les colonies et la défense nationale

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RAPPORTS COMMERCIAUX PRÉSENTÉS PAR L'UNION COLONIALE FRANÇAISE A LA COMMISSION CONSULTATIVE COLONIALE

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Partie 2 d'un ouvrage patrimonial de la bibliothèque numérique Manioc. Service commun de la documentation Université des Antilles et de la Guyane. Conseil Général de la Guyane, Bibliothèque Franconie

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RAPPORTS COMMERCIAUX

P R É S E N T É S PAR

L'UNION COLONIALE FRANÇAISE A LA

C O M M I S S I O N C O N S U L T A T I V E

COLONIALE

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Monsieur Henry Bérenger, Sénateur, Président de la Commission Consultative Coloniale,

Institut Colonial, Bordeaux.

Mon cher Président,

J'ai l'honneur de vous accuser réception de la lettre que vous avez bien voulu m'adresser le 6 novembre pour me demander d'assister ¿1 lu réunion d'aujourd'hui de la Commission Con-sultative Coloniale.

Il ne m'a pas clé possible, <) mon grand regret, d'assister à celle réunion. Je n'aurais d'ailleurs pas encore été en mesure de faire connaître les conclusions de nos diverses sections sur l'ensemble des problèmes qui sont posés devant la Commission. M. Chailley, au cours de l'entretien qu'il и eu avec vous, a dû vous dire que noire Association comprend diverses sections, qui correspondent aux groupements géographiques de nos colo­nies. Il m'a paru qu'il n'était pus possible d'exprimer la manière de voir de l'Union Coloniale sans consulter ces sections, qui sont composées de représentants les plus considérables du com­merce, de Г industrie el de V agriculture dans nos colonies. J'ai pensé, d'ailleurs, que l'autorité de nos conclusions s'en irouve-roil accrue, puisqu'on éviterai! ce qui pourrait avoir un carac­tère de particularisme. Enfin, el dans un autre ordre d'idées, il ne m'était pas permis, en toule chose, de substituer mes doclri-n e s ou mes opinions à celles de l'ensemble de mes collègues de

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l'Union. Toutefois, celle procédure entraîne une cerlaine len­teur, doni l'inconvénient, il est vrai, est atténué par la durée de la Commission Consultative.

La section de l'Afrique Occidentale s'est déjà réunie à Bor­deaux. Elle a étudié ci fond la question si importante et si urgente de l'arachide. Elle se réunira encore une fois ou deux « P a r i s pour délibérer sur d'autres objets. La section de Madagascar sera 1res prochainement en mesure de formuler les vœux de la colonisation dans la (îrande Ile. Les sections de VAfrique Equa­toriale et des Anciennes Colonies sont saisies. Enfin, la section de l'Indochine se réunira à Paris le 25 novembre. Je me suis mis en rapports avec son distingué Président, M. Metteteti, dont le travail me sera remis dans un bref délai.

J'ai tenu, mon cher Président, à vous fournir ces explications pour que vous constatiez le soin avec lequel je veux accomplir la mission doni j'ai été chargé et mon désir de vous apporter une collaboration utile. Enfin, la résolution que vous avez mon­trée de donner aux travaux de la Commission que vous présidez une efficacité pratique, voire vive compréhension du rôle de l'Etat vis-à-vis de l'initiative privée, la vigueur de votre action, l'autorité et le latent que vous niellez en œuvre, me donnent la confiance que nos délibérations n'auront pas le sort de tant d'au­tres manifestations demeurées purement académiques.

Veuillez croire, mon cher Président, à mes sentiments cordia­lement dévoués.

Le Président do l'Union Coloniale Française»

. 1 . C .HARLES -BOUX.

11 Novembre 1914.

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NOTE PRÉLIMINAIRE R É S U M A N T Q U E L Q U E S I D É E S G É N É R A L E S

L'ar rê te ministériel qui a ins t i tué la Commission Consultative charge cet te Commission dans son § 6 « de rechercher les procédés les plus rapides pour subst i tuer , à l ' intérieur de chacune de nos colo­nies, des entreprises françaises a u x entreprises ou maisons de com­merce dirigées ou possédées a v a n t l 'ouver ture des hostilités par des ressortissants des pays actuel lement en guerre avec la France et ses alliés.»

Les entreprises austro-allemandes exis tant dans nos colonies au momen t de la déclaration de guerre se r a t t acha i en t presque exclu­sivement au commerce ou à la navigat ion. 11 n 'existai t , à notre C O N N A I S S A N C E , aucune firme industrielle de cet te origine, dans nos colonies d'Afrique ou d 'Amérique. On a signalé une usine al lemande de prépara t ion de la vanille à Tahi t i . S'il se t rouva i t d 'autres éta­blissements industriels ou agricoles en Asie ou en Océanie, ils n 'é ta ient qu 'en t rès pet i t nombre , et l 'application à ces entrepri­ses des mesures édictées en France contre les maisons austro-alle­mandes , semblerai t le plus sûr moyen d'éliminer leur direction pri-milivc au profit de l 'activité nat ionale .

En ce qui concerne les t ranspor ts mari t imes, la disparition du pavillon al lemand laisse présentement le champ libre aux services mari t imes na t ionaux . La Commission t rouvera tous les hommes compétents en ce t te mat ière prêts à collaborer avec elle. Une flotte commerciale prospère doit être la préoccupation dominante d 'une grande puissance coloniale. Cette impor tan te question fera l 'objet d 'une no te spéciale.

0 " a n l aux maisons de commerce austro-al lemandes installées ' 'ans nos colonies, la déclaration de guerre ayan t provoqué leur

c e s COLONIES ET L A OÉFENSE N A T I O N I A L I : I I

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Eliminer de nos colonies les entreprises austro-al lemandes n 'es t pas le seul objectif que se propose le Gouvernement . Dans sa lettre du 29 septembre au Président de l 'Union Coloniale Française, M. le Ministre des colonies réclame son concours en vue de recher­cher les moyens de «subst i tuer dans nos colonies des articles fran­çais aux produits de l ' industrie al lemande.» Le Ministre rappelle

fermeture et l 'exode de leur personnel, leur clientèle t a n t pour les achats de marchandises que pour la ven te des produits , a dû immédia tement se répart i r entre les comptoirs français ou étran­gers les plus proches, et l'on peut dire que pour le présent la substi­tut ion de ces comptoirs aux entreprises germaniques est un fait accompli.

Mais il reste à se demander s'il n 'y a pas lieu de craindre que ces entreprises ne se reconst i tuent et ne reprennent les affaires après le rétablissement de la paix, et de parer aux meilleurs moyens d'y met t re obstacle.

On peut entrevoir t o u t d 'abord un obstacle provenant des évé­nements eux-mêmes, qui écartera pour un temps plus ou moins prolongé les initiatives al lemandes du terr i toire nat ional ou colo­nial. C'est le discrédit qu'infligeront aux ressortissants des deux nations ennemies et à leurs entreprises les conditions dans lesquel­les la guerre actuelle a éclaté et se poursuit et la ruine de la puis­sance germanique qui en sera la jus te sanction. La défaveur qui s 'a t tache à la défaite, même lorsqu'elle est imméri tée et don t nos na t ionaux ont t a n t souffert à l 'étranger depuis 1870, devra peser plus lourdement encore sur la race qui a déchaîné la guerre et qui y succombera.

Au surplus, éclairés par les événements sur les périls auxquels le libre champ laissé à l 'espionnage a exposé no i re défense nat ionale et sur les dommages que l ' infiltration germanique dans nos milieux industriels et commerciaux nous a causés dans le domaine des affaires, on peut s ' a t tendre à ce que le Gouvernement , spontané­ment ou sous la poussée de l 'opinion publique, édicté des mesures préservatrices contre ce double danger .

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la progression rapide, dans nos possessions autres que l'Algérie et la Tunisie, de l ' importa t ion des marchandises de provenance germa­nique qui a plus que doublé dans la période quinquennale 1907-1912 (12.625.000 francs contre 25.105.000 francs).

La réponse à la question posée suppose d 'abord connus les moyens grâce auxquels cet te impor ta t ion a réussi à pénétrer et à se déve­lopper si rap idement dans nos colonies. Ces moyens on t été depuis longtemps signalés, soit dans les rappor t s officiels, soit dans des études spéciales, et ils peuvent se ra t t acher t a n t à l 'organisation industrielle qu ' à l 'organisation commerciale des pays al lemands.

C'est, en ce qui concerne la fabrication : 1° Le soin appor té par les industriels al lemands à la recherche et

à l 'é tude technique des articles répondan t le mieux aux habi tudes et aux goûts de la clientèle coloniale;

2° La création d 'un outillage approprié, grâce auquel ils peu­vent accepter et livrer d ' impor tantes commandes dans les meil­leures conditions d'exécution, de rapidi té et de prix.

C'est au point de vue de l 'organisation commerciale les soins apportés par les fabricants allemands à l 'emballage et au t r ans ­port de leurs expédit ions, et les larges facilités de paiement qu'ils accordent à leurs acheteurs .

Si, en regard de ces moyens d 'action et de cet te mé thode on recherche comment procèdent nos industries d 'exportat ion, il faut bien convenir, si pénible soit-il de le faire en ce moment , que, pour >e plus grand nombre et en particulier pour la plus impor tante , l ' indùstrie cotonnière, elles on t pris en quelque sorte le contre-pied des méthodes qui on t fait le succès de nos ennemis.

Ce n 'es t pas à dire qu'i l n 'exis te en France des industriels ayan t entrepris de se spécialiser dans la fabrication de certains articles coloniaux e t qui y on t réussi. Mais, en général, les grands centres de l'industrie cotonnière se sont exclusivement cantonnés dans ' approv i s ionnement du marché intérieur et, de l 'aveu même de M. Meline, ils on t négligé le marché colonial, le considérant seule­men t comme un débouché supplémentaire destiné à absorber la par t ie de la production que le marché intérieur ne pouvai t pas consommer. (Compte rendu de l 'assemblée générale de l'Associa­tion pour l 'agriculture et l ' industrie, 20 novembre 1907).

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2 1 2 RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

Ce serait néanmoins une erreur de croire que nos fabricants n ' a u ­ront aucun effort à faire pour conquérir et conserver la clientèle qu'avaient accaparée les produits austro-al lemands. Ils se t rou­vent , en effet, dans nos colonies, en présence d 'aut res concurrents qui s 'apprê tent ouver tement à s 'emparer de la place occupée jus­qu'ici par nos ennemis. C'est en premier lieu l ' industrie anglaise, si r emarquablement organisée pour l 'exportat ion aux colonies, qui occupe déjà le premier rang pour l ' importat ion étrangère dans nos possessions, et que le Gouvernement br i tannique encourage dès main tenan t à s 'enquérir et à s 'emparer des débouchés perdus par l ' industrie al lemande. C'est la Belgique et la Hollande qui fournissent aussi à nos possessions des articles appréciés. Ce sera peut-être bientôt l ' I talie elle-même, dont l ' industrie prospère a déjà entrepris l 'étude des débouchés que pourraient lui offrir nos colonies africaine.;.

Aussi, dans son ensemble, l ' industrie française, et particulière­ment celle des tissus n'a-t-ellc recherché d'aide contre la concur­rence étrangère epue dans la protection douanière et dans des tarifs différentiels de plus en plus élevés.

En 1910, par la révision du tarif général des douanes qu'elle avai t provoquée t o u t spécialement contre la concurrence al lemande, elle avai t obtenu d ' importants relèvements de droits, qui on t été rendus applicables, comme on s'en souvient, dans nos colonies assimilées. L 'année dernière, par la révision du tarif des tissus en Afrique Occidentale, elle a également obtenu une majorat ion nota­ble des droits de douane sur les articles étrangers . Ainsi protégée, l ' industrie nat ionale se t rouve à l 'heure présente dans les meilleures conditions pour hériter, sur le marché colonial, de la place qu 'y avaient pris les produi ts a l lemands.

Au surplus, l 'é tat de guerre a y a n t fait tomber le t ra i té de Franc­fort, la France sera en mesure, à la conclusion de la paix, de régler avec l 'Allemagne comme avec l 'Autriche-Hongrie ses r appor t s économiques au mieux des intérêts de son industrie et de son com­merce.

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Pour lut ter contre ces concurrents actuels ou éventuels, nos fabricants peuvent-ils réclamer et obtenir de nouvelles mesures de protect ion? Nous croyons qu'ils doivent renoncer à cet espoir.

Ils n ' ignorent pas quel mouvement d'opposition s'est développé depuis quelques années contre la politique d 'assujett issement économique des colonies à la Métropole. La thèse protectionniste en matière coloniale a été réfutée et elle a été condamnée partout où on a pu la discuter l ibrement; ses part isans en sont présente­ment réduits , comme suprême et unique argument , à invoquer les sacrifices que s'est imposés la Métropole pour l 'acquisition et l'or­ganisation des colonies. Or, ce spécieux a rgument va même leur faire défaut. Déjà, il y a quelques années, M. Clémentcl, alors Minis­t re des colonies, n ' ava i t pas eu de peine à démontrer à la t r ibune du Sénat que nos colonies avaient largement dédommagé la Métro­pole de ses sacrifices, t a n t par les profits de t ou t ordre qu'elles lui procurent que par le concours que les populat ions indigènes et en particulier les contingents de l'Afrique Occidentale ont appor té aux expéditions coloniales et n o t a m m e n t à la conquête de Madagascar et du Maroc. Mais quand bien même cet te de t te ne serait point encore ent ièrement soldée, serait-il possible, après la guerre actuelle où nos troupes coloniales concourent dans les rangs de l 'armée nationale à la défense de notre sol, de parler encore de sacrifices et' d ' indemnité, et de songer à alourdir le t r ibu t que les populat ions de nos colonies paient depuis de si longues années à quelques indus­tries de la Métropole.

Gela n 'est pas vraisemblable et l'on ne peut douter en outre que tou te tenta t ive de relever encore nos tarifs douaniers coloniaux se heur te ra i t à des protestat ions que l'on ne saurai t écar ter ; certai­nement à celle de l 'Angleterre qui fit déjà des représentat ions par la voie diplomatique lors de la révision du tarif des tissus de l'Afri­que Occidentale; et probablement à celle de la Belgique, dont la révision du tarif général des douanes en 1910 avai t cruellement a t te in t certaines industries.

Loin de supposer que la politique protect ionniste puisse progres­ser encore après la guerre, on doit espérer qu'elle subira, au con-1 ra ire, un fléchissement et que les nat ions alliées, qui se sont unies pour abattre l 'oppression germanique, seront, après leur victoire,

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conduites à étendre au domaine économique l 'entente cordiale qui les lie déjà sur le terrain poli t ique.

Nos industriels seraient donc bien inspirés et ils agiraient pru­demment en recherchant dès main tenan t dans une au t re voie les moyens de regagner le terrain laissé libre par l ' industrie •austro-allemande et de profiter de l'essor colonial qui suivra le rétablisse^ ment de la paix. C'est en remédiant à certaines lacunes et à cer­tains vices" bien connus de leur organisation manufactur ière ou commerciale qu'ils pourront le mieux y parvenir .

Jusqu ' ic i ils n 'on t pas c r u pouvoir imiter les méthodes et les procédés qui ont valu à l 'exportat ion allemande ses succès sul­

le marché extérieur. Il n 'est pas nécessaire d'insister longue­ment s u r ce point et il suffira de rappeler que c'est sur tout faute d'avoir étudié avec assez de soin et de persévérance les articles convenant à la clientèle coloniale, faute de s 'être pourvus de l'ou­tillage approprié pour la fabrication de ces articles, que nos indus­triels ont laissé s'infili rei' el, progresser si rapidement les produits al lemands dans certaines de nos possessions.

Il faut bien toutefois reconnaître à leur décharge que les fré­quentes appréhensions provoquées depuis 10 ans par l 'insécurité des relations extérieures ej tes craintes qu 'on t tai t concevoir à ceux qui possedetti les leiulancos de notre politique financière, n 'é ta ient pas de na ture à st imuler leurs initiatives, à les encoura­ger à immobiliser d ' impor tants capi taux dans ht création d ' u n coûteux matériel .

Au surplus, l ' initiative de ceux d 'entre eux qui se seraient inté­ressés aux articles coloniaux s'est t rouvée parfois entravée par une mauvaise organisation commerciale sur laquelle nous ne croyons pas devoir insister au t rement . Pour y obvier en grande part ie , il suffira de multiplier les rappor ts directs entre, le fabricant et l 'ache­teur . Les deux sont solidaires.

Jamais une occasion plus propice qu 'à cet te heure ne s'est offerte à eux de se concerter et de s'unir pour assurer à la production nat io­nale l 'expansion extérieure que les événements lui p e r m e i l e n i d'en­trevoir .

La défaite de l 'Allemagne en replaçant la Francis au premier rang des grandes puissances rest i tuera aux produits de no t re indus-

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NOTE PRÉLIMINAIRE 2 1 5

trie, qui n ' ava ien t jamais perdu leur renom de loyauté et de bonne quali té, la faveur du marché mondial qui va toujours au succès. lElle ouvrira pour not re commerce d 'exporta t ion une ère de sécu­rité, de protect ion efficace pour les intérêts français au dehors, qui permet t ra les grands desseins et encouragera les capi taux à s'en­gager dans les entreprises de longue haleine. Il faut aussi espérer qu'elle introduira plus d 'apaisement dans not re politique intérieure, de prudence et d 'économie dans la gestion de nos finances, et une plus étroite union entre l ' initiative privée et les pouvoirs publics.

On doit donc prévoir que ces perspectives élargiront les vues de nos industriels, t rop limitées jusqu'ici, comme le signalait M. Méline, au marché intér ieur; qu'elles s t imuleront not re industr ie coton­nière à étudier avec plus d 'a t ten t ion et de méthode les goûts et les habi tudes de la clientèle coloniale et la détermineront à adapter son outillage aux besoins de ces nouveaux débouchés, à modifier enfin ses habi tudes commerciales, afin d'offrir plus de facilités à ses acheteurs, en ce qui concerne les mode et délais de livraison, les échéances de paiement, etc., e t c . .

Pour menQr à bien cet te étude, nos fabricants auraient le plus grand intérêt à s 'entourer des avis et, à s'éclairer des expériences de nos commerçants coloniaux. Ceux-ci auraient eux-mêmes un réel avantage à se concerter* avec les représentants de l ' industrie, cotonnière en vue d 'autres éventualités prochaines ou probables.

Si mobile que soit not re caractère nat ional et si p rompt à oublier les plus cruelles expériences, on doit espérer que les leçons des évé­nements qui se déroulent ne seront pas de si tôt perdues, et qu 'après la guerre le réveil patr iot ique qu'elle a provoqué persistera aussi bien dans le domaine économique que dans les autres et qu'il por­tera le consommateur métropoli tain comme l 'acheteur colonial à rechercher de préférence les produits na t ionaux. Un indice de cet é ta t d 'esprit se révèle déjà dans l'idée qui a été émise de donner et même d'imposer une marque nationale à tous nos articles d'expor­ta t ion. L'accueil favorable qu'elle a reçu permet d'en entrevoir l 'adoption et c'est une éventuali té dont nos firmes coloniales auront sans doute à tenir compte .

Elles peuvent encore moins en négliger une au t re .qu i résultera du re tour à la France des territoires de PAlsaee-Lorraine. Il aura

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216 RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

pour effet de réintégrer dans not re industrie nat ionale ses vieilles manufactures d'Alsace qui avaient por té à un si hau t degré de per­fection et de renommée la fabrication des cotonnades imprimées." Notre commerce colonial ne peut manquer d'envisager avec grande a t tent ion l 'appoint précieux que ces manufactures appor te ron t de nouveau à no t re product ion pour les débouchés coloniaux.

Le momen t semblerait donc singulièrement oppor tun pour con­vier industriels, commerçants et a rmateurs à se réunir et à se con­certer sur ces divers et si impor tan t s points de vue. On ne peut douter que, s'ils é taient mis en présence dans l 'a tmosphère d 'union patr iot i que qui enveloppe t o u t le pays, les vieilles récriminations seraient oubliées et qu 'un seul sent iment dominerai t leurs entretiens et les déterminerai t à rechercher, dans un commun effort, les moyens d'assurer aux produits de l ' industrie nat ionale la plus large et la plus fructueuse expansion dans nos colonies.

Ne serait-ce pas un beau rôle, pour la Commission Consultat ive Coloniale et la Section des reprises économiques, de prendre l ' ini­t iative d 'un tel rapprochement et d ' inviter les intéressés des deux parts à se grouper pour échanger leurs vues sur l 'avenir de not re exportat ion aux colonies et sur les moyens prat iques de réaliser les vœux de ceux qui veulent assurer les destinées d 'une France victo­rieuse, t ravai l lant dans la sécurité du lendemain.

Paris, le 12 novembre 1914.

Le Président de l'Union Coloniale Française,

J . CHARLES-ROUX.

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RAPPORT présenté, au nom de la Section

de l'Afrique Occidentale

Monsieur le Président ,

Vous avez bien voulu nous prier de vous indiquer, afin de le t rans­met t re à la Commission Consul tat ive Coloniale, l 'ensemble des mesures que notre section de l 'Afrique Occidentale estime néces­saire de prendre en vue de développer l 'activité économique d u groupe de nos colonies africaines. Nous nous permet tons de vous exposer ci-dessous quelques considérations d 'ordre général sur ce l te ques t ion.

L 'act ivi té économique de l'Afrique Occidentale, pays sans indus-fric qui ne vit que de la ven te de sa product ion agricole, dépend de trois facteurs principaux : le commerce, qui achète aux indigènes leurs récoltes et leur vend des articles manufac turés européens, les t ransports terrestres et mari t imes, qui pe rme t t en t d 'amener les produits de la colonie sur les marchés de consommat ion, et ces mar ­chés de consommation eux-mêmes, dont la fermeture ou l 'exten­sion arrête ou développe nécessairement la production coloniale . Nous examinerons successivement l'influence exercée par la guerre sur ces trois facteurs et, à ce propos, nous chercherons les solutions possibles aux divers problèmes que pose, en Afrique Occidentale française, la s i tuat ion troublée dans laquelle nous vivons actuelle­ment depuis le mois d 'août dernier .

La guerre, est-il besoin de le d i re ; é tai t t o u t à fait ina t tendue dans la colonie quand elle a éclaté. Dès le début de juillet 1914, au plus fort de la saison des pluies en Afrique, la p lupar t des agents

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218 RAPPORTS DE L 'UNION COLONIALE FRANÇAISE

principaux et de nombreux employés des maisons de commerce africaines se t rouvaient , comme chaque année, en congé en France . Les comptoirs , où ne se font, pendan t cet te période de l 'année, que des achats et des ventes de faible importance , é taient laissés à la garde d 'un personnel réduit et jeune, composé, pour la presque total i té , d 'hommes susceptibles d 'être appelés dès les premiers jours de la mobilisation. Celle-ci survenant , il étai t donc à craindre que la total i té des factoreries, les factoreries de l ' intérieur n o t a m ­ment , dussent ê t re fermées, et une pareille éventual i té ne pouvait manquer d 'entraîner de graves conséquences : on devait , en effet, redouter que les indigènes, dans l 'impossibilité de se procurer les produits d 'a l imentat ion qui leur sont indispensables, par suite de la brusque in terrupt ion des t ransact ions commerciales, ne se met­t en t à piller les boutiques et magasins. Outre la ruine commerciale que cet é ta t de choses devait provoquer, il en fallait encore a t tendre des mouvements de révolte que certains émissaires islamiques auraient sans aucun doute cherché à favoriser et à développer.

Pour ces raisons, d 'ordre politique aussi bien qu 'économique, il était indispensable d 'assurer la cont inuat ion des opérations de commerce ; et ceci, on ne pouvai t le faire qu 'en év i tan t d'appeler sous les drapeaux à la fois tous les employés immédia tement mobi­lisables. Vivement préoccupés de cet te question, don t la marche rapide des événements nous laissait prévoir la gravité , nous avons donc, au moment de la mobilisation générale, demandé à l 'adminis­t ra t ion de ne point dégarnir complètement les comptoirs et d'y laisser, au contraire, su ivan t l ' importance des factoreries, quel­ques employés chargés d'assurer, t an t bien que mal, la marche des affaires.

Nous avons obtenu satisfaction. Mais la mobilisation n 'en a pas moins provoqué de très g r a n d e s per turbat ions ' dans l 'organisation commerciale de nos colonies africaines, per turbat ions don t a d'ail­leurs profité le commerce anglais, lequel, en Guinée française et à la Côte d 'Ivoire no tamment , progresse sensiblement, depuis quel­ques mois, au dé t r iment du commerce français.

Cependant aujourd'hui, à la suite de la campagne engagée con­t r e les prétendus embusqués, nos commerçants sont menacés de voir réduire encore le nombre des rares agents qu 'on avai t laissés à

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AFRIQUE OCCIDENTALE 2 1 9

leur disposition. Il ne se peut pas que les mesures d ' incorporation aillent jusqu 'à provoquer l 'arrêt complet des t ransact ions à un moment où l 'activité économique de l'Afrique Occidentale est le plus intense, à un moment aussi où certains incidents méri teraient d 'ê t re pris en très sérieuse considération. Aussi, demandons-nous à l 'administration de la guerre, comme à celle des colonies, de ne pas se laisser émouvoir par les dénonciations anonymes qu'elles reçoi­vent , paraît-il, en si grand nombre. Nous leur demandons de ne pas sacrifier inconsidérément la s i tuat ion du groupe de l'Afrique Occi­dentale française, en mobilisant les 125 ou 150 employés français terr i tor iaux ou auxiliaires qui sont part icul ièrement visés, et nous prions la Commission Consultat ive Coloniale d ' intervenir énergi-quement à ce sujet auprès des Pouvoirs publics, pour la sauvegarde de la t ranquil l i té publique el du commerce français en Afrique Occidentale.

La question des t ranspor ts est l 'une des plus graves qui se posent actuellement en Afrique Occidentale. Nous examinerons t ou t d ' abord et rap idement celles d e s t ranspor ts terrestres.

Dès les débuts de la guerre, nous avons signalé à M. le Gouver­neur Général de l'Afrique Occidentale la nécessité d 'assurer un approvisionnement convenable, en charbon, des différents che­mins de fer de la colonie : M. Pon ty nous répondit que les disposi­tions nécessaires avaient été prises à cet effet. Cependant , l 'arrêt des importa t ions de charbons a l lemands et belges, la diminution considérable de la production des charbonnages anglais et fran­çais, la difficulté des t ranspor t s mari t imes nous font craindre que si, jusqu 'à présent, le ravi ta i l lement des chemins de fer africains en charbon n 'a pas "présenté de t rop sérieuses difficultés, il puisse en être différemment dans un avenir prochain. Aussi, devant les conséquences qu 'aura i t , pour l'Afrique Occidentale, l ' interrupt ion du trafic sur ces voies ferrées, nous nous permet t rons de prier la Commission Consultat ive de se préoccuper de ce t te question '.'et d 'examiner les condit ions suivant lesquelles il serait possible d'assu­rer des voyages réguliers de navires charbonniers à dest inat ion de

l 'Afr ique Occidentale f r ança i se .

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Nous avons également demandé à M. le Ministre des colonies et à M. le Gouverneur Général Pon ty d'envisager une diminution des frais de t ranspor t par chemin de fer en faveur"de certains pro­duits de la colonie, les arachides no tamment , ne fût-ce que pour compenser, dans une certaine mesure, l ' augmentat ion très consi­dérable des frais de t r anspor t mari t imes dans ces .derniers temps . Il nous a été répondu que la diminution que nous sollicitions se heurtai t , d 'une par t à la convention conclue entre l 'É ta t e t la Com­pagnie du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis et, d 'aut re part , au risque d 'une exploitation déficitaire des voies ferrées des colo­nies du groupe, et précisément à un momen t où l'Afrique Occi­dentale française constate un affaiblissement sensible de sfts res­sources budgétaires. Nous ne contestons pas la valeur de ces argu­ments , mais nous persistons à penser qu 'en cont r ibuant à abaisser, dans la plus large mesure possible, le prix de revient des produi ts de l'Afrique Occidentale qui uti l isent le rail pour parvenir à leur port d 'embarquement , l 'administrat ion favoriserait indi rec tement l 'élévation du prix d 'achat offert par le commerce au producteur noir, et que le •sacrifice pécuniaire qu'elle aura i t consenti serait lar­gement compensé par une rentrée plus régulière de l ' impôt indigène..

. La régularité et, plus encore, la fréquence des t r anspor t s mar i ­times, présentent une importance que nous n 'hési tons pas à qua­lifier de capitale : t ou te la vie économique de l'Afrique Occiden­tale en dépend. Les relations entre la France et la côte occidentale d'Afrique deviennent, en effet, de jour en jour plus difficiles et plus coûteuses, sans qu'il soit possible d 'entrevoir la fin d 'une si tuation sur laquelle, Monsieur le Président, nous ne saurions t rop vivement appeler vo t re a t t en t ion et celle de la Commission Consultat ive Coloniale. >

Sans doute , les services mari t imes postaux n 'on t pas été com­plè tement désorganisés; ils fonctionnent même avec une certaine régulari té cl, avec eux, le service postal. Mais, au point de vue du commerce, ils [IK> présentent que peu d ' in térê t ; car, actuellement, les correspondances entre les maisons françaises et leurs succur­sales de la cote d'Afrique se font principalement par la voie du câble. Seuls, ou presque seuls, des t ranspor ts de marchandises par cargos, s'effoctuant régulièrement, préoccupent nos commerçants

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africains; ce sont ceux- là sur tout , nous dirions même ceux-là seuls, qu ' i l s réclament . E t il est incontestable qu 'en ce qui concerne les services réguliers et no tamment celui des Chargeurs Réunis, com­pagnie subventionnée, ils sont fort loin d'avoir, jusqu 'à présent, obtenu satisfaction. La Compagnie des Chargeurs Réunis, se re t ran­chant derrière les termes mêmes de son cont ra t avec l 'État , a espacé considérablement ses départs , et les compagnies marseillaises et bordelaises de navigat ion, dont une part ie a été réquisitionnée, ont été contraintes également de restreindre leurs voyages.

; D 'aut re part , le commerce mari t ime libre, consti tué par les très nombreux affrètements que les maisons de commerce font de navires de ! m i s pavillons pour le t ranspor t des arachides dont le volume, cet te année, a t te in t 1.200.000 mètres cubes, est à peu près annihilé du fait de la rareté des vapeurs de charge, rare té don t la conséquence a été une augmenta t ion énorme du prix du fret. Le coût du t ranspor t de mille kilos d 'arachides de Rufisquo à Bordeaux ou à Marseille qui en avril 1014 étai t de 22 francs, ses paye actuellement 115 francs, et même, à ce prix, on ne t rouve pas de navires. A quoi cela est-il dû? A la raréfaction du tonnage t ranspor teur : les amirautés des pays alliés, préoccupées a v a n t t o u t des intérêts de la défense nationale — sent iment légitime et que nous ne saurions songera leur reprocher

— ont réquisitionné à out rance les navires marchands . Certains pays, qui sans ê l ie encore entrés dans la lu t te , p révoyant leur participa­tion prochaine aux hostilités, ont eux-mêmes prat iqué la réquisi­tion p o u r des t ransports de blé et de munit ions n o t a m m e n t ; d 'au­tres flottes neutres sont retenues par la crainte de pertes, dans la m e r du Nord, du fait des sous-marins allemands : les navires bal -tan! pavillon hollandais, suédois ou norvégien, qui auraient pu apporter au commerce africain une aide précieuse, t r ouvan t à s'em­ployer mieux ailleurs ne sont pas tentés, même par des prix élevés, de se rendre au Sénégal.

Le commerce africain avai t espéré que les dix ou douze vapeurs de la ! ompagnie Woërmann qui ont été capturés dans la rivière Duala, au Cameroun, par l 'expédition franco-anglaise auraient pu être utilisés à son profit. Malheureusement, ces navires dirigés sur l 'Angleterre on t tous été appréhendés par l 'Amirauté br i tannique .

La puissante compagnie mari t ime anglaise Elder Dempster a

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2 2 2 RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

vu, elle aussi, ses moyens d 'act ion considérablement réduits par suite des réquisitions dont elle a été l 'objet.

Le commerce mari t ime entre l 'Europe et I' Urique Occidentale, de quelque côté qu'on l 'envisage, t raverse une crise dont les consé­quences immédiates sont graves pour la si tuation économique de notre merveilleux domaine africain, et dont les conséquences futu­res le seront également pour l ' a rmement national , si nous ne profi­tons pas de l'occasion pour préparer l 'avenir et ne pas laisser à d 'autres la part, légitime qui lui revient dans le par tage des entre­prises al lemandes. C'est dès ma in tenan t qu'i l faut, par une action effective, affirmer notre droit et nos prétentions.

Mais, à n 'envisager que le présent , l 'une des plus grosses diffi­cultés que rencontre l 'exportat ion des produits de l'Afrique Occiden­tale résulte : 1° du manque de navi res ; 2" de l 'élévation énorme des frets réclamés par les a rma teu r s ; 3° de l 'encombrement des ports où les navires a t t enden t plusieurs semaines leur tour pour accoster et où la difficulté de charroyer re tarde encore les opéra­tions de débarquement déjà lentes cl difficiles, du l'ait du manque de main-d 'œuvre .

Sur toutes ces questions, nous avons, à diverses reprises, a t t i ré l 'a t tent ion des pouvoirs publics^

Celle concernant l 'élévation du t a u x du fret n 'est qu 'une ' résu l ­t an t e de la loi économique de l'offre et de la demande ; elle échappe, par conséquent, en grande par t ie à la compétence de l 'administra­t ion. Cependant, une exploi tat ion plus rationnelle de nos ports, une réglementat ion judicieuse du travail el de La main-d 'œuvre , une organisat ion plus avantageuse du charroi , amélioreraient la situa­t ion en réduisant les surestarics occasionnées par l 'encombrement . Dans ces différents ordres 'd ' idées , il y a cer ta inement beaucoup à faire; encore, bien que déjà certains progrès aient été réalisés.

Sur la question spéciale du service des Chargeurs Réunis, la Com­mission Consultat ive Coloniale estimera a v e c nous qu'il est déplo­rable que depuis neuf mois de négociations, un accord n'ait pu encore se. faire entre Vadministration et la compagnie. L'irrégula­ri té des départs , l ' incert i tude qui en résulte por ten t à notre com­merce africain un p r é j u d i c e considérable qui n 'échappera pas à la Commission.

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AFRIQUE OCCIDENTALE 223

Ce n 'est pas tou t . Out re le rétablissement des services mari t i ­mes commerciaux, tels qu'ils fonctionnaient avan t la guerre, il y a lieu d'envisager leur extension en Europe vers la Belgique et la Hollande et plus loin encore, peut-être , en Afrique, au Togo et au Cameroun. Si nous voulons, en effet, — et nous en avons tous les droits — prendre not re pa r t de la place qu 'occupaient hier encore les Allemands, c 'est chez eux, chez les Hollandais , qu ' i l nous faut aller chercher le fret destiné à l 'Afrique Occidentale. E t si nous voulons appuyer de raisons sérieuses les prétent ions que .nous aurons un jour à formuler a l 'encontre du Togo et du Cameroun, dont la possession doit équi tablement nous revenir en t ou t ou t ou t au moins en t rès grande part ie , c 'est dès aujourd 'hui , avan t qu ' in­tervienne le règlement final de la guerre et le par tage entre les alliés des dépouilles de l 'Allemagne, que nous devons prendre position et affirmer par des actes nos intent ions.

Dans le, môme ordre d'idées, il faut encore ment ionner le Libé­ria. Sans entrer dans les détails de la quest ion, nous rappellerons 'ea intérêts de plus en plus impor t an t s que nous avons à y prendre pied. Il y a lieu de revenir sans re tard à la politique que not re gou­vernement avai t exercée avant, la guerre si nous voulons acquérir dans le pays l'influence politique et les intérêts économiques aux­quels sa s i tuat ion géographique nous donne, plus peut-être qu ' à nos alliés anglais, le droit de pré tendre .

Ici encore, par conséquent , ce ne sont pas seulement des raisons d'ordre commercial qui nous poussml à réclamer le rétabl issement e t l 'extension des relations maritimes commerciales entre la France , ;f la côte occidentale d'Afrique, mais aussi des raisons d 'ordre politique. Les unes comme les aut res , nous en sommes persuadés, ret iendront l ' a t ten t ion de la Commission Consultat ive Coloniale à laquelle nous les soumettons, en tou te confiance.

11 ne suffit pas d'avoir dans une colonie des agents qui soient capables d 'acheter et de vendre aux indigènes, il ne suffit pas de Pouvoir transporter en Europe la production de la colonie, il faut,

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encore que cet te product ion y t rouve son emploi : il importe , par conséquent, de lui assurer des débouchés.

C'est là, aujourd 'hui , un problème qui soulève les plus grosses difficultés : nous ne pouvons mieux le démontrer qu 'en m e t t a n t la Commission Consultat ive au courant des démarches nombreuses faites par l 'Union Coloniale en vue du placement de la récolte d'ara­chides du Sénégal.

Le Sénégal a produit , en 1913 , 2 5 0 . 0 0 0 tonnes d 'arachides, va lant environ 6 0 millions de francs. L a récolte de 1914-1915 , exception­n e l l e m e n t abondante , a a t t e in t 4 0 0 . 0 0 0 tonnes . Si nous faisons remarquer que le Sénégal est un pays à production unique, qu'il ne fournit cjue de l 'arachide et rien au t re où à peu près, on comprendra l ' importance que présente l 'exporta t ion de ses graines oléagineuses pour la plus ancienne et la plus « française» de nos possessions afri­caines.

Comment acheter la récolte? Nous l 'avons examiné dès les débuts de la guerre. On pouvait payer la récolte aux indigènes en espèces ou en marchandises; mais ce t t e seconde solution, que l ' interdiction d 'expor ta t ion qui frappe le numéra i re français semblai t devoir ren­d r e nécessaire, nous apparaissait comme un refour regret table aux procédés désuets du troc, et, cherchant à l 'éviter, nous avons d e m a n d é à M. le Gouverneur Général Pon ly , dès les débuts de septembre 1914, d'étudier, de concert avec la Banque de l'Afrique Occidentale, l'émission de pet i tes coupures de 5 francs. M. Pon ty nous a répondu, t o u t en nous manifestant l ' intérêt qu'il attachait à nos suggestions, que ses caisses de réserve contenaient pour près de 4 0 millions en pièces de 5 francs et qu'il étai t disposé à met t re u n e b o n n e p a r t i e de e e l l e s o m m e a la disposition de la banque cl.

du commerce. ( ' .elle première question une fois réglée et les moyens financiers

d'acheter é tan t acquis, il fallait assurer la possibilité de les me t t r e en pra t ique . L 'achat d 'une récolte de 4 0 0 . 0 0 0 tonnes représentant 1.'200.000 mètres cubes de graines ne peut s'effectuer sans le con­cours d'un p e r s o n n e l nombreux et spécial.

C'es t ainsi que nous avons pu obtenir la libération provisoire de quarante agents oo employés appartenant aux personnels des diverses maisons du Sénégal cl qui, on congé au moment de la décla-

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L e s COLONIES E T LA DÉFENSE N A T I O N A L E IT)

rat ion de guerre, avaient été incorporés dans les régiments de terri­tor iaux.

Le décret qui a prononcé leur l ibération provisoire, prévoit qu 'après la campagne des aiachides, ils seront réincorporés dans les effectifs de la colonie.

Bien qu 'ac tuel lement une notable part ie de la récolte n 'a i t pu encore être embarquée, des mesures de réintégration ont déjà été prises. Nous ignorons encore dans quelles conditions. En raison des difficultés de vente et de t ranspor t et de l 'accumulation en stocks de graines au Sénégal qui en est résultée, il appara î t ra à la commission que les motifs pour lesquels ces employés ont été pro­visoirement libérés subsistent toujours et qu'il importe de ne pas rendre vains, en les mobilisant à nouveau, les efforts prodigieux qui ont été faits en vue de sauver la récolte d 'arachides de 1914-1915.

La Commission voudra cer ta inement user de son autor i té pour que le commerce local soit autorisé à conserver le min imum de per­sonnel qui lui est nécessaire.

11 ne fallait pas seulement que le commerce pû t acheter la graine, il fallait encore qu'i l eût les moyens de la revendre à l ' industrie européenne, soit, pra t iquement , que celle-ci t rouvâ t des débou­chés à sa production industrielle : les difficultés auxquelles nous nous sommes heurtés en cet te matière sont nombreuses et variées.

