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Les avantages du compromis par rapport à la
requête unilatérale dans le recours à la Cour
internationale de Justice (CIJ)
Mémoire
Roland Melaine Toe
Maîtrise en droit
Maître en droit (LL. M.)
Québec, Canada
© Roland Melaine Toe, 2017
Les avantages du compromis par rapport à la
requête unilatérale dans le recours à la Cour
internationale de Justice (CIJ)
Mémoire
Roland Melaine Toe
Sous la direction de :
Julia Grignon, directrice de recherche
iii
RÉSUMÉ Créée en 1945 pour succéder à la Cour permanente de Justice internationale (CPJI), la Cour
internationale de Justice (CIJ), conserve la particularité d’être non seulement l’un des organes
principaux de l’Organisation des Nations Unies (ONU), mais aussi son organe judiciaire principal
en charge du règlement pacifique des différends internationaux. Quoi que l’on puisse dire de son
fonctionnement, il n’en demeure pas moins des insuffisances dans son action. Tantôt liées aux
attitudes des États en tant que ses justiciables par excellence ou à la configuration actuelle de son
Statut, ces insuffisances ont souvent suscité des critiques chez certains auteurs sceptiques sur son
efficacité à pouvoir servir d’un véritable cadre de dénouement des différends internationaux. C’est
pourquoi, ils plaident en faveur d’une réforme de son Statut. Nul doute que cette option peut
paraitre irréaliste dans un avenir proche au regard de la complexité des procédures qui commandent
d’être accomplies à cet effet. Dans la mesure où, le consensualisme, en tant que principe qui régit
le règlement pacifique des différends internationaux, s’épanouit mieux dans les hypothèses de
saisine de la Cour par la voie du compromis, on gagnerait à privilégier cette option. Les différents
Secrétaires généraux de l’ONU, devraient de ce point de vue, attirer plus l’attention des États sur
les atouts de cette voie de recours, plutôt qu’à ne les encourager qu’à accepter la juridiction
obligatoire de la Cour, dans la mesure où, même quand ils l’acceptent, ils la grèvent souvent de
lourdes réserves.
iv
ABSTRACT Established in 1945 to take over from the Permanent Court of International Justice, the
International Court of Justice is not only one of the principal organs of the United Nations but also
its main judicial body in charge of the peaceful settlement of international disputes. However, the
action of the Court is in practice not free from insufficiencies. Whether related to the attitudes of
States as the primary subjects to the jurisdiction or the text of the Statute of the Court, these
shortcomings have elicited some scholars’ skepticism about the capacity of the Court to serve as a
useful forum for the peaceful settlement of international disputes. Thus, scholars sometimes
suggest an amendment to the Court’s Statute, although this option seems not feasible in light of the
legal hurdles for its modification. As the best expression of consent governing the peaceful
settlement of international disputes, special agreements should be the preferred avenue for seizing
the Court. The United Nations General Secretaries should draw States’ attention on the advantages
of special agreements as a means of seizing the Court, instead of encouraging them always to accept
the compulsory jurisdiction of the Court under Article 36 § 2 of its Statute. Indeed, even when
States accept the jurisdiction of the Court through unilateral declarations, they happen to neutralize
it through disempowering reservations.
v
Table des matières RÉSUMÉ ........................................................................................................................................ iii
ABSTRACT .................................................................................................................................... iv
LISTE DES ABRÉVIATONS ..................................................................................................... viii
DÉDICACE ..................................................................................................................................... ix
REMERCIEMENTS ........................................................................................................................ x
Introduction ...................................................................................................................................... 1
Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le règlement
des différends ................................................................................................................................. 13
Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la voie de
requête unilatérale ....................................................................................................................... 14
Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement des
parties à un différend .............................................................................................................. 14
Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de la
Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale ............... 14
A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que
fondement juridique de la compétence de la Cour .......................................................... 15
B- Les limites de la clause compromissoire en tant que fondement juridique de la
compétence de la Cour .................................................................................................... 18
Paragraphe 2 : Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur la
compétence de la Cour ........................................................................................................ 22
Section 2 : Les limites liées au phénomène de désistement d’instance devant la Cour .......... 25
Paragraphe 1 : Les limites de l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale en
lien avec les hypothèses des radiations d’affaires du rôle de la Cour ................................. 25
Paragraphe 2 : L’application du forum prorogatum et ses limites ...................................... 30
Chapitre 2 : Les incertitudes de la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale sur la mise
en œuvre des décisions de la Cour.............................................................................................. 35
Section 1 : Les raisons liées aux incertitudes sur l´exécution des arrêts de la Cour dans les
affaires ayant fait l’objet d’une saisine par la voie de la requête unilatérale .......................... 35
Paragraphe 1 : La remise en cause des arrêts de la Cour par voie de contestation avec les
hypothèses des recours en interprétation d´arrêts devant la Cour ....................................... 35
Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la Cour,
en lien la saisine par la voie de la requête unilatérale ......................................................... 39
vi
A- Les raisons liées à la réticence de l´État condamné à l’exécution des décisions de
la Cour ............................................................................................................................. 40
B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une
exécution forcée des décisions de la Cour ....................................................................... 43
Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre
permanent du Conseil de sécurité ........................................................................................... 46
Paragraphe 1 : L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de l’ONU
sur l’exécution des arrêts de la Cour ................................................................................... 47
Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre permanent
du Conseil de sécurité de l’ONU ......................................................................................... 50
A- L’inexécution par les États-Unis de l’arrêt de la Cour dans l’affaire relative aux
Activités militaires au Nicaragua contre celui-ci ............................................................ 50
B- L’inexécution par la France de l’ordonnance de la Cour relative aux mesures
conservatoires dans l’affaire des Essais nucléaires ......................................................... 54
Conclusion de la première partie .................................................................................................... 58
Deuxième partie : La protection de la compétence de la Cour contre les incidents de procédure
par le fait du compromis de saisine ................................................................................................ 59
Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre
effective du consensualisme ....................................................................................................... 60
Section 1 : La constitution des formations restreintes de chambres pour le règlement des
affaires ..................................................................................................................................... 60
Paragraphe 1 : Les types de chambres ................................................................................ 60
A- Les chambres préconstituées ................................................................................ 60
B- Les chambres ad hoc ............................................................................................. 64
Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de chambres
au sein de la Cour ................................................................................................................ 67
A- La portée du recours aux formations restreintes de chambres par le fait du
compromis ....................................................................................................................... 67
B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière .. 70
Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du
compromis ............................................................................................................................... 74
Paragraphe 1 : Les atouts liés au bénéfice du fonds d’affectation spéciale au règlement des
différends portés devant la Cour par la voie de compromis ................................................ 74
A- Définition du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face
aux dépenses judiciaires .................................................................................................. 74
vii
B- Les motifs liés au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours à la
Cour par la voie de compromis........................................................................................ 77
Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine ................. 81
A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités ....................... 81
B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des
affaires portées à la Cour par la voie de compromis de même qu’à l’exécution des
décisions issues de ces affaires ........................................................................................ 85
Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de la
procédure de règlement des différends à travers le recours des États à la Cour par la voie du
compromis .................................................................................................................................. 89
Section 1 : La protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions
dans la procédure de règlement par le fait du recours par la voie de compromis ................... 89
Paragraphe 1 : La capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires .............. 89
A- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions
ratione materiae par le recours par la voie de compromis ............................................... 90
B- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions
ratione personae par le recours par la voie de compromis .............................................. 93
C- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions
ratione temporis par le recours par la voie de compromis ............................................... 97
Paragraphe 2 : La capacité du compromis à limiter les exceptions d’irrecevabilité ......... 100
Section 2 : De la nécessité de renforcer le recours à la Cour par la voie du compromis ...... 105
Paragraphe 1 : Les raisons justificatives de cette nécessité de renforcer la saisine de la
Cour par la voie de compromis ......................................................................................... 105
Paragraphe 2 : Des propositions relatives à un fréquent recours des États à la Cour par la
voie du compromis ............................................................................................................ 110
A- De la prise en compte de l’importance de l’idée du recours à la Cour par la voie
du compromis dans les rapports annuels de la CIJ à l’Assemblée générale des Nations
Unies…………………………………………………………………………………..110
B- Du rôle du Secrétariat général des Nations Unies à encourager les États à recourir
à la Cour par la voie du compromis ............................................................................... 113
Conclusion de la deuxième partie ................................................................................................ 117
Conclusion générale ..................................................................................................................... 119
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 124
viii
LISTE DES ABRÉVIATONS
AFDI : Annuaire Français de Droit International
AG :
Assemblée générale
AOF : Afrique Occidentale Française
Art :
Article
CIJ : Cour Internationale de Justice
CPA : Cour Permanente d’Arbitrage
CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale
LGDJ : Librairie Générale de Droit et Jurisprudence
NU : Nations Unies
ONU : Organisation des Nations Unies
Para :
Paragraphe
RT Can : Recueil des Traités du Canada
RGDIP : Revue générale de Droit International Public
RTNU : Recueil des Traités des Nations Unies
SDN :
TIDM :
Société Des Nations
Tribunal International du Droit de la Mer
ix
DÉDICACE
À la mémoire de mes père et mère, Fulgence Toe et Marie-Thérèse Ki
x
REMERCIEMENTS Je voudrais de prime abord, témoigner ma profonde gratitude à la professeure Julia Grignon. Ce
fut pour moi un plaisir d’avoir bénéficié de sa direction et de son accompagnement au long de la
rédaction de ce mémoire relatif à un sujet qui me passionne tant. Ses remarques et commentaires
m’ont été d’un grand atout pour atteindre ce résultat.
Je ne saurais ignorer la professeure Kristin Bartenstein pour avoir accepté de siéger sur le jury de
mon atelier de présentation de projet de mémoire. Par sa lecture méticuleuse de mon projet de
recherche, elle a su attirer mon attention sur certaines failles qu’il comportait, me permettant ainsi
de restructurer mes idées pour parvenir à ce résultat.
Aussi, souhaiterais-je traduire mes remerciements à la direction de la faculté de droit de
l’Université Laval pour avoir accepté de me faire partie de ses étudiants, en plus de son assistance
et son sens d’écoute. Sur ce, à travers sa vice-doyenne aux études supérieures, la professeure
Véronique Guèvremont et messieurs Sylvain Lavoie et Michel Bélanger, qu’elle reçoive
l’expression de ma profonde gratitude.
J’ai une pensée pour mon ami Mamadou Hébié, maître-assistant à la faculté de droit de l’Université
de Leyde au Pays-Bas. Je lui traduis toute ma gratitude pour ses remarques et les riches discussions
que j’ai pu avoir avec lui sur certains aspects de ce travail.
Je voudrais en outre, avoir égard à mes amis pour les féliciter de leur collaboration, laquelle m’a
aussi été enrichissante pour mes recherches sur ce travail. Je fais à cet effet, allusion d’une part, à
ces doctorant (e) s en droit à l’Université Laval : Bienvenu Moussa Haba, Ndeye Dieynaba Ndiaye,
Christian Hessou, Guy Marcel Nono, etc., et d’autre part, Bienvenu Venceslas Ouédraogo
(Université de Genève), Émile Ouédraogo (Post doctorant à l’Université de Québec à Montréal).
Par ailleurs, c’est un honneur pour moi d’avoir bénéficié de l’assistance et des encouragements de
l’apôtre Gilbert Kaboré, pasteur principal de l’Église Bethel Shan Shean, de même que de son
épouse Jeanne Kaboré à Ouagadougou (Burkina Faso). Qu’à travers eux, toute cette Église reçoive
l’expression de ma reconnaissance profonde.
Pour finir, j’ai une pensée spéciale pour ma fiancée Zenabo Ouedraogo que j’appelle
affectueusement Grâce, qui n’a ménagé aucun effort pour me faire tirer profit de ses conseils et
encouragements tout au long de la rédaction de ce document. Elle m’a été d’un atout véritable.
1
Introduction
De notre point de vue, toute société a besoin pour son fonctionnement et son
épanouissement d’un droit sans lequel elle débouche à l’anarchie. Encore, faudrait-il qu’il y ait une
autorité légitime en son sein, c’est-à-dire qui soit acceptée de tous et chargée de la mise en œuvre
de ce droit et le cas échéant, d’en sanctionner les violations pour faire droit à la justice. C’est bien
dans cette optique que s’inscrit l’avènement de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à travers
son traité créateur, la Charte1, qui fut adoptée le 26 juin 1945 à San Francisco. Devant l’incapacité
de la Société des Nations (SDN) à empêcher une seconde guerre mondiale en 1939, la nécessité de
se doter d’une Organisation universelle et plus dynamique ayant l’ultime objectif du maintien de
la paix2 et de la sécurité3 internationales devenait plus qu’impérieuse pour la communauté
internationale.4 Dans leur désir de permettre à l’ONU de remplir cette mission du maintien de la
paix et de la sécurité internationales, les États signataires de la Charte n’hésiteront pas à la munir
d’un certain nombre de moyens d’action.5 Au nombre de ces moyens, figure la Cour Internationale
de Justice (CIJ) dont le Statut6 fait partie intégrante de la Charte.7
La CIJ apparaît comme l’héritière de la Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI),8
qui existait au temps de la SDN. Toutefois, elle se différencie de sa devancière à bien des égards.9
Avec la nécessité qui naissait de substituer à la SDN une autre Organisation universelle, en
* Le mode de citation est emprunté au Manuel canadien de la référence juridique (McGill Guide), 8e éd, Toronto,
Carswell, 2014. 1 Charte des Nations Unies, 26 Juin 1945, RT Can 1945 n0 7. 2 Le maintien de la paix est l’« action consistant à faire perdurer un état de paix, spécialement lorsque celui-ci est
menacé » : Jean Salmon, dir, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001 à la p 678, sens A
[Salmon]. 3 Ibid à la p 1025. Sens A : La sécurité internationale est la « situation dans laquelle la communauté internationale jouit
d’un état de tranquillité par l’absence de menace contre la paix ou de rupture contre celle-ci ». 4 René Cassin, « De la Société des Nations aux Nations Unies » dans René Cassin, dir., Les Nations Unies, chantier
d’avenir, vol. II, Paris, PUF, 1962 aux pp 35-38. 5 Supra note 1, art 7. 6 Statut de la Cour internationale de Justice (CIJ), adopté à San Francisco, 24 octobre 1945, RTNU N/D. 7 Supra note 1, art 92. 8 Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé par l'article 14 du
Pacte de la Société des Nations, adopté à Genève, 16 Décembre 1920, Recueil des Traités, LA 41 TR-08101921 - LoN
– 170, RTSDN, n0 170. 9 D’une part, la CPJI n’a jamais fait partie intégrante de la SDN comme étant l’un de ses organes principaux, encore
que son Statut ne faisait pas partie intégrante du Pacte de la SDN (voir : La Cour internationale de Justice, en ligne :
<http://www.icj-cij.org/information/fr/cbleubook.pdf>). Au contraire la CIJ est l’un des organes principaux de l’ONU
et son Statut fait partie intégrante de la Charte (article 92 de la Charte de l’ONU). D’autre part, un État membre de la
SDN ne fût pas, de ce seul fait, automatiquement partie au Statut de la CPJI : Moreau Defarges Philippe, « De la SDN
à l'ONU. », Pouvoirs 2/2004 (n° 109) aux pp 15-26, en ligne : <www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm>
; à l’opposé de la CIJ dont tous les États membres de l’ONU sont parties à son Statut (supra note 1, art 93 au para 1).
2
l’occurrence, l’ONU, il devenait parallèlement logique qu’une nouvelle juridiction à vocation
universelle se substitue tout de même à la CPJI.10 C’est au Palais de la Paix, à la Haye (au Pays
Bas) que se situe le siège de cette juridiction.11 Elle est censée exercer la fonction de tribunal
mondial12 et apparaît comme le seul des six organes principaux13 à ne pas avoir son siège à New
York (aux États-Unis). Elle règle conformément au droit international les différends d’ordre
juridique que les États lui soumettent,14 et elle est à la disposition d’un certain nombre d’institutions
ou organes principaux des NU pour leur donner des avis consultatifs afin de les assister, sur le plan
juridique, dans la réponse à donner à des questions inscrites à leur ordre du jour.15 Est appelé
différend juridique international « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction,
une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts »16. C’est en tant que telle que la CIJ, dans
l’exercice de ses fonctions contentieuse et consultative, est appelée à contribuer à l’objectif premier
de l’Organisation, qui est de « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois
en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances »17. Ainsi, règle-t-
elle conformément au droit international les différends qui lui sont soumis et « dont la prolongation
est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales »18.
10 Cette idée était partagée dès août 1944 lors de la conférence de Dumbarton Oaks (aux États-Unis), par les experts
mandatés pour rédiger un avant-projet de Charte des NU. C’est ainsi qu’à la conférence de San Francisco, le comité
de juristes présidé par Jean Basdevant avait suggéré d’instituer une nouvelle juridiction en lieu et place de la CPJI. Les
considérations qui militaient en faveur de cette solution étaient d’une part politiques, et d’autre part, techniques. Dans
un premier temps, les NU avaient décidé d’exclure dans l’immédiat, les États ex-ennemis de toute coopération
internationale ; or certains d’entre eux restaient parties au Statut de la CPJI. Secundo, le renouvellement des juges de
la CPJI dépendait d’une décision d’Organes de la SDN (le Conseil et l’Assemblée), qui n’étaient plus en mesure de
s’acquitter une telle responsabilité en ce sens que le processus de dissolution de la SDN était déjà entamé. Pour ces
raisons, la conférence de San Francisco établit tout à la fois la Charte des NU et le Statut de la CIJ, qui à la différence
de la CPJI, devrait devenir l’organe judiciaire principal des NU : Voir, Michel Dubisson, La Cour internationale de
Justice, Paris, LGDJ, 1964 aux pp 15 - 26 ; Karin Oellers-Frahm, « Article 92 UN Charter », dans Andreas
Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of Justice : a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford
University Press, 2012, 163 à la p 166; Histoire des Nations Unies, Conférences de Dumbarton Oaks et de Yalta, en
ligne : < http://www.un.org/fr/aboutun/history/dumbarton_yalta.shtml>. 11 Supra note 6, art 22 au para 1. 12 Etienne Guillaume, « L’emploi de la force armée devant la Cour internationale de justice », (2002) 3 Annuaire
Française des Relations Internationales 215 à la p 215. 13 Supra note 1, art 7 au para 1. 14 Supra note 6, art 38 au para 1. 15 Supra note 1, art 96. 16 Affaire des concessions Mavrommatis en Palestine (République hellénique c Grande Bretagne) (1924), CPJI (sér A)
n0 2 à la p 11. 17 Supra note 1 au préambule. 18 Supra note 1, art 33 au para 1.
3
La juridiction de la CIJ est un corps de magistrats indépendants (supra note 6, art 2),
composé de quinze membres.19 Ceux-ci sont élus par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale
de l’ONU20 pour neuf ans et renouvelables,21 « sans égard à leur nationalité, parmi les personnes
jouissant de la plus haute considération morale et qui réunissent les conditions requises pour
l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires ou qui sont des
jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international »22. Sa
compétence s’étend à tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet l’interprétation d’un
traité, tout point de droit international, la violation d’un engagement international ainsi que la
nature et l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international.23 Elle
applique les conventions internationales, la coutume internationale, les principes généraux de droit
ainsi que les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes dans la résolution des différends qui
lui sont soumis.24 Quant aux arrêts de la Cour, ils sont adoptés à la majorité des juges présents et
dans le cas d’un partage des voix, celle du président ou de celui qui le remplace reste
prépondérante.25 Ses arrêts sont obligatoires26 et définitifs27.
En tant qu’organe de l’ONU, l’institution de la CIJ par la Charte peut être tributaire de deux
phénomènes. Le premier relève de la grande difficulté à laquelle les États membres pourraient faire
face pour résoudre par eux-mêmes les problèmes juridiques auxquels ils seraient confrontés, soit
individuellement, soit collectivement. Le second témoigne aussi de la difficulté qu’éprouveraient
les États à organiser la Communauté internationale sans tenir compte d’une justice internationale.
Comme la plupart des juridictions civiles, la compétence de la Cour au niveau contentieux
ne peut être actionnée que lorsqu’elle se trouve saisie par les justiciables (seulement les États), qui
y sont habiletés conformément à ses modes de saisine.28 À ce sujet, le paragraphe premier de
19 Supra note 6, art 3 au para 1. 20 Supra note 6, art 4 au para 1. 21 Supra note 6, art 13 au para 1. 22 Supra note 6, art 2. 23 Supra note 6, art 36 au para 2. 24 Supra note 6, art 38 au para 1. 25 Supra note 6, art 55. 26 Supra note 6, art 59. 27 Supra note 6, art 60. 28 Cette idée de saisine préalable de la Cour par ses justiciables, avant qu´elle exerce sa compétence dans le cadre d’un
différend à elle soumis, n’est pas le propre de la CIJ, car on peut tout de même l’observer au niveau de la justice
étatique. Mais contrairement à cette justice et dans une autre mesure certaines juridictions internationales qui regorgent
des procureurs chargés de dénoncer et de poursuivre les auteurs de crimes ou de délits, les rédacteurs du Statut de la
CIJ se sont voulus davantage soucieux de la souveraineté des États en leur laissant le soin de saisir cette dernière de la
4
l’article 40 du Statut de la Cour stipule que : « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le
cas, soit par notification du compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux
cas, l'objet du différend et les parties doivent être indiqués ». Cela dit, la saisine de la Cour peut
intervenir sous différentes formes selon que ce soit par accord que les parties décident de saisir la
Cour ou que ce soit de façon individuelle ou unilatérale. Le premier cas laisse penser à une entente
préalable entre les parties au différend pour porter celui-ci devant la Cour en vue d’un règlement.
À cet effet, elles signent un accord qualifié de compromis en vertu duquel leur différend pourra
être porté devant la Cour. Cet accord demeure par ailleurs la base juridique qui fonde la compétence
de la Cour dans le cas d’espèce. Dans le second cas relaté par le paragraphe premier de l’article
précité, c’est de par sa propre initiative qu’un État partie à un différend décide de porter celui-ci à
la Cour par le biais d’une requête unilatérale qu’il introduit auprès de son greffe. Cette dernière
situation suppose qu’il n’y a pas eu de consentement réciproque des parties impliquées dans le
différend de s’en remettre à la compétence de la Cour. Sur ce, la compétence de la Cour pour
connaître du différend peut résulter de trois hypothèses,29 soit d’une clause compromissoire (supra
note 6, art 36 au para 1), soit d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire (supra note 6,
art 36 au para 2), soit de l´hypothèse du forum prorogatum (art 38 au para 5 du Règlement de la
Cour de 1978).
Parmi les différends portés devant la Cour, certains ont pu évidemment aboutir à des
règlements avec une grande facilité tandis que d’autres l’ont été avec des complications de
procédure souvent dues aux États. Ces derniers ont souvent adopté des comportements ou se sont
livrés à des pratiques tendant à nuire à la juridiction de la Cour ou à l’empêcher de dire le droit
conformément à son Statut. Au nombre de ces comportements, l’on retient la multiplication des
réserves – l´une des catégories des exceptions d´incompétence – souvent formulées aux
manière dont ils le veulent et quand ils le souhaitent. Raison pour laquelle, la CIJ ne présente pas d’office de procureur.
Sur ce, le Statut de la Cour est formel quand il stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires
que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans
les traités et conventions en vigueur » (Article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour.). À la lumière de cet article, l’on
comprend l’idée selon laquelle la compétence de la CIJ dépend du consentement des parties, du moins dans ses limites
(accepter dans les limites ce que les parties ont consenti). La CIJ a même confirmé ce principe à travers une série de
décisions parmi lesquelles l’on note l’Avis sur l’Interprétation des traités de paix du 12-2-1947 conclus avec la
Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, et dans lequel elle affirme que « le consentement des États parties à un différend
est le fondement de la juridiction de la Cour en matière contentieuse » (CIJ, Recueil 1950, p.71.). Pour saisir la Cour,
les seules entités (États) habiletés, ont le choix entre la requête et le compromis. 29 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, Droit international public, 6e éd, Cowansville, Québec, Yvon Blais, 2012
aux pp 618-619 [J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent].
