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1 Les biocarburants au Cameroun : une approche par la méthode Analyse Cycle de Vie. Biofuels in Cameroon. A life cycle analysis Pierre Rolland ATANGANA

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Les biocarburants au Cameroun : une approche par la méthode

Analyse Cycle de Vie.

Biofuels in Cameroon. A life cycle analysis

Pierre Rolland ATANGANA

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Résumé : Le développement des biocarburants comme substitut aux

carburants fossiles compte parmi les enjeux importants de ce début de siècle.

Ces enjeux concernent la sécurité alimentaire, l’épuisement de stocks des

énergies fossiles et le réchauffement climatique.

Au Cameroun, la stratégie gouvernementale consiste en la production de

biocarburants à partir des « huiles de palme » sans faire référence aux sources

cellulosiques. La raison invoquée pour justifier la stratégie, au-delà du

renchérissement du prix des produits pétroliers serait l’étendue des surfaces

cultivables et la réduction de la pauvreté en milieu rural.

On peut cependant questionner ces motifs, en tenant compte du fait que

certaines études portant sur l’impact environnemental de biocarburants issus

de source cellulosique présentent un bilan environnemental plutôt satisfaisant

par rapport à ceux de source agricole. Aujourd’hui, le bilan énergétique et

environnemental semble en voie de devenir une base décisionnelle importante

pour l’adoption ou le rejet du développement d’une filière de biocarburants.

Certes, certaines filières de biocarburants ne présentent pas actuellement de

bénéfices économiques suffisants pour leur adoption en dépit de leur bilan

énergétique et/ou environnemental avantageux mais, doit-on pour autant les

abandonner ? C’est dans cette perspective que l’analyse du cycle de vie

(ACV) nous a paru utile comme outil d’aide à la décision.

Le modèle ACV sous l’approche de l’équilibre partiel nous a permis de faire

une analyse comparative et objective sur la production des biocarburants

pouvant être compatible à la fois sur le plan économique et environnemental.

Elle nous a permis de constater que le gouvernement du Cameroun a appuyé

son orientation sur des choix beaucoup plus politiques, et économiques

qu’environnementaux.

Mots clés : Agriculture, biocarburants, Biomasse, Ecobilan, ACV

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Abstract: The development of biofuels as a substitute for fossil fuels is one of

the most important issues of the beginning of the century. These issues

concern food safety, the depletion of fossil energy and global warming.

In Cameroon, the government's strategy consists in producing only palm oil

biofuels without considering potential cellulosic sources. The reason invoked to

justify this strategy, beyond the increase in oil products prices, is the availability

of vast cultivable land and the reduction of poverty in rural areas.

We can however question these motives, considering that certain studies of

the environmental impact of cellulosic biofuels have shown that the carbon

footprint of the latter is rather satisfactory compared to that of agricultural

biofuels. Nowadays, the energy and environment balance is on the way to

become an important decision-making criterion for adopting or rejecting the

development of a biofuels industry. Admittedly, some biofuels industries are not

economically profitable enough to be adopted despite their advantageous

energy/environment balance. Yet, is this reason enough to give them up? In

this perspective, the Life Cycle Analysis appears to be useful as a decision-

making tool.

The LCA model under the partial equilibrum approch allowed us to make a

comparative and objective analysis of biofuels production that are likely to be

compatible both economically and environmentally. Our findings show that the

Cameroon government's strategy is driven more by politics and economics

than by concerns about the environment.

Keyword : Agriculture, biofuel, biomass, bioenergy, crops energy, LCA

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Au cours des deux dernières décennies, la hausse des cours pétroliers et les

angoisses environnementales ont poussé la plupart des Etats du globe à

s’intéresser aux formes alternatives d’énergie. Motivé par ces facteurs, et par

d’autres enjeux comme la fourniture et l’accès à l’énergie et le développement

d’autres filières énergétiques alternatives, le gouvernement du Cameroun

inscrivait en 2001, le redressement du secteur énergétique dans son agenda.

Le développement des filières de biocarburants comme substitut aux

carburants fossiles comptait parmi les enjeux traités.

Malgré ces bravades, la production totale du Cameroun reste encore à un

niveau insignifiant. La stratégie énonce que, le gouvernement camerounais

privilégiera la production de biocarburants à partir de sources agricoles

notamment dans le cadre du projet « palmier à huile1 » plutôt qu’à partir de

sources cellulosiques.

1 Aujourd’hui, dans le cadre de la production des biocarburants, les besoins en huile de palme de l’Europe se sont élevés d’autant plus que celle-ci est déjà utilisée pour l’alimentation et les produits cosmétiques. Ainsi, depuis un certain nombre d’années, les forêts primaires tropicales sont remplacées par des palmeraies. Souvent brûlées, les forêts subissent un rythme de déforestation élevé alourdissant ainsi la facture climatique. Sur le plan écologique, l’écosystème se dégrade (symbole de ce drame, la menace sur plusieurs espèces de singes, les orang-outants, les gibbons, qui voient leurs territoires disparaître). Ce sont aussi des milieux vivants uniques, riches et irremplaçables qui disparaissent. Sur le plan économique et social, l’exploitation très rentable des palmiers à huile attire les agro-investisseurs qui par spoliation des terres des paysans locaux, s’approprient les territoires et remplacent la forêt primaire nourricière par des monocultures de palmiers à huile. Par spoliation, cela traduit en fait que les habitants traditionnels n’ont souvent pas de titre de propriété, ils ont toujours vécu là et, se font chasser de leur lieu de vie, sans que leur Etat ne les défende d’aucune façon. De graves conflits fonciers opposent exploitants et populations locales, auxquelles des terres sont confisquées sans compensation. Les pays concernés par cette déforestation massive sont nombreux : Honduras, Colombie, Malaisie, Nigéria, Indonésie, Cameroun, République Démocratique du Congo. Cette conversion se poursuit, avec l’assentiment d’acteurs influents. Le Cameroun a lancé depuis 2001, un projet de palmiers à huile avec l’aide active de la France, du FMI et de la Banque Mondiale (1% de forêt est perdu chaque année). En Colombie, les déplacements de populations ont généré des problèmes similaires. L’Indonésie a déjà perdu 72% de ses forêts. En république Démocratique du Congo, pays qui contient 63% des forêts d’Afrique Centrale, la société chinoise de télécommunication ZTE international développe un projet de production et d’exploitation de l’huile de palme (30% des forêts de ce pays soit 15 millions d’hectares sont légalement sous contrat avec des compagnies forestières. Au Cameroun, les palmeraies du groupe français Bolloré s’étendent pour combler le déficit d’huile de palme, mais aussi pour produire des biocarburants. Localement, le développement des plantations à huile de palme suscite aussi des oppositions. A MBAMBOU, les riverains ont protesté, il y a quelques mois, contre l’occupation de 7.500 hectares de terres que l’Etat a rétrocédées à la SOCAPALM pour étendre ses palmeraies. Ils estiment que ces terres leur appartiennent et qu’ils ont donc le droit de les cultiver. Mais, faute de disposer de titres fonciers en bonne et due forme, leurs revendications n’aboutissent pas. Les autorités administratives de la localité leur ont signifié qu’ils n’avaient aucun droit à faire valoir sur ces terres, mais que la société leur réservera des espaces pour les cultures vivrières.

