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15 Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti (Cope, 1891) L E PARVORDRE des Mysticeti ou Mysticètes (c’est-à-dire les monstres marins à moustaches, du grec mustax signifiant « moustache » et de ketos pour « monstre marin », en référence aux fanons qui ressemblent à des moustaches) regroupe les cétacés à fanons. Ils se distinguent par les caractères suivants : les narines, situées au sommet de la tête, comportent deux ouvertures, appelées évents ; les dents sont absentes et sont remplacées par des fanons ; le profil de la surface supérieure du crâne est convexe ; le sternum est petit et le squelette du thorax est peu développé ; les femelles sont généralement plus grandes que les mâles. C’est la dentition qui est le principal caractère qui différencie ce parvordre de celui des Odontocètes. La dentition des Mysticètes est constituée non pas par des dents mais par des fanons. Un fanon est formé de deux lames cornées pourvues sur leur côté interne d’une série de poils durs et pleins qui apparaissent à une certaine distance de la racine, celle-ci étant fixée à la mâchoire supérieure uniquement. Les Mysticètes s’alimentent de petites proies (poissons, crustacés, mollusques Céphalopodes, etc.), d’où la présence des fanons pour filtrer l’eau et garder la nourriture à l’intérieur de la bouche. Les Mysticètes regroupent les plus grands animaux du monde. Les 14 espèces sont réparties (avec leurs 12 sous-espèces, voire plus) dans 6 genres et 4 familles. Ces familles sont les Balaenidae (baleines franches), les Neobalaenidae (baleine pygmée), les Eschrichtiidae (baleine grise) et les Balaenopteridae (rorquals ou baleinoptères). Berta et al., 2006 ; Buchholtz, 2011 ; Hershkovitz, 1966 ; Messenger et McGuire, 1998 ; Milinkovitch et al., 1994 ; Nishiwaki, 1972 ; Price et al., 2005 ; Rice, 1998 ; Sylvestre, 2010a et 2010b ; Tershy, 1992 ; Thewissen, 1998 ; Watkins et Schevill, 1979 ; Williamson, 1972 et 1973. www

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti (Cope, 1891)

LE ParVorDrE des Mysticeti ou Mysticètes (c’est-à-dire les monstres marins à moustaches, du grec mustax signifi ant « moustache » et de ketos pour « monstre

marin », en référence aux fanons qui ressemblent à des moustaches) regroupe les cétacés à fanons. Ils se distinguent par les caractères suivants :

• les narines, situées au sommet de la tête, comportent deux ouvertures, appelées évents ;

• les dents sont absentes et sont remplacées par des fanons ;

• le profi l de la surface supérieure du crâne est convexe ;

• le sternum est petit et le squelette du thorax est peu développé ;

• les femelles sont généralement plus grandes que les mâles.

C’est la dentition qui est le principal caractère qui différencie ce parvordre de celui des Odontocètes. La dentition des Mysticètes est constituée non pas par des dents mais par des fanons. Un fanon est formé de deux lames cornées pourvues sur leur côté interne d’une série de poils durs et pleins qui apparaissent à une certaine distance de la racine, celle-ci étant fi xée à la mâchoire supérieure uniquement. Les Mysticètes s’alimentent de petites proies (poissons, crustacés, mollusques Céphalopodes, etc.), d’où la présence des fanons pour fi ltrer l’eau et garder la nourriture à l’intérieur de la bouche.

Les Mysticètes regroupent les plus grands animaux du monde. Les 14 espèces sont réparties (avec leurs 12 sous-espèces, voire plus) dans 6 genres et 4 familles. Ces familles sont les Balaenidae (baleines franches), les Neobalaenidae (baleine pygmée), les Eschrichtiidae (baleine grise) et les Balaenopteridae (rorquals ou baleinoptères).

Berta et al., 2006 ; Buchholtz, 2011 ; Hershkovitz, 1966 ; Messenger et McGuire, 1998 ; Milinkovitch et al., 1994 ; Nishiwaki, 1972 ; Price et al., 2005 ; Rice, 1998 ; Sylvestre, 2010a et 2010b ; Tershy, 1992 ; Thewissen, 1998 ; Watkins et Schevill, 1979 ; Williamson, 1972 et 1973.

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16 Cétacés du monde

Famille des Balaenidae Gray, 1825 La famille des Balaenidae (Balénidés) est celle des « vraies baleines » ou baleines franches. Ces baleines doivent leur nom vernaculaire français de « bonnes baleines », espagnol de balena franca et anglais de right whale aux chasseurs de baleines du temps de la marine à voile car ils les considéraient comme leurs cibles favorites. Elles étaient de bonnes baleines ou de vraies baleines car elles étaient lentes, faciles à capturer, fournissaient une grande quantité d’huile et de fanons et surtout elles ne coulaient pas lorsqu’elles étaient tuées. Ces cétacés se distinguent par les caractères suivants :

• absence de sillon sous la gorge ;

• absence d’aileron dorsal ;

• mâchoires supérieures et inférieures courtes et très arquées ;

• fanons longs et étroits ;

• cinq doigts dans le squelette des nageoires pectorales ;

• les sept vertèbres cervicales soudées ;

• une tête relativement longue (représentant plus du quart de la longueur corporelle) et étroite.

