les cahiers du foncier no.1

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Formulation de propositions pour la définition d’une politique agraire nationale en Haiti

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  • 1

    LES CAHIERS DU FONCIER DU CIAT

    NO 1 Novembre 2014 Secrtariat Technique du Comit Interministriel dAmnagement du Territoire

    DEFINIR UNE POLITIQUE AGRO-FONCIERE POUR HAITI: ELEMENTS D'ORIENTATION SYNTHESE

  • Les cahiers du foncier du CIAT Dpt Lgal : Bibliothque Nationale dHati

    DL : 14-10-482 ISSN 2409-3181

    Comit Interministriel dAmnagement du Territoire (CIAT) 2014

  • TABLE DES MATIERES

    Avertissement 2 1. Prambule .. 3 2. Les grands constats .... 5 3. La scurit foncire : les institutions . 6 Le notariat .... 7 La conservation foncire ... 9 Le cadastre 10 Les arpenteurs ... 11 Articulations, recoupements et conflits .. 13 Les formations . 15 Les textes .... 16 4. Les conflits fonciers 17 Les leons du conflit Atti-Bricourt . 19 Simplifier .. 21 Changer les procdures .... 21 Excuter les dcisions de justice .... 22 5. LEtat et son domaine ... 23 Un tat desprit 23 Domaine de lEtat ou domaine communal .. 24 Orientation ... 29 6. Terre et conomie 26 Le cadre macro-conomique ... 26 Proprit et exploitation agricole : les leons du terrain . 28 Un pays microfundiaire ... 31 Les agriculteurs 35 7. Que faire ? . 39 Scnario 1 : la rforme agraire 39 Scnario 2 : la rforme foncire .... 42 Scnario 3 : la rforme agro-foncire ... 42 8. Synthse de la synthse ...... 45

  • Avertissement Ce document est la synthse dun rapport de plus de 200 pages produit par lOrganisation des Nations unies pour lAlimentation et lAgriculture (FAO/ TCP/HAI/4553), la mission franaise de Coopration (SCAC) et la Banque Interamricaine de Dveloppement (BID/ ATN/SF-5259-HA) pour le gouvernement hatien. Ce rapport a t remis officiellement en mai 1997 et na jamais fait lobjet de publication. De janvier 1996 mai 1997, une quipe pluridisciplinaire, nationale et internationale, dirige par Michle ORIOL, a conduit des travaux qui ont abouti la formulation de propositions pour la dfinition dune politique agraire nationale. Ont particip la conception et la rdaction :

    Michle ORIOL, sociologue, coordonnateur Yanick DAMOUR, conomiste Pierre Andr GUERRIER, agronome Guy-Michel VINCENT, politologue Corinne WIESER, graphiste Ont particip la collecte et au dpouillement des donnes:

    Richard LAHENS, Ramus SAINVIL, juristes Gladys BERROUET, amnagiste Benot de CORBIER, gomtre Fritzner Pierre, agronome, informaticien Hans CHARLES, Jean Sius FLERIUS, Marie Ardys MARCELLUS, Gary PAUL, Rosemond PIERRE, tudiants en agronomie

    Placide DAVID, Alexandra ROUMAIN DORMEVIL, Marie-Lourde VIAU, Alix Sandra THOMAS, tudiants en droit

    Ernst LUCCEUS, Abel CLERVIL, tudiants en sciences conomiques et humaines Les experts internationaux suivants ont appuy lquipe nationale de travail :

    Andr-Marcel dANS, anthropologue Pierre BECQU et Xavier BLEICHER, notaires Ngib BOUDERBALA, Pierre-Henri DEGREGORI et Ali MEKOUAR, juristes Pierre DELEBECQUE, spcialiste cadastre Pierre FAURE, spcialiste foncier Jean-Nol Mnard, CNASEA Dominique PARADOL, gomtre Jacques GASTALDI, coordonnateur de lANDAFAR Daniel GILTARD, juge administratif

    Laction du Secrtariat Technique du CIAT en matire de scurisation foncire sappuie sur les acquis

    et les orientations donnes par ce rapport.

  • 1. Prambule La tenure foncire apparat aujourd'hui tous comme un problme majeur, de nature

    empcher des investissements long terme tant dans l'agriculture que dans les autres secteurs de l'conomie hatienne. Un hiatus semble exister entre les besoins d'une conomie paysanne en pleine dcapitalisation, les contraintes d'une cologie dgrade, les exigences dune conomie nationale en qute de relance, et les formes actuelles de la tenure foncire. Compte tenu des dispositions de l'article 248 de la Constitution hatienne de 1987 qui cre l'Institut National de la Rforme Agraire (INARA) et de la volont exprime plusieurs reprises du gouvernement hatien de se lancer dans une rforme profonde des structures de la tenure foncire (proprit et modes d'exploitation), le gouvernement a requis en 1995 l'assistance de la FAO qui s'est concrtise par un programme de coopration technique financ hauteur de US $ 376 000. La recherche applique couvrait quatre domaines: - la lgislation autour du foncier; - les institutions de gestion de la proprit; - l'conomie dans ses rapports avec la rforme agraire; - la cration et la collecte de donnes sur des observatoires fonciers. Deux partenaires ont rejoint la FAO : - la Mission franaise de Coopration et d'Action Culturelle hauteur dUS $ 150 000, dont un tiers consacr l'quipement de l'INARA et deux tiers une Convention pour la prestation de services d'experts franais via l'Association Nationale pour le Dveloppement de l'Amnagement Foncier Agricole et Rural (ANDAFAR); - la Banque Interamricaine de Dveloppement travers un prt non remboursable de coopration technique de $ 600 000. L'objectif principal du projet tait d'aider le gouvernement identifier une stratgie et un cadre institutionnel appropris pour la mise en uvre d'une rforme agro-foncire dont les grandes lignes auraient t dgages partir de consultations troites et approfondies avec les exploitants agricoles et avec tous les autres groupes sociaux et professionnels concerns. La dcision de dmarrer une rforme agraire dans la valle de lArtibonite, cadre par larrt doctobre 1996 est intervenu avant la finalisation des travaux, mettant fin au processus de dfinition de cette politique publique entam.

  • 2. Les grands constats En matire de proprit, deux faits majeurs doivent tre pris en compte en Hati: la proprit

    prive y existe depuis l'poque coloniale ; les tudes des quarante dernires annes dmontrent bien qu'il n'a jamais exist les formes collectives de proprit que l'on retrouve en Afrique ni mme les formes communales qui ont exist ici ou l en Europe. L'esclave africain devenu affranchi (pendant la priode coloniale) ou libr (pendant la rvolution et aprs l'indpendance) s'est d'emble inscrit dans cette logique de la proprit prive avec ses caractristiques romaines (usus, fructus et abusus). L'aspiration la proprit a t un moteur puissant pendant tout le XIXe sicle hatien qui a vu la constitution lgale de la petite proprit paysanne conquise sur les terres donnes ou vendues par l'Etat, morceles et vendues par les grands propritaires urbains leurs fermiers et leurs mtayers. La proprit prive est profondment ancre dans l'histoire et les mentalits. La plupart des travaux de terrain des quarante dernires annes contredisent lexistence dun grand domaine de l'Etat indment appropri par les privs et qu'il suffirait de reprendre pour le rendre disponible pour une large redistribution. De mme, l'existence d'une masse critique de grandes proprits sous-exploites d'urbains la campagne qu'il suffirait d'exproprier pour faire place une colonisation paysanne plus productive ne se vrifie pas sur le terrain. Il existe en Hati un corpus juridique important dont l'paisseur historique ne fait aucun doute. Ce corpus est fait d'un mlange pas toujours trs explicite de droit colonial, de Code Napolon et de textes plus rcents dinspiration diverse. Diffrentes institutions et diffrents corps de mtier se sont durablement maintenus de la priode coloniale la priode nationale: notaires, arpenteurs, conservateurs fonciers, avocats, etc. Malgr les faiblesses de ces institutions et de ces corps de mtiers, ils sont des interlocuteurs incontournables pour tout changement dans le systme foncier.

    Il existe un interventionnisme d'Etat en matire de proprit qui a laiss de mauvais souvenirs aussi bien dans l'Artibonite que dans d'autres rgions du pays. Les gestionnaires de l'Etat doivent comprendre et accepter que leur autorit en matire de garantie foncire est tributaire de celle de leurs partenaires, dlgataires ou non de puissance publique, notaires, arpenteurs et juges. La scurisation du foncier ne viendra certes de l'action de l'Etat mais il faut galement que les professions librales impliques dans la gestion du foncier, prennent des initiatives qui permettent de changer l'image de marque de ces professions et de rcrer la confiance: hausser le niveau de qualification, assurer la discipline de la profession.

  • 3. La scurit foncire : les institutions

    Qu'est-ce que la scurit foncire? Quand on parle de scurit foncire, cela suppose quaucun risque de dpossession ou d'expropriation rsultant soit de la difficult d'tablir de faon certaine ses droits de proprit ou d'exploitation, soit des dispositions mmes du droit de proprit. L'inscurit foncire ne se traduit pas ncessairement (et c'est le cas le plus frquent) par une violence physique faite au possesseur ou au propritaire. Elle se traduit le plus souvent par des procs onreux, des procdures coteuses de stabilisation d'un droit de proprit ou de possession, par la peur d'investir quand le dtenteur du droit n'a aucune garantie de l'exercer sur la longue dure. Dans les pays o elle existe, la scurit foncire est garantie par le bon fonctionnement des institutions prposes la gestion du foncier et des articulations cohrentes et efficaces entre ces institutions. Trois lments sont essentiels cette garantie foncire: - l'identification des personnes; - l'identification des biens; - la dfinition des droits. Les diffrentes institutions hatiennes prposes la gestion du foncier prsentent des signes de dysfonctionnement grave. Cinq sources majeures d'inscurit foncire ont t identifies:

    les faiblesses structurelles des institutions prposes assurer la scurit foncire: les notaires, les arpenteurs, le cadastre et la Conservation foncire, sans oublier d'autres institutions qui y sont troitement lies telles que l'tat civil;

    la mauvaise conception des articulations entre les diffrentes institutions prposes fournir la scurit foncire (passerelles administratives inexistantes, mal matrises ou impossibles);

    toutes ces institutions (sauf la Conservation foncire) sont productrices de titres de proprit; auxquels il faut ajouter les actes sous seing priv et les actes judiciaires; il y a six sources d'mission de titres de proprit opposables les uns aux autres;

    un engorgement du judiciaire qui doit trancher de nombreux conflits fonciers, tant en matire de possession (entre 62 et 67% des cas ports devant le tribunal de paix de Thomazeau) que de proprit (entre 50 et 82 % des cas ports devant le tribunal civil de Port-au-Prince) mais qui sont lun et lautre fort peu outills pour y faire face;

    les interventions volontaristes de l'Excutif, grand producteur dinstitutions nouvelles dans le domaine du foncier au cours des soixante-dix dernires annes qui, d'une part, affaiblissent les

  • institutions et, d'autre part, n'apportent qu'une apparente rsolution des problmes et ne font quajouter une nouvelle couche de problmes ceux dj existants.

