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LES BASES DE LA

CULTURE GÉNÉRALE

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OUVRAGES DU MÊME AUTEUR

R E L I G I O N , SOCIALISME, É D U C A T I O N ( E p u i s é ) .

L E L A T I N PAR LA J O I E . — L E G R E C PAR LA J O I E .

S E P T L A N G U E S E N S E I G N É E S EN MÊME TEMPS.

L E F R A N Ç A I S POUR CEUX OUI LE SAVENT.

L e s 4 c o u r s e n 3 0 c a h i e r s — ( 1 0 e M i l l e ) . G r a n d P r i x d e l a V i l l e d e P a r i s — M é d a i l l e d ' O r .

A p a r a î t r e p r o c h a i n e m e n t :

L A R É N O V A T I O N DE LA F R A N C E PAR LA P E N S É E ( C o n f é r e n c e ) .

L A GRAMMAIRE D Y N A M I Q U E ( C o n f é r e n c e ) .

T H É O P H I L E M I L O N ( R o m a n ) .

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LA SCIENCE EN MARCHE

LES BASES DE LA

CULTURE GÉNÉRALE PAR

CHARLES PAGOT Fondateur de «l'Enseignement par la Joie»

Plus une étude est profonde, plus il importe de la rendre accessible à tous.

PARIS

Œuvre des Études grecques et latines . 7, rue Vital (XVIe)

T o u s d r o i t s r é se rvés

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Tous droits de traduction, de reproduct ion et d ' adap ta - t ion réservés p o u r tous pays.

C o p y r i g h t b y P a g o t 1945.

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PRÉFACE

On parle depuis assez longtemps de culture générale. Assurément il est nécessaire à chaque homme, dans des sociétés comme les nôtres où règne la division du travail, d'exercer une spécialité. Mais on a le sentiment que cette division du travail se retournerait contre elle-même, si l'homme, en plus du point de vue étroit auquel il est obligé de se placer, n'adoptait pas aussi un point de vue plus large. L'adoption d'un tel point de vue, on s'en rend compte, est indispensable pour éclairer le domaine très

• limité dans lequel chacun de nous est, dans une certaine mesure, forcé de se confiner.

A l'heure actuelle, ces réflexions ont une importance singulière. Tout est à rebâtir depuis les assises. De plus en plus, l'organisation d'une culture à la fois profonde et vaste s'impose.

Comment établir cette culture, voilà le sujet que je t voudrais traiter. I Je prendrai la question de très haut et de très loin. Je montrerai principalement, en partant de l'étude des langues, que la science a découvert, au delà du monde

ï étroit et superficiel avec lequel nous sommes en contact, g un monde si différent du premier qu'aucune des concep- v tions que nous avions eues jusqu'ici sur tout ce qui existe ne peut s'y appliquer. Toutes nos opinions sur l'univers

; doivent être modifiées ainsi que les conséquences pratiques ] qui en découlent. Des concepts, qui nous semblent évidents , et dont certains nous valent encore des luttes et' des

guerres, sont à reviser. Ils ont notamment quelque chose ! de lourd et de grossier. La réalité dont il s'agit est plus 1 subtile et plus fine. h

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C'est dans ce monde extraordinaire et fantastique, qui enserre notre petit monde à nous, que j'ai l'intention de mener mes lecteurs et ils pourront constater qu'il explique, en partie au moins, l'univers tel qu'il nous apparaît. C'est en lui, dans tous les cas, qu'il faut chercher la base d'une culture générale, englobant toutes les activités humaines, sciences, arts, etc.

Je ne m'illusionne pas sur les risques que je cours en m'engageant dans une telle voie. Du moins m'estimerai-je heureux si je réussis à aider certaines personnes de bonne volonté, même si elles sont complètement ignorantes des choses scientifiques, à comprendre des théories qui, on le constatera, marquent une étape importante dans l'évolution de la raison humaine.

J'ajouterai qu'on expose souvent les résultats scienti- - fiques en se servant de notions familières. C'est un système dont il est permis d'user, mais dont il ne faut pas abuser. Tout progrès de la science crée des notions qui nous sont complètement étrangères. L'important est donc de se servir de termes clairs pour tous, mais qui, loin de défigurer les concepts nouveaux, en dévoilent l'essence et la beauté.

D'ailleurs, chaque développement commencera par des considérations linguistiques qui permettront au lecteur de se familiariser avec certaines conceptions nouvelles avant de les trouver appliquées à un sujet plus vaste.1

En outre, je ne craindrai pas de répéter souvent les mêmes idées. La culture générale a été considérée jusqu'à présent comme le résultat d'études bien faites. Je crois que c'est la première fois qu'on essaye d'en établir directement les principes. On ne saurait prendre trop de précautions en une telle circonstance. -

1. On peut ignorer la signification de termes que nous em- ploierons, tels que comparatij, sujet d'un verbe, complément déter- minatif, etc. Les exemples la feront suffisamment comprendre.

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LES BASES DE LA CULTURE GÉNÉRALE

CHAPITRE P R E M I E R

VERS LA SOLUTION MODERNE D'UN VIEUX PROBLÈME

Dans la collection des «Cahiers de la Nouvelle Journée »

paraissait, il y a une quinzaine d'années, un ouvrage où il était question des principales sciences. On y parlait de la philosophie, des mathématiques, de la physique, de la chimie, de la biologie, de la sociologie, de la science des langues. L'ouvrage était dû à la collaboration d'au- teurs éminents, spécialisés dans chacune de ces disciplines.

Malgré la diversité des sujets traités, ce « Cahier de la Nouvelle Journée » était inspiré par une idée unique que le titre exprimait : « Continu et Discontinu. » Il était dit dans la première étude que le problème du continu et du discontinu était un problème fondamental, qui se posait au début et au terme des sciences mathématiques et physiques, et qui, sous une forme ou sous une autre, se posait ou se poserait également à toutes les autres disciplines humaines, naturelles ou morales. La question était immense.

Qu'est-ce donc que ce problème dont la portée est à ce point universelle?

On le présente ordinairement en traitant d'abord de la physique et de la chimie. Je le présenterai en traitant d'abord des langues, et, parmi les langues, je choisirai,

1. Librairie Bloud et Gay (1929).

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pour commencer, le latin. Je m'y prendrai d'ailleurs de lelle façon que même les personnes qui ne savenl pas le lalin com- prendronl ce que j'exposerai. Ne sera-ce pas imprévu et piquant de partir de cette langue ancienne pour aboutir à une conception générale de l'univers?