5
déclarations facultatives de juridiction obligatoire de la Cour. Cela dit, même si l’on assiste de plus
en plus à une ascendance du nombre de ces déclarations facultatives de juridiction obligatoire du
fait des États, il reste que ces derniers les ont souvent accompagnées de réserves pour soustraire de
la compétence de la Cour un bon nombre de matières. Raison pour laquelle, le président de la CIJ
de l’époque, Monsieur Hisashi Owada, martelait dans son discours du 26 octobre 2010 qu’ « il est
par conséquent capital que la communauté internationale des États réexamine la question des
réserves, dans la perspective d’asseoir la juridiction de la Cour dans toute son étendue »30 .
Par ailleurs, et en plus de la formulation des réserves, certains États ne s’empêchent pas de
retirer leurs déclarations facultatives de juridiction obligatoire, empêchant ainsi à la Cour de
connaitre de certains différends. Aussi, ces exceptions préliminaires31 souvent soulevées par les
États, témoignent de leur méfiance vis-à-vis d’une compétence de la CIJ sur des différends
auxquels ils sont parties. Ainsi, convient-il de rappeler que quoique légal32, le recours des États à
ces pratiques est parfois susceptible d’aboutir à des violations de certaines règles en droit
international. Il s´agit notamment dans des cas très spécifiques de la règle de bonne foi33, de la
30 Discours de M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, devant les conseillers juridiques des
États membres de l’Organisation des Nations Unies, « Introduction au séminaire consacré à la compétence contentieuse
de la Cour internationale de Justice » à la p 3, en ligne : < http://www.icj-cij.org/presscom/files/6/16226.pdf>. 31 Salmon, supra note 2 à la p 474. L’exception préliminaire est un « Moyen invoqué au cours de la première phase
d’une instance et tendant à obtenir que le tribunal saisi tranche une question préalable avant d’aborder l’examen du
fond de l’affaire, le but de l’exception étant le plus souvent d’obtenir qu’il ne soit pas passé à l’examen du fond » voir
aussi Jules Basdevant dir, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960 à la p 273 : « Ainsi
que l’indique l’article 36 paragraphe 6 de son Statut, la CIJ est juge de sa propre compétence. Procéduralement, celle-
ci peut être contestée par les parties par voie d’exception préliminaire. La Cour doit alors examiner ces objections à sa
compétence avant d’examiner le fond de l’affaire, sauf lorsqu’elle considère devoir joindre une exception au fond. Les
exceptions préliminaires peuvent s’appuyer sur divers arguments : - L’incompétence ratione personae est soulevée par
un État s’il considère que l’autre partie n’a pas qualité pour agir devant la Cour ; - L’incompétence ratione materiae
concerne l’inexistence d’un différend juridique actuel et de caractère international ; - L’incompétence ratione temporis
peut être invoquée à raison de l’expiration de la durée de validité d’un engagement unilatéral ou conventionnel ou
encore parce que les faits en cause auraient été accomplis avant l’engagement de juridiction obligatoire souscrit par
l’une des deux parties ». 32 La légalité de ces exceptions d´incompétence, découle de l´article 79 du Règlement de la Cour adopté en 1978 et de
l´article 36 au paragraphe 1 du Statut de la Cour qui stipule que : « La compétence de la Cour s'étend à toutes les
affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies
ou dans les traités et conventions en vigueur ». Les États ont de ce fait le droit de contester la compétence de la Cour,
et pour donner un fondement jurisprudentiel à l´exercice de ce droit. 33 Salmon, supra note 2 à la p 134. Sens objectif : « Disposition d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce
qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni
d´accroitre indûment, en faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard ».
6
théorie de l’interdiction l´abus de droit34, de l´estoppel35. Ainsi, ces pratiques des États devant le
prétoire de la Cour pourraient-elles être assimilées à des détournements de pouvoir36 ou des excès
de pouvoir37. Autrement dit, les États ont bel et bien le droit de faire prévaloir leur consentement
dans le fait d´être attrait devant la Cour. N´empêche que dans l´exercice de ce droit, l´on assiste
souvent à des cas de dérive, ce qui contrevient aux intérêts de cette justice internationale qu´est la
CIJ, dans sa fonction de règlement pacifique des différends internationaux. En somme, notre
problématique se résume aux contestations de la compétence de la Cour qui attentent à la procédure
de règlement et parfois en violation du droit international.
C’est au regard de ces considérations que des critiques sont souvent formulées à l’encontre
de la Cour par certains auteurs sceptiques quant à son efficacité à pouvoir contribuer à un véritable
règlement des différends dont elle est saisie.38 Sur ce, ils sont en nombre non moins négligeable les
auteurs qui plaident en faveur d´une réforme du Statut de la Cour dans l’optique de pallier les
difficultés qu’elle rencontre dans son fonctionnement et pour l´adapter à l´évolution contemporaine
des relations internationales.39 Mais comment y arriver compte tenu de l’obstacle que la
34Selon Charles De Visscher « Les libertés des États doivent être exercées à des fins conciliables avec l´intérêt général ;
leur exercice cesse d´être légitime, il devient abusif, quand cet exercice crée une gêne ou préjudice inutile à d´autres
États » : Charles De Visscher, De l´équité dans le règlement arbitral ou judiciaire des litiges de droit international
public, Paris, Pedone, 1972 à la p 36. 35 Salmon, supra note 2 à la p 450. L´Estoppel est une « objection péremptoire, souvent analysée comme une exception
procédurale, qui s´oppose à ce qu´un État partie à un procès puisse faire valoir une prétention ou soutienne un argument
contredisant son comportement antérieur ou une position prise précédemment et dans lequel (ou laquelle) les tiers
avaient placé leur confiance légitime ». Par ailleurs, « L´Estoppel est donc une exception d´irrecevabilité opposable à
toute allégation qui, bien que peut être conforme à la réalité des faits, n´en est pas moins inadmissible parce que
contraire à une attitude antérieurement adoptée par la partie qui l´avance », selon Peggy Guggenheim, Traité de droit
international public, tome II, Genève, Georg et Cie, 1954 aux pp 158-159. Ce fut le cas dans l’affaire relative à la
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale
(intervenant)) (Infra note 43 aux pp 350-351 au para 63). 36 Le détournement de pouvoir est une expression empruntée au droit administratif interne désignant « l´exercice par
une autorité compétente d´un pouvoir qui lui appartient, mais qu´elle exerce dans un but autre que celui pour lequel il
lui a été confié », voir Salmon, supra note 2 à la p 332. Pour se rendre à l´évidence de la justiciabilité du détournement
de pouvoir devant le juge international, voir par exemple à l´article 187.ii de la Convention sur le droit de la mer signée
à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982. 37 Salmon, supra note 2 à la p 475. Sens A : « Dépassement par un sujet de droit international des limites assignées
par le droit international à l´exercice de ses pouvoirs ». Voir de même à l´article 187.ii de la Convention sur le droit
de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982. 38 Pierre-Marie Dupuy, « Article 34 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court
of Justice: A Commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 585 aux pp 585-605 [Dupuy]; etc. 39 Certaines considérations commandent de ne plus limiter la saisine de la CIJ aux seuls États, dans la mesure où ces
derniers ne sont plus les seuls sujets de droit international. Ainsi, devrait-on donner la possibilité aux organisations
internationales de pouvoir ester devant la Cour au niveau contentieux de telle sorte que lorsque des États se
retrouveraient dans une impossibilité de saisir la Cour (pour défaut de base juridique qui fonde sa compétence), des
organisations puissent le faire à leur place. D´autres considérations estiment pour leur part, une nécessité de permettre
aux États de pouvoir demander des avis consultatifs à la Cour. Pour plus d´explications sur ce point, voir : Dupuy, ibid.
7
souveraineté des États pourrait représenter, de même que les lourdes procédures qui commandent
d’être accomplies ?40 C’est pourquoi en se prononçant sur cette question de la réforme du Statut de
la Cour, Robert Kolb disait que, « pour l’instant, aucune des réformes […] n’est sur le point
d’aboutir, ni sa réalisation n’est-elle prévisible dans un avenir prochain »41.
Quelle que soit la façon dont la Cour se trouve saisie d’un différend, ce qui importe le plus,
c’est que le recours à elle soit constitutif de règlement dudit différend pour apaiser les tensions
entre les parties. Cette considération commande que nous nous interrogions autour d’une question
principale de recherche que nous formulons ainsi : existe-il une complicité entre les voies de
recours à la CIJ et les contestations de sa compétence qui entravent le cours de la procédure de
règlement des différends ? Partant de cette question principale, nous nous interrogeons de même
autour de deux questions spécifiques qui portent respectivement sur chacune de ces voies de
saisine, à savoir, la requête unilatérale et le compromis. De ce fait, peut-on déduire un lien entre la
saisine de la CIJ par la voie de requête unilatérale et les exceptions d’incompétence ? En dehors de
son rôle fondamental qui est de servir de voie de saisine de la Cour, quels sont les autres impacts
procéduraux du compromis ? En référence à la question principale, nous formulons une hypothèse
principale qui se résume à ce que les difficultés auxquelles la CIJ est souvent confrontée dans le
règlement des différends semblent dépendre de la manière dont les États la saisissent. Autrement
dit, les voie de recours à la CIJ semblent pouvoir exercer une influence sur le cours de la procédure
de règlement des différends. En parlant de cours de la procédure de règlement, nous faisons allusion
d´une part, à la phase du jugement des affaires et d’autre part, à l´exécution des décisions dans
lesdites affaires. Pour mieux illustrer cette hypothèse, nous procèderons par deux sous-hypothèses
que nous tenterons de vérifier.
La première consiste en ce que le recours à la Cour par la voie de la requête unilatérale
semble représenter souvent des limites à l’exercice de sa compétence. De telles limites réduiraient
sa possibilité de pouvoir se prononcer sur des affaires à elle soumises ou retardent leur résolution.
En d’autres termes, les affaires portées devant la Cour par la voie de requête unilatérale offrent plus
de possibilités aux États de contester sa compétence par le biais d’exceptions préliminaires ou
d’irrecevabilité pour l’empêcher d’être un cadre de dénouement des différends. Ainsi, Pierre
40 Supra note 6, art 69 ; voir aussi supra note 1, art 108. 41 Robert Kolb, La Cour internationale de Justice, Paris, Pedone, 2013 à la p 1262 [Kolb].
8
Michel Eisemann conclut-il que « lorsque le juge international est saisi par une requête unilatérale
et non par un compromis matérialisant l’accord des parties, la contestation de sa compétence par
le défendeur est loin de constituer un phénomène exceptionnel »42. L'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria constitue un témoignage des incidents de
procédure qui ont pour effet de paralyser le règlement des différends portés devant la Cour par
requêtes introductives d'instance.43 C’est en effet le 29 mars 1994 que le Cameroun saisit
unilatéralement la Cour à propos de cette affaire. Le Nigéria contesta la compétence de la Cour à
pouvoir connaître de l’affaire en soulevant huit exceptions préliminaires.44 L’arrêt sur ces
exceptions préliminaires est intervenu à la date du 11 juin 1998 et c’est finalement en 2002 que
l’affaire a pu déboucher sur un règlement.45 Elle aurait donc pris huit ans pour déboucher à un
règlement devant la Cour. Aussi, d’une façon générale, les arrêts de la Cour qui ont connu des
retards d’exécution ou qui ont été exécutés avec regret, sont-ils issus de différends portés devant la
Cour par voie de requête unilatérale. C’est l’exemple de l’affaire du Detroit de Corfou entre le
Royaume-Uni et l’Albanie, portée devant la Cour par le premier par requête introductive d’instance
à la date du 22 mai 1947.46 Dans cette affaire, l’Albanie avait été condamnée à verser une indemnité
au Royaume-Uni.47 Cette indemnité ne sera en réalité payée que dans les années 1992, époque où
l’Albanie réintégrait la communauté internationale48. C’est aussi le cas de l’affaire relative aux
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, entre le Nicaragua et les États-
Unis d'Amérique, portée devant la Cour sur requête du Nicaragua le 9 avril 1984.49 Cette affaire
s’est soldée par la condamnation des États-Unis au versement de montants au Nicaragua au titre de
préjudices subis par ce dernier.50Suite au refus des États-Unis d’endosser une telle réparation
42 Pierre Michel Eisemann, « Les effets de la non-comparution devant la Cour internationale de Justice » (1973) 19 :1
AFDI 351 à la p 353 [Eisemann]. 43 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale
(intervenant)), [2002], CIJ rec 303. 44 Pour aller plus dans cette affaire et les exceptions préliminaires qui y ont été soulevées, voir Pierre d’Argent, « Des
frontières et des peuples : l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt sur le
fond » (2002) 48 :1 AFDI 281 aux pp 281-321. 45 Supra note 43. 46 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne c République populaire d’Albanie), [1948] CIJ rec
15. 47 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord c République populaire
d’Albanie), [1949] CIJ rec 244 aux pp 245, 249-250. 48 Gilbert Guillaume, La Cour internationale de Justice à l´aube du XXIe siècle, Paris, Pedone, 2003 à la p 39
[Guillaume]. 49 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), [1986] CIJ
rec 14. 50 Supra note 49 aux pp 146-149 au para 292.
9
desdits préjudices, le Nicaragua avait en vertu du paragraphe 251 de l’article 94 de la Charte, soumis
une résolution au Conseil de sécurité dans l’optique de faire aboutir l’exécution de la décision de
la Cour. Cette résolution s’est toutefois heurtée au veto des États-Unis et le Nicaragua a fini par
désister.52
Notre seconde sous-hypothèse viserait à révéler que le fait de recourir à la CIJ par la voie
du compromis de saisine à l’air de pouvoir préserver l’exercice de sa compétence durant la
procédure de règlement des différends pour aboutir un règlement rapide et à une exécution de ses
décisions. C’est ce constat qui aurait emmené Robert Kolb à attester que : « La compétence de la
Cour est d’ordinaire mieux assise sur la base d’un compromis, qui permettra dans la grande
majorité des cas d’éviter toute procédure d’exceptions préliminaires, potentiellement prolongée et
irritante »53. En clair, la saisine de la Cour par la voie de compromis à l’air d’être plus bénéfique
au traitement effectif des affaires et surtout dans un délai plus réduit. À contrario, les affaires
portées devant la Cour par requête unilatérale ont souvent un délai de traitement assez long pour
diverses raisons. C’est le cas surtout lorsqu’elles sont empreintes d’exceptions visant à contester la
compétence de la Cour. L’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c Nicaragua), en témoigne aussi. Introduite devant la Cour sur
requête du Costa Rica le 18 novembre 2010, cette affaire ne sera résolue que le 16 décembre 2015,54
soit sur une période de plus de cinq ans. La liste est loin d’être exhaustive.
La méthodologie que nous entendons privilégier dans le cadre de notre étude est la
recherche appliquée doctrinale. Celle-ci reste basée sur une « perspective immédiatement pratique
»55. Pour Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, la recherche appliquée doctrinale a la
particularité d’être celle qui « est intrinsèquement liée à la pratique du droit »56. En ce qui nous
concerne, nous trouvons une adéquation entre une telle méthodologie et l’ambition à laquelle nous
51 Ce paragraphe stipule que, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d'un
arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge nécessaire, peut faire
des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l'arrêt ». 52 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique), désistement
de la République du Nicaragua, Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47. 53 Kolb, supra note 41 à la p 182. 54 CIJ, communiqué, 2015/32, « Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c
Nicaragua) » (16 décembre 2015), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/150/18847.pdf>. 55 Kristin Bartenstein et Christelle Landheer-Cieslak, « Pour la recherche en droit : quel(s) cadres théorique(s)? », dans
Alexandre Flückiger et Thierry Tanquerel, dir., L’évaluation de la recherche en droit. Enjeux et méthodes, Bruxelles,
Bruylant, 2014, 83 à la p 105, op. cit. 56 Ibid.
10
prétendons à travers notre travail. Cette ambition consiste donc à démontrer par la pratique que la
saisine de la CIJ par la voie du compromis est celle qui est susceptible de couronner de plus de
succès le règlement des différends que la saisine par la voie unilatérale. La recherche appliquée
doctrinale nous semble par ailleurs avantageuse dans le sens où elle nous offre la possibilité de
nous livrer de même à une interprétation de règles matérielles et procédurales, 57 notamment celles
qui encadrent le fonctionnement de la CIJ dans l’optique de cerner les implications qui s’attachent
à l’usage de chacune de ses voies de recours. D’où le choix porté sur cette méthodologie. À cet
effet, notre recherche nous conduira à l’étude des instruments juridiques internationaux tels que les
documents des NU par référence surtout à la Charte de l’ONU, au Statut de la CIJ et à son
Règlement adopté en 1978 et dans une moindre mesure, le Pacte de la SDN et le Statut de la CPJI
(en tant que devancière de la CIJ). En sus de ces documents, nous aurons recours à la jurisprudence
internationale (celle de la CIJ et de la CPJI), à la doctrine et à la coutume internationale de même
qu’à des principes généraux de droit. Toute cette documentation aura pour but d’enrichir tout le
raisonnement que nous entendons mener pour atteindre l’objectif que nous nous fixons à travers
notre sujet.
Par ailleurs, ce sujet à l´étude duquel nous sommes soumis, regorge une pertinence qui se
situe à deux niveaux, à savoir d’un point de vue scientifique et d’un point de vue social.
Scientifiquement, notre sujet innove par rapport au point de vue de plusieurs doctrinaux dans le
sens où il propose d’envisager d’une autre façon l’idée de remédier aux critiques liées aux
difficultés qui entravent le fonctionnement de la CIJ. Notre sujet conserve ainsi la particularité de
chercher à déceler la source des difficultés liées au rayonnement de la CIJ en ouvrant la voie à la
possibilité de les éviter au maximum sans avoir aucunement besoin de se pencher sur la réforme
de son Statut. Cela dit, autant la Cour demeurera saisie par la voie de compromis, autant cela lui
permettra de pouvoir rapidement et mieux s’acquitter de sa fonction de règlement pacifique des
différends internationaux. À cet effet, ils sont en nombre élevé, les écrits qui ont été jusque-là
réalisés sur la CIJ. Ces écrits vont surtout de la littérature francophone à celle anglophone.
Toutefois, sur la question de savoir comment pallier les défis qui confrontent la Cour dans le
règlement judiciaire des différends, la majorité de ces écrits présente un point commun, en
l’occurrence, réformer son Statut pour l’adapter à l’évolution contemporaine des relations
57 Ibid à la p 106.
11
interétatiques. À ce sujet, la littérature francophone concerne les auteurs comme Pierre-Marie
Dupuy58, Philippe Couvreur59, Alain Pellet60, Mohamed Bennouna61, etc. Dans la littérature
anglophone, elle compte sur les auteurs comme Gerald Fritzmaurice62, Anna Riddell63, Grigory
Tunkin 64, Damrosch Lori Fisler65, etc. Pour notre part, nous envisageons autrement cette question
de peur de nous heurter à des complications politiques, si réformer le Statut de la Cour devait être
la solution. Ainsi, notre sujet offre-t-il une autre démarche pour améliorer le fonctionnent de la CIJ
et promouvoir son rôle dans le domaine du règlement pacifique des différends internationaux. Ce
qui nous distingue des auteurs précités. Cette autre démarche, comme nous avons eu à la dévoiler
déjà, consiste pour les États à privilégier la saisine de la Cour par la voie du compromis qui est
censé offrir plus de garanties dans la résolution des différends devant la Cour.
Parlant de sa pertinence sociale, notre sujet se veut d’offrir des solutions plus pratiques,
notamment en termes de rapidité dans la résolution des différends et de facilité dans l’exécution
des décisions de la Cour. Cela dit, si le consentement des États constitue le fondement de la
compétence de la Cour, ce même consentement pourrait leur permettre de créer les conditions
propices à la Cour pour rendre son action plus efficace dans le domaine du règlement pacifique des
différends. En clair, autant les États opteront pour la voie du compromis de saisine de la Cour parce
qu’ils auraient compris les atouts d’une telle voie, autant cela faciliterait la mise en œuvre du
consensualisme66. Ce qui vaudra d’une part pour un règlement rapide de leurs différends, car le
consensus témoigne en principe de leur confiance à la Cour afin de ne plus remettre en cause sa
58 Dupuy, supra note 38. 59 Philippe Couvreur, « Développements récents concernant l’accès des organisations intergouvernementales à la
procédure contentieuse devant la Cour internationale de Justice », dans Emile Yakpo et Tahar dir., Liber amicorum
Mohamed Bedjaoui, Kluwer Law International, La Haye, Boston, Londres, 1999, 293 aux pp 293-323. 60 Alain Pellet, « Le renforcement du rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal des Nations Unies »
dans G. Peck et R. S. Lee, dir., Increasing the Effectiveness of the International Court of Justice -Proceedings of the
ICJ/UNITAR Colloquium to Celebrate the 50th Anniversary of the Court, The Hague, Kluwer/Unitar, 1997, 235 aux
pp 235-253. 61 Mohamed Bennouna, « la Cour internationale de justice et son environnement politique » dans Maurice Kamga et
Makane Moïse Mbengue, dir, l’Afrique et le droit international : variations sur l'organisation internationale, Liber
amicorum en l'honneur de Raymond Ranjeva, Paris, Pedone, 2013 à la p 429. 62 Gerald Fitzmaurice, The Law and Procedure of the International Court of Justice, volume 2, Cambridge, Cambridge
University Press, 1986, 860 p. 63 Anna Riddell, Evidence before the International Court of Justice, London, British Institute of International and
Comparative Law, 2009, 420 p. 64 Grigory Tunkin, « Politics, Law and Force in the interstate System», (1972) 28 ASDI 254. 65 Damrosch Lori Fisler, The International Court of Justice at a crossroads, Dobbs Ferry, N.Y.: Transnational Pub.,
1987, 511 p. 66 Salmon, supra note 2 à la p 239, sens A : C’est le « principe selon lequel le fondement d’un accord quelconque
repose sur le consentement des intéressés, quelle que soit la forme de ce consentement ».
12
compétence par toutes sortes de pratiques que ce soit.67D’autre part, le consensus obtenu entre les
États dès le départ pour la saisine de la Cour aura l’avantage de les lier à l’exécution des décisions
qu’elle rendra, avec la plus grande simplicité au regard de la règles de bonne foi68 et du principe
du pacta sunt servanda69.
Ceci étant, l’objectif de notre recherche consiste à attirer l’attention de tous sur les bénéfices
du recours à la Cour par la voie de compromis. Sur ce, les initiatives en faveur de l’amélioration
du fonctionnement de la CIJ devraient-elles être, surtout pour inciter les États à faire usage de cette
voie.
Tout au long de notre réflexion sur ce sujet, notre analyse portera sur deux axes et qui
constitueront par ailleurs les différentes parties de notre travail. Cela dit, dans une première partie,
nous porterons notre raisonnement sur les limites liées au recours à la CIJ par la voie de la requête
unilatérale sur le règlement des différends. Ces limites symbolisent les incidents qui entachent la
procédure de règlement des différends devant la Cour. Ce qui semble empêcher un dénouement
rapide de ces différends. Dans la seconde partie, notre analyse aura pour but de montrer ce en quoi,
le compromis de saisine protégerait la compétence de la Cour contre les incidents de procédure de
telle sorte qu’on gagnerait à inciter les États à faire souvent son usage.
67 Nous faisons une référence aux exceptions d’incompétence. 68 Supra note 33. 69 La règle du pacta sunt servanda est une « locution latine affirmant le principe selon lequel les traités et, plus
généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus ». Selon Raymond Guillien et Jean
Vincent, Lexique des termes juridiques, 14è éd., Paris, Dalloz, 2003 à la p 414 [Raymond Guillien et Jean Vincent].
13
Première partie : Les limites du recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale sur le
règlement des différends
L´idée de limites liées au recours à la CIJ par voie de requête introductive d´instance, traduit
le fait que cette option de saisine de la Cour représente plus d´effets aléatoires. Avec la requête
unilatérale, il est difficile d´avoir une prévisibilité sur l´issue de l´affaire portée devant la Cour, à
savoir si elle débouchera effectivement sur un arrêt ou si la décision qui va en découler fera l´objet
d´une exécution effective. Cela dit, le recours à la Cour par voie de requête unilatérale, n´est pas
loin de créer des incertitudes dans le règlement à proprement parler des affaires portées devant elle
(chapitre 1). De même, du point de vue de la mise en œuvre même des décisions de la Cour, ces
mêmes incertitudes demeurent (chapitre 2).
