................................................................................ 425 Périodiques et articles.................................................................................................... 425

L’art à l’école ------------------------------------ ------------------------------------------------------------426

Ouvrages........................................................................................................................ 426 Périodiques et articles.................................................................................................... 426 Documents autres .......................................................................................................... 426

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I

Annexes à la thèse

La Revue Art d'aujourd'hui (1949-1954) :

une vision sociale de l’art

Corine Girieud

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II

Annexes à la thèse

La Revue Art d'aujourd'hui (1949-1954) :

une vision sociale de l’art

Annexe I : Sommaires des numéros d’ Art d'aujourd'hui ………………...…....…IV

Annexe II : Encarts couleurs publiés dans Art d'aujourd'hui ...............................IX

Annexe III : Manifeste du Groupe Espace............ .................................................XII

Annexe IV : Le Respect dû aux œuvres d’art par les pouvoirs pu blics ............XIII

Annexe V : Entretien avec Roger Bordier....................... ......................................XV

Annexe VI : Entretien par courrier avec Roger Bordi er.................................... XXX

Annexe VII : Entretien avec Denise René ............ ............................................XXXV

Annexe VIII : Entretien avec Michel Ragon .......... ................................................XL

Annexe IX : Entretien avec Claude Parent........... ............................................ XLVII

Annexe X : Parutions d’ Art d'aujourd'hui par séries ........................................ .LVII

Annexe XI : Parutions d’ Art d'aujourd'hui par années civiles ...........................LIX

Annexe XII : Citations des artistes par articles... .................................................LX

Annexe XIII : Citations des artistes par séries, en carts couleurs, couvertures ....

...............................................................................................................LXI

Annexe XIV : Interventions des rédacteurs par artic les...................................LXIII

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III

Annexe XV : Interventions des rédacteurs par brèves .................................... LXIV

Annexes XVI : Index des articles par artistes ...... ............................................ LXVI

Annexe XVII : Index des brèves par artistes ........ .......................................... LXXIX

Annexe XVIII : Index des articles par rédacteurs... .......................................... XCIII

Annexe XIX : Index des brèves par rédacteurs....... .......................................... CXII

Annexe XX : Index des couvertures.................. ..............................................CXXVI

Annexe XXI : Index des encarts couleurs............ .........................................CXXVIII

Annexe XXI : Répertoire............................ ........................................................CXXX

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IV

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V

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VI

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VII

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VIII

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IX

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X

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XI

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XII

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XIII

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XIV

Entretiens

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XV

Annexe V Entretien avec Roger Bordier

Roger Bordier commence à écrire dans Art d'aujourd'hui avec des brèves,

dans la livraison d’octobre-novembre 1953. A cette date, la revue est déjà bien

installée et le jeune critique rejoint une équipe d e rédacteurs fidèles et très

actifs. Il y trouve cependant vite sa place puisqu’ il entame dès décembre la

série "L’Art et la manière" et qu’il endosse pour m ai-juin 1954, la quasi-totalité

de l’important numéro consacré à la synthèse des ar ts.

Vous êtes arrivé dans la revue lors de sa quatrième année. Comment la

rencontre a-t-elle eu lieu ?

Elle a eu lieu parce que je m’intéressais déjà à l’art. J’avais déjà écrit ici ou là,

et j’ai fait la connaissance d’un artiste abstrait de l’époque, Edgard Pillet, qui animait

avec Jean Dewasne un atelier d’art abstrait, rue de Rennes. Des conférences y

avaient lieu régulièrement. Nous avons rapidement sympathisé, Edgard Pillet et moi.

J’aimais ce qu’il faisait et il m’a dit faire partie du comité de rédaction de la revue Art

d'aujourd'hui. Il en était d’ailleurs un des fondateurs. C’est donc par son intermédiaire

que j’ai été présenté à André Bloc. Celui-ci m’a d’abord demandé de faire quelques

comptes rendus d’expositions puis m’a proposé de collaborer à la revue, et enfin, de

faire moi-même partie du comité.

Jean Dewasne et Edgard Pillet étaient-ils connus à cette époque ?

Oui, ils étaient déjà connus. Ca peut surprendre aujourd’hui mais je

m’explique cela très bien pour une génération comme la vôtre. Le plus connu de tous

était Vasarely, sans aucun doute ; il l’a été très tôt, beaucoup et bien. Mais juste

derrière venaient des gens comme Dewasne, Pillet, Deyrolle ou Jacobsen. Je ne

veux pas faire de hiérarchie mais disons que la situation de ces artistes peut être

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XVI

présentée comme cela. L’atelier d’art abstrait attirait évidemment beaucoup de

monde. Je ne sais pas s’il avait beaucoup d’élèves - ça je ne l’ai jamais su - mais en

tout cas, il avait une assez large audience intellectuelle. Ses conférences plaisaient

et c’est à travers elles que l’on a mieux connu des artistes abstraits de l’avant-guerre

comme Mondrian et Herbin.

Mais ce succès de l’atelier d’art abstrait reste qu and même à replacer dans un

microcosme (celui des amateurs de l’abstraction géo métrique), non ?

Pas vraiment, non. Je comprends que vous pensiez cela mais ce n’était pas

tout à fait le cas. Il faut dire qu’à cette époque, il n’y avait guère que ceux que l’on a

appelés – plus tard, d’ailleurs – les géométristes. Ils occupaient le haut du pavé.

C’était une peinture qui plaisait à l’époque. Un art qui est apparu très nouveau, qui a

fait irruption. Il y a eu cet effet coup de poing comme j’imagine avait pu l’être le

cubisme dans les années 1910. C’est assez comparable, peut-être moins fort.

J’avais fait cette remarque à Jean Cassou et il m’avait dit que mon rapprochement

était juste mais avec cette nuance tout de même que le coup de poing avait été

moins violent pour l’abstrait de ces années d’après-guerre (cette guerre-ci) que celui

du cubisme.

Donc d’après vous, l’art géométrique plaisait au pu blic, même s’il ne plaisait

pas aux institutions.

Non, pas nécessairement, mais c’était une grande découverte pour le public.

Et finalement à Paris – tout se faisait à Paris -, on ne connaissait dans les années

1953-54-55 que ces peintres et ces sculpteurs-là dont quelques-uns, comme

Deyrolle, n’étaient pas des géométristes purs. Tous étaient abstraits, donc sans

aucune figuration même allusive dans leurs œuvres, mais on pouvait quand même

établir quelques distinctions. Disons qu’ils se recommandaient beaucoup de

Mondrian, du Bauhaus. Quelques autres comme par exemple Deyrolle ou Lapicque,

étaient des abstraits de cette tendance mais peut-être moins formalistes, moins

dogmatiques que les Dewasne, Pillet, Vasarely. Ceux que l’on a appelés les

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XVII

géométristes étaient dominants, ils occupaient pratiquement toute l’école de Paris et

représentaient une véritable découverte pour le public, mais sans exclusive.

J’ai travaillé sur la revue Cimaise et je me trouvais donc davantage dans

l’abstraction lyrique. Il y avait une sorte d’affro ntement avec Art d'aujourd'hui .

Ah oui, il a eu, à un moment, une espèce de conflit. Je regrette ces moments-

là, pas seulement parce que l’on se querellait mais parce qu’il y avait débat.

Lorsque j’avais rencontré John Koenig, j’ai ressent i encore très fortement cette

querelle. Par exemple, il parlait d’ Art d'aujourd'hui comme étant la revue de

Vasarely.

Je ne suis pas étonné que Koenig vous ait dit ça. Mais… c’était quand même

faux. C’est vrai que la revue soutenait d’abord cette tendance, qu’elle était en plein

dans ce milieu, comme la galerie Denise René. Il y avait ainsi quelques centres très

actifs de défense de cet art géométrique. Mais la revue ne traitait pas que de cela.

On a même parlé de certains figuratifs, comme les naïfs. André Bloc qui est pourtant

un chaud partisan d’un art rationalisé, aimait beaucoup les naïfs ; et Pierre Guéguen,

un poète, écrivait beaucoup dessus. On a également beaucoup parlé d’Hartung qui

n’est quand même pas à classer dans les géométristes et peut-être pas tout à fait

non plus dans ce que l’on appelait les tachistes … il est un peu inclassable. C’est

peut-être ce qui est beau chez lui. Il est un petit peu héritier de ça ; il a une très

grande rigueur. Il me l’avait dit lui-même : il n’aimait pas la spontanéité.

Contrairement à ce que l’on pense, ses toiles étaient très réfléchies. Il m’avait dit qu’il

y pensait longuement avant de les réaliser, qu’il les construisait dans l’esprit et

commençait à les dessiner un peu ; même techniquement, il choisissait ses brosses.

Finalement, c’est un peu un constructiviste de pensée.

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XVIII

Quels étaient les rapports entre Art d'aujourd'hui et la Galerie Denise

René ?

Contrairement à ce que l’on a raconté, ce n’était pas du tout des rapports

commerciaux, mais vraiment des rapports d’amitié. Je tiens à le préciser car

j’entends quand même souvent un certain nombre de sottises là-dessus. Oui, il y

avait des rapports d’amitié, mais parce que l’on était dans la même voie. La seule

galerie uniquement abstraite et d’abstraction géométrique, c’était celle de Denise

René, rue de la Boétie. Ensuite, il y avait Jean-Robert Arnaud qui a plutôt exposé

des abstraits lyriques mais pas seulement ; il a été par exemple le premier à exposer

Tinguely et j’ai été le premier à en parler dans Art d'aujourd'hui.

Ensuite Tinguely est parti chez Denise René ; les d ifférends qui pouvaient

exister entre Jean-Robert Arnaud et Denise René ven aient souvent de ce genre

de choses.

Denise René bénéficiait de la vitesse acquise, alors qu’Arnaud devait

s’imposer, et puis il avait moins d’espace ; Denise René avait une grande galerie, rue

de la Boétie.

Il y avait peut-être également l’aura de Vasarely. Pour John Koenig, comme je

vous le disais, Art d'aujourd'hui était la revue de Vasarely.

Ça c’est tout de même excessif. Quand on regarde l’ensemble des numéros,

on voit que l’on ne parle pas davantage de Vasarely que d’autres artistes. Mais cela

fait partie des rivalités d’artistes, c’est inévitable. Je n’ai pas très bien compris

pourquoi il y avait cette espèce de haine des gens de chez Arnaud, au contraire d’Art

d'aujourd'hui où, je peux vous l’assurer, je n’ai jamais entendu dire du mal d’eux.

Cela m’a beaucoup étonné : que l’on n’ait pas été d’accord sur le plan esthétique,

c’est une chose, mais je ne savais pas pourquoi ils avaient une sorte de hargne,

comme si Art d'aujourd'hui les avait empêché d’exister.

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XIX

Les rédacteurs de Cimaise sont beaucoup plus polémistes ; dans Art

d'aujourd'hui , il n’y a pas de polémique.

Non, en effet… très critiques mais pas polémistes. On recherchait d’abord ce

qui nous intéressait plutôt que ce que l’on pouvait contester.

Parmi ce qui vous intéressait, justement, il y a ce tte fameuse intégration des

arts qui là, est un véritable cheval de bataille…

Ah ça, oui !

Un numéro lui est d’ailleurs consacré et c’est vous qui faites le plus gros du

corpus. Est-ce vous qui avez voulu travailler sur l e sujet ?

Oui, c’est moi qui l’ai proposé et cela a été accepté.

Vous avez dû faire une importante recherche pour ce t article. Qu’est-ce qu’il y

avait comme outils pour cela à cette époque ?

Il n’y avait pas beaucoup d’outils. On travaillait par correspondance, par

recherches dans d’anciennes revues, par des souvenirs que certaines personnes

pouvaient avoir. Par exemple, je me rappelle avoir rencontré pour cet article Henri

Pierre Rocher qui était un ami de Marcel Duchamp. Il connaissait bien le

développement artistique moderne, il le connaissait en amateur. Je glanais des

renseignements ici ou là ; dans des milieux d’architectes. Claude Parent m’a par

exemple beaucoup aidé, il avait des idées très intéressantes sur le sujet. J’avais

également interviewé Le Corbusier mais il ne voulait pas entendre parler de synthèse

des arts ; c’était très curieux. Il m’avait plutôt parlé des rapports entre l’urbanisme et

l’architecture, sa fameuse théorie des sept lois à laquelle il tenait beaucoup. Il tenait

beaucoup à en parler et il pouvait le faire longuement et très bien. Alors que quand

j’abordais la synthèse des arts, il me répondait : « Je ne vois pas du tout. Quelle

synthèse ? On met une sculpture là ou une peinture là ». Organiquement, il

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XX

n’imaginait pas qu’une synthèse puisse être concevable. Pour être franc, je ne sais

pas si nous non plus, dans la revue, ….*

[*Sur cette fin de phrase, l’enregistrement devient inaudible. En envoyant la

transcription de l’entretien à Roger Bordier pour v érification et accord, nous lui

avons demandé s’il pouvait retrouver l’idée qu’il d éveloppait dans cette phrase.

Voici ce qu’il nous répond :

Je me suis interrogé et je crois avoir trouvé. Il s’agit de la fameuse synthèse

des arts. J’ai sans doute ici évoqué des difficultés qui, à l’époque, me tracassèrent

quelque peu. C’est que, si le projet est séduisant, il apparaît moins facile à théoriser.

Ce que je vous ai certainement dit, c’est que, tournant en quelque sorte cette

réflexion vers la philosophie, l’on pouvait passer d’une vision pratique (et idyllique) à

un certain plan ontologique. Je vais essayer de résumer. Retenons trois

propositions :

1 – L’architecte (à qui son rôle de maître d’œuvre et surtout son statut

juridique confèrent un relatif privilège) intervient auprès d’un sculpteur et d’un peintre,

par exemple, pour leur demander une participation. Même si celle-ci est importante,

peut-on valablement parler de synthèse ? Il s’agit plutôt d’un accompagnement, d’un

ajout décoratif. Il faut (et ce n’est pas forcément réducteur, d’où un côté positif) que

les artistes considèrent l’architecture envisagée comme une valeur inspirante.

2 – La synthèse n’est concevable que si elle est entièrement définie, dès le

départ, dans un rapport organique étroit : architecte-peintre-sculpteur. L’œuvre sera

donc le résultat, non identifiable isolément, d’une initiative commune. Fruit d’un

véritable travail d’équipe, elle doit en traduire pleinement, et le sens initial, et la forme

active. On pourrait ici paraphraser une formule célèbre en parlant d’intelligence

collective.

3 – La synthèse ne peut être que le reflet, non plus cette fois d’une intelligence

collective, mais de caractéristiques personnelles. Bref, de certaines connaissances,

d’un talent, d’une imagination, etc., réunis en un seul être. L’artiste est tout à la fois

architecte, sculpteur et peintre : l’homogénéité, alors, ne se découvre pas a

posteriori, elle est portée a priori par le créateur, celui-là en l’occurrence complet

maître d’œuvre. C’est beaucoup d’exigence ? En effet. Je ne sais trop. Seulement il y

a une part d’utopie que j’aime beaucoup quant à moi et je me dis que nous aurions

dû discuter de tout cela plus profondément. Le 19 décembre 2002]

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XXI

L’article comprend beaucoup de descriptions ; vous parlez du terrain, de ce qui

entoure l’architecture, etc. Vous vous êtes seuleme nt appuyé sur des

photographies ?

On était bien documenté.

Art d'aujourd'hui avait donc une audience suffisante pour être tenu a u courant

des nouveautés.

Tout à fait.

Dans ce besoin de rendre l’art accessible à tous, l ’intégration des arts est une

position qui n’est pas celle du réalisme socialiste . Ce réalisme socialiste était-il

très présent à l’époque ? Avait-il du poids ?

Il était bien présent, oui. Bon, de là à dire qu’il avait du poids… Mais c’est vrai

que c’était très présent. Il était porté par une idéologie, une propagande à une

période où le Parti communiste et l’Union Soviétique bénéficiaient d’un certain

rayonnement. Personnellement, j’aimais l’abstraction, j’avais ces goûts-là, ces idées-

là, je les défendais beaucoup, mais je ne me suis jamais senti un adversaire du

réalisme socialiste. Absolument pas. Je connais bien des gens qui sont encore

maintenant du réalisme socialisme comme Boris Taslitzky qui est un ami. Ce qui me

gênait, d’abord, c’était le dogme ; tout ce qui est dogmatique me répugne assez.

Ensuite, c’était la manière dont le socialisme était restitué, interprété, dont il pouvait

apparaître dans cette peinture-là ; c’est-à-dire essentiellement dans un académisme

d’ancien régime. Je n’avais rien contre un réalisme socialiste ; pourquoi n’y en aurait-

il pas ? Mais j’étais gêné par cette forte contradiction dont il était alors impossible de

discuter avec les artistes de cette tendance ; ils se dérobaient. Car la contradiction

est très forte : il est difficile d’être à ce point bourgeoisement académique tout en

prônant un socialisme actif, militant. Ils pouvaient très bien s’interroger là-dessus.

Pourquoi n’ont-ils jamais mis ça en chantier ?

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XXII

Il y a eu un événement important concernant l’intég ration des arts, durant la

période de publication de la revue : la Cité univer sitaire de Caracas, dont vous

avez fait le commentaire. On vous sent assez gêné d ans l’article car vous

expliquez que vous n’avez pas vu la Cité universita ire autrement qu’en

photographies. Est-ce vous qui avez choisi de faire ce texte ?

Je crois qu’on me l’a demandé ; j’avais dû accepter en rechignant un peu. Je

voyais bien la nécessité d’en parler parce que c’était quelque chose d’important mais

s’appuyer seulement sur une documentation photographique me paraissait un peu

insuffisant.

Lorsque l’on lit attentivement Art d'aujourd'hui , on a le sentiment qu’il n’y a

pas une personnalité qui domine. Par exemple, il n’ y a pas d’éditorial où un

critique se serait mis en avant, alors que le comit é de rédaction était constitué

de personnalités sûrement assez fortes. Comment cel a se passait-il ?

Comment, par exemple, se décidaient les numéros spé ciaux ?

C’était une mise en commun des idées. Cela se faisait assez librement, de

façon très détendue. Bon, il y avait souvent André Bloc qui faisait des propositions

mais on en discutait ensuite, on faisait un choix et une majorité l’emportait. Au fond,

cela se déroulait assez simplement. Là, il n’y avait pas de grands débats. C’est peut-

être que l’on était d’accord sur un certain nombre de données majeures à introduire

dans la revue.

Est-ce que la présence de Michel Seuphor, qui avait déjà une certaine

notoriété, se gérait bien dans cette revue où tout le monde semblait avoir la

même importance ?

Oui. Seuphor n’était pas le plus exigeant de ce petit groupe. Il était

certainement plus éclectique que nous ne l’étions Degand, Pillet et moi. Nous avions

sans doute des points de vue esthétiques plus arrêtés que lui qui était au fond plus

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XXIII

ouvert. Les choses ne se passaient pas mal pour autant mais cela donnait lieu

parfois à des discussions.

En parcourant les revues, on constate qu’André Bloc écrivait très peu dans Art

d'aujourd'hui mais en vous entendant, on voit qu’il était dans to utes les

décisions. Relisait-il les textes ? Les corrigeait- il ? Demandait-il de les

modifier ?

Il n’écrivait pas mais il était très présent. Il relisait tout. Il a peut-être demandé

à des rédacteurs de modifier leurs textes mais à moi, jamais. Il était très ouvert, très

accueillant. Du moment qu’il avait formulé certaines exigences, qu’il sentait que vos

propres convictions en étaient assez proches, il n’insistait plus. En ce qui me

concerne, je dois dire que j’ai été très libre dans la revue, tout à fait libre.

Dans les pages d’ Art d'aujourd'hui se trouvent également des brèves

d’expositions se déroulant à l’étranger. Aviez-vous des correspondants ?

Nous avions quelques correspondants. Il s’agissait d’échanges. Des articles

de la revue étaient traduits pour d’autres, italiennes, américaines, etc. Cela se faisait

à la demande.

J’aimerais maintenant aborder la série que vous ave z menée : "L’Art et la

manière". Est-ce vous qui en avez proposé le sujet ?

Oui. C’était au départ une petite idée mais elle a vite pris de l’importance

grâce à des gens comme André Bloc et Léon Degand qui avaient un rôle important

dans le comité. « Secrets de fabrication », je le prenais presque ironiquement - bien

que sérieusement quand même - : chaque peintre, chaque sculpteur, doit avoir son

secret de fabrication, si on l’amenait à l’avouer. L’idée a beaucoup été soutenue par

Degand qui m’a dit que je devrais peut-être élargir le sujet, voir l’ensemble des

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XXIV

conditions de travail des artistes. Cela m’a amené à faire ce que j’ai appelé "L’Art et

la manière".

Degand n’était-il pas plus intéressé par l’aspect s ocial de la vie des artistes ?

C’est un sujet assez récurrent dans Art d'aujourd'hui : montrer que les artistes

d’avant-garde vivent dans une certaine misère.

Oui. Les difficultés au quotidien.

Comment s’est fait le choix des artistes interrogés ?

C’est forcément mon arbitraire.

Lorsqu’un même artiste était interrogé par vous et par Roger Van Gindertael

pour la série "Le Passage de la ligne" – ce qui don ne d’ailleurs un regard très

pertinent sur son travail – était-ce un hasard ou é tait-ce voulu ?

C’était un hasard, on ne s’était pas concerté.

Pour cet article vous avez donc demandé aux artiste s de vous livrer leurs

secrets. Cela impliquait une grande confiance.

Oui, une grande confiance. Sans cela, ça n’aurait pas fonctionné, cela n’aurait

pas été possible. Je crois qu’aucun n’a refusé ; j’essaye de me souvenir…

Sonia Delaunay a un peu esquivé…

Ah… elle était difficile… J’ai eu du mal alors que je la connaissais très bien.

Quand je lui ai téléphoné pour lui parler du projet, elle a trouvé que c’était une

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XXV

excellente idée. Mais lorsque je l’ai rencontrée, j’ai senti des réticences ; j’ai senti

qu’il y avait des choses qu’elle voulait me dire et d’autres non, qu’elle hésitait : « Ne

parlons pas de ça »… C’était son caractère.

Comment se déroulait un entretien ?

J’allais dans l’atelier de l’artiste avec une photographe qui s’appelait Sabine

Weiss. Nous faisions tout en même temps car je voulais que ce soit très vivant, que

ce soit une rencontre vécue et non pas une organisation journalistique avec un

reporter qui vient, et ensuite un photographe. Donc je prévenais les artistes et nous

discutions pendant que la photographe opérait. Cela a bien marché sauf avec

Poliakoff ; il me semble qu’il était un peu hésitant sur la présence du photographe

pendant que je l’interrogeais. Mais cela s’est bien passé quand même ; il était juste

un peu inquiet.

Sabine Weiss n’a pas seulement travaillé pour "L’Ar t et la manière", elle a fait

d’autres photographies pour la revue.

Elle travaillait régulièrement pour Art d'aujourd'hui, elle en était la photographe

attitrée.

Son intervention dans "L’Art et la manière" est bie n préparée. Chaque article

de la série comprend en effet un gros plan sur une œuvre qui en montre la

matière, une reproduction d’un travail en cours d’e xécution ou d’études, et une

photographie de l’artiste au travail. Cela ne devai t pas être évident pour eux de

prendre la pose.

Non, mais j’avais dit que l’article ne se ferait qu’à cette condition. J’y tenais

beaucoup parce que précisément, je voulais que l’on soit dans un vécu, chez

l’artiste, avec l’artiste chez lui, devant sa toile, bien installé dans son œuvre,

l’accomplissant. Sabine Weiss suivait très exactement l’entretien ; je posais mes

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XXVI

questions, prenais des notes et elle voyait ce qu’il fallait photographier. Il y avait un

certain nombre de choses au mur que l’on commentait, d’autres en train… Celui qui

s’est le mieux prêté à ce jeu de l’œuvre en train - qui fait un peu penser au film de

Clouzot sur Picasso - c’est Hartung. Je le croyais plus réservé mais au contraire, il

s’est mis à peindre devant nous.

Dans cette série, il n’y a pas systématiquement de photographie d’une œuvre

finie. Jugiez-vous que l’artiste fût suffisamment c onnu et qu’il n’y ait donc pas

lieu de montrer une pièce terminée ? Ou cela vous s emblait-il hors de propos

pour la série ?

Je crois que c’est parce qu’on les supposait assez connus.

Dans Art d'aujourd'hui vous ne vous positionniez donc pas en

découvreurs ?

Non, pas du tout. Des gens comme Hartung, Poliakoff ou Herbin étaient déjà

connus. Herbin l’a été tardivement et grâce à l’atelier d’art abstrait où il donnait des

conférences.

La mise en page de la revue est particulièrement so ignée. Le comité de

rédaction donnait-il son avis sur ces compositions ?

Non, pour cela on laissait faire le directeur et le metteur en page. Ce dernier

était engagé à la revue en permanence. C’était un collaborateur présent

quotidiennement.

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XXVII

Il y a eu Pierre Faucheux, Paul Etienne-Sarisson et Pierre Lacombe ; étaient-ils

artistes ?

Lacombe, non. C’était un maquettiste. Sarisson était aussi un maquettiste de

métier. Je crois qu’il peignait ou dessinait un peu mais il ne montrait rien. Je n’ai

jamais rien su, j’en ai seulement entendu parler, pas même par lui, d’ailleurs.

Art d'aujourd'hui a également édité des livres ; vous en occupiez-vo us d’une

manière ou d’une autre ?

Je ne m’en occupais pas spécialement mais André Bloc a édité certains de

mes poèmes dans un très bel ouvrage avec des bois gravés de Bozzolini. Ensuite

André Bloc a publié un petit livre que j’avais écrit sur ses sculptures.

Vous avez participé à la fin d’ Art d'aujourd'hui . Comment cela s’est il

passé ?

Tout est allé très vite. André Bloc est mort accidentellement alors qu’il était en

Inde. Il prenait des photographies d’architecture et a fait une chute sur un chantier.

Ensuite, tout a été fini : sa veuve a d’abord vendu L’Architecture d’aujourd’hui puis a

liquidé Art d'aujourd'hui. Cela a été une disparition brutale et totale.

Il s’agit de la fin d’ Aujourd’hui : art et architecture , non ? Mais comment Art

d'aujourd'hui est devenu Aujourd’hui : art et architecture ?

Ce changement de titre a été sujet à discussions parce que nous étions contre

- Degand aussi, je crois. Art d'aujourd'hui devenait Aujourd’hui, on supprimait le mot

« art », cela nous gênait beaucoup. Mais André Bloc voulait développer la revue

dans un esprit d’élargissement ; c’est-à-dire continuer à la développer sur le plan

artistique mais plus amplement, la diversifier vers toutes les initiatives, les objets de

design, tout ce qui relevait d’un certain fonctionnalisme dont on parlait beaucoup à ce

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XXVIII

moment-là. Le design intéressait André Bloc qui voulait introduire dans la revue la

création, l’invention d’objets, de mobilier. Il est vrai que jusque-là, avec Art

d'aujourd'hui nous étions dans le domaine peinture-sculpture. André Bloc voulait aller

au-delà et pouvoir parler aussi bien d’une peinture que d’une nouvelle forme de

machine à écrire.