I

Un élève apprend, dès les premières pages de la gram- maire latine, que la rose, dans la phrase « la rose est belle », se dit en latin rosa, et que, dans l'expression « le parfum de la rose », de la rose se dit rosae. (Pour la lecture du pré- sent ouvrage, il suffit de lire mentalement les mots du latin et ceux des langues étrangères sans se préoccuper de les prononcer exactement.)

Lorsque l'élève, quelques pages plus loin, étudie la manière de marquer la comparaison à l'aide de l'adjectif, il apprend que savanl se dit en latin doclus et que le compa-

. ratif plus savanl se dit doclior. Quand l'élève en est au verbe, et à l'heure actuelle

il étudie le verbe en même temps que le nom (ce qui est est une grave erreur pédagogique1), il apprend que j'aime, lu aimes, il aime, se dit en latin amo, amas, amal. ■

Voilà trois groupes de faits : 10 rosa, rosae « la rose, de la rose », 20 doclus, doclior « savant, plus savant », 3° amo, amas, amal « j'aime, tu aimes, il aime ».

Entre ces trois groupes, la grammaire, même quand elle enseigne le nom et le verbe simultanément, établit une distinction nette. Les trois groupes appartiennent à trois espèces de mots différentes : le premier à celle du nom, le deuxième à celle de l'adjectif, le troisième à celle

1. L'enseignement simultané du nom et du verbe complique l'apprentissage de la grammaire latine et empêche les élèves de s'intéresser de bonne heure aux textes.

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du verbe, et la grammaire exige qu'entre les espèces de mots il n'y ait aucune confusion. Le nom, l'adjectif, le verbe sont trois « parties du discours » qui ont chacune une existence propre et des attributions spéciales. Les trois groupes de faits ont donc pour la grammaire un caractère individuel. Ils sont discontinus.

Il n'en est pas de même pour la linguistique, qui est essentiellement la science des langues. La linguistique s'efforce d'établir des liaisons, des enchaînements. Pour elle, une langue est un système où tout se tient, un ensemble dont les éléments réagissent entre eux, où règne la continuité.

Rien n'est plus facile que d'apercevoir une continuité entre les trois groupes de faits que la grammaire tient pour discontinus. Ils offrent une ressemblance remar- quable et qui révèle un système. Qu'il s'agisse d'un nom, d'un adjectif ou d'un verbe, le latin, pour indiquer certains rapports grammaticaux qu'un mot est chargé de marquer, modifie ce mot.

Dans « la rose est belle », la rose, qui est le sujet du verbe, se dit rosa. Dans « le parfum de la rose », où rose est le complément déterminatif ou « complément de nom » de parfum, de la rose se dit rosae. Le mot a été modifié : il n'a plus la même terminaison. ^

Savant, adjectif au positif, se dit doclus ; plus savant, le même adjectif au comparatif, se dit doclior, en un seul mot. Le mot a été également modifié.

J'aime, tu aimes, il aime, verbe à la première, à la deuxième et à la troisième personne du singulier, se dit amo, amas, amal. Le mot a encore été modifié.

Ainsi, après avoir constaté que les trois groupes de faits sont distincts au point de vue grammatical, qu'ils sont rigoureusement individuels, nous constatons qu'au point de vue de la linguistique ils sont unis par un lien. Ces groupes, bien qu'appartenant à trois espèces de mots diffé-

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rentes, ont un caractère commun. Ils dérivent d'un même procédé. Ils se pénètrent. Chacun des trois est en quelque sorte dans les deux autres. Leurs frontières ne sont pas nettement déterminées. Ils font partie d'un ensemble, d'un système. Après être apparus sous le signe de la pluralité, ils apparaissent sous celui de l'unité. D'un côté, ils sont discontinus, d'un autre côté ils forment une continuité

C'est la présence simultanée des deux notions contra- dictoires de discontinu et de continu dans une même

réalité, qui constitue le problème dont nous traitons. Nous verrons bientôt que cette contradiction règne aussi dans l'univers entre l'individuel et l'ensemble, la pluralité et l'unité, la discontinuité et la continuité, et nous aurons à nous demander comment on peut la résoudre.

Si, après le latin, nous considérons le français, nous rencontrons également trois groupes de faits dans la traduction des expressions latines que je vous ai citées : 1° « la rose est belle », « le parfum de la rose », 2° savant. plus savant, 3° j'aime, lu aimes, il aime. Ces trois groupes, comme ceux du latin, sont nettement distincts au point de vue de la grammaire. Nous retrouvons, en les énumé- rant, la distinction très nette des trois espèces de mots : nom, adjectif, verbe. Ici se révèlent l'individualité, la pluralité, la discontinuité. Mais, au point de vue de la linguistique, les trois groupes s'enchaînent, se pénètrent, sont cohérents. Tout en étant discontinus, ils forment un ensemble, une unité, un système : ils sont continus. Cette .continuité, il est vrai, n'est pas de même nature que celle qui relie les trois groupes du latin. Nous allons constater, en effet, que le français, dans des circonstances

1. On trouvera dans les Cahiers du Latin par la Joie et des Sept Langues une quantité de faits entre lesquels la grammaire établit des cloisons étanches, mais que la linguistique considère sous le signe de l'unité.

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où le l a t in modif ie le m o t , le laisse i nva r i ab l e , e t lui a d j o i n t

un m o t auxi l ia i re .

D a n s « la rose es t belle », rose es t su je t . P o u r faire d u

m o t u n c o m p l é m e n t d é t e r m i n a t i f , le f rança is n e le modi f ie

pas . Il lui a d j o i n t u n m o t auxi l ia i re , la p r é p o s i t i o n de :

« le p a r f u m de la rose ».

Le m o t f rança is savant , a d j e c t i f a u posi t i f , d e v i e n t a u

c o m p a r a t i f p lus savant . L ' a d j e c t i f n ' a p a s changé . Le

m o t auxi l ia i re p lus le précède .

Enf in , dans le f rança is j ' a ime , tu aimes, il a ime, le m o t

a ime n ' e s t pas modi f ié p o u r l 'oreille. Il p r e n d d a n s l 'écr i -

t u r e un s à la d e u x i è m e p e r s o n n e du singulier , ma i s ce t s,

c o n t r a i r e m e n t à l 's du l a t i n amas e t a u t d u l a t i n amat ,

ne se p rononce pas , ce qui e s t le p lus i m p o r t a n t à consi-

dérer , c a r les l angues s o n t u n e m u s i q u e ; elles s ' a d r e s s e n t

à l 'oreille a v a n t de s ' ad res se r a u x y e u x . Le f rança is m a r q u e

donc la pe r sonne d u v e r b e n o n p a r u n c h a n g e m e n t d u

m o t , mais p a r u n m o t auxi l ia i re . D a n s le cas p r é sen t ,

c ' es t le p r o n o m pe r sonne l je, tu, il.