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La croissance accélérée de la population mondiale explose la consommation et

les échanges internationaux via les transports. Illico, les ressources naturelles

sont affectées : les gaz à effet de serre ; les émissions de CO2, les espaces

terrestres et océaniques avec l’urbanisation ou les déchets, les ressources

énergétiques ou alimentaires avec une demande accrue, etc. Ce retour du

malthusianisme, au-delà du mode de gestion pose en filigrane celui du choix

des filières de biocarburants :

- en axant sa stratégie sur le « palmier à huile », dont les bilans énergétiques

et environnementaux sont modestes voire négatifs (surtout pour les gaz à effet

de serre), le Cameroun a-t-il appuyé son orientation sur la base de motifs

économiques ou environnementaux ? Ou alors sont-ce plutôt les facteurs

politiques qui ont le plus largement orientés le choix du gouvernement ? Quand

on connaît les tensions sur les ressources liées à des besoins en surfaces

agricoles assez élevés et les interférences probables avec les écosystèmes

naturels et les systèmes alimentaires de base. On peut questionner ce motif,

tenant que la plupart des études récentes soulignent les effets bénéfiques des

biocarburants issus des sources cellulosiques sur l’environnement que les

biocarburants de sources agricoles. Dans cette perspective, l’Analyse Cycle

de Vie (ACV) peut être particulièrement utile comme outil d’aide à la décision. Il

est acquis que la filière « palmier à huile » ne présentent pas de bénéfices

économiques suffisants pour leur adoption et pire encore, elle est créditée d’un

bilan énergétique et environnemental contradictoire. Dans ce cas on verra

alors comment l’ACV peut s’inscrire dans ce débat et y contribuer pour des

politiques publiques garantes du développement durable.

- Le développement des filières de biocarburants en Afrique se situe à la fin

des ajustements structurels entreprises au début des années 1980, prônant

l’ouverture et l’intégration des marchés. En économie et de tous les temps, la

notion de bien économique défini sa propre situation de rareté ou encore le

concept des blocs de possibilité de production. Après soixante ans de

gouvernance, la plupart des politiques de développement instaurés en Afrique

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ont connu des échecs certains. La théorie de l’économie publique justifie

l’intervention publique en matière d’environnement puisque la pollution, est un

cas typique d’externalité. Les négociations privées n’internalisent pas

totalement les externalités. D’où la résurgence du vieux débat traditionnel

entre approche centralisée versus approche décentralisée. En admettant alors

cet état de fait, il s’agira de traiter du mode de gestion des biocarburants à la

lumière de l’ACV. A l’heure de la décentralisation, quel peut-être l’apport de

l’ACV dans les intelligibilités de politiques publiques ? Le bilan énergétique et

environnemental étant devenu la base décisionnelle pour l’adoption ou le rejet

des extractions des ressources naturelles.

Cet article commence par une comparaison sommaire des bilans énergétiques

et environnementaux appliqués aux biocarburants de « première génération »

et aux biocarburants de « seconde génération » . On s’attellera par la suite à

montrer que l’ACV est un outil d’aide important à la décision publique

notamment dans sa version d’équilibre partiel de Walls & Palmer. Nous

conclurons enfin par des suggestions sur les voies du mode de gestion des

biocarburants pour un développement durable.

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I - Les filières de biocarburants : une approche An alyse Cycle de Vie.

Les bilans environnementaux et énergétiques des bi ocarburants.

Les biocarburants sont obtenus à partir de la biomasse, que l'on peut définir

comme de la matière organique issue d'un processus de photosynthèse récent,

par opposition aux hydrocarbures fossiles qui résultent de transformations

anciennes de plusieurs millions d'années. A part quelques utilisations

épisodiques dès le début du XX ième siècle, les biocarburants se sont

réellement développés à partir des années 1970 au Brésil et aux Etats-Unis.

Aujourd'hui, il existe deux grandes filières :

Les filières dites de « première génération » dont les produits finaux sont

l'éthanol (et son dérivé l'éthyl-tertio-butyl-éther, ETBE), et l'huile végétale (et

son dérivé, l'ester méthylique d'huile végétale, EMHV). Ils sont fabriqués à

partir de sucres simples, amidon ou huile végétale présents dans des organes

de réserve des plantes: grains de blé ou de maïs, graines de colza ou de

tournesol, jus de plantes sucrières (canne à sucre, betteraves).

L'éthanol est obtenu par fermentation alcoolique de sucres à 6 atomes de

carbone (ou C6) qui sont directement produits par les plantes sucrières ou

obtenus par hydrolyse de l'amidon produit par les céréales. L'ETBE est ensuite

obtenu par coupe avec l'isobutène, un dérivé du pétrole. L'huile est extraite des

graines de plantes oléagineuses (colza, tournesol, soja, palme etc...), puis

transformée en EMHV par estérification avec du méthanol (d'origine fossile). Le

bio- éthanol et l'ETBE peuvent être incorporés dans l'essence, tandis que les

huiles et EMHV s'apparentent au diesel - c'est pourquoi on parle aussi de bio-

diesel pour ces derniers. Les moteurs actuels supportent sans problème des

taux d'incorporation d'ETBE et l'EMHV de 10%.

Les filières de « deuxième génération », qui font l'objet d'efforts de recherche

et développement très poussés, visent à produire de l'éthanol ou des

hydrocarbures de synthèse à partir de la lignocellulose, c'est-à-dire une

matière organique très générique. Elles permettent donc une valorisation de

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l'ensemble de la plante, et non plus seulement de ses organes de réserve, et

élargissent le spectre des plantes ou matières premières candidates: cultures

lignocellulosiques optimisées pour une telle valorisation énergétique (comme le

miscanthus ou le sorgho), espèces ligneuses à croissance rapide (peuplier,

eucalyptus), bois, mais aussi déchets agricoles, sylvicoles, ou encore urbains.

Deux grands procédés permettent de produire : la thermochimie (craquage des

biomolécules sous l’effet de la chaleur, puis éventuellement synthèse

d'hydrocarbure par catalyse) et la voie enzymatique qui consiste à hydrolyser

la cellulose et à fermenter les sucres simples résultants en éthanol.

Les bilans environnementaux et énergétiques des filières de biocarburants sont

dressés grâce à la méthode de l’Analyse de Cycle de Vie (ACV), qui intègre les

impacts générés par les biocarburants « du champ à la roue », c’est-à-dire sur

l’ensemble d’une filière de production et de distribution. Ces impacts sont

regroupés en grandes catégories liées à différents enjeux environnementaux

donc l’épuisement des ressources non-renouvelables (comme le pétrole), le

réchauffement climatique, la toxicité pour les êtres humains et les

écosystèmes, l’eutrophisation des écosystèmes, etc.. Ces impacts peuvent

avoir lieu à l'échelle de la planète, comme le réchauffement climatique, ou à

un niveau plus local, comme pour l'eutrophisation. Deux impacts sont

particulièrement cruciaux pour les biocarburants: les émissions de gaz à effet

de serre (GES) et le bilan énergétique, qui traduit la quantité d’énergie fossile

dépensée pour produire une quantité donnée d’énergie renouvelable.

Plusieurs bilans de ce type ont été réalisés dans les pays du Nord, ayant pour

objectif une comparaison avec les carburants fossiles équivalents aux

biocarburants. Une étude commanditée par l'ADEME (ADEME, 2002), a porté

sur la première génération, tandis qu'une étude au niveau européen (2006)

s’est aussi intéressée également aux biocarburants de deuxième génération,

obtenus à partir de différentes ressources (résidus lignocellulosiques, bois,

déchets de papeterie). Pour une même filière, les résultats de ces études

varient fortement en fonction des hypothèses de calcul (périmètre du système

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évalué, méthode d'allocation) et de la représentativité des données utilisées, ce

qui est source de controverses (Farrell et al., 2006).

