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______________________________________________________________________ Les budgets de défense en France, entre déni et déclin ______________________________________________________________________ Martial Foucault Avril 2012 F F o o c c u u s s s s t t r r a a t t é é g g i i q q u u e e n n ° ° 3 3 6 6 Laboratoire de Recherche sur la Défense

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Les budgets de défense en France, entre déni et déclin

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Martial Foucault

Avril 2012

FFooccuuss ssttrraattééggiiqquuee nn°° 3366

Laboratoire de Recherche sur la Défense

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L’Ifri est, en France, le principal centre indépendant de recherche, d’information et de débat sur les grandes questions internationales. Créé en 1979 par Thierry de Montbrial, l’Ifri est une association reconnue d’utilité publique (loi de 1901). Il n’est soumis à aucune tutelle administrative, définit librement ses activités et publie régulièrement ses travaux. L’Ifri associe, au travers de ses études et de ses débats, dans une démarche interdisciplinaire, décideurs politiques et experts à l’échelle internationale. Avec son antenne de Bruxelles (Ifri-Bruxelles), l’Ifri s’impose comme un des rares think tanks français à se positionner au cœur même du débat européen.

Les opinions exprimées dans ce texte n’engagent que la responsabilité de l’auteur.

ISBN : 978-2-36567-015-9 © Ifri – 2012 – Tous droits réservés

Toute demande d’information, de reproduction ou de diffusion peut être adressée à [email protected]

Site Internet : www.ifri.org

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« Focus stratégique »

Les questions de sécurité exigent désormais une approche intégrée, qui prenne en compte à la fois les aspects régionaux et globaux, les dynamiques technologiques et militaires mais aussi médiatiques et humaines, ou encore la dimension nouvelle acquise par le terrorisme ou la stabilisation post-conflit. Dans cette perspective, le Centre des études de sécurité se propose, par la collection « Focus stratégique », d’éclairer par des perspectives renouvelées toutes les problématiques actuelles de la sécurité.

Associant les chercheurs du centre des études de sécurité de l’Ifri et des experts extérieurs, « Focus stratégique » fait alterner travaux généralistes et analyses plus spécialisées, réalisées en particulier par l’équipe du Laboratoire de Recherche sur la Défense (LRD).

L’auteur

Martial Foucault est professeur agrégé de science politique à l’Université de Montréal et directeur du Centre d’Excellence sur l’Union Européenne (Université de Montréal/McGill University). Depuis 2010, il est éditeur associé de la revue Canadian Public Policy. Ses champs de spécialisation sont l’économie politique (internationale), les politiques publiques, les comportements électoraux ainsi que les techniques quantitatives.

Le comité de rédaction Rédacteur en chef : Etienne de Durand

Rédacteur en chef adjoint : Elie Tenenbaum

Assistante d’édition : Constance de Roquefeuil

Comment citer cet article Martial Foucault, « Les budgets de défense en France, entre déni et

déclin », Focus stratégique, n° 36, avril 2012.

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Sommaire

Introduction _____________________________________________ 7

Un budget de la défense en trompe l’œil _____________________ 9

Quelques repères macroéconomiques _________________ 9

Evolution des dépenses militaires en France __________ 12

L’impasse budgétaire ______________________________ 13

Des lois de programmation militaire intenables _______________ 25

2002 : Un changement de cap _______________________ 26

De fortes incertitudes sur l’après-2012 ________________ 30

Bilan de la LOLF __________________________________ 32

Choix budgétaires : « welfare vs. warfare » ? _________________ 39

Comparaisons internationales : maintien ou déclassement ? ____ 45

Europe de la défense et divergence budgétaire ________ 45

Perspectives globales : le spectre du déclin européen ? _____________________ 50

Conclusion _____________________________________________ 53

Annexes _______________________________________________ 55

Références _____________________________________________ 59

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Résumé

Le budget de la défense, quatrième poste de dépenses de la République, est rarement soumis à un débat public. Ces trente dernières années, cette question a été marquée tour à tour par le désir de toucher les « dividendes de la paix » au lendemain de la guerre froide, la professionnalisation de 1997 et le durcissement des opérations extérieures après le 11 septembre 2001. Ces fluctuations se sont inscrites dans un contexte économique et social contraint dans lequel les dépenses militaires ont joué le rôle de variable d’ajustement – et ce, quelles qu’aient été les majorités au pouvoir. Alors que le nouveau cadre budgétaire mis en place par la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) devait permettre une meilleure gestion des dépenses, le Livre blanc de 2008 affichait des objectifs qui sont vite apparus comme irréalistes, compte tenu de la rapide détérioration des finances publiques. Dans un contexte international marqué depuis une décennie par l’augmentation des dépenses militaires, il convient de s’interroger sur les arbitrages budgétaires qui décideront demain de l’avenir de la défense de la France.

* * *

Although defense spending is the fourth budget item in France, it is rarely a matter of public debate. During the past three decades, defense has been affected in turn by the desire to rip the benefit of the post-Cold War “peace dividend”, the professionalization of 1997, and the increase of overseas operations after September 11, 2001. These fluctuations occurred in a constrained economic and social context, in which military spending has played the role of the expandable line – irrespective of the majority in power. Even if the new budgetary framework set up by the LOLF (Organic Law relating to the Finance Laws) was supposed to improve spending management, the goals of the 2008 White Paper on Security and Defense quickly emerged as unrealistic, given the rapid deterioration of public finance. After a decade of continuous growth of international military spending, it seems appropriate to examine and question the budgetary choices that will decide of the future of French defense capabilities.

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Introduction

ompte tenu de la situation économique de la France et des effets de la crise sur les finances publiques, compte tenu également des charges

héritées et des dépenses en cours, la défense française fait face à des enjeux considérables à court et à moyen termes. La séquence électorale du printemps 2012 aurait pu être en théorie l’occasion d’apporter des éléments de réponse.

Pourtant, la politique de défense semble avoir été une nouvelle fois largement absente des débats publics1. Malgré un budget annuel de 40 milliards d’euros (4ème budget après le ministère de l’Education, le paiement des intérêts de la dette et la dotation aux collectivités locales)2

1 A l’exception d’une présentation de leur vision de la politique de défense pour les prochaines années dans la Revue Défense Nationale (avril 2012), les candidats à l’élection présidentielle restent très discrets durant la campagne électorale, faisant de la défense un enjeu invisible.

et 320 000 personnels militaires et civils, les choix de défense de la France restent confinés à un cénacle d’experts ou de praticiens, suggérant ainsi que l’opinion aurait une vision permanente et apolitique de la défense ne justifiant pas de débat public. La première puissance militaire d’Europe avec le Royaume-Uni, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, détentrice de l’arme nucléaire, et désormais membre à part entière de l’OTAN, laisserait l’opinion publique française indifférente quant à ses ambitions de puissance et aux moyens de les accomplir. La participation de la France en 2011 aux opérations en Libye en Afghanistan, qui a mobilisé 7 800 militaires directement engagés dans des opérations de combat, devrait pourtant susciter un débat plus substantiel quant au rôle du pays sur la scène internationale et interroger sur ses capacités à poursuivre de tels efforts à l’avenir. Or, dans un sondage réalisé par LH2 pour Le Nouvel Observateur les 4 et 5 novembre 2011, seuls 3 % des répondants considèrent que l’Etat français devrait accorder prioritairement des moyens financiers supplémentaires à la défense nationale (contre 64 % pour l’emploi et 48 % pour l’éducation nationale). Enfin, en guise de paradoxe, lorsque les Français sont interrogés chaque année sur l’image des armées,

2 Les intérêts de la dette pèsent pour 48,8 milliards d’euros, les transferts aux collectivités locales représentent 55,3 milliards d’euros, et le budget de l’éducation nationale atteint 62,3 milliards d’euros en 2012 (88,1 milliards d’euros en incluant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche) – voir le rapport sur l’évolution de la dépense publique (Ministère du Budget, 2012).

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une grande majorité d’entre eux expriment une opinion très positive de l’institution militaire3

Ces quelques éléments factuels pourraient suggérer que la politique de défense française connaît une période sans heurt, ce que semblerait confirmer l’existence simultanée d’une certaine relégation budgétaire et d’une image positive. La réalité est beaucoup plus nuancée, pour ne pas dire préoccupante. Depuis 2009, la Défense apporte sa quote-part à la rationalisation de la fonction publique et à la réduction de ses effectifs, avec la fermeture programmée d'environ 80 unités militaires, le transfert d'une trentaine d'autres et la suppression de 54 000 emplois sur 320 000 personnels (dont 250 000 militaires).

.

La présente étude vise précisément à s’interroger sur l’état de l’effort budgétaire de la France en matière de défense nationale sur une longue période. Une telle analyse suppose dans un premier temps de rappeler le contexte politique dans lequel les choix budgétaires sont opérés. Il faut ensuite dresser un portrait statistique le plus fin possible des évolutions budgétaires du ministère de la Défense, à la lumière d’autres ministères régaliens et à l’intérieur des grandes catégories budgétaires de la défense. Dans cette perspective, une deuxième partie insiste sur la période actuelle, en mettant en avant les difficultés chroniques de respect des lois de programmation militaire depuis 1997, et l’impact de ces difficultés sur le format des armées, leur capacité de projection, la disponibilité des matériels et enfin la programmation d’achats. Enfin, la place de la France comparativement à ses alliés de l’OTAN est examinée dans une dernière partie, afin d’établir les périodes de convergence et de divergence avec l’effort budgétaire du Royaume-Uni, de l’Allemagne et des Etats-Unis.

En matière de défense, la proximité des élections présidentielles puis législatives devrait être l’occasion de mieux cerner les choix de politiques publiques et les grandes orientations politiques à moyen et long termes. La place de la défense nationale mérite un éclairage attentif et minutieux pour au moins trois raisons : la place supposément centrale de la Défense dans le budget de l’Etat, l’adaptation de l’outil à l’évolution des menaces, enfin les progrès soi-disant accomplis en matière d’européanisation des politiques de défense. Or, sur ces trois points, la réalité apparaît en-deçà des perceptions et semble même parfois relever de l’incantatoire.

3 DICOD, Les Français et la défense, 15 ans de sondages, Paris, ministère de la Défense.

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Un budget de la défense en trompe l’œil

n l’espace de 30 ans, l’effort budgétaire de défense de la France a connu de profondes transformations, tantôt à contre-courant de la

tendance européenne générale, tantôt en dépit d’ambitions stratégiques clairement identifiées, tantôt au prix d’une modernisation drastique du format des armées et finalement au gré des alternances politiques. Longtemps considérée comme sanctuarisée, la défense est aujourd’hui un des ministères les plus exposés aux politiques de réduction budgétaire. Avant d’analyser les causes et les conséquences de tels ajustements financiers, il est important de rappeler que les choix de politique de défense traduisent non seulement l’engagement de la France sur la scène internationale et son rôle multidimensionnel (ONU, OTAN, UE) mais aussi sa vision stratégique dans l’environnement de l’après-guerre froide. Dans un monde idéal et hypothétique, c'est-à-dire sans contraintes budgétaires, la France occuperait une position privilégiée de puissance militaire avec une inclinaison à assurer le leadership au sein de l’Union européenne. Dans le monde réel, marqué par un contexte d’austérité budgétaire, comment les puissances dites militaires parviennent-elles à maintenir leur rang international avec des budgets de défense en baisse ou en stagnation ? Plutôt que de relier mécaniquement la « posture » internationale d’un pays à son effort budgétaire de défense, il est plus judicieux de regarder les arbitrages budgétaires par poste de dépenses, par armée et dans le long terme. De cette manière, le modèle d’armée français tel que défini dans le Livre blanc sur la défense de 2008 est évalué au regard des ambitions capacitaires énoncées et des moyens d’en assurer le financement.

Quelques repères macroéconomiques Discuter des choix budgétaires de défense de la France implique en premier lieu de rappeler dans quel contexte de finances publiques de tels choix ont été engagés. Une littérature abondante a qualifié la période post-1989 comme une période dite des « dividendes de la paix ».4

4 Malcolm Knight, Norman Loayza and Delano Villanueva, « The Peace Dividend: Military Spending Cuts and Economic Growth », IMF Staff Papers, vol. 43 n°1, 1996, Palgrave Macmillan, pp. 1-37; Sanjeev Gupta, Benedict Clements, Rina Bhattacharya, and Shamit Chakravarti, « The Elusive Peace Dividend », Finance & Development, vol. 39, n°4, 2002.

Cette période correspondait à une baisse substantielle des budgets de défense des principales puissances militaires (Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie, France, etc.) en réaction à l’absence de menaces géopolitiques majeures,

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comparables à ce qu’avait été la confrontation Est/Ouest. Par exemple, l’effort américain de défense a diminué de 15,8 % (en dollars constants 2000)5

La question fait débat et ne débouche sur aucun consensus. En effet, depuis les premiers travaux empiriques d’Emile Benoit

alors que la France voyait son budget de défense réduit de 18 % entre 1991 et 2001 (soit 1 point de pourcentage de PIB) et ce malgré le conflit éclair en Irak au début de l’année 1991. La décennie 1990-2000 se caractérise par une croissance économique mondiale soutenue massivement par l’ouverture des frontières, la progression du commerce international et l’accès à la financiarisation de l’économie. Par conséquent, l’intervention de l’Etat dans l’économie est en retrait et la croissance économique est principalement alimentée par une intensification des échanges et la recherche de gains de productivité. Cette tendance conduit à renoncer à l’idée de l’effet multiplicateur keynésien de la dépense publique suggérant que l’Etat soutient la demande (consommation) effective et donc la croissance économique par des dépenses publiques. Concrètement, cela signifie que dans les pays où la part de l’investissement public est prioritairement alimentée par l’effort de défense (dépenses en capital), il devient plus difficile de justifier l’engagement d’un euro en dépenses publiques s’il est démontré que le même euro consacré à libéraliser l’économie contribue davantage à la croissance économique. La même logique s’applique-t-elle à l’investissement public de défense ?

6, le lien entre croissance économique et dépenses militaires divise la communauté des économistes. Pour certains, il existe une relation positive et robuste, de telle sorte que plus un pays investit en dépenses publiques de défense, plus sa croissance économique sera soutenue. A l’inverse, d’autres auteurs remettent en cause le lien de causalité entre dépenses de défense et croissance économique même si deux agrégats sont corrélés7

5 Sur une période plus longue, entre 1986 et 1997, les données en dollars constants du Greenbook du Department of Defense indiquent une chute de 31 % des dépenses militaires entre 1986 (point haut des années 1980) et 1997 (point bas post-guerre froide). Pour la même période, les dépenses militaires françaises ont baissé de 11 %.