Encore ici t ro is g roupes de fai ts r é v è l e n t la p résence s i m u l t a n é e du d i s con t inu e t d u con t inu . T o u t en é t a n t

d i s t inc ts , ces t rois g roupes s o n t liés e n t r e eux . Ils a p p a r -

t i e n n e n t à u n s y s t è m e cohéren t , d i f fé ren t d u s y s t è m e

la t in , ma i s c o h é r e n t en lu i -même. Ils d é r i v e n t t ous les

t ro is d ' u n p rocédé i den t ique . E n f rança is c o m m e e n l a t in ,

les espèces de m o t s son t séparées les unes des a u t r e s ,

e t p o u r t a n t elles s ' e n c h a î n e n t . N o u s faisons, en s o m m e ,

sur c h a c u n e des d e u x langues , d e u x expér iences , l ' u n e

g r a m m a t i c a l e qui n o u s m o n t r e l ' ind iv idue l , la p lu ra l i t é ,

la d i scon t inu i t é , l ' a u t r e l i ngu i s t ique qui nous m o n t r e

l ' ensemble , l ' un i té , la con t inu i t é . Les d e u x p o i n t s de

v u e son t é g a l e m e n t réels. L a g r a m m a i r e i n t e r d i t de con-

fondre le n o m , l ' ad jec t i f e t le ve rbe , e t elle a ra ison. L a

l ingu is t ique cherche les re la t ions e n t r e le n o m , l ' ad j ec t i f e t le ve rbe , e t elle a t o u t aussi ra ison.

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Ajoutons que la linguistique est portée, s'opposant encore ici à la grammaire, à découvrir les causes de ce qu'elle constate. Elle aperçoit notamment une période ancienne du langage 1 où le nom, l'adjectif et le verbe n'étaient pas séparés 2. Pour ce qui est, par exemple, du nom et de l'adjectif, un nom, encore en français, peut devenir un adjectif et un adjectif un nom. Dans l'expres- sion un savant aveugle, les mots savant et aveugle sont tour à tour l'un un adjectif, l'autre un nom, selon que l'on fait ou que l'on ne fait pas la liaison entre savant et aveugle. Si on dit « un savant t-aveugle » en faisant la liaison, savant est un adjectif et aveugle est un nom. Il s'agit d'un aveugle qui est ou qui est devenu savant. Si on dit « un savant aveugle » sans faire la liaison, savanl est un nom et aveugle est un adjectif. Il s'agit d'un savant qui est ou qui est devenu aveugle. On comprend pourquoi, dans ces conditions, tout en arrivant lentement à une séparation très franche, les espèces de mots n'ont pas cessé d'appartenir à un système, quoique celui-ci ait changé. On comprend qu'il y ait eu, et qu'il y ait toujours entre le nom et l'adjectif, des influences réciproques, des inter- actions. C'est là une des raisons de la continuité qui relie les deux « parties du discours », caractérisées d'un autre côté par la discontinuité.

Nous avons examiné des éléments du langage et ces éléments coexistent. Les espèces de mots, nom, adjectif,

1. Nous verrons plus loin qu'il y a deux linguistiques : la linguis- tique « statique » dont nous avons parlé jusqu'à présent, et la linguistique « dynamique » ou « évolutive » ou « historique » dont il est question dans ce paragraphe.

2. Benveniste : Origine de la Formation des Noms (Adrien- Maisonneuve, 1935), p. 173. H.-V. Velten : Sur l'évolution du genre, des cas et des parties du discours. Bulletin de la Société Linguistique de Paris, n° 99.

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verbe , p répos i t ion , etc. , e x i s t e n t en q u e l q u e so r t e e n

m ê m e t e m p s . P l a ç o n s - n o u s m a i n t e n a n t a u p o i n t de v u e

de la succession t empore l l e . E x a m i n o n s le s y s t è m e l a t i n

e t le s y s t è m e f rançais . Il n ' y a pas ici coex is tence . Le

d e u x i è m e s y s t è m e a succédé au p remie r . Nous r e t r o u v o n s

c e p e n d a n t à la fois la d i s c o n t i n u i t é e t la c o n t i n u i t é . Les

d e u x sys t èmes s o n t à la fois d i s con t inus e t c o n t i n u s à

t r a v e r s le t e m p s .

Le s y s t è m e l a t i n e t le s y s t è m e f rança i s s o n t d i f férents ,

pu i sque l 'un , nous l ' avons vu , modi f ie les m o t s d a n s des

c i r cons tances où l ' au t r e , e n leur a j o u t a n t des m o t s aux i -

l iaires, les laisse invar i ab les . E n ou t r e , ils a p p a r t i e n n e n t

à des l angues différentes , qui p e u v e n t , je d i r a i m ê m e qui

d o i v e n t ê t re enseignées e t appr i ses s é p a r é m e n t . F e r d i n a n d

B r u n o t conceva i t l ' a p p r e n t i s s a g e d u f rança i s sans l ' a p p u i

d u la t in , c o m m e le conçoi t l ' e n s e i g n e m e n t g r a m m a t i c a l

p o u r lequel ne c o m p t e q u e la d i s con t inu i t é . Les d e u x

sys t èmes son t ainsi d i scon t inus , et , c o m m e tels , on les

appel le des « é t a t s de l angue ». Certes , m a l g r é c e t t e d i scon-

t i nu i t é , ils r e l èven t , en t a n t qu ' i ls c o n s t i t u e n t c h a c u n u n

s y s t è m e c o h é r e n t e t c o m p o r t a n t en l u i - m ê m e de la con t i -

nu i t é , n o n pas , n o u s l ' a v o n s cons t a t é , de la g r a m m a i r e ,

mais de la l inguis t ique . Il s ' ag i t d u moins de la l inguis-

t i q u e q u ' o n n o m m e « s t a t i q u e ». Il y a, en effet, d e u x

l inguis t iques : l ' une s t a t i q u e , l ' a u t r e d y n a m i q u e ou évo lu-

t i ve ou h i s to r ique 1. Elles c h e r c h e n t t o u t e s les d e u x des

re la t ions , des e n c h a î n e m e n t s , de la con t inu i t é . Mais la

p remière , qui es t celle q u e n o u s a v o n s a u d é b u t opposée à la g r a m m a i r e , en cherche e n t r e des é l émen t s c o m m e le

nom, l ' ad jec t i f , le ve rbe , qu i c o e x i s t e n t d a n s le t e m p s ,

pu i squ ' i l s c o e x i s t e n t à l ' i n t é r i eu r des é t a t s de l angue . L a

seconde en cherche e n t r e des é l é m e n t s qui se s u c c è d e n t

1. Voir Ferdinand de Saussure : Cours de Linguistique générale (Payot, 1916), p. 120 et 191, et Vendryès : Les Tâches de la Linguis- tique statique dans Psychologie du Langage (Alcan, 1933, p. 172).

