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Les avantages du compromis par rapport à la requête unilatérale dans le recours à la Cour internationale de Justice (CIJ) Mémoire Roland Melaine Toe Maîtrise en droit Maître en droit (LL. M.) Québec, Canada © Roland Melaine Toe, 2017

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Les avantages du compromis par rapport à la

requête unilatérale dans le recours à la Cour

internationale de Justice (CIJ)

Mémoire

Roland Melaine Toe

Maîtrise en droit

Maître en droit (LL. M.)

Québec, Canada

© Roland Melaine Toe, 2017

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Les avantages du compromis par rapport à la

requête unilatérale dans le recours à la Cour

internationale de Justice (CIJ)

Mémoire

Roland Melaine Toe

Sous la direction de :

Julia Grignon, directrice de recherche

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iii

RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder à la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), la Cour

internationale de Justice (CIJ), conserve la particularité d’être non seulement l’un des organes

principaux de l’Organisation des Nations Unies (ONU), mais aussi son organe judiciaire principal

en charge du règlement pacifique des différends internationaux. Quoi que l’on puisse dire de son

fonctionnement, il n’en demeure pas moins des insuffisances dans son action. Tantôt liées aux

attitudes des États en tant que ses justiciables par excellence ou à la configuration actuelle de son

Statut, ces insuffisances ont souvent suscité des critiques chez certains auteurs sceptiques sur son

efficacité à pouvoir servir d’un véritable cadre de dénouement des différends internationaux. C’est

pourquoi, ils plaident en faveur d’une réforme de son Statut. Nul doute que cette option peut

paraitre irréaliste dans un avenir proche au regard de la complexité des procédures qui commandent

d’être accomplies à cet effet. Dans la mesure où, le consensualisme, en tant que principe qui régit

le règlement pacifique des différends internationaux, s’épanouit mieux dans les hypothèses de

saisine de la Cour par la voie du compromis, on gagnerait à privilégier cette option. Les différents

Secrétaires généraux de l’ONU, devraient de ce point de vue, attirer plus l’attention des États sur

les atouts de cette voie de recours, plutôt qu’à ne les encourager qu’à accepter la juridiction

obligatoire de la Cour, dans la mesure où, même quand ils l’acceptent, ils la grèvent souvent de

lourdes réserves.

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ABSTRACT Established in 1945 to take over from the Permanent Court of International Justice, the

International Court of Justice is not only one of the principal organs of the United Nations but also

its main judicial body in charge of the peaceful settlement of international disputes. However, the

action of the Court is in practice not free from insufficiencies. Whether related to the attitudes of

States as the primary subjects to the jurisdiction or the text of the Statute of the Court, these

shortcomings have elicited some scholars’ skepticism about the capacity of the Court to serve as a

useful forum for the peaceful settlement of international disputes. Thus, scholars sometimes

suggest an amendment to the Court’s Statute, although this option seems not feasible in light of the

legal hurdles for its modification. As the best expression of consent governing the peaceful

settlement of international disputes, special agreements should be the preferred avenue for seizing

the Court. The United Nations General Secretaries should draw States’ attention on the advantages

of special agreements as a means of seizing the Court, instead of encouraging them always to accept

the compulsory jurisdiction of the Court under Article 36 § 2 of its Statute. Indeed, even when

States accept the jurisdiction of the Court through unilateral declarations, they happen to neutralize

it through disempowering reservations.

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Table des matières RÉSUMÉ ........................................................................................................................................ iii

ABSTRACT .................................................................................................................................... iv

LISTE DES ABRÉVIATONS ..................................................................................................... viii

DÉDICACE ..................................................................................................................................... ix

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ x

Introduction ...................................................................................................................................... 1

Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le règlement

des différends ................................................................................................................................. 13

Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de

requête unilatérale ....................................................................................................................... 14

Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement des

parties à un différend .............................................................................................................. 14

Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de la

Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale ............... 14

A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que

fondement juridique de la compétence de la Cour .......................................................... 15

B- Les limites de la clause compromissoire en tant que fondement juridique de la

compétence de la Cour .................................................................................................... 18

Paragraphe 2 : Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur la

compétence de la Cour ........................................................................................................ 22

Section 2 : Les limites liées au phénomène de désistement d’instance devant la Cour .......... 25

Paragraphe 1 : Les limites de l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale en

lien avec les hypothèses des radiations d’affaires du rôle de la Cour ................................. 25

Paragraphe 2 : L’application du forum prorogatum et ses limites ...................................... 30

Chapitre 2 : Les incertitudes de la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale sur la mise

en œuvre des décisions de la Cour.............................................................................................. 35

Section 1 : Les raisons liées aux incertitudes sur l´exécution des arrêts de la Cour dans les

affaires ayant fait l’objet d’une saisine par la voie de la requête unilatérale .......................... 35

Paragraphe 1 : La remise en cause des arrêts de la Cour par voie de contestation avec les

hypothèses des recours en interprétation d´arrêts devant la Cour ....................................... 35

Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la Cour,

en lien la saisine par la voie de la requête unilatérale ......................................................... 39

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vi

A- Les raisons liées à la réticence de l´État condamné à l’exécution des décisions de

la Cour ............................................................................................................................. 40

B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une

exécution forcée des décisions de la Cour ....................................................................... 43

Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre

permanent du Conseil de sécurité ........................................................................................... 46

Paragraphe 1 : L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de l’ONU

sur l’exécution des arrêts de la Cour ................................................................................... 47

Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre permanent

du Conseil de sécurité de l’ONU ......................................................................................... 50

A- L’inexécution par les États-Unis de l’arrêt de la Cour dans l’affaire relative aux

Activités militaires au Nicaragua contre celui-ci ............................................................ 50

B- L’inexécution par la France de l’ordonnance de la Cour relative aux mesures

conservatoires dans l’affaire des Essais nucléaires ......................................................... 54

Conclusion de la première partie .................................................................................................... 58

Deuxième partie : La protection de la compétence de la Cour contre les incidents de procédure

par le fait du compromis de saisine ................................................................................................ 59

Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

effective du consensualisme ....................................................................................................... 60

Section 1 : La constitution des formations restreintes de chambres pour le règlement des

affaires ..................................................................................................................................... 60

Paragraphe 1 : Les types de chambres ................................................................................ 60

A- Les chambres préconstituées ................................................................................ 60

B- Les chambres ad hoc ............................................................................................. 64

Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de chambres

au sein de la Cour ................................................................................................................ 67

A- La portée du recours aux formations restreintes de chambres par le fait du

compromis ....................................................................................................................... 67

B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière .. 70

Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du

compromis ............................................................................................................................... 74

Paragraphe 1 : Les atouts liés au bénéfice du fonds d’affectation spéciale au règlement des

différends portés devant la Cour par la voie de compromis ................................................ 74

A- Définition du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face

aux dépenses judiciaires .................................................................................................. 74

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B- Les motifs liés au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours à la

Cour par la voie de compromis........................................................................................ 77

Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine ................. 81

A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités ....................... 81

B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des

affaires portées à la Cour par la voie de compromis de même qu’à l’exécution des

décisions issues de ces affaires ........................................................................................ 85

Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de la

procédure de règlement des différends à travers le recours des États à la Cour par la voie du

compromis .................................................................................................................................. 89

Section 1 : La protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions

dans la procédure de règlement par le fait du recours par la voie de compromis ................... 89

Paragraphe 1 : La capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires .............. 89

A- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions

ratione materiae par le recours par la voie de compromis ............................................... 90

B- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions

ratione personae par le recours par la voie de compromis .............................................. 93

C- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions

ratione temporis par le recours par la voie de compromis ............................................... 97

Paragraphe 2 : La capacité du compromis à limiter les exceptions d’irrecevabilité ......... 100

Section 2 : De la nécessité de renforcer le recours à la Cour par la voie du compromis ...... 105

Paragraphe 1 : Les raisons justificatives de cette nécessité de renforcer la saisine de la

Cour par la voie de compromis ......................................................................................... 105

Paragraphe 2 : Des propositions relatives à un fréquent recours des États à la Cour par la

voie du compromis ............................................................................................................ 110

A- De la prise en compte de l’importance de l’idée du recours à la Cour par la voie

du compromis dans les rapports annuels de la CIJ à l’Assemblée générale des Nations

Unies…………………………………………………………………………………..110

B- Du rôle du Secrétariat général des Nations Unies à encourager les États à recourir

à la Cour par la voie du compromis ............................................................................... 113

Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 117

Conclusion générale ..................................................................................................................... 119

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 124

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LISTE DES ABRÉVIATONS

AFDI : Annuaire Français de Droit International

AG :

Assemblée générale

AOF : Afrique Occidentale Française

Art :

Article

CIJ : Cour Internationale de Justice

CPA : Cour Permanente d’Arbitrage

CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale

LGDJ : Librairie Générale de Droit et Jurisprudence

NU : Nations Unies

ONU : Organisation des Nations Unies

Para :

Paragraphe

RT Can : Recueil des Traités du Canada

RGDIP : Revue générale de Droit International Public

RTNU : Recueil des Traités des Nations Unies

SDN :

TIDM :

Société Des Nations

Tribunal International du Droit de la Mer

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DÉDICACE

À la mémoire de mes père et mère, Fulgence Toe et Marie-Thérèse Ki

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x

REMERCIEMENTS Je voudrais de prime abord, témoigner ma profonde gratitude à la professeure Julia Grignon. Ce

fut pour moi un plaisir d’avoir bénéficié de sa direction et de son accompagnement au long de la

rédaction de ce mémoire relatif à un sujet qui me passionne tant. Ses remarques et commentaires

m’ont été d’un grand atout pour atteindre ce résultat.

Je ne saurais ignorer la professeure Kristin Bartenstein pour avoir accepté de siéger sur le jury de

mon atelier de présentation de projet de mémoire. Par sa lecture méticuleuse de mon projet de

recherche, elle a su attirer mon attention sur certaines failles qu’il comportait, me permettant ainsi

de restructurer mes idées pour parvenir à ce résultat.

Aussi, souhaiterais-je traduire mes remerciements à la direction de la faculté de droit de

l’Université Laval pour avoir accepté de me faire partie de ses étudiants, en plus de son assistance

et son sens d’écoute. Sur ce, à travers sa vice-doyenne aux études supérieures, la professeure

Véronique Guèvremont et messieurs Sylvain Lavoie et Michel Bélanger, qu’elle reçoive

l’expression de ma profonde gratitude.

J’ai une pensée pour mon ami Mamadou Hébié, maître-assistant à la faculté de droit de l’Université

de Leyde au Pays-Bas. Je lui traduis toute ma gratitude pour ses remarques et les riches discussions

que j’ai pu avoir avec lui sur certains aspects de ce travail.

Je voudrais en outre, avoir égard à mes amis pour les féliciter de leur collaboration, laquelle m’a

aussi été enrichissante pour mes recherches sur ce travail. Je fais à cet effet, allusion d’une part, à

ces doctorant (e) s en droit à l’Université Laval : Bienvenu Moussa Haba, Ndeye Dieynaba Ndiaye,

Christian Hessou, Guy Marcel Nono, etc., et d’autre part, Bienvenu Venceslas Ouédraogo

(Université de Genève), Émile Ouédraogo (Post doctorant à l’Université de Québec à Montréal).

Par ailleurs, c’est un honneur pour moi d’avoir bénéficié de l’assistance et des encouragements de

l’apôtre Gilbert Kaboré, pasteur principal de l’Église Bethel Shan Shean, de même que de son

épouse Jeanne Kaboré à Ouagadougou (Burkina Faso). Qu’à travers eux, toute cette Église reçoive

l’expression de ma reconnaissance profonde.

Pour finir, j’ai une pensée spéciale pour ma fiancée Zenabo Ouedraogo que j’appelle

affectueusement Grâce, qui n’a ménagé aucun effort pour me faire tirer profit de ses conseils et

encouragements tout au long de la rédaction de ce document. Elle m’a été d’un atout véritable.

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Introduction

De notre point de vue, toute société a besoin pour son fonctionnement et son

épanouissement d’un droit sans lequel elle débouche à l’anarchie. Encore, faudrait-il qu’il y ait une

autorité légitime en son sein, c’est-à-dire qui soit acceptée de tous et chargée de la mise en œuvre

de ce droit et le cas échéant, d’en sanctionner les violations pour faire droit à la justice. C’est bien

dans cette optique que s’inscrit l’avènement de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à travers

son traité créateur, la Charte1, qui fut adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco. Devant l’incapacité

de la Société des Nations (SDN) à empêcher une seconde guerre mondiale en 1939, la nécessité de

se doter d’une Organisation universelle et plus dynamique ayant l’ultime objectif du maintien de

la paix2 et de la sécurité3 internationales devenait plus qu’impérieuse pour la communauté

internationale.4 Dans leur désir de permettre à l’ONU de remplir cette mission du maintien de la

paix et de la sécurité internationales, les États signataires de la Charte n’hésiteront pas à la munir

d’un certain nombre de moyens d’action.5 Au nombre de ces moyens, figure la Cour Internationale

de Justice (CIJ) dont le Statut6 fait partie intégrante de la Charte.7

La CIJ apparaît comme l’héritière de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI),8

qui existait au temps de la SDN. Toutefois, elle se différencie de sa devancière à bien des égards.9

Avec la nécessité qui naissait de substituer à la SDN une autre Organisation universelle, en

* Le mode de citation est emprunté au Manuel canadien de la référence juridique (McGill Guide), 8e éd, Toronto,

Carswell, 2014. 1 Charte des Nations Unies, 26 Juin 1945, RT Can 1945 n0 7. 2 Le maintien de la paix est l’« action consistant à faire perdurer un état de paix, spécialement lorsque celui-ci est

menacé » : Jean Salmon, dir, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001 à la p 678, sens A

[Salmon]. 3 Ibid à la p 1025. Sens A : La sécurité internationale est la « situation dans laquelle la communauté internationale jouit

d’un état de tranquillité par l’absence de menace contre la paix ou de rupture contre celle-ci ». 4 René Cassin, « De la Société des Nations aux Nations Unies » dans René Cassin, dir., Les Nations Unies, chantier

d’avenir, vol. II, Paris, PUF, 1962 aux pp 35-38. 5 Supra note 1, art 7. 6 Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ), adopté à San Francisco, 24 octobre 1945, RTNU N/D. 7 Supra note 1, art 92. 8 Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé par l'article 14 du

Pacte de la Société des Nations, adopté à Genève, 16 Décembre 1920, Recueil des Traités, LA 41 TR-08101921 - LoN

– 170, RTSDN, n0 170. 9 D’une part, la CPJI n’a jamais fait partie intégrante de la SDN comme étant l’un de ses organes principaux, encore

que son Statut ne faisait pas partie intégrante du Pacte de la SDN (voir : La Cour internationale de Justice, en ligne :

<http://www.icj-cij.org/information/fr/cbleubook.pdf>). Au contraire la CIJ est l’un des organes principaux de l’ONU

et son Statut fait partie intégrante de la Charte (article 92 de la Charte de l’ONU). D’autre part, un État membre de la

SDN ne fût pas, de ce seul fait, automatiquement partie au Statut de la CPJI : Moreau Defarges Philippe, « De la SDN

à l'ONU. », Pouvoirs 2/2004 (n° 109) aux pp 15-26, en ligne : <www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm>

; à l’opposé de la CIJ dont tous les États membres de l’ONU sont parties à son Statut (supra note 1, art 93 au para 1).

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2

l’occurrence, l’ONU, il devenait parallèlement logique qu’une nouvelle juridiction à vocation

universelle se substitue tout de même à la CPJI.10 C’est au Palais de la Paix, à la Haye (au Pays

Bas) que se situe le siège de cette juridiction.11 Elle est censée exercer la fonction de tribunal

mondial12 et apparaît comme le seul des six organes principaux13 à ne pas avoir son siège à New

York (aux États-Unis). Elle règle conformément au droit international les différends d’ordre

juridique que les États lui soumettent,14 et elle est à la disposition d’un certain nombre d’institutions

ou organes principaux des NU pour leur donner des avis consultatifs afin de les assister, sur le plan

juridique, dans la réponse à donner à des questions inscrites à leur ordre du jour.15 Est appelé

différend juridique international « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction,

une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts »16. C’est en tant que telle que la CIJ, dans

l’exercice de ses fonctions contentieuse et consultative, est appelée à contribuer à l’objectif premier

de l’Organisation, qui est de « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois

en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances »17. Ainsi, règle-t-

elle conformément au droit international les différends qui lui sont soumis et « dont la prolongation

est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales »18.

10 Cette idée était partagée dès août 1944 lors de la conférence de Dumbarton Oaks (aux États-Unis), par les experts

mandatés pour rédiger un avant-projet de Charte des NU. C’est ainsi qu’à la conférence de San Francisco, le comité

de juristes présidé par Jean Basdevant avait suggéré d’instituer une nouvelle juridiction en lieu et place de la CPJI. Les

considérations qui militaient en faveur de cette solution étaient d’une part politiques, et d’autre part, techniques. Dans

un premier temps, les NU avaient décidé d’exclure dans l’immédiat, les États ex-ennemis de toute coopération

internationale ; or certains d’entre eux restaient parties au Statut de la CPJI. Secundo, le renouvellement des juges de

la CPJI dépendait d’une décision d’Organes de la SDN (le Conseil et l’Assemblée), qui n’étaient plus en mesure de

s’acquitter une telle responsabilité en ce sens que le processus de dissolution de la SDN était déjà entamé. Pour ces

raisons, la conférence de San Francisco établit tout à la fois la Charte des NU et le Statut de la CIJ, qui à la différence

de la CPJI, devrait devenir l’organe judiciaire principal des NU : Voir, Michel Dubisson, La Cour internationale de

Justice, Paris, LGDJ, 1964 aux pp 15 - 26 ; Karin Oellers-Frahm, « Article 92 UN Charter », dans Andreas

Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice : a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford

University Press, 2012, 163 à la p 166; Histoire des Nations Unies, Conférences de Dumbarton Oaks et de Yalta, en

ligne : < http://www.un.org/fr/aboutun/history/dumbarton_yalta.shtml>. 11 Supra note 6, art 22 au para 1. 12 Etienne Guillaume, « L’emploi de la force armée devant la Cour internationale de justice », (2002) 3 Annuaire

Française des Relations Internationales 215 à la p 215. 13 Supra note 1, art 7 au para 1. 14 Supra note 6, art 38 au para 1. 15 Supra note 1, art 96. 16 Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine (République hellénique c Grande Bretagne) (1924), CPJI (sér A)

n0 2 à la p 11. 17 Supra note 1 au préambule. 18 Supra note 1, art 33 au para 1.

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3

La juridiction de la CIJ est un corps de magistrats indépendants (supra note 6, art 2),

composé de quinze membres.19 Ceux-ci sont élus par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale

de l’ONU20 pour neuf ans et renouvelables,21 « sans égard à leur nationalité, parmi les personnes

jouissant de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour

l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires ou qui sont des

jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international »22. Sa

compétence s’étend à tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet l’interprétation d’un

traité, tout point de droit international, la violation d’un engagement international ainsi que la

nature et l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.23 Elle

applique les conventions internationales, la coutume internationale, les principes généraux de droit

ainsi que les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes dans la résolution des différends qui

lui sont soumis.24 Quant aux arrêts de la Cour, ils sont adoptés à la majorité des juges présents et

dans le cas d’un partage des voix, celle du président ou de celui qui le remplace reste

prépondérante.25 Ses arrêts sont obligatoires26 et définitifs27.

En tant qu’organe de l’ONU, l’institution de la CIJ par la Charte peut être tributaire de deux

phénomènes. Le premier relève de la grande difficulté à laquelle les États membres pourraient faire

face pour résoudre par eux-mêmes les problèmes juridiques auxquels ils seraient confrontés, soit

individuellement, soit collectivement. Le second témoigne aussi de la difficulté qu’éprouveraient

les États à organiser la Communauté internationale sans tenir compte d’une justice internationale.

Comme la plupart des juridictions civiles, la compétence de la Cour au niveau contentieux

ne peut être actionnée que lorsqu’elle se trouve saisie par les justiciables (seulement les États), qui

y sont habiletés conformément à ses modes de saisine.28 À ce sujet, le paragraphe premier de

19 Supra note 6, art 3 au para 1. 20 Supra note 6, art 4 au para 1. 21 Supra note 6, art 13 au para 1. 22 Supra note 6, art 2. 23 Supra note 6, art 36 au para 2. 24 Supra note 6, art 38 au para 1. 25 Supra note 6, art 55. 26 Supra note 6, art 59. 27 Supra note 6, art 60. 28 Cette idée de saisine préalable de la Cour par ses justiciables, avant qu´elle exerce sa compétence dans le cadre d’un

différend à elle soumis, n’est pas le propre de la CIJ, car on peut tout de même l’observer au niveau de la justice

étatique. Mais contrairement à cette justice et dans une autre mesure certaines juridictions internationales qui regorgent

des procureurs chargés de dénoncer et de poursuivre les auteurs de crimes ou de délits, les rédacteurs du Statut de la

CIJ se sont voulus davantage soucieux de la souveraineté des États en leur laissant le soin de saisir cette dernière de la

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l’article 40 du Statut de la Cour stipule que : « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le

cas, soit par notification du compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux

cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués ». Cela dit, la saisine de la Cour peut

intervenir sous différentes formes selon que ce soit par accord que les parties décident de saisir la

Cour ou que ce soit de façon individuelle ou unilatérale. Le premier cas laisse penser à une entente

préalable entre les parties au différend pour porter celui-ci devant la Cour en vue d’un règlement.

À cet effet, elles signent un accord qualifié de compromis en vertu duquel leur différend pourra

être porté devant la Cour. Cet accord demeure par ailleurs la base juridique qui fonde la compétence

de la Cour dans le cas d’espèce. Dans le second cas relaté par le paragraphe premier de l’article

précité, c’est de par sa propre initiative qu’un État partie à un différend décide de porter celui-ci à

la Cour par le biais d’une requête unilatérale qu’il introduit auprès de son greffe. Cette dernière

situation suppose qu’il n’y a pas eu de consentement réciproque des parties impliquées dans le

différend de s’en remettre à la compétence de la Cour. Sur ce, la compétence de la Cour pour

connaître du différend peut résulter de trois hypothèses,29 soit d’une clause compromissoire (supra

note 6, art 36 au para 1), soit d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire (supra note 6,

art 36 au para 2), soit de l´hypothèse du forum prorogatum (art 38 au para 5 du Règlement de la

Cour de 1978).

Parmi les différends portés devant la Cour, certains ont pu évidemment aboutir à des

règlements avec une grande facilité tandis que d’autres l’ont été avec des complications de

procédure souvent dues aux États. Ces derniers ont souvent adopté des comportements ou se sont

livrés à des pratiques tendant à nuire à la juridiction de la Cour ou à l’empêcher de dire le droit

conformément à son Statut. Au nombre de ces comportements, l’on retient la multiplication des

réserves – l´une des catégories des exceptions d´incompétence – souvent formulées aux

manière dont ils le veulent et quand ils le souhaitent. Raison pour laquelle, la CIJ ne présente pas d’office de procureur.

Sur ce, le Statut de la Cour est formel quand il stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires

que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans

les traités et conventions en vigueur » (Article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour.). À la lumière de cet article, l’on

comprend l’idée selon laquelle la compétence de la CIJ dépend du consentement des parties, du moins dans ses limites

(accepter dans les limites ce que les parties ont consenti). La CIJ a même confirmé ce principe à travers une série de

décisions parmi lesquelles l’on note l’Avis sur l’Interprétation des traités de paix du 12-2-1947 conclus avec la

Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, et dans lequel elle affirme que « le consentement des États parties à un différend

est le fondement de la juridiction de la Cour en matière contentieuse » (CIJ, Recueil 1950, p.71.). Pour saisir la Cour,

les seules entités (États) habiletés, ont le choix entre la requête et le compromis. 29 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, Droit international public, 6e éd, Cowansville, Québec, Yvon Blais, 2012

aux pp 618-619 [J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent].

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déclarations facultatives de juridiction obligatoire de la Cour. Cela dit, même si l’on assiste de plus

en plus à une ascendance du nombre de ces déclarations facultatives de juridiction obligatoire du

fait des États, il reste que ces derniers les ont souvent accompagnées de réserves pour soustraire de

la compétence de la Cour un bon nombre de matières. Raison pour laquelle, le président de la CIJ

de l’époque, Monsieur Hisashi Owada, martelait dans son discours du 26 octobre 2010 qu’ « il est

par conséquent capital que la communauté internationale des États réexamine la question des

réserves, dans la perspective d’asseoir la juridiction de la Cour dans toute son étendue »30 .

Par ailleurs, et en plus de la formulation des réserves, certains États ne s’empêchent pas de

retirer leurs déclarations facultatives de juridiction obligatoire, empêchant ainsi à la Cour de

connaitre de certains différends. Aussi, ces exceptions préliminaires31 souvent soulevées par les

États, témoignent de leur méfiance vis-à-vis d’une compétence de la CIJ sur des différends

auxquels ils sont parties. Ainsi, convient-il de rappeler que quoique légal32, le recours des États à

ces pratiques est parfois susceptible d’aboutir à des violations de certaines règles en droit

international. Il s´agit notamment dans des cas très spécifiques de la règle de bonne foi33, de la

30 Discours de M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, devant les conseillers juridiques des

États membres de l’Organisation des Nations Unies, « Introduction au séminaire consacré à la compétence contentieuse

de la Cour internationale de Justice » à la p 3, en ligne : < http://www.icj-cij.org/presscom/files/6/16226.pdf>. 31 Salmon, supra note 2 à la p 474. L’exception préliminaire est un « Moyen invoqué au cours de la première phase

d’une instance et tendant à obtenir que le tribunal saisi tranche une question préalable avant d’aborder l’examen du

fond de l’affaire, le but de l’exception étant le plus souvent d’obtenir qu’il ne soit pas passé à l’examen du fond » voir

aussi Jules Basdevant dir, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960 à la p 273 : « Ainsi

que l’indique l’article 36 paragraphe 6 de son Statut, la CIJ est juge de sa propre compétence. Procéduralement, celle-

ci peut être contestée par les parties par voie d’exception préliminaire. La Cour doit alors examiner ces objections à sa

compétence avant d’examiner le fond de l’affaire, sauf lorsqu’elle considère devoir joindre une exception au fond. Les

exceptions préliminaires peuvent s’appuyer sur divers arguments : - L’incompétence ratione personae est soulevée par

un État s’il considère que l’autre partie n’a pas qualité pour agir devant la Cour ; - L’incompétence ratione materiae

concerne l’inexistence d’un différend juridique actuel et de caractère international ; - L’incompétence ratione temporis

peut être invoquée à raison de l’expiration de la durée de validité d’un engagement unilatéral ou conventionnel ou

encore parce que les faits en cause auraient été accomplis avant l’engagement de juridiction obligatoire souscrit par

l’une des deux parties ». 32 La légalité de ces exceptions d´incompétence, découle de l´article 79 du Règlement de la Cour adopté en 1978 et de

l´article 36 au paragraphe 1 du Statut de la Cour qui stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les

affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies

ou dans les traités et conventions en vigueur ». Les États ont de ce fait le droit de contester la compétence de la Cour,

et pour donner un fondement jurisprudentiel à l´exercice de ce droit. 33 Salmon, supra note 2 à la p 134. Sens objectif : « Disposition d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce

qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni

d´accroitre indûment, en faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard ».

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théorie de l’interdiction l´abus de droit34, de l´estoppel35. Ainsi, ces pratiques des États devant le

prétoire de la Cour pourraient-elles être assimilées à des détournements de pouvoir36 ou des excès

de pouvoir37. Autrement dit, les États ont bel et bien le droit de faire prévaloir leur consentement

dans le fait d´être attrait devant la Cour. N´empêche que dans l´exercice de ce droit, l´on assiste

souvent à des cas de dérive, ce qui contrevient aux intérêts de cette justice internationale qu´est la

CIJ, dans sa fonction de règlement pacifique des différends internationaux. En somme, notre

problématique se résume aux contestations de la compétence de la Cour qui attentent à la procédure

de règlement et parfois en violation du droit international.

C’est au regard de ces considérations que des critiques sont souvent formulées à l’encontre

de la Cour par certains auteurs sceptiques quant à son efficacité à pouvoir contribuer à un véritable

règlement des différends dont elle est saisie.38 Sur ce, ils sont en nombre non moins négligeable les

auteurs qui plaident en faveur d´une réforme du Statut de la Cour dans l’optique de pallier les

difficultés qu’elle rencontre dans son fonctionnement et pour l´adapter à l´évolution contemporaine

des relations internationales.39 Mais comment y arriver compte tenu de l’obstacle que la

34Selon Charles De Visscher « Les libertés des États doivent être exercées à des fins conciliables avec l´intérêt général ;

leur exercice cesse d´être légitime, il devient abusif, quand cet exercice crée une gêne ou préjudice inutile à d´autres

États » : Charles De Visscher, De l´équité dans le règlement arbitral ou judiciaire des litiges de droit international

public, Paris, Pedone, 1972 à la p 36. 35 Salmon, supra note 2 à la p 450. L´Estoppel est une « objection péremptoire, souvent analysée comme une exception

procédurale, qui s´oppose à ce qu´un État partie à un procès puisse faire valoir une prétention ou soutienne un argument

contredisant son comportement antérieur ou une position prise précédemment et dans lequel (ou laquelle) les tiers

avaient placé leur confiance légitime ». Par ailleurs, « L´Estoppel est donc une exception d´irrecevabilité opposable à

toute allégation qui, bien que peut être conforme à la réalité des faits, n´en est pas moins inadmissible parce que

contraire à une attitude antérieurement adoptée par la partie qui l´avance », selon Peggy Guggenheim, Traité de droit

international public, tome II, Genève, Georg et Cie, 1954 aux pp 158-159. Ce fut le cas dans l’affaire relative à la

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale

(intervenant)) (Infra note 43 aux pp 350-351 au para 63). 36 Le détournement de pouvoir est une expression empruntée au droit administratif interne désignant « l´exercice par

une autorité compétente d´un pouvoir qui lui appartient, mais qu´elle exerce dans un but autre que celui pour lequel il

lui a été confié », voir Salmon, supra note 2 à la p 332. Pour se rendre à l´évidence de la justiciabilité du détournement

de pouvoir devant le juge international, voir par exemple à l´article 187.ii de la Convention sur le droit de la mer signée

à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982. 37 Salmon, supra note 2 à la p 475. Sens A : « Dépassement par un sujet de droit international des limites assignées

par le droit international à l´exercice de ses pouvoirs ». Voir de même à l´article 187.ii de la Convention sur le droit

de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982. 38 Pierre-Marie Dupuy, « Article 34 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court

of Justice: A Commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 585 aux pp 585-605 [Dupuy]; etc. 39 Certaines considérations commandent de ne plus limiter la saisine de la CIJ aux seuls États, dans la mesure où ces

derniers ne sont plus les seuls sujets de droit international. Ainsi, devrait-on donner la possibilité aux organisations

internationales de pouvoir ester devant la Cour au niveau contentieux de telle sorte que lorsque des États se

retrouveraient dans une impossibilité de saisir la Cour (pour défaut de base juridique qui fonde sa compétence), des

organisations puissent le faire à leur place. D´autres considérations estiment pour leur part, une nécessité de permettre

aux États de pouvoir demander des avis consultatifs à la Cour. Pour plus d´explications sur ce point, voir : Dupuy, ibid.

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souveraineté des États pourrait représenter, de même que les lourdes procédures qui commandent

d’être accomplies ?40 C’est pourquoi en se prononçant sur cette question de la réforme du Statut de

la Cour, Robert Kolb disait que, « pour l’instant, aucune des réformes […] n’est sur le point

d’aboutir, ni sa réalisation n’est-elle prévisible dans un avenir prochain »41.

Quelle que soit la façon dont la Cour se trouve saisie d’un différend, ce qui importe le plus,

c’est que le recours à elle soit constitutif de règlement dudit différend pour apaiser les tensions

entre les parties. Cette considération commande que nous nous interrogions autour d’une question

principale de recherche que nous formulons ainsi : existe-il une complicité entre les voies de

recours à la CIJ et les contestations de sa compétence qui entravent le cours de la procédure de

règlement des différends ? Partant de cette question principale, nous nous interrogeons de même

autour de deux questions spécifiques qui portent respectivement sur chacune de ces voies de

saisine, à savoir, la requête unilatérale et le compromis. De ce fait, peut-on déduire un lien entre la

saisine de la CIJ par la voie de requête unilatérale et les exceptions d’incompétence ? En dehors de

son rôle fondamental qui est de servir de voie de saisine de la Cour, quels sont les autres impacts

procéduraux du compromis ? En référence à la question principale, nous formulons une hypothèse

principale qui se résume à ce que les difficultés auxquelles la CIJ est souvent confrontée dans le

règlement des différends semblent dépendre de la manière dont les États la saisissent. Autrement

dit, les voie de recours à la CIJ semblent pouvoir exercer une influence sur le cours de la procédure

de règlement des différends. En parlant de cours de la procédure de règlement, nous faisons allusion

d´une part, à la phase du jugement des affaires et d’autre part, à l´exécution des décisions dans

lesdites affaires. Pour mieux illustrer cette hypothèse, nous procèderons par deux sous-hypothèses

que nous tenterons de vérifier.

La première consiste en ce que le recours à la Cour par la voie de la requête unilatérale

semble représenter souvent des limites à l’exercice de sa compétence. De telles limites réduiraient

sa possibilité de pouvoir se prononcer sur des affaires à elle soumises ou retardent leur résolution.

En d’autres termes, les affaires portées devant la Cour par la voie de requête unilatérale offrent plus

de possibilités aux États de contester sa compétence par le biais d’exceptions préliminaires ou

d’irrecevabilité pour l’empêcher d’être un cadre de dénouement des différends. Ainsi, Pierre

40 Supra note 6, art 69 ; voir aussi supra note 1, art 108. 41 Robert Kolb, La Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 2013 à la p 1262 [Kolb].

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Michel Eisemann conclut-il que « lorsque le juge international est saisi par une requête unilatérale

et non par un compromis matérialisant l’accord des parties, la contestation de sa compétence par

le défendeur est loin de constituer un phénomène exceptionnel »42. L'affaire de la Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria constitue un témoignage des incidents de

procédure qui ont pour effet de paralyser le règlement des différends portés devant la Cour par

requêtes introductives d'instance.43 C’est en effet le 29 mars 1994 que le Cameroun saisit

unilatéralement la Cour à propos de cette affaire. Le Nigéria contesta la compétence de la Cour à

pouvoir connaître de l’affaire en soulevant huit exceptions préliminaires.44 L’arrêt sur ces

exceptions préliminaires est intervenu à la date du 11 juin 1998 et c’est finalement en 2002 que

l’affaire a pu déboucher sur un règlement.45 Elle aurait donc pris huit ans pour déboucher à un

règlement devant la Cour. Aussi, d’une façon générale, les arrêts de la Cour qui ont connu des

retards d’exécution ou qui ont été exécutés avec regret, sont-ils issus de différends portés devant la

Cour par voie de requête unilatérale. C’est l’exemple de l’affaire du Detroit de Corfou entre le

Royaume-Uni et l’Albanie, portée devant la Cour par le premier par requête introductive d’instance

à la date du 22 mai 1947.46 Dans cette affaire, l’Albanie avait été condamnée à verser une indemnité

au Royaume-Uni.47 Cette indemnité ne sera en réalité payée que dans les années 1992, époque où

l’Albanie réintégrait la communauté internationale48. C’est aussi le cas de l’affaire relative aux

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, entre le Nicaragua et les États-

Unis d'Amérique, portée devant la Cour sur requête du Nicaragua le 9 avril 1984.49 Cette affaire

s’est soldée par la condamnation des États-Unis au versement de montants au Nicaragua au titre de

préjudices subis par ce dernier.50Suite au refus des États-Unis d’endosser une telle réparation

42 Pierre Michel Eisemann, « Les effets de la non-comparution devant la Cour internationale de Justice » (1973) 19 :1

AFDI 351 à la p 353 [Eisemann]. 43 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale

(intervenant)), [2002], CIJ rec 303. 44 Pour aller plus dans cette affaire et les exceptions préliminaires qui y ont été soulevées, voir Pierre d’Argent, « Des

frontières et des peuples : l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt sur le

fond » (2002) 48 :1 AFDI 281 aux pp 281-321. 45 Supra note 43. 46 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne c République populaire d’Albanie), [1948] CIJ rec

15. 47 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c République populaire

d’Albanie), [1949] CIJ rec 244 aux pp 245, 249-250. 48 Gilbert Guillaume, La Cour internationale de Justice à l´aube du XXIe siècle, Paris, Pedone, 2003 à la p 39

[Guillaume]. 49 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), [1986] CIJ

rec 14. 50 Supra note 49 aux pp 146-149 au para 292.

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desdits préjudices, le Nicaragua avait en vertu du paragraphe 251 de l’article 94 de la Charte, soumis

une résolution au Conseil de sécurité dans l’optique de faire aboutir l’exécution de la décision de

la Cour. Cette résolution s’est toutefois heurtée au veto des États-Unis et le Nicaragua a fini par

désister.52

Notre seconde sous-hypothèse viserait à révéler que le fait de recourir à la CIJ par la voie

du compromis de saisine à l’air de pouvoir préserver l’exercice de sa compétence durant la

procédure de règlement des différends pour aboutir un règlement rapide et à une exécution de ses

décisions. C’est ce constat qui aurait emmené Robert Kolb à attester que : « La compétence de la

Cour est d’ordinaire mieux assise sur la base d’un compromis, qui permettra dans la grande

majorité des cas d’éviter toute procédure d’exceptions préliminaires, potentiellement prolongée et

irritante »53. En clair, la saisine de la Cour par la voie de compromis à l’air d’être plus bénéfique

au traitement effectif des affaires et surtout dans un délai plus réduit. À contrario, les affaires

portées devant la Cour par requête unilatérale ont souvent un délai de traitement assez long pour

diverses raisons. C’est le cas surtout lorsqu’elles sont empreintes d’exceptions visant à contester la

compétence de la Cour. L’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la

région frontalière (Costa Rica c Nicaragua), en témoigne aussi. Introduite devant la Cour sur

requête du Costa Rica le 18 novembre 2010, cette affaire ne sera résolue que le 16 décembre 2015,54

soit sur une période de plus de cinq ans. La liste est loin d’être exhaustive.

La méthodologie que nous entendons privilégier dans le cadre de notre étude est la

recherche appliquée doctrinale. Celle-ci reste basée sur une « perspective immédiatement pratique

»55. Pour Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, la recherche appliquée doctrinale a la

particularité d’être celle qui « est intrinsèquement liée à la pratique du droit »56. En ce qui nous

concerne, nous trouvons une adéquation entre une telle méthodologie et l’ambition à laquelle nous

51 Ce paragraphe stipule que, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un

arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire

des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt ». 52 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), désistement

de la République du Nicaragua, Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47. 53 Kolb, supra note 41 à la p 182. 54 CIJ, communiqué, 2015/32, « Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c

Nicaragua) » (16 décembre 2015), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/150/18847.pdf>. 55 Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, « Pour la recherche en droit : quel(s) cadres théorique(s)? », dans

Alexandre Flückiger et Thierry Tanquerel, dir., L’évaluation de la recherche en droit. Enjeux et méthodes, Bruxelles,

Bruylant, 2014, 83 à la p 105, op. cit. 56 Ibid.

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prétendons à travers notre travail. Cette ambition consiste donc à démontrer par la pratique que la

saisine de la CIJ par la voie du compromis est celle qui est susceptible de couronner de plus de

succès le règlement des différends que la saisine par la voie unilatérale. La recherche appliquée

doctrinale nous semble par ailleurs avantageuse dans le sens où elle nous offre la possibilité de

nous livrer de même à une interprétation de règles matérielles et procédurales, 57 notamment celles

qui encadrent le fonctionnement de la CIJ dans l’optique de cerner les implications qui s’attachent

à l’usage de chacune de ses voies de recours. D’où le choix porté sur cette méthodologie. À cet

effet, notre recherche nous conduira à l’étude des instruments juridiques internationaux tels que les

documents des NU par référence surtout à la Charte de l’ONU, au Statut de la CIJ et à son

Règlement adopté en 1978 et dans une moindre mesure, le Pacte de la SDN et le Statut de la CPJI

(en tant que devancière de la CIJ). En sus de ces documents, nous aurons recours à la jurisprudence

internationale (celle de la CIJ et de la CPJI), à la doctrine et à la coutume internationale de même

qu’à des principes généraux de droit. Toute cette documentation aura pour but d’enrichir tout le

raisonnement que nous entendons mener pour atteindre l’objectif que nous nous fixons à travers

notre sujet.

Par ailleurs, ce sujet à l´étude duquel nous sommes soumis, regorge une pertinence qui se

situe à deux niveaux, à savoir d’un point de vue scientifique et d’un point de vue social.

Scientifiquement, notre sujet innove par rapport au point de vue de plusieurs doctrinaux dans le

sens où il propose d’envisager d’une autre façon l’idée de remédier aux critiques liées aux

difficultés qui entravent le fonctionnement de la CIJ. Notre sujet conserve ainsi la particularité de

chercher à déceler la source des difficultés liées au rayonnement de la CIJ en ouvrant la voie à la

possibilité de les éviter au maximum sans avoir aucunement besoin de se pencher sur la réforme

de son Statut. Cela dit, autant la Cour demeurera saisie par la voie de compromis, autant cela lui

permettra de pouvoir rapidement et mieux s’acquitter de sa fonction de règlement pacifique des

différends internationaux. À cet effet, ils sont en nombre élevé, les écrits qui ont été jusque-là

réalisés sur la CIJ. Ces écrits vont surtout de la littérature francophone à celle anglophone.

Toutefois, sur la question de savoir comment pallier les défis qui confrontent la Cour dans le

règlement judiciaire des différends, la majorité de ces écrits présente un point commun, en

l’occurrence, réformer son Statut pour l’adapter à l’évolution contemporaine des relations

57 Ibid à la p 106.

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interétatiques. À ce sujet, la littérature francophone concerne les auteurs comme Pierre-Marie

Dupuy58, Philippe Couvreur59, Alain Pellet60, Mohamed Bennouna61, etc. Dans la littérature

anglophone, elle compte sur les auteurs comme Gerald Fritzmaurice62, Anna Riddell63, Grigory

Tunkin 64, Damrosch Lori Fisler65, etc. Pour notre part, nous envisageons autrement cette question

de peur de nous heurter à des complications politiques, si réformer le Statut de la Cour devait être

la solution. Ainsi, notre sujet offre-t-il une autre démarche pour améliorer le fonctionnent de la CIJ

et promouvoir son rôle dans le domaine du règlement pacifique des différends internationaux. Ce

qui nous distingue des auteurs précités. Cette autre démarche, comme nous avons eu à la dévoiler

déjà, consiste pour les États à privilégier la saisine de la Cour par la voie du compromis qui est

censé offrir plus de garanties dans la résolution des différends devant la Cour.