La revue a-t-elle demandé les services de nouveaux rédacteurs ?

Le comité de rédaction est resté le même mais André Bloc a demandé à

Gérald Gassiot-Talabot et Jean-Jacques Lévêque d’écrire dans la revue. André Bloc

ne supprimait rien sur le plan artistique mais il voulait ajouter une part d’architecture,

de fabrication industrielle, de design. Je n’étais pas contre cet élargissement.

D’autant qu’ Art d'aujourd'hui , déjà, proposait une vision très large de l’art (l es

tatouages, les graffiti, les cabanes de foire, etc. ) avec un réel décloisonnement

de la création.

C’est pour cela que je ne voyais pas pourquoi il fallait supprimer le mot « Art »

parce qu’il peut recouvrir beaucoup d’activités créatrices dans les différents

domaines. C’est ce que j’avais défendu.

Quand l’aventure d’ Aujourd’hui s’est arrêtée, est-ce que les différents

membres du comité de rédaction ont continué à se vo ir ?

J’ai continué à voir plusieurs personnes du comité. Mais comme toujours avec

les années, les rangs s’éclaircissent. Pierre Guéguen est mort, Léon Degand

également, un peu prématurément. J’ai continué à voir Jean Arp ; Edgard Pillet,

aussi, longtemps parce qu’il est resté mon ami. Et Dewasne, quelque fois.

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XXIX

Commençait-il à y avoir plus de presse spécialisée ?

Il n’y a pas eu davantage de revues mais on a peut-être donné plus de place à

l’art dans différents hebdomadaires qui en parlaient peu jusque-là.

Quelle a été pour vous la suite d’ Aujourd’hui ?

J’ai continué à écrire sur l’art. Les querelles étant apaisées, Jean-Robert

Arnaud m’a proposé des textes dans Cimaise. J’ai également écrit dans quelques

revues mais elles ont vite disparu, comme par exemple Prisme des arts qui se situait

un peu entre Cimaise et Art d'aujourd'hui, et qui a eu une vie courte.

Propos recueillis le 28 octobre 2002

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XXX

Annexe VI Entretien par courrier avec Roger Bordier

Pour les besoins d’un article 1, nous avons à nouveau sollicité Roger

Bordier afin qu’il nous parle du Salon de la sculpt ure abstraite. Il a une fois

encore répondu à nos questions avec bienveillance e t soucis de l’exactitude.

Vous avez fondé avec Denise René, Jean Arp, Nicolas Schöffer et François

Stahly, le Salon de la sculpture abstraite alors qu e le Salon de la jeune

sculpture existait déjà et que, même si les figurat ifs étaient en nombre

supérieur, les abstraits y avaient également une pl ace. Comment l’idée a-t-elle

germé ?

C’est vrai : en d’autres lieux, d’ailleurs sympathiques, la sculpture abstraite ou

non, pouvait être accueillie et l’idée n’est donc pas partie, à cet égard, d’une

frustration. Ni d’un quelconque besoin d’isolement, ce qui eût été prétentieux, et au

demeurant sans doute inefficace. Ce n’est pourtant là que l’un des aspects de la vie

artistique de l’époque. Ce qu’il faut, je crois c’est ressaisir tout le dynamisme de cette

époque-là, l’intense agitation des idées et des projets. En vérité, et vous allez voir

comment - pourquoi – la création de ce Salon n’est pas étrangère à la doctrine,

rigoureuse peut-être, mais passionnante, du groupe Espace. Le Corbusier lui-même

était membre de ce groupe qui, du reste, réunissait plus d’architectes que d’artistes

des autres disciplines, les sculpteurs se montrant, toutefois, les plus intéressés. On

s’explique aisément pourquoi, connaissant les rapports étroits entre sculpture et

architecture (la sculpture, architecture sans contenu, l’architecture, sculpture

habitable, etc.) Quoi qu’il en soit, le débat qui dominait alors portait, dans les deux

arts, sur un même refus : celui de la face préférentielle. Pour les architectes,

1 Il s’agit d’"Art d'aujourd'hui (1949-1954) hors les pages : une revue au cœur de l’action", dans La Revue des revues, n°38, 2006, pp. 41 à 53.

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XXXI

l’exemple le plus détestable était la fameuse façade haussmannienne. Tout pour la

rue, l’opulence présentée aux passants, et derrière, peu importe… Il fallait donc

concevoir des types de construction égalitaire, n’excluant pas pour autant

l’esthétique mais celle-ci devant concerner toutes les parties. De même, pour les

sculpteurs, engagés sensiblement dans une réflexion identique, l’on devait pouvoir,

comme ils aimaient à dire « tourner autour ». Donc, observée circulairement, l’œuvre

ne devait montrer aucune partie neutre, inexpressive, mais se reconstituer

plastiquement dans la même unité au fur et à mesure que le regard la découvrait. Or,

les sculpteurs abstraits de ces années-là étaient à mon avis ceux qui répondaient le

mieux à cette exigence, et c’est pour cette raison que l’idée me vint d’organiser ce

Salon de la sculpture abstraite, non pour constituer un Salon de plus, mais pour faire

une certaine démonstration.

Le premier Salon s’est déroulé à la galerie Denise René, ce qui résolvait le

problème du lieu, mais vous avez certainement dû av oir besoin d’autres

moyens logistiques. De quels appuis avez-vous bénéf icié ?

Vous mettez le doigt sur une insuffisance : j’en suis en partie responsable,

n’ayant pas du tout alors (je ne l’ai toujours pas) le sens de ce qu’on appelle

aujourd’hui « marketing ». Pourtant, la pratique existait déjà, le mot ayant suivi la

chose. Je ne veux pas cependant noircir le tableau. En qualité de membre du comité

de rédaction de la revue Art d'aujourd'hui, j’avais quelques atouts, que renforçaient

encore l’amitié d’André Bloc et son intérêt toujours en éveil pour ce genre

d’initiatives… Denise René sut activer comme il convenait son réseau professionnel

de relations, les artistes intervinrent auprès de divers collectionneurs, et ainsi de

suite. Cela dit, je me rends bien compte maintenant, avec le recul, qu’il eût fallu faire

plus, car si nos intentions étaient ouvertes, nous restions un peu trop « entre nous ».

Je veux dire : entre convaincus, entre critiques, animateurs et artistes partageant

pour l’essentiel les mêmes points de vue. C’est sans doute pour cette raison-là, entre

autres mais principalement, qu’il n’y eut pas d’autre Salon.

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XXXII

Vous avez développé dans le texte “Il faut lever l’ hypothèque des Salons”,

dans Art d'aujourd'hui , l’ambiguïté régnant dans tout Salon sur le choix des

exposants - et cela, quel que soit son mode de fonc tionnement (ouvert à tous

les artistes ou sur invitation). Fort de cette réfl exion, comment avez-vous

abordé la sélection des sculpteurs abstraits pour c e Salon ?

Deux nécessités, l’une objective, l’autre relativement subjective peut-être,

nous imposait des limites. La galerie Denise René était aménagée dans un ancien

appartement au premier étage, rue La Boétie, à quelques mètres des Champs

Elysées. Certes, elle se composait de deux grandes pièces très utilisables, mais il

nous fallait bien tenir compte de cet espace-là, étant entendu toutefois qu’il était

possible de l’étendre à un vaste couloir. Pourtant, ce n’était pas le Grand Palais…

Quant à la deuxième condition, elle tient toujours un peu, voire beaucoup (et

pas seulement pour nous en ce cas avec nos moyens réduits) du casse-tête, il faut

bien l’admettre. Comment ne pas sélectionner ? Nous avions formé un petit comité

qui comprenait, outre votre serviteur, Jean Arp, Denise René, Nicolas Schöffer et

Gilioli. Qui fallait-il inviter ? Nous avons retenu comme critère essentiel cet inévitable

(et obsédant) rejet de la « face préférentielle » dont je parle plus haut. A cet égard, je

citais comme exemple type, Pevsner, que je connaissais bien et dont l’œuvre

m’inspirait – m’inspire toujours – une très grande admiration. Il n’est comparable à

personne, nul à ce jour n’a pu l’égaler. C’est du moins ma propre conclusion et l’on

peut la contester. Dans la vie, Pevsner n’était pas un homme facile mais j’étais, je ne

sais pourquoi, entré dans ses bonnes grâces, ce qui épatait mes confrères. Voilà qui

me permis du moins d’avoir avec lui des conversations qui, bien que souvent brèves,

m’apportèrent beaucoup. Ses propos me faisaient irrésistiblement penser au regret

baudelairien constatant que « l’action n’est pas la sœur du rêve ». Chez lui, c’était

exactement le contraire et je veux dire par là que la sensibilité était la sœur du

raisonnement.

Avec lui, oui, et pour reprendre ce familier langage d’atelier, on pouvait

« tourner autour ». Plus encore, ses œuvres y incitent. Pour Pevsner, il y avait cet

absolu cependant modulable : les trois dimensions, ce qui en l’occurrence est une

lapalissade, j’en conviens. Mais attention : les trois dimensions abordées et traduites

ici plastiquement dans une unité qui, venue d’elle, les faisait renaître.

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XXXIII

Il est possible que tous les exposants n’aient pas répondu, de façon

irréprochable, à ce principe qui, aux yeux de certains de nos détracteurs,

apparaissait comme une sorte de purisme. Il est possible aussi que d’autres aient été

absents, quand leur présence eût été justifiée. Comment faire ? C’est la difficulté, et

l’injustice, de toute démarche de ce type. Mais je puis vous certifier que nous

n’avions aucune hostilité envers quiconque.

Dans le dernier numéro d’ Art d'aujourd'hui était publié un article présentant le

1er Salon de la sculpture abstraite. Vous y écriviez : « Ce Salon, qui débute

modestement, voudrait aussi voir loin. ». Y a-t-il eu d’autres éditions de cet

événement les années suivantes ?

J’ai déjà pour une part répondu à cette question. Je voudrais néanmoins

préciser ceci : nous n’avions fixé aucune périodicité obligatoire. Le Salon pouvait se

tenir une année et pas l’autre, etc. Nous n’envisagions rien d’immuable. Il n’en est

pas moins vrai que ce fut un peu court et que ce premier Salon reste d’autant plus le

premier qu’il fut le seul… Certes, nous aurions pu (Gilioli, Jacobsen avaient, je crois

posé la question) reprendre cela en main et si nous ne l’avons pas fait, c’est peut-

être parce que nous étions sollicités, dans ce qui fut l’incroyable effervescence

artistique d’alors, par trop de débats, trop de nouveautés, trop de remises en

question.

André Bloc était d’une part le directeur de la revu e qui accueillait cette

annonce - qui prenait la forme d’un article de fond - mais également un artiste

exposant au Salon. Cela ne posait-il pas de problèm e ?

Il y eut sans doute quelques propos déplaisants, mais nous en avions pris

l’habitude. La réussite d’André Bloc à la tête de ces grandes revues L’Architecture

d’aujourd’hui et Art d'aujourd'hui suscitait bien des jalousies, bien des envies. Il était

lui-même sculpteur, et l’on pense ce que l’on veut de ses créations, mais s’il est un

artiste qui répond pleinement aux critères que j’indiquais plus haut, croyez-moi, c’est

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XXXIV

bien lui. Au nom de quoi l’aurait-on éliminé ? Elimine-t-on de la critique littéraire un

livre d’un écrivain sous prétexte qu’il écrit lui-même dans le journal ?

Et puis, vous me permettrez peut-être pour terminer cette remarque toute

personnelle : ce qui manque aujourd’hui dans le domaine de l’art, ce sont

précisément des passionnés de la stature d’André Bloc.

Le 16 novembre 2005

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XXXV

Annexe VII Entretien avec Denise René

La Galerie Denise René, depuis sa création en 1944, a pleinement

participé à la reconnaissance de l’abstraction géom étrique. C’est donc tout

naturellement que les animateurs d’ Art d'aujourd'hui ont entretenu avec Denise

René des relations professionnelles étroites. Il pa raissait donc indispensable

pour nous de recueillir son témoignage tant sur ces liens que sur la période

des années cinquante.

Vous étiez certainement lectrice d’ Art d'aujourd'hui .

Lectrice et abonnée.

Je suppose que les liens entre la galerie et la rev ue étaient forcément étroits.

Vous exposiez par exemple les œuvres d’Edgard Pille t, le secrétaire général

d’Art d'aujourd'hui .

La revue Art d'aujourd'hui s’est intéressée à l’orientation de la galerie. Edgard

Pillet et André Bloc étaient des visiteurs attitrés et des défenseurs convaincus.

L’esprit de leur œuvre correspondait à notre démarche ce qui m’a incitée à les

exposer pendant cette période.

Quels étaient vos rapports avec Julien Alvard et Ro ger Van Gindertael ?

Ils étaient nos défenseurs dans la revue Art d'aujourd'hui, les plus proches de

nos choix.

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XXXVI

Pourtant ces critiques, ainsi qu’Herta Wescher, son t ensuite partis travailler

pour la revue Cimaise qui défendait l’abstraction lyrique.

Herta Wescher était plus en retard par rapport à l’évolution plastique ;

Gindertael se situait entre les deux et Alvard restait un peu plus ouvert. Mais tous ont

fait marche arrière. Alvard s’est pratiquement déjugé, il n’a pas ouvert de voie, n’a

pas été un grand révolutionnaire. Il était finalement un peu conformiste, tout comme

Herta Wescher. Charles Estienne – pendant un moment – et Léon Degand, restaient

les plus engagés.

Oui, et d’ailleurs comment expliquez-vous que Charl es Estienne ait écrit L’Art

abstrait est-il un académisme ? texte très critique envers l’abstraction ?

Au départ, ces critiques d’art formaient une grande famille ; ils se réunissaient

à Gordes l’été. Leur affinité s’est brisée sur des luttes de pouvoir. Charles Estienne et

Léon Degand étaient très différents. Le premier se considérait comme écrivain,

artiste, musicien, chanteur alors que le second était critique d’art à part entière et

écrivain. Charles Estienne était un personnage très fluctuant qui voulait jouer un rôle.

Il n’était pas à une contradiction près pour être original, y compris jusqu’à sa trahison.

A plusieurs reprises dans les pages d’ Art d’aujourd’hui , Léon Degand critique

violemment le Musée d’art moderne. Y avait-il un di fférend entre Jean Cassou

et lui ou était-ce véritablement la politique d’exp osition du Musée qui le

dérangeait ?

Léon Degand n’avait pas de différend personnel avec Jean Cassou mais il

considérait que la politique du Musée était très en retard, très arriérée.

Pour ma part, j’étais aussi très amie avec Jean Cassou mais sur le plan

artistique il n’allait pas aussi loin que nous et se montrait plutôt conservateur.

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XXXVII

J’aimerais que vous me parliez de la collaboration entre la galerie et la revue

autour de l’exposition Klar Form . D’une part le numéro de décembre 1951 d’ Art

d'aujourd'hui en constitue le catalogue et d’autre part, André Bl oc, Edgard

Pillet et Roger Van Gindertael sont mentionnés dans le comité d’organisation.

Quel a véritablement été le rôle de chacun ?

En fait l’exposition a été conçue par moi-même en collaboration avec

Jacobsen, et Mortensen. Quant aux responsables d’Art d'aujourd'hui, nous leur

avons proposé de consacrer un numéro à l’exposition afin d’en faire le catalogue ; ce

qu’André Bloc a accepté puisque cela élargissait l’audience de la revue à la

Scandinavie, à la Belgique, etc.

Une autre collaboration entre la galerie et la revu e a été l’exposition autour du

deuxième album de sérigraphies édité par Art d'aujourd'hui , à la fin de l’année

1954.

Etant donné que la démarche d’Art d’aujourd’hui correspondait tout à fait à

notre ligne, il y avait presque tous nos artistes dans cet album. Pillet a été le maître

d’œuvre de ce numéro.

Cette ligne éditoriale défendant l’abstraction géom étrique reste étroitement liée

à l’idée d’un art accessible au plus grand nombre. C’est ce que vous avez

entrepris un peu plus tard avec les éditions de mul tiples. Cette position a été,

me semble-t-il, très importante pour vous aussi.

Je considérais que les multiples et les albums de sérigraphies me servaient

d’intermédiaires entre les artistes et le public. Ils ont été un facteur très important

pour l’éducation du public. Les expositions boulevard Saint-Germain, galerie à

l’époque consacrée aux éditions, ont toujours eu un grand succès.

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XXXVIII

Roger Bordier, se demandait dans un précédent entre tien, si dès cette époque-

là, lui et les autres rédacteurs d’ Art d'aujourd'hui n’avaient pas des doutes sur

la réalité de la synthèse des arts. Ils se sentaien t peut-être un peu utopistes.

Cette idée d’un art pour tous, vous y avez toujours cru ?

Exactement, sinon, je pense que c’est se trahir et se désavouer si l’on ne

poursuit pas ce dans quoi on s’est engagé.

Roger Bordier me disait également qu’ Art d’aujourd’hui n’était pas une revue

qui avait découvert des artistes, qu’ils étaient dé jà connus.

Mais la revue a servi à diffuser leur œuvre, à mieux les faire connaître et à

élargir leur public.

Je pensais pour ma part que l’art abstrait évoluait dans un microcosme mais

Roger Bordier m’a assuré que l’Atelier d’art abstra it connaissait un certain

succès.

Oui, il a eu un grand succès, mais malheureusement, l’Atelier d’art abstrait

s’est arrêté avant que cette forme d’art ne se soit imposée. Il n’a pas eu une longue

vie.

Alliez-vous aux conférences de l’Atelier d’art abst rait ?

Pas souvent mais j’y allais. Les artistes y étaient maîtres des lieux et des

décisions. J’ai assisté à une des prises de position d’André Bloc avec en préambule :

« Mes chers amis, je serai bref, je ne fais pas de discours mais j’agis. Je suis un

homme d’action, donc j’agis. » Il faut bien voir qu’il s’adressait à un public

essentiellement constitué d’artistes !

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XXXIX

Beaucoup d’artistes de votre galerie ont participé à la conception de la Cité

universitaire de Caracas, bel exemple d’action dans le cadre de la synthèse des

arts. Quel rôle avez-vous tenu dans cette réalisati on ?

Nous avons été, Vasarely et moi-même, à la base de l’aventure de l’art

abstrait au Venezuela. Vasarely qui était considéré comme un chef de file, a ouvert la

porte. C’est ainsi que nous avons révélé quelques artistes vénézueliens comme Soto

et Cruz Diez.

Dans le catalogue que vous a consacré le Centre Pom pidou, Pierre Descargues

raconte qu’il trouvait dans votre galerie en plus d es expositions, des

informations sur toutes sortes d’événements culture ls. Vous aviez décidé de

faire de votre galerie un foyer d’activités ?

Tout à fait. Il s’agissait bien sûr d’une galerie et il fallait vendre des œuvres

puisque c’était le seul moyen de survivre, ce qui était déjà assez audacieux pour

l’époque. Mais avec l’appui des artistes et plus particulièrement de Vasarely, nous

avons fait du 124 de la rue La Boétie un centre culturel avec un grand nombre

d’expositions, des organisations de soirées-discussions sur les arts plastiques, etc.

C’était très recherché, très suivi.

Propos recueillis le 29 octobre 2003

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XL

Annexe VIII Entretien avec Michel Ragon

Michel Ragon n’a pas écrit dans Art d'aujourd'hui mais il a été un

animateur engagé et impertinent de l’autre revue de l’abstraction des années

cinquante : Cimaise . Ami des artistes, partageant l’indigence de leur quotidien,

le critique reste un observateur précieux de cette période.

Vous n’étiez pas critique à Art d'aujourd'hui mais vous avez cependant connu

ceux qui l’étaient, notamment Roger Van Gindertael, Herta Wescher et Julien

Alvard qui ont ensuite rejoint la revue Cimaise . Pouvez-vous m’en parler ?

Julien Alvard était un personnage complexe, très cultivé, très fin, un peu

fuyant aussi. Il était un critique très subtil avec des articles toujours nuancés de

références politiques. Des critiques que vous me citez, c’est sans doute celui dont je

me sentais le moins proche mais celui que je pense être le meilleur.

Vous étiez certainement un peu éloignés aussi par v os idées politiques tous

les deux, non ?

Oui, c’était un homme proche du pouvoir qui a ensuite dû avoir pendant un

moment un poste au Ministère de la culture.

Roger Van Gindertael était totalement différent, et même tout à fait à l’opposé

de Julien Alvard. C’était quelqu’un de conventionnel, de sérieux, avec une certaine

lourdeur dans le sérieux. Il connaissait bien la peinture des années cinquante et

surtout celle de la génération d’Hartung ; Alvard étant dirigé vers des peintres plus

jeunes.

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XLI

Julien Alvard était-il lui-même plus jeune que Gind ertael ?

Pas beaucoup plus mais il restait d’esprit plus jeune. La plus âgée était Herta

Wescher. Elle venait d’Allemagne et avait très bien connu les peintres allemands

avant le nazisme. Très cultivée, elle s’y entendait notamment sur tout ce qui touchait

au collage.

Dans votre livre D’une berge à l’autre , vous parlez de Pierre Faucheux, une

personnalité importante d’ Art d'aujourd'hui bien que moins visible puisqu’il y

réalisait les mises en page.

Je l’ai connu très tôt, bien avant Cimaise. Je collaborais alors à une revue qui

s’appelait Neuf, réalisée par des étudiants en médecine dont Robert Delpire. Lui et

moi étions à peu près du même âge, c’était un de mes grands copains. Il avait

demandé à Faucheux de faire la mise en page. La revue était superbe. Grâce à lui,

elle avait un côté révolutionnaire dans la présentation.

Vous deviez également assez bien connaître Pierre G uéguen ?

Oh, je les ai tous connus. Guéguen était très sympathique, très intéressant. Il

reste un des seuls à s’être intéressé très tôt à Dubuffet, à Chaissac, autant d’artistes

qui me sont très proches. Il était beaucoup plus âgé que moi… il ne devait avoir que

quarante ans mais comme j’étais très jeune, il me paraissait très âgé ! Il habitait à

Toulon, je ne le voyais pas souvent. Il demeurait un peu un outsider dans le milieu, il

était plus littéraire, il s’intéressait à des artistes en dehors de la mode de l’époque,

mais qui sont d’ailleurs bien représentés dans Art d'aujourd'hui.

Oui, André Bloc aussi aimait l’art brut, les artist es singuliers.

J’ai malheureusement connu André Bloc très tard ; sans doute parce que

j’écrivais dans Cimaise qui se positionnait en adversaire d’Art d'aujourd'hui. Nous

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XLII

nous sommes rencontrés par le biais de L’Architecture d’aujourd’hui, nous

rapprochant à propos d’architectes comme Le Corbusier par exemple. Il a eu son

accident peu après. Je n’ai donc pas pu profiter de cette riche personnalité.

André Bloc avait-il une influence dans le monde des arts ?

Il avait une énorme influence. C’était une super vedette mais un peu dans

l’ombre. On savait qu’il possédait ces revues donc son influence sur les architectes

et sur les artistes était considérable. Le jour où André Bloc s’est fâché avec Vasarely,

ce dernier était absolument effondré. Il pensait que sa carrière était finie puisqu’il

n’aurait plus le soutien d’André Bloc.

André Bloc avait une audience considérable mais souterraine.

Quelle était son influence sur les institutions ? Q uand on lit certains textes

d’Art d'aujourd'hui mettant ouvertement le doigt sur des défaillances

institutionnelles, on se demande si cela avait ou n on de l’écho.

Il était écouté. Ce n’était pas du tout quelqu’un de marginal. Etant ingénieur de

formation, il possédait les arguments techniques nécessaires pour parler avec les

administrations. Il avait le poids, quand même assez remarquable, de L'Architecture

d'aujourd'hui : tous les meilleurs architectes contemporains collaboraient à cette

revue, ce n’est pas rien. Art d'aujourd'hui n’avait pas le même impact car elle ne

touchait que le marché de l’art abstrait qui, à l’époque, était inexistant ; il a fallu

attendre cinquante ans pour que ces artistes soient cotés.

Oui, nous parlons d’une période où dominait d’une p art l’école de Paris, et

dont les vedettes étaient d’autre part, Picasso, Lé ger et Matisse.

Absolument, ainsi que Miró, les surréalistes… L’art abstrait était à cette

époque un art d’avant-garde de jeunes artistes – même s’ils n’étaient pas tous

jeunes – qui n’étaient pris au sérieux par aucune galerie sauf celles, marginales, de

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XLIII

Denise René ou de Colette Allendy. Alors que les grandes galeries marchandes,

Maeght ou la Galerie de France, vont mettre beaucoup de temps avant de s’y

intéresser. Et ne parlons pas des musées qui ne s’en préoccupaient pas du tout.

Justement, comment situer Jean Cassou ? Il semble u n peu progressiste mais

sans aller jusqu’à l’abstraction.

J’aimais bien Jean Cassou. Peut-être plus pour des motifs politiques

qu’artistiques… encore que. J’ai beaucoup de respect pour lui. Il n’a pas bien

compris l’art nouveau de l’époque qu’était l’abstraction mais il a cependant compris

l’art de la période précédente. C’est tout de même grâce à lui qu’existe le fondement

du Musée d’art moderne ; grâce à ses amitiés auprès de Picasso, de Matisse, de

Léger et d’autres qu’il a pu obtenir un fonds de musée qui n’existait pas du tout. Jean

Cassou s’est occupé de ça. Ensuite, la génération des années cinquante, de l’art

abstrait, ce n’était plus sa génération ; et même avant ça, il n’aimait pas beaucoup

les œuvres de Mondrian.

On le lui reproche à plusieurs reprises dans Art d'aujourd'hui ! Léon Degand,

notamment, s’acharne de façon régulière sur le Musé e d’art moderne, ses

collections autant que leur scénographie. Il appara ît assez dur ou du moins

très catégorique dans ces textes-là.

Degand était très catégorique…

Denise René me disait dans un précédent entretien q ue Léon Degand était un

critique à part entière alors que Charles Estienne tendait plus vers l’artiste.

Oui, il avait un côté poète. Il était plus littéraire tandis que Degand était très

dogmatique. Mais le couple Degand-Estienne a été un couple critique assez

extraordinaire pour les débuts de l’art abstrait. Je crois que Degand avait plus

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XLIV

d’influence qu’Estienne au départ ; le dogmatique faisant davantage mouche que

celui qui soupèse le pour et le contre.