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dans le temps, comme il arrive pour des états de langue qui ont existé à des périodes différentes. Ces états de langue peuvent donc être discontinus pour la linguistique statique qui les envisage isolément et continus pour la linguistique dynamique qui s'intéresse à l'évolution des langues. Ainsi en est-il du système latin et du système français. Discon- tinus pour la linguistique statique, ils sont, au contraire, liés entre eux pour la linguistique dynamique.

La linguistique dynamique considère avant tout que le français vient du latin, qu'il y a, par conséquent, entre le latin et le français, un lien extrêmement puissant, un lien génétique 1, et elle a découvert, au sujet du latin et du français, une de ces synthèses supérieures par lesquelles on a coutume, dans les explications scientifiques, d'em- brasser d'un seul coup d'œil des faits se présentant d'autre part comme indépendants.

On s'est aperçu que c'était une tendance générale des langues de passer du système où le mot marque les rapports grammaticaux en modifiant sa terminaison au système où, restant invariable, il les marque par l'addition d'un mot auxiliaire. Le deuxième système sort du premier. On observe parfaitement cette tendance dans le passage du latin au français, et il est très facile de voir comment le système latin est devenu le système français. Déjà

1. Nous employons ici l'expression « lien génétique » comme on emploie les termes « parenté de langues », « langues mères », « langues filles », « langues sœurs ». « Comme toutes les expressions figurées employées en linguistique, écrit M. Meillet, l'expression parenté de langues est trompeuse : la parenté de langues est autre chose que ce que l'on appelle d'ordinaire parenté; une langue « fille » est une transformation d'une langue « mère », et non un rejeton. L'expression est trop établie pour qu'on y renonce; il suffit de la définir pour n'en être pas dupe. » Linguis- tique historique et Linguistique générale (Champion, 1921), tome I, p. 102. (Voir aussi : Vendryès, Le Langage, Renaissance du Livre, 1921, p. 349.) Ces terminologies fâcheuses n'ont pas d'incon- vénient pour le point de vue auquel nous nous plaçons. Nous considérons qu'il y a évolution, quelle que soit la manière dont l'évolution a lieu.

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en la t in , p a r une ins i s t ance express ive , on i n d i q u e s o u v e n t

d e u x fois le r a p p o r t g r a m m a t i c a l , c o m m e les idées d e

« descendre » e t de « m o n t e r » s o n t e x p r i m é e s d e u x fois

en f rança is dans les locu t ions famil ières « de scend re en

bas », '« m o n t e r en h a u t ». Le r a p p o r t g r a m m a t i c a l d u

m o t , r a p p o r t q u ' o n appe l le « fonc t ion » q u a n d il s ' a g i t

d ' u n n o m ou d ' u n p r o n o m , est s o u v e n t i n d i q u é en l a t i n

n o n s e u l e m e n t p a r la t e r m i n a i s o n d u m o t , m a i s p a r u n e

p répos i t ion . D a n s « le j a r d i n es t b e a u », j a r d i n se d i t en

. lat in hor lus ; d a n s « j e suis dans le j a r d i n » , j a r d i n se d i t

en l a t in horto. Mais, m a l g r é le c h a n g e m e n t de la f inale

q u i ' m a r q u e le c o m p l é m e n t c i r cons tanc ie l de lieu, on fa i t

p r écéde r le m o t horlo de la p r é p o s i t i o n in, « d a n s »; on

d i t in horto. Or, d a n s les l angues , l ' i n s i s t ance express ive ,

qui , d ' a i l leurs , s ' a t t é n u e et f ini t p a r n e p lus ê t re sen t ie

dans les t o u r n u r e s m ê m e s qu 'e l le a susci tées , es t s o u v e n t

c o n t r e - b a l a n c é e p a r u n e o r i e n t a t i o n vers l ' é conomie .

L a p répos i t i on p a r u t p e u à p e u suff isante p o u r e x p r i m e r

c l a i r e m e n t la fonct ion . D ' a u t r e p a r t la sy l l abe f inale des

m o t s l a t in s -qui o n t d o n n é des m o t s d a n s n o t r e l a n g u e

d i s p a r a î t en f rança is p a r c e qu 'e l le n ' e s t j a m a i s a ccen tuée .

A u m o t l a t in rosa c o r r e s p o n d le f rança is rose : la d e r n i è r e

syl labe d u m o t l a t i n es t d e v e n u e u n e sy l l abe m u e t t e .

C 'es t p o u r ces d e u x ra isons , économie e t c h u t e de la

finale, q u ' o n emploie , en f rançais , le m o t aux i l i a i r e

seul d e v a n t le m o t p r inc ipa l d e v e n u i n v a r i a b l e . Voi là

c o m m e n t d u p r e m i e r sys tème , le s y s t è m e la t in , es t sor t i

le second, le s y s t è m e f rança is 1. Ces exp l i ca t ions s ' app l i -

q u e n t en gros à l ' ad jec t i f e t a u ve rbe .

Ainsi, le s y s t è m e d u l a t i n e t le s y s t è m e d u f r ança i s s o n t ,

p o u r la l ingu i s t ique s t a t i q u e , i n d é p e n d a n t s , ind iv idue l s .

Ils f o r m e n t une p lu ra l i t é , dans le cas p r é s e n t u n e dua l i t é .

.I ls son t à p r o p r e m e n t pa r l e r des é t a t s de l angue , c ' e s t -

1. Voir Albert Dauzat : Le Génie de la Langue Française (Payot, 1943), p. 127, 128..

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à-dire du statique. Ils apparaissent comme discontinus. Mais, pour la linguistique dynamique, ils sont un ensemble, une unité. Ils révèlent précisément un dynamisme. Ils s'enchaînent dans un système plus vaste et apparaissent comme continus. Il y a même entre eux, malgré leur divergence radicale, un enchaînement, nous l'avons dit, extrêmement puissant, un enchaînement génétique. L'un a créé l'autre. Il y a eu évolution1.

