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LES CAHIERS DU MAS Une publication de l’association Le MAS N°72 09/12

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Les cahiers du MasUne publication de l’association Le MAS N°72 09/12

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IntroductionCes nouveaux cahiers du MAS publiés à l’occasion du cinquantenaire de l’association présentent 15 témoignages d’usagers accueillis dans les différents services de l’association.

Ces 15 personnes ont été rencontrées à partir d’une trame simple et commune qui nous constitue tous – avant, aujourd’hui, après – sans vraiment savoir quand ça commence, ou quand ça finit.

Chaque personne s’est exprimée librement et sans préparation, pour dérouler son histoire selon ses propres priorités et ordres d’importance. La sélection d’événements, de souvenirs, ainsi opérée ne s’est certainement pas faite au hasard. Des représentations ont été élaborées, des ordres ont été introduits dans des vies relativement désor-données. Du sens a été produit pour les auteurs et pour ceux et celles auxquels les récits s’adressent.

Le déroulement précis de ce qui a été vécu est une autre histoire et la question de la vérité objective des récits n’est pas la préoccupation majeure. Par définition, les faits évoqués étant passés, nous n’y avons que très difficilement accès.

Nous n’avons donc pas réellement recherché les événements principaux constitués d’un « avant » et d’un « après » autour desquels pourrait s’organiser ces récits. Nous n’avons pas non plus recherché de logiques, de chronologies, d’analogies, de ruptures ou de cohérences implicites.

Le récit reste vagabond.La parole est en avant pour respecter notre intention de laisser place aux personnes accueillies.

Le récit des événements qui ont été vécus a pu être pour leurs auteurs une expérience sereine ou plus sensible, fluide ou plus heurtée, silencieuse ou prolixe. Les contenus, ordinaires ou plus étonnants, sont souvent emprunts de pertes et de séparations, mais aussi porteurs d’espoir.

Chaque existence est unique, singulière, imprévisible, inimaginable... et pourtant les vies se ressemblent étrangement parfois et semblent passer par les mêmes épreuves, les mêmes expériences.

Nous devons donc être les lecteurs attentifs et attentionnés de ces textes, comprendre que chaque personne a également choisi ou recommandé les illustrations et accepté la publication de ces cahiers.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Le Groupe Paroles en Avant Le MAS

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Sommaire

Myriam

Igor

Ryan

Sophia

John

Claire

Rony

Nassoi

Marie

Samia

Hassan

Christophe

Farid

Jacques

Marianna

4

6

8

10

12

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26

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Directeur de la publication : Pierre MercierCréation et réalisation : Studio Campagne - www.studiocampagne.com

Edition publiée à 1000 exemplairesLe MAS : association régie par la loi 190124 rue Colombier - 69007 Lyonwww.mas-asso.fr

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Je vivais au Liban jusqu’à 26 ans. J’étais secrétaire

dans une école de formation. J’avais fait des études

de secrétaire et d’aide soignante. J’ai commencé

à travailler dès 15 ans en aidant les enfants aux

devoirs, en les gardant aussi. Mon premier travail

de secrétaire était à 24 ans.

Mon père était gardien dans une université et ma

mère faisait des ménages. J’ai 5 sœurs et 2 frères.

À 26 ans, je me suis mariée à un libanais. Il habitait

en France. Je l’ai rencontré au Liban dans mon

travail. Une semaine plus tard, on s’est marié. C’est

comme ça chez nous. Son visa devait finir, il fallait

qu’il retourne en France. J’avais 26 ans et lui 40

ans. Il est rentré en France puis est resté à peu près

7 mois avant que j’arrive quand j’ai eu les papiers.

En arrivant en France je l’ai tout de suite aidé à son

travail : il a une imprimerie.

Pendant la guerre du Liban, mon frère est parti. Mon

mari l’a fait entrer en France pour travailler avec lui.

Entre nous il a commencé à y avoir des problèmes.

J’ai eu un bébé. Après 4/5 mois j’étais encore

enceinte. Quand j’ai eu mon autre bébé les problèmes

sont devenus plus forts : on était dans la maison

mais séparés. Il ne s’occupait que des enfants,

pas de moi. Mais je restais quand même pour les

enfants. Quand elles ont eu 4 et 5 ans je n’en pou-

vais plus. Il a eu peur du divorce. J’étais déprimée

car on habitait dans un studio sans téléphone ni

télévision. Il m’a enlevé les papiers, le passeport.

Le studio était tout vieux au 4ème étage sans

ascenseur, une pièce avec un petit coin cuisine, c’est

tout. Et des toilettes sur le palier. Dans la cuisine

on avait fait une douche avec un tuyau. Je sortais

que pour aller à l’imprimerie et à l’école c’est tout.

Ma fille devait encore faire dans le pot à 5 ans !

Il a déposé plainte au Juge des enfants car on se

bagarrait tout le temps (avec la parole). Je n’avais

même pas le droit de faire les courses, aucun argent.

Il a dit au juge que j’étais une fille folle et que je

tapais les enfants. C’était la fin du monde quand il

a fait ça. J’ai pris un avocat. Il y a eu une enquête à

l’école, de partout. L’enquête était sur moi, le juge

s’est rendu compte que j’étais une bonne mère.

J’ai demandé le divorce, c’était long. Mon mari

voulait ses filles comme témoin mais elles étaient

trop petites et le Juge a refusé. Une assistante

sociale est venue. Mon mari cachait tout, il ouvrait

la boîte aux lettres.

Quand j’ai vu le Juge pour le divorce, il a rien dit

et m’a regardée moi et les enfants. Mon mari lui

parlait des problèmes avec mon frère. Le Juge

était choqué. Il m’a posé qu’une seule question :

qu’est ce que je veux ? J’ai répondu « je veux rien,

je veux le divorce ».

Il y a eu des enquêtes à la maison et l’enquêteur a

dit « tu as raison ». Même le médecin a été appelé.

J’ai travaillé avec les autres mamans quand l’école

a ouvert, dans la bibliothèque. J’ai même eu un bon

d’achat de 500 francs pour aller faire des courses.

C’était une aide pour moi. Elles ont voulu m’aider

car elles savaient ma situation.

Il m’a tapée deux fois, une fois devant les enfants.

Après, à cause de ses coups je ne pouvais pas aller

à l’école. Ma fille n’a pas voulu y aller avec lui. Elle

avait peur de lui, elle était traumatisée.

Après le jugement, monsieur a été mis dehors. J’ai

cherché de partout. J’ai commencé à travailler à

faire des ménages et après avoir fait des dossiers

à la Mairie et à la Préfecture, j’ai eu un appartement

dans un nouveau bâtiment avec deux chambres et

un jardin. Après la visite, la dame de la Mairie m’a

appelée et m’a dit « tu as vu j’ai bien choisi pour

toi il y a de la place.

Myriam

J’étais une femme en prison :sans argent, sans rien.

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j’ai rencontré quelqu’un,un ami, il m’a rendu

“une femme” J’aimerais bien être grand-mère

5

Toi qui était enfermée, j’ai pensé à toi ».

Je suis arrivée dans l’appartement j’avais rien. J’ai

jeté toutes les affaires de l’ancien appartement,

elles étaient pourries. Pour les nouvelles affaires je

travaillais et j’ai pris des crédits et des aides de la

CAF et petit à petit j’ai rempli l’appartement et mes

filles vont à l’école.

Avec leur père elles ne faisaient rien. Moi je les

ai inscrites à la danse et à la gym puis dans les

activités à l’école et à la piscine aussi. Maintenant

elles ont 19 et 20 ans.

Elles n’ont pas vu leur père de 2007 à fin 2011. Il

ne venait pas les voir et ne payait pas de pension

alimentaire. Maintenant ma grande le voit de temps

en temps mais la petite refuse. C’est la grande qui

l’a cherché pas lui !

J’ai travaillé à faire des ménages chez les gens

jusqu’en janvier 2012. Maintenant je suis en arrêt

de travail car j’ai des problèmes de dos.

La chose la plus heureuse, à part mes filles, c’est

après ma séparation,

Mon mari disait que j’étais nulle. Lui il m’a rendu

confiance en moi. Mais il était marié. Il était gentil,

il était beau. On est resté 5/6 ans ensemble. On

se voyait des fois. Mais il a eu un travail ailleurs et

ça a fini.

Je suis heureuse d’avoir mes filles parce qu’elles

vont à l’école et elles sont sérieuses et elles vivent

avec moi.

J’ai rien de spécial d’heureux. J’ai été amoureuse à

l’âge de 15 ans mais il est mort devant moi, alors…

Mon père est mort il y a 1 an et demi et j’ai des

problèmes de dos.

Depuis que je suis entrée en France j’ai eu que des

problèmes avec mon mari. Quand j’étais au Liban

j’étais heureuse, j’avais des amis et ma famille. Là

je me suis retrouvée seule.

J’ai connu l’association par la voisine. Au début

j’avais des problèmes avec les papiers de mes filles

que le père ne voulait pas faire et après j’ai eu des

problèmes de moisissures dans l’appartement.

Maintenant je suis toute seule et j’aimerais rencon-

trer quelqu’un de bien. J’ai bientôt 50 ans, je ne

veux pas rester seule toute ma vie. Je suis malade

j’aimerais bien guérir et trouver un travail comme il

faut. Je veux que mes filles réussissent et trouvent

un travail aussi.

Avec ma santé je dois trouver un autre travail.

Comme je ne travaille pas depuis Janvier j’ai des

problèmes d’argent. Je vois de pire en pire. Je ne

suis pas positive. Ma santé, je ne sais pas ce que

je vais devenir.

mais je veux que mes filles trouvent le bon chemin

d’abord, pas comme moi. Je resterai toujours dans

cet appartement. Je pense retourner au Liban à la

retraite mais pas maintenant parce que mes filles

sont ici avec leurs études. Si les filles restent ici

je resterai en France, mais j’espère que j’aurai de

l’argent pour retourner au Liban en vacances. En

ce moment je demande la nationalité française, ce

sera plus facile pour voyager après.

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Avant, j’habitais avec ma mère en Pologne. Mon

père était malade, il n’était pas souvent à la maison.

J’étais bon élève à l’école. Après la primaire, j’ai

fait une école technique pour apprendre un métier

: technicien électricien spécialisé traction électrique

pour le chemin de fer.

J’ai travaillé pendant 6 mois mais ça ne m’a pas

intéressé le boulot. J’étais très très jeune et fou (je

dis ça car je suis plus âgé maintenant), j’étais fou,

j’ai rencontré de nouvelles personnes, des amis qui

prenaient de la drogue et voilà je suis tombé aussi

dans la drogue.

Un jour ma mère m’a dit de dégager de la maison,

à 21 ans. Je suis parti de la maison, comme ça,

avec mon diplôme de technicien.

Après j’ai été dans la rue, j’ai tapé la manche.

C’était en Pologne. J’ai visité aussi d’autres pays :

Espagne, Portugal, Italie, je suis resté dans la rue,

j’ai consommé de la drogue, voilà…

J’étais accompagné de junkies que j’ai rencontrés

dans la rue, c’est fou mais c’est la vérité.

J’étais dans la rue jusqu’à mon diagnostic social

fait en France. J’ai obtenu une chambre au foyer

d’urgence en 2010, mon premier hébergement.

À cause de la drogue j’ai attrapé la maladie, mais

ma santé physique est bonne. Je n’ai pas le sida,

je n’ai pas d’hépatite. Je fume depuis 22 ans, donc

mes poumons ne sont pas propres, ça c’est sur.

J’ai attrapé la maladie psychique qui s’appelle

schizophrénie paranoïde avec des dépressions. J’ai

attrapé la maladie en 1999, je suis soigné depuis

2003. J’ai été en hôpital psychiatrique aussi quelques

fois. Le plus longtemps c’était 1 an en Pologne,

j’ai fait aussi des thérapies pour me soigner des

drogues, voilà…

J’ai une demi-sœur et 2 demi-frères parce que mon

père a été marié 3 fois et ma mère 2 fois. J’ai des

liens avec ma famille, je téléphone à ma mère et à

mon père aussi, à ma demi-sœur et à mon demi-

frère. Le 2ème demi-frère habite en République

Tchèque et je n’ai pas de contact avec lui. Mon

père vit en Australie depuis 30 ans. Nous avons

des contacts ensemble, c’est bien. Depuis 2010

que je suis hébergé, ça va mieux. J’ai trouvé une

tranquillité.

Ce qui m’a marqué c’est 16 ans de rue. Parce que

dans la rue ce n’était pas facile : trouver un coin

pour dormir. Toujours des problèmes avec la police

en Pologne parce que c’est interdit d’être SDF.

Le moment difficile a été quand ma maman m’a dit

de sortir de la maison et de chercher quelque chose,

c’était très difficile pour commencer dans la vie. Mais

c’est arrivé à cause de ma vie, j’ai commencé à

boire et à prendre de la drogue, j’étais jeune et fou.

J’ai eu des moments heureux aussi, des rencontres

avec des personnes qui m’ont aidé en France pour

obtenir un hébergement. C’était des moments heu-

reux pour moi car je commençais à faire quelque

chose avec ma vie.

J’ai aussi rencontré des gens dans la rue qui m’ont

dit de bonnes paroles et m’ont donné de la nourriture.

Quand je suis arrivé aux Ateliers Sésame au début

ce n’était pas facile car je n’avais pas travaillé depuis

longtemps. Je n’ai pas travaillé pendant les années

de rue, j’ai juste tapé la manche.

C’est le foyer qui m’a parlé des Ateliers Sésame. J’ai

été d’accord tout de suite. Au début c’était un peu

difficile car je n’avais pas travaillé avant. Au début

pour me réveiller le matin et pendant quelques mois

ce n’était pas facile. C’est le moniteur d’atelier qui

m’a appris le boulot. Ici, je suis comme à la maison,

je passe la moitié de ma journée au boulot. Ça me

plait de travailler, ça me plait ce travail, ce n’est

pas trop dur. Il y a une équipe qui travaille avec

Igor

Je suis venu en France en 1996.Je suis resté 2 ans, puis je suis allé

en Italie, puis en Pologne.Ma vie était très difficile mais aussi

différente dans tous les pays.J’ai été en prison en Allemagne.

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Je n’ai jamais eude logement.

J’ai beaucoup de rêves : je veux rencontrer une jolie femme polonaise, je veux avoir un petit studio et mon bouloten espace vert. Je voudrais aussi faire des cours de français.

moi, ce sont des gens proches. Au foyer ce n’est

pas la même chose, je suis souvent enfermé dans

mon bungalow. Je suis isolé je pense à cause de

ma maladie. Je fais ce que je dois faire au foyer,

le ménage, chercher mon colis alimentaire. Je me

repose quand je rentre au foyer.

Ce qui est important pour moi c’est le travail et la

santé, parce qu’avec une bonne santé on peut faire

tout. J’ai de la chance car la schizophrénie on peut

la soigner. J’ai besoin de mon traitement chaque

jour. Je connais des amis polonais qui n’avaient pas

la santé, ils sont handicapés, ils touchent l’AAH.

Moi je préfère être en bonne santé et travailler au

lieu d’être malade et de toucher l’AAH.

Ce qui me préoccupe, ne pas rester sans boulot.

Ce n’est pas une question d’argent car j’en ai mis

un peu à coté. C’est important le travail car quand

j’étais à la rue, je n’avais rien à faire et je buvais dès

le matin. Avec le travail, je bois une bière quand la

journée de travail est finie, pour me rafraichir. C’est

important d’être occupé toute la journée.

L’hébergement ne me préoccupe pas. Je pense

me débrouiller sans si jamais je ne suis plus au

foyer mais j’ai fait mes demandes pour obtenir un

logement. Je vais essayer d’habiter tout seul dans

un appartement.

Maintenant je peux appeler ma mère tranquille-

ment, je lui dis que j’ai fait ça et ça…. Ma mère est

contente et moi aussi, j’ai une autre vie, on m’a

donné une 2ème chance.

