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UNIVERSITE ROBERT SCHUMAN
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE
DEA DE DROIT DES AFFAIRES 2003 / 2004
DROIT FISCAL
LES DISCRIMINATIONS FISCALES
ET LES DISTORSIONS FISCALES
DANS L’UNION EUROPEENNE
Mémoire effectué par Mlle Zeynep AKÇAY
Sous la direction de Monsieur le Professeur Philippe MARCHESSOU
Je remercie Monsieur le Professeur Marchessou pour ses conseils et sa disponibilité.
Je remercie mes parents pour leur soutien permanent.
2
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
Art. Article
BDCF Bulletin des Conclusions Fiscales
BF Bulletin fiscal
CGI Code Général des Impôts
CJCE Cour de justice des Communautés Européennes
Commission Commission Européenne
D. Recueil Dalloz
LPA Les Petites Affiches
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
PUF Presses universitaires de France
Rec. Recueil de la jurisprudence de la CJCE
Rev. dr. fisc Revue de Droit Fiscal
Rev. Europe Le Revue Europe
RIIG Raisons impérieuses d’intérêt général
RMCUE Revue du Marché Commun de l’Union Européenne
RMUE Revue du Marché Unique Européen
RJF Revue de jurisprudence Fiscale F. Lefebvre
RTDE Revue Trimestrielle de droit européen
UE Union Européenne
3
SOMMAIRE INTRODUCTION 05 Chapitre I : La fiscalité des entreprises : un contrôle efficace des discriminations et des distorsions fiscales 09
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement rigoureux des distorsions fiscales 09
Section 2 : Les entraves fiscales : une lutte « engagée » contre les discriminations et les distorsions fiscales 23
Chapitre II : La fiscalité de l’épargne : une lente édification du contrôle des discriminations et des distorsions fiscales 43
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement embryonnaire des distorsions fiscales 43
Section 2 : Les entraves fiscales : des discriminations fiscales qui n’échappent pas à l’analyse communautaire 57
CONCLUSION 74
4
INTRODUCTION
Peut-on parler d’une « confiscation » du pouvoir d’intervenir en matière fiscale par les
instances communautaires ? Autrement dit l’impôt qui est l’un des attributs essentiels des
pouvoirs régaliens d’un Etat relève-t-il encore de sa compétence ?
Il faut, tout d’abord, souligner le fait que les instances communautaires ont deux sortes
de compétences supranationales en matière fiscale. Ces deux compétences sont, d’une part,
celle de contrôle des fiscalités nationales et, d’autre part, celle d’harmonisation. L’existence
de ces compétences ne doit cependant pas occulter le fait que la collecte des impôts est
indispensable à un Etat afin que celui-ci puisse mener à bien sa politique économique.
Ensuite, il convient d’opérer une distinction entre la fiscalité indirecte et la fiscalité directe,
parce que selon qu’il s’agit de l’une ou de l’autre, le rôle de la Communauté européenne ne
sera pas identique. Ainsi, il est intéressant de noter que la fiscalité directe se distingue dans le
Traité de Rome par son absence, alors même que la fiscalité indirecte, dominée par la TVA,
constitue un enjeu d’importance croissante de la construction européenne1. En matière de
TVA, l’harmonisation est bien amorcée : le système européen repose sur le principe du pays
de destination ; en fait il s’agit d’un régime transitoire qui dure, mais il se dessine peu à peu
une TVA communautaire. La fiscalité directe, quant à elle, reste tributaire des droits
nationaux.
La dialectique entre souveraineté nationale et compétence communautaire se révèle
avec d’autant plus de vigueur en matière de fiscalité directe. En effet, cette dernière mobilise
la compétence de contrôle des fiscalités nationales, à travers l’examen des discriminations.
Quant à la compétence d’harmonisation, elle reste un objectif ultime vers lequel la
Communauté essaie de tendre. Même si elle n’existe pas dans ce domaine précis, les instances
communautaires ne cessent de vouloir coordonner les politiques fiscales des Etats membres,
par l’adoption de directives ou de règlements.
Nous axerons notre étude sur la fiscalité directe qui demeure l’un des grands chantiers
de la construction européenne. Avant d’exposer les instruments dont disposent la
Communauté, il convient d’énoncer la mission que celle-ci veut accomplir. La Communauté
européenne, par l’établissement d’un Marché commun et par le rapprochement progressif des
1 P. Dibout, « L’Europe et la fiscalité directe » ; LPA n°153 23/12/98 p.8.
5
politiques des Etats membres, cherchent à promouvoir un développement harmonieux des
activités économiques dans l’ensemble formé par les pays membres, une expansion continue
et équilibrée, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau de vie et des relations
plus étroites entre les Etats qu’elle réunit. Initialement, la Communauté avait essentiellement
pour ambition la création d’un Marché commun. Depuis l’Acte unique européen de 1986, il
est également prévu que la Communauté arrête les mesures destinées à établir
progressivement le marché intérieur. Le passage de « commun » à « intérieur » exige une
politique de limitation des distorsions des coûts de production et de rentabilité des capitaux
investis, ainsi qu’une politique d’élimination des disparités et discriminations de toute nature
susceptible d’entraver les libertés fondamentales prévues par le Traité. Nombreux sont ceux
qui considèrent que l’achèvement du Marché intérieur, qui est un espace sans frontières,
impose la mise en place d’un véritable processus d’harmonisation fiscale. Pourtant, il existe
une large variation de la charge fiscale effective qui est imposée aux investisseurs résidents
dans les différents Etats membres, ainsi que dans la façon dont chaque pays traite les
investisseurs à destination ou en provenance d’autres pays. De plus, hormis la Directive
relative aux sociétés mères et filiales, celle relative aux fusions, scissions et apports d’actif, et
la convention en matière d’arbitrage adoptées le 23 juillet 1990, il n’existe pas à ce jour une
véritable harmonisation en la matière.
Comment alors dans un tel contexte a-t-il été possible de créer un début de Marché
intérieur ? Le Traité apporte un début de réponse dans la mesure où elle assigne deux objectifs
au Marché commun : d’une part, la suppression des obstacles à la libre circulation des
produits, des personnes, des services et des capitaux et, d’autre part, la garantie d’une
concurrence non faussée. Par conséquent, une mesure fiscale contrevenant à ces objectifs
tombera sous le contrôle des instances communautaires.
Dans le cadre de notre étude nous nous intéresserons à la manière dont la
Communauté instrumentalise les discriminations et les distorsions afin de remplir au mieux
les objectifs précités.
La discrimination, tout d’abord, réside dans le fait de séparer un groupe social des
autres en le traitant plus mal2. De cette définition transparaît une rupture d’égalité. Dans le
domaine fiscal, la discrimination consiste à imposer plus lourdement les ressortissants,
personnes physiques ou personnes morales, d’autres Etats membres. Le Traité CE condamne
à deux reprises de telles discriminations. L’article 12 du Traité CE pose un principe général
2 Le Petit Robert, « discrimination ».
6
d’interdiction de toute discrimination exercée à raison de la nationalité. Cet article ne trouve à
s’appliquer que si les dispositions relatives aux libertés fondamentales ne s’appliquent pas.
Ces dernières concernent la libre circulation des personnes, la liberté d’établissement, la libre
prestation de services et la libre circulation des capitaux et sont consacrées respectivement
aux articles 39, 43, 49 et 56/58 du Traité CE. Ainsi toute discrimination à raison de la
nationalité est prohibée par le Traité CE. L’interprétation constructive employée par la CJCE
va même jusqu’à procéder à un dépassement de ce principe, puisque très rapidement la
discrimination quelle qu’elle soit, dès lors qu’elle entrave les libertés fondamentales, se
trouvera condamnée.
La distorsion, quant à elle, est définie comme un déséquilibre entre plusieurs facteurs,
entraînant une tension3. Contrairement à la discrimination, la distorsion ne se trouve pas
interdite de manière générale par le Traité CE. Dans un sens général, nous pourrions estimer
que les deux termes sont très proches, puisqu’une discrimination donne lieu, elle aussi à un
déséquilibre entre deux facteurs. Nous n’adopterons toutefois pas ce point de vue et
considérerons les deux notions séparément. L’instrument que constitue la distorsion fiscale
aura pour fonction essentielle de permettre la réalisation du second objectif du Marché
commun, à savoir l’assurance d’une concurrence loyale à l’intérieur de la Communauté. En
matière fiscale, le Conseil Ecofin informel de Vérone d’avril 1996, a mis en exergue un
phénomène de concurrence fiscale dommageable. Ce dernier trouve son origine dans une
mesure fiscale prise par un pays afin d’attirer le contribuable des pays voisins sans que pour
autant en résulte une activité ou une valeur ajoutée supplémentaire. Concrètement ces mesures
produisent un niveau effectif d’imposition nettement inférieur à celui normalement applicable
dans l’Etat membre concerné, et sont le plus souvent réservées aux non-résidents ou aux
transactions avec ceux-ci. Les Etats membres perdent ainsi des recettes sans avoir crées des
emplois en contrepartie, le transfert de la charge fiscale s’étant opéré du facteur le plus
mobile, à savoir, le capital vers le facteur le moins mobile, à savoir, le travail.
La concurrence fiscale dommageable en plus d’être défavorable à la création
d’emplois constituait simultanément un obstacle à l’activité transfrontalière des entreprises. A
cette fin, la Communauté s’est dotée de nouveaux concepts et de nouveaux instruments dans
le respect de la subsidiarité et du processus décisionnel à l’unanimité. L’encadrement par ces
deux principes revêt une certaine importance. Selon le principe de subsidiarité, prévu à
l’article 5 du Traité CE, la Communauté intervient seulement « si et dans la mesure où les
3 Le Petit Robert, « distorsion ».
7
objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière satisfaisante par les
Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée,
être mieux réalisés au niveau communautaire ». L’adoption de directives pour le
rapprochement des législations des Etats membres est, quant à elle, soumise à la règle de
l’unanimité, prévue à l’article 94 du Traité CE.
Parmi les nouveaux concepts envisagés, celui de paquet fiscal, notamment celui adopté
par le Conseil Ecofin en juin 2003 a permis la réalisation de grands projets, d’une part, le
démantèlement des mesures jugées dommageables en matière de fiscalité des entreprises et,
d’autre part, l’adoption d’une directive sur la fiscalité de l’épargne. Le paquet fiscal vise à
associer, dans le but de faciliter l’obtention de l’unanimité un certain nombre de mesures afin
d’équilibrer les gains et les sacrifices que connaîtra chacun des Etats membres.
Ainsi le phénomène de concurrence fiscale dommageable touche essentiellement la fiscalité
des entreprises et de l’épargne. Ces deux domaines sont également affectés par la mise en
place de mesures discriminatoires qui constituent des entraves aux différentes libertés de
circulation prévues par le Traité.
La réalisation du Marché intérieur par l’élimination des discriminations et des
distorsions fiscales concerne donc la fiscalité des entreprises et de l’épargne. Toutefois, le
degré d’implication des instances communautaires suivant que l’on se trouve dans l’un ou
l’autre de ces domaines varie. En effet, en matière de fiscalité des entreprises nous pouvons
constater qu’il existe un contrôle efficace des discriminations et des distorsions fiscales
(Chapitre I), alors qu’en matière de fiscalité de l’épargne l’édification du contrôle des
discriminations et des distorsions est plus lente (Chapitre II).
8
Chapitre I : La fiscalité des entreprises : un contrôle efficace des
discriminations et des distorsions fiscales
L’emploi de l’adjectif « efficace », témoigne d’une réelle volonté de la part des
instances communautaires de lutter contre les deux phénomènes, soulevés dans l’introduction.
Ces deux phénomènes sont la concurrence fiscale dommageable et l’élimination des entraves
fiscales dues à des mesures discriminatoires.
En matière de concurrence fiscale dommageable, il existe certes le frein de la règle de
l’unanimité pour parvenir à une véritable harmonisation, mais la politique de la Commission
ainsi que la réglementation sur les aides d’Etat ont montré que de véritables avancées ont été
entreprises (Section I).
Quant à l’élimination des entraves fiscales, issues de mesures discriminatoires ou de
mesures provoquant des distorsions de concurrence de nature fiscale entre les sociétés de
différents Etats membres, elles échappent rarement à un examen approfondi de la CJCE ou de
la Commission (Section II).
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement rigoureux des
distorsions fiscales
En 2001, l'OCDE, tout en soulignant les vertus de la concurrence fiscale, a mis en
exergue que « les pratiques fiscales dommageables faussent les flux financiers et,
indirectement, les flux d'investissements matériels [nuisant ainsi] à la possibilité, pour chaque
pays, de déterminer la répartition de la charge fiscale entre les bases d'imposition mobile et
celles qui le sont moins, et en particulier entre le travail, la propriété et la consommation ».
Cette constatation fait suite aux recommandations de l'OCDE amorcées en 1998 avec le
9
rapport intitulé « Concurrence fiscale : un problème mondial »4. Ce rapport n’avait trouvé que
peu d’échos dans la législation des Etats en raison de son absence de pouvoir normatif.
Au niveau européen, la stratégie adoptée en la matière fut totalement différente et
pourrait-on dire plus effective. En effet, la lutte contre la concurrence fiscale dommageable
fut intégrée dans une réflexion plus globale sur l’harmonisation européenne, ce qu’illustre
d’ailleurs le programme de la Commission (§1). Malgré un effort d’harmonisation, les Etats
ont vite été confrontés à une barrière semble t-il infranchissable, à savoir, la règle de
l’unanimité. Les instances communautaires ne se sont pas découragées pour autant et ont
« redécouvert » la réglementation sur les aides d’Etat, qui leur a permis de se doter de
moyens contraignants à l’égard des Etats se livrant à une concurrence fiscale dommageable
(§2).
§1 : Le programme de la Commission visant à la coordination des politiques fiscales
Le Conseil Ecofin informel de Vérone de 1996 a mis en évidence trois grands enjeux :
la stabilisation des recettes fiscales des Etats membres, le bon fonctionnement du marché
unique, et la promotion de l’emploi. Ces objectifs montrent une certaine corrélation entre les
enjeux économique et fiscaux. La coordination des politiques économiques semble ne pouvoir
être efficiente sans celle des politiques fiscales. L’économie et la fiscalité font ainsi partie
d’un ensemble.
Il convient donc d’exposer le contexte économique européen (A) pour mieux
comprendre la nécessité de coordonner les politiques fiscales. Cette coordination des
politiques fiscales s’inscrit, quant à elle, dans un autre ensemble dont la philosophie préconise
une approche globale (B).
A. Le contexte économique global de l’élaboration de la politique fiscale de l’Union
européenne
L'article 14, paragraphe 2 du Traité CE5 a marqué la pleine affirmation du marché
intérieur, sur le plan des libertés économiques fondamentales et la création des conditions
4 « Concurrence fiscale dommageable : un problème mondial », approuvé par le Conseil de l’OCDE le 9 avril 1998. 5 Selon l’article 14, paragraphe 2 du Traité CE, « le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité ».
10
nécessaires à la mise en place d'un espace financier unifié. Cet espace s’est consolidé avec
l'institutionnalisation d'une Union monétaire, à laquelle appartiennent actuellement 12 Etats
membres. Depuis leur adhésion à l'Union monétaire, les 12 Etats membres qui l’intègrent ont
abdiqué de leurs politiques monétaires et de change, en cessant notamment de pouvoir
effectuer des dévaluations compétitives. Ce phénomène, a néanmoins été remplacé par celui
des défiscalisations compétitives. L'objectif des Etats membres étant d'attirer sur leur territoire
des entreprises d'autres Etats membres au moyen d'avantages fiscaux.
La consolidation de la zone euro s'est accompagnée de l'exigence pour les Etats
membres de consolider leur budget. Dorénavant, on exige des Etats membres de l'Eurogroupe
une coordination plus étroite de leur politique budgétaire à travers le respect du Pacte de
stabilité et de croissance (PSC)6. En parallèle les Etats poursuivent une politique
complémentaire de coordination de leur politique économique, dont les principaux
instruments sont les recommandations formulées dans les Grandes orientations de politique
économique (GOPE)7, qui couvrent outre les orientations de politique macroéconomique
destinées à assurer la croissance et la stabilité et à améliorer la qualité et l'équilibre des
finances publiques, les réformes économiques liées au marché du travail, au marché des
produits, au marché des services financiers, à l'esprit d'entreprise, à la connaissance et à
l'innovation, et à l'environnement.
C'est dans ce contexte que la politique fiscale est coordonnée et appréciée, celle-ci
étant orientée vers la suppression des distorsions fiscales et l'adaptation des systèmes fiscaux
aux défis de l'intégration européenne.
L'élargissement de l'Union européenne est également une donnée qui influe sur le
processus d'intégration économique. Avec l'adhésion de 10 nouveaux Etats qui entraînera de
facto une plus grande diversité des systèmes fiscaux, la concurrence fiscale n'en sera que plus
stimulée. Toutefois, la Commission dans le cadre du processus d'adhésion a identifié environ
50 mesures fiscales considérées comme potentiellement dommageables. N’ayant pas renoncé
à la règle de l'unanimité en matière fiscale avant l'adhésion des 10 nouveaux Etats, l'Union
risque d'être soumise à une concurrence fiscale plus intense8.
6 Le PSC a été approuvé par le Conseil européen d’Amsterdam et incorporé dans la Résolution du 17 juin 1997 ( JOCE n°C236/1 du 2 août 1997) et dans deux Règlements du Conseil, n° 1466 et 1467, respectivement, du 7 juillet 1997 (JOCE n° L209 du 2 août 1997). 7 Les GOPE constituent l’instrument stratégique en ce qui concerne la définition et l’évaluation de la politique économique communautaire. On y formule, sous forme d’articles, les recommandations relatives aux politiques macroéconomiques et aux réformes structurelles que les Etats membres s’engagent à poursuivre. 8 La conférence intergouvernementale 2000 (CIG) a approuvé les réformes des institutions communautaires qui préparent le terrain en vue de l’élargissement, en dépit du résultat décevant des négociations sur le traité en ce qui concerne la procédure décisionnelle en matière de fiscalité.
11
Au-delà du cadre européen, la mondialisation de l'activité économique, l'avènement de
la société de l'information et de l'innovation technologique, et la multiplication des firmes
transnationales sont autant de phénomènes qui posent des défis importants à la fiscalité et aux
systèmes fiscaux. Ce phénomène de mondialisation incite de plus en plus les Etats à agir dans
un cadre multilatéral voire même mondial comme celui de l'OCDE ou de l’OMC, en vue de
sauvegarder leur propre base matérielle d'existence, à savoir les impôts. En effet, les systèmes
fiscaux malgré la mondialisation de l'économie reposent essentiellement sur un principe de
territorialité.
Ce contexte a naturellement des conséquences directes sur la conception de l'Union
européenne de la question fiscale. Le pouvoir fiscal, notamment dans le domaine de la
fiscalité directe qui continue de relever de la souveraineté des Etats membres. Ainsi, le
Comité économique et social européen signale que « la suppression des frontières et la libre
circulation des capitaux peuvent, dans certains cas, mener à une spirale de concurrence fiscale
vers le bas entre les Etats membres »9. Le CES européen exprime cet avis en se référant à la
base imposable qui est la plus mobile. Elle constate que la concurrence fiscale s'exercera
d'autant plus sur des impôts « mobiles » que sur d'autres types d'imposition, tels que les
revenus du travail. Par conséquent, les institutions communautaires ont envisagé une stratégie
pour faire face à la tendance des Etats membres à déplacer la charge fiscale globale au
détriment des facteurs de production fixes ou moins mobiles.
B. Une approche globale de la question fiscale
Pour la Commission, la concurrence fiscale dommageable ne peut être surmontée que
par le biais de deux actions. D'une part, par l'adoption d'une approche plus coordonnée entre
les Etats membres et les institutions communautaires et, d'autre part, par la formulation d'une
stratégie fiscale globale.
La première action, prônant une approche coordonnée, témoigne du rejet par la
Communauté de procéder à une harmonisation fiscale. La Communauté reste, par conséquent,
fidèle à son choix originaire et semble plus favorable à une politique fiscale qui « consiste à
réduire ou supprimer les possibilités de shopping fiscal et les régimes dérogatoires, tout en
9 Comité économique et social, Avis sur la fiscalité directe et indirecte (967C82/11), JOCE n°C82 du 19 mars 1996, p.50
12
maintenant, autant que possible, les particularités fiscales nationales »10. Les principes de
subsidiarité et de proportionnalité semblent ainsi plus que jamais être en vigueur. La raison en
est que la fiscalité, fait partie intégrante de la souveraineté des Etats membres et que la
Communauté est consciente de l'importance de celle-ci pour les Etats membres dans leur
façon de mener leur politique publique.
La seconde action, formulant une stratégie fiscale globale, précise la portée de la
coordination envisagée. Cette dernière, ne doit pas dépendre d'initiatives isolées ou
fragmentées, mais doit répondre à une analyse systémique qui prenne en compte l'ensemble
de la fiscalité et des problèmes qu'elle pose à l'intégration européenne et aux autres politiques
européennes. Cette stratégie globale est représentée par le paquet fiscal global (1). Ce dernier
comporte trois volets relatifs respectivement à la fiscalité de l’épargne, à la fiscalité des
entreprises et aux retenues à la source pour les paiements d’intérêts et de redevances entre
entreprises associées de différents Etats membres. En ce qui concerne la fiscalité des
entreprises, c’est l’adoption d’un Code de conduite qui constitue la principale innovation (2).
1. Le paquet fiscal global
Lors du Conseil Ecofin informel de Vérone ayant eu lieu en avril 1996, la
Commission a mis en évidence le contraste qui existait entre la nécessité de progresser dans la
coordination fiscale au sein de l'Union européenne et le faible nombre de décisions prises
dans ce domaine. La Commission a donc engagé la Communauté dans une voie nouvelle,
marquée par une vision nouvelle et globale de la politique fiscale. La Commission a par la
même occasion identifiée trois grands enjeux. Le premier, concerne la stabilisation des
recettes fiscales des Etats membres. En effet, celle-ci est susceptible d'être affectée par la
détérioration de la situation fiscale découlant de l'érosion de la base imposable provoquée par
la concurrence fiscale. Le deuxième, relatif au bon fonctionnement du marché intérieur
exigerait la suppression des barrières fiscales encore existantes que ce soit en matière de
fiscalité indirecte ou directe. Le dernier enjeu repose sur la promotion de l'emploi qui
impliquerait une inversion de la pression fiscale sur la main-d'oeuvre grâce à une réduction de
l'imposition des revenus du travail.