Avez-vous assisté à des conférences de l’Atelier d’ art abstrait de Dewasne et

Pillet ?

Non. Dans le milieu où j’étais, cela paraissait une plaisanterie : faire une

académie d’art abstrait c’était vraiment le non sens absolu. Donc je n’y suis jamais

allé. J’ai ensuite été ami avec Dewasne et en discutant avec lui je me suis aperçu

que ce n’était pas du tout une plaisanterie et qu’au contraire, ce qu’il voulait

enseigner dans cette académie d’art abstrait, c’était la vie des matériaux, les

couleurs, tout un côté scientifique de la peinture qui allait mal, évidemment, avec

l’abstraction lyrique, bien plus instinctive.

Les rédacteurs d’ Art d'aujourd'hui établissent en effet un lien très fort entre

l’artiste et l’ouvrier. L’artiste se doit de connaî tre ses outils.

C’est ça qui est intéressant dans ce que me racontait Dewasne. Pour lui c’était

fondamental. Il a aussi été communiste pendant assez longtemps donc c’est un

langage qui me parlait.

Pillet je l’ai moins connu. C’était quelqu’un de très modeste.

Roger Bordier a rédigé un long dossier dans Art d'aujourd'hui qui a pour titre :

“L’art est un service social”. Voilà un résumé de l a ligne éditoriale de la revue.

Une idée également soutenue par le réalisme sociali ste mais avec, bien sûr,

une esthétique toute autre. Comment avez-vous vécu cet académisme prôné

par le PCF ?

Je l’ai vécu comme un rejet. Logiquement par mes origines, j’aurais dû

abonder dans un réalisme social alors que ça ne m’intéressait pas du tout. Je me

positionnais radicalement contre tout ce qui touchait à cet art social, que ce soit le

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XLV

réalisme socialiste ou les Peintres témoins de leur temps. Je trouvais ça ridicule.

Pourquoi j’étais fasciné par l’art abstrait alors que ça n’est pas logique dans mon

destin ? Parce que le langage de la modernité était là.

C’était aussi une histoire de personnes : vous avie z rencontré les peintres

abstraits.

J’ai été très tôt fasciné par une reproduction d’Hartung punaisée au mur d’une

chambre d’hôtel. Je me suis alors précipité dans les galeries. J’avais une petite

rubrique dans Arts, à l’époque, et j’allais dans les expositions, les vernissages où il

n’y avait personne d’autre que des peintres. Un jour, alors que je devais avoir vingt-

trois ans, Hartung m’a dit : « Qui es-tu, on te voit tout le temps ? », et lorsque j’ai

expliqué que j’avais une chronique à Arts, il m’a répondu : « Si tu peux parler de

nous de temps en temps, ça nous rendrait bien service ». Ce que j’ai fait. Le

rédacteur en chef ne connaissait pas ces peintres mais il m’a laissé faire. Et les

choses se sont passées comme ça.

Vous étiez plus adepte de l’abstraction lyrique que de l’art géométrique.

Oui, du fait que j’ai été ami très tôt avec Hartung, Schneider, Soulages, et puis

Atlan. Mais c’est l’abstraction géométrique qui était la plus spectaculaire. Cela venait

de l’importance d’Art d'aujourd'hui - une revue considérable - et de la place de la

galerie Denise René, la seule galerie importante défendant les abstraits. Les peintres

abstraits lyriques apparaissaient un peu comme des hérétiques. Après, les choses

ont évolué différemment… mais pas tellement : Vasarely est resté extrêmement

célèbre pendant très très longtemps.

Par l’intégration de ses œuvres dans le mobilier ur bain…

Exactement. Ce qui m’a fait me rapprocher de Vasarely à ce moment-là. Et de

Schöffer aussi.

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XLVI

La synthèse des arts est quelque chose qui vous a t ouché ?

Oui. Peut-être que la synthèse des arts me ramenait à mes préoccupations

sociales. Ça m’a rapproché aussi d’André Bloc à un moment. J’aurais certainement

été très proche de lui s’il n’avait pas eu son accident.

Propos recueillis le 13 octobre 2005

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XLVII

Annexe IX Entretien avec Claude Parent

Claude Parent, de vingt-sept ans le cadet d’André B loc, a travaillé durant

dix années à ses côtés. Il reste ainsi une des pers onnes qui a le mieux connu

le directeur d’ Art d'aujourd'hui . La rencontre a eu lieu alors que la revue sortait

ses derniers numéros mais le témoignage de Claude P arent nous apporte

pourtant bien des informations sur la personnalité d’André Bloc, sur le Groupe

Espace ainsi que sur ses deux autres revues, L'Architecture d'aujourd'hui et

Aujourd'hui : art et architecture .

Quand avez-vous rencontré André Bloc ?

C’était en 1951-1952, j’étais associé à l’architecte Ionel Schein avec qui j’avais

monté une agence. Nous étions tous les deux à l’Ecole des Beaux-arts mais nous

n’étions pas diplômés. Nous en avions assez de cette architecture qui se pratiquait

en France et nous voulions montrer ce dont nous étions capables : nous avions

beaucoup de culot ! Ionel Schein, surtout, était très fort, très exigeant, très agressif ; il

m’avait entraîné car je l’aimais beaucoup. Nous avions la même sensibilité

architecturale et nous souffrions dans cet enseignement de l’architecture que nous

ne voulions pas suivre et que nous n’avons d’ailleurs pas suivi. Nous avons monté

notre petite agence en 1953 et nous avons travaillé l’un et l’autre jusqu’en 1966 - ce

qui n’est pas mal ! - sans être inscrits à l’ordre des architectes, sans avoir le droit de

porter le titre d’architecte, en étant dénoncés par les collègues qui, eux, avaient le

titre. Chaque fois que nous construisions quelque chose, ils écrivaient à l’Ordre que

nous n’en avions pas le droit. Cependant, seul le titre était protégé et non l’action.

Nous pouvions à cette époque-là, construire et déposer un permis sans mentionner

« architectes ». Nous indiquions : « Conception architecturale », formule reprise

ensuite par le Ministère lorsqu’il a voulu faire une grande réforme qui s’est avérée

catastrophique en séparant la conception de la réalisation.

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XLVIII

Nous avions des problèmes quand la presse parlait de nous en nous

nommant « architectes » mais rapidement, des architectes galonnés ont apprécié ce

que nous disions et faisions. Et puis surtout, nous étions inscrits à l’Ecole des Beaux-

arts. Je l’ai été durant vingt ans ce qui me permettait d’avancer en cas de reproches :

« Mais je vais devenir diplômé, j’ai ma carte d’étudiant ! ». Il existe une disposition

qui permet d’être architecte sur références, sur ce que l’on a construit. Malraux a

signé pour nous cette autorisation. C’était extrêmement rare puisque quand nous

avons été élus, un petit article du Monde mentionnant que Ionel Schein et moi-même

avions obtenu le droit d’exercer la profession et de porter le titre sans être diplômés,

rappelait que nous n’étions que six architectes dans ce cas-là avec Auguste Perret et

Le Corbusier !

Je vous raconte cela pour vous montrer notre côté un peu excessif. Schein et

moi lisions L’Architecture d’aujourd’hui qui était notre bible, mais un article dans

lequel André Bloc écrivait qu’il fallait aider les jeunes nous avait déplu. Nous lui

avons donc envoyé une lettre plutôt vive lui indiquant qu’il possédait deux revues

dans lesquelles on ne voyait pas beaucoup l’appel aux jeunes qu’il faisait et qu’il

devenait ainsi peu crédible. Deux jours plus tard André Bloc nous contactait pour

nous dire qu’il avait le projet de fonder un groupe – le Groupe Espace - et qu’il allait

voir ce que nous étions capables de faire. L’acte fondateur du Groupe Espace est

dans Art d'aujourd'hui.

Peu après, André Bloc a fait une erreur car Schein et moi étions très liés et

lorsque le téléphone sonnait, l’un prenait le combiné et l’autre l’écouteur. Ainsi

lorsque Bloc a appelé pour me dire : « Je ne fais aucune différence entre vous et

Schein mais j’ai des problèmes avec la revue : je suis attaqué dans les journaux

parce que mon comité comprend beaucoup d’étrangers. Donc je vais vous donner, à

vous, la direction des jeunes du Groupe Espace », ce fut dramatique pour Schein,

même si dans les faits, ce dernier et moi avons travaillé ensemble. Il faut souligner

que cette décision venait d’un homme qui avait beaucoup souffert, qui avait été

pourchassé par les nazis, qui avait dû se cacher dans le Midi en laissant

L’Architecture d’aujourd’hui à un autre homme qui ne lui a pas rendu après guerre. A

Biot, André Bloc a pu échapper à la Gestapo et survivre en faisant de petites

sculptures en bois d’olivier que sa belle-mère vendait sur les marchés. Schein aurait

pu comprendre les raisons d’André Bloc. Il faut savoir qu’à l’époque, on lisait dans

les journaux : « La bande à Bloc pleine de métèques ». André Bloc a gagné des

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XLIX

procès pour diffamation. On était pourtant après la guerre. C’est incroyable que les

Français parlent de « juifs » et de « métèques » ! Donc Bloc avait cru bon que ce soit

moi, Parent, qui s’occupe du groupe des jeunes.

S’il y avait dans les proches d’André Bloc des personnes étrangères, c’est

qu’il existait une grande modernité dans les œuvres d’artistes venant d’Europe

centrale, qui était constituée, de plus, de pays très francophones. Si l’on va dans les

environs de Prague, on trouve des cités entières datant de 1920-1925. Ces

architectes et ces artistes sont venus en France quand Hitler est passé au pouvoir.

En bref, ce qui me plaît là-dedans, c’est la morale de l’histoire : nous avons

envoyé une lettre agressive et nous avons eu en réponse la grande générosité

d’André Bloc. Au lieu de nous mépriser et de nous ignorer, il s’est dit : « Je veux les

voir ».

C’est ce que je constate dans tous les témoignages que j’ai lus. C’était un

réflexe chez lui.

Il était d’une ouverture d’esprit extraordinaire. Du jour où il trouvait chez une

personne quelque chose qui dépassait un peu le train-train, il faisait tout ce qu’il

pouvait pour elle. Je l’ai toujours trouvé d’une grande générosité dans les idées,

dans le domaine de l’aide à apporter ; un peu moins de générosité financière mais ce

n’est pas très grave ! Il dépensait quand même beaucoup d’argent pour le bien

commun avec ses revues. L’Architecture d’aujourd’hui tirait cependant à 25 000

exemplaires ! Si les chiffres que j’ai en tête sont exacts, il y avait une majorité

d’abonnés : sur 25 000 magazines tirés, 18 000 allaient aux abonnés ! Et sa

danseuse était Art d'aujourd'hui. Pourquoi Art d'aujourd'hui qui était une toute petite

revue, spécialisée dans les arts ? Elle s’est révélé être l’arme de bataille faisant la

défense et l’illustration de l’abstraction géométrique ; Bloc revenait de Biot où il

fréquentait des artistes et avait pris goût à la sculpture.

Avant son départ, il avait confié L’Architecture d’aujourd’hui à des personnes

qui avaient toute sa confiance. Mais durant cette période, pour autoriser la parution

d’un périodique, il fallait en changer le titre alors la revue s’est appelée Techniques &

architecture. Malheureusement, quand Bloc est revenu en 1945 et qu’il a voulu

reprendre sa revue, des personnes lui ont dit que ce n’était plus son bien. Il s’est

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L

retrouvé sans rien et c’est là qu’il a eu cette générosité, cette foi en l’avenir, ce

caractère extraordinaire en ne renonçant pas. Car l’antisémitisme qui avait prospéré

avec les Allemands, ne s’effaçait pas si vite que ça comme nous l’avons vu. Il a

pourtant recommencé L’Architecture d’aujourd’hui dont l’aura internationale l’a bien

aidé. La revue est aussitôt redevenue la première revue d’architecture ; un succès

foudroyant !

Comment cette revue était-elle née ?

André Bloc a fait Centrale, il y a été reçu la première année ce qui est preuve

d’une grande intelligence. Mais comme il n’avait pas d’argent pour survivre dans une

époque très dure, plutôt que d’attendre un an pour entrer à Polytechnique où il aurait

certainement été reçu, il a préféré travailler tout de suite, dans le caoutchouc

industriel. Son patron avait une petite revue sur le caoutchouc qu’il lui a confiée ainsi

qu’une autre petite revue sur l’architecture qu’il ne voulait même pas garder. Et c’est

de là qu’André Bloc a créé L’Architecture d’aujourd’hui, revue internationale qui a

bientôt dominé le monde et qui avait un motif : l’architecture rationaliste. André Bloc

voyageait tout le temps, c’était une figure internationale qui, à mon avis, devait

dépasser ce qu’il est devenu par la suite.

Quels étaient vos rapports avec André Bloc ?

Ce compagnon de travail, beaucoup plus âgé que moi, était d’une notoriété

extraordinaire. Pour moi c’était un dieu et les gens critiquaient mon admiration. Un

architecte comme Pierre Vago me disait : « Je ne te comprends pas, tu es

complètement inféodé à André Bloc, il te fait faire des erreurs de jugement sur

l’architecture, sois un peu plus toi-même ». Mais moi j’étais enchanté, j’adorais André

Bloc ! Il m’a mis dans des situations risquées dont je me suis sorti et qui m’ont permis

de gravir les échelons. Ce fut un vrai apprentissage. Il ne m’a jamais fait de cadeau

extraordinaire : quand par exemple il m’a proposé d’être membre du comité de

L’Architecture d’aujourd’hui, cela faisait sept ans que je faisais mes preuves, que

j’étais invité au comité sans en être membre. Il avait beaucoup d’habileté - quand il

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LI

n’était pas en colère, son autre défaut ! – alors il m’a fait entrer avec deux autres

architectes tout de suite acceptés en faisant mine de m’avoir oublié : « Mais au fond,

il y a Claude Parent qui travaille avec nous depuis si longtemps, il mérite de nous

rejoindre. » Ce qui fut accepté. Il a toujours eu envers moi la position du patriarche

qui ne doit pas gâter le petit jeune. Il était paternaliste mais j’aimais bien.

Il avait un énorme défaut sur lequel je n’ai jamais voulu jouer : il était très

sensible à la flatterie… Ainsi, j’ai vu André Bloc s’enthousiasmer pour des architectes

qui le flattaient, vouloir immédiatement travailler avec eux et se retrouver face à

beaucoup de déconvenues.

Sa force était sa curiosité immense. J’ai conservé de lui le fait d’aimer les

idées des autres. En général, les créateurs se murent dans leur propre personnage

et combattent les idées d’autrui. Bloc était un dévoreur de nouveautés : il ne pouvait

pas s’empêcher de papillonner, dès qu’une chose dans l’air du temps lui plaisait, il se

demandait ce que lui pourrait en faire. Cela irritait le monde artistique parce que

c’était un homme qui avait deux revues et qui pouvait publier autant qu’il voulait ses

propres recherches et leur donner ainsi une sorte de caution morale. Il annonçait

ainsi le rôle des média dans la culture.

Ce dont il n’a pas abusé, en tout cas dans Art d'aujourd'hui qui contient peu

d’œuvres de Bloc.

Il faisait surtout des catalogues et des expositions pour le Groupe Espace

fondé avec Félix Del Marle. Ce qui n’était pas toujours possible aux autres artistes

car souvent ni eux ni la galerie n’en avaient les moyens et n’avaient pas non plus la

facilité de se projeter dans le monde entier. Les artistes ont donc développé une

sorte de jalousie ou d’envie vis-à-vis d’André Bloc qui avait des revues. Son appétit,

sa curiosité pour les idées nouvelles ne l’ont jamais quitté. Cela a été quelquefois

mal pris alors qu’il fallait plutôt saluer cet enthousiasme de jeune homme.

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LII

Vous avez beaucoup travaillé avec André Bloc.

Ionel Schein a voulu dissoudre notre agence quelques années après notre

rencontre avec Bloc, en 1955. Mais avant cette rupture, alors que j’étais encore

associé à Schein, André Bloc et moi coopérions déjà sur ses projets d’architecture. Il

avait confiance en moi pour des raisons de dialogue, de compréhension des arts,

etc. André Bloc a continué à fréquenter Schein mais Bloc et moi avons renforcé notre

travail commun. Je faisais les mises au point : Bloc dessinait par exemple un claustra

et je devais le faire fonctionner. Il fallait travailler dur pour arriver à une réalité autre

que le prototype en plâtre !

J’étais également l’organisateur des fêtes chez André Bloc. Il donnait des

réceptions extraordinaires, notamment lors de la remise des prix de L’Architecture

d’aujourd’hui. Pour l’une, il avait décidé de réaliser un labyrinthe, une autre fois, nous

avions entrepris une projection sur les habitacles réalisés par le designer Roger

Tallon.

A partir du moment où André Bloc s’est de plus en plus intéressé à

l’architecture-sculpture, un léger différend s’est installé entre nous car il faisait

intervenir une filiation plus sculpturale qu’architecturale. Par exemple, lorsqu’il m’a

présenté les maquettes de sa tour et que je lui ai indiqué ma préférence pour celle,

plus structurée, qui me semblait aller dans le sens de ses recherches - une sculpture

habitable -, il s’est montré d’accord avec moi mais il a choisi l’autre modèle et a fait

une vraie sculpture. C’était très beau mais, comme dans le Groupe Espace, le

sculpteur avait pris le pas sur l’architecte. Je trouvais que d’une manière générale

cela détruisait le Groupe Espace car le dialogue avec l’architecture se trouvait faussé

par le fait que l’œuvre envisagée était initiée par le sculpteur seul.

Que retenez-vous du Groupe Espace ?

Ce qui, d’après moi, s’est amorcé avant la guerre, c’était le rapport des arts et

de l’architecture moderne ; même une architecture de style pompier comme le Palais

de Tokyo en 1937 comprend des bas-reliefs. L’architecture contemporaine d’alors qui

voulait enlever les décors, prenait quand même en compte que cette attitude

chassait les sculpteurs et qu’il fallait les faire travailler par un autre moyen. Cette

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LIII

fusion avec les artistes dans l’architecture rationaliste était présente et Bloc, au

moment où il a créé le Groupe Espace, donnait une plate-forme et une légitimité à

tous ces artistes de l’abstraction géométrique, qui ont inventé l’appellation

« plasticiens ». Art d'aujourd'hui a joué un rôle majeur de communication puisque ce

sont les artistes publiés dans cette revue qui sont allés vers les architectes. Bien sûr,

il fallait des commandes et elles ont été fournies par un ministre, Eugène Claudius-

Petit, qui a protégé l’architecture moderne et par là même L’Architecture

d’aujourd’hui avec laquelle elle fusionnait, et donc le Groupe Espace. Cela afin

d’arriver à ce que nous appelons la synthèse des arts.

J’ai appartenu à la troisième génération du Groupe Espace. Et à ce moment-

là, on travaillait dès l’origine avec le sculpteur ou le peintre, avant même de

commencer son architecture, on discutait. C’est ce que j’ai fait avec Bloc pendant dix

ans. On se voyait alors deux voire trois fois par jour pour des raisons de sauvegarde

mentale, je réalisais de petites maisons de mon côté. En général, c’est André Bloc

qui m’alimentait mais nous co-signions les réalisations car nous travaillions et

réfléchissions ensemble dès le départ si bien que nous ne savions pas trop qui avait

fait quoi. Certaines fois, si Bloc n’avait pas été avec moi, les choses auraient pris une

autre forme. Quelque fois j’étais en avance, quelque fois en retard. C’est cela les

rapports fabuleux du maître et de l’élève. Rapports difficiles mais toujours gratifiant

qui ont totalement disparu de nos écoles aujourd’hui.

Le Groupe Espace a-t-il vraiment fonctionné ?

Oui, tant qu’il y a eu Eugène Claudius-Petit. Il donnait des commandes aux

architectes et aux artistes qui faisaient parti du Groupe Espace. Il jouait le jeu d’aider

les artistes. Du jour où ce ministre a dû arrêter la politique, ça a été plus dur. L’autre

événement néfaste au Groupe Espace fut bien sûr la mort d’André Bloc car, malgré

les querelles intestines, c’était lui qui le faisait survivre. Quand il est mort, une grande

réunion du Groupe Espace s’est déroulée chez moi - dont il ne reste aucune trace.

J’ai été élu président de force. Je leur ai quand même précisé que pour moi le

Groupe était fini, qu’il y avait trop de mésententes entre tous et que de toute façon,

les commandes se raréfiaient. Et même, dès lors que le tachisme s’est installé, je ne

voyais plus le rapport des arts avec l’architecture. Ce n’était pas une victoire de l’un

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LIV

par rapport à l’autre, c’était une évolution, une page se tournait, c’était tout. J’ai donc

annoncé que l’on pouvait dissoudre le Groupe Espace car je ne pouvais pas

continuer à participer à quelque chose qui n’était plus qu’une association dont le

dogme fondateur n’était plus respecté.

Edgard Pillet faisait-il encore partie du Groupe Es pace ?

Nous étions très amis mais il avait pris une distance non pas avec

l’architecture - au contraire - mais une distance géographique quand il avait initié ce

fameux village qui devait être un village d’artistes à Carboneras, en Andalousie, et où

il vendait des lots avec obligation de faire des villas avec des artistes. André Bloc y

avait fait une maison : il avait réalisé une petite maquette en plâtre et j’étais chargé

de faire des coupes, des plans, réfléchir à comment ça allait pouvoir être transmis

aux constructeurs.

Pierre Vago que j’ai connu en même temps qu’André Bloc, travaillait avec les

jeunes du Groupe Espace. De leur côté, Edgard Pillet et Jean Dewasne étaient les

plus actifs.

Vous avez participé à Aujourd’hui : art et architecture , comment cette revue a-t-

elle vu le jour ?

En ouvrant les pages d’Art d'aujourd'hui à l’abstraction lyrique, André Bloc a

bouleversé la donne2. Tous les purs et durs de l’abstraction géométrique ne le

comprenaient pas. Ils se sentaient trahis et ont pensé avoir perdu Art d'aujourd'hui.

Car André Bloc voyant que les Pierre Guéguen, les Léon Degand - qui étaient les

âmes de cette revue - renâclaient, il a préféré s’en libérer. Il a alors décidé de faire

2 Lors de l’entretien, Claude Parent s’était exprimé ainsi : « André Bloc a fait une grande trahison en passant à l’abstraction lyrique. » La douce ironie qui passait dans le ton de sa voix en parlant de « trahison » n’apparaissant plus à l’écrit, il a modifié sa phrase après lecture. Le terme reste quand même à relever surtout si on le met en relation avec les propos de Denise René concernant Charles

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LV

Aujourd’hui, revue pluridisciplinaire dans laquelle j’ai d’ailleurs créé la rubrique

"Design". Il a également fait une partie architecture car L’Architecture d’aujourd’hui

vieillissait du fait du manque de renouvellement de ses fidèles.

Une revue internationale tient sa richesse de ses correspondants. Bloc ne

faisait pas le porte à porte, il allait une fois en Amérique du Sud où on lui préparait

tout et où il rencontrait toutes les relations qu’il fallait au moment opportun. Mais pour

se tenir au courant, il fallait s’en tenir aux "correspondants" de L’Architecture

d’aujourd’hui. Lesquels correspondants perdaient avec l’âge le contact avec les

jeunes de leur pays et n’avaient plus le goût de voir de près ce qui se passait de

nouveau dans leur pays. Ils se figeaient et figeaient les envois à une dizaine de

connaissances, certes bonnes mais qui n’avaient pas le sel de l’évolution. André Bloc

se trouvait prisonnier de l’aura de la revue devenue une institution. Comme il ne

pouvait plus la changer, il l’a transformée en un grand mouvement d’idées : le Paris

parallèle par exemple, où il entraînait tout le monde dans une aventure commune

extraordinaire et mobilisait tous les membres du comité.

De ce fait, le contenu du combat proprement architectural est allé à

Aujourd’hui pour laquelle on ne disait rien : c’était l’autre revue de Bloc. Il en a donné

à Patrice Goulet et à moi-même la direction. Comme Patrice Goulet était très jeune

et très disponible, il a beaucoup voyagé, visité les écoles d’architecture et rencontré

les étudiants. Moi j’y allais ensuite quelques jours et c’est comme ça que nous avons

préparé les cinq numéros spéciaux consacrés chacun à un pays. Du jour au

lendemain, sur les tables des architectes du monde entier ne se trouvait plus

L’Architecture d’aujourd’hui mais Aujourd’hui car il s’y trouvait tous les jeunes ainsi

que quelques anciens restés au sommet de l’invention. Aujourd’hui est devenu la

figure de proue de L’Architecture d’aujourd’hui. Ce qui fait qu’à la mort d’André Bloc,

ses compagnons ont demandé à son épouse de l’arrêter car elle coûtait trop

d’argent.

Marguerite Bloc s’est ensuite coupée de tous ses amis en vendant

L’Architecture d’aujourd’hui à Servan-Schreiber sans en avertir le comité. Lequel

comité de rédaction essayait par ailleurs de trouver un repreneur dans la profession.

Estienne !

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LVI

Pierre Vago, co-fondateur de la revue, premier rédacteur en chef, ne lui a plus jamais

adressé la parole. Triste fin d’une fabuleuse et historique revue.

Propos recueillis le 7 novembre 2006.

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LVII

Graphismes et tableaux

Les tableaux et graphiques qui s’inscrivent dans ce tte recherche et celles des

parties suivantes sont réalisés à partir des index proposés en annexes, dans

les pages qui suivent, ainsi que des sommaires d’ Art d'aujourd'hui . Cela afin

de classer puis d’interpréter les informations géné rales que livrent ces deux

sources.

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LVIII

Annexe X Parutions d’ Art d'aujourd'hui par séries

Ce tableau et celui qui suit (annexe XI) permettent de visualiser le rythme des

parutions d’Art d'aujourd'hui. Les mois sont indiqués par des chiffres allant de 1 à 12.

Une case est noircie lorsqu’un numéro est paru au mois correspondant. Il peut arriver

qu’une livraison paraisse à cheval sur deux mois (ce qui ne signifie pas

obligatoirement qu’il s’agisse d’un numéro double), cela est alors représenté par une

zone noire elle-même à cheval sur deux cases. Les numéros doubles sont quant à

eux indiqués par une croix sur le premier tableau.

La revue n’existant pas encore, des hachures occupent les mois de janvier à

mai 1949 dans le second tableau.

