les effets immédiats de la fermeture du barrage de tucurui...

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Les e$ets immédiats de la *fermeture du barrage de Tzzcurui (Brésil) sur Z’ichtyofaune en aval(l) Bernard DE ~~ROM (z), Jair I,OPES DE CAR~ALHO (3) Maria blercedes BITTENCOURT (3) RÉsuniÉ Le 6 sepkmbre 1083, a été fermé le grand barrage de Tucurui sur le Tocantins, dernier affluent rive droite de l’Amazone. Au cours de l’année qui a suivi cette fermeture, des observations répétées ont permis de suivre, en aval dn barruge, la rèporw des peuplements de poissons et des populations qui les composent, à cet évhzement. L’ichtyo- faune semble fuir la région la plus en aval qui correspond à la zone d’inversion du courant sous l’effet des marées. Les peuplements y montrent une grande instabilité et une tendance à diminution de la richessr et de la densité. Dans la région plus proche du barrage, où les marees ne provoquent que des variations du niveau d’eau, les peuplements montrent, au contraire, une certaine stabilité avec des caractéristiques proches de celles observées avant l’existence du barrage. La reproduction cle certaines espèces semble avoir été anticipée par rapport au cycle normal. Le coefficient de condition d’un certain nombre d’espèces a diminut! de façon sensible. Au pied du burrage, des espèces prédatrices s’accumulent pour s’alimenter aun: de’pens des poissons migrateurs bloqués par la présence de la construction. MOTS-CLÉS : Poissons - Répartition - Impact des barrages - Amérique du Sud. Os EFEITOS IMIWIATOS DO FECHAMENTO DA BARRAGE&~ DE TUCURUI(RRASIL)NA ICTIOFAUNAA.JUSANTE Aos 6 de setembpo 1.984 frchou-se a grande barragem de Tucurui no rio Tocantins, illtimo afluente du maryem direita do rio Amazonas. Durante o ano sequinte, observaçoes regulares permitiram seyuir, ti jusante da barragem, a evoluç& das comunidades de peixes e das populaçoes qur as compoem. A ictiofaunri parece fugir da regicïo mais a jusante que corresponde à krea de inverscïo de fluxo devidu a maré. Nesta faixa, as romunidades mostram uma grande instabilidade e uma tendência ci diminuiçao da riqueza e da densidude. Na regicïo mais prckGna 6 barragem, onde a maré provoca sompnte vnriaçoes do nivel d’cigua, as comunidacles demostram, CL~ confr&rio, uma cerh estabilidade com caracteristicas prkrimas dus observadas allies da existéncia du barragem. -4 reproduç&o de algrrmas espècies parece ter sido antecipada em relaçao ao ciclo normal. 0 fator de cortdi@o mddio de algumas espécies diminuiu sensi- velmente. No pi du barragem acumularam-se peixes predadores alimentando-se sobre espécies migradoras impedidas de subir o rio pela preseuca du obra. PALABRAS cxikvES : Peixe - Repart,i@o - Impacto das barragens - Xmika do SU~. THE IMMEDIATE EFFE~TS OF THE CLO$~RE OF THE TUWRUI DAM (BRAZIL) ON THE DOWNSTREAM ICHTHYOFAUNA On september 6th 1984, the large Tucurui hyclroelectric dam, OH the Tocuntins river, the last tributary on the riyht bank of the ,.4muzon, was closed. Duriny the folloming year, I egular observations rrrere conducted dorvnstwum (1) Étude financée par Eletronortc (Brésil), en Convention avec In CNPq-INPA (Conselho National dc drsenvolvimrnto cientifico c tccnologico-1nstil.ut.o National de Pesquisas da Amazonia). (2) ORSTOIIi, 213, rue Lafuyette, 75010 Paris, ef INPA, CP 478, 69000-~~~anaus-d~~I (BrPsil). (3) INPA, CP 478, 69000-Manaus-AM (Brésil). Recr. Hydrobiol. trop. 20 (1): 73-34 (1987).

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Les e$ets immédiats de la *fermeture

du barrage de Tzzcurui (Brésil)

sur Z’ichtyofaune en aval(l)

Bernard DE ~~ROM (z),

Jair I,OPES DE CAR~ALHO (3)

Maria blercedes BITTENCOURT (3)

RÉsuniÉ

Le 6 sepkmbre 1083, a été fermé le grand barrage de Tucurui sur le Tocantins, dernier affluent rive droite de l’Amazone. Au cours de l’année qui a suivi cette fermeture, des observations répétées ont permis de suivre, en aval dn barruge, la rèporw des peuplements de poissons et des populations qui les composent, à cet évhzement. L’ichtyo- faune semble fuir la région la plus en aval qui correspond à la zone d’inversion du courant sous l’effet des marées. Les peuplements y montrent une grande instabilité et une tendance à diminution de la richessr et de la densité. Dans la région plus proche du barrage, où les marees ne provoquent que des variations du niveau d’eau, les peuplements montrent, au contraire, une certaine stabilité avec des caractéristiques proches de celles observées avant l’existence du barrage. La reproduction cle certaines espèces semble avoir été anticipée par rapport au cycle normal. Le coefficient de condition d’un certain nombre d’espèces a diminut! de façon sensible. Au pied du burrage, des espèces prédatrices s’accumulent pour s’alimenter aun: de’pens des poissons migrateurs bloqués par la présence de la construction.

MOTS-CLÉS : Poissons - Répartition - Impact des barrages - Amérique du Sud.

Os EFEITOS IMIWIATOS DO FECHAMENTO DA BARRAGE&~ DE TUCURUI(RRASIL)NA ICTIOFAUNAA.JUSANTE

Aos 6 de setembpo 1.984 frchou-se a grande barragem de Tucurui no rio Tocantins, illtimo afluente du maryem direita do rio Amazonas. Durante o ano sequinte, observaçoes regulares permitiram seyuir, ti jusante da barragem, a evoluç& das comunidades de peixes e das populaçoes qur as compoem. A ictiofaunri parece fugir da regicïo mais a jusante que corresponde à krea de inverscïo de fluxo devidu a maré. Nesta faixa, as romunidades mostram uma grande instabilidade e uma tendência ci diminuiçao da riqueza e da densidude. Na regicïo mais prckGna 6 barragem, onde a maré provoca sompnte vnriaçoes do nivel d’cigua, as comunidacles demostram, CL~ confr&rio, uma cerh estabilidade com caracteristicas prkrimas dus observadas allies da existéncia du barragem. -4 reproduç&o de algrrmas espècies parece ter sido antecipada em relaçao ao ciclo normal. 0 fator de cortdi@o mddio de algumas espécies diminuiu sensi- velmente. No pi du barragem acumularam-se peixes predadores alimentando-se sobre espécies migradoras impedidas de subir o rio pela preseuca du obra.