Après avoir identifié ces trois grands enjeux le Conseil Ecofin a donné la priorité à
l'élimination de la concurrence fiscale dommageable, qui selon lui est « le mal » entravant la
10 M. ENGLERT/ M.SAINTRAIN, « Les pouvoirs publics face à la concurrence fiscale », Reflets et Perspectives de la Vie Economique, t. XL, n°3,2001, p.55.
13
réalisation de ses objectifs11. Il convient de définir ce qu’est une mesure fiscale dommageable
afin de mieux cerner la concurrence qu'elle peut engendrer. Une mesure fiscale dommageable
est celle prise par un pays afin d'attirer le contribuable des pays voisins sans que pour autant
en résulte une activité ou une valeur ajoutée supplémentaire. Ces mesures produisant un
niveau effectif d'imposition nettement inférieur à celui normalement applicable dans l'Etat
membre concerné, entraîne une concurrence fiscale dommageable.
Face à ce problème, la Commission préconise une stratégie globale concrétisée par la
présentation d'un paquet fiscal. Ce dernier permet une négociation globale lors duquel un Etat
peut faire des concessions sur une proposition donnée, en échange pour lui de l'adoption d'une
proposition qui lui est plus favorable. Ce paquet fiscal englobe trois domaines : celui de la
fiscalité des entreprises, celui de la fiscalité des revenus de l'épargne, et celui de la
problématique de la retenue à la source appliquée aux paiements transfrontaliers d'intérêts et
de redevances entre entreprises. La lutte englobe ces trois domaines mais les moyens utilisés
sont différents. En ce qui concerne les mesures relatives aux revenus de l'épargne et aux
retenues à la source, le Conseil Ecofin préconise l'adoption de directives approuvées à
l'unanimité. Quant à la fiscalité des entreprises elle relève de l'adoption d'un code de conduite.
2. L’élément clé du paquet fiscal : le code de conduite
Comme nous l'avons précisé ci-dessus, la lutte contre la concurrence fiscale
dommageable dans le domaine de la fiscalité des entreprises est restreinte au Code de
conduite. Ce document se définit comme un « engagement politique » qui n'affecte donc pas
les droits et les obligations des Etats membres, ni leurs compétences ou celles de la
Communauté telles qu'elles découlent du Traité. Dès lors se pose la question de sa valeur
juridique. Le Code de conduite a été adopté par une résolution conjointe du Conseil de
l'Union et des représentants des gouvernements des Etats membres réunis au sein du Conseil.
Or cette source ne figure pas parmi celles énumérées par l'article 249 (ex-article 189) du
Traité CE12 pour l'adoption d'un texte. Le Conseil, seul, ne possède pas de compétence à cet
égard car il s'agit d'un domaine de compétence partagée : la souveraineté des Etats en matière
11 « Une action coordonnée au niveau européen est indispensable pour maîtriser la concurrence fiscale dommageable en vue d’atteindre certains objectifs, réduire les distorsions dans le marché unique, éviter les pertes trop importants de revenus fiscaux ou orienter les structures fiscales d’une façon plus favorable à l’emploi ». 12 Selon l’article 249 du Traité CE, « Pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues au présent traité, le Parlement européen conjointement avec le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis ».
14
de fiscalité directe est limitée par un ensemble de principes et de règles compris dans le Traité
et dans le droit dérivé dont la surveillance appartient aux institutions européennes.
Afin de déterminer la valeur juridique de ce Code nous pouvons nous pencher sur la
position de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) concernant un autre
code de conduite. Ainsi concernant le Code de conduite en date du 6 décembre 1993, adopté
d'un commun accord par la Commission et le Conseil pour accroître l'accès du public à
l'information dont disposent les institutions communautaires, la CJCE avait refusé tout effet
juridique immédiat. La CJCE a très nettement refusé de reconnaître une quelconque valeur
juridique à ce Code de conduite, qui paraît être considéré comme « un texte à caractère
politique dans lequel sont consignés des accords politiques conclus entre la Commission et le
Conseil »13. Il semble que cette attitude puisse être transposée au Code de conduite du 1er
décembre 1997.
Considéré avant tout comme un engagement politique à vocation normative, le Code
intègre, tout au plus, les procédures du soft law14. Bien qu’il ne puisse pas être invoqué d'une
façon autonome devant la CJCE, le Code ne laisse pas de produire certains effets juridiques.
Le Code préconise une lutte efficace contre la concurrence fiscale dommageable en ce qu'elle
instaure une approche méthodique. Celle-ci se déroule en trois étapes.
La première étape consiste en l'identification dans chaque État membre des mesures
fiscales considérées comme fiscalement dommageables. Cette recherche est prévue par le
Code de conduite aux points E et H, qui énoncent, par ailleurs quelques critères pour les
détecter.
La deuxième étape, concerne l'évaluation du caractère dommageable ou pas d’une
mesure fiscale déterminée. Le Code prévoit la création d'un groupe qui supervisera le travail
d'évaluation des mesures instituées. Ce groupe mis en place par le Conseil est composé de
deux membres de chaque Etat et de la Commission et est chargé d'établir un rapport sur les
mesures fiscales en donnant son appréciation. Par la suite, le rapport est communiqué au
Conseil qui en délibère et décide de le publier ou pas. Cependant malgré le point G du Code
de conduite d'après lequel le Conseil insiste sur « la nécessité d’évaluer avec soin les effets
que les mesures fiscales ont sur les autres Etats membres, entre autres à la lumière de la façon
dont les activités en cause sont effectivement imposées dans la Communauté », les effets des
mesures fiscales semblent difficiles à apprécier. Les difficultés d’appréciation sont d'autant
13 Arrêt du 30/04/1996, aff. Pays-Bas/Conseil, D., 1997,17, point 23. 14 « Texte à fondement politique, librement négocié, il a une vocation normative puisqu’il dicte de façon générale et abstraite le comportement à venir des Etats. ».
15
plus grandes que le Code de conduite ne peut pas ne pas tenir compte des tendances actuelles
à faire souvent jouer à la fiscalité un rôle économique ou social. C'est la raison pour laquelle
le point G du Code précise que « dans la mesure où les mesures fiscales en cause servent au
développement économique de régions particulières, une évaluation doit être faite quant à
savoir si les mesures sont proportionnées et destinées aux buts poursuivis. Dans cette
évaluation, une attention particulière doit être portée aux spécificités et contraintes des régions
éloignées ou des petites îles, sans mettre en cause l'intégrité et la cohérence de l'ordre
juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes ».
La dernière étape est relative à la mise en oeuvre des recommandations. Dans le cadre
du Code de conduite, quatre recommandations ont été adoptées. La première recommandation
est une clause de gel, standstill, destinée à empêcher l'entrée en vigueur des nouvelles
mesures. La deuxième recommandation intitulée, rollback, fixe les délais pour le
démantèlement des mesures considérées effectivement dommageables. La troisième
recommandation, dite K, stipule que le Conseil invite les Etats membres à coopérer
complètement dans le combat contre l'évasion et la fraude fiscales, notamment par l'échange
d'informations entre Etats membres, conformément à leurs lois nationales respectives. La
quatrième recommandation, dite L, stipule que le Conseil note que les dispositions anti-abus
ou les contre- mesures contenues dans les lois fiscales et les conventions contre les doubles
impositions jouent un rôle fondamental pour contre carrer l'évasion et la fraude fiscales.
L’efficacité du Code de conduite est renforcée par la réglementation sur les aides
d’Etat.
§2 : Les aides d’Etat comme instrument de lutte contre la concurrence fiscale
dommageable
Comme nous l'avons exposé ci-dessus le Code de conduite est un « engagement
politique », qui par voie de conséquence ne produit pas d'obligations à la charge des Etats.
Plus précisément, le Code de conduite ne peut pas être évoqué d'une façon autonome devant
la CJCE. Cependant, le Code est susceptible de produire certains effets juridiques, notamment
par le contrôle qu'exerce la Commission sur le régime des aides d’Etat.
Le développement de la concurrence fiscale et l'introduction dans la plupart des Etats
membres, de régimes « favorables » aux entreprises multinationales, destinés à les attirer ou à
empêcher leur départ vers des pays bénéficiant d'un régime fiscal plus séduisant donnent à la
procédure de contrôle des aides d'Etat de nouveaux champs d'application.
16
La stratégie de l'Union européenne face au phénomène de concurrence fiscale
dommageable, en plus de l'intégrer dans une réflexion plus globale sur l'harmonisation
européenne, se dote ainsi de moyens contraignants à l'égard des Etats membres avec la
réglementation sur les aides d'État. Cette dernière constitue la dimension répressive de
l'élimination des régimes fiscaux préférentiels.
Le Code de conduite montre qu'un lien très étroit se dessine, dans l'esprit des autorités
communautaires entre la concurrence fiscale et les aides d'État. C'est le point J du Code qui
fait la liaison avec la question des aides d'État (A). Toutefois cette liaison repose
essentiellement sur la qualification de la mesure (B).
A. La filiation entre les aides d’Etat et le Code de conduite
Adopté par le Conseil Ecofin du 1er décembre 199715 le Code de conduite dans le
domaine de la fiscalité des entreprises vise « les mesures ayant, ou pouvant avoir, une
incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté »
(point A du Code), « établissant un niveau d'imposition effective nettement inférieur, y
compris une imposition nulle, par rapport à ceux qui s'appliquent normalement dans l'État
membre concerné » (point B). Le point C précise que les Etats devront s'abstenir d'introduire
de nouvelles mesures dommageables. Les points E à I du Code, invitent les Etats à s'engager à
évaluer les effets de leurs différents régimes et le point D les poussent à démanteler ceux qui
se révéleraient contraires au Code.
Dans le cadre de cette étude sur le régime des aides d’Etat le point J est celui qui nous
paraît le plus intéressant dans la mesure où il fait la liaison avec la question des aides d'État.
Le régime des aides d'État relève du domaine communautaire et la Commission y joue le rôle
principal. Ainsi, dans le point J, le Conseil constate « qu'une partie des mesures fiscales
couvertes par le Code est susceptible de rentrer dans le champ d'application des dispositions
des articles 92 à 94 du Traité CE (aujourd’hui 87 à 89) relatives aux aides d'État. Sans
préjudice du droit communautaire et des objectifs du Traité, le Conseil note que la
Commission s'engage à publier les lignes directrices pour l'application des règles relatives aux
aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises […] ».
Cette filiation entre les deux régimes montre certes des points de contact (2), mais également
des différences (1).
15 JOCE n°C2, 6 janv. 1998, p.1 ; Dr. fisc. 2000, n°16, p. 657 s.
17
1. Les différences entre le régime du Code de conduite et de celui des aides d’Etat
Le Code de conduite se justifie en raison de la concurrence entre Etats, ayant pour but
d'éliminer les mesures fiscales dommageables, c'est-à-dire celles qui, selon le point A du
Code, ont ou peuvent avoir « une incidence sensible sur la localisation des activités
économiques au sein de la Communauté ». Ici c'est l'entrée en compétition des Etats les uns
avec les autres pour attirer des investissements ou des capitaux étrangers par le biais de la
voie fiscale, qui est visée.
Par contre, le régime des aides Etat vise en premier lieu la protection de la concurrence
entre entreprises contre des distorsions de concurrence sur des échanges intracommunautaires
engendrées par les Etats à travers l'octroi de subventions, positives ou négatives, à certaines
entreprises rivales au détriment d'autres. En deuxième lieu, ce régime a pour but de protéger
le marché communautaire contre sa segmentation par le biais des aides d'État. En dernier lieu,
et de façon complémentaire, ce régime vise à éliminer les discriminations injustifiées envers
des étrangers ou des non-résidents ou des formes de protectionnisme en faveur d'entreprises
ou de capitaux nationaux.
2. Les points de contact entre les deux régimes
Malgré ces différences, il existe tout de même une certaine superposition entre le
régime des aides d’Etat et les principes du Code de conduite. Cette superposition est
expressément reconnue par le point J du Code de conduite. Ainsi « le Conseil constate qu'une
partie des mesures fiscales couvertes par le code est susceptible de rentrer dans le champ de
l'application des dispositions des articles 87 et suivants du Traité relatives aux aides d'État ».
Le point 30 de la Communication du 11 novembre 199816 réaffirme cette idée17. La raison
d’être de cette affirmation est relative au caractère juridiquement contraignant du régime des
aides d’Etat.
Ce même point ajoute que « En revanche, l'examen de la compatibilité des aides
fiscales avec le marché commun devra se faire en tenant compte, inter alia, des effets de ces
aides que l'application du Code de conduite mettra en évidence ». Ainsi les résultats de
16 COMMISSION CE, Communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’Etat aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (98/C384/03), point 30,JOCE n°C384/3 du 10 décembre 1998. 17 « La qualification de mesure fiscale dommageable au titre du code de conduite n’affecte pas la qualification éventuelle de la mesure en tant qu’aide d’Etat"
18
l'évaluation du Code sont envisagés lors de la phase où l'on considère les dérogations prévues
par l'article 87 alinéas deux et surtout trois du Traité. Cette dernière précision témoigne de la
complémentarité qui existe entre les deux régimes. Ainsi à notre avis une mesure susceptible
de relever des deux régimes devrait en premier lieu être examinée au regard du régime des
aides d'État, celui-ci étant juridiquement contraignant. Si au vu de cette analyse, l'Etat
membre justifie la mesure au moyen des dérogations prévues par le Traité lui-même, devrait
alors entrer en jeu le régime du code de conduite.
B. L’enjeu de la qualification des mesures fiscales
La problématique générale réside dans le fait que ni le Code ni la Communication ne
définissent clairement les mesures qui sont soumises aux deux régimes simultanément ou les
mesures qui sont soumises à un seul de ces régimes. Les données du problème se compliquent
d'autant plus que le régime des aides d'État ne s'applique pas aux mesures de politique
économique générale. En effet, selon la doctrine dominante dans ce dernier cas ne peut être
appliqué que le régime de rapprochement des législations prévu par les articles 95, 96 et 97 du
Traité CE, situation où la Commission ne dispose que d'un pouvoir d'initiative législative18.
Avant l'adoption du Code, la seule différence se situait entre les aides fiscales et les
mesures fiscales générales qui pouvaient ou non fausser les conditions de concurrence sur le
marché commun et qui, au cas où elles les fausseraient ne pourraient être soumises qu’au
régime du rapprochement des législations, prévu aux articles 96 et 97 du Traité CE. La
distinction reposait sur le « critère de sélectivité ».
Avec l'adoption du Code de conduite, les choses deviennent encore moins claires.
L’application du Code de conduite exige une mesure fiscale dommageable. Mais qu'est-ce
qu'une mesure fiscale dommageable ? Celle-ci est- elle nécessairement distincte d’une aide
fiscale sélective ou se confond-elle parfois avec elle ? Il convient donc de procéder à deux
distinctions successives. D'une part, il faut comparer les aides fiscales aux mesures fiscales
dommageables puis préciser le critère de la sélectivité (1). D'autre part, si la mesure fiscale
dommageable ne remplit pas le critère de sélectivité, c'est-à-dire qu'elle ne relève pas du
18 COMMISSION, Communication du 11.11.1998, précitée, point 6 : « Certaines mesures fiscales générales peuvent faire obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. Pour de telles mesures, le traité a prévu , d’une part, la possibilité d’harmoniser les dispositions fiscales des Etats membres, sur la base de l’article 95 (ex-100) (directives du Conseil arrêtées à l’unanimité). D’autre part, certaines disparités entre les dispositions générales en vigueur ou envisagées dans les Etats membres peuvent fausser la concurrence et provoquer des distorsions qui devraient être éliminées, sur la base des articles 96 et 97 (ex-101 et 102) (consultation de la
19
régime des aides d'État, il convient de comparer les mesures fiscales générales et les mesures
fiscales dommageables (2). Enfin, il convient d'apprécier le rôle du Code de conduite selon les
différents types d’aides fiscales (3).
1. Aides fiscales et mesures fiscales dommageables
a) Des critères communs
En procédant à l’analyse d’une aide fiscale et d’une mesure fiscale dommageable nous
pouvons constater qu’ils présentent de nombreux critères communs. Toutes deux sont
octroyées par les pouvoirs publics, par l’Etat au sens large du terme. Ensuite, toutes deux sont
fondées sur des mesures fiscales approuvées par des dispositions législatives ou
réglementaires des Etats. Enfin, toutes deux sont destinées à des entreprises. Finalement, dans
les deux cas, les bénéficiaires jouissent d'un avantage à caractère fiscal quelle que soit la
forme que celui-ci prenne.
Nous pouvons nous demander si les deux critères propres du régime des aides, à
savoir ceux de l'affectation de la concurrence et de l'affectation des échanges entre Etats
membres, ne peuvent pas également être ceux d’une mesure fiscale dommageable ? Ces
critères entendus d'une façon assez vaste, semblent pouvoir être appliqués dans le cas des
mesures fiscales dommageables. Une différence subsiste tout de même. En effet, le régime
des aides a été conçu pour protéger certains bénéficiaires situés dans l'Etat membre en
cause19, alors que le Code entend protéger des entreprises non résidentes ou des activités
indépendantes d'un exercice économique réel.
b) La césure entre une aide fiscale et une mesure fiscale générale : le critère de la sélectivité
La grande différence entre une aide fiscale et une mesure fiscale générale réside dans
le critère de la sélectivité. Les mesures ayant pour but de favoriser, sur le plan fiscal, certaines
entreprises ou productions remplissent le critère de la sélectivité. C'est le cas des mesures
régionales, sectorielles ou des mesures destinées à favoriser certaines fonctions communes à
certaines entreprises.
Commission avec les Etats membres intéressés ; le cas échéant, directives du Conseil adoptées à la majorité qualifiée). » 19 Entreprises ou secteurs internes
20
Cependant une mesure fiscale même sélective, est susceptible d'être justifiée au regard
de la jurisprudence par la nature ou l'économie du système. Si la CJCE estime que la
justification présentée par l'Etat membre est légitime, la mesure ne sera plus considérée
comme une aide d'État mais plutôt comme une mesure fiscale générale. Cela ne signifie pas
pour autant que la mesure en question ne soit pas soumise à un contrôle. En effet, ces mesures
fiscales sélectives, qui sont justifiées par la nature ou l'économie du système se verront
appliquer le Code de conduite.
Il en ressort qu'il y a une superposition entre le régime des aides d'État et celui des
mesures dommageables prévues par le Code lorsqu'il s'agit d’une mesure fiscale qui remplit le
critère de sélectivité.
2. Mesures fiscales dommageables et mesures fiscales générales
Lorsqu'une mesure dommageable ne remplit pas le critère de la sélectivité, elle
constitue, par définition et en vertu du régime des aides État, une mesure de nature générale.
Le problème qui se pose alors est celui de la détermination du champ d'application du Code.
Est-ce que le Code s'applique à toute mesure fiscale à caractère général ?
Le Code, et surtout la pratique de la Communauté semblent à première vue très
réticents concernant son application aux mesures fiscales générales classiques.
Le cas du régime irlandais d'imposition des sociétés en constitue une bonne
illustration. En 1980, l’Irlande, afin de dynamiser son secteur manufacturier, en particulier
pour les activités destinées à l'exportation a ramené le taux d'imposition sur les sociétés
applicable à ce secteur à 10 % contre un taux de droit commun égal à 25 %. A l'époque, puis
en 1990 lorsqu'il a été décidé de prolonger le taux réduit jusqu'en 2010, la Commission a
estimé qu'elle n'était pas en présence d'une aide, puisque la mesure ne favorisait pas certaines
productions ou certaines entreprises. Mais à l'occasion d'un nouvel examen du régime dans la
perspective du Code de conduite, la Commission est revenue sur cette appréciation, estimant
que « le taux préférentiel est accordé uniquement aux entreprises du secteur manufacturier et
favorise donc ces dernières par rapport à des entreprises d'autres secteurs ayant des niveaux de
rentabilité similaires »20. Par conséquent, la Commission en a conclu que la mesure devait
désormais être regardée comme une aide d'État. L'explication qu’elle a avancée s'agissant du
caractère sélectif du dispositif consistait à indiquer que « bien que cette condition n'ait pas été
20 Recommandation E/2/98 (JOCE n°C395, 17 déc. 1998. p. 19
21
jugée remplie au moment où la Commission a examiné le régime de l'impôt sur les sociétés
irlandaises en 1980, il est désormais évident qu’elle est effectivement remplie »21. En 1998,
le Gouvernement irlandais a donc annoncé la réduction progressive du taux de l'impôt sur les
sociétés, pour atteindre 12,5% à compter de 2003 pour tous les secteurs d'activité. Cette fois-
ci la Commission a répondu que cette réforme ne lui paraissait pas critiquable sur le plan du
droit communautaire, la différenciation sectorielle ayant été éliminée.
La Commission a donc accepté le taux d'imposition de 12,5% comme une mesure
générale. Or ce taux d'imposition est nettement inférieur à celui des autres Etats membres.
Nous pouvons donc nous interroger sur le point de savoir si la mesure entre dans le champ de
l'application du Code de conduite, code qui ne peut être mis en oeuvre que si l'on démontre le
caractère dommageable de la mesure sur la base des mesures de rapprochement des
législations.
En théorie, le Code de conduite peut, donc, couvrir à la fois des mesures fiscales
considérées comme des aides d'État et au moins certaines mesures fiscales générales. En effet,
si le Code ne couvrait aucune mesure générale, il se confondrait complètement avec le régime
des aides d'État. Toutefois, le Code ne couvre pas n'importe quelle mesure générale, mais
seulement les mesures spéciales qui peuvent être considérées comme étant justifiées par la
« nature ou l'économie du système ».