Remarquons que l'opposition entre le discontinu et le continu, qui cadre exactement avec celle de la gram- maire et de la linguistique, ne cadre pas exactement avec celle de la linguistique statique et de la linguistique dyna- mique, puisque la linguistique statique, pour des éléments qui coexistent dans le temps, comporte du continu. Cepen- dant, nous associerons, dans la suite de cet ouvrage, la notion de statique à celle de discontinu et la notion de dynamique à celle de continu. La discontinuité a toujours un caractère statique et la continuité a toujours un carac- tère dynamique. Les éléments qui constituent un système, comme le nom, l'adjectif, le verbe, appartiennent, pris individuellement et considérés comme discontinus, au statique, mais ils appartiennent au dynamique comme relevant de la continuité et maintenus par une force qui en assure la cohésion.

En somme, que nous envisagions le latin et le français

1. C'est à cause de la conlinuité qui relie le système latin et le système français qu'il y a dans le premier des signes avant- coureurs du second et dans le second des souvenirs du premier. Déjà, en latin il y a des comparatifs formés avec un mot auxiliaire, sans que l'adjectif marque par lui-même le comparatif : pius « pieux », magis pius « plus pieux ». En français, dans nous aimons, vous aimez, la forme verbale aimons, aimez, reste modifiée. La linguistique statique et la grammaire enregistrent ces faits sans les expliquer. La linguistique dynamique, au contraire, en tient grand compte et les explique. De plus, des expressions comme de la rose, plus savant, j'aime, peuvent, dans certains cas, être senties chacune comme un seul mot au même titre que rosae, doctior, amo. Voir Le Latin par la Joie, 9e Cahier, p. 174 et 175.

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s é p a r é m e n t ou que n o u s les conf ron t ions , n o u s r e n c o n t r o n s

d ' u n e p a r t les no t ions d ' i nd iv idua l i t é , de p lu ra l i t é , de

. statique, de discontinu, et d 'autre par t celles d'ensemble, d'unité, de dynamique, de continu. Ces deux catégories de notions, bien qu 'é tant contradictoires, correspondent à la réalité. Les langues posent donc clairement le problème

créé par la présence simultanée du discontinu et du continu.

II

Plaçons-nous maintenant en présence de l'univers. Nous trouvons une situation analogue.

L'univers est, pour nous, composé d'objets, d'individus qui coexistent. Ces objets, ces individus sont nettement - distincts les uns des autres, comme le nom, l'adjectif, le verbe pour la grammaire. Ils ont des contours arrêtés. Ils sont, même quand ils se trouvent en état de mouve- ment, localisés dans l'espace. Ici règnent l'individuel, la pluralité, le statique, le discontinu.

Mais l'univers est aussi un système où tout se tient. Pour le montrer, il fa,ut recourir, comme le fait la linguis- tique pour les éléments du langage, aux notions d'influence et d'interaction et à la succession temporelle. « L'Univers, écrit M. Georges Matisse, ne forme-t-il pas un tout, un immense système unitaire, dont toutes les parties sou- tiennent entre elles des relations d'interdépendance, retraçables pourvu que l'on remonte assez loin dans le temps ? Ne sommes-nous pas dans la situation d'un homme qui ne verrait que les pointes extrêmes des branches d'un arbre ? Les bourgeons terminaux lui paraîtraient indépendants les uns des autres. Pourtant, en suivant les branches qui les portent, il verrait tous ces bourgeons et ces rameaux se rattacher, par les faisceaux qui les ont nourris et engendrés, à un même tronc. Il comprendra

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qu'ils appartiennent à un être unique, et qu'entre toutes les parties, une liaison invisible existe, par la sève circu- lante. La corrélation n'est-elle pas plus intime encore dans l'Univers que dans un végétal? comparable à celle des parties d'un animal supérieur ? 1 »

Les éléments d'un tel système, quoique distincts, se tiennent et s'enchaînent. Les objets et les individus subis- sent à travers l'espace des influences réciproques. Ils exercent des interactions. Ils sortent, pour ainsi dire, de leurs propres frontières. Bien que discontinus, ils sont liés par la continuité. Imaginons n'importe quoi, des êtres inanimés ou animés, des objets et des individus qui ne seraient, à tous les points de vue, que de purs objets, de purs individus, qui ne relèveraient que de l'indi- viduel, de la pluralité, du statique, du discontinu, qui seraient parfaitement localisés dans l'espace, qui ne sor- tiraient pas de leurs propres limites, qui n'existeraient que là où ils sont, nous ne pourrions même pas les connaître p u i s q u ' i l s n ' a g i r a i e n t p a s s u r n o u s 2 . T o u t r e s s e m b l e

à c e t t e f o r t u n e d o n t p a r l e M . G a s t o n B a c h e l a r d , e t q u i

e s t s o u s f o r m e d ' a c t i o n s d a n s u n p o r t e f e u i l l e , l e q u e l e s t

d a n s u n c o f f r e q u i , l u i - m ê m e , e s t d a n s u n b u r e a u . L a

f o r t u n e e s t a i n s i p a r f a i t e m e n t l o c a l i s é e . C ' e s t d a n s l e

b u r e a u , d a n s l e c o f f r e e t d a n s l e p o r t e f e u i l l e q u e v o l e u r s

1. La Philosophie de la Nature (Alcan, 1938), tome III, p. 171. M. Maurice de Broglie écrit de même : « L'Univers est un tout dont il n'est pas possible d'isoler complètement une partie. » Atomes radioactivité, transmutations (Flammarion, 1939), p. 22. *

2. En employant ici le verbe « agir », je ne songe pas à ressus- citer la vieille notion d' « action à distance ». Les interactions dont il est question, et notamment, comme on le verra plus loin, les « champs », se propagent de proche en proche. (Voir Marcel Boll : Les quatre faces de la Physique, Rieder, 1939, p. 99.) Cela n'empêche pas d'appliquer aux objets et aux individus ce que M. Maurice de Broglie dit des atomes : « Chaque atome est, en somme, présent dans tout l'espace. » Ouvrage cité, p. 22. Comparez également ces mots de M. Jules Sageret : « La matière d 'un caillou tient son être aussi bien de tout ce qui n'est pas ce caillou. » La Révolution Philosophique et la Science (Alcan), p. 159.

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ou hér i t ie rs p o u r r o n t la t r o u v e r . Mais le c o n t e n u du p o r t e - feuille est sol idaire de c o n v e n t i o n s sociales. Ces conven -

t ions son t les seules ra i sons de la fo r tune . Une ob l iga t ion

f inancière ne d o n n e u n b ien réel que lorsqu 'e l le es t réal isée

e t qu 'e l le se réalise hors du coffre, à la b a n q u e , à la bourse ,

a u t e m p l e des va leu r s f iduciaires. Ce t te fo r tune , elle aussi ,

exis te en que lque sor te là où elle n ' e s t pas 1.