1ère série : juin 1949 – juin 1950 6 7 8 9 10 11 12 1 2 3 4 5 6

……… X …X… 2ème série : octobre 1950 – octobre 1951

10 11 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 ………

3ème série : décembre 1951 – octobre 1952 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

… X… X 4ème série : janvier 1953 – décembre 1953

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 …X… ………

5ème série : février 1954 – décembre 1954 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

…X… …X…

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LIX

Annexe XI Parutions d’ Art d'aujourd'hui par années civiles

Années Mois 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 1949 //////////////////////////////////////////// ......... 1950 ……… 1951 ……… 1952 ……… 1953 ……… ……… 1954 ……… ………

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LX

Annexe XII Citations des artistes par articles

Ce graphique ne regroupe que les artistes auxquels la revue consacre plus

d’un article. Cela en concerne trente et un alors qu’Art d'aujourd'hui s’arrête sur cent

quarante-quatre artistes différents. Deux cent deux articles consacrés à un plasticien

ont été relevés.

La présence de croix après le nom de l’artiste indique qu’il a conçu ou qu’il a

fait l’objet d’une ou plusieurs couvertures. La présence de ronds indique qu’il a

réalisé un ou plusieurs encarts couleurs.

Arp xBloc xxo

BraqueCalder

Del MarleRobert Delaunay

Sonia Delaunay xxDewasne xo

Deyrolle oDias x

DomelaHerbin o

JacobsenKandinsky xo

KupkaLapicque

LaurensLe Corbusier x

Léger xxo Magnelli xxoo

Moholy Nagy

Mondrian xMortensen

Pevsner xPillet x

PoliakoffSchöffer

Taeuber-Arp oVan Doesburg

Vasarely xxoVillon xo

0 1 2 3 4 5 6

Nom

s de

s ar

tiste

s

Nombre d'articles

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LXI

Annexe XIII Citations des artistes par séries, encarts couleurs et couvertures

Ce tableau recense les artistes qui font l’objet d’un article dans au moins une

des trois séries de la revue consacrées aux créateurs, ainsi que ceux qui ont conçu

ou qui ont fait l’objet d’une couverture et/ou d’un encart couleurs.

Artistes

Séries, couvertures et encarts

Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui

Le Passage de la ligne

L’Art et la manière

Couvertures

Encarts couleurs

Apollinaire X Aral X Arcay X Arp X X Baertling X Baumeister X Bertheau X Bloc X XX X Bombois XX Bozzolini X Brihat X Carlsund X Coppel X R. Delaunay X S. Delaunay X X XX Demonchy X Dewasne X X X X Deyrolle X X X Dias X X Domela X Febvre-Desportes X Freundlich X Geboullet X Gilbert X Gilioli X Glarner X Gris X Guérin X Hartung X X Herbin X X X Jacobsen X Kalinowsky X Kandinsky X X X Lacombe X Lanskoy X

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LXII

Artistes

Séries, couvertures et encarts

Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui

Le Passage de la ligne

L’Art et la manière

Couvertures

Encarts couleurs

Lapicque X Lardera X Le Corbusier X Léger XX X Leppien X Liger X Magnelli X X XX XX Malevitch X Mondrian X X Moore X Mortensen X X Munari X Navarro X Nay X Nicholson X Palazuelo X Pevsner X X Pillet X X X Poliakoff X X X Pollock X Schneider X Schöffer X Seuphor X Teauber-Arp X X Utrillo X Van Doesburg X Van Tongerloo X Vasarely X X XX X Villon X X X Vivin X

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LXIII

Annexe XIV Interventions des rédacteurs par articles

Ce graphique propose de se pencher sur la participation des rédacteurs en

fonction du nombre d’articles qu’ils ont écrits. Leur nombre exact se trouve

mentionné à côté du nom de chaque rédacteur.

Le comité d’Art d'aujourd'hui fait régulièrement appel à des intervenants

extérieurs, aussi ne sont mentionnés que les rédacteurs ayant écrit plus d’un article.

Cela réduit le nombre de personnes à trente-trois sur un total de cent neuf rédacteurs

Trois cent quatre-vingt deux articles dont deux cent deux sont consacrés à

des artistes ont été relevés. Il y a donc presque deux cents textes sur des sujets

généraux : musées, synthèse des arts, histoire des mouvements, etc.

Agay-6Alvard-16

Bloc-2Bordier-27

Boudaille-5Buffet-3

Degand-74Delahaut-3

Del Marle-6Estang-2

Estienne-8Guéguen-30

Gulin-2Hulten-2Kahnweiller-2Le Corbusier-2Léger-2

Massat-4S. Moholy-Nagy-2Mondrian-2

Morita-3Morris-2Perilli-2

Pillet-6Reuterswaerd-2Sandberg-2

Schiff-5Seuphor-28

Séverini-2Söderberg-2

Thwaites-3Van Gindertael-45

Wescher-17

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Nom

s de

s ré

dact

eurs

Nombre d'articles rédigés

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LXIV

Annexe XV Interventions des rédacteurs par brèves

Ce graphique s’appuie toujours sur les interventions des rédacteurs mais cette

fois-ci en s’intéressant aux brèves d’exposition3. Là encore, seuls les critiques ayant

écrit plus d’une brève sont comptabilisés, soit dix-huit critiques. Ce choix n’éloigne

guère des véritables chiffres puisqu’il n’écarte que treize rédacteurs, donc treize

critiques d’exposition ; ce qui est peu sur un total de quatre cent cinquante-quatre

brèves relevées.

Alvard-62Bordier-32

Bröse-3Buffet-2D.M.-3

Degand-127

Delahaut-10Dewasne-2

Estienne-6Guéguen-26

J.D.-8Koenig-3

Lance-3Seaux-3

Seuphor-33Van Gindertael-82

Verdet-3Wescher-38

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130

Nom

s de

s ré

dact

eurs

Nombre de brèves rédigées

3 Notre base de travail, ici, reste l’index des brèves par rédacteurs avec les manques qu’il comporte.

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LXV

Index

Au commencement de l’indexation des textes d’ Art d'aujourd'hui , il était

impossible d’envisager tous les questionnements que cela allait soulever et les

décisions qu’il faudrait prendre. Réaliser un index nécessite, en effet, d’écarter

certaines choses afin de garder une lisibilité, une cohérence à l’ensemble de la

liste. Ces choix ont été les plus limités et justif iés possible. Toutefois, il faut

admettre que même en croisant l’ensemble de ces six index, on ne peut

prétendre à l’exhaustivité des écrits parus dans le s trente-six numéros de la

revue.

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LXVI

Annexe XVI Index des articles par artistes

Tous les artistes faisant l’objet d’un article ou dont le nom est clairement

mentionné dans le titre ou dans un sous-titre sont indexés ici.

Lorsqu’un nom est souligné, cela signifie qu’il s’agit d’un ensemble d’articles

ou d’un dossier sur l’artiste. Si un astérisque précède un nom, c’est que l’artiste fait

l’objet d’un texte commun à différents créateurs ; cela se retrouve notamment dans

des panoramas par mouvement (“La sculpture cubiste”) ou par pays (“Présentation

de 18 artistes allemands”). Dans le cadre d’une série (“Le Passage de la ligne”, “L’Art

et la manière”, etc.), celle-ci est mise en évidence par un soulignement.

L’index est classé par noms d’artistes selon l’ordre alphabétique, puis, pour

chaque artiste, selon l’ordre chronologique de parution d’articles. Enfin, pour cet

index et les suivants, la mention « n.p. » signifie « non paginé ».

Adam – “Adam” – L. Degand - 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p. (1 page)

*Arcay – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 - janvier

1953 – pp. 15 à 17

*Archipenko – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-juin

1953 – p. 52 et 53

*Arp – “Sophie Taeuber-Arp, Jean Arp” – M. Seuphor - 1ère série - n°10-11- mai-juin

1950 – pp. 28 à 33

Arp – “Formes” – J. Arp – 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 - pp. 36 et 37

*Arp – “Arp. Poète” – Ch. Estienne - 1ère série - n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 39 à

41

Arp – “H. Arp” – L. Degand - 3ème série - n°1 – décembre 1951 – p. 3

*Arp – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – pp. 44

et 45

*Bala – “Deux Peintres futuristes : Bala et Boccioni” – A. Perilli - 3ème série - n°2 –

janvier 1952 - p. 1

*Bauchant - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951

– pp. 10 et 11

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LXVII

*Baumeister – “Présentation de 18 artistes allemands” - G. Schiff - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 7

*Bergman (Anna Eva) – “Complément à la Scandinavie” – M. Seuphor - 5ème série -

n°1 – février 1954 – p. 15

*Berke – “Présentation de 18 artistes allemands” - G. Schiff - 4ème série - n°6 - août

1953 – p. 9

*Bertrand – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 21

*Bissier (Julius) – “Présentation de 18 artistes allemands” - G. Schiff - 4ème série -

n°6 - août 1953 – p. 9

Bloc – “A. Bloc” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 4

Bloc – “Exposition André Bloc à Bruxelles” – J. Delahaut et J. Seaux - 4ème série -

n°1 – janvier 1953 – p. 25

*Bloc – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – pp. 48

et 49

*Bloch – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Boccioni - “Deux peintres futuristes : Bala et Boccioni” – A. Perilli - 3ème série - n°2

– janvier 1952 - p. 1

*Bombois - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951 –

pp. 18 et 19

*Bonnet – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – pp. 21 et 22

Boubat – “Rencontres fortuites” – E. Boubat - 1ère série – n°5 – décembre 1949 –

n.p. (2 pages)

*Bozzolini – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 –

pp. 50 et 51

*Brancusi – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-juin 1953

– pp. 50 et 51

Braque – “Braque” – L. Degand - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – p. 45

Braque – “L’Indigence de Braque” – P. Guéguen et V. Duverneuil - 4ème série – n°6 –

août 1953 – p. 29

*Breer – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 - mai-

juin 1950 – p. 21

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LXVIII

*Busse – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 24

*Caillaud – “Deux Pôles de la peinture naïve” – P. Guéguen - 5ème série - n°6 -

septembre 1954 – pp. 10 et 11

Calder – “Calder” – T. Clapp – 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 2 à 11

Calder – “Notes sur Calder” - L. Degand - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp

12 et 13

Calder – “A. Calder” - L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 5

*Carlstedt - “La Peinture abstraite en Finlande” – A. Gulin - 4ème série - n°7 -

octobre-novembre 1953 – p. 13

Carlsund – “Otto G. Carlsund” – O. Reuterswaerd - 4ème série – n°7 octobre-

novembre 1953 – p. 5

Chaissac – “Voyage au pays de Chaissac” – P. Guéguen - 3ème série - n°5 – juin

1952 – pp. 11à 16

*Chenay – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 20

Clausen – “Franciska Clausen : constructiviste, cubiste et néoplasticienne danoise” –

O. Reuterswaerd - 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 20

*Csaky – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 –

p. 58

*Cujawski – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 19

*Damian – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Davis – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – S. Davis – 2ème série - n°6 - juin 1951 –

p. 23

*De Kooning – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – W. De Kooning - 2ème série - n°6

- juin 1951 – p. 18

Del Marle – “Del Marle” – R. Bayer - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (1

page)

Del Marle – “Del Marle” – R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p.

6

Del Marle – “Félix Del Marle. 1889-1952” – P. Revoil - 4ème série – n°1 – janvier 1953

– 2ème de couverture

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LXIX

Del Marle – “La Couleur au service de l’homme” – P. Revoil - 4ème série – n°1 –

janvier 1953 – pp. 1 et 2

Delaunay – “Robert Delaunay” – L. Degand - 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 6

à 11

Delaunay – “Robert Delaunay” – M. Seuphor - 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp.

12 à 13

*Delaunay (Robert) – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6

- août 1952 – pp. 20 et 21

*Delaunay (Sonia) – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 -

août 1952 – p. 21

*Delaunay (Sonia) – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre

1954 – pp. 12 et 13

Dewasne – “J. Dewasne” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre – p. 8

*Dewasne – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 - janvier

1953 – pp. 18 et 19

*Dewasne – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 –

pp. 50 et 51

Deyrolle – “Jean Deyrolle ou la continuité de la peinture” – Ch. Estienne - 2ème série

– n°5 – avril-mai 1951 – pp. 18 à 21

Deyrolle – “J. Deyrolle” - L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 7

*Deyrolle – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars

1953 – pp. 19 et 20

*Deyrolle – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – pp. 21

et 22

*Dias – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 - octobre

1950 – p. 23

Dias – “Cicero Dias” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 9

*Dias – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – pp. 16

et 17

Domela – “C. Domela” – R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p.

10

*Domela – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre

1952 – p. 61

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LXX

*Duchamp-Villon – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-

juin 1953 – pp. 53 à 55

*Durand – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 19

*Duvillier – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 20

Eggeling – “Viking Eggeling” – K. G. Hulten - 4ème série – n°7 – octobre-novembre

1953 – p. 3

*Enard – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Fassbender – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 9

*Fietz – “Présentation de 18 artistes allemands” – J. A. Twaites - 4ème série - n°6 -

août 1953

*Fitz-Patrick – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 20

*Francken – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 19

*Freundlich – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 -

octobre 1952 – pp. 59 et 60

*Gear – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 - octobre

1950 – p. 25

*Geiger – “Présentation de 18 artistes allemands” – J. A. Twaites - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 10

*Gilbert – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 - janvier

1953 – pp. 15 à 17

*Gilioli – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – pp. 23 et

24

*Glarner – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – F. Glarner - 2ème série - n°6 - juin

1951 – p. 18 et 19

*Greffe - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951 – p.

14

*Gontcharova – “Le Rayonnisme : Larionov, Gontcharova” – L. Degand - 2ème série

– n°2 – novembre 1950 – pp. 26 à 29

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LXXI

Gonzalez – “Julio Gonzalez 1876-1942” – L. Degand - 1ère série – n°6 – janvier 1950

– n.p. (5 pages)

*Gottlieb – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – A. Gottlieb - 2ème série - n°6 - juin

1951 – pp. 23

*Guerrini – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 20

Hartung - “Hans Hartung : un style de l’expressif pur” – Ch. Estienne - 2ème série –

n°4 – mars 1951 – pp. 20 et 21

Hartung - “Notes sur Hartung” – L. Degand - 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp. 22 à

25

*Hartung – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 –

pp. 44 et 45

*Hartung (Karl) – “Présentation de 18 artistes allemands” – J. A. Twaites - 4ème série

- n°6 - août 1953 – p. 10

Herbin – “Auguste Herbin” – R. Massat – 1ère série – n°4 – n.p. (3 pages)

Herbin – “Herbin le rigoureux” – L. Estang – 1ère série – n°4 – n.p. (1 page)

Herbin – “Herbin le pur” – P. Peissi - 1ère série – n°4 – n.p. (1 page)

Herbin – “A. Herbin” - R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 11

*Herbin – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre

1952 – pp. 57 à 59

*Herbin – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – pp.

20 et 21

*Hess – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – Th. B. Hess - 2ème série - n°6 - juin 1951

– p. 23

*Hill – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 - octobre

1950 – p. 24

*Hirshfield - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951

– p. 15

*Ionesco – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

Jacobsen – “R. Jacobsen” - L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 12

Jacobsen – “Exposition Jacobsen à Paris” – L. Degand - 4ème série – n°1 – p. 26

*Jacobsen – “Artistes danois vivant en France” – K. G. Hulten - 4ème série - n°7 -

octobre-novembre 1953 – p. 23

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LXXII

*Jacobsen – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 –

pp. 48 et 49

*Kalinowsky – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 -

janvier 1953 – pp. 15 à 17

Kandinsky – “W. Kandinsky” – W. Kandinsky - 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p.

(1 page)

Kandinsky – “Situation de Kandinsky” – Ch. Estienne – 1ère série – n°6 – janvier

1950 – n.p. (1 page)

Kandinsky – “La Peinture de Kandinsky” – C. Giedion-Welckner – 1ère série – n°6 –

janvier 1950 – n.p. (4 pages)

Kandinsky – “La Leçon de peinture de Kandinsky” – R. Van Gindertael - 1ère série –

n°6 – janvier 1950 – n.p. (3 pages)

*Kandinsky – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin

1952 – pp. 18 et 19

Klee – “Klee” – L. Degand - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – p. 16

Kupka – “Kupka” – Léon Degand - 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp. 54 à

58

*Kupka – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952

– pp. 18 et 19

Lacasse – “Il faut maintenant connaître Lacasse” – R. Bordier - 5ème série – n°7 –

novembre 1954 - pp. 13 à 15

*Lacombe – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 -

mai-juin 1950 – p. 20

*Lambert – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 25

*Lanskoy –“Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui” – R. Van Gindertael - 2ème série –

n°8 – octobre 1951 – pp. 30 et 31

*Lanzmann – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Lapicque -“Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui” – R. Van Gindertael - 2ème série –

n°5 – avril-mai 1951 – pp. 26 et 27

Lapicque – “C. Lapicque” – R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 – décembre 1951 –

p. 13

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LXXIII

*Lardera – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – pp.

20 et 21

*Larionov – “Le Rayonnisme : Larionov, Gontcharova” – L. Degand - 2ème série –

n°2 – novembre 1950 – pp. 26 à 29

Laurens – “Henri Laurens” – D.-H. Kahnweiler - 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p. (3

pages)

*Laurens – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-juin 1953 –

p. 55

Laurens – “Hommage à Henri Laurens” – P. Guéguen - 5ème série – n°4-5 – mai-juin

1954 – pp. 52 et 53

Le Corbusier – “Recherches pour conduire à une sculpture destinée à l’architecture”

- 1ère série – n°2 - juillet-août 1949 – n.p. (2 pages)

Le Corbusier – “Le Corbusier” – R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 décembre 1951

– p. 14

*Le Douanier Rousseau – “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4

– mars 1951 – pp. 5 et 6

Léger – “F. Léger” – L. Degand - 1ère série – n°3 – octobre 1949 - n.p. (3 pages)

Léger – “Un nouvel espace en architecture” – F. Léger - 1ère série – n°3 – octobre

1949 - n.p. (1 page)

Léger - “F. Léger” - R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 décembre 1951 – p. 15

*Lenormand – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 25

Leppien – “Jean Leppien” – Cl.-H. Sibert - 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 18 et

19

*Lipchitz – “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-juin 1953 –

pp. 55 à 57

*Louis - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp.

12 et 13

*Louis - “La Vision de Séraphine” – Ch Estienne – 2ème série – n°4 – mars 1951 – p.

13

Magnelli – “A. Magnelli” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 16

*Magnelli – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – pp. 20

et 21

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LXXIV

Magnelli – “Magnelli” – Ch. Estienne - 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – n.p. (4

pages)

*Magnelli – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août

1952 – p. 22

*Malevitch – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin

1952 – pp. 19 et 20

Manessier – “Manessier et la recherche d’une logique picturale” – L. Degand - 4ème

série – n°1 – janvier 1953 – pp. 20 à 23

Matisse – “Henri Matisse” – M. Seuphor - 5ème série – n°7 – novembre 1954 – p. 23

*Maussion – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Meistermann – “Présentation de 18 artistes allemands” – W. Haftmann - 4ème série

- n°6 - août 1953 – p. 13

Moholy Nagy – “Laszlo Moholy-Nagy : le peintre”– S. Moholy Nagy - 2ème série – n°8

– octobre 1951 – pp. 18 à 22

Moholy Nagy – “Moholy Nagy : le potographe” – S. Moholy Nagy - 2ème série – n°8 –

octobre 1951 – pp. 23 à 25

Mondrian – “P. Mondrian” – P. Mondrian - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (1

page)

Mondrian – “Piet Mondrian et les origines du néo-plasticisme” – M. Seuphor - 1ère

série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Mondrian – “P. Mondrian : le home-la rue-la cité (extraits)” – P. Mondrian – 1ère série

– n°5 – décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Mondrian –“Influence de Mondrian” – J. Gorin - 1ère série – n°5 – décembre 1949 –

n.p. (1 page)

*Mondrian – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin

1952 – pp. 20 et 21

Mondrian – “Mondrian indésirable” - M. Seuphor - 5ème série – n°1 – février 1954 - p.

1

Moore – “La Sculpture d’Henry Moore” – Ph Hendy – “Henry Moore” – L. Degand -

1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (8 pages)

*Morris – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – G. L. K. Morris - 2ème série - n°6 - juin

1951 – pp. 16 et 17

Mortensen – “R. Mortensen” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 17

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LXXV

*Mortensen – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars

1953 – pp. 20 et 21

*Mortensen – “Artistes danois vivant en France” – K. G. Hulten - 4ème série - n°7 -

octobre-novembre 1953 – p. 22

*Mortensen – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 –

pp. 46 et 47

*Motherwell – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – R. Motherwell - 2ème série - n°6 -

juin 1951 - pp. 21 et 22

*Müller-Dünwald – “Présentation de 18 artistes allemands” – J. A. Twaites - 4ème

série - n°6 - août 1953 – p. 13

*Nallard – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 23

*Navarro – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 - janvier

1953 – pp. 15 à 17

*Nay – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4ème série - n°6 - août

1953 – p. 13

Nicholson – “Ben Nicholson” – H. Wescher - 4ème série – n°2 – mars 1953 – pp. 10

et 11

*Nissim – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 24

*Ottaviano – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 23

*Pellegrin - “Deux Pôles de la peinture naïve” – P. Guéguen - 5ème série - n°6 -

septembre 1954 – pp. 8 et 9

*Pevsner – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – pp.

24 et 25

Pevsner – “Antoine Pevsner” – R. Massat – 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 2 à

5

Pevsner – “Pevsner et la conquête plastique de l’espace” – P. Guéguen - 5ème série

– n°1 – février 1954 – pp. 6 à 9

*Peyronnet - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951

– p. 16

Picabia – “Hommage à Francis Picabia” – R. Clair - 4ème série – n°8 – décembre

1953 - p. 16

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LXXVI

*Picasso - “La Sculpture cubiste” – P. Guéguen - 4ème série - n°3-4 - mai-juin 1953

Pillet – “E. Pillet” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 18

*Pillet – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°1 - janvier 1953

– p. 19

*Pillet – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – pp.

46 et 47

Poliakoff – “S. Poliakoff” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 19

* Poliakoff – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 22

*Poliakoff – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars

1953 – pp. 21 et 22

*Poliakoff – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 –

pp. 22 et 23

Raymond “M. Raymond” – R. Van Gindertael - 3ème série – n°1 – décembre 1951 –

p. 20

*Rezvani – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 20

*Ritschl – “Présentation de 18 artistes allemands” – K. F. Ertel - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 14

*Robin – “Leur deuxième métier” – C. Agay et G. Boudaille - 2ème série - n°1 -

octobre 1950 – p. 22

Rossiné – “Rossiné” – L. Degand - 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 26 et 27

*Sager – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 - mai-

juin 1950 – p. 21

*Schneider - “Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui” – R. Van Gindertael - 2ème série –

n°6 – juin 1951 - pp. 26 et 27

Schöffer – “Schöffer” – M. Seuphor - 3ème série – n°5 – juin 1952 – p. 23

*Schöffer – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 –

pp. 14 et 15

*Seuphor – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°7 - novembre 1954 –

pp. 18 et 19

*Taeuber-Arp – “Sophie Taeuber-Arp, Jean Arp” – M. Seuphor - 1ère série - n°10-11

- mai-juin 1950 – pp. 28 à 33

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LXXVII

Taeuber-Arp – “Taeuber-Arp” – L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p.

21

*Tajiri – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11 - mai-

juin 1950 – p. 20

Tatin – “Tatin” – P. Guéguen - 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 54

*Thieler – “Présentation de 18 artistes allemands” – J. A. Twaites - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 14

*Trier – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4ème série - n°6 - août

1953 – p. 14

*Uhlmann – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4 ème série – n°6 –

août 1953 – p. 16

*Utrillo - “Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951 – p.

17

*Van Doesburg – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 -

juin 1952 – p. 21

Van Doesburg – “Théo Van Doesburg” – M. Seuphor – 4ème série – n°8 – décembre

1953 – pp. 1

Van Doesburg – “Le Développement de Théo Van Doesburg” – H. Buys – 4ème série

– n°8 – décembre 1953 – pp 2 à 9

*Van Tongerloo – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 -

juin 1952 – p. 21

*Vanni - “Deux Pôles de la peinture naïve – P. Guéguen - 4ème série - n°7 - octobre-

novembre 1953 – p. 13

Vasarely - “V. Vasarely” - L. Degand - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 22

Vasarely – “Vasarely” – L. Degand - 3ème série – n°5 – juin 1952 – pp. 6 à 10

*Vasarely – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars

1953 – pp. 22 et 23

*Vasarely – “L’Art et la manière” – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – pp. 24

et 25

Vézelay – “Paule Vézelay” – M. Seuphor - 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 12

Villon – “Jacques Villon” – Ch. Estienne - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (5

pages)

*Villon – “Le Passage de la ligne” – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952

– pp. 19 et 20

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LXXVIII

*Vivin –“Le Panthéon des Naïfs” – P. Guéguen – 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp.

7 à 9

Werkman – “Werkman (1882-1945)” – W. J. H. B. Sandberg - 3ème série – n°3-4 –

février-mars 1952 – pp. 49 et 53

*Werner (Théodor) – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4ème série

- n°6 - août 1953 – p. 19

*Werner (Woty) – “Présentation de 18 artistes allemands” – G. Schiff - 4ème série -

n°6 - août 1953 – p. 18

*Winter – “Présentation de 18 artistes allemands” – W. Haftmann - 4ème série - n°6 -

août 1953 – p. 17

*Youngerman – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard - 2ème série - n°2 -

novembre 1950 – p. 21

*Zimmerman – “Enquête auprès des jeunes artistes” – J. Alvard -1ère série - n°10-11

- mai-juin 1950 – p. 20

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LXXIX

Annexe XVII Index des brèves par artistes

Toutes les brèves d’exposition à l’exception de quelques-unes qui n’étaient à

l’évidence que des annonces et non des critiques sont mentionnées ci-dessous.

Un astérisque précède un nom lorsque l’artiste fait l’objet d’une critique portant

sur plusieurs créateurs. Il peut alors s’agir soit d’une exposition de groupe, soit du

choix d’un rédacteur d’aborder plusieurs expositions dans une même brève.

L’index est classé par noms d’artistes selon l’ordre alphabétique, puis, pour

chaque artiste, selon l’ordre chronologique de parution des brèves.

Agam – M. Seuphor - 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 32

Akermann - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – p. 27

Alechinsky – M. Seuphor - 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 31

Anthoons – L. Degand - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 23

Anthoons – M. Seuphor - 2ème série – n°8 – octobre 1951 – p. 32

Anthoons – H. Wescher - 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p. 30

Araceli – L. Degand - 5ème série – n°1 – février 1954 – p. 34

*Arcay – R. Van Gindertael - 3ème série – n°7-8 – octobre 1952 – p. 62

Arcay – L. Degand - 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 61

Arnal – J. Alvard - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

*Arnal – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

*Arp – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Arp – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 30

Arp – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

*Arp – L. Koenig – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 31

*Arp – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Baertling – M. Stein - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

*Baertling – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

Balla - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 28

Barrios – J. Alvard - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Barta – M. Seuphor - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 32

Battistini – L. Degand - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 29

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LXXX

*Battistini – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Baumeister – L. Degand - 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Baumeister – M. Seuphor - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Bazaine – L. Degand – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Bazaine – M. Seuphor - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Bazaine – L. Degand - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Bentin – P. Guéguen - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Bertholle – J. Alvard - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – n. p.