Dans un sens plus large, nous pouvons considérer que le Code pourrait éventuellement
s'appliquer à toutes les mesures à caractère général ne constituant pas des réductions
généralisées de taux car dans ce dernier cas cette réduction relève de la souveraineté des Etats
membres.
3. Le rôle du Code de conduite selon différents types d’aides fiscales
Dans ce point nous allons étudier le cas des mesures fiscales qui sont simultanément
soumises au régime des aides d’Etat et au Code de conduite. Plus précisément, deux types de
mesures fiscales constitutifs d’aide d’Etat font jouer un rôle dynamique au Code de conduite.
La première mesure fiscale est celle qui n’a jamais été examinée par la Commission au titre
du régime des aides d’Etat parce qu’elle n’a pas été notifiée. Il s’agit d’une aide illégale, mise
à exécution en violation de l’article 88, alinéa 3 du Traité CE. Dans ce cas de figure, le rôle du
Code de conduite est, avant tout, de fonctionner comme détecteur d’aides illégales. La
21 Idem
22
seconde mesure fiscale est celle constitutive d’une aide approuvée par la Commission au titre
des dérogations prévues par le Traité, telle qu’une aide régionale accordée aux régions les
plus défavorisées de la Communauté. Dans ce cas, le régime autorisé au titre du régime des
aides d’Etat est soumis à une deuxième évaluation. Cette dernière sera réalisée par le Groupe
du Code de conduite.
Ainsi, de façon indirecte, le Code de conduite, tout en étant un document politique,
commence, du moins en ce qui concerne les mesures sélectives, à produire des effets
juridiques indirects et le régime des aides prévu par le Traité devient son bras armé.
L’élimination de la concurrence fiscale dommageable est un préalable nécessaire à la
création d’un Marché intérieur, dépourvu d’entraves fiscales.
Section 2 : Les entraves fiscales : une lutte « engagée » contre les discriminations et les
distorsions fiscales
Hormis les deux directives et la convention datant du 23 juillet 1990, il n’existe pas de
véritable harmonisation de la fiscalité directe des Etats membres au sein de l’Union
européenne. Face au défaut d’harmonisation des législations des Etats membres dans le
domaine de la fiscalité directe, la CJCE poursuit son œuvre prétorienne sur la portée fiscale
du principe de non-discrimination qui sous-tend notamment la liberté d’établissement (§1). Le
régime des aides d’Etat est un autre domaine, qui est susceptible d’entraîner des entraves
fiscales, mais une fois encore l’action de la CJCE et cette fois-ci celle de la Commission sont
particulièrement efficaces (§2).
§1 : La portée fiscale de la liberté d’établissement
Dans ce paragraphe nous concentrerons notre étude à la liberté d'établissement, qui est
la liberté entretenant le lien le plus étroit avec la fiscalité des entreprises. De plus, elle
constitue un principe directeur du droit des affaires de l'Union, puisque le non-respect de cet
23
objectif contrevient à la construction européenne, consistant à créer un espace libre et
harmonisé.
Avant d’étudier plus en détail le principe de non-discrimination il convient de définir
la notion de liberté établissement.
La liberté d’établissement est le droit reconnu, aux ressortissants des Etats membres,
d'accéder aux activités non salariées sur le territoire d'autres Etats signataires, au moyen d'une
implantation matérielle et, le cas échéant juridique. C'est aussi la possibilité d'accéder à la
constitution et à la gestion des entreprises22.
L'article 43 du Traité CE (ex-article 52) s'oppose à ce qu'un Etat membre fasse
obstacle à l’établissement sur son territoire d'entreprises ressortissant d'autres Etats membres.
De plus, il interdit, aux Etats membres d'empêcher ses propres ressortissants d’aller s'établir
dans un autre pays. Concernant ces « restrictions à la sortie », la CJCE s'est prononcée dans
l'affaire « Daily Mail » en affirmant que l'article 52 du Traité CE (aujourd’hui 43) garantit
aussi bien le droit de sortir d'un Etat membre que d'y rentrer sans faire l'objet de mesures
restrictives23.
La liberté d’établissement peut être à titre principal ou secondaire, par création d'une
entité juridique distincte ou d'un simple établissement.
En outre, la liberté établissement est d’effet direct. Cette liberté est donc directement
invocable par les ressortissants des Etats membres devant le juge national, depuis la fin de la
période de transition, afin que ce dernier en assure le respect24.
Enfin, il est primordial dans le cadre du chapitre portant sur la fiscalité des entreprises
de préciser que cette faculté a été étendue aux personnes morales. En effet, l’article 48 du
Traité CE opère une assimilation des sociétés constituées en conformité avec la législation
d'un Etat membre, avec les personnes physiques. Toutefois il est nécessaire que les sociétés
disposent à l'intérieur de la Communauté, soit de leur siège statutaire, soit de leur
administration centrale ou de leur principal établissement.
Afin de faire respecter aux Etats membres cette liberté fondamentale, la CJCE a
développé une jurisprudence très féconde sur le terrain de la non-discrimination. Cette
22 C. Gavalda et G. Parleani, Droit des affaires dans l’Union européenne , 2ème édition, Litec, 1998, p. 119. 23 Arrêt point 16 : « Bien que, selon leur libellé, ces dispositions visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’Etat membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’Etat d’origine entrave l’établissement dans un autre Etat membre d’un de ses ressortissants ou d’une société (…). Ainsi que la Commission l’a observé à juste titre, les droits garantis à l’article 52 (43 nouveau) et suivants seraient vidés de leur substance si l’Etat d’origine pouvait interdire aux entreprises de partir en vue de s’établir dans un autre Etat membre. » Voir : CJCE, 27 septembre 1988, aff. 81/87, Daily Mail and General Trust plc, Rec. CJCE, p.5483. 24 CJCE, 26 juin 1974, aff. 2/74, Reyners, Rec. CJCE, p.6310.
24
jurisprudence s'inscrivant dans un cadre dynamique montre que les discriminations fiscales
sont entendues d'une manière extensive (A) et que corrélativement les justifications invoquées
pour leur défense par les Etats membres sont entendues d'une manière restrictive (B).
A. Une discrimination entendue de manière extensive
L’évolution de la jurisprudence de la CJCE montre qu’elle tend de plus en plus à faire
primer l’effet utile de l’article 43 du Traité CE. Ainsi, la CJCE ne se contente pas seulement
de sanctionner les discriminations fondées sur la nationalité ou le siège de la société mère (1),
mais également toute mesure fiscale susceptible d’entraver la liberté d’établissement des
sociétés des Etats membres. Cette idée témoigne d’un certain dépassement de la notion de
discrimination. (2)
1. Le principe de non-discrimination
L'article 12 du Traité CE édicte un principe général d'interdiction de toute
discrimination en raison de la nationalité. Or ce principe général n'a vocation à s'appliquer de
manière autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquels le
Traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination25.
Avant de s'interroger sur son interdiction, il convient de définir ce qu’est une
discrimination. Selon une jurisprudence constante de la CJCE une discrimination consiste
dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l'application
de la même règle à des situations différentes26. La jurisprudence de la CJCE condamne donc
deux catégories de discrimination.
Dans cette partie, nous allons concentrer nos propos sur les discriminations résultant
d'un traitement différent, fondées sur le critère du siège de la personne morale. C'est en 1986
que la CJCE assimile pour la première fois, en matière de libre établissement, le siège de la
personne morale à la nationalité des personnes physiques27. En l'espèce, la CJCE avait estimé
qu'entraînait une discrimination contraire aux dispositions de l'article 52 (aujourd'hui 43) du
Traité CE la législation française qui refusait le bénéfice de l'avoir fiscal aux succursales et
agences de sociétés d'assurances ayant leur siège dans un autre État membre.
25 CJCE, 12 avril 1994, aff. 1/93, Halliburton Services, Rec. CJCE, p.1137. 26 CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, M. Schumacker, Rec. CJCE p.225; CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, Wielockx, Rec. CJCE p.2493; CJCE, 27 juin 1996, aff. C-107/94, Asscher, Rec. CJCE p.3089.
25
Par la suite, en 1999 dans une affaire Royal Bank of Scotland28, la CJCE a précisé
qu'en présence d'un avantage fiscal dont le bénéfice serait refusé aux non-résidents, une
inégalité de traitement entre deux catégories de contribuables pouvait être qualifiée de
discrimination au sens du Traité, dès lors qu'il n'existait pas de différence de situation
objective de nature à fonder une inégalité de traitement sur ce point entre les deux catégories
de contribuables. En l'espèce, la Grèce avait été condamnée pour avoir mise en place une
imposition des bénéfices de la succursale d'une société britannique plus lourde que celle des
sociétés grecques. Alors que dans l'arrêt évoqué ci-dessus la CJCE emploie le terme de
discrimination, dans l'arrêt Compagnie Saint-Gobain datant du 21 septembre 199929, la CJCE
constate que la législation allemande, qui refuse d'accorder des avantages fiscaux aux
établissements stables situés en Allemagne des sociétés non résidentes, « rend moins
attrayante » la détention de participations d'affiliation au travers de succursales allemandes.
La CJCE relève une différence de traitement mais n'utilise pas le vocable de discrimination
contrairement à son Avocat général Mischo, qui lui emploie expressément ce terme. Ainsi la
CJCE voit dans toute différence de traitement fiscal une discrimination.
Les affaires que nous avons évoquées ci-dessus sont relatives à la prohibition des
discriminations par l'État membre d'accueil. Mais comme l'avait précisé l'arrêt Daily Mail,
intervenu dans un domaine autre que celui du droit fiscal, l’effet utile de la liberté
d'établissement suppose que les entraves mises en place par l'État membre d'origine soient
également sanctionnées. Dans le domaine du droit fiscal, l'arrêt ICI en date du 16 juillet 1998
est le premier arrêt de la CJCE relatif à une législation d'un État membre d'origine, le
Royaume-Uni, qui « rend moins attrayant » pour ses sociétés, la création de filiales dans
d'autres Etats membres.
Cet arrêt et d'autres arrêts relatifs à une législation nationale de l'État membre
d'origine méritent de retenir notre attention. En effet ces derniers semblent témoigner d'un
dépassement de la notion de discrimination.
2. Le dépassement du principe
Au vu des développements précédents, la CJCE semble s'être fixée comme objectif
principal de faire privilégier l'effet utile de l'article 43 du Traité CE. En effet, si dans un
27 CJCE, 28 janvier 1986, aff. 270/83, Commission c. France, Rec. CJCE p. 273. 28 CJCE, 29 avril 1999, aff. C-311/97, Royal Bank of Scotland , Rec. CJCE p. 2651. 29 CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-307/97, Saint Gobain ZN, Rec. CJCE p. 6161.
26
premier temps, elle n'hésite pas à condamner un Etat membre parce que ce dernier a mis en
place une législation discriminatoire, elle condamne également un Etat membre parce que sa
législation opère une différenciation de traitement fiscal entre les sociétés résidentes et les
établissements stables de sociétés non résidentes.
Les obstacles au droit d'établissement ne se bornent plus aux seules mesures
discriminatoires. Ils peuvent aussi bien résulter de mesures ayant comme objet la
discrimination, que de mesures qui induisent une simple gêne au détriment des entreprises
étrangères.
Afin d’examiner au mieux ce dépassement nous allons étudier quelques illustrations,
qui sont significatives à cet égard.
L'arrêt du 8 juillet 1999 Baxter30, montre la défense faite à l'État français d'édicter une
contribution exceptionnelle -mise à la charge des entreprises pharmaceutiques- dont l'assiette
est constituée par le chiffre d'affaire de ces entreprises, et dont sont retranchées les charges
comptables au titre des dépenses afférentes aux opérations de recherche conduites en France.
La CJCE juge dans ce cas que si ce dispositif ne crée aucune « discrimination directe » envers
les entreprises ayant leur siège principal dans d'autres Etats membres, et opérant en France par
le biais d'un établissement secondaire, il « désavantage » ces dernières effectuant
généralement leurs activités de recherche en dehors de la France.
Les législations des Etats membres d'origine sont également très intéressantes au
regard de ce dépassement du principe. Ainsi dans l'arrêt du 18 novembre 1999 XAB et
YAB31, la CJCE condamne le gouvernement suédois, en raison de dispositions nationales qui
réservent l'octroi de certains allégements fiscaux liés aux transferts financiers intragroupe aux
filiales ayant leur siège en Suède. La CJCE constate ainsi une inégalité de traitement fondée
sur le critère du siège des filiales. Nous avions déjà rencontré une telle différenciation de
traitement dans l'affaire ICI. À notre avis, ces deux arrêts témoignent d'un dépassement,
puisque ce n'est plus le critère du siège de la société mère qui est déterminante mais celui des
filiales. Par ce dispositif, les États « rendent moins attrayante » pour la société établie, la
création de filiales dans d'autres Etats membres, sans pour autant créer de discriminations
proprement dites.
Par ailleurs, la Cour de justice n'hésite pas à faire une application rigoureuse des
conventions fiscales bilatérales pour combattre une différenciation de traitement entre les
sociétés résidentes et non résidentes. Deux arrêts illustrent bien l'interaction des conventions
30 CJCE, 8 juillet 1998, aff. C-254/97, Société Baxter, Rec. CJCE p. 4809. 31 CJCE, 18 novembre 1999, aff. C-200/98, XAB et YAB contre Riksskatteverket, Rec. CJCE p. 8261.
27
fiscales bilatérales avec la liberté établissement. Dans la première affaire, Cie Saint Gobain du
21 septembre 1999, la Cour de justice procède à l'extension des conventions fiscales
bilatérales conclues entre un État membre et un État tiers aux sociétés non résidentes. Dans la
seconde affaire, XAB YAB du 18 novembre 1999, la Cour de justice opère la même extension
mais cette fois-ci il s'agit de l'extension d’une convention fiscale bilatérale conclue entre deux
Etats membres aux ressortissants communautaires ayant exercé une liberté fondamentale dans
l'un des Etats membres signataire.
Toujours dans cette idée de dépassement, les conclusions de l'avocat général Alber
dans l'affaire Bosal Holding BV32 sont particulièrement intéressantes, dans la mesure où elles
affirment expressément l'existence de deux catégories de mesures susceptibles d'être
sanctionnées au regard de la liberté d'établissement. D'une part, les mesures nationales
discriminatoires et d'autre part, les mesures nationales constitutives d'une entrave non
discriminatoire. Le point 37 des conclusions de l'Avocat général Alber précise que « l'article
43 du Traité CE s'oppose à toute mesure nationale qui, tout en étant applicable sans
discrimination, et susceptible d'empêcher, de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice,
par les ressortissants de l'État membre, des libertés fondamentales garanties par le Traité ».
L'entrave ne correspond pas nécessairement à un traitement différent par des
dispositions nationales. Elle se caractérise surtout par son effet prohibitif, voire dissuasif, de
l'exercice de la liberté.
Nous allons, dans le point suivant étudier les justifications invoquées par les Etats
membres et plus particulièrement l'attitude de la CJCE face à celles-ci. En principe, les vraies
discriminations, c'est-à-dire celles fondées sur la nationalité ou le siège, ne peuvent être
justifiées qu'en vertu des exceptions expressément prévues par le Traité (article 46 du Traité
CE). Les traitements différenciés fondés sur d'autres critères peuvent, quant à elles, être
justifiés par des raisons impérieuses d'intérêt général.
B. Des justifications entendues de manière restrictive
Après avoir détecté le caractère discriminatoire ou entravant d'une mesure fiscale d'un
État membre, la CJCE se penche sur l'examen des justifications avancées par un Etat membre.
Il faut tout de même indiquer qu’une mesure selon qu’elle est discriminatoire ou entravant
(c'est-à-dire qu'elle est indistinctement applicable) ne peut être justifiée de la même façon. En
32 CJCE, 18 septembre 2003, aff. 168/01,5è ch., Bosal Holding BV, RJF 12/03 n°1466 Conclusions de l’avocat général Siegbert Alber, BDCF 12/03 n°150
28
principe, une mesure discriminatoire n’est susceptible d'être justifiée que par les cas prévus
par l'article 46 du Traité CE, à savoir, l'ordre public, la sécurité publique et la santé publique.
Ces justifications n'ont jamais été retenues en matière fiscale. Par contre, une mesure
restrictive ou entravant entraîne d'autres causes de justifications fondées sur des raisons
impérieuses d’intérêt général développé par la CJCE.
La CJCE semble toutefois s'affranchir de ces préceptes. En effet, au vu des derniers
arrêts, seul l'arrêt du 29 avril 1999 fait une application stricte du principe. En 1998 la CJCE
montre clairement qu'elle ne tient pas compte du principe, puisqu’ elle analyse des exceptions
tirées de la « cohérence fiscale » et de « l'évasion fiscale », soit des raisons impérieuses
d’intérêt général, pour justifier une mesure discriminatoire au regard de l'article 43 du Traité
CE33. Depuis, la CJCE statue indifféremment, tantôt au nom de l'article 46, tantôt à l'aide de
sa jurisprudence sur les raisons impérieuses d'intérêt général.
Il est important de préciser que le juge communautaire n'admet que très rarement34 les
justifications avancées par un État membre. Parfois, elle exclut automatiquement certaines
justifications (1). De plus, quand elle estime une justification admissible, elle l'encadre par un
contrôle de proportionnalité (2). Dans tous les cas, elle n’hésite pas à utiliser les conventions
fiscales bilatérales, afin de rejeter les justifications avancées.
1. Les justifications exclues
Il y a deux séries de justifications qui sont exclues, d'une part, les arguments
économiques et budgétaires (a) et d'autre part, les arguments juridiques basés sur le droit
interne des Etats membres et le droit conventionnel (b).
a) Les arguments économiques et budgétaires
La CJCE refuse d'admettre une justification tirée de la faible portée de la gêne
apportée par la législation nationale en cause au plein effet d'une liberté fondamentale. Ce
rejet d'une règle « de minimis » s'inscrit dans la jurisprudence de la CJCE pour laquelle toute
forme d'entrave même faible ou d'importance mineure tombe sous le coup de l'interdiction
33 CJCE, 16 juillet 1998, aff. C-264/96, Imperial Chemical Industries plc (ICI), Rec. CJCE p.4695. 34 La fiscalité européenne sous le regard du juge, colloque 2001, ss. Dir. F.Pasqualini et J.-P. Gastaud : www.juris-classeur.com.
29
posée. Dans le cas de la liberté établissement c'est l'arrêt du 28 juin 1986 qui illustre cette
idée.
L’argument budgétaire tiré de la perte des recettes fiscales est également écarté de
façon systématique par la CJCE. Ainsi, par exemple dans l'affaire Compagnie Saint-Gobain
l'Allemagne a avancé comme argument que le refus d'accorder aux sociétés non résidentes
exploitant un établissement stable, les avantages de sociétés résidentes était justifié par la
nécessité d'éviter la perte des recettes fiscales liée à l'impossibilité pour le fisc allemand de
compenser la diminution d'impôt résultant de l'octroi des allégements fiscaux en cause par
l'imposition des dividendes distribués en Allemagne par la société non résidente grâce aux
bénéfices de son établissement stable germanique. La Cour de justice a rejeté cet argument et
a récemment confirmé sa position dans l'affaire Bosal Holding BV. Dans cette affaire, le
gouvernement néerlandais a tenté de justifier la limitation de la déductibilité des frais
financiers d’acquisition de participation dans des filiales étrangères par l’objectif d’éviter une
évasion de l'assiette fiscale allant au-delà d'une simple diminution de l'assiette fiscale. La
CJCE a estimé qu'une telle justification ne se distinguait pas substantiellement de celle
relative au risque d'une diminution des ressources fiscales et a par conséquent rejeté
l'argument néerlandais.
b) Les arguments juridiques
Sur le terrain du droit interne, la CJCE s'est penchée sur des justifications tirées de la
différence de situation des sociétés résidentes et non résidentes, sur la compensation de
défaveurs fiscales par des avantages pour un établissement stable ou encore sur des références
au principe de territorialité.
Concernant la différence de situation des sociétés résidentes et non résidentes, il faut
se référer tout d'abord, à l'imposition des personnes physiques. En effet, selon le juge
communautaire, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont pas comparables35.
Toutefois, il nie « une différence de situation objective de nature à fonder une différence de
traitement entre les deux catégories de contribuables ». En se fondant sur ce considérant,
l’Allemagne, dans l'affaire Saint-Gobain et la Grèce, dans l'affaire Royal Bank of Scotland
ont tenté de faire admettre une différence de position entre une société non résidente soumise,
à travers un établissement stable, à une obligation fiscale limitée dans l'Etat d’accueil, et une
35 CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, M. Schumacker, Rec. CJCE p.225.
30
société résidente du même pays soumise à une obligation fiscale illimitée. La CJCE a
cependant écarté l'argument en raison de l’existence de « situations objectivement
comparables » dans les deux cas, justifiant le respect du principe d'égalité de traitement. Dans
l’affaire Royal Bank of Scotland, il est intéressant de noter que la CJCE conclut à la
comparabilité de situation des banques grecques et des établissements stables en se fondant
sur le contenu d’une convention fiscale conclue entre la Grèce et le Royaume-Uni.
Quant à l'argument tenant à l'existence d'un avantage propre aux succursales, tel que
l'absence de « branch tax » 36 la Cour de justice estime que l'égalité de traitement ne s'apprécie
pas globalement par la somme algébrique des différences négatives et positives de la situation
faite à la succursale par rapport à une société résidente, elle doit, au contraire être respectée
spécifiquement au titre de chaque obligation fiscale37.
Enfin, le principe de territorialité avancé dans l'affaire Bosal Holding BV pour justifier
la non- déduction des frais d'acquisition de participations dans des filiales étrangères en
fonction du rattachement territorial des bénéfices taxables à la Loi fiscale des Pays-Bas, a été
écarté par la Cour de justice. Cette dernière estime que ce sont les sociétés mères qui sont
concernées par le traitement fiscal différencié et qu’étant toutes établies aux Pays-Bas elles
sont objectivement dans des situations comparables.