    Le notariat Le notaire est un professionnel qui a exerc son office Saint-Domingue pendant toute la

    colonisation franaise. En quittant Hati en 1804, les Franais ont laiss des clercs rompus aux pratiques notariales qui prennent la relve. Le notariat hatien a assur depuis l'indpendance une grande continuit dans la transmission des droits rels immobiliers et une scurit relative du droit de proprit, dans un contexte o le Code Civil et le droit de proprit restaient immuables et donc ne suivaient pas l'volution de l'conomie et de la socit et o la justice tait dmographiquement submerge et institutionnellement affaiblie. Enfin, ses archives constituent un fonds incontournable. Tous les actes translatifs de droits de proprit sont de leur comptence: donation, testament, change, vente simple, vente rmr, promesse de vente synallagmatique ou dclaration de vente, vente de biens de mineurs, dation en paiement, constitution et cession d'usufruit, etc. Le notaire est, en principe, le juge incontestable des titres de proprit. Le dcret du 27 novembre 1969 fait du notaire "un officier public exerant une juridiction volontaire et amiable". Le rle du notaire ne se limite plus la rception des actes et contrats des parties. Il peut dsormais tre charg des mandats judiciaires (art. 1er). Il est nomm (commissionn) vie par le Prsident de la Rpublique. Les notaires ne peuvent s'associer au sein d'une mme tude. Son ressort de comptence est limit la seule commune pour laquelle il a t commissionn et ne peut exercer que dans son tude, qui y est obligatoirement situe. Les parties ayant domicile ailleurs que dans la commune de commission peuvent se dplacer chez le notaire pour y signer un acte. La principale faiblesse de la profession viendrait de l'inexistence de toute vritable organisation professionnelle. Le texte de 1969 prvoyait la mise en place d'un Conseil Suprieur du Notariat "charg titre honorifique et consultatif de fournir ses lumires au Secrtaire d'Etat la Justice sur le rgime et l'organisation professionnelle du notariat". La profession est reste dans l'attente d'une initiative de l'autorit politique, initiative qui n'a jamais t prise. Un embryon d'organisation a vu le jour en 1992 avec la cration de l'Association Syndicale des Notaires de Port-au-Prince (ASNOP), syndicat professionnel rserv exclusivement aux notaires respectant la lettre les conditions lgales d'accs la profession dans la capitale. C'est l un premier maillon d'organisation professionnelle devant laquelle s'ouvre aujourd'hui deux voies: s'ouvrir aux notaires de province et/ou prendre l'initiative de la mise en place du Conseil Suprieur du Notariat.

  • De ce qui ressort des diffrentes rencontres avec l'ASNOP et ses membres, la seconde voie leur semble la plus prometteuse. En effet, c'est elle qui leur permettrait de faire face la seconde lacune reconnue : l'absence de toute discipline professionnelle organise. Les textes prvoient le contrle des notaires par le Parquet mais ce contrle est plus thorique que rel. Le Conseil Suprieur du Notariat, conu de faon bien plus large que dans le texte de 1969, pourrait assumer ce rle disciplinaire qui est aujourd'hui peru comme central par l'ASNOP dont les membres se sentent aujourd'hui menacs par les actes douteux de confrres indlicats dont la mauvaise rputation rejaillit sur l'ensemble de la profession. En matire de garantie du client, la seule obligation du notaire est de verser un cautionnement la Banque Nationale de la Rpublique d'Hati. Ce cautionnement, fix 5 000 gourdes Port-au-Prince, est, aux termes de la loi, "affect la garantie des condamnations prononces contre le notaire par suite de l'exercice de ses fonctions". C'est la troisime faiblesse identifie de la profession: la garantie illusoire offerte par le cautionnement. Il n'existe aucune obligation de souscrire une assurance de responsabilit civile, aucune Caisse de garantie. Enfin, la formation des notaires est la quatrime insuffisance grave du notariat hatien. Il n'existe aucun centre spcialis de formation professionnelle (sauf l'Ecole du Notariat de Saint-Marc dont les conditions de fonctionnement laissent augurer un niveau d'enseignement plutt rudimentaire). La formation du futur notaire se fait donc, aprs la licence en droit, par un stage chez un notaire. Si les notaires de Port-au-Prince dtiennent pour la plupart une licence en droit et de formations complmentaires faites l'tranger, ce n'est pas le cas de la plupart des notaires ruraux. Il est possible d'affirmer de faon peu prs certaine que l'on compte aujourd'hui 353 notaires en Hati. Les notaires de la rgion mtropolitaine de Port-au-Prince sont au nombre de 37, dont 22 pour la commune de Port-au-Prince. Comme ceux des grandes villes (Cap, Cayes, etc.), ils se distinguent par maints aspects de leurs confrres ruraux. Ils sont des gnralistes qui dressent toutes sortes d'actes. La plupart semblent tirer un revenu important des obligations hypothcaires. Certains amorcent une spcialit comme, par exemple, la rdaction de statuts de socits. D'autres dveloppent une activit de conseils. Certaines tudes sont importantes (5 6 employs). Beaucoup sont des tudes familiales. Quelques-uns se sont dots de moyens informatiques. Le notariat rural est compos de petites structures avec un ou deux employs travaillant souvent dans des conditions difficiles: pas de moyens mcanographiques ou informatiques, peu ou pas de documentation juridique. Beaucoup de notaires ruraux n'ont pas la licence en droit et exercent un notariat routinier, principalement ax sur des actes simples de vente ou de succession. La qualit de conservation des archives est mdiocre, dplorable. Le notaire rural est isol, sans organisation professionnelle, sans changes qui pourraient faire voluer la profession. Bon nombre de notaires commissionns pour une rsidence donne exercent en fait leurs fonctions dans une sorte de bureau secondaire situ la grande ville la plus proche. C'est le cas

  • la Croix-des-Bouquets, centre conomique important au cur d'une zone en pleine urbanisation sauvage la priphrie de Port-au-Prince, qui attire les notaires ruraux priphriques qui se contentent d'officier dans leur rsidence quelques jours par semaine, voire seulement le jour du march. L'essentiel de l'activit se trouve au bureau secondaire souvent devenu la vraie rsidence du notaire. L'implantation gographique des tudes manque de ralisme.

    La conservation foncire Les attributions de la DGI sont de deux sortes:

    les unes lies directement au recouvrement des fonds et au contrle des mcanismes de

    perception ; les autres, surajoutes, dcoulent de la mission de la DGI : administration du squestre1,

    conservation foncire, gestion des biens de l'Etat et reprsentation de l'Etat en justice. La Direction de l'Enregistrement et de la Conservation Foncire relve de ces attributions drives de la mission principale de la DGI qui ne sont pas remplies et se sont, au fil du temps, assimiles des fonctions de perception. La question pertinente est donc la suivante : la DGI remplit-elle ce rle majeur que la loi lui attribue dans la scurisation foncire? Partout o elle existe, la Conservation Foncire s'appuie sur l'existence d'un cadastre national, permettant l'identification prcise des parcelles dont la mutation est projete. Malgr des prcisions apportes par les notaires dans les actes, ils ne peuvent remplacer la prcision d'un cadastre. L'absence de matrice ou de plan cadastral rend donc les mutations incertaines et fragilise les titres de proprit dlivrs par les notaires. Le certificat d'inscription tablissant l'tat hypothcaire d'un bien est de ce fait galement sujet caution. La Direction de la Conservation Foncire fait galement l'expertise des biens enregistrer et transcrire. En effet, la Conservation Foncire est juge de l'valuation du bien vendu et peut la contester, voire faire expertiser les dits biens. Pour ce faire, les notaires doivent remettre les minutes de leurs actes, aprs signature des parties, et en vue de l'enregistrement, pour permettre ce contrle a priori. Ce dessaisissement des minutes, en opposition avec la loi qui dicte que "les notaires sont tenus de garder minute de tous actes qu'ils recevront" parait discutable aux yeux des professionnels et contraire la mission de conservation des actes, l'un des fondements de l'institution notariale. Les minutes des notaires y sont retenues pendant des mois, voire des annes, sous prtexte de sous-valuation des immeubles soumis l'enregistrement et la transcription. Il n'est pas certain que l'Etat trouve son compte dans la svrit affiche du Service d'Expertise qui pse d'un pouvoir discrtionnaire sur les mutations foncires.

  • L'enregistrement est un acte complexe et surtout trs long (une moyenne de deux ans est reconnue au niveau de cette Direction).

    Le cadastre L'ONACA essaie depuis sa cration de mettre en place un cadastre buts multiples qui veut

    runir en mme temps des informations topographiques, juridiques et fiscales et qui veut mettre des certificats d'immatriculation qui sont des actes constitutifs de droits rels immobiliers. Cest un hybride s'inspirant la fois du modle allemand2 de systme et du systme d'immatriculation en vogue en Afrique suivant le modle Torrens. Il prsente l'inconvnient majeur d'tre inutilement lourd, d'empiter sur le rle des notaires et de rendre inutile le travail des arpenteurs-gomtres. C'est pour cela qu'il a t impossible d'tablir des passerelles avec la Conservation Foncire, les notaires et arpenteurs, malgr la bonne volont des uns et des autres. Ce type de cadastre ne peut s'intgrer un systme de scurit foncire dont tous les autres lments s'inspirent du modle franais ax sur les notaires et la Conservation Foncire. Le cadastre en cours est particulirement difficile mettre jour. Le lever parcellaire est rapide et ne pose que des problmes techniques toujours faciles rsoudre. Puis le cadastre s'enlise dans l'tablissement des droits des propritaires. La preuve en est bien que le cadastre a t repris trois fois sur les mmes sites dans l'Artibonite sans qu'il soit possible de le mettre jour entre deux relevs financs par l'tranger. La Banque Interamricaine de Dveloppement finance actuellement, travers l'ODVA, l'actualisation du cadastre d'une rgion de 14 km x 14 km dans la Valle de l'Artibonite. Cette opration va coter US $ 520 000, dont 40% sont consacrs l'achat de matriel. La moyenne des parcelles atteint dans cette zone 30 ares. Sur les 6 000 ha du primtre arpenter, un nombre de 20 000 parcelles est attendu. L'assistance technique est fournie par la GTZ. Les informations collecter constitueront 15 couches d'informations superposables (canaux, rivires pistes, limites, maisons, etc.) et informatises. De nouveaux outils ont t financs pour l'ONACA par la Mission Allemande de coopration : thodolites avec distance-mtres, querres optiques, jalons sur trpied. Paralllement ont t mis sur pied un service de traitement automatique des donnes, un service de dessin et de reproduction de cartes et un atelier de rparation des instruments gomtriques. La contradiction majeure entre cadastre et conservation Foncire vient de leur inspiration diffrente sinon contradictoire, en tous cas impossible concilier. D'un ct, au cadastre, les procdures sont allemandes dans leur conception, donc adquates dans un pays ou la publicit Foncire est assure par un Livre foncier. D'un autre ct, une Conservation Foncire dfinie pour

