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Atelier pédagogique animé par Alain Chaplet, Daniel Gilbert et Dominique Santelli Les emblèmes de la République La réflexion initiée dans cet atelier s’est appuyée en grande partie sur un ensemble documentaire issu du fond des Archives départementales des Hautes-Alpes. Les documents présentés ci-dessous, libres de droits, seront également proposés dans le second numéro de la collection « Doc’Archives » éditée par les ADHA. Les emblèmes républicains sont le fondement de la culture politique en tant qu’ensemble de références, de représentations, de pratiques de la République, ils confèrent à celle-ci une identité propre. Cette identité républicaine ne s’est pas imposée aisément en France, face à d’autres constructions institutionnelles et surtout face à d’autres systèmes de valeurs et de représentation, ceux des adversaires de la République. Mais on constate que le projet républicain, s’il s’est transformé entre 1870 et 1946, n’a pas remis en cause les emblèmes et symboles politiques issus de la IIIe République et légitimés par la victoire de 1918. Ces symboles et emblèmes ont perduré à travers trois républiques et deux guerres, pouvant être détournés ou dénaturés, mais retrouvant leur sens premier lors des moments de refondation républicaine. L’objectif de cet atelier est de s’interroger sur les valeurs et l’imaginaire dans lesquels s’enracine la culture politique républicaine. Emblèmes ou symboles ? Ce sont deux concepts et termes aujourd’hui très proches, devenus presque synonymes dans l’usage courant, même s’ils avaient parfois divergé dans leur long parcours d’abord grec puis romain. Lorsqu’un symbole est largement fixé et reconnu, il devient un emblème : le monogramme RF, sur un bâtiment public ou en en-tête d’un papier officiel, est un emblème, transparent, de la République française ; le même terme d’emblème est bien sûr employé spécifiquement pour désigner le drapeau représentatif d’un État. Dans son Histoire vagabonde, tome I, Maurice Agulhon définit les « fonctions élémentaires » d’un emblème politique (s’agissant ici d’abord des emblèmes de l’État) : identifier le pouvoir politique en le distinguant des emblèmes étrangers et de ceux du pouvoir antérieur aboli ; la réalité ainsi figurée doit donc être immédiatement reconnaissable. traduire clairement les principes dont se réclame le pouvoir ; les valeurs qu’exprime l’emblème doivent être aisément identifiables. produire sur les destinataires un effet favorable : plaire, entraîner l’adhésion du public visé. être parlant, compréhensible pour un public ne sachant pas lire ; chacun se souvient des portails et des vitraux des cathédrales, « catéchismes de pierre » ou « bibles des humbles » a-t-on dit. L’emblème doit faire sens pour être efficace auprès du public-cible. Comment donc la symbolique de la République, avec son bonnet phrygien, son allégorie féminine, son drapeau tricolore, son 14 Juillet, sa Marseillaise, etc., dressée contre la Monarchie et la contre- révolution finit-elle, à l’issue d’une évolution plus que séculaire, par représenter la Nation, la France ? Comment de plus ces symboles et emblèmes républicains ont-ils traversé la période de 1940 à 1945 en étant détournés, dénaturés, effacés… tout en retrouvant leur sens premier lors des moments de refondation républicaine ?

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Atelier pédagogique animé par Alain Chaplet, Daniel Gilbert et Dominique Santelli

Les emblèmes de la République La réflexion initiée dans cet atelier s’est appuyée en grande partie sur un ensemble documentaire issu du fond des Archives départementales des Hautes-Alpes. Les documents présentés ci-dessous, libres de droits, seront également proposés dans le second numéro de la collection « Doc’Archives » éditée par les ADHA. Les emblèmes républicains sont le fondement de la culture politique en tant qu’ensemble de références, de représentations, de pratiques de la République, ils confèrent à celle-ci une identité propre. Cette identité républicaine ne s’est pas imposée aisément en France, face à d’autres constructions institutionnelles et surtout face à d’autres systèmes de valeurs et de représentation, ceux des adversaires de la République. Mais on constate que le projet républicain, s’il s’est transformé entre 1870 et 1946, n’a pas remis en cause les emblèmes et symboles politiques issus de la IIIe République et légitimés par la victoire de 1918. Ces symboles et emblèmes ont perduré à travers trois républiques et deux guerres, pouvant être détournés ou dénaturés, mais retrouvant leur sens premier lors des moments de refondation républicaine. L’objectif de cet atelier est de s’interroger sur les valeurs et l’imaginaire dans lesquels s’enracine la culture politique républicaine. Emblèmes ou symboles ? Ce sont deux concepts et termes aujourd’hui très proches, devenus presque synonymes dans l’usage courant, même s’ils avaient parfois divergé dans leur long parcours d’abord grec puis romain. Lorsqu’un symbole est largement fixé et reconnu, il devient un emblème : le monogramme RF, sur un bâtiment public ou en en-tête d’un papier officiel, est un emblème, transparent, de la République française ; le même terme d’emblème est bien sûr employé spécifiquement pour désigner le drapeau représentatif d’un État. Dans son Histoire vagabonde, tome I, Maurice Agulhon définit les « fonctions élémentaires » d’un emblème politique (s’agissant ici d’abord des emblèmes de l’État) : — identifier le pouvoir politique en le distinguant des emblèmes étrangers et de ceux du pouvoir antérieur aboli ; la réalité ainsi figurée doit donc être immédiatement reconnaissable. — traduire clairement les principes dont se réclame le pouvoir ; les valeurs qu’exprime l’emblème doivent être aisément identifiables. — produire sur les destinataires un effet favorable : plaire, entraîner l’adhésion du public visé. — être parlant, compréhensible pour un public ne sachant pas lire ; chacun se souvient des portails et des vitraux des cathédrales, « catéchismes de pierre » ou « bibles des humbles » a-t-on dit. L’emblème doit faire sens pour être efficace auprès du public-cible. Comment donc la symbolique de la République, avec son bonnet phrygien, son allégorie féminine, son drapeau tricolore, son 14 Juillet, sa Marseillaise, etc., dressée contre la Monarchie et la contre-révolution finit-elle, à l’issue d’une évolution plus que séculaire, par représenter la Nation, la France ? Comment de plus ces symboles et emblèmes républicains ont-ils traversé la période de 1940 à 1945 en étant détournés, dénaturés, effacés… tout en retrouvant leur sens premier lors des moments de refondation républicaine ?