PALABRAS cxikvES : Peixe - Repart,i@o - Impacto das barragens - Xmika do SU~.

THE IMMEDIATE EFFE~TS OF THE CLO$~RE OF THE TUWRUI DAM (BRAZIL) ON THE DOWNSTREAM ICHTHYOFAUNA

On september 6th 1984, the large Tucurui hyclroelectric dam, OH the Tocuntins river, the last tributary on the riyht bank of the ,.4muzon, was closed. Duriny the folloming year, I egular observations rrrere conducted dorvnstwum

(1) Étude financée par Eletronortc (Brésil), en Convention avec In CNPq-INPA (Conselho National dc drsenvolvimrnto cientifico c tccnologico-1nstil.ut.o National de Pesquisas da Amazonia).

(2) ORSTOIIi, 213, rue Lafuyette, 75010 Paris, ef INPA, CP 478, 69000-~~~anaus-d~~I (BrPsil). (3) INPA, CP 478, 69000-Manaus-AM (Brésil).

Recr. Hydrobiol. trop. 20 (1): 73-34 (1987).

74 R. DE MERONA, J. LOPES DE ChRVhLHO, M. M. RITTENCX~IIRT

the dam to study the response of fish communities and populations tn this stress. The ichthyofauna seems to avoid the most &wnstream i egion, corresponding t0 the area of tidal flow inversion. The communitics in this region show a qreut instabilit;y and u tendency for reduced richness and density. On the contrary, neal er to the dam, rvhere tide effeci IS limitetl to a rvater level fluctuation, the communities are more stable rvith characteristics similar to those observed befvre thr closrwe of the dam. The reproduction vf some species shows evidence of precocity when compared to the normal cycle. The Mean Condition of individuals of some species was markedly reduced. In the tail ruce area, pre- dater species accumulate to feed on migratory fish stopped by the dam.

I<EY WORDS : Fish abundance - Fresh-water - Dams - Environmental impact. - Sout.11 America.

INTRODUCTION

Il n’existe que trés J)eu de travaux sur les effets en aval des grands barrages en zone tropicale sur l’ichtyofaune, et la plupart ne s’intéressent aux J>euJ)lrrnents de poissons yu’& travers la pècherie. BEHNXSEK (1984) fait. une synthése très c.omplète des informat.ions disponibles d’où il ressort. qu’en wSW~, la gbroduction halieutique est réduite en aval i> aprts la fermeture du barrage sauf dans la zone t& limitée située au pied de l’ouvrage. La richesse spéci- fique est. également réduite comme ISHAK (1981) le sign;rlP pour le Nil en aval du barrage d’Assouan. En ce qui conCerne la composition spécifique, des changement~s importants sont suggérés par des obser- vat,ions de SAGUII (1979) dans le Niger, et de BORHGN (1981) dans le Nil. La t.endanc.e générale est une auglnPnt.;ltion, dans les captures commerciales, de la proportion d’Wpb3?s végétariennes de courant lent telles que Tilnpia S[I~. Il est pourtant essentiel de (%omprendre comment réagissent les peuplements de Jloissons en aval des grands barrages. En effet, les cours inférieurs des grandes rivières charrient une quantit.6 plus grande- d’alluvions, ils t,raversent les terres les plus basses, forment. des plaines inondées et, ainsi sont plus IJroductifs et. baignent les régions les J)~US ric.Jles et. les plus peuplées. Ainsi, des études utilisant, des pGc.hes expérimentales sont&les indis- pensables car elles abordent, l’ensemble des peuple- mrnts et. non la petite fraction correspondant aux esp&ces exploitées B leur taille de recrutement dans la p&herie.

I)ans le Tocantins, nous avons pu, pendant deux ans et: demi, mener des études dét.aillées préliminaires g la fermet.ure du barrage de Tucurui, basées tant, sur des donn& expbrimentales que sur l’analyse des captures commrrc.iales (SANTos et al., 1985; MER~NA, 1985; MERONA, SOL~.~ presse; CARVALHO et MERONA, S~I~S ~wss~). Un grand nombre de données obtenues pendant. la phasé pr&fermet.ure ne sont. pas encore publiees, cependant. nous avons choisi de ne pas diffi‘rer la diffusion de c.et.t.e étude qui utilise l’en- semble des résultats. Ceux-ci nous permettent ici de faire une véritable comparaison et. de présenter les principaux effets & c.ourt terme de la fermeture du barrage, au cours de l’année suivante. Nous passerons

en revue, dans c.e travail, les effets visibles sur les peupleme& dans leur ensemble, en ce qui concerne leur structure, leurs c,aractéristiques et leur compo- sition trophique. Par ailleurs, quelques données générales sur la biologie des principales esp&ces seront présentées.

LE MILIEU

Le Toc.antins, dernier affluent. rive droite de l’Amazone, se jette dans le bras sud de l’estuaire (Rio Para), à peu de dist,ance de la ville de Belem du Para (fig. 1). Les deux riviPres principales qui com- posent le bassin : le Tocantins lui-même, et I’Ara- guaia, prennent, leur s0urc.e à quelque 2700 km de l’embouchure, sur les contreforts du bouclier brési- lien. Leurs eaux sont chargées d’alluvions pendant. les pluies, mais celles de 1’Araguaia traversent un G delta central 1) dans la partie hautSe de son cours el. là, sédiment,ent. et. deviennent vertes et: relat.ivement, transparentes. Les deux cours d’eaux se réunissent. à environ 000 km de l’embouchure pour former le Bas Tocantins. C’est. dans cette portion, au niveau d’une pet,ite ville appelée Tucurui, que Eletronorte (entreprise semi-privée d’énergie électrique) a choisi de construire le barrage. La crue est. violente, avec des éc.art-s de haut.eur d’eau dépassant 10 m et son maximum se situe au mois de mars B Tuc.urui. La partie située en aval du barrage, comprend 3 zones hydrologiques estuariennes t,elles que définies par WELCOMME (19%) : une frange de la zone de péné- tration d’eau saumàtre, la zone d’inversion de courant. due à la marée et la zone de variation de niveau d’eau sans inversion de courant.. Naturellement ces 3 zones reculent, en direction de l’estuaire de l’Amazone pendant, la crue, mais nous avons cependant pu séparer des zones qui présentent, chacune des part,i- c.ularit,és écologiques. Entre le barrage et. la ville de Tuc.urui, sur une distance d’environ 10 km, le lit est. rocheux et la qualité de l’eau est. directement condi- tionnée par les opérations du barrage et les activités annexes. En aval de la ville et. jusqu’aux environs du village d’Ituquara, le lit est peu profond, encombré de larges bancs de sable, les berges sont plus ou moins escarpées, la vQ$t,ation est, typique de la terre ferme amazonienne, et. l’inversion de courant sous l’effet