*Bertholle – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

*Bertholle – J. Alvard - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Bertini – R. Van Gindertael - 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 31

Bertini – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Bertrand (Gaston) – L. Degand - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Bertrand (Huguette) – R. Van Gindertael - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 31

Bertrand (Huguette) – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Bertrand (Huguette) – H. Wescher - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

*Bill – X. Lance – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

*Bill – S. Bröse - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

*Bissier – S. Bröse - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Bissière – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Bissière – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 29

*Bitran – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

Bloc – L. Degand – 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p.

Bloc – L. Degand - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 33

Bombois – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

*Bonnet – L. Degand - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 - p. 64

Borès – R. Van Gindertael - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 - p. 46

Borès – H. Wescher - 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 61

Borsi – Verdet – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 31

Bott – J. Alvard - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p.

Bott – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Bott – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 65

Boumeester – R. Van Gindertael - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Boumeester - 5ème série – n°1 – février 1954 – p. 34

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LXXXI

*Bozzolini – L. Degand - 2ème série – n°4 – mars 1951 – p. 28

Bozzolini – L. Degand - 4ème série – n°5 – juillet 1953 – p. 31

*Bozzolini – P. Guéguen - 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 62

Brazzola – R. Van Gindertael - 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 63

*Breer – R. Bordier - 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 60

Breuil – M. Seuphor - 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 30

Bucaille – R. Bordier - 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 62

Buffet - 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p.

Burchard – Ch. Estienne - 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Burchard – P. Guéguen - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Burchard-Simaika – P. Guéguen - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 57

Bursens – J. Delahaut - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 27

Bury – J. Seaux - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Cahn – M. Seuphor - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

Caillaud – Ch. Dulaïen - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Calder – L. Degand - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

*Calern – J. Alvard - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 31

Callery – R. Van Gindertael – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

*Calliyanis – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Calmis – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

*Camille – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Carletti – L. Degand - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Carlstedt - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

de Caro-Vieillard – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Carreno – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952 - p. 31

Carrey - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Carrey – R. Van Gindertael - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Carrey – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Carrey – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Carrey – J. Alvard - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Carrey – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Cassandre – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p . 31

*Cely – D. M. - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Chagall – J. Alvard - 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

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LXXXII

Chagall – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 22

Chagall – L. Degand - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

*Chapoval – J. Alvard - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Chapoval – R. Van Gindertael - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Chesnay – L. Degand - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 29

Claire - R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Clark-Ribeiro – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

*Cognasse – J. Alvard - 3ème série – n°6 - août 1952 – p. 31

Coppel – J. Alvard - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 - p. 27

*Corpora – L. Degand - 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 60

Coulon - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 23

*Dalvit – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Davring – M. Seuphor - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Degottex - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Delahaut – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Delahaut – J. Seaux - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

Delaunay (Robert) – L. Degand - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Delaunay (Sonia) – L. Degand - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 31

*Delaunay (Sonia) – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Dewasne – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 28

Deyrolle – L. Degand - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 29

Deyrolle – H. Wescher - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 31

*Deyrolle – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

Deyrolle – R. Bordier - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Dias - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 29

Divi – H. Wescher - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

*Dmitrienko – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Dmitrienko – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Dombeck – P. Guéguen - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Domela – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Domela – P. Guéguen - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

*Doucet – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Doucet – J. Alvard - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

Doucet – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

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LXXXIII

*Dufour – P. Guéguen - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Dumitresco – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 - p. 28

Dumitresco – M. Seuphor - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 62

Duthoo – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Duthoo – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Duthoo – P. Guéguen - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Elliott – G. Buffet - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 28

Enard – J. Alvard - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Ernst – Ch. Estienne - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Ernst – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

Fabra - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Fahr-el-Nissa Zeid – L. Degand - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Fahr-el-Nissa Zeid – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Fahr-el-Nissa Zeid – L. Degand - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Falchi – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 27

Feininger – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

*Fichet – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

*Fichet – H. Wescher - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Filozof – P. Guéguen - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 65

Filozof - H. Wescher - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

Fin – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Fiorini – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

*Fiorini – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

*Fleischmann – J. Alvard - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Fleischmann – L. Degand – 2ème série - n°6 – juin 1951 – p. 28

*Fogt – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Folmer – L. Degand - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Folmer – D. M. - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Fougeron – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

*Fougery – D.M. - 3ème série - n°5 - juin 1952 - p. 28

Francis – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Freundlich – L. Degand - 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 61

Freundlich – P. Guéguen - 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 59

Friedlander – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p.

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LXXXIV

Friedlander – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Friest – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – p . 34

Garbell – L. Degand - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

Gauthier – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Gauthier – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

*Gerdur – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Gerdur – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Giacometti – P. Guéguen - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 62

Giacometti – R. Van Gindertael - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Gilioli – Ch. Estienne - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

*Gilioli – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

Gilioli – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

Gilles – J. Delahaut - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 55

Gillet – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Gilot – Verdet - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 31

Gischia – L. Degand - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Glaner – L. Degand - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Gleizes – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Gleizes – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Goebel – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 - p. 30

Goetz - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Goetz – P.-E. Sarisson - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Goetz – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Goetz – R. Bodier - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Gonzalès (Roberta) – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Gonzalez (Julio) – L. Degand - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Gonzalez (Roberta) – R. Van Gindertael - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Grégori – L. Degand - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 61

Gromaire – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Gromaire – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Gruber – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

*Guitet – H. Wescher - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

*Haass – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Hajdu – P. Guéguen - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

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LXXXV

Hamoudi – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

*Hartung – L. Degand - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

Hartung – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

Hayter – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Hayter – R. Van Gindertael - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 27

Helle – P. Guéguen - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 - p. 60

Herbin – L. Degand – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 59

Herbin – P. Guéguen - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 60

Herbin – L. Koenig - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 31

Herbin – L. Degand - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

*Hillaireau – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Hirschfield – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Hulbeck – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 31

Hundertwasser – L. Degand - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Idoux – L. Degand - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

*Istrati – P. Guéguen - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Jacobsen – Dewasne - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Jacobsen – L. Degand – 2ème série – n°3 – janvier 1951 - p. 30

Jacobsen – J. D.4 - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

*Jonas – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Joulia – R. Bordier - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Joulia – R. Bordier - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Kalinovski – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Kalinowski – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Kalinowski – H. Wescher - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Kandinsky – J. Alvard – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p.

Kandinsky – R. Van Gindertael - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 29 et 30

Kandinsky – L. Degand – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 27

Kandinsky – Dr L. Grote - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Kandinsky – H. Wescher - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 27

4 Il s’agit très probablement de Jean Delahaut.

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LXXXVI

Kauffman – R. Van Gindertael - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

*Kaufman – R. Bordier - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Kayler – M. Seuphor - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Kemeny (Madeleine) - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Kemeny (Zoltan) - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Klee – M. Bill – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Klee – L. Degand - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

Klee – J. Alvard - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Koenig – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 64

*Krampen – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Lam – L. Degand - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Lambert – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

*Lanskoy – L. Degand - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

Lanskoy – L. Degand - 4ème série - n°1 – janvier 1953 - p. 30

Lapicque – L. Degand - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 31

Lapicque – M. Seuphor - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Lapicque – M. Seuphor - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Lardera – P. Courthion - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

Lardera – J. D. - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

Laurens – L. Degand - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 29

Le Corbusier – M. Seuphor - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 26

Le Moal – L. Degand - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Léger – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Léger – R. Van Gindertael - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 30

Léger – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Léger – M. Seuphor - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Legrand – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Legrand – M. Seuphor - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Leppien - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 28

Leppien – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Leppien – J. Delahaut - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Leuppi – Oeri - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 31

*Leuppi – P. Guéguen - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Lhote – L. Degand - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

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LXXXVII

Lhote – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 28

Lipsi – H. Wescher - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

*Lolo – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Longuet-Boisecq – P. Guéguen - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Lopuzniak – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Loubchansky – R. Van Gindertael - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Loubchansky – L. Degand - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Madi – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Madoura – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

*Magnelli – R. Bordier - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

Magnelli – J. Delahaut - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 29

Maillet – M. Seuphor - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Mannoni – P. Guéguen - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

*Manton – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Manton – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Manton – R. Van Gindertael - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

Manton – M. Seuphor - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Marchand – L. Degand - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Margrit – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

*Martin – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Masson (André) – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Masson (André) – R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

*Masson (Raymond) – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Mastroianni – J. Alvard - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Mathieu – M. Seuphor - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Matisse – L. Degand - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

*Mazetti – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Michaux – J. Alvard - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Milo – L. Degand - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Milo – J. Delahaut - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 55

Miro – Ch. Estienne - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 26

Miro - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 24

Moholy Nagy – J. Alvard - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Mondrian – M. Seuphor - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

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LXXXVIII

*Montlaur – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Montlaur – P. Guéguen - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Moore – J. Delahaut – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Morellet – J. Alvard - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Mortensen – Dewasne - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Mortensen – L. Degand - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 32

Mortensen – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 27

*Moser – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Mouly – L. Degand - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Mucha – L. Degand - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Mucha (Willy) – L. Degand - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Mucha (Willy) – L. Degand - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

*Muller – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

*Music – L. Degand - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 60

*Nallard – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

*Nallard – P. Guéguen - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

*Nallard – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

*Navarro – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Nejad – R. Van Gindertael - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 30

Nejad – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Nouveau – L. Degand - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Nouveau – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

*Olson – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

*Oramas – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Ozenfant – H. Wescher - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 32

Pagava – R. Van Gindertael - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 30

Pan - R. Van Gindertael - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

*Panafieu – H. Wescher - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Papart – Verdet – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 31

*Pevsner – X. Lance – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

*Pfriem – H. Wescher - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Piaubert – H. C. - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Piaubert – R. Van Gindertael - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Picabia – J. Arp - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

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LXXXIX

Picasso – J. Alvard - 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

Picasso – L. Degand - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 59

Pignon – L. Degand - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Pignon – L. Degand - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Pillet (Edgard) – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

Pillet (Edgard) – J. Delahaut - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 27

*Pillet (Edgard) – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Pillet (Hélène) – R. Van Gindertael - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 30

Pillet (Hélène) – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

Pink – M. Seuphor - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Pink – H. Wescher - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

*Pinto – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Poliakoff – J. Alvard - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Poliakoff – P. Guéguen - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Poliakoff - R. Van Gindertael - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Poliakoff – L. Degand - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

*Pouget – R. Bordier - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

*Prebandier – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

*de Preste – H. Wescher – 5ème série – n°7 – novembre 1954 – p. 30

Proweller – G. Buffet - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 30

Proweller – H. Wescher - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Quentin – L. Degand - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

*Quentin – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Ramon – R. Van Gindertael - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Ranger – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Raouda – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

*Raymond – Alvard - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Raymond – R. Van Gindertael - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Raymond – Ch. Estienne - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Raymond – J. D. - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

Reichel – R. Van Gindertael - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

*Reichel – J. Alvard - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Reichel – H. Wescher - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Resse – R. Bordier - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

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XC

Rets – J. Delahaut - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

*Rezvani – J. Alvard - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Rezvani – J. Alvard - 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 31

Rossiné – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 64

Rouault – L. Degand - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Sager – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

*Sager – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 31

Sauer – R. Van Gindertael - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 31

Sauer – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Schneider – Ch. Estienne - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

*Schneider – L. Degand - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

*Schöffer – J. Alvard - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Schöffer – M. Seuphor - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Schöffer – M. Seuphor - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 64

Schwitters – L. Degand - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Seiler – H. Wescher - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Selchow – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Selchow – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Seuphor – L. Degand - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Séverini – M. Seuphor - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Signac – L. Degand - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Singier – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

*Sivard – H. Wescher - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 30

*Spencer – R. Van Gindertael - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 31

Springer – R. Van Gindertael - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

de Staël – R. Van Gindertael - 1ère série - n°10-11 - mai-j uin 1950 – p. 26

de Staël – L. Degand – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p. 33

*Stahly – J. Alvard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Staritzky – M. Seuphor - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Steinberg – P. Guéguen - 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 30

Szobel – L. Degand - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 30

*Taeuber-Arp – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

*Taeuber-Arp – L. Koenig – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 31

Taeuber-Arp – G. Schiff - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 55

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XCI

Taeuber-Arp – L. Leuppi - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 55

*Taeuber-Arp – R. Bordier - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

Tagaya – H. Wescher - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

*Tajiri – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Tal Coat – L. Degand - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Tal-Coat – P. Guéguen -1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Tamayo – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Théry – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Thieler – H. Wescher - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Tinguely – R. Bordier - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 62

Tinguely – R. Bordier - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

*Trokes – P. Guéguen - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Tryggvadottir – H. Wescher - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Tsingos – R. Van Gindertael - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Tsuchiya – H. Wescher - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Tsue-ta-tee – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Ubac – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Van Haardt – R. Van Gindertael - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 64

Van Hardt – H. Wescher - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 32

*Van Lint – L. Degand - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 64

Van Velde (Bram) – L. Degand - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Van Velde (Geer) – L. Degand - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 29

Vantongerloo – X. Lance – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

*Vantongerloo – S. Bröse - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Varga – J. Alvard - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

Vasarely – J. Alvard - 1ère série - n°1 - juin 1949 – n.p.

Vasarely - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 26

Vasarely – J. Seaux - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 31

Vessereau - J. Alvard - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 29

Vezelay – L. Degand - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Vieira Da Silva – J. Alvard - 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

Viera Da Silva – R. Van Gindertael - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

*Vieira Da Silva – R. Van Gindertael - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Vieira Da Silva – P. Guéguen - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 32

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XCII

Villon – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 30

Villon – L. Degand - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Villon – P. Guéguen - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Vuillamy – J. Alvard - 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Vuilliamy – J. Alvard - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Walch – L. Degand - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

*Warb – J. Alvard - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Warb – H. Wescher – 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 32

Webb – M. Seuphor - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Wendt – R. Van Gindertael - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

Werner (Lambert) – H. Wescher - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Werner (Theodor) – L. Degand - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Werner (Woty) – R. Van Gindertael - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

*Yersin – L. Degand - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Zadkine – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p.

Zack – M. Seuphor - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Zack – L. Degand - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Zao-Wou-Ki – L. Degand - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Zemplenyi – B. Endre – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Zimmerman – R. Van Gindertael - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

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XCIII

Annexe XVIII Index des articles par rédacteurs

Une entrée par rédacteurs est privilégiée ici afin de recenser différemment les

articles parus dans Art d'aujourd'hui.

Lorsqu’un astérisque précède le nom de l’auteur cela signifie que le texte a

été rédigé par plusieurs rédacteurs. Les séries ("L’Art et la manière", "Le Passage de

la ligne", etc.) sont, quant à elles, mentionnées et mises en évidence par un

soulignement.

L’index est classé par noms de rédacteurs selon l’ordre alphabétique, et ce

même ordre est conservé pour les articles de chacun.

Adhemar – “Cinquante années de gravure” – 1ère série – n°9 – avril 1950 – pp. 2 à 6

Agay – “Architecture des fous” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – p. 22

Agay – “L’Artiste et son modèle” - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 16 à 18

Agay – “Art populaire : les masques diaboliques de Lötschental” – 2ème série – n°5 –

avril-mai 1951 – pp. 14 à 16

*Agay – “Leur deuxième métier” – 2ème série - n°1 - octobre 1950 – pp. 22 à 25

Agay – “Peinture foraine” - 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (2 pages)

Agay – “Sculptures naïves” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 19

Albert-Birot – “A propos d’cubes” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – p. 77

Alley – “Les Origines de l’art moderne en Grande-Bretagne” – 4ème série – n°2 –

mars 1953 – pp. 1 à 3

Alvard – “L’Art populaire” – 3ème série – n°6 – août 1952 – pp. 11 à 14

Alvard – “L’Art psychopathologique à Sainte-Anne” – 2ème série – n°2 – novembre

1950 – pp. 23 à 25

Alvard – “L’Atelier de Brancusi” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 8

Alvard – “Au Palais des papes” – 1ère série – n°3 – octobre 1949 – n.p. (1 page)

Alvard – “D’abord donner à voir” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – p. 29 et 33

Alvard – “D’une nature sans limites à une peinture sans bornes” – 4ème série – n°5 –

juillet 1953 – p. 1 à 5

Alvard – “L’Ecole de Paris” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 38 et 39

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XCIV

Alvard - “Enquête auprès des jeunes artistes” – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 –

pp. 19 à 22

Alvard - “Enquête auprès des jeunes artistes” – 2ème série - n°2 - novembre 1950 –

p. 20 et 21

Alvard – “L’Espace cubiste” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – pp. 43 à 49

Alvard – Fantaisies typographiques et calligrammes” – 3ème série – n°3-4 – février-

mars 1952 – pp. 28 à 32

Alvard – “Hasards et intentions” – 3ème série – n°5 – juin 1952 – p. 27

Alvard – “Les Idées de Malevitch” – 4ème série – n°5 – juillet 1953 – pp. 16 à 21

Alvard – “Quelques jeunes Américains de Paris” – 2ème série – n°6 – juin 1951 – pp.

24 et 25

Alvard – “Le Salon de mai” - 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – pp. 8 et 9

Alvard – “Le Symbolisme et la primauté de l’esprit” – 1ère série – n°6 – janvier 1950 –

n.p. (1 page)

Arp – “Formes” - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 36 et 37

Bachelard – “Matière et main” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 9

Bayer – “Del Marle” – 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (1 page)

Béothy – “L’Espace-temps” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – p. 10

Bissière – “Défense d’afficher” - 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – p. 7

Blaizot – “Grandeur et misère du livre d’art français” - 1ère série – n°9 – avril 1950 –

p. 10

Bloc – “Peut-on le dire ?” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp.1 et 2

Bloc – “Sculpture en plein air” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 4 et 5

Bordier – “L’art est un service social” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 13 à

31

Bordier – “L’Art et la manière : Arp, les reliefs et le plâtre” – 5ème série – n°4-5 – mai-

juin 1954 – pp. 44 et 45

Bordier – “L’Art et la manière : automatisme et méthode chez Mortensen” – 5ème

série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 46 et 47

Bordier – “L’Art et la manière : Cicero Dias et le fait mural” – 5ème série – n°6 –

septembre 1954 – pp. 16 et 17

Bordier – “L’Art et la manière : Deyrolle et la détrempe” - 5ème série – n°1 – février

1954 - pp. 21 et 22

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XCV

Bordier – “L’Art et la manière : Hartung ou l’improvisation travaillée” – 5ème série –

n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 44 et 45

Bordier – “L’Art et la manière : intransigeance d’Auguste Herbin” – 4ème série – n°8 –

décembre 1953 – pp. 20 et 21

Bordier – “L’Art et la manière : la constante sollicitation d’André Bloc” – 5ème série –

n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 48 et 49

Bordier – “L’Art et la manière : la progressivité chez Gilioli” - 5ème série – n°1 –

février 1954 - pp. 23 et 24

Bordier – “L’Art et la manière : Lardera devant la matière” – 5ème série – n°7 -

novembre 1954 – pp. 20 et 21

Bordier – “L’Art et la manière : le fer et le faire de Jacobsen” – 5ème série – n°2-3 –

mars-avril 1954 – pp. 48 et 49

Bordier – “L’Art et la manière : l’espace malléable de Pevsner” – 4ème série – n°8 –

décembre 1953 – pp. 24 et 25

Bordier – “L’Art et la manière : mesure de Pillet : réflexe intellectuel et

reconnaissance de l’imprévisible” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 46 et

47

Bordier – “L’Art et la manière : Michel Seuphor ou une poétique du trait” – 5ème série

– n°7 - novembre 1954 – pp. 18 et 19

Bordier – “L’Art et la manière : Poliakoff entre l’expérience et la spontanéité” – 4ème

série – n°8 – décembre 1953 – pp. 22 et 23

Bordier – “L’Art et la manière : principe et technique de Bozzolini : stricte préparation

plastique, peinture à l’oeuf” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 50 et 51

Bordier – “L’Art et la manière : Schöffer et la priorité donnée au métal” – 5ème série –

n°6 – septembre 1954 – pp. 14 et 15

Bordier – “L’Art et la manière : simplicité de Magnelli” - 5ème série – n°1 – février

1954 - pp. 20 et 21

Bordier – “L’Art et la manière : Sonia Delaunay ou la couleur avant toute chose” –

5ème série – n°6 – septembre 1954 – pp. 12 et 13

Bordier – “L’Art et la manière : un logicien du comportement esthétique : Dewasne”

– 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 50 et 51

Bordier – “L’Art la manière : Vasarely ou un certain ordre de conséquences” - 5ème

série – n°1 – février 1954 - pp. 24 et 25

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XCVI

Bordier – “Diversité des œuvres, des hommes, des idées” – 5ème série – n°8 –

décembre 1954 – pp. 6 à 10

Bordier – “Il faut lever l’hypothèque des salons” – 5ème série – n°6 – septembre 1954

– p. 22

Bordier - “Il faut maintenant connaître Lacasse” – 5ème série – n°7 – novembre 1954

- pp. 13 à 15

Bordier – “Les Œuvres de Caracas” – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – pp. 2 à 6

Bordier – “Premier Salon de la sculpture abstraite” – 5ème série – n°8 – décembre

1954 – pp. 3 à 5

Bordier – “Les Surréalistes n°2” – 5 ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 54

Boubat - “Rencontres fortuites” – 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Boudaille – “L’Affiche” – 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p. (2 pages)

*Boudaille – “Leur deuxième métier” – 2ème série - n°1 - octobre 1950 – pp. 22 à 25

Boudaille – “La Participation italienne à la 25ème Biennale de Venise” – 2ème série –

n°1 – octobre 1950 – p. 28

Boudaille – “Photogrammes” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – p. 17

Boudaille – “Tatouage” - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 14 et 15

Brion – “Le Fauvisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 8 à 10

Buache – “Sept Pionners de la sculpture moderne en en Suisse romande” – 5ème

série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 38 et 39

Buffet – “Quelques aperçus de Dada” – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp.

10 à 13

Buffet – “La Section d’or” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – pp. 74 à 76

Buffet-Picabia – “Dada” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 27 à 31

Buys – “Le Développement de Théo Van Doesburg” – 4ème série – n°8 – décembre

1953 – pp. 1 à 6

Chastel – “Extraits d’une lettre à A. Flocon” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – pp. 18 et

19

Chita de la Calle – “L’Architecture et l’organisation des musées d’Art moderne” –

2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 15

Clair - “Hommage à Francis Picabia” – 4ème série – n°8 – décembre 1953 - p. 16

Clapp - “Calder” –– 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – pp. 2 à 11

*Davis – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 23

Degand - “A. Bloc” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 4

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XCVII

Degand - “A. Calder” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 5

Degand - “Adam” – 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p. (1 page)

Degand - “L’Affaire Picasso” - 3ème série – n°6 – août 1952 – p. 29

Degand – “L’Air de Paris” – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (1 page)

Degand - “A. Magnelli” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 16

Degand – “L’Art d’avant-garde en Italie” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – 2 ème de

couverture et p. 33

Degand – “L’Art de négliger l’essentiel” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 – p. 22

Degand – “L’Artiste et l’artisan” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 7

*Degand – “Artistes américains contemporains au Musée d’art moderne de Paris -

peinture” – 4ème série – n°5 – juillet 1953 – p. 15

Degand – “Attention aux simulateurs” - 5ème série – n°1 – février 1954 - pp. 10 et 11

Degand – “Bibliographie pour comprendre la peinture” – 2ème série – n°2 – novembre

1950 – p. 17

Degand – “La Biennale de Venise” – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – pp. 23 à

25

Degand - “Braque” – 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – p. 45

Degand - “Cicero Dias” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 9

Degand - “E. Pillet” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 18

Degand – “L’Epouvantail de l’académisme abstrait” – 2ème série – n°4 – mars 1951 –

pp. 32 et 33

Degand – “L’Espace des arts plastiques” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – pp. 2 à

5

Degand – “Essai de classification” – 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 2 à 4

Degand – “Essai d’intégration des arts” – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p. 1

Degand – “Exposition d’art abstrait italien et français à Rome” – 4ème série – n°5 –

juillet 1953 – pp. 12 et 13

Degand - “Exposition du Stijl – Stedelijk Museum - Amsterdam” – 2ème série – n°8 –

octobre 1951 – p. 26

Degand - “Exposition Jacobsen à Paris” – 4ème série – n°1 – p. 26

Degand – “L’Exposition Picasso au Musée d’art moderne de Rome” – 4ème série –

n°5 – juillet 1953 – p. 14

Degand – “F. Léger” – 1ère série – n°3 – octobre 1949 - n.p. (3 pages)

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XCVIII

Degand – “Fâcheuses Découvertes au Musée d’art moderne de Paris“ – 4ème série –

n°1 – janvier 1953 – p. 28

Degand – “Le Film sur l’art” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 27 à 29

Degand – “Films sur l’art” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – p. 28

Degand – “Futurisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – p. 17

Degand – “Guillaume Apollinaire et le cubisme” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953

– pp. 71 à 73

Degand - “H. Arp” – 3ème série - n°1 – décembre 1951 – p. 3

Degand - “Henry Moore” – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (3 pages)

Degand - “Introduction à Cinquante ans de sculpture” – 2ème série – n°3 – janvier

1951 – pp. 1 à 5

Degand – “Italiens de Paris” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – pp. 18 à 22

Degand - “J. Dewasne” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 8

Degand – “J. Deyrolle” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 7

Degand - “Julio Gonzalez 1876-1942” – 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p. (5

pages)

Degand – “Klar Form” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – pp. 1 et 2

Degand - “Klee” – 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – p. 16

Degand - “Kupka” – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp. 54 à 58

Degand – “Lapicque et Manessier” - 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p. (1 page)

Degand – “La Leçon de la Biennale” – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 26

Degand – “Lettre à quelques peintres figuratifs que guette l’abstraction” – 3ème série

– n°5 – juin 1952 – pp. 1 à 5

Degand – “La Lettre et le signe dans la peinture” – 3ème série – n°3-4 – février-mars

1952 – pp. 1 à 9

Degand - “Manessier et la recherche d’une logique picturale” – 4ème série – n°1 –

janvier 1953 – pp. 20 à 24

Degand – “Le musée qui devrait être exemplaire : le musée d’Art moderne de

Paris…” – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – pp. 20 et 21

Degand – “Note d’un critique d’art continental sur la peinture et la sculpture

d’aujourd’hui en Grande-Bretagne“ – 4ème série – n°2 – mars 1953 – pp. 16 et 17

Degand – “Notes de voyage d’un critique d’art” - 3ème série – n°6 – août 1952 – p. 33

Degand - “Notes sur Calder” - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – p. 12

Degand – “Notes sur Hartung”– 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp. 22 à 25

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XCIX

Degand – “Les Nouveaux courants à Paris de 1930 à 1950” - 1ère série – n°7-8 –

mars 1950 – pp. 42 à 44

Degand – “L’Œuvre du XXème siècle” – 3ème série – n°5 – juin 1952 – p. 24

Degand – “Paris : le Salon des Réalités Nouvelles” – 4ème série – n°6 – août 1953 –

p. 28

Degand – “La Peinture cubiste” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – pp. 8 à 31

Degand – “La Peinture mexicaine du XVIIIème siècle à nos jours” – 3ème série – n°6 –

août 1952 – pp. 8 et 10

Degand – “Propos sur la critique d’art – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 –

pp. 25 à 27

Degand – “Le IVème Salon de la jeune sculpture” – 3ème série – n°6 – août 1952 – pp.