Toutefois, les études en cycle de vie concluent en général que les

biocarburants de deuxième génération permettent de limiter l’utilisation

d’énergie d’origine fossile et les émissions de GES par rapport aux carburants

d'origine pétrolière. Par exemple, l’éthanol produit à partir de blé ou de

betteraves permet une réduction de 25% à 50% de la consommation d’énergie

fossile et d’émission de GES par rapport à une filière essence conventionnelle.

La substitution du gazole par du biodiesel de colza conduit à une réduction

d’environ 60% de la consommation d’énergie fossile et de 50% des émissions

de GES. Parmi les autres biocarburants produits actuellement, l'éthanol de

canne à sucre permet les plus fortes économies d’énergie fossile (presque

100%) et de GES émis (environ 85%), car les besoins énergétiques de la

conversion du sucre en alcool sont assurés par les résidus de canne. Notons

que, de façon symétrique, l'utilisation de pailles de céréales dans une usine

d'éthanol de grains de blé permet de réduire la consommation d'énergie fossile

et les émissions de GES de 75% et 65%, respectivement, par rapport à

l'essence. Les biocarburants de la deuxième génération permettront des

économies similaires, voire supérieures, avoisinant les 90% pour certaines

filières, notamment basées sur des déchets comme la liqueur noire des

papeteries.

L'autre dimension du bilan des biocarburants concerne les pollutions plus

locales, typiquement liées à l'activité agricole (pertes de nitrates, contamination

par des pesticides, biodiversité), qui ont lieu au niveau du territoire de

production de la matière première végétale. L'approche 'analyse en cycle de

vie' conclue en général à un effet négatif des biocarburants par rapport aux

carburants fossiles qui ne génèrent pas ce type d'impacts (Reinhardt, 2000).

Néanmoins cette méthode est peu adaptée à la prise en compte de ces

impacts territoriaux, car elle raisonne sur un champ agricole 'moyen' , et

gomme les caractéristiques locales. Une évaluation plus fine de l'impact des

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biocarburants nécessite de se situer explicitement dans le bassin

d'approvisionnement d'une usine de biocarburants, et de prendre en compte

l'évolution des systèmes de cultures qui découle de ce nouveau débouché

économique.

Pour ce qui concerne le Cameroun, le développement de filières des

biocarburants a encore du chemin à faire pour devenir une denrée de grande

consommation. A contrario, l’extension des surfaces dédiées au « palmier à

huile » montre a suffisance la faiblesse des mécanismes d’anticipations

rationnelles.

Concernant son Programme Sectoriel Forêts et Environnement (PSFE) 2008,

le Cameroun a axé sa stratégie d’évaluation économique sur l’ « Analyse

Coûts-Bénéfice » (l’Analyse Financière et Economique). Elle justifie cette

approche par les carences des statistiques forestières et environnementales

nécessaire pour l’évaluation des impacts environnementaux. Les quelques

données disponibles sont générées par le grand nombre d’initiatives de

développement existantes mais, sont ponctuelles et parsemées et ne

fournissent pas un cadre cohérent au niveau sectoriel et encore moins au

niveau national. Pire, la gestion environnementale des activités forestières est

considéré comme coûts indirects( liés à la difficulté de quantifier les bénéfices

environnementaux attachés à une meilleure conservation des ressources

naturelles que le programme génère indirectement) par une approche coûts

dégâts. Pour le Cameroun, il s’agit de définir des scénario en comparant les

bénéfices incrémentaux pour lesquels la rentabilité financière et économique

est calculée. L’analyse financière est estimée par le biais d’une analyse coûts

bénéfices en utilisant les prix de marché pour comparer les flux de coûts et

bénéfices actualisés.

« L’analyse économique vise à évaluer l’impact du programme du point de vue

de l’ensemble de la société. Pour ce faire, elle se base sur la construction de

prix économiques qui sont sensés refléter les conditions de libre concurrence

et d’ouverture de marchés. Ces prix économiques prennent en compte la

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création de valeur économique et n’incluent pas les transferts économiques

tels que taxes et subventions, prêts et autres mécanismes visant uniquement à

la redistribution de la richesse. L’analyse économique utilise le taux de

rentabilité interne économique et la valeur actuelle nette (selon différents taux

d’actualisation) comme indicateurs de rentabilité économique » (extrait du

PSFE du Cameroun, 2008).

Considérant que le bilan énergétique et environnemental est devenu une base

décisionnelle pour l’adoption où le rejet des extractions des ressources

naturelles, il apparaît évident que le Cameroun a axé son choix sur des motifs

politiques et économiques.

L’Analyse coûts-bénéfices.

La plupart des théories économiques des « ressources renouvelables »

dévoilent que le caractère fondamental des ressources renouvelables

« prélevées » est la propriété commune ou collective (HARDIN, 1968 ;

OSTROM, 1989 ; BERKES et al., 1989). L’absence de limitation et de contrôle

de l’accès, met en place une dynamique de dilapidation des ressources, de

surexploitation et de surinvestissement lorsqu’il s’agit de ressources ayant un

marché (HARDIN (1968) « tragédie des communaux » ; WEBER (1991),

WEBER et REVERET (1993) « tragédie d’accès libre »). La propriété privée en

permettant d’internaliser les externalités suffirait à garantir une gestion

efficiente des ressources (HARDIN,1968). L’histoire des faits économiques

révèle que l’efficience marchande (la recherche d’efficience conduit à une

destruction rapide et à un déplacement d’investissement) dans le cadre de la

propriété privée entraîne à priori au saccage des ressources lorsque le capital

est mobile.

Pour la théorie néoclassique, la propriété commune est moins efficiente à court

terme mais plus efficient à long terme (STEVENSON,1992) et peut recouvrir

une grande variété de types de propriété collective. Ce mode d’appropriation

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définit l’état d’un système de relations nature-société sans en délivrer la

dynamique.

Du point de vue de la théorie économique, les ressources renouvelables

constituent des biens « libres » (BROCHIER,1984), dont le prix reflète les

coûts de prélèvement, de conditionnement et de transport, mais ne prend pas

en compte le coût de régénération (hors de portée). D’où le développement de

techniques d’évaluations économiques indirecte, soit par évaluation des

ressources à leur prix de substitution par des biens existants sur le marché,

soit par la création de marchés fictifs avec recours à des évaluations

contingentes (consentement à payer, consentement à recevoir), soit encore

des indicateurs tels que les coûts de transport pour conférer une valeur

monétaire à des « actifs naturels » ou des « fonctions écologiques »

(DESAIGNES et POINT, 1993). Initialement, ces techniques sont élaborées

pour venir en aide aux « défenseurs analyses coût-bénéfice ». Deux types

d’utilisation :

- l’évaluation contingente du prix attaché à une qualité environnementale est

préalable à des programmes d’investissement devant fournir un service à des

populations (forme d’étude de marché pour un service à créer).

- Ici l’évaluation contingente est destinée à assigner une valeur « monétaire » à

un paysage, une fonction écologique ou une espèce, pour servir de justification

économique à des choix impliquant le long terme. Dans ce cas, la portée

heuristique de la méthode nous semble plus limitée. En premier lieu,

l’évaluation monétaire d’une « valeur » d’existence prête à débat, sur le point

de savoir si des valeurs morales ou éthiques sont susceptibles d’appréciation

monétaire. En second lieu, les références monétaires ne sauraient servir à

l’analyse à long terme, quel que soit le taux d’actualisation. Par ailleurs, il s’agit

clairement d’une démarche de justification, non d’analyse. Outil de justification,

l’évaluation contingente peut servir à justifier n’importe quoi si elle est utilisée

intelligemment. Un politique soucieux de justifier un choix commandera une

évaluation contingente en choisissant un moment où le contexte économique,

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social ou sécuritaire est adéquat à l’obtention de réponses légitimant son

objectif.