EFFETS AVAL Du BARRAGD DE TUCTJRUI SUR L'ICHTYOFAUNE 75

FIG. 1. - Localisation géographique de la zone d’btude. Les cercles pleins mont.rent les points de col1ect.e de dhbarque- ments, les carrés pleins, les points de collecte espérimentale. Geoyraphical localizafion of fhe sfudy area. The eolid circles show cottecfion points for Iunding dafa and fhe solid squares

the esperimentat fishing sites

de la marée est, exceptionnelle. Plus bas, les rives s’abaissent progressivement,, le lit, se creuse jusqu’5 des profondeurs pouvant aller jusqu’à 30 m, la végé- tat,ion marginale est caractéristique de zones estua- riennes, et l’inversion journalière de courant sous l’influence tidale est c0nstant.e.

Le barrage a été fermé le 6 septembre 1984 par interruption totale du courant, d’eau. Du fait du trks fort débit de la riviére (environ 10000 m3/s en moyenne annuelle, en amont, du lac de barrage) le lac. s’est rapidement rempli et, dès fin octobre, de petites sorties d’eau sporadiques ont commencé en

c.onséquence de tests de fonctionnement des turbines. Vers la mi-novembre, le flux en aval a commencé à augmenter régulièrement et le niveau d’eau a at!teint. une valeur (( normale o à partir de janvier 1985 (fig. 2).

MÉTHODOLOGIE

1. tichantillonnage

Dans les premiers mois, seules des observations sporadiques ont été effectuées. A partir de novembre 1984, et sur un ryt-hITle bimestriel, la mkthodologie utilisée pendant la phase pré-fermeture (MERONA, 1985) a été appliqke avec cependant. un effort réduit, de moiti& Une batterie de filets maillants, au lieu de deux dans la phase pré-fermeture, de maille croissante ent.re 15 et 70 mm de naud & noeud, de fil monofilament, est utilisée. Les filets sont, posés dans des biotopes marginaux d’eau calme et laissés 24 heures dans l’eau (de 18 h à 18 h) avec. 4 relèves. Les stations de collecte sont. les mèmes que pendant la phase pré-fermeture : Acari-Pucu dans la zone d’in- version de courant. due à la marée, et Icangui, à la limite supérieure de la zone de variat,ion du niveau d’eau (fig. 1). En outre, quelques pkhes addition- nelles ont été pratiquées au pied du barrage.

Les poissons capturés sont. déterminés au niveau de l’espkce, mesurés (longueur standard) et. pesés individuellement pour la plupart. Pour la détermi- nation du stade de maturat,ion sexuelle, l’échelle suivante, basée sur des Cri&es macroscopiques, a été adopt6e : - st,ade 1 : immature et. non mature, - stade 2 : début de maturat.ion, - stade 3 : maturation avancée et pont.e, - stade 4 : post ponte.

Quelques informations complémentaires sont obte- nues des pêcheurs professionnels au cours de visit,es périodiques sur les marchés de la région.

2. Traitement des données

Pour chacun des filets, les captures sont ramenées à 100 mz de surface pêchante en nombre et en poids d e poisson pour chaque espèce. Les captures par unité d’effort (CPLTE) ainsi calculées sont ensuite additionnées pour donner une image du peuplement.

Pour chaque échant.illon, sont calculées, la richesse (R ou nombre d’espéces)i 1~ diversité à p-&i- de la formule de Shannon (ISh = -piX log, pi, oh pï sont. les biomasses spécifiques relatives), l’bquitabilité ou diversité relative (E = ISh/log R) et l’ajustement à un modèle log-linéaire de Motomura. Le nombre d’espèces est naturellement fonct,ion de l’intensité d’éc.hantillonnage. Afin de Permett)re la comparaison de richesse avec Iii phase pré-fermeture, le nombre

R~U. Hgdrobiol. trop. 20 (1): 7.3-84 (1987).

Ii. DE MERONh, J. LOI’ES DE CXRVALHO, M. M. BITTENC.OtJRT

HAUTEUR D’EAU (m.)

RESERVOIR.

AVAL-MOYENNE 1969-1982

-20

FIG. 2. - Év«lutim du niveau d’eau prndant I’annt+ qui a suivi la fermeture du barrage du Tucurui, en aval du barrage et. dans le rPswvoir. En rlointill& la wnn%e moyrnnc, du niveau d’eau en aval pour la pbriode 196%19HC?, awc. l’intervalle des valeurs oùservb~~

7Vaier Ic~~el fIzzcfnafizms in fhe rcserooir of Tzzrurui and dournsfream fhe dam during fhe year follz~zz~ing fhe dam closure. The dashed line shc,zzw fhc menn ~facfz~afinn for fhe yoars 1969-1882, zoifh fhe obserzu?d zwlnes inferual

d’espèces observé (No) est. rorrigé pour compenser la diffkrence d’effort.. Une corré,lation entre le nombre d’esp&rs c‘npturées par une seule batterie de filets et le nombre d’espéces capturées par les deux batteries est. ralcul6e à partir des données pr&fermeiure. La formule obtenue est : NC = No x 13-2 avec. n = cj et. r = ~.,,9686.

Pour l’établissement. des st,ruc.tures trophiques des peuplement-s, les données d’aliment.ation obtenue.s &II~ la phase préliminaire (ALMEIIU et CARVALHO,

COIMI. ~WPS.) permett.ent. d’établir 5 grands t.ypes de régime et. comportement alimentaires :

- les grands prédateurs en majorité icht.yophages, - les petits prhdateurs, en majorité entomophages, - les consommateurs benthiques, iliophages et. mangeurs de sédiments, - les consommateurs de végétat,ion supérieure, - les plarwtophages.

