les avantages et risques liés à la dématérialisation · des marchés publics et accords-cadres...

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Les avantages et risques liés à la dématérialisation La dématérialisation présente certes des avantages non négligeables. Néanmoins, des difficultés techniques ou des erreurs humaines peuvent survenir. Quels sont les avantages et les risques de la dématérialisation dans le cadre des différentes procédures, des échanges en cours d’exécution, et de l’accès aux données ? F ace à l’augmentation des tâches administratives des bureaux des marchés et des volumes des documents générés durant la passation et l’exécution des contrats, la dématérialisation des procédures de consultation, de l’exécution, et de la conservation temporaire voire définitive des marchés publics et accords-cadres devient une réponse technique de plus en plus opérationnelle. La dématérialisation présente de forts avantages et de moins en moins de risques. Néanmoins, la dématéria- lisation de bout en bout, qui est l’objectif désormais à atteindre dans le cadre de la réforme de la commande publique, n’est pas à l’abri de difficultés techniques ou d’erreurs humaines. L’informatique n’est qu’un outil d’aide qui nécessite toujours la vigilance et le discerne- ment de chaque intervenant autorisé dans le processus dématérialisé d’un projet de la commande publique. L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (1) et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 (2) édictent notamment les règles relatives à la dématérialisation tout en faisant réfé- rence à des textes contenant des dispositions en matière de dématérialisation. Ces textes font basculer définitivement les acteurs de la commande publique dans l’univers de la dématérialisation. Ces textes sont complétés par plusieurs guides émanant des pouvoirs publics et d’instances repré- sentatives de fournisseurs. Le Guide de la « dématériali- sation des marchés publics » de la DAJ dans sa dernière version (3) explicite la mise en œuvre de la dématériali- sation dans le cadre de la procédure de consultation et dans le cadre des paiements avec référence au Référen- tiel Général de Sécurité (RGS) (4) et au Référentiel Général (1) Section 3 Communications électroniques, art. 46 § 1. (2) Art. 31, 32, 36, 40, 41, 42, 49, 53, 67, 70, 72, 81, 82, 84, 85, 86, 87, 101, 102, 105, 106, 107, 127. (3) Dématérialisation des marchés publics guide pratique version 2.0 – 2012. (4) Arrêté du 13 juin 2014 (NOR : PRMD1413745A), portant appro- bation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure de validation des certificats électroniques modifié pour la période transitoire par un arrêté du 10 juin 2015 (NOR : PRMD1513894A). Marlyne George Juriste associée du Cabinet TPC, ancienne directrice de missions de conseils dans le domaine de l’énergie pour des Clients publics et privés et ancienne Responsable de service marchés Didier Adda Conseil en propriété industrielle (juriste), ancien acheteur public intervenant principalement dans le domaine des TIC, de l’innovation technologique et de la maintenance d’installations techniques. Mots clés AAPC • Dépouillement des candidatures • Documents financiers • Documents techniques • Open data • Règlement de consultation Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 2016 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 57 Dossier État des lieux de la dématérialisation

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Les avantages et risques liés à la dématérialisationLa dématérialisation présente certes des avantages non négligeables. Néanmoins, des difficultés techniques ou des erreurs humaines peuvent survenir. Quels sont les avantages et les risques de la dématérialisation dans le cadre des différentes procédures, des échanges en cours d’exécution, et de l’accès aux données ?

Face à l’augmentation des tâches administratives des bureaux des marchés et des volumes des documents générés durant la passation et l’exécution des contrats,

la dématérialisation des procédures de consultation, de l’exécution, et de la conservation temporaire voire définitive des marchés publics et accords-cadres devient une réponse technique de plus en plus opérationnelle.

La dématérialisation présente de forts avantages et de moins en moins de risques. Néanmoins, la dématéria-lisation de bout en bout, qui est l’objectif désormais à atteindre dans le cadre de la réforme de la commande publique, n’est pas à l’abri de difficultés techniques ou d’erreurs humaines. L’informatique n’est qu’un outil d’aide qui nécessite toujours la vigilance et le discerne-ment de chaque intervenant autorisé dans le processus dématérialisé d’un projet de la commande publique.