Dans le cas de la France, les travaux menés jusqu’à présent sur des périodes différentes concluent à l’existence d’une double relation : (1) il n’existe pas de corrélation positive significative entre les dépenses de défense et le niveau de PIB ; et (2) les dépenses militaires sont elles-mêmes dépendantes des conditions économiques d’un pays. En somme, on ne peut pas affirmer que plus la France augmente son budget de défense, plus elle augmente son niveau de richesses produites. A l’inverse, plus la croissance du PIB est élevée, plus le niveau de dépenses militaires a tendance à augmenter. Autrement dit, il existe un lien étroit entre les choix de dépenses militaires et les conditions économiques de financement de ces dépenses. Ce résultat est confirmé par une récente étude

6 Emile Benoit, Defense and Economic Growth in Developing Countries, Lexington, Lexington Books, 1973. 7 Rati Ram, « Defense expenditure and economic growth », in Keith Hartley and Todd Sandler (dir.), Handbook of Defense Economics. Defense expenditures and Economic Growth, Amsterdam, Elsevier, 1995, pp. 251-273.

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économétrique de Malizard8 qui démontre qu’entre 1960 et 2008, l’impact de la croissance du PIB français sur les dépenses militaires est plus important que l’impact des dépenses militaires sur la croissance économique. Et de conclure que cet effet est persistant dans le temps. Ce résultat est d’ailleurs cohérent avec celui de Martin, Smith et Fontanel9 qui observaient qu’entre 1952 et 1982 les dépenses militaires françaises réduisaient le niveau d’investissement public, favorisaient la croissance économique et avaient des effets ambigus sur le niveau d’emploi. Jacques et Picavet10

A partir de ce cadre d’analyse volontairement simplifié

parvenaient à une conclusion sensiblement identique et mettaient en perspective une relation positive aux Etats-Unis et aucune relation en France.

11

- Quelle est l’évolution des dépenses militaires en France ?

, plusieurs questions méritent un éclairage approfondi :

- Comment les dépenses militaires réagissent-elles aux conditions macroéconomiques ?

- Existe-t-il des différences d’évolution lorsque l’on étudie le budget de la défense par armée et par catégorie de dépenses ?

- La dimension partisane et les alternances politiques influencent-elles le niveau de dépenses militaires ?

- L’orientation budgétaire des dépenses militaires par les lois de programmation militaire représente-t-elle un-elles des garde-fous efficaces par rapport aux politiques d’ajustement des finances publiques ?

8 Julien Malizard, « Causality Between Economic Growth and Military Expenditure: The Case of France », Defense & Security Analysis, vol. 26, n°4, 2010, pp. 401-413. 9 Martin Stephen, Ron Smith and Jacques Fontanel, Time-series Estimates of the Macroeconomic Impact of Defence Spending in France and the UK, in C. Schmidt and F. Blackaby (eds), Peace, Defence and Economic Analysis, London, MacMillian Press, 1987, pp. 342–361 10 Jean-François Jacques et Emmanuel Picavet, « Relations Causales entre les Dépenses Militaires et leur Environnement Macroéconomique: Tests Partiels pour la France et les Etats-Unis », Economie et Prévision, vol. 112, n°1, 1994, pp. 53-68. 11 Le lecteur intéressé par ces questions méthodologiques sur le lien entre dépenses militaires et croissance économique pourra se reporter au chapitre 10 de Rati Ram (1995), op. cit.

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Evolution des dépenses militaires en France Le graphique ci-dessus présente l’évolution depuis 1980 des dépenses militaires en euros constants. Trois périodes distinctes caractérisent les trente dernières années d’engagement budgétaires de la France pour sa politique de défense : (1) la décennie 1980-90 ; (2) la période des dividendes de la paix entre 1990-2002 et (3) le réinvestissement de la défense entre 2002 et 2010.

Plus surprenant, le budget de défense voté en 2010 (32,19 milliards d’euros de 2010) correspond peu ou prou en valeur au budget adopté en 1981. A l’époque, le ministre de la Défense Yvon Bourges présentait un budget en augmentation de 17,9 % par rapport à l’année 1980 et s’enorgueillissait d’une progression de 50 % des autorisations de programme pour les commandes de navires ou encore de la commande de 21 Mirage F1. Trente ans plus tard, le Ministre de la Défense Gérard Longuet rappelait le 16 novembre 2011 devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat « qu’il est impossible de poursuivre indéfiniment sur la voie des déficits budgétaires. Est-ce que la défense sera une variable d'ajustement ? La réponse est clairement non. Sera-t-elle solidaire de la politique nationale ? La réponse est oui ».12

Cette déclaration avant la présentation du budget de la défense pour 2012 illustre le dilemme auquel la France fait face. L’enjeu consiste à trouver un équilibre de plus en plus instable et de moins en moins crédible entre une politique de défense ambitieuse et des ressources de plus en plus rares.

12 Gérard Longuet, 16 novembre 2011.

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Fig.1 : Evolution des dépenses de défense en France, 1980-2010 (M. € constants 2000)

Source: ministère de la Défense, DAF, OED.

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L’impasse budgétaire En valeur absolue, l’évolution des dépenses militaires françaises (fig. 1) est marquée à la baisse depuis 30 ans. Les lois de programmation militaire 2003-2008 et 2009-2014 ont, au moins temporairement, inversé cette tendance baissière. Toutefois, si l’on regarde de plus près ce réinvestissement du secteur de la défense, on observe que l’effort budgétaire rapporté au PIB et au budget de l’Etat est plus alarmant que ne le laisserait croire le discours « rassurant » des ministres de la Défense successifs depuis 2006.

En effet, jamais le poids de la défense rapporté aux richesses créées n’a atteint un seuil aussi faible qu’en 2008 (1,6 % du PIB). Dans un rapport rédigé par l’ancienne Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright13 pour le sommet de l’OTAN de mai 2010, le seuil de 2 % était considéré comme un critère minimum à respecter pour maintenir un niveau de sécurité collective crédible. Cette demande n’est toutefois pas nouvelle et s’inscrit dans le prolongement des débats parfois tendus sur la question du partage du fardeau du financement des missions de l’OTAN14

La première fait écho aux difficultés économiques cycliques auxquelles fait face la France depuis plus de 30 ans. En période de faible croissance économique et donc de tension sur les finances publiques, il est attendu que l’Etat réduise ses engagements militaires pour se concentrer sur d’autres champs d’intervention (emploi, dépenses sociales, etc). Toutefois, sur la période 1980-2010, la progression du PIB s’élève en moyenne à 1,7 % alors que le budget de la défense (hors pensions) n’a progressé que de 0,15 %. Si l’on observe les 15 meilleures années de cette période en termes de croissance économique, il est frappant d’observer que le PIB a crû en moyenne de 2,8 % alors que le budget de la défense a seulement augmenté de 0,3 %.

. Or, si l’on prend en compte la somme des dépenses de capital et de fonctionnement (hors pensions), la France ne respecte plus le critère de 2 % depuis 1997 car il s’établit aujourd’hui à 1,7 %. Deux interprétations simples s’imposent.

La seconde interprétation combine la situation géopolitique et la capacité des dépenses militaires à alimenter la croissance économique. Comme nous l’avons rappelé précédemment, le niveau de dépenses militaires se justifie comme une réponse budgétaire à un impératif de sécurité face à l’existence ou l’émergence ou la possibilité de menaces extérieures. Ainsi, la période 1980-1990 correspond à une hausse moyenne des dépenses militaires réelles de 1,8 %. A l’inverse, la période des « dividendes de la paix » (1990-2001) voit l’effort français de défense

13 Rapport stratégique de l’OTAN, NATO 2020: assured security; dynamic engagement, Mai 2010, accessible à l’adresse : http://www.nato.int/strategic-concept/strategic-concept-report.html 14Martial Foucault et Frédéric Mérand, «The Challenge of Burden Sharing », International Journal, vol. 61, n°1, 2012, à paraître; Hartley Keith and Todd Sandler, « NATO Burden-Sharing: Past and Future », Journal of Peace Research, vol. 36, n°6, 1999, pp. 665-680.

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diminuer en moyenne annuelle de 1,8 %. Il existe donc une relation étroite entre la stratégie militaire de la France, sa perception des menaces internationales et ses engagements budgétaires. S’il est difficile de contester la décision de moins investir en dépenses militaires en période de stabilité internationale, il est en revanche fondamental de préciser que la défense est le secteur où un réinvestissement ne peut se décréter en quelques mois pour faire face à une situation de conflit. L’incrémentalisme budgétaire dominant des démocraties développées15

implique que les processus politiques de refinancement du secteur de la défense nécessitent de nombreuses années pour engager des programmes d’armement, disposer des matériels adéquats, et bénéficier d’une armée opérationnelle. Dès lors, chaque diminution de l’effort de défense en part du PIB ou en pourcentage du budget de l’Etat fragilise le modèle de défense français.

La période récente (2001-2010) correspond à une décennie marquée par un volontarisme budgétaire plus soutenu mais incertain. Le graphique ci-dessus illustre cette situation : la part du budget de la défense se stabilise de nouveau entre 9 en 10 % du budget de l’Etat (contre 13 % dans les années 1980), malgré les effets de la professionnalisation des personnels militaires et la mise en place d’un nouveau cadre financier, la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) sur laquelle nous reviendrons plus en détail ultérieurement. Globalement, l’Etat français accorde la même priorité budgétaire à sa défense en 2010 qu’en 1998. Entre ces deux périodes, la France a multiplié ses interventions en 15Aaron Wildavsky, The Politics of the Budgetary Process, Boston, Little Brown and Company, 1964. L’incrémentalisme budgétaire désigne une trajectoire linéaire de dépenses publiques de telle sorte que les variations de l’année t correspondent sensiblement à celles de l’année t-1. Ce processus était de mise avant l’adoption de la LOLF où près de 89 % des crédits étaient votés à l’identique en termes réels. Alexandre Siné, L’ordre budgétaire, Paris, Economica, 2006.

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Fig. 2 : Effort financier du ministère de la Défense

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Source: ministère de la Défense, DAF, OED.

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Afghanistan, en Côte d’Ivoire, au Kosovo, au Tchad et en Libye dans le cadre de l’opération Harmattan. En 2011 environ 11 000 soldats sont déployés dans le cadre d’opérations extérieures et 4 300 sont prépositionnés à l’étranger, contre 6 100 en 1998.

La structure des dépenses militaires

Le débat sur la structure des dépenses militaires fait rage depuis 1998, année durant laquelle les dépenses d’équipement ont rejoint pour la première fois le niveau des dépenses de fonctionnement (hors pensions). D’un point de vue strictement symbolique, cette convergence entre dépenses de fonctionnement et dépenses d’équipement signifie que le modèle français de défense coûte quasiment aussi cher en personnels qu’en équipements. Ce ratio entre dépenses d’équipement et de fonctionnement n’a pas toujours été proche de la parité. Par exemple, en 1990, pour 10 euros dépensés en fonctionnement 16 euros étaient dépensés en équipements. D’un point de vue stratégique, la diminution drastique des dépenses d’équipement signifie une réduction inéluctable des ambitions françaises en matière de systèmes de forces. L’anticipation de gains de productivité militaire liés à des matériels à haute valeur technologique n’a pas été suivie de gains de productivité en ressources humaines.

La professionnalisation des armées en 1996 aurait pu théoriquement contribuer à un allègement partiel de la masse salariale et une meilleure utilisation du capital humain. Sans remettre en cause l’efficacité opérationnelle de cette réforme, la figure 3 semble confirmer qu’une armée de métier, même relativement sous-équipée par rapport aux armées professionnelles britanniques, coûte relativement plus cher qu’une armée de conscription avec des matériels disponibles et de qualité. L’absence de corrélation entre l’évolution des dépenses d’équipement et des dépenses de fonctionnement sous-tend un problème de cohérence opérationnelle entre les besoins attendus d’une armée professionnelle et l’impossibilité de disposer des équipements adéquats. Depuis 1996, la réduction du nombre de personnels militaires aurait pu en théorie entraîner un processus de substitution du travail au capital – en particulier dans la perspective d’une intensification technologique. Or, la dérive des coûts des programmes d’équipement, l’inflation militaire et les ajustements budgétaires permanents rendent cet impératif plus que jamais incertain.

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En brisant la logique déflationniste en matière de dépenses d’équipement, la loi de programmation militaire 2003-2008 marque un effort substantiel de rattrapage. Toutefois, il n’est pas certain que les choix d’équipement votés à cette période répondent parfaitement aux besoins des armées mais plutôt à la tentation d’offrir à chaque armée un espoir de réinvestissement qui sera finalement de courte durée (baisse de 0,8 % entre 2004 et 2008). La répartition des crédits d’équipement par armée (cf. annexe 2) laisse apparaître un choc en 2006, particulièrement pour la Marine et l’armée de l’Air.

La figure 3 soulève une problématique très peu documentée en France concernant l’évolution des dépenses d’équipement. En raisonnant en valeur, les dépenses d’équipement tiennent compte du taux d’inflation dans l’économie. Or, en matière de biens militaires, plusieurs auteurs ont démontré que l’indice général des prix à la consommation ne rend qu’imparfaitement compte de l’évolution du prix des biens et matières premières nécessaires à la production d’équipements militaires. Au Royaume-Uni, Kirkpatrick a évalué que la hausse du panier de biens militaires était d’environ 3 % plus élevée que le déflateur retenu par le DoD16. Par conséquent, si le Royaume-Uni souhaitait maintenir ses capacités militaires, il devrait valoriser son budget d’équipement de 3 %. Aux Etats-Unis, cette question de l’inflation militaire a été étudiée par Fordham17

16 David Kirkpatrick, « Is Defence Inflation Really as High as Claimed? », RUSI Defence Systems, octobre 2008, pp. 66-71.

qui confirme le décalage d’environ 1 point de pourcentage entre le déflateur du PIB et le déflateur des biens militaires. S’il n’existe pas de travaux similaires en France, il est possible d’établir, à partir des séries

17 Benjamin Fordham, « The Political and Economic Sources of Inflation in the American Military Budget », Journal of Conflict Resolution, vol. 47, n°5, 2003, pp. 574-93.

10 000

11 000

12 000

13 000

14 000

15 000

16 000

17 000

18 000

19 000

Fig. 3. Répartitation des dépenses de défense (hors pensions) (en millions d'Euros constants 2000)

Source: ministère de la Défense, DAF, OED.

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d’indices de prix à la production fournies par l’INSEE, une approximation du décalage entre déflateurs et d’évaluer son incidence sur le budget de la défense. La figure 4 compare le déflateur du PIB (retenu par les autorités budgétaires), l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix « Autres matériels de transport ». Ce dernier indice est issu de la nomenclature d’activités française EC4 dans laquelle se retrouvent la construction navale (GC30A), la construction ferroviaire (GC30B), la construction aéronautique et spatiale (GC30C) et les véhicules militaires de combat (GC30D). Depuis 2005 (année de référence), l’indice des prix de ces trois agrégats économiques évolue de manière similaire avec une légère surévaluation pour l’indice des biens militaires. A partir du troisième trimestre 2010, cet indice s’est fortement accéléré et se distancie d’environ 20 points de pourcentage par rapport à l’indice du PIB. Autrement dit, au 4ème trimestre 2011, pour 1 euro en valeur de biens d’équipement de défense budgété (c’est-à-dire corrigé par le déflateur PIB), l’industrie de défense française ne peut réellement produire cette charge qu’au prix de 1,20 euros. Même si cette analyse exploratoire mériterait un examen plus approfondi en France avec des données propres à l’industrie de défense, l’inflation observée des prix militaires (plus intense en capital technologique qu’en main d’œuvre) depuis 2010 suggère non seulement de surveiller attentivement l’évolution à court terme de cet indice mais également d’en tenir compte dans l’analyse des prochaines annuités de la loi de programmation militaire. Le phénomène n’est pas nouveau, comme le confirmait The Economist18

, et s’étend à tous les pays disposant d’une industrie de défense importante.