Tout d 'abord, le fait même de la guerre, en t ra înan t l ' interrup­tion des relations commerciales avec les pays ennemis, a supprimé le débouché très important que const i tuai t l 'Allemagne pour l'ara­chide du Sénégal.

Puis des décrets successifs, s 'échclonnant du mois d 'août au mois de décembre 1914, ont prohibé l 'exportat ion vers l 'étranger, de l 'arachide et de ses deux dérivés, huile et tour teaux . Un correctif a bien été ul tér ieurement appor té à ce t t e prohibit ion générale mais il ne concerne que la graine et l 'huile, dont l 'exportat ion est autorisée à dest inat ion des pays alliés et, sur autorisat ions spécia­les,

vers cer tains pays neut res . Il ne concerne pas les tour teaux , et ceci est d ' a u t a n t plus grave qu 'aujourd 'hui , par suite de la diffi­culté qu ' ép rouven t les neutres à al imenter leur bétai l — sur tout 'es neut res du Nord, grands producteurs de lait, de beurre et de fromage — le tou r t eau d 'arachide a pris une valeur marchande

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considérable, t rès supérieure à celle qu'i l avai t aupa ravan t , et qu'il est ainsi devenu le principal produi t de la fabrication industrielle

Les huileries françaises se sont donc vues dans l'impossibilité d 'exporter leurs tour teaux , produi t encombrant dont la ven te devait représenter pour elles le plus clair de leurs bénéfices : elles ont été et res tent encore, pour ce fait, dans une situation cri t ique.

Quel devai t être no t re rôle, à nous coloniaux, dans ce t te cir­cons tance? Nous cherchions à faire acheter t ou t e la récolte aux indigènes du Sénégal ; et, de plus, nous cherchions à la leur faire acheter à un prix suffisamment rémunéra teur pour que les noirs, qui, devan t l ' inutili té p ra t ique de leurs efforts, aura ient pu se décourager, con t inuen t à ent re teni r et même à augmente r leurs cul tures d 'arachides. Nous sommes donc in tervenus auprès du gouvernement pour que des autorisat ions d 'exportat ions de tou r ­t e a u x soient accordées aux usines, ce qui devai t avoir pour résul­t a t de diminuer les stocks et, par suite, de provoquer de nouveaux achats do graines de l'industrie; au commerce cl du commerce aux indigènes.

Nous nous sommes t rouvés en présence d'obstacles variés, le ministère de la guerre hési tai t à nous accorder les autorisat ions d ' exportat ion que nous sollicitions par suite de la cra inte qu'il avai t de voir les tour teaux français exportés vers les pays neutres, réexpor­tés ensuite vers l 'Allemagne, servir au ravitai l lement de nos enne­mis. Le ministère de l'agriculture;, de son côté, s 'opposait absolu­men t à foute sortie de lour leaux , car il voulait que; ce produit fût réservé à la consommation du bétail français.

Ces résistances, nous avons pu néanmoins les vaincre une pre­mière fois, et nous avons obtenu, en décembre 1914, on crédit d 'ex­por ta t ion de 30.000 tonnes de tourteaux, lequel a eu pour effet d'al­léger quelque peu les usines et, par contre-coup, de faciliter l 'achat de graines aux indigènes sénégalais. Les dernières exportat ions de tou r t eaux on t eu lieu en février 1915.

Depuis pette époque, il n'a pas été exporté de France; un kilo­g ramme de tou r t eaux : le Ministre de l'agriculture en effet — pour des raisons assurément très louables en soi, mais que les laits ne vérifiaient nu l lement •— ne l'a point permis . Son opposition étai t -elle acceptable? Nous ne le croyons pas. Si les agriculteurs Iran-

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çais acheta ient des t ou r t eaux d 'arachides, ni le commerce africain, ni l ' industr ie métropol i ta ine ne pourraient se plaindre, bien au contraire, mais ils n 'en achè ten t que peu ou pas. Alors, pourquoi empêcher nos tour teaux de sortir de Francis, quand le ministère de la guerre, principal intéressé dans la question, semble-t-il, en au to­risait l ' expor ta t ion? Le résul ta t de ce t t e opposition a été de pri­ver not re commerce d'un débouché impor tan t , sans profit pour les lins politiques poursuivies, ni pour le progrès de not re élevage national. En effet, d 'une pa r t les Anglais se sont mis à fabriquer et fabriquent aujourd 'hui les t ou r t eaux que nous étions seuls à fabriquer auparavan t , et ils expor ten t l ibéralement graines, tour­t eaux et huiles sur les pays neut res d 'Europe . D 'aut re par t , les neutres , privés de nos produi ts , en on t demandé de similaires aux Eta ts -Unis qui on t vendu plus de 100.000 tonnes de t ou r t eaux de coton, sa tu ran t ainsi le marché pour une longue période.

Nous voici loin de nos ambi t ions du début quand on nous deman­dait de remplacer les Allemands sur les marchés dont ils détenaient l'accès a v a n t la guer re ; les mesures prises, si elles on t été néfastes à no t re industrie, ont du moins largement profité aux industries étrangères : le mal fait est aujourd 'hui sans remède !

E t pour tan t , nous avons conscience d'avoir t en t é t o u t ce qu'il étai t possible de t en t e r pour obtenir la faculté d 'exporter en pays neutres l 'arachide et ses dérivés industriels . On nous réclamait des garanties de non-réexpor ta t ion en pays ennemis : nous les avons données en offrant de const i tuer , d 'accord avec les inté­ressés , un comité d 'expor ta teurs en t re t enan t à ses frais des agents désignés par l 'adminis trat ion, et charmés de surveiller l 'utilisation sur place dans le pays de dest ination, des marchandises impor­t é e s : la même organisation existe en Hollandes : elle est reconnue par le Gouvernement anglais et fonctionne admirablement . Le ministère dis la guerre et l 'adminis t rat ion des douanes avaient accepté nos proposit ions. Le ministère de l 'agriculture, pressé par nous, mis en présence des per tes qu'i l faisait subir à l ' industrie et par suite au commerce et qui se chiffrent dès à présent par des sommes incalculables, a consenti officieusement, sous certaines condit ions que nous avons acceptées, à nous accorder un nouveau crédit d 'expor ta t ion de 30.001) tonnes de t ou r t eaux , il y a environ

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un mois. Mais, depuis un mois, sa décision ne nous a pas encore été officiellement notifiée : on a t tend , paraît- i l , que soient terminées certaines négociations d 'ordre économique entamées dans la Norvège. Quand l 'autorisat ion aura été accordée, ce sera t rop ta rd , car les prair ies norvégiennes é t an t couvertes d 'herbe, la Norvège n ' au ra plus besoin de tou r t eaux . Et , au surplus, comme nous l 'avons dit, les pays du Nord ne pouvan t se procurer chez nous les tou r t eaux d 'arachides qui leur é taient si nécessaires, on t acheté aux Eta t s -Unis d 'énormes quant i tés de tour teaux de coton, pour 15 millions de francs. Non seulement nous n 'avons pas élargi nos débouchés, mais nous avons laissé prendre par l'Ame r ique un marché qui é ta i t naguère encore une des richesses de no t re industr ie huilière.

Les acha t s de l 'agriculture française, est-il besoin de le dire, ne se sont pas développés : ils ont été, depuis six mois, ce qu'ils é taient a u p a r a v a n t .

Nous nous pe rmet tons de livrer ces simples faits a u x médi ta t ions de la Commission Consultat ive : elle comprendra , en les examinant , les difficultés qu 'on rencontre lorsqu'on veut faire «reprendre les affaires», lu t ter contre l 'emprise du commerce al lemand, rendre à nos colonies quelque act ivi té économique. Nous lui demanderons cependan t d'user de sa légitime autori té auprès du Ministre de l 'agricul lure pour obtenir qu'i l consente à lever enfin le veto dont sont accablées nos expor ta t ions de tou r t eaux , sans aucun profit pour l 'agriculture française et au grand dé t r iment de no t re indus­t r ie de l 'huilerie et de nos colonies africaines. Si on ne peut plus main tenan t espérer exporter de grandes quant i tés de tou r t eaux d 'arachides dans le nord de l 'Europe , du moins le marché suisse est-il encore par t ie l lement ouver t : il serait grand t emps d'agir avan t que ce dernier débouché ne nous soit définit ivement fermé.

Nous devrions prévoir que malgré tous nos efforts, une part ie de la grosse récolte 1914-1915 restera a u x mains des indigènes, faute par les maisons de commerce de ne pouvoir emmagasiner tous les stocks non expor tés .

L'ensilage des arachides est une opération délicate qui, même faite avec tous les soins nécessaires, ne protège pas la graine de l 'humidi té de la saison des pluies, a fortiori, quand ce mode de

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conservation est employé par les indigènes doit-on en redouter les effets sur la quali té de la graine. Si après un séjour en silos, les grai­nes é ta ient vendues telles quelles, il n ' y aura i t que demi mal, mais il faut s ' a t tendre à ce que les indigènes ,cons ta tant qu'elles ont été avariées dans une cer ta ine mesure, ne les mélangent aux graines saines de la prochaine récolte dans l'espoir d'en t i rer un meilleur prix. Cette opérat ion serait l 'équivalent d 'un véri table désastre, car elle aura i t pour effet de déprécier dans une proport ion considé­rable la récolte t ou t entière de 1915-1916, et, pour l 'avenir de not re colonie du Sénégal, il est indispensable que la prochaine récolte puisse être payée aux indigènes à un prix élevé.

L ' a t t en t ion des autor i tés locales a été t ou t part iculièrement at t i rée sur ce point et nous espérons que des mesures t rès sévères seront prises pour empêcher les indigènes qui, à par t i r de décem­bre prochain, dét iendront encore des graines anciennes, de les mélanger à celles de la nouvelle récolte. Le Gouverneur du Sénégal a publié, à ce propos, une intéressante circulaire; nous lui en savons beaucoup de gré.

L 'adminis t ra t ion aura enfin à s 'employer, avec tou te l 'énergie nécessaire, pour encourager les noirs à ensemencer le plus de champs possible. La main-d 'œuvre va manquer du fait des nombreux enrô­lements et la médiocrité des prix qui on t été payés au cours de la dernière campagne ne poussera pas les cul t iva teurs à faire de grands efforts, d ' au t an t plus qu'i ls peuvent s ' imaginer qu 'une récolte rédui te se vendra i t dans de meilleures condition?. Ce raisonne­men t n 'es t pas exact . Nous est imons que les besoins seront tels, l 'an prochain, que, quelle que soit l ' importance de la récolte, elle t rouve ra preneur à de hau t s prix. D 'au t re par t , au simple point de v u e de la manuten t ion , dont le pr ix par t onne reste constant , et qui laisse beaucoup d 'a rgent entre les mains de la populat ion, il est de l ' in térêt de la colonie que la product ion soit aussi considé­rable que possible.

Des instruct ions on t déjà été données aux adminis t ra teurs et On peut espérer que leurs avis et leurs conseils seront écoutés par les cu l t iva teurs .

Ce n 'es t pas seulement sur le commerce de l 'arachide du Sénégal que la guerre a exercé une influence désastreuse. Les mêmes effets

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se font sentir sur les autres productions He nos autres colonies africaines.

Le caoutchouc, t ou t d 'abord. On sait la gravi té de la crise qui sévit depuis près de deux ans, sur nos caoutchoucs africains. L' in­tensi té de la production des planta t ions du Moyen et de l 'Ex t rême-Orient a ruiné, ou à peu près, l 'exploitation du caoutchouc sylves­t r e d'Afrique. Certaines parmi nos possessions de l'Afrique Occi­dentale, dont foule la vie commerciale était basée sur la cueillette et l 'exportat ion du caoutchouc, la Guinée française par exemple, on t vu peu à peu leurs affaires se ralentir, les prix de réalisation en Europe n ' é t a n t pas suffisant s pour les frais de transport el les droits payés, rémunérer suffisamment les indigènes de leur t ravai l .

Les prix s 'étanf relevés ces t emps derniers, l 'exportation du caoutchouc pa ru t reprendre dans une certaine mesure et ranimer le commerce de la colonie; mais, de même que pour les autres pro­duits : arachides, sésame, coton, gomme, que la colonie avai t subs­t i tués au caoutchouc défaillant. la rareté des communica t ions mari t imes a été e n c o r e un obstacle à la reprise bien nécessaire des a ria ires.

A la Côte d 'Jvoire et au Dahomey, le facteur le plus important de l 'act ivité commerciale a él é, ces mois derniers, les exporta t ions sur l 'Angleterre, qui a absorbé la presque fol alité des amandes de palme el des huiles produites p:,r ces colonies.

Pour ces raisons que nous avons exposées plus haut , et auxquel­les sont venues s 'ajouter des considérations locales, la cueillettes du caoutchouc, qui p e n d a n t de longues années a fait la fortune de la Côte d 'Ivoire, a cessé d 'une façon complète. L'exploitat ion des bois, par contre , s 'étai t développée dans une grande mesure, les plantations de cacao commençaient à apporter un appoin t inté­ressant au commerc i» de la colonie et les expor ta t ions d 'amandes et d'huiles s'él a nul maini en lies, la Côte d 'Ivoire, bien que le volume de ses affaires eût diminuì'' et que ses recettes douanières eussent fléchi, é tai t encore dan- une bonne si tuat ion.

Dès le début des hostilités, la colonie a t raversé une crise redou­table : l 'exploitai ion des bois s'est arrêtée nef du l'ail el de la mobi lisation qui a pris la presque total i té du personnel blanc, et du manque de moyens de t r anspor t s . L 'exportat ion des amandes et

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huiles s'est t rouvée également arrêtée non seulement faute de navi­res, mais su r tou t par le fait que les trois quar t s environ de ces expor ta t ions étaient dirigées sur le por t de Hambourg .

Les maisons de commerce se sont alors ingéniées à ouvrir en France de nouveaux débouchés. Leurs ten ta t ives on t avorté : pas de ba t eaux pour embarquer les produi ts , marché français rétréci par suite de l 'impossibilité de vendre chez les neutres et même les alliés les t ou r t eaux de palmistes, enfin interdiction, d 'exportat ions directes vers les pays alliés.

Cette dernière mesure, heureusement rappor tée , a permis à la Côte d 'Ivoire d'expédier ses amandes de palme en Angleterre et c'est au moyen de ces expor ta t ions que le commerce de la colo­nie a pu se soutenir .

Tout ce qui précède concernant les produi ts du palmier à huile, si abondan t au Dahomey, s 'applique également à cet te colonie, dont la s i tuat ion économique, touchée bien entendu, a pu cepen­dant se maintenir grâce au marché anglais.

Cette s i tuat ion méri te d 'a t t i rer t ou t par t icul ièrement l 'a t ten­t ion de la Commission.

Comprenant le danger qu'i l y avai t pour les colonies de la Côte d ' Ivoire et de la Nigeria à laisser tomber à vil pr ix la valeur des amandes de palme, dont le débouché étai t l 'Allemagne, l'Angle­terre a fait un effort prodigieux pour absorber tou te leur produc­tion et aussi celle de nos propres colonies. Par enchantement , pour ainsi dire, une industr ie nouvelle pour le Royaume-Uni , s'est créée de tou tes pièces, grâce à laquelle la Côte d 'Ivoire et le Daho­mey on t pu suppor ter jusqu'ici , sans de t rop grands dommages, les effets de la guerre.

Ce qui a été l'ait en Angleterre, no t re industr ie française de l 'huilerie pouva i t le faire et bien plus facilement, puisqu 'e l le exis­t a i t déjà et avai t tous les moyens d 'action nécessaires; elle ne demande qu 'à aller de l ' avant et à se subst i tuer , pour une par t ie au moins, au marché al lemand. Elle en fut empêchée et, une l'ois de plus, des mesures adminis t ra t ives mal conçues, mal étudiées, on t tué les bonnes volontés et les initiatives, au grand préjudice de no t re prospérité nat ionale .

Qu'a fait le Gouvernement anglais pour favoriser l'éclosion d 'une

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nouvelle industr ie qui allait assurer la vie économique de ses colo­nies? Alors que nous fermions nos portes à l 'exportat ion des pro­duits de la t r i tura t ion des graines, huiles et tour teaux , et que nous paralysions nos usines, il a ouver t les siennes aussi larges que pos­sible.

E t nous ne parlons pas seulement de ses intérêts commerciaux. Nous estimons que les intérêts militaires des alliés n ' aura ien t qu 'à pe ine souffert de la liberté du commerce avec les neut res . La pré­t endue diset te de l 'Allemagne, soit en objets d 'al imentat ion, soit en matières nécessaires à la guerre est une erreur : nous y sommes tombés sans faire a t t en t ion que si ce t t e disette eût été aussi grave, jamais la prodigieuse discipline de la fo rmea l l emande n 'aura i t per­mis que ce t t e faiblesse de, leur s i tuat ion fût révélée au monde. Il y aura là un fait cap i ta l à éclaircir plus t a rd .

L 'Angleterre , sous ce r appo r t comme sous beaucoup d 'aut res , a bien mieux compris ses in térê ts que nous n 'avons compris les nôtres et c'est ainsi qu'elle accapare peu à peu le commerce d ' i m ­por ta t ion et d 'expor ta t ion p récédemment . détenu par les Alle­mands et dont une bonne pa r t semblai t devoir nous revenir.

La par t ie est-elle compromise? Peut -ê t re . En tous cas, on ne peu t pas dire qu'elle soit dès à présent perdue. Laisserons-nous sans lu t te les Anglais et les Américains s 'emparer du marché afri­cain alors que nos in térê ts économiques et politiques sont si grands en Afrique Occidentale? Nous est-il interdi t , sur le ter ra in com­mercial, de lut ter con t re eux? Devons-nous faire abstract ion de nous-mêmes, négliger nos in térê ts dès lors qu'ils se t rouven t en opposit ion avec les leurs? Nous ne le croyons pas . Nous pensons, bien au contraire , qu'il est g rand t emps que nous nous ressaisis sions et que nous prenions la par t de l 'héritage a l lemand qui doit nous reven i r ; s inon. . . l'héritage; t o u t entier, ce n 'es t pas nous qui l ' aurons .

Nous sommes persuadés que la Commission Consultat ive Colo­niale sera de no t re avis et, nous résumant , nous lui demandons in s t amment de r ecommander et d 'obtenir :

1° Qu 'un nombre suffisant d 'employés mobilisables soit laissé à la disposition des maisons françaises en Afrique. La situation qui est faite aux maisons de commerce devient de plus en plus

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grave sans que l 'administrat ion de la guerre paraisse se rendre compte du coup funeste qu'elle por te à l 'existence même de nos colonies.

Après les factoreries, voici les comptoirs qui ferment leurs por­tes faute de personnel. Des valeurs considérables en marchandises vont être abandonnées et, sans parler de la ruine générale causée par l 'arrêt du commerce, on peut t o u t craindre d 'une populat ion déjà surexcitée par les opérations de rec ru tement qui ont fourni à la métropole un cont ingent de 63.000 tirail leurs.

2° Que des relations mari t imes commerciales régulières soient rétablies ent re la France et l'Afrique Occidentale, sinon lesdites relations mari t imes seront assurées entre la colonie et l 'Angleterre par des navires anglais et comme toujours la marchandise suivra le pavi l lon .

3° Que des dispositions identiques soient prises par le Gouverne­ment français et par le Gouvernement br i tannique en ce qui con­cerne les interdict ions d 'expor ta t ions , sinon, sans lu t te possible de not re par t , le commerce anglais accaparera tous les marchés neu­t res -sur lesquels nous pourrions p ré tendre accéder.

Ce n 'es t pas assez de lu t ter sur le domaine de l 'expor ta t ion. Il impor te également que nous nous efforcions de remplacer, dans nos colonies, les impor ta t ions al lemandes par des impor ta t ions françaises.

A ce propos, nous est imons qu' i l y aura i t un g r a n d in térê t à orga­niser en France une exposition de modèles, analogue aux exposi­t ions similaires qui v iennent d 'être inaugurées en Angleterre, et qui comprendra i t des exemplaires des produi ts de fabrication al lemande an tér ieurement importés dans nos colonies, avec indi­cat ion de leur prix de vente , du chiffre to ta l de leur impor ta t ion dans chaque colonie, et de tous les renseignements susceptibles • l ' intéresser les fabricants comme les impor ta teurs .

Munis de ces renseignements , nos industriels, nous n ' en dou­tons pas, s'efforceraient d ' introduire leur product ion, modifiée suivant les circonstances, sur les marchés nouveaux que l 'absence de concurrence al lemande leur ouvre aujourd 'hui .

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Parmi les différentes questions que pose la guerre, il en est une sur laquelle nous tenons à appeler l ' a t ten t ion de la Commission Consultat ive Coloniale, celle du par tage éventuel des colonies a l lemandes d'Afrique.

Question prématurée , dira-t-on : nous le pensions jusqu'ici et nous n 'aur ions pas songé à en parler si un fait survenu à no t re con­naissance et un article r écemment paru dans l 'une des revues an­glaises les plus sérieuses et les plus estimées, ne nous y incitaient.

Le l'ait, le voici : la colonie anglaise de la Gold Coast semble avoir pris à sa charge les frais de la conquête du Togo. C'est une mesure grosse d ' in tent ions .

Le numéro d'avril de The Geographical Journal, publié à Lon­dres, organe officiel de la Société royale; anglaise de Géographie, cont ient un article de Sir Harry M. Johns ton , si compé ten t dans l e s e|ue;stions africaines, sur la géographie poli t ique avan t et après la guerre, article qui est accompagné de cartes desquelles il résul te qu 'à la fin des hostilités l e s Anglais compten t obtenir en Afrique seulement, sans parler du reste du monde : I o le Sud-Ouest africain a l l emand; 2° l 'Est africain a l l emand; 3° le t iers à peu près du Cameroun ac tue l ; 4° la plus grande part ie du Togo. Nous Français , nous n 'aur ions par conséquent que : I o la part ie de no t re aneie'n ( ' . o u g o e-édée; par nous à l'Allemagne; cri 1911 ; 2° la moitié à peu près de l 'ancien Cameroun et une petite; part ie du Togo. La pa r t à nous réservée, serait absolument insuffisante' !

Sans doute , ce n 'es t pas sans une cer ta ine répugnance que nous

Ils auront , bien entendu, à lut ter contre la concurrence anglaise et américaine; l 'Angleterre, au point de vue industriel et commer­cial, est t rès loin de ressentir le contre-coup de la guerre comme nous le ressentons nous-mêmes : elle n 'a pas vu envahir les régions les plus industrieuses, ses usines possèdent les trois facteurs qui, aux nôtres , m a n q u e n t le plus : la main-d 'œuvre , la mat ière pre­mière; et le charbon. Quant aux Éta ts -Unis , ils sont en pleine pos­session de tous leurs moyens d 'action et s'efforceront de prendre une place aussi impor tan te que possible dans le marché africain.

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examinons ce problème fort épineux : il n 'es t pas bon de «vendre la peau de l 'ours a v a n t de l 'avoir tué .» Mais puisque d 'au t res le font avan t nous, puisque nous r isquons de voir se former un mou­vement d'opinion à ce sujet chez nos amis et alliés anglais, il nous semble que l 'opinion française, elle aussi, devrai t être préparée à formuler, quand le momen t en sera venu, les revendications néces­saires. Aussi est imons-nous que —7 sans qu'i l s'agisse nature l lement d 'une intervent ion officielle de not re Gouvernement — il y aura i t lieu que les milieux coloniaux français se préoccupassent , dès à pré­sent, du par tage futur de l'Afrique et que le public français fût dès ma in t enan t informé et de l ' intérêt de la question et de l 'é tendue des terr i toires qu'il sera en droit de réclamer au jour de l 'échéance finale. A not re avis, la France devrai t obteni r la plus grande par­tie du Togo, qui doublerai t à peu près la superficie de no t re colonie du Dahomey, et du Cameroun une par t beaucoup plus impor t an t e que celle que lui réserve Sir H a r r y Johns ton .

La question du Liberia se posera également et devra être envi­sagée de concert avec l 'Angleterre et les É ta t s -Unis .

Enfin, la question depuis si longtemps controversée de l 'échange de la Gambie pourrait ê t re u t i lement reprise à ce t t e occasion.

Ce sont là, nous tenons à le dire à nouveau, des considérat ions que nous ne nous serions pas permis d'exposer si nous n ' y avions pas été engagés par les Anglais eux-mêmes. Nous ne croyons pas utile dis les soumet t re à l 'appréciation de la Commission Consulta­t ive Coloniale.

Vous nous avez également prié, Monsieur le Président, vous de signaler les différentes mesures que nous est imons propres à faci­liter dans l 'avenir le développement économique de l'Afrique Occi­dentale française.

Ces mesures sont nombreuses et d 'ordre t rès divers : nous vous indiquerons les principales parmi celles que nous avons récem­ment étudiées, en vous pr iant de les recommander à t ou t e l 'a t ten­tion de la Commission Consultat ive Coloniale.

Agriculture. - L'Afrique Occidentale est un pays essentielle­ment agricole. Tous nos efforts doivent donc avoir un double but :

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236 RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

développer les cul tures actuel lement existantes, y int roduire des cul tures nouvelles. Mais, pour ce faire, la colonie manque des élé­ments les plus essentiels. Elle a, à sa disposition, un service d'agri­cu l ture qui fait ce qu'i l peu t avec les moyens d 'action t rop rédui ts dont il dispose : elle n ' a ni le personnel agricole, ni les savants , ni les prat iciens, ni les laboratoires, ni les jardins d'essais, ni les champs d'expériences qui lui seraient indispensables. Il n ' y a qu 'à consta­te r ce que les Hollandais , les Belges, les Allemands, les Anglais on t pu faire dans leurs colonies, grâce aux ins t i tu ts agricoles admira­blement organisés qu'ils y ont créés pour se rendre compte de ce que nous pourrions faire dans nos possessions africaines, et su r tou t ce que nous n ' y faisons pas . Notre adminis t ra t ion coloniale a devant elle une œuvre magnifique à ent reprendre , œuvre assurément lon­gue et dispendieuse, mais don t les résul ta ts sont assurés et qui nous pe rme t t r a de décupler la valeur de nos colonies.

Travaux publics. — Le dernier p rogramme de t r a v a u x publics, établi -par la loi d ' e m p r u n t de 1913, doit être poursuivi sans inter­rupt ion et nous devons, dès ma in tenan t , nous préoccuper de sa future extension. A ce propos, nous tenons à faire observer que si la ligne la plus cour te qui jo int un point à un au t re est, géomé­t r iquement parlant , la ligne droite, il peut en être différemment dès lors qu 'on fait intervenir des considérat ions d 'ordre économi­que. Nous nous pe rmet tons donc de soumet t re à la Commission Consul tat ive l 'observation suivante :

Le t racé adop té pour le Thiès-Kayes prévoit le passage de la rivière de la Falémé, au village de Sénoudébou, à trois ou qua t re kilomètres en aval d 'un rapide qui i n t e r rompt la navigat ion flu­viale sur ce t t e rivière. E n amon t du rapide se t rouve le cen t r e minier t rès i m p o r t a n t de la Hau te -Fa lémé . Afin que ce centre pû t ê t re desservi par la ligne sans qu 'un double t r ansbordemen t des marchandises devin t nécessaire, nous avions demandé que le t racé du Thiès-Kayes fût quelque peu modifié, de façon à t raverser la Falémé en amont du rapide au lieu de la t raverser en aval : la dévia­t ion n ' intéressai t que quelques kilomètres et ne présenta i t aucune difficulté technique supplémenl aire : elle avai t le grand avantage de me t t r e d i rec tement en communicat ion les minières par chalands avec le chemin de fer. L 'adminis t ra t ion Je la colonie nous répon-

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dit que le Thiès-Kayes é tan t destiné à relier le Soudan à la côte, devai t suivre la voie la plus directe possible et s ' interdire t o u t e aug­menta t ion de t racé, quelque minime fût-elle.

La même réponse nous a été été faite en ce qui concerne le che­min de fer t ransversal de la Côte d 'Ivoire, qui , dévié vers le sud de deux ou t rois ki lomètres en un point de son parcours et dans une région absolument plate , aura i t permis de desservir des mines appe­lées à se développer dans l 'avenir.

Nous croyons à peine nécessaire d'insister sur les inconvénients d 'une pareille manière de voir que la Commission Consultat ive ne saurai t év idemment par tager .

Alcoolisme. — On a beaucoup parlé des ravages de l'alcoolisme parmi nos populations noires, et on a eu g randement raison.

En décembre dernier, un décret, à la prépara t ion et, à l 'adop­tion duquel nous croyons n 'avoir pas été é t rangers , a in terdi t l 'im­por ta t ion et la ven te de l 'absinthe en Afrique Occidentale. Cette mesure est excellente, et elle a été unan imement approuvée par tous ceux que préoccupe l 'avenir de nos races indigènes. Mais elle est insuffisante et il est indispensable qu'elle soit complétée par l ' interdict ion de l ' importat ion, de la fabrication et de la ven te de t ou t alcool dans la colonie, en même t emps que par une réglemen­ta t ion t rès sévère de la fabrication locale des boissons enivrantes . A un momen t où on se préoccupe avec t a n t de raison de sauve­garder les forces mêmes de la nat ion contre le poison alcoolique qui la décime, l ' interdiction et la réglementat ion que nous récla­mons expressément ne sauraient être que bien accueillies et vive­ment préconisées par la Commission Consultat ive.

Loi sur les fraudes. — Il est en ce momen t question d 'appliquer à l 'Afrique Occidentale la loi métropolitaine', sur la répression des fraudes, du 1 e r août 1905. Dans une colonie où il n ' y a ni chimis­tes compétents , ni laboratoires convenables, l 'application d 'une pareille loi est p ra t iquemen t impossible. Au point de vue de la l iberté et de la sécurité des t ransact ions , elle ent ra înera i t , par ail­leurs, de graves difficultés. C'est ce que nous avons exposé au Minis­t re des colonies. Non point, assurément, que nous soyons, en quoi que ce fût, les adversaires d 'une loi qui a pour b u t de protéger la santé publ ique: mais nous estimons qu 'une loi métropol i ta ine ne

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peut être toujours et sans modifications rendue applicable à nos colonies et, flans ce cas particulier, nous pensons qu'i l y aurai t t o u t avan tage à faire subir au tex te métropoli ta in certaines modi­fications de détail destinées à sauvegarder les intérêts fort respec­tables du commerce européen et indigène, qu'i l ne faudrait pas ruiner sous p ré tex te de Je protéger. En ce t te mat ière encore, nous sommes persuadés que la Commission Consultat ive ne nous refu­sera pas son appui .

*

Telles sont, Monsieur le Président , les différentes observations que no t re section de l'Afrique Occidentale croit devoir vous pré­senter et qu'elle vous serait reconnaissante de bien vouloir t rans­m e t t r e à la Commission Consultative Coloniale.

L ' é ta t de guerre a appor té , dans la vie économique de l'Afrique Occidentale un trouble profond •' différentes mesures seraient susceptibles d 'y porter remède. La première, la plus urgente, con­sisterait, sans aucun doute, dans la réorganisat ion de nos trans­por ts mari t imes commerciaux à dest ination de la côte africaine. Mais il faudrait aussi permet t re l 'exportat ion des produits de la colonie et, pour cela, ne point démunir les maisons de commerce de t o u t leur personnel, ni prohiber l 'exportat ion de ces produi ts ou de leurs dérivés que le marché français à lui seul est incapable de consommer.

Il faudrait également cl ce sera la conclusion de ce t te note — que les colonies pussent prendre dans les conseils du Gouvernement comme dans l'opinion publique française, la place qu'elles doivent y occuper. Sans doute, aujourd 'hui , la défense nationale, absorbe foutes nos pensées et, réclame Ions nos i-N'orls. Mais la lutte écono­mique n'est-elle point, elle aussi, l 'une des formes les plus vivan-I es de la grande balaille que nous livrons en ce momen t contre la coalition aus t ro-a l lemande? Or, ce l le lui te économique, ce n 'es t pas dans la métropole seule qu'elle est engagée, c 'est dans le monde entier, c 'est su r tou t dans nos colonies : qu 'on se préoccupe donc de leurs intérêts , des nécessités de leur existence, des conditions de leur activité et de leur développement; qu 'on ne les ruine; pas inconsciemment par des mesures maladroites el inut i les; qu'on les

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protege et qu 'on les soutienne. La par t magnifique que leurs fils prennent à la défense du sol français est, pour la France , une rai­son nouvelle de la sollicitude qu'elle leur doit .

Veuillez agréer, Monsieur le Président , l 'assurance de mes sen ­t iments les plus dévoués.

Le Vice-Président de la Section de l'Afrique Occidentale,

JULIEN L E CESNE.

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RAPPORT présenté par l'Union Coloniale Française

GABON

Monsieur le Président ,

Par le t t re du 24 octobre, vous m'avez fait l 'honneur de me demander de vous faire connaî t re l 'opinion de la section de l'Afrique Équator ia le sur les quest ions posées à la Commission Consultat ive Coloniale par ar rê té du Ministre des colonies en date du 29 sep­t embre dernier.

Dans l ' impossibilité de réunir la section en séance, en raison de l 'absence du président et de presque tous ses membres et t e n a n t à répondre pour ma pa r t au désir que vous m 'avez exprimé, j ' a i l 'honneur de vous adresser ci-dessous, à t i t re personnel, les obser­vat ions que peuven t me suggérer la p ra t ique des affaires de not re société. J ' ins is te sur ce point que ses affaires se t r a i t en t unique­ment au Gabon et que par suite, je ne saurais é tendre mes vues au reste de l'Afrique Équator ia le .

Pour le Gabon, ce qu ' i l y a de plus pressant , c 'est de veiller à l 'accroissement de la capaci té d 'achat de la colonie, car il ne servirait i l rien de s'occuper de l ' importa t ion des marchandises européennes s i l ' indigène n ' é t a i t à même de les acheter . Il ne faut pas se dissi­muler que ce t t e capaci té d 'achat est encore assez faible, t a n t en raison du peu de densité relat ive de la populat ion que de son inert ie. Ju squ ' à il y a t rès peu d 'années, l 'ivoire, le caoutchouc et l 'ébène cons t i tua ient à peu près les seuls é léments de l 'exportat ion, ce " ' es t qu 'assez réeemmenl que divers bois et les amandes de palmes °n t fourni un accroissement d 'act ivi té . A ces produi ts naturels

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du sol on ne peut ajouter que le fruit d 'une seule cu l ture , celle du cacao. Quant à l ' industrie elle ne s'est a t t aquée jusqu' ici qu ' à la production de l'huile de palmes et les résul ta ts ob tenus ne nous paraissent pas être sortis de la période purement expérimentale.

Il est à no ter que sauf le cacao, auquel la dé taxe crée une si tuation favorisée sur le marché français, tous ces produits ont leur marché principal à l ' é t ranger ; l'ivoire à Londres et Liverpool, le caoutchouc à Liverpool, Anvers et Hambourg , les bois d 'okoumé à Hambourg et les amandes de palmes à Hambourg et Liverpool. On peut même dire que, pour les bois d 'okoumé, les boules de caoutchouc et les amandes de palmes, le marché de H a m b o u r g avai t jusqu'ici un rôle prépondéran t . Il est donc g randemen t à souhaiter de voir se développer en France l 'utilisation de ces produi ts .

E n ce qui concerne les amandes de palmes, c 'est une question de développement de consommation dans la .Métropole; le produi t fourni par le Gabon est en effet des plus marchands . Mais pour les bois e t le caoutchouc, il faut vaincre des habi tudes ou préjugés qui paraissent en avoir restreint jusqu'ici l 'emploi en France .

En ce qui concerne le caoutchouc , le Gabon fournit depuis un t emps immémorial des boules dont la quali té n e saurai t être compa­rée à celle des caoutchoucs de planta t ions , ni même des meilleures sortes sylvestres, mais qui on t néanmoins du nerf et se dis t inguent complètement des produits inférieurs. Le développement des plan­tat ions asiat iques a por té to r t dans ces dernières années à ces caoutchoucs du Gabon, naguère assez recherchés pour qu ' aucun stock considérable ne s'en soit jamais accumulé. Il en est résulté une n i é v e n l e qui a for tement diminué la richesse indigène. Pour y remédier cer tains on t préconisé la création de planta t ions analogues aux p lanta t ions de la péninsule malaise et de l ' insulinde, sans songer que les condit ions de ma in -d 'œuvre du Congo é ta ient à cet égard une pierre d 'achoppement . D 'autres ont recommandé l 'amé­lioration des procédés de récolte et même un u s i n a g e d e s t i n é à mu ' purification sur place. J e ne su i s pas placé pour examiner si c e s palliatifs peuvent s 'appl iquer avec assez d'économie dans l ' intérieur du Congo français pour donner des résul ta ts financiers convenables, mais je crois pouvoir affirmer que ce n 'es t pas le c a s dans la région gabonaise. S'il est, en effet, assez facile d 'obtenir des

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indigènes la suppression de toute fraude par addit ion de corps étrangers, on ne peut arriver à supprimer l'eau, d'ailleurs nécessaire a la lionne conservation de ce caoulclioue. et surfont le mélange de latex de qualités fort variables qui résulte de ce que les lianes pro­ductives sont de variétés 1res différentes et qu' i l est matér ie l lement impossible d 'empêcher pra t iquement les indigènes d'en incorporel­les latex les uns aux aut res . Le caoulclioue préparé au Gabon dans ' • s conditions e-t pur, bien entendu, de toutes matières étrangères ajoutées par fraude, doit donc être pris tel qu'il est sous peine d'ar­river à un prix de revienl inadmissible, et c'est dans cet ordre ' ' idées , qui semblait parfai tement admis par cer ta ins industr iels allemands qu'il convient de le consommer en France . Or, il ne paraîl pas que les différentes fabriques de caoutchouc de la Métro­pole aien< essayé d 'entrer dans ce t te vo ie ; soit qu'elles ne fabriquent 'lue des marchandises qui ne peuvent s 'accommoder de ce produi t secondaire, soil qu'il y ait eu un peu d'inertie dans leur manière de Procéder. Il serait tout ce qu'i l a de plus intéressant pour la colonie qu'elles fussent,incitées à faire usage des boules du Gabon. Il nous paraît presque certain qu'elles pour ra i en ty t rouver un réel avantage CM la cotat ion, par r appor t au Para , de ces boules t a n t à Hain-bpurg qu'à Liverpool a toujours élé supérieure à celle qui a été prat iquée en France ati même moment , ce qui ne peut s'expliquer ' P i e par une recherche plus active de la pari de fabricants étrangers *e rendant un meilleur compte de leur qual i té .

Outre l 'ébèneel l'acajou, produits bien classés, dont le tonnage ne peu! guère se développer, le Gabon produi t une quan t i t é de bois dont, un seul a vér i tab lement t rouvé jusqu'ici un véri table marché ' " Europe, c 'est l 'okoumé. Toutes les t en ta t ives de vulgarisation d 'autres essences cl nol animent des bois durs n 'on t donné que d'assez, médiocres résul tats . Il faut espérer qu 'avec le t e m p s l 'usage de ces essences, encore mal e o n n u e s d e s a e h e l e u r s . s e répandra en amenant des prix supérieurs à ceux prat iqués jusqu'ici et qui ne lais-S ( , nl <111<- peu de marge de bénéfices, mais pour le moment l 'okoumé fournit seul les éléments d 'une expor ta t ion courante . Malheureu-' on n i , ,;sl à l 'étranger et sur tout à H a m b o u r g que ce bois t rouve

s °n débouché. Il serait intéressant de le voir plus employé en France °û son ul ilisal ion a été jusqu'ici assez restreinte. A cet égard, les

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facteurs les plus actifs seraient l 'abaissement du prix du fret qui, par moment , est presque prohibitif et le rétabl issement de commu­nications mari t imes directes et régulières avec les ports de la Médi­terranée, où le bois d 'okoumé se placerait facilement si on pouvai t l'y faire parvenir régulièrement sans que les envois compor tassent les grands chargements que nécessitent l'emploi d'affrètements spéciaux.

