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Les dirigeants influencent-ils la diffusion
d’informations sur la RSE ?
Yohan BERNARD
Maîtres de conférences
IAE de l’Université de Franche-Comté
LEG / CERMAB
Laurence GODARD
Maîtres de conférences HDR
IAE de l’Université de Franche-Comté
LEG / FARGO
Résumé :
L’objet de cette recherche consiste à proposer un modèle appréhendant les facteurs qui
peuvent expliquer les différences dans la diffusion d’informations des entreprises sur la RSE
et son évolution. Le cadre d’analyse retenu mobilise la théorie des échelons supérieurs
d’Hambrick et Mason (1984, upper echelons theory) à laquelle nous intégrons l’impact de
caractéristiques personnelles du dirigeant telles que les valeurs ou la générativité. Dans ce
modèle, un troisième concept intervient : la discrétion managériale. Elle modèrerait
l’influence des dirigeants sur la communication en matière de RSE. Au final, six hypothèses
sont proposées afin d’être testées ultérieurement.
Mots clés : développement durable ; RSE ; théorie des échelons supérieurs ; valeurs ;
discrétion managériale.
The influence of CEOs over Firms’ corporate social
responsibility disclosure
Abstract:
The purpose of this research is to propose a model dealing with the factors that may explain
differences in the disclosure of corporate information on CSR and its evolution. The proposed
conceptual framework mobilizes the “Upper echelons theory” (Hambrick and Mason, 1984)
in which we include the impact of CEO’s personal characteristics such as values or
generativity. A third concept is incorporated in this model: managerial discretion. It would
moderate the influence of CEO on CSR communication. Six final hypotheses are proposed to
be tested later.
Key words: Sustainability; corporate social responsibility; top managements’ values;
managerial discretion; upper echelons theory.
Coordonnées
Laurence Godard et Yohan Bernard
Université de Franche-Comté, UFR SJEPG/IAE
45 D Avenue de l’observatoire
25030 Besançon Cedex
2
Les dirigeants influencent-ils la diffusion d’informations
sur la RSE?
Des critères non financiers sont de plus en plus présents dans les rapports annuels des
entreprises destinés aux actionnaires. Ainsi, ces dernières semblent vouloir s’engager à
satisfaire les attentes d’informations de leurs parties prenantes. Notamment, depuis la fin des
années 1990, les entreprises françaises ont commencé à enrichir les informations divulguées
sur leur gouvernance d’entreprise. La loi sur « Les Nouvelles Régulations Economiques »,
votée le 15 mai 2001, a rendu obligatoires certaines évolutions proposées dans les rapports
Viénot. Les principales réformes proposées dans cette loi, qui concerne l'équilibre des
pouvoirs et le fonctionnement des organes dirigeants, portent en particulier sur la dissociation
des fonctions de président et de directeur général, la limitation du cumul des mandats, la
transparence et les droits des actionnaires. La loi NRE impose également aux entreprises
cotées de publier des informations sociales et environnementales dans leur rapport annuel. La
loi Grenelle 2 prolonge la loi NRE puisqu'elle complète les informations à donner, elle prévoit
un avis sur les informations publiées et étend l'application à certaines sociétés non cotées. La
législation n’est pas, par conséquent, étrangère à la généralisation du reporting du
développement durable, malgré un lancement timide à cause de lignes directrices peu claires.
Le questionnement de départ de cette étude repose sur la compréhension des facteurs
qui peuvent expliquer les différences dans la diffusion d’informations des entreprises sur la
RSE et son évolution. En effet, l’apparition de lois, normes, et autres codes de bonne conduite
dans le domaine du DD et de la RSE ne signifie pas pour autant que l’on constate une
homogénéité des comportements des entreprises françaises en la matière. Comme le
soulignent Klarsfeld et Delpuech (2008), « de nombreuses règles de nature légale et donc en
principe contraignantes laissent des grandes marges non seulement d’interprétation, mais de
possibilité de les mettre en œuvre ou de ne pas les mettre en œuvre » (p.63). En effet, l’étude
20031 sur le reporting du développement durable des entreprises françaises en 2002 par
rapport aux meilleures pratiques internationales, a montré que peu d’entreprises respectaient
1 Etude intitulée « Etat du reporting sur le développement durable 2003 », version française de l’étude Global
Reporters (SustainAbility, utopies et PNUE))
3
la loi NRE à la lettre2. La même étude produite pour l’année 2005, montre que 32% des
entreprises ne publiaient pas d’information sociale et environnementale (Utopies, 2006).
L’étude menée par Ernst et Young en 2006 aboutit aux mêmes conclusions de non-respect de
la législation. On s’attend donc à trouver une diversité de situation en matière de sensibilité à
la RSE parmi les entreprises françaises, ce qui nous amène à nous interroger sur les facteurs
qui peuvent expliquer la qualité de l’information publiée dans le domaine.