L’évaluation contingente manipule en outre des valeurs tout autres que

monétaire : ainsi, la « nature » est connotée très positivement par le public,

tandis que « l’environnement » l’est négativement, évoquant la pollution, l’effet

de serre et ……. ( Jacques WEBER, Juin 1995).

Pour les économistes de l’environnement (MUNASINGHE, 1993 ;

DESAINGNES et POINT 1993 ; PEARCE et al. 1993) on aboutit à une

« évaluation économique totale » d’un écosystème. Comment conférer une

valeur monétaire à l’envi WILSON (1992) concernant la biodiversité donne une

métaphore intéressante : « si les gènes sont un alphabet, alors les espèces

sont des mots et les écosystèmes des livres ».

Un écosystème ne saurait être affubler d’une valeur monétaire. L’analyse dite

d’évaluation économique totale d’un écosystème n’est donc pas un objet de

recherche scientifique, il n’en est pas moins légitime de chercher à connaître la

« valeur économique » d’une fonction particulière, celle-ci étant définie par le

commanditaire de l’étude. Par contre, les effets sur les processus de décision

de la légitimation et de la diffusion de ces techniques par les organisations

internationales sont des questions de recherche importantes.

L’évaluation économique permet d’identifier les choix possibles. Sur la base de

cette évaluation, les choix de long terme sont fait par le décideur. Dans une

telle perception, l’évaluation précède et guide la décision sur des bases

comptables.

La prise en compte de l’environnement a été traditionnellement déclinée soit

par impact environnemental (déchets, pollutions, consommations d’énergie),

soit secteurs d’activités (industries, transports, ….) approches qui se sont

souvent révélées trop parcellaire pour justifier du bien fondé environnemental

des efforts à réaliser. La diminution de tel ou tel impact modifiait les autres

caractéristiques des systèmes considérés, sans que l’on puisse évaluer la

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pertinence globale de ces modifications (le choix d’une filière de valorisation

permettant de diminuer le recours à la mise en décharge mais affectant la

qualité de l’air).

Au début des années 90, est apparu la nécessité de mettre en oeuvre des

approches multicritères (consommation de matière et d’énergies, émissions

dans l’air et dans l’eau, déchets ……..), prenant en compte l’ensemble des

étapes du cycle de vie des produits, de leur fabrication à leur élimination finale

en passant par leur phase d’utilisation : l’Analyse Cycle de Vie ou les

écobilans.

Il s’agit d’une évaluation globale des impacts environnementaux, qui serait

plus utile au sein des démarches de développement durable, notamment celles

orientées sur les produits.

II – L’ACV : outil d’aide à la décision des politiq ues publiques ou

industrielles.

Le concept.

L’ACV est principalement une méthode servant à mesurer les impacts

environnementaux des différentes activités économiques et ce, sur tout le cycle

de vie du produit ou du processus de production à l’étude. L’approche porte

souvent le qualificatif de « berceau à la tombe » (craddle-to-grave).

Ainsi, l’évaluation environnementale d’une activité économique inclut aussi

bien l’impact des facteurs de production entrant dans le processus étudié que

les effets polluants associés aux produits qui en résultent. La plupart des

auteurs s’entendent pour décomposer l’ACV en quatre grandes étapes, soit : -

définition des frontières du système, produit ou processus étudié et des unités

fonctionnelles (m2 de plancher, litres de carburant, etc .) ; - compilation des

données (inventaire) ; -évaluation des impacts ; -interprétation et évaluation

des améliorations possibles.

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L’aspect économique n’est pas réellement intégré dans cette méthode, sauf

parfois lorsqu’on fait usage des valeurs économiques en guise d’unités

fonctionnelles (étape1) ou pour pondérer les inventaires et les impacts (étapes

2 et 3).

L’ACV permet de quantifier les impacts d’un « produit » (qu’il s’agisse d’un

bien, d’un service voire d’un procédé), depuis l’extraction des matières

premières qui le composent jusqu’à son élimination en fin de vie, en passant

par les phases de distribution et d’utilisation.

En pratique, les flux de matière et d’énergies entrants et sortants à chaque

étape du cycle de vie sont inventoriés (ICV) puis on procède à une évaluation

des impacts environnementaux à partir de ces données grâce à des

coefficients préétablis permettant de calculer la contribution de chaque flux aux

divers impacts environnementaux étudiés. En fonction, de l’objet de l’étude, les

impacts couramment retenus sont l’effet de serre, l’acidification, l’épuisement

des ressources naturelles, l’eutrophisation …… généralement on retient

également la somme de certains flux issus de l’inventaire : la quantité

d’énergie, la quantité de déchets.

La complexité des phénomènes en jeu et de leurs interactions est source

d’incertitude sur la valeur réelle des impacts sur l’environnement (non prise en

compte des effets de synergie ou d’antagonisme entre polluants, des

caractéristiques particulières du milieu social, des effets cinétique).

Pour examiner les résultats de l’analyse et comparer le comparable (c’est-à-

dire raisonner à service rendu identique), on définit l’unité fonctionnelle.

L’essentiel reste de toujours raisonner à service rendu identique. Ainsi, pour

évaluer les performances environnementales de deux procédés de traitement

des déchets, on partira d’une situation initiale commune (une tonne de déchets

à traiter) et on s’intéressera qu’aux différentes étapes du procédé de traitement

(cycle de vie des consommables inclus). On estimera que la tonne de déchets

à traiter est identique dans les différents scénario et n’est donc pas un facteur

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différenciant entre procédés, c’est-à-dire que les impacts liés à la production et

à l’utilisation des produits avant qu’ils ne deviennent des déchets n’entrent pas

dans le champ d’étude.

L’enjeu majeur de l’utilisation de l’ACV est d’identifier les principales sources

d’impacts environnementaux et d’éviter , ou le cas échéant, d’arbitrer les

déplacements de pollutions liés aux différentes alternatives envisagées.

Les transferts de pollution peuvent également concerner des impacts

différents : par exemple, un changement de matériau qui permettrait une

diminution de la consommation de ressources non renouvelables lors de la

production mais qui causerait une augmentation de la pollution des eaux lors

de l’élimination des produits.

L’objectif de l’ACV est de présenter une vision globale des impacts générés par

les produits (biens, services ou procédés), déclinées selon différentes

simulations, fournissant ainsi, des éléments d’aide à la décision aux politiques

industrielles (choix de conception et d’amélioration de produits, choix de

procédé) ou publiques (choix de filières de valorisation, critères

d’écolabellisation des produits). C’est un outil puissant et attrayant tant du point

de vue de sa construction que de ses applications en terme d’aide à la

décision, d’informations et de communications diverses mais dont les résultats

reflètent la complexité des systèmes réels étudiés. Ainsi la finesse de l’outil

peut de temps en temps paraître handicapante en terme de conclusions

opérationnelles : il décrit les systèmes étudiés, permettant d’identifier leurs

points forts et leurs faiblesses, sans pour autant autoriser une hiérarchisation

absolue des produits, filières ou procédés (outil d’aide à la décision et non de

décision). Mais c’est souvent déjà une avancée significative que de pouvoir

déceler et quantifier les points faibles d’un système et ses paramètres

déterminants voir même, dans certains cas, simplement visualiser le champs

de nos connaissances sur les rejets liés au système étudié de manière à initier

les recherches nécessaires pour combler d’éventuelles lacunes.