Sur le terrain conventionnel, la Cour de justice considère de façon constante, que les
Etats membres ne sauraient utilement tirer argument des conventions fiscales pour justifier
des atteintes aux libertés fondamentales. En 1999, dans l'arrêt Compagnie Saint-Gobain la
Cour de justice confirme sa position et estime qu'un État membre lié à un État tiers par une
convention ouvrant droit à des avantages spécifiques en faveur de ses sociétés résidentes, doit
étendre ses avantages aux établissements stables situés sur son territoire de sociétés résidentes
d'autres Etats membres. Cette extension unilatérale par l'État membre de ces conventions avec
des État tiers n'affecte pas selon la Cour de justice l'équilibre des conventions ni la réciprocité
dans leur application puisqu'elle ne compromet en rien les droits des État tiers et ne leur
impose aucune nouvelle obligation.
36 Branch tax : une retenue à la source lors du rapatriement des bénéfices de cette succursale par la société étrangère dont elle dépend.
31
2. Les justifications admissibles
Selon l'article 46 du Traité CE en ce qui concerne la liberté établissement, l’égalité de
traitement peut faire l'objet de limitations au détriment des ressortissants d'autres Etats
membres « pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique».
Cependant, ces raisons n'ont jamais été appliquées en matière fiscale.
La seconde catégorie de justification concerne les raisons impérieuses d'intérêt
général. La Cour de justice admet d'éventuelles limitations à des libertés fondamentales par
des traitements différenciés, à la condition qu'elles ne soient pas discriminatoires au sens
propre du terme, et sous réserve qu’elles soient justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt
général. Ces raisons impérieuses d'intérêt général ont initialement été dégagées dans le
domaine de la liberté de circulation des marchandises38 mais sont tout autant applicables dans
celui des libertés fondamentales, a fortiori dans celui de la liberté d’établissement. Toutefois,
leur admission est subordonnée à un contrôle de proportionnalité opéré par la CJCE. Jusqu'à
présent, trois raisons impérieuses d’intérêt général ont pu être jugées admissibles par la Cour
de justice : la préservation de la cohérence du système fiscal (a), la lutte contre l’évasion
fiscale (b) et l'efficacité des contrôles fiscaux (c).
a) La préservation de la cohérence du système fiscal
Cette justification a été admise positivement par l'arrêt Bachmann39. L'argument ainsi
tiré de la cohérence du système fiscal suppose toutefois l'existence d'un lien direct entre des
éléments en sens opposé du régime fiscal d'une seule et même personne. C'est la raison pour
laquelle il n'a pas été retenu par la Cour de justice depuis lors, dans la mesure où les Etats
l’ont invoqué dans des situations où la sujétion fiscale contestée concernait une personne
différente de celle bénéficiaire d'un avantage fiscal corrélatif40. L'arrêt ICI en constitue une
illustration. En l'espèce, il n'existait pas de lien entre le dégrèvement fiscal, dans le chef de la
société de consortium des pertes subies par une des filiales résidentes au Royaume-Uni et
d'autre part, l'imposition des bénéfices des filiales situées hors du Royaume-Uni.
37 CJCE, 28 janvier 1986, aff. 270/83, Commission c. France ; CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint-Gobain. 38 CJCE, 20 septembre 1988, aff. 302/86, Commission c. Danemark, Rec CJCE p.4606. 39 CJCE, 28 janvier 1992, aff.C-204/90, Bachmann, Rec. CJCE p.249. 40 CJCE, 18 septembre 2003, aff. C-168/01, Bosal Holding BV.
32
b) La lutte contre l'évasion fiscale
La CJCE paraît disposer à admettre la justification d'un traitement différencié par
application d’une législation qui aurait pour but spécifique d’exclure d'un avantage fiscal «
les montages purement artificiels » ayant pour but de contourner la Loi fiscale de l'État
membre concerné. Cette position est clairement affirmée dans l'arrêt ICI du 16 juillet 1998.
Cela revient à reconnaître, comme une raison impérieuse d'intérêt général, l’abus d'une liberté
fondamentale par référence à un concept qui évoque l'abus de droit par fictivité reconnu en
droit français. Toutefois la CJCE n’a jusqu'à présent pas admis positivement cette justification
principalement à défaut, pour les législations en cause, de répondre aux exigences du principe
de proportionnalité.
c) L’efficacité des contrôles fiscaux
Cette justification est de nature à justifier une restriction à une liberté garantie par le
Traité depuis l'arrêt Cassis de Dijon41. L'argument est admissible en matière fiscale mais sous
réserve une fois de plus, du principe de proportionnalité. Ainsi, dans l'arrêt du 15 mai 1997,
Futura Participations et Singer42 la Cour de justice a estimé que la mesure fiscale était
excessivement rigoureuse parce qu’elle excluait un dispositif alternatif plus souple permettant
de satisfaire l'intérêt général invoqué par l'État membre.
La lutte contre les discriminations fiscales paraît donc bien engagée dans la mesure où
la CJCE retient une approche extensive des restrictions et une approche restrictive des
justifications. La censure des distorsions fiscales semble, elle aussi, emprunter une voie
similaire.
§2 : La censure des distorsions fiscales par le régime des aides d’Etat
Dans ce paragraphe nous envisagerons les aides d’Etat indépendamment de leur lien
avec le Code de conduite. Ici la détermination d’une aide d’Etat viendra mettre fin à une
situation d’inégalité entre les entreprises bénéficiant de l’aide et les autres.
41 CJCE, 20 février 1979, aff. 120/78, Rewe Zentral, Rec. CJCE p.649. 42 CJCE, 15 mai 1997, aff. C-250/95, Futura Participations et Singer, Rec. CJCE p.2471.
33
La mise en œuvre du régime des aides d’Etat nécessite une qualification méthodique de la
mesure (A). De plus comme en matière de libre établissement les justifications sont rarement
admises (B).
A. La qualification d’aide d’Etat : une multiplicité de critères
Selon l’article 87 du Traité CE, pour pouvoir qualifier une aide d’Etat quatre critères
doivent être réunis : l’existence d’un avantage (1), l’existence d’un financement par le biais de
ressources d’Etat (2), l’affectation des échanges et de la concurrence (3) et le caractère sélectif
de la mesure (4).
1. Existence d’un avantage
Dans sa Communication du 11 novembre 199843, la Commission distingue
principalement trois séries de mesures fiscales susceptibles de conférer à leurs bénéficiaires
un avantage : la réduction de l’assiette imposable, la réduction du montant de l’impôt et
l’ajournement de la dette fiscale. L’avantage peut d’abord résider dans la réduction de
l’assiette imposable, c'est-à-dire que, sans remettre en cause l’assujettissement à l’impôt, ou
son taux, l’Etat offre à certains agents économiques la faculté de minorer, de façon définitive
ou temporaire, leur base taxable. Ensuite, les Etats disposent de mécanismes plus directs, qui
s’appliquent directement à la dette d’impôt du contribuable, au moyen de taux réduits, de
crédits d’impôt, ou même d’une exonération généralisée. La dernière forme envisagée par la
Commission comprend « un ajournement ou une annulation, voire même un rééchelonnement
exceptionnel de la dette fiscale »44, modalités généralement employées à l’égard d’entreprises
déterminées.
Une spécificité de l'octroi d'aides sous forme fiscales par un État découle de la
difficulté à identifier précisément le bénéficiaire de l’aide. Le bénéficiaire réel se cachant
parfois derrière le destinataire apparent. L'arrêt du 19 septembre 200045, illustre la position de
la CJCE qui n'hésite pas à tenir compte des effets réels de l’aide. En l'espèce, la Loi de
finances allemande pour 1996 a introduit un allégement fiscal, dont le bénéfice est lié à
l'acquisition de titres de sociétés établies à Berlin ou dans les nouveaux Länder, et répondant à
43 JO C 384 du 10 déc. 1998, p. 3. 44 §9 de la Communication.
34
certaines conditions. Le Gouvernement allemand prétendait que la mesure fiscale litigieuse
visait non, comme le soutenait la Commission, ces sociétés, mais les investisseurs bénéficiant
de l'allégement, et donc que les premières ne recevaient pas d’avantage au sens de l’article 87
du Traité CE. La CJCE a écarté cette argumentation en relevant que, économiquement, un tel
système avait pour effet de diminuer le coût de la collecte de capitaux par les entreprises des
nouveaux Länder.
Le critère de l’avantage, bien qu'étant extrêmement large, présente cependant certaines
limites. Ainsi, la CJCE dans son arrêt Ferring du 22 novembre 200146 affirme qu'un avantage
fiscal ne constitue pas une aide s'il a pour seul effet de compenser des obligations de service
public. Le récent arrêt du 24 juillet 2003 Altmark47 a confirmé pour l'essentiel l'approche
compensatoire retenue dans l’arrêt Ferring, tout en la précisant et en restreignant
considérablement sa portée. De la même façon, le remboursement par l'État de taxes perçues
illégalement ne vient pas alléger les charges normales d'une entreprise, mais bien compenser
le préjudice anormal qu'elle a subi même s'il implique le versement de fonds à cette
entreprise. La CJCE a été confrontée à cette question dans une affaire Denkavit italiana Slr
du 27 mars 198048, dans le cadre de laquelle le Gouvernement italien, qui se voyait réclamer
la restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire, soutenait que, ces taxes
ayant été répercutées au consommateur par l'entreprise, les lui rembourser reviendrait à lui
accorder une aide. La CJCE a estimé que le remboursement de l'impôt, ne constituait pas une
aide au sens de l’article 92 du Traité CE (aujourd’hui 87).
2. Existence d'un financement par le biais de ressources d'État
Ce critère est rempli dès lors que la charge fiscale normalement due par le bénéficiaire
a été réduite. En effet, l'octroi d'un avantage fiscal entraîne une perte de ressources pour l'État,
puisque celui-ci renonce à des recettes. L'Etat est ici entendu dans un sens large, puisque ce
raisonnement est également applicable s'agissant des entités publiques infra-étatiques
régionales ou locales49.
Par ailleurs, le fait qu'un régime d'aides sous forme fiscale ait un impact global positif
en termes de recettes budgétaires ne suffit pas pour écarter la présence de ressources de l'État.
45 CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-156/98, République fédérale d’Allemagne c/ Commission, Rev. dr. fisc. 2000, n°41, p. 1321. 46 CJCE, 22 novembre 2001, aff. C-53/00, Ferring, Rec. CJCE p. 9067. 47 CJCE, 24 juillet 2003, aff. C-280/00, Altmark Trans GmbH, Rev. Europe octobre 2003, n°330, p.26. 48 CJCE, 27 mars 1980, aff. 61/79, Denkavit italiana Slr.
35
Cet argument avait été invoqué par les autorités belges dans l'affaire relative aux centres de
coordination50. La Commission a rejeté cette argumentation et a indiqué que le critère de
transfert de ressources publiques devait être apprécié au niveau des bénéficiaires.
3. Affectation des échanges et de la concurrence
Le critère d’affectation des échanges est « largement » entendu par la Commission.
Dans le point 11 de sa Communication, la Commission indique que le simple fait que l’aide
renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les
échanges intracommunautaires, permet de considérer que ces échanges sont affectés. La
CJCE, elle aussi, considère ce critère facilement rempli, puisque pour elle « l'importance
relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire
n'exclut pas a priori l'éventualité que les échanges entre Etats membres soient affectés »51. La
Commission, conformément à cette politique, n'accepte comme dérogation, ni l'absence
d'activité à l'exportation du bénéficiaire, ni le fait que l'entreprise exporte la quasi-totalité de
sa production en dehors de la Communauté.
En pratique, la condition d'affectation des échanges est rarement déterminante en
raison de cette définition extensive de la Commission. Toutefois, cette dernière a reconnu que
les exonérations fiscales prévues dans le cadre du plan de relance des zones franches
urbaines, « limitées aux secteurs économiques correspondant à une activité de nature locale »
n’influençaient en rien les échanges intracommunautaires. Il convient de préciser, que dans la
majorité des cas, ce critère est rempli en raison de l'accroissement toujours plus grand des
échanges entre les Etats membres.
Selon l'article 87 du Traité CE les aides qui « faussent ou qui menacent de fausser la
concurrence » sont interdites. Cet article montre que la condition de distorsion de concurrence
est elle aussi presque toujours satisfaite puisqu'une simple menace suffit. La CJCE estime que
l'octroi d'une aide renforce la position concurrentielle de l'entreprise bénéficiaire et affirme
par conséquent, que la concurrence est faussée, sans vérifier la perturbation effective dans le
fonctionnement du marché52.
49 CJCE, 14 octobre 1987, aff. 248/84, Allemagne/Commission, Rec. CJCE p. 4013. 50 Décision du 17 février 2003 : JO L 282 du 30 octobre 2003. Les autorités belges avaient argumenté que le critère de transfert des ressources de l’Etat n’était pas rempli en l’espèce puisque les avantages fiscaux accordés aux entreprises investissant en Belgique avaient pour conséquence d’attirer des entreprises étrangères et partant d’augmenter les recettes fiscales de l’Etat. 51 CJCE, 21 mars 1990, aff. C-142/87, Belgique c/ Commission. 52 CJCE, 19 septembre 2000, aff. C-156/98, République fédérale d’Allemagne c/ Commission, Cf. infra.
36
4. Sélectivité de la mesure
L’avantage ne doit viser que « certaines entreprises ou certaines productions », c'est-à-
dire opérer de façon sélective. L'idée, qui sous-tend la notion d'aide d'État réside dans la façon
dont l'État dispense ses aides à quelques « privilégiés ». C'est l'analyse de ce critère qui pose
le plus de difficulté que ce soit à la Commission ou à la CJCE. Nous pouvons mettre en
évidence trois types de sélectivité : la sélectivité géographique, sectorielle et matérielle. Dans
chacun de ces cas nous allons illustrer nos propos par un exemple.
En ce qui concerne la sélectivité géographique, la Commission s'est récemment
prononcée sur la question de la sélectivité régionale dans le cadre de la décision relative au
système fiscal des Açores53. La Commission a été amenée à analyser la sélectivité d'une
mesure fiscale, consistant en une réduction du taux de l'impôt sur le revenu, prise par les
autorités régionales des Açores dans le cadre de leur autonomie fiscale reconnue par la
Constitution portugaise. La Commission a indiqué que « la sélectivité d'une mesure se fonde
sur une comparaison entre le traitement fiscal avantageux accordé à certaines entreprises et
celui réservé à d'autres entreprises qui se trouvent dans le même cadre de référence ». En
l'espèce, le contexte de cette comparaison était le territoire de l'Etat membre. Ainsi, selon la
Commission, les réductions accordées par les autorités régionales des Açores constituaient
plutôt une réduction applicable uniquement aux Açores du taux d'impôt fixé par la législation
nationale applicable sur le reste du territoire portugais et devaient donc être qualifiées de
sélectives.
Quant à la sélectivité sectorielle, la Commission estime qu'un avantage circonscrit à
certains secteurs industriels54 ou ne profitant qu'aux activités tournées vers l'exportation55 ou
encore réservé aux entreprises publiques ou à certaines types d’institutions publiques56 rentre
dans le champ d'application de l'article 87, alinéa1 du Traité CE. La CJCE ne fait pas grand
cas du fait que de très nombreux secteurs de l'économie soient concernés par cette mesure. En
effet, dans un arrêt du 8 novembre 2001, Adrian Wien Pipeline GmbH57, la CJCE a décidé
qu'un avantage fiscal ne bénéficiait qu'aux entreprises engagées à titre principal dans la
production de biens corporels avait la nature d'une aide d'État.
53 Décision du 11 décembre 2002 : JO L 150 du 18 juin 2003, p. 52. 54 CJCE, 5 octobre 1999, aff. C-251/97, République française c/ Commission. 55 CJCE, 10 décembre 1969, aff. 6/69 et aff. 11/69 Commission c/ France. 56 CJCE, 15 mars 1994, aff. C- 387/92, Banco Exterior de Espana SA. 57 CJCE, Adria Wien Pipeline Gmbh, cf. Infra.
37
Outre la sélectivité sectorielle, la Commission a examiné des mesures qui, sans être
formellement limitées à certains secteurs ou à certaines formes d'entreprise, se sont avérées
être sélectives. Le point 20 de la Communication souligne cette idée « certains avantages
fiscaux sont parfois limités à certaines formes d'entreprise, à certaines de leurs fonctions
(services intragroupe, intermédiation ou coordination) ou à certains types de productions. Dès
lors qu'ils favorisent certaines entreprises ou certaines productions, ils sont susceptibles de
constituer des aides d'État ». Conformément à ce principe, la Commission a qualifié de
sélectives les mesures réservées à certains types d’opérations intragroupe. Dans une décision
datant de 200258, la Commission a même indiqué que l'exigence de création d'une société en
vue de bénéficier d’un avantage lié à l'exercice d'une activité intragroupe impliquait la
sélectivité de cette mesure.
B. Des justifications peu nombreuses
Outre les dérogations prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 87 du Traité CE, il existe
des justifications invoquées par les Etats. À l'instar, des justifications invoquées par les Etats
membres pour justifier une mesure contrevenant à une liberté fondamentale, les Etats
invoquent également des justifications pour justifier une aide d'État. Toutefois, les
justifications invoquées dans ce cadre sont moins nombreuses et de plus il ressort des
différents cas examinés aussi bien par la Commission que par la CJCE que la justification la
plus retenue est celle par « la nature ou l'économie du système ».
Nous allons tout d'abord examiner les justifications qui sont rejetées (1) avant de nous
intéresser aux justifications qui sont admises (2).
1. Les justifications rejetées
La Commission a rejeté la justification fondée sur la nécessité de renforcer la
compétitivité de certaines entreprises. De même, que celle fondée sur le fait que la sélectivité
des mesures résulte de l'application de critères objectifs, sans que les autorités publiques
disposent de marges d’appréciation lors de l'attribution de l'avantage.
Par ailleurs, dans une décision relative au régime néerlandais des activités de
financement internationales59, la Commission a admis le principe selon lequel l'exercice de
58 Décision du 10 juillet 2002 : JO L 329 du 5 décembre 2002, p. 22. 59 Décision du 17 février 2003 : JO L 180 du 18 juillet 2003, p. 52.
38
certaines activités pouvait nécessiter un traitement fiscal spécifique. Cependant, pour qu'un tel
traitement puisse être justifié au regard de l'article 87, alinéa 1 du Traité CE, il doit être
cohérent par rapport à la logique du système fiscal en cause. La Commission a été amenée à
se prononcer sur la qualification d'une mesure consistant en la possibilité pour des
compagnies internationales de constituer une réserve pour risque en franchise d'impôt. La
Commission a admis que la réalisation d'opérations à caractère internationales comporte des
risques spécifiques réels pouvant justifier un traitement dérogatoire. Elle a considéré
cependant que les critères d'éligibilité fixés par les autorités néerlandaises, à savoir, l'exigence
d'exercer des activités financières au bénéfice d'entités d'un groupe établi au moins dans
quatre pays ou sur au moins deux continents, n’entraient pas dans la logique du système en
cause. Le principe qui a servi de base à la décision néerlandaise avait été rappelé par le TPI
dans un arrêt du 23 octobre 200260, où le Tribunal a souligné que le fait que des mesures
fiscales dérogatoires répondant à des critères et à des conditions objectives n’est pas de
nature à démontrer que la limitation du cercle des bénéficiaires de l'avantage fiscal en cause
serait justifiée par la « logique interne du système » en cause.
2. La justification par la nature ou l'économie du système
Cette justification est celle qui est la plus souvent invoquée par les Etats. Toutefois, la
Commission a également admis qu'une mesure sélective pouvait être justifiée par le principe
de la neutralité fiscale61.
Nous allons consacrer notre étude à la justification portant sur la nature ou l'économie
du système fiscal. La Commission, en accord avec la jurisprudence de la CJCE et du Tribunal
de première instance considère que cette justification tient aux caractéristiques intrinsèques du
système considéré. Il revient en outre à l'Etat membre de démontrer dans quelle mesure le
caractère dérogatoire d’une mesure est justifié par la nature ou l'économie du système. Il
convient, tout d'abord, d'étudier le contenu du principe (a), puis à travers l'analyse de l'arrêt
Adria Wien Pipeline GmbH62 d'appliquer ce principe (b).
60 TPI, 23 octobre 2002, aff. C-346-48/99, Alava, Rec. TPI p. 4259. 61 Décision du 5 juin 2002 relative à une aide d’Etat aux exonérations fiscales et prêts à des conditions préférentielles consentis en Italie à des entreprises de services publics dont l’actionnariat est majoritairement public : JO L 77 du 24 mars 2003, p. 21. 62 CJCE, 8 novembre 2001, aff. C-143/99, Adria Wien Pipeline GmbH, Rec. CJCE p. 8365.
39
a) Le contenu du principe
Selon la Commission, la réglementation communautaire et surtout le critère de
sélectivité « ne limitent (cependant) pas le pouvoir des Etats membres de choisir la politique
économique qu’ils jugent la plus appropriée et, notamment, de répartir comme ils l'entendent
la charge fiscale sur les différents facteurs de production ». De même, la CJCE tout en étant
particulièrement attentive aux politiques publiques incitatives, montre un certain pragmatisme
dans l'appréciation des régimes généraux institués par les Etats, en ne retenant que les
mesures qui s'inscrivent en dehors du système « normal ».
Le réalisme dont fait preuve la CJCE a reçu une première illustration dans un arrêt du
2 juin 197463, où la Cour a été amenée à examiner des dégrèvements de cotisations sociales
accordés aux industries textiles. L'Italie justifiait cette mesure par la nécessité de tenir compte
du poids relatif des charges sociales dans les secteurs employant une importante main-
d'oeuvre. La CJCE pour retenir la qualification d'aide d'État, a précisé que cette exemption ne
se justifiait pas par la nature ou l'économie de ce système.