14
Chapitre I : Les incertitudes dans le règlement des affaires soumises à la Cour par la
voie de requête unilatérale
En rappel, la saisine par la voie de requête unilatérale constitue l´une des deux alternatives pour
ester devant la CIJ au niveau contentieux. Cette option a trait au fait que ce soit de sa propre
initiative qu´un État décide de faire recours à la Cour contre un autre État dans le cadre d´un
différend d´ordre juridique. Dans la mesure où la Cour ne peut exercer sa compétence qu´en cas
d´existence de consentement de chacun des États parties à un différend, cette option de saisine peut
indéniablement se heurter à bien des égards à des limites importantes. D´une part, ces limites
concernent la compétence de la Cour qui devra résulter d´une manière ou d´une autre du
consentement de chacune des parties impliquées dans le différend (Section 1). D´autre part, ces
limites sont liées au phénomène des non-comparutions devant la Cour par le fait de sa saisine par
la voie de requête unilatérale (Section 2).
Section 1 : Les limites à la compétence de la Cour quant à l’obligation de consentement
des parties à un différend
L´idée des limites symbolise un certain nombre de conditions qui devront être remplies pour
que la requête aboutisse devant la Cour. Ces conditions sont relatives aux différents types de
manifestations du consentement en lien avec la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale
(Paragraphe 1). Par ailleurs, en parlant de limites, l´on fait référence aux préjudices les réserves en
lien avec la requête unilatérale, sont en même de créer sur la compétence de la Cour (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les limites liées aux différentes bases juridiques de la compétence de
la Cour relativement à l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale
Pour saisir la CIJ par voie de requête introductive d´instance, l´État qui voudrait opter pour
cette voie devra être sûr que non seulement lui, mais aussi sa partie adverse aient consenti à la
compétence de la Cour soit dans le cadre d’une déclaration facultative de juridiction obligatoire de
la Cour (A), soit à travers une clause insérée dans un traité qui prévoit la compétence de la Cour
(B). Toutefois, il reste que ces différents types de manifestations de consentement qui constituent
15
des bases juridiques pour fonder la compétence de la Cour dans les différends introduits sur son
prétoire par la voie de requête unilatérale, présente des limites qui peuvent dans une grande mesure,
rendre incertain règlement judiciaire.
A- Les limites des déclarations facultatives de juridiction obligatoire en tant que
fondement juridique de la compétence de la Cour
Ces déclarations, entendues sous l’appellation de clauses facultatives de juridiction
obligatoire, ne fonctionnent que sur la base de la réciprocité.70 Le fondement juridique de cette
déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour réside dans le paragraphe 271 de l´article 36
du Statut de la CIJ. À travers ces déclarations, les États prévoient d’avance la compétence de la
Cour dans les différends qui naîtront dans le futur et dans lesquels ils seront parties. Cet atout de la
déclaration ne devrait pas occulter la condition de réciprocité que l´article 36 du Statut de la Cour
impose.72 Dans cette logique, le règlement d´un différend porté devant la Cour sur le fondement
d´une déclaration de juridiction obligatoire peut susciter des doutes au regard d´un certain nombre
de considérations que l´on situe à un triple niveau.
D´abord, d´un point de vue ratione personae, les États parties au différend doivent tous
avoir souscrit à la déclaration de juridiction obligatoire de la Cour. Le requérant devra donc
s´assurer de cette de réalité. Au-delà de ce constat qu’il lui importe, il devra même s´assurer du
non-retrait par le défendeur de sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la
compétence de la Cour, s’il l’avait précédemment acceptée.73 Cela est d´autant plus nécessaire que
70 L´idée consiste en ce qu´un État ne peut saisir la Cour sur le fondement de cette clause que si sa partie adverse ait
aussi fait une pareille déclaration auprès du Secrétaire général de l´ONU, en vertu de laquelle, elle reconnait la
compétence de la Cour pour connaitre des différends qui l´impliqueraient à l´exception de ceux contre lesquels elle
aurait émis des réserves. La déclaration consiste en un acquiescement de la compétence de la Cour par un État, et
traduite par écrit adressé au Secrétaire général de l´ONU en tant que le dépositaire de toutes les déclarations
d´acceptation de la compétence de la CIJ (paragraphe 4 de l´article 36 du Statut de la Cour). 71 Ce paragraphe dispose que : « Les États parties au présent Statut pourront, à n’importe quel moment, déclarer
reconnaitre comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l’égard de tout autre État acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre juridique ayant pour objet : a. L’interprétation d’un
traité ; b. Tout point de droit international ; c. La réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un
engagement international ; d. La nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement
international ». 72 Le paragraphe 3 de l´article 36 dispose que « les déclarations ci-dessus visées pourront être faites purement et
simplement ou sous condition de réciprocité de la part de plusieurs ou de certains États, ou pour un délai déterminé ». 73 Supra note 70.
16
l´on a connaissance de certains États qui, après avoir souscrit à la déclaration de juridiction
obligatoire de la Cour, ont par la suite procédé à son retrait. Il s´agit notamment de la France à la
suite de l´affaire des Essais nucléaires74. Selon elle, la Cour a, dans cette affaire donné une
interprétation erronée de sa compétence en acceptant de se prononcer sur ce différend à elle soumis
par la Nouvelle-Zélande et l´Australie alors même qu´elle avait émis une réserve à sa déclaration.75
Au sortir de l´affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre
celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique),76 les États-Unis avaient aussi retiré leur déclaration
de juridiction obligatoire de la Cour, après qu´elle se soit déclarée compétente pour connaître de
l´affaire. Ce retrait s´expliquait par le fait que la Cour aurait méconnu la réserve77 américaine
formulée à sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est dans cette logique que
presque chaque année, lors de leurs discours à l´Assemblée générale de l´ONU, les différents
présidents qui se sont succédé à la CIJ ont souvent réitéré leurs vœux de voir les États souscrire à
la juridiction obligatoire de la Cour.78
Ensuite, la prise en compte de l´aspect ratione materiae de la déclaration de juridiction
obligatoire de la Cour impose chez le requérant qu´il soit sûr que le différend qu´il porte à la
connaissance de la Cour n´appartient pas à une catégorie de différends contre lesquels son
adversaire a émis des réserves à la compétence de cette juridiction. Aux termes de l´article 36
paragraphe 1 du Statut de la CIJ, « la compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les
parties lui soumettront […] ». De cette stipulation, l´on retient une liberté des États de déterminer
74 Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253 ; Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France), [1974]
CIJ rec 457. 75 Pour la France, il était manifeste qu´en l´espèce la Cour devrait se dessaisir du différend. Pour comprendre davantage
sur la contestation de la compétence de la Cour par la France, voir, Essais nucléaires (Nouvelle Zélande c France),
[1974] CIJ rec 457 à la p 458 au para 4; ou encore, CIJ, communiqué, 73/11, « La France n’accepte pas la juridiction
de la Cour » (17 mai 1973), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/59/11560.pdf>. 76 Supra note 43. 77 Cette réserve avait été formulée à la date du 6 avril 1986 à la déclaration en question qui datait de 1946. Le paragraphe
13.d) de l´arrêt de la CIJ du 26 novembre 1984, donne son contenu en ces termes : « que ladite déclaration ne sera pas
applicable aux différends avec l'un quelconque des États de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en
Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir.
Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera
en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui
vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent
en Amérique centrale ». 78 C´est le cas du Discours de S. Exc. M. Peter Tomka, président de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième
Commission de l’Assemblée générale, le 1er novembre 2013, en ligne :< http://www.icj-
cij.org/presscom/files/5/17685.pdf>.
17
les types de différends juridiques qu´ils souhaitent porter à la connaissance de la Cour. C´est en
vertu de cette considération qu´ils ont souvent sanctionné leurs déclarations de juridiction
obligatoire de la Cour par des réserves pour soustraire de sa compétence certaines matières de leurs
choix. Par exemple, dans l´affaire des Essais Nucléaires, la réserve de la France aux termes de sa
déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, avait pour objet de soustraire de
la compétence de la Cour ce type de différend, c’est-à-dire les différends relatifs à sa défense
nationale.79
Enfin, une dernière considération, mais cette fois-ci de type ratione temporis, appelle tout
de même à une attention particulière chez le requérant. Il peut arriver en effet que l’État défendeur
ait subordonné la validité de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour à sa
ratification. Ainsi, le requérant doit-il se rendre à l´évidence de ce que ce défendeur ait ratifié sa
déclaration, avant que celle-ci entre en vigueur pour servir de fondement juridique à la compétence
de la Cour. Dans le cas contraire, il devra s´assurer qu´il ait lui-même ratifié sa propre déclaration
si toutefois, telle était sa condition de validité. Cette problématique de la validité ou non de la
déclaration de juridiction obligatoire de la Cour pour absence de ratification, s´est posé dans le
cadre de l´affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci (Nicaragua c
États-Unis d’Amérique)80. Le Nicaragua entendait en l´occurrence fonder la compétence de la Cour
sur la base de sa déclaration d´acceptation de la compétence de la CPJI, fait le 24 septembre 1929.
En vertu du paragraphe 581 de l´article 36 du Statut de la CIJ, une pareille déclaration faite au temps
de la SDN, et qui n´était pas assortie de délai de validité, doit être considérée comme pouvant
produire des effets sous le régime de l´ONU, dès lors que l´État qui en est l´auteur, est partie au
Statut de la CIJ. Il reste toutefois que l´État qui faisait une telle déclaration devrait avoir d´abord
signé et ratifié le protocole d´adhésion au Statut de la CPJI.82 Or, en l´occurrence, le débat entre le
Nicaragua et les États-Unis se posait sur la validité de la déclaration de juridiction obligatoire du
79 Julien Feydy, « La nouvelle déclaration française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale
de Justice » (1966) 12 :1 AFDI 155 à la p 161 [Feydy]. 80 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), [1984]
CIJ rec 392. 81 Le paragraphe 5 de l´article 36 du Statut de la CIJ stipule en effet que, « les déclarations faites en application de
l'article 36 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront
considérées, dans les rapports entre parties au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour internationale de Justice pour la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément
à leurs termes ». 82 Art 36 au para 2 du Statut de la CPJI.
18
Nicaragua, car pour les États-Unis, celle-ci ne serait pas valide pour fonder la compétence de la
CIJ parce que le Nicaragua n´aurait pas ratifié le protocole d´adhésion au Statut de la CPJI.83 Dans
son interprétation, la Cour a considéré que quoique l’on dise de la ratification par le Nicaragua du
protocole du Statut de la CPJI, le fait pour ce dernier d´avoir ratifié le Statut de la CIJ pendant que
sa déclaration d´acceptation de 1929 n´était pas expirée, suffisait pour justifier sa compétence dans
ledit différend.84
Dans une autre mesure, l’État défendeur pourrait aussi subordonner la validité de sa
déclaration d’acceptation de la Cour en fonction de la date de survenance des différends auxquels
il sera partie. De ce fait, il pourrait prévoir la compétence de la Cour, seulement pour les différends
nés postérieurement à cette déclaration (Infra note 110). Dans un tel contexte, le requérant pourrait
évidemment être débouté de sa demande devant la Cour au cas où il entendrait évoquer la
déclaration d’acceptation du défendeur pour établir sa compétence.
Après avoir révélé les risques ou conditions parfois difficiles à remplir pour qu´une
déclaration de juridiction obligatoire serve de fondement à la compétence de la Cour, il nous
importe à présent d´en faire autant de la clause compromissoire.
B- Les limites de la clause compromissoire en tant que fondement juridique de la
compétence de la Cour
La clause compromissoire est définie dans le Dictionnaire de droit international public,
comme la « disposition d´une convention internationale prévoyant que les différends auxquels
pourraient donner lieu l´interprétation ou l´application de cette convention seront soumis à la Cour
internationale de Justice ou un autre tribunal international nommément désigné »85. L´érection de
la clause compromissoire en une base de compétence de la CIJ est expressément prévue à l’article
36 paragraphe 1 du Statut de la Cour selon lequel, « la compétence de la Cour s'étend à toutes les
affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte
des Nations Unies ou dans les traités et conventions en vigueur. ». De ce fait, les États peuvent
conclure des conventions avec à l´appui des clauses ou articles qui habiliteraient la CIJ à être la
83 Supra note 80 à la p 400 au para 17. 84 Supra note 80 aux pp 408-409 aux para 36 et 37. 85 Salmon, supra note 2 à la p 178.
19
seule juridiction internationale compétente pour connaitre des différends qui viendraient à naître
relativement à ces conventions. Pour François de Fontette, la clause compromissoire est une
disposition particulière « par laquelle les parties à un contrat conviennent de soumettre à l’arbitrage
les contestations qui pourraient s’élever entre elles »86. Quant au Lexique des termes juridiques, il
définit la clause compromissoire comme étant «la clause d’un traité stipulant le recours au
règlement arbitral ou judiciaire pour les litiges concernant l’interprétation ou l’application dudit
traité »87.
C’est en cela qu´il est devenu une pratique internationale courante pour les États d’insérer
dans les accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux des dispositions, dites clauses
compromissoires, énonçant que les différends de telle ou telle autre catégorie devront ou pourront
être soumis à la CIJ. Nous en voulons pour preuve la Convention88 pour la prévention et la
répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951.
L´article IX de cette convention prévoit en effet que, « les différends entre les Parties contractantes
relatifs à l'interprétation, l'application ou l'exécution de la présente Convention, y compris ceux
relatifs à la responsabilité d'un État en matière de génocide ou de l'un quelconque des autres actes
énumérés à l'article III, seront soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d'une partie
au différend ». C´est aussi le cas de la Convention89 sur les droits politiques de la femme de 1953
et qui entrée en vigueur le 7 juillet 1954. La compétence de la CIJ en matière de cette Convention
se trouve prévue au premier paragraphe de son article 29 qui stipule que : « Tout différend entre
deux ou plusieurs États parties concernant l'interprétation ou l’application de la présente
Convention qui n'est pas réglé par voie de négociation est soumis à l’arbitrage, à la demande de
l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne
parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l’arbitrage, l'une quelconque d'entre elles
peut soumettre le différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant une requête
conformément au Statut de la Cour ». Le Protocole de signature facultative à la Convention90 de
86 François de fontette, Vocabulaire juridique, Paris 4è édition, Presses universitaires de France, 1994. 87 [Raymond Guillien et Jean Vincent], supra note 69 à la p 108. 88 Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, conclue le 9 décembre 1948, 78 RTNU n0
1021. 89 Convention sur les droits politiques de la femme, conclue le 31 mars 1953 à New York, 193 RTNU n0 2613. 90 Protocole de signature facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires concernant le règlement
obligatoire des différends, conclu le 24 avril 1963 à Vienne, 596 RTNU n0 8640. 91 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie
c Fédération de Russie), [2011] CIJ rec 70 aux pp 75-76 au para 1.
20
Vienne sur les relations consulaires, concernant le règlement obligatoire des différends (conclu le
24 avril 1963 et entrée en vigueur le 19 mars 1967), agit de même en habilitant seulement la CIJ à
pouvoir connaitre des différends y ayant trait. Son article premier stipule que « les différends
relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention relèvent de la compétence obligatoire
de la Cour internationale de Justice, qui, à ce titre, pourra être saisie par une requête de toute partie
au différend qui sera elle-même Partie au présent Protocole ».
Dans l´affaire relative à l´Application de la convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, ce fut au moyen d´une clause compromissoire que la
Géorgie introduisit une requête contre la Fédération de Russie devant la Cour.91 Le 3 avril 1998,
de même, lorsque le Paraguay introduisit une instance devant la Cour contre les États-Unis au sujet
de l´affaire relative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires, ce fut sur le fondement
d´une clause compromissoire, prévue notamment à l´article premier du Protocole de signature
facultative à la Convention de Vienne sur les relations consulaires, concernant le règlement
obligatoire des différends.92 Ce n’est pas une liste exhaustive des affaires ayant été portées devant
la CIJ sur le fondement d´une clause compromissoire. Toutefois, la question demeure de savoir en
quoi est-ce que les clauses compromissoires pourraient présenter des limites à la compétence de la
CIJ ? La réponse à cette question se situe à trois niveaux.
D´abord, ces clauses restreignent la sphère de compétence matérielle de la Cour à un ou des
domaines précis, en plus de ce que ce soient seulement les États parties aux traités qui les
contiennent qui pourront ester devant la Cour ou être attrait devant elle, sur leur fondement.
Quoique les différends interétatiques puissent présenter des natures variées ou concerner toute sorte
92 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c États-Unis), Ordonnance du 9 avril 1998, [1998]
CIJ rec 248 à la p 249 au para 1. 93 Lorsque les États concluent des traités, c´est par rapport à des domaines précis, comme le domaine de la défense
nationale ou du domaine relatif à la protection des enfants ou de la femme en temps de conflits armés. Cela voudrait
dire que dans l´hypothèse d´un traité relatif à la protection des enfants en temps de conflits armés, il ne suffit pas qu´il
y ait une clause qui prévoit la compétence de la CIJ en l´occurrence, pour qu´un État partie à un tel traité puisse penser
saisir la CIJ pourvue qu´un différend juridique puisse éclater entre lui et un autre État partie audit traité. Cela dit,
supposons deux États A et B parties à un traité portant protection des enfants en temps de conflits armés et dont une
clause prévoit la compétence de la CIJ dans le cadre de ce traité. Si quelques temps plus tard, un différend ayant trait
à délimitation de leur frontière commune surgit, aucun d´eux ne pourra saisir la CIJ contre l´autre sur le fondement de
la clause susmentionnée, tout simplement parce que le traité entre les deux États qui prévoit la compétence de la CIJ,
fait référence au domaine de la protection des enfants en temps de conflits armés et non au domaine de la délimitation
des frontières.
21
de matière possible, la clause compromissoire n´habilite en principe la Cour qu´à connaitre des
affaires dont la nature est en lien avec le traité qui la contient.93
Ensuite, la clause compromissoire limite dans bien des cas la compétence de la CIJ à un
objet particulier et qui vise le plus souvent l´interprétation ou l´application du traité qui la comporte.
On peut le constater à travers les illustrations ci-dessus évoquées en lien avec les traités qui
prévoient la compétence de la CIJ à travers des clauses compromissoires. Dans chacun de ces
exemples de traités, les signataires ont pris le soin d´apporter cette précision en limitant la
compétence de la Cour aux « différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la
Convention ».94
Enfin, la dernière limite d´une clause compromissoire est relative aux réserves que les États
formulent lors de leurs ratifications des traités pour se soustraire de la compétence de la Cour en
ce qui concerne les différends relatifs à ces traités. C´est l´exemple de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, à laquelle plusieurs États
ont formulé des réserves pour ne pas se sentir liés par son article IX qui prévoit la compétence de
la CIJ en cas de différend ayant trait à son interprétation ou à son application. Pour ne citer que
quelques-uns d´entre eux, nous en voulons pour preuve, l´Algérie95, la Chine96, etc. Il reste donc
que la prospérité d´une requête introduite devant la CIJ sur le seul fondement d´une clause
compromissoire n´est pas automatique. Autrement dit, cette option présente des garanties limitées
pour l´État qui l´envisage. C´est ce qui est d´ailleurs à l´origine de la multitude des exceptions
94 Dès lors, la Cour n’aurait pas compétence pour connaitre d’un différend porté devant elle sur le fondement juridique
de pareilles clauses tant que ce différend en question ne serait pas relatif à l’interprétation ou à l’application des
Conventions qui les contiennent. Or, si l´on en croit aux points a), b), c) et d) du paragraphe 2 de l´article 36 du Statut
de la Cour, la compétence de cette dernière n´est pas limitée seulement à l´interprétation et l´application des traités
comme la plupart des clauses compromissoires le font entendre. Sa compétence va au-delà et prend en compte plusieurs
paramètres qui sont, « a. l'interprétation d'un traité ; b. tout point de droit international ; c. la réalité de tout fait qui, s'il
était établi, constituerait la violation d'un engagement international ; d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour
la rupture d'un engagement international. ». 95 La réserve de l´Algérie est ainsi formulée lors de sa ratification de la Convention le 31 octobre 1963 : « La
République algérienne démocratique et populaire ne se considère pas comme liée par l'article IX de la Convention qui
prévoit la compétence à la Cour internationale de Justice pour tous les différends relatifs à ladite Convention ». Supra
note 88, voir le texte de la Convention en question. 96 La réserve de la Chine est ainsi formulée lors de sa ratification de la Convention le 18 avril 1983 : « La République
populaire de Chine y compris la Région administrative spéciale de Macao ne se considère par liée par l'article IX de
ladite Convention » : Supra note 88, voir le texte de la Convention en question.
22
préliminaires ou d´irrecevabilité, souvent formulées à l´encontre de la Cour, et qui ont souvent pour
objet qu´elle se dessaisisse des affaires portées devant elle.
Après cet exposé relatif aux limites liées aux différents types de manifestations du
consentement en lien avec la requête unilatérale, il importe à présent d´évoquer les inconvénients
des réserves sur la procédure de règlement des différends devant la CIJ.
Paragraphe 2 : Les désavantages des réserves en lien avec la requête unilatérale sur
la compétence de la Cour
Selon le Dictionnaire de droit international public (sens B), la réserve est une « déclaration
unilatérale formulée par un État ou une Organisation internationale, avant et/ou lors de l´expression
de son consentement à être lié par un traité, tendant à modifier, au regard du texte conventionnel
adopté, la portée des engagements du déclarant à son égard »97. La formulation des réserves repose
sur l´exercice par les États d´un droit souverain (article 36 paragraphe 1 du Statut de la Cour).
Toutefois, il n´en demeure pas moins que l´exercice de ce droit peut présenter des effets nuisibles
sur l´exercice par la Cour de sa compétence dans le règlement des différends qui pourront être
portés devant elle.
Dans presque tous les cas où la Cour s´est vue confrontée à des contestations de sa
compétence en raison de réserves, ce fut à l´occasion d´affaires portées devant elle par la voie de
requête introductive d´instance.98 Il est en effet difficile que des États s´accordent au préalable à
l´issue de négociations entre eux de porter leur affaire devant la Cour par voie de compromis, et
que devant la Cour l´un d´eux remette en cause la compétence de cette dernière pour raison de
réserve qu´il aurait formulée contre la compétence de la Cour. Il est difficile de penser à une telle
éventualité, car le compromis suppose une entente préalable entre les parties et une acceptation
commune de la compétence de la Cour pour déférer devant elle leur affaire. La bonne foi99 et la
règle du pacta sunt servanda100, prévalent dans les cas de saisine de la Cour par voie de compromis
et obligent les États qui s´y se sont adonnés, à tenir leur engagement en laissant effectivement la
97 Salmon, supra note 2 à la p 988. 98 Eisemann, supra note 42. 99 Supra note 33. 100 Supra note 69.
23
Cour statuer sur leur différend.101 Si les réserves constituent le lieu pour les États d´affirmer leur
souveraineté dans le fait de pouvoir être partie devant la Cour, leurs effets sont a contrario,
contreproductifs sur la procédure de règlement pacifique des différends.102 Pour en dire davantage
sur ces effets, revenons-en à la définition que l´article 2.1.d) de la Convention103 de Vienne sur le
droit des traités du 23 mai 1969 leur donne : «l’expression ‘réserve’ s’entend d’une déclaration
unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un État quand il signe, ratifie,
accepte ou approuve un traité ou y adhère, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet
juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État.».
Partant de cette définition, les réserves peuvent produire des effets à un double niveau.