  • assurer une publicit Foncire la franaise, c'est--dire se basant sur la prescription trentenaire, l'acte authentique et la transcription. Un consensus technique sest dgag sur les points suivants :

    la dfinition administrative du territoire hatien, commune, section rurale et habitation est un accompagnement ncessaire sinon un pralable la mise en place d'une politique foncire et, a fortiori, d'un cadastre;

    le cadastre ne peut s'imaginer sans des limites de communes, sections communales et habitations redfinies avec une toponymie revue et corrige, limites dans lesquelles le cadastre proprement viendrait se caler;

    aujourd'hui un cadastre est ncessaire. Encore faut-il s'entendre sur sa nature, son tendue et les ncessaires rapports qu'il doit entretenir avec les autres institutions de gestion du foncier;

    une dfinition technique nouvelle du cadastre, de ses modalits de ralisation, de ses tapes et de ses objectifs est pressante, urgente;

    un cadastre objectif unique, l'identification des parcelles, est en mme temps un outil simple de connaissance de la situation foncire et un rouage indispensable la scurit foncire;

    le format souhaitable pour le cadastre rural est un ensemble de plans au 1/2 000, ralis partir d'un fonds d'orthophotos au 1/10 000.

    le cadastre ne peut s'imaginer sans une dfinition lgale et spatiale claire du domaine tant priv que public de l'Etat, notamment dans les rgions ou un important travail d'infrastructure a t fait (proprit des canaux d'irrigation, des diffrents niveaux de routes, etc.).

    Enfin, l'Office National du Cadastre devra tre sous la tutelle du Ministre des Finances afin de faciliter ses relations obliges avec la Conservation Foncire, la DGI qui relve galement de ce Ministre. Il pourrait continuer tre un organisme autonome avec un Directeur Gnral afin de sauvegarder un dynamisme propre. Il semble acquis que, malgr sa dimension technique, sa place n'est pas au ministre des Travaux publics dont la vocation premire n'est ni l'amnagement du territoire ni la gestion du foncier.

    Les arpenteurs

    Le dcret-loi du 26 fvrier 1975 compte 72 articles regroups en 14 chapitres. Ce texte est un curieux mlange de recommandations techniques prcises (mesure de l'cart angulaire acceptable, orientations magntiques compenses, etc.) qui seraient plus leur place dans un manuel technique officiel, de formalits lgales respecter, de normes professionnelles, de dispositions disciplinaires et de prcautions pour viter les conflits identifis en milieu paysan.

  • L'arpenteur est dfini par le dcret de 1975 comme un officier public asserment aux tches dfinies: "mesurer les terres, quelle qu'en soit l'affectation, d'en calculer les surfaces et d'en fixer les bornes". Il est commissionn par le Prsident de la Rpublique pour une commune dtermine. Il peut oprer sur d'autres communes de la juridiction dont il relve avec l'autorisation du Doyen et du Commissaire du Gouvernement du Tribunal de Premire Instance de la juridiction. Il est possible d'avancer avec une relative certitude que l'on peut compter 356 arpenteurs instrumentant travers le pays. Bien des arpenteurs, faute d'un volume suffisant d'activits, se replient sur la grande ville la plus proche de leur lieu d'affectation ou ils exercent rellement leur profession sous la signature complaisante d'un confrre. En ville les arpenteurs sont topographes, travaillent pour des bureaux d'tudes d'ingnieur ou architectes. Ils ont souvent des activits qui n'ont aucun rapport avec leur mtier (comptable notamment), celui-ci devenant une activit annexe. A la campagne, c'est galement une activit parmi d'autres, parfois une activit secondaire. Les arpenteurs sont spculateurs en denres, instituteurs. Les corporations prvues dans les textes n'ont jamais t mises en place. Les arpenteurs sont livrs eux-mmes. C'est seulement Port-au-Prince qu'on peut observer un embryon de regroupement associatif avec l'ASSAJUP (Association des Arpenteurs de la Juridiction de Port-au-Prince) vocation plutt syndicale. La profession ne peut donc assurer sa propre discipline et ne peut non plus contrler le niveau de qualification de ses membres. En matire de contrle, l'interlocuteur privilgi de l'arpenteur a t le juge de paix jusqu'en 1968. Aujourd'hui, c'est devant le Doyen du tribunal civil qu'il prte serment, de lui qu'il obtient les autorisations d'arpenter, c'est encore lui qui intervient pour concilier les parties quand opposition est faite un arpentage en cours. Depuis 1968, il n'y a gure que la conciliation l'opposition d'arpentage qui reste du ressort du juge de paix. Les arpenteurs ont d'abord t forms l'Ecole Industrielle puis l'Ecole d'Arpentage, lie l'Ecole des Sciences Appliques qui est aujourd'hui la Facult des Sciences. Le diplme de l'Ecole est rest longtemps une condition sine qua non d'accs la profession d'arpenteur. A partir de 1968, il est lgalement accept qu'un stage de deux ans chez un arpenteur en exercice remplace la formation acadmique et suffit donner accs une commission d'arpenteur. Dans les diffrents centres d'enseignement technique de niveau universitaire, il existe un cursus sur deux ans visant prparer des ingnieurs-topographes et non plus des arpenteurs. Le niveau de comptence technique est disparate: de l'ingnieur au niveau le plus lmentaire de la gomtrie applique. Le niveau de comptence juridique, quelques rares exceptions prs, est faible. L'quipement traduit les niveaux de formation: - la boussole monte sur trpied; - le ruban d'acier ou double dcamtre; - les jalons; - le fil plomb.

  • Les arpenteurs de la rgion de Port-au-Prince et les anciens diplms de l'Ecole d'Arpentage sont plus familiers du transit et des mires parlantes. Outils et formation sont comparer avec ceux de l'ONACA, qui sont la pointe de la technologie la plus moderne (GPS, DAO, etc.). Une distribution rcente d'querres optiques et jalons (GTZ) avec l'espoir d'intgrer les arpenteurs locaux dans l'actualisation du cadastre ne semble pas avoir chang les habitudes et... le niveau de formation de ces arpenteurs. Le rle de l'arpenteur semble avoir t jusqu'ici de suppler l'absence de cadastre. L'intervention des arpenteurs sur le terrain permet d'identifier les immeubles l'gard des personnes prsentes sur le terrain mais ne saurait tre opposable aux tiers absents. Leur intervention fait illusion quant aux garanties des droits. Ils procdent de la mme faon que l'ONACA: dlimitation contradictoire et bornage.

    Articulations, recoupements et conflits Arpenteurs et notaires sont enserrs, de par la loi et de par l'inexistence du cadastre, dans des rapports de dpendance troite. L'article 31 du dcret-loi de 1969 sur le notariat stipule que "les notaires ne peuvent passer vente d'aucune proprit urbaine ou rurale, sans qu'au pralable, cette proprit n'ait t arpente. Le contrat de vente devra comporter les dsignations contenues au procs-verbal d'arpentage et mention d'icelui . Le Code Rural confirme : "toutes nonciations relatives un partage amiable d'immeuble entre paysans majeurs, toutes nonciations de vente d'immeuble un paysan contenues dans un acte d'arpentage de fonds rural, feront foi de cette vente ou de ce partage avec la force probante d'un acte sous-seing priv". Dans la procdure de confection du cadastre par l'ONACA dans la loi de novembre 1984, il est mentionn qu'en ce qui concerne les biens ruraux appartenant des paysans, les plans et procs-verbaux d'arpentage ont valeur de titre de proprit et suffisent l'immatriculation d'une parcelle. Au fil des textes, un concept sui generis du titre de proprit semble se dessiner. S'il est communment admis que les droits de proprit immobilire doivent tre tablis la fois par un procs-verbal d'arpentage et un acte notari, le procs-verbal d'arpentage s'est peu peu prsent comme un titre de proprit suffisant en milieu rural. Cette tendance nous semble d'une grande logique en milieu analphabte o l'arpentage sur le terrain, port la connaissance des voisins limitrophes par voie d'huissier, avec l'assistance d'un membre du Conseil d'Administration de la Section Rurale (Code Rural) et d'un reprsentant de la police rurale (depuis le 19e sicle) constitue finalement la seule forme de publicit foncire laquelle le paysan a vraiment accs. D'autant plus que la loi fait obligation l'arpenteur de se faire prsenter ses titres de proprit ainsi que les plans et procs-verbaux antrieurs, sil y en a, avant toute opration d'arpentage.

  • Des attributions dfinies pour les diffrentes institutions tudies et du fait de certains textes, on peut conclure qu'il existe six sources de production de titres de proprit qui sont opposables les uns aux autres. Si l'on y rajoute les dispositions du Code Civil qui fait du partage un droit imprescriptible, il n'y a en Hati aucune garantie ou scurit foncires relles opposables tous.

    Les titres de proprit et leurs producteurs

    Qui? Quoi? Rfrence(s) lgale (s)

    Particuliers Actes sous seing priv article 327 du Code Rural 1962

    Arpenteurs Procs-verbal d'arpentage article 327 du Code Rural 1962

    Notaires Actes notaris (actes authentiques translatifs de droits de proprit)

    article 1 du dcret du 27 novembre 1969

    Tribunal Actes judiciaires (jugements et arrts), adjudications, licitations

    Code Civil

    Excutif Dons nationaux, biens ruraux de famille

    article 328 du Code Rural 1962

    ONACA Certificats d'immatriculation article 38 du Dcret du 39 novembre 1984

    Arpenteurs et cadastreurs sont trangers l'un l'autre. L'un, officier ministriel, relve, pour sa discipline, du Commissaire du Gouvernement et donc du Ministre de la Justice tandis que l'autre, fonctionnaire public, dpend soit de la DGI (Bureau du Domaine) soit du Ministre des Travaux Publics, Transports et Communications. Ces diffrents univers semblent voluer en vase clos mme s'il est prvu que des copies des plans d'arpentage des arpenteurs peuvent tre sollicits par la DGI ou doivent tre expdis l'ONACA. Ni les instruments, ni les faons d'oprer ne sont communs. Il y a l un effort d'harmonisation vident si l'on veut aboutir un jour la confection d'un cadastre pour Hati (et surtout en assurer la mise jour une fois les financements extrieurs puiss et que le seul homme de terrain restera l'arpenteur). Toutes les tentatives de cadastre sont venues chouer sur cette rive dangereuse: lidentification des droits. Alors que le dessin parcellaire est souvent ralis rapidement (orthophotoplans et/ou GPS), les "brigades" formes aux enqutes d'identification des droits ont, videmment, des difficults insurmontables pour mener bien leur tche, qui relve en fait de la comptence des notaires. La documentation du service de publicit foncire (la Conservation Foncire) et celle du

  • service du cadastre sont troitement lies. C'est leur jonction que le droit de proprit, tabli par le notaire, est garanti par l'Etat. Or, cette liaison fondamentale n'existe pas, rduisant la publicit foncire un vu pieux.