24 et 25

Degand – “La Querelle du chaud et du froid” – 4ème série – n°1 – janvier 1953 – pp. 9

à 14

Degand - “Le Rayonnisme : Larionov, Gontcharova” – 2ème série – n°2 – novembre

1950 – pp. 26 à 29

Degand – “Réflexions sur la synthèse des arts (extraits)” – 5ème série – n°4-5 – mai-

juin 1954 – p. 33

Degand - “R. Jacobsen” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 12

Degand - “R. Mortensen” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 17

Degand – “Robert Delaunay” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 6 à 11

Degand - “Rossiné” – 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 26 et 27

Degand – “La Sculpture de 1930 à 1950” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – pp. 20 à

27

*Degand – “Le Septième Salon des Réalités Nouvelles” – 3ème série – n°6 – août

1952 – p. 26

Degand – “La Situation sociale de l’artiste” – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – pp.

17 et 18

Degand – “Signification du collage” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 2

Degand – “Situation et signification du cubisme” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953

– p. 1

Degand – “La Synthèse des arts plastiques dans le passé” – 5ème série – n°4-5 –

mai-juin 1954 – pp. 2 à 5

Degand - “Taeuber-Arp” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 21

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C

Degand – “Une nouvelle psychologie de l’art” - 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p.

(1 page)

Degand – “Vasarely” - 3ème série – n°5 – juin 1952 – pp. 6 à 10

Degand – “La XXVIème Biennale de Venise” – 3ème série – n°6 – août 1952 – pp. 15 à

17

Degand - “V. Vasarely” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 22

*De Kooning – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p.

18

Delahaut – “Anvers : deuxième Biennale de la sculpture au parc de Middelheim” –

4ème série – n°6 – août 1953 – p. 28

Delahaut – “Deux expositions à Bruxelles” – 3ème série – n°6 – août 1952 – p. 23

*Delahaut - “Exposition André Bloc à Bruxelles” – 4ème série - n°1 – janvier 1953 – p.

25

Del Marle – “Le Constructivisme… et son influence” – 2ème série – n°3 – janvier 1951

– p. 9

Del Marle - “La Couleur au service de l’homme” – 4ème série – n°1 – janvier 1953 –

pp. 1 et 2

Del Marle – “La Couleur dans l’espace” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – pp. 11 à

13

Del Marle – “Le Néoplasticisme” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 9

Del Marle – “Prolégomènes” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – pp. 6 et 7

Del Marle – “Le Suprématisme” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 8

Descargues – “Méfions-nous des graveurs et pourtant…” - 1ère série – n°9 – avril

1950 – pp. 20 et 21

Di San Lazzaro – “Les Erreurs de la Biennale” – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p.

27

Dor de la Souchère – “Le Musée d’Antibes et Picasso” – 2ème série – n°5 – avril-mai

1951 – pp. 22 à 25

Dorazio – “Les Premières Réalisations architecturales – La triennale de Milan” – 3ème

série – n°2 – janvier 1952 – pp. 23 à 27

Dorflès – “Art abstrait – Italie 1951 - Milan” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – pp. 1

à 6

Duverneuil - “A propos d’une interview de Braque” – 4ème série – n°6 – août 1953 –

p. 29

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CI

*Ertel – “Présentation de 18 artistes allemands” - 4ème série - n°6 - août 1953 – pp. 7

à 19

Estang – “Exposition internationale de l’art abstrait d’Aix-les-Bains” – 1ère série – n°3

– octobre 1949 – n.p. (1 page)

Estang – “Herbin le rigoureux” - 1ère série – n°4 - novembre 1949 – n.p. (1 page)

Estienne - “Arp. Poète” - 1ère série - n°10-11 – mai-juin 1950 - pp. 39 à 41

Estienne – “L’Art abstrait : origine et évolution” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp.

18 à 21

Estienne – “Hans Hartung : un style de l’expressif pur” – 2ème série – n°4 – mars

1951 – pp. 20 et 21

Estienne - “Jacques Villon” – 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (5 pages)

Estienne - “Jean Deyrolle ou la continuité de la peinture” – 2ème série – n°5 – avril-

mai 1951 – pp. 18 à 21

Estienne – “Lapicque’ – 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p. (1 page)

Estienne - “Magnelli” – 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – pp. 12 à 15

Estienne – “Situation de Kandinsky” - 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p. (1 page)

Faucheux – “Construction de la lettre” – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp.

22 à 27

Fautrier – “Eau-forte 1950” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 11

Flocon – “L’Eloge du burin” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 13

Galvano – “Art abstrait – Italie 1951 - Turin” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – pp.

16 et 17

Gheerbrant – “L’Effort typographique” – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp.

14 à 21

Giedion-Welckner – “La Peinture de Kandinsky” - 1ère série – n°6 – janvier 1950 –

n.p. (4 pages)

*Ginsberg – “Concours du groupe Espace – rue du docteur Blanche” – 4ème série –

n°5 – juillet 1953 – pp. 22 et 23

*Glarner – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 18 et

19

Goetz – “Improvisation de la gravure” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 12

Gorin – “Influence de Mondrian” - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (1 page)

*Gottlieb – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – 2ème série - n°6 - juin 1951 – pp. 23

Grote – “Quelques points d’histoire” – 4ème série – n°6 – août 1953 – pp. 1 à 5

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CII

Guéguen – “Anti-synthèse” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 34 et 35

Guéguen – “Artistes américains contemporains au musée d’Art moderne de Paris -

sculpture” – 4ème série – n°5 – juillet 1953 – p. 15

Guéguen – “Azur et abstraction” - 3ème série – n°6 – août 1952 – p. 28

Guéguen – “Le Bonimenteur de l’Académisme tachiste – 4ème série – n°7 – octobre-

novembre 1953 – pp. 29 et 30

Guéguen – “Bravo… les artistes ! ” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – pp. 8 et 9

Guéguen – “Brutes ou pas brutes” – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (2

pages)

Guéguen – “Une démonstration du Groupe Espace” – 5ème série – n°6 – septembre

1954 – pp. 18 à 21

Guéguen – “Le Dessin” - 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p. (1 page)

Guéguen – “Le dessin est un jeu… le jeu, une analogie créatrice” – 2ème série – n°2

– novembre 1950 – pp. 6 et 7

Guéguen – “Deux Pôles de la peinture naïve” - 5ème série - n°6 -septembre 1954 –

pp. 7 à 11

Guéguen – “Le Graffito” – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp. 45 à 48

Guéguen – “Haïti” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – pp. 18 et 19

Guéguen - “Hommage à Henri Laurens” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp.

52 et 53

Guéguen – “Idées générales sur la sculpture – A propos de l’exposition d’Yverdon” –

5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 38 à 43

Guéguen – “L’Humanité terrible des mangeurs de bonbons” – 2ème série – n°2 –

novembre 1950 – pp. 4 et 5

Guéguen - “L’Indigence de Braque” – 4ème série – n°6 – août 1953 – p. 29

Guéguen – “Le Jasis graphique ou les gribouillis” – 2ème série – n°2 – novembre

1950 – pp. 2 et 3

Guéguen – “Les Libertés du dessin d’enfant” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 –

pp. 14 et 15

Guéguen – “Matière et maîtrise, une évolution : le tachisme” – 5ème série – n°2-3 –

mars-avril 1954 – pp. 52 et 53

Guéguen – “Naïfs, enfants, fous” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 40 et 41

Guéguen – “Les Néo-primitifs” – 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp. 1 à 4

Guéguen – Le Panthéon des Naïfs” – 2ème série – n°4 – mars 1951 – pp. 5 à 19

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CIII

Guéguen – “Paris vu par les peintres primitifs modernes” – 2ème série – n°7 – juillet

1951 – pp. 1 à 31

Guéguen - “Pevsner et la conquête plastique de l’espace” – 5ème série – n°1 – février

1954 – pp. 2 à 9

Guéguen – “La Régression” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – pp. 11 à 13

Guéguen – “Schémas et formes” – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – p. 10

Guéguen – “La Sculpture cubiste” - 4ème série - n°3-4 - mai-juin 1953 – pp. 50 à 58

Guéguen - “Tatin” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 54

Guéguen – “Tout n’est qu’image et poursuite d’images…” - 3ème série – n°7-8 –

octobre 1952 – pp. 1 à 57

Guéguen – “Voyage au pays de Chaissac” – 3ème série - n°5 – juin 1952 – pp. 11 à

16

Guerrini - – “Art abstrait – Italie 1951 - Rome” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – pp.

9 à 13

Guerry – “L’Evolution de la notion d’espace” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – p.

9

Gulin – “Exposition Pillet à Helsinki”– 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 27

Gulin - “La Peinture abstraite en Finlande” – 4ème série - n°7 - octobre-novembre

1953 – pp. 12 à 15

*Haftmann - “Présentation de 18 artistes allemands” – 4ème série - n°6 - août 1953 –

pp. 7 à 19

Hendy – “La Sculpture d’Henry Moore” - 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p. (5

pages)

*Hess – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 23

Hugnet – “Surréalisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 32 à 35

Hulten – “Artistes danois vivant en France” - 4ème série - n°7 - octobre-novembre

1953 – p. 22 et 23

Hulten - “Viking Eggeling” –4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 3

Jaffé – “De Stijl” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – pp. 6 à 8

Kahnweiler - “Henri Laurens” –1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p. (3 pages)

Kahnweiler – “Naissance du cubisme” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – pp. 3 à

7

Kandinsky - “W. Kandinsky” - 1ère série – n°6 – janvier 1950 – n.p. (1 page)

Le Corbusier – “Purisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 36 et 37

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CIV

Le Corbusier – “Recherches pour conduire à une sculpture destinée à l’architecture”

- – 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – pp. 10 et 11

Le Corneur – “Similitudes ? Coïncidences plastiques ?” - 1ère série – n°2 – juillet-

août 1949 – p. 16

Léger – “L’Art mural” – 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – p.4

Léger - “Un nouvel espace en architecture” –1ère série – n°3 – octobre 1949 - n.p. (1

page)

Lhote – “Cubisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 11 à 15

Massat – “Antoine Pevsner” – 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 2 à 9

Massat - “Auguste Herbin” - 1ère série – n°4 – n.p. (3 pages)

Massat – “Le 4ème Salon des Réalités Nouvelles” – 1ère série – n°3 – octobre 1949 –

n.p. (2 pages)

Massat – “Les Réalités Nouvelles” – 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – pp.18 à 23

*Massé – “Concours du groupe Espace – rue du docteur Blanche” – 4ème série – n°5

– juillet 1953 – pp. 22 et 23

Maxwell – “De quelques marques relevées sur des taureaux en Argentine“– 4ème

série – n°2 – mars 1953 – p. 25

Middleton – “Huit Sculpteurs britanniques“ – 4ème série – n°2 – mars 1953 – pp. 6 à

9 et p. 18

Moholy Nagy – “Vision en mouvement – Extrait du livre de Moholy Nagy” – 2ème série

– n°5 – avril-mai 1951 – pp. 6 à 8

Moholy Nagy (Sibyl) – “Laszlo Moholy-Nagy : le peintre” - 2ème série – n°8 – octobre

1951 – pp. 18 à 22

Moholy Nagy (Sibyl) – “Moholy Nagy : le photographe” – 2ème série – n°8 – octobre

1951 – pp. 23 à 25

Mondrian – “P. Mondrian” - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Mondrian – “P. Mondrian : le home-la rue-la cité (extraits)” - 1ère série – n°5 –

décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Morita – “Classification et tendances des calligraphes contemporains au Japon” –

5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 18

Morita – “Œuvres de calligraphes et notes biographiques” – 5ème série – n°8 –

décembre 1954 – pp. 19 à 23

Morita – “Quelques œuvres classiques de la calligraphie” – 5ème série – n°8 –

décembre 1954 – pp. 15 à 17

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CV

*Morris – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – 2ème série - n°6 - juin 1951 – pp. 16 et

17

Morris – “La Sculpture abstraite aux U.S.A.” – 4ème série – n°1 – janvier 1953 – pp. 3

à 8

*Mortensen – “Artistes danois vivant en France” – K. G. Hulten - 4ème série - n°7 -

octobre-novembre 1953 – p. 22

*Motherwell – “La Peinture abstraite aux U.S.A.” – 2ème série - n°6 - juin 1951 - pp.

21 et 22

Nicco-Fasola – “Art abstrait – Italie 1951 - Florence” – 3ème série – n°2 – janvier

1952 – pp. 7 et 8

Ozenfant – “L’Art mural”– 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 – p.5

Pedrosa – “Les Rapports de la science et de l’art” – 4ème série – n°6 – août 1953 –

3ème de couverture

Peissi - “Herbin le pur” –1ère série – n°4 – n.p. (1 page)

Perilli - “Deux Peintres futuristes : Bala et Boccioni” –3ème série - n°2 – janvier 1952 -

p. 1

Perriand – “Spectacles au Japon” – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p. (8 pages)

Pillet – “Groupe Espace” – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 18

Pillet – “Pour un large débat : interview de Gillo Dorflès” – 5ème série – n°4-5 – mai-

juin 1954 – pp. 36 et 37

Pillet – “Pour un large débat : interview de M. Gert Schiff ” - 5ème série – n°1 – février

1954 - pp. 16 et 17

Pillet – “Pour un large débat : interview de M. Mario Pedrosa” – 4ème série – n°8 –

décembre 1953 – pp. 14 à 16

Pillet – “Pour un large débat : interview de M. Oscar Reutersvaerd” – 5ème série –

n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 42 et 43

Pillet – “Suppositions et certitudes” - 5ème série – n°1 – février 1954 - p. 12

Poulaille – “Un témoignage d’Henri Poulaille” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 –

p. 15

Prinner – “La Gravure”– 1ère série – n°3 – octobre 1949 – n.p. (10 pages)

Read – “Psychologie de l’art anglais“ – 4ème série – n°2 – mars 1953 – pp. 3 à 6 et p.

18

Reuterswaerd – “Franciska Clausen : constructiviste, cubiste et néoplasticienne

danoise” – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 20

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CVI

Reuterswaerd - “Otto G. Carlsund” – 4ème série – n°7 octobre-novembre 1953 – p. 5

Romero Brest – “Le Monument au prisonnier politique inconnu” – 4ème série – n°5 –

juillet 1953 – pp. 6 à 11

Rousseau – “L’Exposition d’art mexicain – L’art ancien” – 3ème série – n°6 – août

1952 – pp. 1 à 5

Saint-Maur – “Pourquoi l’art mural ?” – 1ère série n°2 – juillet-août 1949 – p. 2

Sandberg – “Réflexions disparates sur l’organisation d’un musée d’art d’aujourd’hui”

– 2ème série – n°1 – octobre 1950 – pp. 1 à 9

Sandberg - “Werkman (1882-1945)” –3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – pp. 49

et 53

Schiff – “Le Groupe de Hambourg” – 4ème série – n°6 – août 1953 – p. 20

Schiff – “La Jeune Génération des peintres et sculpteurs allemands de moins de

trente ans” – 4ème série – n°6 – août 1953 – pp. 21 à 23

*Schiff - “Présentation de 18 artistes allemands” - 4ème série - n°6 - août 1953 – pp. 7

à 19

Schiff – “Le IVème Congrès international des critiques d’art à Dublin” – 4ème série –

n°6 – août 1953 – 3 ème de couverture

Schiff – “La Situation actuelle de l’art abstrait en Allemagne” – 4ème série – n°6 –

août 1953 – p. 6

*Seaux - “Exposition André Bloc à Bruxelles” – 4ème série - n°1 – janvier 1953 – p. 25

Seuphor – “Allemagne” – 4ème série – n°6 – août 1953 – p. 1

Seuphor – “Art sacré” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 – pp. 9 à 12

Seuphor – “L’Aubette” – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – pp. 10 à 13

Seuphor – “La Calligraphie japonaise” – 5ème série – n°8 – décembre 1954 – pp. 13

et 14

Seuphor – “Caracas” - 5ème série – n°1 – février 1954 - pp. 28 et 29

Seuphor – “Collage” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 1

Seuphor – “Le Commerce de l’art” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 – p. 17

Seuphor - “Complément à la Scandinavie” – 5ème série - n°1 – février 1954 – p. 13 à

15

*Seuphor – “Deuxième Album de sérigraphie” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 –

pp. 28 et 29

Seuphor – “Espace animé” – 2ème série – n°5 – avril-mai 1951 – 2 ème de couverture

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CVII

*Seuphor – “Exposition du Stijl – Stedelijk Museum - Amsterdam” – 2ème série – n°8

– octobre 1951 – p. 26

Seuphor - “Henri Matisse” –5ème série – n°7 – novembre 1954 – p. 23

Seuphor – “Islande” – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – pp. 16 et 17

Seuphor – “Maison à Strasbourg en 1927” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p.

12

Seuphor - “Mondrian indésirable” - 5ème série – n°1 – février 1954 - p. 1

Seuphor – “Le Mur” – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n. p. (1 page)

Seuphor – “Les Muses fonctionnaires” – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 19

Seuphor – “L’Orphisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 25 et 26

Seuphor – “Paris-New York 1951” – 2ème série – n°6 – juin 1951 – pp. 4 à 15

Seuphor - “Paule Vézelay” – 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 12

Seuphor - “Piet Mondrian et les origines du néo-plasticisme” – 1ère série – n°5 –

décembre 1949 – n.p. (2 pages)

Seuphor - “Robert Delaunay” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 12 et 13

Seuphor - “Schöffer” –3ème série – n°5 – juin 1952 – p. 23

Seuphor - “Sophie Taeuber-Arp, Jean Arp” - 1ère série - n°10-11 – pp. 28 à 33

Seuphor – “Suprématisme et néo-plasticisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp.

22 à 24

Seuphor – “La synthèse des arts est-elle possible ?” – 5ème série – n°4-5 – mai-juin

1954 – pp. 9 à 11

Seuphor – “Théo Van Doesburg” – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 1

Seuphor – “Un musée dans les bois : le Musée Kröller-Müller” – 2ème série – n°1 –

octobre 1950 – p. 14

Séverini – “A propos du débat sur l‘art sacré contemporain” - 3ème série – n°6 – août

1952 – p. 29

Séverini – “Mangeri” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – p. 28

Sibert - “Jean Leppien” – 5ème série – n°1 – février 1954 – pp. 18 et 19

Söderberg – “L’Art abstrait en Suède de 1910 à 1920” – 4ème série – n°7 – octobre-

novembre 1953 – pp. 1 et 2

Söderberg – “L’Art abstrait en Suède de 1940 à 1950” – 4ème série – n°7 – octobre-

novembre 1953 – pp. 7 et 9

de Solier – “Eau-forte et matières” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – pp. 16 et 17

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CVIII

Stein – “La Peinture abstraite au Danemark – 4ème série – n°7 – octobre-novembre

1953 – pp. 18 à 21

Thwaites – “L’Art abstrait et la vie sociale en Allemagne” – 4ème série – n°6 – août

1953 – p. 24

Thwaites – “Le Blaue Reiter et le développement de l’art abstrait” – 1ère série – n°3 –

octobre 1949 – n.p. (1 page)

Thwaites – “Présentation de 18 artistes allemands” – 4ème série - n°6 - août 1953 –

pp. 7 à 19

Ubac – “L’Ardoise gravée” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – pp. 14 et 15

Van Gindertael - “A. Herbin” - 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 11

Van Gindertael – “L’Art graphique au service de la publicité” – 3ème série – n°3-4 –

février-mars 1952 – pp. 33 à 44

Van Gindertael - “C. Domela” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 10

Van Gindertael - “C. Lapicque” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 13

Van Gindertael - “Del Marle” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 6

Van Gindertael – “Du côté de Dada et du surréalisme” – 2ème série – n°3 – janvier

1951 – pp. 14 et 15

Van Gindertael – “L’Epoque du cubisme” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – pp. 12

et 13

Van Gindertael – “Evidence de la forme” – 3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 23

Van Gindertael – “L’Exposition d’art mexicain – L’art baroque” – 3ème série – n°6 –

août 1952 – pp. 6 et 7

Van Gindertael – “L’Expressionnisme” - 1ère série – n°7-8 – mars 1950 – pp. 5 à 7

Van Gindertael – “Expressionnisme” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 18

Van Gindertael – “Le Fauvisme ou les grandes vacances” – 2ème série – n°8 –

octobre 1951 – p. 32

Van Gindertael - “F. Léger” - 3ème série – n°1 décembre 1951 – p. 15

Van Gindertael - “La Leçon de peinture de Kandinsky” – 1ère série – n°6 – janvier

1950 – n.p. (3 pages)

Van Gindertael - “Le Corbusier” –3ème série – n°1 décembre 1951 – p. 14

Van Gindertael - “M. Raymond” –3ème série – n°1 – décembre 1951 – p. 20

Van Gindertael – “Notes en marge de quelques dessins cubistes” – 4ème série – n°3-

4 – mai-juin 1953 – pp. 63 à 69

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CIX

Van Gindertael – “Notes rapides pour combler le retard ” – 4ème série – n°5 – juillet

1953 – pp. 28 à 30

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Dewasne” – 4ème série – n°1 – janvier

1953 – pp. 18 et 19

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Deyrolle“ – 4ème série – n°2 – mars 1953

– pp. 19 et 20

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Domela” – 3ème série – n°7-8 – octobre

1952 – p. 61

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Freundlich” – 3ème série – n°7-8 –

octobre 1952 – pp. 59 et 60

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Herbin” – 3ème série – n°7-8 – octobre

1952 – pp. 57 à 59

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : jeunes peintres” – 4ème série – n°1 –

janvier 1953 – pp. 15 à 17

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Kandinsky” – 3ème série – n°5 – juin 1952

– pp. 18 et 19

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Kupka” – 3ème série – n°6 – août 1952 –

pp. 18 et 19

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Magnelli” – 3ème série – n°6 – août 1952

– p. 22

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Malevitch” – 3ème série – n°5 – juin 1952

– pp. 19 et 20

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Mondrian” – 3ème série – n°5 – juin 1952

– pp. 20 et 21

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Mortensen“ – 4ème série – n°2 – mars

1953 – pp. 20 et 21

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Pillet” – 4ème série – n°1 – janvier 1953 –

p. 19

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Poliakoff“ – 4ème série – n°2 – mars 1953

– pp. 21 et 22

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Robert Delaunay” – 3ème série – n°6 –

août 1952 – pp. 20 et 21

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Sonia Delaunay” – 3ème série – n°6 –

août 1952 – p. 21

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CX

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Van Doesburg – Van Tongerloo” – 3ème

série – n°5 – juin 1952 – p. 21

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Vasarelly“ – 4ème série – n°2 – mars 1953

– pp. 22 et 23

Van Gindertael – “Le Passage de la ligne : Villon” – 3ème série – n°6 – août 1952 –

pp. 19 et 20

Van Gindertael – “Peintres britanniques d’aujourd’hui“ – 4ème série – n°2 – mars

1953 – pp. 12 à 15

Van Gindertael – “Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui : Lapicque” – 2ème série – n°5

– avril-mai 1951 – pp. 26 et 27

Van Gindertael – “Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui : Lanskoy” – 2ème série – n°8

– octobre 1951 – pp. 30 et 31

Van Gindertael – “Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui : Schneider” – 2ème série – n°6

– juin 1951 – pp. 26 et 27

Van Gindertael – “Quelques remarques à propos des films sur l’art” – 3ème série –

n°1 – décembre 1951 – pp. 31 et 32

Van Gindertael – “Les Réalités Nouvelles” - 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 –

pp. 42 et 43

*Van Gindertael – “Le Septième Salon des Réalités Nouvelles” – 3ème série – n°6 –

août 1952 – p. 27

Van Gindertael – “Sculpture de peintres” – 2ème série – n°3 – janvier 1951 – p. 16 et

17

Vasarely – “L’Artiste et l’éthique” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 – p. 16

Veronesi – “Films abstraits” – 3ème série – n°2 – janvier 1952 – p. 28

Viellard – “Gravure au burin” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 11

Vinchon – “Les Mythes du taureau et du cheval dans les arts normaux et

pathologiques” – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – pp. 14 à 16

Wescher – “Aspects nouveaux du relief” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 – pp. 1

à 7

Wescher - “Ben Nicholson” – 4ème série – n°2 – mars 1953 – pp. 10 et 11

Wescher – “Collages constructivistes et successeurs” – 5ème série – n°2-3 – mars-

avril 1954 – pp. 22 à 24

Wescher – “Les Collages cubistes” – 4ème série – n°3-4 – mai-juin 1953 – pp. 33 à

42

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CXI

Wescher - “Les Collages cubistes” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 4 à 7

Wescher – “Collages dadaïstes et surréalistes” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril

1954 – pp. 17 à 21

Wescher – “Collages de Magnelli” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 39

Wescher – “Collages : esprit spontané” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp.

31 à 35

Wescher – “Collages : expressions de la matière” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril

1954 – pp. 36 à 38

Wescher – “Collages : figuration transposée” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 –

pp. 40 et 41

Wescher – “Collages futuristes” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp. 8 à 11

Wescher – “Collages : rapports de formes et de valeurs” – 5ème série – n°2-3 – mars-

avril 1954 – pp. 25 à 27

Wescher – “Collages : surfaces et plans” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – pp.

28 et 30

*Wescher – “Deuxième Album de sérigraphie” – 5ème série – n°7 - novembre 1954 –

pp. 28 et 29

Wescher – “Introduction [au collage - ndla]” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 –

pp. 3 et 4

Wescher – “Peintres de Paris” – 4ème série – n°6 – août 1953 – pp. 25 à 27

Wescher – “Premiers collages non-figuratifs” – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 –

pp. 12 à 16

Yersin – “Moto-portrait” - 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 12

Yoshikawa – “Exposition d’art japonais au Musée Cernuschi”– 2ème série – n°4 –

mars 1951 – pp. 26 et 27

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CXII

Annexe XIX Index des brèves par rédacteurs

Pour plus de clarté, cet index recense essentiellement les brèves écrites sur

des expositions personnelles. On n’y trouvera pas de titre d’exposition collective

hormis les Salons et les Foires qui se trouvent alors soulignés. Il ne comprend donc

pas absolument toutes les brèves, mais fort peu ont été écartées.