D´une part, ces effets concernent la compétence personnelle de la Cour, c’est-à-dire les États qu´ils
soustraient de la compétence de la Cour ou les États qui peuvent être parties devant la Cour, mais
à des conditions bien définies.104 Par exemple dans sa déclaration d´acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour le 10 mai 1994, le Canada y a exclu la compétence de la Cour pour tous «
les différends avec le gouvernement d'un autre pays membre du Commonwealth britannique des
nations, différends qui seront réglés selon une méthode convenue entre les parties ou dont elles
conviendront »105, à travers une réserve qu´il a formulée à ladite déclaration. Dans l´affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis
d'Amérique), si les États-Unis contestaient la compétence de la Cour, c´est aussi dû au fait que leur
déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour du 26 aout 1946 était assortie d´une
101 C´est pourquoi, la saisine de la Cour par la voie de compromis s´accommode mieux avec l´idée que la Cour soit
mise à l´abris des réserves à sa compétence. Raison pour laquelle, les affaires introduites devant la Cour par la voie de
la requête unilatérale, sont souvent le moment favorable pour les États de mettre en avant le principe de la liberté de
consentement (paragraphe 1 article 36 du Statut de la Cour), qui les autorise évoquer les réserves pour contester la
compétence de la Cour. 102 Loin donc de renforcer la compétence de la Cour sur toute la procédure de règlement des affaires, les réserves n´ont
pour seul objectif que de contraindre la Cour à renoncer à sa compétence dans chaque différend. Par voie de
conséquence, leurs effets sont néfastes sur le fonctionnement de la Cour appelée pourtant à être un cadre de dénouement
des différends internationaux. 103 Convention de Vienne sur le droit des traités, adoptée le 23 Mai 1969 à Vienne, 1155 RTNU n0 18232. 104 En clair, supposons deux États A et B appartenant la zone de l´Amérique du Nord et qui sont parties à un différend.
L´État A, porte le différend en question à la connaissance de la CIJ par la voie de requête unilatérale. Considérons par
exemple, que la base juridique de compétence (clause compromissoire ou déclaration de juridiction obligatoire), qui
fonde la compétence de la Cour selon l´État A, est sanctionnée par une réserve de l´État B et qui vise à exclure du
champ de compétence de la Cour, tout différend entre lui, État B et tout autre État de la zone de l´Amérique du Nord.
Dans cette hypothèse, il est fort probable que la Cour se déclare incompétente à connaitre de l´affaire à cause de la
réserve de l´État B. 105 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 10 mai 1994, 1776 RTNU N0 30941.
24
réserve106. Ce qui devrait selon cet État, permettre à la Cour de se dessaisir du différend en
l´occurrence.107
Dans certains cas, la réserve n´aura pour effet d´exclure certains États du champ de
compétence de la Cour que dans des cas bien définis ou à certaines conditions. C´est le cas de
l´Allemagne qui, lors de sa déclaration d´acception de la juridiction de la CIJ, a émis une réserve
qui exclut du champ de compétence de la CIJ les États dans les cas où, « les parties au différend
sont convenues ou pourraient convenir d´avoir recours à une autre méthode de règlement pacifique
ou lorsque le différend a été soumis à une autre méthode de règlement pacifique choisie par toutes
les parties »108. D´autre part, les réserves auront pour effets de limiter la compétence matérielle de
la Cour de telle sorte qu´elle n´aura qu´à connaître un certain nombre de matières ou catégories de
différends bien définis. Sous cet angle, le but de la réserve sera de paralyser l´action intentée par
un État demandeur si le différend pour lequel il saisit la Cour rentre dans la catégorie des matières
contre lesquelles le défendeur aurait formulé une réserve. Ainsi, convient-il de rappeler la réserve
du Nigéria formulée à sa déclaration d´acception de la juridiction obligatoire de la Cour, et qui
exclut de sa compétence, tout « différend qui porte sur ou est en rapport avec des hostilités ou un
conflit armé, que ce soit à l'intérieur d'un pays ou entre plusieurs pays »109.
D´un État à un autre, le contenu de la réserve peut varier et présenter des différences par
rapport à une catégorie de différends bien déterminés. À cet effet, la réserve pourrait avoir pour
objet d´établir la compétence de la Cour pour les seuls différends qui interviendront
postérieurement à la formulation de la réserve contenue souvent dans une déclaration de juridiction
obligatoire de la CIJ. Dans ce cas, l´État qui aurait formulé une telle réserve ne pourra être attrait
devant la Cour par un autre État pour un différend né avant la date de la formulation de sa
106Supra note 80 à la p 398 au para 13. Le contenu de la déclaration était la suivante : « Ladite déclaration ne sera pas
applicable aux différends avec l'un quelconque des Etats de l'Amérique centrale ou découlant d'événements en
Amérique centrale ou s'y rapportant, tous différends qui seront réglés de la manière dont les parties pourront convenir.
Nonobstant les termes de la déclaration susmentionnée, la présente notification prendra effet immédiatement et restera
en vigueur pendant deux ans, de manière à encourager le processus continu de règlement des différends régionaux qui
vise à une solution négociée des problèmes interdépendants d'ordre politique, économique et de sécurité qui se posent
en Amérique centrale ». 107 Supra note 80 à la p 395 au para 3. 108 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 1er mai 2008, 2515 RNTU N0 44914. 109 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, du 29 avril 1998, 2013 RNTU N0 34544.
C´est la version modifiée de la déclaration du 14 août 1965.
25
déclaration d´acceptation de la compétence de la Cour. C´est l´exemple du Mexique, qui exclut du
champ de compétence de la Cour, tous les différends auxquels il serait partie et qui seraient nés
antérieurement à la date de formulation de sa déclaration de juridiction obligatoire de la CIJ.110
Voyons maintenant le phénomène des non-comparutions devant la Cour qui produit des
effets négatifs sur son fonctionnement.
Section 2 : Les limites liées au phénomène de désistement d’instance devant la Cour
Le phénomène des désistements d’instance produit des conséquences sur le cours de la
procédure de règlement qui se présentent sous la forme de radiation des affaires devant la Cour
(Paragraphe 1). Par ailleurs, ces désistements d’instance introduite par requête unilatérale sont
souvent la cause d’un défaut de consentement d’une des parties, en général du défendeur, ce qui ne
permet pas à la Cour de pouvoir connaître du ou des différends à elle soumis (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les limites de l’introduction d’instance par la voie de requête
unilatérale en lien avec les hypothèses des radiations d’affaires du rôle de la Cour
Selon le Dictionnaire de droit international public, le désistement est l’« acte par lequel,
unilatéralement ou par accord entre les parties, notification est faite à un organe judiciaire ou
arbitral de l’abandon de l’instance, ce qui a pour effet de mettre fin à celle-ci »111. Cette définition
révèle deux cas dans lesquels le désistement à l’instance peut intervenir pour entraîner la radiation
d’une affaire du rôle de la Cour. Cela dit, le désistement peut survenir, d’une part, suite à une
initiative personnelle du demandeur à l’instance et le plus souvent pour cause d’une perte d’espoir
de pouvoir obtenir gain de cause contre le défendeur.112 D’autre part, le désistement peut être dû à
110 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour, conformément à l'article 36, paragraphe
2, du statut de la Cour internationale de Justice, du 1er mars 1947, 9 RTNU N0 127. Aux termes de cette déclaration
de juridiction, la Cour n´est compétente que « pour tous les différends d'ordre juridique qui pourraient surgir à l'avenir
entre les Etats-Unis du Mexique et tout autre pays relativement à des faits postérieurs à la présente déclaration, le
Gouvernement du Mexique reconnaît comme obligatoire de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'une convention
spéciale, la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de
ladite Cour, à l'égard de tout autre Etat acceptant la même obligation, c'est-à-dire sur une base de réciprocité absolue.
La présente déclaration, qui n'est pas applicable aux différends nés de faits qui, de l'avis du Gouvernement du Mexique,
relèvent de la juridiction interne des Etats-Unis du Mexique, vaut pour une période de cinq années à partir du 1er mars
1947, après laquelle elle restera en vigueur jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à dater du jour où le
Gouvernement du Mexique fera connaître son intention d'y mettre fin ». 111 Salmon, supra note 2 aux pp 329-330. 112 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d’Amérique),
Ordonnance du 26 septembre 1991, [1991] CIJ rec 47.
26
un arrangement intervenu entre le demandeur et le défendeur, de telle sorte que le premier trouve
inutile de maintenir sa demande devant la Cour.113 Le demandeur pourra à cet effet, renoncer à
poursuivre l´instance qu’il avait pourtant engagée. Ce qui traduit l´idée qu´il a le choix de le faire
ou pas à cause généralement d´un règlement amiable avec le défendeur114. Le fondement de ce
désistement est donc un accord entre les parties. Toutefois, c’est le premier cas de désistement qui
retiendra notre attention : celui issu d’une initiative personnelle du demandeur à l’instance parce
qu’il ne croirait plus à une condamnation du défendeur à son profit. Ce type de désistement est
prévu par l´article 89115 du Règlement de la Cour.
113 Ce fut le cas dans l´affaire certaines terres à phosphates à Nauru entre le Nauru et l’Australie : Certaines terres à
phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240. En l’occurrence, c’est le gouvernement de la république
du Nauru qui avait à la date du 19 mai 1989, intenté une action devant la Cour contre l’Australie. Ce différend était
relatif à la remise en état de certaines terres à phosphates [de Nauru] exploitées par l’Australie avant l'indépendance
de Nauru (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240 à la p 242 au para 1). La
Cour avait à statuer sur sa compétence car en la matière, le défendeur s´y était opposé par voie d´exception préliminaire.
Ainsi, aux termes de son arrêt du 26 juin 1992, se déclara-t-elle compétente pour connaitre de l´affaire (Certaines
terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), [1992] CIJ rec 240 à la p 268 au para 72). À la suite de cet arrêt, et
après être parvenus à un accord amiable, ces deux États ont notifié conjointement au greffe de la Cour leur intention
de désister de l´instance le 9 septembre 1993. L´affaire fut ainsi radiée du rôle de la Cour par ordonnance du 13
septembre 1993 (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c Australie), Ordonnance du 13 septembre 1993,
[1993] CIJ rec 322 à la p 323). L’on pourrait aussi mentionner dans cette liste de désistement de l’instance par accord
commun des parties à la suite d’un règlement amiable, l´affaire de l’Incident aérien du 3 juillet 1988 introduite le 17
mai 1989 par la République islamique d'Iran contre les États-Unis d'Amérique (Incident aérien du 3 juillet 1988
(République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9). Ces deux
États avaient notifié par lettre conjointe datée du 8 août 1994 à la Cour qu´ils avaient « entamé des négociations qui
pourraient aboutir à un règlement total et définitif de [l'] affaire ». Par cette lettre, ils prièrent la Cour de « renvoyer
sine die l'ouverture de la procédure orale », dont elle avait fixé la date au 12 septembre 1994 » (Incident aérien du 3
juillet 1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9
à la p 10). Ce fut le lieu pour eux de désister de l’instance suite à un arrangement auquel ils étaient parvenus. Ce
désistement prit acte par une autre lettre qu’ils firent parvenir à la Cour le 22 février 1996 (Incident aérien du 3 juillet
1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9 à la p
10). 114 Protection de ressortissants et protégés français en Égypte (France c Égypte), Ordonnance du 29 mars 1950, [1950]
CIJ rec 59 à la p 60. La France avait dans cette affaire, introduite par voie de requête une instance devant la Cour contre
l´Égypte, sur la base de la convention de Montreux du 8 mai 1937 dont elle critiquait des manquements de l´Égypte
dans son application au sujet des biens, droits et intérêts de ses ressortissants vivant dans cet État. Par lettre du 21
février 1950 qui parvenu au greffe de la Cour le 23 du même mois, la France demanda que son action fût rayée du rôle
de la Cour parce que l´Égypte avait selon elle, levé les mesures qu´elle critiquait. 115 Cet article stipule que : « 1. Si, au cours d’une instance introduite par requête, le demandeur fait connaître par écrit
à la Cour qu’il renonce à poursuivre la procédure, et si, à la date de la réception par le Greffe de ce désistement, le
défendeur n’a pas encore fait acte de procédure, la Cour rend une ordonnance prenant acte du désistement et prescrivant
la radiation de l’affaire sur le rôle. Copie de ladite ordonnance est adressée par le Greffier au défendeur. 2. Si, à la
date de la réception du désistement, le défendeur a déjà fait acte de procédure, la Cour fixe un délai dans lequel il peut
déclarer s’il s’oppose au désistement. Si, dans le délai fixé, il n’est pas fait objection au désistement, celui-ci est réputé
acquis et la Cour rend une ordonnance en prenant acte et prescrivant la radiation de l’affaire sur le rôle. S’il est fait
objection, l’instance se poursuit. 3. Si la Cour ne siège pas, les pouvoirs que lui confère le présent article peuvent être
exercés par le Président ».
27
Il importe donc d´avoir à l´esprit des exceptions à ce phénomène de la renonciation par le
demandeur de l´instance qu’il a engagée. Cela dit, dans certains cas, ce n´est pas forcement parce
qu´il a reçu une indemnisation quelconque pour justifier son désistement de l´instance. Le
demandeur pourrait donc désister de l’instance qu’il a engagée, parce qu’il ne croit plus que son
recours à la Cour puisse aboutir à un dénouement du différend, ou parce qu’il ne croit plus que son
action devant la Cour puisse effectivement aboutir à une condamnation du défendeur à son profit.
Le demandeur pourrait aussi désister de l’instance parce qu’il ne croirait plus à la bonne foi du
défendeur à accepter d’exécuter la décision de la Cour. C’est par désespoir qu’il se désiste donc de
l’instance.116
L´affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-
ci117 entre le Nicaragua et les États-Unis d'Amérique constitue un exemple illustratif de ce type de
désistement unilatéral du requérant de l´instance qu´il avait pourtant engagée et sans qu´il ait reçu
une indemnisation de la part du défendeur. Après avoir reconnu sa compétence pour statuer sur
l´affaire que le Nicaragua lui avait portée sur le fondement de l´article 36 paragraphe 2 et 5 du
Statut de la Cour,118 la Cour concluait que « les États-Unis d'Amérique sont tenus envers la
République du Nicaragua de l'obligation de réparer tout préjudice causé à celle-ci par la violation
des obligations imposées par le droit international coutumier »119. Les États-Unis ne procèderont
pas à une telle réparation jusqu´à une date où le Nicaragua décida de se désister de l´instance. C´est
par lettre adressée au greffe de la Cour le 12 septembre 1991, que cet État avait choisi de « renoncer
à faire valoir tous autres droits fondés sur cette affaire et ne souhaitait pas poursuivre la procédure,
et a demandé qu'une ordonnance prenne acte du désistement et prescrive la radiation de l'affaire du
rôle. ».120
116 Il convient donc de se souvenir que la saisine de la Cour par un État demandeur ne suppose pas qu’elle pourra
effectivement connaitre du différend porté devant elle. La Cour doit dans tous les cas, vérifier sa compétence dans une
affaire donnée (article 36 paragraphe 6 de son Statut), et se déclarer incompétente et radier l’affaire de son rôle s’il
apparait qu’elle n’a pas compétence en la matière. Cela pourrait arriver lorsque le demandeur entendait fonder la
compétence de la Cour sur une base juridique erronée (parce que sanctionnée par une réserve), ou inexistante (parce
que le défendeur n’aurait pas consenti à la compétence de la Cour). Dans d’autres cas, l’État demandeur pourrait
désister de l’instance engagée par lui, parce que l’État défendeur pourrait s’opposer à toute initiative visant à lui faire
endosser la responsabilité de la réparation des préjudices qu’il aurait subi (c’est le cas lorsque la condamnation vise un
membre permanent du Conseil de sécurité. Celui-ci pourrait user de son droit de véto même pour paralyser une
Résolution de ce Conseil qui l’obligerait à exécuter une décision de la CIJ au profit de tout autre État : Supra note 112. 117 Supra note 49. 118 Supra note 80 à la p 442 au para 113. 119 Supra note 49 à la p 146 au para 292. 120 Supra note 112.
28
Pour rappel, la compétence de la Cour repose sur le consentement des États et ce
consentement doit exister de part et d´autre chez chacun des États parties à un différend.121
Lorsqu´une affaire est portée devant la Cour, il lui appartient de vérifier en premier lieu sa
compétence à la connaitre au cas où l´une des parties conteste cette compétence. C´est à travers un
arrêt sur les exceptions préliminaires ou d´irrecevabilité que la Cour décide soit de continuer la
procédure parce qu´elle est en l´occurrence compétente, soit de radier l´affaire de son rôle parce
que son incompétence est manifeste.122 Ainsi, la Cour a-t-elle eu à radier de son rôle un certain
nombre d´affaires introduites devant elle par la voie de requête unilatérale pour faute de
compétence de sa part. Cela dit, les radiations d´affaires du rôle de la Cour pour motifs liés à son
incompétence ne peuvent intervenir que dans le cadre d´affaires introduites par voie de requêtes
introductives d´instance. Autrement dit, de telles radiations qui portent atteinte au déroulement de
la procédure de règlement des différends devant la Cour, sont dues à la requête unilatérale. Le lien
qui existe entre la voie du recours par la requête unilatérale et la possibilité des défendeurs de
soulever des exceptions d´incompétence ou d’irrecevabilité de la Cour, est celui qui est à la base
des radiations d´affaires du rôle de la Cour.
Dans l´affaire relative à l’ Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c Bulgarie)123, l’Israël
avait saisi la Cour d´une requête le 16 octobre 1957 contre la Bulgarie pour protester contre la
destruction le 27 juillet 1955, par les forces de défense antiaérienne bulgares, d'un avion
appartenant à la El Al Israël Airlines Ltd.124 Pour établir la compétence de la Cour, l’Israël invoqua
sa déclaration d´acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du 3 octobre 1956 d´une part,
et celle faite par la Bulgarie le 29 juillet 1921 pour accepter la juridiction obligatoire de la CPJI,
d’autre part.125 l’Israël se fondait sur le contenu du paragraphe 5126 de l´article 36 du Statut de la
Cour, pour attester que la déclaration d´acception de la Bulgarie faite au temps de la CPJI pourrait
servir de fondement à la compétence de la Cour. Mais la Cour ne retint pas cette argumentation,
car pour elle cette déclaration avait expiré et ne liait donc plus la Bulgarie depuis la dissolution de
121 Supra note 6, art 36 au para 1. 122 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 633. 123 Affaire relative à l´Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c Bulgarie), [1959] CIJ rec 127. 124 Ibid à la p 129. 125 Ibid. 126 Ce paragraphe stipule que, « Les déclarations faites en application de l'Article 36 du Statut de la Cour permanente
de Justice internationale pour une durée qui n'est pas encore expirée seront considérées, dans les rapports entre parties
au présent Statut, comme comportant acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice pour
la durée restant à courir d'après ces déclarations et conformément à leurs termes ».
29
la CPJI.127Ainsi, l´affaire fut-elle radiée du rôle de la Cour, en raison de son incompétence à pouvoir
en connaître.128
Ce fut de même dans les affaires relatives aux Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c Rwanda)129 et Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c Burundi)130. Ces deux instances furent introduites à la même
date soit le 23 juin 1999 par requête de la République Démocratique du Congo.131 Elles furent
radiées du rôle de la Cour pour raison d´incompétence de celle dernière.132 En l´occurrence, le
demandeur fondait son action sur sa déclaration d´acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour du 8 février 1989 et l´article 14 paragraphe 1 de la Convention pour la répression d’actes
illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile signée à Montréal le 23 septembre 1971, ainsi
que le paragraphe 1 de l´article 30 Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants, adoptée par l´Assemblée générale des Nations Unies le 10
décembre 1984 à New York.133 Rien de tout cela n´a pu convaincre les juges de la Cour pour qu’ils
puissent valablement statuer sur ces affaires. En clair, la requête de la République Démocratique
du Congo dans ces affaires lui fut infructueuse. Raison pour laquelle, il « se réserv[ait] la possibilité
de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de compétence de la Cour » 134.
Ce qu´il y a lieu de retenir dans ce cas précis, c´est que ces affaires n´auraient pas été radiées
pour incompétence si le compromis avait été la base juridique de saisine de la Cour. Le compromis,
en tant qu’accord entre des États parties à un différend, matérialise leur consentement à la
127 Supra note 123 à la p 145. 128 Supra note 123 à la p 146. 129 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Rwanda), Ordonnance du 21
octobre 1999, [1999] CIJ rec 1025. 130 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c Burundi), Ordonnance du 30
janvier 2001, [2001] CIJ rec 3. 131 CIJ, communiqué, 1999/34, « La République démocratique du Congo introduit des instances contre le Burundi,
l'Ouganda et le Rwanda « en raison [d’] actes d'agression armée » » (23 juin 1999), en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?pr=523&code=cr&p1=3&p2=3&p3=6&case=117&k=85>. 132 CIJ, communiqué, 2001/2, « Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c
Burundi) et (République démocratique du Congo c Rwanda), les deux affaires sont rayées du rôle à la demande de la
République démocratique du Congo » (1er février 2001), en ligne : <http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?pr=526&code=cr&p1=3&p2=3&p3=6&case=117&k=85>. 133 Supra note 129 à la p 1026. 134 Supa note 130.
30
compétence de la Cour de telle sorte que celle-ci ne pourrait pas se déclarer incompétente pour
radier de son rôle le différend en question.
Voyons-en à présent avec les limites que la règle du forum prorogatum pourrait avoir sur le
cours de la procédure de règlement des affaires devant la Cour.
Paragraphe 2 : L’application du forum prorogatum et ses limites
C´est le paragraphe 5 de l´article 38 du Règlement de la Cour de 1978 qui énonce la règle
du forum prorogatum en ces termes : « Lorsque le demandeur entend fonder la compétence de la
Cour sur un consentement non encore donné ou manifesté par l’État contre lequel la requête est
formée, la requête est transmise à cet État. Toutefois, elle n’est pas inscrite au rôle général de la
Cour et aucun acte de procédure n’est effectué tant que l’État contre lequel la requête est formée
n’a pas accepté la compétence de la Cour aux fins de l’affaire. ». Le forum prorogatum traduit donc
l´idée d´une juridiction prorogée135. Il s'agit du fait pour un État défendeur d'accepter la compétence
d'une juridiction internationale institutionnalisée, telle la CIJ, postérieurement à la saisine, soit par
une déclaration expresse à cet effet, soit par des actes concluants136 impliquant une acceptation
tacite.
Dans l´affaire relative à l´Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro)137, le juge ad hoc Lauterpacht
a dans son opinion individuelle du 13 septembre 1993, donné une définition assez détaillée du
forum prorogatum devant la CIJ en ces termes : « si un État, l’État A, introduit une instance contre
un autre État, l'État B, sur une base de compétence inexistante ou défectueuse, le forum prorogatum
consiste en la possibilité pour l’État B d'y remédier en adoptant un comportement valant
acceptation de la compétence de la Cour »138. D´une affaire à une autre, les modalités de la mise
135 Kolb, supra note 41 à la p 565. 136 Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles minoritaires) (Allemagne c Pologne), (1928), CPJI (sér A) n° 15 aux
pp 23-24. 137 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c
Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595. 138 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c
Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993, [1993] CIJ rec 325, Opinion individuelle de M.
Lauterpacht, juge ad hoc à la p 416 au para 24.
31
en œuvre de la règle peuvent varier.139 Autrement dit, il appartient au défendeur de déterminer en
principe la manière dont il entend exprimer ce consentement postérieur à la compétence de la Cour.
Dans l'affaire du Détroit de Corfou140, la CIJ a déduit le consentement de l'Albanie à sa
compétence en vertu d´une lettre signée de son ministre adjoint des affaires étrangères et qui lui fut
adressée à la date du 23 juillet 1947,141 en réponse à la requête du gouvernement du Royaume-Uni.
Cette requête fut introduite devant la Cour le 22 mai 1947, contre le Gouvernement de la
République populaire d'Albanie dans le cadre d´un incident survenu dans le détroit de Corfou le 22
octobre 1946. Dans cet incident, deux navires britanniques heurtèrent des mines dont l´explosion
perpétra des dommages à ces navires et occasionna de lourdes pertes de vies humaines.142
L´affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c France)143, traduit un cas d´application du forum prorogatum. Cette affaire était relative
à une requête de Djibouti introduite devant la Cour le 9 janvier 2006, contre la France au sujet d’un
différend. Celui-ci portait :
sur le refus des autorités gouvernementales et judiciaires françaises d’exécuter
une commission rogatoire internationale concernant la transmission aux autorités
judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d’information relative à
l’Affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et ce, en
violation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le
Gouvernement [djiboutien] et le Gouvernement [français] du 27 septembre 1986, ainsi
qu’en violation d’autres obligations internationales pesant sur la France envers (...)