L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015(1) et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016(2) édictent notamment les règles relatives à la dématérialisation tout en faisant réfé-rence à des textes contenant des dispositions en matière de dématérialisation. Ces textes font basculer définitivement les acteurs de la commande publique dans l’univers de la dématérialisation. Ces textes sont complétés par plusieurs guides émanant des pouvoirs publics et d’instances repré-sentatives de fournisseurs. Le Guide de la « dématériali-sation des marchés publics » de la DAJ dans sa dernière version(3) explicite la mise en œuvre de la dématériali-sation dans le cadre de la procédure de consultation et dans le cadre des paiements avec référence au Référen-tiel Général de Sécurité (RGS)(4) et au Référentiel Général

(1) Section 3 Communications électroniques, art. 46 § 1.

(2) Art. 31, 32, 36, 40, 41, 42, 49, 53, 67, 70, 72, 81, 82, 84, 85, 86, 87, 101, 102, 105, 106, 107, 127.

(3) Dématérialisation des marchés publics guide pratique version 2.0 – 2012.

(4) Arrêté du 13 juin 2014 (NOR : PRMD1413745A), portant appro-bation du référentiel général de sécurité et précisant les modalités de mise en œuvre de la procédure de validation des certificats électroniques modifié pour la période transitoire par un arrêté du 10 juin 2015 (NOR : PRMD1513894A).

Marlyne GeorgeJuriste associée du Cabinet TPC, ancienne directrice de missions de conseils dans le domaine de l’énergie pour des Clients publics et privés et ancienne Responsable de service marchésDidier AddaConseil en propriété industrielle (juriste), ancien acheteur public intervenant principalement dans le domaine des TIC, de l’innovation technologique et de la maintenance d’installations techniques.

Mots clés

AAPC • Dépouillement des candidatures • Documents financiers • Documents techniques • Open data • Règlement de consultation

Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 2016 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/ 57

DossierÉtat des lieux de la dématérialisation

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d’Interopérabilité (RGI)(5). Le Guide d’aide à la passation des marchés publics dématérialisés, publié par l’OECP(6), offre une approche pragmatique de dématérialisation. Le Guide d’accompagnement des entreprises à la dématé-rialisation des marchés publics du Medef(7) complète les deux premiers Guides cités. La mise à jour de ces Guides devrait permettre de compléter les conseils aux Acheteurs et aux Opérateurs économiques désireux de participer à des consultations. Leur mise à jour devrait prendre en compte le futur Plan National de Dématérialisation de la Commande publique qui a fait objet d’une consultation en 2015(8). Selon la DAJ, ce plan sera « un plan d’action national propre à permettre dans les meilleures conditions la dématérialisation des marchés publics et à favoriser le développement des usages du numérique autour de la commande publique »(9).

En parallèle, des plateformes de dématérialisation vont plus loin que les spécifications formulées dans le Guide de dématérialisation en permettant d’assurer des échanges dans le cadre de l’exécution des marchés et des accords-cadres. De même, des services en ligne assu-rent un partage de la documentation du projet comme par exemple dans les domaines des travaux neufs ou de réha-bilitation. Des portails fournisseurs facilitent le suivi des consommations en matière d’exploitation d’installations thermiques, de suivi des interventions de maintenance d’installations et d’équipements techniques avec possibi-lité d’éventuel interfaçage avec la GMAO(10) des services techniques...

Les avantages de la dématérialisation vont devenir plus prépondérants que les inconvénients mais à condition que les entités acheteuses mettent en œuvre les outils informatisés performants pour minimiser les risques afin que la gestion dématérialisée des dossiers de marchés et d’accords-cadres présente peu de risques par rapport à la gestion des dossiers papiers. La dématérialisation qui concernait initialement les étapes ou documents régle-mentaires de la passation des contrats, va couvrir à terme l’initialisation des projets, la passation des contrats, leur exécution jusqu’à la conservation sûrement tempo-raire des dossiers voire à la mémorisation des éléments techniques des projets nécessitant la rédaction de guide interne pour aider les services à appréhender la déma-térialisation. Parmi tous les aspects de la dématériali-sation, certains aspects sont présentés ci-dessous avec leurs avantages et/ou leurs risques.

(5) Version 2.0 – décembre 2015.