Des réponses à cette interrogation peuvent être élaborées en mobilisant la théorie des
échelons "supérieurs" de Hambrick et Mason (1984). Elle constituera le cadre conceptuel de
notre recherche. Cette théorie permet d'introduire l'influence des valeurs personnelles du
dirigeant pour tenter d'expliquer la diversité de situation en matière de qualité de la
communication sur la RSE. Selon ces auteurs, les expériences, les valeurs et les personnalités
des managers influencent grandement leurs interprétations des situations auxquelles ils sont
confrontés et affectent donc leur choix. En développant leur théorie, ils s'interrogent sur
l'influence des dirigeants sur les choix stratégiques et les résultats des organisations, et
opposent alors deux visions différentes de leur influence : d'un côté, l'existence d'une
influence des dirigeants, hypothèse qui est soutenue par le courant stratégique (Andrews,
1971; Child, 1971), de l'autre, l'absence d'influence des dirigeants, hypothèse privilégiée par
les écologistes et la théorie néo-institutionnelle (Hannan et Freeman, 1977; DiMaggio et
Powell, 1983) notamment. Leur apport est de souligner que les deux hypothèses peuvent être
exactes, et que la vérification de l'une ou l'autre hypothèse dépend de la discrétion
managériale qu'ils définissent comme l'absence de contraintes en présence d'une ambiguïté
élevée moyens/fins. Par conséquent, selon eux, si la discrétion managériale est importante, le
dirigeant dispose d'une grande influence (l'hypothèse du courant stratégique est alors vérifiée),
a contrario, si la discrétion est faible, le dirigeant aura une faible influence (les théories néo-
institutionnelle et écologiste prennent alors le pas sur le courant stratégique).
L'objet de cet article est donc de déterminer le rôle que peuvent jouer les valeurs du
dirigeant et la place que peut occuper la discrétion managériale dans la qualité de la
communication sur la RSE.
2 Il faut noter que sa non-application (c'est-à-dire l’absence de données sociales et environnementales) n’a pas
entrainé de conséquences juridiques pour les entreprises.
4
En matière de comportements individuels, l’étude de Viscusi, Huber et Bell (2011) a
mis en avant l'influence des valeurs et des normes. Ainsi, les comportements individuels qui
sont bénéfiques à l’environnement sont potentiellement influencés, entre autres, par les
valeurs individuelles par rapport à la qualité de l’environnement, et par les normes sociales
qui encouragent les actions pro-environnementales. Côté entreprises, parmi les thèmes de
recherche les plus étudiés dans le domaine de la RSE en sciences de gestion figure la relation
entre la performance et la RSE. Néanmoins, une certaine évolution se dessine puisque la
tendance à l’heure actuelle est de mieux comprendre les conditions et les facteurs qui peuvent
inciter les entreprises à un comportement socialement responsable. Cette étude poursuit cet
objectif. La prise en compte de l’influence des valeurs des dirigeants et de la discrétion
managériale sur le reporting en matière de RSE distingue cette étude des recherches
antérieures anglo-saxonnes. Pour la France, les études existantes sont essentiellement de
nature descriptive et visent à présenter la communication d’informations sur la RSE en termes
de structuration de ces informations par rapport aux différentes parties prenantes, en analysant
les rapports de DD ou la lettre du Président (Platet Pierrot et Giordano Spring, 2011; André et
al., 2011 par exemple).
Notre article s’articule autour de trois parties. La première partie est consacrée à l’apport
des valeurs du dirigeant à la compréhension de la qualité de la diffusion d’informations sur la
RSE. La deuxième partie présente le cadre conceptuel qui permet d'introduire la discrétion
managériale en tant que facteur déterminant l'influence des dirigeants sur la diffusion
d'informations en matière de RSE. La troisième partie aborde les contraintes qui pèsent sur les
dirigeants et qui font donc varier la discrétion managériale.
1. LE ROLE DES VALEURS DES DIRIGEANTS DANS LES DECISIONS DES
ENTREPRISES
1.1. LA THEORIE DES ECHELONS SUPERIEURS
Selon Hambrick et Mason (1984), la compréhension des choix et des performances des
organisations passe par la prise en compte des « biais et dispositions des acteurs les plus
importants », à savoir les top-managers. Ces derniers agissent sur la base de leurs
interprétations personnalisées des situations stratégiques qu'ils rencontrent. Ces interprétations
personnalisées dépendent de leurs expériences, de leurs valeurs et de leur personnalité.
5
Leur théorie met également l'accent sur l'importance de l'équipe managériale pour mieux
comprendre les résultats des organisations, plutôt que de se focaliser sur l'impact d'un seul
individu en la personne du dirigeant (CEO). Les connaissances collectives, les capacités et
les interactions de l'équipe managériale dans sa globalité sont des éléments qui contribuent
aux comportements stratégiques puisque selon ces auteurs le leadership d'une organisation
complexe peut être qualifié d'activité partagée qui ne repose pas sur les épaules d'une seule
personne. Ainsi, un certain nombre d'études empiriques ont mis en exergue l'influence de la
composition de l'équipe managériale sur les résultats des organisations (Bantel et Jackson,
1989 ; Carpenter et Fredrickson, 2001) ou encore l’influence des processus qu'elle développe
(Eisenhardt et Bourgeois, 1988 ; Simons, Pelled et Smith, 1999).