Toutefois, la justification par la nature ou l'économie du système reste floue dans la
jurisprudence de la CJCE, c'est pourquoi la Commission a proposé des pistes pour cerner cette
notion. Ainsi, dans la décision relative au régime d'amortissement au profit des compagnies
aériennes allemandes64, elle a indiqué qu'en « matière fiscale, la Commission est d'avis
qu'échappent à la qualification d’aide d’Etat les mesures comportant une dérogation à la règle
générale à condition que leur rationalité économique les rende nécessaires ou fonctionnelles
par rapport à l'efficacité du système. Cela doit normalement se traduire dans le caractère non
limité de leur champ d'application, dans le fait d'être fondées sur des critères ou conditions
objectifs et horizontaux, ainsi que dans leur durée illimitée dans le temps ».
Dans un souci permanent de diplomatie, la Commission a prolongé son analyse en
précisant que le fait qu'une mesure fiscale profite davantage à certains secteurs d'activité ne
lui confère pas nécessairement le caractère d'aide au sens de l'article 87 du Traité CE.
Cette justification présente néanmoins une grande difficulté pratique, à savoir, la
détermination de ce qu’est un régime commun applicable à un Etat. Certains auteurs65 ont
évoqué une approche alternative, centrée sur les « facultés contributives » des entreprises, en
prenant comme postulat que l’impôt est réparti en fonction des facultés contributives de
63 CJCE, 2 juin 1974, aff. 173/73, Italie c/ Commission. 64 Décision de la Commission du 13 mars 1996 : JO L n°146, 20 juin 1996, p. 42 à 48.
40
chacun. Ainsi, les mesures incitatives, répondant à des objectifs spécifiques (protection de
l'environnement, recherche,…) faussent, selon cet auteur l'appréhension de la situation fiscale
réelle des contribuables, et devraient être considérées comme des aides au sens de l'article 87
du Traité CE. A notre avis, une mesure bien qu’incitative ne relève pas forcément du contrôle
des aides d'État. En effet, une mesure qui est d’application générale tout en étant incitative
n'est pas susceptible de relever du champ d'application de l'article 87 du Traité CE.
b) L'application du principe : l'affaire Adria Wien Pipeline GmbH
Parmi les quatre critères énoncés par l'article 87 du Traité CE la sélectivité est celui
qui pose le plus de difficulté. L'application de ce critère suscite la controverse. À cet égard,
l'affaire Adria Wien Pipeline GmbH est particulièrement intéressante puisque la décision de la
CJCE diffère des conclusions de son Avocat général J. Mischo.
En l'espèce, une juridiction autrichienne avait saisi la CJCE afin de savoir si le
remboursement à certains opérateurs d'une partie de la taxe sur l'énergie constitue une aide
d'Etat. En effet, à l'occasion d'une réforme fiscale des taxes sur l'énergie, la République
d'Autriche a introduit une nouvelle taxe grevant la consommation d'énergie. Consciente du
fait qu'une telle taxe pourrait peser trop lourdement sur certaines entreprises grandes
consommatrices d'énergie, une autre disposition approuvée simultanément prévoyait le
remboursement partiel de cette taxe aux entreprises réunissant deux conditions. La première
condition, quantitative, à savoir, que les quantités payées représentent plus de 0,35 % de la
valeur nette de leur production. La seconde condition, qualitative, exigeait que leur activité
principale consiste à produire des biens économiques corporels. Sur la base de ce régime,
Adria Wien Pipeline GmbH, une entreprise remplissant le premier critère mais pas le second
(elle se livrait principalement à la prestation de services), et qui s'était vu refuser sa demande
de remboursement, a attaqué la légalité de ce régime en considérant qu'il constituait une aide
d'Etat illégale en faveur des entreprises productrices de biens économiques corporels.
Dans ses conclusions, l'Avocat général soutenait que ces dispositions devaient être
envisagées dans leur globalité et ne créaient pas « une dérogation en faveur de certaines
entreprises ou de certaines productions par rapport à un système normal de taxation, et qu'il
n'est pas, dès lors, constitutif d'un régime d'aide »66. De plus, il soulignait que les entreprises
65 W. Schön, « Taxation and State aid law in the European Union » : Common Market Law Review, 1999, n°36, p. 925 à 927. 66 Point 31 des conclusions de l’Avocat général J. Mischo.
41
des secteurs primaires et secondaires, auxquelles était réservé le remboursement d'impôts,
n'était pas en concurrence avec celles du secteur tertiaire, exclues du bénéfice de cet avantage.
La Cour de justice, contrairement aux conclusions de son Avocat général, a jugé que, malgré
le nombre des entreprises susceptibles d'en bénéficier, le mécanisme de restitution de taxes
restait sélectif et favorisait certaines activités. Surtout, la CJCE a rejeté la justification tirée de
l'économie générale de la mesure. Le gouvernement autrichien prétendait en effet que
l'application de taux différenciés, opérait selon des critères objectifs et que l'allocation des
charges fiscales entre les secteurs primaire, secondaire et tertiaire s'inscrivait dans la poursuite
de sa politique environnementale.
Cet arrêt montre que la CJCE n'hésite pas à faire application de l'article 87 du Traité
CE et n'accepte la justification tirée de la nature ou de l'économie du système que sous
certaines conditions. A notre avis, il paraît étonnant que la CJCE n'ait pas suivi les
conclusions de son Avocat général, sachant l'importance toujours croissante de la politique
environnementale au sein de la Communauté.
L’étude de la fiscalité des entreprises montre l’existence d’un contrôle efficace par les
instances communautaires, nous allons voir que ce contrôle s’installe de manière progressive
dans le domaine de l’épargne.
42
Chapitre II : La fiscalité de l’épargne : une lente édification du contrôle des
discriminations et des distorsions fiscales
Contrairement à la fiscalité des entreprises, le phénomène de concurrence fiscale
dommageable est moins bien maîtrisé malgré la volonté des Etats membres d’adopter une
directive sur l’épargne. Cette fois-ci ce ne sont plus les Etats membres qui retardent son
adoption mais les Etats tiers (Section I).
Quant à l’élimination des entraves fiscales par la condamnation de mesures fiscales
discriminatoires, à part le fait d’être tardive, elle est tout aussi efficace qu’en matière de libre
établissement. De plus en ce qui concerne les discriminations dans le domaine de l’épargne
vieillesse de grands bouleversements ont été réalisés tant par la CJCE que par l’adoption
d’une directive relative aux fonds de pension (Section II).
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement embryonnaire des
distorsions fiscales
Dans cette section nous allons montrer en quoi une intervention en matière de fiscalité
de l’épargne est nécessaire (§1), avant de nous intéresser aux difficultés liées à l’adoption
d’une directive dans ce domaine (§2).
§1 : Une intervention nécessaire dans le domaine de la fiscalité de l’épargne
Les directives sur les fusions transfrontalières67 et le régime des sociétés mères et
filiales68 de 1990 ont un rapport lointain avec la fiscalité de l'épargne dont la mesure où celle-
67 Directive n° 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’Etats membres différents : JOCE n°L225, 1990, p.1. 68 Directive n° 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents : JOCE n°L225, 1990, p. 6.
43
ci s'investit en actions et est dès lors intéressée aux distributions fluides de dividendes au sein
de groupes européens et à la possibilité d'échange d'actions dans le cadre de fusions ou de
prises de contrôle.
Dans le domaine de l'investissement et de l'épargne on distingue l'investissement
direct, lié au transfert à l'étranger de capital financier ou technologique, et l'investissement
financier ou de portefeuille, en dépôts bancaires ou en titres. En ce qui concerne
l’investissement direct, la Commission s'est préoccupée de l'introduction d'une proposition de
Directive supprimant les retenues à la source sur les intérêts et les redevances payés entre
sociétés d'un groupe, dans la même ligne que la suppression des retenues à la source sur
dividendes transfrontaliers entre filiales et mères, sur la base de l'idée que l'imposition de ces
revenus aurait lieu dans l'Etat membre de la résidence de la société bénéficiaire. Un régime
transitoire permettrait le maintien de retenues à la source dans les Etats membres largement
importateurs de capitaux. En ce qui concerne la fiscalité de l'investissement financier, à savoir
de l'épargne, la Communauté européenne s'est trouvée confrontée à deux mouvements, l'un
économique et global, l'autre juridique et interne à la Communauté. Il convient d’étudier
l’origine de l’intervention (A), avant de s’intéresser à sa spécificité qui est celle d’être globale
(B).
A. Origine de l’intervention
1. Le contexte : la libération des mouvements de capitaux
La globalisation de l'activité financière mondiale et les avancées technologiques du
commerce électronique ont conduit, en deux décennies, à la création d'un marché mondial de
l'épargne qui n’existait pas précédemment, confrontant les fiscs nationaux à des problèmes
jusque-là inconnus et les privant de la maîtrise relative qu'ils avaient de la fiscalisation de leur
épargne nationale.
Dans le même temps, au sein de la Communauté européenne, a été réalisée la
libération des mouvements de capitaux. Selon l’article 56 du Traité CE69 (ex-art. 73 B), les
Etats membres devaient supprimer progressivement entre eux, « dans la mesure nécessaire au
bon fonctionnement du marché commun », les restrictions aux mouvements de capitaux
69 Art. 56 du Traité CE : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »
44
appartenant à des personnes résidant dans les Etats membres. Malgré cette disposition, les
Etats membres ont mis longtemps à avancer sur la voie d'une Europe financière. Afin de
réaliser un véritable espace financier européen, le Conseil a émis une importante Directive le
24 juin 198870 portant libération complète des mouvements de capitaux à l'intérieur de la
Communauté. Cette libération implique la suppression des restrictions aux mouvements de
capitaux entre Etats membres et entre Etats membres et pays tiers. Ce mouvement a donc
conduit à la disparition des systèmes de contrôle des changes et de déclarations qui
permettaient aux fiscs nationaux soit d’assurer l'investissement dans le pays de l'épargne
local, soit de contrôler ces mouvements et de s'assurer ainsi le droit de les imposer par des
mesures de contrôle efficaces.
Se créait ainsi un risque de déplacement de l'épargne.
2. Les enjeux : le risque de délocalisation d'actifs financiers
En règle générale, le droit d'imposer les intérêts est partagé entre l'Etat de la résidence
et l’Etat de la source. L'Etat de la résidence impose, l’Etat de la source perçoit une retenue à
la source et celle-ci fait en principe l'objet d'une imputation sur l'impôt dû dans l’Etat de la
résidence. Dans le marché, les emprunteurs de pays imposant une retenue à la source se
trouvent obligés de facto de majorer l’intérêt servi aux investisseurs d'un montant compensant
plus ou moins complètement cette retenue. Afin d’attirer les capitaux, il est dès lors
généralement renoncé à cette retenue en faveur des non-résidents.
Cette course vers le bas se communique des Etats de la source aux Etats de la
résidence. Ces derniers, afin de conserver dans le pays un certain volume d'épargne nationale,
ont été amenés, dès l'entrée en vigueur de la libération des mouvements de capitaux, à
abaisser les impôts sur les produits d'épargne et, souvent, à les rendre proportionnels, parfois à
un taux égal à celui de la retenue à la source de droit interne, abandonnant ainsi l'impôt global
en faveur d'un impôt cédulaire.
Les Etats membres conservent toutefois le droit d'appliquer les dispositions de leur
législation fiscale qui établissent des distinctions entre les contribuables qui ne se trouvent pas
dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont
investis. Ils peuvent également prendre toutes mesures indispensables pour faire échec aux
infractions à leurs lois fiscales71.
70 Directive n° 88-361 du 24 juin 1988 : JOCE n° L. 78 du 8 juillet 1988 71 Article 58 du Traité CE.
45
L'idée d'harmoniser l'imposition des produits de l'épargne, des dividendes, voire même
l'impôt des sociétés, véhicules de l'investissement, a de tout temps trouvé un écho dans les
textes européens72. Dans la confrontation entre la libération des capitaux et la fiscalité de
l'épargne, les partisans de la fiscalité sortirent perdants. La libération des mouvements des
capitaux par la directive de 1988 fut adoptée sans aucune mesure préalable destinée à assurer
la taxation des intérêts. Le 10 février 198973, la Commission présenta une proposition de
Directive relative à un régime commun de retenue à la source sur les intérêts. Une retenue à
la source minimum de 15 % était alors proposée. Parallèlement, il était proposé de modifier la
Directive relative à l'assistance mutuelle entre autorités compétentes des Etats membres. En
effet, au terme de cette dernière, l'information pouvait être refusée dès lors que l'État membre
n'aurait pu l'obtenir dans l'ordre interne, par exemple en raison du secret bancaire. Elle
pouvait également être refusée en cas d'absence de réciprocité. Ainsi, un Etat membre dans
lequel existait le secret bancaire pouvait refuser de fournir l'information à son voisin qui à son
tour pouvait refuser la communication d'informations équivalentes.
Il était également prévu que les Etats membres pouvaient se dispenser de la retenue à
la source à condition de la remplacer par un régime de déclaration automatique des intérêts à
l'Administration fiscale. Les résidents d'Etats tiers pouvaient également être exemptés de la
retenue à la source. Cette proposition fut vivement critiquée par de nombreux Etats membres.
Certains soulignaient le risque de délocalisation de l'épargne vers les Etats tiers, d'autres
avançaient déjà qu'un système de déclaration obligatoire des revenus de capitaux à
l'Administration fiscale, comme celui qui existait en France, était plus efficace et que
l'imposition simultanée d'une retenue à la source imposerait aux banques une charge
administrative supplémentaire et inutile.
L'expérience allemande de 1989 consistant à mettre en place une retenue à la source
sur intérêts a montré la fragilité du système, en raison de l'énorme délocalisation de placement
qui se produisit de l'Allemagne vers le Luxembourg. La proposition fut alors retirée.
B. Une approche globale de l’intervention : le paquet fiscal
Comme nous l'avions exposé dans le premier chapitre l’approche individuelle des
problèmes fiscaux est un échec. C'est la raison pour laquelle, apparue l’idée très politique de
72 « La fiscalité de l’épargne en Europe » : Colloque anniversaire, Ecole supérieure des sciences fiscales, Bruxelles, 20 novembre 1998 ; C. Laroche et J. Spindler. 73 COM (1989)60 final : JOCE n° C 141, 1989.
46
globaliser pour démontrer l'avantage économique d'un ensemble de mesures, compensant les
inconvénients que certaines pouvaient faire craindre individuellement. En 1996, en s'appuyant
sur la réunion du Conseil Ecofin de Vérone du 13 avril 1996 et les travaux d'un groupe de
haut niveau suscité par ce Conseil, la Commission a souligné que la diversité des régimes
fiscaux nationaux applicables à l'imposition des revenus de l’épargne et notamment le
traitement favorable réservé aux intérêts payés à des non-résidents provoquait des distorsions
économiques et une érosion fiscale génératrice, par substitution, d’une imposition exagérée
des revenus du travail, ayant un impact négatif sur l'emploi.
Dans le cadre des travaux du groupe de politique fiscale, au cours de l'année 1997, le
Conseil Ecofin du 1er décembre 199774 invita la Commission a lui présenter une proposition
de directive en matière de fiscalité de l'épargne. L'objectif n’étant pas celui d'une
harmonisation générale mais seulement d'assurer un minimum de taxation effective à
l'intérieur de la Communauté.
Cette proposition de directive était fondée sur le modèle de la coexistence (1), qui
suscitera un grand mécontentement auprès de certains Etats membres (2).
1. Le modèle de la coexistence
Le champ d'application de la proposition de Directive était limité aux intérêts versés à
des particuliers résidents d'un autre État membre que l'État de la source. La directive devait
être fondée sur le modèle de la coexistence, impliquant le choix entre l'application d’une
retenue à la source et la fourniture d'informations aux autres Etats membres sur les revenus de
l'épargne, éventuellement combinées et sous le bénéfice d'une clause de réexamen. Les
retenues à la source seraient effectuées par l'établissement payeur. La proposition devait tenir
compte de la nécessité de préserver la compétitivité des marchés financiers européens à
l'échelle mondiale. Était également prévu l'adoption des mêmes mesures dans les Etats tiers,
les Etats membres s'engageant par ailleurs à les faire introduire dans leurs territoires
dépendants ou associés.
74 Conclusions du Conseil Ecofin du 1er décembre en matière de politique fiscale, 98/C 2/01 : JOCE n°C2, 1998, p.1.
47
2. L’opposition britannique
Plus que le modèle en lui-même c'est la réaction de certains Etats membres qu’il est
intéressant d'étudier. En 1998, la Commission a présenté une proposition de Directive visant à
garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à
l’intérieur de la Communauté, conformément au modèle de coexistence et prévoyant une
retenue à la source de 20 %75.
À la suite de cette proposition des divergences apparurent entre certains Etats
membres. La France, l'Allemagne et l'Italie, en raison de leur haut niveau d'imposition, étaient
favorables à une harmonisation européenne des règles d'imposition de l'épargne, victimes
qu’elles étaient d'une importante évasion fiscale de leurs résidents vers d'autres Etats membres
où l'épargne est faiblement imposée76. Le Royaume-Uni, quant à lui, était traditionnellement
opposé à une harmonisation fiscale, se réalisant toujours vers le haut et en opposition aux
intérêts financiers de la place de Londres. Il était particulièrement opposé à l'application de la
Directive aux produits des eurobonds, qui avaient été exemptés dans la proposition de 1989,
et soulignait à cet égard deux inconvénients77. D'une part, si une retenue à la source était
introduite, d'après les clauses usuelles d’émission des eurobonds, le titulaire de l'obligation
pouvait demander que l'intérêt qui lui est versé soit augmenté du montant dont il est privé par
la retenue à la source. D'autre part, la clause ne visait que les retenues à la source imposées
par un Etat membre. En l'espèce, la retenue aurait été imposée par une Directive européenne.
Toutefois, cette Directive requérait des mesures législatives nationales pour être mise en
vigueur, ce qui l'aurait vraisemblablement fait entrer dans le champ d'application des clauses
conventionnelles. Comme l’ont écrit certains auteurs78 «le développement du marché
londonien des eurobonds avait été largement dû à l'instauration aux États-Unis, en 1963, de
« l’Interest Equalization Tax» ( supprimée à compter du 30 juin 1974), il est facile de
comprendre que le Royaume-Uni n'était guère désireux d'expérimenter le même phénomène
de délocalisation du marché des emprunts internationaux, à l'instigation d'un mécanisme
comme le projet de retenue à la source qui, sans être identique à la taxe américaine des années
soixante, risquait fort de produire les mêmes effets sur les intérêts. Le Royaume-Uni proposa
75 COM (1998)295 final du 20 mai 1998. 76 « Harmonisation fiscale européenne (mars 1997-mars1999) » : RTDE 1999, p. 748. 77 H.M. Treasury, “ International Bonds and a Draft Directive on Taxation of Savings. A paper by the United Kingdom”, sept. 1999; S. Bell, “EU Directive on the Taxation of Savings Income”: British Tax Review, 2001, p. 262; G. Harrower, “The European Union’s Proposed “Withholding Tax Directive” and its Potential Effect on the Eurobond Market”: Journal of International Banking Law, 1999, p. 164.
48
de n'appliquer le système de la Directive qu’aux souscriptions d'une valeur inférieure à
40 000€, ce qui l’aurait vidé de sa substance. Les Conseils Ecofin des 8 et 21 novembre 1999
refusèrent de se rendre aux arguments britanniques. En effet, l'exclusion des eurobonds aurait
accordé un tel avantage à ceux-ci qu’elle aurait pu assécher le marché accessible aux
obligations d'Etat émises par les Etats membres. La proposition introduisait donc dans le
marché un facteur de déséquilibre. Au prix d’une retenue à la source de 20 %, l’investisseur
était attiré vers les Etats membres qui la pratiquaient au détriment des Etats membres
pratiquant l’échange informations. De plus, la retenue à la source bénéficiait à l’Etat membre
qui la pratiquait, l'Etat de la résidence étant privé de toute recette. C'est la raison pour laquelle
l'opposition britannique allait être décisive. Lors du Conseil européen d'Helsinki des 10 et 11
décembre 1999 les Etats membres arrivèrent à la conclusion selon laquelle tous les résidents
d'un Etat membre devaient payer l'impôt dû sur la totalité des revenus de leur épargne. Il fut
alors facile au Royaume-Uni de défendre la supériorité du système d'échange des
informations sur celui de la retenue à la source.
§2 : La Directive du 3 juin 2003 serait-elle une pierre philosophale ?
Cette Directive répond à la volonté des Etats membres de l'Union européenne de
pouvoir prélever des impôts sur les revenus de l'épargne de leurs contribuables
indépendamment du lieu où ces revenus sont réalisés.
Le Conseil européen de Santa Maria da Feira des 19 et 20 juin 2000 dégagea une
unanimité selon laquelle l'objectif ultime de la Directive sera l'échange informations sur une
base aussi large que possible. Cet objectif est également celui de la Directive. En vertu de
celle-ci, chaque État membre devra informer les autres des intérêts versés à partir de cet État
membre à des particuliers résidents dans d'autres Etats membres. Ce principe comporte
néanmoins une dérogation relative à la situation particulière de trois pays, à savoir, la
Belgique, le Luxembourg et l'Autriche. En effet, pendant une période transitoire, ces trois
pays seront autorisés, au lieu de communiquer des informations, à appliquer une retenue à la
source fixée à 15 % pour les trois premières années (2005-2007), 20 % pour les trois années
suivantes (2008-2010) et 35% à partir de 2011. Cette solution permet à ces Etats de préserver
leur secret bancaire. Ces trois Etats membres ne mettront en oeuvre un échange automatique
d'informations que lorsque deux conditions seront réunies. Selon la première, il faut que la
78 Cf. supra. ; J. Malherbe et O. Hermand, Fiscalité européenne de l’épargne : antécédents communautaires ? : Rev. dr. fisc. , 2002/47, p. 1546.
49
Communauté européenne parvienne à un accord, approuvé à l'unanimité par le Conseil, avec
la Suisse, le Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco et Andorre. La seconde condition, impose
que le Conseil approuve à l'unanimité, le principe selon lequel les États-Unis procèdent à des
échanges d’informations sur demande.