L’index est classé par noms de rédacteurs selon l’ordre alphabétique, et ce

même ordre est conservé pour les brèves de chacun

Alvard - Arnal – 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Alvard - Arnal – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard - Barrios – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Alvard - Bertholle – 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – n. p.

Alvard - Bertholle – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Alvard - Bombois – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard - Bott – 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p.

Alvard - Calern – 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 31

Alvard - Carrey – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Alvard - Carrey – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Alvard - Chagall – 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

Alvard - Chapoval – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Alvard - Cognasse – 3ème série – n°6 - août 1952 – p. 31

Alvard - Coppel – 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 - p. 27

Alvard - de Caro-Vieillard – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Dmitrienko – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard - Doucet – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

Alvard - Enard – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Alvard - Fahr-el-Nissa Zeid – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Alvard - Feininger – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

Alvard - Fiorini – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Alvard - Fleischmann – 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Alvard - Fogt – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

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CXIII

Alvard - Gromaire – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard – Kandinsky – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p.

Alvard - Klee – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Alvard - Manton - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Alvard - Manton - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Alvard - Margrit - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Martin - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Masson (Raymond) - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Alvard - Mastroianni - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Alvard - Michaux - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Alvard - Moholy Nagy - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Alvard - Morellet - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Alvard - Muller - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Nallard - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Alvard - Picasso - 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

Alvard - Pinto - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Poliakoff - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 4 7

Alvard – Premier Salon des jeunes peintres – 1ère série – n°7-8 – mars 1950 - p. 46

Alvard - Quentin - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard - Raouda - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Alvard - Raymond - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Alvard - Reichel - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Alvard - Rezvani - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Alvard - Rezvani - 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 31

Alvard - Sager - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Alvard – Salon d’automne – 1ère série – n°4 – novembre 1949 - n.p.

Alvard – Salon de la Jeune Sculpture – 2ème série – n°1 – octobre 1950 - p. 30

Alvard - Salon de mai – 1ère série – n°2 – juillet-août 1949 - n.p.

Alvard – Salon des Réalités Nouvelles – 1ère série – n°3 octobre 1949 – n.p.

Alvard – Salon des Surindépendants – 1ère série – n°4 – novembre 1949 - n.p.

Alvard - Schöffer - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Alvard - Stahly - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Alvard - Varga - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

Alvard - Vasarely - 1ère série - n°1 - juin 1949 – n.p.

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CXIV

Alvard - Vessereau - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 29

Alvard - Vieira Da Silva – 1ère série - n°2 - juillet-août 1949 – n.p.

Alvard - Vuillamy – 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Alvard - Vuilliamy – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Alvard - Warb – 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 46

Arp - Picabia - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Bill – Klee – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Bordier - Arp – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Bordier - Baertling – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

Bordier - Bitran – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

Bordier - Breer – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 60

Bordier - Bucaille – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 62

Bordier - Delaunay (Sonia) – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Bordier - Deyrolle – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Bordier - Dmitrienko - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Bordier - Falchi – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 27

Bordier - Fichet – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Bordier - Friest – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Bordier - Gauthier – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Bordier - Gerdur – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Bordier - Goetz – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Bordier - Jonas – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Bordier - Joulia – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Bordier - Joulia – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Bordier - Kalinowski – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Bordier - Kaufman – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Bordier - Lolo – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Bordier - Madi – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Bordier - Madoura – 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

Bordier - Magnelli – 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

Bordier - Olson - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Bordier - Pouget - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Bordier – Prassinos - 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 33

Bordier – Ramoul – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 32

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CXV

Bordier - Resse - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Bordier – Salon de la Jeune Sculpture – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 - p. 58

Bordier - Taeuber-Arp - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

Bordier - Tinguely - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 62

Bordier - Tinguely - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Bröse - Bill – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Bröse - Bissier – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Bröse - Vantongerloo - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Buffet - Proweller - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 30

Buffet - Elliott – 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 28

Courthion - Lardera - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 60

D. M. - Cely – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

D. M. - Folmer – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

D.M. - Fougery – 3ème série - n°5 - juin 1952 - p. 28

Degand - Anthoons – 1ère série – n°9 – avril 1950 – p. 23

Degand - Araceli – 5ème série – n°1 – février 1954 – p. 34

Degand - Arcay - 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 61

Degand - Arp – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Degand - Arp – 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 30

Degand - Arp – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Degand - Battistini – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 29

Degand - Baumeister – 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Degand – Bazaine – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Degand - Bazaine – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Degand - Bertrand (Gaston) - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Degand - Bissière – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Degand – Bloc - 1ère série – n°5 – décembre 1949 – n.p.

Degand - Bloc – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 33

Degand - Bonnet – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 - p. 64

Degand - Bozzolini – 2ème série – n°4 – mars 1951 – p. 28

Degand - Bozzolini – 4ème série – n°5 – juillet 1953 – p. 31

Degand - Calder – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

Degand - Carletti – 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Degand - Carrey – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

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CXVI

Degand - Cassandre – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 31

Degand - Chagall – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 22

Degand - Chagall – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Degand - Chesnay – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 29

Degand - Corpora - 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 60

Degand - Dalvit – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Degand - de Staël – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p. 33

Degand - Delaunay (Robert) – 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Degand - Delaunay (Sonia) - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 31

Degand - Dewasne - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 28

Degand - Deyrolle – 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 29

Degand - Duthoo – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Degand - Fahr-el-Nissa Zeid – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Degand - Fahr-el-Nissa Zeid – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Degand – Fleischmann – 2ème série - n°6 – juin 1951 – p. 28

Degand - Folmer – 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Degand - Fougeron - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

Degand - Freundlich – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 61

Degand - Friedlander – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Degand - Garbell – 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

Degand - Gillet – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Degand - Gischia – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Degand - Glaner – 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Degand - Gleizes – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Degand - Gleizes – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 26

Degand - Gonzalez (Julio) – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Degand - Grégori – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 61

Degand - Gromaire – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Degand - Gruber – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 23

Degand - Hartung – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

Degand - Hayter – 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Degand – Herbin – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 59

Degand - Herbin – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

Degand - Hirschfield – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

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CXVII

Degand - Hulbeck – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 31

Degand - Hundertwasser - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Degand - Idoux – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Degand – Jacobsen – 2ème série – n°3 – janvier 1951 - p. 30

Degand – Kandinsky – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 27

Degand - Klee – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

Degand - Lam – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Degand - Lanskoy – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

Degand - Lanskoy – 4ème série - n°1 – janvier 1953 - p. 30

Degand - Lapicque - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 31

Degand - Laurens – 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 29

Degand - Le Moal – 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Degand - Léger – 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Degand - Leppien – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Degand - Lhote – 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Degand - Lhote – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 28

Degand - Loubchansky – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Degand - Marchand - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Degand - Masson (André)- 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Degand - Matisse - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Degand - Milo - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Degand - Mortensen - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 32

Degand - Mortensen - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 27

Degand - Mouly - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Degand - Mucha - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Degand - Mucha (Willy) - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Degand - Mucha (Willy)- 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Degand - Music - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 60

Degand - Nejad - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Degand - Nouveau - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Degand - Picasso - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 59

Degand - Pignon - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Degand - Pignon - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Degand - Pillet (Edgard) - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

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CXVIII

Degand - Poliakoff - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

Degand - Prebandier - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Degand - Quentin - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 22

Degand - Rouault - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Degand – Salon de l’art sacré – 3ème série – n°7-8 – octobre 1952 – p. 62

Degand – Salon de la Jeune Sculpture – 4ème série – n°5 – juillet 1953 - p. 24

Degand – Salon de mai – 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 – p. 23

Degand – Salon de mai – 2ème série – n°6 – juin 1951 – p. 28

Degand – Salon de mai – 4ème série – n°5 – juillet 1953 – p. 24

Degand – Salon de mai – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 58

Degand – Salon des Réalités Nouvelles – 2ème série – n°7 – juillet 1951 – p. 33

Degand – Salon des Surindépendants – 3ème série – n°7-8 – octobre 1952 – p. 64

Degand – Salon des Tuileries – 2ème série – n°2 – novembre 1950 – p. 30

Degand – Salon des Tuileries – 3ème série – n°7-8 – octobre 1952 – p. 63

Degand – Second Salon des jeunes peintres – 2ème série – n°4 – mars 1951 – p. 29

Degand - Schneider - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 28

Degand - Schwitters - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Degand - Seuphor - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Degand - Signac - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Degand - Singier - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

Degand - Szobel - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 30

Degand - Taeuber-Arp - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

Degand - Tal Coat - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Degand - Tamayo - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Degand – Triennale de Milan – 5ème série – n°7 – novembre 1954 - p. 25

Degand – Troisième Salon de la Jeune Sculpture – 2ème série – n°7 – juillet 1951 –

p. 37

Degand - Tsue-ta-tee - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Degand - Ubac - 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Degand - Van Lint - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 64

Degand - Van Velde (Bram) - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Degand - Van Velde (Geer) - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 29

Degand - Vezelay – 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Degand - Villon - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

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CXIX

Degand - Villon - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 30

Degand - Walch – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Degand - Werner (Theodor)- 2ème série - n°3 - janvier 1951 – p. 29

Degand - Yersin - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Degand - Zack - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Degand - Zao-Wou-Ki - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 31

Delahaut - Bursens – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 27

Delahaut - Gilles – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 55

Delahaut - Leppien – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Delahaut - Magnelli – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 29

Delahaut - Milo - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 55

Delahaut - Moore – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Delahaut - Pillet (Edgard) - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 27

Delahaut – Quadriennale de Liège – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Delahaut - Rets - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Delahaut – Salon quadriennal – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 31

Dewasne - Jacobsen – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Dewasne - Mortensen - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Diehl – Salon de mai – 1ère série – n°1 – juin 1949 – n.p.

Dulaïen - Caillaud – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Endre - Zemplenyi – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Estienne - Burchard – 1ère série - n°5 - décembre 1949 – n.p.

Estienne - Ernst - 1ère série - n°7-8 - mars 1950 – p. 47

Estienne - Gilioli – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Estienne - Miro - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 26

Estienne - Raymond - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 28

Estienne - Schneider - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 44

Grote - Kandinsky – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Guéguen - Bentin – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Guéguen - Bozzolini – 5ème série – n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 62

Guéguen - Burchard – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 25

Guéguen - Burchard-Simaika – 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 57

Guéguen - Dombeck – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Guéguen - Domela – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

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CXX

Guéguen - Dufour – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Guéguen - Duthoo – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Guéguen - Filozof – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 65

Guéguen - Freundlich – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 59

Guéguen - Giacometti – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 62

Guéguen - Hajdu – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

Guéguen - Helle – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 - p. 60

Guéguen - Herbin – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 60

Guéguen - Istrati – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Guéguen - Leuppi – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Guéguen - Longuet-Boisecq – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Guéguen - Mannoni – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 25

Guéguen - Montlaur - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Guéguen - Nallard - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Guéguen - Poliakoff - 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 30

Guéguen - Steinberg - 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 30

Guéguen - Tal-Coat - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Guéguen - Trokes - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Guéguen - Vieira Da Silva – 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 32

Guéguen - Villon – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

H. C. - Piaubert - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 27

J. D. - Jacobsen – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

J. D. - Lardera – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

J. D. - Raymond - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

Koenig – Arp – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 31

Koenig - Herbin – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 31

Koenig - Taeuber-Arp – 4ème série – n°7 – octobre-novembre 1953 – p. 31

Lance – Bill – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Lance - Pevsner – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Lance - Vantongerloo – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Leuppi - Taeuber-Arp - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 55

Oeri - Leuppi – 2ème série - n°2 - novembre 1950 – p. 31

Sarisson - Goetz – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Schiff - Taeuber-Arp - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 55

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CXXI

Seaux - Bury – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Seaux – J. Delahaut – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 30

Seaux - Vasarely - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 31

Seuphor - Agam – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 32

Seuphor - Alechinsky – 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 31

Seuphor - Anthoons – 2ème série – n°8 – octobre 1951 – p. 32

Seuphor - Barta – 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 32

Seuphor - Baumeister – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 30

Seuphor - Bazaine – 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Seuphor - Bertrand (Huguette) – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Seuphor - Bott – 5ème série - n°2-3 – mars-avril 1954 – p. 65

Seuphor - Breuil – 4ème série – n°8 – décembre 1953 – p. 30

Seuphor - Cahn – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

Seuphor - Davring – 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Seuphor - Dumitresco – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 62

Seuphor - Gonzalès (Roberta) – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 63

Seuphor - Kayler – 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Seuphor - Lapicque – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Seuphor - Lapicque – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Seuphor - Le Corbusier – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 26

Seuphor - Léger – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Seuphor - Legrand – 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 62

Seuphor - Legrand – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Seuphor - Maillet – 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Seuphor - Manton - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Seuphor - Mathieu - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Seuphor - Mondrian - 1ère série - n°6 - janvier 1950 – n.p.

Seuphor - Pink - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Seuphor - Rossiné - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 64

Seuphor – Salon des Réalités Nouvelles – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p.

29

Seuphor - Schöffer - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 24

Seuphor - Schöffer - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 64

Seuphor - Séverini - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

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CXXII

Seuphor - Staritzky - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 60

Seuphor - Webb - 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 30

Seuphor – Zack - 5ème série - n°2-3 - mars-avril 1954 – p. 61

Stein - Baertling – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 31

Van Gindertael - Arcay – 3ème série – n°7-8 – octobre 1952 – p. 62

Van Gindertael - Battistini – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Van Gindertael - Bertholle – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Van Gindertael - Bertini – 4ème série - n°6 - août 1953 – p. 31

Van Gindertael - Bertrand (Huguette) – 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 31

Van Gindertael - Bissière – 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 29

Van Gindertael - Borès – 1ère série – n°10-11 – mai-juin 1950 - p. 46

Van Gindertael - Bott – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Van Gindertael - Boumeester – 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Van Gindertael - Brazzola – 3ème série – n°3-4 – février-mars 1952 – p. 63

Van Gindertael – Callery – 1ère série – n°4 – novembre 1949 – n.p.

Van Gindertael - Calliyanis – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Van Gindertael - Calmis – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Van Gindertael - Camille – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Van Gindertael - Carreno – 3ème série - n°6 - août 1952 - p. 31

Van Gindertael - Carrey – 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 30

Van Gindertael - Carrey – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Van Gindertael - Chapoval – 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Van Gindertael - Claire - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Van Gindertael - Clark-Ribeiro – 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

Van Gindertael - de Staël - 1ère série - n°10-11 - mai-juin 1950 – p. 26

Van Gindertael – J. Delahaut – 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Van Gindertael - Domela – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Van Gindertael - Doucet – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Van Gindertael - Dumitresco – 3ème série - n°5 - juin 1952 - p. 28

Van Gindertael - Duthoo – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Van Gindertael - Fin – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Van Gindertael - Fiorini – 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Van Gindertael - Francis – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Van Gindertael - Gauthier – 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

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CXXIII

Van Gindertael - Gerdur – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 61

Van Gindertael - Giacometti – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 36

Van Gindertael - Goebel – 4ème série – n°1 – janvier 1953 - p. 30

Van Gindertael - Goetz – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 28

Van Gindertael - Gonzalez (Roberta) – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Van Gindertael - Haass – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Van Gindertael - Hamoudi – 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 62

Van Gindertael - Hayter - 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 27

Van Gindertael - Hillaireau – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Van Gindertael - Kalinovski – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Van Gindertael - Kandinsky – 3ème série - n°1 - décembre 1951 – p. 29 et 30

Van Gindertael - Kauffman – 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Van Gindertael - Koenig – 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 64

Van Gindertael - Krampen – 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Van Gindertael - Lambert – 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 28

Van Gindertael - Léger – 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 30

Van Gindertael - Léger – 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 30

Van Gindertael - Lopuzniak – 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Van Gindertael - Loubchansky – 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 32

Van Gindertael - Manton - 3ème série - n°6 - août 1952 – p. 32

Van Gindertael - Masson (André) - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 30

Van Gindertael - Mazetti - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Van Gindertael - Montlaur - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Van Gindertael - Moser - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Van Gindertael - Nallard - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 63

Van Gindertael - Navarro - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 62

Van Gindertael - Nejad - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 30

Van Gindertael - Nouveau - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Van Gindertael - Oramas - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 30

Van Gindertael - Pagava - 2ème série - n°6 - juin 1951 – p. 30

Van Gindertael - Pan - 3ème série - n°5 - juin 1952 – p. 29

Van Gindertael - Piaubert - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

Van Gindertael - Pillet (Hélène) - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 30

Van Gindertael - Poliakoff - 3ème série - n°2 - janvier 1952 – p. 31

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CXXIV

Van Gindertael - Ramon - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Van Gindertael - Ranger - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 30

Van Gindertael - Raymond - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Van Gindertael - Reichel - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Van Gindertael - Sager - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 31

Van Gindertael - Sauer - 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 31

Van Gindertael - Sauer - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Van Gindertael - Selchow - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Van Gindertael - Spencer - 4ème série – n°1 – janvier 1953 – p. 31

Van Gindertael - Springer - 3ème série - n°3-4 - février-mars 1952 – p. 63

Van Gindertael - Tajiri - 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 31

Van Gindertael - Tsingos - 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 29

Van Gindertael - Van Hardt - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952 – p. 64

Van Gindertael - Vieira Da Silva – 2ème série - n°5 - avril-mai 1951 – p. 30

Van Gindertael - Viera Da Silva - 1ère série - n°9 - avril 1950 – p. 23

Van Gindertael - Wendt – 2ème série - n°4 - mars 1951 – p. 31

Van Gindertael - Werner (Woty) - 2ème série - n°7 - juillet 1951 – p. 35

Van Gindertael - Zimmerman - 4ème série - n°2 - mars 1953 – p. 31

Verdet – Borsi – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 31

Verdet - Gilot – 2ème série - n°1 - octobre 1950 – p. 31

Verdet - Papart – 2ème série – n°1 – octobre 1950 – p. 31

Wescher - Anthoons – 5ème série – n°6 – septembre 1954 – p. 30

Wescher - Bertini – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 35

Wescher - Bertrand (Huguette) – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

Wescher - Borès – 5ème série – n°4-5 – mai-juin 1954 – p. 61

Wescher - de Preste – 5ème série – n°7 – novembre 1954 – p. 30

Wescher - Deyrolle – 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 31

Wescher - Deyrolle – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

Wescher - Divi – 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Wescher - Doucet – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

Wescher - Ernst – 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 60

Wescher - Fichet – 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Wescher - Filozof- 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

Wescher - Gilioli – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

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CXXV

Wescher - Gilioli – 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 32

Wescher - Guitet – 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Wescher - Hartung – 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

Wescher - Kalinowski – 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 31

Wescher - Kandinsky – 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 27

Wescher - Lipsi – 4ème série - n°8 - décembre 1953 – p. 29

Wescher - Ozenfant - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 32

Wescher - Panafieu - 5ème série - n°7 - novembre 1954 – p. 30

Wescher - Pfriem - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 30

Wescher - Pillet (Edgard)- 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Wescher - Pillet (Hélène) - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 63

Wescher - Pink - 5ème série - n°8 - décembre 1954 – p. 32

Wescher - Proweller - 5ème série - n°1 - février 1954 – p. 34

Wescher - Reichel - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Wescher - Seiler - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

Wescher - Selchow - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Wescher - Sivard - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 30

Wescher - Tagaya - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 31

Wescher - Théry - 5ème série - n°4-5 -mai-juin 1954 – p. 63

Wescher - Thieler - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 27

Wescher - Tryggvadottir - 5ème série - n°4-5 - mai-juin 1954 – p. 61

Wescher - Tsuchiya - 5ème série - n°6 -septembre 1954 – p. 31

Wescher - Van Hardt - 5ème série - n°6 - septembre 1954 – p. 32

Wescher - Warb – 5ème série – n°8 – décembre 1954 – p. 32

Wescher - Werner (Lambert) - 4ème série - n°5 - juillet 1953 – p. 26

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CXXVI

Annexe XX Index des couvertures

Tous les artistes faisant la couverture d’Art d'aujourd'hui ont été indexés.

Un astérisque signifie que la couverture est partagée par plusieurs artistes.

L’index est classé par noms d’artistes selon l’ordre alphabétique puis, pour les

six artistes ayant réalisés deux couvertures, par ordre chronologique de parution de

celles-ci.

Apollinaire - (d’après les Peintres cubistes corrigé par) - 4ème série - n°3-4 – mai-juin

1953

Aral - (couverture originale suite à un concours, de) - 2ème série - n°3 – janvier 1951

Arp - (couverture spécialement composée par) - 4ème série n°6 – août 1953

Baertling - (d’après un collage de) - 4ème série - n°7 - octobre-novembre 1953

*Bertheau - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

*Bloc - (photographie d’une sculpture de) - 1ère série - n°1 – juin 1949

Bloc - (d’après un collage de) - 5ème série - n°8 – décembre 1954

Bombois - (d’après une peinture de) - 2ème série - n°4 – mars 1951

*Bombois - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

Brihat - 3ème série - n°7-8 - octobre 1952

Coppel - (couverture originlae suite à un concours, de) 1ère série - n°7-8 – mars 1950

Delaunay (Sonia) - (sur un thème de Robert Delaunay) - 2ème série n°8 – octobre

1951

Delaunay (Sonia) - (d’après un collage original de) - 5ème série - n°2-3 – mars-avril

1954

*Demonchy - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

Dewasne - (couverture spécialement composée par) - 4ème série - n°8 – décembre

1953

Dias - (d’après une gouache de ) - 5ème série - n°6 – septembre 1954

Febvre-Desportes - (couverture originale suite à un concours, de) - 2ème série - n°5

– avril-mai 1951

Geboullet - 2ème série - n°2 – novembre 1950

*Glarner - (photographie d’un détail de peinture de) - 2ème série - n°6 – juin 1951

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CXXVII

*Guérin - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

Kandinsky - (d’après une œuvre de) - 1ère série - n°6 – janvier 1950

Lacombe - 5ème série - n°4-5 – mai-juin 1954

*Le Corbusier - (photographie d’une maison de) - 1ère série - n°1 – juin 1949

Léger - (d’après une œuvre de) - 1ère série - n°3 – octobre 1949

Léger - (d’après une illustration de) - 3ème série n°3-4 – février-mars 1952

Leppien - (d’après une gouache de ) - 5ème série - n°7 – novembre 1954

Liger - (couverture originale de) - 2ème série - n°1 – octobre 1950

Magnelli - 1ère série - n°2 – juillet-août 1949

Magnelli - (couverture spécialement composée par) - 4ème série - n°1 – janvier 1953

Mondrian - (d’après une œuvre de) - 1ère série - n°5 – décembre 1949

Moore - (d’après un détail d’une sculpture de) - 1ère série - n°4 – novembre 1949

Munari - 3ème série n°2 - janvier 1952

Palazuelo - (composée d’après une gouache originale de) - 4ème série - n°5 – juillet

1953

Pevsner - (d’après une photographie d’une sculpture de) - 5ème série - n°1 - février

1954

Pillet - 3ème série n°5 – juin 1952

Poliakoff - (composée d’après une gouache originale de) - 4ème série - n°2 – mars

1953

*Pollock - (photographie d’un détail de peinture de) - 2ème série - n°6 – juin 1951

Taeuber-Arp - (d’après une lithographie de) - 1ère série - n°10-11 -

*Utrillo - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

*Vasarely - (photographie d’une peinture de) - 1ère série - n°1 – juin 1949

Vasarely - 3ème série n°1 – décembre 1951

Villon - (d’après la photographie d’un cuivre de) - 1ère série - n°9 – avril 1950

Vivin - (d’après un détail d’une peinture de) - 2ème série n°7 – juillet 1951

Tête d’ara stylisée - 3ème série - n°6 – août 1952

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CXXVIII

Annexes XXI Index des encarts couleurs

Les artistes dont la revue propose un encart couleurs sont indexés ci-dessous.

Des précisions sur la réalisation de ces encarts, mentionnées dans les

sommaires de la revue, se trouvent mises entre parenthèses.

Baumeister – (planche réalisée dans les ateliers P. Domberger à Stuttgart) - 5ème

série - n°7 – novembre 1954

Bloc – (planche réalisée par Arcay d’après une gouache de) - 5ème série - n°1 –

février 1954

Carlsund – (sérigraphie exécutée par Arcay) - 4ème série - n°7 – octobre-novembre

1953

Dewasne - 2ème série - n°4 – mars 1951

Deyrolle - (gouache exécutée par les Ateliers Renson) - 4ème série - n°5 – juillet 1953

Gris - (planche exécutée par Arcay et Lacombe d’après une peinture de 1923 de) -

4ème série - n°3-4 – mai-juin 1953

Hartung - (planche réalisée par l’imprimerie Duval d’après une gravure de) - 5ème

série - n°6 – septembre 1954

Herbin – (planche réalisée dans les Ateliers Renson d’après une gouache de) - 5ème

série - n°8 – décembre 1954

Kandinsky - 3ème série - n°6 – août 1952

Léger - 3ème série - n°1 – décembre 1951

Magnelli - 3ème série - n°2 – janvier 1952

Magnelli - (planche réalisée par les Ateliers Renson d’après un collage original de) -

5ème série - n°2-3 – mars-avril 1954

Nay – (planche exécutée d’après un bois gravé de) - 4ème série - n°6 – août 1953

Nicholson – (gouache exécutée par les Ateliers Renson d’après une peinture de

1945 de) - 4ème série - n°2 – mars 1953

Taeuber-Arp – (planche réalisée par Arcay d’après un relief de 1927 de) - 4ème série

- n°8 – décembre 1953

Vasarely - 3ème série - n°5 – juin 1952

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CXXIX

Villon – (gouache exécutée par les Ateliers Renson d’après une peinture de 1920

de) - 4ème série - n°1 – janvier 1953

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CXXX

Annexe XXII Répertoire

Ce répertoire ne contient que les noms des artistes les plus souvent

cités dans Art d'aujourd'hui et qui lui sont contemporains. Cependant, si l’on

ne s’en tient qu’au tableau de l’annexe XII, certai ns noms n’apparaissent pas 5.

Le répertoire ne remplit alors plus son rôle de ref let du cercle d’ Art

d'aujourd'hui . Il a donc fallu étendre les recherches vers les a rtistes vivants

ayant participé aux rubriques "Le Passage de la lig ne" et "L’Art et la manière"

(annexe XIII), en excluant les très jeunes de l’Ate lier d’art abstrait dont la place

dans la revue est par trop circonstancielle.