La théorie des échelons supérieurs accorde une place particulière aux valeurs des
dirigeants dans l'étude de l'influence de ces derniers sur les choix stratégiques des
organisations. Cette idée s'appuie sur l'analyse du processus de prise de décision stratégique
en rationalité limitée (strategic choice under conditions of bounded rationality) décrit par
Hambrick et Mason (1984), processus qui peut être qualifié de séquentiel. Ainsi, « Tout
d'abord, un dirigeant (cela est vrai également pour une équipe managériale) ne peut
appréhender en détail chaque aspect de l'organisation et de son environnement. Le champ de
vision du manager – ses domaines d'attention – est restreint, ce qui se traduit par une profonde
limitation de ses perceptions. Ensuite, cette restriction des perceptions des dirigeants est
renforcée parce que chacun ne perçoit de manière sélective qu'une partie des phénomènes
inclus dans le champ de vision. Enfin, les segments d'informations choisis pour le traitement
sont interprétés via un filtre entrecoupé des bases cognitives et des valeurs du dirigeant3 ».
Dans ce schéma, les valeurs du dirigeant influencent directement les choix stratégiques des
organisations.
1.2. LES RESULTATS DES ETUDES EMPIRIQUES
Cette analyse est corroborée par certaines études. Plusieurs auteurs évoquent
l’influence des valeurs du dirigeant (Bowman et Haire, 1975 ; Trotman et Bradley, 1981 ;
Gibbins, Richardson et Waterhouse, 1990). Selon K. Andrews (1989, p.10-11), « les valeurs
3 D'après notre traduction
6
personnelles et les aspirations éthiques des dirigeants sont implicites dans toutes les décisions
stratégiques ».
On retrouve cette idée dans l’étude de Boytsun, Deloof et Matthyssens (2011) qui
porte sur la relation entre les normes sociales4, la cohésion sociale
5 et la gouvernance
d’entreprise. Pour eux, les dirigeants n’agissent pas seulement selon des règles légales mais
également selon leurs convictions personnelles et leurs valeurs fondamentales héritées par
leur culture nationale, les valeurs étant ici des caractéristiques invisibles d’une société
(Hofstede, 2001).
L'étude de Kotey et Meredith (1997) aborde de manière empirique la question de
l'influence des valeurs6 des dirigeants / propriétaires sur la stratégie
7 et la performance des
entreprises. L'étude est menée sur un échantillon de 224 PME australiennes dans le secteur
des fournitures industrielles. Les résultats montrent que certains profils de valeurs
personnelles correspondent à certaines orientations stratégiques. Ainsi notamment il résulte
que les stratégies choisies par les dirigeants / propriétaires des entreprises les plus sous-
performantes par rapport à la moyenne sont plutôt des stratégies réactives. Les dirigeants dans
ce groupe montrent notamment des valeurs personnelles de type conservateur. A l'opposé, les
entreprises les plus sur-performantes par rapport à la moyenne tendent à développer des
stratégies proactives déployées par des dirigeants faisant preuve de valeurs personnelles
entrepreneuriales (réalisation, ambition, pouvoir, compétition, agressivité, optimisme,
compétence…). En revanche, cette étude ne permet pas d'établir des liens de causalité entre
les trois catégories de variables, la stratégie, les valeurs personnelles et la performance ; cette
absence constitue une limite importante à ce travail.
4 Mesurées par le capital social, la religiosité et la fertilité totale.
5 Mesurée par l’homogénéité ethnique, homogénéité linguistique et le taux d’homicide.
6 Les valeurs personnelles ont été évaluées par questionnaire à l'aide d'échelles de Lickert multi-critères, en
s'inspirant en grande partie des mesures de Rokeach (1973) et England (1967). Cette mesure permet d'aboutir à
une typologie qui permet d'opposer sur un continuum les valeurs conservatrices (telles que l'égalité, l'affection, la
compassion, la protection sociale…) et les valeurs entrepreneuriales. 7 Les orientations stratégiques ont été évaluées par questionnaire à l'aide d'échelles de Lickert multi-critères.
Cette mesure permet d'aboutir à une typologie qui permet d'opposer sur un continuum les stratégies proactives et
réactives (moins centrées sur l'innovation, le développement, les nouveaux produits, la qualité, les nouvelles
méthodes de production…)
7
D'autres études mettent en avant l’idée selon laquelle les valeurs que les dirigeants
mobilisent pour guider leur prise de décision sont essentielles pour une analyse des pratiques
socialement responsables (Pant et Lachman, 1998 ; Agle et al., 1999). De même, selon Wood
(1991, p.702), « les caractéristiques personnelles et organisationnelles des dirigeants doivent
être mises en relation avec les différentes perceptions de façon à pouvoir exprimer plus
clairement les conditions favorables à la RSE ».