Djibouti.144
En l´occurrence, Djibouti fondait la compétence de la Cour sur le paragraphe 5 de l´article
38 de son Règlement de 1978,145 lequel porte sur les cas de défaut de consentement du défendeur
à la compétence de la Cour. N’empêche qu’il se réservait aussi la possibilité « d’avoir recours à la
procédure de règlement des différends prévue par les conventions en vigueur entre [lui]-même et
la République française, telle la convention [du 14 décembre 1973] sur la prévention et la
répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale [y compris
139 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c France), [2008] CIJ rec 177 à
la p 205 au para 64. 140 Supra note 46. 141 Supra note 46 aux pp 18-19. 142 Supra note 46 à la p 16. 143 Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c France), [2008] CIJ rec 177. 144 Ibid aux pp 180-181 au para 1. 145 Supra note 143 à la p 181 au para 2.
32
les agents diplomatiques] »146. Le 9 aout 2006, la France fit parvenir à la Cour une lettre (datée du
25 juillet 2006), faisant état de son acceptation de la compétence de la Cour.147Cette lettre prévoyait
en effet que, « la République française accepte la compétence de la Cour pour connaître de la
requête ».148
Il est donc concevable qu’un litige puisse être introduit devant la Cour alors que l’un des
États en cause (le demandeur), reconnaît valablement sa compétence en l’espèce et l’autre non, et
que la reconnaissance de cette compétence par ce dernier intervienne ensuite149.
L’affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en France ((République du
Congo c France),150 fut de même l’un des exemples d’application de cette règle. En l’espèce, le 9
décembre 2002, la République du Congo saisit la CIJ au sujet d’un différend qui l’opposait à la
France. Ce différend était relatif à une procédure pour crimes contre l’humanité et tortures mettant
notamment en cause son ministre de l’Intérieur et dans le cadre de laquelle une commission
rogatoire avait été délivrée aux fins de l’audition comme témoin du Président de la République de
ce pays. Le Congo fondait la compétence de la Cour sur le paragraphe 5 de l´article 38 du
Règlement de la Cour de 1978.151 Par une lettre datée du 8 avril 2003 et parvenue le 11 avril 2003
au greffe de la Cour152, la France indiqua qu’elle acceptait la compétence de la Cour pour connaître
de la requête. La France avait donc officiellement accepté la compétence de la Cour dans cette
affaire alors qu’aucun acte juridique préexistant ne pouvait fonder cette compétence. En quelque
sorte, la France a admis la compétence de la Cour sur la base du forum prorogatum.153
Ces succès de la mise à exécution de la règle du forum prorogatum sont loin d´être une
réalité dans tous les cas. Des exemples demeurent où la Cour a eu à être saisie au sujet de différends
en l´absence de consentement exprès du défendeur sans que celui-ci n´accepte sa compétence
146 Supra note 145. 147 Supra note 143 aux pp 180-181 au para 4. 148 CIJ, communiqué, 2008/14, « Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c France) » (4 juin 2008), en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/files/136/14569.pdf>. 149 Supra note 143 à la p 204 au para 63. 150 Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c France), Ordonnance du 17 juin 2003,
[2003] CIJ rec 102. 151 Supra note 150 à la p 103 au para 3. 152 CIJ, communiqué, 2010/36, « Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c France),
Affaire rayée du rôle de la Cour à la demande de la République du Congo » (17 novembre 2010), en ligne :
<http://www.icj-cij.org/docket/files/129/16234.pdf>. 153 Ibid.
33
postérieurement à l´introduction de l’instance. Le succès de cette règle n’est donc pas un acquis
d´avance.
Dans les instances des affaires Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c Burundi)154 et Activités armées sur le territoire du Congo (République
démocratique du Congo c Rwanda)155, le désistement de la République Démocratique du Congo
en sa qualité de demandeur, peut s´analyser aux défauts de consentements des défendeurs à la
compétence de la Cour. Dans ces deux cas, l´ordonnance du désistement indiquait que « le
Gouvernement de la République démocratique du Congo souhaitait se désister de l'instance et a
précisé que «celui-ci se réserv[ait] la possibilité de faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs
de compétence de la Cour».156 L´idée de vouloir «faire valoir ultérieurement de nouveaux chefs de
compétence de la Cour», sous-entend une absence de compétence de la Cour pour pouvoir
connaitre de l´affaire. En outre, l’idée de vouloir établir la compétence de la Cour sur le fondement
de l´article 38 paragraphe 5 de son Règlement de 1978157 rappelle que le demandeur s´attendait en
réalité à une acceptation postérieure de la compétence de la Cour par les défendeurs après
l´introduction de sa requête à la date du 23 juin 1999. Le désistement intervenu par la suite est le
témoignage que ces défendeurs n´ont pas voulu se soumettre à la règle du forum prorogatum.
Un autre témoignage des limites de la règle du forum prorogatum devant la CIJ, est celui
relatif à l´affaire des biens mal acquis, entre la Guinée Équatoriale et la France. Le 25 septembre
2012 en effet, la Guinée Équatoriale introduisit une instance devant « la Cour internationale de
justice (CIJ) pour que celle-ci annule les procédures qui ont été entreprises en France et qui visent
des biens mobiliers et immobiliers qui sont la propriété du Président Obiang et de son fils Teodoro
Nguema ».158 La France ayant retiré sa déclaration de juridiction obligatoire de la Cour159 à la suite
de l´affaire des Essais nucléaires,160 il faudrait de ce fait pour la Guinée Équatoriale, attendre une
éventuelle acceptation postérieure de la compétence de la Cour avant que celle-ci ne statue sur le
154 Supra note 130. 155 Supra note 129 à la p 1026. 156 Supra note 154 et 155. 157 Supra note 131. 158 Maurice Arbour, « L’affaire des biens mal acquis devant la Cour internationale de justice. Vraiment ? », en ligne :
< http://actualite-internationale.ca/2012/10/02/laffaire-des-biens-mal-acquis-devant-la-cour-internationale-de-justice-
vraiment/>. 159 Fakhri Gharbi, « Le déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
justice » (2002) 43 :3 C. de D. 433 à la p 484. En ligne : <http://id.erudit.org/iderudit/043719ar>. 160 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 135.
34
cas d´espèce, à défaut de pouvoir établir une telle compétence sur le fondement d´autres bases
juridiques. Jusqu´à ce jour, la France n´a jamais prouvé qu´elle accepterait cette compétence qui
devrait donc intervenir postérieurement à l´introduction de l´instance, en vertu de la règle du forum
prorogatum. C´est ce qui traduit le fait que la Cour n´a pu se prononcer sur cette affaire. C’est
pourquoi d’ailleurs, en 2016, la Guinée Équatoriale introduisit une nouvelle instance contre la
France au sujet de la même affaire mais sous une autre dénomination : Immunités et procédures
pénales (Guinée équatoriale c France). Pour cette fois-ci, elle invoqua d’une part l’article 35 de la
Convention contre la criminalité transnationale organisée et d’autre part, le protocole de signature
facultative de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques pour fonder la compétence
de la Cour. (Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Ordonnance du 7
décembre 2016, [2016] CIJ rec 1 à la p 8.).
En un mot, s´il est vrai que le forum prorogatum est une règle érigée pour faire prospérer
des instances introduites devant la Cour par la voie de requête unilatérale, dans les cas où le
demandeur aurait déjà saisi la Cour avant que sa partie adverse ait consenti à la compétence de
cette dernière, il n´en demeure pas moins des limites dans son application. Dans la mesure où la
compétence de la Cour repose sur le consentement des États,161 rien ne les oblige à accepter cette
compétence et rien ne prouve qu´ils l´accepteraient après qu´ils auront été assignés devant la Cour.
Cette explication vient en appui aux incertitudes qui entourent le traitement des affaires introduites
devant la Cour par la voie de requête unilatérale.
Outre le cours de la procédure de règlement des affaires devant la Cour qui laisse entrevoir
des incertitudes dues au fait du recours à la Cour par la voie de requête unilatérale, la phase de la
mise en œuvre des décisions de la Cour, suscite parfois des inquiétudes. Ainsi, comment un État
défendeur, qui aurait passé tout le temps à contester la compétence de la Cour durant toute la
procédure de règlement d´une affaire, accepterait-il de subir les conséquences de l´arrêt ayant
découlé de ladite affaire, s´il apparaît qu´il ait succombé aux termes de cet arrêt ? D’où, l’idée
d’incertitudes sur la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale dans la mise en œuvre des
décisions de la Cour (chapitre 2).
161 Ce principe avait même été affirmé aussi par la CPJI dans l’affaire des Droits de minorités en Haute-Silésie (écoles
minoritaires), en ces termes : « La juridiction de la Cour dépend de la volonté des parties. La Cour est toujours
compétente du moment où celles-ci acceptent sa juridiction, car il n’y a aucun différend que les États admis à ester
devant la Cour ne puissent lui soumettre ». Supra note 136 à la p 22.
35
Chapitre 2 : Les incertitudes de la saisine de la Cour par voie de requête unilatérale
sur la mise en œuvre des décisions de la Cour
La phase de l´exécution des décisions est celle qui est censée mettre un terme définitif au
différend ayant fait objet de saisine de la Cour. Selon les types de différends, cette phase peut
consister en des actions matérielles de terrain (délimitations frontalières) ou matérielles tout court
(réparation ou paiement de dommages et intérêts), voire exiger du défendeur qui a succombé à
l´issue de l´arrêt des abstentions (non-ingérence dans les affaires relevant de la souveraineté du
demandeur). Si théoriquement cet objectif peut paraître réalisable, il reste que dans la pratique, il
peut s´avérer difficile pour des raisons liées au droit légitime des États de pouvoir remettre cause
son atteinte (section 1). L´expérience de la jurisprudence de la Cour elle-même renforce la
compréhension de ces difficultés surtout quand l´État qui a succombé à la décision de la Cour est
un membre du Conseil de sécurité des Nations Unies (section 2).
Section 1 : Les raisons liées aux incertitudes sur l´exécution des arrêts de la Cour
dans les affaires ayant fait l’objet d’une saisine par la voie de la requête unilatérale
Les incertitudes qui entourent l´exécution des décisions de la Cour sont essentiellement
dues à deux raisons. D´une part, ces raisons sont liées aux recours en interprétation d´arrêts devant
la Cour qui peuvent remettre en cause l’exécution des décisions de la Cour (paragraphe 1). D´autre
part, ces raisons se justifient par des réticences que le défendeur ayant succombé laisse sentir sur
son approbation de la décision de la Cour (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La remise en cause des arrêts de la Cour par voie de contestation
avec les hypothèses des recours en interprétation d´arrêts devant la Cour
Selon la définition proposée par le Dictionnaire de droit international public, le recours en
interprétation est celui «tendant à faire déterminer le sens et la portée d´un acte ou d´une
décision»162. Dans le cas de notre hypothèse, ce recours concerne l´interprétation par la CIJ elle-
même des décisions qui émanent d´elle,163 et non celle qui porte sur des actes émanant d´autres
162 Salmon, supra note 2 à la p 950. 163 Salmon, supra note 2 à la p 950. Voir le sens b) de la définition du recours en interprétation.
36
entités telles que les États. En effet, le sens d’une décision de justice dépend en grande partie de
l’interprétation qui lui est donnée. Il ne manque pas de voir des États parties à un différend, être
opposés sur le sens ou à la portée qu’il sied de réserver à la décision rendue par la Cour. La solution
pour une telle situation se résume dans un autre recours qu’il est possible d’adresser à la Cour et
qui fera l’objet d’un arrêt distinct du ou des précédents. Cette précision résulte de l’article 60 du
Statut de la Cour en ces termes « […] En cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il
appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie »164. Il s’agit là, d’un recours en
interprétation qui reste constitutif d’une nouvelle affaire devant la Cour.165 Cependant, point n’est
besoin pour l’État qui en fait la demande de démontrer à nouveau la compétence de la Cour, car la
base de compétence dans l’affaire initiale fonde la compétence de la Cour pour connaître d’une
demande en interprétation.166 Toutefois, une telle demande devra réellement avoir pour objet une
interprétation de l'arrêt initial ou doit « indiquer avec précision le point ou les points contestés
quant au sens ou à la portée de l’arrêt »167. C’est-à-dire qu’elle doit avoir uniquement pour objectif
de faire élucider le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force obligatoire par l'arrêt déjà
rendu et non à obtenir la solution de points qui n'ont pas été ainsi décidés.168
Dans le fond, l´idée que de tels recours soient liés à la saisine de la Cour par voie de requête
unilatérale,169 peut se justifier sur deux bases. Il conviendra d´avoir à l´idée que la saisine de la
Cour par la voie de compromis, suppose que les parties sont disposées à accepter la décision qui
découlera, et c´est ce qui donne tout son sens à l´expression « compromis », qui symbolise une
164 On retrouve cette même précision au paragraphe 1 de l’article 98 du Règlement de la Cour de 1978, lequel stipule
qu’« En cas de contestation sur le sens ou la portée d’un arrêt, toute partie peut présenter une demande en interprétation,
que l’instance initiale ait été introduite par une requête ou par la notification d’un compromis ». 165 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), Ordonnance du 3 mars 1999,
[1999] CIJ rec 24 à la p 25. 166 Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique
c États-Unis d'Amérique) (Mexique c Etats-Unis d'Amérique), Ordonnance du 16 juillet 2008, [2008] CIJ rec 311 à la
p 323 au para 44. 167 Paragraphe 2 de l’article 98 du Règlement de la Cour. 168 Demande en interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit d'asile (Colombie c Pérou), [1950]
CIJ rec 395 à la p 402. 169 C’est ce constat qui se dégage de la jurisprudence de la Cour elle-même, à savoir que les recours en interprétation
desquels elle a jusque-là été saisie, sont relatifs à des arrêts rendus dans des affaires portées devant elle par la voie de
la requête unilatérale. Ce sont : la Demande en interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du droit
d'asile (Colombie c Pérou), [1950] CIJ rec 395 ; la Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire
de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31; la
Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique
c États-Unis d'Amérique) (Mexique c Etats-Unis d'Amérique), [2009] CIJ rec 311 ; la Demande en interprétation de
l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande),
[2013] CIJ rec 281.
37
entente préalable des parties d´une part sur les méthodes de règlement de leur différend (par
exemple règlement par des chambres restreintes), et d’autre part, sur l´exécution de la décision que
la Cour rendra. Ceci est une réalité qui s´applique aux parties impliquées dans un compromis, dans
la mesure même où le compromis est un accord international et qu´il doit de ce fait, être exécuté
de bonne foi (article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités). En clair, entre le recours
par la voie de requête unilatérale et le recours par la voie de compromis, c´est ce dernier qui peut
avoir un grand mérite de protéger la Cour contre des recours en interprétation. C’est pourquoi la
plupart des recours en interprétation devant la Cour sont relatifs à des arrêts issus de différends
portés devant elle par la voie de requête unilatérale.
Dans le Différend frontalier terrestre et maritime170 entre le Cameroun et le Nigéria, parmi
les exceptions préliminaires soulevées par le dernier, la sixième avait trait à l’incompétence de la
Cour au motif qu’aucun élément ne permettrait de décider que la responsabilité internationale du
Nigéria serait engagée en raison de prétendues incursions frontalières qui se seraient produites en
divers lieux dans la région de Bakassi et du lac Tchad et le long de la frontière entre ces deux
régions.171 Dans son arrêt du 11 juin 1998, la Cour avait rejeté cette exception à l’instar de six
autres, et avait affirmé de ce fait sa compétence pour connaître de l’affaire. Mais le Nigéria
n’entendait pas s’arrêter à ce stade et voulait à tout prix faire échouer la requête172 de la partie
adverse. Ainsi, saisit-il la Cour d’une demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998.173 En
appui à sa demande d’interprétation, le Nigéria soutient que l'arrêt rendu par la Cour, le 11 juin
1998 sur les exceptions préliminaires, ne précisait pas les incidents allégués, qui devraient être pris
encore en considération lors de l'examen de l'affaire au fond et que de ce point de vue, le sens et la
portée de l'arrêt nécessitaient une interprétation.174 Toutefois, dans son arrêt du 25 mars 1999, la
Cour déclara irrecevable cette demande du Nigéria. Pour elle, la connaissance d’une telle demande
remettrait en cause l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 11 juin 1998 d’une part, et
elle ne saurait examiner des conclusions tendant à soustraire à son examen des éléments de fait et
170 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale
(intervenant)), [1998], CIJ rec 275. 171 Ibid à la p 317 au para 95. 172 Supra note 170 à la p 279 au para 1. 173 Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31 à la p 32 au para 1. 174 Ibid à la p 34 au para 8.
38
de droit dont elle a autorisé la présentation par cet arrêt, d’autre part.175 L’importance de cet arrêt
tient par ailleurs au fait que ce fut la première occasion pour la Cour de se prononcer sur une
demande en interprétation d'un arrêt portant sur des exceptions préliminaires.176
L´affaire de la Demande d’interprétation de l’arrêt du 20 novembre 1950 en l’affaire du
droit d’asile 1950177, en est un autre exemple. Les parties à cette affaire étaient la Colombie et le
Pérou. Au même jour où l´arrêt était rendu par la Cour (20 novembre 1950), au sujet de l´affaire
du Droit d´asile, le demandeur, la Colombie en l´occurrence, entreprit un recours en
interprétation.178 Pour la Colombie, la façon dont l´arrêt lui fut notifié comportait des lacunes qui
n´étaient pas de nature à lui faciliter sa mise en œuvre.179 La demande fut toutefois rejetée par la
Cour au motif que les conditions n´étaient pas réunies pour le demandeur de se prévaloir d´un tel
recours, car selon elle, les termes de l´arrêt dont l´interprétation était demandée étaient
suffisamment clairs pour être compréhensibles.180 Dans l’affaire de la Demande en interprétation
de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena181, c´est le Mexique qui dans une requête du 5 juin
2008, saisit la Cour contre les États-Unis. En l´occurrence, le Mexique demandait à la Cour
d’interpréter le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt rendu par elle, le 31 mars 2004 en l’affaire
Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c États-Unis d’Amérique)182. Dans les faits, les
États-Unis d’Amérique avaient remis en cause un certain nombre de ressortissants mexicains à
savoir, les sieurs José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez
Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos et qui devraient faire objet
d´exécution.183 Le Mexique plaidait pour que les États-Unis sursissent à de telles exécutions tant
175 Supra note 173 aux pp 38-39 au para 16. 176 CIJ, communiqué de presse 1999/14, « Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria
c Cameroun) » (25 mars 1999), en ligne :< http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?pr=329&code=nc&p1=3&p2=3&p3=6&case=101&k=52&PHPSESSID=7fe394df1b73d1d
f4f36af260242b307&lang=fr&PHPSESSID=7fe394df1b73d1df4f36af260242b307>. 177 Supra note 168. 178 Supra note 168 à la p 396. 179 Supra note 168 à la p 397. 180 Supra note 168 à la p 403. 181 Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique
c États-Unis d'Amérique) (Mexique c États-Unis d'Amérique), [2009] CIJ rec 3 à la p 5 au para 1. 182 Supra note 166 à la p 311 au para 1. 183 Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 5 février 2003, [2003]
CIJ rec 77 à la p 81 au para 11. 184 Supra note 166 à la p 331 au para 80.
39
que la Cour n’aurait pas rendu l’arrêt sur la demande en interprétation. Dans son ordonnance184 du
16 juillet 2008 en indication de mesures conservatoires, la Cour accorda gain de cause au Mexique
en obligeant les États-Unis à sursoir à ces exécutions qu’ils avaient décidées.185 Dans le cas où le
recours en interprétation d´un arrêt a été porté directement contre un arrêt définitif, il y a de fortes
chances que sa mise en œuvre se trouve paralysée par l´une des parties de telle sorte l´autre n´aurait
autre choix que de saisir à nouveau la Cour afin de clarifier le sens de l´arrêt avec l´espoir que cela
contraindrait l´autre partie à faire preuve de diligence ou de bonne foi pour se soumettre à son
exécution (Demande en interprétation de l'arrêt du 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c États-Unis d'Amérique) (Mexique c États-Unis d'Amérique),
Ordonnance du 16 juillet 2008, [2008] CIJ rec 311).
Si l´on s´en tient à ces explications qui précèdent, on pourrait en déduire une certaine
réticence des États (ceux condamnés) à l´exécution des décisions de la Cour.
Paragraphe 2 : Les réticences de l’État condamné à l’exécution des décisions de la
Cour, en lien la saisine par la voie de la requête unilatérale
Après avoir révélé dans un premier temps, les raisons liées à la réticence de l´État condamné
à l’exécution des décisions de la Cour (A), il conviendra dans un second lieu, de montrer les limites
du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une exécution forcée des décisions de la
Cour (B).
185 Quoiqu´il en soit, ces recours paralysent le dénouement rapide des différends devant la Cour. Lorsque ces recours
interviennent avant que la Cour ait rendu l´arrêt définitif sur le différend, et encore si, la Cour devrait statuer sur sa
compétence à travers un arrêt sur des exceptions préliminaires, comme dans le différend entre le Cameroun et le
Nigéria, elle ne pourra trancher définitivement ce différend à elle soumis qu´après avoir préalablement rendu deux
autres arrêts : d’abord un arrêt sur les exceptions préliminaires (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et
le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant)), [1998] CIJ rec 275), ensuite, un arrêt portant sur
le recours en interprétation d´arrêt (Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), [1999] CIJ rec 31), et enfin l´arrêt définitif
sur le fond (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée Équatoriale
(intervenant)), [2002] CIJ rec 303).
40
A- Les raisons liées à la réticence de l´État condamné à l’exécution des décisions de la
Cour
De prime abord, il est possible de lier cette réticence à des facteurs d´ordre économique.