Au niveau du travail j’ai fait une demande de recon-

naissance de travailleur handicapé. Je cherche une

formation ou un emploi en milieu protégé. Pas de

soucis pour l’argent, je touche le RSA et la l’argent

des Ateliers Sésame. C’est beaucoup pour moi.

Avant je vivais avec peu d’argent, j’économise

maintenant.

Ma santé va bien, je suis content.

Je veux un petit studio pour être tranquille, pas

grand. T2 maximum avec chauffage, de l’eau chaude

avec une douche et toilettes à coté, pas comme

au foyer à 50 mètres de ma chambre (l’hiver c’est

difficile pour aller se laver, l’été c’est bon). Je veux

un studio, bientôt, dans 1 an, mais peut-être cet

hiver. Avec le RSA je veux avancer. Je ne peux pas

arrêter maintenant sinon ça veut dire que je recule,

maintenant je fais toujours ce qu’il faut pour avancer.

Je suis content d’avoir fait ce témoignage, mais

c’est compliqué de parler du passé. Il vaut mieux

oublier le passé. Le présent ça va, ça marche. Moi

j’ai touché le fond, je remonte maintenant.

Il faut toujours donner une 2ème chance aux gens.

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Je suis né le 22 Août 1973 à Lyon 3ème et je suis

l’avant dernier d’une fratrie de 8 enfants.

De 0 à 9 ans, j’habitais avec mon père et ma mère.

J’ai été inscrit à l’USSEP les mercredis après midi

pour faire du sport et j’ai été repéré par un éducateur

sportif de Lyon Duchère, en football, à 10 ans. Il

y a eu une réunion avec mes parents pour aller à

l’école de foot. Mon père était d’accord mais pas

ma mère.

J’ai quand même été placé à 10 ans, à la rentrée

de Septembre, en centre de formation à Grenoble.

J’y suis resté jusqu’à mes 19 ans puis j’ai rencontré

une fille qui m’a fait tourner la tête.

Je suis resté avec elle pendant 6 ans sans avoir

d’enfant en sachant qu’elle avait déjà un enfant

de 1 an quand je l’ai rencontrée et que j’ai élevé.

De 1992 à 1994, j’étais en BEP cuisine mais j’ai

baissé les bras et je ne suis pas allé aux examens

car j’étais mal d’avoir raté l’école de foot. C’est

d’avoir rencontré ma copine qui m’a distrait de

l’école de foot et m’a fait rater.

En 1997 j’ai eu mon fils. Entre 1994 et 1997, j’ai

dealé du shit. Je commençais, j’étais petit.

Pendant cette période, j’ai fait quelques petites

missions Intérim.

En 1997, j’ai eu en emploi jeune à la Mairie de

Villeurbanne par la Mission Locale. Ce CDD de 1

an a été renouvelé 3 fois.

En 1997, j’ai aussi acheté mon camion à merguez

: le « DJ faim ». J’ai roulé ma bosse et ouvert un

snack Quai de Bondy dans Lyon 5ème en 1999

jusqu’en 2005.

En 2005, on a eu des opportunités sur Paris pour

les enfants pour faire des photos de publicité mais

je n’ai pas voulu qu’on exploite mon fils et c’est ce

qui a entrainé mon divorce.

Ryan

En 2003, ma femme et moi on a gagné le 1er prix du concours du “talent des cités”

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Tout s’est arrêté en 2005. Ça a été la débandade :

divorce, prison pour trafic de stupéfiants, perte de la maison, perte des enfants

et de ma femme.Ma femme s’est remariée 3 mois après le divorce,

ce qui m’a beaucoup choqué.

En 2005, c’était la première fois que j’allais en

prison. Jusqu’en 2012 je n’ai passé qu’un an et

demi à l’extérieur.

En 2012, j’ai rencontré Olga et Nicolas qui m’ont

parlé du foyer Maurice LIOTARD et du MAS.

Un évènement marquant de ma vie a été la perte

de mon camion. Une roue crevée, la police l’a mis

en fourrière et détruit, juste après avoir gagné le

concours. Ça m’a choqué.

Aujourd’hui, ce qui est important pour moi c’est de

trouver un logement, avec ma conjointe et reprendre

le lien avec les enfants.

Actuellement je me sens dans une équipe et bien

entouré.

Je veux stabiliser ma vie familiale et privée avant

de me consacrer au travail. J’aime la cuisine. C’est

plus un plaisir qu’un travail.

Avec l’AAH, j’arrive à m’en sortir. De plus j’ai de

l’argent chez ma mère pour m’installer en appar-

tement.

Le MAS est la seule association que je connaisse.

C’est une chance pour moi.

Mon avenir ? Si j’ai mon appartement, l’avenir, je

trouverai toujours de quoi m’en sortir en cuisine.

Je ne panique pas. Je ne peux pas couler si je ne

fais pas de connerie à côté. J’ai touché le fond, je ne

peux que remonter. C’est ce que je pense de moi.

Mon premier projet est d’être indépendant, tour-

ner la page de l’ancienne vie et aller de l’avant en

espérant réussir et en mettant toutes les chances

de mon côté, inch’Allah.

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Je suis née en Tunisie. Dans la famille nous sommes

cinq enfants, deux filles et trois garçons avec mon

père et ma mère. Ma mère est une femme au foyer,

mon père un maître de Coran : un imam comme

on dit ici. Il fait apprendre aux gens le Coran à la

Mosquée.

J’ai fait des études en Tunisie jusqu’au niveau

Bac, j’ai pas réussi le Bac, j’avais 20 ans. Pendant

presque deux ans je suis restée à la maison. J’ai

travaillé pendant un an et demi dans une usine de

couture et je me suis mariée en 2004. Mon mari

c’est le tonton de ma belle-sœur, la femme de mon

frère. On s’est connu comme ça pendant deux ans.

Je le connaissais car il venait voir sa nièce. J’étais

amoureuse de quelqu’un d’autre, il m’a trompée

et j’ai décidé d’accepter sa demande en mariage.

C’était un grand mariage, on a fait la fête.

En Novembre 2004 j’ai eu mon fils en Tunisie. Je

suis restée encore presque un an en Tunisie. En

juin 2005 je suis venue en France en regroupement

familial. Lui il vivait en France. Les papiers c’est un

peu long il faut faire des demandes à la Préfecture

et des consultations chez le médecin. Mon mari

c’est un peintre en bâtiment.

En venant en France, c’était très différent. La

première fois, je ne connaissais personne, les

gens me regardaient. En Tunisie j’étais dans une

grande maison, il y avait toujours du mouvement.

En France maintenant je suis toute seule dans un

F2 au premier étage.

On me regarde peut-être parce que mon mari est

plus vieux que moi. On a 40 ans de différence.

Mon fils avait 6 mois. A l’époque j’avais peur de

parler français mais maintenant je parle mieux. J’ai

fait des cours à l’OMI par rapport au regroupement

familial et après au centre social. J’ai

rencontré plein de gens, des vieux la

plupart qui venaient d’autres pays ou

des gens en France depuis longtemps.

J’ai eu après deux filles en 2006

et 2008. J’ai jamais travaillé ici en

France. Je suis toute seule j’ai le

RSA actuellement avec la CAF, lui ne donne pas

de pension alimentaire.

J’ai une petite cardiaque. En Tunisie ils s’en sont

rendu compte à 7 mois. La plus petite est tombée

malade, je l’ai emmenée chez le médecin qui a dit «

ta fille je pense qu’elle a un trou dans le cœur ». Je

suis retournée vite en France. Le médecin a trouvé

un problème mais il fallait attendre jusqu’à un an

pour savoir si opération ou pas. Après six mois on a

trouvé six trous et elle a été opérée d’urgence. Cela

s’est bien passé. Maintenant elle est mieux. Elle est

scolarisée en petite section, elle a quatre ans. Elle

va faire du sport normal, une grossesse normale.

Je l’emmène pour le contrôle à l’âge de six ans.

Le garçon est au CE1 il passe au CE2 et la deu-

xième au CP.

Avant, j’avais des amis, une fille et un garçon. Le

garçon je l’ai connu pendant mon accident et la fille

en France. On se voyait 2 ou 3 fois par semaine. On

se voyait chez moi car j’avais un grand appartement

avec terrasse.

Moi quand je donne confiance à quelqu’un, je donne

confiance à 100%. C’est rare les vrais amis. Avant

j’ai fait des contacts avec des mamans et j’ai dit

stop je préfère rester seule. J’ai une télévision, un

ordinateur, des enfants à m’occuper, le ménage à

faire… Je suis en train de chercher une formation

dans l’électricité.

La procédure de divorce a commencé en Septembre.

Il y a attouchements sexuels sur ma fille par le père.

Les amis disent qu’il faut laisser le mari partir parce

qu’il est vieux : divorcer et partir et rien faire. J’ai pas

écouté mes amis j’ai déposé plainte. Cela a été la

guerre : on m’a dit que je suis une menteuse que

je fais ça pour la liberté. J’ai été battue au marché

par les voisins. J’ai plus d’amis.

Le mari est parti avec interdiction de rentrer en

contact avec moi et les enfants. Il a été jugé. Il a

été fiché comme pédophile, il a eu 10 mois avec

sursis car il est vieux, il a 73 ans.

Avec tout ça j’ai déménagé en Décembre, la nuit de

Sophia

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Noël. C’est un grand appartement en rez-de-jardin,

chacun sa chambre, un grand salon. Maintenant

on peut faire la fête, avant c’était interdit.

Ma première fille fait du taekwondo et la dernière

commence l’année prochaine. Je mets les enfants

à la cantine pour faire les papiers, aller aux rendez-

vous avec l’assistante sociale, la psychologue…

Je vis avec le RSA, je fais une recherche dans

l’électricité car j’aime bien.

Les évènements heureux, c’est la naissance des

enfants. Quand je les vois grandir, être comme ça.

Mes parents me soutiennent. Je vais partir cette

année. La dernière fois que je suis partie c’était en

2009, ça coûte cher. Heureusement j’ai un peu de

bijoux de la Tunisie, je les ai mis à la Banque de

France et j’ai pris les sous pour acheter les billets.

On y va tous les quatre.

La nuit souvent je les regarde dormir et des fois je

dors avec eux.

En Septembre je vais m’inscrire au Pôle Emploi.

La prochaine étape c’est la formation et le permis

de conduire. Mes enfants il faut qu’ils réussissent

à l’école. Même si moi je réussis pas et qu’eux ils

réussissent, je serais la plus heureuse du monde.

Les journées c’est vite fait, j’ai toujours des rendez-

vous, le ménage, ça tourne : le ménage, les enfants,

les devoirs, le manger, la douche, dormir.

Pour mon avenir je ferme les yeux et je vois une

grande maison, chacun des enfants avec le bac

et avec une profession. Moi je suis au milieu et je

garde les petits enfants.

toujours. Je ne rêve pas pour avoir plein de sous.

L’essentiel c’est que mes enfants réussissent. Il

ne faut pas qu’ils fassent des bêtises, des choses

interdites par la loi ou par Dieu. Il leur faut un avenir

bien.

J’aime danser, chanter, j’aime aussi crier des fois.

Quand je rentrerai en Tunisie je vais aller à la mon-

tagne et crier toute seule, ça fait du bien. Je danse

avec Internet c’est comme du sport. Quand je mets

les chansons avec mes enfants ou toute seule, ça

me fait plaisir de sentir les nerfs à l’intérieur.

J’envisage pas de vivre en Tunisie. J’ai trouvé la

liberté ici. Si j’étais en Tunisie avec ce problème je

serai morte. Là-bas je ne peux pas vivre toute seule.

Mes enfants aussi. Là-bas on fait ce que veulent

les gens. La Tunisie c’est pour les vacances et la

famille, pour vivre non.

Mes frères et sœurs sont tous mariés en Tunisie,

pas loin des parents. C’est moi la plus jeune. Ils

sont mariés depuis longtemps, ma nièce est mariée.

Dans l’avenir ? J’espère que le bonheur vient à

tout le monde.

Il y a de l’amour entre nous,

Ici personne me forcepour faire quelque chose.

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Je suis né le 21 Septembre 1977 à Lyon 2ème, je

suis fils unique.

J’ai habité chez ma mère jusqu’à 5 ou 6 ans à Aix

en Provence avant d’être placé en foyer à la DDASS

car elle était seule à m’élever et n’avait pas assez

d’argent. Mon père était en prison à ma naissance

et ne m’a pas reconnu.

A l’âge de 10 ou 11 ans, j’ai été adopté par mon

oncle et ma tante (la sœur de mon père) qui habitaient

à Albigny sur Saône. Ils m’ont élevé jusqu’à 17 ans.

Après j’ai souhaité mon indépendance car je sentais

que j’étais un peu un boulet pour eux.

Je suis parti en foyer de jeunes travailleurs car je

voulais vivre ma vie, tracer ma route. C’est là que

j’ai rencontré la mère de mes enfants. J’ai eu une

fille à 20 ans puis j’ai habité avec elle à Vénissieux

de 1999 à 2011 quand on s’est séparés.

J’ai eu mon fils en 2001.

Après à la séparation, j’ai habité chez un collègue

pendant un an à Hôtel de Ville.

Durant ma séparation, j’ai fait des conneries, j’ai

volé des voitures. J’ai fait cela car j’avais du mal à

vivre ma séparation. Un jour, on a eu un accident

avec une voiture volée vers Bellecour et les flics

sont venus. En plus, on n’avait pas la ceinture de

sécurité, ça aurait pu être grave… Moi, j’étais assis

à la place passager, j’ai eu plus de chance que

mon collègue car lui est en prison. J’ai été honnête

avec le Juge, je n’avais pas fait de bêtises depuis

longtemps. Du coup, je n’ai eu que du sursis.

En plus, quand ça se passait mal avec ma femme,

j’ai eu une mauvaise période, je me suis mis à boire

de l’alcool et ça n’a pas aidé. C’était pendant une

période de chômage.

Au niveau du travail, j’ai fait un peu de tout : Intérim,

nettoyage, usinage, mise en rayons… Si je dois

retravailler, ce serait dans un de ces domaines.

Dans le cadre de mon sursis avec mise à l’épreuve,

j’ai été orienté vers les Ateliers Sésame. Je suis en

espaces verts pour être dehors, changer un peu.

Quand j’ai commencé à Sésame, j’étais toujours

chez mon collègue à Hôtel de Ville. Au bout d’un

mois et demi, Sésame m’a orienté vers le foyer

Liotard car, chez mon collègue, ça commençait

à faire long.

Aujourd’hui, je me reconstruis. Je veux essayer

d’être présent pour mes enfants même si c’est dur

car ça me rappelle des souvenirs. Mon ex a refait

John

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sa vie et envisage de déménager à Grigny donc je

ne pourrai plus les voir sauf quand ils viendront en

train ou en bus.

Il n’y a pas eu de jugement concernant la garde des

enfants : on a fait ça à l’amiable. Je peux les voir

quand j’en ai envie ou quand ils le demandent. Ca

fait environ une ou deux fois par mois. Le fait de ne

pas avoir trop d’argent ne facilite pas les choses.

Les naissances de mes enfants sont les évènements

les plus heureux de ma vie.

Ma séparation est l’évènement le plus triste et

d’ailleurs, j’ai fait une dépression dans laquelle je

suis encore.

Ma mère s’est suicidée peu après m’avoir placée

en foyer à la DDASS. Ça m’a perturbé et j’en parle

aujourd’hui encore à mon psy.

Mon père est décédé en 2003. Je le voyais par

intermittence, parfois à Marseille. C’est comme s’ils

étaient déjà séparés quand je suis né.

Je ne veux pas être comme mon père pour mes

enfants. Je veux être présent un maximum pour

eux. Moi, je n’ai pas le nom de mon père.

Cela fait 8 ans que je n’ai pas vu ma famille du côté

de mon père (l’oncle et la tante qui m’ont élevé).