Enfin, une mise en perspective de l'importance des valeurs des dirigeants pour
l'engagement des entreprises sur la voie de la RSE est également effectuée dans l'étude de
Aguilera, Rupp, Williams et Ganapathi (2007). Ces derniers présentent une réflexion sur les
pressions subies par les organisations pour qu'elles s'engagent sur la RSE, en évoquant que les
acteurs à l'origine des pressions peuvent être guidés par des motifs instrumentaux (associés au
de besoin de contrôle, par exemple intérêt propre), relationnels (associés au besoin
d'appartenance, par exemple relations entre les membres d'un groupe) ou moraux (associés au
besoin de donner un sens à sa vie, par exemple standards éthiques ou principes moraux). C'est
pour cette dernière catégorie que l'influence des dirigeants peut jouer même si, selon eux, les
dirigeants s'engagent avant tout sur des projets de RSE quand ceux-ci sont compatibles avec
leurs intérêts instrumentaux de maximisation de la valeur actionnariale et d'amélioration de la
compétitivité et de la rentabilité pour assurer la survie de l'entreprise et, au final, se garantir
une rémunération plus élevée. Ainsi, les valeurs des dirigeants peuvent orienter leurs
initiatives en matière de RSE, en s'inspirant de l'analyse de Hambrick et Finkelstein (1987)
sur l'influence des caractéristiques des dirigeants sur les actions menées dans les entreprises.
Aguilera, Rupp, Williams et Ganapathi (2007) en viennent à établir un ordre hiérarchique
d'influence des trois déterminants évoqués, en attribuant l'influence la plus forte aux
motivations instrumentales, les motivations relationnelles se situant en deuxième position, les
motivations morales étant les moins importantes.
A ce jour, très peu d’études empiriques ont, à notre connaissance, investi de manière
empirique la relation entre les valeurs du dirigeant et la RSE dans les entreprises. Nous
pouvons mentionner les résultats des deux études suivantes (cf. tableau 1 pour une synthèse).
Dans leur travail, Waldman et al. (2006) mettent en évidence l’influence de valeurs culturelles
et de valeurs liées au leadership sur le comportement socialement responsable des entreprises.
Ainsi la responsabilité vis-à-vis des actionnaires, engagée par les dirigeants, dépend des
8
valeurs culturelles des dirigeants telles que la distance au pouvoir et dépend également du
type de leadership (visionnaire et intègre). La responsabilité vis-à-vis des autres parties
prenantes identifiables et non financières, engagée par les dirigeants, dépend des mêmes
valeurs et en outre dépend du collectivisme au niveau institutionnel. Enfin, la responsabilité
vis-à-vis de la communauté élargie dépend surtout du collectivisme au niveau institutionnel
et de la distance hiérarchique. Seul le collectivisme intra-groupe n’est pas une valeur qui
influence le comportement socialement responsable des dirigeants.
Tableau 1 : Synthèse des études portant sur la relation entre valeurs du dirigeant et RSE
Auteurs Echantillon Méthodologie de l’étude Valeurs
Maignan
et Ralston
2002
Royaume
Uni : 66
entreprises
France : 29
entreprises
Pays-Bas : 24
entreprises
Etats-Unis :
53 entreprises
Communication de l’entreprise sur
son site Web : « les identités que
l’entreprise revendique pour elle »
(rubrique About us ou Company
Information) sur les motivations
qui conduisent à la RSE.
Trois types de
motivations :
performance, conformité
à des normes, motivation
propre (valeurs) sans
autre précision
Waldman
et al. 2006
561
entreprises
dans 15 pays
4 656
managers
Questionnaire administré aux 4 656
managers pour mesurer la
dimension culturelle et le style de
leadership, ainsi que le
comportement socialement
responsable des entreprises.
Dimension culturelle
(collectivisme
institutionnel,
collectivisme intra-
groupe, et distance
hiérarchique)
Style de leadership du
CEO : visionnaire et
intègre
Dans leur étude sur les motivations à l’engagement des entreprises dans la RSE et sur
les différents processus utilisés, Maignan et Ralston (2002) appréhendent les motivations qui
conduisent à la RSE à partir de trois éléments : la volonté d’atteindre des objectifs de
performance, la conformité aux normes des parties prenantes (communauté, clients et
employés) ou la motivation propre en référence à des valeurs personnelles. De manière
générale, leurs résultats montrent qu’il existe des différences dans les motivations et les
différents processus utilisés selon les pays. En ce qui concerne la référence à des valeurs
personnelles pour guider les pratiques en matière de RSE, c’est aux Etats-Unis que cette
motivation est la plus répandue alors que pour les pays européens (Royaume Uni, France et
Pays-Bas) les deux autres motivations sont plus importantes.
9
Pour la France, Déjean et Oxibar (2010) mettent en avant l’influence de la personnalité
du dirigeant de Péchiney sur la politique de communication de cette entreprise.
H1 : Les valeurs du dirigeant influencent la qualité de la diffusion d’informations en matière
de RSE.
1.3. LA GENERATIVITE DES DIRIGEANTS
En plus des valeurs personnelles des dirigeants, la générativité est une autre variable
psychologique qui pourrait influencer la démarche RSE impulsée par les dirigeants. Introduite
par Erik Erikson en 1950, la générativité se définit comme : « la préoccupation de l’adulte et
son engagement pour les générations futures, exprimée à travers les activités parentales,
l’enseignement, le mentorat, le leadership, et plusieurs autres activités dont le but est de
laisser un legs positif de soi dans le futur » (de St. Aubin, McAdams et Kim 2004 page 4). La
générativité évoque le souhait de s’investir dans quelque chose qui nous survivra, de laisser
une empreinte dans le futur (Kotre, 1984).