Parlant de sa pertinence sociale, notre sujet se veut d’offrir des solutions plus pratiques,

notamment en termes de rapidité dans la résolution des différends et de facilité dans l’exécution

des décisions de la Cour. Cela dit, si le consentement des États constitue le fondement de la

compétence de la Cour, ce même consentement pourrait leur permettre de créer les conditions

propices à la Cour pour rendre son action plus efficace dans le domaine du règlement pacifique des

différends. En clair, autant les États opteront pour la voie du compromis de saisine de la Cour parce

qu’ils auraient compris les atouts d’une telle voie, autant cela faciliterait la mise en œuvre du

consensualisme66. Ce qui vaudra d’une part pour un règlement rapide de leurs différends, car le

consensus témoigne en principe de leur confiance à la Cour afin de ne plus remettre en cause sa

58 Dupuy, supra note 38. 59 Philippe Couvreur, « Développements récents concernant l’accès des organisations intergouvernementales à la

procédure contentieuse devant la Cour internationale de Justice », dans Emile Yakpo et Tahar dir., Liber amicorum

Mohamed Bedjaoui, Kluwer Law International, La Haye, Boston, Londres, 1999, 293 aux pp 293-323. 60 Alain Pellet, « Le renforcement du rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies »

dans G. Peck et R. S. Lee, dir., Increasing the Effectiveness of the International Court of Justice -Proceedings of the

ICJ/UNITAR Colloquium to Celebrate the 50th Anniversary of the Court, The Hague, Kluwer/Unitar, 1997, 235 aux

pp 235-253. 61 Mohamed Bennouna, « la Cour internationale de justice et son environnement politique » dans Maurice Kamga et

Makane Moïse Mbengue, dir, l’Afrique et le droit international : variations sur l'organisation internationale, Liber

amicorum en l'honneur de Raymond Ranjeva, Paris, Pedone, 2013 à la p 429. 62 Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice, volume 2, Cambridge, Cambridge

University Press, 1986, 860 p. 63 Anna Riddell, Evidence before the International Court of Justice, London, British Institute of International and

Comparative Law, 2009, 420 p. 64 Grigory Tunkin, « Politics, Law and Force in the interstate System», (1972) 28 ASDI 254. 65 Damrosch Lori Fisler, The International Court of Justice at a crossroads, Dobbs Ferry, N.Y.: Transnational Pub.,

1987, 511 p. 66 Salmon, supra note 2 à la p 239, sens A : C’est le « principe selon lequel le fondement d’un accord quelconque

repose sur le consentement des intéressés, quelle que soit la forme de ce consentement ».

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compétence par toutes sortes de pratiques que ce soit.67D’autre part, le consensus obtenu entre les

États dès le départ pour la saisine de la Cour aura l’avantage de les lier à l’exécution des décisions

qu’elle rendra, avec la plus grande simplicité au regard de la règles de bonne foi68 et du principe

du pacta sunt servanda69.

Ceci étant, l’objectif de notre recherche consiste à attirer l’attention de tous sur les bénéfices

du recours à la Cour par la voie de compromis. Sur ce, les initiatives en faveur de l’amélioration

du fonctionnement de la CIJ devraient-elles être, surtout pour inciter les États à faire usage de cette

voie.

Tout au long de notre réflexion sur ce sujet, notre analyse portera sur deux axes et qui

constitueront par ailleurs les différentes parties de notre travail. Cela dit, dans une première partie,

nous porterons notre raisonnement sur les limites liées au recours à la CIJ par la voie de la requête

unilatérale sur le règlement des différends. Ces limites symbolisent les incidents qui entachent la

procédure de règlement des différends devant la Cour. Ce qui semble empêcher un dénouement

rapide de ces différends. Dans la seconde partie, notre analyse aura pour but de montrer ce en quoi,

le compromis de saisine protégerait la compétence de la Cour contre les incidents de procédure de

telle sorte qu’on gagnerait à inciter les États à faire souvent son usage.

67 Nous faisons une référence aux exceptions d’incompétence. 68 Supra note 33. 69 La règle du pacta sunt servanda est une « locution latine affirmant le principe selon lequel les traités et, plus

généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus ». Selon Raymond Guillien et Jean

Vincent, Lexique des termes juridiques, 14è éd., Paris, Dalloz, 2003 à la p 414 [Raymond Guillien et Jean Vincent].

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Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le

règlement des différends

L´idée de limites liées au recours à la CIJ par voie de requête introductive d´instance, traduit

le fait que cette option de saisine de la Cour représente plus d´effets aléatoires. Avec la requête

unilatérale, il est difficile d´avoir une prévisibilité sur l´issue de l´affaire portée devant la Cour, à

savoir si elle débouchera effectivement sur un arrêt ou si la décision qui va en découler fera l´objet

d´une exécution effective. Cela dit, le recours à la Cour par voie de requête unilatérale, n´est pas

loin de créer des incertitudes dans le règlement à proprement parler des affaires portées devant elle

(chapitre 1). De même, du point de vue de la mise en œuvre même des décisions de la Cour, ces

mêmes incertitudes demeurent (chapitre 2).

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Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la

voie de requête unilatérale

En rappel, la saisine par la voie de requête unilatérale constitue l´une des deux alternatives pour

ester devant la CIJ au niveau contentieux. Cette option a trait au fait que ce soit de sa propre

initiative qu´un État décide de faire recours à la Cour contre un autre État dans le cadre d´un

différend d´ordre juridique. Dans la mesure où la Cour ne peut exercer sa compétence qu´en cas

d´existence de consentement de chacun des États parties à un différend, cette option de saisine peut

indéniablement se heurter à bien des égards à des limites importantes. D´une part, ces limites

concernent la compétence de la Cour qui devra résulter d´une manière ou d´une autre du

consentement de chacune des parties impliquées dans le différend (Section 1). D´autre part, ces

limites sont liées au phénomène des non-comparutions devant la Cour par le fait de sa saisine par

la voie de requête unilatérale (Section 2).

Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement

des parties à un différend

L´idée des limites symbolise un certain nombre de conditions qui devront être remplies pour

que la requête aboutisse devant la Cour. Ces conditions sont relatives aux différents types de

manifestations du consentement en lien avec la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale

(Paragraphe 1). Par ailleurs, en parlant de limites, l´on fait référence aux préjudices les réserves en

lien avec la requête unilatérale, sont en même de créer sur la compétence de la Cour (Paragraphe

2).

Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de

la Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale

Pour saisir la CIJ par voie de requête introductive d´instance, l´État qui voudrait opter pour

cette voie devra être sûr que non seulement lui, mais aussi sa partie adverse aient consenti à la

compétence de la Cour soit dans le cadre d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire de

la Cour (A), soit à travers une clause insérée dans un traité qui prévoit la compétence de la Cour

(B). Toutefois, il reste que ces différents types de manifestations de consentement qui constituent

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des bases juridiques pour fonder la compétence de la Cour dans les différends introduits sur son

prétoire par la voie de requête unilatérale, présente des limites qui peuvent dans une grande mesure,

rendre incertain règlement judiciaire.

A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que

fondement juridique de la compétence de la Cour

Ces déclarations, entendues sous l’appellation de clauses facultatives de juridiction

obligatoire, ne fonctionnent que sur la base de la réciprocité.70 Le fondement juridique de cette

déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour réside dans le paragraphe 271 de l´article 36

du Statut de la CIJ. À travers ces déclarations, les États prévoient d’avance la compétence de la

Cour dans les différends qui naîtront dans le futur et dans lesquels ils seront parties. Cet atout de la

déclaration ne devrait pas occulter la condition de réciprocité que l´article 36 du Statut de la Cour

impose.72 Dans cette logique, le règlement d´un différend porté devant la Cour sur le fondement

d´une déclaration de juridiction obligatoire peut susciter des doutes au regard d´un certain nombre

de considérations que l´on situe à un triple niveau.

D´abord, d´un point de vue ratione personae, les États parties au différend doivent tous

avoir souscrit à la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour. Le requérant devra donc

s´assurer de cette de réalité. Au-delà de ce constat qu’il lui importe, il devra même s´assurer du

non-retrait par le défendeur de sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la

compétence de la Cour, s’il l’avait précédemment acceptée.73 Cela est d´autant plus nécessaire que

70 L´idée consiste en ce qu´un État ne peut saisir la Cour sur le fondement de cette clause que si sa partie adverse ait

aussi fait une pareille déclaration auprès du Secrétaire général de l´ONU, en vertu de laquelle, elle reconnait la

compétence de la Cour pour connaitre des différends qui l´impliqueraient à l´exception de ceux contre lesquels elle

aurait émis des réserves. La déclaration consiste en un acquiescement de la compétence de la Cour par un État, et

traduite par écrit adressé au Secrétaire général de l´ONU en tant que le dépositaire de toutes les déclarations

d´acceptation de la compétence de la CIJ (paragraphe 4 de l´article 36 du Statut de la Cour). 71 Ce paragraphe dispose que : « Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer

reconnaitre comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État acceptant la même

obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet : a. L’interprétation d’un

traité ; b. Tout point de droit international ; c. La réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un

engagement international ; d. La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement

international ». 72 Le paragraphe 3 de l´article 36 dispose que « les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et

simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé ». 73 Supra note 70.

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l´on a connaissance de certains États qui, après avoir souscrit à la déclaration de juridiction

obligatoire de la Cour, ont par la suite procédé à son retrait. Il s´agit notamment de la France à la

suite de l´affaire des Essais nucléaires74. Selon elle, la Cour a, dans cette affaire donné une

interprétation erronée de sa compétence en acceptant de se prononcer sur ce différend à elle soumis

par la Nouvelle-Zélande et l´Australie alors même qu´elle avait émis une réserve à sa déclaration.75

Au sortir de l´affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre

celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique),76 les États-Unis avaient aussi retiré leur déclaration

de juridiction obligatoire de la Cour, après qu´elle se soit déclarée compétente pour connaître de

l´affaire. Ce retrait s´expliquait par le fait que la Cour aurait méconnu la réserve77 américaine

formulée à sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est dans cette logique que

presque chaque année, lors de leurs discours à l´Assemblée générale de l´ONU, les différents

présidents qui se sont succédé à la CIJ ont souvent réitéré leurs vœux de voir les États souscrire à

la juridiction obligatoire de la Cour.78

Ensuite, la prise en compte de l´aspect ratione materiae de la déclaration de juridiction

obligatoire de la Cour impose chez le requérant qu´il soit sûr que le différend qu´il porte à la

connaissance de la Cour n´appartient pas à une catégorie de différends contre lesquels son

adversaire a émis des réserves à la compétence de cette juridiction. Aux termes de l´article 36

paragraphe 1 du Statut de la CIJ, « la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les

parties lui soumettront […] ». De cette stipulation, l´on retient une liberté des États de déterminer

74 Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253 ; Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France), [1974]

CIJ rec 457. 75 Pour la France, il était manifeste qu´en l´espèce la Cour devrait se dessaisir du différend. Pour comprendre davantage

sur la contestation de la compétence de la Cour par la France, voir, Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France),

[1974] CIJ rec 457 à la p 458 au para 4; ou encore, CIJ, communiqué, 73/11, « La France n’accepte pas la juridiction

de la Cour » (17 mai 1973), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/59/11560.pdf>. 76 Supra note 43. 77 Cette réserve avait été formulée à la date du 6 avril 1986 à la déclaration en question qui datait de 1946. Le paragraphe

13.d) de l´arrêt de la CIJ du 26 novembre 1984, donne son contenu en ces termes : « que ladite déclaration ne sera pas

applicable aux différends avec l'un quelconque des États de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en

Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir.

Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera

en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui

vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent

en Amérique centrale ». 78 C´est le cas du Discours de S. Exc. M. Peter Tomka, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième

Commission de l’Assemblée générale, le 1er novembre 2013, en ligne :< http://www.icj-

cij.org/presscom/files/5/17685.pdf>.

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les types de différends juridiques qu´ils souhaitent porter à la connaissance de la Cour. C´est en

vertu de cette considération qu´ils ont souvent sanctionné leurs déclarations de juridiction

obligatoire de la Cour par des réserves pour soustraire de sa compétence certaines matières de leurs

choix. Par exemple, dans l´affaire des Essais Nucléaires, la réserve de la France aux termes de sa

déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, avait pour objet de soustraire de

la compétence de la Cour ce type de différend, c’est-à-dire les différends relatifs à sa défense

nationale.79

Enfin, une dernière considération, mais cette fois-ci de type ratione temporis, appelle tout

de même à une attention particulière chez le requérant. Il peut arriver en effet que l’État défendeur

ait subordonné la validité de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour à sa

ratification. Ainsi, le requérant doit-il se rendre à l´évidence de ce que ce défendeur ait ratifié sa

déclaration, avant que celle-ci entre en vigueur pour servir de fondement juridique à la compétence

de la Cour. Dans le cas contraire, il devra s´assurer qu´il ait lui-même ratifié sa propre déclaration

si toutefois, telle était sa condition de validité. Cette problématique de la validité ou non de la

déclaration de juridiction obligatoire de la Cour pour absence de ratification, s´est posé dans le

cadre de l´affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c

États-Unis d’Amérique)80. Le Nicaragua entendait en l´occurrence fonder la compétence de la Cour

sur la base de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la CPJI, fait le 24 septembre 1929.

En vertu du paragraphe 581 de l´article 36 du Statut de la CIJ, une pareille déclaration faite au temps

de la SDN, et qui n´était pas assortie de délai de validité, doit être considérée comme pouvant

produire des effets sous le régime de l´ONU, dès lors que l´État qui en est l´auteur, est partie au

Statut de la CIJ. Il reste toutefois que l´État qui faisait une telle déclaration devrait avoir d´abord

signé et ratifié le protocole d´adhésion au Statut de la CPJI.82 Or, en l´occurrence, le débat entre le

Nicaragua et les États-Unis se posait sur la validité de la déclaration de juridiction obligatoire du

79 Julien Feydy, « La nouvelle déclaration française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale

de Justice » (1966) 12 :1 AFDI 155 à la p 161 [Feydy]. 80 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), [1984]

CIJ rec 392. 81 Le paragraphe 5 de l´article 36 du Statut de la CIJ stipule en effet que, « les déclarations faites en application de

l'article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront

considérées, dans les rapports entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction

obligatoire de la Cour internationale de Justice pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément

à leurs termes ». 82 Art 36 au para 2 du Statut de la CPJI.

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Nicaragua, car pour les États-Unis, celle-ci ne serait pas valide pour fonder la compétence de la

CIJ parce que le Nicaragua n´aurait pas ratifié le protocole d´adhésion au Statut de la CPJI.83 Dans

son interprétation, la Cour a considéré que quoique l’on dise de la ratification par le Nicaragua du

protocole du Statut de la CPJI, le fait pour ce dernier d´avoir ratifié le Statut de la CIJ pendant que

sa déclaration d´acceptation de 1929 n´était pas expirée, suffisait pour justifier sa compétence dans

ledit différend.84

Dans une autre mesure, l’État défendeur pourrait aussi subordonner la validité de sa

déclaration d’acceptation de la Cour en fonction de la date de survenance des différends auxquels

il sera partie. De ce fait, il pourrait prévoir la compétence de la Cour, seulement pour les différends

nés postérieurement à cette déclaration (Infra note 110). Dans un tel contexte, le requérant pourrait

évidemment être débouté de sa demande devant la Cour au cas où il entendrait évoquer la

déclaration d’acceptation du défendeur pour établir sa compétence.

Après avoir révélé les risques ou conditions parfois difficiles à remplir pour qu´une

déclaration de juridiction obligatoire serve de fondement à la compétence de la Cour, il nous

importe à présent d´en faire autant de la clause compromissoire.

B- Les limites de la clause compromissoire en tant que fondement juridique de la

compétence de la Cour

La clause compromissoire est définie dans le Dictionnaire de droit international public,

comme la « disposition d´une convention internationale prévoyant que les différends auxquels

pourraient donner lieu l´interprétation ou l´application de cette convention seront soumis à la Cour

internationale de Justice ou un autre tribunal international nommément désigné »85. L´érection de

la clause compromissoire en une base de compétence de la CIJ est expressément prévue à l’article

36 paragraphe 1 du Statut de la Cour selon lequel, « la compétence de la Cour s'étend à toutes les

affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte

des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur. ». De ce fait, les États peuvent

conclure des conventions avec à l´appui des clauses ou articles qui habiliteraient la CIJ à être la

83 Supra note 80 à la p 400 au para 17. 84 Supra note 80 aux pp 408-409 aux para 36 et 37. 85 Salmon, supra note 2 à la p 178.

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seule juridiction internationale compétente pour connaitre des différends qui viendraient à naître

relativement à ces conventions. Pour François de Fontette, la clause compromissoire est une

disposition particulière « par laquelle les parties à un contrat conviennent de soumettre à l’arbitrage

les contestations qui pourraient s’élever entre elles »86. Quant au Lexique des termes juridiques, il

définit la clause compromissoire comme étant «la clause d’un traité stipulant le recours au

règlement arbitral ou judiciaire pour les litiges concernant l’interprétation ou l’application dudit

traité »87.

C’est en cela qu´il est devenu une pratique internationale courante pour les États d’insérer

dans les accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux des dispositions, dites clauses

compromissoires, énonçant que les différends de telle ou telle autre catégorie devront ou pourront

être soumis à la CIJ. Nous en voulons pour preuve la Convention88 pour la prévention et la

répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951.

L´article IX de cette convention prévoit en effet que, « les différends entre les Parties contractantes

relatifs à l'interprétation, l'application ou l'exécution de la présente Convention, y compris ceux

relatifs à la responsabilité d'un État en matière de génocide ou de l'un quelconque des autres actes

énumérés à l'article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d'une partie

au différend ». C´est aussi le cas de la Convention89 sur les droits politiques de la femme de 1953

et qui entrée en vigueur le 7 juillet 1954. La compétence de la CIJ en matière de cette Convention

se trouve prévue au premier paragraphe de son article 29 qui stipule que : « Tout différend entre

deux ou plusieurs États parties concernant l'interprétation ou l’application de la présente

Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage, à la demande de

l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne

parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l’arbitrage, l'une quelconque d'entre elles

peut soumettre le différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant une requête

conformément au Statut de la Cour ». Le Protocole de signature facultative à la Convention90 de

86 François de fontette, Vocabulaire juridique, Paris 4è édition, Presses universitaires de France, 1994. 87 [Raymond Guillien et Jean Vincent], supra note 69 à la p 108. 88 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, conclue le 9 décembre 1948, 78 RTNU n0

1021. 89 Convention sur les droits politiques de la femme, conclue le 31 mars 1953 à New York, 193 RTNU n0 2613. 90 Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires concernant le règlement

obligatoire des différends, conclu le 24 avril 1963 à Vienne, 596 RTNU n0 8640. 91 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie

c Fédération de Russie), [2011] CIJ rec 70 aux pp 75-76 au para 1.

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Vienne sur les relations consulaires, concernant le règlement obligatoire des différends (conclu le

24 avril 1963 et entrée en vigueur le 19 mars 1967), agit de même en habilitant seulement la CIJ à

pouvoir connaitre des différends y ayant trait. Son article premier stipule que « les différends

relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention relèvent de la compétence obligatoire

de la Cour internationale de Justice, qui, à ce titre, pourra être saisie par une requête de toute partie

au différend qui sera elle-même Partie au présent Protocole ».

Dans l´affaire relative à l´Application de la convention internationale sur l'élimination de

toutes les formes de discrimination raciale, ce fut au moyen d´une clause compromissoire que la

Géorgie introduisit une requête contre la Fédération de Russie devant la Cour.91 Le 3 avril 1998,

de même, lorsque le Paraguay introduisit une instance devant la Cour contre les États-Unis au sujet

de l´affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires, ce fut sur le fondement

d´une clause compromissoire, prévue notamment à l´article premier du Protocole de signature

facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires, concernant le règlement

obligatoire des différends.92 Ce n’est pas une liste exhaustive des affaires ayant été portées devant

la CIJ sur le fondement d´une clause compromissoire. Toutefois, la question demeure de savoir en

quoi est-ce que les clauses compromissoires pourraient présenter des limites à la compétence de la

CIJ ? La réponse à cette question se situe à trois niveaux.

D´abord, ces clauses restreignent la sphère de compétence matérielle de la Cour à un ou des

domaines précis, en plus de ce que ce soient seulement les États parties aux traités qui les

contiennent qui pourront ester devant la Cour ou être attrait devant elle, sur leur fondement.

Quoique les différends interétatiques puissent présenter des natures variées ou concerner toute sorte

92 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c États-Unis), Ordonnance du 9 avril 1998, [1998]

CIJ rec 248 à la p 249 au para 1. 93 Lorsque les États concluent des traités, c´est par rapport à des domaines précis, comme le domaine de la défense

nationale ou du domaine relatif à la protection des enfants ou de la femme en temps de conflits armés. Cela voudrait

dire que dans l´hypothèse d´un traité relatif à la protection des enfants en temps de conflits armés, il ne suffit pas qu´il

y ait une clause qui prévoit la compétence de la CIJ en l´occurrence, pour qu´un État partie à un tel traité puisse penser

saisir la CIJ pourvue qu´un différend juridique puisse éclater entre lui et un autre État partie audit traité. Cela dit,

supposons deux États A et B parties à un traité portant protection des enfants en temps de conflits armés et dont une

clause prévoit la compétence de la CIJ dans le cadre de ce traité. Si quelques temps plus tard, un différend ayant trait

à délimitation de leur frontière commune surgit, aucun d´eux ne pourra saisir la CIJ contre l´autre sur le fondement de

la clause susmentionnée, tout simplement parce que le traité entre les deux États qui prévoit la compétence de la CIJ,

fait référence au domaine de la protection des enfants en temps de conflits armés et non au domaine de la délimitation

des frontières.

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de matière possible, la clause compromissoire n´habilite en principe la Cour qu´à connaitre des

affaires dont la nature est en lien avec le traité qui la contient.93

Ensuite, la clause compromissoire limite dans bien des cas la compétence de la CIJ à un

objet particulier et qui vise le plus souvent l´interprétation ou l´application du traité qui la comporte.

On peut le constater à travers les illustrations ci-dessus évoquées en lien avec les traités qui

prévoient la compétence de la CIJ à travers des clauses compromissoires. Dans chacun de ces

exemples de traités, les signataires ont pris le soin d´apporter cette précision en limitant la

compétence de la Cour aux « différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la

Convention ».94

Enfin, la dernière limite d´une clause compromissoire est relative aux réserves que les États

formulent lors de leurs ratifications des traités pour se soustraire de la compétence de la Cour en

ce qui concerne les différends relatifs à ces traités. C´est l´exemple de la Convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, à laquelle plusieurs États

ont formulé des réserves pour ne pas se sentir liés par son article IX qui prévoit la compétence de

la CIJ en cas de différend ayant trait à son interprétation ou à son application. Pour ne citer que

quelques-uns d´entre eux, nous en voulons pour preuve, l´Algérie95, la Chine96, etc. Il reste donc

que la prospérité d´une requête introduite devant la CIJ sur le seul fondement d´une clause

compromissoire n´est pas automatique. Autrement dit, cette option présente des garanties limitées

pour l´État qui l´envisage. C´est ce qui est d´ailleurs à l´origine de la multitude des exceptions

94 Dès lors, la Cour n’aurait pas compétence pour connaitre d’un différend porté devant elle sur le fondement juridique

de pareilles clauses tant que ce différend en question ne serait pas relatif à l’interprétation ou à l’application des

Conventions qui les contiennent. Or, si l´on en croit aux points a), b), c) et d) du paragraphe 2 de l´article 36 du Statut

de la Cour, la compétence de cette dernière n´est pas limitée seulement à l´interprétation et l´application des traités

comme la plupart des clauses compromissoires le font entendre. Sa compétence va au-delà et prend en compte plusieurs

paramètres qui sont, « a. l'interprétation d'un traité ; b. tout point de droit international ; c. la réalité de tout fait qui, s'il

était établi, constituerait la violation d'un engagement international ; d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour

la rupture d'un engagement international. ». 95 La réserve de l´Algérie est ainsi formulée lors de sa ratification de la Convention le 31 octobre 1963 : « La

République algérienne démocratique et populaire ne se considère pas comme liée par l'article IX de la Convention qui

prévoit la compétence à la Cour internationale de Justice pour tous les différends relatifs à ladite Convention ». Supra

note 88, voir le texte de la Convention en question. 96 La réserve de la Chine est ainsi formulée lors de sa ratification de la Convention le 18 avril 1983 : « La République

populaire de Chine y compris la Région administrative spéciale de Macao ne se considère par liée par l'article IX de

ladite Convention » : Supra note 88, voir le texte de la Convention en question.

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préliminaires ou d´irrecevabilité, souvent formulées à l´encontre de la Cour, et qui ont souvent pour

objet qu´elle se dessaisisse des affaires portées devant elle.

Après cet exposé relatif aux limites liées aux différents types de manifestations du

consentement en lien avec la requête unilatérale, il importe à présent d´évoquer les inconvénients

des réserves sur la procédure de règlement des différends devant la CIJ.

Paragraphe 2 : Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur

la compétence de la Cour

Selon le Dictionnaire de droit international public (sens B), la réserve est une « déclaration

unilatérale formulée par un État ou une Organisation internationale, avant et/ou lors de l´expression

de son consentement à être lié par un traité, tendant à modifier, au regard du texte conventionnel

adopté, la portée des engagements du déclarant à son égard »97. La formulation des réserves repose

sur l´exercice par les États d´un droit souverain (article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour).

Toutefois, il n´en demeure pas moins que l´exercice de ce droit peut présenter des effets nuisibles

sur l´exercice par la Cour de sa compétence dans le règlement des différends qui pourront être

portés devant elle.

Dans presque tous les cas où la Cour s´est vue confrontée à des contestations de sa

compétence en raison de réserves, ce fut à l´occasion d´affaires portées devant elle par la voie de

requête introductive d´instance.98 Il est en effet difficile que des États s´accordent au préalable à

l´issue de négociations entre eux de porter leur affaire devant la Cour par voie de compromis, et

que devant la Cour l´un d´eux remette en cause la compétence de cette dernière pour raison de

réserve qu´il aurait formulée contre la compétence de la Cour. Il est difficile de penser à une telle

éventualité, car le compromis suppose une entente préalable entre les parties et une acceptation

commune de la compétence de la Cour pour déférer devant elle leur affaire. La bonne foi99 et la

règle du pacta sunt servanda100, prévalent dans les cas de saisine de la Cour par voie de compromis

et obligent les États qui s´y se sont adonnés, à tenir leur engagement en laissant effectivement la

97 Salmon, supra note 2 à la p 988. 98 Eisemann, supra note 42. 99 Supra note 33. 100 Supra note 69.

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Cour statuer sur leur différend.101 Si les réserves constituent le lieu pour les États d´affirmer leur

souveraineté dans le fait de pouvoir être partie devant la Cour, leurs effets sont a contrario,

contreproductifs sur la procédure de règlement pacifique des différends.102 Pour en dire davantage

sur ces effets, revenons-en à la définition que l´article 2.1.d) de la Convention103 de Vienne sur le

droit des traités du 23 mai 1969 leur donne : «l’expression ‘réserve’ s’entend d’une déclaration

unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie,

accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet

juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État.».

Partant de cette définition, les réserves peuvent produire des effets à un double niveau.

D´une part, ces effets concernent la compétence personnelle de la Cour, c’est-à-dire les États qu´ils

soustraient de la compétence de la Cour ou les États qui peuvent être parties devant la Cour, mais

à des conditions bien définies.104 Par exemple dans sa déclaration d´acceptation de la juridiction

obligatoire de la Cour le 10 mai 1994, le Canada y a exclu la compétence de la Cour pour tous «

les différends avec le gouvernement d'un autre pays membre du Commonwealth britannique des

nations, différends qui seront réglés selon une méthode convenue entre les parties ou dont elles

conviendront »105, à travers une réserve qu´il a formulée à ladite déclaration. Dans l´affaire des

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d'Amérique), si les États-Unis contestaient la compétence de la Cour, c´est aussi dû au fait que leur

déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour du 26 aout 1946 était assortie d´une

101 C´est pourquoi, la saisine de la Cour par la voie de compromis s´accommode mieux avec l´idée que la Cour soit

mise à l´abris des réserves à sa compétence. Raison pour laquelle, les affaires introduites devant la Cour par la voie de

la requête unilatérale, sont souvent le moment favorable pour les États de mettre en avant le principe de la liberté de

consentement (paragraphe 1 article 36 du Statut de la Cour), qui les autorise évoquer les réserves pour contester la

compétence de la Cour. 102 Loin donc de renforcer la compétence de la Cour sur toute la procédure de règlement des affaires, les réserves n´ont

pour seul objectif que de contraindre la Cour à renoncer à sa compétence dans chaque différend. Par voie de

conséquence, leurs effets sont néfastes sur le fonctionnement de la Cour appelée pourtant à être un cadre de dénouement

des différends internationaux. 103 Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée le 23 Mai 1969 à Vienne, 1155 RTNU n0 18232. 104 En clair, supposons deux États A et B appartenant la zone de l´Amérique du Nord et qui sont parties à un différend.

L´État A, porte le différend en question à la connaissance de la CIJ par la voie de requête unilatérale. Considérons par

exemple, que la base juridique de compétence (clause compromissoire ou déclaration de juridiction obligatoire), qui

fonde la compétence de la Cour selon l´État A, est sanctionnée par une réserve de l´État B et qui vise à exclure du

champ de compétence de la Cour, tout différend entre lui, État B et tout autre État de la zone de l´Amérique du Nord.

Dans cette hypothèse, il est fort probable que la Cour se déclare incompétente à connaitre de l´affaire à cause de la

réserve de l´État B. 105 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 10 mai 1994, 1776 RTNU N0 30941.

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réserve106. Ce qui devrait selon cet État, permettre à la Cour de se dessaisir du différend en

l´occurrence.107

Dans certains cas, la réserve n´aura pour effet d´exclure certains États du champ de

compétence de la Cour que dans des cas bien définis ou à certaines conditions. C´est le cas de

l´Allemagne qui, lors de sa déclaration d´acception de la juridiction de la CIJ, a émis une réserve

qui exclut du champ de compétence de la CIJ les États dans les cas où, « les parties au différend

sont convenues ou pourraient convenir d´avoir recours à une autre méthode de règlement pacifique

ou lorsque le différend a été soumis à une autre méthode de règlement pacifique choisie par toutes

les parties »108. D´autre part, les réserves auront pour effets de limiter la compétence matérielle de

la Cour de telle sorte qu´elle n´aura qu´à connaître un certain nombre de matières ou catégories de

différends bien définis. Sous cet angle, le but de la réserve sera de paralyser l´action intentée par

un État demandeur si le différend pour lequel il saisit la Cour rentre dans la catégorie des matières

contre lesquelles le défendeur aurait formulé une réserve. Ainsi, convient-il de rappeler la réserve

du Nigéria formulée à sa déclaration d´acception de la juridiction obligatoire de la Cour, et qui

exclut de sa compétence, tout « différend qui porte sur ou est en rapport avec des hostilités ou un

conflit armé, que ce soit à l'intérieur d'un pays ou entre plusieurs pays »109.

D´un État à un autre, le contenu de la réserve peut varier et présenter des différences par

rapport à une catégorie de différends bien déterminés. À cet effet, la réserve pourrait avoir pour

objet d´établir la compétence de la Cour pour les seuls différends qui interviendront

postérieurement à la formulation de la réserve contenue souvent dans une déclaration de juridiction

obligatoire de la CIJ. Dans ce cas, l´État qui aurait formulé une telle réserve ne pourra être attrait

devant la Cour par un autre État pour un différend né avant la date de la formulation de sa

106Supra note 80 à la p 398 au para 13. Le contenu de la déclaration était la suivante : « Ladite déclaration ne sera pas

applicable aux différends avec l'un quelconque des Etats de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en

Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir.

Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera

en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui

vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent

en Amérique centrale ». 107 Supra note 80 à la p 395 au para 3. 108 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 1er mai 2008, 2515 RNTU N0 44914. 109 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 29 avril 1998, 2013 RNTU N0 34544.

C´est la version modifiée de la déclaration du 14 août 1965.

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déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est l´exemple du Mexique, qui exclut du

champ de compétence de la Cour, tous les différends auxquels il serait partie et qui seraient nés

antérieurement à la date de formulation de sa déclaration de juridiction obligatoire de la CIJ.110

Voyons maintenant le phénomène des non-comparutions devant la Cour qui produit des

effets négatifs sur son fonctionnement.

Section 2 : Les limites liées au phénomène de désistement d’instance devant la Cour

Le phénomène des désistements d’instance produit des conséquences sur le cours de la

procédure de règlement qui se présentent sous la forme de radiation des affaires devant la Cour

(Paragraphe 1). Par ailleurs, ces désistements d’instance introduite par requête unilatérale sont

souvent la cause d’un défaut de consentement d’une des parties, en général du défendeur, ce qui ne

permet pas à la Cour de pouvoir connaître du ou des différends à elle soumis (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les limites de l’introduction d’instance par la voie de requête

unilatérale en lien avec les hypothèses des radiations d’affaires du rôle de la Cour

Selon le Dictionnaire de droit international public, le désistement est l’« acte par lequel,

unilatéralement ou par accord entre les parties, notification est faite à un organe judiciaire ou

arbitral de l’abandon de l’instance, ce qui a pour effet de mettre fin à celle-ci »111. Cette définition

révèle deux cas dans lesquels le désistement à l’instance peut intervenir pour entraîner la radiation

d’une affaire du rôle de la Cour. Cela dit, le désistement peut survenir, d’une part, suite à une

initiative personnelle du demandeur à l’instance et le plus souvent pour cause d’une perte d’espoir

de pouvoir obtenir gain de cause contre le défendeur.112 D’autre part, le désistement peut être dû à

110 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour, conformément à l'article 36, paragraphe

2, du statut de la Cour internationale de Justice, du 1er mars 1947, 9 RTNU N0 127. Aux termes de cette déclaration

de juridiction, la Cour n´est compétente que « pour tous les différends d'ordre juridique qui pourraient surgir à l'avenir

entre les Etats-Unis du Mexique et tout autre pays relativement à des faits postérieurs à la présente déclaration, le

Gouvernement du Mexique reconnaît comme obligatoire de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'une convention

spéciale, la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de

ladite Cour, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sur une base de réciprocité absolue.

La présente déclaration, qui n'est pas applicable aux différends nés de faits qui, de l'avis du Gouvernement du Mexique,

relèvent de la juridiction interne des Etats-Unis du Mexique, vaut pour une période de cinq années à partir du 1er mars

1947, après laquelle elle restera en vigueur jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à dater du jour où le

Gouvernement du Mexique fera connaître son intention d'y mettre fin ». 111 Salmon, supra note 2 aux pp 329-330. 112 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique),

Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47.

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un arrangement intervenu entre le demandeur et le défendeur, de telle sorte que le premier trouve

inutile de maintenir sa demande devant la Cour.113 Le demandeur pourra à cet effet, renoncer à

poursuivre l´instance qu’il avait pourtant engagée. Ce qui traduit l´idée qu´il a le choix de le faire

ou pas à cause généralement d´un règlement amiable avec le défendeur114. Le fondement de ce

désistement est donc un accord entre les parties. Toutefois, c’est le premier cas de désistement qui

retiendra notre attention : celui issu d’une initiative personnelle du demandeur à l’instance parce

qu’il ne croirait plus à une condamnation du défendeur à son profit. Ce type de désistement est

prévu par l´article 89115 du Règlement de la Cour.

113 Ce fut le cas dans l´affaire certaines terres à phosphates à Nauru entre le Nauru et l’Australie : Certaines terres à

phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240. En l’occurrence, c’est le gouvernement de la république

du Nauru qui avait à la date du 19 mai 1989, intenté une action devant la Cour contre l’Australie. Ce différend était

relatif à la remise en état de certaines terres à phosphates [de Nauru] exploitées par l’Australie avant l'indépendance

de Nauru (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240 à la p 242 au para 1). La

Cour avait à statuer sur sa compétence car en la matière, le défendeur s´y était opposé par voie d´exception préliminaire.

Ainsi, aux termes de son arrêt du 26 juin 1992, se déclara-t-elle compétente pour connaitre de l´affaire (Certaines

terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240 à la p 268 au para 72). À la suite de cet arrêt, et

après être parvenus à un accord amiable, ces deux États ont notifié conjointement au greffe de la Cour leur intention

de désister de l´instance le 9 septembre 1993. L´affaire fut ainsi radiée du rôle de la Cour par ordonnance du 13

septembre 1993 (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), Ordonnance du 13 septembre 1993,

[1993] CIJ rec 322 à la p 323). L’on pourrait aussi mentionner dans cette liste de désistement de l’instance par accord

commun des parties à la suite d’un règlement amiable, l´affaire de l’Incident aérien du 3 juillet 1988 introduite le 17

mai 1989 par la République islamique d'Iran contre les États-Unis d'Amérique (Incident aérien du 3 juillet 1988

(République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9). Ces deux

États avaient notifié par lettre conjointe datée du 8 août 1994 à la Cour qu´ils avaient « entamé des négociations qui

pourraient aboutir à un règlement total et définitif de [l'] affaire ». Par cette lettre, ils prièrent la Cour de « renvoyer

sine die l'ouverture de la procédure orale », dont elle avait fixé la date au 12 septembre 1994 » (Incident aérien du 3

juillet 1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9

à la p 10). Ce fut le lieu pour eux de désister de l’instance suite à un arrangement auquel ils étaient parvenus. Ce

désistement prit acte par une autre lettre qu’ils firent parvenir à la Cour le 22 février 1996 (Incident aérien du 3 juillet

1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9 à la p

10). 114 Protection de ressortissants et protégés français en Égypte (France c Égypte), Ordonnance du 29 mars 1950, [1950]

CIJ rec 59 à la p 60. La France avait dans cette affaire, introduite par voie de requête une instance devant la Cour contre

l´Égypte, sur la base de la convention de Montreux du 8 mai 1937 dont elle critiquait des manquements de l´Égypte

dans son application au sujet des biens, droits et intérêts de ses ressortissants vivant dans cet État. Par lettre du 21

février 1950 qui parvenu au greffe de la Cour le 23 du même mois, la France demanda que son action fût rayée du rôle

de la Cour parce que l´Égypte avait selon elle, levé les mesures qu´elle critiquait. 115 Cet article stipule que : « 1. Si, au cours d’une instance introduite par requête, le demandeur fait connaître par écrit

à la Cour qu’il renonce à poursuivre la procédure, et si, à la date de la réception par le Greffe de ce désistement, le

défendeur n’a pas encore fait acte de procédure, la Cour rend une ordonnance prenant acte du désistement et prescrivant

la radiation de l’affaire sur le rôle. Copie de ladite ordonnance est adressée par le Greffier au défendeur. 2. Si, à la

date de la réception du désistement, le défendeur a déjà fait acte de procédure, la Cour fixe un délai dans lequel il peut

déclarer s’il s’oppose au désistement. Si, dans le délai fixé, il n’est pas fait objection au désistement, celui-ci est réputé

acquis et la Cour rend une ordonnance en prenant acte et prescrivant la radiation de l’affaire sur le rôle. S’il est fait

objection, l’instance se poursuit. 3. Si la Cour ne siège pas, les pouvoirs que lui confère le présent article peuvent être

exercés par le Président ».

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Il importe donc d´avoir à l´esprit des exceptions à ce phénomène de la renonciation par le

demandeur de l´instance qu’il a engagée. Cela dit, dans certains cas, ce n´est pas forcement parce

qu´il a reçu une indemnisation quelconque pour justifier son désistement de l´instance. Le

demandeur pourrait donc désister de l’instance qu’il a engagée, parce qu’il ne croit plus que son

recours à la Cour puisse aboutir à un dénouement du différend, ou parce qu’il ne croit plus que son

action devant la Cour puisse effectivement aboutir à une condamnation du défendeur à son profit.

Le demandeur pourrait aussi désister de l’instance parce qu’il ne croirait plus à la bonne foi du

défendeur à accepter d’exécuter la décision de la Cour. C’est par désespoir qu’il se désiste donc de

l’instance.116

L´affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-

ci117 entre le Nicaragua et les États-Unis d'Amérique constitue un exemple illustratif de ce type de

désistement unilatéral du requérant de l´instance qu´il avait pourtant engagée et sans qu´il ait reçu

une indemnisation de la part du défendeur. Après avoir reconnu sa compétence pour statuer sur

l´affaire que le Nicaragua lui avait portée sur le fondement de l´article 36 paragraphe 2 et 5 du

Statut de la Cour,118 la Cour concluait que « les États-Unis d'Amérique sont tenus envers la

République du Nicaragua de l'obligation de réparer tout préjudice causé à celle-ci par la violation

des obligations imposées par le droit international coutumier »119. Les États-Unis ne procèderont

pas à une telle réparation jusqu´à une date où le Nicaragua décida de se désister de l´instance. C´est

par lettre adressée au greffe de la Cour le 12 septembre 1991, que cet État avait choisi de « renoncer

à faire valoir tous autres droits fondés sur cette affaire et ne souhaitait pas poursuivre la procédure,

et a demandé qu'une ordonnance prenne acte du désistement et prescrive la radiation de l'affaire du

rôle. ».120

116 Il convient donc de se souvenir que la saisine de la Cour par un État demandeur ne suppose pas qu’elle pourra

effectivement connaitre du différend porté devant elle. La Cour doit dans tous les cas, vérifier sa compétence dans une

affaire donnée (article 36 paragraphe 6 de son Statut), et se déclarer incompétente et radier l’affaire de son rôle s’il

apparait qu’elle n’a pas compétence en la matière. Cela pourrait arriver lorsque le demandeur entendait fonder la

compétence de la Cour sur une base juridique erronée (parce que sanctionnée par une réserve), ou inexistante (parce

que le défendeur n’aurait pas consenti à la compétence de la Cour). Dans d’autres cas, l’État demandeur pourrait

désister de l’instance engagée par lui, parce que l’État défendeur pourrait s’opposer à toute initiative visant à lui faire

endosser la responsabilité de la réparation des préjudices qu’il aurait subi (c’est le cas lorsque la condamnation vise un

membre permanent du Conseil de sécurité. Celui-ci pourrait user de son droit de véto même pour paralyser une

Résolution de ce Conseil qui l’obligerait à exécuter une décision de la CIJ au profit de tout autre État : Supra note 112. 117 Supra note 49. 118 Supra note 80 à la p 442 au para 113. 119 Supra note 49 à la p 146 au para 292. 120 Supra note 112.

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Pour rappel, la compétence de la Cour repose sur le consentement des États et ce

consentement doit exister de part et d´autre chez chacun des États parties à un différend.121

Lorsqu´une affaire est portée devant la Cour, il lui appartient de vérifier en premier lieu sa

compétence à la connaitre au cas où l´une des parties conteste cette compétence. C´est à travers un

arrêt sur les exceptions préliminaires ou d´irrecevabilité que la Cour décide soit de continuer la

procédure parce qu´elle est en l´occurrence compétente, soit de radier l´affaire de son rôle parce

que son incompétence est manifeste.122 Ainsi, la Cour a-t-elle eu à radier de son rôle un certain

nombre d´affaires introduites devant elle par la voie de requête unilatérale pour faute de

compétence de sa part. Cela dit, les radiations d´affaires du rôle de la Cour pour motifs liés à son

incompétence ne peuvent intervenir que dans le cadre d´affaires introduites par voie de requêtes

introductives d´instance. Autrement dit, de telles radiations qui portent atteinte au déroulement de

la procédure de règlement des différends devant la Cour, sont dues à la requête unilatérale. Le lien

qui existe entre la voie du recours par la requête unilatérale et la possibilité des défendeurs de

soulever des exceptions d´incompétence ou d’irrecevabilité de la Cour, est celui qui est à la base

des radiations d´affaires du rôle de la Cour.

Dans l´affaire relative à l’ Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c Bulgarie)123, l’Israël

avait saisi la Cour d´une requête le 16 octobre 1957 contre la Bulgarie pour protester contre la

destruction le 27 juillet 1955, par les forces de défense antiaérienne bulgares, d'un avion

appartenant à la El Al Israël Airlines Ltd.124 Pour établir la compétence de la Cour, l’Israël invoqua

sa déclaration d´acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du 3 octobre 1956 d´une part,

et celle faite par la Bulgarie le 29 juillet 1921 pour accepter la juridiction obligatoire de la CPJI,

d’autre part.125 l’Israël se fondait sur le contenu du paragraphe 5126 de l´article 36 du Statut de la

Cour, pour attester que la déclaration d´acception de la Bulgarie faite au temps de la CPJI pourrait

servir de fondement à la compétence de la Cour. Mais la Cour ne retint pas cette argumentation,

car pour elle cette déclaration avait expiré et ne liait donc plus la Bulgarie depuis la dissolution de

121 Supra note 6, art 36 au para 1. 122 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 633. 123 Affaire relative à l´Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c Bulgarie), [1959] CIJ rec 127. 124 Ibid à la p 129. 125 Ibid. 126 Ce paragraphe stipule que, « Les déclarations faites en application de l'Article 36 du Statut de la Cour permanente

de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre parties

au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice pour

la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément à leurs termes ».