On voit par ce qui précède que les produi ts na ture ls du Gabon peuvent se prê ter à une exportat ion plus fructueuse que celle qui a été pra t iquée jusqu' ici . Mais ce qui impor te le plus pour ce t t e colonie c 'est la créat ion de nouvelles sources de richesses par l 'entrée en ligne de l 'activité agricole. Le résul ta t auquel il faut arriver, c 'est de faire de l 'indigène un agriculteur auquel l 'européen se borne­ra i t à acheter ses produi ts . On l 'obtiendra difficilement sans un s tade intermédiaire pendan t lequel certaines cul tures faites direc­t e m e n t par les européens serviraient d 'exemple. Nous ne croyons pas qu ' à cet égard les j a rd ins d'essai ou tou te au t re t en ta t ive de forme adminis t ra t ive a ient un poids suffisant. 11 faut qu'i l y ait de véritables exploi tat ions agricoles enregis t rant des bénéfices ou des pertes , seuls guides vér i tab lement topiques pour l 'avenir. Or, ces exploi tat ions on ne les suscitera que si leurs promoteurs sont poussés par l'aiguillon d 'un a p p â t suffisant. 11 ne s 'agit pas de demander pour eux.des subvent ions dont le résu l ta t pourra i t être tou t aut re que celui que l'on voudra i t a t te indre , mais s implement de placer les entreprises agricoles dans une si tuat ion favorable en leur faci­l i tant la ma in -d 'œuvre et les exonérant , t o u t au moins jusqu 'au succès bien affirmé, de tou tes les charges susceptibles d'alourdir leur essor. En particulier , il est à croire que le r ec ru tement de la main-d 'œuvre serait singulièrement facilité par une exemption complète d ' impôts prononcée pour un cer ta in t emps au profit de ceux des indigènes qui s 'é tabl i raient à demeure au service d 'une p lanta t ion .

Si l'on se place m a i n t e n a n t au point de vue des besoins de la colonie en articles européens, il convient de rappeler (pue le régime douanier sous lequel a vécu jusqu' ici le Gabon a suffisamment favo­risé l ' importat ion française pour que tous les articles de qualité supérieure de quelque na tu re qu' i ls fussent aient toujours pu être

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demandés à la Métropole; les articles à bas prix p rovenant seuls de l 'étranger. Encore faut-il noter que l 'Allemagne n 'a jamais pu concurrencer l 'Angleterre dans la fourniture des tissus de t ra i te , de telle sorte que ses envois on t toujours été rédui ts à quelques articles parmi lesquels la quincaillerie, la parfumerie et pommades à bas Prix et enfin les alcools de t r a i t e t ena ien t la première place. Il est g randement à désirer que l'occasion présente soit saisie pour inter­dire non seulement les alcools de provenance al lemande, mais encore tous leurs similaires de quelque origine qu'ils puissent se prévaloir. La colonie a malheureusement toujours t r o p compté , pour équilibrer son budget , sur les droits relatifs à la consommation de l'alcool et elle a durement payé, en abâ tard issement de la popu­lation, les recet tes qu'elle en a t irées. L ' interdict ion absolue de tous alcools une fois prononcée, il ne sera sans doute pas impossible de leur subst i tuer le vin dans la consommation des indigènes et de sauvegarder ainsi à la fois les intérêts de la Métropole et la santé de la popula t ion.

La région du Gabon a été, dans ces dernières années, spécia­lement visée par les ambit ions al lemandes et les esprits avert is n 'on t pas m a n q u é de signaler le danger aux Pouvoirs publics. Les menées de nos voisins se sont exercées aussi bien sur la par t ie de la colonie concédée à la Société du Haut -Ogooué que sur les régions voisines de la côte laissées au commerce libre.

E n ce qui concerne les terr i toi res de la Société du Haut -Ogooué , les commerçants al lemands se sont livrés à de véri tables dépré­dations à main armée qui ont abou t i à dé tourner au profit du Cameroun une assez grande quan t i t é de produi ts du sol. Ces incur­sions on t été faites presque ouver tement , en prof i tant de ce que l(s t racé de la frontière a t t r ibue à l 'Allemagne les hau tes vallées des affluents de la r ive droite de l 'Ogooué en part icul ier celle de l ' Iv indo. J ' a i signalé avec insistance et de la façon la plus pressante, niais sans succès, au dépar tement des colonies, le danger de ce tracé, au m o m e n t où les t r a v a u x de la Commission de délimitat ion de 1912 fournissaient l 'occasion d'en ten te r la rectification au prix de compensat ions dans des régions présen tan t moins d ' intérêt

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commercial pour la France que le bassin de l ' Ivindo. Aujourd 'hui , il est à espérer que, si le Cameroun est appelé à conserver une exisl enee, indépendante , on saura en soustraire t ou t ce qui l'ait partie; du bassin de l'Ogoóué.

Pour ce qui est de l 'extension du commerce allemand dans la part ie non concédée du Gabon, les procédés ont été moins b ru t aux . Il a sur tout été fait usage de personnes interposées qui ont su se faire a t t r ibuer des concessions forestières et t rouvé le moyen de jouir de celles octroyées à certaines sociétés concessionnaires fran­çaises en l iquidation. Ces opérat ions n 'on t pu se faire qu 'avec l 'assentiment de l 'administrat ion de la colonie ou en surprenant sa vigilance. Il ne m'appartient pas de m'étendre à ce sujet, mais je devais t ou t au moins l 'effleurer pour répondre au paragraphe 6 de l 'arrêté qui a const i tué la Commission Consultat ive.

Enfin, toujours pour répondre aux te rmes de ce paragraphe I» et aussi à ceux du paragraphe I. je (lois mentionner la part 1res large que la compagnie de navigation YVoèrniann s'élail baillée au Gabon. C'est par son intermédiaire que le commerce des bois a trouvé son débouché sur le marché de Hambourg , et il est v ra i ­semblable qu'elle a aidé le couran t d'affaires vers ce por t en faisant aux expor ta teurs des r istournes appréciables sur son tarif officiel, alors que les conditions faites pour les I ranspor ls vers le Havre par voie Irançaise étaient presque prohibitives; Il faut d'aiIleurs vendre à la compagnie Wocrmann ce l le justice qu 'on a toujours t rouvé chez elle des facilités pour Ions t ranspor ts spéciaux, t an t comme condii ions de prix que comme aménagemen t s de navires. La

Société du Haut-Ogooué 0 même dû recourir à (die à plusieurs reprises soit po;ur faire parvenir au Gabon certaines embarcations à vapeur , soif pour des transports d 'animaux de bât , la compagnie française Subventionnée se t rouvan t dans l 'impossibilité de les prendre à botd de ses navires OU faisanl à cet égard des condii , 'mis lellemeiil draconiennes que l'enl reprise à laquelle ils étaient (lesli-

nés serait devenue infructueuse. Aussi ne faudrait-il pas que l'éli­mination, si désirable qu'elle puisse être à d 'au t res points de vue, de la compagnie Wocrmann risquai de laisser le Gabon en présence d'un monopole de l'ail, de la part d 'une seule compagnie de naviga-lion. J 'a i déjà indiqué plus haut le préjudice que la colonie subis-

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sait du fait du manque de relat ions régulières avec Marseille où elle t rouvera i t un débouché pour ses bois et le moyen d'avoir à bien meilleur compte certaines marchandises ou matér iaux de construct ions, comme les briques et les c imen t s ; il ne faudrait pas que pour ses relat ions avec Bordeaux, le Havre e t la par t ie septen­trionale du cont inent elle se t r o u v â t en quelque sorte à la merci d'un seul t r anspor t eu r que rien ne v iendra i t aiguillonner dans l 'amélioration de ses services et de son matériel .

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l 'expression de mes sent iments de h a u t e considérat ion.

B A R R I ' : .

Paris , le 15 Décembre 1914.

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RAPPORT présenté au nom de la Section de Madagascar

PROGRAMME ÉCONOMIQUE

Monsieur le Prés ident ,

Madagascar est une des colonies françaises sur l 'avenir desquelles les événements actuels au ron t les répercussions les plus vives . .

C'est en effet une de celles où il y a le plus de reprises à exercer sur le commerce al lemand qui avai t pris une extension considé­rable et chaque jour grandissante , n o t a m m e n t au moyen de sa marine marchande , et grâce aux débouchés que ses industr ies flo­rissantes offraient aux produi ts de la colonie.

D 'au t re pa r t , la Grande Ile est à une période de croissance où l 'organisme est except ionnel lement impressionnable, malléable et susceptible de conserver l 'empreinte des condit ions économiques au milieu desquelles il se développe. Or, la crise sans précédent qui ébranle le monde , ne va pas seulement modifier pa r elle-même ces conditions, il y a lieu d 'espérer qu'elle va également pe rme t t r e à l ' ini t iat ive privée et aux Pouvoirs publics d'effectuer, dans un su r sau t d'énergie, d 'uti les réformes qui n 'eussent pu , malgré les meilleures volontés , être réalisées en t emps normal .

Aucune colonie n ' a donc plus d ' in térê t que Madagascar à suivre avec vigilance, et à diriger dans la mesure de ses forces, en ce qui la concerne, une évolution appelée à causer sur le développement ul térieur de sa vie économique, une influence aussi profonde et aussi durable .

L 'a r rê té du 29 septembre 1914 lui en fournit l 'occasion en l 'appe­lan t à examiner les besoins de son commerce, do son industr ie et do son agricul ture au point de vue du crédit , de la main-d 'œuvre , des t r anspor t s et des débouchés.

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Le programme des mesures à adopter en l'espèce pour donner satisfaction à ces besoins doit être inspiré pa r le souci, non seulement de favoriser la prospéri té de Madagascar, mais encore de l 'assurer en liaison in t ime avec la Métropole.

C'est sous l'influence de cet te double préoccupat ion que nous examinerons rapidement les diverses questions de ce programme qui paraissent pouvoir se placer sous les rubriques suivantes :

I. — Circulation des produi ts au point de vue matériel , au point de vue douanier.

IL — Organisation de la product ion et ses débouchés. III. — Crédit.

I

L 'organisat ion des voies de communicat ion est la condit ion pri­mordiale de tou te vie économique et doit être envisagée au point de vue des t r anspor t s â effectuer t a n t dans l ' intérieur de la colonie qu 'en t re celle-ci et les marchés extér ieurs .

Quelque restreint que soit encore le réseau des routes créées dans l ' intérieur, eu égard à la superficie et aux besoins du pays , on doit reconnaî tre que le Gouvernement de la colonie s'est toujours mont ré pénétré de la nécessité de mult ipl ier les routes dans la mesure des moyens financiers et dis la main-d 'œuvre dont il pouva i t disposer.

11 serait désirable que son effort se po r t â t m a i n t e n a n t dans quelque mesure vers les régions de la côte ouest , n o t a m m e n t des provinces de Tuléar, Morondava, singulièrement déshéritées jus­qu 'à ce jour, bien q u e s u s c e p t i b l e s d 'une m i s e en valeur rému­nératr ice .

Mais le développement du réseau des routes n 'es t pas seulement en t ravé pa r les frais élevés de premier établissement, il ne l 'est pas moins du l'ait des charges d 'entre t ien annuelles et croissantes dont grève le budget colonial, sans compensat ion directe, son extension successive.

Aussi serait-il intéressant de t rouver Un mode de t ranspor t qui, sans exiger u n e mise de fonds aussi élevée ou un trafic aussi intense q u e ceux indispensables pour ré tab l i s sement d 'un chemin d e fer

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proprement dit, ne fût pas pour la colonie une source de dépenses permanentes et progressives.

11 semble que l 'établissement de voies Decauvillé remplirai t ces conditions. D'un pr ix de construction, outillage compris, plus élevé que la route ordinaire, cette voie, une fois établie, non seulement n 'occasionnerai t pas de frais d 'entre t ien à la colonie, mais donnerai t sans doute des recettes suffisantes pour rémunérer et même amor t i r le capital engagé, elle offrirait une capacité de trafic supérieure à la route ordinai re ; elle ménagerai t aux exploi tat ions privées la possi­bilité d 'un raccordement facile pour l 'évacuation de leurs produi ts . Le service rendu, bien que rémunéré , ne serait d'ailleurs pas onéreux pour celui qui l 'utiliserait, la t axe à percevoir ne devan t pas dépasser le coût de la t ract ion sur une route ordinaire, et pouvan t même, parfois, être inférieur.

11 est désirable (pie la colonie se met te rapidement à l 'œuvre pour établir , sur certains points , à la place de routes, des voies Decauvillé. Le succès de ,ce t te expériences (qu'elle para î t d'ailleurs disposée à tenter) , pe rmet t ra i t le r a t t a chemen t soit à des po r t soit à des lignes ferrées déjà existantes, de nombreuses régions voisines, actuellement isolées et improduct ives .

Cette opérat ion, qui , généralisée, serait de grande envergure, accélérerait s ingulièrement le développement de Madagascar pa r la mise en valeur de très vastes terr i toires.

Il ne saurai t d 'ailleurs être question de supplanter les grandes voies ferrées qui seront appelées à sillonner, en t emps utile, tou tes les grandes artères naturelles de l ' Ile. Mais, en dehors des voies déjà existantes el du prolongement dans le sud de la ligne de Tana-uarivo à Anlsirabé, aucun besoin de cet te na tu re ne se fait actuelle­ment sentir. Le chemin île 1er de Tananar ive à Majunga lui-même, dont il a été souvenl question, ne para î t pas devoir s ' imposer d ' un certain t emps , celui de Tananar ive à T a m a t a v e é t an t en mesure de donner satisfaction, vra isemblablement pendan t de longues années encore, aux nécessités du trafic des Hau t s -P la t eaux .

Dans ces condit ions, le po in t si discuté de savoir s'il est préféra­ble de faire appel à l'inil iâl ive privée pour la construct ion et l 'exploi-tatiofl des chemins d e fer, mi de les réserver à la colonie, n'offre pas actuel lement d ' in té rê t pour Madagascar!

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Mais c'est peut -ê t re le lieu de faire remarquer qu 'au nombre des a rguments invoqués par les par t i sans de l 'exploitat ion pa r la colonie (si tuation actuelle des chemins de fer de Madagascar) , il en est un, de hau te portée, qui consiste à mont re r quel in térê t présente pour la colonisation le maint ien, entre les mains de l 'adminis trat ion, de tarifs pour l 'é tablissement desquels elle t i en t a u t a n t compte du développement de la richesse du pays que de la question du bénéfice à réaliser. Il ne para î t pas superflu de demander à la colonie de ne pas perdre de vue cet in térê t supérieur don t elle se réclame pour rester maîtresse des chemins de fer, et qu'elle a parfois oublié. Dans diverses circonstances, elle ne s'est pas suffisamment péné­trée de la nécessité de laisser aux tarifs une stabil i té indispensable à la sécurité des t ransact ions , et on a vu des produi ts classés dans une catégorie de taxes inférieures, alors qu'ils é ta ient inexploités, passer subi tement dans une catégorie de taxes supérieures, dés leur appar i t ion sur le marché au risque de compromet t re des entreprises péniblement édifiées sur des bases qu 'on é ta i t en droi t de croire solides. L ' in i t ia t ive privée ne donnera t o u t son effort, ne pour ra consentir les sacrifices nécessaires aux entreprises de longue haleine, que si elle a la cer t i tude d 'être à l 'abri de pareils à-coups. La colonie lui doit cet te garant ie et elle a in térê t à la lui donner .

Dans une île comme Madagascar, les communicat ions avec l 'extérieur ne p o u v a n t être réalisées que par voie mar i t ime, l 'orga­nisation des por ts , les moyens d ' embarquemen t et de déba rquement jouen t un rôle impor t an t . Ils sont généralement insuffisants.

Cependant , la construct ion prochaine du por t de T a m a t a v e , les améliorat ions du por t de Majunga rendron t plus facile la liaison entre lès voies de communica t ion intérieures et extérieures. L ' é tude des mesures à prendre pour rendre moins onéreux et plus commodes r e m b a r q u e m e n t et le débarquement , sur t ou t e la côte ouest en t re Majunga et Tuléar, de produi ts qui rencont ren t déjà t a n t d 'obs­tacles pour a t te indre la côte, doit sollicil er sans re lard l ' a t ten t ion de l ' adminis t ra t ion .

La persévérante application du Gouvernement de la colonie à améliorer les condit ions de t r anspor t intérieur, do l ' embarquement et du débarquement des produi ts , pe rme t d 'espérer la réalisation prochaine de ces v œ u x .

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La solution du problème de la circulation entre Madagascar et les marchés extérieurs n 'es t pas moins impor tan te et présente d 'au­t a n t plus de difficultés qu'elle échappe à l 'action directe de la colonie.

Si le bon fonct ionnement des t ranspor t s mar i t imes entre la Métro­pole et la colonie intéresse au plus h a u t point cet te dernière, on peut dire que son organisat ion incombe essentiellement à la Métro­pole. C'est pour elle t o u t à la fois un avan tage et un devoir.

La colonie lui offre un champ privilégié d 'exploi ta t ion pour sa marine marchande ainsi que pour les industr ies qui en dér ivent , et une source de bénéfices divers. Comme contre-par t ie , la Métro­pole devrai t assurer à la colonie des moyens de t r anspor t s suffisants et à prix no rmaux . Il faut malheureusement consta ter qu'elle n ' a su ni profiter de cet avan tage ni s 'acqui t ter de ce devoir. La maigre rémunérat ion des cap i t aux affectés à la marine marchande , d 'une par t , l 'élévation des frets, supérieurs de 20 et 30 % à ceux pra t iqués soit dans les colonies étrangères comparables , soit à Madagascar même pa r la marine é t rangère , l 'insuffisance constatée de t r anspor t s français à certains moments , en font foi.

Insister sur les inconvénients que présen ten t pour la colonie cet te exagérat ion du cours des frets et ce t te insuffisance des t r ans ­ports , mont re r comment l 'exportat ion de certains produi ts se t rouve de fait prohibée, les bénéfices et pa r suite les facultés de consommation de la colonie diminuées, est superflu. Il serait plus intéressant de rechercher les causes du mal pour y po r t e r remède. Est-il spécial aux lignes de Madagascar et a-t-on pa r suite le droi t de l ' imputer à leur adminis t ra t ion , ou bien est-il général et n 'a- t- i l pas d e s causes plus profondes qui touchen t à l 'organisation même de la mar ine marchande en France? Le doute ne pa ra î t guère pos­sible.

La régression générale et cont inue de la mar ine marchande française, en dehors des compagnies subvent ionnées qui elles-mêmes ne réussissent à vivre qu 'au milieu de grandes difficultés, p rouve de la façon la plus éc la tan te que les causes du mal sont d 'ordre général, et comme la France a de magnifiques côtes, une s i tuat ion géographique privilégiée, un passé mar i t ime prospère, un domaine colonial considérable couvert de factoreries françaises; comme il

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n 'est pas admissible que l'in il iative privée soit d 'une incapacité telle que, toutes c h o s e s égales d'ailleurs, elle ne puisse profiter de ces éléments exceptionnels pour l'aire vivre une marine marchande en rappor t avec l ' importance du pays alors que d 'aut res nat ions y parv iennent , il faut en conclure que les conditions générales qui sont faites en France à c e l l e industrie sont incompatibles avec sa prospéri té .

Il ne nous appar t i en t pas de rechercher quels remaniements s ' imposent ni de dire si l ' inst i tut ion de l 'inscription maritime telle qu'elle fonctionne est compatible avec les nécessités de la concur­rence internat ionale , si les cahiers des charges des compagnies subvent ionnées ne leur imposent pas des obligations dont l 'utilité n 'est pas en rappor t avec les dépenses correspondantes , si les tarifs des chemins de fer sont conçus cl la navigation intérieure organisée de manière à procurer le fret lourd nécessaire à la sortie, si l ' indus­tr ie nat ionale est assez encouragée pour absorber des produits, (et n o t a m m e n t nos produi ts coloniaux), en (piantiti'' suffisante pour créer des marchés intensifs, si nos ports privés de zones fran­ches offrent aux marchandises assez, de facilités de manuten t ion pour les y a t t i rer , etc. , e t c . . Nous ne pouvons qu'affirmer l 'urgence de remaniements nécessaires. Car, si les colonies n'ont pas dans leur main le remède, elles on t du moins h- droit de réclamer instamment que la Métropole leur fournisse une organisai ion de transports qu i , comme régularité et comme prix, ne soient pas, ce qui est le. cas , inférieure à celle que les autres nations mettenl à la disposition de leurs colonies.

A côh' ' des barrières naturelles qui entravent la circulation des produi ts , v iennent se j ux tapose r les barrières factices créées pâl­ies droits de douanes.

A ce point de vue Madagascar a été jusqu 'à ces derniers temps placé dans la s i tuat ion la plus défavorable.

Taudis que la colonie recevait en franchise fous les produi ts de la Métropole, elle ne jouissait elle-même pour tou te faveur «pie du bénéfice de la demi- taxe sur les denrées dites secondaires. Depuis peu de temps, elle joui t , pa r jus te réciprocité, de l 'entrée en fran­chise dans la Métropole de tous ses produits.

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Mais ce n 'es t qu 'un des côtés de la quest ion. E n ce qui concerne les droits dont sont frappés à leur entrée dans l 'Ile les marchan­dises étrangères, la colonie a été, dès le début , placée dans la caté­gorie des colonies assimilées à la Métropole, alors que, logiquement, elle eut dû être placée dans une seconde catégorie créée pa r la loi de 1892 en vue de permet t re aux colonies en enfance de prendre une certaine force a v a n t d 'être astreintes aux charges du tarif général .

Il serait t rop long de mont re r ici qu 'en m a i n t e n a n t le régime de l 'assimilation on lèse, dans un intérêt spécial, en vue de favoriser quelques industr ies , à la fois d 'aut res intérêts métropol i ta ins en même temps que ceux de la colonie, que, pour assurer un gain pas­sager à ces industr ies , on fait subir à la colonie une per te infiniment supérieure, qu 'on diminue le bien-être de ses hab i t an t s , qu 'on restreint leur faculté de product ion, qu 'on en t rave l 'organisation de l 'outillage économique, qu 'on met obstacle à l 'ouver ture de débouchés naturels , qu 'on compromet pa r suite le succès d 'en t re­prises coloniales fournies en hommes et en cap i taux pa r la Métro­po le qui est ainsi détournée d 'une voie dans laquelle l 'act ivi té na t io­nale devra i t t rouver au jourd 'hui un de ses pr incipaux éléments .

Qu'il suffise d 'expr imer le v œ u que les Pouvoirs publics ne per­dent pas de vue la nécessité aussi tôt que les circonstances le permet ­t ron t , d 'aborder le fonds même de la question douanière coloniale, de débarrasser Madagascar du régime d'assimilation, et de lui don­ner une personnal i té douanière la m e t t a n t à même de proposer les taxes dont devra ient être frappés les produi ts é t rangers , taxes que la Métropole aura i t d 'ail leurs seule, dans le plein exercice de son droi t de souveraineté, autor i té pour fixer, t axes qui devraient , t o u t en é t an t assez élevées pour favoriser dans une large mesure les industr ies françaises, être assez modérées pour pe rme t t r e aux produi t s é t rangers de venir diminuer la cherté de la vie, de créer des ressources fiscales et de servir d 'a rme pour obtenir , pa r des conces­sions réciproques, l 'ouver ture des marchés voisins.

Mais si í 'on peu t nourr ir l 'espoir de voir about i r ces desiderata dans un avenir plus ou moins prochain, il est un double v œ u dont la réalisation ne saurai t être plus longtemps re ta rdée .

En effet, on ne s'est pas borné à soumet t re Madagascar au régime métropol i ta in . Il y a plus, on a, contre tou te vraisemblance, élevé,

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à son dé t r iment , les taxes métropol i ta ines . La loi de 1892 prévoyai t la possibilité, au moyen de décrets rendus dans la forme de règle­ments d 'adminis t ra t ion publ ique, de déroger, év idemment dans un sens libéral, aux taxes métropol i ta ines , pour en adoucir, dans cer tains cas, la rigueur. Or, on a, dans l 'espèce, dé tourné cet te pro­cédure du bu t pour lequel le législateur l 'avai t inst i tuée, et frappé, pa r ce moyen, les cotonnades étrangères de droits sensiblement supérieurs aux droits métropol i ta ins .

Ces taxes exceptionnelles qui ont été appliquées aux cotonnades étrangères pa r des mesures qui paraissent friser l 'illégalité, qui sont en t o u t cas manifes tement contraires à l 'esprit du législateur, que l 'expédi teur peu t d'ailleurs rendre illusoires en faisant dédoua­ner les marchandises en France , ne saura ient être plus longtemps maintenues,et les Pouvoirs publics ne peuven t se dispenser de réta­blir, en cet te mat ière , les tarifs métropol i ta ins .

Une au t re modification aux taxes actuelles s ' impose avec non moins d 'urgence et sans qu'elle puisse a t t endre l 'examen par le parlement de l 'ensemble du régime douanier colonial, c'est la dimi­nut ion des taxes sur l 'entrée des divers articles nécessaires à l 'outil­lage industriel , agricole et minier dest iné à me t t r e la colonie - eh valeur.

Déjà le décret du 7 février 1906 a établi pour les machines desti­nées à l 'exploitat ion de l 'or des tarifs spéciaux à un momen t où cet te exploi tat ion é ta i t la principale industr ie de la Grande Ile.

Aujourd 'hui , que de nouvelles sources de richesses se présenten t , recherche de gisements minéraux divers, exploitat ion du graphi te , fabrication des conserves, usines frigorifiques, usines à manioc, etc. , e tc. , les mêmes raisons qui ont dé t enu in é les mesures prises à l 'égard de l'ouf illagc destiné à l 'exploitat ion de l'or d o i v e n t en déterminer l'extension à l'outillage nécessaire à la mise en œuvre de ces nouveaux éléments .

I!

A l'origine de tou te product ion est la ma in -d 'œuvre , nécessaire même lorsque son rôle se borne à recueillir un p rodu i t na tu re l .

A Madagascar, elle est relative nf fa ible en quan t i t é , cl sauf

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exception, en quali té , eu égard aux richesses qu'il est possible d'y exploiter.

Non seulement la popula t ion est peu dense, mais elle est encore loin de fournir en t rava i l t ou t ce qu 'on p e u t en a t t endre .

11 v a donc un tr iple b u t à poursuivre paral lè lement : augmenter le nombre des hab i t an t s , les accl imater au t ravai l , obtenir d 'eux le t ravai l le plus efficace.

L ' augmenta t ion de la popula t ion indigène sera obtenue pa r la persévérance de l 'adminis t ra t ion à favoriser l 'hygiène sous toutes ses formes, à assainir les régions palustre», à organiser le service des sages-femmes, à améliorer les services de l 'assistance médicale, par t icul ièrement en ce qui concerne les enfants en bas âge ; le déve­loppement économique de Madagascar n ' y contr ibuera pas moins en appor tant l 'aisance chez l ' indigène, en lui fournissant n o t a m m e n t les moyens de se préserver contre les intempéries , à la condition tou te ­fois que des mesures énergiques soient prises contre les a t te intes de l 'alcoolisme.

Avan t que cet te augmenta t ion , œuvre de longue haleine, ait p u se produire , les besoins de la ma in -d 'œuvre i ront sans doute crois­sants , en raison de la rapide progression de la product ion , et il est vraisemblable que sa pénurie se fera sent i r dans quelques années beaucoup plus qu 'à l 'heure actuelle. Il n 'es t donc pas t rop tô t pour se préoccuper , su r tou t en v u e de cet te époque prochaine , de l ' impor­tat ion de la ma in -d 'œuvre é t rangère . A cet effet, la colonie devra pousser ac t ivement des pourparlers déjà engagés de manière à hâ te r le m o m e n t auquel pour ron t être commencées des expériences qu'i l sera sans doute nécessaire de répéter a v a n t qu'elles soient con­cluantes.

Mais, en a t t e n d a n t , tous les efforts doivent t end re à obtenir de l ' indigène le t rava i l qu' i l est raisonnable de lui demander . Tou t en respectant sa l iberté, l ' adminis t ra t ion, p a r son a t t i t ude , loin de le détourner du t ravai l doit l'y inciter au contra i re , et son influence peu t êlrc à ce sujet décisive t a n t pa r les encouragements qu'elle doi t mi donner à cet effet que pa r des mesures appropr iées à p rendre en ce qui touche la percept ion de l ' impôt et le service des pres ta­tions e t p a r une surveillance du pa iemen t exact des salaires et de ' exécu t ion réciproque des engagements de t rava i l .

L E S COLONIES E T LA D È E E N S E N A T I O N A L E 17

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L'act ion de la colonie peu t être encore plus efficace pour l 'amé­lioration de la quali té du t rava i l . Elle a beaucoup fait pour l'ensei­gnement , mais elle pour ra i t obtenir des résul tats meilleurs en con­sacrant une pa r t i e p lus impor tan te des ressources qu'elle y affecte à l 'enseignement professionnel et agricole.

La cause de l 'enseignement pr imaire n 'y perdra i t pa s , car l 'accli­ma ta t ion de l ' indigène à un t ravai l bien exécuté, en éveillant chez lui des inst incts de civilisation, le préparera i t à recevoir plus aisé­men t les not ions de l 'enseignement général. Or, l 'enseignement professionnel, tel que nous le comprenons, bien que ne s ' adressant pas à la générali té des hab i t an t s , n 'en aura i t pas moins une réper­cussion indirecte , mais efficace,'sur l 'ensemble des t ravai l leurs qui profi teraient , dans l 'exécution de t r a v a u x bien dirigés, des connais­sances acquises pa r leurs chefs.

E n effet, l ' enseignement professionnel ne se bornera i t pas à former de bons ouvriers, comme la colonie réussit déjà à en former dans plusieurs écoles pour le t rava i l du fer et du bois, mais devrai t embrasser un champ beaucoup plus vas te .

Le b u t de l 'enseignement à inst i tuer serait de p r épa re r des con­t re -maî t res ou «commandeurs» capables d ' appor te r un concours utile aux exploi ta t ions dans la direction de la ma in -d 'œuvre indigène L 'enseignement qui devrai t être approprié aux besoins de chaque région por te ra i t sur les cul tures qui ont fait leurs p reuves , riz, manioc, vani l le , café, cocotiers, ainsi que sur quelques industr ies se r a t t a c h a n t à l 'agr icul ture : la sériciculture, la p répa ra t ion du caout­chouc, l 'élevage du bé ta i l , celui de l ' au t ruche , e tc .

Il serait donné dans les s ta t ions d'essais. E n présence du déve­loppement minier et n o t a m m e n t de l 'exploitat ion du graphi te , une école dans laquelle sera ient enseignés les premiers éléments p ra t i ­ques du t rava i l des mines ne p résen te ra i t pas inoins d ' in térê t .

La product ion ne p o u r r a i t que gagner en intensi té du fait d 'avoir à sa disposition une m a i n - d ' œ u v r e qui, dirigée p a r un personnel compéten t , offrirait des quali tés de régularité et de perfection inconnues j u s q u ' à ce j ou r à Madagascar.

Dans l ' o rganisat ion de la product ion , la main-d 'œuvre , ainsi perfect ionnée, n 'es t qu 'un des rouages d'un organisme complexe qui, p o u r fonctionner d 'une manière sat isfaisante, a besoin du con-

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cours d'éléments mult iples : tels qu 'un fonds de richesses naturel les , la sécurité matérielle, l 'esprit d 'entreprise , une législation appro­priée, l 'appui assuré des adminis t ra t ions locale et métropol i ta ine .

La p reuve des ressources naturel les de Madagascar est aujour­d'hui complète . Elles sont a t tes tées pa r le mouvemen t de «es impor­tat ions et de ses expor ta t ions qui, réunies, o n t a t t e i n t et dépassé, dans une progression surprenante , alors que plusieurs industries d 'avenir sont encore à leur début , la somme de cent millions, justifi­cation des pronost ics les plus opt imis tes , mais un ins tan t su spec t é des ouvriers de la première heure.

La sécurité matérielle est au jourd 'hui p a r t o u t assurée. Le nombre des entreprises nouvelles, créées ou sur le po in t de

l 'être est tel qu 'on ne saura i t contester l '«xistence d ' u n e ini t ia t ive privée des plus actives.

Des règlements successifs t o u c h a n t les concessions, le régime forestier, le régime minier, celui des eaux, etc. , etc. . déjà pr is ou à l 'é tude, des réglementat ions adminis t ra t ives diverses, ne cessent de régulariser et d 'améliorer les condit ions de la product ion .

Il est cependant quelques points intéressant certaines des b ran­ches principales de l 'activité économique sur lesquels l ' a t tent ion de l 'adminis t ra t ion doit ê t re appelée, n o t a m m e n t en ce qui concerne l ' industrie de la v iande , la récolte du caoutchouc, la cul ture du café, celle de la vanille et l 'exploitation des mines.

Industrie de la viande. - Le congrès de l 'Afrique Orientale cons­ta ta i t que le m a n q u e de débouchés ava i t fait à peu près abandonner l 'élevage des bovidés.

Cette affirmation é ta i t év idemment trop absolue, les recensements annuels n ' a y a n t cessé de cons ta ter une progression successive et in in ter rompue du t roupeau .

Ce qu ' i l faut retenir de cet te affirmation, c'est que le m a n q u e de débouchés réguliers enraya i t le progrès de cet te b ranche de l 'agri­cul ture, qui méri te d ' a u t a n t plus d ' a t t en t ion que ses besoins en main-d 'œuvre sont restreints et qu'elle est susceptible d 'une exten­sion considérable. E n effet, l ' expor ta t ion sur Maurice est l imitée, eelle sur l 'Afrique du Sud est t a n t ô t autorisée, t a n t ô t in terdi te , les essais t en tés , il y a déjà longtemps, pour la fabrication des conser­ves ava ient échoué, les essais de t r anspor t de bœufs v ivan t s en

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France n ' ava ien t pas eu de suite. Mais depuis quelques années des usines v iennent d 'ê t re installées pour fabriquer des conserves et frigorifier ou congeler des v iandes , et, depuis deux ans sur tout , leur act ivi té s'est considérablement accrue.

L ' in térê t de la colonie exige que cette industrie puisse définitive­men t s'établir sur des bases solides, et, à cet effet, un double v œ u doit être exprimé.

L ' interpréta ion donnée à la législation en vigueur impose aux impor ta teurs l 'obligation de présenter des animaux complets soit entiers soit découpés, alors que les usines coloniales auraient sou­vent intérêt à importer frigorifié le quart ier de derrière et à réserver le quar t ier de devan t pour la fabrication de la conserve; elle in terdi t en out re l ' iniportat icn de certains sous-produits. Ces restrictions, qui sont fort onéreuses pour cet te industrie, ayan t pour raison d 'être la préservation du t roupeau métropolitain, des démarches on t été faites pour que, dans l 'avenir, la colonie se met te en mesure de donner, à ceux de ses vétérinaires qui en sont dépour­vus , des connaissances bactériologiques, ce qui permet t ra i t de rendre aux importa teurs , sous réserve des garanties exigées par le décret du 22 mai 1912, les facultés don t ils sont privés. Le ministère des colonies s 'appliquera cer ta inement à réaliser à brève échéance les promesses qu'i l a faites à ce sujet.

L 'avenir de l'élevage ne demande pas moins d'application de la p a r t du Gouvernement de la colonie pour éviter tou te mesure qui pourrai t être de na tu re à provoquer de brusques variat ions dans le prix du bétail .

Sans doute, en principe, l 'administrat ion doit favoriser tou te plus-value des produits de la colonie, et faciliter l 'ouverture de nouveaux débouchés dans cette intent ion, mais elle devra soigneuse­ment se garer de provoquer par l 'ouverture d 'un débouché nouveau, mais précaire, une hausse susceptible de faire sombrer l ' industrie des conserves et de la v iande frigorifiée.

Le bénéfice momentané réalisé ainsi par l'élevage risquerait d 'être chèrement payé, et les cours élevés d 'un jour pourraient faire place à une longue période de cours t o u t à fait réduits. L'éclosion de l ' industrie qui a assuré la fortune de tous les pays d'élevage du bœuf a été t rop longtemps a t t endue pour ne pas l 'entourer de toute

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la sollicitude nécessaire à son épanouissement. Le Gouvernement général qui l'a bien compris, en précisant c es temps derniers les conditions d 'exporta t ion du bœuf v ivan t dans une région voisine persévérera sans aucun doute p rudemment dans cet te voie.

Récolte du caoutchouc. — E n présence de la concurrence des caoutchoucs de plantat ion, la production de Madagascar ne peut assurer son avenir que par une transformation complète de ses pro­cédés de récoltes, assurant au produi t une qualité bonne, égale et durable. Seule l 'administrat ion peut , par des réglementations dont les Gouvernements d 'autres colonies lui on t donné l 'exemple, pré­server cet te exportat ion d 'une déchéance, sans cela, fatale.

Culture du caié. —• Après de longues années d'onéreuses expé­riences, le problème de la culture du café est ma in tenan t résolu, au moment où la loi du 5 août 1905, en accordant la détaxe complète des denrées coloniales, lui ouvre un énorme marché de consomma-lion dans des conditions tout, à fait, privilégiées.

Mais la prépaia t ion du café est méticuleuse et les planteurs de Madagascar ont encore à apprendre pour savoir le présenter sur le marché de manière à en tirer tou t le part i désirable. Une mission confiée à un homme compétent , ayan t pour objet l 'étude de cet te préparat ion à J ava , concurremment avec celle de toutes questions touchan t à cet article, serait d 'une aide précieuse pour le succès du café de Madagascar.

Cette mission avai t t ou te chance d 'être organisée à brève échéance, lorsque les événements sont venus malheureusement in ter rompre la mise au point de ce projet, qu' i l sera utile de reprendre.

Culture de la vanille. —- Les planteurs de vanille protestent, à bon droit contre le mo t « vanilline » employé comme indication d 'un par­fum artificiel qui crée à leur préjudice une confusion regret table, et sont, unanimes à demander que, par une application loyale et ration­nelle de la loi du l e T août 1905 sur les fraudes, les Pouvoirs publics les protègent et protègent en même temps le consommateur contre cette usurpat ion. Il est certain que cet usage, qui ne saurai t se justifier, cause un dommage impor tan t à une culture très intéressante de Madagascar. S'il n 'es t pas possible, par la simple application des lois existantes, de rétablir la vérité, il ne serait qu 'équi table de recourir pour :cla à un nouveau tex te législatif.

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Exploitation des mines.- — Les règlements miniers se sont succédés avec une fréquence qu 'expl iquent les modifications rapides d 'une industr ie naissante. Un nouveau règlement est en p répara t ion .

La diminution de l 'extraction de l'or pendan t ces dernières aimées semblerait de na ture à déterminer la réduction de la t axe de l'or de 7 % à 5 %, taux primitif de cette taxe.

Cependant des mesures adminis t ra t ives ou législatives d 'ordre général, bien qu 'appropriées aux besoins économiques ne suffiraient pas à donner aux entreprises tentées à Madagascar tou te l 'ampleur désirable et possible si elles ne devaient compter sur le concours quotidien e t bienveillant de l 'administrat ion coloniale à tous ses degrés.

Peut-ê t re ne l'ont-cllc ,pas toujours également rencontré . Peut -ê t re , dans le passé, une part ie du personnel administrat if

local ne s'est-il pas suffisamment rendu compte du lien qui ra t ta ­chai t le développement économique des colonies à la prospérité du pays et ne s'cst-il pas suffisamment appliqué à favoriser ce déve­loppement pour coopérer à cet te prospérité. Les événements actuels sont de na ture à dessiller bien des yeu \ et réuniront , nous n 'en doutons pas, dans l 'avenir, l 'unanimité des volontés [tour favoriser le succès de toutes les œuvres susceptibles de concourir à la gran­deur de la France.

Toute cet te vie économique de Madagascar déjà si active, appelée cer ta inement à devenir dans peu d 'années beaucoup plus intense, n'offrira tou t son intérêt que si elle se développe en liaison infime avec la Métropole.

A ne considérer que les stat is t iques, ce résultat serait déjà acquis. En effet, les importa t ions de Madagascar sont françaises pour les sept huitièmes, plus des 3/4 des exporta t ions de Madagascar sont dirigées sur la France. Mais la réalité est loin de concorder avec les apparences. Un grand nombre de marchandises, nécessairement d'origine française en raison du régime; douanier, n 'a r r ivent à la consommation que par l ' intermédiaire de commerçants étrangers, e t une grosse partie des exporta t ions dirigées sur la France sont aussitôt réexportées à l 'étranger. Les personnes les mieux informées est iment à la moitié t an t les importat ions faites à Madagascar pour le

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compte des maisons étrangères que les exportat ions des produits de Madagascar à l 'étranger. Dans l 'ensemble de ces opérations l'Alle­magne joue un rôle prépondérant .