Pour chaque espèce capturée en nombre suffisant., la st.ruc.ture de taille de la population est établie et le coefficient. de condition moyen est calculé selon la formule : Ii = 2 Ki/n avec Ki = 10 x Pi/Li avec :

Reo. Hgdrobinl. frop. 20 (1): rs-xi (1.987).

Ki = coeficient de condition individuel, n = nombre d’observ-at.ions, Pi = poids individuel, Li = longuetir St;andard individuelle.

RÉSULTATS

1. Les peuplements

1.1. DANS LA ZONE D’INVER$XON DE COURANT

i\ucune mortalité n’a été observée ni rapportée par des tiers. D’apr& des c.ommunications d’Eletro- norte, la salinité à Cameta n’a jamais atteint< des seuils mesurables (6 < 0,l ‘Jloo), bien que, sur le marché. de Cett:e méme loralité on ait observé plus fréquemment, des espèces est,uariennes.

Fin octobre 1984, soit prés de deux mois aprés la fermeture, une pêc.he expérimentale a été faite dans la st,at.ion d’Acari-Pucu. Après une heure dans l’eau, les filets maillants ét,aient, totalement rec0uvert.s d’algues filamenteuses, ce qui réduisait à zéro leur efEcacité. Des tentatives de péche a la senne et aux filets dérivantCs, ont ét& pratiquées et les c.aptures ont toujours été insignifiantes ce qui porte CI croire que les stocks de la zone étaient, B l’époque, drasti-

quement déprimés. Des observat.ions faites sur les marc.hés ont confirmé cette hypothèse.

Carnctésisfipues des peuplements

A partir de janvier 1985, une certaine restauration des peuplemenk est: observée. D’une manière géné- rale les peuplements s’a,justent à un modèle de Rlot~omura (0,976O < r < 0,9913), ce qui pourrait démontrer un équilibre. Pourt.ant l’évolution de leurs paramétres met en évidence une grande inst,ahilit.é (fig. 3 et. 4). D’un bimestre à l’aut.re, richesse, diver- sit.6, équitabilité et abondance subissent des varia- tions importantes alors que, dans les années 1980-82,

Diversiié (Eh1

r5

janvie ln”IS ma, juillet septembre novembre

FIG. 3. - Évolution de la richesse, de la diversil. et de l’iiquitabilitit des peuplements de poissons Pchant.illonn&s à Acari-Pucu en 1085 et comparaison avec les ann@es ant.kieures. Cercles pleins = données de 1980 ; losanges pleins = donnks de 1981 ; triangles pleins = donnbes de 1982. Richness, diuer- siiy and equitability charxges in the fish cnmmunities sampled in Acari-Pucu in 1986 and comparison with immediately prroious years. Solid circles = 1980 data; aolid diamonds =

1961 dafa; solid triangles = 1982 data

ces caract.éristiques démontraient une certaine stabi- lit.6. L’échantillon très abondant de *juillet est proba- blement lié au passage de concentrat,lons import.ant,es de poissons : le fait que la diversité du peuplement soit faible même avec. un nombre d’espéces jamais égalé dans c.ette stat,ion, démontre qu’une ou quelques eSgJ&ces dominent très largement la commu- nauté. Nous observons, en effet, que l’espèce la plus abondante (Hoplias malabrrricus, un prédateur ichtyo- pliage de taille moyenne) représente plus de 50 /o de la biomasse totale de l’échanlillon.

Structure trophique

Dans les années précédant. la fermeture, une certaine stabilité dans la struc,ture trophique avait

77

FIG. 4. - Évolution des captures par unité! d’effort en nombre et en poids de poissons dans les pèches expérimentales 9 Acari-Pucil rntrc 1980 et 1985. Cha7qes in capfure per effort, in number and weighf of fkh, for cxptvimrntal fishing in =Icari-

Pucu brtwcen 1980 and 1980

ét.6 observée avec 111ie dominante c.onstant,e des c.onsommateurs benthiyues, principalement Czwi- mata cyprinoides et Hemiodus rznimacnlatus (fig. 5). Les grands et les petits prédateurs, venaient ensuitCe avec des espèces cc)~iinio Plagioscion squamosissimus, ,Igeneiosus dentntus, Triportheus ungulatus et, T. albus, ,~ucheniptev*us rirrchnlis. On not,ait aussi Ia relative importance d’un compartiment. planc.to- phage avec Anorlr~s dongatus.

Apres la fermeture, la structure trophique est, comme les caract.éristiques des peuplements, mar- quée par une grande variabilité (fig. 5). Jusqu’en juillet 1985, Ies peup1enient.s sont largement, dominés par les grands prtdateurs : Plagioscion sqwzmosissi- mus surtout, mais aussi Ahaphiodon oulpinus en mai et. Hoplias malaburicus en juillet.. Les petits préda- t.eurs sont aussi trcts abonda& et, ce, jusqu’en novembre, époque à laquelle ils occupent la plus grande part dans Ies captures avec surt.out Ancheni- pterrrs nzzchalis. Les consommateurs bent,hiques sont en général peu reprkentés. En particulier, Curimntn cyprinoides disparalt, presque complétement des captures aprts janvier. Les planctophages sont très peu représent,és a cause de la disparition d’Anodrzs elongatus et sont remplacés, 4 partir de mai, par des espèces végétariennes t.elles que Leporinus frecleïici. Schizodon vittatum et Pcl~auch~vzipterzls galeatus, une espèce peu exigeant.e en oxygène et à kndance omnivore. Pour de plus amples informations sur ces especes, on se reportfera .au cat.alogue des poissons commerciaux du bas ‘Tocantins (SANTOS ut cd., 19841.

Htw. H!ydrobiol. irop. 20 (1): Y&81 (1987).