    Il faut donc, cette phase:

    redfinir de faon prcise et raliste la mission et les attributions de chacune de ces institutions et les placer dans une perspective de scurisation foncire;

    assurer de faon progressive une qualification correspondant aux missions et attributions des diffrentes institutions;

    aider la mise en place des structures professionnelles qui permettent aux institutions d'assumer leurs responsabilits dans le processus de scurisation Foncire;

    dfinir de faon prcise mais souple les articulations ncessaires entre les diffrentes institutions impliques dans la gestion du foncier.

    Les formations L'obstacle majeur auquel on se heurte, quelle que soit la profession ou l'administration considre, c'est le manque de formation, pour ne pas dire l'absence de formation qui jette un doute majeur sur la capacit de prise en charge des rformes ncessaires. Si les rformes doivent tre axes sur la qualification et la responsabilit, la formation, initiale et continue, doit jouer un rle de premier plan dans la mise en place de la scurit foncire. En termes de calendrier, il est ncessaire d'avoir une priode d'un deux ans pour dfinir des programmes, identifier et former des formateurs, pour:

    une chaire d'enseignement du droit de la proprit dans toutes les Facults de Droit (prives et publiques) du pays;

    crer une Ecole du Notariat, soit la Facult de Droit de l'Universit dEtat d'Hati, soit la Facult des Sciences Juridiques de l'Universit Quisqueya;

    crer une Ecole d'Arpentage, du Cadastre et de l'Amnagement Foncier, cheval sur l'Institut national de Formation Professionnelle et la Facult des Sciences de l'Universit d'Hati.

    Toutes ces formations s'inspireront certes de l'existant mais seront labors en fonction du nouveau systme foncier mettre en place et qui doit faire, paralllement, l'objet d'un dbat structur et trs large.

    Chez les notaires, la formation aura trois objectifs : faire une mise niveau pour tous les notaires ne rpondant pas aux critres dfinis par la loi, au

    terme de laquelle un examen sanctionnera leur maintien ou leur radiation;

  • faire une formation pour l'ensemble des notaires aux nouvelles rgles du jeu de la scurit foncire et leur permettre de faire face leurs responsabilits nouvelles;

    assurer, dans le plus long terme, la relve tant au niveau du notariat qu'au niveau du clricat. Depuis la fermeture de l'Ecole d'Arpentage, un rel problme de formation se pose au niveau des arpenteurs qui, n'ont, dans le meilleur des cas, qu'une formation de topographe. La mise en place d'une Ecole d'Arpentage, du Cadastre et de l'Amnagement Foncier permettra de crer les comptences adaptes aux nouvelle dispositions lgales et de produire les professionnels indispensables. L'Ecole prendra galement en charge la mise niveau des arpenteurs actuellement en exercice et la formation permanente dans le nouveau cadre lgal dfini.

    Les textes

    En amont de toute rforme foncire, il serait opportun de crer une Commission de Rvision du Droit de la Proprit qui:

    harmoniserait les dispositions de la Constitution, du Code Civil, du Code Rural, du Code de procdure civile et les diffrentes lois touchant la proprit;

    adapterait la lgislation touchant la proprit aux ralits sociales et conomiques et ferait de la proprit une institution au service de la modernisation du pays;

    transformerait l'ensemble des dispositions pour que justiciables et juges en aient une claire comprhension et en fassent un bon usage.

    dfinirait des tapes dans la mise en place de la rforme. La structure d'un avant-projet de loi rvisant les dispositions des Codes Civil, de procdure, pnal et rural en matire de rglement judiciaire des conflits fonciers pourrait comporter les titres suivants: Titre I. Du droit de proprit Titre II. De la structure et des attributions de la Justice de Paix Titre III. De la structure et des attributions du Tribunal de Premire Instance Titre IV. Du rle des intermdiaires en justice Titre V. Des procdures en vigueur en matire de rglement des conflits fonciers

  • 4. Les conflits fonciers La proprit, au sens moderne du terme, est clairement et fermement tablie par le Code Civil. La proprit est en principe individuelle. En cas de coproprit ou d'indivision, l'immeuble, quoique faisant partie intgrante du patrimoine commun, appartient chaque copropritaire sur une quote-part idale et abstraite sur laquelle chacun exerce un vritable droit de proprit. Il peut jouir individuellement de sa part et parfois l'aliner sans le consentement des autres copropritaires. Le Code Civil (article 572, 573) dnombre cinq modes d'acquisition de la proprit : la succession (testamentaire ou ab intestat), la donation entre vifs, l'effet des obligations contractuelles (les gages), dlictueuses, (ddommagement en nature), lgales (vente), l'accession ou incorporation, la prescription. La proprit se perd de six faons nettement identifies: l'usucapion (grande prescription de vingt ans (article 2030 du Code Civil, l'expropriation force en faveur d'un crancier (article 1971 du Code Civil), le retrait de concession faite par le gouvernement, l'alination volontaire, la succession (dpossession volontaire), l'expropriation pour cause d'utilit publique (article 449 du Code Civil). Les limites du droit de proprit sont les classiques du droit franais et prvues tant par la loi que par les Codes Civil et Rural: les servitudes lgales d'utilit publique (article 548 du Code Civil), les expropriations lies aux grands travaux d'utilit publique (loi du 11 mai 1981), l'obligation de mise en valeur des terres agricoles (article 41 du Code Rural). La proprit est gre par l'appareil judiciaire suivant deux rgles:

    la prsance du possessoire (possession) sur le ptitoire (proprit): le possessoire se juge avant le ptitoire, une fois une action engage au niveau du ptitoire, les parties ne peuvent plus se prsenter en possessoire;

    le non cumul du ptitoire et du possessoire: le ptitoire se juge au niveau du tribunal de paix et le possessoire au niveau du tribunal civil.

    La distinction entre ptitoire et possessoire place les juges devant des subtilits byzantines. Comment, en effet, faire preuve de possession paisible, avec l'interdiction plus que centenaire de l'enqute suppltive, sans voquer les droits de proprit et/ou avoir les titres de proprit pour rfrence? La rgle de non-cumul du ptitoire et du possessoire est, notre avis, l'une des causes de la difficult du prononc de jugement au niveau des tribunaux de paix qui, la plupart du temps, doivent rfrer au niveau du tribunal civil qui va se retrouver engorg d'affaires foncires. Cette rgle se conjugue avec la rgle du non-cumul du ptitoire et du possessoire pour faire de la possession un droit de moindre valeur, ne pouvant en aucun cas dboucher sur l'usucapion.

  • Ces grands principes doivent tre utilement compars aux pratiques identifies par les uns et les autres, juristes et anthropologues. Ainsi, le Code Civil spcifie dans son article 2030 la dfinition de la grande prescription ou prescription acquisitive ou usucapion. Cette disposition lgale est rarement utilise, sauf par les autorits administratives et judiciaires dans des cas trs spcifiques. Il en a t ainsi au moment de la ralisation du cadastre de l'Artibonite en 1950-1952 pour justifier le droit de proprit dans les cas o les titres de proprit avaient t perdus ou dtruits parce que trop anciens. En rgle gnrale, le titre de proprit aura toujours prminence sur la possession, qu'elle soit vingtenaire ou plus ancienne. Par ailleurs, aucun dispositif lgal ne permet de faire dresser constat de la jouissance paisible et titre de propritaire. L'usucapion, disposition du Code Civil franais repris par le Code Civil hatien en 1826, n'a pu s'imposer, dans les faits, face la vieille tradition coloniale de prminence du titre sur la possession. La preuve du droit de proprit (et donc la difficult d'tablir des titres de proprit) se heurte enfin cet obstacle majeur : lantagonisme entre prescription acquisitive et prminence des titres de proprit, confusion qui se rsout gnralement avec la prminence des titres de proprit. En d'autres termes, le dtenteur d'un titre de proprit gagne toujours contre un possesseur - mme si celui-ci peut faite tat d'une filiation, d'une possession trentenaire paisible. Deuxime point fort, l'indivision et son corolaire, le partage. On les retrouve au cur de la plupart des conflits fonciers. Elle doit faire lobjet de considrations particulires. Troisime point fort, la spoliation. Avec le dysfonctionnement des institutions de scurisation foncire, la difficult pour le systme judiciaire de trancher rapidement et durablement les conflits, la pression dmographique et son corolaire la pression sur la terre, et donc les conflits violents et les occupations sauvages de terre, les juristes ont d crer, avec le dcret du 30 septembre 1983, un "dlit de spoliation". Son contexte est nettement tabli dans les considrants: "Considrant la multiplicit des cas de spoliation commise aprs des dcisions de justice rendues en matire immobilire". Sa dfinition est la suivante: "sera reconnu coupable du dlit de spoliation... quiconque, par force ou violence, se sera empar d'un immeuble, maison d'habitation, parcelle ou pice de terre d'o il a t expuls en excution d'un jugement dfinitif". Ce dcret contient un double aveu: la difficult pour la justice de prononcer un jugement qui soit accept et respect, la multiplication des cas de spoliation en cette anne 1983 qui marque le dbut des troubles politiques qui allaient amener la chute de Duvalier.