Depuis déjà longtemps, on lit journel lement dans les journaux des appels à la vigilance des firmes françaises coloniales pour qu'elles ne se laissent pas supplanter par les maisons étrangères, no t ammen t par les maisons allemandes, et qu'elles récupèrent le terrain perdu, comme si cela dépendai t un iquement de cet te vigilance. Il est plusieurs autres facteurs tou t à fait indépendants de l 'action de la firme coloniale et qui sont indissolublement liés à la reprise des affaires, aujourd 'hui entre les mains des Allemands. Ce sont prin­cipalement la marine marchande et l 'é tat des industries françai­ses susceptibles d 'employer les produits de la colonie.

Si les tarifs douaniers permet ten t à certaines industries fran­çaises de fournir la plus grosse par t de la consommation à Mada­gascar, ils ne suffisent pas à déterminer la prépondérance des mai ­sons co'oniales françaises.

L 'ab-orpt ion par la Métropole de la majeure part ie des produits de Madagascar pourrai t seule assurer cet te prépondérance. Or, la direction des produits est commandée par les facilités de t ranspor t et par les besoins industriels.

Il est évident que les produits qui peuvent être amenés sur un marché avec 20 ou 30 % d'économie auront tendance à se diriger sur ce marché où leur prix de revient sera plus réduit .

Il en résulte une a t t rac t ion des produits de Madagascar vers les ports al lemands. D 'aut re par t , il n 'es t pas moins évident que le produit a une égale a t t rac t ion pour les marchés voisins de leur emploi. Or, l 'Allemagne, qu'i l s'agisse de cuirs, de matières tanni -fères, de graphi te , de bois, de manioc, a des industries spéciales florissantes tou tes prêtes à employer ces produi ts .

Il en résulte que les facteurs p r inc ipaux propres à assurer la p ré ­pondérance commerciale des maisons françaises à Madagascar sont re la t ivement indépendantes de leur action, et que cet te p répondé­rance dépend en grande par t ie de la mar ine m a r c h a n d e et de l 'in­dustr ie métropol i ta ine . Nous avons déjà dit la nécessité de rendre à la marine son ancienne prospér i té . Quan t à l ' industr ie , il sem-

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ble que la Métropole devrai t avoir à cœur de donner à celles de ses branches qui peuven t employer les produi ts de la colonie un déve­loppement suffisant pour leur pe rme t t r e de les absorber. A vrai dire, il ne s 'agirait p a s de prendre en leur faveur des mesures pa r t i ­culières, il suffirait de ne pas gêner l'essor de l ' industrie française en général , pour que l 'on vî t b ien tô t se former et se développer les industries spéciales susceptibles d 'a t t i rer et d 'employer nos expor­ta t ions coloniales.

Avec des t r anspor t s et une industr ie française équivalents à ceux de l 'é tranger, avec le concours d 'une adminis t ra t ion que le souci de l ' intérêt français rendra au moins aussi favorable aux entreprises françaises que ne saura i t les rendre favorables aux intérêts é t rangers l 'action des consuls, nos commerçants seront impardonnables s'ils ne réussissent pas à assurer dans nos colonies la prépondérance du commerce na t ional . Nous avons confiance qu'ils y réussiront.

III

En ce qui concerne le crédit , Madagascar est intéressé à la solution d 'une question monéta i re locale et à l 'or ientat ion générale des capi­t a u x vers les entreprises coloniales, industrielles et mar i t imes .

L 'ut i l i té de l 'é tabl issement de la circulation fiduciaire dans la Grande Ile n 'a jamais été sérieusement contestée, et tous les éco­nomistes qui on t eu à s 'occuper du sujet sont unanimes pour en déclarer l 'oppor tuni té . Il y a déjà plus de 10 ans, un organe au to ­risé de l ' inspection générale des colonies signalait les lacunes et le t a u x onéreux du crédit à Madagascar et la nécessité de doter le pays des services que p e u t rendre la monnaie fiduciaire. E n 1910 l 'adminis t ra t ion locale se p la ignai t de l'insuffisance du s tock des espèces en circulation p a r r appor t aux chiffres, t a n t des recet tes budgétaires que du mouvement commercial , et cons ta ta i t le peu d'élasticité monéta i re , indispensable cependant à son développe­men t économique. La s i tuat ion n 'a fait que s 'aggraver .

La mise en p ra t ique de cet te circulation aura i t ce r ta inement pour conséquence une baisse de l ' intérêt de l 'argent qui ferait, chaque année, bénéficier la colonie d 'une somme I rès impor tan te . Madagas-

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car est d'ailleurs la seule colonie qui soit privée de cet ins t rument de t ravai l .

Cependant , depuis nombre d 'années, la question reste en sus­pens .

Les rappor t s des commissions spéciales succèdent aux rappor t s , tous favorables à l 'é tablissement de cet te ins t i tu t ion.

Des démarches successives du groupement des intérêts de Mada­gascar en France res tent infructueuses, sans que, il faut bien le dire, aucune objection soit opposée au bien-fondé de ses v œ u x . La solution ne pa ra î t pouvoir être ra isonnablement plus longtemps retardée. Il serai t v r a imen t incompréhensible que le commerce et l ' industrie, qui sont obligés de subvenir pour une si large p a r t aux besoins financiers de l 'É ta t , se voient refuser plus longtemps, sans motif plausible, et sans bénéfice pour personne, une impor­t an te source d 'économie dans leurs t ransac t ions .

L 'organisat ion de ce privilège d'émission faciliterait pour la colonie l 'organisation d 'une caisse de prêts agricoles qui aura i t sur le développement de l 'agriculture le plus heureux effet.

L 'œuvre à édifier à la fin des hostilités, nécessitera des cap i t aux considérables. Beaucoup devront t rouver t ou t d 'abord leur emploi à panser les plaies.

L 'or ienta t ion de ceux qui res teront disponibles devra être ména­gée avec le plus grand discernement . Elle devra , dans les circons­tances , ê t re t o u t à fait différente de celle du passé .

Sans vouloir récriminer sur ce passé, il est certain qu'i l faut t o u t préparer pour que l 'épargne française au lieu de se por te r pour une si g rande p a r t à l 'é tranger, en faveur d 'entreprises, le plus souven t indépendantes de la prospéri té nat ionale , et parfois opposées, soit canalisée, dans la mesure du possible, vers des œuvres françaises.

Les perspectives qu'offre Madagascar demanderon t des cap i taux impor tan t s qui sont susceptibles de t rouver une rémunéra t ion sa t i s ­faisante.

Des cap i t aux infiniment plus impor tan t s seront nécessaires pour assurer le développement de l ' industrie et de la mar ine marchande nat ionales , indispensable à celui des nos colonies.

Les grands établ issements financiers installés dans no t re p a y s sur des bases qui les rendent sinon maî t res de l 'épargne française,

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du moins si influents sur son emploi, devront s 'appliquer à faciliter une or ientat ion de cet te na tu re , comme l 'ont fait depuis si longtemps les établissements financiers al lemands dont certains ont des repré­sen tan ts dans les conseils d 'adminis t ra t ion de 150 et 200 sociétés pr ivées.

Mais ils ne le pour ron t et ne le devront , il faut bien s'en rendre compte , que le jour où les Pouvoirs publics auront donné à l ' indus­tr ie nat ionale des conditions d 'existence qui lui pe rme t t en t d'offrir aux cap i taux la sécurité et les chances de rémunéra t ion qui ont permis , dans leur pays , aux établ issements al lemands de diriger vers leur industr ie l 'épargne de leur clientèle.

Cette rapide et incomplète esquisse, qui n 'a fait qu'effleurer les questions capitales à la solution desquelles est lié le sort de la Grande Ile, suffit pour mont re r quel vas te champ s'offre à l 'ac­tion de ceux qui s ' intéressent à son avenir .

Mais elle mont re aussi que si le premier b u t à a t te indre , la pros­péri té de not re colonie elle-même, dépend en grande par t i e de mesures à prendre p a r sa propre adminis t ra t ion, le second, la liaison étroite de la colonie avec la Métropole dans cet te prospér i té , ne dépend guère que de mesures au pouvoir de la seule Métropole.

En conséquence, si la colonie peu t beaucoup p o u r a t te indre le premier résul ta t , elle ne p e u t pour obtenir le second que joindre sa voix au concert de celles qui ne manque ron t pas de s'élever en faveur de réformes indispensables, mais elle le peu t avec d ' a u t a n t plus d 'au tor i té qu'elle ne réclame de la Métropole que des services qui lui sont dûs en échange de ceux que la Métropole reçoit d'elle.

Rechercher et signaler ces réformes est sans doute plus aisé que d'en déterminer leur réalisation. L 'heure est cependant unique et décisive.

La France a devan t elle deux victoires à remporter . L 'une, sur les champs de batai l le , ne nous inquiète qu 'en raison des sacrifices sanglants qu'elle exige, l ' aut re , sur le terrain économique, n ' aura pas t rop de l 'union de lotîtes les bonnes volontés pour avoir chance d 'être ob tenue .

Le Président de, la Section de Madagascar, . E U G È N E H U H A N .

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RAPPORT présenté au nom de la Section de l'Indochine

de l'Union Coloniale Française

Monsieur le Président ,

Conformément au désir que vous aviez bien voulu m'en expri­mer, j ' a i réuni not re section de l ' Indochine à deux reprises, le 25 novembre et le 14 décembre, pour examiner les questions qui for­ment le programme de la Commission Consultative Coloniale consti­tuée par le Gouvernement et don t vous êtes Vice-Président. Vous trouverez ci-dessous le résultat des délibérations de notre section.

Nous avons pensé qu'i l convenai t de signaler t o u t d 'abord les mesures adminis t rat ives que l 'É ta t peu t prendre sans délai et qui répondent aux besoins reconnus de l 'heure présente. Quan t aux réformes d'ordre général qui nous on t paru désirables, nous les avons indiquées sommairement , de manière à permet t re à la Com­mission d 'émet t re des v œ u x dans le sens de nos desiderata, si elle le j u g e à propos. Mais c e s réformes, dont quelques-unes devraient être opérées par voie législative, sont une œuvre de longue haleine, qui peut être étudiée par des sous-commissions avec lesquelles not re section collaborerait volontiers .

I. — Questions douanières : mesures administratives

A. Décrets promulgués au début de la guerre. — Les uns suppri­men t les droits sur des impor ta t ions étrangères, les autres prohibent l 'exportat ion de France aux colonies de certains produi ts . Notre section a demandé, que le tari'!' douanier soit rétabli en ce qui con­cerne l e s riz d ' Indochine et les maïs et, d ' au t re par t , que les autori­sations exceptionnelles pouvan t être accordées par les directeurs d e s douanes d e s ports d ' expédi t ion soient délivrées sans retard et

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toujours dans un esprit libéral. Nous avons estimé qu 'une des con­ditions de la reprise des affaires coloniales é ta i t l 'application d 'une incessante bienveillance aux requêtes légitimes des commerçants et des industriels à cet égard.

Enfin, notre section a formulé, au sujet des décrets dont il s'agit, une observat ion don t le bien-fondé ne manquera pas de frapper la Commission Consultat ive. Quelques-uns des décrets v isant des productions exclusivement coloniales ne por ten t pas la signature du Ministre des colonies, qui n ' aura i t même pas, à ce qu 'on nous assure, été consulté sur des matières qui ren t ren t essentiellement dans ses a t t r ibut ions . Il faut év idemment voir dans cette omission la' cause des erreurs qui on t été commises e t qui on t mot ivé les réclamations don t not re section s'est faite l ' interprète.

Notre section exprime le v œ u que M. le Ministre des colonies soit toujours associé à l 'élaboration de tous les actes de la puissance publique lorsque ces actes touchent à des questions intéressant les colonies. Nous vous serions reconnaissants, Monsieur le Président , de vouloir bien demander à la Commission Coloniale d 'émet t re un vœu dans ce sens,qui será d'ailleurs conforme a la raison et à l 'équité

B. Suppression des droits d'entrée sur les riz étrangers à leur entrée en France — A la date du 13 aoû t un décret a suppr imé à par t i r du 14 du même mois, en France e t en Algérie, les droits d 'entrée sur les riz bru ts , brisures, entiers, farine et semoule. Un deuxième décret (19 novembre) a modifié les dispositions qui précèdent, ma in tenan t la suppression des droits d 'entrée sur les riz b ru t s , maïs, e t réduisant à 3 francs le droit sur les brisures de riz et à 4 francs le droi t sur les riz entiers et semoule. Ce second décret, pris peut-être unpeu hât ivement , sans examen suffisant de la question et des inté­rêts en cause, édicté des dispositions spéciales et dérogatoires aux tarifs en vigueur en temps normal , au grand dé t r iment de l 'agri­culture et du commerce indochinois; l ' Indochine, don t les intérêts v i taux sont en jeu, protes te v ivement .

Ce n 'es t cer ta inement pas là le résul ta t qu ' ava ien t en vue les auteurs du décret du 19 novembre 1914; son abrogat ion s'impose immédia tement et le retour pur et simple aux dispositions en vigueur a v a n t la guerre sera conforme au droi t e t au respect de l ' intérêt général.

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Au surplus, il convient de rappeler que les tarifs don t nous deman­dons le rétablissement on t été soigneusement étudiés a v a n t leur vote, quand la loi fut faite. Or, cette loi a précisément, après une longue discussion, refusé d ' admet t re ce qu 'on obt iendrai t ainsi par un moyen de fortune. Cela est inadmissible; personne ne sau­rai t concevoir qu'il soit porté a t t e in te aux dispositions qui régissent la matière en temps normal par une mesure exceptionnelle que ne commande pas l ' intérêt général.

D'une façon générale, la suppression des droits de douane étai t une sage précaution au début de la guerre, mais le m o m e n t est venu d'envisager le rétablissement des droits sur les riz étrangers. Cette suppression a eu pour inconvénient de permet t re l ' introduction de fortes quant i tés de riz de Birmanie alors que des stocks impor­t an t s res ta ient en magasin en Indochine. Les prix de cet te céréale on t no tab lement baissé à Saigon; la s i tuat ion de la colonie tend à s 'aggraver par suite des offres de plus en plus considérables de riz indiens. Il faut aussi remarquer que la grande consommation de l 'Allemagne et de l 'Autrichc-Hongrie faisant défaut, la Birmanie cherche des débouchés en France , ce qui amène une dépréciation cons tante des riz de Cochinchine. L ' impor tance des stocks de la vieille récolte comme les prévisions trr:s satisfaisantes de la récolte prochaine de la Cochinchine, aussi bien qu 'en Birmanie d'ailleurs, von t encore peser sur les cours. Notre section de l ' Indochine, con­sidérant que les riz d ' Indochine on t suffi jusqu 'à ce jour à al imenter la Métropole, que l ' In tendance s'est la rgement approvisionnée, a pensé que l 'heure é ta i t venue de revenir à l 'é ta t de choses d ' avan t la guerre. Celte solution s'impose pour les deux aut res raisons sui­vantes :

1° La vente du riz est à peu près la seule ressource de la popula­tion indigène; celle-ci e s t — à n'en pas douter — dévouée à la France , mais le momen t serait cer ta inement mal choisi pour l ' indisposer.

2° Une forte impor ta t ion de riz indochinois dans la Métropole est indispensable à l 'amélioration du change; puisqu'elle const i tue le moyen presque unique de la remise en France des fonds à rapatr ier de l ' Indochine.

C. Suppression des droits d'entrée sur le maïs en grains â leur entrée en France. — Pa r une décision en date du 4 aoû t dernier, les

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droits d 'entrée sur les maïs en grains ont été supprimés. Ce décret a eu pour conséquence de permettre aux maïs étrangers, à ceux de la P ia ta , par exemple, de concurrencer les maïs en provenance d'I ndoeliine.

I , 'exportation du maïs ayant cette dernière origine a a t te in t une moyenne d'environ 0 millions pour les années 1910, 1911 et 1912. La culture de cette céréale .semble devoir const i tuer pour les popu­lations annamites un élément très appréciable d'échange, et si, par suite de la baisse des cours, cessant d 'être rémunératr ice, elle était délaissée, il est probable que les cul t ivateurs indigènes ne la reprendraient pas .

Nous avons demandé à M. le Ministre des < olonies d'insister auprès de ses collègues des finances, de l 'agriculture, de l 'inté­rieur et du commerce pour que le décret précité soit rappor té dans l ' intérêt de l ' Indochine, comme ne répondant plus à une nécessité de la défense nat ionale .

I). Exceptions aux décrets de prohibition. -— La Société française des charbonnages du Tonkin nous a demande'; de signaler à M. le Ministre des colonies la necessiti' d 'approvisionner les entreprises minières de; l ' Indochine en dynamite;. Quelques sociélés du Tonkin possèdent des stocks le;ur pe rmet tan t de continuel' leur exploita­tion pendant quelque temps encore, mais si l ' interdiction prononcée par- b' décret du '? I juillet se prolongeait, elles seraient forcées ite suspendre lemrs t r avaux et eie licencier leurs chantiers, eu; e|ui pxéju-dicierail, non seulement à leur propre industrie, mais aux flottes alliées, aux services publics du protectorat, aux compagnies de navigation, à la colonie tou t entière,

E. Atténuation de droits d'entrée en Indochine. En l'état ai ' tuel, l'exécution de t ravaux neufs très importants ne semble pas devoir être décidée par le; Gouvernernenl. Quand les circonstances seront différentes, les t ravaux commenceront sans doute par des terrasse­ments et des maçonneries; les éléments métalliepues (pemts et char­pentes métalliques, matériel, etc.) n ' in terviendront qu 'ensui te , abstraction faite de; l 'outillage des chantiers. Quelle sera, à ce moment , la s i tuat ion de l ' industrie nationale;? Il nous a semblé qu'il é tai t oppor tun d 'examiner s'il ne serait pas équitable d'accor­der, le moment , venu, l ' a t ténuat ion des droits de douane sur les

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matér iaux et l 'outillage destinés aux t r avaux en cours et aux entre­prises projetées, dans le cas où il serait impossible de se les procu­rer dans la Métropole à des condit ions normales. Cette a t ténuat ion de droits serait déterminée de telle sorte que la charge résultant de la si tuation créée par la guerre fût partagée équi tablement entre la colonie et les entreprises.

F. Prorogation des crédits d'exportation. — Aux termes de la loi du 31 décembre 1909, les poivres de l ' Indochine française ne sont admis au régime de la détaxe à leur entrée en France que jusqu 'à concurrence d 'un crédit annuel fixé par décret tous les trois ans . Or, la guerre a eu pour résul ta t inévitable d 'entraver l 'exportat ion de ces poivres de telle sorte que le crédit prévu ne pourra être épuisé dans le délai réglementaire.

Il conviendrai t de proroger jusqu 'à la fin de 1915 le délai d'ex­por ta t ion des poivres contingentés de la récolte de 1914.

G. Introduction en franchise des huiles lourdes de pétrole et de houille destinées à l'alimentation des moteurs à combustion. — Au cours de sa réunion du 14 décembre, not re section a examiné la question de l ' introduction en franchise des huiles louides en Indochine. Les huiles minérales de tou tes espèces y sont frappées d 'un droit de 4 francs par 100 kilogs. A ce droit de douane s'ajoute mêm^ un droit de consommat ion de 6 francs par 100kilogs,lequel ne s 'applique qu ' aux huiles destinées à l 'éclairage. Mais le droit de 4 francs frappe les résidus de l ' épurat ion du pétrole. Or, ces produits sont devenus, dans le monde entier, l 'objet d 'une utilisation considérable puisqu'ils servent à al imenter les moteurs à pétrole inventés depuis quelques années. Le tarif de 40 francs la tonne sur ces résidus est un tarif absolument prohibitif, il arrive f réquemment que, seul, le moteur à pétrole puisse être employé, par t icul ièrement au Laos, au Cambodge et en Annam, pa r tou t où le charbon ne peut être t rans­porté ou l 'est difficilement. D 'aut re part , l 'emploi d 'un moteur à vapeur nécessite des frais considérables; il exige aussi une adduc­tion d'eau impor tan te pour les chaudières et le condenseur, toutes choses souvent rares dans la brousse. Au contraire, le moteur à pétrole, beaucoup moins cher, plus mobile, suffisant aux besoins de force modestes, serait d 'un emploi ex t rêmement avan tageux pour les planteurs , pour les colons, pour les commerçants isolés. Or, la

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tarification actuelle n 'en permet pas l 'usage. D 'aut re part , la suppression du droit ne serait pas pour le budget une cause de diminution de iecettes puisque, dans l 'état actuel, aucune quan t i t é d'huile lourde de pétrole n 'en t re dans nos possessions d 'Ex t r ême-Orient. Nous ajoutons qu'i l serait possible, à la rigueur, de frapper cet te matière d 'un léger droit, sans en réduire sensiblement l ' impor­ta t ion ; ce serait pour l 'administrat ion l'occasion d 'une perception qui, si faible fût-elle, ne se produirai t pas sans cela. Le Gouverne m e n t général de l ' Indochine a été saisi de cet te question en 1900. La fin de non recevoir que la direction des douanes a opposée alors é ta i t motivée par le souci de protéger les charbonnages de l ' Indo­chine et par la crainte de voir é tendre à d 'autres produits considérés comme huiles lourdes la mesure sollicitée. Cette appréciat ion ne para î t pas exacte, car, d 'une par t , les charbonnages de l ' Indochine n 'on t pas, à notre connaissance, élevé de protestat ions à ce sujet ; il semble bien d'ailleurs que les huiles lourdes don t il s 'agit seraient employées par une clientèle t o u t à fait différente de la leur; et, d 'aut re par t , au point de vue fiscal, aucune objection ne peut être va lablement opposée, puisque, seul, l 'é tat de choses que nous préco­nisons permet t ra i t l 'entrée d 'une mat ière qui, présentement , est exclue par un tarif prohibitif; enfin, q u a n t à la confusion possible des huiles à dest inat ion spéciale que nous visons, avec d 'autres pro­duits similaires, la crainte de la direction des douanes n 'est certai­nement pas justifiée; tou te confusion est impossible en présence de not re spécification spéciale; c 'est une simple question de contrôle.

Pour foutes ces raisons, nous avons demandé à M. le Ministre des colonies d ' intervenir auprès du Gouverneur général afin que celui-ci se mont re favorable au dégrèvement des huiles lourdes de pétrole et de houille destinées à l 'a l imentat ion des moteurs à combust ion.

Cette demande intéresse tout, à la fois l 'administrat ion et le commerce; nous avons l'espoir que, mieux étudiée, clic recevra cet te fois un accueil favorable.

H. Suppression des droits de transit sur les marchandises à destina­tion du Laos siamois ; le Laos français mis en zone franche. — Le 7 janvier 1913, notre section a examiné cet te question dont l 'Union coloniale a saisi M. le Ministre des colonies le 11 mars 1913.

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Le Laos est soumis, comme le reste de l ' Indochine, au tarif métropoli tain à l ' importat ion des produits étrangers et, d 'aut re part , les marchandises étrangères qui emprun ten t le territoire de la colonie doivent acqui t ter des droits de t rans i t fixés à 20 % des droits de douane (1). Or, il se t rouve que le Laos français importe peu de chose pour son propre compte, mais consti tue, grâce au Mékong, la voie la plus facile et la plus courte vers le Laos siamois; il est donc de tou te évidence que cet te voie devrai t être laissée libre, afin qu 'un courant commercial vers les pays de la rive droite du Mékong puisse s 'établir par notre colonie, y appor t an t un peu.de vie économique et donnan t ainsi quelque réalité à l'influence que les traités nous on t reconnue dans la zone l imitrophe.

Cet é ta t de choses nouveau aura i t d ' incontestables avantages pour les populations du Laos siamois, lesquelles auraient à supporter des frais de t ranspor t moitié moindres par la voie française du fleuve que par la route siamoise. D 'aut re par t , le por t de Saigon et la navigation fluviale indochinoise y t rouvera ient de nouveaux éléments de trafic; les marchandises françaises, suivant bientôt le pavillon national , ne ta rdera ient pas à bénéficier d ' impor tants débouchés; les finances de l ' Indochine n 'y perdraient rien, puisque, d'un côté, la législation douanière joue très imparfai tement au Laos et que, de l 'autre, l 'élévation des droits de t rans i t fait que ceux-ci ne s 'appliquent à aucune marchandise. Avec l 'abolition de ces droits et la const i tut ion en zone franche des territoires du Laos français, au contraire, on permet t ra i t au commerce nat ional de lutter à armes égales contre la concurrence étrangère.

En Indochine, les corps élus on t émis des v œ u x dans le sens de la réforme dont il s'agit. Le conseil du Gouvernement consulté, a donné un avis favorable, à la suite d 'un r appor t dans le même sens de l 'administrat ion. Le Gouvernement général y a donné son adhésion. Aussi bien, le Ministre des colonies n 'a t -il pas hésité à préparer à la fois et un projet de décret po r t an t suppression des droits de t rans i t en Indochine, et un projet de loi t endan t à modifier

' I 1 Ces droits , fixés a 20 % dos droits du tarif général , équivalent a 6 % de 'a valeur de la marchandise; soit le doub le e x a c t e m e n t du droit perçu par la douane s iamoise à Bangkok, lequel est de :i % ad valorem.

L E S C O L O N I E S E T L A DEFENSE N A T I O N A L E 18

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le régime douanier du Laos pour l 'organisation de son terri toire en zone franche pour les droits à l ' importat ion. Ce projet de loi a été déposé sur le bureau de la Chambre des députés le 6 mai 1913 et renvoyé à la commission des douanes. Le Ministre des colonies, pour ne pas re tarder une mesure dont il a recomju l ' incontestable utili té, et sans a t tendre le vote de la loi, a préparé un projet de décret actuellement soumis au Conseil d 'É ta t . Il serait intéressant que la solution fut hâtée .

L Suppression des droits de transit sur les marchandises â desti­nation du Yunnan. — Notre section n 'a pas méconnu la valeur des objections é'evées contre cet te mesure. Les unes, formulées par l 'administrat ion, sont d 'ordre.fiscal, les autres émanent d ' indus­triels locaux.

Quelques-uns de nos collègues on t pensé que la protection accor­dée aux cotons fabriqués en Indochine ne devai t pas avoir d'influence sur le commerce t o u t entier. Sous le bénéfice d e cet te observation nous croyons que le Gouvernement général et les filateurs ne se montrera ient pas hostiles à un remaniement équitable des droits actuels lorsque la question sera examinée par eux dans son ensemble. Il est d 'ailleurs probable que le Gouvernement ne t a rde ra i t pas à récupérer ce qu'il perdra i t par cet te suppression au moyen de la majorat ion qui en résulterait de sa part icipat ion aux bénéfices du chemin de fer.

./. De l'application en Indochine des conventions commerciales à conclure par la Métropole avec les pays étrangers.

Les désirs de l ' Indochine se sont maintes fois affirmés sur ce sujet; il lui pa ra î t indispensable que toutes les fois que la France conclut avec une puissance étrangère une convention commerciale, le sort fait à ses colonies soit réservé, ou t o u t au moins suspendu pendant un délai suffisamment long. P e n d a n t ce temps, chaque colonie pourra, dans les conditions et formes habituelles, proposer à la Métropole un projet particulier, compor tan t des concessions et des avantages spéciaux et réciproques pour les part ies en cause. Les négociations seront menées par le Gouvernement français, qui sera habil i té à conclure la convent ion.

Les raisons prat iques de cet te manière de procéder sont si évi­dentes qu'il ne nous para î t pas utile de les développer-

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II. — Transports Maritimes

E n ce qui concerne la France, le développement de notre marine marchande est la condition du progrès de notre industrie et de notre commerce aux colonies, par la raison bien simple que le fait de confier des marchandises d 'exporta t ion à des pavillons étrangers tend à favoriser des nations concurrentes. Il est également hors de doute que, seules, des lignes régulières créent des rappor ts perma­nents entre les producteurs et la clientèle. Il ne nous appar t ien t pas d'indiquer ici les modifications à apporter à la loi de 1906 et à celles qui concernent la caisse de prévoyance, les pensions et demi-soldes des inscrits, la sécurité de la navigat ion et la réglementation du travail à bord des navires, au régime disciplinaire des inscrits, à la répression de l'alcoolisme, à la fixation des droits de quai, e t c . . Il est clair que tou te la législation actuelle, inspirée souvent de considérations étrangères au bien de la marine commerciale, fait peser sur l ' a rmement des charges t rop lourdes et qui placent nos compagnies de navigat ion et nos armateurs dans une position d'infé­riorité. Il est certain que l'échelle des prix de fret est influencée et comme conditionnée par cet ensemble de dispositions et que le remaniement, dans un esprit d 'équité éclairé, des lois et règlements auxquels nous faisons allusion, sera nécessaire pour qu'il soit tenu compte, dans la mesure convenable, des desiderata qui ont. été exprimés au cours de nos réunions. Nous savons, Monsieur le Prési­dent, que vous avez fait devant la Commission Consultat ive une amp!e communicat ion à cet égard. Aussi bien, nous bornerons-nous i vous signaler une mesure urgente dont l 'adoption donnerait , provisoirement t o u t au moins, satisfaction aux représentants des intérêts Français en Indochine.

Depuis le début de la guerre et à raison de la pénurie du trafic, la Compagnie des Messageries Maritimes a main tenu son service de paquebo t s sur Saigon et l 'Extrême-Orient , mais le service de vapeurs mixtes n 'a plus été assuré qu 'une fois pa r mois et a l terna­t ivement pa r les vapeurs des deux compagnies (Messageries Mari­t imes et Chargeurs Réunis) .

II est incontestable que cet te organisat ion p o u r laquelle l 'É ta t n 'es t in tervenu, en ce qui concerne la Compagnie des Chargeurs

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276 RAPPORTS DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

Réunis , que pour la couver ture des risques de guerre, est insuffi­san te . La Compagnie des Chargeurs Réunis devrai t , de concert avec les Messageries, assurer p e n d a n t le t emps de guerre, comme elles le faisaient a u p a r a v a n t , un double service mensuel de vapeurs mixtes sur Saigon et Ha ïphong concur remment avec le service des paquebots (Messageries Maritimes) de toutes les deux semaines touchan t à Saigon, de manière que ce po r t soit desservi chaque semaine et Ha ïphong chaque quinzaine:.

La Compagnie des Chargeurs Réunis ne demandera i t à l 'É ta t qu 'une assistance rédui te , mais elle déclare que celle-ci lui est indispensable. Elle propose d'effectuer les services sans bénéfice industr iel ; elle é tabl i ra i t un compte de recettes, la différence serai t supportée pa r l 'É t a t ; si, au contraire , un bénéfice é ta i t réalisé, le bénéfice serait pa r t agé entre l 'adminis t ra t ion et la compagnie . Il s 'agirait d 'une subvent ion à base var iable d u r a n t la guerre .

La section, sans vouloir se prononcer sur la forme de la combi­naison financière, a été unan ime à demander que les proposit ions de la compagnie soient acceptées q u a n t à l 'organisation du service. Pour l 'avenir, la par t ic ipat ion de la France au mouvemen t de la navigat ion de l ' Indochine devra appeler tou te not re a t t en t ion . E n effet, le pavillon al lemand se classait au deuxième rang avec 483 uni­tés et accaparai t le commerce mar i t ime entre Hong-Kong et les por ts de nos possessions.

COMMUNICATION PAR MER ENTRE LES DIFFÉRENTS PAYS

D E L'UNION 1 N D 0 C H I N 0 I S E .

Chacun sait combien les communicat ions pa r mer entre le Tonkin et l 'Annam, l 'Annam et la Cochinchine sont difficiles; à p a r t les rares services des lignes des Messageries Maritimes et des Chargeurs Réunis, qui ne touchen t qu ' aux por ts impor tan t s à dates espacées, rien ne pe rme t les relations de ces pays , entre eux, alors cependan t que les communications pa r voie de terre sont commercialement imprat icables .

Il serait à désirer que cet te question a t t i r â t l'attention bienveil­lante de la Commission.

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DES RÈGLES APPLICABLES AU TRANSPORT EN DROITURE

Les circonstances actuelles donnent une urgence tou te par t icu­lière à cet te question ; il nous pa ra î t utile de rappeler ici l 'exposé que la Fédérat ion intercoloniale, section de l ' Indochine, faisait à ce sujet en juin 1912 au Congrès nat ional pour la défense et le dévelop­pement du commerce extérieur, à la Chambre de commerce de Paris .

« La loi du 16 mai 1863 subordonne l 'application de t o u t régime de faveur au t r anspor t en d ro i tu re ; elle dispose en son article 23 :

« Les modérat ions de droits établis en raison des pays de prove­nance ou de product ion ne sont applicables que lorsqu'il est justifié que les marchandises on t été importées en droi ture des pays de provenance ou de product ion désignés pa r la loi, et qu'elles y on t été prises h t e r re .

« La loi n ' a pas défini, d 'une façon précise, ce qu 'es t le t r anspor t en d ro i tu re ; l 'usage a consacré un certain nombre de règles qui font jur isprudence; voici ce qu ' ind iquent , à ce sujet, les observat ions préliminaires, article 56 et su ivants :

« P a r t r anspor t direct pa r mer, on entend le t r anspor t effectué pa r un même navire , depuis le lieu de dépar t jusqu 'au lieu de dest inat ion, sans escale, ou avec les formalités auxquelles la faculté d'escale est accordée.

« Le t r anspor t direct n 'es t pas in te r rompu en cas d'escale dans un por t é t ranger , lorsque les marchandises du régime de faveur n ' on t pas qu i t t é le bord.

« Les compagnies françaises ou étrangères qui exploi tent une ligne principale de b a t e a u x à vapeur , it laquelle se r a t t a c h e n t des lignes secondaires, sont autorisées à t r anspor t e r sur les vapeurs de la ligne principale les marchandises apportées pa r les b a t e a u x des lignes secondaires : les marchandises ainsi t ranspor tées conservent le bénéfice du régime qui leur est applicable d 'après leur provenance pr imi t ive .

« Cette faveur s 'étend aux services établis en t re la F rance , Constant inople , les Échelles du Levan t , ainsi qu ' en t r e la France e t les pays hors d 'Europe .

« Dans tous les cas, il faut que le t r anspo r t soit fait sous un môme pavillon et pa r des navires de la même compagnie ; le voyage

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effectué depuis le po r t de t r ansbordement jusqu 'au po r t français de dest inat ion doit const i tuer la par t ie principale du voyage to ta l .

« Hors le cas de force majeure, et sauf les tolérances ci-dessus, toute marchandise t ransbordée , qu' i l y ai t eu ou non mise à terre, 'en cours de t r anspor t pa r mer, est réputée arr iver du lieu où le t r ansbordement a été effectué.

« Ces règles très strictes peuven t avoir, dans certains cas, pour l ' Indochine, d'assez graves inconvénients ; prenons l 'exemple de marchandises indochinoises à dest inat ion de Madagascar ou de la Réunion; débarquées à Djibouti , elles pour ron t être réexpédiées sur leur lieu de dest ination sans perdre le privilège subordonné au t ranspor t en droi ture, mais à la condition de continuer leur trajet pa r la même compagnie (à la condition aussi que le service des douanes n ' in terprè te pas les règlements d 'une façon trop restric­t ive) . Or, la Compagnie des Messageries Maritimes, qui seule touche à Djibouti, venan t d ' Indochine , me t t r a bien la marchandise à terre dans ce port , niais elle ne peu t s 'engager ferme à la reprendre pa r ses ba t eaux al lant de Marseille à Madagascar et la Méunion, avec escale à Djibouti, parce qu'elle fait généralement au dépar t de Marseille le plein, précisément pour Madagascar et la Réunion ; pour éviter les risquas d 'un séjour prolongé à Djibouti, les marchandises, v e n a n t d ' Indochine, à desi inalidii de ces deux colonies, sont obligées, après avoir touché' à Djibouti, de cont inuer sur Marseille, pour être, de là, réexpédiées sur leur lieu de destination finale; ce t te marchandise fail donc, en pure perte, le voyage d e Djibouti à Mar­seille et celui de Marseille à Djibouti . (1 en serait différemment si la marchandise, débarquée à Djibouti, pouvai t être réexpédiée, foutes précautions [irises contre la fraude, sous pavillon quelconque, sur le lieu de dest inat ion, sans avoir perdu son droit au t ra i t ement de faveur.

« Voilà un exemple; en voici un au t re . Les marchandises indo-chinoises à des! inai io h de la Nouvelle-Calédonie, sont nécessai­rement mises à terre à Singapore et réembarquées sous pavillon différent; il n 'exi«tc pas de relations directes entre les deux colonies françaises ; or, en droit , il n 'y a pas de doute , les règles de la droi ture ne sont pas observées; et il n 'es t pas possible, en l 'é ta t actuel des choses tou t au moins, qu'elles le puissent ê t r e ; en conséquence, le

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privilège reconnu aux échanges intercoloniaux pa r l 'article 5 de la loi du 11 janvier 1892, ne jouera jamais dans ce cas.

« Certes, les agents des douanes s 'inspirent généralement, dans un large esprit de tolérance, de la disposition qui édicté que : « pour les l ignes, 'autres que régulières, les chefs locaux peuvent autoriser les dérogations compatibles avec les intérêts à sauvegarder», mais cela, c'est l 'arbitraire, un arbitraire souvent bienveillant, mais instable; les négociants Indochinois désirent un tex te qui les met te à l'abri de tou te surprise.

« 11 semble donc indispensable de réglementer d 'une façon plus précise; le t ranspor t en droiture, dans un large esprit de tolérance qui, t o u t en écar tant les possibilités de fraude, t ienne compte des nécessités commerciales. »

Notre section ne peut que faire siennes ces propositions.

III. — Correspondance télégraphique

Le 19 novembre, M. le Ministre du commerce et des postes et télégraphes nous avisait qu' i l avai t décidé d'autoriser à part i r du 20 novembre, l 'emploi du langage convenu entre la France, l'Algérie et la Tunisie, d 'une part , et les pays hors d 'Europe desser­vis par le réseau sous-marin français, d 'aut re par t . Mais il a joutai t que les communicat ions télégraphiques avec nos colonies de l'Océan Indien et de l ' Indochine faisaient l 'objet de négociations qui se poursuivaient avec les divers offices étrangers intéressés, no tam­ment avec l'Office anglais. Nous avons insisté pour que ces négo­ciations aboutissent dans le plus bref délai possible. Notre section de l ' Indochine a été unanime à signaler les très graves inconvénients de l 'état de choses actuel. En effet, les Anglais conservent l 'usage du langage convenu dans leurs correspondances télégraphiques, ce qui place Hong-Kong et Singapore dans une si tuation privilégiée vis-à-vis de l ' Indochine française pour l 'ensemble du commerce et èo particulier pour celui des riz. D 'aut re par t , la correspondance en clair offre de grands inconvénients à raison de l'indiscrétion loi'ii connue des Annamites qui t ranscr ivent et por ten t les télé­grammes.

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IV. — Ravitaillement de l'Indochine cl de la Métropole

Pour ce qui concerne l ' importat ion en Indochine de nos produits , on peut dire que les événements actuels n 'ont pas troublé profondé­ment les t ransact ions . Malgré les réquisitions, malgré la pénurie de personnel résul tant de la mobilisation, les fournisseurs ont pu exé­cuter les commandes dans les délais presque normaux, d 'une manière générale, sans hausse excessive.

Pour certains produits cependant , tels que les sucres et les farines, la hausse a été telle que les exportat ions ont été arrêtées, mais l ' Indochine a pu, très facilement, s 'approvisionner sur les marchés d 'Extrême-Orient , à Hong-Kong principalement. On peut donc dire qu'il n 'y a pas eu en Indochine de crise d 'approvisionnements, bien que pendant les mois d 'août et de septembre il s'y soit produit un ralentissement marqué de la demande et que, aujourd'hui encore, les affaires se ressentent de la si tuation générale. Dès que la reprise des t ransact ions aura lieu, t ou t porte à croire qu'il sera possible de satisfaire aux demandes, si en France les conditions du travail et des t ranspor t s continuent à s'améliorer. Toutefois, cette prévision pourra i t n 'ê tre pas exacte pour une certaine catégorie de produits : nous voulons parler des tissus de coton, fabriqués en grande part ie dans les Vosges et dans le Nord. L'industrie du tissage y a é té to ta ­lement arrêtée deprfis la mobil isat ion. Les faibles quant i tés que l'on a pu expédier é ta ient celles qui, déjà fabriquées à ce moment , se t rouvaient en stock dans les tissages ou les établissements de manu­tention. Elles von t être — si elles ne le sont déjà — épuisées. Il y avai t heureusement, lors de la déclaration de la guerre, des stocks très impor tan ts de cotonnades en Indochine. A raison de l ' impor­tance de la consommation, il y a lieu, néanmoins, de se préoccuper sans retard des moyens de reprendre en France la fabrication de ces articles. Si l ' interruption de la fabrication se prolongeait, l ' Indochine pourrai t probablement tirer d'Angleterre et des États-Unis les quan­ti tés de cotonnades qui lui seraient nécessaires, mais ce serait là un pis aller.