(6) Version 1.0 décembre 2015 du Groupe d’Etudes des Marchés publié par l’Observatoire Economique de la Commande Publique anciennement OEAP.

(7) Version 2013.

(8) La consultation a été « articulée en 10 propositions ordonnées autour des différentes étapes de l’achat », ce plan procède de trois axes fondamentaux : « la simplicité, la lisibilité et l’exemplarité ».

(9) Ce plan s’inscrira dans la stratégie de transformation numé-rique des administrations et le programme en faveur du dévelop-pement de l’administration numérique territoriale.

(10) GMAO : Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur.

Dématérialisation des procéduresLes règles de base sont instaurées désormais dans le décret n° 2016-360. Les événements d’une procédure, de l’envoi de l’avis jusqu’à la notification, s’effectueront de façon totalement dématérialisée à terme de bout en bout à condition que les outils informatiques en la matière soient interopérables et complétement opérationnels chez les entités acheteuses. Un tel niveau futur de flux immatériel n’interdira nullement aux intervenants auto-risés d’imprimer des copies papier non pour « rematéria-liser » les documents mais uniquement pour les analyser.

L’AAPC et/ou le règlement de consultation, doit(vent) désormais édicter des règles de bonne gestion des dépôts des candidatures, si la procédure le nécessite, et des offres ainsi que des règles de gestion des incidents dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur, tout en tenant compte des recommandations édictées dans les guides relatifs à la dématérialisation. L’introduction de telles règles, dès la publication(11), devrait permettre, en matière de dématérialisation, de minimiser les risques d’incident ou de contestation de décision de rejet de candidature ou d’offre.

La dématérialisation d’une procédure formalisée de bout en bout concerne aussi l’analyse des candidatures et des offres. Afin de faciliter l’analyse dématérialisée, le rédacteur va introduire dans l’AAPC et/ou dans le règle-ment de consultation mis en ligne dès la publication au JOUE, la remise de documents électroniques exploitables pour rendre possible une analyse dématérialisée comme actuellement les catalogues électroniques(12). Selon les guides de dématérialisation, les formats des documents déposés sur le profil acheteur pouvaient être multiples. Les textes actuels semblent privilégier l’original de l’acte d’engagement et des autres documents de l’offre signés par signature électronique sous format PDF normalisé ISO(13) comme étant le seul format à la preuve incontes-table. Or, ce format image ne permet pas d’assurer une dématérialisation de l’analyse. Toutefois, dès le 1er juillet 2016, grâce à un règlement de l’UE(14), le mode de preuve d’un écrit électronique semble plus simple. La réforme récente (15)du « droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations » n’a pas pris encore en compte cette disposition dont l’entrée en vigueur à cette date est connue depuis 2014 et qui permet d’utiliser d’autres formats que la norme ISO en tant qu’original signé par signature électronique.

(11) Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 38 et 39.

(12) Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 86 et 87.

(13) Norme ISO 32000-1 format de document portable (PDF).

(14) Règlement 910/2014/UE du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la direc-tive 1999/93/CE, art. 46 « Effets juridiques des documents électro-niques ». Cet article dispose : « L’effet juridique et la recevabilité d’un document électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que ce document se présente sous une forme électronique ».

(15) Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 201658 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

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un processus d’habilitation des intervenants autorisés à la procédure avec ses niveaux de sécurité en tenant compte du déroulement de la procédure retenue. La confidentialité concerne les bureaux des marchés voire aussi les services achats quand ils existent, ainsi que les membres des commissions des marchés. En effet, les intervenants autorisés, de préférence du bureau des marchés, qui détiennent les codes pour accéder aux plis déposés, lors de l’ouverture du dossier déposé sur le profil acheteur ne peuvent les communiquer sans accord de l’autorité hiérarchique désignée à cet effet par la direction de l’entité acheteuse.

Ainsi, un utilisateur d’un service ne peut accéder à un DCE en cours d’élaboration, à une candidature ouverte ou une offre ouverte qui ne le concerne pas, ni même à un marché attribué en dehors des informations accessibles par toute personne au JOUE, au BOAMP ou sur le profil Acheteur de l’entité acheteuse(20). L’instauration des habi-litations et la gestion des accès nécessitent de mettre en place le circuit informatisé de la procédure de passation des marchés et accords-cadres. Ce processus d’habili-tation concerne à la fois le profil Acheteur mais aussi le système d’information de l’entité acheteuse. Il faut éviter le risque qu’un utilisateur du système d’information puisse accéder à un ou plusieurs document(s) auquel il n’a pas le droit d’accéder. La confidentialité est de mise pour respecter l’égalité de traitement entre les candidats.