Cette famille regroupe deux genres (Eubalaena et Balaena) et quatre espèces. De récentes études biochimiques (analyses d’ADN) ont révélé que la baleine franche du Pacifique (Eubalaena japonica) et la baleine franche australe vivant dans le Pacifique (Eubalaena australis) sont plus proches entre elles que de la baleine franche noire de l’Atlantique nord (Eubalaena glacialis).

Berta et al., 2006 ; Gaines et al., 2005 ; Hershkovitz, 1966 ; Nishiwaki, 1972 ; Rice, 1998 ; Rosenbaum et al., 2000 ; Sylvestre, 2010.

� La baleine franche du GroenlandBalaena mysticetus (Linné, 1758)

Noms communs en français et en anglais

Baleine boréale, baleine du Groenland, baleine franche boréale, baleine arctique, baleine franche arctique.

Bowhead whale, Greenland right whale.

Les anciens baleiniers anglo-saxons donnaient différents noms vernaculaires à cette baleine en fonction des sous-populations : poggy, bunchback, South-ice whale, West-ice whale, Middle-icer, rock-noser, Pond’s Bay fish.

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti 17

Habitat et distribution

De tous les grands cétacés, la baleine franche du Groenland est la plus nordique et la plus inféodée aux eaux arctiques chargées de glaces flottantes. C’est une espèce circumpolaire de l’hémisphère nord. Son territoire s’étend du 55e degré de latitude Nord jusqu’à la limite méridionale de la calotte glaciaire permanente.

Sous-espèces, variétés géographiques et sous-populations

Aujourd’hui, aucune sous-espèce ni variété géographique n’est décrite. Toutefois, il existe cinq stocks ou sous-populations distinctes, géographiquement isolées les unes des autres. Déjà, les Inuits, puis les anciens baleiniers, faisaient la différence entre plusieurs stocks de baleines franches du Groenland. Dans les eaux nordiques de l’Alaska, les Inuits distinguaient les inito (ou ingutuk) des ahkalook (ou wachaek) parce que les premiers étaient plus petits et plus denses et leurs fanons plus clairs. Des études génétiques par des procédés d’électrophorèse enzymatique et des analyses de caryotypes ont démontré que l’ingutuk est probablement une variation morphologique chez cette espèce. D’autre part, les ossements des ingutuk sont légèrement différents de ceux des autres sous-populations de baleines franches du Groenland. Grâce à des analyses des microsatellites d’ADN nucléique, les biologistes viennent de démontrer récemment qu’il existe bel et bien des différences génétiques entre les cinq stocks ou sous-populations.

Ces cinq stocks sont définis de la manière suivante : Spitzberg ; baie d’Hudson et bassin de Foxe ; baie de Baffin et détroit de Davis ; mer d’Okhotsk ; mers de Béring, Chukchi et Beaufort.

Statut sur la liste rouge de l’UICN :

• préoccupation mineure (LC) pour la population mondiale ;

• préoccupation mineure (LC) pour la sous-population des mers de Béring, Chukchi et Beaufort ;

• sous-population de la mer d’Okhotsk considérée comme en danger (EN) ;

• sous-population des mers du Spitzberg et de Barents considérée comme en danger critique d’extinction (CR).

Les scientifiques estiment que la population totale de baleines franches du Groenland compte plus de 10 000 individus, dont 10 500 (entre 8 200 et 13 500) dans les mers de Béring, Chukchi et Beaufort, 345 dans la baie d’Hudson et le bassin de Foxe, moins de 3 000 dans le détroit de Davis et la baie de Baffin, entre 300 et 400 dans la mer d’Okhotsk et quelques dizaines seulement dans les eaux du Spitzberg et de Barents. Aujourd’hui, la population globale de baleines franches du Groenland n’est plus considérée en voie d’extinction du fait que la sous-population de Béring, Chukchi et Beaufort se reconstitue sensiblement et retrouve peu à peu l’état du stock avant son exploitation baleinière.

Morphologie, taille et poids

Baleine franche du Groenland

Longueur (en m) Poids (en t)

moyenne(1) maximale moyen(1) maximal

Nouveau-né 4,0 - 4,5 0,9 1

Veau de un an 8

Adulte 15 19,8(2) 70 - 75 110

1. Valeur moyenne ou fourchette la plus probable. 2. Longueur d’une femelle ; les femelles sont plus grandes que les mâles.