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Ces limites se situent dans le caractère subjectif associé à l’ACV relativement

à la définition des objectifs de départ, des frontières du système à l’étude et du

mode d’allocation des ressources utilisées et des impacts environnementaux.

La subjectivité se constate dès le moment où un auteur sélectionne les

impacts environnementaux à mesurer et, à contrôler. Par convention, la

plupart de celles-ci ne comptabilisent pas la consommation de ressources, ni

les émissions polluantes, des biens en capital contribuant à la production du

bien. Un exemple simple serait, pour une ACV sur le biodiesel-huiles de palme,

l’exclusion des ressources consommées et des émissions produites par la

production des silos d’entreposage des fibres de noix transformé en diesel.

Dans le cas d’huiles de palme on trouve la subjectivité par la stratégie que

définit le gouvernement camerounais concernant l’extension des plantations

d’huiles de palme. Le caractère prédateur des fonctionnaires entraînent

également, une forte subjectivité dans la sélection des impacts

environnementaux à prendre en compte. En plus, la pénurie des données ne

permet pas de bien comptabiliser la consommation de ressources, ni les

émissions polluantes des biens en capital contribuant à la production du bien.

Heiskanen (2002), qualifie l’ACV de logique institutionnelle plutôt que de

méthode empirique. La logique institutionnelle est la tendance qui s’est

développé à faire usage de l’ACV pour faire valoir, en fait, des objectifs

prédéterminés et en soi relativement arbitraires ou idéologiques. Cette

tendance s’observe le plus au Cameroun où le phénomène de capture est

prégnant de la part des lobbies internationaux. Ensuite, cette méthode

demeurerait impraticable puisque l’on ne pourra jamais espérer que des

millions de produits soient évalués sous l’angle de l’ACV dans ce contexte.

En mettant en éclat la relation humains-nature elle constitue un outil valable

pour les producteurs dans les phases de développement de procédés et de

produits.

19

Le modèle d’équilibre partiel de Walls & Palmer

Pour y remédier Walls & Palmer (2001) , vont dans leur modèle rechercher la

maximisation du surplus social net (SSN,) sujet à certaines contraintes

d’équilibre physique, relativement à la gestion des déchets (voir annexe I). Le

modèle de WP d’équilibre partiel permet d’évaluer la performance des

différents outils de politiques publiques tels que les taxes, les subventions et

les réglementations.

Prix

Demande

Offre 1

p’’ Offre 2

p’

q’’ q’ Quantité

Graphique 1 : Surplus social et coûts environnementaux2

2 A l’aide du graphique 1, on peut illustrer , comment l’addition de coûts environnementaux peut influer sur le surplus social. Dans ce graphique, deux courbes d’offres illustrent les situations où il y a présence ou non des coûts environnementaux. Ainsi, la courbe d’offre 1 en rouge, représente l’offre des entreprises avant qu’elles aient à payer des coûts environnementaux. Une fois les coûts environnementaux introduits, les mêmes entreprises réduisent leur quantité de produit offerte pour chaque niveau de prix de marché. Il en résulte un déplacement de la courbe d’offre vers la gauche, soit jusqu’à la courbe d’offre 2 en vert. Par ailleurs, la zone hachurée de rouge seulement représente le surplus social avant l’introduction des coûts environnementaux et ce surplus est caractérisé par le prix d’équilibre p’ et la quantité q’. La zone hachurée de vert et de rouge correspond quant à elle, au niveau du surplus social après l’apparition des coûts environnementaux. Ce nouveau surplus est délimité par les courbes de demande et d’offre 2 et l’équilibre de marché est alors caractérisé par le prix p’’ et la quantité q’’. Dans cet exemple, certaines simplifications ont été adoptées pour faciliter la compréhension. D’abord, on présume que l’introduction de coûts environnementaux n’affecte pas la demande (ce qui est réaliste à court terme) et que la courbe de demande demeure donc immobile. Aussi,

20

Le SSN se calcule par le surplus du consommateur moins le coût de

production interne des firmes et le coût externe associé aux impacts

environnementaux. Les contraintes physiques représentent quant à elles la

principale caractéristique faisant en sorte que le modèle tient compte d’une

hypothèse fondamentale de l’approche de l’ACV. La première de ces

contraintes balance les variables physiques en équilibrant, d’une part, la

quantité de matières premières utilisées comme intrant (matières vierges ou

recyclées) et, d’autre part, la quantité de produit principal et celle de coproduit

résultant du processus de production (éthanol et drèche de distillerie). Dans

cette contrainte, le coproduit est décomposé en matière polluante et en matière

non-polluante. La deuxième contrainte cherche à équilibrer, d’une part, la

quantité de résidus polluants et non-polluants générés par l’utilisation de cet

intrant. A un niveau plus théorique, le travail et le capital sont aussi pris en

compte dans le modèle mais ils sont agrégés dans une même variable. De

plus, le modèle suppose que cet intrant ne génère pas d’extrant polluant, c’est-

à-dire que la contribution associée à la production des biens en capital entrant

dans le processus de production principal n’est pas comptabilisée dans les

impacts environnementaux (L. Belzile, M. Pierre-Olivier Pineau, M. Bernard

Sinclair-Desgagné ; 2009).

Il résulte alors la maximisation du surplus du consommateur diminué du coût

privé des firmes, défini par leur fonction de production, et des coûts

environnementaux. Les conditions de premier ordre de cette optimisation

stipulent que chaque intrant est utilisé jusqu’au point où son bénéfice social

marginale égale son coût social marginal, ce dernier étant déterminé selon les

fonctions de coûts environnementaux établies préalablement (L. Belzile, M.

Pierre-Olivier Pineau, M. Bernard Sinclair-Desgagné ; 2009).

la forme linéaire des courbes d’offre et de demande n’est pas forcément réaliste mais cette simplification ne change pas les fondements des concepts introduits. Enfin, il faut préciser que les coûts environnementaux sont présumés fixes, faisant ainsi déplacer la courbe d’offre de façon proportionnelle en tous points dans le plan.

21

Les modèles d’équilibre partiel s’inscrivent dans la durabilité flexible (Steen) en

appréhendant la notion du cycle de vie sous l’angle de l’analyse marginale des

changements significatifs ( la maximisation du SSN ou les profits des agents)

plutôt que par une analyse globale de tout le système. Pour Steen, la durabilité

flexible est l’approche à privilégier pour définir des critères décisionnels, dans

le choix de politiques publiques, tandis que la durabilité rigide répond plutôt à

des besoins informationnels des agents (bilan énergétique et environnemental

des agents).

Les modèles d’équilibre partiel apparaissent comme un compromis acceptable

pour tester l’hypothèse de l’équilibre physique, défendue par les tenants de

l’assimilation de la théorie économique aux lois de la thermodynamique, et

celle de substituabilité des facteurs de productions de la théorie néoclassique

(L. Belzile, M. Pierre-Olivier Pineau, M. Bernard Sinclair-Desgagné ; 2009).

Les modèles d’équilibre partiel se détachent de la subjectivité de l’ACV car, ils

mesurent les scénarios déterminés au préalable par les ACV sur les impacts

environnementaux. Le choix de la maximisation des profits des agents peut

aussi constituer un choix de nature subjective, mais il est raisonnable de croire

qu’un objectif comme celui du SSN du modèle WP ferait l’objet d’un assez

large consensus.