Lorsque l´exécution de la décision de la Cour doit s´analyser en termes de dépenses financières
que l´État condamné devra subir, alors qu´il traverse des périodes critiques d´économie budgétaire
ou même qu´il ne s´attendait pas à une condamnation qui devrait lui coûter de fortes sommes
d´argent, il va sans dire que l´exécution en l´occurrence puisse faire objet de remise en cause. Cette
remise en cause pourrait supposer des retards dans la réparation du dommage causé à l’État victime
ou une exécution en partie de la décision de la Cour. Cela pourrait se comprendre. Selon le Général
Charles De Gaule, « les États n´ont pas d´amis, ils n´ont que des intérêts »186. En prenant l´initiative
de porter les affaires par la voie de requête unilatérale devant la Cour, rien n´oblige les demandeurs
à s´interroger d´avance sur la situation économique de leurs adversaires pour se rendre à l´évidence
de ce que ces derniers puissent effectivement endosser la réparation des préjudices souhaitée. La
saisine de la Cour par la voie de la requête unilatérale peut sembler brusque aux yeux de l’État
défendeur dans la mesure où il ne s’y attendait peut-être pas. En cela, il pourrait éprouver un
manque d’engouement à devoir exécuter convenablement la décision de la Cour, et surtout si celle-
ci le condamne. C’est ce qui explique en grande partie le fait que les lenteurs dans l´exécution des
décisions de la Cour sont souvent liées à des affaires portées devant la Cour par la voie de requête
unilatérale.187
186 Jean-Pierre Mbelu,« Analyse et réflexion», en ligne :
<http://www.congoforum.be/fr/analysedetail.asp?id=159663>. 187 Nous tirons cette conclusion sur la base de notre analyse des affaires portées devant la Cour, qui sont d’ailleurs
disponible sur son site : <www.icj-cij.org>. Par exemple, une analyse des affaires portées devant la Cour pendant
l´intervalle de temps, 1994 et 2014, donne le constat suivant : Durant cet intervalle de temps ce sont au total soixante-
deux affaires qui été portées devant la Cour. Cinq affaires l’ont été par la voie de compromis tandis les cinquante-sept
autres l’ont été par la voie requêtes introductives d´instance. Les cinq affaires portées devant la Cour par voie de
compromis (Différend Frontalier (Burkina Faso c Niger), Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle
Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour), Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie),
Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), Différend frontalier (Bénin c Niger)), n’ont présenté aucun incident de
procédure pour que la Cour se heurte à une limite quelconque. Elles ont toutes abouti à des arrêts, et de surcroit avec
rapidité parce qu’ayant été portées devant des formations restreintes de chambres au sein de la Cour. La moyenne en
termes de temps mis dans le traitement de ces affaires se situe entre trois et quatre ans. Par ailleurs, l’exécution des
décisions qui ont découlé de ces affaires, n’a été objet d’aucun incident majeur. Parmi les cinquante-sept affaires
portées devant la Cour par la voie de requête unilatérale, ce sont seulement vingt, qui ne lui ont suscité aucune difficulté
(allusion aux exceptions d´incompétence et d’irrecevabilité de la Cour). Sur les trente-sept autres affaires restantes,
cinq affaires (Certaines questions en matière de relations diplomatiques (Honduras c Brésil); Épandages aériens
d'herbicides (Équateur c Colombie); Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de l'Organisation
des Nations Unies (Commonwealth de Dominique c Suisse); Certaines procédures pénales engagées en France
(République du Congo c France); et Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo
41
À cette hypothèse, il est possible dans une certaine mesure de lier l’affaire Détroit de Corfou
(Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie), qui se solda par la
condamnation de l’Albanie (pays en voie de développement) au versement de la somme de
843.947 livres sterling, au Royaume-Uni.188 La Cour avait en espèce établi la responsabilité de
l'Albanie au regard du droit international, des explosions des mines qui furent à l’origine des
dommages et pertes humaines qui eurent lieu le 22 octobre 1946 dans les eaux albanaises. 189 Cette
affaire avait été portée devant la Cour sur requête du Royaume-Uni le 22 mai 1947 quoiqu' après
l’arrêt de la Cour du 25 mars 1948 sur les exceptions préliminaires, les parties décidèrent de saisir
la Cour par compromis pour la suite de la procédure au fond.190 C’est seulement en 1992 que
l’Albanie s’acquittera de cette réparation après la signature avec le Royaume-Uni d’un
mémorandum d’accord à la date du 8 mai 1992.191
Par ailleurs, des considérations d’ordre politique peuvent servir d’explication à la réticence
des États dans l'exécution des décisions de la Cour, notamment, celles issues des affaires introduites
par la voie de requête unilatérale. Théoriquement, on peut douter qu’un État qui aurait passé tout
le temps à contester la compétence de la Cour durant la procédure de traitement d’une affaire
procède facilement à l’exécution de la décision qui en découlera si une telle décision devrait
déboucher à sa condamnation. L’affaire Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci192renforce cette réalité. À ce sujet, Philippe Weckel disait des États-Unis qu’en
«s’appuyant sur leur contestation de la juridiction de la Cour, ils n’ont pas tenu compte de son
c Rwanda)), ont été radiées du rôle de la Cour, surtout par désistement du requérant de l’instance avec le désespoir
d’avoir gain de cause. Ensuite, les trente-deux affaires restantes ont confronté la Cour à des difficultés liées à des
exceptions d’irrecevabilité ou des exceptions préliminaires soulevées par certains États parties pour contester sa
compétence. L’inconvénient des exceptions se situent à un double niveau : D’une part elles ont pour effet de paralyser
la compétence de la Cour pour qu’elle se dessaisisse d’une affaire à elle soumise, et d’autre part, elles empêchent une
résolution rapide des affaires. En clair, lorsque la Cour est saisie d’une affaire contre laquelle l’une des parties formule
des exceptions préliminaires ou d’irrecevabilité, elle devra avant de la trancher, vérifier sa compétence en l’occurrence
par un arrêt qu’elle rend. C’est après un tel arrêt sur ces exceptions qu’elle pourra à proprement parler, rendre une
décision sur le cas qui lui a été soumis si toutefois elle s’estime compétente (C’est le principe de la compétence de la
compétence de la Cour, prévu au paragraphe 6 de l’article 36 de son Statut qui stipule que : « En cas de contestation
sur le point de savoir si la Cour est compétente, la Cour décide »). 188 Supra note 47. 189 Affaire du Détroit de Corfou (Royaume Uni de Grande-Bretagne c République populaire d’Albanie), [1949] CIJ
rec 4. 190 Ibid à la p 6. 191 Raymond Goy, « Le sort de l'or monétaire pillé par l'Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale » (1995)
41 :1 AFDI 382 à la p 390. 192 Supra note 80.
42
jugement, ont refusé toute discussion bilatérale en vue de déterminer les conséquences de l’arrêt»
193.
Dans l’affaire relative au Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) qui fut portée
devant la Cour sur requête du Cambodge le 6 octobre 1959, la Cour y avait déduit la souveraineté
du demandeur sur le territoire sur lequel est situé le Temple de Préah Vihéar dans son arrêt du 15
juin 1962.194 De ce fait, la Thaïlande devrait retirer toutes ses forces armées, de police et autres
gardes ou gardiens qu'elle avait déployées dans le temple et ses environs. La Thaïlande était par
ailleurs tenue de restituer au Cambodge tous les objets dont elle s’y était emparée depuis la date de
l'occupation du temple par elle en 1954.195 L’objet du différend fut donc la souveraineté sur ce
temple.196 La Cour établit sa compétence en l’occurrence sur la base des déclarations d’acceptation
de la juridiction des deux parties, faites le 20 mai 1950 pour la Thaïlande et le 9 septembre 1957
pour le Cambodge,197 alors que la Thaïlande s’y était opposée.
Le 28 avril 2011, la Cour était à nouveau saisie par le Cambodge par le moyen d’une requête
au sujet du même différend, mais en demandant cette fois-ci à la Cour, une interprétation de son
arrêt rendu depuis le 15 juin 1962 et qui lui donnait la souveraineté sur le temple de Préah
Vihéar.198 La Thaïlande avait en effet manqué d’exécuter cet arrêt de la Cour. Elle avait
certainement continué de maintenir la présence de ses forces armées sur le territoire occupé par le
temple et dont la souveraineté lui avait été contestée par la Cour au profit du Cambodge. À la suite
de la demande d’interprétation formulée par le Cambodge, la Cour rendit une ordonnance en
indication de mesures conservatoires à la date du 18 juillet 2011. Cette décision prévoyait que « la
Thaïlande ne doit pas faire obstacle au libre accès du Cambodge au temple de Préah Vihéar ni à la
possibilité pour celui-ci d’y ravitailler son personnel non militaire »199. Tout laisse de ce fait
conclure que la Thaïlande ne s’était pas conformée à la décision de la Cour qui la condamnait à
193 Philippe Weckel, « Les suites des décisions de la Cour internationale de Justice » (1996) 42 :1 AFDI 428 à la p 428. 194 Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1962] CIJ rec 6 à la p 36. 195Ibid à la p 37. 196 Jean-Pierre Cot, « L'arrêt de la Cour internationale de Justice dans l'affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande - Fond) » (1962) 8 :1 AFDI 217 à la p 220. 197 Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1961] CIJ rec 17. 198 Demande en interprétation de l'arrêt du 15 juin 1962 en l'affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c
Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande), [2013] CIJ rec 281 à la p 285 au para 1. 199Ibid à la p 286 au para 4.
43
restituer le temple de Préah Vihéar au Cambodge, raison pour laquelle celle-ci n’avait autre choix
que de faire encore recours à la Cour.
C’est pourquoi Mohamed Bedjaoui disait que « la décision de saisir la Cour est elle aussi,
dans chaque cas, la conséquence d'un choix politique, lui-même motivé, selon l'occurrence, par des
facteurs fluides de nature diplomatique, économique (…). Cela explique pourquoi (…), nombre de
différends classiquement reconnus comme justiciables de la Cour ne lui ont pas été soumis »200. Ce
qui semble renforcer les réticences qui s’observent parfois dans la mise en œuvre des décisions de
la Cour par les États (ceux condamnés).
Quand bien même qu’il serait possible pour un État victime de l’inexécution d’une décision
de la Cour de faire recours au Conseil de sécurité de l’ONU pour une exécution forcée, cette option
présente aussi des limites qu’il sied de montrer.
B- Les limites du recours au Conseil de sécurité des Nations Unies pour une exécution
forcée des décisions de la Cour
En sa qualité d’Organe judiciaire principal de l’ONU, la CIJ bénéficie en principe de l’appui
du Conseil de sécurité pour l’exécution à proprement parler de ses décisions. Dès lors que l’arrêt
est rendu et qu’aucun recours n’est intervenu à son encontre, les parties doivent procéder à son
exécution. D’où le caractère obligatoire201 des arrêts de la Cour. Toutefois, il n’en demeure pas
moins que cette exécution peut parfois se heurter à des difficultés liées au refus d’une des parties
de s’acquitter de sa part de responsabilité. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 94 de la Charte
«Chaque Membre des Nations Unies s'engage à se conformer à la décision de la Cour internationale
de Justice dans tout litige auquel il est partie». Ce paragraphe oblige les États membres de l’ONU
à se conformer aux décisions de la Cour. En plus de ces États, cette obligation incombe aux États
non membres de l’ONU, mais qui sont parties au Statut de la Cour. Par exemple, en adhérant au
Statut de la CIJ, le Japon avait de ce seul fait, accepté de s’acquitter de « toutes les obligations qui
incombent à un membre des Nations Unies en vertu de l’article 94 de la Charte »202, alors même
200 Mohammed Bedjaoui, L'humanité en quête de paix et de développement (II) : cours général de droit international
public, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2006 à la p 92 [Bedjaoui]. 201 Supra note 6, art 59. 202 Demande du Japon pour devenir partie au Statut de la Cour internationale de Justice, Rés AG 805 (VIII), Doc off
AG NU, 8e sess, Doc NU A/2600 (1953) 56.
44
qu’il n’était pas encore membre de l’ONU. Quant aux États admis à ester devant la Cour sans être
parties à son Statut, et qui n’ont pas non plus la qualité de membres des Nations Unies, leur
obligation à devoir se conformer aux décisions de la CIJ est organisée par le Conseil de sécurité de
l’ONU qui en vertu du paragraphe 2203 de l’article 35 du Statut de la Cour, a adopté la résolution
9204, du 15 octobre 1946. Aux termes du paragraphe 1 de cette Résolution, le Conseil évoque que
tout État non partie au Statut de la Cour, pourrait accepter la juridiction obligatoire de la Cour.205
Dans l’affaire de l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c Serbie-et-Monténégro)206, la Cour a dû faire référence à cette
résolution pour justifier sa compétence, car en l’occurrence l’une des parties n’était pas membre
des Nations Unies. Il s’agissait de la ‘’Serbie-et-Monténégro’’, qui était à cette époque un État à
part entière. Sa scission n’interviendra que plus tard pour donner naissance à deux États : ce sont
la Serbie, dont l’adhésion à l’ONU est intervenue le 1er novembre 2000207, et le Monténégro qui
devint membre de la même Organisation à la date du 28 juin 2006.208
Cette exécution de bonne foi des décisions de la Cour semble être empruntée du Pacte de
la SDN. Son article 13209 faisait obligation aux membres de ladite Organisation de réserver une
exécution sincère aux décisions qui émaneraient non seulement de la CPJI, mais aussi des tribunaux
arbitraux. C’est le paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte qui révèle la nécessité qui réside dans
l’exécution des décisions de la Cour, et les implications qui s’attachent à leur empiètement. Selon
ce paragraphe, « Si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu
d'un arrêt rendu par la Cour, l'autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s'il le juge
nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter
203 « Les conditions auxquelles elle est ouverte aux autres Etats sont, sous réserve des dispositions particulières des
traités en vigueur, réglées par le Conseil de sécurité, et, dans tous les cas, sans qu'il puisse en résulter pour les parties
aucune inégalité devant la Cour ». 204 Conseil de sécurité des Nations Unies, « Résolutions du Conseil de sécurité en 1946 », en ligne :
<http://www.un.org/fr/sc/documents/resolutions/1946.shtml>. 205 À cet effet, il « devra avoir déposé préalablement au greffe de la Cour une déclaration par laquelle il accepte la
juridiction de la Cour conformément à la Charte des Nations Unies et aux conditions du Statut et du règlement de la
Cour, déclaration par laquelle il s’engage à exécuter de bonne foi la ou les sentences de la Cour et à accepter toutes les
obligations mises à la charge d’un Membre des Nations Unies par l’article 94 de la Charte ». 206 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c
Serbie-et-Monténégro), [1996] CIJ rec 595. 207 Nations Unies, « États membres », en ligne : < http://www.un.org/fr/members/>. 208 Supra note 207. 209 Cet article stipule que : « Les Membres de la Société s’engage à exécuter de bonne foi les sentences rendues par la
Cour permanente ou les tribunaux arbitraux ».
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l'arrêt ». En clair, ce paragraphe ouvre la voie à l’exécution forcée des décisions de la Cour, devant
le Conseil de Sécurité, à la demande de toute partie. La seule tentative d’application de cette
disposition dans l’affaire Activités militaires au Nicaragua contre le Nicaragua s’est heurtée au
veto des États-Unis qui étaient alors, partie au différend.210 C’est de près l’un des incidents
malheureux qui ternit l’image de la Cour, cet usage de véto des membres permanents du Conseil
de Sécurité, surtout lorsque l’un d’eux est partie à un différend. Mais bien avant d’en arriver aux
obstacles liés à l’exécution des décisions de la Cour par le fait de l’usage par les membres
permanents du Conseil de sécurité de leur droit de veto, tenons-nous au contenu même du
paragraphe 2 de l’article 94 de Charte pour constater les limites qui s’y dégagent.
D’une part, ce paragraphe ne laisse pas présumer la possibilité d’un recours devant le
Conseil de sécurité pour une exécution forcée de décisions de la Cour autres que les arrêts.
Quoiqu’il soit possible donc de recourir au Conseil de sécurité, ce recours semble limité aux arrêts
de la Cour et ne concernerait donc pas ses ordonnances.211 Pourtant ces ordonnances sont d’une
grande utilité surtout quand elles visent à indiquer des mesures conservatoires relatives à l’arrêt
d’hostilités, de sorte que leur urgence devrait commander une célérité d’action de la part du Conseil
de sécurité. Par exemple, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie)212,
bien avant l’arrêt sur les exceptions préliminaires soulevées par la Russie, la Géorgie avait demandé
à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires parce qu’elle subissait des attaques armées russes
sur une partie de son territoire. Le 15 octobre 2008, la Cour prit une ordonnance dans ce sens et
invitait ainsi les parties à la protection des personnes et de leurs biens, à la facilitation de l’aide
humanitaire apportée aux populations locales des provinces géorgiennes de l’Abkhazie et de
l’Ossétie du Sud.213Mais en réalité, le cessez-le-feu n’interviendra pour arrêter les violences qu’à
partir d’une médiation de la France.214
210 Guillaume, supra note 48 aux pp 181-182. 211 Kolb, supra note 41 à la p 872. La doctrine reste toutefois divisée sur la question, à savoir si les ordonnances de la
Cour peuvent aussi faire l’objet de recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité de l’ONU au même titre
que ses arrêts. 212 Supra note 91. 213 Application de la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie
c Fédération de Russie), Ordonnance du 15 octobre 2008, [2008] CIJ rec 353 aux pp 398-399 au para 149. 214 Perspective Monde, « Cessez-le-feu dans le conflit entre la Géorgie et l'Ossétie du Sud », en ligne :
<http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=1190>.
46
D’autre part, en partant de l’idée que les États sont des entités souveraines et qu’il est dans
une certaine mesure impossible pour quiconque de s’immiscer dans leurs politiques internes,215 on
peut s’attendre à une limite à l’action du Conseil de sécurité visant à forcer un État à l’exécution
d’un arrêt de la Cour, aussi longtemps que le refus de l’exécution ne constitue pas une menace à la
paix et à la sécurité internationales.216 Dans cette hypothèse, le Conseil de sécurité agirait en
principe, non pas pour faire aboutir l’exécution de l’arrêt de la Cour en premier lieu, mais pour
protéger la paix et la sécurité internationales, en vertu des pouvoirs que lui confère le chapitre VII
de la Charte de l’ONU.217
Toutefois, s’il peut être facile au Conseil de sécurité de contribuer à la mise en œuvre des
arrêts de la Cour contre tous les États en général, rien n’est moins sûr qu’il puisse jouer ce même
rôle lorsque ces arrêts impliquent ses membres permanents en particulier.
Section 2 : Les difficultés liées à l’exécution des décisions de la Cour par un membre
permanent du Conseil de sécurité
Les limites aux recours aménagés en faveur des États parties à des différends devant la CIJ
pour l’exécution forcée de ses arrêts par le Conseil de sécurité se conçoivent encore plus aisément
surtout lorsque de tels recours sont orientés contre les membres permanents de ce Conseil. Le droit
dont chacun des membres permanents du Conseil de sécurité jouit pour pouvoir faire usage de son
veto pour paralyser l’adoption d’une résolution est ce qui justifie le plus les incertitudes liées à
l’aboutissement de ces recours en exécution forcée (paragraphe 1). C’est la traduction de l’idée
selon laquelle l’exécution des arrêts de la Cour par les membres du Conseil de sécurité présente
des difficultés non moins négligeables si l´on en croit à certains exemples d’affaires bien précis
(paragraphe 2).
215 C’est l’idée relative au principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État, proclamé au paragraphe
7 de l’article 2 de la Charte de l’ONU. 216 Guillaume, supra note 48 à la p 181. 217 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 644. 218 Supra note 1, art 24 au para 1.
47
Paragraphe 1 : L’impact de l’usage du veto d’un membre du Conseil de sécurité de
l’ONU sur l’exécution des arrêts de la Cour
Le Conseil de sécurité est celui à qui il appartient en premier lieu de promouvoir le maintien
de la paix et de la sécurité internationales.218 Sa composition ressort du paragraphe premier219 de
l’article 23 de la Charte de l’ONU. C’est lors de la prise des décisions qu’apparaît la possibilité
pour ses membres permanents de faire usage de leur droit de veto. À en croire au Dictionnaire de
droit international public, le veto est un « vote négatif au sein d’un organe collégial empêchant par
lui seul l’adoption d’une proposition.».220 Le droit des membres permanents à l’usage du véto se
trouve prévu au paragraphe 3 de l’article 27 de la Charte de l’ONU qui affirme que : « Les décisions
du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses
membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents […].».
Pour nous rendre à l’évidence de l’impact de l’usage du droit de veto par les membres
permanents du Conseil de sécurité, nous prenons pour appui les aspects définitionnels que Bardo
Fassbender pense du veto. Pour lui en effet, l’usage du droit de veto doit être perçu sous quatre
angles dont deux nous serviront dans notre raisonnement.221 Premièrement, l’usage du veto apparait
comme une aubaine pour les membres permanents du Conseil de sécurité de faire valoir leur
souveraineté, chacun individuellement à l’égard des autres membres. En cela, Bardo Fassbender
aligne son point de vue sur celui du professeur Brierly, qui établit la corrélation entre la règle de
l’unanimité et la souveraineté des membres du Conseil de sécurité en ces termes :
The general body of states has no legislature, no machinery, that is to say,
which allows a majority to outvote a dissentient minority and to pass measures into law
which will then become binding on all, whether they have agreed or not ; for the
member states are ‘sovereign’, and one of the consequences of sovereignty is that a
state’s legal position cannot be altered referred to as the ‘rule of unanimity’, or
sometimes it is said that states have a right of ‘veto’ on changes in the law….222.
219 Ce paragraphe dispose que : « Le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La
République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande du Nord, et les États-Unis d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres
Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée
générale qui tient spécialement compte, en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation au maintien
de la paix et de la sécurité internationales et aux autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique
équitable ». 220 Salmon, supra note 2 à la p 1129. 221 Bardo Fassbender, UN Security Council Reform and the Right of Veto: A constitutional perspective, Hague; Boston,
Kluwer Law International, 1998 aux pp 277-281 [Fassbender]. 222 Fassbender, supra note 221, à la p 278, op. cit.
48
À y voir de près, si l’usage du veto offre à chacun des membres permanents du Conseil le
privilège d’avoir une prise de position dans l’adoption des décisions les plus importantes au sein
de la communauté internationale, il permet aussi que cette prise de position compte pour l’ensemble
des membres du Conseil dans la mesure où la règle de l’unanimité suppose que la prise d’une
décision au sein de ce Conseil ne saurait aboutir tant qu’un membre permanent aurait émis un vote
négatif.
Le deuxième aspect définitionnel que cet auteur sous-entend du veto est que celui-ci permet
à chaque membre permanent du Conseil de sécurité la possibilité d’empêcher toute ingérence de
l’ONU dans la gestion de sa politique intérieure, voire de protéger tout autre État de son choix
contre une telle ingérence. Ainsi dit-il que: « The veto gives each of the permanent members ‘the
capacity to prevent the operation of the United Nations enforcement system against itself, against
any state which it chooses to support and protect, or in any other case in which it prefers not to
participate or to have others participate in an enforcement venture under United Nations
auspices’»223. Cette dernière idée suppose que, d’une part, l’impact de l’usage du droit de veto sur
l’exécution d’un arrêt de la Cour peut profiter à chacun des membres permanents du Conseil de
sécurité pris individuellement s’il se trouve que c’est l’un d’eux qui est visé par le recours pour une
exécution forcée d’arrêt de la Cour.
De ce point de vue, supposons deux États A et B, parties à un différend porté par requête
devant la Cour par l’État A; et que, A et B sont tous des membres permanents du Conseil de
sécurité. En cas d’inexécution de l’arrêt de la Cour ayant découlé dudit différend par l’État B, l’État
A pourra effectivement recourir au Conseil de sécurité pour obtenir une exécution forcée de l’État
B en vertu du paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte de l’ONU. Dans la mesure où l’État B est
aussi un membre permanent du Conseil et a de ce point de vue un droit de veto, il pourra du coup
empêcher l’adoption de la résolution que le Conseil de sécurité voudrait prendre à son encontre par
un vote négatif.
Dans un autre sens, supposons que la Cour soit saisie d’une affaire sur requête d’un État X
contre un autre État Y et que ce soit ce dernier qui ait succombé au terme de l’arrêt rendu, sachant
qu’il nourrit de bonnes relations diplomatiques avec un autre État A, membre permanent du Conseil
223 Ibid., à la p 280, op. cit.
49
de sécurité. Si l’État Y refuse de se conformer à l’arrêt qui le condamne, l’État X tient du
paragraphe 2 de l’article 94 de la Charte le droit de recourir au Conseil de sécurité pour obtenir de
lui, l’adoption d’une résolution qui viserait à contraindre l’État Y à mettre en œuvre l’arrêt de la
Cour. Toutefois, cette résolution pourrait ne point aboutir en raison de l’État A, qui pourra faire
usage de son droit de veto pour émettre un vote négatif dans l’optique de protéger l’État Y compte
tenu de l’excellence des relations diplomatiques qu’il entretient avec lui.
Sur ce, si le véto peut être bénéfique au membre permanent du Conseil qui en fait usage, il
peut en être autrement pour les autres États membres permanents ou non permanents. Dans son
ouvrage intitulé, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états
avant le pacte de la Société des Nations, Charles Dupuy souligna à juste titre les méfaits de cet
usage du véto par les membres permanents du Conseil de la SDN en ces termes : « Lorsque la
Pologne fut envahie, en 1920, Lloyd George déclara qu’il était inutile de saisir le Conseil de la
Société des Nations, pour cette raison, que les décisions n’y pourraient être prises qu’à l’unanimité
et que l’unanimité n’existait pas entre les membres de la Société sur la politique à suivre à l’égard
de la Pologne d’une part, et du Gouvernement des Soviets d’autre part.»224. Le véto d’un membre
permanent du Conseil de sécurité peut donc être contreproductif pour tout autre État non membre
du Conseil.
Il est possible de déduire cet effet contreproductif de l’usage du veto sur le Nicaragua suite
au refus des États-Unis de se conformer à l’arrêt de la Cour dans les Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique)225. Cela peut
se déduire du fait du temps écoulé entre la date de l’arrêt226 incriminant les États-Unis et le jour où
l’ordonnance227 de radiation de l’affaire du rôle de la Cour est intervenue. La seule option à laquelle
le Nicaragua pouvait recourir pour faire exécuter l’arrêt de la Cour par les États-Unis était le recours
au Conseil de sécurité. Après que son recours se soit heurté au veto étatsunien qui paralysa
l’adoption de la résolution qui devrait être prise par le Conseil, le Nicaragua finit par se désister.