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la CPJI.127Ainsi, l´affaire fut-elle radiée du rôle de la Cour, en raison de son incompétence à pouvoir

en connaître.128

Ce fut de même dans les affaires relatives aux Activités armées sur le territoire du Congo

(République démocratique du Congo c Rwanda)129 et Activités armées sur le territoire du Congo

(République démocratique du Congo c Burundi)130. Ces deux instances furent introduites à la même

date soit le 23 juin 1999 par requête de la République Démocratique du Congo.131 Elles furent

radiées du rôle de la Cour pour raison d´incompétence de celle dernière.132 En l´occurrence, le

demandeur fondait son action sur sa déclaration d´acceptation de la juridiction obligatoire de la

Cour du 8 février 1989 et l´article 14 paragraphe 1 de la Convention pour la répression d’actes

illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile signée à Montréal le 23 septembre 1971, ainsi

que le paragraphe 1 de l´article 30 Convention contre la torture et autres peines ou traitements

cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l´Assemblée générale des Nations Unies le 10

décembre 1984 à New York.133 Rien de tout cela n´a pu convaincre les juges de la Cour pour qu’ils

puissent valablement statuer sur ces affaires. En clair, la requête de la République Démocratique

du Congo dans ces affaires lui fut infructueuse. Raison pour laquelle, il « se réserv[ait] la possibilité

de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de compétence de la Cour » 134.

Ce qu´il y a lieu de retenir dans ce cas précis, c´est que ces affaires n´auraient pas été radiées

pour incompétence si le compromis avait été la base juridique de saisine de la Cour. Le compromis,

en tant qu’accord entre des États parties à un différend, matérialise leur consentement à la

127 Supra note 123 à la p 145. 128 Supra note 123 à la p 146. 129 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Rwanda), Ordonnance du 21

octobre 1999, [1999] CIJ rec 1025. 130 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Burundi), Ordonnance du 30

janvier 2001, [2001] CIJ rec 3. 131 CIJ, communiqué, 1999/34, « La République démocratique du Congo introduit des instances contre le Burundi,

l'Ouganda et le Rwanda « en raison [d’] actes d'agression armée » » (23 juin 1999), en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?pr=523&code=cr&p1=3&p2=3&p3=6&case=117&k=85>. 132 CIJ, communiqué, 2001/2, « Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c

Burundi) et (République démocratique du Congo c Rwanda), les deux affaires sont rayées du rôle à la demande de la

République démocratique du Congo » (1er février 2001), en ligne : <http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?pr=526&code=cr&p1=3&p2=3&p3=6&case=117&k=85>. 133 Supra note 129 à la p 1026. 134 Supa note 130.

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compétence de la Cour de telle sorte que celle-ci ne pourrait pas se déclarer incompétente pour

radier de son rôle le différend en question.

Voyons-en à présent avec les limites que la règle du forum prorogatum pourrait avoir sur le

cours de la procédure de règlement des affaires devant la Cour.

Paragraphe 2 : L’application du forum prorogatum et ses limites

C´est le paragraphe 5 de l´article 38 du Règlement de la Cour de 1978 qui énonce la règle

du forum prorogatum en ces termes : « Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la

Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l’État contre lequel la requête est

formée, la requête est transmise à cet État. Toutefois, elle n’est pas inscrite au rôle général de la

Cour et aucun acte de procédure n’est effectué tant que l’État contre lequel la requête est formée

n’a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l’affaire. ». Le forum prorogatum traduit donc

l´idée d´une juridiction prorogée135. Il s'agit du fait pour un État défendeur d'accepter la compétence

d'une juridiction internationale institutionnalisée, telle la CIJ, postérieurement à la saisine, soit par

une déclaration expresse à cet effet, soit par des actes concluants136 impliquant une acceptation

tacite.

Dans l´affaire relative à l´Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro)137, le juge ad hoc Lauterpacht

a dans son opinion individuelle du 13 septembre 1993, donné une définition assez détaillée du

forum prorogatum devant la CIJ en ces termes : « si un État, l’État A, introduit une instance contre

un autre État, l'État B, sur une base de compétence inexistante ou défectueuse, le forum prorogatum

consiste en la possibilité pour l’État B d'y remédier en adoptant un comportement valant

acceptation de la compétence de la Cour »138. D´une affaire à une autre, les modalités de la mise

135 Kolb, supra note 41 à la p 565. 136 Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires) (Allemagne c Pologne), (1928), CPJI (sér A) n° 15 aux

pp 23-24. 137 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c

Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595. 138 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c

Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993, [1993] CIJ rec 325, Opinion individuelle de M.

Lauterpacht, juge ad hoc à la p 416 au para 24.

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en œuvre de la règle peuvent varier.139 Autrement dit, il appartient au défendeur de déterminer en

principe la manière dont il entend exprimer ce consentement postérieur à la compétence de la Cour.

Dans l'affaire du Détroit de Corfou140, la CIJ a déduit le consentement de l'Albanie à sa

compétence en vertu d´une lettre signée de son ministre adjoint des affaires étrangères et qui lui fut

adressée à la date du 23 juillet 1947,141 en réponse à la requête du gouvernement du Royaume-Uni.

Cette requête fut introduite devant la Cour le 22 mai 1947, contre le Gouvernement de la

République populaire d'Albanie dans le cadre d´un incident survenu dans le détroit de Corfou le 22

octobre 1946. Dans cet incident, deux navires britanniques heurtèrent des mines dont l´explosion

perpétra des dommages à ces navires et occasionna de lourdes pertes de vies humaines.142

L´affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale

(Djibouti c France)143, traduit un cas d´application du forum prorogatum. Cette affaire était relative

à une requête de Djibouti introduite devant la Cour le 9 janvier 2006, contre la France au sujet d’un

différend. Celui-ci portait :

sur le refus des autorités gouvernementales et judiciaires françaises d’exécuter

une commission rogatoire internationale concernant la transmission aux autorités

judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d’information relative à

l’Affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et ce, en

violation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le

Gouvernement [djiboutien] et le Gouvernement [français] du 27 septembre 1986, ainsi

qu’en violation d’autres obligations internationales pesant sur la France envers (...)

Djibouti.144

En l´occurrence, Djibouti fondait la compétence de la Cour sur le paragraphe 5 de l´article

38 de son Règlement de 1978,145 lequel porte sur les cas de défaut de consentement du défendeur

à la compétence de la Cour. N’empêche qu’il se réservait aussi la possibilité « d’avoir recours à la

procédure de règlement des différends prévue par les conventions en vigueur entre [lui]-même et

la République française, telle la convention [du 14 décembre 1973] sur la prévention et la

répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale [y compris

139 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c France), [2008] CIJ rec 177 à

la p 205 au para 64. 140 Supra note 46. 141 Supra note 46 aux pp 18-19. 142 Supra note 46 à la p 16. 143 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c France), [2008] CIJ rec 177. 144 Ibid aux pp 180-181 au para 1. 145 Supra note 143 à la p 181 au para 2.

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les agents diplomatiques] »146. Le 9 aout 2006, la France fit parvenir à la Cour une lettre (datée du

25 juillet 2006), faisant état de son acceptation de la compétence de la Cour.147Cette lettre prévoyait

en effet que, « la République française accepte la compétence de la Cour pour connaître de la

requête ».148

Il est donc concevable qu’un litige puisse être introduit devant la Cour alors que l’un des

États en cause (le demandeur), reconnaît valablement sa compétence en l’espèce et l’autre non, et

que la reconnaissance de cette compétence par ce dernier intervienne ensuite149.

L’affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en France ((République du

Congo c France),150 fut de même l’un des exemples d’application de cette règle. En l’espèce, le 9

décembre 2002, la République du Congo saisit la CIJ au sujet d’un différend qui l’opposait à la

France. Ce différend était relatif à une procédure pour crimes contre l’humanité et tortures mettant

notamment en cause son ministre de l’Intérieur et dans le cadre de laquelle une commission

rogatoire avait été délivrée aux fins de l’audition comme témoin du Président de la République de

ce pays. Le Congo fondait la compétence de la Cour sur le paragraphe 5 de l´article 38 du

Règlement de la Cour de 1978.151 Par une lettre datée du 8 avril 2003 et parvenue le 11 avril 2003

au greffe de la Cour152, la France indiqua qu’elle acceptait la compétence de la Cour pour connaître

de la requête. La France avait donc officiellement accepté la compétence de la Cour dans cette

affaire alors qu’aucun acte juridique préexistant ne pouvait fonder cette compétence. En quelque

sorte, la France a admis la compétence de la Cour sur la base du forum prorogatum.153

Ces succès de la mise à exécution de la règle du forum prorogatum sont loin d´être une

réalité dans tous les cas. Des exemples demeurent où la Cour a eu à être saisie au sujet de différends

en l´absence de consentement exprès du défendeur sans que celui-ci n´accepte sa compétence

146 Supra note 145. 147 Supra note 143 aux pp 180-181 au para 4. 148 CIJ, communiqué, 2008/14, « Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale

(Djibouti c France) » (4 juin 2008), en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/files/136/14569.pdf>. 149 Supra note 143 à la p 204 au para 63. 150 Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c France), Ordonnance du 17 juin 2003,

[2003] CIJ rec 102. 151 Supra note 150 à la p 103 au para 3. 152 CIJ, communiqué, 2010/36, « Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c France),

Affaire rayée du rôle de la Cour à la demande de la République du Congo » (17 novembre 2010), en ligne :

<http://www.icj-cij.org/docket/files/129/16234.pdf>. 153 Ibid.

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postérieurement à l´introduction de l’instance. Le succès de cette règle n’est donc pas un acquis

d´avance.

Dans les instances des affaires Activités armées sur le territoire du Congo (République

démocratique du Congo c Burundi)154 et Activités armées sur le territoire du Congo (République

démocratique du Congo c Rwanda)155, le désistement de la République Démocratique du Congo

en sa qualité de demandeur, peut s´analyser aux défauts de consentements des défendeurs à la

compétence de la Cour. Dans ces deux cas, l´ordonnance du désistement indiquait que « le

Gouvernement de la République démocratique du Congo souhaitait se désister de l'instance et a

précisé que «celui-ci se réserv[ait] la possibilité de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs

de compétence de la Cour».156 L´idée de vouloir «faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de

compétence de la Cour», sous-entend une absence de compétence de la Cour pour pouvoir

connaitre de l´affaire. En outre, l’idée de vouloir établir la compétence de la Cour sur le fondement

de l´article 38 paragraphe 5 de son Règlement de 1978157 rappelle que le demandeur s´attendait en

réalité à une acceptation postérieure de la compétence de la Cour par les défendeurs après

l´introduction de sa requête à la date du 23 juin 1999. Le désistement intervenu par la suite est le

témoignage que ces défendeurs n´ont pas voulu se soumettre à la règle du forum prorogatum.

Un autre témoignage des limites de la règle du forum prorogatum devant la CIJ, est celui

relatif à l´affaire des biens mal acquis, entre la Guinée Équatoriale et la France. Le 25 septembre

2012 en effet, la Guinée Équatoriale introduisit une instance devant « la Cour internationale de

justice (CIJ) pour que celle-ci annule les procédures qui ont été entreprises en France et qui visent

des biens mobiliers et immobiliers qui sont la propriété du Président Obiang et de son fils Teodoro

Nguema ».158 La France ayant retiré sa déclaration de juridiction obligatoire de la Cour159 à la suite

de l´affaire des Essais nucléaires,160 il faudrait de ce fait pour la Guinée Équatoriale, attendre une

éventuelle acceptation postérieure de la compétence de la Cour avant que celle-ci ne statue sur le

154 Supra note 130. 155 Supra note 129 à la p 1026. 156 Supra note 154 et 155. 157 Supra note 131. 158 Maurice Arbour, « L’affaire des biens mal acquis devant la Cour internationale de justice. Vraiment ? », en ligne :

< http://actualite-internationale.ca/2012/10/02/laffaire-des-biens-mal-acquis-devant-la-cour-internationale-de-justice-

vraiment/>. 159 Fakhri Gharbi, « Le déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de

justice » (2002) 43 :3 C. de D. 433 à la p 484. En ligne : <http://id.erudit.org/iderudit/043719ar>. 160 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 135.

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cas d´espèce, à défaut de pouvoir établir une telle compétence sur le fondement d´autres bases

juridiques. Jusqu´à ce jour, la France n´a jamais prouvé qu´elle accepterait cette compétence qui

devrait donc intervenir postérieurement à l´introduction de l´instance, en vertu de la règle du forum

prorogatum. C´est ce qui traduit le fait que la Cour n´a pu se prononcer sur cette affaire. C’est

pourquoi d’ailleurs, en 2016, la Guinée Équatoriale introduisit une nouvelle instance contre la

France au sujet de la même affaire mais sous une autre dénomination : Immunités et procédures

pénales (Guinée équatoriale c France). Pour cette fois-ci, elle invoqua d’une part l’article 35 de la

Convention contre la criminalité transnationale organisée et d’autre part, le protocole de signature

facultative de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques pour fonder la compétence

de la Cour. (Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Ordonnance du 7

décembre 2016, [2016] CIJ rec 1 à la p 8.).

En un mot, s´il est vrai que le forum prorogatum est une règle érigée pour faire prospérer

des instances introduites devant la Cour par la voie de requête unilatérale, dans les cas où le

demandeur aurait déjà saisi la Cour avant que sa partie adverse ait consenti à la compétence de

cette dernière, il n´en demeure pas moins des limites dans son application. Dans la mesure où la

compétence de la Cour repose sur le consentement des États,161 rien ne les oblige à accepter cette

compétence et rien ne prouve qu´ils l´accepteraient après qu´ils auront été assignés devant la Cour.

Cette explication vient en appui aux incertitudes qui entourent le traitement des affaires introduites

devant la Cour par la voie de requête unilatérale.

Outre le cours de la procédure de règlement des affaires devant la Cour qui laisse entrevoir

des incertitudes dues au fait du recours à la Cour par la voie de requête unilatérale, la phase de la

mise en œuvre des décisions de la Cour, suscite parfois des inquiétudes. Ainsi, comment un État

défendeur, qui aurait passé tout le temps à contester la compétence de la Cour durant toute la

procédure de règlement d´une affaire, accepterait-il de subir les conséquences de l´arrêt ayant

découlé de ladite affaire, s´il apparaît qu´il ait succombé aux termes de cet arrêt ? D’où, l’idée

d’incertitudes sur la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale dans la mise en œuvre des

décisions de la Cour (chapitre 2).

161 Ce principe avait même été affirmé aussi par la CPJI dans l’affaire des Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles

minoritaires), en ces termes : « La juridiction de la Cour dépend de la volonté des parties. La Cour est toujours

compétente du moment où celles-ci acceptent sa juridiction, car il n’y a aucun différend que les États admis à ester

devant la Cour ne puissent lui soumettre ». Supra note 136 à la p 22.

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Chapitre 2 : Les incertitudes de la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale

sur la mise en œuvre des décisions de la Cour

La phase de l´exécution des décisions est celle qui est censée mettre un terme définitif au

différend ayant fait objet de saisine de la Cour. Selon les types de différends, cette phase peut

consister en des actions matérielles de terrain (délimitations frontalières) ou matérielles tout court

(réparation ou paiement de dommages et intérêts), voire exiger du défendeur qui a succombé à

l´issue de l´arrêt des abstentions (non-ingérence dans les affaires relevant de la souveraineté du

demandeur). Si théoriquement cet objectif peut paraître réalisable, il reste que dans la pratique, il

peut s´avérer difficile pour des raisons liées au droit légitime des États de pouvoir remettre cause

son atteinte (section 1). L´expérience de la jurisprudence de la Cour elle-même renforce la

compréhension de ces difficultés surtout quand l´État qui a succombé à la décision de la Cour est

un membre du Conseil de sécurité des Nations Unies (section 2).

Section 1 : Les raisons liées aux incertitudes sur l´exécution des arrêts de la Cour

dans les affaires ayant fait l’objet d’une saisine par la voie de la requête unilatérale

Les incertitudes qui entourent l´exécution des décisions de la Cour sont essentiellement

dues à deux raisons. D´une part, ces raisons sont liées aux recours en interprétation d´arrêts devant

la Cour qui peuvent remettre en cause l’exécution des décisions de la Cour (paragraphe 1). D´autre

part, ces raisons se justifient par des réticences que le défendeur ayant succombé laisse sentir sur

son approbation de la décision de la Cour (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La remise en cause des arrêts de la Cour par voie de contestation

avec les hypothèses des recours en interprétation d´arrêts devant la Cour

Selon la définition proposée par le Dictionnaire de droit international public, le recours en

interprétation est celui «tendant à faire déterminer le sens et la portée d´un acte ou d´une

décision»162. Dans le cas de notre hypothèse, ce recours concerne l´interprétation par la CIJ elle-

même des décisions qui émanent d´elle,163 et non celle qui porte sur des actes émanant d´autres

162 Salmon, supra note 2 à la p 950. 163 Salmon, supra note 2 à la p 950. Voir le sens b) de la définition du recours en interprétation.

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entités telles que les États. En effet, le sens d’une décision de justice dépend en grande partie de

l’interprétation qui lui est donnée. Il ne manque pas de voir des États parties à un différend, être

opposés sur le sens ou à la portée qu’il sied de réserver à la décision rendue par la Cour. La solution

pour une telle situation se résume dans un autre recours qu’il est possible d’adresser à la Cour et

qui fera l’objet d’un arrêt distinct du ou des précédents. Cette précision résulte de l’article 60 du

Statut de la Cour en ces termes « […] En cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il

appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie »164. Il s’agit là, d’un recours en

interprétation qui reste constitutif d’une nouvelle affaire devant la Cour.165 Cependant, point n’est

besoin pour l’État qui en fait la demande de démontrer à nouveau la compétence de la Cour, car la

base de compétence dans l’affaire initiale fonde la compétence de la Cour pour connaître d’une

demande en interprétation.166 Toutefois, une telle demande devra réellement avoir pour objet une

interprétation de l'arrêt initial ou doit « indiquer avec précision le point ou les points contestés

quant au sens ou à la portée de l’arrêt »167. C’est-à-dire qu’elle doit avoir uniquement pour objectif

de faire élucider le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force obligatoire par l'arrêt déjà

rendu et non à obtenir la solution de points qui n'ont pas été ainsi décidés.168

Dans le fond, l´idée que de tels recours soient liés à la saisine de la Cour par voie de requête

unilatérale,169 peut se justifier sur deux bases. Il conviendra d´avoir à l´idée que la saisine de la

Cour par la voie de compromis, suppose que les parties sont disposées à accepter la décision qui

découlera, et c´est ce qui donne tout son sens à l´expression « compromis », qui symbolise une

164 On retrouve cette même précision au paragraphe 1 de l’article 98 du Règlement de la Cour de 1978, lequel stipule

qu’« En cas de contestation sur le sens ou la portée d’un arrêt, toute partie peut présenter une demande en interprétation,

que l’instance initiale ait été introduite par une requête ou par la notification d’un compromis ». 165 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), Ordonnance du 3 mars 1999,

[1999] CIJ rec 24 à la p 25. 166 Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique

c États-Unis d'Amérique) (Mexique c Etats-Unis d'Amérique), Ordonnance du 16 juillet 2008, [2008] CIJ rec 311 à la

p 323 au para 44. 167 Paragraphe 2 de l’article 98 du Règlement de la Cour. 168 Demande en interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit d'asile (Colombie c Pérou), [1950]

CIJ rec 395 à la p 402. 169 C’est ce constat qui se dégage de la jurisprudence de la Cour elle-même, à savoir que les recours en interprétation

desquels elle a jusque-là été saisie, sont relatifs à des arrêts rendus dans des affaires portées devant elle par la voie de

la requête unilatérale. Ce sont : la Demande en interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit

d'asile (Colombie c Pérou), [1950] CIJ rec 395 ; la Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire

de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31; la

Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique

c États-Unis d'Amérique) (Mexique c Etats-Unis d'Amérique), [2009] CIJ rec 311 ; la Demande en interprétation de

l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande),

[2013] CIJ rec 281.

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entente préalable des parties d´une part sur les méthodes de règlement de leur différend (par

exemple règlement par des chambres restreintes), et d’autre part, sur l´exécution de la décision que

la Cour rendra. Ceci est une réalité qui s´applique aux parties impliquées dans un compromis, dans

la mesure même où le compromis est un accord international et qu´il doit de ce fait, être exécuté

de bonne foi (article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). En clair, entre le recours

par la voie de requête unilatérale et le recours par la voie de compromis, c´est ce dernier qui peut

avoir un grand mérite de protéger la Cour contre des recours en interprétation. C’est pourquoi la

plupart des recours en interprétation devant la Cour sont relatifs à des arrêts issus de différends

portés devant elle par la voie de requête unilatérale.

Dans le Différend frontalier terrestre et maritime170 entre le Cameroun et le Nigéria, parmi

les exceptions préliminaires soulevées par le dernier, la sixième avait trait à l’incompétence de la

Cour au motif qu’aucun élément ne permettrait de décider que la responsabilité internationale du

Nigéria serait engagée en raison de prétendues incursions frontalières qui se seraient produites en

divers lieux dans la région de Bakassi et du lac Tchad et le long de la frontière entre ces deux

régions.171 Dans son arrêt du 11 juin 1998, la Cour avait rejeté cette exception à l’instar de six

autres, et avait affirmé de ce fait sa compétence pour connaître de l’affaire. Mais le Nigéria

n’entendait pas s’arrêter à ce stade et voulait à tout prix faire échouer la requête172 de la partie

adverse. Ainsi, saisit-il la Cour d’une demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998.173 En

appui à sa demande d’interprétation, le Nigéria soutient que l'arrêt rendu par la Cour, le 11 juin

1998 sur les exceptions préliminaires, ne précisait pas les incidents allégués, qui devraient être pris

encore en considération lors de l'examen de l'affaire au fond et que de ce point de vue, le sens et la

portée de l'arrêt nécessitaient une interprétation.174 Toutefois, dans son arrêt du 25 mars 1999, la

Cour déclara irrecevable cette demande du Nigéria. Pour elle, la connaissance d’une telle demande

remettrait en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 11 juin 1998 d’une part, et

elle ne saurait examiner des conclusions tendant à soustraire à son examen des éléments de fait et

170 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale

(intervenant)), [1998], CIJ rec 275. 171 Ibid à la p 317 au para 95. 172 Supra note 170 à la p 279 au para 1. 173 Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le

Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31 à la p 32 au para 1. 174 Ibid à la p 34 au para 8.

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de droit dont elle a autorisé la présentation par cet arrêt, d’autre part.175 L’importance de cet arrêt

tient par ailleurs au fait que ce fut la première occasion pour la Cour de se prononcer sur une

demande en interprétation d'un arrêt portant sur des exceptions préliminaires.176

L´affaire de la Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du

droit d’asile 1950177, en est un autre exemple. Les parties à cette affaire étaient la Colombie et le

Pérou. Au même jour où l´arrêt était rendu par la Cour (20 novembre 1950), au sujet de l´affaire

du Droit d´asile, le demandeur, la Colombie en l´occurrence, entreprit un recours en

interprétation.178 Pour la Colombie, la façon dont l´arrêt lui fut notifié comportait des lacunes qui

n´étaient pas de nature à lui faciliter sa mise en œuvre.179 La demande fut toutefois rejetée par la

Cour au motif que les conditions n´étaient pas réunies pour le demandeur de se prévaloir d´un tel

recours, car selon elle, les termes de l´arrêt dont l´interprétation était demandée étaient

suffisamment clairs pour être compréhensibles.180 Dans l’affaire de la Demande en interprétation

de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena181, c´est le Mexique qui dans une requête du 5 juin

2008, saisit la Cour contre les États-Unis. En l´occurrence, le Mexique demandait à la Cour

d’interpréter le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt rendu par elle, le 31 mars 2004 en l’affaire

Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c États-Unis d’Amérique)182. Dans les faits, les

États-Unis d’Amérique avaient remis en cause un certain nombre de ressortissants mexicains à

savoir, les sieurs José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez

Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos et qui devraient faire objet

d´exécution.183 Le Mexique plaidait pour que les États-Unis sursissent à de telles exécutions tant

175 Supra note 173 aux pp 38-39 au para 16. 176 CIJ, communiqué de presse 1999/14, « Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria

c Cameroun) » (25 mars 1999), en ligne :< http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?pr=329&code=nc&p1=3&p2=3&p3=6&case=101&k=52&PHPSESSID=7fe394df1b73d1d

f4f36af260242b307&lang=fr&PHPSESSID=7fe394df1b73d1df4f36af260242b307>. 177 Supra note 168. 178 Supra note 168 à la p 396. 179 Supra note 168 à la p 397. 180 Supra note 168 à la p 403. 181 Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique

c États-Unis d'Amérique) (Mexique c États-Unis d'Amérique), [2009] CIJ rec 3 à la p 5 au para 1. 182 Supra note 166 à la p 311 au para 1. 183 Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 5 février 2003, [2003]

CIJ rec 77 à la p 81 au para 11. 184 Supra note 166 à la p 331 au para 80.

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que la Cour n’aurait pas rendu l’arrêt sur la demande en interprétation. Dans son ordonnance184 du

16 juillet 2008 en indication de mesures conservatoires, la Cour accorda gain de cause au Mexique

en obligeant les États-Unis à sursoir à ces exécutions qu’ils avaient décidées.185 Dans le cas où le

recours en interprétation d´un arrêt a été porté directement contre un arrêt définitif, il y a de fortes

chances que sa mise en œuvre se trouve paralysée par l´une des parties de telle sorte l´autre n´aurait

autre choix que de saisir à nouveau la Cour afin de clarifier le sens de l´arrêt avec l´espoir que cela

contraindrait l´autre partie à faire preuve de diligence ou de bonne foi pour se soumettre à son

exécution (Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres

ressortissants mexicains (Mexique c États-Unis d'Amérique) (Mexique c États-Unis d'Amérique),

Ordonnance du 16 juillet 2008, [2008] CIJ rec 311).

Si l´on s´en tient à ces explications qui précèdent, on pourrait en déduire une certaine

réticence des États (ceux condamnés) à l´exécution des décisions de la Cour.

Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la

Cour, en lien la saisine par la voie de la requête unilatérale

Après avoir révélé dans un premier temps, les raisons liées à la réticence de l´État condamné

à l’exécution des décisions de la Cour (A), il conviendra dans un second lieu, de montrer les limites

du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une exécution forcée des décisions de la

Cour (B).

185 Quoiqu´il en soit, ces recours paralysent le dénouement rapide des différends devant la Cour. Lorsque ces recours

interviennent avant que la Cour ait rendu l´arrêt définitif sur le différend, et encore si, la Cour devrait statuer sur sa

compétence à travers un arrêt sur des exceptions préliminaires, comme dans le différend entre le Cameroun et le

Nigéria, elle ne pourra trancher définitivement ce différend à elle soumis qu´après avoir préalablement rendu deux

autres arrêts : d’abord un arrêt sur les exceptions préliminaires (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et

le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant)), [1998] CIJ rec 275), ensuite, un arrêt portant sur

le recours en interprétation d´arrêt (Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31), et enfin l´arrêt définitif

sur le fond (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée Équatoriale

(intervenant)), [2002] CIJ rec 303).

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A- Les raisons liées à la réticence de l´État condamné à l’exécution des décisions de la

Cour

De prime abord, il est possible de lier cette réticence à des facteurs d´ordre économique.

Lorsque l´exécution de la décision de la Cour doit s´analyser en termes de dépenses financières

que l´État condamné devra subir, alors qu´il traverse des périodes critiques d´économie budgétaire

ou même qu´il ne s´attendait pas à une condamnation qui devrait lui coûter de fortes sommes

d´argent, il va sans dire que l´exécution en l´occurrence puisse faire objet de remise en cause. Cette

remise en cause pourrait supposer des retards dans la réparation du dommage causé à l’État victime

ou une exécution en partie de la décision de la Cour. Cela pourrait se comprendre. Selon le Général

Charles De Gaule, « les États n´ont pas d´amis, ils n´ont que des intérêts »186. En prenant l´initiative

de porter les affaires par la voie de requête unilatérale devant la Cour, rien n´oblige les demandeurs

à s´interroger d´avance sur la situation économique de leurs adversaires pour se rendre à l´évidence

de ce que ces derniers puissent effectivement endosser la réparation des préjudices souhaitée. La

saisine de la Cour par la voie de la requête unilatérale peut sembler brusque aux yeux de l’État

défendeur dans la mesure où il ne s’y attendait peut-être pas. En cela, il pourrait éprouver un

manque d’engouement à devoir exécuter convenablement la décision de la Cour, et surtout si celle-

ci le condamne. C’est ce qui explique en grande partie le fait que les lenteurs dans l´exécution des

décisions de la Cour sont souvent liées à des affaires portées devant la Cour par la voie de requête

unilatérale.187

186 Jean-Pierre Mbelu,« Analyse et réflexion», en ligne :

<http://www.congoforum.be/fr/analysedetail.asp?id=159663>. 187 Nous tirons cette conclusion sur la base de notre analyse des affaires portées devant la Cour, qui sont d’ailleurs

disponible sur son site : <www.icj-cij.org>. Par exemple, une analyse des affaires portées devant la Cour pendant

l´intervalle de temps, 1994 et 2014, donne le constat suivant : Durant cet intervalle de temps ce sont au total soixante-

deux affaires qui été portées devant la Cour. Cinq affaires l’ont été par la voie de compromis tandis les cinquante-sept

autres l’ont été par la voie requêtes introductives d´instance. Les cinq affaires portées devant la Cour par voie de

compromis (Différend Frontalier (Burkina Faso c Niger), Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle

Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour), Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie),

Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), Différend frontalier (Bénin c Niger)), n’ont présenté aucun incident de

procédure pour que la Cour se heurte à une limite quelconque. Elles ont toutes abouti à des arrêts, et de surcroit avec

rapidité parce qu’ayant été portées devant des formations restreintes de chambres au sein de la Cour. La moyenne en

termes de temps mis dans le traitement de ces affaires se situe entre trois et quatre ans. Par ailleurs, l’exécution des

décisions qui ont découlé de ces affaires, n’a été objet d’aucun incident majeur. Parmi les cinquante-sept affaires

portées devant la Cour par la voie de requête unilatérale, ce sont seulement vingt, qui ne lui ont suscité aucune difficulté

(allusion aux exceptions d´incompétence et d’irrecevabilité de la Cour). Sur les trente-sept autres affaires restantes,

cinq affaires (Certaines questions en matière de relations diplomatiques (Honduras c Brésil); Épandages aériens

d'herbicides (Équateur c Colombie); Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de l'Organisation

des Nations Unies (Commonwealth de Dominique c Suisse); Certaines procédures pénales engagées en France

(République du Congo c France); et Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo

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À cette hypothèse, il est possible dans une certaine mesure de lier l’affaire Détroit de Corfou

(Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie), qui se solda par la

condamnation de l’Albanie (pays en voie de développement) au versement de la somme de

843.947 livres sterling, au Royaume-Uni.188 La Cour avait en espèce établi la responsabilité de

l'Albanie au regard du droit international, des explosions des mines qui furent à l’origine des

dommages et pertes humaines qui eurent lieu le 22 octobre 1946 dans les eaux albanaises. 189 Cette

affaire avait été portée devant la Cour sur requête du Royaume-Uni le 22 mai 1947 quoiqu' après

l’arrêt de la Cour du 25 mars 1948 sur les exceptions préliminaires, les parties décidèrent de saisir

la Cour par compromis pour la suite de la procédure au fond.190 C’est seulement en 1992 que

l’Albanie s’acquittera de cette réparation après la signature avec le Royaume-Uni d’un

mémorandum d’accord à la date du 8 mai 1992.191

Par ailleurs, des considérations d’ordre politique peuvent servir d’explication à la réticence

des États dans l'exécution des décisions de la Cour, notamment, celles issues des affaires introduites

par la voie de requête unilatérale. Théoriquement, on peut douter qu’un État qui aurait passé tout

le temps à contester la compétence de la Cour durant la procédure de traitement d’une affaire

procède facilement à l’exécution de la décision qui en découlera si une telle décision devrait

déboucher à sa condamnation. L’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et

contre celui-ci192renforce cette réalité. À ce sujet, Philippe Weckel disait des États-Unis qu’en

«s’appuyant sur leur contestation de la juridiction de la Cour, ils n’ont pas tenu compte de son

c Rwanda)), ont été radiées du rôle de la Cour, surtout par désistement du requérant de l’instance avec le désespoir

d’avoir gain de cause. Ensuite, les trente-deux affaires restantes ont confronté la Cour à des difficultés liées à des

exceptions d’irrecevabilité ou des exceptions préliminaires soulevées par certains États parties pour contester sa

compétence. L’inconvénient des exceptions se situent à un double niveau : D’une part elles ont pour effet de paralyser

la compétence de la Cour pour qu’elle se dessaisisse d’une affaire à elle soumise, et d’autre part, elles empêchent une

résolution rapide des affaires. En clair, lorsque la Cour est saisie d’une affaire contre laquelle l’une des parties formule

des exceptions préliminaires ou d’irrecevabilité, elle devra avant de la trancher, vérifier sa compétence en l’occurrence

par un arrêt qu’elle rend. C’est après un tel arrêt sur ces exceptions qu’elle pourra à proprement parler, rendre une

décision sur le cas qui lui a été soumis si toutefois elle s’estime compétente (C’est le principe de la compétence de la

compétence de la Cour, prévu au paragraphe 6 de l’article 36 de son Statut qui stipule que : « En cas de contestation

sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide »). 188 Supra note 47. 189 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne c République populaire d’Albanie), [1949] CIJ

rec 4. 190 Ibid à la p 6. 191 Raymond Goy, « Le sort de l'or monétaire pillé par l'Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale » (1995)

41 :1 AFDI 382 à la p 390. 192 Supra note 80.

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jugement, ont refusé toute discussion bilatérale en vue de déterminer les conséquences de l’arrêt»

193.

Dans l’affaire relative au Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) qui fut portée

devant la Cour sur requête du Cambodge le 6 octobre 1959, la Cour y avait déduit la souveraineté

du demandeur sur le territoire sur lequel est situé le Temple de Préah Vihéar dans son arrêt du 15

juin 1962.194 De ce fait, la Thaïlande devrait retirer toutes ses forces armées, de police et autres

gardes ou gardiens qu'elle avait déployées dans le temple et ses environs. La Thaïlande était par

ailleurs tenue de restituer au Cambodge tous les objets dont elle s’y était emparée depuis la date de

l'occupation du temple par elle en 1954.195 L’objet du différend fut donc la souveraineté sur ce

temple.196 La Cour établit sa compétence en l’occurrence sur la base des déclarations d’acceptation

de la juridiction des deux parties, faites le 20 mai 1950 pour la Thaïlande et le 9 septembre 1957

pour le Cambodge,197 alors que la Thaïlande s’y était opposée.

Le 28 avril 2011, la Cour était à nouveau saisie par le Cambodge par le moyen d’une requête

au sujet du même différend, mais en demandant cette fois-ci à la Cour, une interprétation de son

arrêt rendu depuis le 15 juin 1962 et qui lui donnait la souveraineté sur le temple de Préah

Vihéar.198 La Thaïlande avait en effet manqué d’exécuter cet arrêt de la Cour. Elle avait

certainement continué de maintenir la présence de ses forces armées sur le territoire occupé par le

temple et dont la souveraineté lui avait été contestée par la Cour au profit du Cambodge. À la suite

de la demande d’interprétation formulée par le Cambodge, la Cour rendit une ordonnance en

indication de mesures conservatoires à la date du 18 juillet 2011. Cette décision prévoyait que « la

Thaïlande ne doit pas faire obstacle au libre accès du Cambodge au temple de Préah Vihéar ni à la

possibilité pour celui-ci d’y ravitailler son personnel non militaire »199. Tout laisse de ce fait

conclure que la Thaïlande ne s’était pas conformée à la décision de la Cour qui la condamnait à

193 Philippe Weckel, « Les suites des décisions de la Cour internationale de Justice » (1996) 42 :1 AFDI 428 à la p 428. 194 Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1962] CIJ rec 6 à la p 36. 195Ibid à la p 37. 196 Jean-Pierre Cot, « L'arrêt de la Cour internationale de Justice dans l'affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge

c. Thaïlande - Fond) » (1962) 8 :1 AFDI 217 à la p 220. 197 Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1961] CIJ rec 17. 198 Demande en interprétation de l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c

Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande), [2013] CIJ rec 281 à la p 285 au para 1. 199Ibid à la p 286 au para 4.

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restituer le temple de Préah Vihéar au Cambodge, raison pour laquelle celle-ci n’avait autre choix

que de faire encore recours à la Cour.

C’est pourquoi Mohamed Bedjaoui disait que « la décision de saisir la Cour est elle aussi,

dans chaque cas, la conséquence d'un choix politique, lui-même motivé, selon l'occurrence, par des

facteurs fluides de nature diplomatique, économique (…). Cela explique pourquoi (…), nombre de

différends classiquement reconnus comme justiciables de la Cour ne lui ont pas été soumis »200. Ce

qui semble renforcer les réticences qui s’observent parfois dans la mise en œuvre des décisions de

la Cour par les États (ceux condamnés).

Quand bien même qu’il serait possible pour un État victime de l’inexécution d’une décision

de la Cour de faire recours au Conseil de sécurité de l’ONU pour une exécution forcée, cette option

présente aussi des limites qu’il sied de montrer.

B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une exécution

forcée des décisions de la Cour

En sa qualité d’Organe judiciaire principal de l’ONU, la CIJ bénéficie en principe de l’appui

du Conseil de sécurité pour l’exécution à proprement parler de ses décisions. Dès lors que l’arrêt

est rendu et qu’aucun recours n’est intervenu à son encontre, les parties doivent procéder à son

exécution. D’où le caractère obligatoire201 des arrêts de la Cour. Toutefois, il n’en demeure pas

moins que cette exécution peut parfois se heurter à des difficultés liées au refus d’une des parties

de s’acquitter de sa part de responsabilité. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 94 de la Charte

«Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale

de Justice dans tout litige auquel il est partie». Ce paragraphe oblige les États membres de l’ONU

à se conformer aux décisions de la Cour. En plus de ces États, cette obligation incombe aux États

non membres de l’ONU, mais qui sont parties au Statut de la Cour. Par exemple, en adhérant au

Statut de la CIJ, le Japon avait de ce seul fait, accepté de s’acquitter de « toutes les obligations qui

incombent à un membre des Nations Unies en vertu de l’article 94 de la Charte »202, alors même

200 Mohammed Bedjaoui, L'humanité en quête de paix et de développement (II) : cours général de droit international

public, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2006 à la p 92 [Bedjaoui]. 201 Supra note 6, art 59. 202 Demande du Japon pour devenir partie au Statut de la Cour internationale de Justice, Rés AG 805 (VIII), Doc off

AG NU, 8e sess, Doc NU A/2600 (1953) 56.

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qu’il n’était pas encore membre de l’ONU. Quant aux États admis à ester devant la Cour sans être

parties à son Statut, et qui n’ont pas non plus la qualité de membres des Nations Unies, leur

obligation à devoir se conformer aux décisions de la CIJ est organisée par le Conseil de sécurité de

l’ONU qui en vertu du paragraphe 2203 de l’article 35 du Statut de la Cour, a adopté la résolution

9204, du 15 octobre 1946. Aux termes du paragraphe 1 de cette Résolution, le Conseil évoque que

tout État non partie au Statut de la Cour, pourrait accepter la juridiction obligatoire de la Cour.205

Dans l’affaire de l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro)206, la Cour a dû faire référence à cette

résolution pour justifier sa compétence, car en l’occurrence l’une des parties n’était pas membre

des Nations Unies. Il s’agissait de la ‘’Serbie-et-Monténégro’’, qui était à cette époque un État à

part entière. Sa scission n’interviendra que plus tard pour donner naissance à deux États : ce sont

la Serbie, dont l’adhésion à l’ONU est intervenue le 1er novembre 2000207, et le Monténégro qui

devint membre de la même Organisation à la date du 28 juin 2006.208

Cette exécution de bonne foi des décisions de la Cour semble être empruntée du Pacte de

la SDN. Son article 13209 faisait obligation aux membres de ladite Organisation de réserver une

exécution sincère aux décisions qui émaneraient non seulement de la CPJI, mais aussi des tribunaux

arbitraux. C’est le paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte qui révèle la nécessité qui réside dans

l’exécution des décisions de la Cour, et les implications qui s’attachent à leur empiètement. Selon

ce paragraphe, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu

d'un arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge

nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter

203 « Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des

traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties

aucune inégalité devant la Cour ». 204 Conseil de sécurité des Nations Unies, « Résolutions du Conseil de sécurité en 1946 », en ligne :

<http://www.un.org/fr/sc/documents/resolutions/1946.shtml>. 205 À cet effet, il « devra avoir déposé préalablement au greffe de la Cour une déclaration par laquelle il accepte la

juridiction de la Cour conformément à la Charte des Nations Unies et aux conditions du Statut et du règlement de la

Cour, déclaration par laquelle il s’engage à exécuter de bonne foi la ou les sentences de la Cour et à accepter toutes les

obligations mises à la charge d’un Membre des Nations Unies par l’article 94 de la Charte ». 206 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c

Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595. 207 Nations Unies, « États membres », en ligne : < http://www.un.org/fr/members/>. 208 Supra note 207. 209 Cet article stipule que : « Les Membres de la Société s’engage à exécuter de bonne foi les sentences rendues par la

Cour permanente ou les tribunaux arbitraux ».

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l'arrêt ». En clair, ce paragraphe ouvre la voie à l’exécution forcée des décisions de la Cour, devant

le Conseil de Sécurité, à la demande de toute partie. La seule tentative d’application de cette

disposition dans l’affaire Activités militaires au Nicaragua contre le Nicaragua s’est heurtée au

veto des États-Unis qui étaient alors, partie au différend.210 C’est de près l’un des incidents

malheureux qui ternit l’image de la Cour, cet usage de véto des membres permanents du Conseil

de Sécurité, surtout lorsque l’un d’eux est partie à un différend. Mais bien avant d’en arriver aux

obstacles liés à l’exécution des décisions de la Cour par le fait de l’usage par les membres

permanents du Conseil de sécurité de leur droit de veto, tenons-nous au contenu même du

paragraphe 2 de l’article 94 de Charte pour constater les limites qui s’y dégagent.

D’une part, ce paragraphe ne laisse pas présumer la possibilité d’un recours devant le

Conseil de sécurité pour une exécution forcée de décisions de la Cour autres que les arrêts.

Quoiqu’il soit possible donc de recourir au Conseil de sécurité, ce recours semble limité aux arrêts

de la Cour et ne concernerait donc pas ses ordonnances.211 Pourtant ces ordonnances sont d’une

grande utilité surtout quand elles visent à indiquer des mesures conservatoires relatives à l’arrêt

d’hostilités, de sorte que leur urgence devrait commander une célérité d’action de la part du Conseil

de sécurité. Par exemple, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur

l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie)212,

bien avant l’arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées par la Russie, la Géorgie avait demandé

à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires parce qu’elle subissait des attaques armées russes

sur une partie de son territoire. Le 15 octobre 2008, la Cour prit une ordonnance dans ce sens et

invitait ainsi les parties à la protection des personnes et de leurs biens, à la facilitation de l’aide

humanitaire apportée aux populations locales des provinces géorgiennes de l’Abkhazie et de

l’Ossétie du Sud.213Mais en réalité, le cessez-le-feu n’interviendra pour arrêter les violences qu’à

partir d’une médiation de la France.214

210 Guillaume, supra note 48 aux pp 181-182. 211 Kolb, supra note 41 à la p 872. La doctrine reste toutefois divisée sur la question, à savoir si les ordonnances de la

Cour peuvent aussi faire l’objet de recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité de l’ONU au même titre

que ses arrêts. 212 Supra note 91. 213 Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie

c Fédération de Russie), Ordonnance du 15 octobre 2008, [2008] CIJ rec 353 aux pp 398-399 au para 149. 214 Perspective Monde, « Cessez-le-feu dans le conflit entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud », en ligne :

<http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1190>.