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18 Cétacés du monde

Le corps de la baleine franche du Groenland est plutôt massif et trapu. On dit que sa circonférence peut représenter les deux-tiers de la longueur corporelle. La tête est proportionnellement plus grande chez cette espèce que chez les autres espèces de baleines franches. Le crâne mesure jusqu’à 5 m de long, 3,6 m de haut et 2,4 m de large. Chez les veaux, il représente entre 2/7 et 1/3 de la longueur corporelle. Chez l’adulte, la tête fait plus des 2/5 de la longueur totale. Elle est nue et ne présente pas les callosités souvent observées chez les autres baleines franches. Seuls les jeunes possèdent quelques vibrisses au menton, sur les lèvres, sur la mâchoire supérieure et près des évents. La mâchoire supérieure est fortement arquée tandis que les mandibules (les deux demi-mâchoires inférieures) sont elliptiques. Le maxillaire et les mandibules sont longs et étroits, devenant plus larges au niveau des yeux. Cette baleine ne possède pas de sillons sur la face ventrale. Les évents sont précédés par une sorte de bosse très visible lorsque la baleine émerge. Ces deux évents formant un V se localisent, chez les vieux individus, à 5 m en arrière de l’extrémité de la mâchoire supérieure ; ils se trouvent à proximité du point le plus élevé de la tête. La face dorsale du pédoncule caudal est souvent marquée par une petite protubérance.

La baleine franche du Groenland ne possède pas de nageoire dorsale. Les nageoires pectorales sont larges et de taille moyenne ; elles mesurent en moyenne 1,8 m de long et ont la forme d’une spatule ou d’une pagaie. Leur bord de fuite est légèrement concave et leur extrémité est soit pointue soit arrondie. La nageoire caudale est relativement large : son envergure peut atteindre en effet 6 à 8 m (soit les 2/5 de la longueur corporelle). Cette nageoire présente en son milieu une encoche médiane et le bord de fuite des deux lobes est d’abord légèrement convexe, puis concave, en partant de l’encoche jusqu’à la pointe. Cette dernière est généralement pointue.

Tout comme la tête, le corps de cette baleine a souvent une peau lisse et dépourvue de parasites externes. La couche de graisse peut atteindre une cinquantaine, voire une soixantaine, de centimètres d’épaisseur.

Pigmentation

Le veau est gris pâle. L’adulte est noir et présente des taches blanches ou gris pâle sur le menton et parfois sur le pédoncule caudal. La plage blanche se situant au menton couvre le tiers de la mâchoire inférieure et elle est garnie de petits points bleu foncé ou noirs. L’étendue des zones blanches sur le pédoncule caudal et la région de la nageoire caudale est variable d’un individu à l’autre et peut augmenter avec l’âge. Des marques blanches se localisent également sur le ventre. On fait état d’un individu totalement blanc crémeux (probablement un individu leucique4) observé près de Wainwright en Alaska en 1970-1971.

Dentition

La baleine franche du Groenland dispose de 230 à 360 fanons par demi-mâchoire supérieure. Cette espèce possède les fanons les plus longs de tous les Mysticètes. Ils sont longs et étroits, mesurant 4 m de long (le maximum étant de 5,18 m), 25 à 30 cm de large à la base et 1 cm d’épaisseur. Ils sont noirs ou gris foncé.

Ventilation, plongée et émersion

La tête apparaît la première à la surface, montrant deux bosses créées par la dépression entre la tête et le dos. Le dos fait ensuite surface, lentement, donnant l’impression qu’il roule, et la tête disparaît en même temps sous l’eau. Avant de sonder, cette baleine

4. Le leucisme est une particularité génétique due à un gène récessif qui, comme l’albinisme, donne une couleur blanche à la peau, au pelage ou aux plumes des animaux atteints de cette anomalie. Contrairement à ce qui est observé chez les albinos, les yeux des animaux leuciques ne sont pas rouges ou roses mais gardent une couleur normale.

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti 19

sort la queue au-dessus de la surface, à angle variable. Le souffle de la baleine franche du Groenland est en forme de buisson. Vu de devant ou de derrière, il a la forme d’un V et peut atteindre 7 m de haut. En règle générale, la baleine franche du Groenland reste 1 à 3 min en surface, soufflant 4 à 6 fois toutes les 40 s, puis elle sonde. Lorsque cette baleine nage calmement, les temps d’immersion ne dépassent généralement pas 2 min, mais elle effectue aussi des plongées de 5 à 20 min. Un individu de taille moyenne peut ainsi faire surface trois fois par heure et rester en immersion 18 à 22 min. Elle peut rester 40 min en apnée et certains auteurs (et baleiniers) avancent qu’elle peut rester en immersion pendant 75 min, voire 80 min au maximum, lorsqu’elle est harponnée ou stressée. Sur 63 plongées enregistrées, la durée moyenne des plongées chez ce Mysticète en Alaska était de 15,6 min. La baleine franche du Groenland peut descendre jusqu’à 200 m de profondeur.