Cette remarque a été prise en compte par les fournis-seurs de profils Acheteur. Comme actuellement dans l’environnement papier, la diffusion d’une information concernant une consultation en cours est interdite, et présente des risques quant au bon déroulement de la consultation et sa remise en cause par un candidat ou par un soumissionnaire.

Les profils acheteurs servent à gérer aussi les questions des candidats(21). Néanmoins, le profil acheteur doit permettre aussi, en fonction des procédures formalisées choisies, de gérer la transmission des offres intermédiaires(22) ou des propositions intermédiaires(23), les offres finales ainsi que des questions et réponses entre soumissionnaire(24) et entité acheteuse et réciproquement. L’horodatage du profil acheteur ainsi que le traçage sont juridiquement incontes-tables alors que les échanges de courriels via les messa-geries peuvent porter à contestations.

De plus, il est très important que l’accès aux offres intermédiaires ou aux propositions intermédiaires, ainsi que les demandes de précisions puissent être traités avec réactivité par le ou les service(s) technique(s)

(20) Cf. Plan national de dématérialisation des marchés publics : point 7.

(21) §2 de l’article 13 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 : « Un candidat est un opérateur économique qui demande à participer ou est invité à participer à une procédure de passation d’un marché public ».

(22) Procédure concurrentielle avec négociation.

(23) Procédure de dialogue compétitif.

(24) §3 de l’article 13 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 : un soumissionnaire est un opérateur économique qui présente une offre dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public.

Ainsi, si l’analyse des offres voire aussi des candidatures est effectuée de façon dématérialisée sans rompre la chaîne de dématérialisation, il apparaît désormais préfé-rable de demander que les documents originaux, compo-sant l’offre et signés par signature électronique, soient transmis, via le profil acheteur, au format texte, tableur, catalogue, plan, carte… selon la nature du projet. En effet, si la dématérialisation se fait de bout en bout, il devient nécessaire que les originaux, signés par signature électro-nique, soient dans des formats de fichiers qui peuvent être recopiés informatiquement, en respectant l’intégrité de l’original signé. La copie servira pour analyser le contenu des offres dans le cadre de l’automatisation de la collecte et la comparaison des données, des prix notamment(16). Il faut savoir que le fichier signé par signature électronique est l’original et qu’il ne peut impérativement être modifié par l’entité acheteuse. À l’heure actuelle, beaucoup d’en-tités acheteuses demandent que les documents composant l’offre soient transmis en format image en tant qu’originaux signés électroniquement (PDF de préférence, JPEG, TIF…) pour répondre aux exigences du Code civil en matière de signature électronique d’originaux. L’analyse de ces docu-ments au format image s’avère très souvent coûteuse en resaisie avec des risques d’erreurs notamment financières en augmentant la durée du dépouillement. Pour pallier de tels inconvénients, de nombreux bureaux des marchés ou des services techniques demandent aussi la copie de ces fichiers dans un format de fichiers exploitables de type RTF (texte), XLS tableur, DWG (plan)… html (texte)... lors du dépôt sur le profil acheteur ou par messagerie après l’ouverture des offres. Cette pratique présente des risques obligeant les services, dès réception des versions exploi-tables, de vérifier la conformité de la copie par rapport à l’original signé électroniquement. La récente réponse ministérielle(17) semble aller dans le sens de la simplifica-tion des dépouillements en n’exigeant plus que les dépôts des candidatures et des offres soient signés électronique-ment avant l’attribution, facilitant ainsi la transmission de documents exploitables.

La dématérialisation du dépouillement des candidatures et offres via des copies numériques d’offres techniques et financières et administratives(18) présente désormais de forts avantages notamment pour les analyser et pour rédiger notamment le rapport d’analyse des offres et de présentation avec minimisation des éditions papier, des erreurs de resaisie et un gain de temps.