18 « Defence spending in a time of austerity. The chronic problem of exorbitantly expensive weapons is becoming acute », The Economist, 26 août 2010.

PIB

IPC

Autres matériels de transport

100

105

110

115

120

125

130

135

140

Fig. 4 : Inflation des prix industriels de défense (base 100, année 2005)

Source: INSEE, Comptes nationaux trimestriels et Indice de prix de production de l'industrie française pour le marché français, 2012.

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Contrairement à l’idée répandue en matière de processus budgétaires, la défense semble s’écarter du modèle dominant des changements incrémentaux. Les variations parfois brutales d’une année sur l’autre dans la programmation budgétaire suggèrent que la défense obéit à des processus de décision publique erratiques. Il en est ainsi pour les dépenses d’équipement. Comme l’ont déjà démontré Baumgartner et Jones19 dans d’autres domaines de dépenses publiques aux Etats-Unis et Foucault et Irondelle20

en France, la politique budgétaire d’équipement de défense s’apparente davantage à un processus très ponctué caractérisé par des variations très faibles et des variations brusquement très importantes. La figure 5 donne une illustration de ces changements annuels, en particulier pour les dépenses d’équipement qui suivent une variation cyclique ou encore que les dépenses d’équipement semblent s’ajuster aux dépenses de fonctionnement. Face à des dépenses de fonctionnement peu volatiles, les dépenses d’équipement sont non seulement très fluctuantes mais aussi marquées par des variations considérables (+9,9 % en 1987 ; -9,8 % en 1998 ; +15 % en 2009). Alternativement, certaines dépenses importantes sont repoussées, et ainsi temporairement dissimulées, jusqu’à constituer des « murs » budgétaires impossibles à franchir. Il s’ensuit des coupures budgétaires évitant aux gouvernements à l’origine du programme d’avoir à assumer une telle décision. De telles réductions de budgets d’équipement demeurent politiquement plus indolores qu’une baisse des dépenses d’éducation ou de santé.

19 Frank Baumgartner and Bryan Jones, The Politics of Attention, Chicago, Chicago University Press, 2005. 20 Martial Foucault et Bastien Irondelle, « Dynamique parlementaire de la politique de défense: Une comparaison franco-britannique », Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 16, n°3, 2010, pp. 465-483.

-12% -9% -6% -3% 0% 3% 6% 9%

12% 15% 18%

1981

19

82

1983

19

84

1985

19

86

1987

19

88

1989

19

90

1991

19

92

1993

19

94

1995

19

96

1997

19

98

1999

20

00

2001

20

02

2003

20

04

2005

20

06

2007

20

08

2009

20

10

Fig. 5 : Cycle de variation annuelle des dépenses de défense (hors pensions)

Fonctionnement Equipement Moyenne mobile 2 ans

Source: ministère de la Défense, DAF, OED.

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Une manière d’illustrer ce cycle de variation annuelle des dépenses d’équipement consiste à tracer la moyenne mobile à 2 ans (courbe rouge) pour comprendre la dynamique de dépenses. Sans surprise, les trois périodes décrites précédemment (1980-1991 ; 1991-2002 ; 2002-2010) s’imposent comme des marqueurs significatifs du cycle de dépenses d’équipement. La période 1991-2002 se révèle comme une décennie catastrophique dans la gestion, le lancement (dépenses R&D) et l’acquisition d’équipements (à l’exception de programmes lancés par Pierre Joxe après la première guerre du Golfe).

Une loi d’Augustine en France?

La nature cyclique des dépenses d’équipement, conjuguée à une inflation des prix militaires et des révisions d’acquisitions, soulève une question déjà abordée aux Etats-Unis sous le nom de loi d’Augustine. La loi d’Augustine, du nom de l’ancien directeur de Lockheed Martin et ancien secrétaire de l'US Army dans les années 1970, Norman Augustine, désigne tout simplement l’augmentation non contrôlée du coût d’acquisition des systèmes d’armes alors que les budgets de défense suivent une tendance haussière moins rapide voire stable (en euros constants). Norman Augustine résumait cette situation dans le cas américain en déclarant que « le coût unitaire des produits aéronautiques militaires a crû à un rythme étonnant et intenable tout au long de l'histoire. Considérons l'exemple des avions tactiques. Comparant l'évolution du coût unitaire par rapport au temps, [...] nous observons que le coût d'un avion tactique a été multiplié en moyenne par 4 tous les dix ans. En extrapolant le budget de la défense selon les tendances de ce siècle, on découvre qu'en 2054 la courbe du coût d'un avion rejoindra celle du budget. Ainsi, au rythme actuel, le budget de la défense entier ne permettra d'acheter [en 2054] qu'un seul avion tactique »21

Cette loi mérite d’être explorée et prise au sérieux dans le cas français. En effet, si les méthodes d’acquisition et l’évolution des coûts ne changent pas, il est probable que d’ici quelques années, le ministère de la Défense sera confronté à un choix cornélien d’avoir par exemple une frégate suréquipée comprenant les derniers développements technologiques, mais une seule. L’augmentation des coûts unitaires entraîne une fuite en avant budgétaire qui est en contradiction avec la contrainte budgétaire des Etats actuellement. Par conséquent, la logique comptable qui consiste à disposer de matériels de plus en plus coûteux en fonction de ressources disponibles de plus en plus rares s’opposera très vite à une logique militaire incompatible avec le fait de disposer seulement d’une frégate, même suréquipée. Plus fondamentalement, l’arbitrage qualité/quantité se pose avec acuité dans le domaine de la défense qui n’est pas un secteur comme les autres. En effet, même en réduisant le nombre de personnels de défense (-54 000 prévus dans le Livre blanc), rien n’indique que cette économie pourra être consacrée à une bonification des dépenses d’équipement pour au moins deux raisons : (1) la masse salariale du ministère de la Défense n’a pas diminué depuis 2008 et donc

.

21 Voir l'article d'Augustine sur l'industrie aéronautique américaine intitulé « Unhappy Birthday: America's Aerospace Industry at 100 », Aerospace America, February 1997.

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aucune économie substantielle n’est à prévoir à court et moyen termes22

Comment les dépenses militaires réagissent-elles aux conditions macroéconomiques ?

, et (2) l’inflation militaire croît à un rythme plus rapide que la déflation des effectifs qui elle-même ne peut pas converger vers zéro.

Dans l’introduction de cette section, nous avons abordé la question de la relation entre les dépenses militaires et la croissance économique. Même si la relation théorique entre ces deux agrégats souffre d’une absence de validation empirique dans l’ensemble des pays développés, il est important de comprendre les mécanismes qui sous-tendent cette relation au regard du poids de l’investissement public induit par le secteur de la défense.

Parmi la quarantaine d’études23 consacrées au lien entre défense et PIB, il ressort deux propositions testables. D’une part, en période de guerre ou de conflits répétés, l’engagement de dépenses de défense contribue à assurer la sécurité des conditions de production sur le territoire national impliquant que les dépenses militaires influencent positivement la croissance économique. A l’inverse, en période de paix, l’augmentation des dépenses militaires aurait un effet d’éviction sur l’allocation d’autres dépenses publiques suggérant un impact nul sur la croissance économique24

22 Sur la question des effectifs, il est important de garder à l’esprit que les armées françaises font face depuis 2002 à des tensions de recrutement et de fidélisation qui risquent de s’accentuer si la crise économique disparaît. Voir sur ce sujet : Foucault, Irondelle et Gelez, Revue Défense Nationale, avril 2012.

. Très clairement, ce n’est pas la dépense militaire en elle-même qui réduirait la croissance économique, toutefois elle produirait un effet d’éviction sur la croissance économique, qui serait bien mieux bonifiée par l’investissement en dépenses d’éducation, d’infrastructures ou de santé. En ce sens indirect, la dépense de défense nuirait indirectement à la croissance économique. Entre ces deux conjectures, il est difficile de parvenir à une conclusion forte pour la France. En effet, avec 69 % (9,5 milliards d’euros) de l’ensemble des dépenses d’investissement de l’Etat en 2010, le ministère français de la Défense occupe une place

23 Pour une recension de ces travaux, le lecteur se reportera à Rati Ram, Defense expenditures and Economic Growth, K. Hartley and T.Sandler, 1995, pp. 251–273, Kollias Christos, G. Manolas, and S.-M. Paleologou, « Defence expenditure and economic growth in the European Union. A causality analysis », Journal of Policy Modeling, vol. 26, 2004, pp. 553–569. ; Heo Uk, « Modelling the defence-growth relationship around the globe », Journal of Conflict Resolution, vol. 42, 1998, pp. 637-657 ; A. R Chowdhury, « A causal analysis of defence spending and economic growth », Journal of Conflict Resolution, vol. 35, 1991, pp.80–97. 24 La théorie économique identifie souvent deux formes d’intervention de l’Etat dans l’économie : celle consistant à augmenter les dépenses sociales et celle consistant à augmenter les dépenses militaires (keynésianisme militaire). Peter Custers, « Military Keynesianism today: an innovative discourse » Race & Class, vol. 51, n°4, 2010, pp. 79–94. illustre cette théorie à l’aide du modèle économique retenu entre l’Europe et les Etats-Unis en affirmant que « European governments were seen as relying on social spending to promote the regulation of their business cycles, US governments in the second half of the twentieth century frequently relied on expanded military allocations to ensure an adequate level of aggregate demand for commodities » (p.80).

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singulière dans l’économie nationale25, en particulier dans le financement de la R&D militaire dont les implications civiles ne sont plus à démontrer. 26

A partir des données compilées depuis 1980, la figure 6 donne un aperçu révélateur de l’ambiguïté du lien entre dépenses militaires et croissance du PIB. La figure 6a suggère que l’impact des dépenses militaires (capital + fonctionnement) sur la croissance du PIB suit une relation curvilinéaire de telle sorte que toute réduction drastique des dépenses militaires affecte négativement la croissance économique mais qu’une augmentation positive (supérieure à 0 % sur l’axe des abscisses) des dépenses militaires réduit la croissance du PIB. Remarquons que la décennie 1990-2000 se situe dans le quadrant nord-ouest du graphique, c’est-à-dire des situations de décroissance des dépenses militaires et de croissance du PIB. Dans cette zone, une relance des dépenses militaires est positivement corrélée avec une croissance du PIB.

Evidemment, corrélation ne signifie pas causalité, ce qui signifie que d’autres facteurs sont susceptibles d’affecter le PIB français, comme la croissance européenne, les gains de productivité économique, le niveau d’innovation et de progrès technologique. Ce résultat est-il surprenant ? Pour répondre avec assurance à cette question, il serait nécessaire de disposer de données budgétaires plus anciennes et surtout de vérifier le caractère exogène des dépenses de défense (en incluant par exemple l’appréciation des menaces extérieures). Pour approfondir la question, nous avons représenté sur la figure 6b la même relation en incluant seulement les dépenses de fonctionnement. Sans surprise, de telles dépenses n’exercent aucun rôle sur la croissance du PIB, ce résultat étant conforme à celui observé par Kollias27

25 Alexandre Siné, L’ordre budgétaire, Paris, Economica, 2006, (p. 45) et Conseil Economique et Social, Economie de la Défense, Paris, 2007.

sur d’autres pays européens.

26 Eduardo Morales-Ramo, « Defence R&D Expenditure: The Crowding-Out Hypothesis », Defence and Peace Economics, vol. 13, n°5, 2002, pp. 365-383. 27 Christos Kollias,G. Manolas, and S.-M. Paleologou, « Defence expenditure and economic growth in the European Union. A causality analysis », Journal of Policy Modeling, vol. 26, 2004, pp. 553-569.

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En revanche, si les dépenses de fonctionnement n’agissent pas positivement sur la croissance économique française depuis 30 ans, par déduction les dépenses d’investissement sont celles qui expliquent l’essentiel de la relation concave (figure 6b). Autrement dit, la logique économique de dépenses de défense en capital aurait un effet de distorsion sur la création de richesses car chaque euro investi en défense ne l’est pas dans un autre domaine d’investissement public (infrastructures, transport, R&D). Peut-on pour autant conclure que les dépenses d’équipement de défense nuisent automatiquement à la création de richesse ? Tout d’abord, les dépenses militaires n’ont pas vocation à alimenter la croissance économique. Ensuite, les dépenses en capital contiennent près de 20 % de dépenses en Recherche & Développement (3,3 Mds €), dont 1,7 milliards d’euros en Recherche & Technologie.

1980 1984

1988 2000

1998

2009

-4%

-3%

-2%

-1%

0%

1%

2%

3%

4%

5%

-6% -4% -2% 0% 2% 4% 6% 8% 10% PI

B

Dépenses militaires

Fig. 6a : Relation dépenses militaires totales et PIB, 1980-2010

1980

2009

-4%

-3%

-2%

-1%

0%

1%

2%

3%

4%

5%

-4% -2% 0% 2% 4% 6% 8%

PIB

Dépenses de fonctionnement

Fig. 6b : Relation dépenses de fonctionnement et PIB, 1980-2010

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Comme l’a montré Bellais28

Finalement, ces résultats interpellent sur la pertinence du cadre budgétaire dans lequel ces dépenses sont allouées. En effet, la défense est le seul domaine régalien faisant l’objet d’une programmation pluriannuelle des crédits votés chaque année. Mise en place pour la première fois en 1960 pour l’exercice 1960-64, la loi de programmation militaire française s’inspire largement des principes budgétaires américains d’après-guerre afin de « sanctuariser » l’effort de guerre (froide) par des investissements réguliers indépendamment du contexte économique. Si un tel raisonnement a permis à la France de mettre sur pied sa politique d’armement nucléaire dans les années 1960

, cette dépense a des effets positifs sur la recherche civile et contribue plus globalement au maintien d’une base industrielle et technologique de défense riche de 165 000 emplois directs en 2010, et au moins autant d'emplois indirects pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 15 milliards d'euros, dont le tiers environ est réalisé à l'exportation (OED, 2011).

29

28 Renaud Bellais et Renelle Guichard, « Defense, Innovation, Technology Transfers and Public Policy in France », Defense and Peace Economics, vol. 17, n°3, 2006, pp. 273-286.

les lois de programmation militaire parviennent difficilement à remplir leur mission, celle de renforcer le pilotage et l’anticipation des dépenses en les plaçant dans une perspective pluriannuelle et d’améliorer la visibilité financière à moyen terme.

29 Comme le rappelle l’ancien chef d’Etat-major de l’armée de l’air, Jean Rannou : « Pour concevoir, développer, produire et tester les nouveaux systèmes d’armes, il a fallu ouvrir des centres de recherche, créer une nouvelle industrie et des moyens d’essai et de test. On a dû aussi consentir un effort financier considérable : la moitié des crédits d’équipement fut consacrée à la dissuasion pendant plus de dix ans, le temps de construire l’outil industriel et les grandes infrastructures ; le chiffre s’est ensuite stabilisé autour de 33 % pendant près de vingt-cinq ans, avant de décroître vers 20 % après les réductions des forces des années 1990 » cité in Jean Rannou, « La transformation du système de défense : la problématique des équipements », Politique étrangère, vol. 4, 2007, hiver, pp. 757-771.