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D’autre part, en partant de l’idée que les États sont des entités souveraines et qu’il est dans

une certaine mesure impossible pour quiconque de s’immiscer dans leurs politiques internes,215 on

peut s’attendre à une limite à l’action du Conseil de sécurité visant à forcer un État à l’exécution

d’un arrêt de la Cour, aussi longtemps que le refus de l’exécution ne constitue pas une menace à la

paix et à la sécurité internationales.216 Dans cette hypothèse, le Conseil de sécurité agirait en

principe, non pas pour faire aboutir l’exécution de l’arrêt de la Cour en premier lieu, mais pour

protéger la paix et la sécurité internationales, en vertu des pouvoirs que lui confère le chapitre VII

de la Charte de l’ONU.217

Toutefois, s’il peut être facile au Conseil de sécurité de contribuer à la mise en œuvre des

arrêts de la Cour contre tous les États en général, rien n’est moins sûr qu’il puisse jouer ce même

rôle lorsque ces arrêts impliquent ses membres permanents en particulier.

Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre

permanent du Conseil de sécurité

Les limites aux recours aménagés en faveur des États parties à des différends devant la CIJ

pour l’exécution forcée de ses arrêts par le Conseil de sécurité se conçoivent encore plus aisément

surtout lorsque de tels recours sont orientés contre les membres permanents de ce Conseil. Le droit

dont chacun des membres permanents du Conseil de sécurité jouit pour pouvoir faire usage de son

veto pour paralyser l’adoption d’une résolution est ce qui justifie le plus les incertitudes liées à

l’aboutissement de ces recours en exécution forcée (paragraphe 1). C’est la traduction de l’idée

selon laquelle l’exécution des arrêts de la Cour par les membres du Conseil de sécurité présente

des difficultés non moins négligeables si l´on en croit à certains exemples d’affaires bien précis

(paragraphe 2).

215 C’est l’idée relative au principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État, proclamé au paragraphe

7 de l’article 2 de la Charte de l’ONU. 216 Guillaume, supra note 48 à la p 181. 217 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 644. 218 Supra note 1, art 24 au para 1.

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Paragraphe 1 : L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de

l’ONU sur l’exécution des arrêts de la Cour

Le Conseil de sécurité est celui à qui il appartient en premier lieu de promouvoir le maintien

de la paix et de la sécurité internationales.218 Sa composition ressort du paragraphe premier219 de

l’article 23 de la Charte de l’ONU. C’est lors de la prise des décisions qu’apparaît la possibilité

pour ses membres permanents de faire usage de leur droit de veto. À en croire au Dictionnaire de

droit international public, le veto est un « vote négatif au sein d’un organe collégial empêchant par

lui seul l’adoption d’une proposition.».220 Le droit des membres permanents à l’usage du véto se

trouve prévu au paragraphe 3 de l’article 27 de la Charte de l’ONU qui affirme que : « Les décisions

du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses

membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents […].».

Pour nous rendre à l’évidence de l’impact de l’usage du droit de veto par les membres

permanents du Conseil de sécurité, nous prenons pour appui les aspects définitionnels que Bardo

Fassbender pense du veto. Pour lui en effet, l’usage du droit de veto doit être perçu sous quatre

angles dont deux nous serviront dans notre raisonnement.221 Premièrement, l’usage du veto apparait

comme une aubaine pour les membres permanents du Conseil de sécurité de faire valoir leur

souveraineté, chacun individuellement à l’égard des autres membres. En cela, Bardo Fassbender

aligne son point de vue sur celui du professeur Brierly, qui établit la corrélation entre la règle de

l’unanimité et la souveraineté des membres du Conseil de sécurité en ces termes :

The general body of states has no legislature, no machinery, that is to say,

which allows a majority to outvote a dissentient minority and to pass measures into law

which will then become binding on all, whether they have agreed or not ; for the

member states are ‘sovereign’, and one of the consequences of sovereignty is that a

state’s legal position cannot be altered referred to as the ‘rule of unanimity’, or

sometimes it is said that states have a right of ‘veto’ on changes in the law….222.

219 Ce paragraphe dispose que : « Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La

République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne

et d'Irlande du Nord, et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres

Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée

générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien

de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique

équitable ». 220 Salmon, supra note 2 à la p 1129. 221 Bardo Fassbender, UN Security Council Reform and the Right of Veto: A constitutional perspective, Hague; Boston,

Kluwer Law International, 1998 aux pp 277-281 [Fassbender]. 222 Fassbender, supra note 221, à la p 278, op. cit.

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À y voir de près, si l’usage du veto offre à chacun des membres permanents du Conseil le

privilège d’avoir une prise de position dans l’adoption des décisions les plus importantes au sein

de la communauté internationale, il permet aussi que cette prise de position compte pour l’ensemble

des membres du Conseil dans la mesure où la règle de l’unanimité suppose que la prise d’une

décision au sein de ce Conseil ne saurait aboutir tant qu’un membre permanent aurait émis un vote

négatif.

Le deuxième aspect définitionnel que cet auteur sous-entend du veto est que celui-ci permet

à chaque membre permanent du Conseil de sécurité la possibilité d’empêcher toute ingérence de

l’ONU dans la gestion de sa politique intérieure, voire de protéger tout autre État de son choix

contre une telle ingérence. Ainsi dit-il que: « The veto gives each of the permanent members ‘the

capacity to prevent the operation of the United Nations enforcement system against itself, against

any state which it chooses to support and protect, or in any other case in which it prefers not to

participate or to have others participate in an enforcement venture under United Nations

auspices’»223. Cette dernière idée suppose que, d’une part, l’impact de l’usage du droit de veto sur

l’exécution d’un arrêt de la Cour peut profiter à chacun des membres permanents du Conseil de

sécurité pris individuellement s’il se trouve que c’est l’un d’eux qui est visé par le recours pour une

exécution forcée d’arrêt de la Cour.

De ce point de vue, supposons deux États A et B, parties à un différend porté par requête

devant la Cour par l’État A; et que, A et B sont tous des membres permanents du Conseil de

sécurité. En cas d’inexécution de l’arrêt de la Cour ayant découlé dudit différend par l’État B, l’État

A pourra effectivement recourir au Conseil de sécurité pour obtenir une exécution forcée de l’État

B en vertu du paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte de l’ONU. Dans la mesure où l’État B est

aussi un membre permanent du Conseil et a de ce point de vue un droit de veto, il pourra du coup

empêcher l’adoption de la résolution que le Conseil de sécurité voudrait prendre à son encontre par

un vote négatif.

Dans un autre sens, supposons que la Cour soit saisie d’une affaire sur requête d’un État X

contre un autre État Y et que ce soit ce dernier qui ait succombé au terme de l’arrêt rendu, sachant

qu’il nourrit de bonnes relations diplomatiques avec un autre État A, membre permanent du Conseil

223 Ibid., à la p 280, op. cit.

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de sécurité. Si l’État Y refuse de se conformer à l’arrêt qui le condamne, l’État X tient du

paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte le droit de recourir au Conseil de sécurité pour obtenir de

lui, l’adoption d’une résolution qui viserait à contraindre l’État Y à mettre en œuvre l’arrêt de la

Cour. Toutefois, cette résolution pourrait ne point aboutir en raison de l’État A, qui pourra faire

usage de son droit de veto pour émettre un vote négatif dans l’optique de protéger l’État Y compte

tenu de l’excellence des relations diplomatiques qu’il entretient avec lui.

Sur ce, si le véto peut être bénéfique au membre permanent du Conseil qui en fait usage, il

peut en être autrement pour les autres États membres permanents ou non permanents. Dans son

ouvrage intitulé, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états

avant le pacte de la Société des Nations, Charles Dupuy souligna à juste titre les méfaits de cet

usage du véto par les membres permanents du Conseil de la SDN en ces termes : « Lorsque la

Pologne fut envahie, en 1920, Lloyd George déclara qu’il était inutile de saisir le Conseil de la

Société des Nations, pour cette raison, que les décisions n’y pourraient être prises qu’à l’unanimité

et que l’unanimité n’existait pas entre les membres de la Société sur la politique à suivre à l’égard

de la Pologne d’une part, et du Gouvernement des Soviets d’autre part.»224. Le véto d’un membre

permanent du Conseil de sécurité peut donc être contreproductif pour tout autre État non membre

du Conseil.

Il est possible de déduire cet effet contreproductif de l’usage du veto sur le Nicaragua suite

au refus des États-Unis de se conformer à l’arrêt de la Cour dans les Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique)225. Cela peut

se déduire du fait du temps écoulé entre la date de l’arrêt226 incriminant les États-Unis et le jour où

l’ordonnance227 de radiation de l’affaire du rôle de la Cour est intervenue. La seule option à laquelle

le Nicaragua pouvait recourir pour faire exécuter l’arrêt de la Cour par les États-Unis était le recours

au Conseil de sécurité. Après que son recours se soit heurté au veto étatsunien qui paralysa

l’adoption de la résolution qui devrait être prise par le Conseil, le Nicaragua finit par se désister.

Rien ne pourrait prouver que le Nicaragua introduirait cette instance devant la Cour s’il savait

effectivement que les États-Unis se garderaient d’exécuter l’arrêt qui y découlerait, et ce, malgré

224 Charles Dupuy, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états avant le pacte de la

Société des nations, Paris, Plon-Nourrit et cie, 1921 à la p 198. 225 Supra note 80. 226 Supra note 49. 227 Supra note 112.

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un recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité. Autant vaudrait en effet, pour le

Nicaragua de ne pas saisir la Cour, que de le faire sans jamais obtenir de son adversaire la mise en

œuvre de l’arrêt qui devrait le condamner.

Cette affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-

ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), occupe une grande place au sein de la jurisprudence de la

Cour au regard des implications qui ont été la sienne, à telle enseigne qu’il nous apparaît tout à fait

légitime de réserver un développement en entier sur elle, de même que l’affaire des Essais

nucléaires.

Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre

permanent du Conseil de sécurité de l’ONU

Parmi les arrêts de la Cour qui ont fait objet d’inexécution par un membre permanent du

Conseil de sécurité, figure en bonne place l’affaire Activités militaires au Nicaragua contre celui-

ci (A). En plus de cette affaire, celle relative aux Essais nucléaires aurait d’une certaine manière

contribuée à lever toute équivoque sur les méfiances des membres du Conseil de sécurité à se voir

attraire devant cette Haute Juridiction et a fortiori, se soumettre à sa compétence (B).

A- L’inexécution par les États-Unis de l’arrêt de la Cour dans l’affaire relative aux

Activités militaires au Nicaragua contre celui-ci228

Il est presqu' impossible de réaliser une étude approfondie sur la jurisprudence de la CIJ

sans avoir égard à l’affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre

celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique)229, compte tenu de son importance. À ce sujet,

l’agent du Nicaragua disait en 1984, au cours de l’introduction de l’instance devant la Cour que :

« Si cette affaire a suscité un intérêt mondial, ce n'est pas en raison des problèmes proprement

juridiques en cause, mais parce que l'espoir dans le monde réside dans cette possibilité, pour une

petite nation de trouver protection dans ce Palais de la Paix »230.

228 Nous avons choisi de réserver un développement en entier à cette affaire à travers ce point, car même si nous

l’avions souvent abordée dans nos raisonnements précédents, ce fut de façon parcellaire. 229 Supra note 49. 230 Supra note 80 aux pp 67-68.

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Sur ce, cette importance de l’affaire tient au mérite d’avoir impliqué les États-Unis, qui sont

également l’un des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (article 23 paragraphe 1

de la Charte de l’ONU). Elle reste de même relative aux règles de droit international qui y ont

trouvé application. Pour certaines d’entre elles, ce fut la première fois à avoir fait objet

d’application tandis que pour d’autres, ce fut un cadre idéal pour leur activation même si elles

avaient été évoquées bien avant dans d’autres affaires. C’est le cas des principes du non-recours à

la force231 (sauf cas de légitime défense individuelle ou collective)232, de la non-ingérence dans les

affaires d’un autre État233, de l’égalité souveraine des États234, sans oublier les implications

humanitaires qu’avait cette affaire et qui conduisirent la Cour à faire recours à certaines règles de

droit international humanitaire235.

Outre cette importance, le choix de cette affaire réside dans ses conséquences directes ; ce

qui nous sert d’appui pour témoigner des risques liés à l’introduction d’instance par la voie de

requête unilatérale devant la CIJ contre un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ces conséquences directes sous-entendent d’abord, les exceptions d’irrecevabilité de la requête

devant la Cour,236 ensuite la non-comparution lors du jugement au fond,237 en plus de l’inexécution

de l’arrêt et de la radiation de l’affaire du rôle de la Cour,238 par le seul fait du défendeur, à savoir,

les États-Unis qui, enfin, finiront par retirer leur déclaration facultative de juridiction obligatoire

en signe de désaveu de la juridiction de la CIJ239.

En effet, c’est après la chute du gouvernement du président nicaraguayen, Anastasio

Somoza Debayle en juillet 1979, que ce différend intervient entre le Nicaragua et les États-Unis.

Ce départ fait suite à la mise en place d’un gouvernement appuyé par une junte qui avait pour

231 Supra note 49 aux pp 146-147 au para 292.4. Pour en savoir davantage sur le fait que le principe du non recours à

la force contre un autre État, a été invoqué, la première fois, voir Caroline Lang, l’Affaire Nicaragua/États-Unis devant

la Cour internationale de Justice, Paris, Librairie Générale de droit et de jurisprudence, 1990 à la p 202 [Lang]. 232 Article 51 de la Charte de l’ONU. 233Supra note 49 à la p 146 au para 292.3. 234Supra note 49 aux pp 143-148. 235 Ibid. 236 Pour cerner le contenu de ces exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité, voir l’arrêt de la Cour dans l’affaire

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), compétence

et recevabilité : Supra note 80. 237 Infra aux notes 251 et 252. 238 Infra aux note 255. 239 Gharbi, supra note 159.

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mission d’aider à la reconstruction nationale.240 Jusqu’en 1981 après ces événements, le

gouvernement du Nicaragua bénéficiait du soutien et de l’assistance des États-Unis, qui mettront

fin à leur collaboration à partir de cette date.241 Ce fut l’occasion pour l’opposition au

gouvernement nicaraguayen de se scinder au tour de la Fuerza Democratica Nicaragüense (FDN)

et de 1'Alianza Revolucionaria Democratica (ARDE), qui constituaient la guérilla de las

Contras.242 Dès lors, on assistera à un revirement des États-Unis dans leur politique de soutien en

la faisait bénéficier maintenant à las Contras au détriment du gouvernement nicaraguayen. Il n’en

fallait pas plus que ces derniers commencent à se livrer à des attaques contre ce gouvernement et

contre des populations civiles à travers des exécutions de prisonniers, des assassinats et meurtres

de civils, des tortures, des viols et des enlèvements.243

La requête du Nicaragua devant la Cour fut introduite le 9 avril 1984.244 Ce fut dans un

contexte de conflit armé qui opposait le gouvernement de cet État à la guérilla de las Contras245.

À en croire au contenu de cette requête, le soutien dont bénéficiait cette guérilla proviendrait des

États-Unis. Pour le Nicaragua en effet les États-Unis seraient à la base du recrutement, de la

formation, de l’armement, de l’équipement, du financement, et de tout autre approvisionnement

dont les Contras bénéficiait pour mener des attaques armées contre son gouvernement.246 Outre

ces actions de déstabilisations indirectes perpétrées par les États-Unis à l’encontre du Nicaragua,

ce dernier reprochait à son adversaire de se livrer à d’autres activités, en violation directe du droit

international.247 C’est entre autre la violation de ses espaces aérien, terrestre et maritime par des

forces spéciales américaines, la réduction de ses importations en provenance des États-Unis, en

plus d’un embargo commercial imposé par les États-Unis, etc.248 D’où l’intérêt du Nicaragua à

avoir saisi la Cour contre les États-Unis en les y assignant. Toutefois, les problèmes auxquels cette

affaire s’est heurtée sont tel qu’il est possible d’alléguer qu’il en aurait été autrement si le

demandeur avait pu négocier la conclusion d’un compromis avec les États-Unis. Parmi ces

240 Supra note 49 aux pp 20-21 au para 18. 241 Supra note 49 à la p 21 au para 19. 242 Supra note 49 à la p 21 para 20. 243 Supra note 239. 244 Supra note 49 à la p 16 au para 1. 245 Lang, supra note 231 aux pp 2-4. 246 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), requête

introductive d’instance nicaraguayenne du 9 avril 1984 à la p 17 au para 26. 247 Ibid aux para 21 et 26. 248 Supra note 49 à la p 22 au para 22.

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difficultés, de prime abord, l’on note l’objection américaine à la saisine de la Cour par la voie

unilatérale. Sur ce, la Cour devrait démontrer sa compétence à connaître de l’affaire, car les États-

Unis s’y étaient opposés à travers des exceptions d’irrecevabilité qu’ils ont formulées à la suite de

la saisine de la Cour.249

Dans son arrêt du 26 novembre 1984, la Cour affirme être compétente pour connaître de

l’affaire, rejetant ainsi les exceptions auxquelles les États-Unis faisaient référence.250 Il lui fallait

ainsi examiner l’affaire au fond. Cependant et parce qu’ayant été déçus de l’arrêt la compétence de

la Cour à connaitre de l’affaire, les États-Unis n’ont plus voulu comparaitre au cours de la phase

consacrée au fond du jugement de l’affaire.251 Ils l’ont mentionné à la Cour dans une lettre datée

du 18 janvier 1985.252 La non-comparution du défendeur n’est pourtant pas sans conséquence sur

la bonne administration de la justice, car en l’occurrence, il appartiendra à la Cour de s’impartir un

rôle que devrait en principe jouer le défendeur en se chargeant de l’administration de la preuve, ou

bien confier un tel rôle au demandeur.253 Or, au cours de la procédure orale sur le fond, l’agent du

Nicaragua s’était opposé à ce que la Cour s’acquitte de la charge de la preuve en faveur des États-

Unis.254

Par ailleurs, si la non-comparution des États-Unis n’a pas empêché la Cour de poursuivre

la procédure au fond pour déboucher à l’arrêt du 27 juin 1986, il n’en demeure pas moins le refus

de cet État de l’exécuter. Ce fut la raison du recours opéré par le Nicaragua devant le Conseil de

sécurité de l’ONU, espérant obtenir de ce dernier qu’il adopte une résolution qui oblige les États-

Unis à se conformer à l’arrêt de la Cour. Toutefois, en tant que membre permanent de ce Conseil

et y ayant par voie de conséquence un droit de veto, les États-Unis paralysèrent l’adoption d’une

telle résolution qui devrait les incriminer. D’où le désistement du Nicaragua et la radiation de

l’affaire du rôle de la Cour.255 Peut-être furent-ils humiliés dans cette affaire, et en tirant leçon de

de cette situation, les États-Unis décidèrent de retirer leur déclaration de juridiction obligatoire en

249 Supra note 80 aux pp 396-397 aux para 8 et 9. 250 Supra note 80 à la p 442 au para 113.1)a). 251 Supra note 80 à la p 20 au para 17. 252 Supra note 49 à la p 14 au para 10. 253 Lang, supra note 231 à la p 194. 254 Lang, supra note 231 à la p 194. 255 Supra note 112. 256 Gharbi, supra note 159 à la p 439. 257 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 642-643.

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vertu de laquelle la Cour établit sa compétence pour connaitre de l’affaire.256 Cette affaire révèle

de par tout ce qui précède, les risques liés à la possibilité pour un État demandeur d’obtenir d’un

État, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, l’exécution d’un arrêt de la CIJ qui le

condamne, s’il ne le souhaite pas.257

En plus de cette affaire, celle relative aux Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France)258

et (Australie c France)259, illustre tout de même cette réalité.

B- L’inexécution par la France de l’ordonnance de la Cour relative aux mesures

conservatoires dans l’affaire des Essais nucléaires

Il ressort des faits de cette affaire qu’au début des années 70, la France avait entrepris de

procéder à des essais d’armes nucléaires en haute Polynésie française.260 Vu la proximité entre

cette région et les territoires de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ces derniers craignaient de

subir des répercussions directes de ces essais, sous la forme de matières radioactives qui seraient

dangereuses pour la santé de leurs populations.261 Ainsi, avaient-ils engagé des tentatives de

négociations avec la France afin de la convaincre à renoncer à ces essais d’armes nucléaires. Ces

tentatives n’ayant pas abouti,262 ce fut l’occasion pour ces deux États de porter l’affaire devant la

CIJ par la voie de requête unilatérale, à la même date, soit le 9 mai 1973.263

La proximité entre les faits dans ces deux affaires par l’idée qu’ils avaient le même objet,

fit en sorte que les requêtes par le biais desquelles elles furent introduites devant la Cour avaient

presqu’un objet similaire. Sur ce, la Nouvelle-Zélande demandait à « la Cour de dire et juger que

les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives effectués par le Gouvernement français

dans la région du pacifique Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au

regard du droit international et que ces droits seront enfreints par tout nouvel essai.».264 Quant à

258 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), [1974] CIJ rec 457. 259 Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253. 260 David Ruzié, Droit international public, 18e éd., Paris, Dalloz, 2006 à la p 236 [Ruzié]. 261 Supra note 259 à la p 258 au para 18 ; voir aussi supra note 258 à la p. 462 au para18. 262 Supra note 259 aux pp 260-261 aux para 26-27 ; voir aussi Supra note 258 à la p 464 au para 26. 263 Supra note 258 à la p 458 au para 1 ; voir aussi supra note 259 à la p 254 au para 1. 264 Supra note 258 aux pp 459-460 au para 11. 265 Supra note 259 à la p 256 au para 11. 266 Essais nucléaires (Australie c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 99 ; voir aussi supra note 160. 267 Supra note 259 à la p 255 au para 5.

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l’Australie, elle demandait pour sa part à « la Cour de dire et juger que (…), la poursuite des essais

atmosphériques d'armes nucléaires dans l'océan Pacifique Sud n'est pas compatible avec les règles

applicables du droit international et ordonner à la République française de ne plus faire de tels

essais. ».265 C’est pourquoi d’ailleurs, les arrêts dans ces affaires ont tous été rendus à la même

date, soit le 20 décembre 1974, de même que les ordonnances en indication de mesures

conservatoires qui furent rendues le même jour du 22 juin 1973266, bien que leurs demandes ne

fussent pas introduites à la même date. C’est le 9 mai 1973 en effet, que l’Australie fit sa demande

à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires, concomitamment à sa requête introductive

d’instance.267 Contrairement à la Nouvelle-Zélande, dont la demande d’indication de mesures

conservatoires fut présentée le 14 mai 1973.268

Ce qui importe le plus dans ces affaires, c’est l’attitude de la France, en tant que défendeur,

et qui est aussi un membre permanent269 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce qui permet

de déduire de ces affaires, qu’on aurait davantage gagné si chacun des demandeurs (Australie et

nouvelle Zélande), avait pu associer la France dans la saisine de la Cour en réussissant à obtenir

avec cet État, la conclusion d’un compromis pour servir de voie au recours à la Cour. Un certain

nombre de faits nous permet ce point de vue.

D’abord, dans ces affaires, la Cour fut heurtée à une contestation de sa compétence par la

France. Cette dernière soutenait son incompétence à pouvoir connaitre de ces affaires. Ce fut à

travers une lettre qui datait du 16 mai 1973, adressée au greffe de la Cour. Cette lettre indiquait qu’

« ainsi qu'il en a averti (…), le Gouvernement de la République française estime que la Cour n'a

268 CIJ, communiqué, 73/10, « Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France) » (14 mai 1973), en ligne :

<http://www.icj-cij.org/docket/files/59/11558.pdf>. 269 Supra note 1, art 23 au para 1. 270 Supra note 259 aux 256-257 au para 13; voir aussi supra note 258 à la p 460 au para 13. 271 Cet article stipule que, « Tous différends au sujet desquels les parties se contesteraient réciproquement un droit

seront, sauf les réserves éventuelles prévues à l'art. 39, soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice

internationale, à moins que les parties ne tombent d'accord, dans les termes prévus ci-après, pour recourir à un tribunal

arbitral. Il est entendu que les différends ci-dessus visés comprennent notamment ceux que mentionne l'art. 36 du Statut

de la Cour permanente de Justice internationale ». 272 Aux termes de cet article, « Lorsqu’un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que

devait instituer la Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de

Justice constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut. ». 273 Ce paragraphe 1 de l’article 36 dispose que, « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties

lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et

conventions en vigueur ».

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manifestement pas compétence dans cette affaire et qu'il ne peut accepter sa juridiction ».270 En

conséquence de son incompétence, la Cour devrait radier ces affaires de son rôle. Toutefois, aux

termes des paragraphes premiers des arrêts définitifs rendus dans ces affaires le 20 décembre 1974,

les demandeurs entendaient fonder la compétence de la Cour en vertu de l'article 17271 de l'Acte

général pour le règlement pacifique des différends internationaux conclu à Genève le 26 septembre

1928, l’article 37272 et les paragraphes 1273 et 2274 de l’article 36 du Statut de la Cour. Du point de

vue de la France, rien de tout cela ne devrait habiliter la Cour à faire droit aux demandeurs dans la

réception de leurs requêtes. Elle avait effectivement consenti à la compétence de la Cour à travers

sa déclaration d’acceptation de sa juridiction obligatoire du 20 mai 1966. Il n’en demeurait pas

moins que celle-ci était assortie d’une réserve prévue à son paragraphe 3 et qui excluait de la

compétence de la Cour, «des différends nés d’une guerre ou d’hostilités internationales, des

différends nés à l’occasion d’une crise intéressant la sécurité de la nation ou de toute mesure ou

action s’y rapportant et des différends concernant des activités se rapportant à la défense

nationale».275

Ensuite, dans la mesure où la Cour paraissait incompétente de son point de vue pour

connaitre de ces affaires, la France refusa de se conformer à l’ordonnance de la Cour du 22 juin

1973, qui la sommait de surseoir à ses expériences nucléaires en continuant ainsi ses essais

nucléaires.276Par ailleurs, elle se réserva de ne pas comparaître durant toute la suite de la procédure

consacrée au fond277, au grand regret de la Cour et des demandeurs, un peu comme dans l’affaire

274 Il ressort de ce paragraphe 2 que : « Les États parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer

reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre État acceptant la même

obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique ayant pour objet : a. l'interprétation d'un

traité; b. tout point de droit international; c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un

engagement international; d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international.». 275 Feydy, supra note 79 à la p 161. 276 Ruzié, supra note 260 à la p 236. 277 Supra note 259 aux pp 256-257 aux para 13 et 15 ; voir aussi supra note 258 aux pp 460-461 aux para 13 et 15. 278 La France ayant pris l’engagement de ne plus procéder à de tels essais d’armes nucléaires dans le futur. Ainsi, la

Cour jugea-t-elle sans objet les demandes qui lui avait été adressées par l’Australie et la Nouvelle Zélande : Supra note

259 à la p 272 aux para 60 et 62 ; voir aussi supra note 258 aux pp 477-478 aux para 63 et 65. 279 Supra note 259 à la p 270 au para 52. 280 Supra note 259 aux pp 271-272. 281 Gharbi, supra note 159 à la p 484 ; voir aussi Ruzié, supra note 260 à la p 236.

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Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, où les États-Unis avaient de

même refusé de comparaître.278

Toutefois, il convient de retenir de ces affaires que la France ne fut pas condamnée aux

termes des arrêts définitifs du 20 décembre 1974. La France ayant pris « l’engagement de ne plus

procéder à des essais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique sud »,279 la Cour ne trouva plus

nécessaire de poursuivre la procédure.280 Or le 10 janvier 1974, soit onze mois avant la date des

arrêts définitifs, susmentionnée, la France adressa une notification au Secrétaire général de l’ONU

au motif qu’elle retirait sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.281 Ce

retrait devrait donc être lié à un autre motif, à savoir celui qui conduisit la Cour à se déclarer

compétente. Mais, est-ce que cela valait réellement le coût ?

Dans tous les cas, on peut alléguer qu’il n’en aurait pas été le cas si un compromis avait été

à la base de la saisine de la Cour. Ainsi la déclaration française d’acceptation de la compétence de

la Cour aurait-elle toujours été en vigueur, car la France n’aurait plus pu remettre en cause la

compétence de la Cour, d’autant plus que ce compromis traduit la volonté commune des parties à

un différend de s’en remettre à la compétence de celle-ci.

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Conclusion de la première partie

Au terme de notre analyse consacrée à cette première partie de notre étude, il importe de

retenir que la simplicité qui réside dans le recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale, ne

suffit pas à constituer un atout de telle sorte à croire qu’il faille privilégier cette voie. Cette

simplicité tient du fait qu’un État partie à un différend pourra de sa seule initiative le porter devant

la Cour pourvu qu’il ait consenti à sa compétence, encore que cette voie de la requête unilatérale

peut lui offrir le choix entre plusieurs bases juridiques pour fonder la compétence de cette

juridiction. Malheureusement, ses garanties semblent demeurer maigres pour pouvoir préjuger que

la Cour pourrait effectivement rendre un arrêt sur le fond du différend compte tenu des exceptions

que le défendeur pourra évoquer,282 sans occulter la mauvaise foi dont il pourrait faire preuve dans

la mise en œuvre des décisions de la Cour s’il s’avère que celles-ci iraient à l’encontre de ses

intérêts. Surtout, lorsque cet État défendeur est un membre permanent du Conseil de sécurité de

l’ONU, il est d’emblée difficile de croire qu’il se conformerait aux décisions de la Cour tant que

celles-ci le condamnent comme en témoigne l’histoire de la jurisprudence de la Cour elle-même.

Face à ces insuffisances de la requête unilatérale, la voie du compromis de saisine pourrait

constituer une réponse pour renforcer la compétence de la Cour durant toute la procédure de

règlement avec l’espoir que les États qui la privilégieront n’auront presque pas la possibilité de se

défaire de la mise en œuvre des décisions qui seront rendues (Deuxième partie).

282 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 633. Force est de constater que ces auteurs partagent

ce point de vue sur les limites de l’introduction d’instance devant la CIJ par la voie de requête unilatérale. Ainsi, disent-

ils que lorsque l’instance débute par une requête unilatérale, « puisque la compétence de la Cour dépend du

consentement des parties, le défendeur se prévaudra habituellement du droit qu’il a de soulever des exceptions

préliminaires ».

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Deuxième partie : La protection de la compétence de la Cour contre les incidents de

procédure par le fait du compromis de saisine

On parle de saisine par la voie de compromis lorsque les parties conviennent de soumettre

leur différend à la CIJ d’un commun accord, donc de reconnaître sa compétence en l’espèce. Elles

concluent à cette fin ce qu’on appelle un compromis qui a, en principe la nature d’un accord

international bilatéral. Une fois saisie de ce compromis, la Cour pourra alors connaître de l’affaire.

La contribution du compromis au renforcement de la compétence de la Cour, apparaît évidente,

comme le soutient d’ailleurs, Robert Kolb pour qui, la compétence de la Cour est d’ordinaire mieux

assise sur la base d’un compromis, qui dans la grande majorité des cas, lui garantit une procédure

débarrassée d’exceptions préliminaires283 voire d’irrecevabilité. Pour se rendre à l’évidence de

cette contribution, notre raisonnement portera sur deux points essentiels. D’une part, il concernera

la portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre effective de la

règle du consensus (chapitre 1). D’autre part, il nous importera de révéler le bien fondé de la mise

en œuvre du consensualisme entre les parties qui recourent à la Cour par la voie de compromis sur

le cours de la procédure de règlement des différends (chapitre 2).

283 Supra note 53.

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Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre

effective du consensualisme

Notre analyse portera sur deux niveaux. Dans un premier temps, la portée du compromis

concerne la possibilité pour les États de soumettre leurs affaires à des formations restreintes de

chambres pour leur règlement (section 1). Dans un second temps, cette portée a trait aux avantages

directs liés au recours à la Cour par la voie du compromis (section 2).

Section 1 : La constitution des formations restreintes de chambres pour le règlement

des affaires

Force est de rappeler avant toute chose que le recours aux formations restreintes de

chambres de la Cour n’est généralement et en principe possible qu’au cas où il se fait par voie

compromis. L’idée étant qu’un État partie à un différend ne pourrait prendre l’initiative de

demander à la Cour de constituer une chambre pour connaître du différend qui l’oppose, « à moins

qu’un accord juridiquement contraignant ne lie les États en cause dans l’instance et ne prévoit la

constitution d’une telle chambre »284. Il conviendra de distinguer dans un premier temps les types

de chambres pouvant être constituées au sein de la Cour (paragraphe 1), et dans un second

temps, l’objectif sera de montrer ce en quoi consistent les atouts portant sur la constitution des

formations restreintes de chambres au sein de la Cour (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les types de chambres

Les formations restreintes de chambres au sein de la CIJ peuvent en principe être regroupées

en deux catégories. Il y a donc à distinguer d’une part, les chambres préconstituées (A) et d’autre

part les chambres ad hoc (B).

A- Les chambres préconstituées

En réalité, la CIJ n’est pas la seule juridiction qui comporte ou qui peut comporter des

chambres préconstituées, c’est-à-dire des chambres constituées au sein de la Cour indépendamment

284 Kolb, supra note 41 à la p 162.

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de sa saisine par des parties au sujet de toute affaire. Même au niveau national, les juridictions sont

souvent constituées de tels types de chambres, chacune étant spécialisée pour connaître de types

d’affaires particulières ou selon son niveau de degré hiérarchique. Nous en voulons pour preuve la

Cour de cassation française. Cette haute juridiction de l'ordre judiciaire français est divisée en trois

chambres civiles ; une chambre commerciale ; une chambre sociale ; une chambre criminelle.285

Sur le plan international encore, on note la présence de chambres préconstituées dans certaines

juridictions. C’est le cas de la Cour Pénale Internationale (CPI) dont l’article 34) b. dispose que

« les organes de la Cour sont les suivants : a) La Présidence ; b) Une Section des appels, une Section

de première instance et une Section préliminaire ; c) Le Bureau du Procureur ; d) Le Greffe ». De

cet article, on aperçoit trois chambres autour desquelles s’organise la fonction judiciaire de cette

juridiction, à savoir la chambre préliminaire, la chambre de première instance et la chambre

d’appel.

Toutefois, au niveau de la CIJ, les chambres préconstituées ne sont pas hiérarchisées en

termes de degré de juridiction. Ainsi, conviendrait-il de savoir que la CIJ n’a pas de chambre de

première instance et de seconde instance pour que lorsqu’un État justiciable n’est pas satisfait d’une

décision rendue à un premier degré, il puisse interjeter appel auprès d’une autre chambre de second

degré, qui se chargerait du réexamen de l’affaire ayant fait objet de la décision. Par ailleurs,

contrairement à la CIJ, les justiciables auprès d’autres juridictions n’ont pas souvent le choix dans

le recours à l’une quelconque des chambres, si toutefois, leur affaire porte sur une matière

(commerciale par exemple), qui rentre dans la sphère de compétence matérielle de cette chambre.

Il existe, au niveau de la CIJ, deux types de chambres préconstituées. D’une part, c’est

l’article 29 du Statut de la Cour qui fait état de ces chambres préconstituées. Cet article dispose

qu’« en vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de

cinq juges, appelés à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Deux juges

seront, en outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l'impossibilité de

siéger ». En l’occurrence, il s’agit d’une chambre dite de procédure sommaire. Parmi ses cinq juges

figurent le président et le vice-président de la Cour, à qui sont joints trois autres juges.286 L’objectif

285 Conseil départemental d’accès au droit des Landes, « La Cour de cassation », en ligne : <

https://www.courdecassation.fr/>. 286 Cour internationale de justice, « Chambres et comités », en ligne : <www.icj-cij.org>; voir aussi art 15 du

Règlement de la CIJ de 1978.

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visé en instituant cette chambre est d’offrir à des justiciables conformément à leur volonté, une

modalité de traitement accéléré du différend qui les oppose.287 Toutefois, il n’en demeure pas moins

que depuis le début du fonctionnement de la Cour en 1946288, cette chambre n’a jamais été saisie

par des justiciables,289 et ce, en dépit des appels de l’Assemblée générale des Nations Unies290 et

de l’Institut de droit international,291 pour encourager les États à y recourir. La raison pourrait tenir

du fait qu’il n’y a probablement pas de différence entre un recours devant cette chambre de

procédure sommaire et une saisine d’une chambre ad hoc, constituées au titre du paragraphe 2 de

l’article 26 du Statut de la Cour, de telle sorte que les États préfèreraient cette dernière option au

regard de la marge de manœuvre qu’ils ont dans sa composition.292

Le second type de chambre préconstituée découle de l’article 26, paragraphe 1, du Statut de

la CIJ. Ce paragraphe mentionne que : « La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs

chambres, composées de trois juges au moins selon ce qu'elle décidera, pour connaitre de catégories

déterminées d'affaires, par exemple d'affaires de travail et d'affaires concernant le transit et les

communications ». Ces chambres sont en principe constituées par la Cour avant la naissance de

tout différend. Quant au nombre de juges qui devront composer chacune de ces catégories de

chambres, de même que la durée de leur mandat, il appartient à la Cour de les fixer.293 Cependant

la désignation des juges se fait, « compte tenu des connaissances particulières, des aptitudes

techniques ou de l’expérience que chacun a pu acquérir en ce qui concerne la catégorie d’affaires

dont la chambre doit connaître »294. L’institution de ces chambres, répond en réalité au souci de

conférer aux juges de la Cour la possibilité de juger les affaires en fonction de leurs domaines de

spécialisation ou de leurs expériences ou compétences professionnelles. Ce qui permettra en retour

un traitement rapide des affaires qui leur seront soumises, car on peut comprendre que des juges

puissent facilement trancher une affaire sans la moindre difficulté et rendre une décision le plutôt

possible lorsqu’elle porte sur une matière dans laquelle ils ont une compétence notoire.

287 Pour en savoir davantage, voir : Les chambres de la Cour, en ligne : <http://www.pedone.info/cij/12-CIJ-.pdf>. 288 Infra note 498. 289 Raymond Ranjeva, « L'environnement, la Cour internationale de Justice et la Chambre spéciale pour les questions

de l'environnement » (1994) 40 :1 AFDI 433 à la p 434. 290 Examen du rôle de la Cour internationale de justice, Rés AG 3232 (XXIX), Doc off AG NU, 29e sess, Doc NU

A/9846 (1974) 147. 291 Guillaume, supra note 48 aux pp 60-61. 292 Kolb, supra note 41 aux pp 162-163. 293 Art 16 au para 1 du Règlement de la CIJ de 1978. 294 Art 16 au para 2 du Règlement de la CIJ de 1978.

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Toutefois, les chambres que constitue ou peut constituer la Cour ne sont pas hiérarchisées.

Il convient donc de rappeler qu’il n’existe pas au sein de la Cour des degrés de juridiction.295 En

outre, les décisions rendues par chaque chambre sont considérées comme rendues par la Cour.296

Enfin, les chambres de la Cour, en permettant aux États de manifester leurs souhaits quant à leur

composition, s’apparentent à certains égards à des formations arbitrales297, tout en conservant

l’autorité qui s’attache à la Cour.

Avec l’émergence de certaines matières et dans le souci d’étendre la compétence matérielle

de la Cour à un grand nombre de domaines, certaines considérations commandaient la création au

sein de la Cour de chambres spécialisées ou régionales. Celles-ci devraient être constituées au titre

du paragraphe premier de l’article 26 du Statut de la Cour. C’est ainsi que la Cour a mis sur pied

en 1993 la chambre environnementale. Celle-ci devrait connaître des questions relatives à

l’environnement. Malheureusement, jusqu’à l’heure actuelle, aucune affaire n’a été soumise à cette

chambre, la laissant ainsi intacte.298 Ce manque d’engouement des États vis-à-vis des chambres

préconstituées de la Cour semble être comblé par le mécanisme des chambres ad hoc. Raison pour

laquelle Gilbert Guillaume299affirmait que « si la chambre de procédure sommaire et la chambre

pour les questions d’environnement n’ont jamais statué, le système des chambres ad hoc donnant

aux États un poids décisif dans le choix des juges a été l’un des facteurs qui ont contribué au

renouveau de la Cour internationale de Justice dans les années 1980 et demeure une possibilité qui

leur est ouverte »300.

Voyons à présent les chambres ad hoc que la Cour institue à l’initiative des États parties

aux différends.

295 C’est-à-dire que la juridiction de la CIJ n’est pas à être assimilée au système de juridiction de premier degré et de

second degré ou d’appel. 296 Supra note 6, art 27. 297 Kolb, supra note 41 à la p 161. 298 Guillaume, supra note 48 à la p 61. 299 Ancien juge à la Cour internationale de justice, du 17 septembre 1987 au 6 février 2000 ; et Président de ladite

Cour, du 7 février 2000 au 6 février 2003, en ligne : < http://legal.un.org/avl/pdf/ls/Guillaume_bio.pdf>. 300 Guillaume, supra note 48 à la p 63.

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B- Les chambres ad hoc

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du Statut de la Cour, celle-ci « se compose de

quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d'un ressortissant du même État ». Pour mieux

cerner le sens de cette disposition, l’article 9 du même texte nous vient en aide. On y retient que :

« Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la

Cour non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans

l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes

juridiques du monde ».

Dans l’esprit des rédacteurs du Statut, on n’a certainement pas entendu avoir une Cour

composée de juges recrutés uniquement en vertu de leurs compétences juridiques ou intellectuelles.

En d’autres termes, les rédacteurs ont en réalité voulu donner une chance à toutes les régions du

monde d’avoir des ressortissants qui siègent dans la haute juridiction. Pour ce faire, une répartition

géographique équitable des quinze juges de la Cour a été établie de sorte à garantir leur véritable

indépendance et impartialité. Ainsi, a-t-il été convenu d’impartir trois juges au continent africain,

deux juges à l’Amérique latine, cinq juges à l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord, deux

juges à l’Europe orientale et enfin, trois juges au continent asiatique.301

Malgré tout, et compte tenu du nombre élevé d’États [au sein de la communauté

internationale], il peut être plus qu’impensable de réserver à tous ces États la possibilité d’élire

leurs ressortissants à la Cour. Pour combler une telle impossibilité, un mécanisme de constitution

de chambres au sein de la Cour a été mis sur pied. Au titre du paragraphe 2 de l’article 26 de son

Statut, « la Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaitre d'une affaire

déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l'assentiment des

parties ». C’est au mécanisme des chambres ad hoc, que ce paragraphe fait allusion. Le paragraphe

premier de l’article 31 du Statut de la Cour explicite un peu plus avec cette stipulation : « Les juges

de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l’affaire dont la Cour est

saisie ». Cette institution des juges ad hoc n’est pas vaine.

301 Cour internationale de Justice, « Membres de la Cour », en ligne : <http://www.icj-

cij.org/court/index.php?p1=1&p2=2&lang=fr>.