Les intérêts visés par la Directive sont ceux de titres de créance de toute nature, y
compris les dépôts d'espèces et les obligations privées et publiques et autres titres d'emprunt
négociables. La définition du paiement d'intérêts s'étend aux intérêts courus et capitalisés, qui
comprennent notamment les intérêts calculés comme courus à la date de cession ou de rachat
d'une obligation d’un type pour lequel l'intérêt n’est payé, ordinairement, qu’à l’échéance
avec le principal (une obligation dite « à coupon zéro »). La définition comprend également
les intérêts issus de placements indirects effectués par l'intermédiaire d'organismes de
placement collectif.
La Directive du 3 juin 200379, a donc une vaste portée et vise à mettre en place tant
bien que mal un système commun fondé sur l'échange informations (A). Toutefois, celle-ci
afin de prévenir un risque de contournement de sa réglementation par des centres financiers
situés hors de l'Union européenne, a voulu s'assurer la coopération de certains Etats tiers, dont
la Suisse. Cette coopération a été à l'origine d'un retardement dans la mise en place du
système (B).
A. Un système «commun » d'imposition de l'épargne sous forme de remboursements
d'intérêts
La Directive du 3 juin 2003 vise à mettre en place un système permettant de « garantir
un minimum d'imposition effective des intérêts »80 et non à harmoniser les législations des
Etats membres. L'instrument permettant de remplir cet objectif étant l’échange informations.
Afin de mieux cerner le fonctionnement du système que veut mettre en place la Directive il
convient d'analyser la relation de l'agent payeur et du bénéficiaire effectif (1) puis d’étudier
les obligations d'informations qui incombent à ces derniers (2).
79 Directive n°2003/49/CE, 3 juin 2003 : JOUE n°L 157, 26 juin 2003, p. 49. 80 Article 1er de la Directive.
50
1. La relation agent payeur- bénéficiaire effective
Le système gravite autour de couple agent payeur (a)- bénéficiaire effectif (b) toutes
deux devant être établis sur le territoire communautaire.
a) L'agent payeur : débiteur d'intérêts
L'agent payeur, défini à l'article 4 de la Directive, est un opérateur économique qui
paie ou attribue des intérêts au profit immédiat du bénéficiaire effectif. La plupart du temps il
s'agira d'un établissement bancaire et non du débiteur des intérêts comme la société émettrice.
De plus, seul le dernier établissement bancaire sera considéré comme agent payeur.
L'article 4, alinéa 2 du texte prévoit une hypothèse particulière dans laquelle une entité
pourra être considérée par extension comme agent payeur. Selon la Commission, il s'agit
d'entités « faisant l’objet d’une surveillance peut-être moins étroite des autorités fiscales ».
Ce type d'entité ne sera considéré comme agent payeur que si chacune d'entre elles satisfait
cumulativement à trois conditions : a) si elle n'est pas si une personne morale, b) si elle est pas
imposée sur ses bénéfices dans les conditions de droit commun de la fiscalité des entreprises,
c) si ce n'est pas un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Dans
l'hypothèse, où ces trois conditions sont remplies, l'entité en cause sera considérée comme
agent payeur, non pas au moment où elle paie ou attribue des intérêts au bénéficiaire effectif,
mais au moment où elle-même reçoit lesdits intérêts. La seule différence est que lors du
versement ultérieur des intérêts aux bénéficiaires effectifs elle ne sera plus considérée comme
agent payeur.
b) Le bénéficiaire effectif : une identification malaisée
Il est défini positivement comme « toute personne physique ou morale qui reçoit un
paiement d'intérêts ou toute personne physique à laquelle un paiement d'intérêt est attribué,
sauf si elle peut fournir la preuve que ce paiement n'a pas été effectué pour son propre
compte ».
Cependant, cette définition ne règle pas une difficulté majeure, à savoir l'identification
du bénéficiaire effectif. A cet égard, la Directive établit un ensemble de règles qu'elle présente
51
elle-même comme des règles minimales81. Ces règles concernent l’identification du
bénéficiaire effectif pris individuellement et géographiquement.
Pour identifier individuellement le bénéficiaire effectif, la Directive distingue selon la
date à laquelle les relations contractuelles ont été établies. Si cette date est antérieure à celle
de la date limite de transposition de la Directive, l'agent payeur peut se contenter du nom et de
l'adresse du bénéficiaire qu'il établira sur la base des informations en sa possession à raison
des règles en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Si cette date est postérieure,
la Directive exige que l'agent payeur ne se contente pas du nom et de l'adresse du client mais
aille rechercher « son numéro d'identification ou, à défaut d'un tel numéro, la date et le lieu de
naissance »82. Il s'agit donc d'exigences assez lourdes en termes de renseignements demandés
aux intermédiaires.
Quant à la résidence du bénéficiaire effectif, les règles de détermination diffèrent
également selon la date des relations contractuelles. Si celle-ci est antérieure à la date de
transposition de la Directive, l'agent payeur disposera de l'information sur la base des règles
en matière de blanchiment des capitaux. Si la date est postérieure, les règles vont différer
selon que le client possède un passeport ou tout autre document officiel d'un Etat tiers.
2. Des obligations d’informations lourdes
Le paiement ou l'attribution d'intérêts de l'agent payeur au bénéficiaire effectif
engendre un certain nombre d'obligations. Ces obligations font l'objet du titre II de la
Directive. C'est plus précisément l'article 8 qui fait obligation à l'agent payeur de
communiquer un certain nombre de renseignements à l'autorité compétente83 de l’Etat
membre où il est établi. Cette dernière devra, selon l'article 9, à son tour, communiquer
automatiquement ces informations à l'autorité compétente de l’Etat membre où réside le
bénéficiaire effectif. L’alinéa 2 de l'article 9 précise que cette information devra avoir lieu au
mois une fois par an, dans les six mois qui suivent la fin de l'exercice fiscal de l'Etat membre
de l'agent payeur. Cet échange présente ainsi un caractère d'automaticité assez contraignant
puisqu'il empêchera tout Etat membre de prétendre échapper à ces obligations sous prétexte
de non réciprocité.
81 Article 3, §1er, alinéa 2, selon lequel les modalités que les Etats doivent adopter pour se conformer à la directive « doivent être conformes aux normes minimales établies aux § 2 et §3 ». 82 Article 3, §2, b.
52
Les informations à fournir et à transmettre sont assez lourdes. L'agent payeur devra
tout d'abord fournir à son autorité compétente, l’identité et la résidence du bénéficiaire
effectif, sa propre dénomination et adresse, mais également le numéro de compte du
bénéficiaire effectif ou à défaut l'identification de la créance génératrice d'intérêts. S'agissant
des intérêts, l'information devra couvrir leur montant payé ou crédité. Dans le cas d'intérêts
courus ou capitalisés, elle devra porter sur le montant total de la cession du rachat ou du
remboursement. Lorsque les intérêts seront distribués par des OPCVM l'information portera
sur le paiement de ceux-ci ou sur le montant total de la distribution qui pourra inclure autre
chose que des intérêts. Enfin lorsque les intérêts seront payés à une entité considérée comme
agent payeur par extension et qui n'aurait pas exercé l'option d'être traitée comme un
OPCVM, l'information devra porter sur le montant des intérêts qui reviennent à chacun de ses
membres.
Il s'agit donc d'une procédure assez lourde de mise sous surveillance des transactions
relatives aux versements ou attributions d’intérêts.
Il faut également préciser que cette procédure d'échange automatique d'information
n'est pas exclusive84 dans la mesure où les Etats membres ont la possibilité de prélever des
retenues à la source dans le cadre de leurs dispositions nationales ou de conventions relatives
à la double imposition. Selon un auteur85 ce cumul présente l'inconvénient de rendre flou le
message que le texte communautaire entend faire passer et risque de rendre particulièrement
dissuasif le territoire européen. A notre avis, le texte même de la Directive ne prétendait pas à
la généralité du moins à moyen terme, puisque la directive prévoit expressément un régime
dérogatoire pour trois Etats membres. De plus ce système progressif visant à permettre une
adaptation en douceur de ces Etats membres où le secret bancaire est caractéristique de leur
système bancaire, au système d'échange informations, ne peut que contribuer au succès de la
Directive.
Ce système quelque peu complexe semble a priori efficace mais est tributaire de
l’accord de certains Etats tiers, qui ralentissent son adoption.
83 La notion d’autorité compétente est définie à l’article 5 du texte comme celle qui sera notifiée à la Commission par l’Etat membre. S’il s’agit de l’autorité d’un Etat tiers, référence sera faite à l’autorité compétente « aux fins de conventions bilatérales ou multilatérales en matière de fiscalité ». 84 Article 17 de la Directive. 85 Dominique Berlin, Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I).
53
B. Un système tributaire de l’accord d’Etats tiers : le cas de la Suisse
L’objectif ultime de la Directive, à savoir l’échange automatique d’informations, ne se
trouvera réalisée dans l’Union européenne que lorsque tous les Etats membres le mettront en
œuvre. Or, à l'heure actuelle et pendant encore plus de sept ans, trois Etats membres : la
Belgique, le Luxembourg et l’Autriche appliqueront le régime de la retenue à la source. Ces
trois Etats membres, ne cesseront de l'appliquer notamment que « lorsque la Communauté
européenne parviendra, à un accord, approuvé à l'unanimité par le Conseil, avec la Suisse, le
Liechtenstein, Saint-Marin, Monaco et Andorre visant à échanger des informations sur
demande. Ainsi ce système est intrinsèquement lié à l'accord d'Etats tiers notamment celui de
la Suisse, puisque cet accord constituera la base des accords à venir avec le Liechtenstein,
Andorre, Monaco et Saint-Marin. Or la Suisse n'est pas favorable au système d'échange
d’informations, en raison du secret bancaire. C'est la raison pour laquelle la Directive qui
devait normalement être appliquée le 1er janvier 2005 ne pourra pas l’être. En effet, le
Conseil a décidé que les Etats membres n’appliqueraient les dispositions de cette Directive
qu'à compter du 1er juillet 2005. Le texte de l'accord entre l'Union européenne et la Suisse
concernant l'imposition des revenus de l'épargne a été paraphé par les négociateurs des deux
parties le 25 juin 2004. Ces dernières ont l'intention d'appliquer cet accord à compter du 1er
juillet 2005, pour autant que les exigences constitutionnelles de la Suisse aient été satisfaites à
cette date.
Il convient donc d'analyser les éléments constitutifs de l'accord avec la Suisse (1) puis
d'étudier la spécificité suisse (2).
1. Les principales dispositions de l'accord
Le noyau de l'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union européenne est constitué par
l'engagement de la Suisse d'introduire une retenue d'impôt atteignant 15 % dans un premier
temps, puis 20 % et enfin 35 %, à l’instar des trois Etats membres. Cette solution garantit le
maintien du secret bancaire. Les principales dispositions de l'accord portent sur les points
suivants : la retenue à la source, la divulgation volontaire informations, la clause d'examen et
l'échange d'informations sur demande.
En ce qui concerne la retenue d'impôt sur les revenus de l'épargne, il y a plusieurs
éléments à prendre en considération. Tout d'abord, le champ d'application de la retenue
montre que la déduction est effectuée sur des intérêts payés ou crédités qui ne sont pas de
54
source suisse, et dont le bénéficiaire effectif est une personne physique résidant dans un Etat
membre de l'Union européenne86. Ensuite, la déduction est effectuée par des agents payeurs, à
savoir des banques ou des gérants de fortune suisses, des personnes physiques ou morales
résidant ou exerçant leurs activités en Suisse, des sociétés de personnes ou des établissements
stables de sociétés étrangères, qui, dans le cadre de leur activité commerciale, gèrent
habituellement ou occasionnellement des valeurs patrimoniales appartenant à des tierces
personnes, et encaissent ou paient des intérêts pour le compte de ces dernières. De plus, le
produit de la retenue d'impôt est transféré à raison de 75 % à l'Etat membre de l'Union
européenne dans lequel réside le bénéficiaire effectif des intérêts. Les 25 % restants
reviennent à la Suisse. Enfin, sur présentation d'une attestation de retenue d'impôt, l'Etat
membre de l'Union européenne dans lequel réside le bénéficiaire effectif impute le montant de
la retenue sur les impôts que ce dernier lui doit et lui verse un éventuel excédent.
La divulgation volontaire d’informations, quant à elle, s'effectue sur présentation d'une
instruction expresse du bénéficiaire effectif. C'est l'agent payeur qui procède, en lieu et place
d'une retenue d'impôt, à une communication concernant le paiement d'intérêts. Celle-ci est
transmise aux autorités fiscales du pays de résidence du bénéficiaire effectif par
l'intermédiaire de l’Administration fédérale des contributions.
Cet accord prévoit également une clause d'examen d'après laquelle la Suisse et l’Union
européenne discuteront d'une éventuelle révision de l'accord lorsqu'elles auront acquis assez
d'expérience avec la retenue d'impôt. Cela ne devrait pas être le cas avant 2011, soit avant
l'application du taux de 35 %. Les deux parties resteront également attentives aux
développements survenant sur la scène internationale. Enfin, il est prévu d'entretenir des
contacts réguliers pour la discussion de questions techniques.
En dernier lieu, l'accord prévoit que la Suisse procédera à un échange d'informations
sur demande pour toute affaire pénale ou civile de fraude ou d'infraction similaire impliquant
des contribuables. Cette partie de l'accord pourra être mise en oeuvre par des conventions
bilatérales entre les Etats membres et la Suisse.
2. Les réticences de la Suisse
Le retardement de l’adoption de la Directive au 1er juillet 2005 est dû aux spécificités
du droit suisse et plus précisément à son secteur bancaire. Le secteur bancaire est un secteur
86 Remarque : Les dividendes ou les revenus de l’épargne de personnes morales ne sont donc pas concernées par cette retenue.
55
clé pour l'économie suisse87. C’est la raison pour laquelle la Suisse est particulièrement
attachée à la préservation du secret bancaire qui contribue pour beaucoup au succès
économique de ce secteur. Bien que le gouvernement fédéral ait très tôt répondu
favorablement aux demandes de négociation de l'Union européenne, il a immédiatement
subordonné sa coopération à deux conditions. Selon la première condition, le mécanisme
d’échange d’information projeté devait être étendu « non seulement aux Etats membres de
l'Union européenne et à leurs territoires indépendants ou associés, mais aussi aux centres
financiers les plus importants en dehors de l'Union européenne ». La seconde condition,
d’essence diplomatique, était relative à l'inclusion de la fiscalité de l'épargne dans un paquet
plus global concernant diverses questions des relations entre la Suisse et l’Union européenne.
Ce sont essentiellement les difficultés propres au secret bancaire et au système
d’échange d’information qui furent au coeur des négociations. Ce secret bancaire est un droit
du client et une obligation du banquier. Cette obligation prend sa source dans plusieurs
textes88 et sa violation est sanctionnée pénalement. Il existe certes des limites à ce secret,
notamment dans le cas de poursuite des délits de fraude fiscale, le fisc a la possibilité
d'accéder à des informations bancaires et de transmettre ces informations à d'autres Etats dans
le cadre de l'entraide judiciaire et dans une mesure plus restreinte dans l'hypothèse de la
coopération administrative. Toutefois, les autorités suisses considèrent que c'est à l'Etat requis
qu'il appartient de qualifier de pénal ou non l'objet de la demande de l'autorité requérante. Par
conséquent, il risque d’y avoir des divergences d'interprétation dans la qualification
d'escroquerie fiscale, qui seule peut permettre la levée du secret bancaire.
En plus de ces inconvénients juridiques, la Directive présentait des coûts pour la
Suisse. D'une part, l'institution d'une retenue d'impôt au profit de l'Union européenne et le
renforcement de la coopération administrative en matière fiscale peuvent avoir pour corollaire
un déplacement d'avoirs vers d'autres places financières ne coopérant pas avec l’Union
européenne. D'autre part, l'accord entraîne des coûts de mise en oeuvre pour l'administration
fiscale et les banques, comme la documentation relative à la clientèle ou encore la mise en
place de nouvelles procédures.
Si les exigences constitutionnelles suisses sont satisfaites d'ici le 1 juillet 2005 et que
la Directive entre en application à cette date, il nous semble que cet accord présentera un
grand avantage pour la Suisse. À long terme, c'est-à-dire lorsque les trois Etats membres
87 Pour l’année 2000, la part du produit bancaire dans le produit national brut atteignait 12% ( 4% en France ou en Allemagne).
56
appliqueront le système d’échange d’informations, la Suisse, elle, maintiendra son sacro-saint
secret bancaire. Ainsi dans le cadre d’une Europe, entendue géographiquement, elle sera un
des seuls pays à conserver le secret bancaire.
Bien que l’adoption de cette directive peine à voir le jour, les discriminations en
matière d’épargne sont soumises à un contrôle rigoureux des instances communautaires.
Section 2 : Les entraves fiscales : des discriminations qui n’échappent pas à l’analyse
communautaire
Dans cette section nous allons étudier l’œuvre prétorienne de la CJCE en matière de
libre circulation des capitaux (§1), puis nous nous pencherons sur le cas de l’épargne
vieillesse qui prend de plus en plus d’importance au sein de l’Union européenne (§2).
§1 : Un rôle dynamique opéré par la CJCE en matière de libre circulation des capitaux
La libre circulation des capitaux est le quatrième pilier du droit des affaires européens.
Cela semble cohérent puisque la liberté d'établissement et cette dernière sont
interdépendantes. Toutefois, contrairement à la libre prestation de services ou à la liberté
d’établissement, la libre circulation des capitaux n'était pas initialement une liberté
fondamentale. En effet, sa libéralisation s'est faite de manière progressive. Cela avait pour
principale conséquence que les règles relatives à cet objectif n’étaient pas d'effet direct, c'est-
à-dire n'étaient pas directement invocables par les ressortissants des Etats membres89.
La directive 88/361 du 24 juin 1988 a modifié cette situation puisque l'article premier
a contraint les Etats membres à « supprimer définitivement les restrictions aux mouvements
de capitaux intervenant entre les personnes résidant dans les Etats ». Aucune précision n'étant
faite sur le terme de personnes, toutes les personnes juridiques pouvaient être concernées que
88 Article 13 de la Constitution fédérale, les articles 27 et suivants du Code civil suisse du 10 décembre 1907, la loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992. Cette énumération n’est pas exhaustive. 89 CJCE, 11 novembre 1981, aff. 203/80, Casati, Rec. CJCE p. 2595.
57
ce soit des personnes physiques ou morales. Par conséquent, le caractère inconditionnel de
l'obligation a conduit la CJCE à lui conférer un effet direct90. L'article 73 B (aujourd’hui
56§1) du Traité CE a consacré pleinement cette évolution en intégrant le principe issu de la
Directive n° 88/361.
Cet article établit une distinction entre les paiements courants91 et les mouvements de
capitaux. Les transferts de fonds liés aux différents investissements ou qui ne sont pas
effectués en exécution d'une opération sous-jacente, sont en principe des mouvements de
capitaux. On peut citer, par exemple, des achats ou des souscriptions de valeurs mobilières ou
bien encore des placements à long terme.
Le droit communautaire originaire prohibe les restrictions ou discriminations en ce qui
concerne les mouvements de capitaux et celles concernant les paiements courants. La
Directive à laquelle renvoie le Traité prévoit, la liberté des mouvements de capitaux entre les
Etats membres.
L’une des caractéristiques majeures de cette libération est qu’elle est erga omnes,
c'est-à-dire qu'elle s'applique également aux relations avec les pays tiers en plus de celles
entre les Etats membres. Cette libération s'explique notamment par l'interdépendance qui
existe entre la liberté établissement et la libre circulation des capitaux. En effet, lorsqu'une
société décide de créer une filiale dans un Etat membre, elle devra nécessairement posséder à
un transfert de capitaux.
Nous allons ainsi étudier tout d'abord la libre circulation des capitaux qui est une
liberté fondamentale, dorénavant, à part entière (A). Puis nous allons analyser les
justifications qui sont rarement admises par la CJCE (B).
A. Une liberté fondamentale à part entière
Bien que la reconnaissance de la liberté de circulation des capitaux en tant que liberté
fondamentale soit postérieure à celle de la liberté d’établissement ou de la liberté de prestation
de services, elle n'en occupe pas moins désormais une place pleine et entière. Ce statut ne va
pas sans soulever des interrogations, notamment en ce qui concerne la combinaison de cette
liberté avec les deux autres libertés (1).
90 CJCE, 23 février 1995, aff. C-358/93 et aff. C-416/93, Bordessa, Rec. CJCE p. 361. 91 CJCE, 31 janvier 1984, aff. 286/82 et 26/83, Luisi et Carbone, Rec. CJCE p. 377. « Les paiements courants sont les transferts de devises qui constituent une contre-prestation dans le cadre d’une transaction sous-jacente ».
58
Malgré cette petite concurrence, la libre circulation des capitaux dispose d'un champ
d'application largement entendu par la CJCE. En effet, avant de qualifier une mesure fiscale
de restrictive, la CJCE doit déterminer si la mesure relève du champ d'application matériel de
la liberté de circulation des capitaux. Dans son rôle d’interprétation du Traité, la CJCE a donc
dû préciser la notion. En outre, l'annexe I de la Directive 88/361 comporte une nomenclature
d'opérations classées par catégories relevant de cette notion et qui demeure parfaitement
pertinente. Cependant aussi détaillée que soit l’énumération développée par cette
nomenclature, elle n’est cependant pas comme l'indique la CJCE exhaustive ou limitative92. Il
y a donc une interprétation ouverte du champ d'application de la liberté de circulation des
capitaux ce qu’illustre très bien l’arrêt Verkooijen93. Dans cet arrêt, la CJCE affirme que pour
qu'une limite ou un obstacle à une opération déterminée relève des dispositions relatives à la
liberté, il suffit qu'elle soit « indissolublement liée » à un mouvement de capitaux, c'est-à-dire
qu'elle en constitue une prémisse. En l'espèce, existait un tel lien entre la perception de
dividendes et, en amont, l'acquisition par un résident d'un Etat membre de titres étrangers
négociés en bourse, autre type d'opérations figurant dans la nomenclature des mouvements de
capitaux. Ainsi la liberté de circulation des capitaux est largement interprétée quant à son
champ d'application par la CJCE qui n’hésite d'ailleurs pas à procéder à une approche
extensive des restrictions étatiques. (2).