C’est dur de leur annoncer que je suis séparé mais

il faudra bien le faire. Dès que j’aurai une situation

(travail, logement), je reprendrai contact avec eux.

Aujourd’hui, ce qui est important est de refaire

ma situation, une nouvelle vie, ne plus faire les

mêmes bourdes, ne plus être influençable. Je me

pose au foyer.

Sésame est un tremplin, après je verrai avec les

Brigades Vertes.

Ça fait un an que je prends des médicaments pour

ma dépression, je veux m’en sortir.

Je souhaite être là un maximum pour mes enfants

et me retaper.

J’ai 34 ans, il y a du pain sur la planche. Je ne veux

pas refaire les mêmes erreurs, traîner avec des per-

sonnes peu fréquentables ne m’a amené que des

emmerdes tant au travail que dans ma vie privée.

Je me contiens vis-à-vis de l’alcool, ne pas abuser

en semaine : priorité aux démarches et au travail.

Le MAS, c’est tout ce que j’ai : boulot, héberge-

ment. Je n’ai rien d’autre. Et j’espère que ça va

me servir de tremplin pour me relancer dans la vie,

re-croire en moi.

Pour le futur, j’espère m’épanouir, m’en sortir, régler

les problèmes de santé, voir les enfants et la famille.

Pour le logement, je ne suis pas exigeant. Foyer

ou studio, une petite indépendance me suffit pour

pouvoir recevoir mes enfants. J’espère aussi trouver

un travail stable.

J’aimerais aussi refonder une famille même si je

sais que ce ne sera pas pour tout de suite.

Souvent, je me pose des questions : “dans 6 mois, où est-ce que je serai ? Qu’est- ce que je ferai ?”

C’est comme si je n’avais pas compris pourquoi

elle était partie.

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Avant j’étais au chômage depuis 4 ans, je sortais

beaucoup. J’habitais Grange Blanche dans une

résidence sociale. J’ai rencontré le papa de Jade,

il m’a quitté au bout de quelques mois, je n’étais

pas au courant que j’étais enceinte.

J’ai fait un déni de grossesse. Je continuais de

sortir, boire, fumer et je me suis inquiétée parce

que je prenais du ventre. Je suis allée consulter

et ils m’ont dit que j’étais enceinte, je me suis fait

balader entre plusieurs hôpitaux et au bout de trois

jours, ils m’ont dit qu’il fallait m’accoucher. J’étais à

37 semaines, je n’avais plus de liquide amniotique.

Ils n’ont pas voulu m’accoucher, en gros j’étais

enceinte donc je devais m’en débrouiller. J’ai refait

le tour des hôpitaux et à la Croix Rousse ils ont fait

le nécessaire.

Je suis retournée chez ma mère, du coup avec

l’assistante sociale ils m’ont orientée vers l’Eclaircie.

Je voulais attendre encore deux ou trois ans et

rencontrer la bonne personne.

Jade a envie d’être là, parce qu’elle va très bien et

se développe presque mieux que les autres enfants.

Plus jeune, j’avais fait un CAP Fleuriste, mais je l’ai

loupé de deux points. Pendant mes études, je travail-

lais. J’ai connu l’internat, mais ca me convenait. Le

retour sur Saint Priest, que je connais, ne m’arrange

pas. C’est une ville que j’apprécie moyennement.

Je n’ai jamais vécu au quotidien avec quelqu’un.

La question d’abandonner l’enfant s’est posée. Je

n’ai pas vraiment choisi de garder Jade, mais je

suis bien contente de l’avoir, je n’ai pas de regret.

L’arrivée de Jade a été un déclic. Ça m’a permis de

me recentrer sur moi. Je ne prenais plus le temps

de réfléchir, je vivais au jour le jour.

Ça m’a projeté directement adulte, ça m’a obligée.

Une copine a une théorie là-dessus. Elle me dit que

si j’avais su que j’étais enceinte, j’aurais mis un terme

à la grossesse. Alors mon corps l’a caché pour me

dire que je n’étais plus une enfant, qu’il fallait que

je me projette dans l’avenir, que je devais grandir.

Aujourd’hui, ma fille est importante pour moi, Jade,

et j’aimerais rencontrer quelqu’un. Les trois premiers

jours, je n’avais pas la fibre maternelle. J’ai fait le

baby blues, je me suis adaptée, j’ai une amie qui a

eu un bébé il y a deux ans. Elle me conseille encore.

Je me sens posée, aujourd’hui, c’est passé. Je

Claire

Avoir un enfant n’était pas au programme.

J’étais perdue. Ni déçue ni en colère ni triste,

mais complètement perdue.

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déprimais suite à la naissance, à une rupture il y a

deux semaines. Mon père est décédé il y a 6 ans.

Avec la présence de Jade, l’anniversaire de son

décès est encore plus dur.

Je n’envisage pas de reprendre mon activité en

CAP Fleuriste. Ça m’a éloigné de mes ami(e)s, ma

vie sociale est très importante pour moi et, avec

un bébé, c’est encore plus compliqué.

Je me sens plus à l’aise, mes craintes ont dispa-

rues. Les relations avec ma mère restent tendues

d’un point de vue matériel, j’ai encore des meubles

chez elle. Mais d’un point de vue relationnel, ca va.

L’Eclaircie c’est un bien, un point de chute pour moi.

J’aurais préféré qu’on me donne un appartement.

J’y suis depuis 3 mois.

Le papa ne l’a pas reconnue, il ne veut pas avoir de

liens avec elle, il s’en fiche. J’arrive à me débrouiller

sans lui, ce sera quand même un manque pour elle.

Mon avenir ? Un appartement, un travail, je vais

voir pour faire une formation dans la petite enfance,

pour travailler en crèche ou en créer une. C’est un

gros projet, après on verra comment ça se passe.

Trouver l’amour, avoir quelqu’un sur qui compter,

pas seulement sur moi. Je commence à me faire

confiance. Je ne me donne aucun délai, à part pour

la formation, j’aimerais la commencer en Septembre.

J’aimerais réussir à élever ma fille correctement.

C’est cool d’être cool. Ça s’applique d’autant plus

depuis que je suis maman.

J’ai des appréhensions sur l’avenir pour elle, comment lui expliquer mon parcours ? Si elle a mon caractère, ça ne va pas être simple. Comment la protéger ?

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Née en 1982 en Martinique, mes parents sont

martiniquais. J’ai un demi-frère du côté de mon

père et une petite sœur de 24 ans.

J’habitais chez ma mère avec ma tante et ma sœur

mais j’ai été élevée par ma tante qui était comme

ma mère.

Mes parents n’ont jamais vécu ensemble chacun

vivait chez soi mon père avait une grande maison

familiale et moi je vivais chez ma mère.

A l’école j’ai redoublé ma terminale générale parce

que j’ai eu des soucis en cour de philosophie ce

cours m’a freinée. Ce cours m’a fait beaucoup

réfléchir. Le sujet était « l’âme est elle prisonnière

du corps ».

J’avais 17 ans.

C’est à l’époque de ma première tentative de sui-

cide. J’appelle ça « le pompon sur la Garonne ».

Première hospitalisation en neuropsy : j’avais sauté

du premier étage.

J’étais très introvertie, ça m’a bousculée. J’étais

trop jeune pour apprendre la philosophie. Pas assez

mûre pour le sujet.

Après cette hospitalisation j’ai été dans une maison

de repos pour récupérer physiquement mais aussi

avec une psychologue et une autre personne à

l’extérieur.

Et puis ça n’a pas duré, le suivi s’est arrêté, je ne

voyais pas l’intérêt. Je pensais qu’on ne pouvait

pas m’aider.

Dans la maison de repos j’avais des synthèses

de cours, phosphore plus, c’était mon année de

Terminal, ça m’a aidé pour passer le BAC.

J’ai donc redoublé avec la plupart des mêmes

élèves donc l’ambiance était sympathique. J’avais

toujours de la philo c’était dur je sortais du cours

pour pleurer.

La psychologue avait prescrit un traitement contre

l’angoisse. L’angoisse c’était des pleurs et des

tremblements.

Ma mère m’avait inscrite à un groupe de relaxation

avec des adultes. J’y allais mais c’était pas évident

car il n’y avait que de jeunes adultes.

J’ai repassé mon BAC en 2001, j’avais 18 ans.

Je suis née en Décembre et ça m’a toujours perturbé

pour calculer mon âge car je suis en fin d’année.

J’ai fait ensuite une fac de langues (anglais) à Fort

de France en Martinique.

Je connaissais des personnes de Terminale et cela

s’est bien passé au niveau personnel. J’ai choisi

la fac d’anglais par défaut. Ma mère m’a dit tu vas

faire ça car tu es bonne en anglais. C’était pour

faire quelque chose.

J’ai vécu chez ma mère jusqu’en 2002. Je n’ai pas

réussi la première année de fac j’avais des soucis

personnels, une rupture amoureuse compliquée.

Pour fuir la Martinique.

Je suis arrivée en France en Septembre 2002 pour

la rentrée scolaire. Mon billet d’avion je l’ai payé avec

l’argent d’une première expérience professionnelle,

j’étais animatrice avec des enfants.

A Lyon je suis arrivée chez ma tante et fait la fac

de langues à Lyon 3.

Certains modules n’étaient pas les mêmes qu’en

Martinique, je ne voyais pas d’intérêt j’étais un peu

perdue.

De 2003 à 2005 j’étais en résidence universitaire

payée par la bourse dans une chambre avec les

sanitaires et la cuisine en collectif. J’avais du mal à

cuisiner, je ne mangeais pas tous les jours.

J’avais un groupe de copines qui faisaient du

Rony

Ma mère m’a proposéde venir en France pourreprendre le cheminà un autre endroit.

C’est là le début de mon questionnement sur l’utilité,

l’existence de la vie.

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basket avec moi je les connaissais bien enfin à

peu près bien.

En 2005, j’ai fait de l’Intérim. Je faisais du nettoyage

dans les trains à la gare de Vénissieux.

Puis j’ai arrêté les cours je n’y avais plus d’intérêt.

J’ai arrêté la fac en Mars/Avril 2006. Je ne me suis

pas présentée aux examens et je suis retournée

en Martinique pendant 3 mois. J’étais très mal là

bas je ne sortais pas et dormais toute la journée.

Je suis revenue en France en septembre 2006

toujours chez ma tante.

Je voulais trouver une formation j’ai commencé en

tant que manager opérationnel au Mac Do : j’ai fait

le mois d’essai.

Après, ça a été la déchéance. Je suis restée dans

la rue jusqu‘en 2007 pendant environ 3 mois. Je

revenais un peu chez ma tante qui n’était pas au

courant de ma situation. Dans la rue j’ai rencontré

des potes et je consommais du cannabis.

En mai 2007 j’ai été hospitalisée. J’ai fait un malaise

chez ma tante qui m’a emmenée aux urgences.

Le docteur m’a proposé d’aller en psychiatrie. Le

malaise était dû à une trop grosse consommation

de médoc : c’était un petit peu une deuxième

tentative de suicide.

J’ai fait deux mois d’hospitalisations. Après les

élections de 2007 je suis retournée chez ma tante.

J’avais un traitement psy à prendre tous les jours.

Avant je n’avais pas de traitement au quotidien ni

de consultations psy, donc là, étant plus âgée,

j’étais plus volontaire pour être aidée.

J’ai fait le DRSP, le Département de Réadaptation

Socio Professionnel de janvier 2008 à janvier 2010.

En fin d’année 2007, je ne me rappelle plus ce qui

s’est passé.

En Janvier 2010 je suis allée à Messidor.

En septembre 2008 je suis arrivée au Centre Feydel

accompagné de l’assistante sociale de Desgenettes

et de ma psychiatre.

Ce qui est important pour moi c’est de trouver un

cadre de vie adapté, mettre des sous de coté pour

construire quelque chose de positif.

Quand je regarde dans l’avenir je ne vois rien. C’est

dur d’imaginer ce que ça pourrait être : où, avec

qui, c’est pas évident.

Si j’ai le sourire c’est déjà ça. Le moral et la santé.

Une satisfaction personnelle. C’est tellement vague

surtout au niveau logement.

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Moi, j’ai 19 ans et je viens de Mayotte. Je suis né

le 9 Janvier 1993. Pour moi j’ai passé une enfance

pas comme tous les autres. Parce que pour moi

en fait, je suis né d’une famille pauvre. Déjà mon

père ne travaille pas et ma mère non plus. Du coup

j’ai été obligé d’aller cultiver la terre pour pouvoir

avoir quelque chose à manger en fait. C’est pour ça

que j’ai dit que je n’ai pas eu une enfance normale,

comme les autres.

J’ai travaillé depuis le collège. Vers 10-12 ans je

travaillais dans les champs, je travaillais la terre et

après je vendais des fruits et légumes. Je travail-

lais avec ma mère. J’allais à l’école la semaine et

le samedi. Le dimanche, j’allais travailler dans les

champs. Je n’avais pas de jour pour m’amuser

comme un enfant normal.

Je n’allais pas travailler parce qu’on était obligé

mais parce que c’était mon devoir en fait. C’était

comme ça jusqu’à ce que mon père ai trouvé un

petit travail d’entretien à la mairie du village où nous

habitions. Ma mère mettait de l’argent de côté pour

que je puisse partir en métropole. Ma mère a cotisé

pendant longtemps. Ma mère m’a dit qu’il fallait que

je parte en France parce que là bas je pourrais peut

être avoir une vie meilleure. Mais moi j’avais cette

idée depuis longtemps en fait parce que je suis l’ainé

mais j’attendais d’abord pour que ma mère me le

dise. Je voulais partir mais en même temps pas

partir là bas, en France, parce que c’était comme

si j’abandonnais la famille, la maison.

Donc je suis venu ici pour chercher une vie meilleure

et pour pouvoir nourrir ma famille qui est restée là

bas. Pour moi ce n’est pas une obligation mais

c’est un devoir en fait. Je suis l’ainé en fait. La

manière dont je vivais là bas c’est terrible pour

moi aujourd’hui. Parce que pour moi, avant, la

pauvreté c’était normal, j’avais l’habitude de vivre

cette vie là en fait.

Même si je voyais que d’autres enfants avaient des

cadeaux, des beaux vêtements des trucs comme

ça, ça m’a donné envie d’aller de l’avant. D’essayer

d’être comme eux en fait. Mais parfois je ne suis pas

bien de les savoir là bas et moi ici. Ça me monte à

la tête et du coup je suis triste.

Mais si j’étais resté à Mayotte, je n’aurais pas eu

une vie normale. Ici je peux avoir un travail, une

formation, de l’argent. A l’école j’étais un bon élève.

J’avais de bonnes moyennes et tout.

Nassoi

Mais en fait en venant ici mon cœur ne voulait pas que je vienne.

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Mon cœur ne voulait pas parce que mon père

était un peu malade. Parce qu’en fait il est déjà

âgé en fait. Pour moi partir ici c’est comme laisser

ma famille. Mon père voulait pas que je parte en

France mais ma mère si.

Ma mère a discuté avec lui, elle a négocié et tout,

du coup ils ont pris la décision. Mais avant de venir

ici, de quitter ma famille c’était difficile en fait. Au

début c’était difficile.

Quand je suis venu ici en fait j’étais hébergé chez

un ami. C’était aussi mon voisin à Mayotte en fait.

Du coup ma mère lui a proposé de me prendre ici

quelques temps. Le temps que je me débrouille,

d’avoir un logement et tout. Quand je suis venu

en France tout d’un coup la vie m’a paru bizarre..

Je ne me sentais pas dans le même environnement.

La culture et tout. Il y avait beaucoup de choses

qui changeaient.

Quand je suis venu ici, les gens je les trouvais tous

pareils en fait, c’était comme si ils étaient tous

riches. Du coup quand je suis venu ici je me suis

senti comme si j’étais fait pour vivre ici. Comme si

j’allais me sentir bien en fait. Je savais qu’au début

j’allais souffrir.