I/ LA DIFFICILE AFFIRMATION DES SYMBOLES RÉPUBLICAINS Les liens avec les programmes : D’un accès plus ou moins facile, les documents s’inscrivent dans les différents niveaux de la scolarité : — Au cycle 3 de l’école primaire, ils illustrent l’étude de la Révolution française notamment l’aspiration à la liberté et à l’égalité, les valeurs et les symboles de la République en liant l’histoire et l’éducation civique. L’installation de la démocratie et de la République à la fin du XIXe siècle est également abordée. — Au collège, le nouveau programme de 4e met l’accent sur les temps forts de la Révolution dans le chapitre II « La Révolution et l’Empire » notamment le thème 1 sur les temps forts de la Révolution et le chapitre III « Le XIXe siècle » avec le thème 2 sur l’évolution politique de la France entre 1815 et 1914. Le lien est aussi à faire avec l’éducation civique et l’histoire des arts. — Au lycée, en seconde, l’ensemble documentaire offre une entrée pour le thème 5 — Révolutions, libertés, nations, à l’aube de l’époque contemporaine. En première, le sujet s’inscrit dans le thème 5, 1ere question : La République, trois républiques. La question invite à s’interroger sur la complexité de la définition de la République en France, c'est-à-dire un régime politique et son fonctionnement, mais aussi, des valeurs, un imaginaire. (Ressources pour la classe : http://eduscol.education.fr/prog)

Pistes pédagogiques Possibilité de construire une chronologie permettant de montrer l’enchainement rapide des événements révolutionnaires et des régimes successifs entre 1789 et 1800. Cette chronologie doit permettre la reconnaissance des symboles du pouvoir et des valeurs de ces différents régimes. Des exemples de travail sont en ligne sur le site des Archives départementales des Hautes-Alpes (http://www.archives05.fr).

II/ LA RÉPUBLIQUE INSTALLÉE : AFFERMISSEMENT ET RÉTICENCES

Pistes pédagogiques — Quelles sont les valeurs défendues par les différents régimes de la France, de 1815 à 1879, tels qu’ils figurent dans leurs emblèmes ? — Comment la sculpture inscrit-elle la culture républicaine dans l’espace public ? Des exemples de travail sont en ligne sur le site des Archives départementales des Hautes-Alpes (http://www.archives05.fr) III/ LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : LA RÉPUBLIQUE IDENTIFIEE A LA NATION Liens avec les programmes Histoire en 3e -Thème 1 — LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE : VERS UNE GUERRE TOTALE (1914-1918) Education civique en 3e Thème 1 – Les valeurs, les principes et les symboles de la République. Démarche : cette partie du programme permet de varier les approches pédagogiques. Recommandation : il convient de s’appuyer sur les programmes d’histoire de la classe de troisième…

Pistes pédagogiques Il est possible à la fin de la séquence d’histoire de lancer un travail de recherche sur les monuments aux morts. La consigne est de rendre sous la forme d’un diaporama un travail de recherche présentant la diversité des monuments aux morts érigés à la fin de la guerre (monuments exaltant l’héroïsme du soldat, monuments montrant la souffrance des femmes, monuments dénonçant la guerre) et leur signification notamment la présence des symboles républicains. IV/ LES SYMBOLES DE LA RÉPUBLIQUE ENTRE EFFACEMENT ET REFONDATION (1940-1945) Liens avec les programmes : Au collège en 3

e et au lycée en 1

e en histoire. « Le choc de la débâcle de 1940 amène à une remise

en cause radicale d’une république apparemment consolidée par la victoire en 1918, mais que les crises des années 1930 ont fragilisée. Le régime de Vichy développe dès son avènement un discours violemment antirépublicain. ... ...Face aux outrances de la réaction, la défense de la République se replie dans la Résistance. L’histoire de la Résistance est celle d’une redécouverte progressive de l’idéal républicain. »

Effacer la République et ses emblèmes :

La dérépublicanisation de l’espace public et du calendrier

Que faire du drapeau tricolore ?

V/ LA RÉSISTANCE ET LA REFONDATION RÉPUBLICAINE

En conclusion : L’idée républicaine sort donc relégitimée par quatre années d’occupation, mais elle a subi une évolution. Les résistants refusent de revenir à une IIIe République discréditée. La Libération est l’occasion d’une profonde rénovation de l’idéal républicain. Suivant le programme du CNR de mars 1944, de grandes réformes visent à établir une république démocratique et sociale.

Pistes pédagogiques : — Partir des changements de symboles pour montrer la question de la trahison de ses valeurs républicaines et, plus largement, de celles nées de la Révolution française et de la démocratisation du XIXe siècle par le régime de Vichy. — Les élèves peuvent aussi constituer un dossier sur les changements de rues dans leur ville (personnes concernées ? Qui étaient-elles ?), en recherchant également les disparitions de statues républicaines pendant la période de 1940/45. Ce travail peut être mené en liaison avec les Archives départementales.