Socialisation

Selon les sous-populations, et donc selon leur distribution, le nombre d’individus dans un groupe varie. Au Spitzberg, cette baleine se rencontre seule ou par paires. Sur la côte Est de l’île de Baffin, avant la fin du XXe siècle, on la voyait par troupeau de plus de 20 individus. Aujourd’hui, on la rencontre seule ou par petits groupes de 2 à 3 individus. C’est dans la mer de Beaufort que l’on peut observer le plus grand nombre d’individus dans un groupe : de 50 à 60 têtes le long de l’île Plover, à l’est de Point Barrow en Alaska. Dans l’Est de la mer de Beaufort, on peut compter plusieurs centaines de baleines franches du Groenland sur une distance de 20 à 50 km en été. Durant la migration du printemps, les baleines franches du Groenland voyagent seules ou par paires.

Comportements

La baleine franche du Groenland est léthargique ; on observe bien souvent des groupes se reposant pendant 5 à 30 min à la surface de la mer. Certains individus peuvent rester immobiles plus d’une heure. Mais ces animaux se manifestent aussi à la surface par diverses activités acrobatiques spectaculaires. Ils frappent l’eau avec leurs nageoires pectorales ou caudale de façon répétée et effectuent des sauts (comportements de breaching) pendant lesquels le corps sort aux deux-tiers de l’eau. Ces cabrioles se terminent bien souvent par des gerbes d’éclaboussures. Durant ces sauts, les nageoires pectorales et la caudale frappent souvent le corps des autres congénères. Ces sauts se font en série. On a vu une baleine franche du Groenland effectuer une série de 57 cabrioles durant 96 min. Il est possible d’apercevoir plusieurs individus sauter en même temps. Ces cétacés peuvent même s’amuser avec des objets flottants ; ainsi des individus ont été aperçus en train de saisir des billes de bois, de les cogner, les pousser et les faire rouler sur leur dos. Les baleines franches du Groenland sont curieuses et n'hésitent pas à nager en compagnie d’autres espèces de cétacés arctiques comme le béluga et le narval.

Cette baleine est inféodée à l’environnement arctique et elle est adaptée pour survivre dans des conditions glaciaires extrêmement rigoureuses. Elle est capable entre autres de briser une banquise d’une épaisseur de 1 m pour venir respirer en surface. Elle est également capable de nager dans des zones où les fissures de la glace ou les zones libres de glace sont très espacées les unes des autres. Des études menées grâce à des hydrophones ont permis de confirmer la thèse des chasseurs baleiniers Inupiat soutenant que ces baleines pouvaient migrer sur de longues distances dans des zones où la couverture de glace semble ininterrompue. Il reste à savoir si elles arrivent à trouver les petites zones d’eau libre afin de respirer. Certains spécialistes pensent que la glace est un facteur non négligeable de mortalité chez cette espèce. Cependant, il existe peu de cas documentés de baleines franches du Groenland qui sont restées prises dans les glaces, et pour cause, cette espèce ne vivant que dans des régions inhabitées et inaccessibles à l’espèce humaine.

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20 Cétacés du monde

Déplacements : vitesse et migrations

La baleine franche du Groenland se déplace à une vitesse de 1,5 à 6 km/h5. Un veau a été suivi nageant à une vitesse de pointe de 23 km/h et une vitesse moyenne de 5,6 km/h durant 1h50. Sur les sites d’alimentation en été, des déplacements de 155 km en 5 jours ont été observés.

Les déplacements migratoires sont peu connus. Certaines sous-populations semblent sédentaires ; d’autres effectuent de petits déplacements locaux en fonction du déplacement saisonnier de la glace flottante. La baleine franche du Groenland évolue dans les eaux complètement dépourvues de glace en été et en automne et passe l’hiver dans les polynies (ouvertures navigables dans la banquise).

Prédateurs et régime alimentaire

Son seul ennemi naturel est l’orque. Toutefois, la baleine franche du Groenland est capable d’échapper aux troupeaux d’orques en se réfugiant assez loin à travers les énormes étendues de glaces.

Cette baleine se nourrit essentiellement de petits invertébrés qui forment des essaims denses. Elle s’alimente ainsi de petits crustacés comme ceux de l’ordre des Euphausiacés, constituant le krill, ou ceux du groupe des Copépodes, près de la surface. En automne, dans la mer de Beaufort, les Euphausiacés constituent près de 65 % de son régime alimentaire et les Copépodes près de 30 %. On a déjà vu ces baleines s’alimenter en groupes (jusqu’à 14 individus), nageant à la surface la bouche ouverte et en formation échelonnée semblable à un V.

Reproduction et longévité

Fréquence des naissances : un veau tous les 3 à 6 ans. La mère est très liée à son veau et pour rien au monde elle ne s’en sépare.

Maturité sexuelle : la longueur à la maturité sexuelle pour les mâles appartenant au stock de la mer de Béring (stock de l’Arctique occidental) serait de 14 à 15,2 m et, pour les femelles, de 13,5 à 14 m (soit entre 12 et 15 ans) ; dans la baie de Baffin les mâles atteignent leur maturité sexuelle lorsque leur longueur est de l’ordre de 11,60 m et les femelles, entre 14 et 14,5 m.