Mon ami m’a mis à la porte parce qu’il n’avait pas

le droit d’héberger quelqu’un et du coup je me suis

retrouvé à la porte. Parfois je dormais dehors, parfois

je dormais chez l’oncle de mon ami. Je recevais

des appels de Mayotte.

Et puis je suis parti à la MVS pour déposer un dos-

sier pour un logement. Pendant 6 mois ils ne m’ont

pas répondu, le 7ème ils m’ont répondu et ils m’ont

envoyé dans un foyer. J’ai commencé à avoir une

vie normale en fait. Parce que là bas on nous traite

bien et tout, on nous donne à manger et tout. Nourri,

logé et tout. Je suis resté 2 mois sans activités et

j’étais toujours à la recherche d’un emploi. Du coup

ils m’ont dit que les Ateliers Sésame proposaient

des activités justes pour réhabiliter en fait à la vie

active, pour pouvoir s’habituer et tout. S’habituer

à se réveiller tôt le matin.

Du coup moi j’ai accepté parce que je ne voulais

pas rester sans rien faire. D’un côté pour être un

peu dans la vie active mais aussi pour avoir un

peu d’argent.

Au début c’était difficile. Parce que je n’avais jamais

fait du nettoyage. Je trouvais ça bizarre et tout. Mais

je savais que j’allais apprécier. C’était dur au début.

3 jours, 4 jours mais après je me sentais bien.

Ca m’a bien plu en fait.

Pour moi ce qui est important c’est de trouver un

travail et puis un logement. Après je vais y aller petit

à petit. Trouver un travail stable aussi mais c’est

difficile. Je veux plus vivre ce que j’ai vécu avant.

Je veux aussi que mes frères et sœurs aient une

vie normale en fait. Je pense que je vais avoir un

bon avenir. Je pense … mais … je ne sais pas.

Je ne sais pas.

Ma mère me demandait si on me traitait bien. Je disais toujours oui même quand parfois

je dormais dehors.

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Mon histoire ? Elle commence en 2008. Je l’appelle

« l’année noire ». C’est l’année qui m’a amené à

Résidence : 2008. Une année bien costaud, partie

d’un vol de voiture avec un enchaînement par la

suite. J’avais enfin réussi à m’acheter une nouvelle

voiture. Avant j’avais une voiture qui consommait

beaucoup, puis un jour j’ai perdu trop d’argent, et

j’en ai acheté une autre.

On me l’a volée en Avril, j’allais travailler loin, j’avais

de bons contrats avec. Après le vol, ils ont mis

un an à me rembourser, j’avais de moins bons

contrats, moins d’heures, je n’ai pas pu payer les

loyers et le crédit que j’avais et petit à petit j’ai plus

rien pu payer.

Et avant 2008 ?

Je suis lyonnaise d’adoption, pour le meilleur et le

pire ! J’ai 30 ans de belles aventures sur Lyon, que

ce soit les années passées en cité à Vaulx-en-Velin.

J’ai été locataire de logements : avec le père de ma

fille, puis comme ça n’allait pas, je suis retournée

chez ma mère. Puis après j’ai pris le logement dans

le 9ème, 1 an avant mon année noire.

J’avais repris mes études pendant l’année noire. Je

voulais passer le DAUB, équivalent Baccalauréat

Scientifique, en cours du soir, mais je n’ai pas pu

continuer, il me manque deux modules.

Le gros de mon exercice professionnel, c’est la res-

tauration en collectivité en Intérim. Pour le moment,

je suis en contrat CDD.

Je reviens en arrière, je suis fonctionnaire : j’ai

demandé ma réintégration en 2008 durant mon

année noire. J’avais demandé une disponibilité

pour reprendre mes fameuses études, ça fait 3

ans que j’attends ma réintégration, vous voyez le

lien avec 2008…

Aujourd’hui, enfin, je commence à dire que je tiens

debout.

A l’époque de Lyon 9, mon expulsion, je n’ai pas

pu solliciter mon entourage : ma mère est repartie

en Martinique, je n’avais pas de liens avec ma sœur

et mes deux frères. Ça va mieux depuis que je suis

à ici. On s’est ressoudés. Sans dispute, sans rien,

chacun s’est occupé de ses problèmes, et on s’est

un peu retrouvés ensuite.

Comment je l’ai vécu ? Bien. C’est une assistante

sociale du 9ème, j’étais locataire, qui m’a envoyé

ici. Parce que je n’avais pas le choix, j’ai un enfant.

Il y avait une structure pour m’aider c’était vital,

autant y aller. J’ai eu cette chance d’être suivie par

deux assistantes sociales qui faisaient ce qu’il fallait

en temps et en heure, ça a été bien pris en main.

Mon surendettement est sous moratoire, j’ai encore

deux ans, ça ne m’empêche pas d’avancer.

Aujourd’hui, ce qui me préoccupe c’est mon

emménagement dans mon nouveau logement et

la lettre du rectorat en vue de ma réintégration. De

continuer à avancer. Ce qui me préoccupe aussi,

c’est ma voiture qui m’embête. J’ai pu acheter

une petite occase 1 an après le vol de ma voiture.

Pour le moment j’ai un bon contrat de CDD dans

une entreprise, j’ai l’appartement, quelques soucis

matériels dont les dents, mais bon.

Marie

J’ai fait la Martinique, Vaulx-en-Velin, quand même !

J’ai fait Vaulx-en-Velin, Lyon 9 puis Lyon 5,

Vaulx en Velin, puis à nouveau Lyon 9, Résidence

et bientôt Sainte Foy les Lyon.

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Et votre fille ?

Ah, ma fille c’est super. Elle est sage, elle travaille

bien à l’école et elle a compris qu’elle n’avait pas

le choix, qu’elle devait être autonome rapidement.

Elle n’est pas capricieuse, elle est comme tous les

parents rêveraient d’avoir. On a gardé une rela-

tion avec son père, il s’en occupe. Il ne peut pas

l’accueillir mais il s’en occupe.

Vous n’avez pas refait votre vie ?

Pour le moment, ce n’est pas mon projet actuel. On

dirait ma fille, elle pose la même question !

Aujourd’hui c’est un temps de pause pour remonter

la pente. Non, pour pouvoir remettre les choses un

peu plus clairement, un peu plus posées. On sait

où avancer, où mettre les pieds.

Si j’ai un super quartier, je vais être bien. Ca va

changer d’ici, avec le bruit !

J’ai toujours dit que je ne suis pas d’ici et qu’il y a

un moment où on a envie de rentrer chez soi, je

me donne pas de délai pour repartir dans les îles.

Vous avez des angoisses liées à l’avenir ?

Non, je ne suis pas quelqu’un d’angoissée ni de

stressée. L’angoisse et le stress pour moi ça ne

me permet pas d’avancer. Moi j’ai besoin d’avancer

d’aller voir, de frapper aux portes.

Pour certaines choses j’éviterai une nouvelle année

noire. Je ne dirais pas que ça m’a servi de leçon, je

dirais que je ferai deux fois plus attention. Il y a des

choses que je vais remettre en pratique.

Qu’est ce qui vous empêche aujourd’hui de reprendre vos études ?

Rien, j’y repense. A la base, le baccalauréat scien-

tifique c’était pour le commercial, l’import export et

les langues. L’obtenir pour prendre des cours après

à l’université pour valider un DEUG, une licence. Je

me sens capable de travailler et suivre des cours le

soir en même temps, là je me prévois des délais.

J’espère que pour septembre-octobre ce sera bon.

Je ne me laisse pas abattre. J’aime lire, la vie est

là. C’est ma devise de ne pas me laisser abattre.

Mon futur, je le vois loin.En Martinique (rires)

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Moi, mon histoire se résume à partir de ma nais-

sance. Je suis née en Tunisie, j’ai été adoptée par

un couple Tunisien de nationalité française. J’ai eu

de la chance, j’avais un bon cocon, j’étais bien.

Le drame de ma vie, c’est que je ne l’ai appris qu’à

16 ans. Je pense que mes parents envisageaient

de me le dire une fois construite. C’est moi qui l’ai

découvert. La vérité on ne peut pas la cacher. J’ai

voulu vérifier, c’est une double trahison, ils ont nié

les rumeurs, et au final je l’ai appris à 16 ans. C’est

ce qui m’a amenée à tomber dans un monde de

violence, de haine, de colère.

J’ai été adoptée, il y a eu un miracle pour ma mère,

j’ai eu deux frères et sœurs. J’ai encore des liens

avec mon père, pas avec les autres.

La haine c’est devenu le moteur de ma vie. Pour

le moment, je suis peu à l’aise avec ça, quand tu

perds tout, ton identité, ta place, tu deviens dingue.

Tu perds pied. J’ai pas été entourée comme il fallait

pour reprendre ma place. Parce qu’après j’étais

tellement en rage, j’ai rejeté tout le monde. J’ai

grandi avec des gens de ce monde violent,

foyer, embrouilles, etc.

Ça a duré jusqu’à mes 23 ans. Je

m’accroche depuis. À 29 ans je

commence à voir que la vie ça

n’est pas que des rapports de

force, c’est autre chose.

Je n’étais pas armée,

j’ai appris à m’ar-

mer pour sur-

vivre

dans cet environnement. J’ai lâché mes études,

j’étais une bonne élève. C’était une période sombre.

Des moments heureux, j’en ai pleins : ma famille,

mes amis, la maison remplie de personnes. J’ai

baigné dans l’amour, j’ai eu beaucoup de chance

par rapport à ça. Des rencontres, des personnes

qui m’ont orientée sur des chemins que je ne

connaissais pas.

À mes 23 ans, j’ai tout plaqué : mes fréquenta-

tions, Lyon, etc. Mon idée de tout plaquer c’était

pour vivre bien, pour travailler, être autonome, me

prouver que je pouvais faire rentrer de l’argent en

étant droite. Ça a été mon moteur.

Je suis à l’Eclaircie depuis 1 mois et demi. Quand

j’étais enceinte, j’ai une fille de 2 ans et demi, j’étais

chez dans un foyer jusqu’aux 18 mois de ma fille

depuis la sortie de la maternité. Dans mon parcours,

dans mon rôle de mère, franchement on est forte,

je tiens à le dire, avec le vécu que j’ai connu, c’était

pas simple d’être seule, il y a des amis, mais ils ont

leur vie aussi.

C’est beaucoup de fatigue. Mon ancienne édu-

catrice m’a beaucoup soutenue. J’étais fatiguée

physiquement, psychologiquement, le quotidien

devenait vraiment difficile. Mon corps ne tenait plus,

mon éducatrice m’a dit que soit j’étais hospitalisée

et ma fille placée, soit j’allais en Savoie où il y avait

tout sur place, un joli cadre, une maison de repos

avec crèche, médecin, etc.

J’étais assistée, mais à ce moment de ma vie

c’était nécessaire.

Le père de ma fille, j’en suis séparée depuis quelque

temps, on est resté mariés 4 ans, il a des contacts

avec elle, c’est un bon papa.

Ce qui est important pour moi aujourd’hui c’est

me servir de mes forces pour atteindre mes buts.

Ça passe par foncer, en fait. Les gens qui m’ont

aidée m’ont remplie, je ne sais pas l’expliquer.

Samia

Ça a été un ravage, un tsunami qui emporte tout.

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J’ai de la détermination, de l’envie, pour accéder

à l’autonomie. J’ai des expériences profession-

nelles en institut sondage et chargée de clientèle

pharmaceutique. A ce jour, je me cherche. Je sais

que la route est tracée, ça passe par m’assumer,

ramener de l’argent pour moi, ma fille, c’est mon

heure, mon accomplissement.

Je suis sur du solide, ma tête est levée, elle est

haute. Oui ce que j’ai vécu est dramatique mais il

y a pire. Oui, c’est arrivé trop tôt, cette rage m’a

pris des années de ma vie, je me bats pour ma

fille qu’elle grandisse avec un environnement, des

bagages solides.

A la rentrée, ma fille va à l’école.

Ici c’est un tremplin où je peux me poser, pour

rebondir ensuite. Moi je trouve que ce qui est

positif ici c’est le partage. Si on se sent bien, on

fait sa place dans le groupe, si on n’oublie pas son

but malgré qu’on ne se soit pas choisies, on peut

avancer. Pour le moment c’est ma place, mais ma

vie ce ne sera pas…

Si on était nombreuses, ce serait la jungle, moi ça

me convient bien. Ça évite ce que j’ai pu connaître

dans d’autres collectivités.

Il faut laisser le temps, le temps de faire les choses.

Je l’envisage bien, inquiète un peu, forcément c’est

un peu compliqué. En février, ma fille aura 3 ans,

je me suis fixée d’être autonome : mon apparte-

ment, ma situation financière. Je ne me voile pas

la face : il me manque une activité professionnelle,

sportive, une activité. Parce qu’après il n’y a plus

de présence, je suis lâchée dans la nature. Je me

vois continuer l’ascension que j’ai entamée. Je suis

consciente de mes faiblesses. Ce qui m’angoisse,

c’est le monde dans lequel j’ai vécu, cet environ-

nement qui m’appelle parfois. J’y pense parce que

dernièrement je me suis sentie un peu régresser

dans mon analyse.

Je n’en suis pas traumatisée de ce monde, de cette

violence, je m’y étais fait ma place, j’étais devenue

animale. Ça fait mal d’avoir la rage, de savoir que

s’il n’y avait pas ma fille, je crois que j’aurais fait une

grosse connerie. Je crois que je vais faire des arts

martiaux, combattre, gagner, j’aime la compétition.

Régresser, reprendre cette peau, je n’en veux plus.

Quand je prends de la distance, que je constate

que j’avance dans un chemin qui est bon pour

moi, je me suis donné comme objectif d’être au

top pour ma fille et moi. D’en parler de la violence,

en groupe de parole, ça me fait peur. J’ai fait ce

travail d’expression. Je dors bien la nuit, je ne sais

cependant pas toujours me maîtriser, gérer et avoir

de la sérénité.

Je souhaite aujourd’hui être quelqu’un de bien,

j’ai besoin de me préserver, préserver ma fille.

Quel exemple pour ma fille, quelles valeurs je lui

transmettrais si je rebasculais ?

L’amour d’un enfant c’est pur, c’est ce qui tire

vers le haut. La force tranquille, c’est mon objectif.

Je veux vivre mes rêves,ne plus seulement en rêver.

J’ai pas encore suffisamment dompté

ma violence que je contiens, pour être sereine.

Je souhaite repasser dans l’autre monde, devenir une femme.

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Je suis né le 4 Septembre 1983 à Tunis. J’ai une

sœur.

J’ai vécu en famille. À 12 ans, mon père est décédé.

Les études se passaient super bien jusqu’au Bac

mais je ne l’ai pas passé car je me suis désinté-

ressé des études. Maintenant, j’ai à nouveau soif

d’apprendre.

J’ai commencé à travailler à 18 ans dans l’informa-

tique. J’ai fait ça pendant 2 ans puis, après deux

mois de chômage, je suis venu en France. Je me

suis payé le voyage. Je connaissais car j’étais venu

en 2001 en vacances et ça m’avait plu.

Arrivé en France, je me suis marié avec une française

et j’ai fait les papiers.

Ma mère est encore en Tunisie, ma sœur est

partie en Autriche en 2010. Mon père était Major

à la Marine Nationale tunisienne et ma mère était

chef de bureau à la poste. Maintenant elle est à la

retraite, elle voyage.

En France, j’ai commencé par bosser avec mon

oncle à Toulon dans le bâtiment, peinture, maçon-

nerie. En 2006, j’ai commencé dans l’hôtellerie à

St Tropez, car ça se passait mal avec mon oncle

et je ne gagnais pas assez.

Au début, mon oncle m’hébergeait puis j’ai pris un

appartement à Toulon que j’ai abandonné un an

après avoir commencé à l’hôtel à St Tropez.

J’ai divorcé en 2007.