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Les juges de ces chambres ad hoc sont en effet, désignés et nommés pour siéger à titre

provisoire, avec les mêmes droits et prérogatives302 que les juges permanents pour toute la durée

d’une affaire à examiner. La raison de leur désignation tient de deux faits. D’une part, lorsqu’au

cours d’une instance devant la Cour, celle-ci comprend un juge de la nationalité d’une des parties,

toute autre partie est habilitée à désigner un juge (qui soit de sa nationalité ou pas) qui siègera à la

Cour pour ce différend.303 D’autre part, la désignation des juges ad hoc tient son fondement dans

le fait qu’aucune des parties au différend n’a un juge siégeant à la Cour. Chaque partie pourra ainsi

désigner une personne qui siègera en qualité de juge.304

D’un point de vue doctrinal, l’institution des juges ad hoc concède tout de même un

fondement. À cet effet, Jean Combacau et Serge Sur présentent cette institution comme un

«mécanisme (…) étranger à l’esprit du règlement judiciaire », mais qui « s’explique par le souci

d’attirer devant la Cour des États prêts à laisser trancher leur différend par des tiers (…) à condition

que leur point de vue puisse être accueilli avec bienveillance particulière en son sein par le

juge…qui présente dans cette formation judiciaire les garanties habituelles d’un arbitre

national»305.

Le Canada et les États-Unis ont été les tout premiers États à actionner la constitution d’une

Chambre ad hoc au sein de la Cour,306 dans le cadre du règlement de leur différend307 sur la question

de la délimitation de la frontière maritime divisant les zones de pêche et les zones de plateau entre

les deux États au large de la côte atlantique du golfe de Maine.308 Le fondement de la compétence

de la Cour reposait sur un compromis (conclu le 29 mars 1979 et qui entra en vigueur le 20

novembre 1981), que les parties ont notifié à la Cour à la date du 25 novembre 1981. Saisie du

302 Supra note 6, art 31 au para 6. 303 Selon le paragraphe 2 de l’article 31 de la CIJ, « Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des

parties, toute autre partie peut désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être

prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet d'une présentation en conformité des articles 4 et 5. ». 304 Aux termes du paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de la Cour, « Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de

la nationalité des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au

paragraphe précédent ». 305 Jean Combacau et Serge Sur, droit international public, Paris, Montchrestien, 3ème édition, 1997 à la p 575. 306 Paolo Palchetti, « Article 26 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of

Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 474 à la p 498 [Palchetti]. 307Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c États-Unis d'Amérique), [1984]

CIJ rec 246. 308 CIJ, communiqué, 82/1, « La Cour constitue une chambre pour examiner l’affaire présentée par le Canda et les

États-Unis », (26 janvier 1982), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/67/9798.pdf>.

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différend, la Cour constitua la Chambre ad hoc en application des articles 26, paragraphe 2 et 31

de son Statut.309

Dans l’affaire du Différend territorial entre le Bénin et le Niger310 (arrêt de juillet 2005), le

8 avril 1994, les parties avaient conclu un accord portant création de la commission paritaire de

délimitation de leur frontière commune. Après qu’elles avaient échoué dans leurs efforts pour

parvenir à une solution négociée du différend, la commission proposa aux autorités des deux parties

de saisir par compromis la CIJ. Le compromis fut signé à Cotonou le 15 juin 2001 et entra en

vigueur le 11 avril 2002. C’est par le biais de ce compromis de saisine de la CIJ que le différend a

été soumis à une chambre ad hoc de la Cour.

Ce fut de même dans l’affaire du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali.311

Le Burkina Faso et le Mali sont deux États voisins situés dans la partie ouest-africaine. Des

incertitudes quant au tracé de leurs frontières communes avaient suscité de vives tensions entre

eux, et affecté la fraternité entre leurs populations. L’aggravation de ces tensions avait d’ailleurs

provoqué un véritable conflit armé.312 Ainsi, ces deux États avaient saisi la CIJ par compromis

signé le 16 septembre 1983. Ce compromis fut notifié conjointement au greffe de la Cour par ces

deux pays le 14 octobre 1983.

Les chambres ad hoc ont été sollicitées par des États dans le cas de bien d’autres différends.

Par exemple dans les affaires du Différend Frontalier (Burkina Faso c Niger)313, de la Souveraineté

sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour)314, de

la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie)315, de Ile de Kasikili c

Sedudu (Botswana c Namibie)316, du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El

Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant))317, etc.

309 Ibid. 310 Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90. 311 Différend frontalier (Burkina Faso c Mali), [1986] CIJ rec 554. 312 RFI archive, « Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts », en

ligne : <http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44919.asp>. 313 Différend frontalier (Burkina Faso c Niger), [2013] CIJ rec 44. 314 Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour), [2008]

CIJ rec 12. 315Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie), [2002] CIJ rec 625. 316 Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999] CIJ rec 1045. 317 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant)), [1992]

CIJ rec 351.

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À la suite de cette analyse portant sur les types de formations restreintes de chambres qui

peuvent être constituées au sein de la Cour, l’objectif consistera maintenant à montrer ce en quoi

ces chambres peuvent être un atout pour des États parties à un différend et influer sur le processus

de son règlement.

Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de

chambres au sein de la Cour

Dans un premier temps, il sera question pour nous de montrer la portée du recours aux

formations restreintes de chambres par le fait du compromis (A), avant que dans un second temps,

nous en arrivions à la réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour (B).

A- La portée du recours aux formations restreintes de chambres par le fait du compromis

Après avoir préalablement signifié le fait que la constitution des chambres au sein de la CIJ

reste grandement liée au recours par la voie du compromis, il conviendrait de rappeler que les

implications de celles-ci ne pourraient aller qu’au bénéfice du compromis. C’est en effet les parties

qui décident du règlement de leur différend par une chambre de la Cour. Elles le font en accord et

de façon préalable à la saisine de la Cour. Cette idée trouve même sa justification dans le

paragraphe 3 de l’article 26 du Statut de la Cour, selon lequel « les chambres prévues au présent

Article statueront, si les parties le demandent ». Ce qui permet du coup de cerner la complicité qui

existe entre le recours à la Cour par la voie de compromis et ces chambres.

Toutefois, le recours des parties à une chambre de la Cour ne saurait être fortuit, sinon elles

auraient pu directement et facilement saisir la Cour dans sa formation plénière, c’est-à-dire, dans

sa formation traditionnelle des quinze juges. Cela s’explique d’abord par l’idée des chambres ad

hoc, aussi appelées chambres spécialisées. Le paragraphe 2 de l’article 26 du Statut de la Cour, qui

constitue leur fondement juridique, prévoit que « la Cour peut, à toute époque, constituer une

chambre pour connaitre d'une affaire déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé

par la Cour avec l'assentiment des parties ». Cette disposition fait transparaitre un certain nombre

d’avantages qui sont propres au recours à la Cour par la voie du compromis.

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D’une part, les parties peuvent soit saisir toute la Cour composée de ses quinze juges, soit

soumettre leur différend non pas à toute la Cour, mais à une composition restreinte de celle-ci,

c’est-à-dire à une chambre constituée en son sein. De ce point de vue, on assiste d’une certaine

manière à une protection de la souveraineté des États parties à des différends, à soumettre ceux-ci

par la voie de compromis à la Cour. Rien n’oblige en effet, les parties à opter pour un règlement

de leur différend par tous les juges de la Cour. Nul doute que cette réalité peut susciter une

confiance accrue des États à la Cour, lorsque même dans le fonctionnement de celle-ci, son Statut

contribue à une certaine défense de leur souveraineté (supra note 6, art 36 au para 1), par la liberté

qu’il leur concède dans le choix des juges et de leur nombre. D’autre part, lorsqu’il découle du

paragraphe 2 de l’article 26 que, « le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec

l'assentiment des parties. », on en arrive à la déduction qu’autant le compromis permet le règlement

des affaires devant les formations restreintes de chambres de la Cour, autant il permet aux parties

de décider des juges qu’elles souhaiteraient voir statuer sur leurs affaires.

Cela suppose premièrement que les parties ont le choix dans le nombre des juges qui doivent

composer la chambre. Par exemple, dans l’affaire Différend frontalier (Bénin c Niger)318, portée

devant la Cour à la date du 3 mai 2002 à travers un compromis, les parties avaient décidé que la

chambre qui devrait se charger du règlement de leur différend soit composée de trois membres ou

juges de la Cour. Il s’agissait des juges, Gilbert Guillaume, Raymond Ranjeva et Pieter Hendrik

Kooijmans. En plus de ceux-ci, les parties avaient désigné deux autres juges ad hoc319 qui sont,

Mohamed Bennouna, pour le compte du Bénin et Mohamed Bedjaoui pour le compte du Niger.320

318 Supra note 310. 319 C’est l’article 31 du Statut de la Cour qui fait mention de la désignation des juges ad hoc en stipulant que, «1. Les

juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l'affaire dont la Cour est saisie. 2. Si la

Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des parties, toute autre partie peut désigner une personne de

son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet

d'une présentation en conformité des Articles 4 et 5. 3. Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité

des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au paragraphe

précédent. 4. Le présent Article s'applique dans le cas des Articles 26 et 29. En pareils cas, le Président priera un, ou,

s'il y a lieu, deux des membres de la Cour composant la chambre, de céder leur place aux membres de la Cour de la

nationalité des parties intéressées et, à défaut ou en cas d'empêchement, aux juges spécialement désignés par les parties.

5. Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour l'application des dispositions qui précèdent,

que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide. 6. Les juges désignés comme il est dit aux paragraphes 2, 3 et 4

du présent Article doivent satisfaire aux prescriptions des Articles 2, 17, paragraphe 2, 20 et 24 du présent Statut. Ils

participent à la décision dans des conditions de complète égalité avec leurs collègues ». 320 CIJ, communiqué, 2002/41, « Différend frontalier (Bénin c Niger) » (20 décembre 2002), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/index.php?pr=69&code=bn&p1=3&p2=3&p3=6&case=125&k=94>.

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Dans une seconde mesure, les parties auraient le choix sur la personne de chacun des juges qui

devra siéger dans la composition de la chambre en charge du règlement de leur affaire.

Ceci peut expliquer de notre avis, la raison pour laquelle le Statut de la Cour n’a pas prévu

que les juges de ces chambres ad hoc soient désignés par tirage au sort. Sinon, on ôterait aux parties

toute liberté de choix des juges dans la composition de la chambre devant trancher leur différend.

L’idée de permettre aux parties de décider des juges qui doivent siéger dans la chambre en charge

du règlement de leur différend, leur consiste en réalité de pouvoir les associer à la défense de leurs

intérêts, ou du moins, à faire juger leur différend par des juges avec qui elles auraient une certaine

affinité ou qu’elles estiment capables de rendre une décision qui prendrait en compte toutes leurs

aspirations,321 au regard de leurs expériences professionnelles ou scientifiques en lien avec la nature

du différend.

C’est pourquoi, d’ailleurs, on a parfois assimilé les chambres de la Cour à des formations

arbitrales322 par référence au mécanisme de règlement des différends par l’arbitrage. Cela

s’explique par le fait que ce mode de règlement laisse de même le soin aux parties de procéder au

choix des arbitres qu’elles voudraient voir régler le différend qui les oppose.323 Dans tous les cas,

voyons-en avec la définition de l’arbitrage au sens de la Convention pour le règlement pacifique

des conflits internationaux. Selon son article 37, « L’arbitrage international a pour objet le

règlement de litiges entre les États par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. Le

recours à l’arbitrage implique l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence ». Du coup,

l’apparence des chambres ad hoc de la Cour à des formations arbitrales, ne devrait en principe pas

susciter de doute.

Concomitamment à ces deux avantages liés au recours à la Cour par la voie de compromis,

il se dégage de ce même type de saisine, une autre portée, en lien direct avec tout le raisonnement

précédent. Cette portée se résume en termes de temps dans le traitement des affaires devant la Cour.

321 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 618. 322 Kolb, supra note 41 à la p 161. 323 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 617-618.

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De façon empirique, les différends portés devant la Cour par la voie de compromis, ont

souvent abouti à des décisions qui ont par la suite contribué à leur dénouement.324 Lorsque des

États parties à un différend recourent à un mode de règlement quelconque, c’est parce que dans

une certaine mesure celui-ci semble leur offrir un règlement rapide du différend, afin de préserver

la quiétude de leurs relations, surtout lorsque le différend qui les oppose aurait déjà dégénéré en

des affrontements militaires.325 D’ailleurs, c’est cette raison qui aurait motivé la création de la

chambre de procédure (article 29 du Statut de la Cour), et qui vise la « prompte expédition des

affaires ». Il semble de ce fait que le compromis soit la voie idéale pour parvenir à un tel objectif,

celui relatif à un traitement rapide des affaires. La possibilité des États parties à un différend de

recourir à des formations restreintes de chambre, leur offre de pouvoir confier le jugement de leurs

affaires à un nombre moins élevé de juges. Pourtant, il est facilement compréhensible qu’une

affaire réglée par un nombre réduit de juges puisse rapidement aboutir à une décision, que si elle

avait été soumise au jugement de quinze juges voire plus. Ce raisonnement bénéficie du soutien de

Robert Kolb, qui estime pour sa part que, « le nombre réduit de juges (…), limite le temps

nécessaire au maniement de l’instance et au délibéré »326.

Il convient toutefois de rappeler l’idée que les chambres, quoiqu’étant des formations

restreintes compte tenu du nombre réduit de leurs juges, ne devraient en aucun cas être distinguées

de la Cour dans sa formation plénière, surtout du point de vue des décisions qu’elles rendent. Cela

dit, les décisions rendues par les formations restreintes de chambres n’ont pas moins de valeur que

celles rendues par la Cour dans sa formation plénière. D’où, il existerait une réciprocité entre les

formations restreintes de Chambres et la Cour.

B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière

Si l’on en croit à l’article 9 du Statut de la Cour, relatif à la composition de celle-ci, « Dans

toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour, non

seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la

324 Olivier Corten et Pierre Klein, « L'efficacité de la justice internationale au regard des fonctions manifestes et latentes

du recours à la cour internationale de justice », dans, R. Ben Achour & S. Laghmani, dir., Justice et juridictions

internationales, Paris, Pedone, 2000 à la p 45. 325 C’est l’exemple du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (supra note 311). Cette affaire avait

dégénéré en des affrontements militaires entre les deux parties. Ce fut la raison du compromis négocié entre pour

pouvoir se prêter au règlement judiciaire de la CIJ. 326 Kolb, supra note 41 à la p 162.

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représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde

». Cet article affirme que les juges appelés à trancher en droit international les affaires soumises à

la Cour, doivent relever de traditions juridiques différentes. Certains devraient de ce fait en

principe, être issus du droit de tradition civiliste ou romano-germanique, ou du droit du Common

law, tandis que d’autres devraient être ressortissant d’États qui relèvent du droit musulman ou du

droit coutumier. L’avantage d’une telle composition de la Cour pourrait résider dans l’idée de faire

passer au peigne fin les décisions de la Cour avant que celles-ci ne soient adoptées, dans la mesure

où chacun des juges aura eu à siéger dans la phase du traitement des affaires et devra voter les

décisions qui découleront de celles-ci.

De ce point de vue, le règlement des affaires par les chambres peut évidemment susciter

des interrogations sur la valeur des décisions qu’elles rendent. En effet, parce que composées de

juges en nombres réduits et choisis par les parties elles-mêmes, les chambres n’offrent pas la

possibilité de pouvoir représenter toutes les traditions juridiques du monde à travers les quinze

juges de la Cour plénière, censées faire passer au peigne fin leurs décisions. Toutefois, si cette

réalité devrait être vue comme une préoccupation, il n’en demeure pas moins qu’elle importe peu.

En effet, l’article 27 du Statut de la Cour offre une réponse à cette préoccupation. Il dispose que :

« Tout arrêt rendu par l'une des chambres prévues aux articles 26 et 29 sera considéré comme rendu

par la Cour ». Ainsi, ne devrait-il pas avoir de différence de degré ou de valeur entre les chambres

et la Cour dans sa formation plénière du point de vue de leurs décisions. Ainsi, devrait-on se

faire l’idée que, the «chambers may be regarded as the Court sitting in a particular formation»327.

Cela suppose que, d’une part, les arrêts issus des chambres de la Cour puissent aussi faire

objet de recours devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour une exécution forcée au même titre

que les arrêts rendus par la Cour plénière.328 D’autre part, les arrêts des chambres peuvent tout

comme ceux de la Cour plénière, susciter des recours en interprétation329 ou en révision330.

Aussi, convient-il de rappeler l’idée selon laquelle il n’y aurait pas de différence entre les

règles de procédure devant les chambres et la Cour plénière. C’est l’article 90 du Règlement de la

Cour de 1978, qui le confirme en ces termes : « La procédure devant les chambres prévues aux

327 Palchetti, supra note 306 à la p 476. 328 Supra note 1, art 94 au para 2. 329 Supra note 6, art 60. 330 Supra note 6, art 61.

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articles 26 et 29 du Statut est, sous réserve des dispositions du Statut et du présent Règlement les

visant expressément, réglée conformément aux dispositions des titres I à III du présent Règlement

applicables en matière contentieuse devant la Cour ». Le titre I dont cet article fait cas, a trait surtout

au caractère secret des délibérations de la Cour ainsi qu’à sa composition, laquelle sous-entend

l’indépendance des juges, leur impartialité, leur égalité et la possibilité des parties à un différend

de le porté devant elle, de désigner des juges ad hoc au cas où il ne figurait pas parmi les juges de

la Cour, leurs ressortissants.331 Le titre III porte sur les règles applicables en matière contentieuse.

En clair, lorsqu’une affaire est portée devant la Cour plénière, ce sont les mêmes règles de

procédure qui s’appliquent que si elle devrait l’être devant une chambre. Cela traduit l’idée selon

laquelle rien n’interdirait aux parties dans une instance devant une chambre de pouvoir demander

par exemple l’indication de mesures conservatoires au cas où des intérêts imminents seraient en

jeu par le fait du différend, ou encore de pouvoir soulever des exceptions préliminaires.332Il n’y a

donc pas différence de procédure entre le recours devant la Cour plénière et le recours devant une

chambre de la Cour. Autrement dit, les règles applicables dans un recours devant une chambre ne

sont pas moins avantageuses que celles qui s’appliquent dans un recours devant la Cour plénière.

De ce fait, il n’y aurait donc pas de différence entre les chambres et la Cour plénière de

manière à pouvoir douter de la crédibilité des premières ou de la valeur de leurs décisions. Le

recours à ces chambres par l’effet du compromis de saisine ne devrait donc pas susciter des

préoccupations chez les États, et ce, au regard même de ses avantages tels que relatés ci-haut dans

le point (A). Parmi le rôle important des chambres, il y a lieu de reconnaître leur mérite d’avoir

rendu certains arrêts de grande portée et qui sont souvent évoqués compte tenu des principes qui y

ont été dégagés. C’est le cas de l’arrêt333 rendu par la chambre à laquelle le Burkina Faso et le Mali

ont eu recours pour connaitre du différend relatif à la délimitation de leur frontière commune.

C’est à cet arrêt que l’on doit l’activation du principe de l’uti possidetis relativement aux

règles portant sur les titres et les effectivités.334 Toutefois, il n’en demeure pas moins que ce

331 Art 1 à 21 du Règlement de la Cour de 1978. 332 Pour en savoir davantage sur le contenu du titre III du Règlement de la Cour de 1978, voir ses articles 22 à 101. 333Supra note 311. 334 Paolo Palchetti, « Article 27 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of

Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 502 à la p 504. 335 F. Wooldridge, « Uti possidetis Doctrine », in Bernhardt Rudolf (dir.), Encyclopedia of Public International Law,

vol. IV (Q-Z), Elsevier, Amsterdam, 2000 aux pp 1259-1262.

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principe de l’uti possidetis juris335, dont l’application a précisément pour conséquence le respect

des frontières héritées de la décolonisation, a été invoqué pour la première fois en Amérique

hispanique. Autrement dit, « c’est sur ce continent qu’on a assisté pour la première fois au

phénomène d’une décolonisation entrainant la formation d’une pluralité d’États souverains sur un

continent ayant antérieurement appartenu à une seule métropole »336, l’Espagne, en l’occurrence.

Ce principe337 est emprunté du droit romain en vertu duquel le droit de possession d’un

territoire est déterminé par l’état juridique de celui-ci à une date donnée338. C’est en effet un

principe général, qui a un lien étroit avec le phénomène de l’accession des États à l’indépendance.

Il vise à éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient compromises par des

luttes fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance

administrative.339 Après avoir été dégagés et appliqués dans ce différend entre le Burkina et le Mali,

ces principes (l’uti possidetis, et les effectivités), continuent de faire l’objet d’une application

universelle à travers leurs invocations dans les différends territoriaux impliquant des États situés

sur d’autres continents.340 Cela dit, l’arrêt rendu le 22 décembre 1986 par la chambre a une portée

qui va très au-delà du cas d’espèce, mais aussi du cadre africain.

De ce qui précède, il ressort que le recours à la Cour par la voie de compromis, qui entraine

le jugement des affaires devant les chambres, est d’une grande importance dans le règlement

pacifique des différends internationaux. Cette importance s’amplifie encore au regard d’autres

types d’atouts qui bénéficient au traitement des affaires portées devant la Cour.

336 Supra note 311 à la p 565 au para 20. Voir notamment l’arrêt de la CIJ du 18 novembre 1960 dans l’affaire

Honduras/Nicaragua, dénommé « affaire de la sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre 1906,

[1960] CIJ rec 192 ; aussi, la sentence Hughes du 23 janvier 1933 sur la frontière entre le Honduras et le Guatemala. 337 Principe né de la décolonisation de l'Amérique latine admettant la délimitation des frontières selon la situation

existant dans les anciennes provinces espagnoles. Pour une appréciation récente de cette pratique. Voir, Jean Marc

SOREL et Rostane Mehdi, « L'Uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique: essai de réactualisation »

(1994) 40 :1 AFDI 11 à la p 11. 338 Salmon, supra note 47 à la p 1123. 339 Supra note 311 à la p 565 au para 20 340 Par exemple, dans les affaires, Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie) : supra note

315 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée équatoriale

(intervenant)) : supra note 43.

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Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du

compromis

Le recours à la Cour par la voie de compromis est dans une grande mesure en lien avec

certains atouts dont les parties peuvent bénéficier, tant dans la phase réservée au traitement des

affaires que dans l’exécution des arrêts. C’est justement la raison pour laquelle certains États optent

pour cette voie de recours dans le cadre du règlement de leurs différends. Parlant d’atout, l’on fait

allusion au fonds d’affectation spéciale qui bénéfice dans une grande mesure aux affaires portées

devant la Cour par voie de compromis (paragraphe 1). Aussi, de tels différends portés devant la

Cour par la voie du compromis peuvent-elles être source d’une grande certitude quant à leur

dénouement, au regard de certaines garanties juridiques liées à l’acte même du compromis

(paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les atouts liés au bénéfice du fonds d’affectation spéciale au règlement

des différends portés devant la Cour par la voie de compromis

Après avoir dans un premier temps, exposé la définition et les conditions favorables liées

au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours devant la Cour par voie de

compromis (A), dans un second temps, l’objectif consistera pour nous d’établir les motifs liés au

bénéfice du fonds d’affectation aux États qui font recours à la Cour par voie de compromis (B).

A- Définition du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face aux

dépenses judiciaires

La justice internationale a un coût. Que ce soit au stade du recours des États à cette justice

ou de l’exécution des décisions qui pourraient résulter d’elle, des dépenses financières non moins

négligeables s’imposent souvent, et ce sont les parties elles-mêmes qui doivent s’en acquitter.

Compte tenu de cette réalité, il peut arriver que des États parties à un différend soient disposés à

porter devant cette justice le différend qui les opposent, mais pour des raisons liées à des coûts

financiers, ils s’y abstiennent. Dans un autre sens, les parties peuvent être financièrement capables

de supporter le coût que requiert la saisine de cette justice et le déroulement de tout le procès, mais

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qu’elles ne soient pas en mesure de pouvoir exécuter la décision qui pourrait survenir en raison des

implications financières que cela comporterait.

Ce coût financier se justifie dans le fait pour les parties d’avoir recours à des spécialistes et

experts (conseillers, agents, avocats, etc.) qui les assisteront dans l’accomplissement des différentes

procédures nécessaires devant cette justice internationale, et qu’il faut payer en retour. Par ailleurs,

et dans le cas où l’exécution des décisions suppose certaines actions matérielles sur le terrain

comme le tracé de frontières, les travaux de cartographie ou de balisage ou de détermination du

sort de certaines étendues de terre ou de mer ou de bornage, la vérification de la fin d’hostilités, la

remise en état de droits acquis, le besoin de recours à des personnels et agents de terrain qui se

chargeront de telles missions et leur prise en charge financière, s’impose.341

Ce qui n’est pas toujours facile pour tous les États, compte tenu de leurs disponibilités

financières et leurs niveaux de développement économique, qui les obligent souvent à investir les

fonds à leur disposition dans d’autres objectifs qu’ils jugent prioritaires, que de les dépenser devant

une justice internationale. Ce peut être le cas de certains États en Afrique, dont les objectifs

prioritaires restent le développement de leurs secteurs agricoles, industriels, de la finance, du

commerce, de l’éducation, ou de la création d’emploi (lutte contre le chômage).342

Le coût de la justice internationale peut donc s’avérer une limite dans une certaine mesure

à son attractivité, surtout pour les États en voie de développement qui ne s’empêcheront pas de voir

d’un mauvais œil l’idée d’engager des frais importants pour bénéficier de son règlement, pendant

qu’ils font face à bien d’autres besoins plus primordiaux. Sur cette base, les États peuvent se

retrouver dans une incapacité financière d’aller devant la CIJ. D’ailleurs, tous les modes de

règlement (article 33, paragraphe 1, de la Charte), supposent en réalité des dépenses financières de

la part des États qui les choisissent. Ces dépenses peuvent être liées aux différents déplacements

ou émoluments des agents impliqués dans le mode de règlement choisi, en plus des frais que

l’exécution des décisions prises par ce mode de règlement pourra entraîner. Cette idée semble

s’accommoder avec le recours à la force armée auquel certains États (se sentant plus puissant sur

341 Daniel Vignes, « Aide au développement et assistance judiciaire pour le règlement des différends par la Cour

internationale de justice » (1989) 35 :1 AFDI 321 aux pp 321-322. 342 African Development Bank,OECD, United Nations Development Programme, «Perspectives économiques en

Afrique 2015 :Développement territorial et inclusion spatiale», Paris, OCDE, 2015, en ligne, < http://www.oecd-

ilibrary.org/sites/fa724c7c-fr/index.html?itemId=%2fcontent%2fsummary%2ffa724c7c-fr>.

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le plan militaire), se livrent contre d’autres en violation de l’obligation343 faite par la Charte de

régler pacifiquement les différends interétatiques, pour couper court avec toute initiative de voir

un tiers régler leurs différends.

D’ailleurs, le paragraphe 4 du Statut344 du fonds d’affectation spéciale confirme cette

évidence en ces termes :

« Les frais que peuvent entraîner les procédures sont une considération qui, dans

certains cas, dissuade les États d’en appeler à la Cour. Dans l’arbitrage, les parties

supportent le coût des arbitres et du fonctionnement du tribunal (par exemple, les

activités du greffe). Les dépenses d’administration de la Cour sont prises en charge par

l’Organisation des Nations Unies. Toutefois, comme dans l’arbitrage, les parties

doivent rémunérer leurs conseils, défrayer, le cas échéant, leurs agents, experts et

témoins et supporter les coûts liés à la rédaction des mémoires et contre-mémoires, etc.

Le coût total peut être considérable. Aussi, les considérations de coût peuvent-elles

peser dans la décision de porter ou non un litige devant la Cour. Une aide financière

serait donc utile aux États qui n’ont pas les moyens nécessaires ».

C’est pour pallier à cette éventualité et pour améliorer la confiance des États dans le recours

à la CIJ, que l’Assemblée générale de l’ONU a contribué en 1989 à l’institution d’un fonds

d’affectation spéciale destiné à aider les États les plus démunis à faire face aux dépenses de justice

internationale. 345 L’objectif étant donc, d’éviter que le motif financier serve de justificatif au refus

des États de recourir à la CIJ.

La demande du fonds est adressée au Secrétaire général de l’ONU par l’État partie qui

souhaite en bénéficier. Dès lors que le Secrétaire général reçoit la demande, il constitue un comité

de trois experts qui se chargera de l’examiner. Par la suite, c’est ce comité qui recommande au

Secrétaire général le montant à allouer à l’État demandeur du fonds, au regard des dépenses.346

343 Cette obligation découle du paragraphe 4 de l’article 4 de la Charte de l’ONU qui stipule que « les Membres de

l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit

contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les

buts des Nations Unies ». 344 Statut révisé du Fonds, « Statut, règlement et principes révisés applicables au Fonds d’affectation spéciale du

Secrétaire général devant aider les États à soumettre leurs différends à la Cour internationale de Justice », en ligne :

<http://www.un.org/fr/aboutun/structure/statusrev.pdf>. 345 Ibid. 346 Le paragraphe 9 du Statut du fonds d’affectation stipule en effet que : « Une fois la demande d’aide financière jugée

recevable, le Secrétaire général constitue un comité d’experts composé de trois personnes présentant les plus hautes

qualités de magistrat et jouissant de la plus grande considération morale. Le Comité a pour tâche d’examiner la

demande présentée et de recommander au Secrétaire général le montant de l’aide financière à accorder, le montant de

l’avance à allouer en vertu des dispositions du paragraphe 13 du Statut, et la nature des dépenses susceptibles d’être

couvertes par l’aide : rédaction de mémoires, contre-mémoires et répliques; honoraires des conseils et défraiement, le

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Dans tous les cas, c’est au Secrétaire général de l’ONU de décider en dernier ressort du montant à

allouer.

Le paragraphe 13 du Statut du fonds le précise en ces termes :

Sur la base de l’évaluation et des recommandations du Comité d’experts, le

Secrétaire général décide en dernier ressort de l’aide financière qui sera prélevée sur le

Fonds et du montant de l’avance qui sera alloué. Cette dernière ne peut dépasser 50 %

de l’aide financière octroyée. Les versements de l’avance et du paiement final du

montant octroyé sont faits au moyen d’un virement bancaire du Fonds d’affectation

spéciale du Secrétaire général. Le paiement final est effectué sur présentation de

justificatifs des dépenses effectives afférentes au montant total des coûts approuvés.

Les dépenses pouvant être couvertes par cette aide devant la Cour sont entre autres:

la rédaction des mémoires, des contre-mémoires et répliques; les honoraires des conseils, des

agents, des experts et témoins; les frais de recherche juridique; les coûts afférents à la procédure

orale en ce qui concerne les services d’interprétation pour les langues autres que le français et

l’anglais; les frais de production de documents techniques comme les cartographies et les coûts

afférents à l’exécution d’un arrêt de la Cour347.

Toutefois, le bénéfice du fonds d’affectation aux États n’est pas automatique. Le Statut du

fonds en question commande que les États litigants qui souhaitent bénéficier du soutien financier

des Nations Unies remplissent un certain nombre de conditions. C’est en cela que la marge de

manœuvre est grande chez les États qui soumettent leurs différends à la Cour par la voie de

compromis, pour tirer profiter de ce fonds. De tels États sont en effet, soumis à des conditions

moins rigoureuses.

B- Les motifs liés au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours à la

Cour par la voie de compromis

Aux termes du paragraphe 6 du Statut du fonds, on peut lire que :

cas échéant, des agents, experts et témoins; frais de recherche juridique; coûts afférents à la procédure orale (par

exemple services d’interprétation pour les langues autres que le français et l’anglais); frais de production de documents

techniques (par exemple reproduction de pièces cartographiques) et coûts afférents à l’exécution d’un arrêt de la Cour

(par exemple, démarcation de frontières).». 347 Supra note 344 au para 9.

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Le Fonds d’affectation spéciale (ci-après dénommé « le Fonds ») est créé par

le Secrétaire général conformément au Règlement financier et règles de gestion

financière de l’Organisation des Nations Unies et aux termes et conditions énoncés

dans les présents Statut, règlement et principes (ci-après dénommés « le Statut du Fonds

»). Il a pour objet de fournir aux États une aide financière pour les aider à couvrir les

dépenses engagées dans le cadre : a) D’un différend soumis à la Cour internationale de

Justice en vertu du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour : i) Par la voie d’un

compromis conclu en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour; ii) Par

la voie d’une requête présentée en vertu des paragraphes 1 et 2 de l’article 36 du Statut

de la Cour, sous réserve que :a. Dans le cas où des exceptions préliminaires au sens de

l’article 79 du Règlement de la Cour ont été soulevées par l’une des parties, ou les

deux, ces exceptions ont été soit rejetées par la Cour, soit définitivement retirées par la

ou les parties concernées ; b. Dans le cas où aucune exception préliminaire n’a été

présentée, l’État qui sollicite l’aide financière s’engage auprès du Secrétaire général à

ne soulever aucune exception préliminaire au sens de l’article 79 du Règlement de la

Cour et à plaider l’affaire au fond ; cet engagement sera dûment notifié à la Cour par

le Secrétaire général ; b) De l’exécution d’un arrêt de la Cour internationale de Justice.

De cette stipulation, l’on retient que le bénéfice du fonds d’affectation se situe à deux

niveaux, à savoir d’une part pour engager une instance devant la Cour, et, d’autre part, pour faire

exécuter les décisions de la Cour. Par ailleurs, certains points de ce paragraphe 6 méritent une

attention particulière en ce qui concerne les États pouvant bénéficier de ce fonds et dans quelles

conditions. En principe, tous les États habilités à ester devant la Cour, peuvent bénéficier du soutien

financier des Nations Unies à travers ce fonds, dans le cadre d’un différend qui les oppose devant

la CIJ.348

Au titre des conditions de fond liées à l’attribution de ce fonds d’affectation spéciale, il

convient de savoir que celles-ci existent seulement au cas où le différend entre des États parties

aurait été porté devant la Cour par la voie de requête unilatérale. Cela dit, les États désirant

soumettre leur différend à la Cour par la voie de compromis ne seront soumis à aucune condition

s’ils souhaitent bénéficier de la couverture financière du fonds d’affectation spéciale, à moins d’en

faire la demande au Secrétaire général de l’ONU et en y joignant une copie de l’acte du compromis

conclu.349

En réalité, l’on peut déduire de la mise en œuvre de ce fonds qu’il vise à encourager les

États à soumettre leurs différends à la Cour par la voie de compromis, qui est censé protéger

348 Supra note 344 au para 8. 349 Ibid au point a.

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davantage la compétence de celle-ci contre les incidents de procédure (exceptions d’incompétence

ou d’irrecevabilité). C’est pourquoi d’ailleurs, le communiqué de presse AG/1213 du 30 octobre

2001, du Secrétariat général de l’ONU, ne fait point mention du bénéfice de ce fonds aux États qui

font recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale. Il ressort en effet, de ce communiqué que :

« Tout État partie au Statut de la Cour internationale de Justice et tout État non membre de l’ONU

qui satisfait aux conditions prescrites par la résolution 9 (1946) du Conseil de sécurité peut

bénéficier de l’aide de ce Fonds créé en 1989, pour les dépenses encourues à l’occasion du renvoi

d’un différend à la Cour en vertu d’un compromis, ou de l’exécution d’un arrêt pris par la Cour en

vertu de ce compromis. »350.

Le cas échéant et lorsque la saisine de la Cour intervient par la voie d’une requête unilatérale

d’un État partie à un différend, il faudrait distinguer deux cas. D’une part, au cas cet État partie

aurait demandé ce fonds pour la couverture de dépenses, il n’en bénéficiera que si les exceptions

préliminaires soulevées par le défendeur pour contester à la Cour sa compétence ont toutes été

rejetées à travers un arrêt. D’autre part, si aucune exception préliminaire n’a été soulevée dans le

cadre du différend, l’État partie qui sollicite le bénéfice du fonds d’affectation spéciale devra

s’assurer auprès du Secrétaire général de l’ONU de ne point lui-même en soulever et à s’engager à

plaider l’affaire au fond. C’est-à-dire qu’il devra obligatoirement comparaître.

Dans la mesure où l’introduction d’une instance devant la Cour par la voie de requête

unilatérale n’entraîne pas automatiquement le bénéfice du fonds d’affectation spéciale, comme il

en est du recours par la voie de compromis, ce doit être encore une occasion de témoigner des

atouts du compromis. La preuve en est que les États parties à des différends qui ont pu bénéficier

de ce fonds ont jusque-là été ceux ayant saisi la Cour par compromis.

C’est l’exemple de l’affaire du Différend frontalier entre le Bénin c Niger351. Dans ce

différend qui opposa le Bénin et le Niger et qui fut l’objet de leur saisine de la Cour par compromis

(signé le 15 juin 2001 et entrée en vigueur le 11 avril 2001 à Cotonou), le 3 mai 2002,352 ces deux

350 ONU, communiqué, AG/1213, « Le rôle central de la cour internationale de justice dans le règlement pacifique des

différends réaffirme a l’Assemblée générale » (30 octobre 2001), en ligne :

<http://www.un.org/press/fr/2001/AG1213.doc.htm>. 351 Supra note 310. 352 CIJ, communiqué, 2002/13, « Le Bénin et le Niger soumettent conjointement un différend frontalier

à la Cour internationale de Justice » (5 mai 2002), en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?pr=570&code=bn&p1=3&p2=3&p3=6&case=125&k=94>.

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parties ont eu recours au fonds d’affectation. Les parties ont en effet signé une lettre conjointe le

12 novembre 2003, qui fut adressée au Secrétaire général de l’ONU dans l’optique de bénéficier

du fonds en question.353Le communiqué de presse SG/2087 L/3070 du Secrétariat général de l’ONU

du 3 juin 2004, indique que suite à leur différend, ces États (Bénin et Niger) ont sollicité l’octroi

d’une aide financière au titre du fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour prendre en

charge les dépenses judiciaires qui leur incombaient devant la Cour. Cette demande fut faite à la

fin de l’année 2003, après avoir au préalable saisi la Cour le 3 mai 2002, par la voie de

compromis354. Ainsi, un montant de 700 000 dollars US a-t-il été alloué aux deux États, soit

350 000 dollars à chacun d’eux.355

Cela dit, le fonds d’affectation contribue au règlement des différends devant la CIJ. Son

fonctionnement facilite le déroulement du processus de règlement. Par voie de conséquence, les

soucis financiers qui pourraient empêcher les États de comparaitre devant la Cour ou à accomplir

tous les actes de procédure, voire à s’interroger sur la charge du coût financier de l’exécution des

décisions, n’ont en principe plus de raison d’être par le jeu de fonds.

Bien avant l’institution du fonds d’affectation en 1989, le problème lié à la prise en charge

des dépenses judiciaires des États qui ne pouvaient le faire par leurs propres moyens, s’était posé

suite à l’arrêt rendu par la Cour sur le différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, le 22

décembre 1986.356 En l’espèce, malgré leur engagement à se conformer à l’arrêt rendu, ces États

se trouvaient dans l’incapacité d’assumer la responsabilité financière de la prise en charge des

experts désignés pour procéder à la délimitation de leur frontière commune. Ainsi, en avaient-ils

appelé à la Cour, qui leur trouva un bailleur de fonds, à savoir le gouvernement helvétique qui prit

en charge les dépenses financières liées à la démarcation de leur frontière. 357

De ce fait, le recours des États à la Cour par la voie de compromis comporte un avantage

financier que la requête unilatérale est loin de pouvoir leur garantir. Cet avantage s’analyse en un

appui financier visant à alléger leurs dépenses judiciaires. Par ailleurs, le recours par la voie du

353 ONU, communiqué, SG/2087 « Le secrétaire général accorde 700 000 dollars au Bénin et au Niger pour les assister

à régler leur différend frontalier en le soumettant à la CIJ » (4 juin 2004), en ligne : <

https://www.un.org/law/trustfund/press_release/French.htm>. 354 Supra note 310 à la p 94 au para 1. 355 Supra note 353. 356 Supra note 311. 357 Supra note 341 à la p 322.

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compromis entraine certaines garanties juridiques liées à l’acte même du compromis et qui

facilitent le dénouement des différends.

Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine

Quoi que l’on dise du compromis, il n’en demeure pas moins que même s’il n’est pas exclu

que l’introduction d’une instance devant la Cour par son biais puisse confronter celle-ci à des

exceptions d’incompétence, il conserve de grandes garanties juridiques pouvant conduire à un

aboutissement des différends. Ces garanties sont la conséquence d’une part, de l’appartenance de

l’acte de compromis à la catégorie des traités (A), et d’autre part, le bénéfice des règles de bonne

foi et du pacta sunt servanda (B).

A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités

Selon l’article 2, paragraphe 1.a), de la Convention de Vienne sur le droit des traités358,

«l’expression ‘traité’ s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le

droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs

instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière.». Cette définition rappelle

trois points importants à même de faire ériger le compromis en un accord international ou un traité,

avec toutes les implications que cela comporte. D’abord, le traité symbolise un accord écrit. Ce qui

exclut la catégorie des accords verbaux. C’est une entente entre sujets de droit international (des

États) matérialisée à travers un acte et dont la preuve peut être constatée par le juge. Ensuite, le

traité est un accord entre États, ce qui lui concède le qualificatif « international ». Sur ce, les

relations entre individus et États ou entre particuliers et États ne sauraient aboutir à la conclusion

de traités, quoique ces relations soient d’importance internationale, à moins de recevoir

l’approbation d’un État en tant qu’autorité de tutelle. C’est le cas des accords de jumelage entre

des villes d’États différents. Enfin, le traité demeure régi du point de vue de sa procédure de

conclusion, de sa validation ou de son exécution, par le droit international. Il ne saurait de ce fait

dépendre d’aucun droit étatique en particulier.

358 Convention de Vienne sur le droit des traités, conclue le 23 mai 1969, 1155 RTNU 18232.

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En plus d’être une base de compétence de la CIJ, le compromis est aussi un acte juridique.

Il est conclu par des États et traduit donc l’expression matérielle de leur volonté de s’en remettre à

la compétence de la Cour. C’est cet acte qui est d’ailleurs notifié à la Cour en tant que preuve de

leur acception de sa compétence dans le cas donné. La signature ou la conclusion d’un compromis

signifie en principe, l’existence d’un différend (juridique). L’acte du compromis est de ce fait, la

conséquence d’un tel différend. Sur ce, il ne saurait être procédé à la conclusion d’un compromis

devant prévoir la compétence de la CIJ pour un différend donné, avant même que celui-ci ne soit

né. Ainsi, convient-il de rappeler que : « Le compromis résulte d’une démarche pragmatique, qui

conduit les parties à s’intéresser à un présent litigieux »359.

D’un point de vue formel, le compromis s’apparente généralement à un traité bilatéral en

forme solennelle qui porte sur la compétence de la Cour. Il est de ce fait le fruit de la négociation360

entre des États parties à un différend né, qui trouvent nécessaire de le signer ou de le conclure pour

le notifier à la CIJ par la suite conformément au paragraphe 1361 de l’article 40 de son Statut en

guise de leur acceptation de sa compétence pour le cas d’espèce.

C’est l’exemple du compromis entre la Malaisie et le Singapour au sujet de leur différend

relatif à la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, notifié

conjointement à la Cour le 24 juillet 2003.362 Le paragraphe 1 du texte de ce compromis comporte

cette mention :

Au nom du Gouvernement de la Malaisie et du Gouvernement de la République

de Singapour, nous avons l'honneur de porter à votre connaissance que la Malaisie et

Singapour se sont entendus le 14 avril 1998 sur le texte du compromis visant à

soumettre à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la

souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge.

Conformément au paragraphe 1 de l'article 40 du Statut de la Cour, le Gouvernement

de la Malaisie et le Gouvernement de la République de Singapour ont le plaisir de vous

faire conjointement tenir: a). Un exemplaire original du compromis visant à soumettre

à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté : sur

359 Charles Jarrosson, « Le compromis, convention d’arbitrage d’avenir? », dans Mélanges en l'honneur du Professeur

Bernard Audit : les relations privées internationales, Issy-les-Moulineaux, Lextenso éditions, 2014 aux pp 472-473. 360 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 616. 361 Aux termes de ce paragraphe, « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du

compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent

être indiqués ». 362 Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le différend entre

la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge,

en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.

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Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, signé le 6 février 2003

à Putrajaya ; b) une copie certifiée conforme du procès-verbal d'échange des

instruments de ratification entre la Malaisie et Singapour, signé le 9 mai 2003 à

Putrajaya.