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Des lois de programmation militaire intenables

l n’est pas de loi de programmation promulguée sans qu’elle soit accompagnée d’un discours volontariste de l’exécutif français, d’un

enthousiasme parfois modéré des états-majors et d’ambitions stratégiques surdimensionnées. Pourtant, le respect et l’exécution des dix précédentes lois de programmation militaire contrastent avec l’idée de sanctuarisation des budgets de défense. Depuis 1994, aucune loi n’a été respectée : entre reports de crédits, annulations de programmes et crise des finances publiques, le ministère de la Défense s’ajuste tant bien que mal avec de telles contraintes.

Non seulement les lois de programmation militaire jouent théoriquement un rôle de garde-fou budgétaire mais elles sont depuis 2001 et 2008 accompagnées dans cette mission respectivement par la LOLF et la Révision Générale des Politiques Publiques. Paradoxalement, les arbitrages budgétaires entre Bercy, le ministère de la Défense et le Président de la République mettent en péril le respect de chacune des lois, en général lors de la dernière annuité ou lors d’une alternance politique. Comme le fait remarquer Jean d’Albion30, « le système militaire pousse devant lui un énorme boulet, celui de ses besoins en crédits qui pèse davantage chaque année et rend tous les discours prospectifs ridicules à force d’irréalisme ».31

Depuis 1997, des progrès substantiels ont tout de même été réalisés en matière de respect des lois de programmation. La loi de programmation 1997-2002 (tableau 1), qui poursuivait un désengagement de l’Etat sur les questions de défense amorcé depuis 1991, a atteint un taux d’exécution (rapport entre les crédits disponibles et ceux réellement consommés) moyen de 87 % avec une dernière annuité particulièrement catastrophique. Pour Matthieu Conan

Une comparaison des lois de finance initiale et rectificative avec les trois dernières lois de programmation militaire nous indique qu’un certain flou budgétaire entoure l’exécution des crédits d’équipement.

32

30 Jean d’Albion, Une France sans défense, Paris, Calmann-Lévy, 1991.

, la prévision budgétaire des besoins de défense par l’intermédiaire de lois de programmation conduit à

31 Cité par Philippe Hayez, « Le nerf de la guerre », Pouvoirs, vol.2, n° 125, 2008, pp. 29-41. 32 Mathieu Conan, « Budget de la défense et réduction des dépenses publiques », Revue Française de Finances Publiques, vol. 79, 2002, pp. 93-109.

I

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davantage de dérives qu’à l’amélioration des résultats en exécution. Il appuie sa démonstration en rappelant que, finalement, l’écart entre l’exécution réelle et les crédits prévus par la LPM 1997-2002 représente environ une annuité complète de crédits des titres V et VI.

Tableau 1 : Loi de programmation militaire 1997-2002

(en Milliards d’euros 2002)

1997 1998 1999 2000 2001 2002 LPM 14,2 14,2 14,2 14,2 14,2 14,2 LFI 14,3 12,9 13,6 13,0 12,9 12,3

CONSOMMATION 13,4 12,2 12,2 12,4 12,2 11,6 ECART -0,8 -2,0 -2,0 -1,9 -2,0 -2,6

TAUX D’EXECUTION (%) 94,4 85,8 86,1 87,0 86,1 81,8

Source : Projet de loi de finances pour 2003, n°230, déposé le 25 septembre 2002

2002 : Un changement de cap Au début de son second mandat en 2002, le Président Jacques Chirac avait marqué les esprits en demandant au ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie de lui soumettre au Parlement un nouveau projet de loi de programmation militaire prévoyant de consacrer 14,65 milliards d'euros par an en moyenne aux équipements militaires. L’essentiel de l’effort a consisté à améliorer substantiellement la disponibilité des matériels et l’activité des forces. Rappelons qu’en 2001-2002, les armées étaient confrontées à un moral en berne lié à un mouvement de grève historique des gendarmes et à la situation dégradée des conditions d’utilisation et de disponibilité des matériels militaires, révélée par un rapport parlementaire33

Ce document pointait du doigt les conséquences d’une régulation budgétaire en matière de défense et mettait en évidence l’influence du faible taux d’exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002 sur l’entretien et le remplacement de matériels inopérants. Ce constat sévère mais lucide sur la capacité d’intervention ou de projection des forces armées françaises mériterait de nouveau un débat plus substantiel lors de la campagne présidentielle actuelle, afin de conforter ou à l’inverse de revoir à la baisse les ambitions de la France sur la scène internationale mais aussi au plan européen.

.

En 2009, année du bilan de la dixième loi de programmation militaire 2003-2008, un nouveau cap budgétaire a été donné au financement de la défense. Avec une enveloppe budgétaire globale de 96,6 milliards d’euros de crédits d’équipement entre 2003 et 2008, près de 99 % de ces crédits ont été réellement consommés (tableau 2). Derrière cette performance financière et donc politique, un certain nombre de décisions

33 M. Gilbert Meyer, Rapport d’information n°328 sur l'entretien des matériels des armées, Assemblée Nationale, 2002, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0328.asp

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cruciales quant au modèle d’armée souhaité et aux capacités disponibles restaient en suspens.

Tableau 2 : Loi de programmation militaire 2003-2008 (en Milliards d’euros 2008)

2003 2004 2005 2006 2007 2008 LPM 15,2 16,3 16,3 16,3 16,3 16,3 LFI 14,5 14,8 15,0 15,4 15,7 15,8

CONSOMMATION 14,7 15,0 16,7 16,7 15,8 16,5 ECART -0,5 -1,2 0,4 0,4 -0,4 0,2

TAUX D’EXECUTION (%) 96,5 92,5 102,6 102,3 97,4 101,3

Source : Rapport n°1378 sur l’exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, Assemblée Nationale.

Par exemple, le modèle d’armée 2015 paraissait difficile à atteindre

à moins d’injecter 30 milliards d’euros supplémentaires, échelonnés sur six ans, pour porter l’annuité de la loi de programmation à 20 milliards d’euros par an34

. Sans doute s’agissait-il là d’une implacable évidence que ce modèle d’armée issu du Livre blanc de 1994 n’était plus conforme aux nouvelles réalités géostratégiques et économiques.

TABLEAU 3 : LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2009-2014 (EN MILLIARDS D’EUROS 2008)

2009 2010 2011 2012 LPM 17,55 17,23 16,04 16,41 LFI 17,96 15,60 15,42 15,77

ECART (LFI) 0,41 -1,63 -0,62 -0,64 TAUX D’EXECUTION LFI (%) 102,3 90,5 96,1 96,1

Source : Assemblée Nationale, Rapport Général du projet de loi de finances, 2012.

Il n’est donc guère étonnant que le Président Nicolas Sarkozy ait

décidé de rompre avec cette trajectoire qui consiste à « écheniller, à élaguer les cibles des programmes d’armement pour rentrer dans l’épure de la programmation afin de faire rentrer l’édredon [de la planification] dans la valise [du budget] »35

34 On retrouve ces arguments sous la plume de trois experts de la défense. Louis Gautier, Stéphane Verclytte et Bruno Tertrais, « Ce qui doit changer dans notre défense », Le Monde, 15 juillet 2006, accessible à l’adresse :

. En installant une commission chargée de rédiger un nouveau Livre blanc, publié en juin 2008, le gouvernement Fillon et le chef des armées Nicolas Sarkozy ont toutefois renoué avec le péché d’orgueil habituel de la politique française de défense : celui de définir des objectifs et d’allouer des ressources incompatibles avec un modèle réalisable. Contrairement à la déclaration à la mi-mai 2009 du ministre de la Défense Hervé Morin, qui assurait qu'il s'agissait d'un « excellent projet

http://www.louisgautier.net/page6/page34/page34.html 35 Bastien Irondelle, « Qui contrôle le nerf de la guerre. Financement et politique de defense », Bezes P. et A. Siné (dir.), Gouverner par les finances publiques, Paris, Presses de Science-Po, 2011.

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de loi », faisant valoir que le budget de la Défense 2009 était le « meilleur […] depuis 1958 »36

La première raison tient à l’adoption en septembre 2010 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui réduit de 2,6 milliards d’euros les crédits de défense pour 2010-13. Sans les recettes exceptionnelles tirées des cessions immobilières du ministère et la vente des fréquences électromagnétiques (1,02 milliards d’euros en 2010), ce chiffre aurait pu être encore plus élevé. Il faut bien préciser que cette réduction drastique de 4 milliards d’euros concerne avant tout les crédits d’équipement. Les crédits pour les grands programmes hors dissuasion sont reportés (sans précision du futur calendrier) pour 2,8 milliards et l’entretien des matériels réduit de 0,5 milliard d’euros. Cette réduction permettra entre autres de contribuer à l’effort national de réduction du déficit public mais aussi de financer la hausse des dépenses de fonctionnement (+ 1,2 milliards).

, l’examen des trois premières années de la loi de programmation militaire 2009-2014 suggère que l’exécution des crédits d’équipement sera de nouveau fortement perturbée, certes sous l’effet du plan de réduction budgétaire en 2011 mais aussi après avoir bénéficié du plan de relance pour les exercices 2009 et 2010.

En résumé, comme l’indique le rapporteur général du budget au Sénat, il existe « un risque de cannibalisation des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, à hauteur de plusieurs milliards d’euros »37. Par cette technique de report, le gouvernement remplit son objectif de limitation des dépenses et donc de trésorerie nouvelle au prix d’un effet d’éviction bien connu dans les états-majors. En reportant la conception ou la livraison de matériels, les armées sont obligées soit de s’appuyer sur des matériels anciens au coût d’entretien exponentiellement élevé38, en raison de l’allongement du cycle de vie, soit d’élaborer des programmes intermédiaires (à l’image du Mirage 2000-5 pour supplanter les retards de livraison du Rafale,) qui consomment des crédits pour des dépenses non prévues dans la loi de programmation militaire39

36 Séance de questions au gouvernement, Sénat, 15 mai 2009, accessible à l’adresse :

. Il n’est pas rare que des matériels qui ont été conçus dans un but déterminé au regard des contraintes géostratégiques l’année t se trouvent moins bien adaptés l’année t+5, l’année t+10, voire l’année t+20 (char Leclerc), sans parler de considérations plus politico-industrielles qui peuvent remettre en cause le lancement ou l’achat de matériels initiés par les précédents responsables

http://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ09050307G.html 37 Sénat, Commission des finances, Rapport Général n°107 (Tome III, annexe 8), Paris, 17 novembre 2011, accessible à l’adresse : http://www.senat.fr/rap/l11-107-331/l11-107-3311.pdf 38 Plusieurs travaux parlementaires ont alerté le gouvernement sur la dégradation des taux de disponibilité des matériels pour les armées et la décroissance du budget consacré au maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements. Rapport d’information n°328 sur l’entretien des matériels des armées, Assemblée Nationale, 22 octobre 2002. Rapport d’information n°1922 sur les conditions d'exécution des grands programmes de défense, Assemblée Nationale, 17 novembre 2004. 39 Bastien Irondelle, Qui contrôle le nerf de la guerre. Financement et politique de defense, op. cit.

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politiques. Le signal d’alarme avait déjà été lancé par la Cour des Comptes qui jugeait que le report des engagements de dépenses en capital « conduit à terme à un désarmement structurel qui verrait les armées dotées de matériels dépassés lors de leur mise en service et dans des quantités incompatibles avec les exigences opérationnelles »40

Tableau 5 : Révision des équipements initialement prévus entre 2009 et 2014

. Cela se traduit concrètement par la révision d’acquisition d’équipements suivante :

EQUIPEMENTS LPM 2009-2014 REVISION ECART

FELIN (COMBAT EMBARQUE) 22 230 17 884 -4 346

CAESAR (APPUI FEU) 69 67 -2

PPT (TRANSPORT LOGISTIQUE)a 500 287 -213

HELICOPTERE NH90-TTH 23 22 -1

AVIONS DE COMBAT RAFALE 50 66 +16*

AVIONS DE COMBAT MIRAGE 2000D 5 - -5

A400 M (AVION DE TRANSPORT TACTIQUE) 18** 8 -10

a/ Porteurs Polyvalents Terrestres *La livraison de 16 Rafale supplémentaires par rapport au calendrier initial implique une hausse de plus d’1 milliard d’euros **Ce chiffre correspond aux indications fournies par le ministère de la Défense dans l’élaboration de la LPM 2009-2014. Source : Rapport général commission des finances n°107, Sénat, p.39

40 Cour des Comptes, La gestion budgétaire et la programmation au ministère de la Défense, Paris, juin 1997, p. 182

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De fortes incertitudes sur l’après-2012 Finalement, si la programmation 2003-2008 tranchait avec les expériences passées, les deuxième et troisième annuités de l’actuelle LPM en cours mettent déjà en péril les objectifs du Livre blanc de 2008. En effet, ce Livre blanc prévoyait, rappelons-le, une stabilisation en volume des ressources totales (y compris les ressources exceptionnelles) de la mission « Défense » de 2009 à 2011, puis leur augmentation en volume de 1 % par an jusqu’en 2020. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 vient même remettre en cause voire abandonner cet objectif à l’horizon 2020 car la règle du gel en valeur41 des crédits de paiement des missions du budget général aurait des conséquences financières considérables d’ici 2020 pour la défense. Pis encore, la règle du gel en volume des dépenses de l’Etat prévue par la LPFP pourrait augmenter le manque à gagner pour la défense si les dépenses de pension ou de charges d’intérêt progressent plus vite que prévu. La commission des Finances du Sénat s’est livrée à un exercice très instructif de simulation de ces deux scénarii. Par rapport à l’hypothèse du Livre blanc de 2008 (dont la révision prochaine pourrait modifier les engagements prévus en 2008), l’application de la règle du « gel en volume » implique un manque à gagner de 15 milliards d’euros d’ici 2020 alors que le principe du « gel en valeur » déboucherait sur une perte de 29 milliards d’euros entre 2009 et 2020.42

Bien que l’on puisse considérer que certains programmes d’équipement lancés entre 2002 et 2007 exercent toujours aujourd’hui une forte pression budgétaire, le décalage entre les autorisations d’engagements et les crédits de paiement ne cesse de s’aggraver pour atteindre aujourd’hui un déficit cumulé de 46 milliards d’euros (dont 30 milliards pour la période 2006-2012) pour les seuls crédits d’équipement prévus dans le programme 146. « En d’autres termes, la charge reportée sur les années à venir correspond à plus de trois exercices budgétaires. […] Cette évolution fait craindre la reproduction d’une « bosse »

43

41 Une variation en valeur des crédits de défense tient compte de l’évolution du niveau général des prix. A l’inverse, une variation en volume ne tient pas compte de l’inflation. C’est pourquoi, à moins qu’un pays soit exposé à un taux d’inflation nul, un gel des dépenses en valeur est toujours plus élevé qu’un gel des dépenses en volume.