1. La liberté de circulation des capitaux et autres libertés fondamentales
Comme nous l’avions précisé ci-dessus, la clarté et le caractère inconditionnel de
l'obligation énoncée par l'article premier de la Directive du 24 juin 1988, ont conduit la CJCE
à reconnaître à la liberté de circulation des capitaux un effet direct. C'est à compter de la
consécration de l'invocabilité de la liberté des mouvements de capitaux devant le juge interne
que s'affirme véritablement l'émergence d'une nouvelle liberté fondamentale. Toutefois, en
pratique, la jurisprudence montre que peut surgir la question de déterminer si une mesure ou
une pratique nationale contestée peut ou non tomber cumulativement sous le coup de la liberté
de circulation des capitaux et d'une autre liberté fondamentale.
Tout d’abord, les textes du Traité CE relatifs à ces différentes libertés établissent, des
règles régissant leurs interrelations. Ainsi, l'article 48 du Traité CE, définit le contenu de la
liberté établissement « sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ». Au titre
92 CJCE, 16 mars 1999, aff. C-222/97, Trummer. 93 CJCE, 6 juin 2000, aff. C-35/98, Verkooijen, Rec. CJCE p. 4071.
59
de la liberté de prestation de services, l'article 50 du Traité CE, identifie les notions de
services et de prestations fournies contre rémunération « dans la mesure où elles ne sont pas
régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des
personnes ». Dans la même ligne, l'article 51 du Traité CE a précisé que « la libération des
services des banques et des assurances qui sont liés à des mouvements de capitaux doit être
réalisée en harmonie avec la libération progressive des mouvements de capitaux ». Il apparaît
donc une certaine concurrence entre l'application de ces différentes libertés. De son côté,
l'article 58, alinéa2 du Traité CE, dispose, par une sorte de réciprocité, que le chapitre relatif à
la liberté de circulation des capitaux « ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions
en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent Traité ».
Face à ces dispositions, la CJCE a tenté de clarifier la situation. À cet égard, il
convient de reprendre les conclusions de l'Avocat général La Pergola dans l'arrêt Baars du 13
avril 200094. Selon les conclusions de l'Avocat général, les rapports de concurrence entre la
liberté des mouvements de capitaux et les deux autres libertés fondamentales peuvent être
résumés en distinguant trois situations. Tout d'abord, en présence d'une atteinte directe à la
libre circulation des capitaux qui n'entraîne qu'indirectement un obstacle pour l'établissement
ou la prestation de services, seules les dispositions relatives aux mouvements de capitaux sont
applicables. Ensuite, en présence d'une atteinte directe à la liberté d’établissement ou à la libre
prestation de services, qui entraîne indirectement une réduction des flux de capitaux entre
Etats membres, seules les dispositions relatives à la liberté d’établissement ou à la liberté de
prestation de services sont applicables. Enfin, en présence d'une atteinte directe à la fois à la
liberté de circulation des capitaux et à l'une des autres libertés fondamentales, la mesure ou la
pratique nationale doit respecter les conditions énoncées pour ces deux libertés95. Présentés
ainsi, ces principes d’application paraissent simples dans leur formulation, toutefois ils sont
plutôt délicats à mettre en œuvre. La CJCE lorsqu'elle se trouve confrontée à cette
interrogation ne répond que sur l'un des deux, comme dans l’arrêt Verkooijen, sans
véritablement expliciter l’omission de l'autre.
Ainsi lorsqu'une mesure ou une pratique nationale affecte l’exercice d'une activité
économique vers un autre Etat membre, soit par un établissement, soit par la prestation de
services, et qu'apparaît corrélativement une entrave à des mouvements de capitaux, il semble
prudent d'invoquer devant le juge l'existence d'une atteinte à la fois à la liberté de circulation
94 CJCE, 13 avril 2000, aff. C-251/98, Baars, Rec. CJCE p. 2787. 95 CJCE, 1er juin 1999, aff. C-302/97, Konle.
60
des capitaux et, selon le cas, à la liberté d’établissement ou à la liberté de prestation de
services.
2. Une approche extensive des restrictions étatiques
Avant de procéder à l'analyse par la CJCE de la restriction aux mouvements de
capitaux, nous allons exposer les faits de l’arrêt Verkooijen du 6 juin 2000, qui a marqué une
avancée importante en matière de libre circulation des capitaux. En l'espèce, le litige opposait
M. Verkooijen, résident néerlandais, à l'administration fiscale néerlandaise. Il détenait des
actions d'une société établie en Belgique dont il était également l'employé. Au titre de ses
participations, M. Verkooijen recevait des dividendes pour lesquels l'inspecteur des impôts lui
avait refusé le bénéfice d'un allégement fiscal au titre de l'impôt sur le revenu. En effet, la loi
fiscale néerlandaise prévoyait que seuls les dividendes issus de participations dans une société
ayant son siège aux Pays-Bas pouvaient profiter de cette exonération. Le litige opposant M.
Verkooijen au fisc a été porté devant les juridictions néerlandaises, où il atteignit la juridiction
de cassation qui décida de surseoir à statuer et de poser à la Cour si la Directive n°88/361 du
24 juin 1988 s’opposait à la disposition nationale.
Comme en matière de libre établissement, la Cour rappelle, tout d'abord, que la
fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, qui doivent l’exercer dans le
respect du droit communautaire96. Puis la Cour affirme que la Directive 88/361 est applicable
à l'époque des faits au principal. Elle précise que cette Directive a réalisé la libéralisation
complète des mouvements de capitaux et a imposé aux Etats membres en son article 1er,
alinéa1, l'obligation de supprimer toutes les restrictions aux mouvements de capitaux. De
plus, elle rappelle l’effet direct97 de cette disposition.
Selon la Cour la disposition législative en cause produit un effet dissuasif pour les
ressortissants d'un État membre résidant aux Pays-Bas, qui veulent investir leurs capitaux
dans des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre. La Cour ajoute que cette
disposition « produit également un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres
Etats membres en ce qu'elle constitue à leur rencontre un obstacle à la collecte des capitaux
aux Pays-Bas ». En effet, elle estime que dans la mesure où les dividendes qu'elles versent
aux résidents néerlandais sont fiscalement traités de manière moins favorable que les
dividendes distribués par une société établie aux Pays-Bas, leurs actions ou parts sociales sont
96 CJCE, Wielockx, ICI, Royal Bank of Scotland, cf. supra. 97 CJCE, Bordessa, cf. supra.
61
moins attrayantes pour les investisseurs résident aux Pays-Bas que celles des sociétés ayant
leur siège dans un autre Etat membre. La Cour conclue, donc, à une restriction aux
mouvements de capitaux. En statuant ainsi, la Cour n'a pas jugé utile de s'attarder sur
l'argument soulevé par plusieurs gouvernements tiré du caractère ténu, de la faible portée de
la gêne apportée par la législation néerlandaise concernée aux mouvements de capitaux. La
Cour rejette ainsi implicitement toute règle de minimis et estime que toute entrave même
« faible » ou d’ « importance mineure » tombe sous le coup de l'interdiction posée par une
liberté fondamentale. En matière de liberté de circulation des capitaux, ce rejet d'une règle de
minimis avait été consacré par un arrêt du 24 juin 1986, Brugnoni et Ruffinengo98.
Ainsi les termes employés par la CJCE comme « fiscalement traitées de manière
moins favorable » ou bien encore « moins attrayante pour les investisseurs », font écho aux
qualifications employées par la Cour en matière de liberté d’établissement pour juger du
caractère discriminatoire d'une mesure fiscale. Dans cet arrêt la CJCE n’emploie pas le terme
de discrimination mais de restriction aux mouvements de capitaux. Toutefois, sa démarche
ainsi que le vocabulaire qu'elle emploie ne préjuge en rien du caractère discriminatoire de la
mesure.
Cette façon de procéder de la Cour se retrouve dans son arrêt du 11 décembre 2003,
Héritiers de M. Barbier99. En l'espèce, Monsieur Barbier, un néerlandais, résident en
Belgique, avait acquis des immeubles aux Pays-Bas. Pour des raisons fiscales, M. Barbier a
utilisé la faculté offerte par le droit néerlandais, qui consiste à séparer le droit réel portant sur
un bien immobilier de la propriété dite « économique », et a cédé cette propriété économique
à des sociétés néerlandaises qu’il contrôlait. A son décès en 1993, son notaire a déclaré la
valeur des immeubles détenus par le de cujus en pleine propriété diminuée de la valeur des
immeubles dont M. Barbier avait aliéné la propriété économique. Cette méthode de calcul n'a
pas été admise par l'inspecteur des impôts néerlandais qui a procédé à une réintégration,
laquelle a été contestée par les héritiers. Le refus de l'inspecteur était justifié par le fait que le
propriétaire réel ne résidait pas sur le territoire néerlandais au moment du décès et que
l'obligation de délivrance était une obligation personnelle relevant de l'Etat de résidence. La
Cour a décidé de se placer sur le terrain de la libre circulation des capitaux. Tout d'abord, elle
a affirmé que la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres qui doivent
l’exercer dans le respect du droit communautaire. Puis la Cour a affirmé l'applicabilité de la
Directive 88/361 et, enfin, elle a reconnu l’effet direct de cette liberté. De nouveau, la Cour
98 CJCE, 24 juin 1986, aff. 157/85, Brugnoni et Ruffinengo, Rec. CJCE p. 2013. 99 CJCE, 11 décembre 2003, aff. C-364/01, Héritiers de M. Barbier, Rev. Europe février 2004, n°39, p.12.
62
n'a pas estimé utile d'employer le terme de discrimination, mais a constaté que la différence
de traitement dans la détermination de la valeur du bien pour le calcul de l'impôt exigible en
cas d'acquisition par succession constitue une restriction puisqu'elle est de nature à dissuader
d'acheter des biens immobiliers dans l'Etat membre concerné et diminue la valeur de la
succession d'un résident d'un Etat membre autre que celui dans lequel se trouvent lesdits
biens.
À la lumière de ces deux arrêts, nous pouvons constater que la jurisprudence de la
CJCE est bien établie en matière de libre circulation des capitaux.
B. Des justifications rarement admises
A l'instar de la liberté établissement, la CJCE procède à une interprétation stricte des
justifications susceptibles d'être avancées pertinemment par les Etats membres. Toutefois,
contrairement aux dérogations expressément prévues par le Traité CE en matière de liberté
d'établissement, à savoir l'ordre public la santé publique ou la sécurité publique, les
dérogations expressément prévues par l'article 58 du Traité CE en matière de libre circulation
des capitaux sont plus souvent invoquées (1) . Les Etats membres n'hésitent pas, par ailleurs, à
invoquer d’autres justifications (2).
1. Les dérogations prévues par le Traité : un fonctionnement en trois temps
L'article 56 du Traité CE affirme le principe de la libre circulation des capitaux et des
paiements. Cet article prohibe toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les
Etats membres, et entre les Etats membres et les pays tiers.
L'article 58 du Traité CE apporte des dérogations à l'article 56100. Toutefois, selon
l'article 58, alinéa3 du Traité CE, la possibilité offerte aux Etats membres de prendre des
mesures restrictives, à titre dérogatoire, ne doit constituer ni un moyen de discrimination
arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements. Le
dispositif prévu par le Traité fonctionne en trois temps. Tout d'abord, la CJCE constate la
100 Tout d'abord selon l' §1 a) : les Etats membres ont le droit d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établit une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne le résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis. Ensuite selon l' §1 b) : les Etats membres ont le droit de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'informations administratives ou statistiques ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique.
63
restriction aux mouvements de capitaux, qui est le cas échéant justifié par l'alinéa un ou deux
de l'article 58 et selon une troisième étape cette justification ne doit pas être constitutive d'une
discrimination arbitraire ou déguisée.
Dans l'affaire Verkooijen les gouvernements, qui ont présenté des observations devant
la CJCE ont développé une interprétation maximaliste de ces dispositions. Selon eux, les
dispositions de l'alinéa1 a) leur autoriserait inconditionnellement la possibilité de traitements
fiscaux différenciés en fonction de la résidence ou du lieu de placement des capitaux à raison
soit du caractère spécifique de la matière fiscale, soit d'une lecture littérale des alinéas 1 a) et
3 de l'article 58. L'interdiction des discriminations ou restrictions mentionnée à l’alinéa 3 ne
viserait ainsi, que « les mesures et procédures » et non pas les « dispositions » des législations
nationales au sens de l'alinéa 1 a). La Cour de justice a écarté cette interprétation des Etats
membres en affirmant, d'une part, que la portée de l'alinéa 1 a) de l'article 58 ne saurait selon
elle être entendue comme originale ni inconditionnelle. D'autre part, la faculté offerte aux
Etats membres de différencier le traitement fiscal en fonction de critères objectifs tels que la
résidence des contribuables est, en effet, généralement reconnue par la CJCE, sous réserve de
satisfaire à l'examen du critère de proportionnalité. Ainsi, la distinction sémantique des termes
des alinéas 3 et 1 a) de l'article 58, par les Etats membres est dénuée de pertinence. Bien au
contraire, « les mesures et procédures » de l'alinéa 3 ne peuvent être différentes des
dispositions de l'alinéa 1 a). La Cour a donc conclu que les traitements fiscaux différenciés
selon la résidence du contribuable ou le lieu de placement des capitaux ne peuvent
effectivement, en tout état de cause constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une
restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.
Selon nous, cet article 58, alinéa 3 présente une soupape de sécurité, dans la mesure où
une restriction qui est justifiée par l'article 58, alinéa 1, lui-même, est susceptible de ne plus
être justifiée au terme de l'alinéa 3 de l'article 58 . Nous pouvons ainsi constater la volonté des
auteurs du Traité CE d’éradiquer les discriminations fiscales. De plus, il est intéressant de
noter qu'un tel dispositif n'est pas prévu en matière de justifications de mesures fiscales
restreignant la liberté d’établissement ou la libre prestation de services.
2. Les autres justifications avancées
A défaut, pour un Etat membre de pouvoir justifier d’une entrave nationale au nom
d’une dérogation expresse et inconditionnelle figurant à l’article 58 du Traité CE, ceux-ci
peuvent, le cas échéant, invoquer des raisons impérieuses d’intérêt général. L’étude des
64
justifications avancées dans l’arrêt Verkooijen paraît très intéressante et montre que la
position de la CJCE est très proche de celle qu’elle adopte en matière de libre établissement.
En premier lieu, les gouvernements intervenant à la procédure ont avancé une
justification présentée comme une raison impérative d’intérêt général, celle tenant à
l’intention de promouvoir l’économie du pays en encourageant l’investissement de l’épargne
en actions ou parts sociales de sociétés établies dans l’Etat membre intéressé. Cet argument a
été écarté par la CJCE conformément à sa jurisprudence bien établie. Selon elle, un objectif de
nature purement économique tel que la promotion de l’économie nationale ne peut constituer
une raison impérieuse d’intérêt général justifiant l’entrave qui en résulte à une liberté
fondamentale101. La CJCE estime qu’un tel objectif doit être qualifié de protectionniste et est
contraire à l’exigence fondamentale de la réalisation d’un marché unique.
En second lieu, c’est la cohérence du système fiscal qui a été invoquée. Pour le
Gouvernement néerlandais, le refus d’étendre aux dividendes de source étrangère
l’exonération applicable, à concurrence d’un certain montant, aux dividendes distribués par
des sociétés établies aux Pays-Bas tenait à ce que les dividendes étrangers n’avaient pas
supporté, à l’inverse des dividendes domestiques, l’impôt sur les dividendes, c’est à dire la
retenue à la source applicable aux Pays-Bas. Ce refus était également justifié par le risque de
perte de recettes fiscales. En ce qui concerne la cohérence du système fiscal, la CJCE est aussi
intransigeante qu’en matière de libre établissement et exige l’existence d’un lien direct dans le
chef d’un seul et même contribuable, entre l’avantage fiscal et l’imposition102. En l’espèce, la
CJCE a souligné qu’aucun lien direct de cette nature n’existait entre l’octroi aux actionnaires
résidant aux Pays-Bas d’une exonération des dividendes reçus et l’imposition des bénéfices de
telles sociétés lorsqu’elles ont leur siège dans d’autres Etats membres. Après avoir écarté cette
justification, la CJCE écarte de manière aussi nette celle relative à la perte de recettes fiscales
par l’Etat concerné.103
Enfin, la CJCE est également indifférente à l’existence d’une addition éventuelle
d’avantages fiscaux pour le contribuable dû à l’exonération des dividendes perçus et à un
traitement fiscal favorable des bénéfices de la société étrangère distributrice dans son pays
d’établissement104.
101 CJCE, 28 avril 1998, aff. C-120/95, Decker, Rec. CJCE p. 1831. 102 CJCE, Bachmann, cf. supra. Seul cas où la CJCE a admis la justification tirée par la Belgique de la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal national. 103 CJCE, ICI, cf. supra. 104 CJCE, Saint Gobain ZN, cf. supra.
65
Ainsi, la portée de la libre circulation des capitaux est clairement établie et celle-ci
semble être analysée par la CJCE, à la lumière des principes dégagés auparavant par les autres
libertés fondamentales. Nous allons voir qu’en matière d’épargne vieillesse la CJCE est tout
aussi soucieuse de mettre un terme aux éventuelles discriminations. De plus l’action de celle-
ci est complétée le volontarisme des autres instances communautaires.
§2 : Vers un marché unique des retraites professionnelles ?
Il existe trois grands types de régimes de retraite dans les Etats membres : les régimes
légaux relevant de la Sécurité sociale (premier pilier), les régimes professionnels (deuxième
pilier) et les régimes individuels (troisième pilier). Il n'existe pas de législation
communautaire spécifique sur l'imposition des régimes de retraite.
Le premier pilier se compose des régimes statutaires auxquels l'affiliation est en
général obligatoire pour l'ensemble des salariés ou des résidants. Les régimes de ce type sont
financés habituellement selon le principe de la répartition, les cotisations versées par les actifs
servant directement à financer le paiement des retraites. Ces prestations de retraite sont
garanties par l’Etat et le régime est généralement géré par un organisme public. La
coordination de ces régimes au plan communautaire est réalisée par le Règlement
n°1408/71105, qui montre qu'il existe une cohérence globale du traitement fiscal des régimes
statutaires.
Les régimes du deuxième pilier peuvent être instaurés unilatéralement par un
employeur ou peuvent découler d'une convention collective ou d'un contrat conclu
individuellement ou collectivement conclus entre l'employeur ou les employeurs et le ou les
salarié(s) ou leurs représentants respectifs. En général, les employeurs et/ou les employés
versent des cotisations à une institution de retraite, qui les investit. Les actifs détenus par cette
institution servent à verser des prestations de retraite aux affiliés du régime. Ces institutions
de retraite jouent un rôle de premier plan dans les régimes de retraite dans plusieurs Etats
membres.
Enfin, le troisième pilier est formé par les régimes individuels, qui prennent
généralement la forme de contrats souscrits par des personnes physiques, de leur propre chef,
105 Le Règlement poursuit deux objectifs. D’une part, celui d’éviter le double paiement de cotisations par les travailleurs qui quittent un Etat membre pour un autre, et, d’autre part, celui de veiller à ce que des prestations soient versées, dans l’ensemble de l’Union européenne, à ces travailleurs et à leurs survivants, par l’un quelconque des Etats membres, en correspondance avec les cotisations du travailleur et avec l’historique de son affiliation dans cet Etat membre.
66
auprès d'entreprises d'assurance vie ou d'autres institutions financières, bien que certains Etats
membres aient des régimes individuels de retraite auxquels cotisent tant les employeurs que
les employés.
Dans le cadre de ce paragraphe, ce sont les régimes des deuxième et troisième pilier
qui vont retenir notre attention, puisque les différences de traitement fiscal relèvent de ces
derniers. Le traitement fiscal discriminatoire vient du fait que beaucoup d’Etats membres
refusent la déductibilité fiscale des cotisations de retraites payées à un fonds de pension dans
un autre Etat membre.
Nous allons tout d'abord étudier l’éradication des obstacles fiscaux aux retraites
complémentaires par la CJCE (A), puis nous nous intéresserons au volontarisme dont font
preuve les instances communautaires (B).
A. L’éradication des obstacles fiscaux aux retraites complémentaires par la CJCE
La Communication du 19 avril 2001106 a mis en avant l'obstacle que constitue le
traitement discriminatoire de l'affiliation à des institutions de retraite étrangères, à la
fourniture transfrontalière de retraites et à la mobilité du travail.
Ainsi la Commission souligne l'incidence des libertés fondamentales du Traité CE. La
consécration de ces libertés étant assurée par la CJCE (1), qui devient de plus en plus
exigeante pour admettre la justification tirée de la cohérence fiscale en la matière (2).
1. L’incidence des libertés fondamentales du Traité CE
L'article 14 du Traité CE dispose que le Marché intérieur comporte un espace sans
frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des
services, et des capitaux est assuré selon les dispositions du Traité. Les articles 39, 43, 49 et
56 du Traité CE développent ces différentes libertés. Ces articles interdisent la discrimination
fondée sur la nationalité, le traitement inégal ou autres restrictions, en ce qui concerne la libre
circulation des travailleurs, la liberté d'établissement, la libre circulation des services et des
capitaux.
106 Communication de la Commission européenne au Conseil, au Parlement et au Comité économique et social du 19 avril 2001 (COMMUNAUTAIRE(2001)214): Elimination des entraves fiscales à la fourniture transfrontalière des retraites professionnelles , Rev. dr. fisc. 2001, n°30-35, p. 1166 s.