Par ailleurs, partant de la classification matérielle des traités, il est possible de ranger le

compromis parmi la catégorie des traités-contrats par opposition aux traités-loi.363 De ce fait, le

compromis s’apparenterait à un contrat synallagmatique, en ce sens qu’il comporte le plus souvent

un échange de droits et d’obligations réciproques entre les États qui le concluent.364 En termes de

droits, l’on en veut pour preuve, le paragraphe 1 de l’article VIII du texte du compromis entre le

Botswana et la Namibie, qui prévoit par exemple que : « Chacune des Parties peut exercer le droit

que lui confère le paragraphe 3 de l'article 31 du Statut de la Cour de procéder à la désignation d'un

juge de son choix ».365Le paragraphe 2 de l’article IX du même texte énumère comme obligation à

la charge des deux parties le fait qu’ « une fois que la Cour aura rendu son arrêt, les Parties

prendront, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires à son application.». À contrario, et

selon J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, le traité-loi est celui « dont la caractéristique est

d’apparaitre comme une véritable législation internationale qui a été élaborée par la Communauté

des États dans son ensemble » et qui « crée des situations légales dont le champ d’application est

susceptible de déborder le cercle étroit des États parties ».366

Dans la mesure où le compromis est un traité, en principe, tous les États peuvent le conclure

tant que cela leur paraîtrait la voie idéale pour en arriver au dénouement de leurs différends devant

la Cour. 367 L’élaboration d’un compromis obéit de ce fait aux mêmes normes que celles des autres

traités. Sur cette base, lorsque des États parties à un différend veulent le soumettre à la Cour par la

voie de compromis, chaque État devra être représenté par un plénipotentiaire, c’est-à-dire, une

personne choisie en tant que son représentant et qui est munie de pleins pouvoirs pour négocier

l’accord et engager l’État en question.368 Sont exemptés de la production de ces pleins pouvoirs les

363 Sur la distinction entre ces deux catégories de traités, voir, Francesco Ruffini, De la protection internationale des

droits sur les œuvres littéraires et artistiques, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1926, II, Recueil des cours de

l’Académie de droit international aux pp 473-474. 364 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 40-41. 365 Cour internationale de Justice, compromis entre le gouvernement de la république du Botswana et le gouvernement

de la République de Namibie visant à soumettre à la Cour internationale de justice le différend qui oppose les deux

États concernant la frontière autour de l'île de Kasikili/Sedudu et le statut juridique de cette île, en ligne : <

http://www.icj-cij.org/docket/files/98/7184.pdf>. 366 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 41-42. 367 Supra note 358, art 6. 368 Supra note 358, art 7 au para 1.

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chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, lesquels

apparaissent comme les négociateurs par excellence.369 Il en est de même des chefs de mission

diplomatique lorsqu’il s’agit l’adoption du texte d’un traité entre l’État accréditant et l’État

accréditaire.370

Du point de vue contexture, le compromis comporte généralement tout comme la plupart

des traités, un préambule et un dispositif. C’est le préambule qui contient l’énumération des parties

au différend ainsi que l’exposé de leurs motifs. C’est l’exemple du préambule du compromis de

saisine de la Cour, conclu par le Bénin et le Niger au sujet de leur différend frontalier, et qui fut

notifié le 3 mai 2003.371 Celui-ci annonce d’une part, les parties au différend par cette formule : «

Le Gouvernement de la République du Niger et le Gouvernement de la République du Bénin, ci-

après dénommés « les Parties ». D’autre part, l’exposé des motifs liés à la signature du compromis,

est quant à lui présenté comme suit : « Désireux de parvenir dans les meilleurs délais au règlement

du différend frontalier qui les oppose en se fondant sur les dispositions de la Charte ainsi que sur

les résolutions de l'Organisation de l'Unité Africaine et de soumettre la question de la délimitation

définitive de l'ensemble de leur frontière à la Cour Internationale de Justice, ci-après dénommée

«la Cour »372. Le dispositif, pour sa part, en tant que seconde partie du compromis, représente en

principe, le corps de l’acte. C’est la partie qui comporte les articles, voire, dans certains cas, des

annexes ou des protocoles additionnels.373

De ce point de vue, dans la mesure où la nature de l’acte du compromis est celle d’un traité,

il n’en demeure pas moins qu’il peut tirer profit des garanties juridiques liées à l’interprétation et à

l’application de tous les traités en général.

369 Supra note 358, art 7 au para 2.a. 370 Supra note 358 au para 2.b. 371 Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la République du Niger et

la République du Benin, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/125/7068.pdf>. 372 Ibid. 373 À titre de preuve, le compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la

République du Niger et la République du Benin, comporte dans son dispositif en plus des articles, le « Protocole

d'échange des instruments de ratification du compromis de saisine de la cour internationale de justice au sujet du

différend frontalier entre la République du Benin et la République du Niger, signe à Cotonou, le 15 juin 2001 ».

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B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des affaires

portées à la Cour par la voie de compromis de même qu’à l’exécution des décisions

issues de ces affaires

Les traités jouent un rôle fondamental dans l’histoire des relations interétatiques. C’est du

moins ce que rappelle le préambule de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des

traités374. Pour que rien ne puisse remettre en cause ce rôle qui est le leur, le droit international a

érigé un certain nombre de principes devant conduire les États à respecter leurs engagements

lorsqu’ils sont parties à des traités, et ce, indépendamment de leur volonté. Au nombre de ces

principes, figurent en bonne place la règle du pacta sunt servanda et la règle de bonne foi.

La règle du pacta sunt servanda a trait au « principe selon lequel les traités et, plus

généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus »375. Autrement

dit, lorsqu’un État se donne de conclure un traité (un compromis par exemple), il agit en toute

légitimité et en toute souveraineté en principe. De ce fait, il devrait avoir eu à imaginer d’avance

toutes les implications que son engagement audit traité comporte. John H. Currie renchérit sur cette

définition en ces termes: « Pacta sunt servanda simply means that, once an international legal

subject has expressed its consents to be bound by a treaty and the treaty has come into force, the

treaty is binding on that subject and must be performed by it in good faith. In other words, even a

sovereign state cannot invoke its sovereignty to renege on its treaty obligations ».376 Le pacta sunt

servanda implique par conséquent l’obligation juridique qui consiste pour les États à respecter et à

exécuter leurs engagements internationaux matérialisés sous la forme de traités. Quant à la règle

de bonne foi, le Dictionnaire de droit international public le définit comme une « disposition

d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses

obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni d´accroitre indument, en

faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard »377. Cela dit, en vertu

de la bonne foi, lorsque des États parties à un différend concluent un compromis de saisine de la

CIJ, ils doivent s’abstenir de tout acte qui pourrait réduire au néant son objectif ; cet objectif étant

de permettre à la Cour de contribuer au dénouement de leur différend.

374 Supra note 358. 375 Supra note 69. 376 John H. Currie, Public international law, Toronto, Irwin Law, 2008 à la p 153. 377 Supra note 33.

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La distinction entre le principe du pacta sunt servanda et la bonne foi n’est souvent pas

nette, compte tenu de leur proximité. Ce qui entraine parfois des confusions dans le sens à donner

à chacun de ces principes.378 Si certains auteurs tentent de faire absorber le principe du pacta sunt

servanda par la bonne foi, d’autres pensent le contraire. Ainsi, trouvent-ils inutile l’idée d’exiger

des États qu’ils remplissent de bonne foi leurs obligations en vertu des traités qu’ils concluent parce

qu’on ne pourrait remplir de mauvaise foi une obligation. Dès lors, la bonne foi ne jouerait presque

pas de rôle éminent pour la survie des conventions, contrairement au principe du pacta sunt

servanda.379Peu importe dans tous les cas, le sens ou la portée que l’on viendrait à réserver à ces

principes, une chose demeure cependant certaine. C’est qu’ils constituent tous deux des principes

qui fondent la force obligatoire des traités et par voie de conséquence de l’acte du compromis de

saisine de la CIJ. En la matière, c’est l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités

(précité), qui s’érige en fondement juridique de ces deux principes. Selon cet article « tout traité en

vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».

Outre cette consécration conventionnelle, ces deux principes trouvent de même leur

fondement dans la jurisprudence. Ainsi, dans son arrêt du 20 décembre 1974 dans l’affaire des

Essais nucléaires, la CIJ soutient que :

L’un des principes de base qui président à la création et à l'exécution

d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui de la bonne foi. La

confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale,

surtout à une époque où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus

indispensable. Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même,

le caractère obligatoire d’un engagement international assumé par déclaration

unilatérale repose sur la bonne foi. Les États intéressés peuvent donc tenir compte des

déclarations unilatérales et tabler sur elles ; ils sont fondés à exiger que l'obligation

ainsi créée soit respectée380.

Sur ce, le fait que le principe du pacta sunt servanda et de la bonne foi puisse profiter

directement à l’acte du compromis, témoigne que le recours à la Cour par cet acte, soit

apparemment bénéfique au règlement des différends par rapport à la requête unilatérale. Cette

dernière résulte de la seule initiative d’un État demandeur devant la Cour. Elle n’est donc pas un

traité qui pourrait obliger l’État défendeur à accepter la compétence de la Cour, encore moins, à

378 Robert Kolb, La bonne foi en droit international public : contribution à l'étude des principes généraux de droit,

Paris, Presses universitaires de France, 2000 à la p 93. 379 Ibid à la p 94. 380 Supra note 259 à la p 268 au para 46.

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comparaitre devant elle pour accomplir tous les actes de procédures (présentation de son contre-

mémoire exposant les faits, ses arguments ou conclusions). L’introduction d’instance par la voie

de requête unilatérale devant la CIJ, ne comporte donc aucune garantie juridique reposant sur un

principe préétabli en droit international vertu duquel, l’on pourrait d’avance être sûr de ce que la

Cour connaitrait effectivement de l’affaire à elle soumise.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le bilan du règlement des différends soumis à la

Cour par la voie de compromis apparait plus satisfaisant que celui des différends qui l’ont été par

requête unilatérale. Au regard des principes du pacta sunt servanda et de la bonne foi, les parties

sont tenues d’observer les dispositions d’un compromis de saisine de la Cour, de telle sorte qu’il

leur est presqu’impossible de pouvoir par la suite nuire au bon déroulement de toute la procédure

de règlement. Le cas échéant, ils engageraient leur responsabilité internationale, ce qui pourrait en

conséquence, les priver de certains intérêts au sein de la communauté internationale.381

Dans le cadre de leur différend frontalier, le Burkina Faso et le Mali avaient conclu un

compromis de saisine de la CIJ et qui lui fut notifié le 20 octobre 1983.382 Parmi les dispositions

de cet acte, l’article III.2.a) prévoyait que : «Sans préjuger aucune question relative à la charge de

la preuve, les Parties prient la chambre d’autoriser la procédure suivante au regard des pièces de

procédure écrite :a) un mémoire soumis par chacune des Parties au plus tard six mois après

l’adoption par la Cour de l’ordonnance constituant la chambre». Cette disposition comportait

l’obligation pour chacune des parties de comparaitre devant la chambre saisie de l’affaire. Pour

avoir signé ce compromis, aucune des parties ne devrait en principe refuser de comparaitre devant

la chambre saisie de l’affaire pour exposer ses conclusions et/ou ses droits, et ce, dans un délai de

six mois à compter de la date de la constitution de la chambre. Par ailleurs, l’article IV de ce même

381 L’idée consiste à dire que le compromis étant un accord international ou traité, sa violation par les États qui l’ont

conclu, compromet leurs intérêts au sein de la communauté internationale, comme il en est de même de tout État qui

ne respecte pas ses engagements internationaux et qui peut de ce fait, perdre des privilèges sur la scène internationale.

Ce fut le cas du Canada qui perdit son siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité de l’ONU à l’issue d’un

vote le 12 octobre 2010, au sein de l’Assemblée générale de ladite organisation. Les raisons évoquées de cette perte

de siège du Canada, concerneraient son manquement à l’exécution de certaines de ses engagements internationaux, à

savoir : son manque de performance internationale sur la question des changements climatiques, la réduction de son

aide versée à certains États africains, les critiques de sa politique envers le droit des peuples autochtones, etc. Voir à

cet effet, la perte du vote du Canada à l’ONU: recul de sa renommée internationale en ligne :

<http://www.mondialisation.ca/la-perte-du-vote-du-canada-l-onu-recul-de-sa-renomm-e-internationale/21438>: 382 Cour internationale de Justice, Compromis entre le gouvernement de la République de Haute-Volta et le

gouvernement de la République du Mali visant à soumettre à une chambre de la cour internationale de justice le

différend frontalier entre les deux états, en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/files/69/10664.pdf>.

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acte faisait état de ce que : «1. Les Parties acceptent, comme définitif et obligatoire pour elles-

mêmes, l’arrêt de la chambre, rendu en application du présent compromis. 2. Dans l’année suivant

cet arrêt, les Parties procèderont à la démarcation de la frontière ». Cette disposition mettait à la

charge des parties, l’obligation de ne point remettre en cause la décision que la chambre viendrait

à rendre à propos de l’affaire, et de l’exécuter. Raison pour laquelle, elles furent respectées en

principe par les parties, car aux termes de l’arrêt rendu, non seulement, aucune exception

d’incompétence ou d’irrecevabilité n’a été soulevée par l’une d’elles, encore qu’elles (les parties)

ont effectivement comparu devant la chambre pour assumer la charge de la preuve.383 Aussi, se

sont-elles conformées à l’arrêt rendu en la mettant en œuvre.384

383 Supra note 311. 384 Supra note 383.

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Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de

la procédure de règlement des différends à travers le recours des États à la Cour par

la voie du compromis

Le consensualisme entre les parties permet à la Cour de mieux exercer sa compétence dans

la procédure de règlement des différends étant donné qu’il symbolise l’acceptation de la

compétence de la Cour par chacune d’elles. Le lien qui existe entre ce consensualisme et la saisine

de Cour par compromis, fait en sorte que cette voie de recours soit le lieu de prédilection pour la

protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions d’incompétence (section

1), d’une part. Cette relation entre États parties à un différend et la saisine de la Cour par voie de

compromis regorge à bien d’autres avantages de telle sorte que les États gagneraient à privilégier

cette dernière voie par rapport à la requête unilatérale (section 2), d’autre part.

Section 1 : La protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions dans

la procédure de règlement par le fait du recours par la voie de compromis

Les exceptions de la Cour sont au nombre de deux, si l’on en croit au Dictionnaire de droit

international public385. Ce sont les exceptions préliminaires et les exceptions d’irrecevabilité. La

protection de la compétence de la Cour par le recours par la voie de compromis, a trait à la capacité

de cette voie de saisine à limiter d’une part, les exceptions préliminaires (paragraphe 1), et, d’autre

part, les exceptions d’irrecevabilité (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires

Parlant d’exceptions préliminaires, il y a lieu de savoir que celles-ci existent en termes de

trois catégories. Sur ce, la capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires, concerne

d’abord les exceptions ratione materiae (A), ensuite les exceptions ratione personae (B), et enfin

les exceptions ratione temporis (C).

385 Salmon, supra note 2 à la p 1198.

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A- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione

materiae par le recours par la voie de compromis

Selon Jean Salmon, l’exception ratione materiae suppose « l’inexistence d’un différend

juridique actuel et de caractère international ».386 En sa qualité d’organe judiciaire principal des

Nations Unies, la CIJ n’est en charge que du règlement des différends juridiques qui oppose des

États en tant principaux sujets de droit international. Cela limite la compétence de la Cour en

principe à la catégorie des matières juridiques à l’exception des matières revêtues de toute autre

connotation et celles politiques surtout.

En cela, la partie qui introduit une instance devant la Cour devra se rendre à l’évidence de

la nature juridique du différend pour lequel elle souhaite voir la Cour trancher. Le cas échéant et

s’il apparaît que le différend relève d’autres catégories de matières (politiques par exemple), l’autre

partie pourra faire objection à la compétence de la Cour. Celle-ci n’étant habilitée qu’en vertu des

différends d’ordre juridique, il va sans dire qu’elle ne pourrait connaître de différends d’ordre

politique et que de tels différends pourront faire objet d’exceptions préliminaires que le défendeur

pourra soulever.

Toutefois, il n’en demeure pas moins que quand bien même que la compétence de la Cour

s’étendrait à tous les différends juridiques à caractère international, elle ne pourra connaître de tels

différends que dans la mesure où la base juridique de compétence ayant permis sa saisine se

réfèrerait à leur catégorie. En effet, en droit international, il y a différentes catégories de matières et

chaque matière comporte des démembrements dont chacun peut faire objet d’adoption de traité.

Par exemple, en DIH, on peut avoir des traités qui portent sur les violences sexuelles, ou sur la

protection des enfants en temps de guerre ou sur les enfants soldats ; en droit de la décolonisation,

on pourrait procéder à l’adoption de traité portant délimitation frontalière terrestre et maritime, etc.

C’est pourquoi, on a à titre de preuve, la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques387,

la Convention relative à l'esclavage388, le Traité sur les forces armées conventionnelles en

Europe389, etc. Même dans les hypothèses où le demandeur à l’instance entend fonder la

compétence de la Cour en vertu de déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la

386 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 387 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, conclue le 18 avril 1961 à Vienne, 500 RTNU n0 7310. 388 Convention relative à l'esclavage, conclu le 25 septembre 1926 à Genève, 60 RTSN n0 1414. 389 Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, conclu le 19 novembre 1990 à Paris, 2441 RTNU n0

44001.

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Cour, il lui importe de savoir les catégories de matières visées par celles-ci. Certaines déclarations

excluent certaines catégories de matières particulières à l’exception d’autres. C’est le cas de la

déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, du Canada390, qui exclue les

«différends relatifs à des questions qui, d'après le droit international, relèvent exclusivement de la

juridiction du Canada».

Sur ce, lorsqu’un différend est soumis à la Cour, à moins que cela n’ait été que par

compromis, le demandeur devra indiquer dans sa requête la base de compétence en vertu de

laquelle, il croit pouvoir voir la Cour statuer.391 Lorsque la base de compétence est par exemple

une clause compromissoire insérée dans un traité, il faudrait que le traité en question et le différend

en cause relèvent de la même catégorie de matière en droit international. En cela, si le différend a

trait par exemple au crime de génocide relativement au DIH, il faudrait pour établir la compétence

de la Cour et éviter l’exception ratione materiae que le traité dont la clause prévoit la compétence

de la Cour, soit relatif au crime de génocide en lien avec le DIH.

Lorsque la compétence de la Cour devra découler de déclarations d’acceptation de la

juridiction obligatoire de la Cour, supposons que ce soit contre le Canada que le demandeur

introduit une l’instance. La Cour se heurterait inévitablement à l’exception ratione materiae, si le

différend en cause est en lien avec la sécurité intérieure ou la défense nationale du Canada, dans la

mesure où ces différentes matières font partie de celles qui ne sont pas prises en compte par la

déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faite par le Canada392. Cela dit, la

sécurité intérieure ou la défense nationale, tout comme les affaires étrangères et la justice, font

partie des matières qui relèvent des Ministères régaliens du Canada.393 Souvenons-nous en effet,

des affaires Essais nucléaires entre l’Australie et la France394 et entre la Nouvelle-Zélande et la

France395. En réalité, dans ces affaires, la France était fondée à évoquer l’incompétence de la Cour

390 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, faite le 10 mai 1994 à New York, 1776

RTNU n0 30941. 391 En effet, le paragraphe 2 de l’article 38 du Statut de la Cour porte que dans le cas où une instance est introduite

devant la Cour par la voie de requête : « La requête indique autant que possible les moyens de droit sur lesquels le

demandeur prétend fonder la compétence de la Cour ; elle indique en outre la nature précise de la demande et contient

un exposé succinct des faits et moyens sur lesquels cette demande repose. ». 392 Supra note 390. 393 Bol de culture, en ligne : < http://boldeculture.blogspot.ca/2011/04/quest-ce-quun-ministere-regalien.html>. 394 Supra note 259. 395 Supra note 258.

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sous le motif que sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du 20 mai

1966 excluait les matières ayant trait à sa défense nationale.396 La France pouvait donc soulever

l’exception ratione materiae. Si la Cour ne lui a pas fait droit en cela, c’est certainement parce que

sa compétence pouvait résulter d’une autre base juridique de compétence à savoir, l'article 17397 de

l'Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux conclu à Genève le 26

septembre 1928 qui prévoyait la compétence de la CPJI en tant que devancière de la CIJ. La France

était partie à cet Acte, et quoique conclu à l’époque de la CPJI, en vertu de l’article 37 du Statut de

la CIJ, il demeurait toujours en vigueur et pouvait être invoqué comme fondement de la compétence

de cette Cour.

Dans l’éventualité d’une exception ratione materiae, tout comme les autres catégories

d’exceptions préliminaires, il appartiendra à la Cour de démontrer sa compétence en l’occurrence

à travers un arrêt sur les exceptions préliminaires en question. C’est de là qu’apparait aussi l’un des

inconvénients de l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale devant la Cour.

Premièrement, l’éventualité d’une ou des exception (s) préliminaire (s) aura pour effet de retarder

l’évolution rapide de la procédure de traitement du différend, car la Cour devra se donner tout le

temps nécessaire pour examiner la question des exceptions. En second lieu, dans l’hypothèse où la

Cour se déclare incompétente pour connaitre du différend au fond à l’issue de son arrêt sur les

exceptions préliminaires, l’instance introduite se terminera dès lors, et l’affaire sera radiée de son

rôle.398

Le recours à la Cour par la voie de compromis permet de protéger sa compétence contre

l’exception ratione materiae, en ce sens que d’une part, le compromis peut couvrir à la fois toutes

les matières du droit international, contrairement aux clauses compromissoires insérées dans des

traités qui sont souvent conclus par rapport à des domaines ou matières spécifiques du droit

international. Cela dit, quelle que soit la catégorie de matière à laquelle un différend juridique

international se réfère, des États peuvent conclure un compromis de saisine pour fonder la

compétence de la Cour. Mais, unilatéralement, un État partie à un différend, ne saurait porter celui-

ci devant la Cour sur le fondement de n’importe quelle clause compromissoire. Les clauses

compromissoires existent en effet dans des traités qui portent sur des matières spécifiques, d’où

396 Supra note 275. 397 Supra note 271. 398 Kolb, supra note 41 à la p 258.

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une seule clause compromissoire ne pourrait servir de fondement à la compétence de la Cour pour

tous les différends juridiques internationaux. C’est aussi le cas des déclarations facultatives de

juridiction obligatoire de la Cour, qui ont parfois des effets spécifiques et visent de ce fait des

catégories particulières de matières pour ne pas pouvoir couvrir à la fois toutes les matières relatives

au droit international. D’autre part, il est très rare, voire impossible que des États concluent un

compromis de saisine de la Cour, pour le limiter ensuite par une exception ratione materiae.

L’expérience de la jurisprudence de la Cour prouve en réalité que cette exception ne joue souvent

que dans les hypothèses d’affaires introduites par la voie de requête unilatérale.399

Outre, la catégorie des exceptions ratione materiae, celle des exceptions ratione personae

a tout de même des effets limités en ce qui concerne la saisine de la Cour par la voie de compromis.

B- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione

personae par le recours par la voie de compromis

Seuls les États sont justiciables devant la CIJ. Le paragraphe 1 de l’Article 34 de son Statut

l’affirme en ces termes : « Seuls les États ont la qualité pour se présenter devant la Cour ». La

question reste à savoir ce que c’est qu’un État. Il semble que le terme « État » doive être compris

dans son sens objectif, si l’on s’en tient à la nature des entités qui ont souvent l’habitude d’ester

devant la Cour au niveau contentieux.

À ce sujet, c’est la Convention de Montevideo de 1933 sur les droits et les devoirs des États,

offre une définition du terme « État » en l’articulant autour de la réunion de trois éléments sine qua

non à travers son article premier qui porte que : « Un État en tant qu'entité du droit international

doit posséder les éléments suivants : une population permanente, un territoire défini, un

gouvernement, et la capacité d'entrer en relation directe avec les autres États ». Cela dit, pour être

partie devant la Cour, l’entité qui le souhaite doit avoir une population, un territoire et un pouvoir

politique, sans méconnaitre le critère de souveraineté : C’est la question du locus standi et c’est ce

sur quoi la CIJ se base pour attester la justiciabilité d’une entité. Une entité de ce genre, quand bien

399 Nous tirons notre raisonnement sur la base d’un constat réalisé sur l’ensemble des affaires portées devant la Cour

par la voie du compromis : supra note 187, aussi supra note 282.

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même qu’elle ne serait pas membre de l’ONU pourra avoir accès à la Cour si toutefois elle est

partie à son Statut.

Toutefois, il ne suffit pas pour un État donné de pouvoir avoir accès à la Cour. Aussi, lui

incombe-t-il d’avoir en effet, consenti à la compétence de la Cour pour donner à celle-ci de pouvoir

se prononcer valablement sur le différend auquel il est partie. De ce point de vue, et dans

l’hypothèse d’une saisine unilatérale de la Cour, l’État qui en est à la base devra prouver la

compétence de la Cour soit au moyen d’une clause compromissoire, soit sur le fondement d’une

déclaration facultative de juridiction obligatoire, soit dans un dernier cas relatif au forum

prorogatum.

Si la compétence de la Cour a été établie par le demandeur sur le fondement d’une clause

compromissoire, cela doit supposer l’existence d’un traité auquel non seulement le demandeur,

mais aussi le défendeur seraient parties. L’exception ratione personae peut de ce fait, être évoquée

par le défendeur s’il avère que le traité contenant la clause compromissoire, est caduc ou bien s’il

se trouve que l’un des États parties (au différend) n’y est pas valablement partie (au traité).

Supposons par ailleurs que la compétence de la Cour ait été établie en vertu d’une

déclaration facultative de juridiction obligatoire. Les hypothèses de l’exception ratione personae,

sont d’autant plus perceptibles dans ce cas-ci au regard des réserves faites audites déclarations et

qui visent parfois à exclure certains États de la sphère de compétence de la Cour. Sur ce, il peut

arriver qu’État partie à un différend ne puisse pas le porter devant la Cour sur le fondement de sa

déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour dans la mesure où l’État défendeur aurait

pour sa part, formulé une réserve à sa déclaration de juridiction obligatoire pour soustraire de la

compétence de celle-ci une catégorie d’États à laquelle appartient le demandeur. C’est le cas du

Canada qui exclut les États du Commonwealth britannique de la sphère de compétence de la Cour

aux termes de sa déclaration de juridiction obligatoire dans tout différend entre lui et l’un

quelconque de ces États.400 Parmi ces États, figurent l’Australie, la Grande-Bretagne, l’Afrique du

Sud, etc.401 Sur ce, le Canada pourra soulever une exception ratione personae pour contester la

400 Supra note 390 401 Liste des États membres du Commonwealth, en ligne : < http://statistiques-mondiales.com/commonwealth.htm>.

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compétence de la Cour dans une instance introduite devant elle par exemple par l’Australie, sur le

fondement de sa déclaration de juridiction obligatoire.

C’est ainsi qu’il ne devrait pas être étonnant de constater que des États soient limités d’un

point de vue ratione personae, dans la possibilité de saisir la Cour par le biais d’une requête

unilatérale. Selon le Dictionnaire de Droit international public, «l’incompétence ratione personae

est soulevée par un État s’il considère que l’autre partie n’a pas qualité pour agir devant la Cour»402.

Les États qui recourent à la Cour par la voie du compromis, échappent souvent et pour ne

pas dire dans presque tous les cas, à l’exception ratione personae, pour une bonne raison. D’une

part, la conclusion d’un compromis de saisine de la Cour suppose d’emblée que c’est des États qui

sont à la base et qu’en aucun cas cela ne pourrait être l’œuvre d’autres sujets de droit international,

au regard de l’article 34 paragraphe 1 du Statut de la Cour. Ainsi, dans l’hypothèse où une entité

qui ne serait pas un État, mais qui voudrait quand même être partie à un différend devant la Cour

par la voie de compromis, l’autre partie avec laquelle elle entend conclure le compromis, pourrait

facilement opposer son refus pour un tel compromis de saisine, en vertu du paragraphe 1 de l’article

précité. D’autre part, en plus d’être une voie de recours, le compromis sert aussi de fondement

juridique à la compétence de la Cour. Cela dit, l’acte de compromis notifié à la Cour en vue de sa

saisine, contient en principe l’expression du consentement de chaque partie au différend en cause.

De ce fait, aucune des parties ne pourra une fois, pendant l’instance, nier à l’autre sa qualité à

pouvoir agir devant la Cour sous prétexte qu’elle n’aurait pas consenti à la compétence de la Cour

de telle sorte qu’il y aurait une exception ratione personae à son encontre.

C’est au regard de ces considérations que dans la jurisprudence de la Cour, et selon les

analyses que nous avons nous-mêmes réalisées, il n’y a jusque-là pas eu de différend porté devant

elle par la voie de compromis et dans lequel l’une des parties aurait soulevé une exception ratione

personae pour contester la qualité de l’autre à pouvoir agir valablement devant la Cour. En clair,

les exceptions ratione personae sur lesquelles la Cour a eu à statuer, ont été l’œuvre du recours à

elle par la voie de requête unilatérale.403 Cette dernière voie est d’ailleurs loin de pouvoir protéger

la compétence de la Cour contre les exceptions préliminaires dans le sens où elle ne suppose pas

402 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 403 Nous déduisons ce raisonnement du constat réalisé sur l’ensemble des affaires portées devant la Cour par la voie de

compromis. De ce constat, il ressort qu’aucune de ces affaires n’a fait objet d’exception ratione personae. Voir, infra

note 474.

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que les parties aient pu procéder à des concessions entre elles avant la saisine de la Cour. D’ailleurs,

le fait qu’un État A assigne un autre État B devant la Cour, laisse implicitement déduire qu’il n’y

aurait pas eu un accord entre les deux États, et que l’État A voudrait obliger l’État B à se présenter

devant la Cour contre son gré. C’est ce qui ouvre la voie à ce dernier, en tant que défendeur à

l’instance à vouloir contester la compétence de la Cour sur le motif de l’existence par exemple,

d’une exception ratione personae.

L’un des exemples d’application de l’exception ratione personae fut dans l’affaire Activités

militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d'Amérique)404, quoique la Cour n’ait pas fait droit aux États-Unis qui en furent auteur. Trois jours

avant l’introduction de cette instance par requête du Nicaragua, le 9 avril 1984, les États-Unis

avaient entendu modifier leur déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du

14 aout 1946 par le moyen d’une notification adressée (le 6 avril 1984) au Secrétaire général de

l’ONU. 405 Cette notification avait en principe pour objet d’exclure «l'un quelconque des États de

1'Amérique centrale ou découlant d'évènements en Amérique centrale ou s'y rapportant» devant la

Cour, dans un différend avec les États-Unis.406 Pour la Cour, la notification en question était

assortie d’une clause de préavis de six mois407 et ne pouvait entrer en vigueur en principe que le 6

octobre 1984408, de telle sorte que le Nicaragua puisse bénéficier pendant ces six mois, du temps

nécessaire pour y faire objection s’il le souhaitait.409

En sus des exceptions ratione personae, dont il est presqu’impossible pour elles de pouvoir

prospérer à l’occasion d’instance introduite devant la Cour par la voie de compromis, la catégorie

des exceptions ratione temporis a tout de même moins de chance de pouvoir être évoquée par les

défendeurs pour contester à la Cour, sa compétence à pouvoir connaitre des différends devant elle

par cette même voie.

404 Supra note 80. 405 Supra note 80 à la p 419 au para 63. 406 Supra note 80 à la p 417 au para 57. 407 Supra note 80 à la p 419 au para 62. 408 Supra note 80 à la p 416 au para 54. 409 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 632.

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C- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione

temporis par le recours par la voie de compromis

En rappel, lorsque le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour porte que « la

compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront […] », l’idée

consiste à dire que la Cour ne serait pas compétente pour se prononcer sur un différend quoique lui

ayant été soumis, que si les États parties en cause ont tous consenti à sa compétence de façon

formelle. Dans l’affaire Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale

(Djibouti c France)410, la Cour elle-même n’a pas manqué de le signifier en ces termes : « La

compétence de la Cour est fondée sur le consentement des États dans les conditions fixées par ceux-

ci »411. À en croire à cette allégation de la Cour, les États peuvent sanctionner leur consentement à

sa compétence par le respect de certaines conditions dont la définition dépendrait de chacun d’eux.

C’est en cela, que certains États choisissent de subordonner la compétence de la Cour au respect

de certaines limites en termes de temps à partir duquel l’on pourrait valablement considérer leur

consentement à être liés à la compétence de la Cour. Lorsqu’une affaire se trouve de ce fait, portée

devant la Cour par un État demandeur en méconnaissance de telles limites temporelles, le

défendeur qui aurait subordonné la compétence de la Cour à de telles limites, pourrait évoquer une

exception préliminaire qui est en principe l’exception ratione temporis.

L’exception ratione temporis fait partie des catégories potentielles d’exceptions

préliminaires pouvant conduire à ce qu’un demandeur devant la CIJ soit débouté de sa demande

par le fait du défendeur. Jean Salmon le fait savoir dans sa définition sur les exceptions

préliminaires. Ainsi, dit-il que l’exception « ratione temporis peut être invoquée à raison de

l’expiration de la durée de validité d’un engagement unilatéral ou conventionnel ou encore parce

que les faits en cause auraient été accomplis avant l’engagement de juridiction obligatoire souscrit

par l’une des deux parties»412. Cette définition prend davantage en compte les bases juridiques de

la compétence de la Cour qui concernent la requête unilatérale. Ce sont les clauses

compromissoires insérées dans des traités, les déclarations facultatives de juridiction obligatoire de

la Cour. En effet, l’exception ratione temporis, en tant qu’exception préliminaire, est dans la

410 Supra note 143. 411 Supra note 143 à la p 203 au para 60. 412 Salmon, supra note 2 à la p 1198.

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plupart du temps, l’œuvre du défendeur à l’instance qui la soulève pour dire que la Cour n’aurait

pas compétence pour connaitre de l’action introduite par le demandeur.

En clair, l’exception ratione temporis a moins de chance de pouvoir s’accommoder avec

l’hypothèse d’un compromis de saisine de la Cour. En principe l’acte de compromis de saisine

contient la définition de tous les aspects du différend qu’il vise à faire porter devant la Cour. Ces

aspects prennent en compte l’engagement des parties au regard de la notification de l’acte à la Cour

dans un délai fixé par les parties elles-mêmes, leur engagement à soumettre chacune à la Cour les

pièces de procédures (mémoire, contre-mémoire, etc.), également dans des délais prédéfinis par

elles-mêmes, etc. Par exemple, le Burkina Faso et le Niger avaient subordonné leur saisine de la

Cour dans le délai d’un mois après l’entrée en vigueur du compromis413 qu’ils avaient signé dans

le cadre de leur différend frontalier414. L’article 9 de l’acte du compromis indiquait que si la «

notification n’est pas effectuée conformément au paragraphe précédent [portant sur l’article 40 du

Statut] dans le délai d’un mois suivant l’entrée en vigueur du présent compromis, celui-ci sera

notifié au greffier de la Cour par la Partie la plus diligente ». Si l’affaire doit être portée devant la

Cour par la voie de compromis, il y a de ce fait plus de chance qu’elle le soit dans le délai prévu.

Au regard des principes du pacta sunt servanda et de la bonne foi, le compromis traduit une volonté

non équivoque et réciproque des parties de donner compétence à la Cour afin qu’elle puisse

connaitre de leur différend. En cela, il est possible de croire que le délai pour la notification du

compromis ne puisse jamais échapper à toutes les deux parties. Autrement dit, même si l’une

d’entre elles se révélait négligente par la suite, l’autre partie pourra veiller à ce que la Cour soit

effectivement saisie.

Ceci étant, l’exception ratione temporis porte sur la validité des bases juridiques de la

compétence de la Cour. Convenons-nous toutefois que ce sont ces bases juridiques qui constituent

la matérialisation du consentement des États à la compétence de la Cour. Pour que la Cour puisse

se prononcer sur une affaire donnée, il faut que la base juridique de compétence retenue soit valide.

Pour qu’elle soit valide, il faudrait se rendre à l’évidence que l’un quelconque des États parties au

413 Cour internationale de Justice, Compromis de saisine de la cour internationale de justice, au sujet du différend

frontalier entre le Burkina Faso et la république du Niger, en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/files/149/15986.pdf>. 414 Supra note 313.

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différend n’ait pas limité la compétence de la Cour lors de sa manifestation de consentement,

seulement à des affaires postérieures à un tel consentement.

Cette exception joue davantage surtout lorsque, l’État demandeur entend fonder la

compétence de la Cour sur une clause compromissoire. Celle-ci suppose un traité ou une

Convention internationale en apparaissant comme sa stipulation qui formalise la compétence de la

Cour415. Or, l’article 28416 de la Convention de Vienne sur le droit des traités érige le principe de

la non-rétroactivité comme faisant partie du régime général de l’exécution des traités. Ceci étant,

la clause compromissoire ne pourra être évoquée par le demandeur à l’instance, comme fondement

de la compétence de la Cour que dans la mesure où le traité qui la contient serait entré en vigueur

antérieurement à la naissance du différend qui l’oppose. L’affaire Ambatielos (Grèce c Royaume-

Uni)417 constitue l’une des illustrations de ce principe de la non-rétroactivité des clauses

compromissoires. Ce différend fut introduit sur requête de la Grèce contre le Royaume-Uni à la

date du 9 avril 1951. Il mettait en cause un armateur grec, Nicolas Eustache Ambatielos. La

réclamation de la Grèce portait sur la violation des droits de son ressortissant, le sieur Ambatielos

à la suite de sa condamnation par des tribunaux britanniques à l’issue d’un contrat qu’il avait conclu

en 1919 avec le gouvernement du Royaume-Uni. L’objet de ce contrat reposait sur l'achat de neuf

bateaux à vapeur.418 La Grèce qui entendait fonder la compétence de la Cour sur un traité de 1926,

passé avec le gouvernement du Royaume-Uni, fut déboutée de sa demande de réclamation sur ce

point. La Cour décida que ledit traité de 1926 n'étant entré en vigueur qu'au mois de juillet 1926 ne

pourrait être appliqué à des évènements qui eurent lieu antérieurement à cette date419, soit à des

évènements ou des actes commis depuis 1919.

Les déclarations facultatives de juridiction obligatoire ne sont pas aussi en marge de la

limitation des exceptions ratione temporis. Dans leurs déclarations facultatives de juridiction

obligatoire, plusieurs États ont formellement limité leur consentement à la compétence de la Cour

415 C’est l’exemple de l’article IX de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée

et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A (III) du

9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951, conformément aux dispositions de l'article XIII. 416 Cet article stipule que : « À moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, les

dispositions d’un traité ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’entrée en vigueur

de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui avait cessé d’exister à cette date ». 417 Affaire Ambatielos (Grèce c Royaume-Uni), [1952] CIJ rec 28. 418Ibid à la p 30. 419 Supra note 417 aux pp 40 et 46.

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qu’à des différends portant sur des faits postérieurs, c’est-à-dire des faits qui se seraient produits

après la date de signature ou d’entrée en vigueur desdites déclarations. C’est l’exemple de

l’Allemagne420, du Canda421, du Japon422, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du

Nord dont la déclaration est entrée en vigueur le 31 décembre 2014, mais qui limite la compétence

de la Cour aux différends nés à partir de l’année 1984423, etc.

Ce sont en réalité ces considérations qui font peser en faveur du compromis, une capacité

véritable à pouvoir limiter les effets des exceptions préliminaires sur le cours de la procédure de

règlement des affaires. Il n’en demeure pas moins que cette capacité du compromis peut de même

limiter les exceptions d’irrecevabilité dans leurs effets.

Paragraphe 2 : La capacité du compromis à limiter les exceptions d’irrecevabilité

Selon le Dictionnaire de droit international public, on appelle exception d’irrecevabilité un

« moyen de procédure tendant à obtenir que le juge compétent pour connaitre d’une affaire ne

procède pas à l’examen au fond pour le motif qu’une condition préalable à cet examen fait défaut

»424. Si les exceptions préliminaires ont pour objet de révéler l’incompétence du juge international

de telle sorte qu’il ne devrait avoir autre choix que de se dessaisir du différend qui lui fut porté, les

exceptions d’irrecevabilité pour leur part, traduisent généralement l’idée de la non-satisfaction

d’une condition préalable à la saisine du juge. De ce fait, le juge pourrait valablement connaitre du

différend dans le cas où le préalable aurait été accompli. Par exemple dans l’affaire Mavrommatis,

la CPJI affirmait, se rendre à l’évidence de « l’importance de la règle suivant laquelle ne doivent

être portées devant elle que des affaires qui ne sont pas susceptibles d’être réglées par des

négociations » 425. L’idée de l’exception d’irrecevabilité traduit de ce fait, une faute du demandeur

420 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, conclue le 1er mai 2008, 2515 RTNU n0

44914. 421 Supra note 390. 422 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice. New York, 15 septembre 1958, conclue le

15 septembre 1958, 312 RTNU n0 4517. 423 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, entrée en vigueur le 31 décembre 2014,

RTNU n0 52381. 424 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 425 Supra note 16 à la p 15.

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à l’instance en général, d’avoir manqué d’accomplir une condition préalable à la saisine de la

Cour.426Il appartiendra en retour à la Cour de l’examiner au même titre que les exceptions

préliminaires (s’il y a lieu). Elle pourra soit la rejeter au cas où elle ne serait pas fondée en droit.

Ainsi, l’instance poursuivra-t-elle son cours pour aboutir à un examen au fond.

La Cour pourrait dans une autre mesure, à la suite de l’examen des exceptions

d’irrecevabilité, mettre un terme à l’instance et radier l’affaire de son rôle, au cas où la ou les

conditions préalables à l’introduction de l’instance n’auraient pas été accomplies. Tout compte fait,

la distinction entre exception préliminaire et exception d’irrecevabilité n’est souvent pas très nette.

Parfois, des questions relatives à l’épuisement de négociations diplomatiques ont été assimilées à

des exceptions préliminaires.427 C’est à ce sujet que sir Gerald Fitzmaurice déclarait au titre de son

opinion individuelle dans l’affaire Cameroun septentrional (Cameroun c Royaume-Uni) 428 que :

Il se peut qu'une exception préliminaire donnée concerne et la compétence et la

recevabilité ; mais la distinction, le test réel, dépend, semble-t-il du point de savoir si

l'exception repose ou est fondée sur la clause ou les clauses juridictionnelles en vertu

desquelles on prétend établir la compétence. Si tel est le cas, l'exception porte

essentiellement sur la compétence. Si elle repose sur des considérations extérieures à

une clause juridictionnelle et ne mettant pas en jeu l'interprétation ou l'application d'une

telle disposition, il s'agira normalement d'une exception à la recevabilité de la

demande.429

En principe, la question des exceptions d’irrecevabilité ne pourrait se poser que dans les

hypothèses du recours à la Cour par la voie de la requête unilatérale. Pour cause, « lorsque la

compétence de la Cour est fondée sur des déclarations unilatérales ou sur une clause

compromissoire, l’État qui se voit attrait unilatéralement devant la Cour sur de telles bases soulève

fréquemment des exceptions »430. Elles sont donc en réalité, l’œuvre du défendeur à l’instance. Or,

l’instance dans laquelle on parle de défendeur est celle introduite par la voie de requête

unilatérale.431 Le défendeur, c’est en effet, celui contre qui une instance est engagée. Pourtant le

426 Pour plus de détails sur les exceptions d’irrecevabilité et les motifs de leur évocation au cours d’une instance, voir

Kolb, supra note 41 aux pp 227-230. 427 Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie (Belgique c Bulgarie) (1939), CPJI (sér A/B) n0 77 à la p 80. 428 Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c Royaume- Uni), [1963] CIJ rec 15. 429 Ibid, voir l’opinion individuelle de Gerald Fitzmaurice aux pp 102-103. 430 Philippe Couvreur, « Notes sur la Cour internationale de justice et la volonté des États », dans Pierre Argent, Les

limites du droit international : essais en l'honneur de Joe Verhoeven = The limits of international law : essays in

honour of Joe Verhoeven, Bruxelles, Bruylant, 2015 à la p 432 [Couvreur]. 431 Guillaume, supra note 48 à la p 149.