Le modèle d’équilibre partiel WP nous apparaît comme celui observant le

mieux les principes mis de l’avant par Steen, Ekval et al. Et Tilman3. Toutefois,

on note deux limites concernant leur applications aux industries de

biocarburants. D’une part, puisque cette industrie est relativement nouvelle, il

est incertain que les données nécessaires seront disponibles et accessibles.

De plus, le modèle WP comporte la difficulté de définir ou d’utiliser des

fonctions de coûts externes de qualité représentatives, ce qui peut s’avérer

difficile dans le contexte d’absence de marché des externalités

22

environnementales. Malgré ces limites, le modèle WP demeure tout de même,

selon nous avantageux par rapport aux autres méthodes notamment

multicritères, eco-efficience et le coût du cycle de vie4.

L’approche multicritére intègre des enjeux économiques, environnementaux

et des ressources naturelles. Mais, elle reste encore subjective relativement à

la sélection des critères (le modèle de Hanegraaf). Azapagic & Clift (1999) vont

optimiser par une série de maximisation de fonctions d’objectifs basées sur des

critères environnementaux et économiques. L’approche du cycle de vie y est

reflétée par les contraintes de balance d’énergie et de matière. Il s’agit

d’optimiser au sens de Pareto. Il en résulte donc un ensemble d’alternatives

s’offrant aux décideurs en entreprise plutôt qu’une prescription unique, ce qui

atténue de beaucoup le caractère subjectif retrouvée dans plusieurs approches

multicritère. Mais, ne saisit pas le bien-être du consommateur.

Hanegraaf Schneider & McCarl (2003) ont mené une étude sur l’efficacité de

réduction des émissions de gaz à effet de serre GES de différents produits

agricoles transformés en biocarburants et les conséquences économiques de

l’élimination de celles-ci. En évaluant le bien-être du consommateur sur la base

du critère Kaldor-Hicks5, laisse un certain vide institutionnel.

3Steen introduit l’analyse marginale propre à la durabilité, Ekval et al. Et Tillman la prospective dont les fondements semblent plus appropriés dans le contexte de la théorie économique moderne. 4 Au sein des différentes approches multicritères, nous pensons que la frontière de Pareto, telle que définie par Azapagic & Clift, est celle s’approchant le plus et représentant la meilleure alternative à l’exercice d’optimisation de Walls & Palmer. Il faudrait alors voir comment le modèle d’Azapagic & Clift pourrait s’appliquer aux choix publics plutôt qu’aux décisions en entreprise. L’ACB/ACV n’offre pas un degré d’intégration des enjeux environnementaux et économiques aussi raffiné selon nous. Au regard de l’eco-efficience, notre principale réserve a trait à l’incapacité actuelle de cette approche à tenir compte de l’effet rebond. Il serait toutefois intéressant que des travaux s’attardent à corriger cette situation et possiblement en arriver à un outil d’éco-efficience amélioré. Enfin, concernant le coût du cycle de vie, la divergence dans les bases temporelles avec l’ACV nous apparaît une lacune majeure et, pour cette raison, le CCV, dans sa forme actuelle, représente la technique que nous privilégions le moins. Evidemment, des travaux visant à concilier les frontières d’analyse et les bases temporelles de l’ACV et du CCV seraient tous indiqués(L. Belzile, M. Pierre-Olivier Pineau, M. Bernard Sinclair-Desgagné ; 2009). 5 Le critère de Kaldor-Hicks stipule qu’une option est favorable tant que les bénéfices de tous les agents excèdent les coûts qu’ils subissent globalement et qu’il y a possibilité de compensation des agents affectés par les bénéficiaires de l’option choisie.

23

In fine, l’approche multicritère tourne davantage vers l’analyse de scénario que

d’étude empirique.

L’éco-efficience qui consiste principalement en un outil de suivi du rapport

entre les performances économiques et environnementaux d’une activité en

entreprise où l’ACV est souvent intégrée pour mesurer la performance

environnementale inscrite au dénominateur du ratio, s’adresse plus aux

décideurs d’entreprises qu’aux mandataires de choix publics.

L’analyse coût cycle de vie (CCV) intègre la dimension économique dans

l’ACV. Mais, elle présente des limites : - l’hétérogénéité dans la terminologie

utilisée ; - le CCV est, plus souvent mis en œuvre en milieu entrepreneurial ,

mais pas nécessairement en termes de coûts publics tels que considérés par

Walls & Palmer. Le CCV, cherche davantage à comparer la rentabilité

financière d’investissements privés ou publics ( coûts directs, indirects,

contingents, intangibles et externes), sur la base de la vie économique de ces

investissements, elle-même basée sur le cycle de vie du produit lorsqu’il s’agit

d’investissements privés. Alors que l’ACV vise à évaluer les impacts

environnementaux des activités économiques, de l’exploitation des matières

premières et des ressources naturelles jusqu’à l’élimination des produits en fin

de vie économique, en passant par l’évaluation de leurs externalités

environnementales.

ACV : outil d’aide à la décision de politiques publ iques

Comment concilier développement de filières de bioc arburants et

« développement durable »? Etat ou marché ?

Avec le retour de Malthus, la question de la gestion des ressources naturelles

en particulier les ressources naturelles renouvelables relevant essentiellement

d’une « économie de cueillette » devient la problématique centrale de tous les

débats. Trois attitudes peuvent être adoptées :

24

- opter pour la décroissance soutenable, avec une logique « dure » du

principe de précaution planétaire (attitude souvent considérée comme

« politiquement insoutenable ») ;

- opter pour ne rien faire, en prenant le risque évident de laisser disparaître

notre civilisation, la destruction du capital naturel étant une des principales

causes constatées d’effondrement des civilisations ;

- opter pour le « développement durable6 » ce qui nécessite la mise en place

d’un système de régulation. Aujourd’hui, les effets du changement climatique

imposent cette dernière.

De 1950 à 1970 la plupart des théories économiques existantes, prônaient le

développement par amplification de la croissance par la « mise en valeur » des

espaces et ressources inexploitées car la nature n’avaient pas de « coût ».

L’intervention de l’Etat apparaissait d’autant plus normal que l’idéologie

keynésienne était forte face à une défaillance de marché, l’Etat régulateur

devait intervenir.

6 On parle d’abord écodéveloppement : « développement endogène et dépendant de ses propres forces, soumis à la logique des besoins de la population entière, conscient de sa dimension écologique et recherchant une harmonie entre l'homme et la nature »(Sachs, 1974, 1980). Sachs (1980)). Par la suite, le développement se pose en termes de gestion des interactions entre des variabilités naturelles, tant dans l’espace que dans le temps « développement viable » (WEBER et BAILLY, 1973). WEBER et al.(1990) ; ALLEN (1991) ; CURY et ROY (1991) ; AUBIN (1992) ; PAVE (1994)). Il s’agit de : définir des objectifs à très long terme (éthique, politique) ; tenir compte de la socio-diversité ; tenir compte de la viabilité des écosystèmes et de la viabilité des modes de vie ; tenir compte des variabilités naturelles. (HENRY, 1987), WALTERS (1986), WEBER et al. (1990) inscrivent la préférence à des stratégies adaptatives tant aux variabilités naturelles qu’aux variabilités économiques à l’optimum. Et enfin, le terme « développement durable » apparaît suite au « rapport BRUNTLAND » (1987), (« développement qui satisfait les besoins de la génération présente sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs »). Elle trouve son origine dans les modèles biologiques représentant l’évolution d’une ressource à l’équilibre, exploitée par les hommes, l’exploitation étant elle même considérée comme linéairement croissante. Ce rapport en invoquant les questions de « population et ressources humaines » et de « sécurité alimentaire » avant celui des « espèces et des écosystèmes », nous livrait le constat que la résolution des problèmes de développement devrait être résolu en terme de préservation des milieux, en termes de « maintien » ou de « restauration des équilibres ».Au-delà de cet éventail de rappels de faits historiques bien connus des économistes, on peut s’interroger sur la capacité de l’Etat du Cameroun à atteindre la finalité de ses actions en matières de « développement durable ». Objectifs en terme d’efficience ou en terme d’équité ? Etat ou marché ?