: lorsque le ministère ne pourra plus financer les programmes qu’il a prévus, il lui faudra opérer des coupes, ce qui serait opérationnellement catastrophique, industriellement dangereux et

42 Sénat, Commission des finances, Rapport Général n°107, op. cit. 43 Rapports annuels de performance pour 2006 et 2007, accessibles aux adresses : http://www2.impots.gouv.fr/documentation/rapports/activites/dgi/2006/dgi_rapport_performance_2006.pdf et http://www2.impots.gouv.fr/documentation/rapports/activites/dgi/2007/dgi_rapport_performance_2007.pdf ; lois de finance initiale pour 2008, accessible à l’adresse : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000017853368 et 2009, accessible à l’adresse : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019995721 et projet annuel de performance pour 2012. Cité dans l’avis n°3809 présenté au nom de la Commission de la Défense nationale, Paris : Assemblée Nationale, le 25 octobre 2011, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2012/a3809-tvii.asp.

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financièrement coûteux puisqu’il faudra malgré tout indemniser les industriels ».44

En conséquence, l’après-2012 s’annonce d’ores et déjà comme une période incertaine : certains paramètres économiques exigeront du prochain gouvernement qu’il fasse preuve d’innovation budgétaire, plutôt que de s’en remettre à une loi de programmation militaire marquée par une perpétuelle cure d’amaigrissement. La perspective d’une augmentation de 1 % par an en volume ne suffira pas à contrecarrer l’évolution du taux d’inflation (dont les estimations futures avoisinent les 2 % par an) dont on sait par ailleurs qu’elle sous-estime l’évolution des prix « militaires » intenses en technologie. Dans cette perspective, la conclusion du rapporteur général de la commission des finances au Sénat est sans appel, « une croissance des dépenses de la mission défense de 1 % par an permettrait juste de maintenir le niveau actuel de personnels et d’équipement ».

45

Un choix impératif s’impose donc : soit le prochain gouvernement décide de ramener l’évolution des dépenses d’équipement au rythme de la croissance du PIB pour maintenir le format actuel des armées, soit le format et les capacités des armées devront être révisés à la baisse et annoncés comme tels. Plus précisément, il importe de s’interroger sur la pertinence d’une revue des capacités opérationnelles de l’armée française, de l’adéquation entre les moyens budgétaires réellement (et non pas idéalement) disponibles et les besoins de l’armée française, qu’elle agisse seule ou plus vraisemblablement dans le cadre de coopérations renforcées en matière industrielle ou militaire.

Au fond, le débat sur les budgets de défense ne devrait pas être cantonné au petit cercle des experts militaires, des spécialistes des finances publiques ou des industriels désireux d’augmenter leurs carnets de commandes. Il concerne une section plus large du collège électoral, chaque citoyen étant amené à se prononcer sur l’avenir de la politique de défense impliquée par les budgets correspondants. Même si l’opinion est souvent suspectée par les spécialistes de laisser libre cours à un « consensus minimaliste »46

44 Ibid.

où les attitudes du public en matière de politique étrangère et de défense sont aléatoires, versatiles, peu structurées et donc sans pertinence, les enjeux de sécurité nationale et internationale ne laissent pas insensibles, dès lors que les termes du débat sont exposés. A l’instar du sénateur François Trucy, rapporteur spécial sur la mission « défense », qui déclarait le 16 novembre 2011, « pensez-vous que la France puisse se passer d’une défense, d’une armée, des moyens d’assurer sa sécurité extérieure ? Sans budget de la défense, point de présence dans le monde, point d’influence dans le concert des nations,

45 Sénat, Commission des finances, Rapport Général n°107, op. cit. 46 Appelé aussi consensus de Almond-Lippmann, il est inspiré des travaux du journaliste Walter Lippmann et du politologue Gabriel Almond dans les années 1920 et 1950, voir Ole R Holsti., « Public Opinion and Foreign Policy: Challenges to the Almond-Lippmann Consensus Mershon Series: Research Programs and Debates », International Studies Quarterly, vol. 36, n°4, 1992, pp. 439-466.

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point de voix au conseil de sécurité de l’ONU ! »47

Bilan de la LOLF en matière de défense

, il semble urgent de réintroduire les questions de défense dans le débat public.

Si les lois de programmation militaire semblent de plus en plus difficiles à tenir, pour des raisons tantôt politiques, tantôt conjoncturelles, le ministère de la Défense pourrait s’appuyer sur le nouveau cadre budgétaire défini par la LOLF en 2001. Pour la première fois sous la Vème République, le Parlement a engagé en 2005 un débat budgétaire préalable au vote de la loi de finances 2006, placé sous le signe de l’efficacité de la dépense publique et de la performance des organisations et administrations publiques. Les parlementaires français ont découvert à cette occasion une présentation nouvelle des finances publiques résultant de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, plus communément appelée LOLF. Conçue pour accroître l’efficacité de l’action des pouvoirs publics, la LOLF consiste à substituer progressivement à une culture de moyens (« un bon budget est un budget qui augmente ») une culture de résultats (« un bon budget est celui qui permet, au moindre coût, d'atteindre les objectifs préalablement définis »48). Dans un rapport récent du Conseil d’Analyse Economique49, Edward Arkwright rappelait l’enjeu normatif de la LOLF en expliquant que « la nouvelle procédure devrait permettre une meilleure articulation entre le budget annuel et la pluri-annualité [en particulier sur trois ans], autrement dit un nouvel équilibre entre la réactivité indispensable à court terme et la stabilité et la visibilité requises pour les décisions à plus long terme »50. Ambitieuse sur le papier, la LOLF représentait à l’époque une vraie révolution des affaires budgétaires51

Pour le ministère de la Défense, ce changement budgétaire impliquait que le Parlement ne vote plus des moyens, mais des programmes sur la base de résultats quantitatifs et qualitatifs, que les administrations s’engagent à atteindre et dont elles devront rendre compte lors du budget suivant (présentation de Rapports Annuels de

, et pour le ministère de la Défense l’obligation de définir des critères de performance pour chaque euro engagé et voté en loi de finance. Le référentiel de l’efficacité, source d’optimalité des ressources dans les choix publics de défense, devait en théorie réduire les dysfonctionnements chroniques de la gestion des programmes d’armements, les écarts entre les crédits d’équipement ouverts et crédits prévus par la loi de programmation militaire.

47 Commission des finances, Rapport général n°107, op. cit., p.77 48 Rapport d’information n°220, « LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance », Sénat, 2005, accessible à l’adresse : http://www.senat.fr/rap/r04-220/r04-220.html 49 Rapport n°65 du Conseil d’Analyse Economique, « Économie politique de la LOLF », Paris, avril 2007, accessible à l’adresse : http://www.cae.gouv.fr/IMG/pdf/065.pdf 50 Ibidem. 51 Rappelons que la France a déjà connu par le passé des expériences en matière de gestion publique. Mais une fois passé l’engouement furtif des années soixante-dix pour la rationalisation des choix budgétaires (RCB) et la timide loi sur l’évaluation impulsée en 1998, le paysage de la réforme de l’État s’est pétrifié.

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Performance). En contrepartie, et dans la lignée des réformes menées ailleurs en Europe, elles bénéficiaient d'une plus grande souplesse budgétaire, notamment par la fongibilité de la majorité des crédits (hormis ceux de personnel), ce qui facilitera l’atteinte des résultats prévus. C’est pourquoi le ministère de la Défense dispose désormais d’une présentation de ses engagements budgétaires sous forme de quatre programmes :

- programme n° 144 : Environnement et prospective de la politique de défense

- programme n° 146 : Equipement des forces

- programme n° 178 : Préparation et emploi des forces

- programme n° 212 : Soutien de la politique de la défense

Malgré l’ambition de disposer pour chacun de ces programmes de critères pour apprécier la performance des dépenses engagées, cet instrument de finances publiques ne cherche pas à évaluer la productivité – au sens économique du terme – des dépenses de défense. L’efficacité se mesure à l’aune d’autres paramètres. En effet, des indicateurs d’activité ou de moyens ont souvent été retenus au détriment d’une mesure d’efficacité. La Cour des Comptes prolonge et alimente ce constat en précisant de manière sévère que les « les objectifs et les indicateurs […] paraissent trop nombreux et insuffisamment hiérarchisés pour constituer des outils véritablement exploitables par le Parlement pour le vote des crédits de défense. Certains indicateurs sont lacunaires »52

52 Cour des Comptes, Rapport sur l’exécution budgétaire des lois de finances, 2005, p.87.

.

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En 2010, la répartition des crédits de défense (en euros avec pensions) autour de ces 4 programmes s’établissait ainsi :

Programme 144 : Environnement et prospective de la politique de défense 1 704 128 680

01 Analyse stratégique 3 688 635

02 Prospective des systèmes de forces 33 502 179

03 Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France 520 721 869

04 Maîtrise des capacités technologiques et industrielles 1 024 843 564

05 Soutien aux exportations 22 686 409

06 Diplomatie de défense 98 686 024

Programme 146 : Equipement des forces 6 722 517 245 01 Dissuasion 1 637 288 959

02 Commandement et maîtrise de l’information 692 770 327

03 Projection - mobilité - soutien 114 280 890

04 Engagement et combat 1 799 353 703

05 Protection et sauvegarde 309 742 938

06 Préparation et conduite des opérations d’armement 2 152 925 958

07 Parts étrangères et programmes civils 16 154 470

Programme 178 : Préparation et emploi des forces 33 233 618 858

01 Planification des moyens et conduite des opérations 1 551 754 517

02 Préparation des forces terrestres 12 852 169 964

03 Préparation des forces navales 6 687 278 593

04 Préparation des forces aériennes 9 353 052 365

05 Logistique et soutien interarmées 2 122 195 550

06 Surcoûts liés aux opérations extérieures 657 092 265

07 Surcoûts liés aux opérations intérieures 10 075 604

Programme 212 : Soutien de la politique de

défense 1 465 886 398

01 Direction et pilotage 65 129 617

02 Fonction de contrôle 23 854 922

03 Gestion centrale 448 545 229

04 Politique immobilière 818 859 272

05 Systèmes d’information, d’administration et de gestion 108 316 116

06 Accompagnement de la politique des ressources humaines -226 392 222

08 Promotion et valorisation du patrimoine culturel 51 070 595

09 Communication 40 368 594

10 Restructurations 136 134 275

Source : Rapports annuels de performance 2010, ministère du Budget, 2011.

Observons que le programme « Préparation et emploi des forces » concentre près de 80 % des crédits disponibles (soit 33,23 milliards d’euros). Le rassemblement des crédits par objectif autorise désormais chaque responsable ou pilote de la mission à opérer les arbitrages

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nécessaires pour atteindre l’objectif fixé en début de période budgétaire. Par exemple, l’ancienne secrétaire générale pour l’administration du ministère de la Défense, Evelyne Ratte, rappelait que la LOLF « allait profondément modifier la gestion des personnels : les armées devront s’adapter à une gestion non plus seulement en termes d’effectifs mais également en termes de masse salariale ». Or, la déflation des effectifs du ministère de la Défense (-29 961 personnes entre 2008 et 2011) ne s’est pas accompagnée d’une baisse de la masse salariale (11,2 milliards d’euros en 2008 contre 11,7 milliards en 2011) en raison, entre autres, du succès des dispositifs de départs volontaires des officiers et sous-officiers (112 millions d’euros) et des coûteuses mesures d’accompagnement (80 millions d’euros au titre des indemnités de départ de civils), sans parler de la réforme du régime de retraite.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces premiers exercices budgétaires placés sous le signe de la performance ? En premier lieu, la mise en place de la LOLF n’a pas annulé les pratiques désormais récurrentes d’annulations et d’ouvertures de crédits, qu’il s’agisse d’autorisations d’engagement ou de crédits de paiements. Dans l’ensemble, pour l’année 2010, 2,8 milliards d’euros ont été ouverts en crédits de paiements pour près du double en autorisations d’engagements, alors que 0,6 milliard d’euros ont été annulés, dont la moitié dans le programme 146 lié à l’équipement des forces (tableau 6).

Tableau 6 : Total des ouvertures et annulations de crédits, 2010 (en millions d’euros)

Ouvertures Annulations

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Titre 2 Autres titres

Titre 2

Autres titres Titre 2 Autres

titres Titre 2 Autres titres

Programme 144 4,2 196,8 4,2 109,9 3,0 68,1 3,0 50,7

Programme 146 0,2 2 756,8 0,1 1 024,

5 7,4 470,3 7,4 331,8

Programme 178 544,4 1 005,1 544,4

711,5 2,1 218,2 2,1 188,7

Programme 212 82,1 226,3 82,1 365,5 18,2 12,6 18,2 40,6

Total 630,9 4 185,1 630,9 2 211,5 30,7 769,1 30,7 611,9

Source : Rapports annuels de performance 2010, ministère du Budget, 2011.

En termes de performance, un grand nombre d’objectifs sont remplis ou proches de l’être. Toutefois, d’autres objectifs affichent des taux d’efficacité faibles voire inquiétants. Par exemple, dans le cadre du programme 146, le taux de réalisation des équipements en vue des opérations d’armement principales du système de forces « protection et

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sauvegarde » n’atteint que 28 %53 contre une cible de 85 %, avec une moyenne des délais de réalisation des opérations d’armement principales de 2,87 mois en 2010 (3,17 mois en 2009) contre un objectif de 2,25 mois. Dans le programme 178 de préparation et d’emploi des forces, le niveau d’entraînement opérationnel répond de manière insatisfaisante aux principales exigences attendues. Si les troupes engagées en opérations sont bien préparées, le niveau insuffisant de disponibilité des équipements tend à dégrader certains savoir-faire opérationnels, en particulier dans la Marine et l’armée de l’Air (transport tactique). Par ailleurs, la disponibilité technique des matériels sur les théâtres d’opérations donne satisfaction, mais les efforts qui y sont consacrés pèsent sur l’entraînement en métropole, en particulier pour les parcs aéronautiques anciens ou en faible nombre (Atlantique 2, C160, hélicoptères de manœuvre, avions ravitailleurs)54

Enfin, la capacité de projection des armées françaises en cas de conflit de grande ampleur a souvent été montrée du doigt comme étant trop ambitieuse et non réalisable en l’état des moyens disponibles. L’objectif du Livre blanc de 2008

. Les solutions qui se mettent en place impliquent une préparation des forces très différenciée, induisant des ruptures de rythmes opérationnels entre la métropole et les théâtres d’opération. La question du processus de préparation des forces devient plus aiguë et semble se heurter frontalement à la nécessité de contenir les crédits d’activité et de fonctionnement qui sont susceptibles d’entraîner sur les prochaines années des mesures de réduction d’activité ciblées qui toucheront les trois armées, sauf en cas d’abondement budgétaire. Enfin, les objectifs en matière de ressources humaines (recrutement, fidélisation, sorties) ont été atteints sans permettre de réduire le niveau de la masse salariale.