67
La jurisprudence de la CJCE montre que ces dispositions s'appliquent dans les
domaines des retraites et de l'assurance-vie. Ainsi, dans l'affaire Jessica Safir107, la Cour a
observé que les assurances constituaient des services au sens de l'article 50 du Traité et a
disposé que l'article 40 du Traité CE s'opposait à l'application de toute réglementation
nationale qui, sans justification objective, entravait la possibilité pour un prestataire de
services d'exercer effectivement cette liberté. La CJCE a également jugé que l'article 49 du
Traité CE s'opposait à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de
rendre la prestation de services entre Etats membres plus difficile que la prestation de services
purement interne à un Etat membre. En l'espèce, la Cour a conclu dans cette affaire qu'une
réglementation suédoise qui imposait une taxe aux personnes physiques payant des primes à
une entreprise d'assurance vie établie dans un autre Etat membre, laquelle avait pour objet de
compenser l'impôt sur le rendement dû par les établissements suédois, dissuadait les
personnes physiques de souscrire une assurance auprès d'entreprises non établies en Suède et
créait une entrave injustifiée à la libre prestation de services.
Précédemment, dans l'affaire Bachmann108 elle avait de la même façon disposé que la
législation belge qui subordonnait la déductibilité fiscale de cotisations d'assurance contre la
vieillesse et le décès à la condition que ces cotisations soient versées à un établissement établi
en Belgique était en principe incompatible avec les articles 39 et 49 du Traité CE, en l'absence
de raison impérieuse.
De grandes avancées dans le domaine des retraites complémentaires des fonds de
pension ont été réalisées grâce au pragmatisme de la CJCE en 2002 dans l'arrêt Danner109 et
en 2003 dans l'arrêt Skandia110. Ces deux arrêts poursuivent le même objectif à savoir
l'élimination des obstacles fiscaux qui nuisent à la libre circulation des retraites sur le
territoire communautaire. De plus, ces arrêts présentent une certaine complémentarité.
Dans l'arrêt Danner du 3 octobre 2002, la décision concernait une personne physique
qui cotisait volontairement à un tel régime. La Cour a jugé que la restriction pour une
personne physique du droit de déduire de son revenu imposable des cotisations d'assurance de
retraite volontaire versées à des prestataires de pensions établis dans d'autres Etats membres,
alors que de telles restrictions n'existent pas quand le prestataire est national, est contraire au
principe de libre prestation de services posé par l'article 49 du Traité CE.
107 CJCE, Plén., 28 avril 1998, aff. C-118/96, Jessica Safir, Rec. CJCE p. 1919. 108 CJCE, Bachmann, cf. supra. 109 CJCE, 3 octobre 2002, aff. C-136/00, Danner, LPA du 18 février 2003, n°35, p.9. 110 CJCE, 26 juin 2003, aff. 422/01, Skandia., LPA du 22 juillet 2003, n°145, p. 11.
68
L'arrêt Skandia, quant à lui, traite du cas des employeurs qui cotisent des régimes de
retraite complémentaires pour leurs employés. La société Skandia établie en Suède avait
convenu avec l'un de ses employés qu'une partie de la retraite de celui-ci serait assurée par la
souscription d'une assurance complémentaire de retraite auprès d'entreprises d'assurance
établies dans d'autres Etats membres. A la demande de Skandia et de son employé, la
Commission suédoise de droit fiscal informait ces deux parties que la société ne pouvait pas
bénéficier d'un droit à déduction pour les cotisations payées dans le cadre de cette
souscription auprès d'entreprises étrangères. La non-déductibilité découlait du fait de la loi
fiscale suédoise qui distinguait deux types d'assurance complémentaire de retraite :
l'assurance de vieillesse et l'assurance de capitaux. Les cotisations payées par l'employeur
dans le cadre de l'assurance vieillesse sont immédiatement déductibles de son résultat
imposable, ce qui n'est pas le cas des assurances de capitaux. Or, l'assurance vieillesse n'est
considérée comme telle que si elle est souscrite auprès d'une entreprise d'assurance établie en
Suède. La Cour a considéré que les règles fiscales nationales ayant pour effet de traiter
fiscalement comme assurance de capitaux une assurance souscrite auprès d'un assureur établi
dans un autre Etat membre et remplissant toutes les conditions d'une assurance vieillesse était
contraire au principe de la libre prestation de services. Ce traitement a des conséquences
fiscales négatives pour l'employeur sur le plan de la déductibilité des cotisations patronales.
Ces deux derniers arrêts affirment pleinement la volonté de la CJCE d'éliminer les
obstacles fiscaux aux retraites complémentaires dans l'Union européenne. Cette volonté
s'exprime également à travers la réticence de la Cour d'accepter la justification tirée de la
cohérence du système fiscal.
2. La fin de la justification tirée de la cohérence fiscale ?
Dans l'affaire Bachmann, la CJCE a admis que le fait de restreindre la déductibilité des
cotisations versées à des établissements belges pouvait se justifier par la nécessité de
préserver la cohérence du régime fiscal111 belge. Ce raisonnement s'appuyait sur le postulat
selon lequel il existait, dans le cadre de la réglementation belge, un lien entre la déductibilité
des cotisations et l'imposition des sommes dues par les assureurs en exécution des contrats de
retraite et d'assurance vie.
111 La cohérence fiscale sert à préserver un lien entre la faculté de déduire les cotisations et le caractère imposable des prestations, de manière à compenser la perte et le profit pour l'Etat.
69
Dans les affaires ultérieures, la Cour a clairement délimité le champ d'application du
principe de la cohérence fiscale. Dans l'affaire Wielockx112, elle a estimé qu'une
réglementation néerlandaise qui refusait à un travailleur indépendant non résident le droit,
accordé aux résidents, de déduire de son revenu imposable une provision affectée à la
constitution d'une réserve vieillesse était contraire à l’article 43 du Traité CE. La Cour n’a pas
accepté la justification du gouvernement néerlandais tenant à la cohérence fiscale. Ainsi, elle
a estimé qu'il n'existait pas une « corrélation rigoureuse » entre la déductibilité des cotisations
et l'imposition des pensions. La Cour est allée encore plus loin dans son refus, en disant que la
cohérence fiscale était reportée à un autre niveau, celui de la réciprocité des règles applicables
dans les Etats contractants. En effet, la grande majorité des conventions fiscales des Etats
membres, comme la convention en question dans l'affaire, suivent le principe de l'imposition
dans le pays de résidence prévue par l'article 18 de la Convention modèle de l'OCDE.
L'exigence stricte d'un lien direct et l'existence d'une convention contre la double
imposition sont les deux arguments qu’invoquent à nouveau la CJCE dans l'arrêt Danner.
Dans l’arrêt Skandia, la Cour reste fidèle à sa ligne de conduite consistant à exiger un lien
toujours plus direct entre ces deux éléments. La Cour souligne que cette corrélation n'existe
pas compte tenu des éléments suivants: d'une part, aucune mesure ne compense l'inconvénient
fiscal subi par l'employeur, par rapport à celui qui aurait souscrit le même type d'assurance en
Suède, et, d'autre part, l'employé bénéficiaire est toujours imposé sur les prestations de retraite
servies, et ce au même moment, quel que soit le régime dans lequel l'on se trouve, et donc que
les cotisations puissent être déduites ou non par l'employeur au moment où elles sont versées.
Ainsi la Cour, qui n’a admise le principe de la cohérence fiscale qu'une seule et unique fois
dans l'affaire Bachmann, ne semble pas enclin à le réadmettre à nouveau.
La CJCE n'est pas l'unique instance communautaire qui s'est fixée pour objectif
d'éliminer les obstacles fiscaux aux retraites complémentaires.
B. Le volontarisme des instances communautaires
La coordination des politiques fiscales est un art difficile. Toutefois, la Commission a
pris conscience qu'elle ne pouvait laisser ce soin à la compétence exclusive de la CJCE. Ainsi
elle a cherché à coordonner sa vision avec celle des Etats membres afin de pouvoir construire
et de remplacer les dispositions incompatibles.
112 CJCE, Wielockx, cf. supra.
70
À cet égard, la Commission a engagé des procédures d'infraction basées sur l'article
226113 du Traité CE à l’encontre des Etats membres qui mettent en place un traitement fiscal
discriminatoire des contrats d'assurance retraite et d’assurance-vie conclus auprès
d'institutions de retraite établies dans un autre État membre (1). La détermination des
instances communautaires s'illustre également par l'adoption de la Directive "Fonds de
pension" par le Conseil des ministres de l'Economie et des Finances le 13 mai 2003 (2).
1. Les procédures d'infraction
La Communication d'avril 2001 relative à l'élimination des entraves fiscales à la
fourniture transfrontalière des retraites professionnelles est parvenue à la conclusion suivante :
« La Commission considère que le traitement fiscal discriminatoire des contrats d'assurance
retraite et d'assurance vie conclus auprès d'institutions de retraite établies dans un autre Etat
membre est contraire aux libertés fondamentales du Traité CE. La Commission contrôlera les
règles nationales applicables et prendra les mesures qui s'imposent pour garantir que ces
règles respectent réellement les libertés fondamentales du Traité CE ; elle saisira si nécessaire
la Cour de justice, sur la base l'article 226 du Traité CE ».
Le commissaire chargé des questions de fiscalité et du marché intérieur, Frits
Bolkestein a même affirmé que "La Commission est résolue à s'attaquer à la discrimination
fiscale exercée à l'encontre des fonds de retraite professionnelle établis dans d'autres États
membres. Tant que les Etats membres n'auront pas mis un terme à cette discrimination fiscale,
l'UE ne sera toujours pas en mesure de faire en sorte que les futurs retraités puissent tirer
pleinement parti d'un marché unique paneuropéen des retraites".
A la suite de cette Communication, le 5 février 2003114 la Commission a procédé à
plusieurs actions. D'une part, elle a envoyé un avis motivé au Danemark lui demandant de
modifier sa législation fiscale et de réserver aux cotisations de retraite versées à des fonds de
pension établis dans d’autres Etats membres un traitement fiscal identique à celui réservé aux
cotisations versées à des fonds domestiques. D’autre part, elle a engagé des procédures
d’infraction à l’encontre de la Belgique, de l’Espagne, de la France, de l’Italie et du Portugal,
qui appliquent apparemment des règles fiscales discriminatoires analogues à celles du
113 Article 226 du Traité CE: " Si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations. Si l'Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice".
71
Danemark. À défaut d'avoir obtenu une action volontaire des Etats membres concernés de
modifier leur législation en vue d'en éliminer le caractère discriminatoire, la Commission n’a
eu d'autre choix que d'engager des procédures d’infraction à l'encontre de ces régimes. Le 9
juillet 2003115, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice à l'encontre du Danemark,
ce dernier n'ayant pas modifié sa législation en dépit de l'avis motivé que lui a adressé la
Commission en février 2003. Ce même jour, la Commission a engagé des procédures
d'infraction à l'encontre du Royaume-Uni et de l'Irlande.
Par cette approche pragmatique à l'encontre des infractions présumées, la Commission
a donc concrétisé les lignes directrices présentées dans la Communication d'avril 2001.
2. La directive « Fonds de pension » du 13 mai 2003
Parallèlement à l'oeuvre prétorienne de la CJCE à travers ses arrêts Danner et Skandia
le projet de directive « Fonds de pension » a été adopté le 13 mai 2003116 par le Conseil des
ministres de l’Economie et des Finances. Elle devra être mise en oeuvre par les Etats
membres dans les 24 mois qui suivront sa publication au JOCE.
Cette Directive cible quatre objectifs. Le premier concerne l'assurance d'un degré élevé
de protection des affiliés et des bénéficiaires des fonds de retraite. Le second concerne la
possibilité de permettre aux instituts de retraites professionnelles (I.R.P) d'accepter l'affiliation
d'une société située dans un autre Etat membre et de gérer un régime de retraite pour celle-ci.
Le troisième est relatif à la possibilité de permettre aux I.R.P d'appliquer une stratégie
d'investissement adaptée aux caractéristiques de leurs régimes de retraite. Enfin, le quatrième
objectif vise le respect des prérogatives des Etats membres en matière de protection sociale et
de régimes de retraite. Il apparaît ainsi que la Directive s'inscrit dans l'objectif général de
coordination des régimes de retraite professionnelle entre les Etats membres. L’élimination du
traitement fiscal discriminatoire constitue l'un de ses quatre objectifs, plus précisément il
s'agit du second objectif.
A notre avis il serait hâtif de conclure après l'examen de l'ensemble de ces évolutions
que la Communauté européenne est parvenue à une réelle harmonisation. Il est évident que la
Communauté a réalisé d'énormes progrès dans ce domaine contrairement à d'autres mais c’est
la situation de chaque État membre et sa faculté à gérer et à faire évoluer ces situations qui
114 Communiqué de presse IP/03/179 du 5 février 2003. 115 Communiqué de presse IP/03/965 du 9 juillet 2003. 116 Communiqué de presse IP/03/669 du 13 mai 2003.
72
montrera l'efficacité de l'action de l'ensemble des instances communautaires. Des signes
encourageants ont toutefois pu être constatés. En effet, en Allemagne ou le Royaume-Uni, des
réformes importantes sont envisagées. Le Luxembourg, quant à lui, a mis en place des
structures juridiques à vocation internationale et anticipant la Directive. La Belgique vient
d'adopter une loi sur les pensions complémentaires permettant généralement d'aboutir à des
résultats satisfaisants.
73
CONCLUSION
A la question posée dès la première ligne de l’introduction, à savoir existe-t-il une
confiscation du pouvoir d’intervenir en matière fiscale par les instances communautaires,
nous pouvons répondre de manière négative. En effet, le droit de lever les impôts fait toujours
partie des pouvoirs régaliens des Etats membres. Nous pouvons même aller plus loin dans
cette affirmation en considérant qu’il en sera encore ainsi pour longtemps, en raison du
processus décisionnel exigeant l’unanimité.
Toutefois, il convient de relever qu'au cours de ces dernières années la Communauté a
fait preuve d’ingéniosité en formulant des stratégies d'intervention équilibrées. Ainsi le paquet
fiscal intervenant aussi bien dans le domaine de la fiscalité des entreprises que dans celui de
l’épargne, constitue un acquis essentiel en ce que la concurrence fiscale dommageable ne peut
plus être invoquée, à mauvais escient par les Etats membres, pour refuser de progresser dans
l’élimination des obstacles fiscaux à l’activité transfrontalière des entreprises.
Ayant conscience des problèmes actuels en matière de fiscalité directe, les instances
communautaires ont procédé de manière scientifique en détectant les problèmes et en essayant
de trouver les solutions les plus adaptées, tout en ne perdant pas de vue la limite que constitue
la règle de l’unanimité.
De toute façon l’harmonisation fiscale n’est pas une fin en soi comme l’a indiqué le
commissaire chargé des affaires fiscales Frits Bolkestein : « Il ne s’agit pas de promouvoir
une harmonisation de la fiscalité mais, simplement, de créer une base juridique claire,
cohérente et qui permette à l’Union d’assurer un minimum de coordination dans certains
domaines essentiels de la fiscalité »117.
L’adoption d’un paquet fiscal fut une innovation majeure. Cependant, l’action
prétorienne de la CJCE est celle qui à notre avis est la plus efficace que ce soit en ce qui
concerne la fiscalité des entreprises que celle de l’épargne. En effet, si un Etat a le choix de
voter pour l’adoption d’une directive, il n’a pas pour autant le choix de ne pas se conformer à
un arrêt rendu par la CJCE.
A cet effet le récent arrêt rendu par la CJCE, le 11 mars 2004, de Lasteyrie du
Saillant118 est riche d’enseignements. Le commissaire du gouvernement, M. Guillaume
117 Article du journal Le Monde daté du 12 juin 2003. 118 CJCE, 11 mars 2004, aff. 9/02, 5è ch., de Lasteyrie du Saillant, RJF 5/04, p.347.
74
Goulard invitait le Conseil d’Etat à saisir la CJCE, car il estimait « très douteuse » la
conformité de l’article 167 bis du CGI119 avec la liberté d’établissement. L’une des raisons
pour lesquelles il prônait une telle saisine était relative à la question de l’absence
d’harmonisation fiscale dans l’Union européenne. Il voyait dans l’intervention du juge
communautaire un palliatif à cette absence. La CJCE, suivant le raisonnement suggéré par son
avocat général, M. Mischo, juge que l’article 167 bis du CGI institue une entrave à la liberté
d’établissement, en raison de l’effet dissuasif qu’il exerce sur le contribuable souhaitant
transférer son domicile hors de France. Cet arrêt aura de grandes retombées sur les
législations d’autres Etats membres, qui connaissent des dispositifs analogues à celui de
l’article 167 bis du CGI, comme ceux de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas, du
Royaume-Uni, et de la Suède.
Ne pourrait-on pas parler à l’issue de cet arrêt ou à l’issue d’autres d’une
harmonisation déguisée ?
La Commission, elle-même, n’hésite pas à affirmer sa volonté de s’appuyer sur la
jurisprudence de la CJCE, mettant en cause les législations fiscales incompatibles avec les
libertés fondamentales. Ceci ne soulève-t-il pas la problématique d’un « gouvernement des
juges » ?
119 Article 167 bis du CGI prévoit la taxation, à l’occasion du transfert de du domicile fiscal en dehors du territoire national, des plus-values latentes constatées sur les valeurs mobilières détenues par le contribuable, lorsque sa famille et lui-même ont possédé plus de 25% des droits au cours des cinq années précédentes.
75
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Sites internet :
- Site de la CJCE : www.curia.eu.int
- Site de l’UE : www.europa.eu.int
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TABLE DES MATIERES REMERCIEMENTS 02 LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS 03 SOMMAIRE 04 INTRODUCTION 05 Chapitre I : La fiscalité des entreprises : un contrôle efficace des discriminations et des distorsions fiscales 09
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement rigoureux des distorsions fiscales 09
§1 : Le programme de la Commission visant à la coordination des politiques fiscales 10
A. Le contexte économique global de l’élaboration de la politique fiscale de l’Union européenne 10
B. Une approche globale de la question fiscale 12
1. Le paquet fiscal global 13 2. L’élément clé du paquet fiscal : le code de conduite 14
§2 : Les aides d’Etat comme instrument de lutte contre la concurrence fiscale dommageable 16
A. La filiation entre les aides d’Etat et le Code de conduite 17
1. Les différences entre le régime du Code de conduite et de celui des aides d’Etat 18 2. Les points de contact entre les deux régimes 18
B. L’enjeu de la qualification des mesures fiscales 19
1. Aides fiscales et mesures fiscales dommageables a) Des critères communs 20 b) La césure entre une aide fiscale et une mesure fiscale générale : le critère de la sélectivité 20
2. Mesures fiscales dommageables et mesures fiscales générales 20 3. Le rôle du Code de conduite selon différents types d’aides fiscales 21
81
Section 2 : Les entraves fiscales : une lutte « engagée » contre les discriminations et les distorsions fiscales 22
§1 : La portée fiscale de la liberté d’établissement 23
A. Une discrimination entendue de manière extensive 23
1. Le principe de non-discrimination 25 2. Le dépassement du principe 26
B. Des justifications entendues de manière restrictive 28
1. Les justifications exclues 29 a) Les arguments économiques et budgétaires 29 b) Les arguments juridiques 30
2. Les justifications admissibles 32 a) La préservation de la cohérence du système fiscal 32 b) La lutte contre l'évasion fiscale 33 c) L’efficacité des contrôles fiscaux 33
§2 : La censure des distorsions fiscales par le régime des aides d’Etat 33
A. La qualification d’aide d’Etat : une multiplicité de critères 34
1. Existence d’un avantage 34 2. Existence d'un financement par le biais de ressources d'État 35 3. Affectation des échanges et de la concurrence 36 4. Sélectivité de la mesure 37
B. Des justifications peu nombreuses 38
1. Les justifications rejetées 38 2. La justification par la nature ou l'économie du système 39
a) Le contenu du principe 40 b) L'application du principe : l'affaire Adria Wien Pipeline GmbH 41
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Chapitre II : La fiscalité de l’épargne : une lente édification du contrôle des discriminations et des distorsions fiscales 43
Section 1 : La concurrence fiscale dommageable : un encadrement embryonnaire des distorsions fiscales 43
§1 : Une intervention nécessaire dans le domaine de la fiscalité de l’épargne 43
A. Origine de l’intervention 44
1. Le contexte : la libération des mouvements de capitaux 44 2. Les enjeux : le risque de délocalisation d'actifs financiers 45
B. Une approche globale de l’intervention : le paquet fiscal 46
1. Le modèle de la coexistence 47 2. L’opposition britannique 48
§2 : La Directive du 3 juin 2003 serait-elle une pierre philosophale ? 49
A. Un système «commun » d'imposition de l'épargne sous forme de remboursements d'intérêts 50
1. La relation agent payeur- bénéficiaire effective 51 a) L'agent payeur : débiteur d'intérêts 51 b) Le bénéficiaire effectif : une identification malaisée 51
2. Des obligations d’informations lourdes 52
B. Un système tributaire de l’accord d’Etats tiers : le cas de la Suisse 54
1. Les principales dispositions de l'accord 54 2. Les réticences de la Suisse 55
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Section 2 : Les entraves fiscales : des discriminations fiscales qui n’échappent pas à l’analyse communautaire 57
§1 : Un rôle dynamique opéré par la CJCE en matière de libre circulation des capitaux 57
A. Une liberté fondamentale à part entière 58
1. La liberté de circulation des capitaux et autres libertés fondamentales 59 2. Une approche extensive des restrictions étatiques 61
B. Des justifications rarement admises 63
1. Les dérogations prévues par le Traité : un fonctionnement en trois temps 63 2. Les autres justifications avancées 64
§2 : Vers un marché unique des retraites professionnelles ? 66
A. L’éradication des obstacles fiscaux aux retraites complémentaires par la CJCE 67
1. L’incidence des libertés fondamentales du Traité CE 67 2. La fin de la justification tirée de la cohérence fiscale ? 69
B. Le volontarisme des instances communautaires 70
1. Les procédures d'infraction 71 2. La directive « Fonds de pension » du 13 mai 2003 72
CONCLUSION 74 BIBLIOGRAPHIE 76 TABLE DES MATIERES 81
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