Durée de gestation : 12 à 14 mois.

Taille de la portée : un baleineau, appelé également veau.

Durée de lactation : 9 à 12 mois.

Saison de reproduction : les mises-bas ont lieu entre avril et juin, ce qui correspond, pour les sous-populations migrantes, à la période de migration printanière vers le nord. Les mâles de cette espèce possèdent de gros testicules : la paire peut peser jusqu’à une tonne.

Longévité : on a longtemps estimé l’âge maximum de cette espèce de l’ordre de 70 ans. Or de récentes découvertes prouvent que cette baleine présente une longévité maximale, et sans doute une espérance de vie, nettement plus longue. Quatre mâles capturés en Alaska avaient en effet respectivement 135, 159, 172 et 211 ans. On peut penser toutefois que les cas dépassant 200 ans sont exceptionnels.

Braham, 1980 ; Burns et Montague, 1991 ; COSEPAC, 2005b ; George et al., 1999 et 2011, Postma et al., 2005 ; Reeves et Leatherwood, 1985 ; Reilly et al., 2008d.

5. 1 km/h = 0,54 nœud.

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� La baleine franche noireEubalaena glacialis (Müller, 1776)

La baleine franche noire

Eubalaena glacialis (Müller, 1776)

Noms communs en français et en anglais

Baleine franche de Biscaye, baleine franche de l’Atlantique nord, baleine noire, baleine franche des Basques, baleine des Basques, baleine de Biscaye, sarde, baleine des Sardes, baleine de Sarde.

Northern right whale, North Atlantic right whale, great right whale, black right whale.

Habitat et distribution

La baleine franche noire est une espèce côtière et, de ce fait, on l’assimile à une « baleine urbaine » car elle fréquente, tout au long de sa vie, des régions fortement peuplées par les humains : Miami, Fort Lauderdale, Jacksonville, Charleston, Norfolk, New York, Boston, Portland, Saint-John et Halifax, pour ne citer que quelques exemples. Il s’agit des villes et des états américains les plus peuplés. Ce cétacé fait donc face à des dangers urbains comme la pollution chimique et la pollution sonore, le trafic maritime et les pêcheries. Son aire de distribution se localise dans un couloir de plus en plus emprunté par les navires de pêche et de commerce.

On trouve cette baleine dans l’Atlantique nord, entre 20 et 75 degrés de latitude. Sur les côtes américaines, elle évolue entre le golfe du Saint-Laurent, en été, et les côtes de Floride, en hiver. Dans la partie orientale de l’Atlantique nord, elle se trouve (ou se trouvait) entre l’Islande, en été, et les Açores, en hiver.

Sous-espèces, variétés géographiques et sous-populations

Il existe deux stocks, ou sous-populations, de baleines franches noires ; l’un évolue le long des côtes nord-américaines de l’Atlantique et l’autre, le long des côtes européennes, voire nord-africaines, de l’Atlantique. On s’est toujours demandé si ces deux sous-populations étaient totalement distinctes ; de récentes observations confirmeraient que quelques-unes des baleines franches noires nord-américaines

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se promènent parfois dans les eaux européennes. Cependant, on ne sait pas si l’inverse se produit et si les individus des deux sous-populations se reproduisent (ou se sont reproduits) entre eux. Quoi qu’il en soit, les différences entre les deux sous-populations ne sont pas suffisantes pour qu’on puisse donner à chacune le statut de variété géographique.

Statut sur la liste rouge de l’UICN :

• sous-population de l’Atlantique nord-ouest considérée comme en danger (EN) ;

• sous-population de l’Atlantique nord-est considérée comme en danger critique d’extinction (CR) ou possiblement éteinte (EX).

Aujourd’hui, la baleine franche noire est devenue une espèce rare et elle est classée comme étant en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Bien qu’elle soit protégée par la Commission baleinière internationale (CBI) depuis 1935, il n’en subsiste que 300 individus environ le long des côtes nord-américaines et cette sous-population est dans un état préoccupant selon les experts étasuniens et canadiens. La sous-population de l’Atlantique nord oriental, si elle existe toujours, ne compte vraisemblablement plus que quelques petites dizaines d’individus (moins de 50 individus matures) et elle est appelée à disparaître.

Morphologie, taille et poids

Baleine franche noire

Longueur (en m) Poids (en t)

moyenne maximale moyen maximal

Nouveau-né(1) 4 - 6 0,9 1,5

Adulte 14 - 15 17(2) / 18,3(3) 50 - 60 90 - 100

1. Le veau grandit de 6 m en 18 mois. 2. Longueur d’un mâle mesu-ré dans l’Atlantique nord. 3. Longueur d’une femelle mesurée dans l’Atlantique nord ; adulte, la femelle est de 1 à 1,5 m plus grande que le mâle.