6-l

B. DE MERONA, J. LOPES DE CARVALHO, hl. BI. HITTENCOURT

Grands prddoteurs

Petits prédateurs

Consommateurs benthiques

Consommateurs de vegetaux supdrieurs

1981

Plonctophages

November 1985

Juillet

FIG. 5. - (.:omposition trophique des peuplements de poissons I Acari-Pucu cnt.re 1980 et. 1985. Trophia c»m!,osition of fish commu- nities in Acuri-Pucu betrveen 1980 nnd 1985

Diversitë UShI

I n T i

I I 1 1 ~-1 I jonver Illors mo, juillet septembre novembre

FIG. 6. - Évoiut.i«n de In richesse, dn la diversité, at de l’tkpiitabilité des pwplrmtwts de poisscms tkhantillounP,s 3 Icangui ~1 1985 ct comparaison avec les ann&x antérieures (mt3111r Itgende ~UP la figure 3). Richness, dioarsity und equi- tabilifg chanqcs in thc /îsh communitics sampled in Icangui in 19s5 and comparison utifh immediately previous years (sumc

legend than figure 3)

1 . .., Ml,

MARS

FIG. 7. - Évolution des captures par unit.6 d’effort eu nombre et en poids de poissons dans les pêches expérirnent.alcs à Icangui entre 1930 et. 1985. Changes in eupfrzre per effort, in number und ujeight of fish, for esperimenful fîshing in Icungui, befween 1980 und

798.5

R~U. Hydrobiol. trop. 20 (1): 7.3-86 (1987).

EFFETS AVAL

1.2. DANS LA ZONE DE VARIATIONS DE SANS INVERSION DE COURANT

Quelques mortalités en masse ont

DU RARR.& DE TUCURUI SUR L’ICHTYOFAUNE 79

NIVEAU D’EAU

été observées immédiatement après la fermet,ure. Elles étBaient dues à la brusque baisse du niveau d’eau qui a provoqué l’isolement, de mares où les poissons se sont trouvés confinés. Cependant, ces phénomènes n’ont jamais atteint, de grandes proportions.

DPs octobre 1984 une p8che expérimentale a confirmé que le poisson restait abondant dans la zone. L’absence d’un c,ert.ain nombre de filets de la batterie ne nous permet pas d’utiliser ces données pour une analyse détaillée des peuplements, mais l’abondance est mise en évidence par les valeurs de CPUE par maille, qui sont comprises entre 1 et 22 kg: valeurs comparables A celles obtenues en janvier 1985.

Caractéristique des peuplements

Les échant.iIIons s’ajust.ent bien au modèle Ion- linéaire de Motomura (0,9754 < r < 0,9945) et l’exa- men de la figure 6 permet de supposer qu’ils sont relativement. stables sur la période c.onsidérée. La richesse, la diversité et l’équitabilité ne varient pas beaucoup d’un échantillon à l’aut.re et sont très proches des valeurs de 1980. Par contre, l’abondance totale est en général bien inférieure h celle observée avant. la fermet,ure (fig. 7).

Structzrre fr*ophique

Pendant la phase pré-fermet.ure, les consommateurs benthiques dominaient généralement les c.aptures avec une exception en juillet 1981 oil les petits prédateurs et les planct,ophages ont. pris une soudaine importance relative (fig. 8). Il s’agissait en fait de la particuliére abondance de deux espèces : A4z1che7zip- teurs nzxhalis, un petit insectivore pélagique et ,4~odus elon~atus, une des deux espèces plancto- phages de la riviére, qui ont représenté à elles seules 66 ‘$A de la biomasae de l’bchant~illon. Il faut. noter que pendant tout,e cette période pré-fermeture, ces deux espèces ont, été abondantes dans cette station et qu’ainsi, le pic d’abondance correspond vraisembla- blement & une concent.ration migratoire. Dans les autres échantillons, les consommateurs benthiques étaient, surtout reprkentés par deux espèc.es voisines : Cnrirnata amaronica et Crzrinzafa cypri7ioides.

De janvier à juillet. 1985, la struct.ure trophique est quelque peu variable d’un mois A l’autre (fig. 8). Les grands prédat.eurs ont, t,oujours une grande part,icipation avec Plagioscion sqzzamosissimus, Rha- phiodon z7ulpinrrs, Pellona casfelneana et. Cichla ocellaris. En mars, un petit consommateur benthique, Hemiodopsis a7*genfezzs, domine largement l’échan- tillon et en juillet, de nombreux petits prédateurs,

R~U. Hydrobiol. trop. 20 (1): 73-81 (1987).

en maj0rit.é insect.ivores, se rencontrent en abon- dance, ce sont, : Triporfheus spp., A7zchenipterzzs 7uzchalis et duche77ipferichfl7ys fhoracafzzm. La dimi- nution de l’importance relative des planctophages par rapport, à la phase pré-fermeture est notable. Elle provient, là aussi de la quasi-disparition d’Alod[rs elongafzzs si abondant avant. fermeture.

En sept,entbre et, novembre 1985, la truct.ure trophique ressemble plus 5 c.e qu’elle était avant fer- meture. On observe aussi une dominante des consom- mateurs bent.hiques avec la grande abondance de Curimata amazonica et. Hemiodopsis argentezzs, et un certain équilibre ent.re grands et Pet#its prédateurs.

1.3. AU PIED DU EARR.i(iE

A plusieurs reprises, des mort.alités en masse de poissons furent observées direct.ement ou rapportées dans cette zone. Celles-ci intervenaient juste après la mise en opération de nouvelles krbines. La cause réside vraisemblablement clans la qualité de l’eau qui descend du barrage. En effet les ef’fluents du lac ont. deux origines : d’une part l’eau de surface du lac, déversée par-dessus le barrage et qui effectue une c.hute à l’air libre d’environ 60 m, et d’aulre part l’eau qui traverse les turbines, captée A mi-profon- deur. La premiére est une eau pure, saturée d’oxy- @ne, la deusiéme une eau t.ot,alement désoxygénée et chargée de H,S formé par la décomposition végé- Lale dans le lac. Lorsque la pruport.ion d’eau turbinée dépasse un cert.ain seuil dans les effluents, des morta- lités de poissons ont. lieu.

En septembre et. novembre 1985 plusieurs pkches expérimentales ont* ét.é prat.iquées dans la zone. Dans une portion marginale A environ 500 m en aval du barrage et. sur la rive gauche, les c.aptures ont ét,é insignifiantes. Dans une port3on immédiatement, au pied de la const~ruction, A cdté du courant, principal, a été capturé un peuplement pauvre (22 espéces en septembre et 30 en novembre) dominé par des préda- teurs de grande et. de petite taille. La composition est très similaire à celle que l’on observe dans les échantillons effectués dans le lac. (obs. pers. non publiées), en particulier, on y retrouve dominants les mêmes Ser7~asalmzrs cJ: gibbzrs, Hyd7~ol~c11s scombe- roides et Ago7ziafes a77chorlia, toujours tres peu repré- sentés dans les peuplements aval nième dans la phase pré-fermeture.