P a r m i les inf luences e t les i n t e r a c t i o n s qui e m p ê c h e n t

les é léments de l ' un ivers d ' ê t r e de p u r s ob je t s , de p u r s

ind iv idus , on p e u t c i te r le r a y o n n e m e n t « i n t i m e m e n t

lié à la notion d'interaction » 2, et aussi les champs, causes d'attractions ou de répulsions : champ de gravitation, champ magnétique, champ électrique 3. Les corps matériels, dit M. Jean Mariani, apparaissent à la physique « comme doués d'une charge et d'une masse qui produisent, à l'extérieur, des champs continus et illimités dont le rayon d'action s'étend jusqu'à l'infini et qui possèdent la pro- priété particulière de provoquer l'existence des inter- actions entre les systèmes matériels » 4. Pour ce qui est des êtres animés, M. Jean Mariani écrit : « Tout individu se regarde... comme un objet; mais il existe inévitable- ment des interactions entre cet objet et le monde extérieur, qui jouent le même rôle que les champs en physique, et nous permettent d'affirmer que la notion idéale de l'indi- vidu-objet ne correspond pas à la réalité; les interactions élémentaires sont provoquées par le désir d'apaiser la faim et la soif : nous ne pouvons subsister en tant qu'indi-

1. Gaston Bachelard : L'Expérience de l'Espace (Alcan, 1937, p. 12).

2. Jean Mariani : Les Limites des Notions d'objet et d'objectivité (Hermann, 1937), p. 37.

3. Voir Supplément I, p. 207. Voir Louis de Broglie : Continu et Discontinu en Physique moderne (Albin Michel), p. 130 et suiv.

4. Jean Mariani : ouvrage cité, p. 23. Voir aussi : Albert Einstein et Léopold Infeld : L'Évolution des idées en Physique (Flammarion, 1938), p. 238, 239, 287, et Paul Guillaume : La Psychologie de la Forme (Flammarion, 1937).

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vidualité que si nous empruntons au monde extérieur de quoi nous sustenter; il se passe-bien ici la même chose qu'en physique ; ... la nécessité de nous nourrir nous

empêche de ressembler à l 'objet idéal et c'est pour tant elle qui nous permet de subsister en tan t qu'individu possédant des propriétés caractéristiques » 1.

Ce dernier point est très important . Il semble que tout n'existe qu'en vertu de la présence simultanée des deux termes contradictoires : discontinu et continu. Les influ-

ences, les interactions paraissent nécessaires à l'existence

des êtres même pris individuellement. Si, d'une par t , afin de répondre à la notion d'individualité, les objets, les individus doivent se suffire, ne dépendre de rien, ils ne peuvent, d 'autre part, subsister sans le milieu dans lequel ils sont plongés. Nul être, inanimé ou animé, ne conserverait les propriétés qui le caractérisent si on l'isolait parfaitement du monde extérieur. En somme, il cesserait

immédiatement d'exister. Il est soutenu par tout ce qui l 'environne. Lui aussi, d'ailleurs, est à son tour une source d'influences. Ce sont même d'ordinaire les individualités

les plus fortes, les plus fortes personnalités qui agissent le plus autour d'elles, qui, tout en vivant en elles-mêmes, vivent aussi le plus en dehors d'elles. La personnalité se reconnaît souvent à l'action qu'elle exerce. Souvent personnalité et action s'intensifient d 'un seul mouvement.

En résumé, il n ' y a pas d'individualité sans ensemble, de pluralité sans unité, de statique sans dynamique, de discontinu sans continu.

La présence simultanée du discontinu et du continu et la contradiction qu'elle implique nous apparaissent ainsi comme nécessaires et nous voyons en quoi elles consistent. Elles proviennent essentiellement du fait que, pour les objets et pour les individus, la localisation

1. Ouvrage cité, p. 76.

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dans l'espace à l'intérieur de limites précises et de contours arrêtés est inséparable de l'impossibilité de localisation à l'intérieur de ces mêmes limites, de ces mêmes contours. Les objets, les individus, en tant qu'objets et en tant qu'individus, sont là où ils sont; mais, en tant qu'ils ne

r sont pas de purs objets, de purs individus, ils sont aussi là où ils ne sont pas. Ils franchissent leurs propres limites au moment même où elles les enserrent1.

Ce qui est vrai pour l'espace est vrai pour le temps Il y a des états d'univers comme il y a des états de langue Deux états d'univers sont entre eux aussi discontinus

que le latin et le français. Ils diffèrent profondément. L'univers ne repasse jamais par les mêmes états. Mais, d'autre part, il y a entre les états d'univers un enchaîne- ment. Les éléments de l'univers se transforment, évoluent 2. Il y a ici continuité. Le fait que des individus appartiennent à un même système évolutif et sont liés par un enchaîne- ment génétique, altère autant la notion de l'individu- objet que les interactions et les champs. Tout individu, par exemple, subit l'influence de ses ancêtres et, par conséquent, n'est pas à ce point de vue un pur individu. Les états d'univers en général, quoique parfaitement localisés dans le temps, ne s'expliquent cependant, eux aussi, que par leur passé. Il y a pour eux à la fois loca- lisation et impossibilité de localisation dans le temps.

Nous arrivons à cette conclusion que la présence simul-

1. On aperçoit déjà ici la fragilité de certains principes de la logique, que l'on croyait intangibles et vrais d'une manière absolue, comme ceux-ci : « Un objet est où il est », « Le même objet ne peut être dans deux endroits différents en même temps ». Il y a là, nous le verrons, des conséquences à tirer pour la constitution de la raison humaine. Voir Gaston Bachelard : La Philosophie du Non (Presses Universitaires), p. 117.

2. L'évolution n 'a pas lieu de la même façon pour tous les éléments de l'univers. La matière n'évolue pas comme les êtres

i vivants. Mais, nous l'avons dit (p. 8, note), nous ne considérons [ pas pour le moment la façon dont l'évolution a lieu.

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tanée de l'individuel et de l'ensemble, de la pluralité et de l'unité, du statique et du dynamique, du discontinu et du continu, qui est nécessaire à l'existence des choses, consiste dans l'union étroite, pour les éléments et pour les états de l'univers, d'une possibilité et d'une impossi- bilité de localisation dans l'espace et dans le temps. De même qu'une forme française comme de la rose a une individualité, mais est liée à toutes les formes avec les- quelles elle coexiste et avec toute l'évolution antérieure du français, de même un être inanimé ou animé est un objet, un individu, mais il est solidaire de tous les êtres avec lesquels il coexiste dans l'espace et de toute l'évolution antérieure de l'univers dans le temps. Il ne s'explique que par le présent qui l'environne et par le passé qui l'a précédé.