  • Les leons du conflit Atti-Bricourt

    Le conflit Atti-Bricourt, lun des plus clbres de la valle de lArtibonite, tend dmontrer l'impossibilit qu'il y a, dans l'tat actuel des institutions, de trancher dans un sens ou dans un autre de faon crdible et acceptable pour celle des parties qui succomberait. En effet, l'affaire Atti-Bricourt met en lumire de faon quasi-caricaturale toutes les insuffisances institutionnelles analyses tout au long de ce rapport et qui structurent l'inscurit foncire en Hati. 1. D'abord les insuffisances de l'identification des personnes. Qui est Sylvio Bricourt? Est-il ou non hritier Bricourt? L'tat actuel de l'tat civil ne permet ni de l'affirmer ni de l'infirmer. 2. Ensuite, l'absence d'identification des biens. L'habitation Villarceaux-Bricourt est-elle totalement distincte mais contige de l'habitation dite Atti? L'arpentage de 1948 comme les actions en justice Bordes contre Atti tendent le dmontrer. Mais comment en administrer la preuve en l'absence de cadastre? 3. L'existence de l'imprescriptibilit du partage. L'action de Sylvio Bricourt n'intervient lgalement que trente (30) ans aprs l'arpentage de 1948 qui consacre l'existence et les droits de 4 hritiers Bricourt. Pourquoi intervenir si longtemps aprs? Pourquoi l'usucapion ne joue-t-elle pas? La prescription acquisitive, renforce des droits dvolus par hritage devrait jouer contre l'imprescriptibilit du partage. 4. La fragile base technique des dcisions de justice et l'impossibilit de faire excuter celles-ci. Aucun recours des experts (notaires, arpenteurs) n'est signal. Les dcisions se multiplient sans que les espaces concerns soient clairement identifis. Il ne reste aux parties en conflit que le recours aux armes. 5. La politisation du conflit est vidente ds le dpart. Les Atti, rputs lis Magloire, se font attaquer sous Duvalier. Les hritiers Bordes, lis Duvalier notamment par leur associ Jacques Fourcand, ne sont attaqus qu' la chute de Duvalier. Les grandes actions (en justice ou sur le terrain) ont le mme calendrier que les changements de gouvernement, jusqu' la perte de contrle total de la situation avec la dgradation des institutions qui s'acclre partir de 1993-1994. La fibre nationaliste et noiriste a mme t utilise en faisant ressortir la qualit de libano-syrien des Atti. La situation se complique aujourd'hui des analyses des observateurs de la MICIVIH ostensiblement favorables aux Bricourt version Sylvio. 6. L'existence de deux conflits parallles, l'un alimentant l'autre. Du fait des couts levs de production en zone rizicole, les terres sont cdes en faire-valoir indirect plutt qu'exploites directement. Du fait des grandes superficies concernes, les exploitants en faire-valoir indirect sont nombreux. Tout changement de propritaire implique donc aussi bien un changement d'intermdiaire (le ou les grants) que d'exploitants. Une rclamation touchant 1 130 carreaux (les

  • 955 Bricourt et les 175 Atti) et qui reste dans le flou quant la localisation de la part d'hritage en jeu plonge dans l'inquitude tous les exploitants sur les 1 130 carreaux. Parallle au conflit entre prtendants la proprit se dveloppe donc un conflit entre exploitants ou candidats exploitants, les uns voulant continuer jouir de leur droit d'exploiter, les autres soutenant le candidat qui leur donnerait accs l'exploitation. Il n'y a donc pas le cas de figure latino-amricain "peones" contre latifundiste. A chaque occupation de fait du terrain, les exploitants changent. Entre-temps, un diffrend entre propritaire et exploitant devient ingrable. Les exploitants se battent entre eux et ce combat durera tant que planera l'incertitude quant au rel propritaire. On voit d'ailleurs au fil des documents lgaux les exploitants se prsenter au tribunal avec les propritaires et tre compts au nombre des "hritiers Bricourt" ou Atti. Le jeu semble fauss jusque dans la notion de parent et dans les rapports entre propritaires et exploitants. On assiste une monte en puissance de ces "hritiers" qui changent d'ailleurs volontiers de camp. On retrouve les mmes individus appuyant tantt l'un tantt l'autre prtendant. La situation se complique d'autant plus que des ventes auraient t consenties informellement certains individus directement impliqus ou non dans la rclamation. On comprend mieux alors l'acharnement de certains belligrants. Bien des pices manquent ce puzzle. On ne sait notamment pas ce qui s'est pass Atti-Bricourt du fait de la loi du 28 Juillet 1975. On reste nanmoins sur l'impression d'une guerre absurde qu'un tat civil bien tenu ou un cadastre mme fort simple auraient permis d'viter. Tant que les institutions n'auront pas repris leur vigueur, les conflits de type Atti-Bricourt sont sans solution durable. La rforme judiciaire dans les contours pris depuis 1986 semble courir deux dangers:

    elle vise des changements partiels, prenant en compte des problmes isols, sans les articulations qui en assuraient la cohrence;

    elle part de l'ide que les problmes de la justice sont dj identifis et donc les solutions connues (corruption et/ou mauvaise formation des juges) et donc les solutions dj trouves (la cration de l'Ecole de la Magistrature et la distribution d'quipement).

    Le fond de la question ne semble pas tre la traduction en crole des textes de loi et un dbat en crole dans les prtoires. Il y a une relle ncessit, en ce qui touche au moins au droit de proprit, de simplification du droit lui-mme de faon en rendre les rgles claires, univoques et prvisibles. Le foncier peut et doit alimenter la rforme judiciaire qui a consomm en vingt ans des sommes formidables pour des rsultats douteux.

  • Simplifier Le premier obstacle majeur identifi dans la rsolution des conflits fonciers est l'existence de deux instances (justice de paix et tribunal d'instance), entre lesquelles les comptences sont distribues avec des limites imprcises ou sophistiques (possessoire et ptitoire), semble appeler la runion de ces comptences au niveau des tribunaux civils qui greraient l'ensemble du possessoire et du ptitoire (sauf la dnonciation de nouvelle uvre et autres points prciss plus loin). Ceci implique notamment une modification de l'article 84 de la loi sur l'organisation judiciaire. Une fois dfinies les nouvelles modalits de dlivrance de titres de proprit, un texte devrait prciser les attributions du Tribunal du Paix comme celles du Tribunal Civil en matire de conflits fonciers et tablir les nouvelles procdures. Le juge de paix auquel on aura enlev son statut d'officier de police judiciaire et dont le mandat aura t fix (deux revendications majeures issues du Colloque organis en 1996 par ARD/USAID/Ministre de l'Agriculture) jouera en matire de conflit foncier, le rle du conciliateur, en matire de ptitoire comme de possessoire et la justice de paix constituera la premire tape oblige de tout diffrent foncier. En faisant du tribunal civil l'unique instance comptente en matire de foncier, comme c'est le cas au Vnzula, il y a de ncessaires amnagements prvoir: - la cration d'un tribunal civil par arrondissement, soit quarante tribunaux civils au lieu des quinze existant actuellement; - une chambre terrienne sur le modle de celles de Saint-Marc et Gonaves dans chacun des tribunaux civils; - des audiences foraines une ou deux fois par semaine dans chacune des communes de l'arrondissement, tant que les conflits fonciers garderont leur poids actuel dans l'encombrement des tribunaux.

    Changer les procdures

    Deuxime obstacle majeur la rsolution des conflits fonciers: la difficult sinon l'impossibilit d'arriver un prononc de jugement. Si le vocabulaire donne une apparence "franaise" aux procdures", les ralits sont fort loignes des pratiques franaises ou la maitrise du droit par les magistrats et les professionnels qui gravitent autour de la justice fait toute la diffrence. Il faut assumer la ncessit de changements profonds dans les procdures, d'un apport formel d'expertise aux juges par les professionnels de la proprit, notaires et arpenteurs pour permettre de trancher valablement les conflits fonciers, de mettre en cause un tiers (pour grer la question des terres "mal achetes" du fait d'un vendeur indlicat).

  • Excuter les dcisions de justice

    Troisime obstacle majeur: la difficult de faire excuter les jugements, les mandements excutoires dpendant de l'excutif et non du judiciaire. Ceci renvoie toute la problmatique police/justice (dbat qui n'a pas sa place ici) mais surtout pose la cration de la police judiciaire comme un passage oblig, un impratif l'efficience de la justice, une urgence. En souhaitant que l'on ne reproduise pas avec la police judiciaire les erreurs commises dans la cration et la gestion de la police administrative. Un niveau minimal de formation doit tre requis pour une meilleure maitrise de la question foncire. Les juges de paix, les greffiers et les officiers d'Etat Civil devraient tre recruts sur la base d'une capacit en droit plus un an de formation spciale, les juges au civil et les parquetiers sur la base d'une licence en droit plus deux ans de formation spciale. Quarante heures de cours en droit de la proprit devraient constituer un pralable pour tous les juges, parquetiers, avocats et fonds de pouvoir. Rforme judiciaire et rforme foncire doivent tre dans une ncessaire complmentarit. L'orientation actuelle de la rforme judiciaire ne s'inspire pas d'un diagnostic prcis, ou le foncier et le rglement des litiges fonciers tient une place importante, vu le grand nombre de cas que l'appareil judiciaire doit prendre en charge, soit au niveau du civil (juridiction naturelle du foncier), soit au niveau du pnal (tant donn les violences gnres par certaines affaires foncires). Une rvision des procdures et de la mission du Commissaire du Gouvernement en matire de foncier rural sont impratives. En attendant la mise sur rail de nouvelles formes de garantie de la scurit foncire, des Chambres Terriennes devraient tre cres au niveau de tous les tribunaux civils pour permettre d'vacuer, suivant des normes tablir, les litiges fonciers qui encombrent actuellement les tribunaux. Malgr ses dysfonctionnements avrs, il est hautement dcommand de contourner l'appareil judiciaire dans le rglement des litiges fonciers. Ceci aboutirait des solutions de type exceptionnel qui ont dj prouv leur capacit produire des arbitraires encore plus graves que ceux que l'on voulait combattre.

  • 5. LEtat et son domaine Le trait principal de la gestion du foncier par les pouvoirs publics au cours du XXe sicle semble tre la mise en place de mesures dites d'exception, qui visent grer le conjoncturel, l'urgent, et pas le structurel, le long terme. Quand on tudie l'volution des attributions des Commissaires du Gouvernement en matire de possession et de proprit et la mise en place de structures ou de mesures extraordinaires (Commission Prsidentielle Agraire, loi de Juillet 1975), trois points attirent l'attention. Tous les dcrets et lois ont un mme alibi (la protection du "justiciable paysan"), une mme stratgie (les mesures exceptionnelles) et des consquences similaires (faire passer la gestion des statuts et des conflits fonciers du Judiciaire l'Excutif et la concentration de pouvoir au plus haut niveau de l'Excutif). Tout se passe comme si la gestion de l'urgence favorisait la cration d'organes d'exception. L'imprescriptibilit du domaine priv de l'Etat est un premier lment de cet arbitraire de l'Excutif qui fait de l'Etat un propritaire au-dessus des autres. Il est certain que l'imprescriptibilit du domaine est tabli au XIXe sicle mais tous les gouvernements du XXe sicle la maintiendront et elle nous semble faire partie intgrante de cet "tat d'esprit" d'exception qui amnera peu peu considrer la proprit d'Etat comme une catgorie part et conduira crer l'ide que dans certaines rgions toute proprit prive a t acquise aux dpens de l'Etat et justifiera les interventions muscles contre la proprit prive.