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compromis témoigne d’un accord des parties impliquées dans le différend à aller devant la Cour.

Ainsi, l’expression « exception d’irrecevabilité » doit-elle être entendue comme une irrecevabilité

de la requête du demandeur recommandée par le défendeur à la Cour.

Le lien entre les exceptions d’irrecevabilité et le recours à la Cour par la voie de requête

unilatérale peut se démontrer si l’on part de la pratique de la jurisprudence que ce soit de la CPJI

ou de la CIJ. À cet effet, l’expérience permet de révéler que les affaires ayant fait objet de telles

exceptions, sont celles issues de saisines unilatérales de la Cour. Dans un premier temps, voyons-

en avec la CPJI432 dans la mesure où la CIJ a hérité d’elle. Il existait également deux voies de

saisine devant cette Cour dans la mesure où le contenu de l’article 40433 de son Statut ne différait

pas de celui de l’article 40 du Statut de la CIJ en tant que tel. Toutefois, c’est dans les cas de saisine

par la voie de la requête unilatérale que cette Cour se heurtait davantage aux hypothèses

d’exceptions d’irrecevabilité. L’on en veut pour preuve les affaires suivantes : affaire des

concessions Mavrommatis en Palestine434 ; affaire Losinger & Cie, S. A. (Exceptions

préliminaires)435, affaire Phosphates du Maroc (Exceptions préliminaires)436 ; affaire relative à

certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise437, affaire Usine de Chorzów (fond)438, etc.

L’affaire des concessions Mavrommatis, avait trait à une instance introduite devant la CPJI

sur requête du Gouvernement de la République hellénique (ou grecque), le 13 mai 1924 contre la

Grande Bretagne. Dans cette affaire, la Grèce prenait fait et cause pour son national, le sieur

Mavrommatis, dont les droits auraient été violés aux termes de contrats et accords qu’il aurait

passés avec les autorités ottomanes. La Grèce plaidait de ce fait, pour une réparation de ce préjudice

subi par le sieur Mavrommatis, par le gouvernement britannique, et réclamait ainsi la somme de

234.339 livres sterling.439 Toutefois, pour la Grande Bretagne, les conditions auxquelles l’exercice

432 Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé par l'article 14

du Pacte de la Société des Nations, conclu le 16 décembre 1920, 6 RTSN n0 170. 433 Selon l’article 40 du Statut de la CPJI, « Les affaires sont portes devant la Cour, selon le cas, soit par notification

du compromis, soit par une requête, adressée au Greffe ; dans les deux cas, l’objet du différend et les parties en cause

doivent être indiqués. […].». 434 Supra note 16. 435 Affaire Losinger & Cie, S. A. (Suisse c Yougoslavie) (1936), CPJI (sér A/B) n0 67 aux pp 15-24. 436 Affaire Phosphates du Maroc (Maroc c France) (1938), CPJI (sér A/B) n0 74 aux pp 16-23. 437 Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Allemagne c Pologne) (1925), CPJI (sér

A) n0 6 aux pp 26-27. 438 Affaire Usine de Chorzów (Allemagne c Pologne) (1928), CPJI (sér A) n0 17 à la p 51. 439 Supra note 16 à la p 7. 440 Supra note 16 aux pp 10-11.

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de la compétence de la Cour devrait être subordonné, n’étaient pas réunies dans l'espèce, si bien

que la Cour devrait se dessaisir de l’instance.440 La Cour fit droit au défendeur en étant d’avis avec

lui sur l’exception en question, sans pour autant refuser de statuer au fond dans cette affaire.441

L’affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise avait été

introduite le 15 mai 1925 devant la CPJI sur requête de l’Allemagne contre la Pologne.442

L’Allemagne entendait obtenir de cette instance, la protection de certains de ses intérêts en Haute-

Silésie polonais. D’une part, ces intérêts étaient relatifs

à la reprise, par un délégué du Gouvernement polonais, de la gestion de l'exploitation

de l'usine d'azote à chaux sise à Chorzów, à la prise de possession par lui des biens

meubles et des brevets, licences, etc., de la société qui avait antérieurement assuré

l'exploitation de l'usine, ainsi qu'à la radiation aux registres fonciers de cette société

comme propriétaire de certains bienfonds à Chorzów et à l'inscription à leur place du

Trésor polonais.443

D’autre part, ces intérêts portaient sur l’expropriation de grands fonds à laquelle le

gouvernement de la République polonaise entendait se livrer auprès de leurs propriétaires. La

Pologne opposa une exception à l’exercice par la Cour de sa compétence sur trois motifs, dont l’un

avait trait à la recevabilité de la requête, selon la Cour. Se fondant sur ce motif, la Pologne estimait

que la requête de l’Allemagne était similaire à une requête relative à une demande d’avis

consultatif. Or, seulement le Conseil ou de l'Assemblée de la SDN étaient habilités à faire une

pareille demande devant la CPJI.444 Toutefois, à l’issue de son examen, la Cour rejeta cette

exception et décida de la poursuite de la procédure au fond.445

Par ailleurs, cette complicité entre exception d’irrecevabilité et introduction d’instance par

la voie de requête unilatérale, se démontre tout de même devant la CIJ, à travers des affaires dont

elle a été saisie par des États demandeurs. C’est l’exemple des affaires : Cameroun septentrional

(Cameroun c Royaume-Uni)446 ; Nottebohm (Liechtenstein c Guatemala)447 ; Droit de passage sur

441 Supra note 16 à la p 30. 442 Supra note 437 à la p 5. 443 Supra note 437. 444 Supra note 437 à la p 13. 445 Supra note 437 à la p 27. 446 Supra note 428 aux pp 33-36. 447 Affaire Nottebohm (Liechtenstein c Guatemala), [1955] CIJ rec 4 aux pp 10-12.

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territoire indien (Portugal c Inde)448 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre

celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique)449 ; Frontière terrestre et maritime entre le

Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant))450, etc.

L’affaire relative au Droit de passage sur territoire indien (Portugal c Inde) fut introduite

devant la Cour sur requête du Portugal à la date du 22 décembre 1955, sur le fondement de la clause

facultative de juridiction obligatoire de la Cour, à laquelle chacune des parties avait souscrit.451 Le

Portugal entendait obtenir de la Cour qu’elle lui fasse droit sur son droit de passage entre son

territoire de Damão et ses territoires enclavés de Dadra et de Nagar-Aveli et entre ceux-ci. Ainsi,

soutenait-il que l’Inde s’y opposait.452 L’Inde estimait pour sa part que la Cour devrait en

l’occurrence se dessaisir de cette affaire pour un certain nombre de raisons. Parmi celles-ci figurait

le fait pour le Portugal d’avoir recouru à la Cour sans que les parties n’aient au préalable satisfait

à l’obligation des négociations diplomatiques.453 Pour la Cour, cette exigence des négociations

préalables aurait été remplie, faisant ainsi droit à la requête du Portugal plutôt que de la rejeter pour

satisfaire au vœu du défendeur.454

Comme développé plus haut, les exceptions d’irrecevabilité partagent avec les exceptions

préliminaires, l’inconvénient de paralyser le cours de la procédure de traitement des affaires devant

la Cour. Elles visent un dessaisissement de celle-ci des instances à elle soumises, et retardent

souvent des décisions au fond, devant pourtant mettre un terme aux différends. Ces différentes

hypothèses sont pour la plupart du temps dues à des saisines de la Cour par la voie de requête

unilatérale. Autrement dit, le compromis de saisine conserve une grande probabilité de mettre la

Cour à l’abri des exceptions d’irrecevabilité. En plus de cet atout, le compromis génère bien

d’autres avantages non moins négligeables dans le processus de règlement des différends devant la

Cour, par l’effet de la règle du consensualisme dont il fait la promotion. D’où l’idée de la renforcer.

448 Affaire du droit de passage sur territoire indien (Portugal c Inde), [1957] CIJ rec 125 aux pp 130-150. 449 Supra note 80 aux pp 438-441. 450 Supra note 170 aux pp 302-304. 451 Supra note 448 à la p 127. 452 Supra note 448 à la p 128. 453 Supra note 448 aux pp 130 et 148. 454 Supra note 448 à la p 149.

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Section 2 : De la nécessité de renforcer le recours à la Cour par la voie du compromis

Le fait que la compétence de la Cour dépende du consentement des États renforce la

crédibilité du compromis de saisine pour garantir une véritable mise en œuvre de la règle du

consensualisme entre les États parties à un différend. Le recours par la voie du compromis

consolide donc davantage la crédibilité de la Cour (paragraphe 1). D’où il serait idéal de faire aux

États des propositions relatives à la voie du compromis de saisine tant que le règlement judiciaire

de la CIJ devrait être le mécanisme le plus sûr pour le dénouement de leurs différends (paragraphe

2).

Paragraphe 1 : Les raisons justificatives de cette nécessité de renforcer la saisine de la

Cour par la voie de compromis

Le principe de l’indépendance des juges de la Cour est affirmé à l’article 2455 du Statut de

la Cour. Cela suppose que les juges ne devront recevoir d’injonction de la part de qui que ce soit,

encore non plus de leurs propres États quand bien même que leur élection dépendrait des

propositions de ces derniers.456 Quant à leur impartialité, l’article 20 du même texte en dispose

que : « Tout membre de la Cour doit, avant d'entrer en fonction, en séance publique, prendre

l'engagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience ».

L’impartialité sous-entend de façon précise, une « absence de parti pris, de préjugé et de conflit

d’intérêt chez un juge, un arbitre, un expert ou une personne en position analogue par rapport aux

parties se présentant devant lui ou par rapport à la question qu’il doit trancher »457.

L’indépendance et l’impartialité des juges sont de ce fait un socle qui contribue à la

construction de la crédibilité de la Cour, comme il en est d’ailleurs de toute juridiction en général.

Outre ces considérations, la confiance que la Cour pourrait susciter vis-à-vis des États semble

dépendre d’autres facteurs. Ceux-ci peuvent concerner : la capacité de la Cour à pouvoir

effectivement trancher un différend porté devant elle, avec comme finalité le dénouement (rapide)

dudit différend; la capacité de la Cour de se soustraire d’éventuelles remises en cause de sa

compétence à travers les différents types d’exceptions ; la capacité de la Cour de se défaire du

455 Selon cet article, « La Cour est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les

personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice,

dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une

compétence notoire en matière de droit international ». 456 Supra note 6 art 4 et 5. 457 Salmon, supra note 2 à la p 562, sens D.

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pouvoir des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, lié à l’usage de leur droit de

véto pour paralyser l’exécution de ses décisions, etc.

Si l’on part de ce constat, le compromis de saisine de la Cour, apparaîtrait comme le cadre

idéal qui peut contribuer à asseoir la crédibilité de la Cour. Par rapport à la requête unilatérale, le

recours à la Cour par la voie de compromis, offre davantage la possibilité à celle-ci d’échapper à

des objections à sa compétence ou à des exceptions d’irrecevabilité dues aux réserves. Par ces

réserves, les États écartent de la compétence de la Cour, soit des catégories de matières458, soit des

catégories d’États459 ou soit, des différends en raison de leurs dates de survenance460. Sur ce, on ne

devrait donc pas se satisfaire sur le simple fait d’un accroissement du nombre461 des déclarations

d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour ou même, encourager les États à accepter une

telle juridiction. C’est ce constat qui se dégage pourtant, souvent des discours des différents

Secrétaires généraux de l’ONU lors des anniversaires de la CIJ. Ceux-ci semblent mettre l’accent

sur l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, plutôt qu’à encourager les États à limiter

au maximum leur formulation de réserves lorsqu’ils acceptent une telle juridiction. Par exemple,

dans son discours lors du 70ème anniversaires de la CIJ, le Secrétaire général de l’ONU, en

l’occurrence, monsieur Ban Ki-moon, martelait ce même cri de cœur en ces termes : « (…)

J’appelle tous les États qui n’ont pas encore accepté la juridiction de la Cour à le faire ».462 C’est

le signe que la confiance des États à la CIJ n’est pas à son comble, sinon ils ne se donneraient pas

tous les moyens de contester sa compétence et prétendre que leurs différends devront être réglés à

travers d’autres mécanismes de règlement des différends.

De ce fait, si la crédibilité de la Cour dépend de la confiance que les États ont d’elle à

pouvoir effectivement connaitre des différends qu’ils lui soumettent,463 il n’en demeure pas moins

458 Ce sont ces réserves qui suscitent les exceptions préliminaires communément appelées exceptions ratione materiae.

Ainsi, dès lors qu’une affaire est portée devant la Cour sur le fondement d’une déclaration de juridiction obligatoire

ou d’une clause compromissoire, assorties d’une telle réserve à la compétence de la Cour, l’État défendeur pourra

soulever une exception préliminaire (ratione materiae) qui aura pour effet de dessaisir la Cour de ladite affaire. Pour

en savoir davantage, voir nos développements précédents sur les exceptions ratione materiae. 459 Voir notre dépècement sur les exceptions ratione personae. Ici, les réserves à la compétence de la Cour auront pour

effet de susciter les exceptions préliminaires de type ratione personae, visant à dessaisir la Cour des affaires portées

devant elle pour motif que le ou les demandeurs n’auraient pas qualité pour agir devant elle. 460 Voir nos développements précédents sur les exceptions ratione temporis. 461 Cour internationale de Justice, « Déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire », en ligne : <

http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&lang=fr>. 462 ONU, « Discours du Secrétaire général de l’ONU pour commémorer le #ICJ70 », En ligne : <

http://unric.org/fr/actualite/4006-discours-du-secretaire-general-de-lonu-pour-commemorer-le-icj70>. 463 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92.

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que la voie du compromis de saisine soit celle qui puisse davantage la renforcer. Cela dit, dans la

mesure où les États qui concluent un compromis de saisine doivent avoir le sentiment d’être liés à

un traité qui doit donc être exécuté de bonne foi, de manière générale, il en découle que les

hypothèses de compromis de saisine peuvent renforcer davantage la confiance à la Cour en tant

que cadre de dénouement des différends.

Au-delà de ce constat, force est de savoir que les critiques souvent portées à l’encontre de

la Cour sont pour la plupart du temps relatives à son rôle joué dans le règlement d’affaires dont elle

a été saisie par la voie de requête unilatérale. C’est le cas avec l’idée même des négociations

préalables à la saisine de la Cour. Évoquée souvent dans les hypothèses de saisine de la Cour par

la voie de requête unilatérale par le défendeur, cette exigence commande que le demandeur doive

avoir épuisé la voie de négociation avant de se prêter au règlement judiciaire devant la Cour. Si la

Cour a parfois débouté des demandeurs à la suite de leurs recours pour n’avoir pas respecté cette

règle, il n’en demeure pas moins des affaires où elle ne semblait pas subordonner le recours à elle

à des négociations préalables. C’est l’exemple du Différend de la frontière terrestre et maritime

entre le Cameroun et le Nigéria464. Dans cette affaire (introduite par requête unilatérale), la

deuxième exception soulevée par le Nigeria, visait à ce que la Cour se déclare incompétente pour

connaître du différend pour motif que la condition de négociations préalables n’aurait pas été

accomplie avant sa saisine.465 La Cour rappela son précédent judiciaire dans l’affaire du Plateau

continental de la mer Egée (Grèce c Turquie)466, où elle affirma que : «La négociation et le

règlement judiciaire sont l'une et l'autre cités comme moyens de règlement pacifique des différends

à l'article 33 de la Charte des Nations Unies. La jurisprudence de la Cour fournit divers exemples

d'affaires dans lesquelles négociations et règlement judiciaire se sont poursuivis en même

temps»467. Elle ne fit donc pas droit au Nigeria.

Or, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur l’élimination de

toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie)468, la Cour débouta

la Géorgie de sa demande contre la Fédération de Russie, au motif qu’elle ne s’était pas d’abord

464 Supra note 170 aux pp 302-304. 465 Supra note 170 aux pp 300-301. 466 Supra note 170 à la p 287 au para 19. 467 Plateau continental de la mer Égée (Grèce c Turquie), [1978] CIJ rec 3 à la p 12 au para 29. 468 Supra note 91. 469 Supra note 91 à la p 140 au para 183.

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prêtée à des négociations avec le défendeur avant d’introduire sa requête.469 Cette condition des

négociations préalables ressort de l’article 22470 de la Convention internationale sur l’élimination

de toutes les formes de discrimination raciale. Cette affaire a donné à assister à une sorte de

revirement jurisprudentiel de la Cour. Toutefois, quoique cet article 22 de la Convention,

subordonne la saisine de la Cour à des négociations préalables, rien dans le Statut de la Cour elle-

même ou dans la Charte de l’ONU ne prévoit une telle condition. Au contraire, les États parties à

un différend devraient être libres de recourir au mode de règlement de leur choix, à en croire à la

disposition du paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte. D’où, l’idée selon laquelle la situation des

États face aux différents mécanismes de règlement des différends doit-elle être perçue comme celle

d’une « personne qui aurait le devoir de se rendre dans un lieu déterminé mais qui aurait la faculté

de refuser d’emprunter chacun des chemins qui y conduisent »471.

Ainsi, le fait pour la Cour d’avoir débouté la Géorgie de sa demande dans le différend avec

la Fédération de la Russie, n’est-il pas exempt de critiques à bien des égards.472 La Cour ne serait

pas restée fidèle à sa jurisprudence antérieure (Plateau continental de la mer Égée (Grèce c

Turquie), [1978] CIJ rec 3 à la p 12 au para 29).

Cette inconstance ou attitude divergente de la Cour à pouvoir demeurer fidèle à un seul

point de vue, n’est pourtant pas loin d’être nuisible à la confiance des États en elle. Toutefois, cette

hypothèse reste liée aux hypothèses de saisines de la Cour par la voie de la requête unilatérale, car

c’est avec cette voie que la condition des négociations préalables est souvent évoquée par les

défendeurs (supra notes 465,469 et 470.). Par rapport à la requête unilatérale, le recours à la Cour

par la voie du compromis a l’air d’être plus propice pour une manifestation de sa crédibilité aux

États. Le compromis étant la voie idéale pour les États pour faire triompher le consensualisme entre

eux en guise leur acceptation de la compétence de la Cour, il aura le mérite de soustraire la Cour

de toutes sortes de préjugés que ces États pourraient avoir à son encontre, pour ternir son image et

ritualiser sa fonction. D’où l’idée selon laquelle, « la crédibilité de la Cour comme organe principal

470 Selon cet article, « tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l'interprétation ou l'application de

la présente Convention qui n'aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément

prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de

Justice pour qu'elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d'un autre mode de

règlement. ». 471 Hubert Thierry et al, droit international public, 4e éd, Paris, Montchrestien, 1984 à la p 572. 472 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 619-620.

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et comme moyen éminent de solution pacifique des différends est donc largement entre les mains

des États »473.

Paradoxalement, la voie du compromis de saisine qui renforce la compétence de la Cour en

lui évitant généralement les procédures d’exceptions préliminaires,474 apparaît moins usitée par les

États. Quoique l’on dise des atouts que cette voie de saisine renferme, il n’en demeure pas moins

une certaine réticence des États à y recourir. D’où, la nécessité de la renforcer. Il ressort en effet,

du décompte des affaires portées devant la Cour par la voie du compromis depuis le début de son

fonctionnement en 1946, que celles-ci sont au nombre de dix-sept475 jusqu’à ce jour. Or, pour la

seule période de 2009 à 2016, le nombre des affaires portées devant la Cour par la voie de la requête

unilatérale est de dix-neuf476.

473 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92. 474 Kolb, supra note 41 à la p 182. 475 Voir, Liste des procédures contentieuses par date d’introduction en ligne <http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. Ce sont : l’affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-

Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie), [1949] CIJ rec 244 : Notons que cette affaire a d’abord été portée devant la

Cour par la voie de la requête unilatérale le 22 mai 1947 par le Royaume Uni sur le fondement de l’article 36 de la

Charte de l’ONU (Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),

[1949] CIJ rec 15 aux pp 16-17). Après l’arrêt sur les exceptions préliminaires, les parties décidèrent de soumettre leur

différend à la Cour par la voie du compromis à la date du 25 mars 1948 ; l’affaire des Minquiers et Ecréhous (France

c Royaume-Uni), [1953] CIJ rec 17 ; l’affaire de la Souveraineté sur certaines parcelles frontalières (Belgique c Pays-

Bas), [1959] CIJ rec 209; l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c

Danemark), [1969] CIJ rec 3; l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c

Pays-Bas), [1969] CIJ rec 3 ; l’affaire du Plateau continental (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne), [1982] CIJ rec

18; l’affaire de la délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c Etats-Unis

d'Amérique), [1984] CIJ rec 246 ; l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne c Malte), [1985] CIJ

rec 13 ; l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso c République du Mali), [1986] CIJ rec 554 ; l’affaire du

Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras; Nicaragua (intervenant)), [1992] CIJ

rec 351; l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c Tchad), [1994] CIJ rec 6 ; l’affaire du Projet

Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c Slovaquie), [1997] CIJ rec 7 ; l’affaire du Différend Frontalier (Burkina Faso c

Niger), [2013] CIJ rec 44 ; l’affaire de la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South

Ledge (Malaisie c Singapour), [2008] CIJ rec 12 ; l’affaire de la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan

(Indonésie c Malaisie), [2002] CIJ rec 625 ; l’affaire de Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999] CIJ rec

1045 ; l’affaire du Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90. 476 Voir « Liste des procédures contentieuses par date d'introduction » en ligne <http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. Ce sont : l’affaire des Questions concernant l’obligation de

poursuivre ou d’extrader (Belgique c Sénégal), [2012] CIJ rec 422 ; l’affaire de Certaines questions en matière de

relations diplomatiques (Honduras c Brésil), Ordonnance du 12 mai 2010, [2010] CIJ rec 303 ; l’affaire de la

Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale (Belgique c Suisse), Ordonnance

du 4 février 2010, [2010] CIJ rec 8 ; l’affaire de la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c Japon ;

Nouvelle-Zélande (intervenant)), [2014] CIJ rec 226 ; l’affaire de Certaines activités menées par le Nicaragua dans

la région frontalière (Costa Rica c Nicaragua), [2015] CIJ rec 1 ; l’affaire de la Construction d'une route au Costa

Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c Costa Rica), [2015] CIJ rec 1 ; l’affaire de la Demande en interprétation

de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande),

[2013] CIJ rec 281 ; l’affaire de l’Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c Chili), [2015] CIJ

rec 1 ; l’affaire de la Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de

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Mais comment pourrait-on procéder pour permettre un recours fréquent des États à la Cour

par la voie du compromis ? C’est à cette question que nous tenterons de répondre dans le second

paragraphe de cette section.

Paragraphe 2 : Des propositions relatives à un fréquent recours des États à la Cour

par la voie du compromis

Dans un premier temps, il s’agira de mettre en relief l’importance qui réside dans l’insertion

de l’idée du recours à la Cour par la voie du compromis dans les rapports annuels de la CIJ à

l’Assemblée générale des Nations Unies (A). Secundo, nous tenterons de montrer la manière dont

le Secrétariat général des Nations Unies pourrait procéder pour inciter les États à recourir à la Cour

par la voie du compromis (B).

A- De la prise en compte de l’importance de l’idée du recours à la Cour par la voie du

compromis dans les rapports annuels de la CIJ à l’Assemblée générale des Nations

Unies

En tant que l’un des organes principaux de l’ONU, la CIJ rend compte de son activité

chaque année à l’Assemblée générale. C’est ce que prévoit le paragraphe 2 de l’article 15 de la

Charte de cette Organisation en ces termes : « L'Assemblée générale reçoit et étudie les rapports

des autres organes de l'Organisation ». Quoique cela puisse apparaître comme un devoir à la charge

de la Cour dans une certaine mesure, on pourrait y déceler des avantages que cela lui concède.

Autrement dit, c’est à travers ces rapports annuels que la Cour arrive à attirer l’attention du

200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Violations

alléguées de droits souverains et d'espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ

rec 1 ; l’affaire Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor‑Leste

c Australie), Ordonnance du 3 mars 2014, [2014] CIJ rec 147 ; l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer des

Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c Nicaragua), Ordonnance du 1er avril 2014, [2014] CIJ rec 461; l’affaire

des Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le

désarmement nucléaire (Iles Marshall c Inde), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Obligations relatives à des négociations

concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c Pakistan),

[2016] CIJ rec 1 ; ; l’affaire des Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux

armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire de la

Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c Kenya), Ordonnance du 16 octobre 2014, [2014] CIJ rec

482; l’affaire du Différend concernant le statut et l'utilisation des eaux du Silala (Chili c Bolivie), Ordonnance du 1er

juillet 2016, [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France),

Ordonnance du 7 décembre 2016, [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire Certains actifs iraniens (République islamique d'Iran c

États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 1er juillet 2016, [2016] CIJ rec 1.

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Secrétariat général de l’ONU, mais aussi de l’ensemble des États membres sur des initiatives

devant profiter à son fonctionnement ou à son organisation interne. On peut le concevoir avec le

Rapport de la Cour internationale de Justice de l’année allant du 1er aout 2006 au 31 juillet

2007.477 Ce fut par exemple l’aubaine pour la Cour de pouvoir formuler des recommandations

visant à un accroissement de son budget. Il ressort du paragraphe 25 du Chapitre premier de ce

Rapport, entre autres que : « la Cour demande également la création d’un poste temporaire

d’indexeur/bibliographe pour la bibliothèque de la Cour et le reclassement du poste de chef de la

nouvelle structure envisagée dans le cadre d’une fusion du service de la bibliothèque et du service

des archives. ». Il en est de même du rapport de la Cour internationale de Justice 1er aout 2015-

31 juillet 2016. 478 Aux termes du paragraphe 34 dudit Rapport, le président de la Cour attirait

l’attention de l’Assemblée générale de l’ONU sur la nécessité d’associer l’institution (CIJ) dans

les prises de décisions budgétaires la concernant.

L’article 13 alinéa b) du Règlement intérieur479 de l’Assemblée générale de l’ONU

constitue de même un fondement juridique aux Rapports annuels de la CIJ. Il porte que l’ordre du

jour provisoire d'une session ordinaire de l’Assemblée comprend : « Les rapports du Conseil de

sécurité, du Conseil économique et social, du Conseil de tutelle, de la Cour internationale de

Justice, des organes subsidiaires de l'Assemblée générale et des institutions spécialisées (quand les

accords conclus avec celles-ci en prévoient la présentation) ». Il en découle l’importance accordée

aux questions qui touchent à la CIJ au sein de l’Assemblé générale. Dans la mesure où celle-ci reste

composée de tous les États membres de l’ONU, on pourrait déduire de la présentation des rapports

annuels de la Cour à l’Assemblée que tout semble être mis en œuvre pour que ces derniers ne soient

pas en marge du fonctionnement ou des préoccupations qui concernent cette haute juridiction. Dans

ce sens, c’est le lieu avec ces mécanismes de rapports annuels de pouvoir non seulement, renseigner

les États membres sur l’état d’évolution des activités de la Cour, mais aussi, leur faire des

suggestions sur d’éventuelles propositions qui pourraient aider à pallier ses difficultés.

Dans cette logique, on pourrait envisager d’inclure dans ces rapports l’importance pour les

États parties à un différend de pouvoir le soumettre à la Cour par la voie du compromis. Comme

477 CIJ, Rapport de la Cour internationale de Justice, Doc off AG NU, 62e sess, supp n0 4, Doc NU A/62/4 (2007) à la

p 6. 478 Assemblée générale, Documents officiels, Soixante-deuxième session Supplément nº 4 (A/71/4). 479 ONU, Règlement intérieur de l’assemblée générale, New York, ONU, 2008, A/520/Rev.17, en ligne : < http://www.un.org/fr/hq/dgacm/UploadedDocs/A.520.Rev.17.French.pdf>.

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démontrer un peu plus haut, il y a tout un ensemble d’avantages à recourir à la Cour par cette voie

du compromis. En tant qu’accord matérialisant le consentement réciproque des États parties à un

différend de s’en remettre à la compétence de la Cour, le compromis épargne celle-ci dans une

grande mesure, de la multitude des exceptions préliminaires ou d’irrecevabilité qui pourraient

limiter son action. Cela est dû à la règle du consensualisme qui s’épanouit le plus mieux possible

dans les hypothèses de saisine de la Cour par la voie du compromis.

Loin de faire une proposition qui serait démunie de fondement juridique, nous nous referons

à la stipulation du paragraphe 9 de la Déclaration de Manille480 sur le règlement pacifique des

différends internationaux. Aux termes de ce paragraphe, « les États devraient envisager de conclure

des accords pour le règlement pacifique des différends entre eux. Ils devraient également inclure,

s’il y a lieu, dans les accords bilatéraux et les conventions multilatérales qu’ils concluront, des

dispositions efficaces pour le règlement des différends pouvant surgir de leur interprétation ou de

leur application ». Cette disposition pourrait à bien des égards avoir trait au compromis de saisine

de la Cour en ce sens que celui-ci est un accord bilatéral. De ce fait, elle pourrait servir de

fondement juridique pour inviter les États à opter davantage pour la voie du compromis de saisine

de la Cour. Aussi, semble-t-elle avoir une valeur coutumière de telle sorte que même si elle émane

d’une Déclaration, elle concède une valeur juridique contraignante pour les États.481

On aurait de ce fait, intérêt à ne pas occulter la nécessité pour les États de recourir à la Cour

par la voie du compromis. Ceci garantirait de même une augmentation de ce taux de recours. La

plupart des saisines de la Cour par les États se font presque par la voie de la requête unilatérale.

Pourtant cette voie représente moins de garanties pour un dénouement rapide et sûr des différends

internationaux. Quoi de plus intéressant pour le président de la Cour de le mentionner dans ses

Rapports annuels à l’Assemblée générale. Ce serait l’occasion pour les États membres de se rendre

à l’évidence du bénéfice qui découle de la voie du recours par compromis à la Cour. Ce bénéfice

se justifie à un double niveau. D’une part, il est relatif à la Cour elle-même, en ce sens que les États

auraient moins de marge de manœuvre pour remettre en cause sa compétence durant tout le

480 Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends, Rés. AG 37/10, Doc. Off. AG NU, 68e

sess. plén., Doc. NU A/RES/37/10, (1982). 481 Pierre-Yves Chicot, « L’actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de contribution juridique

à la notion de paix durable », à la p 21, en ligne : < http://www.sqdi.org/wp-content/uploads/16.1_-_05_chicot.pdf> ;

voir aussi Constantin Economides, « La déclaration de Manille sur le règlement des différends internationaux » (1982)

28 :1 AFDI 613 à la p 627.

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processus du règlement d’une affaire donnée à cause des règles du pacta sunt servanda et de la

bonne foi qui encadrent le compromis. D’autre part, c’est les États eux-mêmes qui pourront jouir

de ce bénéfice, car leurs consentements réciproques exprimés dans l’acte du compromis de saisine

de la Cour, favoriseraient leur acceptation de la décision de la Cour sur leur différend, et un

dénouement heureux dudit différend par voie de conséquent.

Cette idée d’insertion de l’importance du recours à la Cour par la voie du compromis dans

les rapports annuels de la CIJ aura l’avantage d’attirer l’attention du Secrétaire général de l’ONU

en vue d’une action de sa part. C’est ainsi qu’il serait davantage fondé à recommander aux États à

souvent opter pour la voie du compromis de saisine de la Cour.

B- Du rôle du Secrétariat général des Nations Unies à encourager les États à recourir à

la Cour par la voie du compromis

Le Secrétaire général de l’ONU apparait aux termes de l’article 97 de la Charte comme,

« le plus haut fonctionnaire de l'Organisation. ». Il est de ce fait, presqu’un « serviteur »482 au sein

des Nations Unies pour avoir et développer des initiatives qui doivent concourir au maintien de la

paix et de la sécurité internationales. Cette place de choix du Secrétaire général au sein des Nations

Unies s’explique par l’article 98 de la Charte de l’Organisation. Selon cet article, « le Secrétaire

général agit en cette qualité à toutes les réunions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité,

du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il

est chargé par ces organes. ». En réalité, cet article met en relief les attributions administratives du

Secrétaire général.483 Outre ces pouvoirs administratifs auxquels il est investi, il se trouve par

ailleurs doté de pouvoirs politiques. On le voit avec l’article 99 de la Charte de l’ONU. Selon cet

article, « le Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à

son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. ».

Cette stipulation de l’article 99 semble être reprise, voire renforcée par l’article 6 du

Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité. De cet article, l’on retient que « le Secrétaire

général porte immédiatement à la connaissance de tous les représentants au Conseil de sécurité

482 Boutros Boutros-Ghali, « Le Secrétaire général des Nations Unies : entre l'urgence et la durée », (1996) 61 : 2

Politique étrangère 407 à la p 407. 483 Jorge Cardona Llorens et Mariano J. Aznar Gomez, « Article 99 », dans Jean-Pierre Cot, Mathias Forteau et Alain

Pellet, dir., La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Volume 2, (tomes 1 et 2), 3e éd., Paris,

Economica, 2005 à la p 2051.

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toutes les communications émanant d’États, d’organes des Nations Unies ou du Secrétaire général

concernant une question à examiner par le Conseil de sécurité conformément aux dispositions de

la Charte ». En plus du seul fait de porter une situation susceptible de menacer la paix et la sécurité

internationales, il s’agit de permettre en réalité au Secrétaire général de bénéficier de l’appui de ce

Conseil dans l’exercice de ses fonctions. La Commission préparatoire disait de l’article 99 qu’il

« confère au Secrétaire général un droit tout à fait spécial, dépassant tous les pouvoirs qui n’ont

jamais été reconnus au chef d’une Organisation internationale » et que « la responsabilité qu’il

confère au Secrétaire général exigera de sa part l’exercice des plus hautes qualités de jugement

politique, de tact et d’intégrité ».484 Pour Michel Virally, cette responsabilité lui implique « un

devoir d'observer l'évolution de la conjoncture internationale, afin de déceler les dangers qu'elle

peut receler et les mesurer »485. Cet article 99 de la Charte de l’ONU est dans une grande mesure

le complément486 de l’article 35487 du même texte.

De ces articles qui précèdent, l’on aperçoit la grandeur de la responsabilité qui incombe au

Secrétaire général des Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité

internationales. Ce qui suppose en même temps un élargissement de ses prérogatives en matière de

règlement des différends internationaux et qui lui permet du coup d’exercer une grande influence

sur le déroulement des activités de l’Organisation.488 C’est dans ce sens qu’il pourrait jouer un rôle

d’incitation à l’égard des États en les encourageant à conclure souvent des compromis pour la

soumission de leurs différends à la CIJ. Il ne s’agit pas de créer un nouveau rôle pour le Secrétaire

général ou de lui faire jouer un tel rôle. Ce serait au contraire, une façon pour lui de pouvoir

s’acquitter pleinement d’un rôle qui, à notre avis, demeure jusque-là latent de sa part.

484 Commission préparatoire, PC/20, 23 décembre 1945, chapitre VIII, section 2 au pp 86-87 au para 16. 485 Michel Virally, « Le rôle politique du Secrétaire général de l’ONU » (1958) 4 :1 AFDI 360 aux pp 369-370. 486 Jean-Pierre Cot, Mathias Forteau et Alain Pellet, supra note 483 à la p. 2055. 487 « 1. Tout Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur un

différend ou une situation de la nature visée dans l'article 34. 2. Un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation peut

attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur tout différend auquel il est partie,

pourvu qu'il accepte préalablement, aux fins de ce différend, les obligations de règlement pacifique prévues dans la

présente Charte.3. Les actes de l’Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du

présent Article sont soumis aux dispositions des Articles 11 et 12 ». 488 Watanabe-Kaye, Kanae, The Power of the United Nations Secretary-General, thèse de doctorat, Johns Hopkins

University, 2010 à la p 5.

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Toutefois, la résolution489 45/51 de l’Assemblée générale de l’ONU semble accroître ce

rôle. Cette résolution porte sur la Déclaration sur la prévention et l’élimination des différends et

des situations qui peuvent menacer la paix et la sécurité internationales et sur le rôle de

l’Organisation des Nations Unies dans ce domaine. Il ressort du paragraphe 20 de cette

Déclaration que : « Le Secrétaire général devrait, si un État ou des États directement concernés par

un différend ou une situation s’adressent à lui, répondre rapidement en invitant instamment les

États à rechercher une solution ou un ajustement par les moyens pacifiques de leur choix

conforment à la Charte et en offrant ses bons offices ou d’autres moyens à sa disposition comme il

le juge approprié ». Dès lors, l’on peut opiner que le Secrétaire général puisse sur le fondement

juridique de cet article, souvent faire la suggestion à des États impliqués dans un différend, à opter

pour le règlement judiciaire de la CIJ via la voie du compromis de saisine.490

Il n’en demeure pas moins qu’il peut jouer ce rôle quoiqu’il n’ait pas été sollicité par les

États parties au différend. Si l’on en croit à l’article 21 de la même Déclaration, « le Secrétaire

général devrait envisager d’entrer en rapport avec les États directement concernés par un différend

ou une situation pour tenter d’empêcher que le différend ou la situation en question ne mette en

danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». C’est d’ailleurs la raison pour

laquelle Kofi Annan, estimait que : « Au sein du système des Nations Unies, les fonctions qui

incombent au Secrétaire général dans le domaine politique [incluent de] contribuer à la prévention,

à la maitrise et au règlement des conflits et notamment à la consolidation de la paix »491. Boutros

Boutros Ghali renchérit sur ce rôle préventif du Secrétaire général de l’ONU dans le domaine du

règlement des différends en disant que : « La diplomatie préventive peut être menée par le

Secrétaire général, agissant personnellement ou par l’intermédiaire de hauts fonctionnaires ou

489 ONU, Déclaration sur la prévention et l'élimination des différends et des situations qui peuvent menacer la paix et

la sécurité internationales et sur le rôle de l'ONU dans ce domaine, Doc off NU, 43e sess, supp n0 33, Doc NU

A/RES/43/51 (1988). 490 Cette initiative semble ne pas trop attirer l’attention du Secrétaire général de l’ONU dans la mesure où il s’en est

rarement acquitté, laissant ainsi les États eux-mêmes à recourir à la Cour par compromis. Or son intervention dans ce

domaine pourrait être capital surtout lorsque l’un des États parties à un différend semble être disposé à conclure un

compromis de saisine et que sa partie adverse à l’air de vouloir s’y opposer. L’un des exemples où il a pu jouer ce rôle

d’incitation à l’égard d’États litigants pour une saisine par compromis de la Cour, fut Différend frontalier entre le

Burkina Faso et le Mali ayant débouché à l’arrêt du 22 décembre 1986 : Voir, Hélène Sabalbal, « L’évolution des

fonctions du Secrétaire général de l’ONU », Mémoire de maitrise en droit (LLM), Université Laval, Québec, 2013 à

la p 56. 491 ONU, Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des recommandations du comité spécial des opérations

de maintien de la paix et du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies, Doc off

NU, 45e sess, Doc NU A/55/977 au para 229 (2001).

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d’institutions ou de programmes spécialisés »492. Une implication du Secrétaire général par le biais

de cette diplomatie préventive pour la conclusion de compromis de saisine de la CIJ, lui permettrait

surtout d’éviter que les différends internationaux ne dégénèrent en des affrontements militaires qui

constituent une véritable menace contre la paix et la sécurité internationales. En d’autres termes,

ce rôle du Secrétaire général aura pour objet d’« éviter une rupture des conditions de paix »493.

Dans une autre mesure, le Secrétaire général pourrait promouvoir la conclusion des

compromis de saisine de la Cour par l’entremise de l’Assemblée générale. Il appartiendra en retour

à l’Assemblée de recommander aux États impliqués dans un différend donné et qui est susceptible

de constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales, la voie du règlement judiciaire

de la CIJ par le mécanisme du compromis de saisine. Le paragraphe 3494 de l’article 36 de la Charte

de l’ONU explique la priorité qu’il convient de réserver au règlement judiciaire de la CIJ. Selon le

paragraphe 2 de l’article 12 de la Charte, « le Secrétaire général, avec l'assentiment du Conseil

de sécurité, porte à la connaissance de l'Assemblée générale, lors de chaque session, les affaires

relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s'occupe le Conseil de

sécurité; il avise de même l'Assemblée générale ou, si l'Assemblée générale ne siège pas, les

Membres de l'Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse de s'occuper desdites affaires ».

Ainsi, rien n’empêche le Secrétaire général d’impliquer l’Assemblée générale dans un différend

donné tant qu’il reçoit l’aval du Conseil de sécurité. Le paragraphe 1495 de l’article 11 de Charte

est celui qui habilite l’Assemblée à pouvoir formuler des recommandations à l’égard des États. Ces

recommandations pourraient consister à encourager des États litigants à opter pour la voie du

compromis de saisine de la Cour, vu les bénéfices que cette voie regorge par rapport à la saisine

par requête unilatérale.

492 ONU, Agenda pour la paix, Doc off AG NU, 47e sess, Doc NU A/47/277 au para 23 (1992). 493 Ibid au para 57. 494 Ce paragraphe porte que : « En faisant les recommandations prévues au présent Article, le Conseil de sécurité doit

aussi tenir compte du fait que, d'une manière générale, les différends d'ordre juridique devraient être soumis par les

parties à la Cour internationale de Justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour ». 495 Selon ce paragraphe, « L'Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien

de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des

armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de

sécurité, soit aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité ».

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Conclusion de la deuxième partie

Il ressort de cette seconde partie de notre analyse que le compromis qui sert de voie de

recours à la Cour, mais aussi de fondement de sa compétence, conserve la particularité de pouvoir

protéger l’exercice par elle de sa compétence durant la procédure de règlement des affaires. Cette

particularité s’explique par la nature même de l’acte du compromis que les parties à un différend,

notifient à la Cour en guise de leur consentement à sa compétence. Dans ce sens, le compromis est

un accord entre États et plus précisément un traité. C’est ainsi qu’il arrive à réduire au maximum

la liberté des parties qui le concluent, de pouvoir par la suite remettre en cause la compétence de la

Cour ou de pouvoir s’abstenir de comparaitre durant la procédure (phase écrite et phase orale), ou

même de se réserver de mettre en œuvre les décisions de la Cour. Les exceptions préliminaires ou

d’irrecevabilité sont de ce fait, loin de pouvoir prospérer dans les hypothèses de compromis de

saisine de la Cour. Cela n’est pas sans atout pour la Cour et pour les parties elles-mêmes. Pour ce

qui est de la Cour, elle pourra dans un minimum de temps, rendre des décisions au fond dans des

affaires à elle soumises d’autant plus que, d’une part, la non-évocation des exceptions la préserve

du devoir de rendre d’abord des arrêts portant sur ces exceptions avant d’en arriver aux arrêts au

fond. D’autre part, le jugement des affaires devant des formations restreintes de chambres, comme

il en est des cas de recours par la voie de compromis, s’apparente au règlement arbitral496, ce qui

permet un règlement rapide des affaires compte tenu du nombre réduit des juges de ces

chambres497. En ce qui concerne les atouts du compromis de saisine pour les parties et surtout pour

la victime, il y a de fortes raisons de croire à une exécution effective des décisions de la Cour en

sa faveur, car l’acte de compromis contient souvent l’engagement de chacune d’entre elles de se

conformer auxdites décisions de la Cour.