2. Le comportement des principales populations

La figure 9 montre l’évolution de la maturation chez les principales espkces à partir de novembre 1954. Novembre et. janvier sont les mois de plus grande act,ivité reproductrice pour la plupart des espèces comme c.‘ét.ait le cas avant la fermeture.

R. I)F: MERONA, J. LOPE8 DE CXRVALHO, M. hf. RITTENCOURT

1980

Grands prédateurs

Petits prédateurs

Consommateurs benthiques

Consommateurs

f?J Plonctophages

végetaux supér

Novembre

FIG. 8. - C:omposition trophique des peuplrments de poissons à Icangui entre 1980 et lW5. Troptzir compnsifion of fish comnzzznities

in Icanyui befrzreen 1980 n7u.l 1966

H. argenteus

Nov. 84 I

Jan 85

Mar 85 IL

Mai. 85

Jul. 85 L

Set. 85

Nov. 85

H. unimacul

-

l II III IV

C cyprinoides

-

-LB

r-l

r- El

Il,

I II Ill IV

:. amozonico

mm

-m

ILla

L I II Ill IV

L L Il--@&

I II Ill IV

Stades de maturation

FI~. y. - Èvolution de la mat.uration des principales esp8crs dans le bas Toçantins, en aval du ùarra@ de Tucurui, après la fermet.Ure. Voir test.(? pour dbfirriiion de 1’6chelle de mat.uration. Changcx in mufurafio7~ stages for fhe principnl fistz species in the lozuer Tocanfins

rizwr, tiorzvzslream from fhc ‘fucurzzi durn, after ifs closzrre. Ses texf for defi72ifion of mafzzration stages

H?z!. Hycirobiol. irap. 20 (1): 7%91 (1987).

EFFETS AVAL DU RARRAG.E DE TUCURUI SUR L’ICIITYOF.4UNE 81

TABLEAU 1

CoetEcient de condition moyen de quclqurs espèces de poissons du Tocantins avant et aprés la fermeture du barrage de Tucurui. K = coefficient dr condition moyen ; entre parent.hèses : nombre d’individus ; DS = dt;viation standard ; t = valeur du t. de Student. entre 1981 et. 1985 (* . p = 0,95. ‘* .

CP = g&mds pr&dateuk' = o'gg' l ** . *

p = 0,999). B = consommakurs henthiqucs ; PP = petits prédateurs ; T 2 ; PI = Planct.ophages ; V = consommateurs de vbgPtation supkieure

Mean condifion facfor of some species from fhe Tocanfins rioer dozzmsfream from fhe dam before and aftrr fhe closure of fhe dam of Tucurzzi. K = mean condition faefor; bcfrzxwz brackefs: numher of indizCdzzafs; DS = standard deviafion; f = Sfzzdcnf fesf zlafue for comparison of1981andlSS5(*:p = O.B.i;“:p = 0.99;“‘:p = 0.999). B = benfhic consumers; PP = small predafors; GP = large predafors;

PI = plant f ophagos ; V = ctmsumers of superior veyefafion

ICANGLJI ACARI-PUCU

juillet 81 juillet 85 t 81/85 juillet 81 juillet 85 t 81/85 ___________________c___________________I-----------------------------------------------------------------

Hemiodopsis araenteus (H) t< 2,1369(21) II 9m1 (20) 4,6232ttt SD 0,1263 0, 1869

Prochilodus nisricans (R) t? 2.89.26(14) 2,8666(143 0, 1993 SD Cl,3461 Cl ,262s

Curimata amazonica (Eij K 9,0976(20) 3, ibbO(22) 1 I 04.16 SI) 0,2423 0, 1.502

Triportheus anqulatus IFY) b.: 2,2940(25) 2,1447(21) 1,1756 c 2,29..!9(19) 2,0269[12) 2,85az** SD Cl,2881 0, 4970 0,2794 0, 2230

Triportheus albus (FF) t: 1,6880(19j 1,5208(20) 2,9884%X SD I-J, 2153 0, 1027

Acestrorynchus picrolepis (FF') K 1,153Z(-il3) 1,0297(20) 2,3991t SD Cl,1188 rj 14.07 - I

Aucheniptu nuchalis !PF') K: 1,2585 (20) 1,0714(32) 6,0033WX$ SD 0 1 cj-?3 *

* or 1124

Geophaaus jurupari (FF) K 4, 0807 (8) -;,7498(24) 4,0144Y$$ SD 0, 1658 0 2528

Serrasalmus nattereri IEP) t< 4,4985(a) 4 4X49(14) SD 0,2999 0: 4701

O,Ts681 4,3563(a) 4:4885(2X) Cl,6661 13 9488 I 0 67-T -1 5

Anodus elonqatus (F'l) K SD

1,9283i20) 1,6174(9) 5,32a2*** 0, 1054 I:l1 1502

Leporinus frederici CV) tc* 2,4492(E) 2,4614(20) 0,1a97 SD Or 1204 1:~~ 9670

L’époque correspond B la montée des eaux en situa- Lion normale. Cependant, certains indices laissent penser qu’aussit6t aprés la fermeture, en septembre, un cert.ain nombre d’espèces ont anticipé leur repro- duction. C’est ainsi que Curhafa cyprirzoides el Crwimata amuzonica présentent, en novembre des stades postrponte et. aucun stade de maturat,ion avancée. Les individus de T. album, par exemple, sont tous non matures en novembre alors qu’en janvier, de grandes quantités de jeunes sont, rencontks. Par ailleurs, on observe, pour quelques espkces qui norma- lement se reproduisent pendant la crue, un début de maturation dès juillet 1985.