55

53 Le rapport annuel de performance fournit comme explication à cet écart avec l’objectif l’effet des décalages de lancement d’opérations, en particulier les opérations CERES, OMEGA, SIA, et ROEM stratégique (CLOVIS) et par des retards industriels, notamment sur DNG3D, SCCOA3, les sites PHAROS pour le programme Segment Sol d’Observation ainsi que par le décalage de la livraison du segment sol Pléiades compte tenu du report du lancement des satellites en raison de l’indisponibilité du lanceur Soyouz à Kourou.

consiste à disposer d'une capacité d'action dimensionnée de la manière suivante : une force opérationnelle terrestre de 88 000 hommes autorisant un dispositif d'alerte de 5 000 hommes ; une capacité mobilisable sur le territoire national de 10 000 hommes en appui des autorités civiles et des moyens de souveraineté et de présence ; une projection à une distance de 7 000 à 8 000 kilomètres, de 30 000 hommes déployables en six mois pour une durée d’un an et disposant de leur autonomie dans les principales fonctions opérationnelles interarmes (combat de contact, appui, soutien) ; une force opérationnelle maritime permettant la projection d’un groupe aéronaval, de deux groupes navals, amphibie ou de protection du trafic maritime (groupe d'action maritime), ainsi que les soutiens logistiques associés, un dispositif d’alerte et de surveillance ; et une force opérationnelle aérienne permettant la projection de 70 avions de combat modernes, d'avions de soutien opérationnel,

54 Rapport projets annuels de performance (PAP), ministère du Budget, 2008, 2010, 2011. 55Commission du Livre blanc, Livre blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, Paris, Odile Jacob, 2008. p.317, tome 1, 2ème partie

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d'avions de transport en appui de la force opérationnelle terrestre, de soutiens logistiques associés, de moyens de commandement et de contrôle de la composante ainsi que de deux bases aériennes projetables majeures.

Face à ces objectifs, le rapport de performance 2010 conclut que les armées ont globalement la capacité à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France, sans répondre totalement, sur le plan capacitaire, à l’hypothèse d’un engagement majeur. Les études menées en 2010 ont confirmé le déficit en capacités de projection stratégique (retard de la livraison de l’A400M), en moyens de mobilité tactique (vieillissement et insuffisance du parc d’hélicoptères de manœuvre) et surtout en capacités de soutien technique et logistique. L’aptitude à durer lors d’un conflit de haute intensité nécessiterait un plan de montée en puissance et une budgétisation de ressources supplémentaires. L’armée de Terre a rencontré des difficultés pour honorer totalement son contrat opérationnel « 30 000 hommes ». Les capacités d’intervention de la Marine nationale se sont situées globalement en deçà des objectifs fixés par le contrat opérationnel, en raison de l’indisponibilité technique du porte-avions programmée de juin à octobre 2010, ainsi que des difficultés liées à la disponibilité des sous-marins nucléaires d’attaque qui font partie de ce groupe (moyens d’escorte)56

En conclusion, la méthode d’analyse des capacités militaires, mesurée par un indicateur de performance, ne peut donc devenir une fin en soi et se substituer à un exercice de prospective stratégique ou de doctrine militaire à longue échéance. Toutefois, le degré de réalisation d’une capacité clé doit à terme permettre de disposer d’un référentiel stable autour duquel chaque armée peut corriger tout déficit capacitaire et non tendre vers un objectif irréalisable.

.

La difficulté majeure tient en la construction d’indicateurs transversaux aux armées pour les objectifs opérationnels. En soi, cette situation traduit tout simplement les difficultés liées à la nécessaire fongibilité des crédits budgétaires de défense dans une perspective de découpage fonctionnel des missions du ministère de la Défense. C’est pourquoi le programme « Préparation et emploi des forces » suscite encore de vives réserves57

56 Les détails sur les niveaux de réalisation des engagements pris dans la loi de programmation militaire et ceux inscrits en loi de finance initiale sont rapportés dans les documents du ministère du Budget, appelés projets annuels de performance (PAP) et consultables sur le site :

au sein du Parlement et de la Cour des Comptes car, pour certains, il s’éloigne trop du cadre LOLF, et pour d’autres, il reste trop volumineux et par voie de conséquence peu propice à une lecture

http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/la-performance-de-laction-publique/le-controle-de-la-performance/approfondir/les-projets-annuels-de-performances-pap.html 57 Entretiens réalisés par Martial Foucault et Pierre Kopp dans le cadre du rapport « La Performance dans les Armées : Définitions et Perceptions », Centre d’Etudes en Sciences Sociales de la Défense, ministère de la Défense, 2005, accessible à l’adresse : http://www.c2sd.sga.defense.gouv.fr/IMG/pdf/KOPP_performance_armees_2005.pdf

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fonctionnelle qui conduirait in fine à le (re)découper en plusieurs missions. Ce rappel souligne la complexité avec laquelle la performance doit être appréhendée. Si l’activité de contrôle de gestion paraît une dimension aujourd’hui maîtrisée par les services de Défense, la performance dépasse ce simple outil et oblige désormais les personnels militaires à s’interroger sur l’adéquation entre les emplois et les ressources, sans que le Livre blanc ne soit à cet égard d’une grande aide.

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Choix budgétaires : « welfare vs. warfare » ?

e rappel en introduction du sondage mené en 2011 sur les priorités de dépenses publiques indique que les Français accordent une importance

plus élevée à l’intervention de l’Etat en matière d’éducation, d’emploi et de santé. Dès lors, on peut s’interroger sur la montée en puissance d’un modèle français et d’ailleurs européen qui opposerait les dépenses militaires (warfare) aux dépenses sociales (welfare). Dans une perspective plus partisane, la décision d’investir massivement en dépenses sociales serait susceptible d’augmenter la probabilité de victoire pour un candidat présidentiel ou un parti politique de gauche lors des élections législatives.

Cette hypothèse a fait l’objet d’un très grand nombre de validations empiriques durant les 30 dernières années. Globalement, il existe un biais partisan en faveur des dépenses sociales pour les gouvernements de gauche ou majoritairement de gauche dans le cas de gouvernements de coalition. A l’inverse, les dépenses militaires suivraient une logique opposée, c’est-à-dire que les gouvernements de droite favoriseraient, toute chose égale par ailleurs, les dépenses militaires par rapport à la hausse des dépenses sociales58. Très bien documentée aux Etats-Unis, cette hypothèse est validée, tant pour les dépenses militaires prises dans leur ensemble59 que pour les allocations de programmes d’armement et le locataire de la Maison Blanche60. Dans une étude plus large comprenant 10 pays développés, Klingermann, Hofferbert, et Budge61 ont démontré que les gouvernements de droite tendent à investir davantage dans la défense nationale (résultat récemment confirmé par Koch et Cranmer62

58 Thomas CUSACK, « Sinking Budgets and Ballooning Prices: Recent Developments Connected to Military Spending ». Discussion Paper of the Research Area Markets and Politics, SP II 2006 - 04, Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung, Berlin. 2006

, alors que

59 Alex Mintz, and Randolph T. Stevenson, « Defense Expenditures, Economic Growth and the ‘Peace Dividend’: A Longitudinal Analysis of 103 Countries », The Journal of Conflict Resolution, vol. 39, n°2, 1995, pp. 283-305. 60 Karl Jr. Derouen and Uk Heo, « Presidents and Defense Contracting, 1953-1992 », Conflict Management and Peace Science, vol. 18, n°2, 2001, pp. 251-68. 61 Hans-Dieter Klingermann, Richard Hofferbert, and Ian Budge, Parties, Policies and Democracy, Boulder,CO, Westview Press, 1994. 62 Michael T. Koch, and Skyler Kranmer, « Testing the ‘Dick Cheney’ Hypothesis: Do Governments of the Left Attract More Terrorism than Governments of the Right? », Conflict Management and Peace Science, vol. 25, n°4, 2007, pp. 311-26.

L

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les partis de gauche affichent une préférence « pro-paix »63

Toutefois, cette démonstration du rôle de l’idéologie n’est pas aussi triviale que ces études le suggèrent. En effet, en cas de conflits internationaux ou de menaces sur la sécurité nationale, il existe en effet un consensus fort pour l’augmentation des dépenses militaires au nom des intérêts nationaux. En revanche, en période de menaces plus faibles, un gouvernement de gauche peut tirer des bénéfices d’une non-diminution des dépenses militaires, en transformant ou « déguisant » le maintien de telles dépenses militaires en politiques sociales liées à la création d’emploi. Au fond, il s’agit d’adopter une politique inspirée du keynésianisme militaire

et une préférence pour les dépenses de bien-être (welfare spending), dilemme connu sous le nom de « guns vs. butter ».

64. Ainsi, Whitten et Williams65

A partir de ce cadre théorique simplifié, interrogeons-nous sur la trajectoire suivie par la France depuis 1995. La France a-t-elle donné une priorité aux dépenses sociales par rapport aux dépenses militaires ? Existe-t-il un biais idéologique en creux de ces évolutions ? Les périodes de cohabitation gouvernementale sont-elles une parenthèse politique « figeant » un tel biais partisan ?

ont mis en évidence pour la première fois que les gouvernements progressistes de 19 démocraties développées favorisent les dépenses militaires en période de faible conflit menace pour en retirer des bénéfices économiques de court terme. Cette étude empirique est importante car elle renverse le postulat simpliste selon lequel un gouvernement de gauche privilégie nécessairement les dépenses sociales par rapport aux dépenses militaires. Certaines nuances d’ordre institutionnel s’imposent : certains pays ont des gouvernements de coalition, d’autres sont rarement engagés dans des conflits internationaux de haute intensité et enfin la base industrielle de défense reste d’une importance marginale dans une majorité de pays.

D’un point de vue méthodologique, les données statistiques utilisées sont celles mises à disposition par l’INSEE (Comptes nationaux) selon la nomenclature COFOG (Classification of the Functions of Government) qui présente l’avantage de raisonner en termes de dépenses publiques fonctionnelles mais présente l’inconvénient d’être disponible seulement à partir de 1995.

Exprimée en euros constants, l’évolution des dépenses publiques en France suit une tendance générale à la hausse sans interruption depuis

63 Kenneth Schultz, Democracy and Coercive Diplomacy, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. 64 Benjamin Fordham, « The Politics of Threat Perception and the Use of Force: A Political Economy Model of US Uses of Force, 1949–1994. », International Studies Quarterly, vol.42, n°3, 1998, pp. 567-90. 65 Guy D. Whitten and Laron K. Williams, « Buttery Guns and Welfare Hawks: The Politics of Defense Spending in Advanced Industrial Democracies », American Journal of Political Science, vol. 55, n°1, 2011, pp. 117-134.

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1945.66

Comparativement aux autres politiques publiques, la part des dépenses de défense dans l’ensemble des dépenses des administrations publiques (Etat, Administrations Publiques Locales, Administrations de Sécurité Sociale) a augmenté en rythme annuel de 2,31 % contre 3,35 % pour la protection sociale et 3,0 % pour les dépenses publiques totales (fig. 7). Autrement dit, le modèle français privilégierait davantage des dépenses de type welfare que warfare. Toutefois, cette présentation est statique et ne donne aucun élément d’analyse de la dynamique des dépenses.

Pour comprendre la dynamique des dépenses, il est préférable

d’analyser la variation annuelle des dépenses de défense et des dépenses sociales. A partir de la figure 8, un résultat intéressant émerge : seules les dépenses militaires ont connu des épisodes de variation annuelle négative (1996-2000 et 2002-03) alors que les dépenses sociales se maintenaient à un rythme positif de croissance. La baisse de 5,6 % des dépenses de défense en 2003 semble à première vue contradictoire avec les évolutions discutées précédemment (figure 4). La raison de ce décalage est liée à la nature des dépenses de type COFOG. Contrairement aux dépenses de défense présentées dans les lois de finance, l’approche COFOG retient les cotisations sociales imputées et ne prend pas en compte les dépenses de gendarmerie dans la catégorie défense, mais dans une catégorie appelée « Ordre et sécurité intérieure » En permettant des comparaisons à périmètre constant, la classification COFOG confirme que les gouvernements français successifs ont accordé une priorité plus importante aux dépenses d’éducation et de protection sociale qu’aux dépenses de défense entre 1995 et 2010.

66 Frank R. Baumgartner, Martial Foucault et Abel François, « A Punctuated Equilibrium in French Budgeting Processes », Journal of European Public Policy, vol. 13, n°7, 2006, pp. 1082-1099.

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90

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Millia

rds €

2005

Fig. 7: Evolution warfare vs. welfare en France (1995-2010)

Défense Protection sociale Education

Source: INSEE, Comptes

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En revanche, la thèse d’une influence partisane pour expliquer cette préférence pour les dépenses sociales reste peu crédible en France. En effet, en mesurant la corrélation entre le taux de variation annuel des dépenses militaires entre 1980 et 2010 et l’appartenance à un gouvernement de droite (coefficient r = -0,15), aucune corrélation significative n’apparaît. Le tableau ci-dessous résume ces observations en distinguant deux dimensions politiques : la couleur politique du gouvernement, et les périodes de cohabitation. Deux gouvernements apparaissent distinctement comme étant les plus volontaristes en matière de défense, le gouvernement Mauroy (1981-84) et le gouvernement Raffarin (2002-05). Autant le Premier ministre socialiste gouvernait dans une période d’instabilité géopolitique et maintenait un effort de défense important, autant l’effort de défense du Premier ministre Raffarin intervenait dans une période de risque international plus faible malgré l’après-11 septembre 2001 où la France n’a pas pris part comme ses principaux alliés de l’OTAN aux interventions en Afghanistan et en Irak mais était positionnée en Côte d’Ivoire (Licorne) et au Kosovo (KFOR). A l’inverse, les gouvernements Balladur et Juppé ont largement contribué au désinvestissement en matière de la défense, avec une baisse moyenne de 2,5 % des dépenses militaires et une loi de programmation militaire faiblement exécutée.

-10%

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Fig. 8: Taux de variation annuel dépenses publiques (COFOG), France

Défense Protection sociale Education

Source: INSEE, Comptes Nationaux

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Tableau 6 : Effet partisan de l’allocation des dépenses de défense

GOUVERNEMENT

TAUX DE VARIATION ANNUEL MOYEN DES DEPENSES

MILITAIRES GOUVERNEMENT MAUROY (1981-84) +3,27 %

GOUVERNEMENT FABIUS (1984-86) -0,02 % GOUVERNEMENT CHIRAC (1986-88) +2,10 %

GOUVERNEMENT ROCARD (1988-91) +0,70 % GOUVERNEMENT CRESSON (1991-92) -1,90 %

GOUVERNEMENT BEREGOVOY (1992-93) -0,60 % GOUVERNEMENT BALLADUR (1993-95) -2,53 %

GOUVERNEMENT JUPPE (1995-97) -2,51 % GOUVERNEMENT JOSPIN (1997-2002) -1,96 % GOUVERNEMENT RAFFARIN (2002-05) +2,56 %

GOUVERNEMENT DE VILLEPIN (2005-07) +0,00 % GOUVERNEMENT FILLON (2007-2010) +1,00 %

GOUVERNEMENT GAUCHE +0,17 % GOUVERNEMENT DROITE +0,12 %

GOUVERNEMENT DE COHABITATION -1,15 %

PRESIDENT F. MITTERRAND -0,13 % PRESIDENT J. CHIRAC -1,96 %

Note : Les périodes considérées pour chaque gouvernement correspondent à celles où le budget a été voté sous leur responsabilité. Par exemple, les années 1986/87 et 1987/88 ont été retenues pour le gouvernement Chirac (1986-88). Source : données ministère de la Défense, OED, Euros constants 2000.