    Un tat desprit La prescription contre l'Etat est supprime par Geffrard avec l'article 4 de la loi du 29 octobre 1864. Cette disposition est confirme par plusieurs textes ultrieurs: 1877, 1927, 1964. Avec la loi de 1864, un tournant est dfinitivement pris. L'Etat entend dsormais garder son domaine priv, le grer et arrter la politique de donation et vente qui avait t la sienne depuis l'indpendance. Avec la loi du 26 juillet 1927, cest lescalade. Outre l'imprescriptibilit des terres de l'Etat, ce texte prvoit la possibilit pour l'Etat de prescrire contre les privs. Le principal mcanisme de rcupration des terres prives et de leur intgration dans le domaine priv de l'Etat est la dnonciation la vacance explicite dans la loi du 26 juillet 1927. Le "dnonciateur" fait sa dclaration au Bureau des Contributions qui fait paratre un avis dans le journal officiel, Le Moniteur. Trois mois aprs la parution de l'avis, le dnonciateur peut rclamer et obtenir la jouissance de la terre dnonce titre de fermier de l'Etat. Cette terre deviendra proprit de l'Etat aprs dix ans, si aucune action n'est intente en justice dans ce dlai.

  • On est pass d'une phase conservatoire des biens du domaine priv de l'Etat une phase d'agressivit contre la proprit prive. Nous ne savons pas, dans l'tat actuel de la recherche, si cette disposition a souvent t utilise. Mais elle est rvlatrice d'un tat d'esprit que nous retrouvons dans la plupart des mesures lgislatives du XXe sicle vis--vis de la proprit en gnral: mesures d'exception, fortes interventions de l'Etat dans les questions foncires, qu'il s'agisse du rle des commissaires du gouvernement, de la cration de la Commission Prsidentielle Agraire ou de la loi d'exception. Encore une fois, la continuit historique est claire de 1864 nos jours. Ce sont de fortes tendances, inscrites sur un temps long, et l'analyse objectivante ne suffira pas en briser l'lan.

    Domaine de lEtat ou domaine communal ?

    Le domaine public, comme le domaine priv, de l'Etat pose problme en termes de droit et en termes institutionnels, surtout au regard des nouvelles dispositions constitutionnelles touchant aux collectivits territoriales. La Constitution de 1987 fait des communes les gestionnaires privilgis des terres de l'Etat situes dans leur aire. Mais aucun texte n'est venu prciser la nature de ces droits de gestion ni mme la nature des droits que les diffrentes composantes de l'Etat - collectivits territoriales et lEtat central - exercent sur le domaine, domaine priv comme domaine public. Le texte du dcret du 22 septembre 1964 devrait donc prvaloir : "L'administration des biens du domaine priv de l'Etat relve de l'Administration Gnrale des Contributions". Or, lambigut lgislative ainsi cre a encourag des drives qui prennent des proportions inquitantes, au niveau notamment des mairies de Delmas (pour prendre un cas urbain) et de Milot (pour nous rfrer une situation rurale). Des terres prives sont dclares "rputes" terres de l'Etat par des mairies qui en prennent possession pour en disposer d'une faon privative (installation d'agriculteurs ou dification de rsidences) ou communautaire (cration de marchs notamment). Dans un tout autre registre, il se pose des problmes quasi-insolubles aussi bien au niveau de l'entretien des routes que de la gestion d'un systme d'irrigation. Une route classe communale est-elle la proprit de la commune ou de l'administration centrale? De qui relve son entretien? Un canal d'irrigation et son emprise sont-ils du domaine public de l'Etat? En ce cas, appartient-il l'Etat central ou la section communale o elle est situe ou la commune dont fait partie la section communale o elle est construite? Les rponses ces questions ne sont pas neutres en termes fiscaux, en termes de responsabilit, en termes de gestion. Lindfinition du domaine nuit sa bonne gestion.

  • Orientation Il semble y avoir une convergence de vues sur les points techniques suivants: la toute premire action entreprendre concernant le domaine de l'Etat, est la dfinition de la

    nature des droits et des modes d'intervention de chaque niveau de collectivit territoriale et de l'administration centrale tant au niveau du domaine public que du domaine priv de l'Etat;

    l'interdiction de prescrire contre l'Etat et la possibilit pour l'Etat de prescrire contre les privs sont deux dispositions lgales de nature autoritaire qui devraient tre abroges pour que l'Etat devienne un propritaire comme les autres;

    les ressources tires par l'Etat de son domaine priv et la gestion en faire-valoir indirect ne justifient pas l'existence de ce domaine priv; Le destin de ces terres devrait tre tudi, dbattu pour une meilleure utilisation de cette ressource rare.

  • 6. Terre et conomie

    Le cadre macro-conomique Les documents officiels recueillis dans le cadre de cette recherche nont pas permis de trouver des rfrences claires et prcises du contenu donn par le gouvernement au cadre macro-conomique et la politique conomique actuelle. L'analyste reste sur l'impression qu'il y a confusion entre programme d'ajustement structurel et politique conomique, les moyens de l'un s'assimilant abusivement aux objectifs de l'autre. Ceci entraine la rduction de la politique conomique des mesures fiscales, budgtaires et financires. Il est difficile de situer une politique agricole intgrant un volet agro-foncier si le cadre global de l'conomie dans lequel elle devrait s'insrer n'est pas dfini. Il serait donc urgent de dfinir, pour les quatre cinq prochaines annes, les grandes options de la politique conomique du gouvernement et la place relative de l'agriculture dans cette politique. Le gouvernement a fix les objectifs: un taux de croissance de 4.5%, la rduction du taux d'inflation (le ramenant autour de 10%), la reconstitution progressive des rserves internationales de change, pour les amener un niveau quivalent trois mois d'importation3. Mais, l'nonc de tels objectifs suppose que les secteurs sur lesquels repose cette croissance soient identifis et les moyens et stratgies mettre en uvre clairement noncs. L'option gnrale qui se dduit des mesures annonces et/ou prises depuis fin 1994 est une option d'conomie ouverte, no-librale, la fois par le jeu des forces conomique internationales et par choix interne. Ceci signifie que la politique agricole doit imprativement intgrer dans ses options cette note dominante de l'conomie. On connat les effets des options no-librales sur les agricultures peu performantes, surtout quand les pays touchs ont une forte population urbaine nourrir: augmentation des importations de produits alimentaires vendues meilleur march

    possible qui entrent en concurrence avec les produits nationaux de mme type;

    dsarticulation du secteur agricole du fait que les agriculteurs doivent supporter des cots de production levs et doivent aligner leurs prix avec le prix des produits agricoles imports;

  • cot plus lev du loyer de l'argent qui renforce la dcapitalisation des exploitations agricoles.

    Ajouts aux problmes structurels internes (dysfonctionnement des institutions d'appui l'agriculture, niveau de formation peu lev des agriculteurs, taille peu significative des exploitations agricoles, instabilit des exploitations, etc.), la politique no-librale peut tre dvastatrice pour l'agriculture hatienne. Le secteur agricole en Hati se trouve dans un profond dsquilibre, avec une production agricole, forestire et pastorale insuffisante et en diminution, accompagne dune dgradation cologique marque. Au nombre des hypothses formules pour expliquer cet tat de choses, on peut signaler laccroissement de la population et un rgime foncier dfavorable qui auraient conduit une utilisation non approprie des terres, au morcellement accentu des exploitations, labsence de renouvellement de la fertilit des sols et une absence dinvestissement pour la conservation et lamlioration des terres. Si on part du principe que l'agriculture sera productive quand elle assurera des revenus dcents aux paysans, on peut dfinir la politique agricole comme une politique de revenus paysans. Celle-ci passera ncessairement par une politique des structures, dfinissant le ou les modles d'exploitation agricole que l'Etat veut dvelopper, en tenant compte certes des aires agro-cologiques mais en tenant compte surtout du type de production porteur sur le march national et international. Les encouragements l'implantation et/ou l'amlioration des performances d'agro-industries peuvent aider :

    dvelopper, maintenir certaines filires (canne sucre/sirop/clairin/rapadou); apporte une valeur ajoute ; garantir (sous certaines conditions) des dbouchs et un prix rmunrateur pour le

    travail paysan);

    crer des emplois durables pour la main d'uvre libre par l'augmentation de la taille des exploitations agricoles et une productivit plus grande.

    Le march foncier enfin. Il manque totalement de transparence du fait que l'essentiel des transactions se fait dans l'informel. La formation du prix de la terre ne semble avoir aucune relation avec la valeur d'usage de la terre et encore moins avec le bnfice que l'exploitant peut en tirer. Les terres sont mises sur le march du fait de la prcarit de la situation conomique de l'exploitation. La dcapitalisation en terre se fait pour des raisons de consommation plutt que de production. En d'autres termes, on vend une terre pour payer des funrailles plutt que pour acheter de l'quipement.

  • Face cette situation, il est inutile d'envisager des actions directes sur le march foncier, dont la connaissance devra tre affine. Ce sont les actions sur l'conomie qui dtermineront un rle diffrent, plus conomique, pour le foncier. De mme que ce sont les actions sur les institutions qui amneront une meilleure connaissance du march foncier et, le cas chant, des ressources fiscales plus consistantes pour l'Etat.

    Proprit et exploitation agricole : les leons du terrain

    Neuf observatoires fonciers ont initialement t dfinis pour la ralisation des tudes de terrain. Il sagissait de :

    Colonie Grand-Bassin, dans le Nord-Est ;

    Cadouche Quartier Morin, dans le Nord ; Dbauch Saint-Michel de lAttalaye, administrativement situ dans lArtibonite,

    gographiquement log dans le Plateau Central ;

    Dseaux Petite Rivire de lArtibonite, dans le Centre ; Etang-Manneville Thomazeau, dans lOuest ; Bleck Thiotte, dans le Sud-Est ; Durand Chantal, dans le Sud ; Duverger Aquin, dans le Sud ;

    Mare-Bois dOrme Baie de Henne, dans le Nord-Ouest.

    Les recherches nont pu se poursuivre que sur les six premiers observatoires. Il manque donc notre chantillon les situations suivantes : terres de lEtat lintrieur dun Parc National Naturel (Durand), terres prives de bord de mer o les productions dominantes sont le charbon et le sel, terres au statut indtermin o lagriculture est itinrante et extrmement extensive (Mare Bois dOrme). Les caractristiques des six observatoires qui ont fait lobjet denqutes approfondies sont synthtises la page suivante.

    Les chiffres tirs des enqutes d'exploitation nous font le tableau d'une agriculture dcapitalise, n'apportant que des revenus trs faibles que l'agriculteur doit complter par des activits de transformation, des activits non-agricoles, des apports de parents l'extrieur. Il ressort galement qu'il n'y a pas un lien direct entre la superficie des exploitations et le niveau de revenu dgag par les agriculteurs. Pour tre plus prcis, on peut affirmer que, en fonction de l'aire agro-cologique considre, les petites superficies ne donnent aucune chance de s'assurer un revenu mme mdiocre (mme si l'on augure que la productivit par unit de surface y est plus leve) mais que les grandes superficies observes (c'est--dire dpassant rarement plus de trois carreaux) ne sont pas non plus une

  • garantie de revenus paysans satisfaisants. Les blocages majeurs seraient plutt rechercher du ct du capital d'exploitation dont le foncier constitue l'essentiel et dont les quipements, les btiments constituent une part insignifiante.