Rien ne pourrait prouver que le Nicaragua introduirait cette instance devant la Cour s’il savait
effectivement que les États-Unis se garderaient d’exécuter l’arrêt qui y découlerait, et ce, malgré
224 Charles Dupuy, Le droit des gens et les rapports des grandes puissances avec les autres états avant le pacte de la
Société des nations, Paris, Plon-Nourrit et cie, 1921 à la p 198. 225 Supra note 80. 226 Supra note 49. 227 Supra note 112.
50
un recours en exécution forcée devant le Conseil de sécurité. Autant vaudrait en effet, pour le
Nicaragua de ne pas saisir la Cour, que de le faire sans jamais obtenir de son adversaire la mise en
œuvre de l’arrêt qui devrait le condamner.
Cette affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-
ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), occupe une grande place au sein de la jurisprudence de la
Cour au regard des implications qui ont été la sienne, à telle enseigne qu’il nous apparaît tout à fait
légitime de réserver un développement en entier sur elle, de même que l’affaire des Essais
nucléaires.
Paragraphe 2 : Les cas d’inexécution des décisions de la Cour par un membre
permanent du Conseil de sécurité de l’ONU
Parmi les arrêts de la Cour qui ont fait objet d’inexécution par un membre permanent du
Conseil de sécurité, figure en bonne place l’affaire Activités militaires au Nicaragua contre celui-
ci (A). En plus de cette affaire, celle relative aux Essais nucléaires aurait d’une certaine manière
contribuée à lever toute équivoque sur les méfiances des membres du Conseil de sécurité à se voir
attraire devant cette Haute Juridiction et a fortiori, se soumettre à sa compétence (B).
A- L’inexécution par les États-Unis de l’arrêt de la Cour dans l’affaire relative aux
Activités militaires au Nicaragua contre celui-ci228
Il est presqu' impossible de réaliser une étude approfondie sur la jurisprudence de la CIJ
sans avoir égard à l’affaire relative aux Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique)229, compte tenu de son importance. À ce sujet,
l’agent du Nicaragua disait en 1984, au cours de l’introduction de l’instance devant la Cour que :
« Si cette affaire a suscité un intérêt mondial, ce n'est pas en raison des problèmes proprement
juridiques en cause, mais parce que l'espoir dans le monde réside dans cette possibilité, pour une
petite nation de trouver protection dans ce Palais de la Paix »230.
228 Nous avons choisi de réserver un développement en entier à cette affaire à travers ce point, car même si nous
l’avions souvent abordée dans nos raisonnements précédents, ce fut de façon parcellaire. 229 Supra note 49. 230 Supra note 80 aux pp 67-68.
51
Sur ce, cette importance de l’affaire tient au mérite d’avoir impliqué les États-Unis, qui sont
également l’un des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (article 23 paragraphe 1
de la Charte de l’ONU). Elle reste de même relative aux règles de droit international qui y ont
trouvé application. Pour certaines d’entre elles, ce fut la première fois à avoir fait objet
d’application tandis que pour d’autres, ce fut un cadre idéal pour leur activation même si elles
avaient été évoquées bien avant dans d’autres affaires. C’est le cas des principes du non-recours à
la force231 (sauf cas de légitime défense individuelle ou collective)232, de la non-ingérence dans les
affaires d’un autre État233, de l’égalité souveraine des États234, sans oublier les implications
humanitaires qu’avait cette affaire et qui conduisirent la Cour à faire recours à certaines règles de
droit international humanitaire235.
Outre cette importance, le choix de cette affaire réside dans ses conséquences directes ; ce
qui nous sert d’appui pour témoigner des risques liés à l’introduction d’instance par la voie de
requête unilatérale devant la CIJ contre un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.
Ces conséquences directes sous-entendent d’abord, les exceptions d’irrecevabilité de la requête
devant la Cour,236 ensuite la non-comparution lors du jugement au fond,237 en plus de l’inexécution
de l’arrêt et de la radiation de l’affaire du rôle de la Cour,238 par le seul fait du défendeur, à savoir,
les États-Unis qui, enfin, finiront par retirer leur déclaration facultative de juridiction obligatoire
en signe de désaveu de la juridiction de la CIJ239.
En effet, c’est après la chute du gouvernement du président nicaraguayen, Anastasio
Somoza Debayle en juillet 1979, que ce différend intervient entre le Nicaragua et les États-Unis.
Ce départ fait suite à la mise en place d’un gouvernement appuyé par une junte qui avait pour
231 Supra note 49 aux pp 146-147 au para 292.4. Pour en savoir davantage sur le fait que le principe du non recours à
la force contre un autre État, a été invoqué, la première fois, voir Caroline Lang, l’Affaire Nicaragua/États-Unis devant
la Cour internationale de Justice, Paris, Librairie Générale de droit et de jurisprudence, 1990 à la p 202 [Lang]. 232 Article 51 de la Charte de l’ONU. 233Supra note 49 à la p 146 au para 292.3. 234Supra note 49 aux pp 143-148. 235 Ibid. 236 Pour cerner le contenu de ces exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité, voir l’arrêt de la Cour dans l’affaire
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), compétence
et recevabilité : Supra note 80. 237 Infra aux notes 251 et 252. 238 Infra aux note 255. 239 Gharbi, supra note 159.
52
mission d’aider à la reconstruction nationale.240 Jusqu’en 1981 après ces événements, le
gouvernement du Nicaragua bénéficiait du soutien et de l’assistance des États-Unis, qui mettront
fin à leur collaboration à partir de cette date.241 Ce fut l’occasion pour l’opposition au
gouvernement nicaraguayen de se scinder au tour de la Fuerza Democratica Nicaragüense (FDN)
et de 1'Alianza Revolucionaria Democratica (ARDE), qui constituaient la guérilla de las
Contras.242 Dès lors, on assistera à un revirement des États-Unis dans leur politique de soutien en
la faisait bénéficier maintenant à las Contras au détriment du gouvernement nicaraguayen. Il n’en
fallait pas plus que ces derniers commencent à se livrer à des attaques contre ce gouvernement et
contre des populations civiles à travers des exécutions de prisonniers, des assassinats et meurtres
de civils, des tortures, des viols et des enlèvements.243
La requête du Nicaragua devant la Cour fut introduite le 9 avril 1984.244 Ce fut dans un
contexte de conflit armé qui opposait le gouvernement de cet État à la guérilla de las Contras245.
À en croire au contenu de cette requête, le soutien dont bénéficiait cette guérilla proviendrait des
États-Unis. Pour le Nicaragua en effet les États-Unis seraient à la base du recrutement, de la
formation, de l’armement, de l’équipement, du financement, et de tout autre approvisionnement
dont les Contras bénéficiait pour mener des attaques armées contre son gouvernement.246 Outre
ces actions de déstabilisations indirectes perpétrées par les États-Unis à l’encontre du Nicaragua,
ce dernier reprochait à son adversaire de se livrer à d’autres activités, en violation directe du droit
international.247 C’est entre autre la violation de ses espaces aérien, terrestre et maritime par des
forces spéciales américaines, la réduction de ses importations en provenance des États-Unis, en
plus d’un embargo commercial imposé par les États-Unis, etc.248 D’où l’intérêt du Nicaragua à
avoir saisi la Cour contre les États-Unis en les y assignant. Toutefois, les problèmes auxquels cette
affaire s’est heurtée sont tel qu’il est possible d’alléguer qu’il en aurait été autrement si le
demandeur avait pu négocier la conclusion d’un compromis avec les États-Unis. Parmi ces
240 Supra note 49 aux pp 20-21 au para 18. 241 Supra note 49 à la p 21 au para 19. 242 Supra note 49 à la p 21 para 20. 243 Supra note 239. 244 Supra note 49 à la p 16 au para 1. 245 Lang, supra note 231 aux pp 2-4. 246 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique), requête
introductive d’instance nicaraguayenne du 9 avril 1984 à la p 17 au para 26. 247 Ibid aux para 21 et 26. 248 Supra note 49 à la p 22 au para 22.
53
difficultés, de prime abord, l’on note l’objection américaine à la saisine de la Cour par la voie
unilatérale. Sur ce, la Cour devrait démontrer sa compétence à connaître de l’affaire, car les États-
Unis s’y étaient opposés à travers des exceptions d’irrecevabilité qu’ils ont formulées à la suite de
la saisine de la Cour.249
Dans son arrêt du 26 novembre 1984, la Cour affirme être compétente pour connaître de
l’affaire, rejetant ainsi les exceptions auxquelles les États-Unis faisaient référence.250 Il lui fallait
ainsi examiner l’affaire au fond. Cependant et parce qu’ayant été déçus de l’arrêt la compétence de
la Cour à connaitre de l’affaire, les États-Unis n’ont plus voulu comparaitre au cours de la phase
consacrée au fond du jugement de l’affaire.251 Ils l’ont mentionné à la Cour dans une lettre datée
du 18 janvier 1985.252 La non-comparution du défendeur n’est pourtant pas sans conséquence sur
la bonne administration de la justice, car en l’occurrence, il appartiendra à la Cour de s’impartir un
rôle que devrait en principe jouer le défendeur en se chargeant de l’administration de la preuve, ou
bien confier un tel rôle au demandeur.253 Or, au cours de la procédure orale sur le fond, l’agent du
Nicaragua s’était opposé à ce que la Cour s’acquitte de la charge de la preuve en faveur des États-
Unis.254
Par ailleurs, si la non-comparution des États-Unis n’a pas empêché la Cour de poursuivre
la procédure au fond pour déboucher à l’arrêt du 27 juin 1986, il n’en demeure pas moins le refus
de cet État de l’exécuter. Ce fut la raison du recours opéré par le Nicaragua devant le Conseil de
sécurité de l’ONU, espérant obtenir de ce dernier qu’il adopte une résolution qui oblige les États-
Unis à se conformer à l’arrêt de la Cour. Toutefois, en tant que membre permanent de ce Conseil
et y ayant par voie de conséquence un droit de veto, les États-Unis paralysèrent l’adoption d’une
telle résolution qui devrait les incriminer. D’où le désistement du Nicaragua et la radiation de
l’affaire du rôle de la Cour.255 Peut-être furent-ils humiliés dans cette affaire, et en tirant leçon de
de cette situation, les États-Unis décidèrent de retirer leur déclaration de juridiction obligatoire en
249 Supra note 80 aux pp 396-397 aux para 8 et 9. 250 Supra note 80 à la p 442 au para 113.1)a). 251 Supra note 80 à la p 20 au para 17. 252 Supra note 49 à la p 14 au para 10. 253 Lang, supra note 231 à la p 194. 254 Lang, supra note 231 à la p 194. 255 Supra note 112. 256 Gharbi, supra note 159 à la p 439. 257 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 642-643.
54
vertu de laquelle la Cour établit sa compétence pour connaitre de l’affaire.256 Cette affaire révèle
de par tout ce qui précède, les risques liés à la possibilité pour un État demandeur d’obtenir d’un
État, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, l’exécution d’un arrêt de la CIJ qui le
condamne, s’il ne le souhaite pas.257
En plus de cette affaire, celle relative aux Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France)258
et (Australie c France)259, illustre tout de même cette réalité.
B- L’inexécution par la France de l’ordonnance de la Cour relative aux mesures
conservatoires dans l’affaire des Essais nucléaires
Il ressort des faits de cette affaire qu’au début des années 70, la France avait entrepris de
procéder à des essais d’armes nucléaires en haute Polynésie française.260 Vu la proximité entre
cette région et les territoires de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, ces derniers craignaient de
subir des répercussions directes de ces essais, sous la forme de matières radioactives qui seraient
dangereuses pour la santé de leurs populations.261 Ainsi, avaient-ils engagé des tentatives de
négociations avec la France afin de la convaincre à renoncer à ces essais d’armes nucléaires. Ces
tentatives n’ayant pas abouti,262 ce fut l’occasion pour ces deux États de porter l’affaire devant la
CIJ par la voie de requête unilatérale, à la même date, soit le 9 mai 1973.263
La proximité entre les faits dans ces deux affaires par l’idée qu’ils avaient le même objet,
fit en sorte que les requêtes par le biais desquelles elles furent introduites devant la Cour avaient
presqu’un objet similaire. Sur ce, la Nouvelle-Zélande demandait à « la Cour de dire et juger que
les essais nucléaires provoquant des retombées radioactives effectués par le Gouvernement français
dans la région du pacifique Sud constituent une violation des droits de la Nouvelle-Zélande au
regard du droit international et que ces droits seront enfreints par tout nouvel essai.».264 Quant à
258 Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), [1974] CIJ rec 457. 259 Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253. 260 David Ruzié, Droit international public, 18e éd., Paris, Dalloz, 2006 à la p 236 [Ruzié]. 261 Supra note 259 à la p 258 au para 18 ; voir aussi supra note 258 à la p. 462 au para18. 262 Supra note 259 aux pp 260-261 aux para 26-27 ; voir aussi Supra note 258 à la p 464 au para 26. 263 Supra note 258 à la p 458 au para 1 ; voir aussi supra note 259 à la p 254 au para 1. 264 Supra note 258 aux pp 459-460 au para 11. 265 Supra note 259 à la p 256 au para 11. 266 Essais nucléaires (Australie c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 99 ; voir aussi supra note 160. 267 Supra note 259 à la p 255 au para 5.
55
l’Australie, elle demandait pour sa part à « la Cour de dire et juger que (…), la poursuite des essais
atmosphériques d'armes nucléaires dans l'océan Pacifique Sud n'est pas compatible avec les règles
applicables du droit international et ordonner à la République française de ne plus faire de tels
essais. ».265 C’est pourquoi d’ailleurs, les arrêts dans ces affaires ont tous été rendus à la même
date, soit le 20 décembre 1974, de même que les ordonnances en indication de mesures
conservatoires qui furent rendues le même jour du 22 juin 1973266, bien que leurs demandes ne
fussent pas introduites à la même date. C’est le 9 mai 1973 en effet, que l’Australie fit sa demande
à la Cour d’indiquer des mesures conservatoires, concomitamment à sa requête introductive
d’instance.267 Contrairement à la Nouvelle-Zélande, dont la demande d’indication de mesures
conservatoires fut présentée le 14 mai 1973.268
Ce qui importe le plus dans ces affaires, c’est l’attitude de la France, en tant que défendeur,
et qui est aussi un membre permanent269 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce qui permet
de déduire de ces affaires, qu’on aurait davantage gagné si chacun des demandeurs (Australie et
nouvelle Zélande), avait pu associer la France dans la saisine de la Cour en réussissant à obtenir
avec cet État, la conclusion d’un compromis pour servir de voie au recours à la Cour. Un certain
nombre de faits nous permet ce point de vue.
D’abord, dans ces affaires, la Cour fut heurtée à une contestation de sa compétence par la
France. Cette dernière soutenait son incompétence à pouvoir connaitre de ces affaires. Ce fut à
travers une lettre qui datait du 16 mai 1973, adressée au greffe de la Cour. Cette lettre indiquait qu’
« ainsi qu'il en a averti (…), le Gouvernement de la République française estime que la Cour n'a
268 CIJ, communiqué, 73/10, « Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France) » (14 mai 1973), en ligne :
<http://www.icj-cij.org/docket/files/59/11558.pdf>. 269 Supra note 1, art 23 au para 1. 270 Supra note 259 aux 256-257 au para 13; voir aussi supra note 258 à la p 460 au para 13. 271 Cet article stipule que, « Tous différends au sujet desquels les parties se contesteraient réciproquement un droit
seront, sauf les réserves éventuelles prévues à l'art. 39, soumis pour jugement à la Cour permanente de Justice
internationale, à moins que les parties ne tombent d'accord, dans les termes prévus ci-après, pour recourir à un tribunal
arbitral. Il est entendu que les différends ci-dessus visés comprennent notamment ceux que mentionne l'art. 36 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale ». 272 Aux termes de cet article, « Lorsqu’un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi à une juridiction que
devait instituer la Société des Nations ou à la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale de
Justice constituera cette juridiction entre les parties au présent Statut. ». 273 Ce paragraphe 1 de l’article 36 dispose que, « La compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties
lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les traités et
conventions en vigueur ».
56
manifestement pas compétence dans cette affaire et qu'il ne peut accepter sa juridiction ».270 En
conséquence de son incompétence, la Cour devrait radier ces affaires de son rôle. Toutefois, aux
termes des paragraphes premiers des arrêts définitifs rendus dans ces affaires le 20 décembre 1974,
les demandeurs entendaient fonder la compétence de la Cour en vertu de l'article 17271 de l'Acte
général pour le règlement pacifique des différends internationaux conclu à Genève le 26 septembre
1928, l’article 37272 et les paragraphes 1273 et 2274 de l’article 36 du Statut de la Cour. Du point de
vue de la France, rien de tout cela ne devrait habiliter la Cour à faire droit aux demandeurs dans la
réception de leurs requêtes. Elle avait effectivement consenti à la compétence de la Cour à travers
sa déclaration d’acceptation de sa juridiction obligatoire du 20 mai 1966. Il n’en demeurait pas
moins que celle-ci était assortie d’une réserve prévue à son paragraphe 3 et qui excluait de la
compétence de la Cour, «des différends nés d’une guerre ou d’hostilités internationales, des
différends nés à l’occasion d’une crise intéressant la sécurité de la nation ou de toute mesure ou
action s’y rapportant et des différends concernant des activités se rapportant à la défense
nationale».275
Ensuite, dans la mesure où la Cour paraissait incompétente de son point de vue pour
connaitre de ces affaires, la France refusa de se conformer à l’ordonnance de la Cour du 22 juin
1973, qui la sommait de surseoir à ses expériences nucléaires en continuant ainsi ses essais
nucléaires.276Par ailleurs, elle se réserva de ne pas comparaître durant toute la suite de la procédure
consacrée au fond277, au grand regret de la Cour et des demandeurs, un peu comme dans l’affaire
274 Il ressort de ce paragraphe 2 que : « Les États parties au présent Statut pourront, à n'importe quel moment, déclarer
reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale, à l'égard de tout autre État acceptant la même
obligation, la juridiction de la Cour sur tous les différends d'ordre juridique ayant pour objet : a. l'interprétation d'un
traité; b. tout point de droit international; c. la réalité de tout fait qui, s'il était établi, constituerait la violation d'un
engagement international; d. la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un engagement international.». 275 Feydy, supra note 79 à la p 161. 276 Ruzié, supra note 260 à la p 236. 277 Supra note 259 aux pp 256-257 aux para 13 et 15 ; voir aussi supra note 258 aux pp 460-461 aux para 13 et 15. 278 La France ayant pris l’engagement de ne plus procéder à de tels essais d’armes nucléaires dans le futur. Ainsi, la
Cour jugea-t-elle sans objet les demandes qui lui avait été adressées par l’Australie et la Nouvelle Zélande : Supra note
259 à la p 272 aux para 60 et 62 ; voir aussi supra note 258 aux pp 477-478 aux para 63 et 65. 279 Supra note 259 à la p 270 au para 52. 280 Supra note 259 aux pp 271-272. 281 Gharbi, supra note 159 à la p 484 ; voir aussi Ruzié, supra note 260 à la p 236.
57
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, où les États-Unis avaient de
même refusé de comparaître.278
Toutefois, il convient de retenir de ces affaires que la France ne fut pas condamnée aux
termes des arrêts définitifs du 20 décembre 1974. La France ayant pris « l’engagement de ne plus
procéder à des essais nucléaires en atmosphère dans le Pacifique sud »,279 la Cour ne trouva plus
nécessaire de poursuivre la procédure.280 Or le 10 janvier 1974, soit onze mois avant la date des
arrêts définitifs, susmentionnée, la France adressa une notification au Secrétaire général de l’ONU
au motif qu’elle retirait sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour.281 Ce
retrait devrait donc être lié à un autre motif, à savoir celui qui conduisit la Cour à se déclarer
compétente. Mais, est-ce que cela valait réellement le coût ?
Dans tous les cas, on peut alléguer qu’il n’en aurait pas été le cas si un compromis avait été
à la base de la saisine de la Cour. Ainsi la déclaration française d’acceptation de la compétence de
la Cour aurait-elle toujours été en vigueur, car la France n’aurait plus pu remettre en cause la
compétence de la Cour, d’autant plus que ce compromis traduit la volonté commune des parties à
un différend de s’en remettre à la compétence de celle-ci.
58
Conclusion de la première partie
Au terme de notre analyse consacrée à cette première partie de notre étude, il importe de
retenir que la simplicité qui réside dans le recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale, ne
suffit pas à constituer un atout de telle sorte à croire qu’il faille privilégier cette voie. Cette
simplicité tient du fait qu’un État partie à un différend pourra de sa seule initiative le porter devant
la Cour pourvu qu’il ait consenti à sa compétence, encore que cette voie de la requête unilatérale
peut lui offrir le choix entre plusieurs bases juridiques pour fonder la compétence de cette
juridiction. Malheureusement, ses garanties semblent demeurer maigres pour pouvoir préjuger que
la Cour pourrait effectivement rendre un arrêt sur le fond du différend compte tenu des exceptions
que le défendeur pourra évoquer,282 sans occulter la mauvaise foi dont il pourrait faire preuve dans
la mise en œuvre des décisions de la Cour s’il s’avère que celles-ci iraient à l’encontre de ses
intérêts. Surtout, lorsque cet État défendeur est un membre permanent du Conseil de sécurité de
l’ONU, il est d’emblée difficile de croire qu’il se conformerait aux décisions de la Cour tant que
celles-ci le condamnent comme en témoigne l’histoire de la jurisprudence de la Cour elle-même.
Face à ces insuffisances de la requête unilatérale, la voie du compromis de saisine pourrait
constituer une réponse pour renforcer la compétence de la Cour durant toute la procédure de
règlement avec l’espoir que les États qui la privilégieront n’auront presque pas la possibilité de se
défaire de la mise en œuvre des décisions qui seront rendues (Deuxième partie).
282 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 633. Force est de constater que ces auteurs partagent
ce point de vue sur les limites de l’introduction d’instance devant la CIJ par la voie de requête unilatérale. Ainsi, disent-
ils que lorsque l’instance débute par une requête unilatérale, « puisque la compétence de la Cour dépend du
consentement des parties, le défendeur se prévaudra habituellement du droit qu’il a de soulever des exceptions
préliminaires ».
59
Deuxième partie : La protection de la compétence de la Cour contre les incidents de
procédure par le fait du compromis de saisine
On parle de saisine par la voie de compromis lorsque les parties conviennent de soumettre
leur différend à la CIJ d’un commun accord, donc de reconnaître sa compétence en l’espèce. Elles
concluent à cette fin ce qu’on appelle un compromis qui a, en principe la nature d’un accord
international bilatéral. Une fois saisie de ce compromis, la Cour pourra alors connaître de l’affaire.
La contribution du compromis au renforcement de la compétence de la Cour, apparaît évidente,
comme le soutient d’ailleurs, Robert Kolb pour qui, la compétence de la Cour est d’ordinaire mieux
assise sur la base d’un compromis, qui dans la grande majorité des cas, lui garantit une procédure
débarrassée d’exceptions préliminaires283 voire d’irrecevabilité. Pour se rendre à l’évidence de
cette contribution, notre raisonnement portera sur deux points essentiels. D’une part, il concernera
la portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre effective de la
règle du consensus (chapitre 1). D’autre part, il nous importera de révéler le bien fondé de la mise
en œuvre du consensualisme entre les parties qui recourent à la Cour par la voie de compromis sur
le cours de la procédure de règlement des différends (chapitre 2).
283 Supra note 53.
60
Chapitre I : La portée du recours à la CIJ par voie de compromis à travers une mise en œuvre
effective du consensualisme
Notre analyse portera sur deux niveaux. Dans un premier temps, la portée du compromis
concerne la possibilité pour les États de soumettre leurs affaires à des formations restreintes de
chambres pour leur règlement (section 1). Dans un second temps, cette portée a trait aux avantages
directs liés au recours à la Cour par la voie du compromis (section 2).