Dans la littérature, la générativité est significativement associée aux comportements altruistes
et socialement responsables (Westermeyer 2004). Dans le domaine du marketing par exemple,
on a pu montrer que la générativité était corrélée avec les actions de nature philanthropique
(Hodge, 2003). Giacolone, Paul et Jurkiewics (2005) ont montré que la générativité s’avérait
un prédicteur significatif de la sensibilité du consommateur quant à la performance sociale de
l’entreprise.
Kotre (1984) distingue deux dimensions liées à la générativité : la générativité agentique et la
générativité communale. Il est plus précisément question de deux modes d’expression de la
générativité. Selon le mode agentique, la personne générative s’intéresse à soi et aux « objets
génératifs » – qu’ils soient vivants ou matériels, tangibles ou intangibles –, et ce de manière
narcissique. La procréation et la production de biens et d’idées sont considérées comme étant
une extension de soi, tel un monument. Selon le mode communal, la personne générative est
motivée par l’affiliation et l’intimité (Peterson et Stewart, 1996). La générativité communale
se définit comme le besoin de se sentir utile (l’important, c’est l’autre), de ne faire qu’un avec
les autres, d’agir de manière altruiste et aimante sans nécessairement attendre quelque chose
10
en retour; bref, de prendre soin de ce qui a été créé et produit dans l’optique de pourvoir au
bien-être des générations futures. « La différence principale entre une personne générative de
type agentique versus de type communal est que la première agit pour le bien-être des
générations futures essentiellement en fonction de ses intérêts personnels, de manière égoïste
et intéressée, tandis que la deuxième agit d’abord en fonction du bien-être d’autrui, de
manière altruiste et désintéressée » (Lacroix, 2012 page 16).
La générativité du dirigeant devrait donc être associée à une meilleure prise en compte de la
RSE dans leur prise de décision. En outre, on s’attend à ce qu’un haut niveau de générativité
communale ait un effet plus fort que la générativité agentique.
H2a : La générativité du dirigeant influence positivement la qualité de la diffusion
d’informations en matière de RSE.
H2b : La générativité communale (resp. agentique) a un effet positif plus fort (resp. plus
faible) sur la qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE.
2. L'INFLUENCE DES DIRIGEANTS EN QUESTION
Deux visions peuvent s'opposer quant à l'influence des dirigeants sur les choix
stratégiques des entreprises : existence d'une réelle influence, hypothèse qui est soutenue par
le courant stratégique, ou absence d'influence, hypothèse privilégiée par les théories néo-
institutionnelle et écologistes notamment. Les deux points de vue peuvent être réconciliés en
mobilisant la théorie de l’échelon supérieur, et en particulier son concept de discrétion
managériale (Hambrick et Finkelstein, 1987). En effet, si la discrétion est importante, le
dirigeant influence sensiblement les choix stratégiques des entreprises (l'hypothèse du courant
stratégique est vérifiée), inversement, si la discrétion est faible, le dirigeant influence peu ces
mêmes choix stratégiques (la théorie néo-institutionnelle prend alors le pas sur le courant
stratégique).
2.1. LE DILEMME ENTRE UNE REELLE INFLUENCE OU UNE INFLUENCE LIMITEE DES
DIRIGEANTS
11
Pour les écologistes, les organisations souffrent d'inertie et l'élément clé pour
expliquer leur survie est la sélection environnementale plutôt que leur adaptation (Hannan et
Freeman, 1977 ; Aldrich, 1979). De même, si l'on se réfère à la théorie néo-institutionnelle,
les dirigeants sont sensés avoir peu d'effet sur les résultats des organisations qui sont
contraintes par une horde de conventions et de normes et font donc preuve d'une très grande
inertie. En effet, dans le cadre de l’approche néo-institutionnelle proposée par DiMaggio et
Powell (1983), les entreprises répondent aux pressions en adhérant à des pratiques
généralement reconnues de manière à paraître légitimes face aux différentes parties prenantes.
Ainsi, des forces historiques, culturelles, environnementales, internes ou externes à
l’entreprise, modèlent sa façon d’exercer ses activités, dont le corollaire est l’apparition de
structures identiques ou de pratiques identiques au cours du temps, les influences
institutionnelles devenant visibles puisqu’elles se diffusent dans les organisations à travers
l’isomorphisme (DiMaggio et Powell, 1983, p.147). C’est pourquoi des comportements
mimétiques ou de benchmark se répandent, en prenant comme point de repère les
comportements perçus comme étant les plus légitimes ou étant associés à la réussite.
DiMaggio et Powell (1983, p.150) identifient trois formes de généralisation des
pratiques organisationnelles : les processus coercitifs, mimétiques, et normatifs qui opèrent de
manière indépendante ou concomitante. Ces auteurs qualifient de « changement
isomorphique » cette évolution des pratiques organisationnelles.