On saisit déjà et nous montrerons combien sont impor- tantes au point de vue de la culture générale les précé- dentes considérations sur le discontinu et le continu.

Discontinu et continu règnent dans tout ce qui relève

de l'espace et du temps. Ils caractérisent l'univers tel que nous le connaissons. Nous-mêmes, dans nos moindres actions, créons du discontinu et du continu. Mais une

question se pose. Comment résoudre la contradiction qui apparaît entre

l'individuel et l'ensemble, la pluralité et l'unité, le statique et le dynamique, le discontinu et le continu, la possibilité et l'impossibilité de localisation dans l'espace et dans le temps ?

Cette contradiction s'est présentée à l 'esprit humain dès l 'antiquité et sous différents aspects. Platon parle de la pluralité et de l 'unité d'après une tradition immé- moriale, plus proche que nous des dieux. Les Grecs se

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sont demandé comment tout ce que nous voyons peut

être à la fois changeant et permanent, divers et identique. Ce sont là les fameuses antinomies, qui se ramènent au

problème du discontinu et du continu 1. L'unité parfaite n 'admet aucune multiplicité et, si plusieurs êtres forment

une multiplicité parfaite, ils ne peuvent être reliés par . aucune unité. Ce problème est un des plus importants qui se soient dressés devant la raison. Il touche à la structure,

à l'origine et à la destinée de l'univers. Deux réponses lui ont été données. Pour Émile Meyerson 2, par exemple, la raison ne

comprend que le permanent et l 'identique, c'est-à-dire le continu. Le changeant et le divers, c'est-à-dire le discon- tinu, sont des éléments irrationnels de la nature. La science,

en effet, n'explique un phénomène que si elle l'identifie à un autre qui a déjà reçu une explication 3, que si elle prouve que le phénomène à expliquer, malgré la différence, la discontinuité qui le sépare de l 'autre, lui est semblable, se lie et s'enchaîne à lui, comporte vis-à-vis de lui une continuité, réside par conséquent et est localisé dans

le premier phénomène, bien qu'il en soit séparé. Quoi de plus différent, par exemple, qu'une nappe d'eau et un nuage ? Mais le nuage sera expliqué dès qu'on saura qu'il n 'est pas autre chose que la nappe d'eau évaporée. La science établit ainsi une unité qui contente et repose l'esprit. Le nuage, quoique différent de la nappe d'eau, réside en quelque sorte en elle, de même que l'effet réside dans la cause qui le produit, bien qu'il en soit distinct dans l'espace et dans le temps. Mais cette identité, cette continuité n 'empêchent pas la différence, la discontinuité

1. Sur l'opposition entre le changeant et le permanent, entre le divers et l'identique, voir Supplément II, p. 207.

2.. Notamment : Du Cheminement de la Pensée (Alcan, 1931). 3. Sur la manière dont la science explique les phénomènes, voir

Supplément III, p. 208.

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de subsister. Émile Meyerson dépeint la raison en lutte incessante contre le divers qu'elle s'efforce de réduire, sans avoir l'espoir d'y arriver jamais complètement. « La réalisation complète de l'idéal poursuivi par la raison, écrit M. Louis de Broglie en expliquant la pensée de Meyerson, apparaît comme chimérique, puisqu'elle consis- terait à résorber toute la diversité qualitative et toutes les variations progressives de l'univers physique en une identité et une permanence absolues x. » « La raison, écrit Meyerson lui-même, s'attaque au divers par tout côté où apparaît la moindre chance de succès. Ce qu'elle en laisse debout, ce culot que nous avons qualifié d'irra- tionnel, elle en abandonne la réduction... non parce qu'elle ne doit pas y toucher, mais parce qu'elle ne le peut point, qu'elle sait qu'elle ne réussira pas à l'entamer et, si l'on ose s'exprimer ainsi, qu'elle se casserait les dents en le tentant 2. » D'ailleurs, si tout était identique, il n'y aurait plus d'univers et la raison n'aurait même plus à exercer son activité. La raison se tient pour satisfaite et elle est heureuse quand elle a découvert un enchaînement, une unité, une continuité, et, dans sa joie, elle néglige le discon- tinu et s'en détache.

Est-ce là une véritable solution du problème ? Un des deux termes de la contradiction est irrationnel comme l'est la contradiction elle-même. N'est-ce pas là une solu- tion trop facile et au fond, pour l'esprit, une manière d'abdication ?

Une réponse différente se dégage du livre dont je vous ai parlé au début : Continu et Discontinu. La voici : la contradiction entre le discontinu et le continu est dans

les mots, non dans les choses ; elle est superficielle. L'erreur

1. Matière el Lumière (Albin Michel), p. 317. 2". Du Cheminement de la Pensée (Alcan, 1931), II, p. 508 et

509. Voir aussi E. Bauer : Physique actuelle et Philosophie dans 1Évolut ion de la Physique el la Philosophie (Alcan, 1935), p. 23 et suiv.

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qui consis te à p r e n d r e les concep t s de c o n t i n u e t de d i scon-

t i n u p o u r des concep t s con t r ad ic to i r e s , e x c l u a n t le mi l ieu ,

p a r a î t r é su l t e r de ce t t e t e n d a n c e d i a l ec t ique de n o t r e

in te l l igence qui . lo rsqu 'e l le a dés igné u n e chose p a r u n

s y m b o l e ou u n mot , ne v o i t p lus q u e le s y m b o l e ou le

m o t sans se référer à la chose qu ' i l désigne, e t é t a b l i t

ainsi e n t r e les choses les dé l im i t a t i ons r igides, les o p p o -

s i t ions t r a n c h é e s e t ne t t e s , les con t r ad i c t i ons , qui e x i s t e n t

e n t r e les mo t s , ma i s n ' e x i s t e n t pas e n t r e les choses. Les

mo t s « d i scon t inu » e t « c o n t i n u » r e p r é s e n t e n t des c o n c e p t s

poussés à la l imite , s chémat i sés et , dans ces cond i t ions ,

d e v e n u s irréels. Il f a u t les mi t iger , les adouc i r . Le d iscon-

t i n u e t le c o n t i n u se c o m p l è t e n t p lus qu ' i l s n e s ' o p p o s e n t

dans u n e réa l i té complexe . Il ne s ' a g i t pas de savo i r si le

m o n d e es t c o n t i n u ou s'il est d i scon t inu , ma i s d a n s quel le „

mesure il es t l ' un e t l ' a u t r e 1. Il y a d a n s le m o n d e , selon

les express ions de M. É d o u a r d Le Roy , du d iscont inu

lié e t du continu hétérogène 2.