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INDOCHINE 281

Au regard de la Métropole, l ' Indochine est un véri table grenier d 'abondance en riz. Le t ranspor t de cet te céréale se fait part ie par les lignes régulières, part ie par des vapeurs affrétés.

La liberté des mers, assurée par les flottes alliées, a permis le t r anspor t de toutes les quant i tés achetées. L 'É ta t a réquisitionné les arrivages au débu t de la guerre. Depuis, il a procédé lui-même, sur place, à quelques achats . Les stocks entre les mains du commerce, dans les ports français, sont larges. Il reste encore à Saigon plu­sieurs centaines de mille tonnes à exporter . Sous ce rappor t , la s i tuat ion est donc satisfaisante.

En ce qui concerne l ' importat ion austro-al lemande, une remar­que d 'ordre général doit être faite t o u t d 'abord, à savoir que l 'Union indochinoise est soumise au régime douanier de la Mère-Patrie. Con-séquemment , l ' Indochine n ' impor te guère que des produits fran­çais. Les pr incipaux articles austro-allemands qui y étaient intro­duits é taient les suivants : machines, outils divers, lampes à pétrole, ferblanterie, émaillerie, quincaillerie, tr icots à mailles, bonneterie, bas e t chaussettes, produits chimiques, matières colorantes, bis­cuits . Au sujet de ce dernier objet, nous avons reçu cet te communi­cation d'un membre de notre section : « La concurrence faite à l ' industrie française de la biscuiterie par l ' industrie allemande est assez appréciable. En Indochine, l ' importat ion al lemande depuis quelques années a accaparé la consommation des Annamites . Presque tou te l ' importat ion des biscuits pour cet te clientèle est assurée par Hambourg . Le succès des biscuits al lemands est uni­quement dû aux boitages blancs illustrés, qui font passer la quali té inférieure du produi t à la faveur du joli aspect de l 'enveloppe. Cer­taines mesures doivent être prises pour modifier cet te si tuat ion.»

La quest ion du développement du commerce général de l ' Indo­chine est liée à celle de la création dans la Métropole d 'un grand marché colonial, suivant des principes qui reçurent l 'application q u e l'on sait dans certains pays étrangers. La subst i tut ion de not re commerce à celui de nos ennemis est, en effet, subordonnée à une politique économique qu ' i l appar t ien t au Gouvernement de prat i ­quer résolument, en t e n a n t compte des leçons d 'une expérience sur laquelle il ne nous appar t i en t pas d'insister au t rement .

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VI. — Crédit — Avances aux entreprises agricoles

Nos possessions -d 'Extrême-Orient sont dotées d'un ins t rument de crédit gui m o i s donne satisfaction : nous voulons parler de la Banque de l ' Indochine. Ce conseil d 'adminis trat ion de la Banque a décidé de reprendre en grande partie les escomptes de papier sur l ' Indochine et hi cours de la piastre s'est d'ailleurs, amélioré. D'au­t re part , les prévisions en ce bui concerne la production agricole sont favorables et nous autorisent à envisager l 'avenir de la colo­n i e avec un certain optimisme. D'une manière générale, on peut dire ipie les affaires locales n 'ont pas été affectée-! sensiblement-pa r les événements de la guerre. Pour l 'exportation à dest ination de la Métropole, nous ne doutons pas que la Banque de l ' Indochine ne soif disposée à prêter son concours. Pendant la durée de la guerre, il est à prévoir q u e la Banque ne pourra intervenir que dans la limile de ses disponibili!és. Or, celles-ci, en Europe, sont rédui­tes, d 'une pa r t parce qu'elle ne t rouve plus aupiès de la hau te ban­que, obligée elle-même de restreindre ses opérat ions, les facilités qu'elle avai t avan t la guerre, et, d ' au t re pa r t , parce que son por te ­feuille n'est, pas immédia tement réalisable. Si la Commission Con­sul ta t ive envisageait par t icul ièrement pour l 'avenir l 'organisation

V. — Mobilisation du personnel des entreprises privées

Dans certaines de nos colonies, le Gouvernement a donné des instructions pour qu'il soil tenu compte des nécessités économi­ques. Il serait à propos d 'é tendre ces sages dispositions à l ' Indo­chine, pour que nos maisons de commerce ne se t rouven t pas dans une fâcheuse infériorité vis-à-vis de leurs concurrents étrangers, à l 'heure même où elles doivent déployer une exceptionnelle acti­vi té . 11 semble que l'on pourra i t const i tuer au Gouvernement géné­ral une < ommission qui, comme cela se fait en Afrique Occiden­tale française, maint iendrai t en fonctions une proportion déter­minée de directeurs et d 'agents principaux.

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du crédit destiné aux colonies, il semble J u e l'on doive considérer que la France aura besoin de la presque t o t a l i t é de ses ressources. Toutefois, dans les milieux financiers, on'préÇume qu'il sera possi­ble, dans une certaine mesure, d'organiser entre les colonies et la métropole une circulation de capi taux susceptibles d 'assurer la con­t inuat ion normale des échanges. Il faudra profiter de la période de recueillement qui suivra immédia tement la paix pour élaborer le p rogramme de la mise en valeur de notre domaine colonial et pour étudier les moyens d'y acheminer l 'épargne. Il n 'es t pas douteux que l 'É ta t rie t rouve les cap i taux indispensables et il est à espérer que le Par lement appliquera alors aux questions coloniales un esprit et des méthodes conformes aux nécessités de l 'heure

A ce moment , la question de l ' inst i tut ion du crédit agricole se p e s e r a en Indochine. Deux expériences malheureuses y ont été faites qui pe rme t t en t de condamner les prê ts hypothécaires . Nos caisses régionales pour ron t être constituées au moyen de capi taux français et indigène». Le Gouvernement aiderait les caisses su ivant un système inspiré de celui qui est p ra t iqué dans la Métropole. Une banque négocierait les effets et les réescompterai t à la Banque de l ' Indochine.

Mais, sans a t t endre que cet te inst i tut ion soit un fait accompli, il y a lieu d 'examiner une question dont la section a été saisie pa r M. Outrey , député de la Cochinchine, et des représentants autor i ­sés des intérêts français dans la colonie. Le v œ u su ivant présenté d'ailleurs à la Commission Consultat ive a été adopté pa r notre sec­tion : « pour pe rmet t re d 'assurer la conservation et le bon entre­tien de certaines grandes p lan ta t ions coloniales, la Commission Consultat ive Coloniale émet le vœu de voir les banques coloniales consentir , avec la ga ran t ie des colonies intéressées et dans les délais de remboursement aussi réduits que possible, des avances de fonds aux sociétés agricoles coloniales en actions, dont le capital souscrit n 'a pas été ent ièrement versé et qui , pa r suite de la s i tuat ion de la guerre, sont dans l ' impossibilité de faire appel aux capi taux souscrits et non versés pa r les actionnaires des dites sociétés.» ,

M. Oui rey a reconnu que les banques ne pouvaient en t rer dans la voie des prê ts hypothécaires à long terme. II .-.'agirait en somme

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d 'un p rê t sur récoltes. Le représentant de la Banque de l ' Indo­chine a fait connaî t re que des pourparlers ont été engagés entre des personnes qualifiées à cet égard et qu 'un accord étai t in tervenu à la condition que le Gouvernement général donnâ t sa garant ie . Ces conférences n ' on t pas encore été reprises avec le Gouverneur Géné­ral intérimaire, mais la Banque de l ' Indochine reste dans des disposi­tions favorables sous cet te réserve. II a ajouté que la Banque pren­drai t toutes les précaut ions prescrites pa r ses s t a tu t s . Il a été admis nature l lement que l 'administrat ion aura i t la faculté d 'examiner le degré de solvabilité des débiteurs éventuels , d 'opérer parmi eux une sélection rigoureuse. Enfin, on a estimé qu' i l ne serait pas logique de réserver le secours du crédit aux seules p lanta t ions dont le capi tal n 'es t pas ent ièrement versé, c 'est-à-dire d 'exclure celles dont l'effort a été le plus grand et don t la solvabilité a été le mieux établie par le versement in tégra l ; il a donc été décidé qu'i l n ' y avai t pas lieu de distinguer, dans le v œ u don t le t ex te figure plus haut , entre les diverses p lan ta t ions . Sous bénéfice de ces observa­tions le t ex te de M. Outrey a été adopté et j ' a i été prié de vous le t r ansmet t r e .

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VII. — Réforme foncière

La section s'est occupée du projet de réforme du régime foncier de l ' Indochine qu 'é tudie une commission au ministère des colo­nies. Elle en a signalé la haute impor tance . Cette commission aura i t terminé son rappor t et, les hommes les plus compétents en ces matières n ' on t pas été consultés. Lorsqu' i l s 'est agi d ' insti­tuer le régime foncier de l'Afrique Occidentale, M. le Gouverneur Général P o n t y , mi t l 'Union Coloniale française en rappor t s avec M. Boudillon, l ' auteur du projet . Notre Union lui prê ta une colla­borat ion à laquelle il a rendu hommage. Le décret qui est in tervenu a été le fruit de cet te collaboration. Pour l ' Indochine, pourquoi procéder a u t r e m e n t ? L'ut i l i té de faire appel au concours de ceux qui on t étudié ces questions est d ' a u t a n t plus incontestable qu'elles sont en Indochine ex t rêmement délicates. Enfin les t ransact ions immobilières et l ' immatr iculat ion soulèvent des problèmes de tou te s o r t e

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Si l'on voulai t se rendre compte des difficultés que présente cet te entreprise, il suffirait de se reporter aux conditions dans lesquelles l ' impôt foncier a été établi en Cochinchine. On ne doit toucher aux inst i tut ions tradit ionnelles des populat ions annamites qu 'avec une extrême prudence et qu 'après s 'être rendu compte de la répercus­sion que peuven t avoir les innovat ions dans un milieu profondé­ment a t t aché à ses coutumes . Nous avons demandé à M. le Minis­t re des colonies que not re section et le comité de jurisconsultes de l 'Union soient appelés à donner leur avis sur la réforme foncière préparée pa r la commission inst i tuée au minis tère des colonies.

VIII. — Travaux publics : Hydraulique agricole, chemins de fer, ports, exploitation.

Dans les conjonctures actuelles, il ne saurai t être question d'en­treprendre l 'achèvement du programme des grands t r a v a u x néces­saires à la mise en valeur de la colonie.

E n dehors des t r avaux inscrits à l 'article 1 e r de la loi du 26 décem­bre 1912, il est prévu qu 'une somme de 3.400.000 francs pourra être affectée, sur les fonds de l ' emprunt de 90 millions, à des études de voies ferrées, d' irrigation et de t r avaux hydrauliques, de routes et de ports en Indochine. Un décret du 7 janvier 1914 a mis à la disposition du Gouvernement général de l ' Indochine une somme de 2.700.000 francs pour entreprendre, dans les limites de cette alloca­tion, les études prévues par la loi d 'emprunt .

Nous estimons que le Gouvernement général devrai t profiter du ralentissement de l 'activité économique de la colonie pour met t re au point les questions relatives au t racé de la ligne de Saigon vers Ba t t ambang et l 'achèvement transindochinois, le mode d'exécution de ces t r a v a u x ; celle que soulève l 'étude des moyens de récupérer les frais d 'établissement des t r a v a u x d'irrigation, e t c . .

E n ce qui concerne spécialement l 'exploitat ion des chemins de fer existants , il y aura lieu cer ta inement après la guerre d 'étudier les modifications à apporter à la réglementat ion actuelle, empruntée à la Métropole et qui s 'adapte mal aux conditions particulières du milieu indochinois.

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IX. — Recherche de débouehés nouveaux et des procédés propres à amener la substitution des entreprises françaises aux entreprises des ressortissants des pays ennemis.

En ce qui concerne cette part ie du programme de la Commission Consultative, la section n 'a pas cru pouvoir formuler une théorie générale ni poser l 'ensemble de principe. En effet, il ne peut s'agir prat iquement que de questions d'espèce. Il convient de laisser au temps, aux circonstances, aux combinaisons diverses de l 'activité économique le soin de suggérer les procédés et les mesures propres à permettre aux entreprises françaises de prendre la place que le commerce austro-allemand avai t progressivement conquise. Pour y arriver, il faut t ou t d 'abord assurer le libre jeu de l ' initiative privée, établir entre elle et les Pouvoirs publics une collaboration bienveillante et active. Les Français de l ' Indochine ont , à l 'heure qu'il est, moins besoin de réformes législatives que d 'une assistance énergique et constante du Gouvernement . Au fur et à mesure que naissent les questions, il faudrait, grâce à cet te collaboration dili­gente, ^es résoudre sur le champ. E t quand nos négociants et nos industriels, groupés comme ils le sont dans notre Union, sauront que les questions qu'ils soulèvent sont étudiées et résolues suivant des méthodes appropriées, ils seront naturellement conduits à S enhardir et à multiplier leurs initiatives. Ce sont les incidents de la vie même des entreprises coloniales qui susciteront les questions

'dont la solution amènera la reprise progressive du terrain gagné par nos ennemis . La section a insisté sur ce fait que, pour a t te indre le but poursuivi, la disparition du commerce allemand et, d'une façon générale, le développement, du commerce français, il faut se défier du mirage du remaniement de notre tarif douanier et. de l'influence des dispositions législatives. C'est sur tout sur l ' initiative privée, aidée par une adminis t ra t ion vigilante, ayan t le souci de ses res­ponsabilités et débarrassée de ses préjugés anciens, qu'i l faut compter pour accomplir les desseins du Gouvernement et resti tuer au commerce national la place qu'il, n ' aura i t j amai s dû perdre.

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X. — Questions d'ordre général : Pouvoirs des Gouverneurs, impôt*, statuts des indigènes

A. — La forme de la législation coloniale est t rès discutée par les légistes. Les pouvoirs des Gouverneurs et des Gouverneurs généraux ne sont pas toujours exactement définis. P a r t o u t où il existe des corps élus, des difficultés spéciales se sont élevées et multipliées et de nombreux conflits ont été déférés aux plus hautes juridictions. L'organisation actuelle offre incontestablement un certain nombre d' inconvénients, qui appor ten t souvent un sérieux obstacle aux mesures les plus utiles.

B . — Une seconde question est celle des impôts. Il en est peu qui ait donné lieu à plus de controverses et de procès. On peut dire sans exagération qu'il n 'y a pas aux colonies un seul impôt dont la légalité n 'a i t été ou ne puisse être contestée avec de sérieuses apparences, et plusieurs l 'ont été avec succès. Spécialement, les droits de douane, et à côté d 'eux les droits auxquels on a pu a t t r ibuer a to r t ou a raison un caractère douanier, tel que l'octroi de mer ou le droit de consommation, sont une perpétuelle matière à discussion, ce qui n 'a rien de surprenant si on se rappelle que le lien douanier est le plus essentiel de ceux qui ra t tachent les colonies à la Métropole, et que la rupture de ce lien, his tor iquement et logiquement, a tou­jours été la première étape des colonies sur le chemin de l'indépen­dance. A cet égard, il faut reconnaître que la définition des droits de douane, lorsqu'elle est sujette à interprétat ion, n 'a reçu de la jurisprudence que des formules variables et contestées.

C. — La question des droits et des s t a tu t s des indigènes est égale­ment de celles qu 'on voit le plus souvent reparaî tre dans les textes législatifs comme dans les arrêts . Elle a été l 'objet de polémiques regrettables, dont nous tenons à nous abstenir ne voulant nous placer que sur le terrain s t r ic tement jur idique. Si t o u t le monde est d'accord pour respecter les droits des indigènes, il est arrivé fréquemment que ces droits ne sont pas compris, et qu 'on leur a t t r ibue une forme ° u une expression européenne qui les dénature . La détermina­tion en est délicate et difficile, et pou r t an t elle est essentielle

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si on ne veu t pas s'exposer à consacrer des injustices et des-erreurs.

Notre section et le comité de jurisconsultes de l 'Union Coloniale, présidé par un homme éminent, M. Darestc, considéreraient comme un devoir de prêter leur concours à la commission qui pourrait-être formée dans le bu t d 'étudier les trois problèmes ci-dessus. Bien qu'ils aient une portée générale, nous avons cru devoir les retenir et les mentionner parce qu'ils englobent l 'Indochine, où se posent t a n t de questions s'y r a t t achan t . Nous ajoutons qu 'après la guerre l ' importance en sera encore accrue.

Le Président de la Section de l'Indochine, M E T T E T A I . .

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18 Mai 1910.

Monsieur le Ministre des affaires étrangères, Paris.

Monsieur le Ministre, Nous avons l 'honneur d'appeler vot re hau te a t tent ion sur les

graves conséquences qu 'en t ra înera i t l 'application du tarif minimum a u x produits originaires du Japon à leur entrée en Indochine.

En 1911, le tarif min imum a été accordé aux importa t ions japo­naises en France : il n ' y avai t pas de danger à le faire, mais il en va tou t au t r emen t lorsqu'il s 'agit de l ' Indochine. E n effet, le tarif min imum placerait le J apon dans une situation telle que la concur­rence des aut res pays serait impossible. La moyenne des frets du Japon pour l ' Indochine est infime comparée à la moyenne des frets d 'Europe pour nos possessions d 'Extrême-Orient . En outre , le bas prix de la main-d 'œuvre , la protect ion indirecte de l 'État , les r is tournes consenties par les ( ompagnies de navigat ion subven­t ionnées par le Gouvernement , les différences du change sont les pr incipaux éléments qui créent la si tuation privilégiée du Japon . C'est d'ailleurs cet ensemble d 'avantages qui a permis aux filatures et tissages du J a p o n de porter , d 'après la s tat is t ique officielle de l ' India Office Whitehal l de Londres, dans l ' Inde br i tannique, ses impor ta t ions de 7.888.629 francs en 1909-1910 à 20.483.130 francs en 1913-1914. Ce résu l t a t a été obtenu malgré un double t ranspor t sur la matière première et sur la mat ière fabr iquée.

Il est donc hors de doute que le tarif min imum évincerait du marché indochinois les marchandises françaises. Son application aura i t une au t re conséquence : elle briserait l'effort industriel si intéressant que nos compatr io tes y on t déployé et auquel nous avons associé les Annamites . Aussi bien l 'annonce de l 'extension a l ' Indochine du tarif min imum y a-t-elle produi t une très vive émotion qui a eu son contre-coup dans la Métropole. L'Association

LES C O L O N I E S E T l a D É P E N S E N A T I O N A L E [',1

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de l ' industrie et de l 'agriculture française l'a t r adu i t e dans une let t re adressée le 28 avril à M. le Ministre du commerce. Le Président de ce t t e grande association, M. le sénateur Touron, s'y est exprimé en ces te rmes : « Nos producteurs ne manquera ien t pas d 'être péni­blement surpris que ce soit précisément à l 'heure où ils sont entravés dans leur act ivi té par des difficultés de tous ordres qu 'une concur­rence des plus redoutables puisse leur ê tre suscitée sur un marché qu'i ls sont en droit de considérer comme un débouché nat ional .»

Après la Chambre de commerce de Saigon, no tamment , not re section de l ' Indochine a été unanime à signaler avec force le danger de la mesure douanière dont il s 'agit aussi bien du point de vue économique que du point de vue de l 'avenir de no t re dominat ion elle-même. Après la guerre, alors que not re production cotonnière sera accrue par l 'apport des filatures et t issages de l'Alsace, il serait par t icul ièrement dur de fermer à l ' industrie nat ionale le marché indochinois qui représente pour elle une valeur de plus de 85 mil­lions. D 'aut re part , les Français qui, à l 'abri de la législation doua­nière actuelle, ont établi des filatures et tissages, des cimenteries, des fabriques d 'a l lumettes , des huileries et savonneries, verra ient leurs entreprises ruinées. Enfin, les industries indigènes (éventails, objets en laque, fabriques de papier, tissages, teintureries, poteries, tanneries) subiraient le même sort .

Jusqu ' ic i , t o u t au moins, nous ignorons les raisons décisives de l 'extension douanière dont il s'agit, mais ce que nous savons bien c'est que, réalisée, elle marquerait le point de; dépar t de la conquête économique de no t re Indochine pour le Japon , conquête doublée d 'une immigrat ion dont la progression ne t a rde ra i t pas à poser de redoutables problèmes. Vous avez cer ta inement , Monsieur le Ministre, mesuré les conséquences de l 'é tat de choses qui résul terai t de ce t t e prédominance économique. C'est pourquoi nous avons la confiance que vous t iendrez compte des considérat ions que nous devions vous soumet t re , nous réservant d'ailleurs de vous entretenir plus en détail de la quest ion qui motive ce t te le t t re .

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l 'assurance de nos senti­men t s de hau te et respectueuse considérat ion.

Le Président, . 1 . C H A R L E S - R O U X .

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25 Mai 1915.

Monsieur le Sous-Secrétaire d'Etat de la marine marchande, Paris.

Monsieur le Ministre,

Au cours de sa réunion du 11 mai, not re section de l ' Indochine a longuement examiné la si tuation qui serait créée à not re Indochine par suite de la cessation en 1916 de la ligne de la Compagnie des Chargeurs Réunis. — A l 'unanimité , les membres de la section nous on t chargé d 'appeler avec force vo t re hau te a t t en t ion sur la nécessité absolue de maintenir ce service en considérant la commu­nau té d ' in térê t de la France et de nos possessions d 'Ext rême-Orient .

La Compagnie des Chargeurs Réunis exploite, depuis l 'année 1902, ent re la Métropole et l ' Indochine, une l i gne de navigation se com­b inan t avec le service que la Compagnie des Messageries Maritimes exploite elfe-même dans la même direction.

Cette l i gne a pour élément de recet tes lestoansports du départe­ment des colonies et ceux du commerce : les vapeurs qui y sont affectés reçoivent les primes de navigation prévues par la loi de 1902. Or, a par t i r du commencement de 1916, ces mêmes navires n ' auront plus droit aux primes de nav iga t ion ; si cet ('dément de recet tes n ' é t a i t pas remplacé, l 'exploitation de la ligne deviendrai t f inancièrement impossible.

L 'éventua l i té de la cessation du service effectué actuellement par la compagnie a été prévue dans le cahier des charges relatif à l 'exploitat ion des services mari t imes concédés à la «Compagnie des Messageries Maritimes» par la loi du 30 décembre. «Si la Compagnie des Chargeurs, dit l 'article 59 du cahier des charges, cesse d 'exécuter le service commercial qu'elle assure actuel lement entre la Métropole et l ' Indochine, ce service doit être exécuté par

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la Compagnie des Messageries Maritimes sur un simple préavis de six mois à elle donné par le Ministre sur avis conforme du Ministre des finances, et ce, m o y e n n a n t une allocation à fixer à ce moment , d 'accord entre le Ministre et la compagnie. Le m o n t a n t de ce t te allocation ne pourra i t être supérieur à 0,97 par 1.000 milles marins parcourus et par tonneau de jauge b r u t to ta l de chaque navire affecté au service, le chiffre max imum sur lequel por tera le calcul é t an t pour la. jauge de 7.000 t o n n e a u x et pour la dis­tance , celle de Marseille à Haïphong et re tour» .

Ces mêmes dispositions sont rappelées à l 'article 1 e r du cahier des condit ions particulières (24 avril 1912) v isant l 'exécution des t ranspor t s du Ministère des colonies par les deux compagnies. D 'au t re par t , enfin, l 'article 59 du cahier des charges réserve à l 'administrat ion le droit d'exiger de la Compagnie des Messa­geries Maritimes, à par t i r du 1 e r janvier 1916, la subst i tu t ion au service dit « service commercial» d 'une deuxième ligne de paquebots entre Marseille et Haïphong, exactement semblable à la ligne mensuelle qui fait l 'objet de l 'article 1 e r du cahier des (barges .

Les condit ions de la créat ion d 'une deuxième ligne de paquebots res tent à déterminer ; il est cer ta in que ces condit ions ne pourra ient pas être inférieures à celles qui on t été prévues au con t r a t pour l 'établissement d 'une première ligne de paquebots .

La Compagnie des Chargeurs Réunis, p révoyan t la création d 'une deuxième ligne de paquebots , dès la tin de 1915, alors que la pre ­mière n'a pu encore fonctionner, est entrée en négociation à la fin. de 1913, avec vo t re adminis t ra t ion pour obtenir que son service soit ma in tenu pendan t quelques années encore.

lille songeait à effectuer, de concert avec ce t t e compagnie, des dépar ts tous les qua torze jours m o y e n n a n t l ' a t t r ibut ion des allo­cat ions prévues à l 'article 59 du cahier des charges, soit 0,97 par 1.000 milles marins parcourus .

La compagnie demanda i t a t r a i t e r sur ces bases pour qua t r e années seulement à dater du I e r janvier 1916, ce qui permet ta i t à l 'administrat ion de n 'envisager que plus fard, c 'est-à-dire à une époque plus oppor tune et lorsque les besoins de la colonie justifie-

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ra ien t un sacrifice plus étendu, la subst i tu t ion d 'une deuxième ligne de paquebots au service commercial . Il est à retenir , en effet, que, t andis que la création d 'un deuxième service de paquebots établi sur les bases du premier, coûtera i t à l 'État, frais de canal compris 3.208.023 francs, l 'allocation demandée pour le maint ien de la ligne commerciale ne s'élèverait annuel lement qu ' à 1 mil­lion 245.518 francs.

Vous avez bien voulu (25 avril) répondre à la Compagnie des Chargeurs qu ' i l ne vous paraissait pas possible d'envisager en ce momen t une augmenta t ion des subventions que paie déjà l 'État en vue d'assurer des communicat ions satisfaisantes entre la Métropole et ses colonies indochinoises. Vous avez ajouté que, « peut-être, comme il s 'agissait dans la circonstance des intérêts coloniaux, le ministère des colonies pourrai t , par un arrangement , faciliter l 'exploitat ion de la ligne» et que vous alliez lui en « suggérer l 'idée».

La question du maint ien, à part i r de 1916, de la ligne des Char­geurs Réunis sur l ' Indochine est donc ouver te et no t re devoir est de signaler à vo t re hau te a t tent ion l ' intérêt capital qu'elle offre pour nos possessions d 'Ext rême-Or ien t . Si vous n 'aviez pas s ta tué avan t la fin de l 'année dans le sens des proposit ions qui vous on t été soumises, la ligne dont il s 'agit serait supprimée alors qu'elle serait plus indispensable que jamais , devant la reprise de nos t ransact ions avec l ' Indochine et les conditions nouvelles de la concurrence économique. Aussi bien, no t re section indochinoisc a-t-elle été unan ime à me demander d'insister auprès de vous pour que le maint ien de la ligne de navigat ion des Chargeurs soit assuré à par t i r de 1916. La double nécessité de ce t t e ligne ne peut être mise en doute , non plus que l 'obligation où se t rouvera i t la compagnie intéressée de t rouver ailleurs une utilisation des b a t e a u x qu'elle affecte au service de l ' Indochine si ses proposit ions étaient rejetées. J e ne doute pas que, avec l 'unanimité des représen tan ts de l 'initia­t ive privée, M. le Gouverneur Général de l ' Indochine n 'expr ime une opinion ident ique. Dans ces conditions je n 'hési te pas à vous deman­der de vouloir bien s ta tuer dans le sens des proposit ions qui vous o n t été soumises par la Compagnie des Chargeurs Réunis, qui offre à l 'É ta t les plus solides garanties et t i endra i t à honneur de prêter

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Le Président,

. 1 . C I I A R L K S - I l o i \ .

largement au Gouvernement le concours que commanden t les cir­constances économiques.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l 'expression de mes senti­ments de hau te considérat ion.

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ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS DE L'INDE

NOTE PRÉSENTÉE A LA COMMISSION CONSULTATIVE COLONIALE

1° — Le ravi ta i l lement de nos Établ issements , à raison de leur si tuat ion géographique, res te assuré. Les denrées tirées de la Métro­pole consis tent sur tou t en vins, liqueurs, sucre, huiles, savon, conser­ves et articles d'épicerie. Leur impor tance ne dépasse pas quelques millions par an.

2° — L ' Inde fait en F rance , par Marseille, e t par b a t e a u x anglais, une impor ta t ion considérable d 'arachides. Elle fabrique aussi des fils et t issus de coton, dits « guinées », expédiés par des navires de la Compagnie des Messageries Maritimes et vendus n o t a m m e n t en Afrique Occidentale.

3° et 4° — Là guerre ne pa ra î t pas devoir exercer sur la colonie une répercussion nécessi tant aucune mesure spéciale. Il suffit que les communica t ions soient maintenues entre la colonie et la Métropole d 'une par t , et , d ' au t r e par t , en t re la colonie et l ' Indochine et Mada­gascar.

5° — Les v œ u x exprimés par les représen tan ts des in térê ts français dans les Établ issements de l ' Inde peuven t se résumer comme suit :

A. — Que le chiffre des impor ta t ions des guinées et co tonnadesde Pondichéry à 'des t ina t ion des aut res colonies françaises ne soit pas limitéJ(Loi du 19 avril 1904) ou que t o u t au moins la quan t i t é de tissus qu'el le peut in t roduire annuel lement dans nos colonies soit augmentée de 500.000 kilogs au min imum. En re tour , et à t i t re t r ans ­actionnel, l ' industrie pondichérienne accepterai t la diminution de 500.000 kilogs sur les 2.500.000 kilogs de filés qu'elle a le droit d 'expor ter . Les filafeurs de Pondichéry emploient 70.000 broches et près de 10.000 ouvriers .

B . — Que,dans l 'application des condit ions de t r anspor t en droi ture

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des provenances de la colonie, celle-ci bénéficie des facilités accordées à d 'autres possessions françaises. Chandernagor est situé sur la r ive droite de l 'Hougly, à 23 ki lomètres en a m o n t de Calcutta . Ce port fluvial est soumis au régime ins t i tué par l 'article 3 de la loi du 11 j an ­vier 1892 relatif aux droits et immuni tés applicables aux produi ts impor tés de la colonie dans la Métropole. Aux te rmes de ce t article les tissus et sacs de j u t e de Chandernagor, qui n 'on t été l 'objet d 'aucune exemption des t axes accordées par décret en Conseil d 'État , sont soumis au tarif min imum. Mais, dans la pra t ique , le tarif mini­m u m n ' a jamais été appliqué, parce que l 'octroi du bénéfice qu' i l comporte est subordonné au t ranspor t en droi ture de Chandernagor aux por ts de la Métropole. Or, ce t r anspor t ne peut être effectué que dans des condit ions qui n ' o n t pas pa ru à la direction générale des douanes métropol i ta ines pouvoir se concilier avec les règles de la droi ture . Ces condit ions sont les suivantes : le navire annexe de la Compagnie des Messageries Marit imes touche à Calcut ta , à quelques kilomètres en aval de Chandernagor ; mais, comme le t i r a n t d 'eau du fleuve à ce t endroi t -—six à hu i t pieds anglais de profondeur — est inférieur à celui du por t de Calcut ta , les grands navires, ne peuvent remonte r à Chandernagor.

Les marchandises p rovenant de Chandernagor sont donc t rans­portées par allèges jusqu 'à Calcut ta où elles sont t ransbordées sur le navire de la Compagnie des Messageries Maritimes. L 'adminis­t ra t ion compéten te s'est refusée à considérer ce t r anspor t comme é t a n t effectué en droi ture . E n conséquence, les tissus et sacs de ju t e de Chandernagor depuis 1893 n ' on t jamais pu être admis en France au bénéfice du tarif min imum.

C. — Que l 'administrat ion centrale des postes entre en pourparlers avec le Gouvernement br i tannique pour l ' acheminement des colis pos taux entre Chandernagor, la France et les colonies françaises. Actuellement, t ou t colis postal expédié de France à dest inat ion de Chandernagor est acheminé moyennan t le pr ix de 3 fr. 10 sur Pon­dichéry. Dès l 'arrivée du colis à Pondichéry, la pos te française pré­vient par le t t re (3 jours) le dest inata i re de Chandernagor pour qu' i l désigne un manda ta i r e à Pondichéry s'il veu t p rendre livraison du colis. Ce manda ta i r e envoie ensuite le colis par le chemin de fer (Madras et Calcutta) et paye comme frais d'envoi 3 francs en roupies.

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É T A B L I S S E M E N T S F R A N Ç A I S D E L ' I N D E 297

Par contre , un colis postal pour Paris peut être expédié de Ghander-nagor par la voie anglaise (Calcut ta-Bombay) .

6 ° — Q u e les marchandises originaires de Pondichéry et expédiées comme «toiles bleues» au Marocen t r ans i t an t par l'Algérie y soient exemptes de droit d 'entrée. La définition de la guinée résu l tan t du décret du 3 mars 1914, a y a n t eu pour effet la diminution de la lar­geur et du poids de la toile, sans indication de la longueur de la pièce, un assez grand nombre de «toiles bleues» fabriquées dans nos Établ issements de l ' Inde et qui sont destinées aux populat ions du Sénégal et du Maroc ne peuven t plus être considérées comme « guinées», parce que ces toiles sont t rop larges et qu'elles on t un poids supérieur à celui spécifié par la nouvelle définition. Les fila-teurs de Pondichéry on t dû exporter ce t t e marchandise sous la dénominat ion de «toile bleue», ce qui a suscité de sérieuses difficul­tés avec la douane algérienne. Les industriels de la colonie font r emarque r qu' i ls on t été a t te in ts par la loi de 1904 et que leurs embarras on t été accrus par le décret précité du 3 mars 1914; ils a joutent que, s'ils sont assujettis à des droits d 'entrée en Algérie pour leurs toiles destinées au Maroc, ce dernier débouché leur sera fermé; qu'enfin ils ne peuven t plus songer à écouler en France les toiles drill bleu et kaki , parce qu'i ls seraient obligés de payer respec­t ivement 90 francs et 123 francs les 100 kilogs de droits d 'ent rée .

Pour conclure, ils es t iment qu' i ls seront hors d ' é ta t de contr ibuer , en ce qui les concerne, à conquérir la place du commerce aus t ro-al lemand au Maroc si le Gouvernement métropoli tain ne fait pas fléchir en leur faveur la rigueur de cer ta ines règles. Avan t la guerre, une par t i e des t issus de Pondichéry étai t expédiée au Maroc par la voie de H a m b o u r g .

7 ° — Il n 'existe , dans l ' Inde française, aucune entreprise austro-al lemande. La maison p rédominan te est la maison grecque Ralli brothers .

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LA RÉUNION

1°—Ravitaillement de la Colonie. — Le principal article d ' impor­ta t ion de la colonie est le riz. 11 lui est indispensable, la cul ture des céréales é t an t — sauf en ce qui concerne le maïs — à peu près inépuisable dans la colonie.

E t encore, ici, faut-il tenir compte de ce facteur essentiel, qui est que la colonie se t rouve placée géographiquement sur la trajectoire des cyclones et qu'elle en subit f réquemment les effets.

Les dommages occasionnés par les cyclones sont toujours graves. Ils peuvent aller jusqu 'à une réduction de 45 à 50 % dans les cul­tures de cannes à sucre ; 60 à 70 % dans celles du manioc et à l 'anéan­t issement complet dans celles des céréales et légumineuses.

La quan t i t é de riz impor tée dans la colonie est d 'environ 314.500 ba l l e s de 72 kilogs net l 'une par année. Le principal fournisseur est l ' Inde anglaise, qui envoyai t à la colonie les quali tés dites : «Ben­gale», «Mooghy» et « Ballam ». Depuis l'invasion de la peste dans l ' Inde on s'est su r tou t a l imenté en Birmanie .

L ' Indochine fournit aussi quelques cargaisons de riz analogue à celui de Birmanie, mais en moins grande quan t i t é . L ' Indochine trouve des débouchés plus avan tageux pour J a v a et d 'au t res desti­na t ions et,' d'autre part, les frets pour la Birmanie sont rares, tandis que de l ' Inde et de la Birmanie les lignesfde navigat ion pouvan t desservir à la l'ois les îles de La Réunion et Maurice peuven t t rouver du fret de re tour .

On in t rodui t aussi dans la colonie pour l 'a l imentat ion de la popu­lation, des farines de France ef u d 'Aust ra l ie .

Il ne semble pas que ces sources d 'a l imentat ion puisent ê t re rédui­tes ou supprimées par tard,ion des marines ennemies qui est actuelle­ment cl le restera, espérons-le — nulle dans la mer des Indes.

D'autres denrées moins importantes pour l 'a l imentation sont également importées à La Réunion, notamment les «pois du Cap»,

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de Madagascar ; des haricots, lentilles, etc., pr incipalement de l ' Inde ; du grain (pour la nourr i ture des mules), exclusivement de l ' Inde.

Il est clair qui si la navigat ion entre ces diverses sources de ravi ­ta i l lement et la colonie vena i t à être in ter rompue, la populat ion aura i t g randemen t à souffrir. Elle pourra i t , dans une cer ta ine mesure , utiliser le manioc — dans ce cas il faudrai t ar rê ter le fonc­t i o n n e m e n t des féculeries — et le maïs. Pour ce dernier, on pourra i t être pris au dépourvu, car les p lanta t ions ne sont pas faites en vue d 'une consommation générale et imprévue, comme celle qui pourrai t résulter de la suppression des impor ta t ions . Ce serait, pour six mois au moins, car le maïs demande ce t emps pour croî tre et mûrir, une épreuve redoutable .

E n t o u t cas, il est sage et p ruden t de ne pas perdre de vue que les cyclones peuven t endommager fortement les récoltes des produits al imentaires, et que des approvis ionnements assez impor tan t s devraient être, dans l 'état de guerre, consti tués dans la colonie.

2° — Ressources de toute nature pouvant servir au ravitaillement de la Métropole. — Les pr incipaux produi ts d 'expor ta t ion de la colonie sont le sucre, pour une moyenne de 38.000 T. environ — la vanil le pour une moyenne de 80.000 kilogs •— le tapioca, pour une moyenne de 10.000 '1'. environ.

Le sucre est, sauf ce qui est réservé pour la consommat ion locale, ent ièrement exporté en France . Il ne para î t pas que ce t te expor ta­tion puisse être enrayée par les événements de la guerre actuelle. Cette impor ta t ion n 'es t pas essentielle pour la Métropole quoique, en raison de l ' impossibilité où se t rouven t les sucreries du nord de la France , d 'a l imenter le pays, ce t t e impor ta t ion de sucre de La Réu­nion ne soit pas négligeable.

L ' impor ta t ion de vanille en France n'offre aucun in té rê t au point de vue des ressources al imentaires .

On pourra i t presque en dire a u t a n t du tapioca qui, d'ailleurs, est un produi t cher et par suite d 'une consommat ion t rès res t reinte .

3° — Besoins du commerce de La Réunion, de son industrie, de son agriculture. — La question essentielle, pour assurer le maint ien d 'une production régulière des denrées de la colonie, est celle de la main-d 'œuvre .

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La populat ion de La Réunion — o n pourra s'en rendre compte par le relevé des derniers recensements — encore qu'ils n ' a i en t jamais été parfaits — ne s'accroît pas. Elle est presque i r révocablement fixée au chiffre de 360.000 hab i t an t s .

Le nombre des travail leurs agricoles a été toujours reconnu comme insuffisant et on a dû avoir recours, dans une certaine mesure, à l ' introduction de travail leurs étrangers : Cafrcs de Mozambique, Malgaches, Indiens, et plus t a rd Chinois.

Le rec ru tement des Cafres à Mozambique a été complè tement supprimé par le Gouvernement portugais — celle des Malgaches par l 'adminis t ra t ion de Madagascar — celle des Chinois a été r endue difficile par suite de circonstances diverses : difficultés de recru­tement , manque de navires, cher té de la main-d 'œuvre , résistance du Gouvernement chinois, un peu alarmé par le grand nombre de mortal i tés survenues dans le seul convoi de travail leurs in t rodui ts à La Réunion (et cela, il faut le dire, parce que ces hommes ont été introduits à l 'époque des fortes chaleurs et ont subi sévèrement les a t te in tes de la fièvre paludéenne alors que, s'ils avaient été in t ro­duits au début de la belle saison, ils se seraient fort bien acclimatés) .