J’ai commencé à faire les saisons, St Tropez,

Courchevel, Val d’Isère, et, entretemps, j’ai fait une

formation en mécanique car c’est une passion mais

je n’ai pas travaillé dans ce domaine. L’hôtellerie

c’est un concours de circonstance car j’avais

besoin d’argent et il y avait plus d’opportunités

dans l’hôtellerie.

J’ai perdu du temps à cause de ces contrats sai-

sonniers qui étaient du dépannage. Au final, ça a

duré 4 ans.

Durant cette période, j’ai rencontré ma nouvelle

compagne qui faisait les saisons avec moi. On

s’est installés à Ste Maxime. Au début, ça allait

bien, c’était le grand amour. Elle ne travaillait pas

trop, je lui ai acheté une voiture pour l’aider mais

ça n’a rien arrangé.

Petit à petit, ça s’est envenimé, jalousie, etc. car

nous avons tous les deux un fort caractère et l’alcool

s’est installé pour noyer le chagrin.

Un jour, elle est partie de la maison, je l’ai rattrapée,

je l’ai frappée et les passants ont appelé les flics.

J’ai eu un contrôle judiciaire et l’interdiction de la

revoir. Elle est repartie chez elle mais, deux semaines

après, elle est redescendue et s’est réinstallée à

la maison. Elle n’avait pas porté plainte, c’est le

ministère public qui m’a poursuivi.

Les problèmes restaient. On s’est redisputés à la

maison,

Elle a appelé les flics pour séquestration. C’est

moi qui leur ai ouvert la porte, je ne voulais pas

qu’elle sorte seule, à minuit, en hiver. En lien avec

la séquestration, les flics ont demandé s’il y avait

eu viol… Elle n’a pas été claire et, du coup, je me

suis retrouvé en garde à vue.

Comme il y avait le contrôle judiciaire, j’ai été direc-

tement en prison.

Elle a vu le Juge et a enlevé l’accusation de viol.

Seules les violences ont été retenues. J’ai pris trois

mois de détention.

Elle appelait toujours les flics pour faire pression

sur moi.

En sortant je devais résider dans le Rhône sous

contrôle judiciaire. J’y suis resté trois mois et demi,

je travaillais dans un garage.

On voulait se remettre ensemble avec ma compagne

mais sans situation on ne pouvait pas reprendre

un appartement. Du coup, on est repartis aux Arcs

pour être logés par l’employeur.

Deux semaines après, j’étais saoul, on s’est disputé

et je lui ai cogné la tête sur la porte. Elle a été voir la

voisine pour appeler les pompiers mais la voisine a

appelé les flics. Comme j’étais encore sous contrôle

judiciaire, j’ai pris deux ans dont un avec sursis.

Hassan

elle voulait repartir mais je l’ai retenue.

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Depuis, je suis chez mon oncle à Rillieux-la-Pape et

elle s’est installée chez son oncle à Lyon 6ème. Le

but était de trouver un appartement. J’ai retravaillé

une semaine après ma sortie de prison dans les

vendanges puis à l’hôtel de la Cours des Loges.

On était en train de se refaire une situation pour

prendre un appartement sauf que malheureusement,

le 21 Décembre 2011, elle a eu un accident mortel.

Je supportais mal ma situation chez mon oncle où

je n’avais pas de liberté et de calme. Je tenais le

coup pour elle, je bossais pour elle, pour assurer

notre situation, c’était une petite princesse, je

l’assumais. Après sa mort, ça m’a touché. Elle est

morte devant moi, c’était traumatisant.

De là, j’ai accéléré le mouvement car je ne pouvais

pas partager ma tristesse avec mon oncle et sa

famille. Je ne supportais plus l’ambiance, je ne

dormais pas. J’ai commencé à regarder les foyers.

Il fallait que je parle mais c’était impossible avec la

famille donc j’ai parlé avec ma conseillère d’insertion

et de probation. Elle était au courant, je lui ai dit que

je baissais les bras, que je n’en pouvais plus. Elle

m’a mis en contact avec le foyer Maurice Liotard

et je suis entré. Je ne voulais plus rester chez mon

oncle, je ne voulais plus avoir d’affaires chez eux.

Ma vie a été marquée d’évènements. Les malheureux

sont le décès de mon oncle quand j’avais 6 ans et

que je considérais comme mon frère, il avait 20 ans,

le décès de mon père quand j’avais 12 ans, un autre

de mes oncles qui a fait une crise cardiaque dans

mes bras et le décès de ma copine devant moi.

Il y a eu aussi des évènements heureux comme le

mariage de ma sœur, la naissance de sa fille ou la

retraite de ma mère.

Ce qui me préoccupe aujourd’hui, c’est ma car-

rière professionnelle car pour vivre, il faut travailler.

Mon but est de vivre bien, avoir une belle voiture,

une maison, etc. Pour cela, il faut travailler et je

cherche quelque chose de sérieux. Le dépannage

ne suffit pas.

Le deuxième souci, c’est le logement qui viendra

avec le salaire.

Actuellement, je suis au chômage depuis février.

Je fais des missions en Intérim, des petits boulots.

Personnellement, il y a des hauts et des bas, je n’ai

pas trop le moral même si je cherche à aller mieux.

Je canalise mon énergie dans la mécanique pour

ne pas péter un plomb et me sentir utile dans la

vie. C’est de l’autosatisfaction.

J’ai des problèmes de dos mais pas d’autre pro-

blème majeur.

Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans le foyer. Peut

être que j’aurais frappé quelqu’un, fait une tentative

de suicide… Heureusement, c’est arrivé pile-poil.

Pour l’avenir, je souhaite un travail stable, gagner

ma vie honnêtement, me marier. Mais il faut une

situation avant de se marier. Je garde confiance

en l’avenir, ça va payer.

Le foyer est super bien. Il y a forcément des trucs

à améliorer mais c’est déjà bien. La prison m’a

beaucoup fait réfléchir. Depuis ma sortie, j’ai cerné

mes défauts et je travaille dessus.

C’est elle qui m’attendait à ma sortie de prison,

le 22 Août 2011.

Ma force morale a cassé. J’ai craqué.

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Je suis né à Béligny en 1972. Béligny c’est un

quartier de Villefranche sur Saône. J’ai deux frères

: le premier est né en 1971 et le petit en 1974.

Mes parents ont divorcé quand j’avais 10 ans. C’est

ma mère qui a demandé la séparation et le départ

de mon père de notre logement. Il était violent.

Pendant deux ou trois ans nous l’avons vu une

fois tous les quinze jours, avec mes frères. Au bout

de deux ou trois ans, il a été déchu de son droit

parental, parce qu’il était violent. Surtout sur les

deux grands. Le petit il l’aimait. Nous ne l’avons

plus revu.

Pendant un an, on s’est revu puis ça s’est arrêté

petit à petit. Nous n’avions pas d’affinités et il s’en

foutait de ses enfants.

Vers 30 ans je l’ai revu. J’ai travaillé dans une

entreprise alors qu’il y travaillait aussi. Mais on ne

se croisait pas beaucoup parce que lui était aux

vignes et moi aux espaces verts.

Et la scolarité ?

Je suis allé jusqu’en 3e CES, j’étais en difficulté.

J’ai fait une formation en cordonnerie pendant trois

ans. Je n’ai pas eu mon CAP, mais je n’avais pas

d’intérêt pour ce boulot.

De 14 à 18 ans j’étais placé par le juge. Ça se

passait mal avec ma mère. Elle me harcelait, elle ne

pouvait pas me saquer. Je devais trop ressembler

à mon père.

J’étais dans un foyer à Villefranche. D’abord il y a

eu un suivi, puis le placement. C’est moi qui ai dit

au Juge que ça n’allait pas avec ma mère.

Il y avait beaucoup de bagarres avec mon jeune

frère. Je répondais aux provocations. Mon grand

frère subissait aussi. J’ai fait un jour de coma après

que le petit m’ait lancé un projectile en pleine tête. Ma

mère prenait souvent sa défense. J’avais beaucoup

de punitions : comme enfermé dans ma chambre.

J’ai aussi beaucoup de cicatrices des bagarres.

J’ai fait une tentative de suicide.

Au foyer, ça s’est bien passé. J’allais rarement

chez ma mère.

À 18 ans j’ai fait l’armée en Allemagne. J’ai fait trois

mois avant d’être réformé pour soutien de famille.

En rentrant ma mère m’a hébergé. J’avais un CDI

comme couvreur mais j’ai démissionné à cause du

vertige et de l’insécurité.

À 20 ans j’ai commencé à faire de l’Intérim. Pendant

deux ans j’ai fait de la peinture, du démolissage,

des déménagements et manœuvre.

À 22 ans j’ai fait une formation en peinture. Je n’ai

pas eu mon CAP et j’ai repris l’Intérim jusqu’à 27

ans. Ma mère voulait que je quitte son appartement

et que je prenne mon envol et mon petit frère m’a

proposé de vivre avec lui. Pendant un an, nous

avons vécu à Caluire avec mon frère et sa copine.

Ensuite mon frère et sa copine ont pris un appart

sur Caluire et moi j’en ai trouvé un à Jean Macé.

J’ai fait une dépression. Je ne payais plus mon loyer.

J’ai quitté mon logement en laissant tout dedans.

Mon petit frère a assumé toutes les démarches. Moi,

j’ai passé un mois à la gare et un mois au centre

d’urgence. J’ai fait une tentative de suicide. Je me

suis coupé les veines et depuis j’ai un problème

de tendons. Après ces deux mois je suis allé dans

un foyer.

Entre 29 et 30 ans j’ai fait quelques périodes à

l’hôpital. J’y restais un mois à chaque fois. En

général c’est moi qui demandais à mon médecin.

J’ai aussi fait une formation de viticulteur pendant

un mois. J’étais hébergé au Foyer des Jeunes

Travailleurs. J’ai fait une rechute de ma dépression.

Je suis allé à l’hôpital. J‘ai beaucoup consommé

de haschich et de l’alcool.

Mon médecin m’a prescrit de l’AOTAL et j’ai arrêté

l’alcool pendant un certain temps.

À 30 ans j’étais au foyer Feydel de Villefranche. Pen-

dant un an, j’y suis resté. On a mis en place l’AAH

et une mesure de curatelle. Avant ça, j’étais au RMI.

Christophe

Lorsque j’avais 18 ou 20 ans, nous avons décidé de

revoir notre père.

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À 31 ans départ pour un foyer à Fontaine Saint Mar-

tin, à côté de chez ma mère. Je la voyais de temps

en temps. Mon grand frère passait me voir, mais

avec les gens qui vivaient au foyer, il ne venait plus.

Et je voyais très rarement mon jeune frère. C’était

bruyant et j’avais du mal à dormir la nuit. Il n’y

avait pas beaucoup de travail. J’étais au CAT. Je

travaillais de la ferraille pour voiture. Je n’avais pas

beaucoup d’intérêt mais ça occupait. Après trois

mois d’essais il n’y a rien eu, pas d’embauche car

soit disant j’avais eu deux arrêts de travail à cause

de mon poignet.

Ça a duré 7 ans, avant que je n’arrive à la Pension

de famille. C’est ma curatrice qui me l’a proposé à

force que je lui demande de changer de logement.

En Avril 2011 j’ai passé un mois à la clinique pour

une rechute de ma dépression.

C’est plus calme la campagne en plus il y a des

professionnels si j’ai besoin et je suis plus proche

de mes frères et de ma mère. Mes frères passent,

ou je vais chez eux. Je vois mes neveux et je vais

chez ma mère.

Je suis bien. Je pense au travail, je ne vais pas

rester sans rien faire.

Il a ensuite été demandé à Christophe de nous

présenter un objet auquel il tient. Sans hésiter il

nous a parlé d’une toile que sa maman a peinte et

qui le suit depuis très longtemps.

Ma maman a beaucoup peint, elle a de nombreux

tableaux… elle ne manque pas de déco. Aujourd’hui

elle ne peint plus et fait plus du crochet et autres.

Mon tableau est à la craie grasse. Elle faisait aussi

de l’huile, mais là c’est à la craie.

Le seul moment où l’on s’est séparé c’est quand

j’ai quitté mon logement de Jean-Macé pour vivre

dans la rue. Là, ma famille l’a récupéré et me l’a

rendu un an après.

C’est elle qui l’a choisi et me l’a offert pour mes 18 ou 20 ans. Ça fait 20 ans qu’il me suit.

Ici je peux dormir la nuit, c’est tranquille, les voisins

ne me dérangent plus.

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Avant, j’ai été dehors pendant 4 ans. J’avais un

appartement, j’avais un travail. Des fois quand j’y

repense je me dis y’a personne qui m’a mis dehors.

Je suis parti. Je n’arrive même pas à comprendre

encore aujourd’hui. C’était pas prémédité.

C’est peut être les problèmes qui ont fait ça. Je suis

trop gentil. Je me suis fais avoir. J’étais dehors, je

ne donnais plus de nouvelles à personne. J’étais

agressif envers moi même, quand j’avais envie de

dire les choses je les gardais. Moi pour parler je

vais plus bégayer qu’autre chose, j’ai un caractère

qui me mêle pas à la conversation, même dans ma

famille j’étais comme ca.

Vous avez dormi où pendant les 4 années où vous n’aviez pas de logement ?

J’étais dehors. Je ne dormais pas beaucoup. Je

ne voulais pas déranger. Je suis façonné comme

ça. Je ne broyais pas que du noir. Je bougeais

beaucoup aussi. J’avais rien, j’avais cotisé de 95

à 2006 mais j’ai pas demandé d’Assedic. La nuit

y’avait personne dehors, on aurait dit un film comme

la fin du monde.

J’avais repéré une boulangerie à la gare pour manger,

je prenais juste ce qui fallait, et puis ça a été repéré

par d’autres personnes, et le boulanger a changé

de système, on pouvait plus passer.

C’est une personne que j’ai rencontré à la Tête

d’Or qui m’a parlé du 115, et puis le Samu est

venu me voir, et puis j’ai réfléchi, je me suis dit si

on m’a tendu la main, il faut essayer de la prendre.

Je savais pas que y’avait le Samu, ce qui me man-

quait c’était dormir et prendre quelque chose de

chaud, je bougeais beaucoup : la Tête d’Or, j’allais

voir les entrainements de l’OL... C’était la 1ère fois

que je me retrouvais dehors.

C’est l’équipe du Samu, qui m’a convaincu pour me

stabiliser, manger un truc chaud, après ils sont venus

me voir au foyer. J’ai dis oui c’est bien, c’est gentil.

Et puis, après, je suis venu au CAO. L’assistante

sociale m’a fait sortir des mots, c’était pas évident,

elle m’a mis en confiance. Y’a des mots qui veulent

sortir mais j’ai du mal. Si j’étais seul je n’aurai jamais

pu faire toutes ces démarches. J’avais comme une

épine qui me faisait mal. J’ai mis du temps quand

j’y repense de là où je suis parti et là où j’en suis

aujourd’hui. J’avais dit une parole « est ce que vous

pouvez m’enlever cette disquette, ma cervelle quoi,

et mon cœur, ca irait mieux ».

« Le temps que t’arrive y’aura plus d’eau », ou «

même ton assiette devant toi, on va la manger. »

C’est l’expression des anciens, j’étais trop gentil…

Le Père Chevrier j’y suis resté 3 mois après j’ai été

au foyer Adoma à Vaise, et là c’était encore ancrée,

je suis reparti.

Je suis allé au centre d’urgence à Perrache. Je

suis resté 10 mois c’était des bungalows pour 2

personnes, c’était impeccable, y’avait un planning

pour la vaisselle, le ménage… puis l’assistante

sociale m’a parlé de la Pension de famille. C’était

propre, tout équipé.