Toutefois, il serait bien sûr irréaliste de lier à la voie de la requête unilatérale toutes les

insuffisances qui peuvent être constatées dans le règlement des différends devant la CIJ et

d’épargner par là-même la voie du compromis de saisine. Nul doute que cette dernière voie puisse

de même occulter certaines limites face au rôle de la Cour de pouvoir dire le droit international

dans tous les cas qui lui sont soumis de manière impartiale et en toute indépendance. Cependant,

malgré la pertinence de ce fait, il n’en demeure pas moins que les limites qui peuvent indexer la

voie du compromis de saisine de la Cour, sont loin de pouvoir rétroagir sur le cours de la procédure

496 Kolb, supra note 41 à la p 161. 497 Kolb, supra note 41 à la p 162.

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de règlement des affaires. Elles sont donc loin de pouvoir entraver le bon déroulement de la phase

du traitement des affaires encore moins, celle de la mise en œuvre des décisions de la Cour. En

d’autres termes, de telles limites ne seraient davantage que des jugements de valeur sur les

décisions de la Cour dans les affaires introduites par compromis, lesquels dédouanent souvent les

parties coupables des faits dommageables pour n’imputer qu’un partage des responsabilités à toutes

les parties en établissant un bénéfice des décisions à chacune d’elles. C’est ce genre de décisions

que le juge André Gros dénonce. Dit-il ainsi que, « dire qu’une bonne application du droit

international doit donner un résultat équitable est un truisme ».498 Ce fut le cas dans le différend

frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (supra note 311.), dans lequel la zone contestée de 3000

km2 fut divisée par moitié aux termes de la décision de la chambre ad hoc (Ruzié, supra note 260

à la p 231.). C’est ce que certains auteurs qualifient de « jugement de Salomon », par référence au

jugement rendu par le roi Salomon tel que relaté dans la Bible sur le différend à lui soumis par

deux femmes au sujet d’un enfant dont chacune réclamait l’appartenance (Louis Segond, La Bible,

French Edition, 1910, 1 Rois 3 verset 16 à 28.), point de vue que nous ne partageons pas

personnellement. En clair, l’intention réel du roi Salomon n’était pas en réalité de vouloir que

l’enfant soit effectivement coupé en deux parties équitables pour réserver à chacune des femmes,

l’une de ces parties. Au contraire, ce n’était rien d’autre qu’une stratégie qui lui permettrait de

déceler celle qui était effectivement la mère de l’enfant. Il n’y aurait donc pas de ce point de vue,

identité entre un jugement de Salomon et une équité « partageante », quoique ce type de

jurisprudence de la Cour soit assez habile, voire sage au regard des réalités politiques des parties à

un différend soumis par compromis.

On pourrait donc déduire de ces limites dues au recours par compromis, une implication

des juges de la Cour. C’est à eux que revient la responsabilité de dire le droit en toute indépendance

et impartialité (supra note 6, art 2 et 20), dans tous les cas qui leur sont soumis par le biais de cette

voie, plutôt qu’à chercher à aboutir à des résultats équitables.499 Les États n’y ont donc presque

rien à voir avec de telles limites, comme dans les cas de recours par la voie de la requête unilatérale

(supra notes 42 et 53). D’où, le fait que nous ayons épargné la voie du compromis de saisine de

développements relatifs à ses limites.

498 Supra note 307, voir l’opinion dissidente de M. Gros dans cette affaire à la p 365 au para 8. 499 Supra note 307, voir l’opinion dissidente de M. Gros dans cette affaire notamment aux para 15-16, 22, 24, 29, 38,

42 et 47.

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Conclusion générale

Depuis l’affaire Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

c Albanie)500, qui marque le début de ses activités en général, et de sa fonction contentieuse en

particulier,501 la CIJ a connu des périodes de vicissitudes dans son fonctionnement. Même si le taux

de recours des États se révèle actuellement élevé, il n’en demeure pas moins que cela ne fut pas le

cas durant certains intervalles de temps. Des analyses révèlent que la saisine de la Cour par les

États a été sanctionnée par des réticences à compter de ses décisions dans l’affaire susmentionnée

jusqu’aux années 1980.502 Ces réticences qui continuent sous une certaine manière de s'observer

dans l’attitude des États503, sont pour la plupart du temps dues à des accusations liées à la crédibilité

et à l’indépendance des juges de la Cour, relativement à des arrêts rendus dans des affaires dont on

aurait pensé que la Cour ait eu une partie prise en faveur de tel ou tel autre État partie.504 En cela,

plutôt que d’avoir recours à la Cour, les États jugent parfois nécessaire de soumettre leurs

différends à d’autres modes de règlement505. En sus de ce constat, il est un fait qui n’est pas des

moindres lorsqu’une affaire est portée devant la Cour. Ainsi, s’attend-on à ce que la Cour tranche

en droit le différend en question, qu’elle rende une décision sur le cas qui lui a été soumis506 et que

cette décision serve au dénouement du différend de par sa mise en œuvre.507 Sur ce point, il n’en

demeure pas moins des différends qui ont été portés devant la Cour et qui n’ont pas débouché à des

décisions, suite à leur radiation de son rôle.508 Dans d’autres cas, l’exécution des décisions de la

500 Introduite devant la Cour sur requête du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande du Nord datant du 22

mai 1947. Supra note 46. 501 Pour en savoir sur cette réalité, voir : Cour internationale de Justice, « Liste des procédures contentieuses par date

d’introduction », en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. 502 Pour comprendre cette vicissitude dans le fonctionnement de la Cour et l’idée des réticences, voir : Kolb, supra

note 41 à la p 1190. 503 Cela est d’autant plus vrai que les réserves à la compétence de la Cour, formulées dans les déclarations de juridiction

obligatoire et dans les traités, ne cessent de croître. 504 Notamment à propos des affaires du Sud-Ouest africain de 1966. Voir, Georges Labrecque, Les différends

internationaux en Asie : règlement judiciaire, Paris, L'Harmattan, 2007 à la p 25. 505 Ces autres modes de règlement des différends internationaux sont relatés au paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte

de l’ONU qui stipule que «Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de

la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête,

de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux,

ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix». 506 Supra note 6, art 38 au para 1. 507 Si l’on en croit au contenu du premier paragraphe de l’article 33 de la Charte de l’ONU, le recours des États à la

CIJ, sous-entend que celle-ci devra constituer une solution pour le règlement de leurs différends en vue de maintenir

un climat de paix et de sécurité entre eux. 508 C’est le cas des affaires, Certaines questions en matière de relations diplomatiques (Honduras c Brésil) ; Epandages

aériens d'herbicides (Équateur c Colombie) ; Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de

l'Organisation des Nations Unies (Commonwealth de Dominique c Suisse); Certaines procédures pénales engagées

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Cour s’est parfois heurtée à des obstacles dus au refus ou à la négligence de la partie ayant

succombé devant la Cour.509

C’est sur ces considérations que notre analyse repose. De ce fait, c’est une analyse

descriptive et incitative sur les caractéristiques des voies érigées en faveur de la saisine de la CIJ

par les États qu’il conviendrait de se rappeler de cette étude. Descriptive, parce qu’elle n’a pas pour

ambition de se révéler constitutive de simples spéculations sur chacune des deux voies d’accès à

cette haute juridiction. Au contraire, elle se voudrait de pouvoir élucider de manière concrète les

implications qui s’attachent à l’idée de recourir à la Cour au contentieux. Notre analyse a par

ailleurs un caractère incitatif dans le sens où elle a aussi pour objet de pouvoir contribuer à un

recours fréquent des États à la Cour par la voie du compromis. On continue en effet de lier la

solution pour un rôle accru de la CIJ dans le règlement des différends entre États à une nécessaire

réforme de son Statut. Pourtant, nul n’est ignorant des lourdes procédures qu’une telle option

implique.510 Cette question de la réforme du Statut de la Cour, telle que suggérée, ne date pas

d’aujourd’hui.511 Elle serait donc résolue, à notre humble avis, tant que cela était possible. Habiliter

par exemple, la Cour à pouvoir connaitre d’un différend qui implique un État en tant qu’entité

souveraine du point de vue du droit international, sans qu’il ne soit nécessaire pour lui d’avoir au

préalable consenti à la compétence de celle-ci pourvu qu’il soit partie à son Statut,512 ne saurait que

porter atteinte au principe même de la souveraineté513. Une telle éventualité ne peut être qu’un

leurre, à moins d’une remise en cause de l’ordre juridique international existant.514 Ainsi, pourrait-

on être plus que pessimiste pour ne pas croire que cela soit une réalité dans «un avenir proche» 515.

Qu’à cela ne tienne, de cette analyse, il ressort l’idée selon laquelle, les dysfonctionnements

observés souvent dans l’exercice par la CIJ de sa compétence dans le règlement des différends qui

en France (République du Congo c France); Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique

du Congo c Rwanda) ; etc. 509 C’est l’exemple des affaires, Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973]

CIJ rec 135 et Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d'Amérique) : Supra note 112 ; voir aussi Ruzié, supra note 260 à la p 236. 510 Pour comprendre sur ce point, voir aux articles 69 du Statut de la Cour et article 108 de la Charte de l’ONU. 511 Kolb, supra note 41 à la p 1257. 512 Bedjaoui, supra note 200, op. cit., à la p 52. 513 Supra note 121, art 2 au para 1. 514 Sur l’ordre juridique international, voir : Kristin Bartenstein, « De Stockholm à Copenhague : genèse et évolution

des responsabilités communes mais différenciées dans le droit international de l’environnement » (2011) 56 Revue de

droit de McGill / McGill Law Journal 179 à la p 179. 515 Kolb, supra note 41 à la p 1262.

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121

lui sont soumis, sont dans une grande mesure, en lien étroit avec ses voies de saisine. Sur ce, les

modes de recours érigés par le droit international pour accéder à celle-ci, en sont pour quelque

chose non seulement, dans les difficultés qui entravent le cours de la procédure de règlement à

proprement parler des affaires devant elle, mais encore, dans les critiques en son encontre.

Toutefois, parmi ces deux voies de recours devant la Cour, celle du compromis semble à

bien des égards, se démarquer relativement à certaines garanties juridiques qu’elle offre. Comme,

pourrait-on le comprendre, le compromis qui sert d’une part, de voie de recours à la Cour, et d’autre

part, de fondement juridique à sa compétence, a la nature juridique d’un accord international, à

l’image de toute autre Convention internationale (supra, voir aux pages 82 à 85). À ce titre, il jouit

du bénéfice des règles relatives au régime général de l’exécution des traités, comme le prévoit la

Convention de Vienne sur le droit des traités.516 De ce fait, si un État peut se réserver le droit de

comparaître ou pas devant la Cour dès lors qu’il y est attrait par un autre État par le biais d’une

saisine par la voie de requête unilatérale, ou même de prendre lui-même l’initiative de recourir ou

pas à la Cour, aussi contre un autre État, dans l’hypothèse d’un compromis, ce droit de l’État perd

tout son sens. Les principes du pacta sunt servanda517 et de la bonne foi518 ont pour effet de diluer

la souveraineté des États qui épousent l’option du compromis de saisine, du moins en ce qui

concerne le seul cas de leur différend pendant devant la Cour. La conséquence d’une telle situation,

réside en ce que les stipulations du compromis seront évidemment exécutées et que la Cour pourra

effectivement trancher le différend qui lui aurait été porté, tout en espérant que l’exécution de sa

décision en l’espèce ne souffrirait d’aucune négligence ou refus d’une quelconque des parties, sous

peine de voir sa responsabilité internationale engagée.

Par ailleurs, le consensualisme, en tant que principe qui régit le règlement pacifique des

différends internationaux,519 s’épanouit mieux dans les cas de saisine de la Cour par la voie de

compromis. En clair, l’idée du compromis sous-entend l’accord des parties impliquées dans un

différend pour soumettre celui-ci à la compétence de la Cour. Cet accord témoigne de l’expression

de leur consentement, donc de leur adhésion à ce consensualisme. Dès lors, on pourrait en déduire

que le compromis est la voie apparemment la plus sûre et idéale pour porter un différend devant la

516 Supra note 358, art 26. 517 Supra note 69. 518 Supra note 33. 519 Bedjaoui, supra note 200 à la p 28.

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Cour de telle manière qu’elle puisse exercer sa compétence sur toute la procédure de son règlement

sans se heurter à d’éventuelles exceptions d’incompétence ou d’irrecevabilité. Raison de plus, que

les conditions du bénéfice du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face aux

dépenses judiciaires devant la Cour, ont été revues à la baisse dans le cadre des compromis de

saisine. En cela, les avantages de cette voie de recours ne devraient plus être à démontrer.

Il y aurait de ce fait une possibilité de donner à la CIJ de pouvoir le plus mieux possible

s’acquitter de sa fonction de règlement des différends tout en arrivant à susciter une confiance

accrue en elle. Autrement dit, si la crédibilité de la Cour dépend des États,520 ce n’est pas en se

révélant méfiant d’elle qu’ils pourront la réaliser. Au contraire, c’est en croyant en sa juridiction,

en croyant à ce qu’elle puisse servir de cadre pour le dénouement de leurs différends juridiques ;

en un mot en lui faisant confiance. Dès lors, on n’aurait pas tort d’opiner que la crédibilité de la

Cour aurait davantage de chance à être prouvée dans les cas de compromis de saisine, dans la

mesure où cette voie traduirait une confiance des parties à un différend, à la Cour. Les États

gagneraient de ce fait, à privilégier la voie du compromis tant que la crédibilité de la Cour leur tient

à cœur.

Dans cette logique, il serait pour notre part, plus judicieux pour le Secrétaire général de

l’ONU, d’encourager les États à opter pour la voie du recours à la Cour par compromis, plutôt qu’à

ne les inciter qu’à accepter la juridiction obligatoire de celle-ci,521 dans la mesure où, même quand

ils l’acceptent, ils la sanctionnent de lourdes réserves522. Il en va de même des clauses

compromissoires. À propos de celles-ci, le président de la CIJ soulignait que :

Bien que le nombre de traités contenant des clauses compromissoires ait

augmenté, la compétence conférée par ces clauses n’est pas toujours aussi étendue

qu’elle pourrait l’être. Cela est dû au fait qu’un nombre croissant de réserves sont

formulées par les États lorsqu’ils signent des conventions internationales contenant des

clauses compromissoires. Ces réserves ont pris des formes multiples. Certaines

limitent la compétence de la Cour ratione temporis. D’autres limitent sa compétence

ratione materiae. D’autres encore tentent de limiter sa compétence ratione

personae.523

520 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92. 521 Supra note 462. 522 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 625. 523 Supra note 30 à la p 2.

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123

L’apport du Secrétaire général de l’ONU dans ce domaine pourrait lui valoir de donner une

pulsion au taux de saisine de la Cour par compromis, d’autant plus que celui-ci demeure

éminemment très faible par rapport à celui de la requête unilatérale.524 Pourtant, et comme Christian

Tomuschat le confirme d’ailleurs que : « The legal literature is unanimously agreed on the

advantages inherent in seising the Court by way of compromis or special agreement »525.

524 Supra note 475 et 476. 525 Christian Tomuschat, «Article 36», dans Andreas Zimmermann, et al., dir., The Statute of the International Court

of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 633 à la p 662.

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124

BIBLIOGRAPHIE

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Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, conclue

le 7 mars 1966, 660 RTNU 9464.

Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, conclue le 9 décembre 1948,

78 RTNU 1021.

Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,

conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice,

conclue le 1er mai 2008, 2515 RTNU 44914.

Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,

conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, conclue

le 10 mai 1994, 1776 RTNU 30941.

Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,

conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, New

York, 15 septembre 1958, conclue le 15 septembre 1958, 312 RTNU 4517.

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126

Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,

conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, entrée

en vigueur le 31 décembre 2014, RTNU 52381.

Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la

coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, adoptée le 24 octobre

1970. Doc. Off. A.G. 25ème session, supp. N028, p. 131, Doc. N.U. A/5217 (1970).

Déclaration de Manille sur le Règlement pacifique des différends internationaux, adoptée le 15

novembre 1982, A/RES/37/10.

Déclaration sur la prévention et l’élimination des différends et des situations qui peuvent menacer

la paix et la sécurité internationales et sur le rôle de l’Organisation des Nations Unies dans ce

domaine, adoptée le 05 décembre 1988, A/RES/43/51.

Demande du Japon pour devenir partie au Statut de la Cour internationale de Justice, Rés AG

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Examen du rôle de la Cour internationale de justice, Rés AG 3232 (XXIX), Doc off AG NU, 29e

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pour les assister à régler leur différend frontalier en le soumettant à la CIJ » (4 juin 2004), en ligne

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ONU, Déclaration sur la prévention et l'élimination des différends et des situations qui peuvent

menacer la paix et la sécurité internationales et sur le rôle de l'ONU dans ce domaine, Doc off

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127

ONU, Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des recommandations du comité spécial

des opérations de maintien de la paix et du Groupe d’étude sur les opérations de paix de

l’Organisation des Nations Unies, Doc off NU, 45e sess, Doc NU A/55/977 au para 229 (2001).

ONU, Rapport du Secrétaire général, 1er juin 2001 (A/55/977).

Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires

concernant le règlement obligatoire des différends, conclu le 24 avril 1963 à Vienne, 596 RTNU

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Règlement de la Cour Internationale de Justice, adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er

juillet 1978.

Règlement intérieur de l’Assemblée Générale, A/520/Rev.17.

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RTNU 44001.

I/2- Documents de la Société des Nations

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Pacte de la Société des Nations, adopté le 28 juin 1919.

Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé

par l'article 14 du Pacte de la Société des Nations, conclu le 16 décembre 1920, 6 RTSN 170.

II- Jurisprudence

Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Burundi),

Ordonnance du 30 janvier 2001, [2001] CIJ rec 3.

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128

Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Rwanda),

Ordonnance du 30 janvier 2001, [2001] CIJ rec 2001.

Activités armées sur le territoire du Congo, nouvelle requête (République démocratique du Congo

c Rwanda), [2006] CIJ rec 6.

Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Ouganda),

[2005] CIJ rec 168.

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d'Amérique), [1984] CIJ rec 392.

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d'Amérique), [1986] CIJ rec 14.

Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis

d’Amérique), Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47.

Affaire Ambatielos (Grèce c Royaume-Uni), [I952] CIJ rec 28.

Affaire de l’Anglo-Iranian Oil Co (Royaume-Uni c Iran), [1952] CIJ rec 93.

Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine (République hellénique c Grande Bretagne)

(1924), CPJI (sér A) n0 2.

Affaire de l’Interhandel (Suisse c États-Unis d'Amérique), [1959] CIJ rec 6.

Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c Royaume- Uni), [1963] CIJ rec 15.

Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),

[1948] CIJ rec 15.

Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),

[1949] CIJ rec 244.

Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),

[1949] CIJ rec 4.

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129

Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),

Ordonnance du 19 novembre 1949, [1949] CIJ rec 237.

Affaire du droit de passage sur territoire indien (Portugal c Inde), [1957] CIJ rec 125.

Affaires du Sud-Ouest africain (Éthiopie c Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud), [1962] CIJ

rec 319.

Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1961] CIJ rec 17.

Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1962] CIJ rec 6.

Affaire Haya de la Torre (Colombie c Pérou), [1951] CIJ rec 71.

Affaire Losinger & Cie, S. A. (Suisse c Yougoslavie) (1936), CPJI (sér A/B) n0 67.

Affaire Nottebohm (Liechtenstein c Guatemala), [1953] CIJ rec 111.

Affaire Phosphates du Maroc (Maroc c France) (1938), CPJI (sér A/B) n0 74.

Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Allemagne c Pologne)

(1925), CPJI (sér A) n0 6.

Affaire relative à la juridiction territoriale de la Commission internationale de l’Oder (Allemagne

c Pologne) (1929), CPJI (sér A) n0 23.

Affaire Usine de Chorzów (Allemagne c Pologne) (1928), CPJI (sér A) n0 17.

Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c République démocratique du Congo), [2007] CIJ

rec 582.

Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de

discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie), [2011] CIJ rec 70.

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

Herzégovine c Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595.

Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c

Serbie), [2008] CIJ rec 412.

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130

Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c États- Unis d'Amérique), [2004] CIJ rec 12.

Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c Espagne), [1964] CIJ rec 6.

Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c France), Ordonnance

du 16 novembre 2010, [2010] CIJ rec 635.

Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c France), [2008]

CIJ rec 177.

Certaines questions en matière de relations diplomatiques (Honduras c Brésil), Ordonnance du 12

mai 2010, [2010] CIJ rec 303.

Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), Ordonnance du 13 septembre 1993,

[1993] CIJ rec 322.

Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240.

Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)),

[2014], CIJ rec 226.

Compétence en matière de pêcheries (République fédérale d'Allemagne c Islande), [1973] CIJ rec

49.

Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale (Belgique c

Suisse), Ordonnance du 5 avril 2011, [2011] CIJ rec 341.

Construction d'une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c Costa Rica) ;

Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c Nicaragua),

[2015], CIJ rec 2.

Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c États-Unis

d'Amérique), [1984] CIJ rec 246.

Délimitation maritime entre la Guinée-Bissau et le Sénégal, (Guinée-Bissau c Sénégal),

Ordonnance du 8 novembre 1995, [1995] CIJ rec 423.

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131

Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar et Bahreïn), [2001]

CIJ rec 40.

Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c Bahreïn), [1995]

CIJ rec 6.

Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c Bahreïn), [1994]

CIJ rec 112.

Demande d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu par la Cour le 20

décembre 1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du

22 septembre 1995, [1995] CIJ rec 288.

Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants

mexicains (Mexique c États-Unis d’Amérique) (Mexique c États-Unis d’Amérique), [2009] CIJ rec

3.

Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et

maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria

c Cameroun), [1999] CIJ rec 31.

Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar

(Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande), [2013], CIJ rec 281.

Demande en révision de l'arrêt du 11 juillet 1996 en l'affaire relative à l'Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c

Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c Bosnie-Herzégovine), [2003] CIJ rec 7.

Demande en révision de l'arrêt du 11 septembre 1992 en l'affaire du Différend frontalier terrestre,

insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant)) (El Salvador c

Honduras), [2003] CIJ rec 392.

Demande en révision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire du Plateau

continental (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne), [1985]

CIJ rec 192.

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132

Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90.

Différend frontalier (Burkina Faso c Niger), [2013], CIJ rec 44.

Différend frontalier (Burkina Faso c République du Mali), [1986] CIJ rec 554.

Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua

(intervenant)), [1992] CIJ rec 351.

Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c Tchad), [1994] CIJ rec 6.

Elettronica Sicula S.P.A. (ELSI) (États-Unis d'Amérique c Italie), [1989] CIJ rec 15.

Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253.

Essais nucléaires (Australie c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 99.

Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), [1974] CIJ rec 457.

Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 135.

Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria Cameroun c Nigéria), [1998] CIJ

rec 275.

Île de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999], CIJ rec 1045.

Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Ordonnance du 7 décembre 2016,

[2016] CIJ rec 1 à la p 8.

Incident aérien du 3 juillet 1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique),

Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9.

Incident aérien du 10 aout 1999 (Pakistan c Inde), [2000] CIJ rec 12.

LaGrand (Allemagne c États-Unis d'Amérique), [2001] CIJ rec 466.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Allemagne), [2004] CIJ rec 720.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Belgique), [2004] CIJ rec 279.

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133

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Canada), [2004] CIJ rec 429.

Licéité de l‘emploi de la force (Yougoslavie c Espagne), Ordonnance du 2 juin 1999, [1999] CIJ

rec 761.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c France), [2004] CIJ rec 575.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Italie), [2004] CIJ rec 86.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Pays-Bas), [2004] CIJ rec 1011.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Portugal), [2004] CIJ rec 1160.

Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Royaume-Uni), [2004] CIJ rec 1307.

Licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 2 juin 1999,

[1999] CIJ rec 916.

Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c Belgique), [2002] CIJ rec

3.

Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c Chili), [2015], CIJ rec 2.

Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande

du Nord et États-Unis d'Amérique), [1954] CIJ rec 19.

Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c Iran),

[1980] CIJ rec 3.

Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c Danemark), [1969] CIJ

rec 3.

Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c Pays-Bas), [1969] CIJ

rec 3.

Plateau continental de la mer Égée (Grèce c Turquie), [1978] CIJ rec 3.

Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne c Malte), [1985] CIJ rec 13.

Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c Slovaquie), [1997] CIJ rec 7.

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134

Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c Sénégal), [2012] CIJ

rec 422.

Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de

200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ rec 2.

Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de

l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c États-Unis d'Amérique), [1998] CIJ

rec 115.

Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c

Singapour), [2008], CIJ rec 12.

Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie), [2001] CIJ rec 575.

Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de l'Organisation des Nations Unies

(Commonwealth de Dominique c Suisse), Ordonnance du 9 juin 2006, [2006] CIJ rec 107.

Sud-Ouest africain, deuxième phase (Libéria c Afrique du Sud), [1966] CIJ rec 6.

Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c Uruguay), [2010] CIJ rec 14.

III- Doctrine

III/1- Monographie

ALLAND, Denis, Manuel de droit international public, Paris : Presses universitaires de France,

2014, 279 p.

BEDJAOUI, Mohamed, Liber amicorum Jean-Pierre Cot : le procès international, Bruxelles,

Bruylant, 2009, 368 p.

BEDJAOUI, Mohammed, L'humanité en quête de paix et de développement (II) : cours général de

droit international public, La Haye, Académie de droit international de La Haye. Recueil des cours,

2006, 542 p.

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135

BEDJAOUI, Mohamed, Droit international bilan et perspectives, Éditions A. Pedone, Tome 1 et

Tome 2, 1991, 1361 p.

BIAD, Abdelwahab, la Cour internationale de justice et le droit international humanitaire,

Bruxelles, Bruylant, 2001. 210 p.

CASSESE, Antonio, International law, Oxford: Oxford University Press, 2003, 530 p.

CORTEN, Olivier, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, Éditions de

l’Université de Bruxelles, 2009, 291 p.

CURRIE, John H., Public international law, Toronto, Irwin Law, 2008, 619 p.

DAMROSCH, Lori Fisler, The International Court of Justice at a crossroads, Dobbs Ferry, N.Y.,

Transnational Pub., 1987, 511 p.

DECAUX, Emmanuel, Droit international public, Paris, Dalloz, 4è éd., 2004, 358 p.

DUBISSON, Michel, La Cour internationale de Justice, Paris, Librairie Générale de Droit et de

Jurisprudence, 1964, 463 p.

DUPUY, Pierre Marie, Droit international public, Paris, Dalloz, 10è éd., 2010, 916 p.

FASSBENDER, Bardo, The Oxford handbook of the history of international law, Oxford, Oxford

University Press, 2012, 1228 p.

FASSBENDER, Bardo, UN Security Council Reform and the Right of Veto: A constitutional

perspective, Hague; Boston, Kluwer Law International, 1998, 421 p.

FITZMAURICE, Gerald, The Law and Procedure of the International Court of Justice,

Cambridge, Grotius Publications, 1986, 904 p.

FOUCHER, Michel, Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique - Fayard, 1988, réédition

1994, 691 p.

GOY, Raymond, La cour internationale de justice et les droits de l'homme, Bruxelles : Bruylant,

2002, 222 p.

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136

GRONDIN, Jean, l’herméneutique, Paris, PUF, 2011, 127 p.

GUILLAUME, Gilbert, La cour internationale de justice à l'aube du XXIème SIECLE, Paris,

édition A. Pedone, 2003, 331 p.

HEBIÉ, Mamadou, Souveraineté territoriale par traité, Paris, PUF, 2015, 708 p.

KOLB, Robert, La Cour internationale de justice, Paris, Pedone, 2013, 1356 p.

KOLB, Robert, Interprétation et création du droit international, Bruxelles, Bruylant, 2006, 959 p.

KOLB, Robert, La bonne foi en droit international public : contribution à l'étude des principes

généraux de droit, Paris, Presses universitaires de France, 2000, 756 p.

LABRECQUE, Georges, Les différends internationaux en Asie : règlement judiciaire, Paris,

L'Harmattan, 2007, 306 p.

LANG, Caroline, l’Affaire Nicaragua/Etats Unies devant la Cour internationale de justice, Paris,

LGDJ, 1990, 301 p.

NGUYEN, Quoc Dinh, Droit international public, 8è éd., Paris, L.G.D.J., Lextenso, 2009, 1709 p.

ROUSSEAU, Charles, Droit international public (tome v), Paris, Sirey, 1983, 504 p.

RUZIE, David, Droit international public, Paris, Dalloz, 18è édition, 2006, 287 p.

SALMON, Jean, Droit du pouvoir, pouvoir du droit : mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles,

Bruylant, 2007, 1627 p.

SALMON, Jean, Droit international et argumentation, Bruxelles, Bruylant, 2014, 497 p.

SOCRATE, Politis Nicolas, La justice internationale, Paris : Hachette, 1924, 325 p.

VIRALLY, Michel, Le droit international en devenir, 1ère éd., Paris, PUF, 1990, 504 p.

III/2- Ouvrages collectifs

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137

ARBOUR, J.-Maurice et PARENT Geneviève, Droit international public, 6e éd., Cowansville,

Québec, Yvon Blais, 2012, 1163 p.

AUDIT, Bernard et AVOUT, Louis, Mélanges en l'honneur du Professeur Bernard Audit : les

relations privées internationales, Issy-les-Moulineaux : Lextenso éditions, 2014, 735 p.

BASDEVANT, Jules, dir, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey,

1960, 756 p.

COLLIARD, Claude-Albert et DUBOUIS, Louis, Institutions internationales, Paris, Dalloz, 1995,

532 p.

COMBACAU, Jean et SUR, Serge, Droit international public, 6è éd., Paris, Montchrestien, 2004,

809 p.

COT, Jean Pierre, FORTEAU, Mathias et PELLET Alain, dir., La Charte des Nations Unies :

commentaire article par article (tome 1 et 2), 3è éd., Paris, Economica, 2005, 3729 p.

DUPUY, Pierre-Marie et KERBRAT, Yann, Droit international public, Paris, Dalloz, 2014, 1000

p.

DALLIER, Patrick, FORTEAU, Mathias, DINH, Nguyen Quoc et PELLET, Alain, Droit

international public, 8è éd., Paris, LGDJ, 2009, 1722 p.

KAMGA, Maurice et MBENGUE, Makane Moïse, dir., Liber amicorum en l'honneur de Raymond

Ranjeva l'Afrique et le droit international : variations sur l'organisation internationale, édition

Pedone, 2013, 646 p.

NDIAYE, Tafsir Malick et WOLFRUM, Rüdiger, Law of the sea, environmental law and

settlement of disputes: liber amicorum Judge Thomas A. Mensah, Leiden ; Boston : Martinus

Nijhoff Publishers, 2007, 1186 p.

RUZIE, David et TEBOUL, Gérard, Droit international public, Paris, Dalloz, 20è éd., 2010, 332

p.

SALMON, Jean, dir., Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001. 1198

p.

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138

SEGOND, Louis, La Bible, French Edition, 1910.

TAMS, Christian J. et SLOAN, James, The development of International Law by the International

Court of Justice, Oxford, University Press, 2013, 400 p.

VAUGHAN, Lowe et FITZMAURICE, Malgosia, Fifty years of the international Court of Justice,

Essays in honor of Sir Robert Jennings, Cambridge University Press, 1996, 640 p.

ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS

Christian J., dir., The Statute of the International Court of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford,

Oxford University Press, 2012, 1745 p.

IV- Articles ou chapitres d’ouvrages collectifs

BARTENSTEIN, Kristin et LANDHEER-CIESLAK, Christelle, « Pour la recherche en droit :

quel(s) cadres théorique(s)? », dans FLÜCKIGER, Alexandre et TANQUEREL, Thierry, dir.,

L’évaluation de la recherche en droit. Enjeux et méthodes, Bruxelles, Bruylant, 2014, 83.

BEDJAOUI, Mohamed, « La ‘fabrication’ des arrêts de la Cour internationale de justice » dans

VIRALLY, Michel, dir., le droit international au service de la paix, de la justice et du

développement, Mélange Michel Virally, Paris, Pedone, 1991, 87.

BENNOUNA, Mohamed, « la Cour internationale de justice et son environnement politique » dans

KAMGA, Maurice et MBENGUE, Makane Moïse, dir., l’Afrique et le droit international :

variations sur l'organisation internationale, Liber amicorum en l'honneur de Raymond Ranjeva,

Paris, Pedone, 2013, 429.

CORTEN, Olivier et KLEIN, Pierre, « L'efficacité de la justice internationale au regard des

fonctions manifestes et latentes du recours à la cour internationale de justice », dans BEN

ACHOUR, Rafâa et LAGHMANI, Slim, dir., Justice et juridictions internationales, Paris, Pedone,

2000, 33.

COUVREUR, Philippe, « Notes sur la Cour internationale de justice et la volonté des États », dans

D’ARGENT, Pierre, dir., Les limites du droit international : essais en l'honneur de Joe Verhoeven

Page 149: Les avantages du compromis par rapport à la requête ... · Roland Melaine Toe Sous la direction de : Julia Grignon, directrice de recherche . iii RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder

139

= The limits of international law : essays in honour of Joe Verhoeven, Bruxelles, Bruylant, 2015,

423.

COUVREUR, Philippe, « Développements récents concernant l’accès des organisations

intergouvernementales à la procédure contentieuse devant la Cour internationale de Justice », dans

YAKPO, Emile et Tahar, dir., Liber amicorum Mohamed Bedjaoui, Kluwer Law International, La

Haye, Boston, Londres, 1999, 293.

CUMYN Michelle et SAMSON, Mélanie, « La méthodologie juridique en quête d’identité », dans

AZZARIA, Georges, dir., Les cadres théoriques et le droit : Actes de la 2e Journée d’étude sur la

méthodologie et l’épistémologie juridique, Cowansville (Qc), Yvons Blais, 2013, 57.

DUPUY, Pierre-Marie, « Article 34 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,

OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International Court of

Justice: A Commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 554.

OELLERS-FRAHM, Karin « Article 92 UN Charter », dans ZIMMERMANN, Andreas,

TOMUSCHAT, Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of

the International Court of Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012,

163.

PALCHETTI, Paolo, « Article 26 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,

OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J. dir., The Statute of the International Court of

Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 474.

PALCHETTI, Paolo, « Article 27 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,

OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International Court of

Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 502.

PELLET Alain, « Le renforcement du rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal des

Nations Unies » dans PECK, G. et LEE, R. S., dir., Increasing the Effectiveness of the International

Court of Justice -Proceedings of the ICJ/UNITAR Colloquium to Celebrate the 50th Anniversary

of the Court, The Hague, Kluwer/Unitar, 1997, 235.

Page 150: Les avantages du compromis par rapport à la requête ... · Roland Melaine Toe Sous la direction de : Julia Grignon, directrice de recherche . iii RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder

140

RANJEVA, Raymond, « Le règlement des différends relatifs au nouveau droit de la mer », dans

DUPUY, René Jean, VIGNES, Daniel, dir., Traité du nouveau droit de la mer, Paris,

Economica/Bruylant, 1985, 1105.

TOMUSCHAT, Christian, « Article 36 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT,

Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International

Court of Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 633.

V- Articles de périodiques

BARTENSTEIN, Kristin, « De Stockholm à Copenhague : genèse et évolution des responsabilités

communes, mais différenciées dans le droit international de l’environnement », (2011) 56 Revue

de droit de McGill / McGill Law Journal 177.

CHYCOT, Pierre Yves, « l'actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de

contribution juridique à la notion de paix durable », (2003) 16 :1 RQDI 5.

D’ARGENT, Pierre, « Des frontières et des peuples : l'affaire de la Frontière terrestre et maritime

entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt sur le fond », (2002) 48 :1 AFDI 281.

DECAUX, Emmanuel, « Arrêt de la Chambre de la CIJ dans l’Affaire du différend frontalier

Burkina Faso contre Mali » (1986) 32 :1 AFDI 215.

DUPUY, René Jean, « La réforme du Règlement de la CIJ », (1972) 18 :1 AFDI 265.

EISEMANN, Pierre Michel, « Les effets de la non-comparution devant la Cour internationale de

Justice », (1973) 19 :1 AFDI 351.

FISCHER, Georges, « Les réactions devant l'arrêt de la Cour internationale de Justice concernant

le Sud-Ouest africain », (1966) 12 :1 AFDI 144.

Feydy, Julien, « La nouvelle déclaration française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la

Cour internationale de Justice », (1966) 12 :1 AFDI 155.

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141

Gharbi, Fakhri, « Le déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour

internationale de justice », (2002) 43 :3 Les Cahiers de droit 433.

GARCIA, Thierry, « Les mesures conservatoires rendues par la Cour Internationale de Justice, le

15 mars 1996, dans le différend frontalier entre le Cameroun et le Nigéria », (1996) 42 :1 AFDI

409.

GUILHAUDIS, Jean-François, « Remarques à propos des récents conflits territoriaux entre États

africains (Bande d'Aozou, Ogaden, Saillant de Kyaka) », (1979) 25 :1 AFDI 223.

GUILLAUME, Etienne, « L’emploi de la force devant la Cour internationale de justice », (2003)

AFRI 215.

HOMAYOUN, Barati, « Frontière terrestre et maritime (Cameroun c/ Nigéria), Exceptions

préliminaires, interprétation, intervention », (1999) 1 AFDI 371.

KOLB, Robert, « L'État X n'est pas membre des Nations Unies ; donc, il ne doit pas respecter le

droit international: variations sur un thème saugrenu », (2014) 3 Revue suisse de droit international

et européen 369.

LATTY, Franck, « La Cour internationale de justice face aux tiraillements du droit international :

les arrêts dans les affaires des Activités armées sur le territoire du Congo », (2005) 51:1 AFDI 205.

LEROY, Yann, « La notion d'effectivité du droit », (2011) 79 Droit et société 715.

MARTTI, Koskenniemi, « l'affaire du différend territorial », (1994), 40:1 AFDI 442.

PAILLARD, Emmanuel, « Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République

Démocratique du Congo c. Ouganda). Demande en indication de mesures conservatoires », (2000)

46 AFDI 242.

RUFFINI, Francesco, « De la protection internationale des droits sur les œuvres littéraires et

artistiques », (1926) 2 Recueil des cours de l’Académie de droit international, 387.

WECKEL, Philippe, « Les suites des décisions de la Cour international de Justice », (1996) 42 :1

AFDI, 428.

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142

VI- Thèses et Mémoires

FRITZ, Robert Saint-Paul, L’exécutions des décisions de la Cour internationale de Justice :

Faiblesses et malentendus, Mémoire de Maitrise (LL.M), sous la direction d’Isabelle Duplessis,

Université de Montréal, Faculté de droit, direction des bibliothèques, 2006, 145 p.

SABALBAL, Hélène, L’évolution des fonctions du Secrétaire général de l’ONU, Mémoire de

Maitrise (LLM), Université Laval (Faculté de droit), 2013, 146 p.

TOE, Roland Melaine, Les États africains devant la Cour internationale de justice, Mémoire de

Master 2 recherche en Droit international, sous la direction de MBENGUE, Makane Moïse et la

codirection de SOMA, Abdoulaye, Ouagadougou, Centre d’Études et de Recherche sur le droit

International et les Droits de l’Homme (CERDIH), 2014, 102 p.

WATANABE-KAYE, Kanae. The Power of the United Nations Secretary-General, thèse de

doctorat, The Johns Hopkins University, 2010, 707 p.

VII- Sources électroniques

La Cour international de Justice, en ligne : < http://www.icj-cij.org/information/fr/cbleubook.pdf>.

Moreau Defarges Philippe, « De la SDN à l'ONU. », Pouvoirs 2/2004 (n° 109), p. 15-26, en ligne

: <www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm>.

Discours de S. Exc. M. Peter Tomka, président de la Cour internationale de Justice, devant la

Sixième Commission de l’Assemblée générale, le 1er novembre 2013, en ligne :< http://www.icj-

cij.org/presscom/files/5/17685.pdf>.

Discours de M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, devant les

conseillers juridiques des États membres de l’Organisation des Nations Unies, « Introduction au

séminaire consacré à la compétence contentieuse de la Cour internationale de Justice » à la p 2, en

ligne : < http://www.icj-cij.org/presscom/files/6/16226.pdf>.

Jean-Pierre Mbelu, « Analyse et réflexion », en ligne :

<http://www.congoforum.be/fr/analysedetail.asp?id=159663>.

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143

Conseil départemental d’accès au droit des Landes, « La Cour de cassation », en ligne : <

https://www.courdecassation.fr/>.

Cour internationale de justice, « Chambres et comités », en ligne : <www.icj-cij.org>.

Les chambres de la Cour, en ligne : <http://www.pedone.info/cij/12-CIJ-.pdf>.

RFI archive, « Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts », en ligne :

<http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44919.asp>.

Cour internationale de Justice, « Membres de la Cour », en ligne : <http://www.icj-

cij.org/court/index.php?p1=1&p2=2&lang=fr>.

African Development Bank, OECD, United Nations Development Programme, « Perspectives

économiques en Afrique 2015 : Développement territorial et inclusion spatiale », Paris, OCDE,

2015, en ligne, < http://www.oecd-ilibrary.org/sites/fa724c7c-

fr/index.html?itemId=%2fcontent%2fsummary%2ffa724c7c-fr>.

Statut révisé du Fonds, « Statut, règlement et principes révisés applicables au Fonds d’affectation

spéciale du Secrétaire général devant aider les États à soumettre leurs différends à la Cour

internationale de Justice », en ligne : <http://www.un.org/fr/aboutun/structure/statusrev.pdf>.

Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le

différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu

Puteh, Middle Rocks et South Ledge, en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.

La perte du vote du Canada à l’ONU : recul de sa renommée internationale en ligne :

<http://www.mondialisation.ca/la-perte-du-vote-du-canada-l-onu-recul-de-sa-renomm-e-

internationale/21438>.

Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le

différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu

Puteh, Middle Rocks et South Ledge, en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.

Page 154: Les avantages du compromis par rapport à la requête ... · Roland Melaine Toe Sous la direction de : Julia Grignon, directrice de recherche . iii RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder

144

Cour internationale de Justice, compromis entre le gouvernement de la république du Botswana et

le gouvernement de la République de Namibie visant à soumettre à la Cour internationale de justice

le différend qui oppose les deux États concernant la frontière autour de l'île de Kasikili/Sedudu et

le statut juridique de cette île, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/98/7184.pdf>.

Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la

République du Niger et la République du Benin, en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/files/125/7068.pdf>.

Cour internationale de Justice, Compromis entre le gouvernement de la République de Haute-Volta

et le gouvernement de la République du Mali visant à soumettre à une chambre de la cour

internationale de justice le différend frontalier entre les deux états, en ligne : <http://www.icj-

cij.org/docket/files/69/10664.pdf>.

Cour internationale de Justice, Compromis de saisine de la cour internationale de justice, au sujet

du différend frontalier entre le Burkina Faso et la république du Niger, en ligne : < http://www.icj-

cij.org/docket/files/149/15986.pdf>.

Bol de culture, en ligne : < http://boldeculture.blogspot.ca/2011/04/quest-ce-quun-ministere-

regalien.html>.

Liste des États membres du Commonwealth, en ligne : < http://statistiques-

mondiales.com/commonwealth.htm>.

Cour internationale de Justice, « Déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire », en ligne

: < http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&lang=fr>.

ONU, « Discours du Secrétaire général de l’ONU pour commémorer le #ICJ70 », en ligne : <

http://unric.org/fr/actualite/4006-discours-du-secretaire-general-de-lonu-pour-commemorer-le-

icj70>.

Liste des procédures contentieuses par date d'introduction en ligne <http://www.icj-

cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>.

Page 155: Les avantages du compromis par rapport à la requête ... · Roland Melaine Toe Sous la direction de : Julia Grignon, directrice de recherche . iii RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder

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Pierre-Yves Chicot, « L’actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de

contribution juridique à la notion de paix durable », à la p 21, en ligne : < http://www.sqdi.org/wp-

content/uploads/16.1_-_05_chicot.pdf>.

VIII- Autres documents

Manuel canadien de la référence juridique (McGill Guide), 8e éd, Toronto, Carswell, 2014.

MBENGUE, Makane Moïse, Cours de Règlement des différends internationaux, Master 2, Centre

d’Étude et de Recherche sur le Droit international et les droits de l’Homme (CERDIH), Été 2013,

Ouagadougou (Burkina Faso).