2.2. LA DISCRETION MANAGERIALE, UN FACTEUR MODERATEUR DE L'INFLUENCE DES
DIRIGEANTS
Hambrick et Finkelstein (1987) introduisent le concept de discrétion managériale,
qu'ils définissent comme une latitude d'action, concept qui est central pour faire le lien entre
les deux visions de l'influence des dirigeants sur les organisations. Ainsi, cette influence peut
s'étaler sur un continuum allant de la nullité à l'omniprésence, en fonction de la discrétion
dont disposent les dirigeants.
Plus précisément, un dirigeant « qui est conscient de l'existence de plusieurs
possibilités d'actions qui rentrent dans la zone d'acceptation des parties influentes est
12
considéré comme ayant de la discrétion8 » pour ces auteurs (p. 378). Ces derniers insistent sur
le fait que la discrétion implique des actions potentielles plutôt que de simples choix ou des
décisions et soulignent qu'il n'est pas aisé de déterminer si un dirigeant dispose ou non de
choix multiples d'actions et donc de latitude. En outre, la discrétion est rarement définie de
manière explicite. Selon eux, la discrétion provient des caractéristiques du dirigeant et n'est
pas seulement déterminée par des forces externes. Ainsi, les dirigeants, grâce à leurs
répertoires personnels, peuvent considérer des options qui n'auraient pas été considérées par
d'autres dirigeants (exemple de dirigeants créant de la discrétion à travers une vision élargie et
une perspicacité politique). La discrétion est également déterminée par le contexte. Les
contraintes ne sont pas fixées et testées. Ainsi, une contrainte existe lorsqu'une action est en
dehors de la zone d'acceptation des parties influentes qui ont un intérêt dans l'organisation.
Les différentes parties prenantes ont toutes leurs propres zones d'acceptation. La contrainte
dépend de la radicalité perçue de l'action et du pouvoir relatif de ceux qui la voient comme
radicale.
La discrétion dépend des contraintes qui pèsent sur le dirigeant. Ainsi, Hambrick et
Finkelstein (1987) identifient trois facteurs déterminant le degré de discrétion managériale.
Selon eux, la latitude d'action d'un dirigeant dépend du degré de variété et de changement
autorisé par l'environnement, du contexte organisationnel qui rend possible ou non un éventail
d'actions et qui autorise le dirigeant à formuler et exécuter ces actions, et enfin elle dépend de
la capacité du dirigeant à personnellement envisager ou créer de multiples voies d'actions.
Parmi les facteurs environnementaux qui peuvent entraver ou favoriser la discrétion
managériale, nous pouvons citer notamment des caractéristiques telles que la différenciation
des produits, la croissance du marché, la structure concurrentielle du secteur, l'instabilité de la
demande, les contraintes légales, l'existence de forces externes puissantes (fournisseurs,
clients…).
La seconde série de contraintes qui peuvent peser sur la discrétion managériale
provient des facteurs organisationnels internes, qui correspondent à des facteurs qui
généralement empêchent l'organisation de considérer le changement ou la variété ou qui
limitent le rôle du dirigeant dans l'organisation. Parmi ces facteurs figurent ce que les auteurs
8 D'après notre traduction
13
appellent les forces d'inertie, qui sont des facteurs qui créent une inertie et peuvent réduire la
discrétion managériale (la taille de l'entreprise, son âge, la culture), la disponibilité de
ressources et les conditions politiques internes (structure de propriété, conseil
d'administration).
Enfin, la discrétion managériale repose sur certaines caractéristiques managériales
personnelles qui vont conférer ou non au dirigeant une capacité à générer et considérer une
multiplicité de lignes de conduite. Les caractéristiques managériales évoquées par Finkesltein
et Hambrick (1987) font référence par exemple au niveau d'aspiration, à l'engagement, à la
tolérance à l'ambigüité, à la complexité cognitive, à la perspicacité politique, à la base du
pouvoir (pouvoir du dirigeant, propriété, durée de fonction, cooptation du CA…).
3. LES CONTRAINTES QUI PESENT SUR LA DISCRETION MANAGERIALE
3.1. LES CONTRAINTES LIEES AU DIRIGEANT
Conformément à Finkesltein et Hambrick (1987), nous retiendrons comme variable
représentant les contraintes liées au dirigeant la base du pouvoir du dirigeant. Les mesures
proposées par ces auteurs rejoignent les arguments avancés dans la théorie managériale. Selon
cette dernière, la discrétion managériale dépend des relations dirigeants / CA. Différentes
versions des relations dirigeants / CA coexistent. Ainsi, notamment dans la théorie
managériale, bien que le CA exerce un pouvoir formel sur les dirigeants, ces derniers
dominent en réalité le CA (Vance, 1968 ; Mace, 1971 ; Herman, 1981). Les décisions prises
par le CA sont le résultat d'un processus d'influence dirigé par le dirigeant. Dans la version
extrême de la théorie managériale, les CA sont vus comme les outils des dirigeants. Les
dirigeants influent le plus fortement sur le CA lorsque les questions en suspens impliquent
leur intérêt propre. Bien que les dirigeants contrôlent souvent la nomination de nouveaux
membres au CA et donc contrôlent l'évolution des relations dirigeants / CA, ce dernier
contrôle en dernier ressort la gestion et peut nommer et remplacer les dirigeants (Mizruchi,
1983).