J’étais le seul avec mes parents, ma mère s’est dit

il faut que je marie mon fils. Je me suis marié en

83 en Algérie, puis ma mère est décédée en 88 et

mon père 6 mois plus tard. Pour moi mes parents

c’était sacré, y’avais du respect. J’avais une anec-

dote, ma mère était à l’hôpital. J’avais été la voir,

on avait rigolé, et puis j’ai pris le bus pour rentrer,

j’ai mis la clé et puis le téléphone a sonné, et on

m’a dit Farid, votre mère est morte. J’ai dit c’est

pas possible, je suis resté je sais pas combien de

temps à dire ce n’est pas possible,

Farid

Je suis parti, j’ai laissé travail et logement.

Comment expliquer ?

Physiquement c’est ce qu’il me fallait : m’allonger.

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Ma femme je ne la connaissais pas. Ma mère elle

m’a pas forcé mais je me suis dit dans ma tête je

suis le seul avec eux, tous le monde était content.

Je me souviens comme si c’était aujourd’hui, elle

me disait « je te marie et après je meurs ». Mon

ex-femme a divorcé en 92 derrière mon dos sans

que je le sache. Avec l’assistante sociale, on avait

demandé la copie du divorce car je l’avais pas.

Quand vous avez des personnes comme moi qui

ne sont pas défendues. J’avais disparu. Si on m’a

envoyé des convocations je le savais pas. C’est

normal on va dire Mme elle a raison. Tout ce qui

est justice je ne suis pas habitué. J’ai été surpris,

je lui ai rien fait de mal je l’ai pas frappée.

Je l’ai revue 2 fois au consulat, c’est ma fille qui

m’a vu, elle est venue me toucher l’épaule, c’était

en 2010. J’ai 3 fils et une fille, un de 28 ans, un de

26 ans, une fille de 25 ans et un fils de 17 ans. Ça

fait longtemps que je l’ai pas vu, pour moi Vaulx-

en-Velin c’est fini y’a trop de radars par la fenêtre.

Je pense à moi maintenant si c’est pas trop tard.

Les enfants ils sont innocents, j’ai envie d’y aller

mais je sais pas comment et j’ai trop de souvenir

à Vaulx-en-Velin. J’étais pas là, quel reproche ils

peuvent me faire ? J’ai pas donné de nouvelles je

le conçois mais je n’ai pas fait de mal.

Et où sont vos frères et sœurs aujourd’hui ?

Ma sœur est décédée, j’ai des neveux et nièces, j’ai

un grand frère en Algérie il a fait des bêtises il a été

expulsé. J’ai 3 frères et sœurs, on aurait du être 15,

y’a eu des fausses couches, y’avait pas le confort...

Avant on habitait vers la Doua, y’avait comme des

chalets avant, y’avait plusieurs familles puis y ont

mis le périph’. Et là, on est parti à Vaulx-en-Velin.

Mes parents sont venus en France en 56. J’avais

un an.

J’avais demandé la nationalité, j’avais envoyé le

dossier, ils me l’ont renvoyé en me disant qu’il

fallait que je classe le dossier, j’avais l’impression

de faire la charité, j’ai laissé tombé j’ai une carte

de résidence de 10 ans maintenant.

Vous avez travaillé ?

J’ai travaillé 11 ans et demi dans les pièces auto-

mobiles, puis dans les produits laitiers, j’ai travaillé

pour la mairie de Vaulx-en-Velin dans la surveillance.

Vous n’êtes pas retourné en Algérie ?

J’y suis pas retourné depuis 83 mon mariage, faut

que j’y retourne pour aller au cimetière.

De quoi avez-vous envie pour l’avenir ?

J’avais tout ce qui fallait, un travail, à manger, des

enfants... Et puis y’a eu un ravin, du vagabondage.

De mon coté montrer de quoi je suis capable. Déjà

j’ai un toit, un CV que j’ai mis un peu partout.

Je veux travailler proposer mes services, je veux

bien le RSA mais je suis pas comme ca, pour ma

santé on m’a dit que je peux pas travailler mais je

veux faire juste quelques heures pour rendre service.

Et pourquoi pas fonder un p’tit quelque chose mais

quand même y’a une petite crainte.

J’aimerais aussi que l’humain y soit moins hypocrite,

qu’on puisse lui faire confiance

Voir des gens qui voient mes enfants pour avoir

des nouvelles, pour la santé j’ai un suivi. Un travail

si je peux en avoir un, et puis je suis un lève-tôt.

Et puis là, je pourrais dire que j’ai fait du chemin

Je voudrais faire le 1er pas.

y’a eu en moi de la fragilité,

j’étais dans le noir.

29

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Depuis combien de temps vous venez au service, Jacques?

Oh ça fait pas mal de temps.

Avant j’ai œuvré pour les Camions du Cœur à

Villeurbanne.

J’ai toujours travaillé en restauration. Et puis je me

suis cassé les 2 calcanéums. J’avais un commerce

dans l’Ain et j’ai été obligé d’arrêter puis de vendre

mon commerce.

J’ai fait Point, Bocuse, Troisgros et Berain en 3

étoiles…

Vous avez fait une formation cuisine ?

Oui oui j’ai mon CAP de cuisine. J’ai travaillé avec

mon oncle, c’était les Fantasques à Lyon, spécialisé

dans la bouillabaisse et tout ça. Avant j’étais à la

Croix Rousse, après je suis descendu rue de la

Bourse. À 12 ans j’allais déjà travailler en restauration.

Parce que vos parents travaillaient en restauration ?

Disons que j’ai ma tante. Non mon père était fonc-

tionnaire de police et ma maman elle s’occupait

de nous. J’ai 2 frères et j’ai une petite sœur qui

est presque mort-née. Disons qu’à 3 mois elle est

décédée d’une malformation du cordon ombilical.

Vous avez grandi avec vos parents ?

Oui disons que moi j’étais plus souvent en res-

tauration et je rentrais une fois par semaine chez

moi. En restauration à cette époque on était nourri/

logé. J’avais ma grande tante, on la surnommait

la grenouille, et mon oncle c’était les Fantasque

à Lyon. Dès tout petit j’étais dans le milieu de la

restauration.

Il s’est passé une chose : j’avais de l’argent de coté

avec mon épouse. À l’époque je devais prendre le

restaurant Sofitel à Tahiti. Elle s’est barrée à l’époque

avec 45 millions.

Vous vous êtes marié à quel âge ?

À 20 ans. J’ai acheté après un restaurant dans l’Ain

à Dagnieux. Je devais acheter le restaurant à Tahiti,

et du coup ma femme avait pris mes économies,

et comme y’a pas de vol entre mari et femme, ce

n’est pas évident.

J’ai divorcé par la suite et puis je suis parti à Aigue

Morte et au Grau du Roi faire des saisons. L’hiver

des fois j’allais à Megève et l’été au Grau du Roi.

Vous avez des enfants ?

Oui, un seul. Un garçon qui doit avoir 32 ou 33 ans.

J’ai des contacts de temps en temps.

Et vous aviez un domicile à Lyon ?

Bah j’allais chez mes parents et puis j’avais un petit

appartement rue d’Alsace. À l’époque c’était pas cher.

C’est quoi les Camions du Cœur ?

On livrait de la nourriture. On était dans les locaux

des TCL, j’allais chercher la nourriture, je faisais

Carrefour à Villeurbanne, Carrefour la Part-Dieu et

puis ils nous donnaient comme c’était pour une

association.

Mais pourquoi vous êtes venu au CAO ?

Parce que après je m’étais esquinté et puis j’ai eu

le cancer de l’œil. Ma bonne femme elle est partie

avec le pognon. Je m’étais cassé le calcanéum.

J’ai pas pu bosser pendant un an et demi.

Quand je travaillais j’étais sur l’échelle et il y’a

quelqu‘un qui devait me tenir l’échelle et puis je

suis tombé sur les 2 talons.

Je me suis retrouvé à Hauteville et l’été j’allais au

Grau du Roi pour marcher dans le sable. C’est

comme des massages.

J’y suis resté deux ans. Et je travaillais un peu dans

la restauration. C’était pas évident.

Et votre logement rue d’Alsace ? Qu’est ce qui a fait que vous l’avez perdu par la suite ?

Parce que… picolé tout ca et puis y’a le propriétaire

qui l’a récupéré pour le rénover.

Alors, je suis allé au Père Chevrier.

Ça fait combien de temps ?

Ça fait une dizaine d’années.

Jacques

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Comment ça s’est passé les 1er temps ?

Non mais ça allait. Vous savez en restauration, les

trucs comme ça et puis en saison c’est un peu pareil.

Et vous êtes resté depuis 10 ans au Père Chevrier ?

Oui. J’étais parti à Francheville passé un temps puis

après j’ai fait un peu le con, j’ai un peu trop picolé

là bas, je me suis fait virer.

Vous avez déjà fait des cures ?

Pas trop. Une fois disons, que je n’ai pas fini.

Moi si je n’ai pas mon litre et demi de rosé ce n’est

pas évident.

Vous pensez à votre vie d’avant ?

C’est fait c’est fait, fallait faire attention, se prendre

en main comme il faut, au lieu de picoler.

Vous avez fait de la prison à une période ?

Oui pour alcoolémie et j’avais foutu le feu à une

poubelle. Ça a foutu le feu à une entrée d’immeuble.

J’ai fait 6-7 mois à St Paul.

C’était à peu près en même temps que mon œil

y’a 6 ans.

Et comment ça c’est passé la détention ?

Je donnais un coup de main en cuisine. En travaillant

en cuisine on avait l’occasion de boire mais plus

modérément. Quand je suis sorti je suis retourné

au Père Chevrier.

De quoi avez-vous envie pour vous pour la suite ?

Je calculais pour rentrer dans un foyer pour per-

sonnes âgées, un truc comme ca. Comme je suis

handicapé et que j’ai le cancer des yeux, je vois

pas beaucoup, j’ai que 3/10ème, faut que je fasse

faire des lunettes.

Et vous allez réussir à rester dans un foyer pour personnes âgées ?

Bah je vais m’occuper. Je ferai de la restauration,

de la pâtisserie.

Ça fait longtemps que vous n’avez pas cuisiné ?

Non j’ai cuisiné y’a 15 jours. Là, j’ai cuisiné chez un

collègue. J’ai fait une bouillabaisse et des moules

farcies.

Et vous faites quoi de vos journées en ce moment ?

Les ¾ du temps je me mets dans un coin et je

bouquine. On se met 3 ou 4 ensembles pour pas se

faire voler. Avant j’étais plus jeune pour me défendre,

avant j’ai joué au rugby et j’ai fait de la lutte.

Vous avez des choses à ajouter ?

Non, non, je vous remercie de votre sociabilité.

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On a l’habitude de changer

d’endroit pour dormir.

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Alors, par où je vais commencer ? À 15 ans et demi,

à peu près, mon père m’a jetée de la maison. Cela

valait mieux car on ne s’entendait pas du tout du

tout. Tous les jours, c’était des disputes violentes

violentes… de temps en temps il me cognait…

Du coup, je me suis réfugiée chez ma mère. Cela

faisait des années que je n’étais plus allée chez

elle ... Elle me disait qu’elle ne voulait pas… qu’elle

n’avait pas d’argent, alors qu’elle était pétée de

tunes. Il y avait ma sœur qui s’était déjà sauvée

de chez mon père et qui vivait avec ma mère. À

15 ans et demi, au final, j’ai quand même réussi à

atterrir chez ma mère qui, elle, m’a jetée de chez

elle un an plus tard, quand j’avais 16 ans et demi

à peu près.

Et après j’ai vécu dehors… dedans, dehors,

dedans… car je suis restée quelques mois chez

des amis. Après, je me suis mise avec Nathan, un

ex pendant un an qui m’a donc accueillie chez lui.

Et après, un autre ex aussi Steve… donc j’ai fait

dehors… dedans, dehors, dedans…

Tout ça dans le Nord ?

Oui.

Et tes parents étaient divorcés ?

Oui. Je devais avoir 8-9 ans quand ils ont divorcé.

La came, l’héro… Je l’ai découverte à peu près à

17 ans par des amis qui shootaient. Eux shootaient,

ils n’y en avaient pas beaucoup qui fumaient.

Bon avant ça, à partir de 14 ans, je fumais le pétard

à gogo… à 14-15 ans, je fumais à mort… tous les

jours… je ne fumais presque pas de cigarettes.

Je prenais des amphét… surtout du spice, pour

être toujours dans le speed tu vois… Après, j’ai

découvert les festivals, les teufs… les machins…

tout ce qu’on peut trouver…

L’héro, je ne suis pas vraiment tombée sur les bonnes

personnes… enfin bon... c’est de ma faute… à

16-17 ans t’as ta gueule dehors… un peu en crise

d’adolescence… forcément, tu ne rencontres pas les

meilleures personnes dans la rue. Enfin bon, c’est

quand même mes amis… même encore maintenant,

je ne les vois plus, je n’ai plus de contacts… mais

bon…il y en a qui sont morts aussi. Et pourtant je

m’étais dit jamais jamais jamais… je ne toucherai

pas à l’héro… tout mais jamais ça… mais je l’ai

vu passer sous mon nez… j’ai vu tout le monde

kiffer comme ça… j’ai fait chier… j’ai fait chier mes

potes pour qu’ils m’en filent… ils ne voulaient pas…

et après je les ai fait craquer… de toute façon…

comme quoi c’est bien moi qui ai voulu… on ne

m’a pas forcée… parce ce que je les ai fait chier

… ils ne voulaient pas m’en donner… Je l’ai fumée

2-3 fois… après je les voyais shooter… et dans le

Nord, on a des bons produits, c’est pas la merde

qu’on a ici… Je me suis encore battue… J’ai fait

chier mon monde pour qu’on me fasse un fixe…

bon là c’était terminé… c’était tellement tellement

le pied que c’est foutu… pendant des années…

jusqu’à 20 ans… pendant 3 ans et demi… à peu

près… car t’as pas toujours l’argent pour t’acheter

tes grammes… donc j’achetais souvent de la Métha

dans la rue ou du Sub parce que t’es trop malade...

à crever… t’as pas d’argent... machin… du Sub,

cela coûte rien du tout… la Métha, c’est pareil…

J’ai fait des sales trucs… pour avoir de l’argent,

j’avais quelques connaissances… quand j’avais

besoin d’argent, j’allais chez eux et hop on couchait

et il me filait de la tune…

Des jeunes des vieux ? Ils avaient au moins 10 ans

de plus que moi… personne n’avait à peu près mon

âge… si, juste mon pote Gaétan qui avait mon âge

sinon tout le reste avait 10 ans de plus que nous

quasiment.

Un jour je suis redescendue sur terre… je me suis

dit Marianna, t’es vraiment un déchet.

J’ai craqué, je suis allée voir le médecin et je suis

passée sous Sub pendant un an et demi… depuis

le début de l’année je voulais passer sous Métha

car je le shootais le Sub.

Car j’avais des mains de Popeye… déjà j’ai des

grandes mains… mais c’était monstrueux… les

Marianna

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mains… les doigts… les avant-bras... monstrueux…

regarde cela me fait des varices… mais là ça va

aujourd’hui mais il y a des jours... je suis gonflée…

ça dépend…

Pendant un an, j’ai shooté… si tu veux, je ne pre-

nais pas les Stérifiltres… j’ai pris les Stérifiltres en

arrivant à Lyon…

Là-bas, il n’y en avait pas ?

Si si, il y en avait... en plus j’étais à l’insuline… je

prenais les Stéribox à la pharmacie, c’était gratos, la

pharmacie où j’allais. Ils en donnaient 2 par jours…

C’était limité ?

Oui, surtout que j’étais avec mon ex.

Je suis passée aux seringues couleurs à Lyon. Parce

que j’avais plus de veines et les insulines, elles font

mal quand même. Enfin, c’est pas qu’elles font mal,

mais elles sont plus grosses. C’est quand même

plus sympa les petites.