Afin de ne pas faire doublon avec toutes les notice s de dictionnaires

déjà existantes et préférant une inscription au plu s près de la problématique de

cette recherche, sont privilégiées la nationalité d ’origine des artistes ainsi que

leur génération afin de les situer dans l’histoire récente de l’abstraction. De

plus, s’agissant d’un répertoire d’artistes proches d’Art d'aujourd'hui , sont

mentionnés leur rapport à l’abstraction voire à la synthèse des arts, mais

aussi, brièvement, leurs techniques.

5 Inversement, un nom est présent dans l’annexe XII alors qu’il n’est pas représentatif de la ligne de la revue, c’est celui de Georges Braque. Un article lui est consacré dans le numéro spécial "Cinquante ans de peinture" (mars 1950) qui permet de mettre en résonnance la thématique de la livraison avec une actualité. Un autre, "L’Indigence de Braque", en août 1953, se montre très critique envers des propos prononcés par l’artiste à l’encontre de la jeune création abstraite. Ainsi, pour des raisons de cohérence, Georges Braque ne figure pas dans ce répertoire.

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CXXXI

Il est à noter que les animateurs d’ Art d'aujourd'hui qui sont par ailleurs

artistes, ne figurent pas dans le répertoire ci-des sous puisqu’ils font déjà

l’objet d’un portrait dans le corps de la thèse.

Un astérisque suit le nom de l’artiste lorsque celu i-là participe à

Témoignages pour l’art abstrait , ouvrage essentiel des éditions Art

d'aujourd'hui.

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CXXXII

Arp (Jean)*

Strasbourg, 1886 - Bâle, 1966

Jean Arp s’engage très tôt dans l’abstraction, langage qui lui permet

d’expérimenter la marque du hasard sur ses réalisations (collages, reliefs de bois,

sculptures en ronde-bosse).

Sa participation à la deuxième exposition du Blaue Reiter en 1913 à la Galerie

Der Sturm à Berlin ainsi que son rôle dans le mouvement Dada, dont il fut le co-

fondateur, mais surtout, sa collaboration avec Sophie Taeuber-Arp et Théo Van

Doesburg lors de la réalisation des décors de l'Aubette, lui confèrent une place des

plus respectables parmi les pères de l’abstraction ce que confirme le dossier qui lui

est consacré dans Art d'aujourd'hui dès la première année (mai-juin 1950). Au même

titre, il est présent dans l’exposition Klar Form et fait également profiter la jeune

génération de son expérience en la commentant dans "L’Art et la manière".

Un de ses sculptures fait partie du programme de la Cité universitaire de

Caracas.

Bozzolini (Silvano)*

Fiesole (Italie), 1911 - Paris, 1998

Silvano Bozzolini peint son premier tableau abstrait en 1946 après avoir

réalisé des œuvres librement inspirées du cubisme. Il s’installe définitivement à Paris

en 1947 où il rencontre les jeunes artistes abstraits de sa génération ainsi que Serge

Poliakoff, Jean Arp, Sonia Delaunay et Alberto Magnelli. Avec eux il participe aux

expositions et salons ainsi qu’au Groupe Espace. Son travail se décline tant sur

papier que dans le monumental.

Pour Art d'aujourd'hui, il répond aux questions de Roger Bordier et expose sa

technique de la peinture à l’œuf. Il voit son actualité assez régulièrement renseignée

dans les brèves de la revue.

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CXXXIII

Calder (Alexander)*

Philadelphie, 1898 - New York, 1976

Alexander Calder peint et dessine d’après modèle mais sa rencontre avec Piet

Mondrian bouleverse sa création en 1930 et lui fait rejoindre le groupe Abstraction-

Création l’année suivante. Ses sculptures abstraites, mobiles et stabiles, qui

soulignent le mouvement et l’immobilité, lui attribuent un rôle à part dans le milieu

artistique ; ce que vient renforcer son goût pour le jeu s’exprimant dans son célèbre

cirque peuplé de personnages bricolés qui prennent place dans des numéros mis en

scène par l’artiste lui-même. L’originalité et la singularité de l’artiste sont transcrites

dans la revue par un dossier spécial à la fois long (onze pages) et étonnant dans sa

mise en pages.

Il participe à l’exposition itinérante Klar Form ainsi qu’à la grande expérience

plastique de la Cité universitaire de Caracas.

Delaunay (Sonia)*

Gradshik (Ukraine), 1885 - Paris, 1979

Sonia Delaunay adopte l’abstraction dès 1912 guidée par son goût pour la

couleur. L’année suivante, elle applique ses recherches au domaine des arts

appliqués notamment la peinture sur tissu.

Son engagement dans l’art abstrait se concrétise par la participation à la

fondation en 1946, du Salon des Réalités Nouvelles puis du Groupe Espace en

1951. Avec cette même rigueur, elle répond favorablement aux propositions de la

revue (réalisation de couvertures et participation aux deux séries phares) mais sans

réussir à s’investir complètement dans le jeu de la confidence qu’impliquent "Le

Passage de la ligne" et L’Art et la manière". Elle laisse ainsi deviner un caractère

entreprenant et un vif désir d’activité tout en cherchant à conserver une certaine

distance.

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CXXXIV

Dewasne (Jean)*

Lille 1921 - Paris 1999

Jean Dewasne va progressivement vers l’abstraction au début des années

quarante. L’attachement à la copie du réel l’encombre et cette gêne devient le

déclencheur de sa pratique abstraite. Très actif dans le milieu artistique abstrait de

l’Après-Seconde Guerre mondiale, il participe à la fondation du Salon des Réalités

Nouvelles, ouvre avec Edgard Pillet en 1950, l’Atelier d’art abstrait puis, l’année

suivante, collabore à la création du Groupe Espace. Son engagement est également

visible dans la revue dont il reste un des fidèles, alimentant toutes les expériences

éditoriales proposées (séries, catalogue Klar Form, encarts couleurs, couvertures

originales).

Deyrolle (Jean)*

Nogent-sur-Marne, 1911 - Toulon, 1967

Jean Deyrolle s’engage dans l’abstraction en 1944 suite à sa rencontre avec

César Domela alors qu’il a déjà une vraie pratique de la peinture. Alberto Magnelli

joue également un rôle majeur dans l’évolution de son travail. A partir de ce moment,

l’artiste trouve rapidement sa place parmi les jeunes peintres abstraits et participe à

des expositions collectives et personnelles, et des salons. Il a également un rôle

dans la transmission grâce à l’enseignement qu’il divulgue tout au long de sa courte

vie. Ce goût de l’échange se retrouve dans les détails pratiques qu’il dévoile lors de

l’entretien donné dans "L’Art et la manière". Parmi les jeunes peintres de sa

génération, Jean Deyrolle est le seul à bénéficier d’un article long (trois pages) en

dehors des deux séries et du catalogue Klar Form.

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CXXXV

Dias (Cicero)*

Escada (Brésil), 1907 - Paris, 2003

Cicero Dias arrive à Paris pour l’Exposition Internationale de 1937. Il y

rencontre des peintres et des poètes. Son travail artistique connaît des évolutions

mais ce n’est que dans le courant des années quarante que sa peinture devient

abstraite suivant ainsi son travail graphique. Il est l’objet d’un focus dans le texte

original de Cécile Agay et Georges Boudaille "Leur deuxième métier" qui met l’accent

sur les charges diplomatiques de l’artiste brésilien en France. Il participe également à

l’exposition itinérante Klar Form ainsi qu’à la série "L’Art et la manière" dans laquelle

il pose pour Sabine Weiss utilisant un système tout personnel de ficelles lui servant

de guide pour tracer les lignes qui structurent son travail.

Domela (César)*

Amsterdam, 1900 – Paris, 1992

César Domela se consacre à la peinture dès l’âge de 19 ans et travaille à

partir de la géométrie. Il adhère à De Stijl en 1924 suite à sa rencontre avec Piet

Mondrian et Théo Van Doesburg à Paris mais n’en poursuit pas moins ses

recherches personnelles vers la diagonale et le relief.

Sa technique se diversifie qui emploie des matériaux très variés. Il participe

aux revues Cercle et Carré et Abstraction-Création puis en fonde une troisième,

Plastique, à Paris avec Sophie Taeuber et Jean Arp. Il s’associe alors de manière

très régulière aux manifestations liées à l’abstraction. Proche du cercle d’Art

d'aujourd'hui, il collabore au "Passage de la ligne" dans la livraison présentant les

peintres qui suivent de peu les pionniers (aux côtés d’Auguste Herbin et d’Otto

Freundlich, pourtant ses aînés de quelque vingt années), et fait partie de l’exposition

Klar Form.

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CXXXVI

Gilioli (Emile)*

Paris, 1911 - Paris, 1977

Emile Gilioli pratique d’abord la sculpture en tant qu’artisan ; il est probable

que ces premiers pas dans le métier aient laissé les marques du travail bien fait, de

la matière polie jusqu’à l’obsession et des formes d’une grande harmonie. Sa

rencontre avec les jeunes artistes abstraits - ceux de sa génération - l’inscrit

immédiatement dans l’actualité artistique même s’il est peu présent dans ce qui

constitue la ligne de la revue (il ne participe qu’à "L’Art et le manière"). Il est

cependant régulièrement cité dans les brèves d’expositions, ce qui en fait un nom

associé à Art d'aujourd'hui.

Hartung (Hans)

Leipzig (Allemagne), 1904 - Antibes 1989

Hans Hartung poursuit ses études en France à la fin des années vingt après

celles menées dans son pays natal. Il ne s’y installe définitivement qu’en 1935. Il

peint déjà des œuvres abstraites mais son expérience de la guerre et sa blessure à

la jambe rendent son œuvre plus dense et tourmenté. Moins gestuel qu’il ne paraît

au premier abord, son travail se trouve longuement mûri ainsi que l’explique l’artiste

dans "L’Art et la manière".

A l’image de son travail qui s’affranchit des classifications, Hartung poursuit

ses recherches en dehors des étiquettes, refusant de « témoigner pour l’art abstrait »

mais acceptant très volontiers de présenter son travail en atelier. Il bénéficie dans la

revue de l’attention marquée aux maîtres de l’abstraction avec un dossier de deux

textes signés respectivement par Charles Estienne et Léon Degand.

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CXXXVII

Herbin (Auguste)*

Quiévry (Nord), 1882 - Paris, 1960

Auguste Herbin connaît le parcours pictural de nombre d’artistes de sa

génération ; d’abord impressionniste, il est conquis par le cubisme qui le conduit vers

l’abstrait avec bien des hésitations. Son style se réalise pleinement dans la

conception d’un alphabet plastique qui fait coïncider formes et couleurs en vue

d’exprimer une lettre qui forme ensuite des mots.

Artiste méconnu du grand public aujourd’hui, il a marqué la jeune génération

abstraite de l’Après-Seconde Guerre mondiale par la radicalité de sa peinture, ses

écrits théoriques, ainsi que sa grande implication dans l’animation du Salon des

Réalités Nouvelles fondé en 1946. Cet aura est sensible dans les pages d’Art

d'aujourd'hui qui lui consacre dès la première année un dossier de cinq pages,

l’interroge tant sur son passage de la ligne que sur sa technique. Il fait également

partie de l’exposition Klar Form puis réalise un encart couleurs pour la revue.

Jacobsen (Robert)*

Copenhague, 1912 - Danemark, 1993

Robert Jacobsen est d’abord proche du groupe Cobra et adopte l’abstraction sous

l’influence de Jean Arp. Son travail de sculpteur se porte dans un premier temps sur

le bois puis la pierre pour enfin trouver sa propre technique dans le métal soudé qui

garde une apparence brute. Faisant partie de la jeune génération des artistes

abstraits, il participe avec eux aux expositions collectives (dont le Salon des Réalités

Nouvelles et Klar Form) ainsi qu’à la création du Groupe Espace en 1951. Il fait

partie des artistes les plus cités dans la revue avec le catalogue de la grande

manifestation itinérante de la Galerie Denise René, "L’Art et la manière", mais

également un texte que Léon Degand consacre à une de ses expositions ainsi qu’un

article sur les artistes danois qui vivent en France.

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CXXXVIII

Kupka (Frantisek)

Opocno (Bohême), 1871 - Puteaux, 1957

Frank Kupka fait partie des pères de l’abstraction ; il est le seul à être encore

vivant durant les années cinquante (Michel Larionov et Nathalie Gontcharova ne sont

pas considérés comme des pionniers dans Art d'aujourd'hui et ne bénéficient que

d’un article commun de Léon Degand sur le rayonnisme en novembre 1950). Comme

Mondrian, Kandinsky et Malevicth, il n’arrive que tardivement à passer la ligne -

autour de sa quarantième année. L’enseignement du dessin porté sur les arts

décoratifs qu’il reçoit à Prague étant jeune l’aide certainement à dégager son travail

de l’emprise du modèle. Cela se fait par l’introduction de verticales et la

géométrisation des figures ainsi qu’un espace de moins en moins contraint par la

perspective.

Dans le long article très documenté, rédigé par Léon Degand, et l’étude du

passage de la ligne par Roger Van Gindertael se lit la déférence envers le dernier

père de l’abstraction vivant.

Lanskoy (André)*

Moscou, 1902 - Paris, 1976

André Lanskoy s’exile à Paris en 1921 où il se lie d’amitié avec des artistes

russes qui influencent alors sa destinée. Il entre en peinture par les voies de la

figuration pour poursuivre vers une forme plus abstraite et lyrique à partir de 1937.

Son travail pictural coloré intéresse les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui qui se

font l’écho de deux de ses expositions et lui ouvrent également les colonnes de

“Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui” en octobre 1951. Cette série qui ne s’étend que

sur trois numéros seulement, propose de mettre en avant des artistes au style solide

et représentatif de l’époque bien que ne correspondant pas tout-à-fait à la ligne de la

revue.

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CXXXIX

Lapicque (Charles)

Theizé, 1898 - Orsay, 1988

Charles Lapicque poursuit deux carrières en parallèle, une artistique et une

scientifique. Ingénieur diplômé de l’Ecole centrale en 1921, il travaille sur la couleur

en profitant de ces deux approches. Il les met notamment en pratique dans

l’exposition "Vingt jeunes peintres de tradition française", à laquelle il participe en

1941, à la Galerie Braun

Il se consacre entièrement à la peinture en 1943 et poursuit un style figuratif

qui séduit les rédacteurs d’Art d'aujourd'hui par sa liberté qui le mène parfois vers

l’abstraction. Il inaugure d’ailleurs la courte série "Peintres et sculpteurs

d’aujourd’hui" et fait l’objet de trois brèves d’expositions. Son talent ne touche pas

que les rédacteurs de la revue puisqu’il participe également à l’exposition Klar Form

de la Galerie Denise René.

Lardera (Berto)*

La Spezia, 1911 - Paris, 1989

Berto Lardera fait partie des jeunes artistes des années cinquante qui

s’associent au mouvement abstrait à partir de l’Après-Seconde Guerre mondiale. Ses

sculptures, composées de plans assemblés, font se mêler différents métaux. Ce que

met en relief l’article qui lui est consacré dans la série "L’Art et la manière". L’artiste,

dont les œuvres s’intègrent avec bonheur à l’architecture, est membre fondateur du

Groupe Espace mais reste relativement peu cité dans la revue (avec seulement deux

brèves d’expositions).

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CXL

Laurens (Henri)

Paris, 1885 - Paris, 1954

Henri Laurens reste figuratif toute sa vie. Son œuvre sculptée, au début du

XXème siècle, reste influencée par le travail de Rodin. Son amitié avec Georges

Braque, à partir de 1911, le mène vers un travail plus empreint de cubisme.

Il tient dans Art d'aujourd'hui une place à part puisqu’il est, avec Fernand

Léger, le seul artiste resté figuratif autant cité dans la revue. Il est vrai que, chez lui

également, son œuvre s’inscrit dans l’architecture et reflète le désir d’exister en

dehors des musées et des collections privées.

C’est avec un texte de Daniel-Henry Kahnweiler consacré à son travail que la

parution du premier numéro d’Art d'aujourd'hui est annoncée dans L'Architecture

d'aujourd'hui. Ensuite, Pierre Guéguen écrit deux articles sur son oeuvre à un an

d’intervalle ; le second, dans la livraison de mai-juin 1954, en guise d’hommage

posthume.

Il fait partie, en 1952, des artistes participant à l'Université de Caracas avec

une sculpture monumentale.

Le Corbusier

La Chaux-de-Fonds, 1887 - Cap Martin, 1965

Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier, réunit en une seule personne

les espoirs de la synthèse des arts alors que l’idée même de synthèse ne correspond

pas à ses positions. Il incarne cependant l’artiste complet qui réalise, outre des

architectures reflets d’un désir d’inscription dans la modernité, du mobilier, des

sculptures, des tableaux, des dessins... La brouille entre André Bloc et Le Corbusier

explique certainement le fait que seulement deux articles lui sont consacrés, dont

son portrait dans le catalogue de l’exposition Klar Form. Numéro qui ne relève pas

précisément, il faut l’indiquer, d’une volonté éditoriale.

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CXLI

Léger (Fernand)

Argentan, 1881 - Gif-sur-Yvette, 1955

Fernand Léger interrompt rapidement sa formation d’architecte à son arrivée à

Paris en 1900. Les académies de peinture conviennent en effet mieux au jeune

homme qui profite des avant-gardes tout en développant un style personnel qui peut

mêler abstraction et figuration dans un même tableau ou alterner l’une ou l’autre

avec autant de maîtrise.

Ses réflexions le portent à rendre son art le plus ouvert possible, à faire qu’il

soit accessible notamment aux ouvriers en allant à leur rencontre, en réalisant

fresques et mosaïques, et en se méfiant du tableau de chevalet qu’il accuse d’être

une invention de la Renaissance socialement discriminante. Il exécute cependant

moins d’œuvres destinées à l’espace public qu’il ne l’aurait souhaité mais réalise

cependant entre autres, un mural et des vitraux pour la Cité universitaire de Caracas.

Le lien entre l’artiste et Art d'aujourd'hui se situe davantage dans une

correspondance d’idées que dans une adéquation stylistique Aussi, dès son

troisième numéro, la revue met une de ses œuvres en couverture et lui consacre un

dossier. Roger Van Gindertael signe son portrait pour le catalogue Klar Form. Enfin,

Fernand Léger réalise un encart couleurs.

Magnelli (Alberto)*

Florence, 1888 - Meudon, 1971

Alberto Magnelli a une vingtaine d’années dans les années 1910. Ainsi il

profite des avant-gardes tant italienne - le futurisme - que française - le cubisme. Il

adopte un langage abstrait en 1915 mais revient à la figuration dans les années vingt

pour opter définitivement pour l’abstraction quelque dix années plus tard.

L’artiste endosse au sein d’Art d'aujourd'hui le rôle de l’accompagnateur de la

jeune génération, bienveillant et enthousiaste. Il est celui qui collabore à toutes les

initiatives éditoriales de la revue (les séries ainsi que les encarts couleurs et les

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CXLII

couvertures originales qu’il exécute au nombre de deux chacun). Charles Estienne,

puis Léon Degand (pour le catalogue Klar Form) écrivent sur son travail. Il est ainsi

l’artiste visiblement le plus actif dans les pages de la revue.

Mortensen (Richard)*

Copenhague (Danemark), 1910 - Copenhague, 1993

Richard Mortensen apprend la pratique picturale essentiellement en autodidacte. Il

délaisse une abstraction hésitante pour une grande rigueur géométrique et cherche à

diffuser cette esthétique, notamment grâce à la revue Linien (la ligne) qu’il crée au

Danemark dans les années trente. Il s’établit en Région parisienne en 1947 avec son

compatriote Robert Jacobsen et rencontre les jeunes artistes abstraits de sa

génération. Tout comme eux, Mortensen participe aux deux séries "Le Passage de la

ligne" et "L’Art et la manière" ainsi qu’à l’exposition Klar Form. Il est également cité

dans l’article “Artistes danois vivant en France” du numéro d’octobre-novembre 1953.

Pevsner (Antoine)*

Orel (Biélorussie), 1884 - Paris, 1962

Antoine Pevsner a d’abord une pratique picturale dans laquelle il travaille

largement la matière en fabriquant lui-même ses couleurs. C’est ce goût pour le

matériau qui le conduit vers la sculpture. L’artiste aime travailler les techniques dans

leurs diversités, avançant que la modernité permet cette pluralité.

Membre d’Abstraction-Création en 1932, co-fondateur du Salon des Réalités

Nouvelles en 1947, il réalise également une sculpture pour la Cité universitaire de

Caracas.

Deux articles lui sont consacrés dans Art d'aujourd'hui qui montrent sa place

d’aîné aux côtés de Jean Arp, Auguste Herbin ou Alberto Magnelli. Il répond

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CXLIII

également aux questions de Roger Bordier, ce qui reste cohérent chez ce créateur

dont la technique tient une place centrale dans le travail.

Poliakoff (Serge)*

Moscou, 1900 - Paris, 1969

Serge Poliakoff est un des rares peintres abstraits de sa génération à pouvoir

vivre très confortablement de son art (après avoir dû user de ses talents de musicien

pour cela comme le relatent Cécile Agay et Georges Boudaille dans "Leur deuxième

métier"). Son art aux couleurs lumineuses et profondes connaît en effet rapidement

du succès. Sa technique qui consiste à superposer les teintes, s’inspire de celle des

sarcophages égyptiens qu’il découvre en visitant les musées londoniens.

Comme les autres artistes du réseau Art d'aujourd'hui et de la Galerie Denise

René, il est présent dans les pages de la revue à travers le catalogue Klar Form, “Le

Passage de la ligne” et “L’Art et la manière” mais aussi la couverture du numéro de

mars 1953.

Schneider (Gérard)

Sainte-Croix (Suisse), 1896 - Paris, 1986

Gérard Schneider est en marge du groupe d’artistes gravitant autour de la

revue et de la Galerie Denise René. Ses affinités le portent vers Pierre Soulages et

Hans Hartung avec qui il décide de ne pas participer à l’ouvrage Témoignages pour

l’art abstrait.

Il fait partie des artistes qui n’entrent pas précisément dans la ligne d’Art

d'aujourd'hui mais auxquels les rédacteurs restent attentifs. Ils commentent

brièvement deux de ses expositions et lui consacre une large présentation à travers

la série “Peintres et sculpteurs d’aujourd’hui”.

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CXLIV

Schöffer (Nicolas)

Kalocsa (Hongrie) 1912 - Paris, 1992

Nicolas Schöffer est sculpteur et plasticien. Son art est le résultat de son

intérêt pour les technologies nouvelles. En 1948, en précurseur de l’art cinétique, il

invente le spatiodynamisme qui prend en compte l’espace, le mouvement et le

spectateur dans l’œuvre. Ainsi, l’artiste développe les mêmes recherches envers le

public que les animateurs de la revue mais en poussant à son paroxysme leur désir

d’être en accord avec leur époque. L’aspect technique, presque technologique de

son travail donne tout son sens à sa participation à "L’Art et la manière". Michel

Seuphor lui consacre également un article en juin 1952.

Vasarely (Victor)*

Pecs (Hongrie), 1906 - Paris, 1997

Victor Vasarely est un artiste très imprégné par l’esprit du Bauhaus pour avoir

étudié à son équivalent hongrois, le Mühely, à Budapest. A son arrivée à Paris, en

1930, il travaille en tant que graphiste dont il garde ensuite la rigueur et le goût d’une

pratique s’adressant au plus grand nombre.

Ses débuts dans l’abstraction, en 1947, font de lui un chef de file de la Galerie

Denise René. Très actif, il contribue grandement à la création de la Cité universitaire

de Caracas, puis collabore à la fondation du Groupe Espace.

Ses aspirations pour un art social lui font privilégier l’espace mural plutôt que

le tableau de chevalet, et il n’est pas étonnant de le retrouver, outre les séries d’Art

d'aujourd'hui et le catalogue de Klar Form, dans un article que Léon Degand lui

consacre. Vasarely qui théorise sur sa pratique, livre également un texte à la revue :

“L’Artiste et l’éthique”.

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CXLV

Villon (Jacques)

Damville (Eure), 1875 - Puteaux, 1963

Jacques Villon est le pseudonyme de Gaston Duchamp, frère de Raymond

Duchamp-Villon, Suzanne Duchamp et Marcel Duchamp, tous créateurs. D’abord

dessinateur de presse et d’affiche, l’artiste travaille également la gravure. Sa pratique

picturale l’oriente vers le cubisme au début du XXème siècle. L’abstrait fait son

apparition après le Première Guerre mondiale par un travail sur la couleur mais

Jacques Villon continue à osciller entre figuration et abstraction avec liberté. Il répond

néanmoins aux questions de Roger Van Gindertael sur son passage de la ligne.

Charles Estienne lui consacre cinq pages mêlant œuvres abstraites et figuratives à la

fin du numéro consacré à Mondrian (décembre 1949) comme une possibilité de

liberté en regard de la rigueur néo-plasticienne.

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CXLVI

Résumé

La revue Art d’aujourd’hui paraît de juin 1949 à décembre 1954, constituant une somme de trente-six numéros. Créée pour défendre et promouvoir l’abstraction géométrique et la synthèse des arts, elle s’inscrit dans un ensemble d’actions dont l’objectif principal est de rendre l’avant-garde accessible au plus grand nombre. Pour cela, elle bénéficie notamment de la collaboration de critiques influents des années cinquante.

A partir des apports propres à Art d'aujourd'hui (son contenu – textes, illustrations, mise en pages -, ses archives, ses rédacteurs, les témoins vivants), nous abordons ensuite plus largement la problématique du rôle social qui peut être donné à la création plastique des Trente Glorieuses à nos jours. Qu'en est-il en effet aujourd'hui des objectifs de cette revue : l'art dans le quotidien, l'enseignement de l'art dans le milieu scolaire et la prise en compte des publics dans les musées d'art moderne et contemporain ?

The Review Art d’aujourd’hui (1949-1954): a social vision of art

Résumé en anglais

The review Art d'aujourd'hui was published between June 1949 and December 1954, amounting to thirty-six issues. Created to defend and promote geometric abstraction and the synthesis of the arts, the review was one of a range of activities whose main objective was to make the avant-garde accessible to everyone. To that end, the review benefited from the collaboration of the most well-known and important art critics of the fifties.

Following the analysis of the specific attributes of Art d'aujourd'hui (its content – texts, illustration, and composition; its archives, its writers and the testimony of witnesses), this thesis tackles the broader question of the social role of the plastic arts during the period from the so-called Trente Glorieuses to the present day. What today are the goals of Art d'aujourd'hui: art in daily life, the teaching of art at school, and the acknowledgement of the public for museums of contemporary and modern art?

Discipline : Histoire de l’art

Ecole doctorale 6 (ED 124) - Histoire de l’art et Archéologie

Institut d’Art et d’Archéologie - 3 rue Michelet - 75006 PARIS