Le r ec ru tement des Indiens a été une première fois suspendu (vers 1877), à la suite d 'une inspection faite par une commission anglo-française (amiral Miot et général Goldschmidt) . Cependant, le Gouvernement anglais étai t disposé à laisser reprendre le recru­t e m e n t dans l ' Inde, — su r tou t à la suite d 'une seconde inspection faite dans la colonie par M. Mackenzie, Sous-Secrétaire d 'É ta t de l 'agriculture dans l ' Inde, •— lorsque sont in tervenus les députés de La Réunion qui, sous le p ré tex te de défendre les regnicolcs con­tre la concurrence étrangère, se sont absolument opposés à la reprise de l ' immigrat ion i n d i e n n e

Le résu l ta t a été que la main-d 'œuvre indienne, qui avai t a t t e in t vers 1878 le chiffre de 40.000 individus (hommes et femmes), s'est rédui te peu à peu par les r apa t r i emen t s et les décès à une dizaine de mille personnes t o u t au plus.

La main-d 'œuvre agricole est donc devenue t o u t à fait insuffi­sante et, dès lors, on a vu se produire des grèves de t ravai l leurs — ce qu i n ' a v a i t jamais eu lieu jusqu ' ic i — qui on t r endu t rès diffi­cile la cu l ture des t e r r e s ; c 'est au point que beaucoup de proprié-

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ta i res on t renoncé aujourd 'hui à diriger eux-mêmes la cul ture de leurs domaines ; ils l 'ont distribuée ent re des colons part iaires. Ce mode d 'exploitat ion du sol a eu le double inconvénient : 1° de réduire la main-d 'œuvre nécessaire à l ' industr ie ; 2° d 'appauvr i r le sol, qui est mal cul t ivé et ne reçoit pas les engrais nécessaires à sa reconst i tu t ion.

La reprise de l ' immigrat ion indienne serait donc nécessaire. On pourra i t spécifier que l ' introduction des t ravai l leurs indiens serait limitée à 600 travail leurs mâles par année.

Au point de vue du crédit de l 'agriculture, il y a peu à dire. La Banque de La Réunion fait des prêts sur récolte avec garant ie spéciale sur ce t t e récolte.

On peut objecter à cela que les frais d ' emprun t sont beaucoup t rop élevés pour les pet i tes sommes et dépassent quelquefois 20 % de la somme emprunté»;. 11 y aura i t donc, au moins pour les pet i ts emprunteurs , des modifications à appor te r aux règlements de la Banque de La Réunion. Cela a fait l 'objet, il y a un cer ta in nom­bre d 'années , d 'une é tude confiée p a r le (!<>u\-emeur de l,a Réunion à une commission adminis t ra t ive , mais il n ' a été donné aucune suite à ses proposi t ions.

Il y aurai t aussi des réformes à apporter a u fonctionnement de la Banque de La Réunion.

Son privilège d'émission de billets et de prêts sur récolte pen­dan te l'a amenée à manifester des exigences t rop lourdes. Pa r exemple, elle oblige les emprunteurs à lui livrer leurs t i t res docu­mentai res à un t a u x qu'elle fixe arb i t ra i rement , ce qui leur ôte la l iberté de faire appel à la concurrence. Enfin, on s'est souvent plaint de l ' ingérence du Gouvernement métropoli ta in dans la q u e s ­tion de la.fixation du faux du change sur l 'Europe. Il serait dési­rable qu ' i l s 'abst înt désormais de t o u t e inf erventiôn de ce t t e nature ; il faut que les t ransact ions aussi bien sur les marchandises q u e sur le papier, qui en est la représentat ion, soienl absolument libres. • On peut ajouter un mot au sujet des engrais nécessaires à l 'agri­cu l tu re . Les pr incipaux produi ts employés à La Réunion sont :

1° Les superphosphates et phosphates divers, introduits exclu­s ivement de la France et qui, semble-t-iï, pourront cont inuer à être expédiés à la colonie;

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2° Le n i t r a te de soude, p rovenant exclusivement du Chili et qui ar r iva i t à la Réunion par réexpédit ion de la France . 11 y a donc là un double fret à payer , sans compter les manuten t ions . Il ne serait pas impossible de s 'entendre avec les p lanteurs de l'Ile Maurice, pour faire venir des chargements directs du Chili et rien ne para î t s 'opposer à ce que ces chargements puissent parvenir sans risques à La Réunion ;

3° Le n i t r a t e de potasse — employé en quan t i t é re la t ivement faible — qui v ien t exclusivement de la P russe ;

Il ne faut pas perdre de vue qu 'on a découvert r écemment des gisements de sels potassiques en Alsace;

4° Le sulfate d ' ammoniaque 'venan t de la France, mais pouvant , à la r igueur, être ob tenu dans l ' Inde et, de t ou t e façon, pouvan t facilement arr iver à La Réunion.

4° — Moyens de communication. — A par t une faible interrupt ion, les communicat ions par mer entre la France et La Réunion on t pu se poursuivre régulièrement . Il n ' y a qu 'une a t t aque sur le canal de Suez qui pourra i t les rendre précaires ou impossibles, mais ce t t e a t t aque semble bien improbable aujourd 'hui . Les communicat ions avec l ' Inde anglaise ne paraissent nul lement menacées.

5° — Débouchés nouveaux. — Si, contre tou te a t t en t e , les commu­nications avec la France vena ien t à être coupées, l ' importat ion des produits al imentaires nécessaires à la colonie ne serait pas interrom­pue. Seuls, les engrais pourra ien t n 'ar r iver qu 'en quant i té insuffi­sante, ce qui serait év idemment regre t table , mais ne présenterai t qu ' un inconvénient relatif.

Pour les sucres, ils pourront peut-ê t re t rouver des débouchés au Cap, dans l ' Inde et en Austral ie . Cependant , la question des frets se poserait sérieusement, car les navires pourra ient faire défaut. On ne sait pas commen t on pourra i t remédier à ce t t e situa­tion, à moins que quelques navires français et anglais immobilisés dans l'Océan Indien ne puissent t rouver à s 'employer en chargeant les sucres de La Réunion pour les pays ment ionnés < i-dessus.

En t o u t cas, le sucre é t an t le principal p rodui t d 'exportat ion de La Réunion, l ' impossibilité de le t ranspor te r au dehors amène-

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ruit une crise économique très grave dans le pays et, d ' a u t a n t plus que les magasins sont insuffisants pour recevoir tou te la récolte d 'une année.

6° — Substitution des entreprises françaises aux entreprises étrangères. — 11 n 'y a pas à La Réunion d'entreprises étrangè­res La question ne se pose donc pas pour ce t t e colonie.

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NOUVELLE-CALÉDONIE

NOTE PRÉSENTÉE A LA COMMISSION CONSULTATIVE COLONIALE PAR LE PRÉSIDENT DE L'UNION COLONIALE FRANÇAISE

I. — L'intérêt, na t ional qui s 'a t tache à une colonie ne dépend pas uniquement de l 'é tendue de son terr i to i re . S'il en étai t ainsi, la Nouvelle-Calédonie, avec ses 18.500 kilomètres carrés, ne serait guère qu 'un point perdu au sein du Pacifique. Mais, ou t re qu 'un des avantages qui lui assignent, une place à pa r t dans no t r e domaine colonial réside dans sa s i tuat ion géographique, la richesse de son sous-sol lui donne une valeur t ou t à fait exceptionnelle. Il en résulte que l ' industrie minière a pris en Nouvelle-Calédonie un développe­men t te l que ce t t e induslr ic const i tue pour la colonie le fondement île sa richesse et la garan t ie de son avenir . Dans le chiffre des expor­ta t ions tota les , les minerais en t ren t pour plus de la moitié. Trois minerais concourent à a l imenter ces expor ta t ions : le nickel, le chrome et le cobal t . Le c h a m p des applicat ions du premier de ces mé taux s'est, on le sait, prodigieusement élargi grâce à la pro­priété qu' i l possède de fournir des quali tés de résistance et d'élasticité aux mé taux auxquels on l'associe cl, su r tou t à l'acier. On ob t ien t ainsi l 'acier-nickel.

Notre possession océanienne se t rouve donc, du fait de sa richesse nickelifère, dans une s i tuat ion privilégiée, mais il ne faudrai t pas croire que ce t t e s i tuat ion ne puisse être compromise par des expé­riences imprudentes e t t rop souvent inspirées par les passions locales.

L ' industr ie extract ivo en Nouvelle-Calédonie se développa remarquablement à la faveur du régime libéral inst i tué par le décret du 15 octobre 1892. La réglementat ion ultérieure majora dans

LES COLONIES KT LA DEFENSE NATIONALE, 20

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une énorme proport ion la t axe de sortie sur le nickel, sur le chrome, sur le cobalt , ainsi que les redevances à la surface. La t a x e de b % ad valorem faisait ressortir le droit respect ivement pour ces minerais à 6 fois, 10 fois, 30 fois le m o n t a n t de l 'ancien droit .

Si nous recherchons la répercussion de ce nouveau régime sur les charges d 'une seule société minière de la Nouvelle-Calédonie nous consta tons que ces charges ont subi l 'énorme progression suivante :

Réglementa- Moyenne des années tion 1908-1909

antérieure 1910-1911-1912

Redevances minières frs. 74.968,18 125.645,14 Impôts sur les minerais exportés frs. 24.254,15 82.499,02

L 'augmenta t ion est donc : Pour les redevances minières de 50.676 frs. 96 pour une période de

cinq années, soit 67 % et pour les impôts sur les minerais exportés de 58.244 frs. 87, soit 240 % .

La même société a payé à la colonie, sous forme d ' impôts divers, une somme formant près du dixième du budget to ta l de'la colonie. Depuis moins d e 35 ans, elle a dépensé en Nouvelle-Calédonie — installations e t I ravaiix divers — plus de 38 millions. On comprend, dans c e s condit ions, qu 'une assemblée locale, docile à la poussée du dehors, soif ten tée de demander aux enI reprises minières un effort t rop f réquemment renouvelé.

La nouvelle réglementat ion minière n'a d'ailleurs pas donné- tes résul tats qu 'on en a t tenda i t , puisqu'elle a eu pour conséquence l 'abandon d'un cer ta in nombre de concessions : quand on alarme les capi taux , ils s ' immobil isent . Déjà l'on songe à é tendre la contri­bution foncière aux t i t res des propriétés bâties, aux voies ferrées particulières des exploitat ions en cours, aux t ranspor teurs aériens, aux appontemi-nl s el aux wharfs.

Il ne nous appa r t i en t pas - el le moment n 'es t d'ailleurs pas venu de le l'aire rie discuter la question (h; savoir si l 'extension dont il s 'agit est conforme à la législation spéciale en matière; dé contr ibut ions directes à la Nouvelle-Calédonie. Mais il eSt cer ta in que, envisagée du point de vue économique, elle serait inopportune, contra i re à l 'équité et aux intérê ts généraux de la colonie.

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L'état de choses existant en Nouvelle-Calédonie sous le rappor t minier doit' a t t i rer l 'a t tention du Gouvernement métropoli tain. Grâce à not re possession du Pacifique, l ' industrie française a pris sur le marché mondial du nickel une si tuat ion t o u t à fait exceptionnelle. Ce résul ta t fait honneur à not re pays . Dans les circonstances actuelles, il lui pe rmet de jouer un rôle impor t an t dans la défense nationale, puisque c'est une société française qui fournit aux alliés la plus grande par t ie du nickel dont ils on t besoin pour la fabrication de leurs muni t ions et d 'une par t ie de leur matériel de guerre. Ceci dit, il est essentiel de remarquer que l 'Amérique et même certains pays d 'Europe sont de redoutables concurren ts de la Nouvelle-Calédonie. Il s 'ensuit que les sociétés françaises sont soumises à foutes les lois de la concurrence économique et l 'accroissement conti­nu de leurs charges, comme la rigueur abusive d 'une réglementat ion changeante finiraient par les placer dans un état d'infériorité manifeste. Depuis une douzaine d'années, l 'Union Coloniale a eu bien souvent à r egre t te r les graves inconvénients de pareils procédés, qui t roub len t le fonct ionnement des entreprises les plus solides et me t t en t en péril les in térê ts les plus respectables.

L ' industr ie minière de la Nouvelle-Calédonie ne demande qu 'une chose : la stabil i té des règlements administrat ifs . Elle déclare qu'elle ne peut vivre sous la menace pe rmanen te d 'une nouvelle aggravat ion des charges de t ou t e n a t u r e qui lui sont imposées. Seul, le hau t contrôle du Gouvernement métropolitain peut lui donner le sen-l i i n e u f de sécurité s a n s lequel il lui est impossible d'envisager l 'avenir avec confiance.

Nous avons eu souvent à rendre hommage à la vigilance exercée dans ce sens par l 'adminis t ra t ion centrale du ministère des colo­nies : nous espérons qu'elle y persévérera dans l ' intérêt même de la colonie, dont la prospéril é durable ne peut être que la conséquence d 'une adminis t ra t ion sage et p rudente , impart ia le et toujours dominée par le souci des in térê ts pe rmanen t s de la colonie.

Nous croyons qu' i l serait bon que la Commission Consultat ive Coloniale émit un v œ u dans ce sens.

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s

I I . — Le tableau ci-dessous présente le commerce général de l à Nouvelle-Calédonie et dépendances en 1912, époque de la publica­t ion la plus récente des s ta t is t iques officielles du commerce des colonies françaises.

Commerce général 29 .251 .470 frs. Impor ta t ion 15 .316.755 » Expor ta t ion . . . " 13 .934 .715 »

P a r t de la France : Commerce général 13.251.454 frs. Impor t a t i on 7 .684 .991 » Expor t a t ion 5 .566 .463 » 45,3 % du commerce général, 50,6 % des marchandises impor tées ; 39,94 % des marchandises exportées.

Echanges avec les pays é t rangers : Commerce général 15 .542.690 frs. Impor ta t ion 7 .222 .562 » Expor ta t ion 8 .320 .128 »

Le commerce étranger accuse, par r appor t à l 'année précédente, une augmenta t ion to ta le de 843.407 francs. Sa pa r t est de 53,13 % du commerce général, 47 % des impor ta t ions , 59,7 % des expor­ta t ions .

Les produi ts al lemands qui en t ren t en Nouvelle-Calédonie peu­ven t ê t re classés comme suit par ordre d ' importance : ronces ar t i ­ficielles, bière, bimbeloterie, quincaillerie, a l lumettes . Les al lumettes suédoises étaient achetées généralement par l ' intermédiaire d 'une maison de H a m b o u r g a y a n t un agent à Par is . Ces a l lumet tes amor­phes, emballées sous zinc et bois é ta ient habi tuel lement chargées

ur des ba teaux al lemands des lignes d 'Austral ie. Les produi ts autr ichiens é ta ient en quant i té peu impor tantes :

chaises, fourrages. La France peut fournir la majeure par t ie de ces articles en t e n a n t

compte du goût et des habi tudes des acheteurs locaux, des condi­tions d 'emballage pra t iqué par les commerçants austro-al lemands, de cer tains procédés de fabrication, toutes choses que nos compa­tr iotes établis dans noi re possession océanienne s 'empresseraient de faire connaî t re en détail .

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En ce qui concerne l ' industrie locale, il convient de signaler n o t a m m e n t qu' i l y a une place impor t an t e à prendre dans l 'instal­lation des t r anspor t s aériens pour une maison française qui posséde­rai t les brevets nécessaires, le personnel de choix indispensable pour faire les études préalables, enfin une organisation assez puis­sante pour assurer la construct ion des lignes à établir dans des pays lointains et offrant des ressources de main-d 'œuvre restreintes. Si pareille industr ie étai t créée en Nouvelle-Calédonie, elle offrirait à l ' industrie nat ionale un débouché appréciable à raison de l 'impor­tance des cap i taux et de l 'outillage (pylônes, câbles métalliques, wagonnets , etc.) à utiliser.

Quelques lignes de chemins de fer aériens on t été construi tes à différentes époques en Nouvelle-Calédonie : c 'est à une maison al lemande qu 'on a dû s'adresser, l ' industrie française ne s 'é tant pas t rouvée dans les condit ions voulues pour ent reprendre ces t r avaux .

I I I . —• Le Gouvernement , auprès duquel l 'Union Coloniale s 'étai t faite l ' in terprète de l 'unanimité des représentants du commerce et de l ' industrie en Nouvelle-Calédonie, a décidé récemment qu 'en raison de l ' interrupt ion du service régulier des Messageries Mari­t imes pour l 'Australie, le bénéfice du t ranspor t en droiture serait acquis "aux marchandises françaises et étrangères expédiées à des­t inat ion de la colonie et des Nouvelles-Hébrides, ainsi qu ' aux pro­duits néo-calédoniens et néo-hébridais importés en France . Cette mesure s 'applique alors même que les circonstances de la naviga­tion nécessiteraient un double t ransbordement , soit à Colombo et à Sydney, soit à Singapore et à Sydney.

Le 4 février dernier, nous avons demandé à M. le Ministre des colonies et à M. le Ministre des finances de compléter les disposi­t ions ci-dessus. Nous avons motivé en ces termes, no t re in terven­tion :

« Les communicat ions que le Gouvernement a fait rétablir , per ­m e t t e n t le t r anspor t des produi ts riches (café et cacao), dans des condit ions qui leur assurent le bénéfice de la franchise douanière. Il n ' en est pas de même, en ce qui concerne d 'autres produits , par exemple, le coprah et le coton, qui sont soumis à la t axe d 'entre-

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pôt et no peuvent arr iver en France que par la voie anglaise. Il en résulte qu'en fait, ils sont exclus du marché français, puisque, depuis la suspension du service des Messageries Maritimes, il a été impossible d 'exporter la plus grande part ie des coprahs d 'Océanie, au t r emen t que par les lignes anglaises.

Des lots sont déjà f lot tants :'98 tonnes de Tahi t i , plus de 400 ton­nes de Nouvelle-Calédonie, 475 tonnes des Nouvelles-Hébrides sont a t tendues prochainement à Londres. Or, ce t te marchandise ne pourra pas êlre amenée sur le marché français, si elle est frappée de la sur taxe d ' impôt . Le maint ien du statu quo n'aurait, donc pour résul ta t que de favoriser le commerce anglais, à l 'heure où la situa­tion économique de la France rend désirable l'afflux de notre pro­duction coloniale sur le marché métropol i ta in .

Je vous serais reconnaissant de vouloir bien, d 'une part , accueil­lir favorablement la requête des négociants néo-calédoniens, fen­dan t à ce que la sur taxe d 'ent repôt soit supprimée pour les Coprahs et les cotons de nos colonies d'Océanie, jusqu 'à la reprise du ser­vice des Messageries Maritimes, e t d 'autre par t , intervenir auprès de vot re collègue des affaires étrangères, pour que le Gouverne­men t br i tannique autorise ces produits à t ransi ter par Londres ou par Liverpool. »

Aussi longtemps que des communicat ions régulières n ' au ron t pas été l 'établies, on ne pourra avoir recours qu'à des moyens de fort u n e . Toutefois, si le Gouvernement veuf bien compléter les dis­positions déjà prises, nos compat r io tes de Nouvel le-Calédonie ob t iendront u n e suffisante sal isfae.l ion.

IV. — La Nouvelle-Calédonie joue un rôle impor tan t dans l 'œuvre de la défense nationale puisque, nous le répétons, Cette colonie fournil à la France et aux alliés une grande par t ie des quant i tés de nickel qui leur sont nécessaires pour la fabrication de leurs muni­t ions. 11 y a d o n c un intérêt capi ta l à ce que les exportations de ce métal ne soient pas refardées ou entravées par"un. formalisme administrat if que rien ne justif ierait dans la réali té . M. le Minis­tre des lolonies el M. le Ministre des finances on t bien voulu tenir compté des observat ions qui leur ont été présentées à ce sujet et la commission des exportai ions qui fonctionne sous la haute auto-

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rite de ce dernier a manifesté en ce t te matière une diligence éclai­rée don t nous avons le devoir de le remercier.

Le décret du 12 février 1915 porte que le nickel de Nouvelle-Calédonie pourra être exporté sans autorisat ion spéciale à destina­tion des pays alliés. Cette excellente mesure donne satisfaction à l ' industrie intéressée. Nous n 'avons plus, en conséquence qu 'à exprimer le v œ u que ce t te réglementat ion soit maintenue duran t la guerre.

V . — La mobilisation récemment décidée de tous les hommes sou­mis a u x obligations militaires en Nouvelle-Calédonie et aux Nou­velles-Hébrides, si elle étai t réalisée intégralement , entraînerai t les conséquences les plus graves pour l 'avenir de ces îles. En Nou­velle-Calédonie, la mobilisation des éléments les plus actifs se t ra ­duirait pour l ' industrie minière par l 'arrêt complet des exploita­tions en cours, pour les maisons de commerce par la suppression des opérat ions des unes et par la réduction considérable des affai­res des autres , pour les établ issements agricoles par un t rouble qui c o m p r o m e t t r a i t leur existence même.

On sait que les principaux producteurs de nickel néo-calédo­niens on t passé avec les Gouvernements français et alliés des con­t r a t s pour la fourniture du nickel qui leur est indispensable. Ils se t rouvera ient , par suite du dépar t de ceux qui assurent le fonction­nement de leurs exploitat ions, dans l 'impossibilité de remplir leurs engagements et il s 'ensuivrait , au point de vue de la défense nat io­nale, des inconvénients sur la gravi té desquels nous n 'avons pas besoin d ' insister.

Les maisons de commerce seraient privées de leur personnel de direction, ce qui aura i t pour premier résu l ta t de favoriser le commerce austral ien, su r tou t aux Nouvelles-Hébrides.

Enfin, ni les hommes âgés ou affaiblis, ni les éléments d'ori­gine pénale , ni les natifs ne peuvent fournir à la colonisation agri­cole les agents susceptibles d'en assmer la cont inui té .

Quant aux Nouvelles-Hébrides, l 'application de la mesure dont il s 'agit serait en quelque sorte la ruine du magnifique effort de colonisation agricole qui s'y poursuit . La grande majorité des colons français sont astreints au service militaire. Leurs entreprises reste-

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ra ien t sans direction, à la veille des principales récoltes. Or, dans l 'archipel, il suffit qu 'une p lan ta t ion reste moins d 'une année sans être en t re tenue comme il convient pour qu'elle soit envahie par une brousse inextricable et p r a t i quemen t perdue. D 'au t re par t , le problème de la ma in -d 'œuvre y revê t une forme telle que les t r a ­vailleurs indigènes ou qu i t te ra ien t la p lanta t ion , ou seraient inu­tilisables ent re les mains d 'un h o m m e inexpér imenté et peu au fait de la menta l i té des populat ions des îles. Toutes ces causes réunies me t t r a i en t en péril la poli t ique que nous pra t iquons aux Nouvel­les-Hébrides depuis plus de qua ran t e années, à l 'heure même où la question de souveraineté doit ê t re résolue par les deux puissances alliées.

Il va de soi que le t rouble profond appor té à la vie économique de ces pays aura i t une répercussion des plus graves sur les finan­ces publiques. C'est à la Métropole qu'il devrai t être fait appel pour combler les déficits des budgets .

Si, en regard des conséquences, nous met tons les avantages de la mobilisation, nous ne t rouvons rien v ra iment qui affaiblisse la force de nos dires. Après avoir décidé le principe de la mobilisation, le Gouvernement a fait savoir que des sursis d 'appel seraient accor­dés par le Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie Haut-Commissaire des Nouvelles-Hébrides. Or, les bénéficiaires de ces mesures rédui­ra ient le cont ingent des hommes mobilisables à :i00 à peine. 11 appa­ra î t ra que cet appor t ne saurai t justifier l 'appareil d 'une mobilisa­tion locale et les grosses dépenses qui en résul teraient , é tan t donné que ces hommes ne pour ra ien t être mis en campagne que vers la fin de l 'été.

Dès que la déclarat ion de guerre fut connue dans ces îles loin-laines, il s'y produisi t un magnifique élan pa t r io t ique . Quelques dépar ts eurent lieu pour la Mère-Patrie, s'ils ne furent pas plus nombreux, cela t i en t à l ' in terrupt ion des communicat ions mari­t imes. Mais, ou t re que les occasions de servir la cause de la France ne manque ron t pas à nos compat r io tes d'Océanie, il y a des consi­dérat ions de sagesse dont le Gouvernement ne méconnaî t ra cer­t a inemen t pas la force.

En conséquence, nous avons demandé au Gouvernement de rechercher une solution de na tu re à concilier les besoins de l ' indus-

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NOUVELLE-CALÉDONIE 3 1 3

t r ie et de la colonisation avec les nécessités de la défense na t io ­nale. E n t o u t é ta t de cause, ceux qui sont employés aux mines de nickel et de chrome doivent être main tenus obligatoirement dans les postes qu'ils occupent , puisqu'ils concourent efficacement à accroître no t re puissance mil i taire.

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NOUVELLES-HÉBRIDES

I — D e p u i s 1871, la France s'est appliquée à créer des in té rê t s aux Nouvelles-Hébrides et à y é tendre son influence. Aujourd 'hui , plus de la moitié de la surface de l'archipel est en des mains françaises et nos colons y ont conquis une prépondérance incontestable . Les v œ u x de nos compatr io tes établis sur ce t t e t e r re lointaine peuvent se résumer ainsi : application immédiate de la convention élaborée récemment par la Conférence franco-anglaise de Londres, conven­t ion soumise à la ratification des deux Gouvernements intéressés; c\l ension aux produi ts des Nouvelles-Hébrides du bénéfice de la loi du 5 aoû t 1913.

Le projet de convention dont il s 'agit donne satisfaction aux desi­dera ta exprimés avec une force et une constance remarquables par les colons français, t a n t en ce qui concerne le régime foncier qu 'en ce qui touche la réglementat ion de la main-d 'œuvre . Quant à ce qu'ils réclament en matière douanière, malgré les objections qui ont pu être faites du point de vue-fiscal, il nous para î t légitime d'y faire droit . Aux te rmes de l 'article 2 de la loi du 30 juillet 1900, des décrets en l'orme de règlements d 'adminis trat ion publ ique pouvaient déterminer le régime douanier applicable en France ou dans les colonies françaises aux produi ts récoltés ou fabriqués par des entre­p r i s e s françaises dans les îles et ter res de l 'Océan Pacifique.

En ve r tu de ce t te disposition, le tarif des produi ts ci-après récoltés aux Nouvelles-Hébrides par des établissements possédés ou exploités par des Français ou des sociétés françaises, a été établi comme suit :

A l 'entrée en France ou en Nouvelle-Calédonie : Maïs en grains : 2 francs les 100 ki logrammes ; Cacao en fèves : détaxe de 78 francs sur le t a u x du tarif min imum

métropoli tain, soit à percevoir 52 francs par 100 ki logrammes; Vanille : dé taxe de 50 % sur le tarif minimum métropoli tain, soit

à p e r c e v o i r 208 francs par 100 kilogrammes.

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316 R A P P O R T S D E L ' U N I O N C O L O N I A L E F R A N Ç A I S E

Des décrets rendus sur la proposition du Ministre des colonies et du Ministre des finances déterminent , chaque année, d 'après les s ta t is t iques officielles, les quant i tés de produits qui peuvent être importées sous l 'empire du régime de faveur.

Dans la limite des crédi ts globaux fixés annuellement, l 'adminis­t ra t ion locale détermine les produits et chiffres de ceux-ci que chaque producteur peut impor te r au bénéfice des taxes rédui tes . Ces marchandises doivent être accompagnées d 'un certificat d'ori­gine délivré par le délégué du Commissaire Général dans les Nou­velles-Hébrides, au nom du producteur . Elles doivent être importées en droite ligne, mais avec faculté de t r ansbordement à Nouméa, quand il s 'agit d 'expédit ions à destination de France . Dans ce cas, la douane de ce por t s 'assure de la régulari té de l 'opération et en donne a t tes ta t ion sur le certificat d'origine.

J u s q u ' à la loi du 5 août 1913, en fait, les colons néo-hébridais é ta ient assimilés à leurs compatr io tes de la Nouvelle-Calédonie. Équi tab lement , il n ' y a pas de raison de faire cesser ce t t e assimila­t ion et, sous le r appo r t politique, des considérations décisives mili­t e n t en faveur de la thèse que nous soutenons .

I I . — Dans un délai plus ou moins prochain, la question de souverai­ne té se posera en ce qui concerne les Nouvelles-Hébrides. 11 ne nous appa r t i en t pas d 'exposer ici les phases de la lu t te qui s'est poursuivie, souvent avec âpreté, pour que ces îles, prodigieusement riches, deviennent françaises. Nous nous bornerons à rappeler d 'un mot que les flottes alliées se sont emparées des possessions allemandes du Pacifique (1); que le commerce général de la Nouvelle-Guinée et dépendances, qui é ta i t de 9.800.000 francs en 1905, est passé à 26.616.000 francs en 1912; que celui des îles Samoa est passé, pour les mêmes années, de 6.777.000 francs à 12.547.000 francs; que les cap i t aux mis en œuvre par les sociétés exploi tant dans ces colonies a t te ignent un chiffre supérieur à 126.000.000 francs; que l 'archipel des Samoa est situé sur la future grande ligne transpacifique

(1) Los c o l o n i e s a l l emandes de l 'Océanie forment d e u x groupes : celui de la Nouve l l e -Guinée , comprenant la terre de l 'Empereur Gui l laume «Kaiser Wi l ­he lm L a w » ; l 'archipel Bismarck et les î les S a l o m o n ; les î les Marshal ; enfin les Carol ines et les Mariannes . Le second groupe es t celui des tirs Samoa .

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NOUVELLES-HÉBRIDES 317

Panama-Sydney, qu'i l const i tue une stat ion de choix pour la télé­graphie sans fil, qu'enfin il est dans le voisinage immédia t de la colonie française des Wallis, et qu' i l y a ident i té complète entre les populat ions indigènes de ces deux groupes « Maoris purs». Quant à la Nouvelle-Guinée al lemande, elle est à elle seule grande comme la France.

Lorsque la question de l 'a t t r ibut ion des colonies allemandes du Pacifique devra être résolue, no t re Gouvernement considérera sans doute qu'i l n ' e s t pas mal à propos de faire appel à l 'équité du Gou­vernement br i tannique afin que les Nouvelles-Hébrides, dépendances naturelles de la Nouvelle-Calédonie, deviennent françaises.

Nous avons le devoir de remercier ici M. Doumergue, Ministre des colonies, de la cons tan te vigilance qu'i l a appliquée à la défense des in térê ts français de l 'Océanie et de l'accueil bienveillant qu' i l a réservé à no t re in tervent ion tou tes les fois qu'elle s'est produi te à la demande des représen tan ts de l ' init iative privée en Nouvelle-Calédonie et aux Nouvelles-Hébrides. Les embarras dans lesquels ils se sont t rouvés au début de la guerre n ' on t pas eu des conséquences irréparables grâce à ce t t e assistance qui lui a valu la reconnaissance sans réserve de not re Association.

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LA Q U E S T I O N

D E S

TRANSPORTS MARITIMES

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RAPPORT au nom de la Commission Consultative Coloniale

(Section des Transports) Par M. Gratien Candace, Député de la Guadeloupe

INTERRUPTION DU SERVICE DE LA C i e DES « CHARGEURS RÉUNIS » ENTRE LA FRANCE ET LA COTE OCCIDENTALE FRANÇAISE

A) Contrat postal

La Compagnie des « Chargeurs Réunis » exécute le service postal sur la Côte occidentale d'Afrique, en ver tu d 'une adjudication du 16 mars 1907, dont les résul ta ts on t été approuvés par décision ministérielle du 5 avril de la même année.

Une loi du 5 mai 1906, promulguée au Journal officiel le 9 mai 1906 avai t en effet autorisé le Ministre des T ravaux publics, des Postes et des Télégraphes à met t re en adjudication en deux lots, avec faculté de réunion pour une période de quinze années consécutives, l 'exploitat ion entre la -France et la Côte Occidentale d'Afrique, des services marit imes pos taux .

Premier lot. — Six voyages par an entre Dunkèrque et Matadi , par Le Havre , Bordeaux, Pauillac, Dakar, Conakry, Béréby; Por t -Boùet ou Grand-Bassam, Cotonou, Libreville. Cap-Lopez Setfé-Cama, Banane , Borna, Matadi .

Le concessionnaire de ce lot sera tenu d 'exécuter un service annexe sur l 'Ogowé et le Fernan-Vaz, conformément a u x conditions du cahier des charges spécial à ce service;.

Deuxième lot. — Six voyages par an entre Marseille et Matadi , par Oran, Dakar , Konakry , Monrovia, Béréby, Por t -Bouet ou Grand-Bassani, Cotonou, Libreville, Cap-Lopez, Mayunba, Banane , Borna, Matadi .

Les aut res conditions de l 'exploitation seront déterminées par les cahiers îles charges.

LES COLONIES E t LA DÉPENSE NATIONALE 21

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322 LA Q U E S T I O N DES T R A N S P O R T S M A R I T I M E S

.Le premier lot, seul a été adjugé. Kn out re des allocations données sous forme de primes ou de compensat ion d 'a rmement , en ver tu des lois du 7 avril 1902 et du 19 avril 1906 sur la marine marchande , le concessionnaire, qui est la compagnie des «Chargeurs Réunis», reçoit une subvent ion fixe de 230.000 francs par an pour le service postal de Dunkerque à Matadi et une subvent ion de 36.000 francs pour le service de la ligne annexe sur l 'Ogpwé et le Fernán-Vaz.

Le deuxième lot pour le service entre Marseille et Matadi n 'a pas t rouvé preneur. La subvent ion annuelle prévue étai t de 195.000 francs. Il résulte de ce fait que la Métropole n 'est reliée, au point de vue postal, à l 'Afrique Occidentale et Equator ia le que tous les deux mois.

B ) Convention particulière des « Chargeurs Hennis» avec le Ministère des Colonies

Le 25 juin 1912, la Compagnie des «Chargeurs Réunis» a conclu avec le Dépar tement des Colonies un con t ra t de t r anspor t s dont l 'objet est précisé dans l 'article premier dudi t . Cet article stipule que «la Compagnie des «Chargeurs Réunis» s'engage à assurer «à compter du 1 e r janvier 1914 les t r anspor t s du personnel, des « an imaux et du matériel entre la France et les possessions françaises « de la Côte occidentale d 'Afrique; elle s 'engage également à prendre « les dispositions nécessaires pour faire face aux besoins commer-« ciaux, dans la limite des disponibilités des navires qu'elle affectera « a u x services tels qu'ils sont définis au présent cont ra t , et sous « la réserve que le commerce se conformera aux nécessités des « itinéraires préalablement établis le f o u i t an t à l'aller qu 'au re tour .

« De son côté, l 'Administrat ion des Colonies, à raison des obliga-« tions ainsi assumées par la Compagnie ( tan t à l'égard de l 'É t a t « e t des Gouvernements des Colonies, qu'à l 'égard du commerce « métropoli tain et colonial) s 'engage à confier ses t r anspor t s à la «Compagnie des «Chargeurs Réunis» dans la mesure fixée par le « c o n t r a t ».

Les garant ies accordées par cet te convent ion particulière permi-r e n t à la Compagnie des « Chargeurs Réunis» d 'augmenter sa flotte, de telle sorte que tou tes les trois semaines un service régulier, t a n t

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LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 323

a aller qu ' au retour, é tai t assuré entre la France et les Colonies de la Côte occidentale d 'Afrique, selon l ' i t inéraire fixé par le cahier des charges de l 'adjudication postale du 16 mars 1907. Ce service tut in ter rompu le 15 août dernier. La Compagnie, pour prendre cette grave déterminat ion, s 'appuya sur l 'article 67 de la convention postale du 16 mars 1907 qui dit expressément : « Le marché peut être « 'w's en régie ou résilié dans les cas ci-après :

« Interruption ou abandon du service pour toute autre cause que le « cas de guerre;

« Faillite ou liquidation judiciaire; « Irrégularités fréquentes, négligence persis tante ou mauvaise

« foi ; « Insuffisance ou mauvais é ta t du matériel n a v a l ; « Cession du marché, ven te ou distraction du matériel nava l ; « Trai té conclu avec un gouvernement étranger sans l 'autorisat ion

«de l 'Administrat ion», e t c . . Il est v ra iment singulier que, par analogie avec ce qui a été fait

pour les autres conventions mari t imes postales on n 'a i t pas, dans le con t ra t passé avec les «Chargeurs Réunis», réservé une clause spéciale a u cas de guerre. Nous n 'ar r ivons pas non plus à comprendre pourquoi il est écarté de cet te convention le système de subvent ions révisables appliqué aux conventions passées avec les Messageries Maritimes, la Compagnie Générale Transa t lan t ique et la Compagnie Sud-Atlant ique. Si l 'on avait admis ce système ainsi que la couver­ture des risques de guerre, nous n 'aurions pas à déplorer la brusque cessai ion d'un service, dont la régulari té en ce moment surtout doit avoir une importance aussi g rande au point de vue militaire et polil i que qu 'au point de vue commercial .

Une let tre, adressée le 5 octobre au Président de la Commission consultat ive coloniale par M, L é o n C r u c h e t , secrétaire général de la Compagnie Française du Haut-Congo, mol bien en relief ce dernier point de vue. M. Léon Cruchet rappelle d 'une par t que tous les vivres européens consommés au Congo, p rovenant de France ou de Belgique, l ' interruption prolongée des communications mari t imes pourra i t avoir pour le Congo français ou pour le Congo belge les plus sérieux inconvénients ; il indique d 'au t re pa r t que le nia relié d 'Anvers , grand impor ta teur de caoutchouc de provenance

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324 LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

congolaise, é tan t actuel lement fermé, il y aura i t in térê t à reprendre et a développer les t ransact ions de cet te mat ière sur le marché de Bordeaux, par exemple.

Toutes ces considérations rendent plus impérieux le devoir qu 'a l 'Eta t de solutionner sans tarder la question des t ranspor t s sur la Côte d'Afrique.

Nous négligeons sciemment les griefs articulés par la Compagnie des «Chargeurs l iéunis» contre le dépar tement des Colonies qui se serait, paraît-il , déclaré, en ver tu de son con t ra t particulier, gros acheteur de frets et de billets de passage et non défenseur des grands intérêts de la marine marchande nationale et qui, pour étayer en quelque sorte, cette; conception étroite et erronée de gestes précis n ' au ra i t pas hésité à solliciter, depuis le 15 aofd, les offres de compagnies étrangères, entre autres de l 'a rmement anglais Elder Dqmpstèr, de Liverpooi, d'un, a rmement à façade belge appelé Compagnie maritime du Congo, d 'un a rmement portugais appelé l 'Empreza Nacional de Navagaeao porlugueza.

Il ressorl. I a ut des explications fournies à la section des t ranspor ts par le représentant du Ministre des Colonies que d 'un entret ien que j ' a i eu avec lui, que son appel à la concurrence; étrangère avai t seulement pour bu t d ' amener les Chargeurs Réunis à modifier leurs propositions, mais que jamais le Ministère des Colonies qui a, au même t i t re que les autres Dépar tements , la charge îles grands intérêts de; la Nation et le souci cons tant du rayonnement de l'in­fluence morale; et eh; la puissance éoonomie'ue de la France, n'a perdu eh; vue le caractère île son rôle et ne s 'est dépouillé du sent iment de ses responsabili tés.

Nous avons ramassé les éléments du problème; il nous r e s t e à indiquer les solutions pmposées cl nos conclusions qui. si elles étaient adoptées, préciseraient dans quel sens peut se produire utilement l ' intervention élu Président ou du bureau de la Commis­sion consul ta t ive coloniale.

G) Les propositions de la Compagnie des Chargeurs Réunis-»

Il ressor t ne t tement des dispositions de l 'article G7 de la conven-t toit postale el de; l 'ensemble des dispositions de ht Convention

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LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES 325

particulière du Ministère des Colonies passées avec la Compagnie dés « Chargeurs Réunis», que le service é ta i t exclusivement établi pour le temps de paix, c'est-à-dire pour une période normale où le concessionnaire pouvai t escompter des dépenses réduites au strict minimum et compter sur des éléments de recettes normaux en t ranspor t s de passages et de fret du commerce et de l 'État .