Ce t te so lu t ion p a r a î t au p r e m i e r a b o r d , elle aussi , u n e

so lu t ion facile e t qui n ' e x p l i q u e r ien. El le semble , elle

aussi, une abd ica t ion , ma i s dans u n sens différent . P o u r

concil ier le d i s con t inu et le con t inu , on d i t s i m p l e m e n t

qu ' i ls se c o n t r e d i s e n t d a n s les mo t s , ma i s que d a n s la

réa l i t é il y a du d i scon t inu lié e t d u c o n t i n u hé t é rogène ,

c ' e s t -à -d i re à peu près du d i s c o n t i n u c o n t i n u e t d u c o n t i n u

d i scon t inu . N 'es t -ce pas r é soud re un p r o b l è m e a n g o i s s a n t

avec t r o p d ' a i s ance ?

C 'es t p o u r t a n t la so lu t ion qu ' i l f a u t a d o p t e r , ma i s à

une condi t ion , c ' e s t q u ' o n aperço ive t o u t le bou leve r se -

m e n t d ' idées qu 'e l le e n t r a î n e avec elle.

La présence s i m u l t a n é e du d i s con t inu e t du c o n t i n u

se man i fe s t e p a r ce fa i t que les ê t res i nan imés e t a n i m é s

qui f o r m e n t l 'un ivers son t e t ne son t pas des ob j e t s e t

1. Continu et Discontinu, p. 9, 10. — 2. Même ouvrage, p. 164.

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des individus, qu'ils sont et ne sont pas localisés à l'inté-

rieur de leurs propres limites dans l'espace et dans le temps. Si donc les notions de discontinu et de continu

sont des concepts poussés à la limite, schématisés, et, dans ces conditions, devenus irréels, si dans l'univers

il n'existe rien qui leur corresponde exactement, il faut

en conclure qu'il en est de même des notions qui leur sont étroitement attachées, des notions d'objet, d'individu, d'espace et de temps. Il faut en conclure que celles-ci sont également poussées à la limite, schématisées, et

devenues irréelles dans ces conditions, et qu'il n'existe rien dans l'univers qui leur corresponde complètement. Il n'existe pas dans l'univers d'objets, d'individus, d'espace, de temps au sens strict de ces mots. L'univers est formé

d 'autre chose que de ce que nous imaginons quand nous parlons des objets, des individus, de l'espace et du temps. Il nous faut, pour expliquer l'univers, des notions diffé- rentes de ces notions familières dont nous sommes imbus

et qui sont à la source de toutes nos conceptions philo- sophiques. Il nous faut des notions nouvelles, qui, d'ailleurs, ne présenteront rien d'irrationnel, mais qui exigeront, comme chaque découverte importante, que la raison se transforme. Comme il arrive chaque fois que la science progresse, l 'irrationnel deviendra rationnel grâce à une évolution de la raison. Une nouvelle logique apparaîtra. On constatera une fois de plus que la raison n 'a rien d'immobile, de rigide, qu'elle participe à la vie 1.

En somme la contradiction, qui existe entre le discontinu et le continu, est une de ces « contradictions momentanées »

dont parle M. Paul Langevin, et qui nous permettent de « passer à un plan supérieur » où nous « retrouverons des

1. Dans son Introduction à la Psychologie (Vries, 1942), M. Paul Guillaume va plus loin (p. 337). La raison ne comportant pas les cadres rigides qu'on lui attribue, c'est l'idée même de « raison » qui disparaît. 1 .

Page 28: Les bases de la culture générale - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782402531290.pdf · il étudie le verbe en même temps que le nom (ce qui est ... une existence

con t r ad ic t ions nouve l les que r é s o u d r a une s y n t h è s e plus

large encore. Ainsi se p o u r s u i v r a la vie de l ' e sp r i t d a n s

son effort p o u r c o m p r e n d r e le m o n d e a \

Créa t ion de no t ions nouvel les , évo lu t ion de la. ra ison,

en somme , nous le ver rons , r e fon te de l ' un ive r s , que l

magn i f ique s u j e t n o u s abo rdons , s u j e t é t r o i t e m e n t lié

à la recherche d ' u n e base p o u r une c u l t u r e généra le !

Afin de déve loppe r les conséquences , q u e n o u s v e n o n s

de résumer , de la so lu t ion adop tée , conséquences qu i

e x p l i q u e r o n t la so lu t ion e l le -même, il f a u t n o u s d e m a n d e r

c o m m e n t on sor t des c o n t r a d i c t i o n s m o m e n t a n é e s q u ' o n

découvre dans l 'un ivers , e t c o m m e n t on réuss i t à pa s se r

à un p lan supér ieur .

Le m o y e n consis te à é largir le d o m a i n e du réel en exp lo-

r a n t ce que nous appe lons l ' espace e t le t e m p s , d o n t

nous ve r rons ainsi se modi f ie r p o u r nous la s t r u c t u r e ,

a u p o i n t q u e ces n o t i o n s s e r o n t c o m p l è t e m e n t renouve lées .

L ' impre s s ion de c o n t r a d i c t i o n e t d ' i r r a t i onne l , q u ' o n p e u t

avoir , d a n s ce r t a in s cas, en p résence de l 'un ivers , p r o v i e n t ,

en effet, s o u v e n t d ' u n e conna i s sance insuff isante de la réal i té .

Or, on exp lore l ' espace e t le t e m p s e t on é la rg i t le d o m a i n e

du réel soit p a r des d é c o u v e r t e s sc ient i f iques , so i t p a r des convent ions .

Q u a n d , p o u r la p remiè re fois, on m o n t r e à u n e n f a n t

que , si u n ve r re es t r empl i d ' e a u j u s q u ' a u x bo rds e t r ecou-

v e r t d ' u n e feuille de p a p i e r e x a c t e m e n t a p p l i q u é e à la

surface du l iquide, l ' e au ne s 'écoule pas l o r s q u ' o n r e t o u r n e

le v e r r e sens dessus dessous, l ' e n f a n t s ' é t o n n e d ' u n phéno -

mène qui c o n t r e d i t t o u t ce qu ' i l a v u j u squ ' a l o r s . C 'es t

1. La Notion de Corpuscules et d'Atomes (Hermann, 1934), p. 36.