25

Les différents chocs pétroliers des années 70 en remettant en cause ce

modèle keynésien de régulation conjoncturelle, auquel on reprochait au niveau

empirique de n’avoir pas résisté à la double mutation que constituait l’irruption

de la stagflation et l’accélération au processus de globalisation, et, au niveau

théorique, le modèle fut soumis à des critiques en règle des économistes

classiques7, revigorés par l’impasse dans laquelle se trouvait désormais la

politique conjoncturelle.

Tout simplement, à la fin des années 70, les nouveaux classiques réorientèrent

l’analyse de la politique économique, car pour eux, l’inefficacité des politiques

de relance budgétaire découlait de l’importance des effets d’éviction de la

demande privée8.

En filigrane, jusqu’aux début des années 1980, la procédure retenue par les

décideurs politiques a été celles des instruments « de commande et de

contrôle » (normes) plutôt que ceux de marché. Depuis la décennie 1980, aux

Etats-Unis, « la procédure (…) s’est progressivement ouverte aux instruments

de marché (car) davantage susceptibles d’être politiquement acceptables

lorsqu’ils sont proposés pour réaliser des améliorations dans le domaine de

l’environnement, impossibles à obtenir par d’autres moyens ». L’augmentation

des coûts de la lutte contre la pollution ou l’adhésion de certains écologistes

sont des éléments expliquant cette évolution vers le recours au marché qui

permet d’être « le responsable » de la sévérité des actions à mener. Au final,

les instruments de marché sont aujourd’hui bien connus (à l’image des droits à

7 La courbe de PHILLIPS fut déconstruite par MILTON FRIEDMAN qui, en réintroduisant des hypothèses classiques sur la formation de l’offre et de la demande de travail, montra que le taux de chômage était indépendant du taux d’inflation à long terme. R. LUCAS développait un modèle d’anticipation rationnelle qui ôtait toute efficacité à la politique monétaire en matière de lutte contre le chômage. Alternatives économiques, Hors série n°52, 2 ème trimestre 2002.

8 L’inefficacité des politiques de relance budgétaire découlait de l’importance des effets d’éviction de la demande privée, dans la mesure où la demande de financement émanant du secteur public suscite une hausse des taux d’intérêt à long terme, qui exerce un effet dépressif sur la demande privée. Loin de prendre le relais de la demande privée dans les phases de creux conjoncturel, la demande publique se substitue à elle. Alternatives économiques, Hors série n°52, 2 ème trimestre 2002.

26

polluer ou des permis d’émission) et enrichissent les moyens mis à la

disposition des politiques environnementales… mais ne peuvent, à eux seuls,

résoudre tous les problèmes environnementaux.

Derrière cette mutation, il y a aussi l’évolution générale de la pensée

économique, avec le renouveau libéral amorcé aux Etats-Unis au cours des

années 1970-80, à l’image par exemple des monétaristes, des théoriciens de

l’offre ou des auteurs du Public Choice. La nouvelle économie des ressources,

qui apparaît aux USA au cours de la décennie quatre-vingt, s’imprègne des

arguments libéraux du Public Choice : la gestion durable des biens naturels

doit se faire par la privatisation des ressources et une exploitation marchande.

Dès lors, les modes d’appropriation privée des ressources sont au cœur du

raisonnement des tenants de la nouvelle économie des ressources. La

privatisation des biens naturels autorise une gestion décentralisée et limite le

recours à l’Etat. La théorie standard de l’économie de l’environnement fait une

référence importante aux droits de propriété, s’appuyant sur les travaux

fondateurs de R. Coase, car ils permettent aux agents, par une négociation

directe et décentralisée, d’atténuer voire supprimer les externalités. Mais R.

Coase lui-même stipule bien que ceci n’est vrai qu’en l’absence de coûts de

transaction, ce qui est quasi-impossible dans la réalité. Cette nuance

essentielle n’est pas retenue par les auteurs libéraux de la nouvelle économie

des ressources.

Par ailleurs, « fondamentalement, les droits de propriété, pour être efficaces,

doivent remplir deux conditions : d’une part, être exclusifs, d’autres part, être

transférables ». Il importe donc que le propriétaire ne soit pas limité dans

l’usage de son bien. Or, en réalité, les restrictions existent et sont souvent

dictées par la loi. Les droits de propriété sont influencés par le cadre légal et

les actions de l’Etat. Réactivant la pensée des Classiques, comme A. Smith ou

J-B. Say qui considéraient que toute entrave au libre usage de la propriété est

une violation des droits individuels de propriété, et donc immorale, les tenants

de l’écologie de marché considèrent qu’une « bonne » gestion des ressources

27

naturelles passe par une « bonne » définition des droits de propriété qui

internalisent les externalités (positives ou négatives). Au final, la propriété

privée et individuelle des ressources et la non-intervention de l’Etat permettent

une gestion efficace et durable des ressources, issue du libre exercice

d’agents économiques rationnels sur le marché.

L’idéologie libérale suggère le recours à la privatisation, et donc, de façon

opérationnelle, de créer un marché de droits. En utilisant les textes initiaux de

J. Dales (1968) sur le marché des droits à polluer, la nouvelle économie des

ressources renforce sa position relative aux droits sur les ressources

naturelles. S’appuyant sur les propos mêmes de J. Dales et sur l’analyse de

Caron (1998), V. Boisvert, A. Caron et E. Rodary dénoncent, de la part des

tenants de l’écologie de marché, leur «vision erronée qui en ferait un marché

au sens plein du terme (…) liée à une lecture tronquée du texte fondateur de

John Dales ». Enfin, dans sa lecture même de l’histoire, la nouvelle économie

des ressources voit la suprématie de la propriété privée : la propriété commune

relèverait de civilisations archaïques et dépassées, alors que la propriété

privée relèverait d’une maturité digne des civilisations modernes et

progressistes. Au-delà de l’empreinte déterministe de l’histoire que l’on

retrouve dans des lectures classiques de l’histoire économique, et qui

conduirait ici au développement de la propriété privée, l’utilisation partielle et

partiale des faits historiques se trouve dénoncée par plusieurs auteurs.

Centrale dans l’interprétation libérale, H. Demsetz (1967), souligne que

l’apparition de la propriété privée foncière comme fruit d’un calcul économique

peut stopper la surexploitation relève d’un détournement des faits. De même,

McManus (1972) montre que la privatisation des terrains peut conduire à

l’endettement ce qui est en totale contradiction avec les avantages supposés

de la propriété privée.