L ' é ta t de guerre changeant tou t , la Compagnie formule qua t re propositions pour continuer à assurer le service pendan t cet te période. Je les transcris, d 'après la noie remise par le Directeur des v Chargeurs Réunis » au président de la Commission Consultat ive Coloniale et d 'après une. note qui m'a été remise par le Ministère des Colonies.

Première, proposition. — La Compagnie offre d'organiser un service mensuel de paquebots et un service de vapeurs de charge effectué chaque deux mois.

La Compagnie adme t d 'exploiter les navires mis en ligne sans aucun bénéfice industriel, c 'est-à-dire en compte à demi avec l 'Éta t , écar tant le principe d 'une subvention forfaitaire, elle offre à l 'É ta t de t ra i te r sur la base du remboursement intégral de ses frais d'ex­ploitation.

Cette proposition peut se résumer comme suit : Pa r t age des bénéfices s'il y en a, dans le cas contraire, l 'Etat supporte seul l'in­tégrali té du déficit.

Elle n 'es t pas acceptée par le Dépar tement des Colonies, malgré l ' avantage certain qu'elle lui laisse de n 'avoir pas de subvent ion à payer et de disposer du nombre et de la fréquence des dépar ts à effectuer. C'est à vrai dire une sorte de régie indirecte qui pourra i t laisser des aléas fâcheux et qui sort to ta lement du cadre de la loi qui a permis les convent ions de 1907 et de 1912.

Une question se pose nature l lement : Où le Ministère ries Colonies prendrait- i l l 'argent pour couvrir les déficits éventuels?

Deuxième proposition. — La Compagnie offre d 'exécuter un service de paquebots avec dépar ts fous les deux mois, complété par un dépar t de vapeurs de charge également tous les deux mois, offrant ainsi une mise en ligne mensuelle.

Le Dépar tement des Colonies prendrai t à sa charge la sur taxe de guerre de 25 % sur les prix de fret et de passage prévus à son contrat ;

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3 2 6 L A Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S

la Compagnie demandera i t par ailleurs aux Dépar tements dé la Marine et des Finances, l 'octroi d 'un con t r a t complémentaire sur les bases de l'exploitation sans bénéfice industriel.

Troisième proposition. La Compagnie offre d'effectuer de suite, à ses frais, risques et périls, un service de paquebots fous les deux mois ne demandan t à L'Etat pour ce service de paquebots que :

а) la couver ture des risques de guer re : б) l 'application dé la sur taxe de 25 % aux envois du Dépar te­

ment des Colonies : c) le maintien de garanties de t ranspor t du Contra t des Colonies. Ce service de paquebots devai t être complété p a r un service de

vapeurs d e charge a v e c départs fous les deux mois el, la Compagnie demandai t , pour ce service complémentaire seulement, de t ra i t e r s u r la h a s e de l 'exploi lat ion sans bénéfice industriel. Les deux combinaisons étaient l iées .

Quatrième proposition. - La C o m p a g n i e d e m a n d e , au cas où le I téparl e m e n l des ( lolonies refuserait de suppor ter le déficit d ' e x p l o i -I al ion, sur la hase de l'exploitation sans bénéfice industriel pour le service des vapeurs d e charge, de lui accorder par voyage une contr ibution forfaitaire de 150.000 Francs p lus la couverture des r i s q u e s de guerre, soi! en toiil près de 180.000 francs par voyage.

D) Ce que veut le Département des Colonies

La question relative à la couver ture des risques d e guerre devan t être solutionnée par le Ministre du C o m m e r c e e t des Postes de la compétence de qui elle relève, le Ministre des Colonies, s'en t enan t à la ( lonvenl ion pari i eu l iè re passée .en t re lui et la C o m p a g n i e des. « Chargeurs Réunis», est disposé à garder sa l iberté d 'action en ce qui concerne ses t ranspor ts de personnel et de matériel , si la Compagnie des «Chargeurs Réunis» n'offre; pas, pour les dépar ts Supplémentaires qui p e i n e n t être nécessaires, les mêmes prix q u e tou t nuire a r m a t e u r , à qui il s e r a i t l'ail a p p e l .

E) Aucune sanction n'est possible contre la Compagnie

Nous avons déjà dit q u e l'article 07 du Cahier des Charges de Ja Convention po>tale du 16 m a r s 1907 ne permettait de prendre,

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LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 327

pendant- l 'é tat de guerre, aucune sanction, contre la Compagnie des « Chargeurs Réunis ». Il n 'es t pas non plus possible qu 'on lui applique l 'article 65 de la dite Convention qui prévoit une retenue sur la subvent ion postale correspondant aux parcours non effectués, lorsqu'il y a inexécution to ta le ou partielle d 'un voyage, car la Compagnie peut invoquer le manque de sécurité, résul tant de la non-couver ture des risques de guerre.

Enfin, l 'article 41 de la Convention avec ie Ministère des Colonies est inopérant puisqu'il puise t ou t e sa forpe dans l 'article 67 de Convention postale. Il y est dit textuel lement que « le ministre «des Colonies aura le droit d'user à l 'égard de la Compagnie des « sanctions édictées par l 'article 67 du Cahier des Charges a y a n t « fait l 'objet de l 'adjudication postale du 16 mars 1907, les clauses « dudi t article é t an t ainsi rendues applicables à la présente Con­fi vent ion. »

F) Conclusions. — La solulion possible. — L'intervention de la Commission Consultative coloniale s'impose.

L' in ter rupt ion des relations entre la France et la Côte Occiden­tale et Equator ia le d'Afrique ne saurai t se prolonger, sans consé quences graves, t a n t au point de vue polit ique qu 'économique. Les t ranspor t s de t roupes , de marchandises et des correspondances ne sauraient , sans inconvénient , être soumis au moindre aléa.

La Commission consul ta t ive a pour devoir de provoquer par une intervent ion immédia te auprès de M. le Ministre des Colonies une décision du Gouvernement .

Nous l 'avons prouvé, l 'Éta t est désarmé contre la Compagnie des «Chargeurs Réunis». Un accord s'impose et il faut en rechercher la base. Le mieux est de rester dans l 'esprit de la Convention votée par le Par lement .

Le deuxième lot prévu par la loi du 5 mai 1906 n ' a y a n t pas t rouvé preneur, la subvent ion de 195.000 francs qui lui étai t affectée est restée inemployée ou n 'a reçu jusqu' ici aucune dest inat ion légale. L ' É t a t n 'a pas moins bénéfic é dans une certaifte mesure de la Convention particulière passée entre le Minisi èie des Colonies et les a Chargeurs Réunis».

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328 LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

On pourra i t proposer au Ministère fin Commerce; et des P o s t e s d 'accorder à la Compagnie la subvention globale de 425.000 francs p r é v u e par le C a h i e r des Charges et votée p a r le Par lement .

Si la Compagnie accepte, on annulera i t les effets de l 'article 67 en décidant que. pa r analogie a v e c ce qui a été fait pour les au t res compagnies, l 'Etat couvrirait les risqués de g u e r r e .

Pour ce qui a trail à l 'augmentat ion de 25 % sur le fret adminis­tratif qu i concorde avec le tarif des autres Compagnies subven­tionnées, l'Elal ne supporterai! presque aucune charge, puisque ce sont les colonies les principales intéressées, en la circonstance, qui p a i e r a i e n t c e l l e augmenta t ion . En ce qui concerne la liberté des tarifs commerciaux, elle sera forcément limitée par les tarifs des aut res Compagnies et, au besoin, l 'Administrat ion pourrait lui imposer cet te concordance.

Cette base bien établie, h; Dépar tement des Colonies deman­derait à la Compagnie une mise en ligne tous les deux mois, soit six départs de grands vapeurs de charge, auxquels s 'ajouteraient normalement les six départs de paquebots pos taux que comporte la convention postale du 15 mars 1907.

Le M i n i s t è r e des Colonies se réserverait le cas d'urgence pour les départs supplémentaires ou il r e p r e n d r a i t t ou te sa liberté d 'act ion.

En résumé, nous s o m m e s d ' a v i s de proposer à la Compagnie pendanl la durée des hostilités u n e subvention a n n u e l l e do 125.000 f rancs a u lieu de 2 3 0 . 0 0 0 f rancs , la couverture des r i s q u e s de guerre,

l ' augmentat ion du 25 % du fret administratif et de lui demander six dépar ts de vapeurs d e charge; fous les deux mois a l t e rnan t avec ses six départs de; paquebots pos taux et la libre disposition du cas d'urgence pour les dépar ts supplémentaires .

Ce sont, Messieurs, les conclusions auxquelles j ' a i about i après un examen approfondi du dossier que; vous avez, bien voulu me confier. Quelle que; soif vot re décision, vous aurez, comme moi, le souci fie formuler u n e solution, qui ne comporte ni a termoiement , ni a journement .

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RAPPORT SUR LES REPRISES ÉCONOMIQUES Par M. Paul de Rousiers

A Monsieur Henni Bérenger, sénateur, Président de In Commission Consultative Coloniale

« Bordeaux, le 10 décembre 1914,

* Mon cher Président,

m Je m'empresse de vous envoyer le remarquable Bapporl de. M. de. Bousiers. « Ma collaboration a été par trop infime pour que je puisse le prendre à mon compte; « il luul absolument le laisser au nom de son auteur.

« Veuillez agréer, mon cher Président, l'assurance de mes sentiments bien dis-< linqucs.

« A. B A U . AN DE. »

Dans sa séance du 28 novembre 1014, la Commission Consultat ive Coloniale a reconnu que la première des reprises économiques sur laquelle son a t ten t ion devai t se porter étai t la reprise de nos t r ans ­ports mari t imes. En effet, tou tes nos autres reprises dépendent d'une; façon étroite de la manière dont notre marine marchande accomplira dans l 'avenir la tâche nat ionale qui lui est dévolue. L 'unanimi té qui s'est produi te sur cet te question, au sein de la Commission, manifeste la clairvoyance des Membres qui la compo­sen t ; mais ce serait se faire une étrange illusion de considérer que le problème de la mar ine marchande est compris de la même manière par l 'ensemble du monde commercial .

11 faut reconnaître , au contraire, que pour beaucoup de négociants, et non des moindres, le problème du commerce extérieur et celui de notre développemenl colonial ne sont pas liés à celui de not re marine marchande. Il y a lieu, par conséquent , d ' indiquer ici briè-

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330 L A Q U E S T I O N DES T R A N S P O R T S M A R I T I M E S

vement , pour quelles causes particulières le commerce mari t ime de la France se t rouve é t roi tement uni au développement de son pavillon national .

1. La condition première des reprises économiques est l'organisation des transports maritimes sous pavillon français

Il existe dans le monde un exemple part icul ièrement curieux de pays se développant au point de vue économique avec une intensi té remarquable , alors, qu 'au contraire, sa marine marchande tombe dans une décadence marquée ; cet exemple est celui des É t a t s -Unis.

E n 1860, au moment où allait éclater la guerre de Sécession, la marine marchande du monde entier se divisait en trois parties à peu près égales : l 'Angleterre, qui déjà t ena i t la tê te , compta i t un peu plus de 5 millions de tonneaux de jauge b r u t e ; les Éta ts -Unis venaient immédia tement après, avec un écart l iés faible. Enfin 5 millions de tonneaux de jauge b ru te se t rouvaient distribués entre les aut res marines marchandes du monde . Aujourd 'hui , la si tuat ion est tou te différente. L 'Angleterre reste toujours au premier rang avec 19 millions environ de tonneaux de jauge bru te . Les Éta ts-Unis t iennent encore le second rang avec 7 millions de ton­neaux de jauge brute , mais grâce à un artifice de stat is t ique, auquel il ne faut pas se laisser prendre. Sur ces 7 millions et demi, en effet, 3 millions et demi environ appartiennent à la navigat ion des Grands Lacs, 3 millions à la navigat ion de cabotage et 1 million seulement à la navigat ion de concurrence. C'est ainsi que la flotte des É t a t s t ranspor te seulement 9 % de l 'ensemble de son trafic mar i t ime extérieur. En 1860 elle t r anspor ta i t plus de 50 % de ce trafic.

Ainsi, d 'une façon très marquée et pour des causes qu'i l est facile, au surplus, de dégager, la marine marchande des Éta ts-Unis ne joue plus, loin de là, le rôle qu'elle jouai t en 1860 dans le trafic national. Elle n 'est plus, pour ainsi dire, qu 'une quan t i t é négligeable, e t c'est sous pavillon anglais, al lemand, Scandinave, français aussi, que sont t ransportées chaque année, les quant i tés immenses de marchandises que les Eta ts-Unis expédienl en Europe ou en reçoi-

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L A Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 331

(1) Voir : «Commerce and Navigation of the United States for the year ending June MO, 1912. — Bureau of Foreign and Domestic Commerce. »

ven t . E t cependant , il n 'y a pas, on le sait, d 'exemple plus admirable d'essor économique que celui dont les Éta ts -Unis on t donné le spectacle depuis un demi-siècle, c'est-à-dire depuis la fin de la grande guerre civile qui a rempli les années de 1861 à 1865 (1).

On ne peut donc pas affirmer, d 'une façon absolue, que le déve­loppement économique d 'un pays soit toujours lié à son développe­men t mar i t ime. Mais, il est permis de se demander pour quelles raisons se produit le contraste ' que nous venons de relever entre la prospérité économique des Éta ts-Unis et la décadence de leur marine marchande . Un bref coup d'reil sur l 'histoire économique de l 'Amérique du Nord nous suffira du reste pour indiquer ces causes. \

A la suite de la guerre de Sécession, le développement agricole industriel et commercial des États-Unis a été général. Mais, alors ([ue le développement industriel visait sur tout à assurer la consom­mation intérieure du pays, le développement agricole étai t princi­palement dirigé vers l 'exportat ion,

De plus, des circonstances géologiques favorables avaieid, donné aux Kl al s-i nis une richesse naturelle qui devait être pour elle un élément très impor tan t de commerce extérieur : le pétrole. Enfin, le cl imat des États du Sud leur permet ta i t d 'exporter en, t rès grande quant i t é , 1res vile après la fin de ia crise, certains produits t ropicaux, en particulier le coton et le tabac . Pa r suite, les exporta­t ions américaines présentaient un caractère à par t . C'étaient des marchandises qu'il é tai t impossible de t rouver , tout au moins en grande quan t i t é dans d 'autres pays que les Éta ts -Unis . En ce qui concerne le coton, les Éta ts -Unis étaient et sont encore de beaucoup le plus grand pays producteur . En, ce qui concerne les blés, les maïs, les viandes conservées ou frigorifiées, les Éta ts -Unis fournis­saient, la plus grande part ie de ces marchandises, en concurrence avec d 'autres pays neufs, tels que l 'Australie, la Nouvelle-Zélande ou certaines part ies de l 'Amérique du Sud. Enfin, les É ta t s -Unis produisent à eux seuls, aujourd 'hui encore, environ 60 % de la quan t i t é totale de pétrole extrai t dans le monde.

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Dans ces conditions, il impor ta i t fort peu que ces marchandises fussent importées en Europe sur des navires battant, pavillon américain ou sur des navires b a t t a n t pavillon européen. Ces navires européens n ' appar tena ien t pas à des nat ions concurrentes, mais à des nat ions clientes, et forcément clientes.

Ni le Royaume-Uni , ni plus lard l 'Allemagne, ni la Belgique, ne pouvaient se passer, pour nourrir leur population ouvrière t rès agglomérée, des marchandises alimentaires que leur envoyai t l 'Amérique du Nord. Ils ne pouvaient pas se passer davantage , soit pour leur i ndus t r i e soi! pour les usages domestiques, du coton américain, ni du pétrole; américain.

Aussi longtemps que les exportat ions américaines conservèrent, d 'une façon dominante , le caractère que nous venons de me t t r e en relief, l 'opinion publique américaine se préoccupa assez peu de la décadence de la marine marchande . Au contraire, depuis quinze ans environ, un mouvemen t très accentué dans le sens dc,son relève­ment s'est manifesté dans l 'ensemble de l 'Union américaine.

Ge no sont pas seulement les négociants des ports , mais des indus­triels ou des commerçants de l ' intérieur, hab i t an t des É t a t s situés à de grandes distances de la mer, qui se préoccupent de l 'effacement du pavillon étoile. Ge revirement de l'opinion correspond t o u t s implement à une modification du caractère des expor ta t ions . Les Eta ts -Unis cont inuent à exporter fout ce que nous venons de dire, mais alors que les produi ts fabriqués ne figuraient autrefois dans la s ta t i s t ique générale que pour une proport ion faible : — 15 à 20 % environ — cet te proportion s'élève actuel lement à 47 % , et chaque année les s ta t is t iques relèvent une progression nouvelle dans ce sens. Pa r suite, les Américains confient le t ranspor t de leurs expor­ta t ions à des navires anglais ou al lemands et quand ces exporta t ions consistent en produi ts fabriqués, ce n 'est plus à des clients obligés, c 'est à des concurrents qu'i ls les confient. On aperçoit de suite la différence de la s i tuat ion et le danger de cont inuer dans la voie où les Américains s 'étaient engagés jusqu ' ici.

Très vi te , ils se sont aperçus que les produits fabriqués livrés par leur industr ie sur les marchés extérieurs pouvaient être livrés t ou t aussi bien par des Anglais, des Français, des Belges, des Allemands, e f e Alors (pie l 'abondance des produits agricoles

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en excès est comme un privilège spécial aux pays neufs ; alors que des richesses telles que le pétrole sont t rès inégalement distribuées dans le monde, alors que les pays t ropicaux présentant des qualités d 'humidi té et de fertilité spéciales, se p rê ten t seuls à la cul ture du coton, tous les cl imats et tous les sols peuvent suppor ter des bât i ­ments de fabrique où se t ra i ten t des matières premières venan t de l 'étranger en vue d'élaborer des produits destinés également à l 'é tranger.

L 'exemple le plus f rappant que l'on puisse invoquer d 'un pays offrant le contras te d 'un essor économique extraordinaire e t d 'un effacement marqué de sa mar ine marchande , s 'explique donc par des circonstances particulières et, en fait, temporai res . Plus l 'Amé­rique développera son industr ie , plus elle sentira la nécessité d 'une marine marchande en rappor t avec l ' importance de son industr ie .

Il n 'es t pas besoin de connaissances s tat is t iques étendues pour savoir que, depuis de longues années déjà, les produi ts fabriqués forment en France une par t ie t rès impor tan te de nos expor ta t ions . La France se t rouve; par conséquent, à ce point de vue , dans la s i tuat ion qui commence à se dessiner pour les Eta ts -Unis , avec cet te différence que le phénomène est chez nous beaucoup plus ancien et beaucoup plus intense. Il est clair, par conséquent , que nous devons redouter de confier nos marchandises d 'expor ta t ion , comme nous le faisons t rès souvent , à des pavillons étrangers représentan t précisément les nat ions qui nous concurrencent le plus v ivement au point de vue industriel .

Non seulement nos éléments d 'expor ta t ion sont en majori té des produi ts fabriqués, mais ils offrent ce caractère particulier qu'ils ont , plus q u e d 'autres , besoin d 'être présentés à la clientèle, par ceux-là m ê m e qui on t intérêt à les vendre . On sait, en effet, que l'industrie! française, en particulier certaines de nos industries françaises, se t ou rnen t plus volontiers vers l 'objet de luxe et de goût , que vers l 'objet de large consommat ion. Sans doute , on peut regret ter , dans certains cas, cet te t endance de nos industries françaises, et il est nécessaire de la comba t t r e pour ne pas nous laisser dislancer dans certains compar t iments de la vie économique par les peuples qui excellent à fabriquer le • inasscn art ikel». 'l'on-

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tefois, il serait peu avisé de ne pas tenir compte de cette tendance et de renoncer aux avantages qu'elle peut nous procurer. Si, en par­ticulier, les modes françaises féminines on! par delà les mers une réputa t ion qui ne le; cède à aucune a u t r e ; si, par exemple, nos célèbres ateliers de la rue de la Pa ix ou,dans un genre moins luxueux, nos grands magasins de confection fournissent d 'énormes quant i t és de marchandises à une clientèle dispersée sur fous les points du globe, cela t ient précisément an prestige de notre goût et au sens ar t is t ique qui préside aux inventions, aux créations de nos grands couturiers et de nos grands fabricants de nouveautés .

Cependant , ce prestige n ' es t pas suffisant pour nous me t t r e complètement à l 'abri du danger des t ranspor t s sous pavillon étranger . Il y a peu d 'années, un industriel de Roubaix faisait à un économiste visitant, ses ateliers, la confidence suivante . Il ava i t reçu une commande impor tan te d 'une Colonie française des Indes que je me permets de ne pas nommer . L'exécution de cet te com­mande lui avai t valu des compliments de la pa r t de son au teur et il é tai t fort surpris que ces compliments n 'eussent pas produi t le résultat na ture l et espéré savoir, celui d 'une nouvelle et plus impor tan te commande . Après quelques démarches infructueuses, il se résolul à faire une enquête pour en avoir le cœur net, et voici ce qu'il apprit. L'agoni de la Compagnie al lemande de navigation à laquelle il avai t confié le transport de s e s marchandises, é tai t allé lui-même se présenter au dest inataire . Il lui avait l'ait valoir que, si la place française de Roubaix fabriquai! des étoffes de nouveautés , elle n ' é ta i t pas seule au monde à en fabriquer. Il ava i t expliqué que les texti les al lemandes produisaient «'gaiement ce genre d'articles et il avai t ajouté, de bonne foi probablement , que les articles al lemands défiaient toute concurrence, non seule­men t en ce qui concernai! la quali té, mais encore au poinj de vue du p : i x . Enfin, il ava i t affirmé que les crédits consentis pur des maisons al lemandes éfaionl infiniment plus longs que ceux consentis par des maisons françaises. Bref, il avait l'ail tant et si bien, que le dest inataire des marchandises françaises s 'était t rouvé transformé en client de l ' industrie al lemande, par le seul l'ait de l ' imprudence du fabricant de l ioubaix.

I)es exemples de ce genre pourraient èt,ré cités en quant il é innom-

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brable. Il y a même parfois des renversements de logique étranges à ce point de vue. Dans une cerf aine clienl èle anglaise de l 'Hindous-tan , le vin de Champagne ue passe pour au then t ique que s'il por te la marque des Docks de Londres . De temps immémorial , ce t te clientèle reçoit son Champagne par l ' intermédiaire des navires anglais et. des entrepositaires anglais des Docks de Londres, et elle a a t t aché le caractère d 'authent ic i té aux marques dont elle a l 'habi tude. Il est arrivé ceci d 'é t range qu 'une Compagnie française de navigat ion p renan t du vin de Champagne à dest ination de l ' Inde dans un por t français, s'est vue soupçonnée d 'avoir livré de faux Champagne parce qu'il ne por ta i t pas les marques en question. Bien plus, ce t te Compagnie, renonçant avec raison à confondre une clientèle ferme dans ses préjugés, a pris le sage part i d 'envoyer, par un de ses services auxiliaires, le Champagne qui lui étai t confié dans les ports français jusqu 'à Londres, afin qu' i l reçut là les marques garant issant , aux yeux de la clientèle indienne, son authen­ticité de vins français. Dans ce cas, comme on le voit, le produit se t rouva i t dénationalisé par le fait qu' i l n ' a t te igna i t pas sa clientèle sous pavillon nat ional .

En dehors même de nos marchandises fabriquées, certains pro­duits de notre sol, et en particulier celui dont nous venons de parler, le vin français, ne peuvent être appréciés par une clientèle étrangère, que si ce t te clientèle a reçu une éducation appropriée. Tous ceux qui on t été admis aux tables ho.-| italières de nos amis les Anglais, savent de quelle façon déplorable on buva i t nos vins il y a quelques années. Après un dîner au Champagne, par exemple, on vous servait les grands crus de Bordeaux au momen t du cigare. Avec de pareilles habi tudes, on en arrive vite à préférer le goût plus marqué du Por l -Wine , souvent addi t ionné d 'a lcool ; la finesse du goût se t rouve oblitérée et les quali tés délicates et rares de nos vins français ne peuvent plus être appréciées.

Imagine-t-on que des agents de Compagnies étrangères puissent être, dans un pays qui s 'ouvre, les éducateurs qui conviennent pour faire goûter nos produi ts? Ce serait évidemment beaucoup t rop leur demander . Ni leur patr iot isme, ni leurs facultés naturelles ne leur pe rme t t en t de jouer ce rôle. E t si l'on veuf qu'il soit rempli d 'une façon satisfaisante, il ne suffit pas de quelques voyageurs

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de commerce t raversan t le pays à des intervalles plus bu moins éloignés, il faut la présence cons tante d ' un représentant au then t ique du commerce français, l 'agent d 'une Compagnie de navigat ion.

Puisqu' i l s'agit sur tout , en ce moment , de reprendre l 'avance que les Allemands avaient gagnée sur beaucoup de marchés exté­rieurs, ne convient-il pas de s'inspirer de leurs exemples, et de fonder notre espoir sur de puissants moyens de communicat ions mari t imes pour la diffusion de nos produits na t ionaux?

La Commission Consultat ive Coloniale a déjà donné son adhésion à tou t ce qui precèdi-, ainsi (pue nous l 'exposions au début . Elle sait déjà que tou te reprise économique a pour condition préalable et essentielle une organisation de t ranspor ts mari t imes, sous pavillon français. Mais, cel le condition nécessaire est-elle une condition suffisante et toute sorte de navire français est-elle en mesure d 'obtenir le résul ta t souhai té?

Là encore l 'exemple de l 'Allemagne donne de précieuses indica­t ions . La marine marchande al lemande a t te ignai t presque, au dernier relevé s ta t is t ique l'ait avan t la guèrre, h; chiffre de 5 mil­lions de tonneaux de j a u g e brûle . Sur ces 5 millions, les lignes régulières de navigation absorbaienl plus de 3 millions et demi. On sait, au surplus, que les deux plus impor tan tes compagnie?, la Hamburg Auierikn et le Norddeulscher Lloyd, réunies pratique* ment aujourd 'hui sous une même direction, ont à e l l e s seules un tonnage qui dépasse 2 millions de tonneaux de jauge bru te . L ' effort al lemand s 'étai t donc por té , d 'une façon ex t rêmement marquée , vers les lignes régulières de navigat ion. C'est que cet effort mar i t ime n 'é ta i t pas aut re c h o s e que h- précurseur d 'un au t re effort commer­cial c e l u i - l à . cl ipie l e s compagnies d e navigation avaient pour mission de préparer les voies a u x entreprises commerciales.

Ni l 'Eta l . ni l es pari iCuliers, n'onl hésité e n Allemagne pour crééer à grands frais ces flottes de commerce puissantes, reliant d 'une façon cons tante l 'Allemagne aux pays dans lesquels elle voulai t se créer des débouchés. C'était là du reste, une sorte de tradit ion nat ionale. En Allemagne, en e f f e t , on peut dire que le développe­men t mar i t ime a précédé cl préparé le développement agricole et industriel . L e s a rmateurs e t l es négociants d e la grande cité hanséa-

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bique de Hambourg le proclamaient avec un orgueil justifié : Ham­bourg étai t prêt , longtemps a v a n t que l 'Allemagne fût devenue un grand pays producteur , à servir, à accélérer et à assurer son développement futur. Dès 1850, au moment où l 'Angleterre suppri­mai t les derniers vestiges de sa polit ique mar i t ime prohibit ive et abrogeait ce qui restai t de l 'Acte de navigat ion de Cromwell, les a rmateurs hambourgeois sortaient de la longue période de recueil­lement qui , pendan t deux siècles environ, s 'étai t imposée à eux par suite de l ' isolement où ils se t rouva ien t de t o u t groupement nat ional économique puissant . Dans la cour te période de 1850 à 1860, le tonnage de la flotte avai t doublé. En 1870, il acquérai t déjà une impor tance sérieuse. A par t i r de cet te date , on sait com­ment l 'élément hambourgeois Irouva dans l 'unité al lemande les éléments do l'essor magnifique auquel nous avons assisté.

L 'Empi re al lemand n ' é t a i t pas, en effet, une pure œuvre militaire, mais aussi l 'é tablissement d 'une vaste entreprise industrielle et commerciale qui, pendan t quaran te -qua t re ans, ne devai t pas cesser de grandir . Cette vas te entreprise avai t besoin d 'un puissant service de t ranspor ts , non pas occasionnels, mais cons tan t s . Elle en t rouva les éléments dans les compagnies, alors modestes , de H a m b o u r g et de Brème; elle les développa, les organisa et en fit de merveilleux ins t ruments de propagande .

Ce ne sont donc pas précisément des navires à dest ination variable, des tramps, comme on les désigne dans le langage mar i t ime, qui sont le plus nécessaire aux reprises économiques que nous pour­suivons. Seules, des lignes régulières peuvent assur.er le lien perma­nen t entre les lieux de product ion et les lieux de consommation, entre h; fabricant et la clientèle, qui sont indispensables à l'essor de notre indusl r ie , de notre commerce, et par conséquent à l 'extension de nos débouchés extérieurs.

E n proposant cet te conclusion à la Commission Consultat ive Coloniale, nous n 'avons aucunement l ' intention de recommander spécialement la création de nouvelles entreprises postales. Autre chose est l 'é tablissement d 'un service postal , justifié, du reste, par les plus légitimes considérat ions; au t re chose est l 'établissement d 'une ligne d'inférêl général, qui assure la régularité des eommuni-

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cations commerciales, sans se voir cont ra in te a u x mille et une prescriptions d 'un Cahier des Charges compliqué, créant parfois de véri tables ent raves à la navigat ion.

Il ne s'agit, bien entendu, d 'exclure aucune forme de développe­m e n t mar i t ime et les compagnies subventionnées ont. leur raison d 'être et t rouven t leur justification dans les services qu'elles rendent . Mais, il ne faut pas se contenter de ce genre de reprise. Il y a lieu de faire appel à l ' ini t iat ive privée pour le développement , la création ou le maint ien de lignes régulières d 'un caractère v ra imen t com­mercial.

Il nous reste à examiner à quelles conditions peut avoir lieu ce développement don t nous venons de reconnaî t re la nécessité.

II . Les conditions essentielles de la prospérité de la marine marchande française

Tout d 'abord, il y a lieu de reconnaî t re que la mar ine marchande française est sortie récemment des difficultés graves qui pesaient sur elle depuis 1866. Cette da te correspond, en effet, à la suppres­sion des sur taxes de pavillon et à l 'admission des pavillons étrangers dans nos ports français sur le pied d'égalité avec le pavillon français (Loi du 19 mai 1866 sur la marine marchande) . Les résul ta ts de ce t te disposition furent terribles et immédia ts pour not re flotte de commerce . C'est à par t i r d u 1 e r juin 1867 seulement que sa mise en vigueur permi t de les apprécier ; mais, dès 1869, ils appara is ­saient te l lement graves aux hommes d 'É ta t de ce t emps , qu ' une enquête fut ordonnée — ce ne devai t pas être la dernière — sur les moyens de venir en aide à la mar ine marchande . On se rendai t compte , en effet, que, par suite de la suppression des avantages qui ava ient été conférés jusque-là aux navires français, ceux-ci, soumis à des obligations adminis t ra t ives plus lourdes que les navires étrangers , se voyaient dans l ' impossibilité absolue de soutenir leur concurrence.

Les événements de 1870-1871 dé tournèrent forcément l ' a t tent ion de ce problème. En 1872, l 'Assemblée Nationale, émue de la si tua­tion qui empirai t toujours, voulu t revenir au régime des sur taxes de pavillon, sans se rendre compte que la France, engagée par

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des t ra i tés positifs vis-à-vis d 'autres nat ions, n ' ava i t plus sa liberté d 'act ion en cet te mat ière et devait par conséquent cont inuer dans la voie inaugurée en 1866. Ce fut seulement en 1881 qu 'une première loi sur la marine marchande établi t un régime d'alloca­tions en faveur des navires français de commerce remplissant cer­taines conditions déterminées. Mais cet te loi, faite pour dix ans seulement, ne pouvai t avoir d'effet utile que dans les premières années de la période décenale envisagée. E n effet, les navires construi ts pendan t la huit ième ou la neuvième année du régime, par exemple, ne pouvaient en bénéficier que pendan t un an ou deux ans, ce qui rendai t la protection accordée t ou t à fait inopérante .

La loi de 1893 remédia à cet inconvénient . Bien qu'elle fût faite aussi pour une durée de dix ans, il é tai t décidé que les navires cons­t ru i t s à une da te quelconque de la période envisagée jouiraient pendan t dix ans du régime établi . Malheureusement, ce régime fut vicié, dès l'origine, par une prétent ion exorbi tante du Par lement qui crut savoir, d 'avance et mieux que les a rmateurs , de quel genre d'outil ils aura ient besoin pendan t v ing t ans et les poussa à cons­t ru i re des voiliers au lieu de vapeurs . La loi de 1893 donnai t , en effet, aux navires à voiles des avantages exagérés, sous pré texte que, seuls, les voiliers pouvaient former des marins manœuvr ie r s . Le pré tex te é ta i t jus te , mais la conséquence qu 'on en avai t t irée en accordant aux voiliers des primes plus impor tan tes q u ' a u x vapeurs fut déplorable. Les a rmateurs , en effet, se t rouva ien t déterminés par les avantages que la loi faisait aux voiliers à porter tous leurs efforts de ce côté. Il en résulta que, pendan t que la flotte commerciale du monde entier évoluait de plus en plus vers le navire à vapeur, not re flotte française se voyait: doter d 'un t rès grand nombre de voiliers d'acier de dimensions impor tan tes , alors que le nombre de ses unités et le chiffre de son tonnage à vapeur allaient cons tamment en d iminuant . De plus, on s 'aperçut bientôt que l ' intérêt des a rmateurs à faire naviguer un navire voilier pour acquérir la prime étai t assez impor tan t pour leur faire perdre de vue , ou t o u t au moins pour a t t énuer à leurs yeux, l ' importance d 'un bénéfice commercial réel, c 'est-à-dire du fret acquis par ce navire . Le simple jeu des primes accordées a u x voiliers ava i t donc produi t ce double inconvénient . E n premier lieu, il ava i t poussé

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3 4 0 LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

les a rmateurs français vers la construction de voiliers; en second lieu, il les avai t détournés des préoccupations commerciales qui sont la base réelle de leur industr ie .

Le plus curieux, c 'est que l 'État , au teur responsable de cet te s i tuat ion, s'en pri t t rès vi te aux amateurs lorsqu'elle éclata à ses yeux. Le Pouvoir législatif avai t voulu avoir des voiliers. Il ava i t cru pouvoir indiquer à l ' a rmement la voie dans laquelle il lui conve­nai t d 'entrer . L ' a rmemen t ava i t suivi cet te impulsion et le nombre de nos navires à voiles allait toujours croissant. Il arriva bientôt que le Par lement se fit l ' in terprète des récriminations que suscitait cet é ta t de choses. Une véri table réaction se produisit même contre les voiliers, et, lorsque la Commission extra-par lementai re de la mar ine marchande fut const i tuée en 1898, ce fut en réalité, non seulement pour étudier le régime qu'i l conviendrai t de créer à la fin de la période couverte par la Loi de 1893, mais sur tout pour me t t r e fin à la construct ion des voiliers et à la protection dont ils avaient été l 'objet.

E n d 'autres termes, le Par lement après avoir déclaré qu'i l voulai t sur tout des voiliers, déclarait qu' i l voulai t un iquement des vapeurs .

La Loi du 7 avril 1902, préparée cependant par des études appro­fondies, donna des résul tats plus critiquables encore que la Loi de 1881 et la Loi de 1893. Elle por ta i t , en effet, en naissant un yice const i tut ionnel . Le Par lement s 'était préoccupé de limiter d 'une par t le tonnage des navires qu'il s 'agissait de construire pendan t la période couverte par la loi. I Vautre part, il avai t voulu limiter aussi le chiffre éventuel de dépenses que pourrai t entraîner la construction et l'exploitation de ce tonnage'. É t a n t donné que, d ' au t re par i , il dé terminai t le faux et les conditions des allocations qui pourra ient être données soit pour la construct ion, soit pour l 'exploitation des navires, il allait de soi que ces différents calculs devaient être entre eux dans un rappor t déterminé par les t aux d'allocations. Malheu­reusement , des amendements , présentés en cours de discussion et votés à la suite de calculs improvisés, amenèrent une discordance marquée entre le crédi t - tonnage et le crédi t-argent . Ce dernier étai t fout-à fait insuffisant pour couvrir les dépenses afférentes au tonnage. Au lieu de 220 millions environ à répar t i r sur une période de douze années, on avai t voté 150 millions seulement. Lorsque cet te

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discordance fut connue, les a rmateurs les plus avisés se rendirent compte que les derniers tonnages inscrits sur les listes de prises de rang ne t rouvera ien t aucun crédi t-argent qui leur correspondît . Pa r suite, ils s 'empressèrent de commander , alors qu'il restai t encore des crédits disponibles, le plus de navires possible. Une course au clocher s 'établi t alors et, en décembre 1902, c'est-à-dire neuf mois après le vo te de la loi, tous les crédits-tonnages prévus pour une période de douze ans se t rouva ien t déjà engagés.

Cette faillite de la Loi de 1902 eut du moins un avantage , celui de faire étudier et d 'établir un régime nouveau échappant aux prin­cipales crit iques qu 'ava ien t rencontrées les précédents . La Loi de 17 avril 1906 opéra une t ransformat ion profonde dans les errements suivis jusque là. Elle é tabl i t une séparat ion absolue entre le régime de la construct ion et le régime de l ' a rmement . Ce n 'es t pas ici le lieu d ' indiquer les avantages de cet te séparation, exposés avec une clarté magis t ra le dans le Rappor t présenté au nom de la Commission ext ra-par lementa i re de 1904 par son président, M. Millcrand. Il nous suffira de rappeler que, désormais, on sait à quelles entreprises vont , en fin de compte , les sacrifices demandés aux contr ibuables en vue du maint ien de la marine marchande française, et que des résultats plus appréciables sont a t te in ts avec des dépenses moindres . On a obtenu, à la fois, plus de clarté et un meilleur rendement de l'effort financier.

Au surplus, sans entrer dans des détails que ne comporte pas le présent rappor t , il est un fait incontestable qui marque la supé­riorité du régime établi par la loi de 1906 sur tous les régimes an té ­rieurs. Ainsi que nous l 'avons br ièvement indiqué, les Lois de 1881, de 1893 et de 1902 étaient à peine en"Vigueur depuis quelques mois, qu'elles donnaient lieu aux plus vives récr iminat ions. Voilà actuel­lement plus de hui t ans que la Loi de 1906 est en vigueur et les crit iques qu 'on a pu lui adresser sont sur tout des critiques de détails. Tou t le monde reconnaî t que la séparat ion des in térê ts de l ' a rmement et de la construct ion a produi t les meilleurs résul ta ts , et le dévelop­pement impor tan t pris par notre marine à vapeur depuis 1906 mont re que le régime nouveau a vér i tab lement por té des fruits.

D 'au t re par t , il est impossible désormais de reprocher aux a rma-

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Leurs de se la isser détourner des préoccupations commerciales qui sont la base de leur industrie, par la recherche d'allocations pouvan t résulter de la loi sur la marine marchande . Ces allocations sont, en effet, d 'un ordre d ' impor tance tel qu'elles ne peuvent décider aucune entreprise à créer te l le ou telle ligne régulière, à consentir tel ou tel affrètement. Elles peuvent s implement l 'aider à réaliser des combinaisons à base un iquement commerciale, qui seraient rendues difficiles ou souvent impossibles par suite des charges spéciales du pavillon français, si ces charges ne recevaient une certaine compensat ion.

La loi de 1906 échappe donc complè tement aux reproches, si souvent adressés aux lois de protection quelles qu'elles soient, de fausser les faits économiques. Elle, vient simplemenl rétablir, dans une certaine mesure, l 'équilibre normal qui se t rouve rompu au défrimenl du navire français p a r des éléments artificiels. < h) peul donc dire que le pavillon français ne rencontre plus, dans h; régime qui lui est fait par des lois dites de la marine marchande , un obstacle à son développement . Dans ses grandes lignes, le problème fie sa protect ion a été résolu par la loi de 1906.