Une vision plus atténuée du pouvoir des dirigeants ressort de la théorie managériale
"contrainte". Ainsi, Herman (1981) avance que les dirigeants contrôlent la société mais que ce
14
contrôle s'opère sous un système de contraintes. Les contraintes se traduisent par le pouvoir
de limiter certaines décisions (p.19). Le CA ainsi que les actionnaires, les créanciers et
d'autres éléments externes fonctionnent comme des contraintes sur les activités des dirigeants.
Selon Herman, les administrateurs externes manquent du temps et de l'expertise nécessaires
pour participer sérieusement à la plupart des décisions de la firme. Ce dernier conçoit
cependant que les administrateurs externes puissent agir pour révoquer les dirigeants dans des
périodes de performance insuffisante. « Le CA et les administrateurs externes sont plutôt
considérés comme ayant des degrés variés de pouvoir latent ».
H3 : La qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE est liée au pouvoir du
dirigeant.
3.2. LES CONDITIONS ENVIRONNEMENTALES
Nous allons présenter les conditions environnementales susceptibles de limiter la
discrétion managériale en distinguant les contraintes légales, les contraintes normatives, les
contraintes sectorielles…
Dans la partie 2.1. nous avons évoqué l'idée selon laquelle les entreprises répondent
aux pressions en adhérant à des pratiques généralement reconnues de manière à paraître
légitimes face aux différentes parties prenantes. Ainsi, DiMaggio et Powell (1983, p.150)
identifient trois formes de généralisation des pratiques organisationnelles : les processus
coercitifs, mimétiques, et normatifs qui opèrent de manière indépendante ou concomitante.
Ces auteurs qualifient de « changement isomorphique » cette évolution des pratiques
organisationnelles.
a- Les contraintes légales
La limitation de la discrétion managériale trouve une première origine dans le fait que
les activités des organisations sont encadrées par des contraintes de régulation. Ainsi, les
contraintes légales imposent des lignes de conduite aux entreprises dans de nombreux
domaines (comptabilité, ressources humaines, etc.) et notamment en matière de RSE. D’un
point de vue réglementaire, la loi NRE impose aux entreprises cotées de publier des
15
informations sociales et environnementales dans leur rapport annuel. La législation a par
conséquent favorisé l’apparition de normes en matière de gouvernance et de RSE. Les
contraintes ne sont pas uniquement légales mais peuvent également relever de pressions
issues de différentes procédures largement répandues (procédures de certification qualité ou
environnement ISO) ou de groupes de pression (actionnaires par exemple).
H4a : La qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE a été améliorée suite à la
promulgation de la loi NRE et de la loi Grenelle 2.
H4b : L'influence des dirigeants sur la qualité de la diffusion d’informations en matière de
RSE est plus forte avant la promulgation de la loi NRE et de la loi Grenelle 2.
b- Les contraintes normatives
Le processus normatif explique la propagation des pratiques au sein des entreprises par
la professionnalisation des métiers. La mise en place de formations au sein du système
éducatif mais également les réseaux et les liens créés dans le cadre d’associations
professionnelles favorisent le développement d’un schéma de pensée formaté (codes de bonne
conduite, IFA, norme SD Afnor, GRI). Cela peut renvoyer à la notion de biais psychologique
dans la théorie comportementale et dans ce cas précis au biais de disponibilité qui consiste à
privilégier certaines thèses ou solutions pour leur adhésion, adhésion à des principes
universellement applicables.
On assiste aujourd'hui à une professionnalisation dans le domaine de la RSE et du DD
avec notamment la création d'espaces communs de réflexion portés par des structures comme
le GRI, Global Reporting Initiative, l'ORSE. La RSE et le DD ont également intégré
progressivement les cursus d'enseignement. Des réseaux internationaux d'entreprises se sont
constitués.
Par conséquent, la sensibilité des entreprises au processus normatif en adhérant aux
codes issus d'espaces communs de réflexion devrait influer sur la qualité de la diffusion
d'informations en matière de RSE. L'importance du processus normatif va réduire la
discrétion managériale et dans le même temps l'influence des dirigeants.
16
H5 : la qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE et son évolution sont liées à
l'adhésion à des espaces communs de réflexion type GRI.
c. Les contraintes sectorielles
Enfin, par un processus de mimétisme, les pratiques organisationnelles peuvent se
diffuser, en particulier en réponse à l’incertitude. En adoptant des comportements
moutonniers, les entreprises peuvent disposer d’un éventail de propositions face aux décisions
et aux choix à effectuer, notamment dans un contexte de forte incertitude. Les pratiques de
benchmarking selon lesquelles les entreprises s’inspirent de la concurrence pour prendre leurs
propres décisions s’inscrivent tout à fait dans ce processus de mimétisme ce qui pourrait
expliquer les fortes similitudes constatées dans certains secteurs (par exemple, dans le secteur
de la grande distribution, il existe de grandes ressemblances en matière de RSE d’après
Igalens, 2005). Dans ce sens, Aerts et al. (2006) ont montré que les entités d’un même secteur
adoptent parfois des comportements mimétiques, en particulier en France. Sur une période de
six ans, pour un échantillon d’entreprises canadiennes, françaises et allemandes, ces auteurs
montrent que les modèles de mimétisme sont spécifiques aux trois pays, les entreprises
françaises montrant le plus grand mimétisme, suivies par les entreprises allemandes et enfin
canadiennes. En outre, les sources de mimétisme diffèrent selon les pays. Au Canada et dans
une moindre mesure en Allemagne, les facteurs explicatifs résident dans les tendances à
l’imitation constatées au sein d’un secteur et les routines (tendance à répliquer un
comportement passé) vis à vis de l’imitation, la concentration du secteur et l’exposition
médiatique de l’entreprise modérant l’effet de ces facteurs. Pour la France, à ces facteurs
s’ajoute l’influence de forces coercitives et normatives.