Le corps de cette baleine est robuste, massif, trapu et graisseux. Le tour de taille peut représenter les 4/5 de la longueur corporelle. La tête est énorme ; elle fait près d’un tiers de la longueur du corps. Les mâchoires sont très arquées. La mâchoire supérieure est enveloppée de chaque côté par la lèvre inférieure massive, la bordure de la lèvre supérieure étant généralement festonnée. On remarque sur certaines parties de la tête la présence de callosités, auxquelles on donne parfois, quand elles sont grosses, le nom de « bonnets », qui sont des morceaux de peau cornée. La plus grande se situe sur la partie antérieure de la mâchoire supérieure et mesure près de 10 cm d’épaisseur. D’autres, moins importantes, se localisent sur le menton, autour des deux évents qui forment un V, et au-dessus des yeux. Chaque animal peut être identifié individuellement par la disposition de ces callosités. Elles sont habituellement colonisées par des crustacés parasites, de la famille des Cyamidés, appelés « poux de baleines ». Ils donnent une couleur blanche, jaune, orange ou rose aux callosités. On trouve des vibrisses sur le menton ainsi que sur la mâchoire supérieure. La baleine franche noire, comme toutes les baleines franches, ne possède pas de sillon sur la face ventrale. La langue est épaisse, relativement petite par rapport à celle des autres cétacés à fanons et elle est de couleur gris bleuâtre.

Cette espèce, comme toutes celles de la famille, ne présente pas d’aileron dorsal. Les nageoires pectorales sont larges, de taille moyenne et ont une extrémité pointue ou arrondie. Elles mesurent près de 1,7 m de long. La nageoire caudale est très large ; elle mesure entre 6 et 7,5 m d’envergure (soit 35 % de la longueur corporelle). Cette nageoire présente une profonde encoche médiane et ses bords de fuite, parfois abîmés et échancrés, sont droits ou légèrement concaves. Entre 20 et 35 % des

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti 23

baleines franches noires portent des cicatrices de blessures causées par des chocs, des emmêlements dans les engins de pêches ou des collisions avec des bateaux. Le poids total de la graisse chez une baleine franche noire varie de 10 à 33 t, selon la longueur des individus. Son épaisseur diffère également selon les parties du corps et les saisons (entre 10 cm et 50 cm).

Pigmentation

Le corps de cette baleine est entièrement noir, plus ou moins moucheté de gris, de brun ou de bleu. Sur la partie ventrale, autour de l’anus, s’étale une grande tache blanche. Les nouveau-nés sont plus clairs.

Dentition

Chaque demi-mâchoire supérieure possède 205 à 270 fanons (250 en moyenne) gris très pâle (voire blancs chez quelques individus). Ils s’assombrissent avec l’âge. Longs et étroits, ils mesurent jusqu’à 2,7 m de long et 30 cm de large à la base.

Ventilation, plongée et émersion

La tête sort la première et se trouve très exposée au-dessus de la surface de la mer. Le dos apparaît ensuite à la surface. Ce dernier roule tout doucement et le corps disparaît ensuite sous la mer. Avant de sonder, la baleine franche noire expose sa queue au-dessus de la surface, selon des angles variés, mais parfois la queue frôle la surface sans émerger. Le souffle de cette baleine mesure 4 à 8 m de haut et forme un grand V, caractéristique de cette espèce.

La baleine franche noire se ventile généralement une fois par minute ou une fois toutes les 2 à 3 min. Lorsqu’elle accélère, elle peut souffler jusqu’à une fois toutes les 4 min, seulement. Lorsqu’elle sonde, elle reste généralement 6 à 8 min en immersion. Si elle est paniquée, elle peut rester en apnée jusqu’à 50 min.

Socialisation

Les baleines franches noires se déplacent seules, ou par petits groupes de 4 à 5 individus. Quand elles se nourrissent, elles s’associent et forment des hardes comptant jusqu’à 12 individus. Durant les parades nuptiales, il n’est pas rare d’observer 7 à 8 mâles courtiser une même femelle.

Comportements

La baleine franche noire est généralement très placide. Il lui arrive de passer de longs moments immobile à la surface de la mer, laissant apparaître ses évents et son long dos. Cette espèce est réputée pour ses divers comportements acrobatiques. Elle tape la surface avec ses nageoires pectorales et sa caudale, reste immobile à la verticale, ayant la tête ou la queue hors de l’eau. Elle saute régulièrement hors de l’eau (comportement de breaching) et effectue de longues séries de deux à dix sauts. Elle sort généralement à la verticale, aux deux-tiers, et retombe, soit sur le dos soit sur les flancs. Elle peut plonger jusqu’à 185 m de profondeur. Cette baleine est peu farouche et se laisse approcher de très près par les navires. Cette docilité a sûrement contribué à son rapide déclin.

Déplacements : vitesse et migrations

La baleine franche noire est un mammifère marin lent : elle se déplace généralement à 5 ou 6 km/h. Sa vitesse de croisière est de 9 à 11 km/h et, en cas de danger, elle peut nager à 16 km/h, voire 20 km/h.