La confidentialité est de mise afin de respecter les prin-cipes de la commande publique(19), au niveau de l’accès aux documents de la consultation en cours d’élabora-tion avant leur mise en ligne, aux candidatures reçues et aux offres reçues. Ainsi, tel qu’un dossier patient au sein d’un hôpital, l’entité acheteuse va devoir mettre en place

(16) Voir à ce sujet le « 4.3. Quels sont les formats de fichier à utiliser ? » du Guide pratique de la Dématérialisation des marchés publics version 2.0 - 2012.

(17) Rép. min. n° 21405, JO Sénat 16 juin 2016, p. 2691.

(18) Y compris l’acte d’engagement.

(19) Article 1er de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 : liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures.

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sont pas encore identifiés en dehors de ceux existants de l’AIFE(26), les titres de recette, les mandats de dépense et les bordereaux récapitulatifs(27). Entrent aussi dans ces documents, les documents générés par le « e-Procure-ment » s’il est activé dans l’entité acheteuse… ;

– les documents techniques : spécifications techniques les documents instaurés par la Loi MOP(28) comme pour les travaux, les documents générés par le GMAO et les outils de gestion du patrimoine, les plannings de réalisation (les prévus et les réalisés), les échanges techniques, les notices techniques… Ces documents vont permettre de disposer d’un fond documentaire pendant la durée du marché ou de l’accord-cadre mais aussi durant tout le cycle de vie d’un bâtiment, d’une installation, d’un équipement…

Avec ces grandes catégories, il faut distinguer aux moins trois grands types d’environnements accessibles.

Le premier concerne les documents originaux dématéria-lisés formant les documents contractuels non modifiables et uniquement gardés par le bureau des marchés en tant que dépositaire, gardien et conservateur des documents originaux. Cet environnement comprend aussi les originaux des documents financiers dématérialisés faisant partie intégrante du dossier de marché ou de l’accord-cadre, en évitant tout doublon(29). Des documents techniques non contractuels mais pouvant engager la responsabilité de l’entité acheteuse ou de son titulaire peuvent faire partie de cet environnement, si l’entité acheteuse le désire.

Le deuxième environnement recouvre toutes les copies électroniques en image pour les documents constitutifs, voire aussi en copie non image accessibles aux interve-nants autorisés de l’entité acheteuse en fonction de leur activité dans le processus d’activité dans la vie du marché ou de l’accord-cadre.

Le troisième environnement recouvre l’ensemble des documents partagés en commun entre titulaire et entité acheteuse après que l’entité acheteuse ait décidé de les mettre en commun. Cet environnement n’est pas un espace partagé de travail mais une historisation des documents techniques d’exécution gérée par l’entité acheteuse. D’où l’utilité d’un paramétrage performant et opérationnel et d’un navigateur ergonomique favorisant une utilisation simple pour les intervenants autorisés dans l’entité acheteuse et chez le titulaire. Cet environne-ment ne peut être actualisé qu’après validation de chaque nouveau document par l’entité acheteuse. À ce titre, le destinataire de l’entité acheteuse, en validant la mise en place dans la GED, mentionne la valeur qu’il compte

(26) L’AIFE a mis en œuvre, depuis le 1er janvier 2012, une plate-forme de dématérialisation des factures, Chorus Factures pour les fournisseurs de l’État : – le dépôt de factures en PDF (signé ou non signé) sur un portail ;– la saisie de factures sur ce même portail ;– la transmission de factures en Echange de données informatisé (EDI), pour les fournisseurs au volume de factures important.

(27) Les titres de recette, les mandats de dépenses et les borde-reaux récapitulatifs sont dématérialisés dans le cadre du proto-cole d’échanges standard (PES) (arrêté du 27 juin 2007 NOR : BCFR0750735A).

(28) Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985.

(29) Cf. Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 108.

concerné(s). La bonne gestion des flux entre le profil acheteur et le système d’information et de communica-tion de l’entité acheteuse favorise cette réactivité tout en gérant les accès autorisés et leur traçage en fonction de chaque consultation voire à la limite par lot et en assurant la sécurité du système notamment par un bon système de gestion des accès de sauvegarde et un horodatage de tiers de confiance. Si le système ne permet pas notam-ment la réactivité ni la confidentialité ni la sécurité, alors cet avantage se transformerait en risque.