De manière générale, il est difficile d’affirmer qu’il existe un biais

partisan dans le processus d’allocation des dépenses de défense en France. Sur la période 1980-2010 (cf. annexe), les gouvernements de gauche ont, contrairement à une idée répandue, contribué à l’effort budgétaire de défense (+0,17 %) dans des proportions similaires aux gouvernements de droite (+0,12 %). Cela signifie que les intérêts de défense nationale relèvent davantage d’une logique non partisane, probablement au nom des intérêts supérieurs de l’Etat et dans le prolongement d’une certaine idée de la « grandeur de la France ». Ou encore qu’il serait trop rapide d’établir un clivage gauche-droite en France comme facteur explicatif des choix budgétaires de défense. En revanche, dans la lignée des travaux de Alesina et Rosenthal67

67 Alberto Alesina, Howard Rosenthal, Partisan Politics, Divided Government, and the Economy, New York, Cambridge University Press, 1995.

sur les effets politiques sclérosés des périodes de cohabitation en France ou de gouvernement partagé (divided government) aux Etats-Unis, la cohabitation française semble à première vue agir comme une contrainte institutionnelle forte (institutionnal friction) à l’endroit du budget de défense. Même si le Premier ministre gouverne la politique de défense, le Président de la République reste le chef des armées. Il n’est donc pas surprenant

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d’observer qu’une possible divergence de vues et donc de priorités budgétaires à l’égard dudit « domaine réservé » ait eu pour conséquence une diminution des budgets de défense en période de cohabitation (-1,15 %), bien que cette baisse soit surtout plus marquée pour la période 1997-2002 (-1,96 %).

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Comparaisons internationales : maintien ou déclassement ?

a trajectoire budgétaire décrite dans les sections précédentes de ce document soulève des interrogations sur la place que la France tient

désormais dans le concert des puissances européennes et parmi ses nouveaux alliés de l’OTAN. Cette dernière section se consacre à l’étude du positionnement relatif de la France au regard de plusieurs indicateurs d’effort budgétaire de défense permettant la comparaison avec d’autres pays.

Europe de la défense et divergence budgétaire Depuis la mise en œuvre de la politique européenne de sécurité et de défense en 1999, la France et le Royaume-Uni ont perdu de leur élan européaniste pour, au fond, maintenir des attitudes nationales et camper sur des positions stratégiques à géométrie variable. Si le conflit irakien, et, dans une moindre mesure l’opération otanienne en Afghanistan, ont permis de mesurer combien l’Europe de la Défense peine à reposer sur une vision stratégique acceptée de tous, il n’en reste pas moins que la guerre en Irak a relégué au second plan le leadership britannique de la PESD. Mais dans le même temps, ni la France ni l’Allemagne ne sont parvenues à endosser un rôle sans doute trop coûteux pour leurs finances, rôle dont l’Allemagne n’a jamais voulu par ailleurs. C’est pourquoi il importe de prendre avec réserve les propositions visant à accélérer le processus d’intégration européenne en matière de défense. Deux exemples permettent d’illustrer notre propos.

Premièrement, le débat engagé par Jacques Chirac au début de son quinquennat au sujet de la construction d’un second porte-avion n’a toujours pas été transformé en proposition d’acquisition ferme. La proposition de construire ce second porte-avion en coopération avec les Britanniques reste en suspens. A cet égard, Nicolas Sarkozy précisait le 7 mars 2007 qu’il « n’apparaît pas réaliste, du moins à moyen terme, de miser sur l’européanisation de l’emploi d’un tel équipement »68

68 Discours de Nicolas Sarkozy, Notre défense, une priorité, Paris, 7 mars 2007, accessible à l’adresse :

avant de signer en novembre 2010 le traité dit de Lancaster House qui met la coopération navale au cœur d’un partenariat franco-britannique renforcé. La perspective d’un porte-avion britannique (Prince of Wales) compatible avec le Charles de Gaulle capable d’accueillir des avions catapultés et non à décollage vertical (pour accueillir l’avion de chasse F-35) risque pourtant

http://www.european-security.com/index.php?id=5638

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de rester lettre morte.69 Si tel est le cas, les avions français ne pourront plus opérer depuis le navire britannique, et réciproquement, comme c'était initialement prévu. De nouveau, la coopération franco-britannique depuis l’accord de Saint-Malo semble un long fleuve agité sur lequel les intentions politiques ne survivent pas toujours aux réalités budgétaires.70

Tableau 7 : Dépenses militaires au sein de l’Union européenne (en % du PIB)

1990 1995 2000 2005 2010 ALLEMAGNE - 1,3 1,1 1,0 1,1

FRANCE - 2,5 2,0 1,8 2,1 ITALIE 1,6 1,3 1,2 1,3 1,4

SUEDE - 2,5 2,3 1,7 1,6 ROYAUME-UNI 4,0 3,1 2,5 2,5 2,7

UE 15 - 1,8 1,6 1,6 1,6 UE 27 - - - 1,5 1,6

Source : Données COFOG, Eurostat (consulté le 3 avril 2012). http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/statistics/search_database

Deuxièmement, pour bien comprendre les zones de tension entre

pays membres à l’égard de la politique européenne de défense, il est utile de rappeler les différences observées aujourd’hui en matière d’effort budgétaire de défense (tableau 7). En effet, à l’exception du Royaume-Uni (2,7 %), de la France (2,1 %) et de la Grèce (2,2 %), tous les pays de l’Union Européenne (UE 15) consacraient en 2010 un effort inférieur à 2% de leur PIB pour une moyenne communautaire de 1,6 %. Ces chiffres contrastent avec ceux présentés dans la première partie en raison du périmètre retenu (Cf. annexe 1) dans les données Eurostat qui ressemblent de près aux données OTAN mais s’éloignent des données du ministère du Budget. Selon les données de l’OTAN (figure 9), l’effort budgétaire de défense met en évidence un quatuor européen composé de deux pays leaders (Royaume-Uni et France) et deux pays « suiveurs » (Allemagne et Italie). Fait marquant, tous ces pays ont enregistré des baisses de leur budget de défense à partir de 2008. De nouveau, le lien non causal entre dépenses militaires et croissance économique laisse toutefois entendre que les conditions macroéconomiques exercent un rôle non négligeable sur le financement des dépenses de défense. Toutefois, si la crise économique de 2008 affecte de manière uniforme les choix de dépenses publiques, certains investissements publics (comme ceux de la défense) reportés aujourd’hui risquent de se payer « cash » dans quelques années, au regard des fameuses bosses budgétaires observées dans le cas français plus haut.

69 « Porte-avions : menace sur la coopération franco-britannique », Les Echos, 4 mars 2012. 70 Guillaume Goessens, « Où en sont les accords de coopération franco-britanniques de novembre 2010 ? », Note d’Analyse du GRIP, 30 mars 2012, Bruxelles.

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Rapportées à la population, les dépenses de défense font apparaître trois groupes distincts parmi les principales puissances militaires européennes (figure 10). Le Royaume-Uni est de loin le pays qui consacre la part la plus élevée à sa défense (730 €/hab) en 2010, suivi par la France et la Suède (autour de 600 €/hab) et finalement l’Italie (370 €/hab) et l’Allemagne (320 €/hab) décrochent sensiblement des trois pays de tête. Par ailleurs, ces deux derniers pays sont les seuls à ne pas avoir engagé un processus de réinvestissement de la défense depuis 2009 -les effets de la réforme de la Bundeswehr pourraient toutefois infléchir ce constat.

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Fig. 9: Evolution des dépenses de défense, OTAN (en millions de US $ courants)

Belgium

Denmark

France

Germany

Greece

Italy

Netherlands

Poland

Portugal

Spain

United Kingdom

Source: OTAN, dépenses militaires (1980-2010)

Allemagne

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Italie

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20

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Euro

s / h

abita

nt

Fig. 10: Dépenses militaires / habitant

Source: Données COFOG, Eurostat (2012).

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Toutefois, dans chacun de ces pays, la défense reste le principal poste d’investissement public de l’Etat central, avec une tendance à la hausse depuis les attentats du 11 septembre 2001. Ainsi, à l’aide du tableau ci-dessous, observons l’engagement des pays-membres dans un processus de rattrapage, dont l’effort s’est concentré sur l’augmentation des moyens capacitaires et le développement de nouveaux programmes. A l’exception de l’Italie et, dans une moindre mesure, de l’Allemagne, tous les pays leaders de l’Europe de la Défense ont substantiellement bonifié leurs choix d’investissement par rapport à la période 2000-2005, et ce au détriment des dépenses de fonctionnement qui ont évolué moins vite entre 2006 et 2010 qu’entre 2000 et 2005.

Tableau 8 : Evolution de l’effort de défense

(par type de dépenses)

DEP. DE FONCTIONNEMENT DEP. DE CAPITAL

(2000-05) (2006-10) (2000-05) (2006-10)

ALLEMAGNE +10,2 % +5,9 % -5,9 % +35,9 % FRANCE +5,5 % +9,6 % +14,7 % +9,2 %

ITALIE +21,9 % +6,1 % -13,5 % +44,0 %

ROYAUME-UNI +11,7 % +11,3 % +6,5 % +19,5 %

ETATS-UNIS +58,1 % +10,2 % +36,7 % +51,3 %

Source : Données OTAN – Mémorandum statistique de décembre 2010 (retraitement Direction des Affaires Financières, ministère de la Défense), OED, Annuaire statistique de la Défense 2010/11.

Par ailleurs, le tableau 8 qui reprend des données OTAN à des fins

de comparaison entre périmètres constants et en parité de pouvoir d’achat confirme que les principales puissances européennes réagissent de manière divergente aux adaptations de leur modèle de défense. Il est difficile, à la lecture de ces données budgétaires, d’établir une convergence budgétaire européenne quand, durant la même période (2006-10), un pays comme l’Allemagne augmente de 36 % ses dépenses d’équipement, alors que la France ne consent qu’un effort de 9,2 %. Même si les variations (flux) du tableau 8 ne donnent pas d’indication sur les stocks de dépenses de défense, elles confirment que la dynamique budgétaire européenne renvoie à des décisions nationales, en ce sens qu’elles répondent davantage à des impératifs nationaux qu’à une tentative de politique européenne de défense. Les conditions macroéconomiques actuelles, caractérisées par l’austérité budgétaire, réduisent certainement les marges de manœuvre mais n’expliquent pas à elles seules les réticences répétées des pays européens à définir les termes d’une stratégie coopérative pour rendre leur effort budgétaire de défense plus efficient et surtout moins dépendant des cycles économiques. Dans le même temps, cela impliquerait de dépasser les difficultés à organiser des coopérations industrielles efficaces (c’est-à-dire débarrassées du principe du juste

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retour), à sauvegarder des politiques industrielles nationales, et à identifier des menaces de sécurité communes aux 27 pays.

Les programmes d’ajustement financier définis dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques en France ou de la Strategic Defense Review au Royaume-Uni71

La décision de se tourner vers le partenaire britannique n’est pas illogique, tant la France et le Royaume-Uni présentent des caractéristiques communes en termes de positionnement stratégique et budgétaire. Depuis le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN en 2007, la ligne de fracture qui s’établissait entre un Royaume-Uni plus atlantiste et une France plus communautaire s’est presque refermée.

(baisse de 8 % des crédits sur 4 ans) ne constituent pas des nouvelles encourageantes pour les armées de ces deux pays. La recherche d’économies budgétaires pour réduire leur déficit public oblige aujourd’hui la France et le Royaume-Uni à redéfinir les ambitions affichées lors du sommet franco-britannique de Lancaster House même si l’objectif « budgétaire » est de mutualiser, par partage ou par acquisition commune, certaines dépenses, et donc de les réduire ou d’en tirer davantage. Toutefois, il serait faux de considérer que cet épisode d’austérité budgétaire marque à lui seul le début d’une nouvelle ère de désinvestissement du champ de la défense. En effet, comme l’indique la figure 11, la part des dépenses militaires dans les dépenses publiques suit une tendance générale à la baisse depuis le début des années 1990 avec un maintien autour de 5,5 % pour le Royaume-Uni et 3,5 % pour la France entre 2000 et 2010. Compte tenu de la dégradation des comptes publics pour ces deux pays depuis 2008, l’annonce prochaine de gels de crédits de paiements pour les années à venir ne peut surprendre.

71 Annoncé en 2010, la Strategic Defense Review prévoit une baisse des crédits de 8 % en termes réels d’ici 2015, une réduction de 5000 personnes pour l’Armée de l’Air, 7000 pour l’Armée de Terre et 25000 civils au ministère de la Défense. John F.Burn, « Britain Announces Severe Military Cutbacks », New York Times, 19 octobre 2010. Accessible à l’adresse : http://www.nytimes.com/2010/10/20/world/europe/20britain.html

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Ces deux pays assurent près de 50 % des dépenses militaires de

l’Union Européenne, 50 % des achats d’armements et 60 % de la recherche militaire.72 Les incertitudes liées à la mutualisation du porte-avions ne remettent toutefois pas nécessairement en cause le développement de matériels communs (missiles et satellites de communication). En revanche, la nature des méthodes d’acquisition d’armement, le rôle de la DGA et de son équivalent outre-Manche, la DPA (Defense Procurement Agency), et les différences de culture entrepreneuriale73

Perspectives globales : le spectre du déclin européen ?

témoignent des difficultés structurelles à bénéficier d’économies d’échelle substantielles dans un avenir proche.

A l’échelle mondiale, les Etats-Unis maintiennent leur statut de puissance militaire avec un budget de défense de 711 milliards de dollars, soit un montant 13 fois supérieur à celui de la France. Si la comparaison France – Etats-Unis n’est pas pertinente dans l’absolu, elle relève toutefois une tendance diamétralement opposée au cours des dix dernières années. Au-delà de la France, le constat s’applique pour l’ensemble de l’Europe.

72 Voir données statistiques de l’Agence Européenne de Défense : http://www.eda.europa.eu/Publications 73 Pour une revue des pratiques et amélioration envisagées dans le processus d’acquisition au Royaume-Uni, le lecteur se reportera au Gray Report, « Review of acquisition for the Secretary of State for Defence, An independent report by Bernard Gray », Londres, octobre 2009, accessible à l’adresse : http://www.mod.uk/NR/rdonlyres/78821960-14A0-429E-A90A-FA2A8C292C84/0/ReviewAcquisitionGrayreport.pdf

Allemagne France

Italie

Suède

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2010

Fig. 11: Part des des dépenses militaires dans les dépenses publiques

Source: Données COFOG, Eurostat (2012)

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Tableau 9. Classement des 10 premiers pays selon leur niveau de dépenses militaires

RANG (2011) PAYS DEPENSES

MILITAIRES*

VARIATION 2010–2011

(%)

VARIATION 2002–2011

(%) 1 Etats-Unis 711 -1,2 + 59 2 Chine [143] +6,7 + 170 3 Russie [71,9] +9,3 + 79 4 Royaume-Uni 62,7 -0,4 + 18 5 France 62,5 -1,4 -0,6 6 Japon 59,3 0 –2,5 7 Inde 48,9 -4,9 + 66

8 Arabie Saoudite** 48,5 +2,2 + 90

9 Allemagne [46,7] -3,5 –3,7 10 Brésil 35,4 -8,2 + 19

Monde 1 738 + 0,3 + 42

Source : SIPRI military expenditures database * Les dépenses militaires sont exprimées en US $ aux prix et taux de change courants. ** Les données pour l’Arabie Saoudite incluent les dépenses de sécurité intérieure. [ ] = estimations.