    De mme, les cots de production traduisent une agriculture peu comptitive. Ils sont constitus essentiellement par des cots de main d'uvre et o les intrants, les achats et amortissements de matriel n'entrent que trs peu pour ne pas dire pas du tout. Les informations apportes par les enqutes d'exploitation aussi bien que par les enqutes de parcellaire, permettent d'affirmer un caractre local trs marqu du foncier. L'histoire et l'cologie ont apport les lments constitutifs de situations trs particulires (Colonie, Dseaux, par exemple). Pour d'autres observatoires, le facis agraire est une combinaison spcifique de traits communs tous. Chaque fois qu'il sera question des grandes catgories classiques de la tenure foncire (achat, hritage, indivision), il faudra les replacer dans le contexte particulier de chaque observatoire.

  • Prsentation synthtique des observatoires

    Colonie Cadouche Dbauch Dseaux Etang Manneville

    Bleck

    aire agro-cologique

    collines sches plaine semi-humide

    plateau sec plaine irrigue plaine irrigue montagne humide

    activits dominantes

    manioc, levage mixte, charbon

    canne/clairin, banane

    sorgho, pois congo, riz pluvial

    riz banane, levage, 11 cult.vivrires

    caf, banane

    Taille moyenne des parcelles (en ha)

    0.82 1.50 0.68 0.37 0.16 1.10

    Rgime de proprit

    achat (63%) indivision (59%) achat (86%) achat (40%) achat (55%) achat (51%)

    % propritaires non-rsident

    0% 21 % 64% 34% 20% 8%

    Scurit foncire 51% reu Comit

    61 % acte notari et/ou procs-verbal d'arpentage

    75% acte notari et/ou procs-verbal d'arpentage

    64% sans titre de proprit

    37% sans titre de proprit

    69% acte notari et/ou procs-verbal d'arpentage

    Mode de faire-valoir

    79% de FVD 84% de FVD 75% de FVD 53% de FVD 39% de mtayage

    99% de FVD

    S.A.U. (en cx) 1.93 1.27 2.07 0.68 2.91

    Taille moyenne des exploitations (en cx)

    3.35 1.78 2.54 3.17 1.60 4.46

    Rev. agr. moyen 3 341 20 323 5 809 30 733 8 569 28 413

    Rev. total moyen 6 431 28 027 10 526 47 904 17 827 45 724

    Groupe d'ge des exploitants

    45 75 ans 35 75 ans 30 65 ans plus de 30 ans plus de 30 ans (50% de plus de 50 ans)

  • Un pays microfundiaire La petite proprit paysanne4 est largement dominante dans les observatoires pris en compte et ses caractristiques actuelles confortent certains faits observs par d'autres mthodes. Les parcelles sont petites; 42 97 % de l'espace des observatoires est occup par des

    parcelles de moins d'un carreau, soit 64 ares.

    La petite proprit paysanne se prsente sous forme de terres achetes (entre 31 et 86% de la surface des parcellaires), ou en indivision (entre 13 et 59% de la surface des observatoires.

    Le faire-valoir direct est largement dominant: entre 65 et 93% de la superficie des observatoires. Deux exceptions notables, toutes deux en zones irrigues, Thomazeau o le faire-valoir direct reprsente 37% des surfaces cultives et Dseaux o il reprsente 48%.

    Des comparaisons utiles peuvent tre faites entre les diffrents observatoires autour de trois lments : le morcellement de l'espace, le rgime de proprit et les modes de faire-valoir.

    les deux observatoires les plus radicalement opposs sont les observatoires de l'Etang Manneville avec un grand nombre de petites parcelles (microfundia) et de Bleck o l'on peut enregistrer les parcelles les plus grandes;

    Dseaux, Cadouche et Dbauch affichent des valeurs plutt moyennes; les observatoires qui comptent le plus grand nombre de petites parcelles sont Colonie et

    l'Etang Manneville. On volue globalement dans un univers microfundiaire et quand on parle de grande parcelle, comme c'est le cas Bleck, on parle rarement de parcelles de plus de trois cinq carreaux. En comparant le rgime de proprit entre les diffrents observatoires, on peut faire les constats suivants:

    l'achat et l'indivision sont les modes d'appropriation les plus courants, ce sont mme les seuls que l'on observe l'Etang Manneville et Dbauch;

  • l'hritage lgal est un phnomne quasi marginal, qui s'observe surtout Cadouche et Bleck o une rentabilit partir des cultures d'exportation (caf et canne sucre) est assure;

    seul Dseaux prsente une catgorie "indtermin", flou et incertitude crs par la situation particulire de la valle de l'Artibonite.

    En ce qui concerne les modes de faire-valoir, plusieurs lments apparaissent:

    le faire-valoir direct est largement prdominant (plus de 60%) sauf sur les deux sites irrigus (Dseaux et Etang Manneville) o il atteint nanmoins plus de 50% Dseaux et prs de 40% Etang Manneville;

    le mtayage est un phnomne prsent sur les sites de l'Etang Manneville, Dseaux et Cadouche, avec une prsence trs forte l'Etang (40%);

    le mode de faire-valoir indirect plus courant Dseaux est le fermage (prs de 30%); les squatters sont peu nombreux et se rencontrent sur trois sites;

    le "plane" est une particularit de l'Artibonite, proche de l'antichrse mais ne s'y assimilant pas.

    Le graphique suivant offre une synthse de ces lments de comparaison.

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    Les agriculteurs Si la vocation du Ministre de l'Agriculture est de permettre l'augmentation de la production agricole et d'assurer des revenus suffisants aux agriculteurs, si on peut imaginer pour l'INARA un rle similaire celui de la CNASEA (Centre National pour l'Amnagement des Structures des Exploitations Agricoles) en France, il est de toute importance de dfinir, plutt que des tailles d'exploitations, des profils d'agriculteurs et des structures d'exploitations agricoles aptes rpondre rapidement et efficacement aux incitations que ces institutions pourraient offrir. Une typologie des exploitants agricoles, entrepreneurs paysans et citadins rencontrs sur les sites. Neuf profils, ncessairement schmatiques mais qui permettent de comprendre aisment les modes de gestion et de vie en fonction des systmes agro-cologiques identifis. Ces profils-types n'existent videmment pas; les exploitants rels s'en rapprochant plus ou moins. L'intrt de l'exercice tant de permettre d'apprcier les potentialits offertes par chaque type en termes de capital foncier, quipement, charge en btail, contraintes sociales (faire-valoir, charges, revenus) auxquelles ils sont confronts et les objectifs poursuivis, au regard des systmes agraires en place. Tous les types ne se rencontrent pas sur tous les observatoires. Nous prsentons, d'une part, la typologie telle que nous l'avons thoriquement dfinie et, d'autre part, un chantillon des lments trouvs sur chaque terrain et qui semblaient correspondre aux types dfinis. Encore une fois, la spcificit de chaque observatoire joue fond. On est joker avec des revenus plus importants Dseaux qu' Colonie et un notable de Dbauch ne fait pas les revenus d'un jeune loup Cadouche.

    Deux interlocuteurs privilgis dans une telle perspective: le jeune loup et le vtran. On peut juger de l'importance et de la rentabilit de l'agriculture sur un site donn partir de la prsence ou de l'absence de ces deux types d'agriculteurs. Le premier dispose d'un potentiel important pour assumer une politique agro-foncire exigeante. Le vtran contrle un foncier important et reprsente un modle social, le modle de la russite dans le monde rural. Toute politique agro-foncire visant, par exemple, rajeunir le monde des agriculteurs, doit lui offrir une sortie honorable de l'exploitation et permettre de librer des terres pour les plus jeunes. Il ne faut pas voir dans cette situation une injustice sociale. Il s'agit souvent d'une accumulation qui s'est faite sur 40 50 ans de dur travail. En privant ce groupe de ses revenus (mme en faire-valoir indirect) et en privant leurs enfants de leur hritage, on risque de dmotiver tous les jeunes agriculteurs, toutes catgories confondues. Une solution tant, vu les moyens limits de l'Etat, la mise au point d'un viager. Le jeune premier est, un moindre titre, un interlocuteur valable et porteur d'avenir. Trois types nous semblent d'emble carter: le joker, le nomade et le vaincu. Le nomade a un objectif hors de l'agriculture qui n'est qu'un pis-aller. Il est difficile de fonder une politique agro-foncire sur un ternel absent. Joker et vaincu ont trop de charges pour que tout investissement ne soit automatiquement consomm. Nous ne voyons donc gure

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    comment les intgrer une politique dont l'objectif est d'abord de permettre d'investir et... d'attendre un retour d'investissement pour relever le niveau de revenus - et donc de consommation. L'habitant, l'entrepreneur et le notable sont des interlocuteurs incontournables. Malgr leur ge parfois lev ils reprsentent un savoir-faire et une capacit de rponse aux stimuli conomiques qui peuvent dynamiser assez vite une politique agro-foncire bien pense. Un type manque notre typologie car n'existant pas sur les observatoires choisis, c'est le Gentleman Farmer. Il serait nanmoins dangereux de l'ignorer, vu son importance dans la vie conomique nationale. Il s'agit du citadin, universitaire ou non, souvent agronome, qui investit suivant le contexte conomique national et international, dans des cultures d'exportation ou lies l'agro-industrie: mangues, fleurs, lgumes ou fruits de contre-saison, etc. Il contrle souvent du foncier familial en indivision et peut supporter des cots de production levs, associs un niveau de technicit nettement diffrent de celui du paysan. Ce type, en veilleuse, en marge de la plupart des rgions tudies (Milot, Plaine de Logane ou du Cul-de-Sac), autrefois structur autour de l'Association des Producteurs Agricoles (APA), a subi de plein fouet l'impact de l'embargo et se sent limit par l'inscurit publique persistante et l'inscurit foncire grandissante (occupation sauvage de terre ou rforme agraire).

    L'exploitant agricole a rarement moins de trente ans, est presque toujours un homme

    (seule exception notable: l'Artibonite ou les femmes chefs d'exploitation sont nombreuses) et gre des exploitations dont la viabilit conomique n'est pas toujours vidente (faible productivit, charges trop lourdes, etc.). Peu d'exploitations sont en mesure de supporter le poids d'une modernisation de l'agriculture. Cette typologie permet de rappeler une ide fondamentale. Toute orientation de politique agricole ou de politique agro-foncire ne sera pas perue et reue de faon uniforme dans le monde rural. Les potentialits sont diffrentes, la capacit de raction aux incitations comme aux dcisions inhibitrices galement. Les responsables doivent tre en mesure d'anticiper les ractions aux dcisions administratives et/ou de fonder celles-ci en s'appuyant galement sur une bonne connaissance des interlocuteurs.