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24 Cétacés du monde

Dans l’Atlantique nord occidental, la baleine franche noire effectue un déplacement migratoire le long des côtes nord-américaines du Canada et des États-Unis. Elle passe la saison de reproduction, en hiver, dans les eaux tempérées des états de la Floride et de la Géorgie. Au cours de la saison d’alimentation, de la fin du printemps au début de l’automne, cette baleine séjourne entre Cap Cod, la baie de Fundy et la plateforme Scotian au sud de la Nouvelle-Écosse (Canada). Il existe quatre sanctuaires où cette espèce se concentre pour s’alimenter : l’un se trouve au large du Nouveau-Brunswick, dans le bassin de l’île Grand Manan dans la baie de Fundy ; le second se localise dans le bassin Roseway, au sud de la Nouvelle-Écosse entre Browns Bank et Baccaro Bank ; le troisième se situe au large du Cap Cod dans le grand canal du Sud et le quatrième est dans la baie du Cap Cod. Cependant, quelques rares individus s’aventurent dans le golfe du Saint-Laurent entre la Gaspésie, Terre-Neuve et la Basse-Côte-Nord (région de Sept-Îles au Québec), voire même jusque dans le détroit de Davis (entre le Canada et le Groenland) et à proximité de l’Islande.

Les quelques baleines franches de l’Atlantique nord oriental décrivent également un circuit migratoire sur lequel on dispose de peu de renseignements. Elles effectueraient une migration entre les aires de reproduction, s’étendant, en hiver, du golfe de Cintra (Ouest du Sahara) et des Açores jusqu’au golfe de Gascogne, et les aires d’alimentation, s’étendant en été de l’ouest des îles britanniques aux côtes norvégiennes du Cap Nord.

Prédateurs et régime alimentaire

Son seul prédateur serait l’orque, qui s’attaquerait à elle en meute. Les jeunes baleines franches noires sont l’objet d’attaques par certains requins superprédateurs tels que le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), le requin tigre (Galeocerdo cuvier), le requin mako (Isurus oxyrinchus) et probablement le requin bouledogue (Carcharhinus leucas).

Cette baleine ne mange pratiquement pas de poissons. Elle s’alimente principalement d’Euphausiacés du krill (Thysanoessa inermis, Meganyctiphanes norvegica) et d’autres crustacés (Calanus sp.).

Reproduction et longévité

Fréquence des naissances : un veau tous les 3 à 5 ans.

Maturité sexuelle : la femelle atteint sa maturité sexuelle lorsqu’elle mesure 15,5 m de long et le mâle, 15 m (soit entre 9 et 10 ans, pour les deux sexes). Les mâles de cette espèce possèdent les plus gros testicules dans le monde animal : la paire peut peser jusqu’à 1 t.

Durée de gestation : 12 à 13 mois.

Taille de la portée : un veau.

Durée de lactation : 8 à 12 mois.

Saison de reproduction : les accouplements ont lieu entre décembre et mars. Il y a une forte compétition spermatique6 entre les mâles pour une femelle. Une femelle peut en effet s’accoupler avec plusieurs mâles simultanément.

Longévité : la longévité maximale est estimée à 70 ans, voire un peu plus. Mais il est probable que ce cétacé, comme la baleine franche du Groenland, ait une longévité plus longue, peut-être au-delà de 100 ans.

Brownell et al., 1986 ; Cabard et Chauvet, 1998 ; COSEPAC, 2003a ; Cummings, 1985a ; Gaines et al., 2005 ; Jacobsen et al., 2004 ; Kraus et Rolland, 2007 ; National Marine Fisheries Service, 1991 ; Reilly et al., 2008a.

6. Compétition pour la fécondation entre les gamètes des différents géniteurs mâles potentiels.

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti 25

� La baleine franche du Pacifique nordEubalaena japonica (Lacépède, 1818)

Noms communs en français et en anglais

Baleine franche du Japon, baleine du Pacifique nord, baleine du Japon.

North Pacific right whale.

Habitat et distribution

Contrairement à la baleine franche noire et à la baleine franche australe, la baleine franche du Pacifique nord est une espèce pélagique, qui se reproduit au large des côtes.

En été, durant la saison d’alimentation, la baleine franche du Pacifique nord séjourne dans le Sud-Est de la mer de Béring, les îles Aléoutiennes, le Nord du golfe de l’Alaska, la mer d’Okhotsk et le Nord du Pacifique nord. Par contre, les lieux de rassemblement pour la reproduction en hiver sont méconnus. Les régions les plus méridionales où cette espèce a été repérée au cours des temps historiques sont la mer du Japon, le détroit de Taiwan, les îles Ogasawara (à 1 000 km au sud de Tokyo) et l’état de la Basse-Californie, au Mexique. Au cours des années 1970, deux baleines franches du Pacifique ont été observées aux îles Hawaii au printemps et trois autres individus ont été capturés dans la mer Jaune. Les observations de cette espèce au Canada (Colombie-Britannique), en Californie et au Mexique sont assez rares.