De nombreux auteurs considèrent que le recours récent aux mécanismes de

marché pour favoriser le développement durable est un bienfait pour l’analyse

économique, puisque cela enrichit les outils de régulation. Cependant,

28

contrairement aux positions des tenants de l’écologie de marché, la

privatisation des ressources et le libre marché ne permettent pas de résoudre

toutes les externalités, et d’être, en tant que tels, suffisants à la politique

environnementale. Ni sur le plan théorique, ni sur le plan empirique.

Dans le cas du Cameroun par exemple, on constate que les usages forts des

fonctionnaires et des multinationales ne permettent pas une pleine et entière

individualisation de l’accès à la ressource, que ce soit sous forme des droits de

propriété, ou d’autorisation administrative provisoire. Dans les deux cas, le

besoin de structure de régulation se fait sentir.

Si, les derniers échecs des politiques de développement justifient l’abandon de

l’Etat Central, a contrario, les résultats mitigés de l’ouverture nous laissent

dubitatif . En effet, durant ces deux dernières décennies, au-delà du caractère

« prédateur » de l’Etat qui s’est accru ( augmentation accélérée des

détournements des fonds publics, distorsions des subventions) celui d’Etat

« capturé » a marqué les esprits. Et les collectivités territorialement

décentralisées ? Là encore les procédures de vote posent le problème des

« sentiments » moraux des électeurs.

Pour de nombreux pays, se pose la question centrale de la gouvernance dans

une démarche conciliant l’interdépendance des producteurs entre eux et la

diversité d’une activité source de richesse. C’est aussi de trouver des modes

de gestion qui concilient au mieux cette double nécessité.

Ce besoin de structure de régulation est aussi avancé par d’autres

économistes. Pour P. Guillotreau (1997), « l’action collective en matière de

droits de propriété peut être source de gains économiques » ; de même, J-P.

Troadec (2001) écrit « selon Commons, les principes de système de prix et de

liberté individuelle sont insuffisants pour comprendre la formation de l’ordre.

Celui-ci n’est pas le produit naturel d’une harmonisation inconsciente des

intérêts individuels par la main invisible du marché, mais le résultat d’une

régulation des interactions et des conflits par les règles de l’action collective

29

(…). Intégrant l’économique et le social, les institutions articulent l’ordre privé et

l’ordre public, et conditionnent finalement la cohésion sociale ».

Dans cet abord, pour le modèle camerounais, on préconise une gestion

participative par la mise en place de coopératives dans le modèle d’acheteur

unique régional. Avec, au sein des directions de coopératives un bureau

écologique indépendant jouant le rôle de régulateur. Ce bureau aura pour rôle

de mettre en place les moyens d’évaluation environnementale de toute activité

afin de pouvoir à long terme interpréter, apporter les améliorations possibles et

surtout permettre l’existence de statistiques et d’informations fiables.

On pourra ainsi pour le long terme prendre le chemin du développement

durable et non les sentiers actuels qui conduisent inéluctablement à la

dégradation de l’environnement et dont l’incertitude sur la survie des industries

de biocarburants (les coûts environnementaux augmenteront les coûts

économiques) risque une fois de plus aggravé la pauvreté en milieu rural. Le

Cameroun, offre cet également avantage d’avoir plusieurs paysages pouvant

permettre l’intégration facile des cultures de biocarburants de sources

lignocellulosiques spécifiques à chaque région. Par exemple, son potentiel en

déchets solides, déjections animales et autres, offre des opportunités

intéressantes pour le développement des biocarburants de « deuxième

génération ».

Au final, « ce n’est pas la nature même de la structure de régulation qui

importe, mais sa réelle opérationnalité. Comme il n’existe pas une stratégie

unique en matière de développement, pour reprendre ici l’idée de A.

Gerschenkron sur la diversité des chemins de la croissance, il n’y a ni unicité

de structure de régulation, ni unicité de modèle de gestion», et gardons nous

des modes idéologiques.

Eliminer le rôle de l’Etat serait une vision trop naïve, car par son influence sur

d’innombrables canaux à de multiples niveaux, l’Etat s’inscrit dans le long

30

terme. Il serait nécessaire pour ses politiques publiques qu’il prenne en compte

les avis des organisations écologistes.

Conclusion

La méthode ACV dans sa version d’équilibre partiel définie par Walls & Palmer

nous a permis de constater que, l’extension des plantations d’huiles de palme

énergétique aura un impact négatif plus accrue sur les pollutions locales et sur

la biodiversité, sauf si le cahier des charges du bio-diesel évoluait vers des

modes de conduite d’huiles de palme à bas niveaux d'intrants. En revanche, sa

substitution par des cultures lignocellulosiques (biocarburants 2ème

génération) devrait permettre de réduire de façon substantielle la pression

agricole sur l'environnement local.

En terme d’efficience économique, l’analyse « coûts-bénéfices » permet de

mieux appréhender les arbitrages à opérer entre les différentes gestions de la

rareté. En terme d’équité, toute politique ou réglementation conduit à « créer »

des gagnants et des perdants, même si au niveau global, les bénéfices

dépassent les coûts pour la société. Une analyse en terme de répartition doit

compléter celle des « coûts-bénéfices » afin d’éviter des lobbyings trop

marqués. Aujourd’hui, les effets du changement climatique imposent plus de

prudence par rapport à cette analyse.

31

Annexe I :

Palmer & Walls raisonnent à partir d’un modèle d’équilibre partiel et montrent

qu’il est possible d’atteindre l’optimum social en combinant une taxe amont

(deposit) et une subvention au recyclage (refund) d’un taux identique

correspondant au coût social marginal d’élimination9. A partir du modèle de

base qui justifie la consigne, K.Palmer et M.Walls testent des approches

réglementaires comme le contenu minimum en produit recyclé. Les

conclusions sur cette dernière approche sont identiques à celles avancées par

Dinam sur l’utilisation de réglementation sur les matières vierges. L’application

de cette norme conduira, selon la forme de la fonction de production, à une

utilisation inefficace des autres facteurs de production. En effet si le contenu

standard en produits recyclés encourage l’utilisation de ces derniers et

décourage l’utilisation de matières vierges il a tendance à augmenter les

quantités d’output et donc de déchets. Si la productivité marginale de

l’utilisation des matières recyclées dans le processus de production est

relativement élevée, alors il faut taxer l’output. Si la productivité marginale des

recyclables est faible, le contenu standard entraîne une diminution des

quantités d’output (et donc des déchets), il est alors nécessaire de

subventionner l’output. La combinaison d’instruments qui permet de satisfaire

les conditions de l’optimum social et qui comprend la norme en contenu recyclé

est plus difficile à mettre en place que la consigne. En effet elle nécessite la

mise en œuvre d’une taxe sur le facteur travail. Les valeurs du contenu

standard et des taxes associées sont plutôt compliquées et dépendent de la

forme de la fonction de production. De plus, les informations nécessaires à la

mise en place d’une telle norme et des taxes associées sont beaucoup plus

difficiles à réunir que dans le cas du DSR (deposit-refund system) optimal qui

nécessite de connaître le coût social marginal d’élimination. Dans ce modèle

Palmer et Walls mettent l’accent sur le côté production, cependant seules les

9 La combinaison des deux instruments est optimale, la subvention au recyclage seule permet d’atteindre le niveau d’input optimal pour un niveau d’output donné mais ce dernier engendre trop d’output et trop de déchets. On retrouve là aussi les résultats de Fullerton Kinnaman et Dinam.

32

décisions concernant le mix d’input entre matières vierges ou recyclées sont

prises en compte. Comme dans le modèle de Fullerton et Kinnaman, les firmes

ne peuvent influencer la quantité de déchet intrinsèque au bien.

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