Les échanges au cours de l’exécutionLe titulaire et l’entité acheteuse vont avoir des échanges, dès la notification du marché ou de l’accord-cadre qui les lie. Ces échanges sont devenus de plus en plus nombreux du fait d’internet et les documents techniques devien-nent souvent volumineux, d’où la nécessité d’utiliser des profils acheteurs ou des services en ligne sécurisés autorisant de tels flux et volumes.

La dématérialisation au cours de l’exécution présente des avantages si l’entité acheteuse utilise un outil informa-tique de gestion électronique de documents dit GED.

Ce type d’outil sert par exemple dans le cadre de la gestion dématérialisée :

– à gérer les accès autorisés ;

– à tracer ces accès à l’outil et à chaque document ainsi que l’introduction d’un document dans la base, avec horodatage ;

– à sécuriser les documents en ne permettant pas :

•  de  les  modifier  sauf  à  créer  une  nouvelle  version distincte de la précédente tout en gérant la chronologie des versions ;

• de les supprimer,

– à sauvegarder sans écrasement de document ;

– …

La dématérialisation offre l’occasion aux entités ache-teuses de mettre en place des procédures internes de gestion de chaque projet dématérialisé tant au niveau du bureau des marchés que des services achats et des services techniques qui interviennent avec des règles d’habilitation.

Il est possible, pour mettre en place une telle procédure de gestion de la dématérialisation, de classer les docu-ments échangés en au moins trois grandes catégories, par exemple :

– les documents contractuels : marché ou accord-cadre (y compris les différentes annexes), marché subséquent, commande, ordre de service, avenant… version origi-nale non accessible même en lecture sauf bureau des marchés, notifications…

– les documents financiers : devis, bons de livraison, procès-verbaux, décomptes, factures entrent aussi dans l’ère de la dématérialisation mais bientôt et pour certains dès 2017(25) au format électronique dont les formats ne

(25) Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 39.

Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 201660 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

État des lieux de la dématérialisationDossier

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tielles des données marchés publics soient disponibles selon le principe de l’Open Data. La nécessité d’utiliser le profil acheteur avec une accessibilité Open Data semble l’exigence. Cette dernière va amener les fournisseurs de profil acheteur à fournir un nouveau service en ligne en Open Data. En matière de communication de données ouvertes, les dispositions de l’article 107 du décret 2016 ne présentent aucune difficulté car aucune restriction n’est à mettre en place concernant les données nomina-tives(36) ni des données commerciales(37). Ni l’ordonnance de 2015 ni le décret de 2016 ne précisent s’il est néces-saire ou non d’exiger une licence « Open data » vis-à-vis de celui qui désire réutiliser lesdites données.

Il est conseillé de soumettre à une licence ouverte cette possibilité de réutilisation des données ouvertes afin que soient notamment rappelées les dispositions légales et réglementaires en la matière et obliger le réutilisateur notamment :

– à mettre à jour fréquemment les données ;

– à ne pas s’approprier les données ouvertes ;

– à ne réutiliser lesdites données que dans le respect de la législation et la règlementation en vigueur.

En conséquence, il est conseillé d’indiquer dans l’AAPC ou le règlement de consultation que suite à la notification du marché ou de l’accord-cadre, les données essentielles seront en accès libre pour leur réutilisation sous licence conformément au décret de 2016.

L’historisation de la procédure, des documents des marchés et au-delà de l’ensemble des aspects tech-niques du projet va devoir être dématérialisée :

– d’une part, du fait des exigences de la réforme(38) ;

– et d’autre part, pour optimiser la conservation des docu-ments techniques au-delà de la durée du marché concerné pour conserver les documents pour les constructions neuves ou objet de réhabilitation, d’installations tech-niques à cycle de vie long, par exemple.

La conservation des dossiers nécessite l’utilisation de la GED nécessaire aux échanges (cf. 2 ci-dessus). En dehors des aspects de bonne gestion informatique garantissant des copies de sauvegarde des documents, la GED a pour contrainte notamment la gestion des accessibilités autori-sées et la conservation de l’intégrité des documents dans le temps et leur non-destruction, sauf décisions de la direction de l’entité acheteuse à l’issue de la période de conservation.