Pendant un an, j’étais au coton, tu ramasses bien la

merde du Sub, l’amidon et compagnie par rapport

au Stérifiltre… en plus à chaque fois, par exemple,

je mettais 16 dans la cuillère et hop je pompais, je

la mettais de côté… quelques heures après… je

voulais me faire un 8… je prenais ma cuillère de 16

ou d’avant… toute la merde qui restait, je mettais

mon 8 dedans… et je repompais un coton… et

par moment on n’avait plus de coton… on n’avait

plus de matos… et bien je prenais du coton déma-

quillant… des mégots de cigarettes.. pour faire un

filtre… putain la seringue, elle était blanche…

Un jour, j’ai shooté… mais j’étais déchirée, le truc

était blanc, je me suis retrouvée avec là… la veine

dure… mais du béton… un truc de fou. J’ai eu mal

mais pendant 2 semaines… j’avais super mal… j’ai

fait n’importe quoi … c’est à cause de cela que je

n’ai plus de veines… parce que tu vois en un an et

demi normalement… tu vois il y en a cela fait 4-5

ans qui sont sous Sub… qui se l’injectent… ils sont

avec le Stérifiltre et ils ont encore plein de veines...

moi j’ai plus rien…

Bon j’ai eu beaucoup de problèmes... à cause

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du Sub, j’ai eu beaucoup de problèmes… avec

l’héro… non… je ne me suis jamais fait d’abcès et

compagnie… car j’ai toujours été propre aussi… j’ai

rarement échangé des seringues… enfin si quand

j’ai échangé des seringues, c’était avec mes ex…

on couchait ensemble sans capotes... tout ça tu

vois… mais c’était rare, rare… c’était vraiment quand

on n’avait plus de matos… et comme je te disais,

c’était des insulines, c’était dans un panier, on ne

savait pas si c’était à lui ou à moi, et on s’en foutait.

Et oui j’ai découvert les Stérifiltres en janvier mais

c’était trop tard, cela m’a quand même calmé les

veines quelques mois…

Tant que je trouvais des veines justement je voulais

passer sous Métha… mais tu vois passer 4 ans

de fixe, tous les jours, tous les jours… à plus rien

comme ça d’un coup … surtout j’appréhendais

la Métha en plus… car je savais qu’au début, ils

commençaient vraiment bas, 40 mg le 1er jour…

je savais que j’allais galérer... je savais que la 1ère

semaine cela allait être la cata…

Donc t’as été mise sous Sub dans le Nord ?

Oui et sous Métha en Mars je crois… à Lyon après

mille rendez-vous, oui fin Mars.

T’es venue quand sur Lyon ?

Le 25 Décembre… un dimanche. Cet hiver.

Et c’est quoi qui t’as fait venir ?

Bah j’étais avec Marek mon ex... on est parti en

Belgique, en Allemagne… on voulait comme ça

faire un peu le tour de l’Europe…

Marek, il est du Nord aussi ?

Il est de Pologne. Je l’ai rencontré à Valenciennes. Il

est passé à Valenciennes. Je l’ai rencontré là-bas…

C’est grâce à lui que j’ai pu quitter mon ex qui me

séquestrait... il me tapait dessus et tout… il ne

voulait pas que je parte. Grâce à Marek, grâce à

lui… enfin il n’a rien fait mais il était là quand je suis

partie… l’autre face à Marek… ben voilà… l’autre,

il n’a pas bougé du coup.

Donc on est venu à Lyon… il avait passé quelques

années ici. Il avait plein d’amis polonais, le squat

où je suis maintenant.

Donc on est revenu en France car c’était trop galère,

plus de Sub, machin. J’étais malade comme un

chien en Allemagne du coup je suis retombée…

j’ai retapé de l’héro et là-bas c’est de la bombe…

on a passé 2 semaines en décembre et je me suis

dit que cela faisait un an que j’étais sous Sub et

que j’avais arrêté... je tapais rarement, vraiment

de temps en temps pour me faire plaisir, j’achetais

de l’héroïne. Et là non j’étais entrain de retomber

dedans, je me suis dit bah non vas-y… c’est trop

la merde, j’ai pas envie.

Marianna

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On est retourné en France en une journée d’ailleurs.

Dans ma ville, je suis allée chez le docteur et on a

repris le Sub. Pendant une semaine, c’était galère,

c’était galère, bah voilà de retourner au Subutex,

tous les jours…

Et après il m’a parlé de Lyon donc je lui ai dit vas-

y, on y va…

Depuis lui je l’ai quitté fin Février début Mars à

peu près… et puis, je suis restée ici, je suis restée

au squat…. Avec tout le monde… avec tout les

polonais…

Ça n’a pas été difficile de quitter Marek.?

C’était un mytho... il me mentait… tu vois à la taxe…

on allait à la taxe… tu sais là où je te parlais… à

l’hôtel… là j’avais ma route là… lui il taxait là…

moi je faisais 15€… et lui il revenait avec 1€, 2€… et

il faisait l’énervé… en fait il mettait de l’argent de

côté… pour aller s’acheter du Sub dans mon dos…

et à moi tous les jours il venait me voir… ah là là...

en faisant tu sais je suis malade… ah Marianna…

donne moi du Sub… je lui donnais au minimum un

8mg tous les jours… sur mon traitement…

Donc après tu vois… je me retrouvais dans la

merde… surtout que moi je tapais 32... 40… au

bout d’une semaine… je n’avais plus rien… on était

obligé de l’acheter dans la rue… et j’allais voir le

docteur toujours toutes les 3 semaines… je me faisais

engueuler… parce que voilà… parce que j’avais

tout le temps une semaine de chevauchement…

à la fin cela ne marchait plus… le docteur disait...

hein vous revendez… machin… j’ lui disais… non

je ne revends pas… enfin bon voilà…

Et c’est quoi qui t’as décidé de te mettre à la Métha ?

et franchement surtout quand t’es une fille, d’avoir

les mains comme ça… gonflées… les avant-bras

gonflés… Tu sais les gens… tu sais quand t’es un

mec t’as les mains un peu gonflées… tu peux dire il

travaille… il est maçon… tu sais une fille… en hiver

ça va… t’as les mitaines tout ça… les gens ne voient

pas… mais en été, tu sais là je suis contente…

j’avais les bras comme ça… en t-shirt, tu sais c’est

la honte… j’avais des bleus partout, voilà… C’est

vraiment très laids… Je n’avais plus de veines… et

par moment juste pour du Sub… un jour... on allait

aux Halles… aux toilettes… à chaque fois avant la

taxe… on allait aux toilettes… et j’allais me faire un

fixe… un jour… je suis restée de 17h jusqu’à 19h…

enfermée à trouver une veine… et moi dans ma tête

cela faisait une demie heure maximum que j’étais

là. Marek est arrivé… il me dit l’heure… Il y avait du

sang partout… Mes bras c’était que du sang… du

sang, partout… partout… je me faisais des trous

partout, partout… je me faisais mal… putain…

j’étais têtue… je la voulais cette veine... alors j’étais

là… les pieds… les pieds plein de sang… Les bras

plein de sang, impossible de choper une veine…

et j’ai quand même fini par l’avoir. En plus, moins

tu la trouves, plus tu t’énerves… tu t’énerves… tu

t’énerves et plus tu t’énerves, moins tu trouves…

parce que voilà… tu fais n’importe quoi…et putain

pour du Sub… c’est un truc tu sens rien monter…

c’est vraiment un truc de fou… j’en avais marre…

je voulais vraiment passer sous Métha.

J’ai commencé à réduire l’alcool aussi, tu vois…

parce que l’alcool, s’il y a un truc pour te démotiver,

il y a rien de mieux… Quand t’es à 10 cannettes

comme ça par jour… t’es toujours fatiguée, t’es

jamais bien… j’ai commencé à réduire, j’ai la moti-

vation qui est revenue un petit peu… ça m’a motivé

pour la Métha tu vois…

Ici, je suis venue parce que je suis arrivée le 25

Décembre, je suis venue le 27 Décembre ici. Parce

que je suis arrivée un dimanche. Le lundi, je suis

allée chez le docteur pour avoir le Sub, pas de pro-

blème… l’attestation… tout… machin… il me fait

mon ordo… et putain j’ai fait 5 pharmacies… putain

les 5 pharmacies, elles m’ont refusée… Personne

voulait… parce que… j’ai pas la carte vitale, c’est

l’attestation de CMU, et elle est du Nord… et comme

35

Je n’avais plus de veines…

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c’est pas le même département, apparemment cela

prend mille ans pour qu’ils soient remboursés, c’est

le bordel, du coup les pharmacies, elles refusent…

elles disent… ah non… on fait pas… du coup, cela

ne marche pas ton attestation… ils ont pas le droit

en plus, c’est interdit… mais bon je ne vais pas

appeler les flics… donc là catastrophe… donc… le

lendemain matin, je m’en vais à la Sécu et la Sécu

m’a dit de venir ici car il y a le docteur… et donc je

suis venue l’après-midi du coup, et en plus, c’est

bien tombé car c’était un mardi, c’était la journée

« femme »… tranquille Marek, il est resté dehors…

et donc j’ai parlé avec le docteur… elle m’a dit

d’aller à la Grande Pharmacie Lyonnaise… Elle a

téléphoné… tout ça… elle m’a dit d’y passer… je

suis allée là-bas et pas de problème… et après je

suis revenue… et voilà…

Actuellement je suis à 90 de Métha par jour, j’ai pas

l’intention de commencer à réduire maintenant…

je réduirai quand je ferai quelque chose de mes

journées… l’alcool aussi j’ai réduit mais il y a quand

même des jours où j’abuse… il y a des jours, je bois

que 2 bières et il y a des jours j’en bois un peu de

trop quoi… aussi quand il y a de la Vodka machin…

une fois que je ferai quelque chose de mes journées,

que je rentrerai le soir fatiguée… voilà.. le soir… je

boirai une bière et hop… une douche... je mange et

au lit quoi… donc là, cela sera plus facile d’arrêter

complètement l’alcool…

Et ça, c’est quelque chose d’important pour toi actuellement d’arrêter complètement l’alcool ?

Bah oui, ça me pourrit la vie… tu vois cette nuit,

j’ai abusé… ce matin, je devais faire plein de trucs,

j’étais motivée, et tout, hier… et, je me suis réveillée

ce matin… la gueule de bois… enfin pas la gueule

de bois mais j’étais fatiguée… la bouche toute

sèche… c’est un super démotivant l’alcool… c’est

pour ça, cela fait 2-3 mois que je réduis et voilà j’ai

la motivation qui revient, et aussi je redors la nuit…

J’ai plus mon asthme…

Et cela t’inquiètes de ne pas pouvoir t’arrêter de boire si facilement ?

Oui car je sais très bien que je suis dépendante…

ce qui est bien, c’est que maintenant… bon là,

j’ai bu une bière avant de venir... mais le matin, je

ne tremble plus, tout ça… avant quand j’étais en

moyenne à 10 canettes par jour… je me réveillais le

matin… j’étais comme ça… même la nuit… je me

réveillais, je n’étais pas bien, il fallait que je boive…

je me réveillais la nuit pour picoler quoi…

Maintenant, le soir, je finis ma bière… et terminé…

j’achète de l’eau, de la limonade, du jus de fruit…

et voilà, je finis ma bière, je mange un peu et après

je passe à la limonade pour toute la nuit et le matin.

Avant c’était ça tout le temps, tu vois… tu vois

hier, j’ai attendu, attendu, attendu… j’ai bu ma

bière après mon rendez-vous avec l’éduc spé car

je m’étais fixée de la boire après le rendez-vous…

J’avais un peu la gueule de bois et en même temps,

cela fait du bien quand tu as la gueule de bois…

le meilleur remède, il faut l’avouer, c’est de reboire

un coup après…

C’est comme ça que je me suis mise dans l’alcool…

avant, je picolais surtout du whisky… et je des-

saoulais à la bière… mais par contre à la fin, je

commençais à avoir l’alcool mauvais et tout ça…

je n’ai plus touché à une goutte… pendant 3 mois

, j’ai arrêté l’alcool…

Quand tu dis que tu as l’alcool mauvais, cela correspond à quoi ?

Je pleurais, j’étais dépressive… je me battais…

enfin, ce n’est pas que je me battais… je m’énervais

pour un rien… je m’engueulais avec tout le monde

pour un rien… enfin tu vois.

il y a une soirée qui s’est mal passée. Je me suis dit,

stop. Je n’ai plus bu une goutte d’alcool pendant

3 mois et après j’ai rebu une bière… la semaine

d’après, j’en ai bu 2 dans la semaine… et après

c’était reparti… c’était reparti comme en l’an qua-

rante… et encore pire… en plus à chaque fois…

Par contre pendant les 3 mois que j’ai arrêté l’alcool…

j’étais pleine de motivation…

Marianna

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je me réveillais le matin… à 7h… à 7h du matin,

j’étais debout mais naturellement… je n’étais plus

fatiguée et tout… je faisais plein de truc de mes

journées…

Avec ma pote Olga, on avait trouvé une écurie…

c’était des vieux, des retraités qui avaient une

immense baraque, un immense jardin. Ils avaient

des pâtures et tout... ils avaient une écurie de 8

chevaux à peu près… on y allait… on leur filait

un coup de main toute la journée… et on pouvait

monter les chevaux gratuitement… ça c’était cool

tu vois… je ne buvais plus d’alcool… c’était trop

bien… bon après… je suis retombée…

Bon ça t’a bien tenu, tout ce qui est autour du cheval, car tu en parles souvent ?

Bah oui, tu sais, c’est quand j’ai dû arrêter l’équi-

tation, parce que cela coûte super cher. Je n’avais

pas d’argent. C’’est quand mon père m’a jetée

dehors… à 15 ans et demi… 16 ans… j’ai dû arrêter

et ça m’a… c’est ce qui me tenait à peu près sur

la ligne droite… après, cela a été la descente…

tout le temps…

Et tu penses que par ce biais-là, tu pourrais arriver à reprendre la ligne droite comme tu dis ?

Avec l’équitation, mon rêve, mais il faut de l’argent,

je voudrais faire le BPJEPS pour être monitrice

d’équitation, c’est sur un an et puis cela dépend

des écuries… mon rêve, c’est de le faire à Conches

en Normandie, c’est le meilleur centre équestre de

France… donc je calculais avec l’internat… la demi

pension… tout ça… et la formation, c’est 15 000€

pour l’année… cela peut être un peu moins cher

mais 7 000€… 8 000€ pas moins…

Enfin faudrait aussi que je me remette à l’équitation

car cela fait mille ans que je n’ai pas monté sur un

cheval… remuscler mes muscles… mon dos…

Quand j’ai arrêté l’équitation pendant 3 mois après,

même plus, j’avais des douleurs dans le dos, j’avais

mal… je me démusclais ou je ne sais pas quoi, mais

qu’est-ce que j’avais mal au dos… c’est pour ça

je me dis... c’est jusqu’à 25 ans inclus que tu peux

le passer… tu vois là je vais avoir 22 ans… si j’ai

le DAEU niveau 9…

Cela dure combien de temps le DAEU ?