En revanche, alors que André, Husser, Barbat et Lespinet-Najib (2011) supposent que
les secteurs d’activité ont une influence sur les modalités de communication des entreprises en
matière de DD, leurs résultats ne confirment pas l’existence d’une communication très
différenciée d’un secteur d’activité à un autre. Ainsi, quel que soit le secteur d’activité, les
trois parties prenantes étudiées (fournisseurs, clients et salariés) sont traitées de façon
homogène. Ce résultat peut être expliqué par un comportement de benchmark plus large qui
pousse à une uniformisation du rapport de DD par effet de mimétisme entre tous les secteurs.
L’hypothèse du mimétisme sectoriel selon laquelle les entreprises adopteraient une politique
de communication similaire est également rejetée dans l’étude de Godelier et Le Roux (2005).
17
Dans leur comparaison de l’évolution des situations de Péchiney et Usinor après 1970, ils
remarquent que l’appartenance à un même secteur n’implique pas une stratégie identique.
H6 : la qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE et son évolution sont liées à
la qualité de l’information divulguée sur la RSE dans le même secteur d’activité.
Voici en synthèse le modèle proposé :
Discrétion managériale Conditions environnementales
- loi NRE (2001): variable muette 0/1 pour avant / après
- loi Grenelle 2 (2010): variable muette 0/1 pour avant / après
- adhésion espace commun GRI: variable muette (durée moyenne adhésion)
- qualité de l'information RSE divulguée dans le secteur: score moyen Vigéo du secteur
-
L'organisation
- Existence d'un comité éthique ou DD au sein du CA (conseil d'administration):
variable muette 0/1 pour non / oui
- Sensibilité des admeurs à RSE (% admeurs impliqués RSE)
- Contrôle du CA (% d'admeurs externes, nbre moyen de mandats des admeurs)
- Contrôle des act (% d'admeurs-act, % de capital détenu par les admeurs)
- taille du CA: nombre d'administrateurs (admeurs)
Le CEO ou top managers (enracinement): base du pouvoir selon Hambrick et Finkelstein
- participation au capital des dirigeants: % capital détenu par dirigeant et sa famille
- durée de fonction du dirigeant, relative et absolue, et turnover des administrateurs
(ancienneté poste et entreprise)
Caractéristiques du CEO et ses valeurs
Valeurs (questionnaire), sexe, âge, fonctions occupées,
formation/diplômes, nationalité, expérience internationale,
mandats d'administrateurs (type et secteurs)
Générativité agentique
Générativité communale
- Prise en compte
de la RSE par les
entreprises
(notation Vigéo)
- Qualié perçue de
la communication
RSE par les
entreprises
(questionnaire)
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Conclusion
La diversité des situations en matière de communication sur la RSE parmi les
entreprises françaises nous amène à nous interroger sur les facteurs qui peuvent expliquer la
qualité de l’information publiée dans le domaine. Dans cet article, nous proposons un cadre
conceptuel original et un modèle précis pour aborder la question des déterminants de la
qualité de la diffusion d’informations en matière de RSE. Notre approche présente l’avantage
d’allier des explications internes et des explications externes à l’entreprise. La prise en
compte de l’influence de processus institutionnels ainsi que des valeurs des dirigeants sur le
reporting en matière de RSE distinguent cette étude des recherches antérieures anglo-
saxonnes.
Nos réflexions poursuivent et étendent les conclusions de Viscusi, Huber et Bell
(2011) qui déclarent que « les comportements individuels qui sont bénéfiques à
l’environnement sont potentiellement influencés entre autres par les valeurs individuelles par
rapport à la qualité de l’environnement, et par les normes sociales qui encouragent les actions
pro-environnementales ». Nous transposons cette réflexion aux comportements des
entreprises en matière de divulgation d’informations sur la RSE en retenant comme cadre
d’analyse l’approche néo-institutionnelle et en intégrant l’impact des valeurs du dirigeant et
de sa générativité.
Les hypothèses proposées méritent désormais d’être testées empiriquement. C’est la
deuxième partie de ce programme de recherche. Des études seront réalisées grâce à un
partenariat de recherche avec le cabinet Vigéo, leader européen de la notation extra-
financière, qui mesure justement les performances des entreprises en matière de
développement durable et de RSE. Vigéo fournira donc les données relatives à nos variables à
expliquer. Les variables explicatives seront obtenues de différentes manières, et pour ce qui
concerne la générativité et les valeurs des dirigeants, elles seront mesurées par questionnaire.
19
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