Ce n 'es t pas à dire; (pie les dispositions de cet te loi soient consi­dérées par nous comme définitives et intangibles. Le système de compensat ion imaginé par elle devra inspirer la loi future. Quant au t a u x établi par le législateur de 1906 рощ- les allocal ions pré\ ues, il faudra le modifier pour la raison très simple que les charges de foutes sortes subies par la marine marchande se sont accrues dans une très forte proportion depuis l 'époque où elles furent calculées (Commission exl ra-parlemenl aire de 1904) en vue de la préparation de la loi de 1906.

ii

Depuis cet te époque, en off.it, la loi du 29 décembre 1905 sur la Caisse de Prévoyance des marins français, la loi du II juillet 1908 sur les pensions demi-solde des inscrits mari t imes on t augmenté , à elles seules, dans une proport ion de 5,5 % des salaires, les charges imposées à l ' a rmement . De ce fait, les a rmateurs versent chaque année environ deux millions et demi de plus à l 'État .

La loi du 17 avril 1907 sur la Sécurité de la navigation et sur la réglementation du travail à bord des navires de commerce a créé des obligations ext rêmement lourdes, t an t pour l ' installation des

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équipages que pour le nombre des effectifs et l 'obligation d 'employer certaines catégories de mar ins . Des calculs faits avec le plus grand soin, et que nous reproduisons en annexe de ce rappor t , pe rmet ten t d 'évaluer environ à 13 millions par an les charges nouvelles résul tant des modifications législatives intervenues depuis 1904. Il y a donc lieu à un réajus tement des t a u x aux conditions nouvelles créées par la législation de la marine marchande .

Toutefois, ce ne sont pas là des difficultés telles qu'elles soient insurmontables . Le grand problème de la mar ine marchande , celui qu'i l impor te essentiellement de résoudre, est la mise en valeur de son personnel. J 'emploie à dessein cet te expression de mise en valeur parce qu'elle indique la possibilité d 'améliorer t rès sensiblement des éléments exis tants et qu'elle écarte t ou t appel à un personnel différent. Il y a cependant une distinction utile à faire à ce point de vue .

On adresse souvent en F iance des critiques assez vives a u x maisons d ' a rmemen t , Bien que la s i tuat ion du Secrétaire Général du Comité des Armateurs ne lui permet te pas, selon un mot célèbre, de dire du mal des a rmateurs , elle ne lui in terdi t pas d 'en entendre , et il n 'es t pas rare que les accusations de négligence, d ' impérit ie, de manque de savoir faire, d 'absence d'esprit d 'entreprise v iennent jusqu 'à nous .

J e dois dire t rès s implement que ces accusations ne me paraissent pas effrayantes. Si elles sont injustes, il n 'y a pas lieu de s'y ar rê ter . Si elles sont justes , le remède n 'es t pas difficile. Il y a, en effet, parmi ceux-là mêmes qui adressent le plus souvent ce genre de reproches a u x a rmateurs , je veux dire parmi les représentants de l 'Agriculture, du Commerce, de l ' Industr ie , et d 'une façon générale, de tou tes les forces productr ices de la France, assez d 'espri t d 'entreprise et de capacités pour fournir, s'il y a lieu, des directeurs à de nouvelles entreprises de navigat ion. Celles-ci, a y a n t précisément t o u t ce qui fait défaut, dit-on, aux entreprises actuelles, ne manquera ien t pas de les concurrencer avec un immense avan tage et de les supplanter b ientôt au grand profit de l ' intérêt général. Les a rmateurs , en effet, ne sont pas recrutés dans une caste privilégiée et part iculière. Il est loisible à t o u t le monde de const i tuer une compagnie de navi-

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galion. On peut donc compter sur les ressources de cap i taux et d ' in­telligence qu'offre notre pays pour faire disparaî t re le danger que quelques-uns croient voir dans l'insuffisance des a rmateurs français.

Le problème est plus difficile en ce qui concerne les marins fran­çais. Ceux-ci, en effet, ne peuvent pas être recrutés indis t inctement dans l 'ensemble de la populat ion. Seuls, les inscrits mari t imes peu­vent , théor iquement , dans la proport ion des trois quar t s et, prat i­quement , dans une beaucoup plus large proport ion, faire part ie des équipages des navires de commerce français. Il est vrai que l ' Inscript ion Maritime ne const i tue pas un corps fermé, fout au moins d 'une façon absolue; il n 'est pas besoin d 'ê t re fils de marin et d 'avoir été élevé sur le littoral de la mer pour devenir inscrit mar i t ime. Mais on le devient obl igatoirement lorsque, ayan t plus de 18 ans, on a navigué plus de dix-huit mois sur un navire de commerce. Aut rement dit, la qual i té d ' inscri t mar i t ime est liée au fait de la navigat ion professionnelle.

Le lien est même rendu plus étroit par la cont ra in te légale sui­van t e . Si un homme âgé de 24 à 25 ans, pa r exemple, se sent t o u t à coup une vocation mar i t ime et se fait inscrire sur le rôle d 'équipage d 'un navire de commerce, il se voit obligé, au bout de dix-huit, mois, soif d e débarquer, soif de devenir inscrit mar i t ime définitif. S'il opte pour ce dernier part i , sa quali té d ' inscrit mar i t ime l 'expo­sant, à servir éventuel lement dans les équipages de la F lo t te , il sera appelé pour faire un an de service sur un navire de guerre, alors même, qu' i l aura i t rempli déjà ses obligations militaires dans un corps de t roupe terres t re . Ainsi, l 'inscrit mari t ime qui n ' en t re pas dans la profession avan t de l'aire son service mili taire ne peu t plus y entrer, après avoir accompli ce service, au t r emen t qu 'en revenant pendan t un an de plus sous les drapeaux, c 'est-à-dire en voyan t ses obligations militaires fortement augmentées . Il va sans dire que les cas d 'hommes acceptant , après le t irage au sort, la s i tuat ion d ' inscrit mar i t ime et les charges qu'elle entra îne dans ce cas, sont ex t rêmement rares . Il en résulte qu 'en p ra t ique , il n ' y a guère d ' inscrits mari t imes, qui; parmi ceux qui on t commencé fout jeunes à naviguer.

C'est donc, dans ce cadre théor iquement ent r 'ouver t , mais p r a t i . quemenl fermé, que les armateurs sont tenus, par suite d ' u n e

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contrainte légale et aussi en raison de capacités techniques spéciales, de recruter les équipages dont ils ont besoin pour monte r leurs navires. Il n 'y a pas à compter sur un recru tement extérieur, sauf pour quelques individuali tés. C'est donc bien le personnel actuel des marins du commerce qu'i l y a lieu, comme nous le disions plus haut , d'améliorer et de met t re en valeur pour résoudre efficacement le problème de la marine marchande française.

E n effet, des changements s ' imposent dans l 'esprit général de ce personnel. Personne ne rend plus que nous ample justice à ses qualités d ' init iat ive, de dévouement , d 'endurance. Ses quali tés techniques sont t rès probablement équivalentes sinon supérieures à celles des marins des aut res nations, de telle sorte que, considérés individuellement, les marins français sont parmi les meilleurs que l'on puisse t rouver . Majs, considérés en groupe, comme il faut en fait les considérer lorsqu'on étudie le problème de la marine marchande , ils manquent , à un degré dangereux, de l 'esprit de discipline indispensable.

11 y a à cela des causes diverses dont on peut dégager les princi­pales. Nous nous bornerons à en indiquer deux qui nous paraissent avoir joué un rôle part icul ièrement funeste depuis quelques années.

La premien; est l ' incert i tude voulue des sanctions entraînées par les fautes disciplinaires et même par les délits mar i t imes . Le Code disciplinaire cl pénal de 1852 a été, depuis v ing t ans, l 'objet de retouches impor tan tes . (Lois des 15 avril 1898 et 31 juillet 1902). Cependant un Ministre de la Marine, par lan t du hau t de la Tr ibune française, a cru pouvoir dire qu'i l faisait t ra îner au mar in du commerce français, pendan t tou te sa vie, le boulet de la servi tude militaire (Discours de M. Pel lc tan à la Chambre des Députés le 6 février 1903). Cette déclaration n 'a pas été une simple phrase. Elle a marqué le début du régime nouveau au cours duquel il a été sous-entendu que le décret disciplinaire et pénal, malgré ses modifications récentes, ne correspondait plus à nos conceptions sociales modernes et qu 'en conséquence, il n 'é ta i t pas possible de l 'appliquer.

C'est, en effet, ce qui a été fait, d 'une façon presque constante depuis plus de onze ans. De temps eh temps seulement, le Couver-

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nement se voyan t débordé par une sorte de révolte des inscrits mari t imes, a cru devoir appliquer les sanctions prévues et a dû sévir contre un très grand nombre de marins . Ces hommes se t rou­vaient ainsi vict imes, la p lupar t d 'entre eux, t o u t au moins, d 'un manque de suite dans l 'application des textes législatifs en vigueur. Voyant leurs camarades violer à plusieurs reprises des obligations qu'ils avaient respectées eux-mêmes, ils s 'é taient cru autorisés à les violer à leur tour , e t on t dû avoir une étrange idée de la just ice humaine , en cons ta t an t que cet te violation ava i t pour eux des conséquences funestes.

Mais l 'application sévère de sanctions graves à un très grand nombre de marins , dans des circonstances particulières, ne t end pas à la res taura t ion de la discipline. Tout au contraire, en faisant succéder une sévérité parfois excessive à un re lâchement prolonge'', elle donne lieu à un cont ras te qui scandalise plus qu'i l n 'éclaire. Toujours est-il que, dans l 'é ta t actuel des choses, il n ' es t pas pos­sible de prévoir à l 'avance ce que telle infraction aux prescriptions du Code disciplinaire et pénal pourra valoir à son au teur . La p lupar t du t emps il reste impuni . Dans des cas isolés, il peut être sévèrement chât ié . La discipline ne saurai t résister longtemps, et ne résiste pas, en fait, à ce t te s i tuat ion anarchique .

Le Dépar tement de la Marine s'est préoccupé il y a plusieurs an­nées déjà de ce danger . Dès 1908, M. Thomson, alors Ministre de la Marine, annonçai t à l 'ouverture de la première session du Conseil Supérieur de la Navigation Maritime, la mise à l 'é tude d 'une refonte du Code disciplinaire et pénal . Cet te mise à l 'é tude a eu lieu. Un t ex te préparé par les soins du dépar tement comme base de discus­sion, a été l 'objet d 'un examen approfondi de la pa r t d 'une Com­mission spéciale où tous les intérêts en jeu étaient représentés. Un r appo r t é tendu et fort étudié, présenté par M. Lauren t At thal in , maî t re des requêtes au Conseil d 'Éta t , a exposé dans leurs détails, les raisons pour lesquelles la Commission ava i t modifié le t ex te qui lui é ta i t présenté, et ava i t about i à un projet de loi complet , dans lequel la préoccupat ion de la discipline se joignait à un jus te sen­t iment de la dignité de la personne humaine .

Ce projet , adopté par le Conseil Supérieur de la Navigat ion Mari-Lime, modifié, il est vrai , sur plusieurs points par le Ministre de la

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Marine, a été présenté au Par lement , mais n'a jamais eu les honneurs de la discussion, bien que deux années se soient écoulées depuis le momen t où le Gouvernement l'a déposé sur le Bureau de la Chambre des Députés. On a donné comme raison de ce retard la nécessité où l'on- se t rouva i t de modifier en même temps t o u t le régime de l 'engagement des marins à bord des navires de commerce. Une Commission spéciale consti tuée au Sous-Sécrétariat de la Marine marchande , sous la présidence de M. Grunebaum Ballin, a je té les bases d 'un vas te projet t r a i t a n t cet te mat ière . Mais les dis­cussions t rès vives, auxquelles ce projet a donné lieu au sein de la Commission, font prévoir qu'il ne pourra pas* être adop té par le Par lement a v a n t un nouvel examen et de profondes modifications. Il n 'es t pas possible d ' a t t endre que cet te œuvre de refonte jur idique, t rès vas te et t rès délicate, soit ent ièrement accomplie pour me t t r e un t e rme à l ' incert i tude qui pèse actuel lement sur la marine fran­çaise au point de vue des sanctions disciplinaires.

Le marin français, nous le répétons, n 'est pas incapable de disci­pline ; il a seulement, besoin de connaî t re avec exact i tude quels sont ses droits et ses devoirs. 11 a conscience que la vie à bord entraîne pour lui des obligations particulières. Il désire que ces obligations soient définies, et c'est l ' intérêt de l ' a rmateur comme le sien que la loi procède à cet te définition. Mais, une fois cet impor­t a n t t ravai l accompli, son efficacité dépendra de la fermeté avec laquelle on t iendra la main aux obligations réciproques qui seront reconnues essentielles, soit de la pa r t de l 'a rmateur , soit, de la par t de l ' inscrit mar i t ime. La discipline peut être res taurée dans ces condit ions, et nous ne voyons pas qu'elle puisse l 'être sans elles.

En dehors de cet te cause fondamentale , il en est une au t re qui a agi malheureusement d 'une façon très profonde pour désorganiser le commandemen t à bord des navires de commerce. Cette cause que les moralistes connaissent bien et dont on re t rouve les funestes conséquences dans tous les compar t iments de la vie sociale, c'est le terrible développement dp l 'alcoolisme. Il n 'es t pas douteux que les habi tudes d ' in tempérance sont un peu de t radi t ion chez les marins de fous pays . La vie très rude qu'i ls mènen t en mer, les priva­t ions qu'elle compor te , les amènen t f réquemment à considérer le séjour à terre, su r tou t s'il est court et succède à de longues t raver-

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sées, comme une période de réjouissances sans mesure. Toutefois, les excès qui on t pu se produire dans ce genre à d 'aut res époques n ' ava ien t pas d'aussi funestes résultats que ceux auxquels nous assistons aujourd 'hui Les consommations exagérées de vin, voire même d'eau-de-vic et de rhum, ne produisaient pas les mêmes désastres que l 'absorption des boissons frelatées, dans lesquelles l'alcool de quali té inférieure se mêle à toutes sortes d'essences exci­t an tes et désorganisantes. Les excès d'alcool ne pr ivent pas seule­men t aujourd 'hui l 'homme qui s 'enivre de l 'usage de sa raison pen­dan t une période t empora i re ; ils ruinent en lui les sources mêmes de l 'intelligence et le principe de la santé physique. Ils sont les pères au thent iques du delirium tremens, de la tuberculose et de mille aut res affections qui menacent de détruire la race française.

Au point de vue spécial qui nous occupe, l 'alcoolisme est respon­sable en grande part ie , non seulement des périodes de complète inutil isation qui marquen t souvent le dépar t des navires, mais aussi de cet é ta t pe rmanent d 'exci tat ion fébrile que l'on remarque chez les sujets les plus adonnés à l'alcool. La discipline, qui exige essentiellement la possession de soi-même, ne saurai t ni se maintenir , ni se restaurer, quelles que fussent les rigueurs pénales appliquées, si les hommes qui doivent l 'observer ne sont pas maî t res de leurs nerfs et de leur volonté . Au surplus, les Français ne sont pas des êtres passifs, obéissant par suite de la terreur que leur inspire le châ t imen t ; la seule discipline efficace dans not re pays et à notre époque est une discipline acceptée et reconnue indispensable par celui qui doit s'y soumet t re . Nos marins sont les premiers à pro­clamer la nécessité d'obéir aux ordres de leurs chefs. Mais il va de soit que cet te notion est obscurcie momen tanémen t chez l 'homme qui ne joui t pas ent ièrement de sa raison et finit par disparaî tre chez celui qui v i t ordinai rement sous l'influence de l'alcool.

Ici donc il ne s 'agit pas seulement de réprimer, mais sur tout de prévenir . A bord des navires, les ra t ions d'alcool ont été très dimi­nuées, même pour la grande-pêche et on tend vers une suppression absolue. Mais il faut tenir la main à empêcher l ' in troduct ion clan­destine d'alcool, qui a lieu sous les formes les plus imprévues. N'avons-nous pas en tendu un capitaine de goélette terre-neuvienne nous dire sa surprise d 'avoir t rouvé à son bord des litres d'eau de

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Cologne qui, on le pense bien, n ' ava ien t pas été embarqués pour servir à la toi let te des matelots !

Quoi qu'i l en soit, il n 'est pas difficile, si on en a la ferme volonté, de prévenir efficacement l'alcoolisme à bord. La tâche est infini­ment plus malaisée à terre . El le 'ne dépend pas seulement, en effet, des a rmateurs et des officiers; il faut que les municipalités et tous les pouvoirs publics y coopèrent . Mais on aura i t déjà ob tenu un résul ta t si on interdisait , d 'une façon sévère, le colportage de l'alcool et son introduct ion sur les quais des por ts . Un décret récent, rendu sur la proposition de M. le Ministre du Travail , a prohibé la consommation d'alcool dans les chantiers et ateliers de t ravai l et prévu des sanctions contre les chefs d ' industr ie qui laisseraient violer cet te prohibit ion. L'Association des Employeurs des Por ts a demandé que les quais et terre-pleins des ports , qui sont les chan­tiers de la manuten t ion mar i t ime, n 'échappent pas à la règle com­mune . Mais il lui a été répondu que le décret s 'appl iquai t aux chefs d ' industr ie seuls et que, par suite, il dépendai t des autor i tés compé­tentes de permet t re ou d ' interdire la circulation des alcools de consommation sur les quais . L'Association des Employeurs s'est alors adressée aux municipalités de tous nos grands por ts , en leur signalant l ' init iative heureuse prise par certaines d 'entre elles, à Dunkerque, par exemple, pour interdire la vente au détail de l'al­cool sur les quais . Mais cet exemple n'a été suivi que dans un nom­bre restreint de por ts . Il serait indispensable que des mesures du même genre fussent prises partout.

I I I . La Marine marchande cl le Développement colonial

Si, comme nous espérons l 'avoir m o n t r é , la condition première de tou te reprise économique est l 'organisation des t ranspor t s mari t imes sous pavillon français, not re commerce extérieur ne peut prospérer que dans là mesure où des lignes régulières de navi­gat ion relieront les marchés étrangers à la France Quels sont^ceux des marchés sur lesquels doit porter le principal effort, ceux qu'il

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importe le plus de desservir et qui justifient la rapidi té et la fré­quence des services mari t imes? Il y a là un problème très vas te et très complexe que m les a rmateurs , ni les commerçants , ni les pou­voirs publics ne peuvent résoudre isolément, mais qui nécessite et qui méri te le concours de tous .

Cependant , t ou t n 'est pas à créer, heureusement, et, même là où il faut créer, o n sait parfois, dès à présent, sur quels points il faut agir. Tel est le cas pour nos colonies françaises. On peut, en effet, discuter sur l ' avantage de conquérir à l'influence française tel ou tel marché indépendant de la Chine, du Japon , de l 'Amérique du Sud ; mais il n ' y a plus à discuter au sujet des terri toires ra t tachés par la France à son domaine colonial ou soumis à son protectora t . Vis-à-vis de ces terri toires, nous avons des devoirs à remplir, car not re parole est engagée et il se t rouve que ces devoirs sont de tous points conformes à nos intérêts bien entendus. Une colonie est pour sa métropole une source de charges ou de profits, su ivant qu'elle est livrée aux influences commerciales étrangères ou fortement r a t t a ­chée aux intérêts économiques na t ionaux . Établ i r une colonie ou un protectorat , c'est donc logiquement décider qu 'on fera tout le possible pour provoquer dans cet te colonie ou ce protectorat l'essor de toutes les forces productrices et cela sous la direction de Fran­çais, ou t o u t au moins, avec le concours des capi taux et de l ' initiative français. C'est décider, par suite, que cet te colonie ou ce pro tec tora t seront t ou t d 'abord reliés aux grandes voies mari t imes du commerce par des lignes françaises.

Les Allemands n 'on t jamais négligé d'assurer à leurs colonies les plus nouvelles, dès leur création, des services de t ranspor ts par mer aussi multipliés que possible. Leurs commerçants si avisés ne se sont jamais mis à la merci de compagnies étrangères pour a t te indre leur clientèle coloniale. Cela appara î t d 'une façon part iculièrement claire dans les colonies allemandes récentes, par exemple, en Afri­que, au Cameroun et au Togo. Les services al lemands de la côte occidentale d'Afrique sont effectués par une sorte de consortium de compagnies de navigat ion composé de la maison Woërmann, de la H a m b u r g Amerika et de la H a m b u r g Bremer Afrika. Le consor­tium avai t , en outre , jusqu 'à l 'ouverture des hostilités, un lien assez

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étroit avec la Compagnie Maritime Belge du Congo déjà considérée, sans doute , comme une ligne allemande de l 'avenir.

La ligne principale du Cameroun, spécialement appropriée au service des passagers, est desservie par cinq paquebots et compor te deux dépar ts par mois de Hambourg . Une seconde ligne, de caractère plus commercial , assure un dépar t par mois ; mais les navires de cet te ligne sont aménagés cependant pour prendre des passagers de l r e e t de 2 e classe.

Le Togo est, lui aussi, doté, de deux lignes faisant chacune un dépar t mensuel de Hambourg . L 'une de ces lignes touche Bremerha-ven . Toutes les deux escalent à Rot te rdam.

Il serait facile de fournir d 'autres exemples et t rop facile égale­ment , hélas, de citer des exemples contraires empruntés à nos colo­nies françaises. Actuellement, notre Nouvelle-Calédonie se t rouve dépourvue de t ou t service régulier sous pavillon français et il existe des colonies anciennes qui, même en t emps normal, ne sont reliées par aucune ligne française. Puisque nous sentons la pressante nécessité de reprendre sur les Allemands l 'avance économique qu'i ls s 'é taient assurée; puisque c'est là une des conséquences heu­reuses de la lu t te terr ible que nous soutenons contre eux de met t r e en relief l 'obligation de devoirs nouveaux, sachons du moins t i rer profit de leurs exemples, avoir une marine marchande , et nous en servir pour l'essor de notre commerce et le développement de nos colonies.

E n te rminan t , nous avons le devoir de signaler à la Commission des errements funestes, don t les événements actuels me t t en t en relief le danger grave, que des personnes clairvoyantes on t dénoncés depuis longtemps déjà, mais qu'il est urgent dé condamner dès à présent d 'une façon rigoureuse et. définitive. Nous voulons parler des faveurs accordées en France ou dans des pays dépendants de la France, à des lignes étrangères de navigation, spécialement à des lignes al lemandes.

Le port de Cherbourg, qui est un de nos grands ports militaires, ne doit le peu d 'act ivi té commerciale dont il joui t qu ' aux escales des lignes étrangères. Trois compagnies allemandes y dominent : la H a m b u r g Amerika, le Nord deutscher Lloyd et la Compagnie

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352 LA QUESTION DES TRANSPORTS MARITIMES

Kosmos. La première fait le service de Hambourg à New-York, la deuxième de Brème à New-York, la troisième de Hambourg à Val-paraiso. Ensemble, ces trois compagnies affectent aux lignes passant à Cherbourg v ingt -quat re paquebots , d 'un tonnage global dépassant 191.000 tonneaux de jauge ne t te et font cent quatorze escales par an. Elles prennent ou laissent à Cherbourg plus de 20.000 passagers par an. Le résultat de cet te s i tuat ion est que, dans ce por t militaire, l'influence commerciale mar i t ime appar t i en t aux Allemands et que les représentants des compagnies allemandes de navigat ion y sont t o u t puissants . Voilà qui est déjà assez anormal en soi, mais é t an t données les habi tudes d'espionnage à longue échéance que pra t iquent les Allemands et les intelligences qu'ils savent se ménager pa r tou t où cela leur est utile, la France aura i t pu payer bien cher, si la flotte al lemande ava i t été en mesure de menacer nos côtes du Cotentin, la généreuse hospitalité si impru­demment accordée par elle.

En qualifiant cet te hospital i té de généreuse nous n 'employons pas une formule vaine. Non seulement, en effet, la France admet les navires al lemands dans ses ports militaires, mais elle les admet presque gra tu i t ement . Les droits de quai payés en 1911 par les 508 navires étrangers représentant un tonnage de 3.787.042 ton­neaux de jauge net te , relevés au mouvement mar i t ime du por t de Cherbourg se sont élevés à 77.690 francs, c e qui donne une propor­tion de 0,0207 par tonneau (1). Au Havre , où fréquentent quant i tés de paquebots t an t français qu 'é t rangers , les 12.708 navires j augeant ensemble 8.713.571 tonneaux nets ont acqui t té plus de deux millions de francs de droits de quai (2.124.300) (2), soit une moyenne de 0,266 par tonneau. Le tonneau moyen paie au Havre douze fois plus qu 'à Cherbourg. C 'est là une des beautés de notre régime de droits de quai établi de telle façon que le pavillon étranger entre dans nos ports et se serve des instal lat ions françaises payées par not re budget à beaucoup meilleur compte que le pavillon français. Encore, faut-il remarquer que la moyenne donnée pour le Havre comprend des navires français en même temps que des navires

(1) Tableau du Commerce cl, (Je la Navigation 1011, T. II, p . 1G0. ¡2) Tableau du Commerce et do !a Navigation 1011, T. I l , p. 105.

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étrangers, les premiers taxés beaucoup plus h a u t que les seconds. Si l'on isolait les navires chargeant ou déchargeant au Havre la plus grande part ie ou la to ta l i té de leur cargaison, on constaterai t qu'ils paient 1 franc par tonneau de jauge ne t te , soit environ c inquante fois plus que les paquebots al lemands faisant escale à Cherbourg.

Ainsi, à l ' imprudence caractérisée au point de vue de la défense nat ionale se jo int la plus choquante et la moins justifiée des inéga­lités économiques, un protectionnisme à rebours cons t i tuant un véri table encouragement aux marines marchandes étrangères.

Nous avons cité l 'exemple de Cherbourg; celui de Bizerte n 'est pas moins surprenant . Dans ce por t auquel sa position géographique donne une si grande importance en Méditerranée, qu 'on a pu saluei en lui le futur grand por t militaire des possessions françaises d'Afri­que, aucune précaution n ' ava i t été prise contre l 'espionnage alle­mand et, sous pré texte de trafic mari t ime, les navires al lemands y faisaient des séjours utiles à d 'autres points de vue . La dure leçon de la guerre actuelle nous rendra sans doute moins confiants à l 'avenir. Nous nous souviendrons que le principe de l 'égalité des pavillons ne comporte pas de faveurs aux pavillons étrangers et que les gouvernements même le plus sincèrement acquis aux doc­tr ines libérales, on t le devoir de met t r e leurs ports de guerre à l 'abri des regards indiscrets. C'est s implement le commencement de la sagesse, mais c'est un commencement indispensable et il impor te que le re tour de la paix ne ramène pas avec lui les folles imprudences auxquelles nous nous étions laissé entraîner . Soyons d 'abord maîtres chez nous a v a n t de songer a répandre hors de nos frontières notre influence et nos idées.

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Annexe N° 1 au Rapport de M. de Bousiers.

LE COMMERCE ET LA NAVIGATION AUX ÉTATS-UNIS en 1860 et en 1914

1° Importance comparée du Commerce et de la Navigat ion

E n 1860, la marine marchande américaine c o m p t a i t 5 .350.000 t o n ­neaux de jauge brute et cons t i tua i t environ le t iers de la nav igat ion mondia le .

E n 1860, les importa t ions to ta les des É t a t s - U n i s at te i ­gnaient le chiffre de 3 5 3 . 6 1 6 . 1 1 9 g, soit 1 . 7 6 8 . 0 8 0 . 5 9 5 fr.

E n 1860, les expor ta t ions totales des É t a t s - U n i s at te i ­gnaient le chiffre de 3 3 3 . 5 7 6 . 0 5 7 » 1 . 6 6 7 . 8 8 0 . 2 8 5 »

Soit au to ta l 6 8 7 . 1 9 2 . 1 7 6 g, soit 3 . 4 3 5 . 9 6 0 . 8 8 0 fr.

E n 1860, le pavi l lon américain faisait les d e u x t iers (66,5 %) des transports mari t imes correspondant à ce trafic.

E n 1914, la marine marchande américaine a t te in t 7 .700 .000 ton­n e a u x de jauge brute .

En 1914, le to ta l des importat ions des É t a t s -É t a t s - U n i s s 'élève à 1 . 6 5 3 . 2 6 4 . 9 3 4 g, soit 8 . 2 6 6 . 3 2 4 . 6 7 0 fr.

E n 1914, le to ta l des expor ta t ions des É t a t s -Unis s'élève à 2 . 2 0 4 . 3 2 2 . 4 0 9 » 1 1 . 0 2 1 . 6 1 2 . 0 4 5 »

Soit au tota l 3 . 8 5 7 . 5 8 7 . 3 4 3 g, soit 1 9 . 2 8 7 . 6 1 2 . 0 4 5 fr.

Par sui te , alors que le tonnage de la marine marchande n'a aug­m e n t é que dans la proport ion de 50 % environ, la valeur totale des importat ions el des exporta t ions a plus que quintuplé!

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LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 355

Mais en 1914, la marine marchande américaine, au lieu de faire c o m m e en 1860 les d e u x tiers (66,5 %) des transports correspondant au commerce extérieur marit ime des É t a t s - U n i s , n'en fait plus que

2 Nature des exportations américaines

Les s ta t i s t iques américaines ne nous donnent pas, avant 1880, la proport ion des mat i ère s al imentaires et des produits fabriqués exportés par les É t a t s - U n i s . Mais on peut suivre, depuis 1880, la proportion croissante des produits manufacturés , grâce a u x chiffres su ivants :

E n 1880, les produits manufacturé: exporta t ions américaines pour

E n 1885 ce t te proportion était de E n 1890 — E n 1895 — E n 1900 — E n 1905 — E n 1910 — E n 1911 En 1912

s figuraient dans le total des 14,78 % de leur valeur 20 ,67 % 21 ,18 % — 25 ,85 % — 35,37 % — 40 .98 % 44,85 % — 45,07 % 47 ,02 %

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Annexe № 2.

ACCROISSEMENT DES CHARGES DE L'ARMEMENT FRANÇAIS de 1904 à 1914

1° Accroissement de la jaune

Le décret du 2 2 juin 1901, en modif iant les règles de jaugeage des navires , a eu pour effet do majorer de 13 % dans son ensemble (d'après l 'Adminis trat ion des Douanes ) le t o n n a g e net de la f lotte commercia le française. Ce t o n n a g e étant la base de percept ion des droits de nav i ­gat ion , des t a x e s de pi lotage et de péage, ceux-ci se sont trouvés aug­mentés dans la m ê m e proportion. É t a n t donné que l 'ensemble de ces droits acqui t tés en France par notre pavi l lon est de 10 mill ions annuel­l ement , c'est un supplément annuel de dépenses d e . . . 1 . 3 0 0 . 0 0 0 fr. auquel il conv ient d'ajouter 13 % des droits et t a x e s acqui t tés par nos navires à l 'étranger, droits qui a t te ignent ou dépassent 5 mil l ions, soit 6 5 0 . 0 0 0 »

soit , pour l 'ensemble des dépenses supplémentaires annuel les résultant du décret du 22 juin 1904 1 . 9 5 0 . 0 0 0 fr

2° Augmentation des cotisations des Armateurs à la Caisse de Prévoyance

La loi du 29 décembre 1905, sur la Caisse de P r é v o y a n c e des Marins français a imposé à l 'armement une cot i sat ion supplémenta ire de 2 % des salaires des marins et une cot i sa t ion de 3 1/2 % des salaires du personnel n a v i g u a n t non inscrit .

Les salaires distribués par les armateurs à leurs équipages (pont et machine) é tant d'environ 45 mil l ions par an en m o y e n n e (1), le

(i) Dans son rapport au Sénat sur les pensions d e l à Caisse des Inval ides de la Marine (n" 120, année 1008, annexe au procès-verbal de la séance du 6 avril 1008), M. Victor Méric établ i t ainsi, d'accord avec, VAdministration de. la Caisse des Invalides de la Marine, les prévis ions relat ives à la taxe des arma­teurs de, 1008 (p. 17 du rapport) :

Long cours 3 0 0 . 0 0 0 Cabotage 4 8 6 . 0 0 0 Ginndc pêche 2 0 4 . 0 0 0 P e t i t e pèche 3 0 0 . 0 0 0

Ces taxes é tant de 3 % sur les salaires, il s 'ensuivrait que les salaires donnés par l 'armement a u x seuls inscrits marit imes, sans tenir c o m p t e des agent s du

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LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 357

2 % de ces 45 mil l ions donne 9 0 0 . 0 0 0 fr. Il conv ient d'y ajouter 3 1/2 % sur 5 mil l ions de

salaires environ distr ibués au personnel nav iguant non inscrit, soit 1 7 5 . 0 0 0 »

Soit, au tota l 1 . 0 7 5 . 0 0 0 fr.

3° Cotisation à la Caisse des Inval ides

La loi du 14 jui l let 1908 a prévu à la charge des armateurs un versement de 3 % sur le m o n t a n t des salaires versés par e u x soit à leurs équipages , soit aux agents du service général qu'ils emplo ient à bord. L'ensemble de ces salaires é tant de 50 mil l ions annue l l ement , c'est une nouve l l e charge annuel le de 3 % sur 50 mil l ions, soit 1 .500 .000 fr.

a) Augmentation du personnel. — A u t a n t qu'il est possible d'en juger après cinq ans d'applicat ion, la loi du 17 avril 1907 oblige les armateurs à une a u g m e n t a t i o n de personnel qui at te int en m o y e n n e 10 %. Pour la m ê m e ac t iv i t é d 'armement , il faut donc :

U n supplément de salaires de 10 % sur 50 mil l ions de francs, soit 5 . 0 0 0 . 0 0 0 fr.

P lus les cot i sat ions de 3 ,50 % à la Caisse de Pré­v o y a n c e et de 3 % à la Caisse des Inval ides (ensemble 6 1/2 % sur 5 mill ions) soit 3 2 5 . 0 0 0 »

P lus les frais de nourriture de ce supplément de personnel (les frais de nourriture calculés à raison de 1 fr. 75 par h o m m e et par jour, représentent environ les deux t iers du salaire), soit d e u x tiers de 5 mil l ions, ou en chiffres ronds 3 . 0 0 0 . 0 0 0 »

b) Rémunération des heures supplémentaires. — N o u s ne ferons figurer que pour mémoire la rémunérat ion des heures supplémenta ires prévues par la loi, n 'ayant ac tue l lement en mains aucun é lément certain d'appréciat ion.

service général et sans faire Mat des gratif ications, remises et profits accessoi­res qui ne sont pas sujets à la taxe , seraient de :

4» Loi du 17 avril 1907

Soit au tota l 8 . 3 2 5 . 0 0 0 fr.

Long cours . Cabotage . . . Grande pêche l 'otite pèche

1 3 . 0 0 0 . 0 0 0 1 6 . 2 0 0 . 0 0 0

6 . 8 0 0 . 0 0 0 1 0 . 0 0 0 . 0 0 0

46 .000 .OHO

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358 LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S

Les t a x e s afférentes au long cours s 'é lèvent donc à 0,05 x 1 . 2 3 1 . 7 2 6 t o n n e a u x 6 1 . 5 8 6 fr.

Les t a x e s des autres nav iga t ions : 0,03 x 664.051 t o n n e a u x 19 .921 »

Les t a x e s des v i s i tes de partance, à raison d'une m o y e n n e annuel le de trois v i s i tes à 20 cent imes l 'une pour chacun des 498 navires long courriers, se m o n t e n t à 0 ,20 x 3 x 498 2 9 . 8 8 0 »

Pour les 415 navires du cabotage internat ional et les 742 navires du grand cabotage nat ional , à raison d'une m o y e n n e annuel le de d ix v is i tes à 10 francs l 'une, elles se m o n t e n t à 10 fr. x 10 x 1.157 1 1 5 . 7 0 0 »

Tota l des t a x e s de v is i tes 2 2 7 . 0 8 7 lr.

soit pour l e s résultats chiffrables de la loi du 17 avril 1907 8 . 5 5 2 . 0 8 7 fr.

f) Repos hebdomadaire. — N o u s d e v o n s ment ionner aussi les charges que la sentence arbitrale de M. le Prés ident D i t t e impose a u x arma­teurs s ignataires du compromis d'arbitrage du 26 juin 1909, c'est-à-dire a u x armateurs de Marseille. La principale est celle qui résulte de l 'obl igat ion de compenser , au retour de v o y a g e , les jours de repos que les nécess i tés du service ne permet ten t pas de donner sans restrict ion en cours de v o y a g e par un nombre équ iva lent de jours de congé avec solde. Pour certaines nav igat ions , ce t t e obl igat ion équ ivaut à une augmenta t ion d'un sept i ème des salaires de l 'équipage.

En résumé, depuis le calcul des charges auxque l l e s la compen­sat ion d 'armement devai t faire équil ibre, le pavi l lon français a v u ces charges annuel les augmenter de la façon su ivante , sans tenir

c) Diminution de l'utilisation commerciale des navires. —• Il en est de m ê m e de la d iminut ion de l 'ut i l isat ion commerc ia le des navires résu l tant du plus grand espace ex igé pour les postes , des pertes de t e m p s résultant de la fréquence des v i s i tes et de leur var ié té .

d) Les dépenses supplémentaires résul tant des transformations imposées aux navires en service ne p e u v e n t pas non plus être évaluées pour le m o m e n t ; mais on connaî t , au contraire, cel les afférentes a u x :

e) Taxes de visite. — E n effet, les t a x e s annuel les sont de 5 cent imes par tonneau de jauge brute pour le long cours et de 3 cent imes pour le cabotage et la pêche . Les s ta t i s t iques officielles ass ignent les tonnages bruts su ivant s a u x diverses nav igat ions :

Long cours, 1.231.726 t o n n e a u x ; cabotage internat ional , 408 .148 t o n n e a u x ; cabotage , 127.882 t o n n e a u x ; grande pêche , 78.021 ton­n e a u x ; pêche (exploi tée par armateurs) , 50 .000 t o n n e a u x environ.

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LA Q U E S T I O N D E S T R A N S P O R T S M A R I T I M E S 3 5 9

c o m p t e de cel les que nous ne s o m m e s pas encore en mesure de chiffrer, mais dont les que lques indicat ions données permet tent de mesurer l ' importance :

1° Par l 'accroissement de la jauge 1 . 9 5 0 . 0 0 0 fr. 2° Par la loi du 29 décembre 1905, sur la Caisse do

P r é v o y a n c e 1 . 0 7 5 . 0 0 0 » 3° Par la loi du 14 jui l let 1908 sur la Caisse des

Inval ides 1 . 5 0 0 . 0 0 0 » 4° Par la loi du 17 avril 1907 (chiffre provisoire ne

t enant c o m p t e que de la seule a u g m e n t a t i o n du personnel , par conséquent très au-dessous de la réalité) 8 . 5 5 2 . 0 0 0 »

Total 1 3 . 1 2 7 . 0 0 0 »

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION par M. Henry B É R E N G E R , sénateur .

Nos Colonies et la Guerre

P R E M I È R E P A R T I E

R a p p o r t s des G o u v e r n e u r s

pages.

Protectorat du Maroc 3 8

Afrique Occidentale Française

Situat ion generale 13 16 Senegal 25 Guinee 39 Cöte d ' Ivoire 43 Dahomey 64

Afrique Equaloriale Française

Situation générale 75 Gabon 96

Colonies d'Amérique

Martinique 105 Guadeloupe 112 Guyane ' 122 Saint-Pierre et Miquelon 133

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362 T A B L E D E S M A T I È R E S pages.

Colonies de l'Océan Indien

Madagascar 141

Madagascar et dépendances 147 Etabl issements français dans l ' Inde 161 Côte française des Somalis 167

Indo-Chine

Cambodge 172

Colonies du Pacifique

Nouvelle-Calédonie - 181 Etabl issements français d'Océanie 184

O F F I C E C O L O N I A L

Mouvement de la navigat ion pa r pavillons al lemands et austro-hongrois dans les colonies françaises 189

D E U X I È M E P A R T I E

R a p p o r t s c o m m e r c i a u x présentés pa r l 'Union coloniale Française

Note préliminaire 2 0 9 Afrique Occidentale Française 217 Gabon 241 Madagascar 2 4 9 Indo-Chine .267 Etabl issements français de l ' Inde ' 2 9 5 La Réunion 299 Nouvelle-Calédonie 305 Nouvelles-Hébrides 315

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T A B L E D E S M A T I È R E S 363

T R O I S I È M E P A R T I E

La question des transports maritimes pages.

Interruption du Service de la Compagnie des «Chargeurs Réunis» entre la France et la Côte occidentale française, rappor t de M. Gratien Candace, député de la Guadeloupe. . . 321

Rappor t sur les Reprises économiques,par M. Paul de Rousiers. 329

PlTHIVIERS. — IMP. DOMANGÉ ET C 1«. — 9 9 4 4

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