    Le conflit-type qui peut s'observer partout l'exception de Durand, c'est la contestation de vente. Que les protagonistes soient parents ou non, le schma est le mme: au nom de l'imprescriptibilit du partage et du partage galitaire, les parents et hritiers d'un individu ayant fait une transaction il y a dix, vingt, cinquante ans peuvent contester la transaction en prtendant que leur branche de la famille a t lse. Ceci donne lieu diffrentes ractions, dont la violence n'est pas exclue, mais qui se traduit le plus souvent par d'interminables dmarches auprs des tribunaux et des parquets.

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    Un nouveau type de conflit est apparu depuis 1994: la contestation des droits des propritaires au motif d'une usurpation de terres de l'Etat par les soi-disant propritaires. C'est le cas Milot, c'est le cas mme pour certains conflits urbains, notamment Port-au-Prince. Le schma est simple: des individus (Milot) ou des institutions (les mairies le plus souvent) occupent illgalement des terres en voquant une usurpation, sans qu'il y ait eu rclamation de l'Etat pour rtablir ou tablir ses droits de proprit. Tout se passe comme si les "envahisseurs" se substituaient l'Etat. Pas d'observatoire sans conflit. Mme si la nature du conflit change d'un observatoire l'autre.

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    Typologie des exploitants agricoles

    Le Jeune Premier + Le Jeune Loup ++ Le Joker -

    25 40 ans Ecole primaire ou non Peu de charges Contrle 1 carreau en faire-valoir indirect ou en indivision

    Prend du btail en gardiennage Activits exclusivement agricoles

    Vend ou non sa main d'uvre

    25 40 ans Ecole primaire ou plus Peu de charges Revenus apprciables tirs des rcoltes et du btail

    Activit non-agricole ou de transformation importante

    Contrle plus d'un carreau en pr-hritage, usufruit, faire- valoir direct ou achat

    moins de 55 ans analphabte ou non 5 6 bouches nourrir revenu important tir de la vente de sa main d'uvre contrle moins d' de cx (mtayer ou indivisaire)

    menu btail va/peut mal tourner

    Le Nomade - L'Habitant + L'Entrepreneur +

    entre 25 et 40 ans analphabte ou cole primaire cheval sur P-au-P, la Rp. Dominicaine, l'Artibonite ou tentatives permanentes de migration vend sa mo ou non activits non-agricoles = activits agricoles

    exploite peu d'espace objectif: migrer dfinitivement ou accumuler du capital hors de sa zone d'origine

    45 60 ans analphabte, primaire ou secondaire charges importantes mais moyens importants

    contrle 2 5 cx ou plus (achat, hritage, grance, etc.)

    revenus agricoles et activits de transformation achte de la main d'uvre, utilise la traction animale ou mcanise

    35 60 ans CEP ou plus citadin ou non contrle un foncier important (achat, indivision) peu engag dans l'agriculture (activits agro- industrielles plus importantes ou lies l'agro-industrie qu'activits agricoles): guildivier, machokt, borlette, etc. utilise une main d'uvre importante

    Le Notable + Le Vtran * Le Vaincu -

    entre 50 et 70 ans revenus agricoles = revenus non-agricoles ou tirs de la transformation contrle 5 cx ou plus (achets, hrits)

    achte de la mo propritaire de moulin, de canter, de voilier ou profession librale (arpenteur, juge, etc.)

    Plus de 65 ans Vieil exploitant en fin de parcours (ancien jeune loup, ancien habitant, entrepreneur ou notable)

    Peu de charges Achte de la mo, gre des restavec

    contrle un foncier important cd aux enfants illgitimes (enfants lgitimes P-au-P ou l'tranger)

    Btail donn en gardiennage

    Plus de 40 ans Enfants et/ou petits-enfants charge

    Contrle peu de foncier, souvent cd en pr-hritage Activit artisanale (chapeaux, chaises, etc.)

    A la limite de la scurit alimentaire

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    7. Que faire?

    Plusieurs voies s'offraient, en thorie, aux volonts de rforme. Nous en avons dgag trois qui devront ncessairement faire dbat.

    Scnario 1 : la rforme agraire L'axe fondamental de laction gouvernemental est aujourdhui le suivant: changer la proprit la campagne. Le postulat de dpart, exprim travers discours et pamphlets, est fort simple. Tous les modes d'appropriation, de 1804 nos jours, sont considrs comme douteux sinon illgitimes. Ils se seraient construits aux dpens du domaine priv ou public de l'Etat. Il faut donc refonder les droits de proprit partir, d'une part, de la rcupration par l'Etat de son patrimoine foncier et, d'autre part, une redistribution galitaire entre les supposs exploitants rels de la terre. Il s'agit donc bien d'une rforme agraire au sens propre du terme: redistribution de la proprit. Les structures des exploitations agricoles ne changent pas. Il est implicite que proprit et exploitation se confondent. La politique agricole nationale ne change pas : gestion par projets, prminence des ONG, appuis ponctuels en semences, engrais, mcanisation, crdit. Les options implicites de politique macro-conomiques et financire sont maintenues: libert d'importer et d'exporter, objectif taxation zro au niveau des douanes, imprcision quant aux objectifs conomiques et donc au choix des secteurs de support de ces objectifs. Une politique de redistribution a t applique sur 1 000 hectares et doit encore en toucher 3 000, d'aprs ce qui a t annonc par le gouvernement le 1er mai 1997, avec trois caractristiques importantes: - distribution d'un demi-hectare par famille; - statut lgal indtermin des bnficiaires; - statut lgal indtermin de laction de l'INARA qui "prend possession". Les premires actions ont bnfici de l'octroi d'un fonds exceptionnel partir du budget national, pour assurer travaux d'infrastructure (rfection de canaux, de drains, dlimitation parcellaire), crdit (5 000 gourdes par bnficiaire), intrants (semences et engrais). Une telle rforme agraire s'inscrit dans un contexte d'agriculture dficitaire. Les exploitants agricoles, dans l'Artibonite comme ailleurs, du fait du cadre macro-conomique et du fait des problmes structurels de la production agricole elle-mme, n'arrivent pas tirer des revenus significatifs de leur production. Il est craindre que le nivellement partir de la superficie comme critre principal, ne mette tous les exploitants agricoles en situation de dcapitalisation, sinon de survie prcaire, et ne dmobilise les paysans les plus

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    dynamiques de la production agricole. Sans aucun profit pour l'agriculture et les agriculteurs. Si nous devons prendre les mots avec leur charge idologique et leur valeur conceptuelle, une rforme agraire reste et demeure une distribution de terres devant rencontrer des objectifs conomiques et de justice sociale. Il nous semble que le contexte ne se prte pas une rforme agraire prise au sens strict car, sauf remettre en question deux sicles d'attribution (ventes, dons, dons conditionnels, etc.) de terres de l'Etat et de transactions sur les prives et cent ans de politique d'affermage des terres de l'Etat, il n'y a que trs peu de terres disponibles pour une distribution. Il existe certes des terres de l'Etat dans des rgions ou la proprit de l'Etat n'est pas conteste (contrairement la situation de l'Artibonite, suite aux dsordres introduits par la gestion administrative des conflits fonciers depuis 45 ans). Il en est ainsi des les adjacentes et de diffrentes rgions de moyenne et de haute montagne. Il est relativement facile d'organiser dans ces zones une attribution formelle en toute proprit des terres de l'Etat aux exploitants rels actuels, sous rserve de trouver un terrain d'entente avec les fermiers en titre lorsque ces fermiers ne sont pas exploitants directs. Mais il s'agit d'environ 10% du territoire national et qu'il ne s'agit pas ncessairement des terres les plus productives. Il n'y a pas de grandes superficies de terres de l'Etat distribuer. Il est important de dissocier l'application de la loi de rforme agraire (du ressort de la Direction Gnrale de l'INARA) du contrle de la lgalit, de l'opportunit et du respect de la politique dfinie par l'INARA (du ressort du Conseil d'Administration de l'INARA). En d'autres termes, les actions de la Direction Gnrale doivent se justifier par des dcisions du Conseil d'Administration clairement dfinies et consignes par procs-verbal. Ceci pour dgager la responsabilit personnelle du Directeur Gnral dont les actions doivent reflter en mme temps la politique gouvernementale et le consensus cr avec la socit civile, galement reprsente au sein du Conseil d'Administration. Dans cette perspective, la constitution du Conseil d'Administration et la tenue de sa premire runion sont pressantes tant du point de vue de la dfinition de la politique de rforme que pour empcher des drives personnelles dans la mise en uvre de la rforme et que celle-ci puisse bnficier d'un large appui tant l'intrieur du gouvernement que des reprsentants de la socit civile l'intrieur du Conseil d'Administration.

    Un arrt ne fait pas la lgalit d'une dcision administrative. La nature juridique des actions autorises (et opres) est floue: il ne s'agit ni de confiscation, ni d'expropriation ni d'aucune catgorie lgale connue. Ce sont des "prises de possession". Les bnficiaires ne sont ni des fermiers, ni des mtayers, ni des propritaires. La socit civile, dans ses structures les plus concernes par le foncier (arpenteurs, notaires, juristes) a t tenue l'cart. L'INARA ne peut continuer voluer dans un cadre lgal douteux. Son dcret d'organisation et de rglementation doit tre soumis au Parlement. L'existence de l'INARA avec les missions et attributions qui lui ont t dfinies par le dcret d'avril 1995 renforce, s'il en tait besoin, l'imprieuse ncessit d'une loi-cadre qui fixe les rles, statuts, missions et attributions des diffrentes institutions impliques dans la gestion du foncier, notariat,

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    Conservation Foncire, Cadastre, etc. Le pouvoir donn l'INARA de dlivrer ou d'authentifier des actes translatifs de droits de proprit est de nature renforcer l'inscurit foncire ambiante. Il faut viter de rechercher les solutions l'imbroglio foncier hors des institutions dont la vocation est la gestion du foncier (des conflits fonciers notamment) et de leur substituer l'INARA, sur le modle de ce qui avait t fait avec la Commission Prsidentielle Agraire en 1971. L'INARA ne peut concentrer sur elle seule les responsabilits de la rforme agraire et outrepasser l'autorit et les comptences de nombreuses autres institutions impliques dans la gestion du foncier. Sous peine de voir son action se heurter l'ensemble des structures qui lui ont prexist et tre condamn l'inefficacit, l'inapplicabilit ou voir la prennit de son action compromise moyen terme. Le Mini