A l’examen de l’évolution du facteur de condition des principales espéces (tabl. 1); on constate que les espèces des différents groupes trophiques ont réagi différemment à la fermeture du barrage. Les consom- mateurs benthiques ne présentent. généralement pas de baisse sensible du coefficient de condition à l’exception de Hemioclopsis argenfeus qui, muni de dents, sélect,ionne dans sa nourriture les fragments végétaux ou les petits organismes (c.rust,acés, inseckes, mollusques) (CARvALHo, COT~~. pers.). Les petik

Rev. IJydrobiol. trop. 20 (1): 73-81 (1987).

prédateurs de surface ainsi que le planctophage, au contraire, voient leur condition baisser parfois dans une large mesure. Enfin les grands prédat.eurs et les consommateurs de végét.ation supérieure gardent la meme condition. Ce sont donc., si l’on excepte les grands prédateurs ichtyophages, les espèces B chaine aliment.aire longue qui ont été les plus affectks. Vrai- semblablement, les organismes de petite taille (planc- ton, mollusques, insectes, crustacés) ont dû subir rapidement le c.ontrecoup de la fermeture du barrage. L’eau effluente est beaucoup moins riche en mat,iére en suspension qui sédimente dans le lac, et les orga- nismes filt.reurs voient. ainsi leur potent.iel alimen- taire s’effondrer.

La woissance en longueur ne semble pas avoir été modifiée par le barrage, c.‘est du moins ce qui est observé chez quelques espkces capturées en nombre suMisant. pour l’ét.ablissement de st-ructures en taille (fig. 10). Pour certaines espèces comme Hemiodus unimacrrlatrrs, Curimata cyprilzoides ou Triporfheus UIOIIS, les valeurs modales obtenues en 1985 sont même, en général, plus klevées que celles observées en 1980-82.

R. DE I\ZEHON-\, J. LOPES T>E CARVALHO, ILI. 31. RITTENCOURT

f I 1 1 1 ‘1 1

E N J M M J S N

E - 200-

:

2 150-

2

L lOO-

2 50- Curimata amazonica 3 3 ” 1 I 1 , 1 1

J M M J S N

200

1 , 1 1 I I I N J M M J S N

Curimata cyprinoides

I I 1 I I I N J M M J S N

F~I;. 10. - LongueurS standards modales et c»urbcs de croissance approximatives chez quelques espikes du bas Tocantins. Modal sfandard len,qfhs cmd approsimafizre ,qrowfh CUPI’FS for snme spccies of fhe lorcer Tocanfins river

t)ISCUSSION ET CONCLUSIONS

Pour les effets immédiats consécutifs à la fermeture du barrage, on pouvait s’attendre A des modifications importantes. &J effet, l’arrét total du débit pendant. plusieurs mois aurait. pu favoriser la remontée d’eau saumfitre dans la port.ion de cours la plus inférieure et repousser les poissons vers l’amont. Dans le mkme temps, la réduction brutale du volume d’eau et l’absence de renouvellement auraient pu provoquer des mortalit.Ps en masse dans la zone aval la plus proc.lre du barrage. Le pire n’a heureusement pas eu lieu si 1'011 considère les faibles morta1it.k observées. T-Tn des facteurs qui a probablement. minimisé les effet.s néfasks est la taille énorme du cours d’eau. Pendant. la phase d’interrupt.ion totale du débit,, nous avons pu survoler la rfigion. De larges bancs de sable kt.aient dkonverts dans le lit de la rivitke, mais la surface d’eau libre demeurait très importante et pouvait, se comporter comme un lac. qui, pendant, deux mois n’aurait rcgu que les apports de l’eau de pluie. Il n’en reste pas moins que les conséquences immédiat es sur l’icht.yofaune sont importantes et peuvent s’aggraver rapidement surtout. à cause d’une demande t.rk forte de poissons dans la région.

HFV. Ngdrohicil. frcrp. 20 (1): 7.3-81 (1887).

Le fait le plus marquant, a été la différence d’effek dans les deux zones individualisées. La partie la plus en aval a souffert très rapidernent de profondes modi- fications dans la qualité de l’eau. Le milieu avait, toute l’apparence d’ètre à un stade avancé d’eutro- phisation. Peut-être le mouvement quotidien de va- et-vient de l’eau sous l’effet des marées provoquaitA une mise en suspension de grandes rnasses de sédi- ments avec pour conséquence une explosion algale. C’est. en tout cas, une hypothèse conforme avec c.e que STRASKRARA (1980) appelle B accelerated eutro- phication u. Ces t.ransformat.ions physico-c.himiques rapides ont, provoque la fuite de nombreusespopu- lat.ions de poissons qui est, illustrée par la diminution générale de densité et l’extreme variabilitk des peu- p1ement.s t.ant par leur richesse et, leur divers&& que par leur organisation t.rophique. Les déplacements de poissons se sont. vraisemblablement faits en direction de l’amont, car l’existence d’eaux estuariennes plus ou moins salées vers l’aval devait. constituer un milieu peu akactif. L’intZégrntion des populations aval dans les peuplements amont pouvait se faire relativement facilement, du fait de la ressemblance qui existait entre les peuplements de c.es deux zones avant, la fermeture (tabl. II). Le résukat, est que l’on observe

EFFETS AVAL DU BARRAGE DE TUCURUI SUR t'lCHTYOFAUNE 83

TABLEAU II

Abondance des 10 principales esptces dans les deux st.ations de collecte et pendant. les deux phases pr& et. post-fermeture du barrage de Tucurui. Le nombre (Nb) et le pourcent.age d’occurrence ( % Oc) ont ht.6 calcul& sur 7 prélévements dans la phase pré-fermeture

et sur 6 prklévements dans la phase post.-fermeture. Los espkces sont classées suivant la valrur de l’indice : Nb x % Oc

Ahundance of the 10 principal species of fish in fhe tue sampling sites and during the fmo periocls, brfore and aftrr the closure of the dam of Tncurui. The number (Nb) und fhe occurrence percentage (y; Oc) luere calculnted on 7 samplings in the first period and on

6 sampling in the second. The species are classifîed on fhe value of indice: Nh x yo Oc

Espèces

ICANGUI ACARI PuCu

Nb %Oc * Espèces Nb %Oc.