Le bureau des marchés va devenir un véritable conser-vateur en la matière et le service informatique en sera de ce fait son support. En effet, en tant que gardien des originaux dématérialisés, le bureau des marchés :

– va veiller à rassembler tous les documents de la procé-dure et du dossier ;

– va exiger du service informatique que les documents restent en l’état pour être consultables voire copiables sans aucune altération de leur intégrité au cours des

(36) Code des relations entre le public et l’administration, art. L. 311-6.

(37) Code des relations entre le public et l’administration, art. L. 311-6 ; ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, art. 44.

(38) Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 108.

donner au document comme notamment, par exemple : validation, en attente de vérification, rejeté ou refusé… Le titulaire ne peut que consulter les documents. Seul le gestionnaire de la GED désigné pour le projet voire son suppléant peut actualiser la GED.

Par contre, des entités acheteuses à fort potentiel d’achat ont mis en place des solutions de « e-Procurement » pour leurs achats de fournitures courantes mais aussi les hôpitaux pour leurs achats volumineux de médicaments. Ces solutions servent à gérer les approvisionnements de la notification du marché ou de la commande jusqu’au paiement des factures à condition que les contrôles des livraisons et de la facturation s’effectuent facilement. Néanmoins, comme dans les domaines des travaux, des installations techniques, des équipements complexes, la validation des prestations et le contrôle des facturations ne sont pas toujours aisés. La facturation électronique, telle qu’analysée aujourd’hui(30), ne peut pas toujours permettre un contrôle facilement automatisable sauf possibilité d’utiliser de l’EDI(31) en principe voire utiliser, si cela s’avère possible, la reconnaissance de caractères quand la facturation est structurée selon la même ergo-nomie. Le portail chorus(32) va faciliter la transmission des factures aux administrations et devrait permettre, à terme, un contrôle plus automatisable des factures.

Ainsi, la dématérialisation sans gestion documentaire organisée présente de nouveaux risques par rapport aux risques actuels de la gestion papier.

Accès aux données de marché et conservation des dossiers Un « accès libre, direct et complet » aux données essen-tielles des marchés et accords-cadres, listées à l’article 107 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, est à prévoir d’ici le 1er octobre 2018, au plus tard, sur le profil acheteur de chaque entité acheteuse. Cette obligation d’accès aux données essentielles est de la compétence du bureau des marchés. Ces données existent déjà dans la fiche déma-térialisée de chaque contrat quand l’entité acheteuse a mis en place un mode de gestion contractuelle par fiche descriptive de chaque contrat. Toutefois, de telles données sont très similaires à celles des avis d’attribu-tion au JOUE des procédures formalisées.

En parallèle, les pouvoirs publics(33) ont mis en place un référentiel des données marchés publics(34) et une version documentaire, dite Beta(35) , afin que les données essen-

(30) À ce sujet voir article : Th. Piette-Coudol, « Factures électro-niques : quelques clés pour la mise en œuvre » MNTP, n° 5780, 5 septembre 2014.

(31) EDI : Échanges de Données Informatisées sont des solutions d’échanges informatiques normalisés ou standardisés.

(32) Voir site de l’AIFE rubrique facturation électronique.

(33) La mission Etalab fait partie de la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC) au sein du Secrétariat général pour la moderni-sation de l’action publique. (etalab.gouv.fr).

(34) Voir à ce sujet, le site data.gouv.fr (plateforme ouverte des données publiques françaises).

(35) Version beta n° 2016-31 du 28 avril 2016.

61Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 2016

État des lieux de la dématérialisationDossier

Page 6: Les avantages et risques liés à la dématérialisation · des marchés publics et accords-cadres devient une réponse ... minimiser les risques d’incident ou de contestation de

règles de gestion relatives à la dématérialisation, notam-ment concernant les habilitations, une organisation du classement documentaire unique, les modes d’accès, les règles de gestion documentaire, les liens entre le profil acheteur et l’outil de GED destiné aux services.

Pour faciliter la lecture du guide, il faut que la GED et le profil acheteur soient simples à utiliser. Ainsi, dans le guide, plus les règles d’utilisation apparaissent simples et leur nombre faible et plus les intervenants autorisés seront réceptifs et donc favorables à la dématérialisation. Le risque en la matière est la lourdeur ou la complexité de la GED mise en place et par conséquence du guide.