Dans son dernier rapport publié en avril 2012, le SIPRI74

74 Cf. SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), consultable à l’adresse suivante :

observait pour la première fois depuis 1998 une stagnation (hausse de 0,3 %) des dépenses militaires mondiales qui s’établissent désormais à 1 740 milliards de dollars. Le classement des dix premiers pays présentant les budgets de défense les plus importants n’évolue pas, malgré la montée en puissance des pays émergents (Chine 2e, Inde 7e, Brésil 11e). Seuls la Chine (+6,7 %), la Russie (+9,5 %) et l’Arabie Saoudite (+2,2 %) ont augmenté leurs dépenses militaires en 2011 dans un contexte de croissance économique mondiale ralentie et de réduction de certaines dépenses publiques. Avec 71,9 milliards de dépenses militaires, la Russie devance désormais la France et le Royaume-Uni et confirme non seulement le réarmement de son outil militaire mais aussi le succès à l’export de ces industries (4e exportateur mondial). Par ailleurs, ce classement (tableau 9) met en évidence la position en retrait des trois pays européens pour la dernière décennie : la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne sont les trois seuls pays à avoir connu une hausse inférieure de 20 % pour la période 2002-2011, comparativement à une moyenne mondiale de +42 %, certes alimentée par les Etats-Unis (+59 %), la Chine (+170 %) et la Russie (+79 %). A long terme, la Russie semble, selon les propos de campagne électorale de Vladimir Poutine, le pays le plus volontariste, en ce qu’il a programmé une hausse de 749 milliards de dollars de crédits d’équipement, de R&D et de soutien à l’industrie d’ici 2020 (prévision de remplacement de 70 % de son parc militaire datant des années pré-Eltsine.

http://www.sipri.org/media/pressreleases/17-april-2012-world-military-spending-levels-out-after-13-years-of-increases-says-sipri

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Finalement, il semble qu’une nouvelle période émerge, caractérisée par une évolution assez nette des rapports de forces entre puissances militaires, avec d’un côté la montée en puissance de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Afrique, et de l’autre le déclin, même timide, des Etats-Unis (les dépenses militaires américaines représentent toujours 41 % des dépenses mondiales) et surtout de l’Europe. Ce portrait global reste fragile et étroitement lié à l’intensité des zones de conflits contemporains et la nature des menaces sur la sécurité des Etats.

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Conclusion

e toutes les missions régaliennes de l’Etat français, la défense est certainement le secteur qui a connu les plus profondes transformations

lors de ces quinze dernières années. Souvent invisibles, ces mutations se sont traduites par des engagements budgétaires d’ampleur variable dans un contexte géopolitique nouveau, marqué par de fréquentes interventions dans des crises régionales souvent lointaines, et dans un environnement économique instable.

L’analyse budgétaire des choix de défense apporte des éclairages sur la dynamique de dépense au regard des contraintes stratégiques, institutionnelles, économiques et partisanes. Depuis longtemps, la défense semble faire l’objet d’un consensus politique au nom des intérêts supérieurs de la France, incarnés par la politique d’indépendance nucléaire. La campagne électorale de 2012 ne semble pas avoir fait émerger de nouvelles lignes de fracture. Les principaux candidats ont tous sans exception confirmé vouloir une politique de défense ambitieuse et un renforcement du lien entre armées et Nation. Force est pourtant de reconnaître que les enjeux de défense ne figurent pas parmi les priorités auxquelles les Français accordent beaucoup d’attention.

Depuis 1980, les gouvernements successifs ont entériné des choix de défense dont les conséquences ne peuvent être observées qu’à moyen et long termes sur le plan budgétaire mais dont l’impact sur le plan militaire est bien réel. Parmi les différents éléments relevés par le présent texte, les points qui suivent méritent plus particulièrement l’attention.

Le budget défense voté en 2010 (32,19 milliards d’euros de 2010) correspond peu ou prou en valeur au budget adopté en 1981. L’évolution des dépenses militaires françaises est donc orientée à la baisse depuis 30 ans lorsque l’on tient compte de son poids dans le PIB (1,7 % en 2011) et dans les dépenses publiques de l’Etat (9,5 % en 2011).

Malgré son cinquième rang mondial pour ce qui est de la taille du budget de la défense, la France est confrontée à un dilemme intenable : soit laisser décliner l’outil militaire faute de crédits suffisants ; soit augmenter les dépenses de défense, alors que des pressions fortes s’exercent sur les gouvernements afin de préserver les dépenses sociales. La logique welfare vs warfare a d’ores et déjà contribué à la stagnation des crédits militaires, en particulier les crédits d’équipement depuis 1990, et ce, quelle qu’ait été la couleur politique des gouvernements – en d’autres

D

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termes, il n’existe pas de biais partisan dans le processus d’allocation des dépenses de défense en France.

Outil de planification budgétaire censé sanctuariser les dépenses de défense, les lois de programmation militaire ne parviennent pas ou très difficilement à assurer un modèle de défense crédible et en cohérence avec les Livres blancs de 1994 ou de 2008. A cet égard, un phénomène « d’inflation militaire », correspondant aux prix de la production d’armement, semble autant à l’œuvre en France qu’aux Etats-Unis, et contribue notablement à la détérioration des conditions de financement de l’acquisition d’équipements militaires, tant en termes d’engagement que de paiement. Les effets de l’inflation militaire sont d’autant plus aigus que les niveaux d’endettement atteints par les pays occidentaux obligent à geler la progression des dépenses. Par rapport à l’hypothèse du Livre blanc de 2008 (dont la révision prochaine pourrait modifier les engagements prévus en 2008), l’application de la règle du « gel en volume » impliquerait ainsi un manque à gagner de 15 milliards d’euros d’ici 2020, alors que le principe du « gel en valeur » déboucherait sur une perte de 29 milliards d’euros entre 2009 et 2020. Le décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement ne cesse de s’aggraver pour atteindre aujourd’hui un déficit cumulé de 46 milliards d’euros (dont 30 milliards pour la période 2006-2012) pour les seuls crédits d’équipement prévus dans le programme 146.

Le prochain gouvernement aura donc à faire face à un choix impératif : soit il décide d’aligner l’évolution des dépenses d’équipement sur le rythme de croissance du PIB pour maintenir le format actuel des armées, soit le format et les capacités des armées devront être révisés à la baisse et annoncés comme tels. Plus précisément, il serait sans doute pertinent de passer en revue les capacités opérationnelles des armées, l’adéquation entre les moyens budgétaires réellement disponibles et les besoins de l’armée française – qu’elle agisse seule ou plus vraisemblablement dans le cadre de coalitions militaires ou de coopérations industrielles – ainsi que d’engager une véritable réforme de soutien, afin d’identifier quelques projets exemplaires et de les mener à bien au cours de la mandature.

Au fond, le débat qui devrait s’engager dès les prochains mois n’est pas seulement un débat d’experts de la défense, de gestionnaires des fonds publics ou d’industriels désireux d’augmenter leurs carnets de commandes, mais plutôt une discussion plus large sur le sens politique à donner au budget de la défense et par-delà sur la place de la France dans les relations internationales.

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Annexes

Annexe 1: Comment mesurer les dépenses militaires ? La mesure des dépenses militaires/budgets militaires fait l’objet de plusieurs approches méthodologiques et offre des comparaisons parfois difficiles75

Les données budgétaires françaises font référence en comptabilité budgétaire à deux agrégats : les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Les autorisations d’engagement (AE) constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées. Pour une opération d’investissement, l’autorisation d’engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction. Les crédits de paiement (CP) constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être ordonnancées ou payées pendant l’année pour la couverture des engagements contractés dans le cadre des autorisations d’engagement. Les AE n’ayant pas été consommées par un engagement juridique sont en principe annulées en loi de règlement, sauf lorsqu’elles correspondent à des projets d’investissements, qui, pour être fonctionnels, nécessitent des moyens totaux qui correspondent à des engagements juridiques s’échelonnant sur plusieurs exercices.

. Dans ce document, nous avons utilisé des données fournies par le ministère français de la Défense, par Eurostat (données COFOG) et par l’OTAN.

Ainsi, le budget de la défense fait apparaître en loi de finance initiale ces deux agrégats de telle sorte que les autorisations d’engagement sont toujours supérieures aux crédits de paiement.

Les données COFOG (Classification of Functions of the Government), utilisées par Eurostat, l’OCDE et l’ONU, adoptent une approche différente dite « compte nationaux » car elles visent la ventilation des consommations finales (au sens de la comptabilité nationale) des administrations publiques : administration générale, défense, ordre public, éducation, santé, protection sociale... Ainsi, les postes relatifs à la consommation individualisable (éducation, santé...) viennent-ils rejoindre les postes similaires financés directement par les ménages. La part de la fonction « défense » dans la nomenclature COFOG est plus faible que le ratio dépenses militaires/budget de l’Etat étant donné que les données COFOG prennent en compte tous les niveaux administratifs (central et local).

75 Pour une analyse détaillée de la difficulté de mesurer les dépenses militaires, voir le très instructif article de Jean-Pierre Matière, « Les difficultés d'estimation des dépenses militaires », Journal de la Société Statistique de Paris, vol. 132, n°4,1991, pp. 49-91.

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Enfin, les données OTAN correspondent aux données budgétaires transmises par les Etats et représentent les paiements réellement effectués ou qui doivent l'être au cours de l'année fiscale. Ces chiffres peuvent accuser des variations sensibles par rapport à ceux figurant dans les documents budgétaires nationaux, en raison des différences existant entre les définitions nationales et la définition OTAN des dépenses de défense. Les dépenses R&D pour les équipements d'importance majeure sont comprises dans les dépenses d'équipement, et les pensions versées aux retraités sont comprises dans les dépenses de personnel. Dans le cas français, les dépenses de gendarmerie ne sont plus prises en compte dans les données OTAN depuis 2009.

Source : OTAN, ministère de la Défense, INSEE, Eurostat.

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Annexe 2: Budget de défense par armée, France (Millions d'Euros constants 2000)

Annexe 3: Évolution du budget de la défense (1980-2010)

-

2 000

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Air Terre Marine

Source: ministère de la Défense

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Bud

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0)

Source : Lois de finance et OED (Ministère de la Défense)

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Annexe 4: Evolution des dépenses d’équipement et de fonctionnement

Annexe 5: Dépense publique dans le PIB depuis 1960

.

30%

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ense

Bud

get

Operating Exp. Equipment Exp.

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Références

Documents officiels

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ASSEMBLEE NATIONALE, Compte rendu loi de finances 2012 , accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-cdef/11-12/c1112010.asp

ASSEMBLEE NATIONALE, Loi de finances rectificative 2009, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1364.asp#P1127_71563

ASSEMBLEE NATIONALE, Rapport d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2003, Commission de la Défense, Rapport n°1411, 4 février 2004, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i1411.asp

ASSEMBLEE NATIONALE, Avis n°3809 présenté au nom de la Commission de la Défense nationale, Paris, 25 octobre 2011, accessible à l’adresse : http://www.assembleenationale.fr/13/budget/plf2012/a3809-tvii.asp

COMMISSION DE LA DEFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMEES, Rapport d’information sur l’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008, n°1378, Paris, Assemblée Nationale, 14 janvier 2009, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1378.asp

CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL, Economie de la Défense, Paris, 2007.

COUR DES COMPTES, La gestion budgétaire et la programmation au ministère de la Défense, Paris, juin 1997.

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DICOD, Les Français et la défense, 15 ans de sondages, Paris, ministère de la Défense.

Discours de Nicolas Sarkozy, Notre défense, une priorité, Paris, 7 mars 2007, accessible à l’adresse : http://www.european-security.com/index.php?id=5638

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Lois de finance initiale pour 2008 (accessible à l’adresse : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000017853368 )

Lois de finance initiale pour 2009 (accessible à l’adresse : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019995721

MEYER Gilbert , Rapport d’information n°328 sur l'entretien des matériels des armées, (Assemblée Nationale), accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-info/i0328.asp

MINISTERE DE LA DEFENSE, Rapport 2011 d’exécution de la loi de programmation militaire 2009-2014, Paris, 26 p.

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OTAN, Rapport stratégique de l’OTAN, NATO 2020: assured security; dynamic engagement, Mai 2010, accessible à l’adresse : http://www.nato.int/strategic-concept/strategic-concept-report.html

Projet de loi de finances pour 2003, n°230, déposé le 25 septembre 2002, accessible à l’adresse : http://www.assemblee-nationale.fr/12/budget/plf2003/discussion.asp#plf

Rapports annuels de performance pour 2006, accessible à l’adresse : http://www2.impots.gouv.fr/documentation/rapports/activites/dgi/2006/dgi_rapport_performance_2006.pdf)

Rapports annuels de performance pour 2007, accessible à l’adresse : http://www2.impots.gouv.fr/documentation/rapports/activites/dgi/2007/dgi_rapport_performance_2007.pdf )

Rapport d’information n°220, « LOLF : culte des indicateurs ou culture de la performance », Sénat, 2005, accessible à l’adresse : http://www.senat.fr/rap/r04-220/r04-220.html

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• Etienne de Durand, Benoît Michel et Elie Tenenbaum, « Helicopter Warfare. The Future of Airmobility and Rotary Wing Combat. », Focus stratégique, n° 32 bis, janvier 2012. http://www.ifri.org/downloads/fs32bishelicopter.pdf

• Pierre Chareyron, « Digital Hoplites. Infantry Combat in the Information Age », Focus stratégique, n° 30 bis, décembre 2011. http://www.ifri.org/downloads/fs30bischareyron.pdf

• Jean-Christian Cady, « Etablir l’état de droit au Kosovo. Succès et échecs des Nations unies », Focus stratégique, n° 34, novembre 2011. http://www.ifri.org/downloads/fs34cady.pdf

• Corentin Brustlein, « Apprendre ou disparaître ? Le retour d’expérience dans les armées occidentales », Focus stratégique, n° 33, octobre 2011. http://www.ifri.org/downloads/fs33brustlein.pdf

• Corentin Brustlein, « Toward the End of Force Projection? II. Operational Responses and Political Perspectives », Focus stratégique, n° 21 bis, septembre 2011. http://www.ifri.org/downloads/fs21bisbrustlein.pdf

• Corentin Brustlein, « Toward the End of Force Projection? I. The Anti-Access Threat », Focus stratégique, n° 20 bis, juillet 2011 http://www.ifri.org/downloads/fs20bisbrustlein.pdf