Auchenipterus nuchalis Anodus .e longatus Curimata cyprinoides Curimata amazoniea Hemiodus unimaculatus Hemiodopsis argenteus Plagioscion squamosissirnus Triportheus albus llnchouia surinamensis Triportheus angutatus

4

2714 100 1409 100

904 100 874 88 476 100 475 100 328 100 305 100 250 214 1:;

7 espèces

communes

Triportheus atbus 890 100 Curimata amazoniea 757 Hemiodopsis argenteus 455 10; Plagioscion squamosissimus 350 100 Ageneiosus dentatus 332 100 Auchenipterus nuchalis 268 100 Hemiodus unimaculatus 287 Triportheus angulatus 285 8: Auchenipterichthys thoracatum 219 83 Hassar wilderi 148 83

7 espèces

communes

dans la zone amont des ric.hesses et des diversités voisines de celles de la phase pr&fermeture et une organisation trophique qui, après quelques déséqui- libres, retrouve, en novembre 1985, un aspect voisin de celui de 1980-82. Le fait que la densité de poissons (mise en évidence par les CPUE) n’ait pas augmenté dans la zone la plus en amont malgré l’apport, des populations aval, pourrait provenir d’une déplét.ion dis stocks entre 1982 et 1984 sous l’effet d’une forte pression de la pêche locale.

Des éludes développées dans le Niger en aval du barrage de Kainji (SAG~A, 1978) montrent que des concent,rations importantes de poissons se forment au pied du barrage. Les espèces concernées sont de deux cat,égories : a) celles qui tentent de migrer vers l’amont et qui sont bloquées par la présence du barrage, et b) des prédat.eurs qui s’alimentent, sur ces

5 espèces

cornes

Curimata cyprinoides 821 100 Hemiodus unimaculatus 679 100 Ageneiosus dentatus 510 100 PZagioscion squamosissimus 399 100 Triportheus angulatus 344 100 Tr-iportheus albus 303 Auchenipterus nuchalis 285 1:: Loricarichthys nudirostris 268 Prochilodus nigricans 239 180: Anodus e longatus 234 86

5 edpèces

communes

11 Pïagioscion squamosissimus 219 100 Auchenipterus nuchalis 174 100 Triportheus albus 179 Parauchenipterus galeatus 132 5: Curimata cuprinoides 116 67 Auchenipte&hthys thoracatwn 62 83 Geophagus jurupari 96 50 Wiportheus elonaatus 57 83

stocks migrants et sur les poissons morts ou affaiblis déchargés par le barrage. Nous avons observé, dans nos pi?ches au pied du barrage, un grand nombre de prédateurs mais peu de migrateurs. Pourtant de grandes concentrations d’espèces migratrices existent dans cette région et. sont intensivement pêchées par les pécheurs professionnels comme nous le montre- rons dans un travail ultérieur. Cette apparente contradiction s’explique par le fait que les migrateurs sont localisés au milieu du fleuve, sur les fonds rocheux, où le c.ourant. est le plus violent et l’oxygb- nation de l’eau meilleure. Les pecheurs professionnels c.apt,urent c.es espèc.es R l’épervier dans les zones de c.ourant (obs. pers. non publiée) alors que les pèches expérimentales aux filets maillant,s sont effec.tuées sur les bords, dans les zones d’eau calme. IJne autre observation intéressante dans la zone la plus proche

Rsv. Hydrobiol. frop. 20 (2): 73-66 (1987).

84 B. DE MERONA, .T. LOPE.? T)E CART’ALHO, M. IV. RITTENCUURT

du barraye, est. la ressemblance frappante des peuple- ments avec les peuplements observés en amont du barrage. Dans au moins deux cas il a été prouvé que les poissons pouvaient, passer d’un lac. de. barrage ü la partie ava1 de la rivikre (BERNACSEK, 1984). L’un est. le tléveloppement- d’une population de Limno- thrissa naiodorz clans le réservoir de Cahors Bassa alors que l’esptce avait été exclusivement introduit,e dans 1~ lac Kariba en amont,. L’autre cas a été rapporté par Lor1F.s (cww1. [~ws. rit& par BERNACSEK) qui, RI~ courh tles manut-entions des t,urbines au barrage (le Cehora Bassa, a obser%B plusieurs tonnes de poissons vivants dans l’eau résiduelle de la plus basse des conduit.es forcées. Si un phénomène de ce t.gpe btaif, vérifi& pour Tucurui, il est cert.ain que les effets sur 1~s st.ocks en aval pourraient Atre minimisés par un certain recrutement en provenance de l’amont..

Deus espPcrs estr~mement abondantes avant. l’rixist.ence du l:)arrage ont prat,iquement disparu. ,4r1otlrzs rlor~~c~tr~.~ est un grand migrat,eur qui n’a jamais ét.é vu mature dans la zone d’étude et. cIui se reproduit donc probablement dans les hauts Cours. Dans les snn6es 1980432, les capt.ures expérimentales de wtte espf?ce étaient maximales en juillet, ce qui pourrait correspondre à une migration catadrome. Le fait. est, qu’apr8s la fermeture du barrage, mi- septembre 1981, l’esp’ce a presque complètement et brutalement disparu de la zone aval, soit que la majorité des individus aient t.raversé le barrage avant la fermeture, suit que, bloqués par la construction,

ils aient ét.é soumis à une prédat.ion intense. En l’absence d’affluent. important en aval du barrage, donc d’alt-ernativc pour cette espèce, il est probable qu’elle disparaisse totaleme.nt de la zone. L’autre espéce est un petit. consommateur bent.hique, C~ri- mata cgprimides qui effectue probablement aussi des déplacements de reproduction, mais que l’on a trouvé mat.ure tous les ans dans la zone aval. La diminution de son abondance pourrait, être expliquée simplement. par une reproduction trPs déficitaire en 1984 due au stress provoqut par la fermet,ure du barrage. L’esptce est en effet. annuelle : les jeunes de l’année c.ommenc~ent fi &tre capturés par les filets de petite maille à partir de juillet. Tout porte & croire donc que cette esp6ce pourra récupkrer une abon- dance normale.

Des rhangement.s A moyen et long terme vont certainement encore se produire en aval du barrage et des observations régulières seront réalisées dans les années qui viennent. 11 est cependant intéressant de constat,er que les peup1ement.s de poissons répondent de manière trés rapide à des modifications de leur environnement. Le fait. que c.ette ré;ponse n’ait pas été écologiquement, catast,rophique tient vraisembla- blement aux csraçt,érist.iques de la nature amazo- nienne : la t.rès grande taille des milieux d’eau douce et la grande diversit.6 spécifique qui conftre aux peuplements une forte résilience.

Manuscrit accepfé par 11~ Çomité de Rédaction le 20 mars 1987

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