Sous-espèces, variétés géographiques et sous-populations

Il existe deux stocks, ou sous-populations, l’un vivant le long des côtes eurasiennes, dans le Pacifique nord occidental, et l’autre, le long des côtes américaines, dans le Pacifique nord oriental. Par contre, aucune sous-espèce ni même variété géographique n’a été proposée chez cette espèce.

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26 Cétacés du monde

Statut sur la liste rouge de l’UICN :

• sous-population du Pacifique nord occidental considérée comme en danger (EN) ;

• sous-population du Pacifique nord oriental considérée comme en danger critique d’extinction (CR).

On estime entre 11 000 et 20 000 la taille de la population de baleines franches du Pacifique nord avant son exploitation au XVIe siècle. L’effectif actuel représenterait moins de 5 % de cette population : il y aurait peut-être 900 à 1 000 individus dans la partie occidentale du Pacifique nord et moins d’une cinquantaine d’individus (probablement entre 23 et 35 individus) dans la partie orientale. La baleine franche du Pacifique nord oriental forme donc une sous-population dont la taille est dangereusement réduite. Le taux de reproduction serait donc faible, à cause des effets démographiques de la petite taille de cette population, ce qui l’expose inexorablement et fortement à des événements aléatoires éventuels, susceptibles de compromettre son rétablissement. À moyen terme, et peut-être à court terme, cette sous-population de baleines franches du Pacifique nord est appelée à disparaître.

Morphologie, taille et poids

Peu de choses sont connues sur la baleine franche du Pacifique nord, pour plusieurs raisons, la plus évidente étant que cette espèce a souvent été considérée comme une sous-espèce de la baleine franche noire. D’autre part, sur près de 15 000 baleines franches du Pacifique nord tuées durant les diverses campagnes baleinières entre le XIXe siècle et 1971, la plupart des données anatomiques et morphologiques proviennent d’études faites sur treize individus, capturés par la flotte baleinière nippone au cours des années 1960, et sur dix autres spécimens, tués au cours des campagnes soviétiques des années 1950. La morphologie corporelle et la taille de cette baleine sont identiques à celle de la baleine franche noire, vivant dans l’Atlantique nord (voir p. 22).

Pigmentation

Elle est identique à celle de la baleine franche noire (voir p. 23).

Dentition

Elle ne se distingue pas de celle de la baleine franche noire (voir p. 23).

Ventilation, plongée et émersion

La baleine franche du Pacifique nord présente les mêmes comportements de ventilation et de plongée que la baleine franche noire (voir p. 23).

Socialisation

La baleine franche du Pacifique nord se déplace seule ou en très petits groupes de deux à cinq individus.

Comportements

Cette baleine est rarement observée. Ses comportements sont à peu près les mêmes que ceux observés chez la baleine franche noire. Elle est généralement très placide, peu farouche et se livre également à divers comportements acrobatiques (voir p. 23).

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Les espèces de cétacés du parvordre des Mysticeti 27

Déplacements : vitesse et migrations

La baleine franche du Pacifique nord se déplace comme la baleine franche noire (voir p. 23).

Sa migration est peu documentée. On sait qu’elle passe la saison d’alimentation, c’est-à-dire l’été, dans le Sud-Est de la mer de Béring, les îles Aléoutiennes, le Nord du golfe de l’Alaska, la mer d’Okhotsk et le Nord du Pacifique nord. Par contre ses lieux de reproduction actuels en hiver sont méconnus. Les individus de la sous-population occidentale se rassemblaient jadis dans la mer du Japon, le détroit de Taiwan et les îles Ogasawara (à 1 000 km au sud de Tokyo) et ceux de la sous-population orientale se retrouvaient à proximité de l’état de la Basse-Californie au Mexique.

Prédateurs et régime alimentaire

On imagine que l’orque est son principal ennemi. Les jeunes individus peuvent être l’objet d’attaques par certains requins superprédateurs.

La baleine franche du Pacifique nord ne s’alimente pas de poissons, mais surtout de crustacés de petite taille comme les Copépodes des espèces Neocalanus plumchrus et Neocalanus cristatus ou du genre Metridia, et des composantes du krill comme Euphausia pacifica.

Reproduction et longévité

Fréquence des naissances : un veau tous les 3 ans.

Maturité sexuelle : femelles et mâles atteignent leur maturité sexuelle lorsqu’ils mesurent environ 15 m.

Durée de gestation : 12 mois.

Taille de la portée : un veau.

Durée de lactation : une année, mais le veau reste avec sa mère durant 2 à 3 ans.

Saison de reproduction : les accouplements auraient lieu entre décembre et mars. Comme pour la baleine franche noire, il y aurait de la compétition spermatique entre les mâles.

Longévité : estimée entre 70 et 100 ans.

COSEPAC, 2004d ; Hiragichi, 2003 ; Klumov, 1962 ; Munger et al., 2008 ; Omura, 1958 ; Park, 2003 ; Reilly et al., 2008b ; Robineau, 1984 ; Salden et Mickelsen, 1999.

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