Maximum 1 an et demi comme cela peut être

juste un semestre. C’est niveau 8... 9… 10… moi

j’étais en niveau 9 l’année dernière donc j’en ai eu

pour un an donc 2 semestres. Si je le fais en ligne

droite nickel regarde, en juin de l’année prochaine

je l’aurais… j’aurais 22 ans…

Avec ça… je pense que j’aurais plus de facilités

à trouver un travail qu’avec zéro diplôme… après

je peux bosser quelques mois dans je ne sais pas

quoi… et mettre de l’argent de côté tout ça…

pour pouvoir financer le BPJEPS ou alors je peux

laisser tomber et faire l’école d’infirmière… cela me

brancherait bien aussi… parce que bon infirmière…

c’est un métier… C’est stable… t’as un salaire plus

que correct… et à côté de cela… je peux avoir ma

vie… faire de l’équitation à côté…

Car je n’ai pas envie de passer ma vie à chercher

du travail… femme de ménage ou à l’usine… enfin

que des métiers de merde avec des salaires de

misère… pas gratifiant… J’ai pas envie de passer

Marianna

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ma vie à ça… ou alors t’as des gens qui passent

leur journée à ne rien foutre et vivent du RSA... J’ai

pas envie de faire ça non plus…

Tu vois… avoir une vie « normale »… j’en ai marre

de galérer… j’voudrais un jour arrêter de galérer…

que tous les mois, avoir mon salaire… pas avoir

peur de perdre mon boulot… ou alors j’en ai pour

6 mois… qu’est ce que je vais faire après… cela

serait cool… infirmière, à côté, je peux même

m’acheter un cheval…

C’est ça que je voulais faire aussi... Je voulais être

monitrice d’équitation… et je voulais à côté, mettre

un peu d’argent de côté et récupérer des chevaux

qui partent au couteau… qui vont à l’abattoir…

en fait, t’as plein de super chevaux, des chevaux

de courses, des galopeurs, pas des trotteurs…

les trotteurs, c’est la catastrophe… mais voilà, je

récupère un galopeur à 1000 €… les chevaux, ils

ont 3 ans… ils vont à l’abattoir car ils ne courent

pas assez vite. Le cheval, je le bosse 3-4 mois …

c’est ma passion de bosser les chevaux… j’aime

pas les chevaux qui savent tout faire… j’aime bien

les chiants… les faire marcher droit… après cela

tu montes sur le cheval… il obéit aux doigts et à

l’œil… tu mets 1m50… il saute tout seul… moi j’ai

besoin des chevaux… je te jure…

Quand je faisais ma crise d’adolescence… vers 13-

14 ans… je voulais me suicider… tiens regarde…

ça c’était à 13 ans… je me scarifiais… les bras…

sur les jambes… je voulais mourir… mais grave…

C’est mon père qui venait me chercher à l’écurie…

c’est toujours moi qui fermait… c’était un immense

centre équestre… et la prof, elle avait grave confiance

en moi. Mon père venait me chercher à 10-11h du

soir, il m’oubliait… je restais comme ça… des heures

assises dans le box de mon cheval préféré… à le

regarder manger…

Cela me faisait un bien fou… c’est ça qui me tenait

debout… sinon je crois que je me serais foutue en

l’air… je me serais foutue en l’air à cet âge-là… car

je vivais toujours chez mon père… il m’empêchait

d’aller chez ma mère… c’était une horreur… il me

tapait dessus… il me hurlait dessus tout le temps…

des bagarres et tout… une horreur…

Tu as des frères et sœurs ?

Oui, j’ai une grande sœur, un grand frère… après il

y a moi et mon petit frère… ma grande sœur aussi,

elle s’est tirée de chez mon père…

Et avec les garçons, comment cela se passe avec ton père ?

Un jour cela m’avait bien énervé… cela m’a mar-

qué aussi… il y a plein de trucs qui m’ont marqué

mais ça… pour dire qu’avec les garçons, cela se

passait très bien.

Mon père, il avait un immense salon, une immense

baraque, 50 m² le salon … mon petit frère, il sautait

sur les fauteuils et compagnie Il y avait tous ses

jouets partout, les petits bonhommes, tu sais les

p’tits bonhommes militaires, ils y en avaient partout

et compagnie… sur la cheminée… et ses voitures…

partout… sur la table du salon, mon frère, il avait tous

ses cahiers ouverts sur la table, partout… moi sur

le buffet, il y avait mon agenda et une boîte comme

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Magnifique… un truc de fou… une horreur…

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ça en carton… et cela faisait un gros pétard comme

ça en fait… avec la mèche… pas le pétard qu’on

fume… un gros comme ça… et dedans c’était

que des clous, des vis… le truc bien lourd… il y

avait ça et mon agenda. J’étais dans ma chambre.

Mon père, il hurlait comme ça… et là je savais que

j’allais me faire démolir… Marianna... ramène ta

face ici … oh putain, qu’est-ce que j’ai fait… là je

vais me faire démolir… là je descendais… j’arrivais

dans le salon… prête à me barrer en courant… et

à m’enfermer dans les chiottes… et il me dit, c’est

quoi ce bordel… putain j’ai pété les plombs car

c’était le bordel de mes frères… il y avait juste mon

agenda et ma boîte… j’ai pété les plombs… mais je

lui ai dit… t’es complètement malade… je me suis

énervée… là du coup il a pété les plombs… là je l’ai

vu… il a commencé à serrer les poings… il a pris

la boîte… il a commencé à arriver vers moi… je me

barre en courant… je monte les escaliers, comme

une tarée, j’arrive en haut, je me retourne… je te

jure, cela s’est passé au ralenti… j’arrive en haut…

je me retourne… je le vois qui lance la boîte avec

les clous dedans…

putain, j’ai plongé comme un footballeur… tu sais…

j’ai plongé vers ma chambre… le truc, il a explosé

dans le mur… cela faisait un trou dans le mur…

toutes les vis explosées partout… et à hauteur de

tête... à hauteur de ma tête… si j’étais restée figée…

je me le prenais en pleine gueule… quoi… je crois

que j’aurais bien eu mal … je me suis enfermée

dans ma chambre… pendant toute la soirée… toute

la nuit… jusqu’au lendemain… il tapait à la porte

comme un fou… putain j’étais là assise sur mon lit,

putain faites que la porte, elle tienne…

Enfin, tu vois, c’était incroyable quoi… mes frères,

cela se passait très bien whouais… ah et ça c’est

rien…. C’était vraiment la misère… j’en avais vrai-

ment marre… je te dis avec les chevaux… ça m’a

vraiment permis de tenir…

Marianna

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Tu avais des chiens à ce moment-là ?

Oui j’ai toujours eu des chiens.

Et quand t’es partie de là-bas, tu les as emmenés ?

Non, ils sont restés chez mon père. J’ai un chien

d’ailleurs qui est chez lui car là je ne pouvais pas

le prendre avec moi... je sais plus… je sais plus où

j’étais partie… je crois que c’est quand je suis partie

chez ma mère… ??? Oui c’est ça… je l’ai laissé

il y a quelques années, je voulais récupérer mon

chien et il me dit écoute Marianna, tu sais, on s’est

attachés… c’est un petit chien… un petit bâtard…

tu sais, il est excellent… on s’est attachés… et bon,

je me suis dit… le chien… il est dans un immense

jardin… avec les autres chiens… tu vois, si je le

prends, il va être tout seul dans un appart ou quoi…

non, je te laisse, t’inquiètes, le chien, il sera plus

heureux… il en prenait soin… ah oui… il est obèse

le chien... il le gave… il lui donne tous les restes…

Surtout qu’avec mon père, cela a commencé à

très mal se passer, c’est quand ma belle-mère a

débarqué… Carole …

Elle était jeune ?

Elle avait à peu près l’âge de mon père… là elle doit

être un peu plus jeune… elle doit avoir 44 ans…

une manipulatrice… une hypocrite et tout… elle est

folle… elle est dangereuse cette femme, je te jure…

et elle m’a monté contre mon père… terrible... elle

venait à nos anniversaires, ça allait… et ma sœur

pareil… elle l’a monté aussi contre mon père… et

voilà, elle a coupé les ponts à cause d’elle… elle

l’a rendu fou…

Donc là je veux le DAEU… je veux un logement…

je veux rentrer chez moi le soir toute seule… solo…

personne… j’aime bien être seule moi… je ne suis

pas toute seule, je suis avec mes chiens… je leur

parle tout ça… ils doivent dire les autres… elle est

folle celle-là car je leur raconte ma vie… je leur

pose des questions… ils ne te contrarient pas les

chiens… ils sont toujours d’accord…

Enfin j’aimerais bien avoir le logement avant de

commencer le DAEU… sinon je vais avoir trop de

mal… surtout c’est en accéléré les cours… c’est 2

heures les cours… c’est vite… vite vite… pendant

2 heures, ils te bourrent le crâne d’information et

plein de trucs à retenir… physique… bio surtout

en physique t’as beaucoup de formules… tu rates

2 heures de cours, ça y est après t’es larguée…

après c’est du russe le cours… c’est pour ça…

je vais faire tout ce que je peux pour avoir un truc

avant de commencer le DAEU sinon je ne vais pas

y arriver… voilà en tout cas j’ai un objectif…

Bon après je peux dire… j’ai pas le permis… c’est

pareil, faut que j’arrête l’alcool mais bon ça on verra

en septembre… bon si, là je pourrais essayer de

réduire et d’arrêter net l’alcool… mais avec tout le

monde autour de moi qui boit tout ça… on m’offre

des bières, je ne vais pas tenir, je vais craquer…

Là je crois, je ne supporterais pas un échec… là

j’ai peur… car si je n’arrive pas à faire tout ce que

j’ai dit… à faire le DAEU en Septembre et avoir un

logement… même si c’est en Octobre le logement…

si je n’y arrive pas… si c’est un échec… je vais mal

le vivre… je ne sais pas comment je vais réagir…

mais je sais que je vais mal le vivre… j’ai peur

de ça… c’est pour ça… je vais mettre toutes les

chances de mon côté pour y arriver… car l’échec,

je ne vais pas le supporter.

C’est pour ça que je dois me faire épauler par des

professionnels. Des fois il y a des rendez-vous qui

ne me servent à rien mais de parler déjà, cela fait

du bien… cela fait du bien de clarifier tout le délire…

Là j’attends avec impatience le rendez-vous avec

la Mission Locale parce qu’il y a qu’eux, c’est eux

qui peuvent me sauver en fait, si je peux avoir l’aide

de à peu près 180€ par mois, ça plus l’APL, je peux

avoir un logement…

Je devrai continuer à taxer mais je m’en fout…

De la bouffe… il y a la Croix Rouge, après il y a

Monoprix, 3 fois par semaine, tu y vas à 6h du

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matin… ils jettent tout ce qui est périmé, d’aujourd’hui

ou d’hier … avant quand je suis arrivée à Lyon, on

squattait dans un parking avec mon ex on faisait

ça une fois par semaine, on bouffait comme des

rois… que des trucs de marque… il y a ça… la

Croix Rouge… dans les coursives de la Part Dieu,

il y a toujours plein de sandwichs et tout ça dans

les poubelles…

J’ai pas besoin de taxer pour les croquettes car il y

a les Croquettes du Cœur pour les chiens… Voilà

je vais taxer pour me faire plaisir, m’acheter un

seau et une serpillière pour pouvoir faire le ménage,

pour pouvoir m’acheter une casserole, une plaque

électrique… tu vois je ne vais pas m’amuser à me

faire une chauffe avec de l’alcool à brûler pour me

faire à bouffer tout le temps… enfin voilà la taxe,

cela va me servir à cela.

Voilà j’espère que ça va marcher… voilà je t’ai dit…

j’ai peur de ça... j’ai peur de l’échec… toutes les

années passées… tous les ans, j’ai un tilt… je me

bouge le cul pour essayer de faire quelque chose…

et à chaque fois, je retombe, je rechute…

je retombe encore plus bas limite… donc voilà là

j’aimerais bien y arriver. Parce que là, il n’y aurait pas

de raisons… parce que là j’aurais mon logement,

je serais toute seule…

Je ne dépends pas d’un mec ni rien… tu vois le

DAEU, j’aurais dû continuer… mais j’étais chez mon

ex… je me défonçais trop… lui, il me défonçait la

gueule… on s’engueulait toute la nuit… il me tapait

dessus… j’avais des cocards… des cocards comme

ça… je n’allais pas en cours tu vois… je trouvais

toujours des excuses… je me suis pris une porte…

je me suis cognée dans ci dans ça… tu vois… et

puis voilà t’as pas la tête à apprendre… et puis

voilà quand j’ai pu me sauver de chez lui… je me

suis trouvée le nez à la rue… et j’avais besoin de

partir… je me suis sauvée en Belgique, Allemagne,

tout ça… je ne pouvais plus rester à Valenciennes…

j’avais trop peur de le croiser et compagnie… bah

voilà si j’ai le logement… cela sera à mon nom…

toute seule… il n’y aurait pas de raisons que je n’y

arrive pas… bah j’espère…

C’est le mot de la fin ?

Oui.

Marianna

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L’association le MAS, créée en 1961, intervient dans le Rhône

et propose un accompagnement à toute personne en situation

d’exclusion et de vulnérabilité, ayant besoin d’insertion et de

repères pour l’aider à se remettre en lien. L’association accueille

et soutient également toute personne victime d’infraction dans

ses démarches de reconnaissance.

Le MAS vient en aide à plus de 5000 personnes chaque année.

L’association propose des structures diversifiées : accueil de

jour, hébergement, logement temporaire, accès aux droits et

réinsertion par le travail pour répondre aux multiples besoins

d’une population précarisée.

Considérer la personne dans sa globalité, lutter contre les exclu-

sions, maintenir ou restaurer des liens sociaux, accompagner

l’usager dans le cadre d’un parcours d’insertion cohérent,

favoriser l’accès au droit et à une réparation sont des missions

que remplit le MAS au quotidien.

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Le Mas en quelques mots.

Le MAS accueille des personnes en souf-france psychique, leur propose un hé-bergement dans des structures collectives, et accompagne ces personnes pour pour-suivre leurs démarches de soins, trouver des activités à la mesure de leurs capacités et parvenir à un mieux-être personnel.

• CHRS Feydel Villefranche• CHRS Francis Feydel Lyon• Pension de famille Les Bruyères• Pension de famille Le Cèdre

Le MAS accueille les personnes usagères de drogues, avec l’objectif de réduire les risques sanitaires et les rup-tures induites par les addictions : ruptures de soins, ruptures sociales, errance géo-graphique.

• Pause Diabolo

Le MAS accueille toute personne victime d’in-fraction pénale pour l’informer sur ses droits et lui apporter une aide et un accompagnement dans les démarches juridiques, judiciaires, sociales et médicales.Le MAS dispense aussi un accès au droit auprès de personnes ayant un problème juridique dans leur vie quotidienne.

• Info-Droits-Victimes

Le MAS propose un hébergement et un ac-compagnement à des personnes en grande précarité et en situa-tion de délinquance pour qu’elles puissent construire leur vie sur des bases nouvelles et trouver une insertion sociale.

• Foyer Maurice Liotard• CAO • Ateliers Sésame

Le MAS accueille des familles en difficulté dans leur parcours personnel et social. Chacune d’elles est accompagnée, dans le temps d’un héber-gement temporaire, de manière contractuelle pour accéder à un loge-ment durable et à une autonomie sociale.

• L’Eclaircie• Résidence

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Centre Francis Feydel9, rue Wakatsuki - 69008 [email protected] - 04 78 09 17 18

Centre Feydel Villefranche140, route de Tarare69400 Villefranche-sur-Saô[email protected] - 04 74 65 28 39

Pension de famille Les Bruyères119, impasse des Bruyères - 69400 Gleizé[email protected] - 04 74 60 67 85

Pension de famille Le Cèdre22, rue de l’égalité - 69800 Saint [email protected] - 04 78 40 50 65

Centre d’Accueil et d’Orientation24, rue Colombier - 69007 [email protected] - 04 78 58 38 86

Foyer Maurice Liotard6, montée du Chemin Neuf - 69005 [email protected] - 04 78 25 76 66

Ateliers Sésame25 rue Rochambeau - 69008 [email protected] - 04 78 29 40 49

Pause Diabolo64, rue Villeroy - 69003 [email protected] - 04 78 62 03 74

Résidence9, quai Jean Moulin - 69001 [email protected] - 04 72 10 09 75

L’Eclaircie26, rue Garibaldi - 69800 Saint [email protected] - 04 72 48 72 86

Info-Droits-Victimes 225 rue Duguesclin - 69003 Lyon04 78 60 00 1330 rue Anatole France - 69190 Saint Fons 04 72 09 20 4740 rue George Sand - 69800 Saint Priest04 72 28 40 [email protected]

Association Le MAS24 rue du Colombier - 69007 LYON - (T) : 04 78 61 78 55 - (Fax) : 04 78 61 75 04

[email protected]

11 structures d’accueil