Les parties du guide réservées à la dématérialisation servent aussi à exposer notamment :

– les objectifs opérationnels de la dématérialisation pour inciter à utiliser les outils de dématérialisation comme par exemple :

• l’accélération  du  traitement  des  procédures  en interne ;

• le gain de papier et la diminution des frais d’impres-sion ; la dématérialisation va permettre de réduire considérablement l’usage du papier, sans pour autant en supprimer son utilisation dès qu’il sera nécessaire, notamment afin de pouvoir étudier certains documents ;

• la  gestion  des  échéanciers  des  procédures  et  de l’exécution ;

• la  conservation  des  documents  de  façon  centralisée même au travers de plusieurs environnements en fonc-tion du type d’autorisation ;

• l’accessibilité  rapide  aux  documents  avec  possibilité de copie électronique pour travailler ;

– les formats à utiliser pour la remise des candidatures et des offres en fonction du type de projet et de procédures ;

– les règles d’utilisation de la GED ;

– les textes à compléter dans les AAPC et le règlement de consultation par rapport aux mentions habituelles ;

– les recommandations d’utilisation des profils acheteurs suite au retour d’expérience qui sera utilisé pour réactua-liser le guide en fonction des bonnes pratiques avec par exemple la limitation à dix ou vingt documents nécessitant une signature électronique en préférant faire signer par signature électronique une liste des documents au-delà de dix à vingt documents ;

– les processus de tests périodiques :

• de  la GED pour  vérifier  l’intégrité  des documents,  la sécurité des accès… ;

• du  profil  acheteur  pour  vérifier  si  les  AAPC  et  les règlements de consultation expliquent bien comment accéder et utiliser la plate-forme pour les candidats potentiels avec de l’ajustement si le profil acheteur évolue.

durées règlementaires de conservation imposées par le décret 2016-360(39). À titre de rappel, tout fichier signé par signature électronique est l’original et il ne peut impéra-tivement être modifié par l’entité acheteuse. Ainsi, tenter de modifier un original signé par signature électronique rend l’agent qui le modifie auteur de faux en écriture publique et ces modifications ne rendent plus ce docu-ment original ; cette altération se vérifie au niveau des informations comprises dans le fichier de la signature électronique.

Pour éviter tout risque, le bureau s’assure que ces docu-ments à conserver lui soient accessibles en permanence dans la GED, qu’aucun autre utilisateur ne puisse y accéder et qu’en cas d’obsolescence du ou des supports sur lesquels ils sont installés, leur transfert s’effectuera en conservant leur intégrité. À l’issue de cette durée de conservation, le bureau des marchés pourra décider de leur éventuelle destruction après accord de l’entité ache-teuse, tout en respectant les procédures de destruction légales et réglementaires propres aux documents admi-nistratifs dématérialisés.

De plus, pour se protéger des risques informatiques, le bureau va mentionner dans le ou les marché(s) et/ou accord(s)-cadre(s) d’acquisition et de maintenance de la GED :

– que la mise en service de la GED s’effectue progressi-vement à commencer par les utilisations les plus simples pour chaque intervenant autorisé afin d’atténuer le risque de résistance au changement ;

– que les sauvegardes des documents intégrés dans la solution GED s’effectuent sans pouvoir écraser tout docu-ment original ou non ;

– qu’en cas de changement d’outil de GED, l’entité ache-teuse puisse récupérer les fichiers dans leur format d’origine avec leur arborescence tels que déposés dans la GED et ce, dans le cadre du processus de réversibilité avec éventuellement des tests annuels de vérifications.

Mise en place d’un guide pratique interne de la dématérialisationBeaucoup d’entités acheteuses ont déjà mis en œuvre des chartes, des guides ou manuels de procédure de passa-tion des marchés publics destinés aux services afin que soient respectées les règles de la commande publique et que soit mis en place un circuit de passation et d’exécu-tion des marchés et accords-cadres. Ces documents ont permis pour certains d’introduire des règles d’éthique et de confidentialité. La dématérialisation nécessite de compléter ces documents afin de mettre en place des

(39) Cf. Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 108.

Contrats Publics – n° 167 - juillet-août 201662 Retrouvez le dossier sur moniteurjuris.fr/contratspublics/

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