Section 1 : La constitution des formations restreintes de chambres pour le règlement
des affaires
Force est de rappeler avant toute chose que le recours aux formations restreintes de
chambres de la Cour n’est généralement et en principe possible qu’au cas où il se fait par voie
compromis. L’idée étant qu’un État partie à un différend ne pourrait prendre l’initiative de
demander à la Cour de constituer une chambre pour connaître du différend qui l’oppose, « à moins
qu’un accord juridiquement contraignant ne lie les États en cause dans l’instance et ne prévoit la
constitution d’une telle chambre »284. Il conviendra de distinguer dans un premier temps les types
de chambres pouvant être constituées au sein de la Cour (paragraphe 1), et dans un second
temps, l’objectif sera de montrer ce en quoi consistent les atouts portant sur la constitution des
formations restreintes de chambres au sein de la Cour (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les types de chambres
Les formations restreintes de chambres au sein de la CIJ peuvent en principe être regroupées
en deux catégories. Il y a donc à distinguer d’une part, les chambres préconstituées (A) et d’autre
part les chambres ad hoc (B).
A- Les chambres préconstituées
En réalité, la CIJ n’est pas la seule juridiction qui comporte ou qui peut comporter des
chambres préconstituées, c’est-à-dire des chambres constituées au sein de la Cour indépendamment
284 Kolb, supra note 41 à la p 162.
61
de sa saisine par des parties au sujet de toute affaire. Même au niveau national, les juridictions sont
souvent constituées de tels types de chambres, chacune étant spécialisée pour connaître de types
d’affaires particulières ou selon son niveau de degré hiérarchique. Nous en voulons pour preuve la
Cour de cassation française. Cette haute juridiction de l'ordre judiciaire français est divisée en trois
chambres civiles ; une chambre commerciale ; une chambre sociale ; une chambre criminelle.285
Sur le plan international encore, on note la présence de chambres préconstituées dans certaines
juridictions. C’est le cas de la Cour Pénale Internationale (CPI) dont l’article 34) b. dispose que
« les organes de la Cour sont les suivants : a) La Présidence ; b) Une Section des appels, une Section
de première instance et une Section préliminaire ; c) Le Bureau du Procureur ; d) Le Greffe ». De
cet article, on aperçoit trois chambres autour desquelles s’organise la fonction judiciaire de cette
juridiction, à savoir la chambre préliminaire, la chambre de première instance et la chambre
d’appel.
Toutefois, au niveau de la CIJ, les chambres préconstituées ne sont pas hiérarchisées en
termes de degré de juridiction. Ainsi, conviendrait-il de savoir que la CIJ n’a pas de chambre de
première instance et de seconde instance pour que lorsqu’un État justiciable n’est pas satisfait d’une
décision rendue à un premier degré, il puisse interjeter appel auprès d’une autre chambre de second
degré, qui se chargerait du réexamen de l’affaire ayant fait objet de la décision. Par ailleurs,
contrairement à la CIJ, les justiciables auprès d’autres juridictions n’ont pas souvent le choix dans
le recours à l’une quelconque des chambres, si toutefois, leur affaire porte sur une matière
(commerciale par exemple), qui rentre dans la sphère de compétence matérielle de cette chambre.
Il existe, au niveau de la CIJ, deux types de chambres préconstituées. D’une part, c’est
l’article 29 du Statut de la Cour qui fait état de ces chambres préconstituées. Cet article dispose
qu’« en vue de la prompte expédition des affaires, la Cour compose annuellement une chambre de
cinq juges, appelés à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent. Deux juges
seront, en outre, désignés pour remplacer celui des juges qui se trouverait dans l'impossibilité de
siéger ». En l’occurrence, il s’agit d’une chambre dite de procédure sommaire. Parmi ses cinq juges
figurent le président et le vice-président de la Cour, à qui sont joints trois autres juges.286 L’objectif
285 Conseil départemental d’accès au droit des Landes, « La Cour de cassation », en ligne : <
https://www.courdecassation.fr/>. 286 Cour internationale de justice, « Chambres et comités », en ligne : <www.icj-cij.org>; voir aussi art 15 du
Règlement de la CIJ de 1978.
62
visé en instituant cette chambre est d’offrir à des justiciables conformément à leur volonté, une
modalité de traitement accéléré du différend qui les oppose.287 Toutefois, il n’en demeure pas moins
que depuis le début du fonctionnement de la Cour en 1946288, cette chambre n’a jamais été saisie
par des justiciables,289 et ce, en dépit des appels de l’Assemblée générale des Nations Unies290 et
de l’Institut de droit international,291 pour encourager les États à y recourir. La raison pourrait tenir
du fait qu’il n’y a probablement pas de différence entre un recours devant cette chambre de
procédure sommaire et une saisine d’une chambre ad hoc, constituées au titre du paragraphe 2 de
l’article 26 du Statut de la Cour, de telle sorte que les États préfèreraient cette dernière option au
regard de la marge de manœuvre qu’ils ont dans sa composition.292
Le second type de chambre préconstituée découle de l’article 26, paragraphe 1, du Statut de
la CIJ. Ce paragraphe mentionne que : « La Cour peut, à toute époque, constituer une ou plusieurs
chambres, composées de trois juges au moins selon ce qu'elle décidera, pour connaitre de catégories
déterminées d'affaires, par exemple d'affaires de travail et d'affaires concernant le transit et les
communications ». Ces chambres sont en principe constituées par la Cour avant la naissance de
tout différend. Quant au nombre de juges qui devront composer chacune de ces catégories de
chambres, de même que la durée de leur mandat, il appartient à la Cour de les fixer.293 Cependant
la désignation des juges se fait, « compte tenu des connaissances particulières, des aptitudes
techniques ou de l’expérience que chacun a pu acquérir en ce qui concerne la catégorie d’affaires
dont la chambre doit connaître »294. L’institution de ces chambres, répond en réalité au souci de
conférer aux juges de la Cour la possibilité de juger les affaires en fonction de leurs domaines de
spécialisation ou de leurs expériences ou compétences professionnelles. Ce qui permettra en retour
un traitement rapide des affaires qui leur seront soumises, car on peut comprendre que des juges
puissent facilement trancher une affaire sans la moindre difficulté et rendre une décision le plutôt
possible lorsqu’elle porte sur une matière dans laquelle ils ont une compétence notoire.
287 Pour en savoir davantage, voir : Les chambres de la Cour, en ligne : <http://www.pedone.info/cij/12-CIJ-.pdf>. 288 Infra note 498. 289 Raymond Ranjeva, « L'environnement, la Cour internationale de Justice et la Chambre spéciale pour les questions
de l'environnement » (1994) 40 :1 AFDI 433 à la p 434. 290 Examen du rôle de la Cour internationale de justice, Rés AG 3232 (XXIX), Doc off AG NU, 29e sess, Doc NU
A/9846 (1974) 147. 291 Guillaume, supra note 48 aux pp 60-61. 292 Kolb, supra note 41 aux pp 162-163. 293 Art 16 au para 1 du Règlement de la CIJ de 1978. 294 Art 16 au para 2 du Règlement de la CIJ de 1978.
63
Toutefois, les chambres que constitue ou peut constituer la Cour ne sont pas hiérarchisées.
Il convient donc de rappeler qu’il n’existe pas au sein de la Cour des degrés de juridiction.295 En
outre, les décisions rendues par chaque chambre sont considérées comme rendues par la Cour.296
Enfin, les chambres de la Cour, en permettant aux États de manifester leurs souhaits quant à leur
composition, s’apparentent à certains égards à des formations arbitrales297, tout en conservant
l’autorité qui s’attache à la Cour.
Avec l’émergence de certaines matières et dans le souci d’étendre la compétence matérielle
de la Cour à un grand nombre de domaines, certaines considérations commandaient la création au
sein de la Cour de chambres spécialisées ou régionales. Celles-ci devraient être constituées au titre
du paragraphe premier de l’article 26 du Statut de la Cour. C’est ainsi que la Cour a mis sur pied
en 1993 la chambre environnementale. Celle-ci devrait connaître des questions relatives à
l’environnement. Malheureusement, jusqu’à l’heure actuelle, aucune affaire n’a été soumise à cette
chambre, la laissant ainsi intacte.298 Ce manque d’engouement des États vis-à-vis des chambres
préconstituées de la Cour semble être comblé par le mécanisme des chambres ad hoc. Raison pour
laquelle Gilbert Guillaume299affirmait que « si la chambre de procédure sommaire et la chambre
pour les questions d’environnement n’ont jamais statué, le système des chambres ad hoc donnant
aux États un poids décisif dans le choix des juges a été l’un des facteurs qui ont contribué au
renouveau de la Cour internationale de Justice dans les années 1980 et demeure une possibilité qui
leur est ouverte »300.
Voyons à présent les chambres ad hoc que la Cour institue à l’initiative des États parties
aux différends.
295 C’est-à-dire que la juridiction de la CIJ n’est pas à être assimilée au système de juridiction de premier degré et de
second degré ou d’appel. 296 Supra note 6, art 27. 297 Kolb, supra note 41 à la p 161. 298 Guillaume, supra note 48 à la p 61. 299 Ancien juge à la Cour internationale de justice, du 17 septembre 1987 au 6 février 2000 ; et Président de ladite
Cour, du 7 février 2000 au 6 février 2003, en ligne : < http://legal.un.org/avl/pdf/ls/Guillaume_bio.pdf>. 300 Guillaume, supra note 48 à la p 63.
64
B- Les chambres ad hoc
Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du Statut de la Cour, celle-ci « se compose de
quinze membres. Elle ne pourra comprendre plus d'un ressortissant du même État ». Pour mieux
cerner le sens de cette disposition, l’article 9 du même texte nous vient en aide. On y retient que :
« Dans toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la
Cour non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans
l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes
juridiques du monde ».
Dans l’esprit des rédacteurs du Statut, on n’a certainement pas entendu avoir une Cour
composée de juges recrutés uniquement en vertu de leurs compétences juridiques ou intellectuelles.
En d’autres termes, les rédacteurs ont en réalité voulu donner une chance à toutes les régions du
monde d’avoir des ressortissants qui siègent dans la haute juridiction. Pour ce faire, une répartition
géographique équitable des quinze juges de la Cour a été établie de sorte à garantir leur véritable
indépendance et impartialité. Ainsi, a-t-il été convenu d’impartir trois juges au continent africain,
deux juges à l’Amérique latine, cinq juges à l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord, deux
juges à l’Europe orientale et enfin, trois juges au continent asiatique.301
Malgré tout, et compte tenu du nombre élevé d’États [au sein de la communauté
internationale], il peut être plus qu’impensable de réserver à tous ces États la possibilité d’élire
leurs ressortissants à la Cour. Pour combler une telle impossibilité, un mécanisme de constitution
de chambres au sein de la Cour a été mis sur pied. Au titre du paragraphe 2 de l’article 26 de son
Statut, « la Cour peut, à toute époque, constituer une chambre pour connaitre d'une affaire
déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec l'assentiment des
parties ». C’est au mécanisme des chambres ad hoc, que ce paragraphe fait allusion. Le paragraphe
premier de l’article 31 du Statut de la Cour explicite un peu plus avec cette stipulation : « Les juges
de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l’affaire dont la Cour est
saisie ». Cette institution des juges ad hoc n’est pas vaine.
301 Cour internationale de Justice, « Membres de la Cour », en ligne : <http://www.icj-
cij.org/court/index.php?p1=1&p2=2&lang=fr>.
65
Les juges de ces chambres ad hoc sont en effet, désignés et nommés pour siéger à titre
provisoire, avec les mêmes droits et prérogatives302 que les juges permanents pour toute la durée
d’une affaire à examiner. La raison de leur désignation tient de deux faits. D’une part, lorsqu’au
cours d’une instance devant la Cour, celle-ci comprend un juge de la nationalité d’une des parties,
toute autre partie est habilitée à désigner un juge (qui soit de sa nationalité ou pas) qui siègera à la
Cour pour ce différend.303 D’autre part, la désignation des juges ad hoc tient son fondement dans
le fait qu’aucune des parties au différend n’a un juge siégeant à la Cour. Chaque partie pourra ainsi
désigner une personne qui siègera en qualité de juge.304
D’un point de vue doctrinal, l’institution des juges ad hoc concède tout de même un
fondement. À cet effet, Jean Combacau et Serge Sur présentent cette institution comme un
«mécanisme (…) étranger à l’esprit du règlement judiciaire », mais qui « s’explique par le souci
d’attirer devant la Cour des États prêts à laisser trancher leur différend par des tiers (…) à condition
que leur point de vue puisse être accueilli avec bienveillance particulière en son sein par le
juge…qui présente dans cette formation judiciaire les garanties habituelles d’un arbitre
national»305.
Le Canada et les États-Unis ont été les tout premiers États à actionner la constitution d’une
Chambre ad hoc au sein de la Cour,306 dans le cadre du règlement de leur différend307 sur la question
de la délimitation de la frontière maritime divisant les zones de pêche et les zones de plateau entre
les deux États au large de la côte atlantique du golfe de Maine.308 Le fondement de la compétence
de la Cour reposait sur un compromis (conclu le 29 mars 1979 et qui entra en vigueur le 20
novembre 1981), que les parties ont notifié à la Cour à la date du 25 novembre 1981. Saisie du
302 Supra note 6, art 31 au para 6. 303 Selon le paragraphe 2 de l’article 31 de la CIJ, « Si la Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des
parties, toute autre partie peut désigner une personne de son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être
prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet d'une présentation en conformité des articles 4 et 5. ». 304 Aux termes du paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de la Cour, « Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de
la nationalité des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au
paragraphe précédent ». 305 Jean Combacau et Serge Sur, droit international public, Paris, Montchrestien, 3ème édition, 1997 à la p 575. 306 Paolo Palchetti, « Article 26 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of
Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 474 à la p 498 [Palchetti]. 307Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c États-Unis d'Amérique), [1984]
CIJ rec 246. 308 CIJ, communiqué, 82/1, « La Cour constitue une chambre pour examiner l’affaire présentée par le Canda et les
États-Unis », (26 janvier 1982), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/67/9798.pdf>.
66
différend, la Cour constitua la Chambre ad hoc en application des articles 26, paragraphe 2 et 31
de son Statut.309
Dans l’affaire du Différend territorial entre le Bénin et le Niger310 (arrêt de juillet 2005), le
8 avril 1994, les parties avaient conclu un accord portant création de la commission paritaire de
délimitation de leur frontière commune. Après qu’elles avaient échoué dans leurs efforts pour
parvenir à une solution négociée du différend, la commission proposa aux autorités des deux parties
de saisir par compromis la CIJ. Le compromis fut signé à Cotonou le 15 juin 2001 et entra en
vigueur le 11 avril 2002. C’est par le biais de ce compromis de saisine de la CIJ que le différend a
été soumis à une chambre ad hoc de la Cour.
Ce fut de même dans l’affaire du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali.311
Le Burkina Faso et le Mali sont deux États voisins situés dans la partie ouest-africaine. Des
incertitudes quant au tracé de leurs frontières communes avaient suscité de vives tensions entre
eux, et affecté la fraternité entre leurs populations. L’aggravation de ces tensions avait d’ailleurs
provoqué un véritable conflit armé.312 Ainsi, ces deux États avaient saisi la CIJ par compromis
signé le 16 septembre 1983. Ce compromis fut notifié conjointement au greffe de la Cour par ces
deux pays le 14 octobre 1983.
Les chambres ad hoc ont été sollicitées par des États dans le cas de bien d’autres différends.
Par exemple dans les affaires du Différend Frontalier (Burkina Faso c Niger)313, de la Souveraineté
sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour)314, de
la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie)315, de Ile de Kasikili c
Sedudu (Botswana c Namibie)316, du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El
Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant))317, etc.
309 Ibid. 310 Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90. 311 Différend frontalier (Burkina Faso c Mali), [1986] CIJ rec 554. 312 RFI archive, « Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts », en
ligne : <http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44919.asp>. 313 Différend frontalier (Burkina Faso c Niger), [2013] CIJ rec 44. 314 Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c Singapour), [2008]
CIJ rec 12. 315Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie), [2002] CIJ rec 625. 316 Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999] CIJ rec 1045. 317 Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant)), [1992]
CIJ rec 351.
67
À la suite de cette analyse portant sur les types de formations restreintes de chambres qui
peuvent être constituées au sein de la Cour, l’objectif consistera maintenant à montrer ce en quoi
ces chambres peuvent être un atout pour des États parties à un différend et influer sur le processus
de son règlement.
Paragraphe 2 : Les atouts portant sur la constitution des formations restreintes de
chambres au sein de la Cour
Dans un premier temps, il sera question pour nous de montrer la portée du recours aux
formations restreintes de chambres par le fait du compromis (A), avant que dans un second temps,
nous en arrivions à la réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour (B).
A- La portée du recours aux formations restreintes de chambres par le fait du compromis
Après avoir préalablement signifié le fait que la constitution des chambres au sein de la CIJ
reste grandement liée au recours par la voie du compromis, il conviendrait de rappeler que les
implications de celles-ci ne pourraient aller qu’au bénéfice du compromis. C’est en effet les parties
qui décident du règlement de leur différend par une chambre de la Cour. Elles le font en accord et
de façon préalable à la saisine de la Cour. Cette idée trouve même sa justification dans le
paragraphe 3 de l’article 26 du Statut de la Cour, selon lequel « les chambres prévues au présent
Article statueront, si les parties le demandent ». Ce qui permet du coup de cerner la complicité qui
existe entre le recours à la Cour par la voie de compromis et ces chambres.
Toutefois, le recours des parties à une chambre de la Cour ne saurait être fortuit, sinon elles
auraient pu directement et facilement saisir la Cour dans sa formation plénière, c’est-à-dire, dans
sa formation traditionnelle des quinze juges. Cela s’explique d’abord par l’idée des chambres ad
hoc, aussi appelées chambres spécialisées. Le paragraphe 2 de l’article 26 du Statut de la Cour, qui
constitue leur fondement juridique, prévoit que « la Cour peut, à toute époque, constituer une
chambre pour connaitre d'une affaire déterminée. Le nombre des juges de cette chambre sera fixé
par la Cour avec l'assentiment des parties ». Cette disposition fait transparaitre un certain nombre
d’avantages qui sont propres au recours à la Cour par la voie du compromis.
68
D’une part, les parties peuvent soit saisir toute la Cour composée de ses quinze juges, soit
soumettre leur différend non pas à toute la Cour, mais à une composition restreinte de celle-ci,
c’est-à-dire à une chambre constituée en son sein. De ce point de vue, on assiste d’une certaine
manière à une protection de la souveraineté des États parties à des différends, à soumettre ceux-ci
par la voie de compromis à la Cour. Rien n’oblige en effet, les parties à opter pour un règlement
de leur différend par tous les juges de la Cour. Nul doute que cette réalité peut susciter une
confiance accrue des États à la Cour, lorsque même dans le fonctionnement de celle-ci, son Statut
contribue à une certaine défense de leur souveraineté (supra note 6, art 36 au para 1), par la liberté
qu’il leur concède dans le choix des juges et de leur nombre. D’autre part, lorsqu’il découle du
paragraphe 2 de l’article 26 que, « le nombre des juges de cette chambre sera fixé par la Cour avec
l'assentiment des parties. », on en arrive à la déduction qu’autant le compromis permet le règlement
des affaires devant les formations restreintes de chambres de la Cour, autant il permet aux parties
de décider des juges qu’elles souhaiteraient voir statuer sur leurs affaires.
Cela suppose premièrement que les parties ont le choix dans le nombre des juges qui doivent
composer la chambre. Par exemple, dans l’affaire Différend frontalier (Bénin c Niger)318, portée
devant la Cour à la date du 3 mai 2002 à travers un compromis, les parties avaient décidé que la
chambre qui devrait se charger du règlement de leur différend soit composée de trois membres ou
juges de la Cour. Il s’agissait des juges, Gilbert Guillaume, Raymond Ranjeva et Pieter Hendrik
Kooijmans. En plus de ceux-ci, les parties avaient désigné deux autres juges ad hoc319 qui sont,
Mohamed Bennouna, pour le compte du Bénin et Mohamed Bedjaoui pour le compte du Niger.320
318 Supra note 310. 319 C’est l’article 31 du Statut de la Cour qui fait mention de la désignation des juges ad hoc en stipulant que, «1. Les
juges de la nationalité de chacune des parties conservent le droit de siéger dans l'affaire dont la Cour est saisie. 2. Si la
Cour compte sur le siège un juge de la nationalité d'une des parties, toute autre partie peut désigner une personne de
son choix pour siéger en qualité de juge. Celle-ci devra être prise de préférence parmi les personnes qui ont été l'objet
d'une présentation en conformité des Articles 4 et 5. 3. Si la Cour ne compte sur le siège aucun juge de la nationalité
des parties, chacune de ces parties peut procéder à la désignation d'un juge de la même manière qu'au paragraphe
précédent. 4. Le présent Article s'applique dans le cas des Articles 26 et 29. En pareils cas, le Président priera un, ou,
s'il y a lieu, deux des membres de la Cour composant la chambre, de céder leur place aux membres de la Cour de la
nationalité des parties intéressées et, à défaut ou en cas d'empêchement, aux juges spécialement désignés par les parties.
5. Lorsque plusieurs parties font cause commune, elles ne comptent, pour l'application des dispositions qui précèdent,
que pour une seule. En cas de doute, la Cour décide. 6. Les juges désignés comme il est dit aux paragraphes 2, 3 et 4
du présent Article doivent satisfaire aux prescriptions des Articles 2, 17, paragraphe 2, 20 et 24 du présent Statut. Ils
participent à la décision dans des conditions de complète égalité avec leurs collègues ». 320 CIJ, communiqué, 2002/41, « Différend frontalier (Bénin c Niger) » (20 décembre 2002), en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/index.php?pr=69&code=bn&p1=3&p2=3&p3=6&case=125&k=94>.
69
Dans une seconde mesure, les parties auraient le choix sur la personne de chacun des juges qui
devra siéger dans la composition de la chambre en charge du règlement de leur affaire.
Ceci peut expliquer de notre avis, la raison pour laquelle le Statut de la Cour n’a pas prévu
que les juges de ces chambres ad hoc soient désignés par tirage au sort. Sinon, on ôterait aux parties
toute liberté de choix des juges dans la composition de la chambre devant trancher leur différend.
L’idée de permettre aux parties de décider des juges qui doivent siéger dans la chambre en charge
du règlement de leur différend, leur consiste en réalité de pouvoir les associer à la défense de leurs
intérêts, ou du moins, à faire juger leur différend par des juges avec qui elles auraient une certaine
affinité ou qu’elles estiment capables de rendre une décision qui prendrait en compte toutes leurs
aspirations,321 au regard de leurs expériences professionnelles ou scientifiques en lien avec la nature
du différend.
C’est pourquoi, d’ailleurs, on a parfois assimilé les chambres de la Cour à des formations
arbitrales322 par référence au mécanisme de règlement des différends par l’arbitrage. Cela
s’explique par le fait que ce mode de règlement laisse de même le soin aux parties de procéder au
choix des arbitres qu’elles voudraient voir régler le différend qui les oppose.323 Dans tous les cas,
voyons-en avec la définition de l’arbitrage au sens de la Convention pour le règlement pacifique
des conflits internationaux. Selon son article 37, « L’arbitrage international a pour objet le
règlement de litiges entre les États par des juges de leur choix et sur la base du respect du droit. Le
recours à l’arbitrage implique l’engagement de se soumettre de bonne foi à la sentence ». Du coup,
l’apparence des chambres ad hoc de la Cour à des formations arbitrales, ne devrait en principe pas
susciter de doute.
Concomitamment à ces deux avantages liés au recours à la Cour par la voie de compromis,
il se dégage de ce même type de saisine, une autre portée, en lien direct avec tout le raisonnement
précédent. Cette portée se résume en termes de temps dans le traitement des affaires devant la Cour.
321 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 618. 322 Kolb, supra note 41 à la p 161. 323 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 617-618.
70
De façon empirique, les différends portés devant la Cour par la voie de compromis, ont
souvent abouti à des décisions qui ont par la suite contribué à leur dénouement.324 Lorsque des
États parties à un différend recourent à un mode de règlement quelconque, c’est parce que dans
une certaine mesure celui-ci semble leur offrir un règlement rapide du différend, afin de préserver
la quiétude de leurs relations, surtout lorsque le différend qui les oppose aurait déjà dégénéré en
des affrontements militaires.325 D’ailleurs, c’est cette raison qui aurait motivé la création de la
chambre de procédure (article 29 du Statut de la Cour), et qui vise la « prompte expédition des
affaires ». Il semble de ce fait que le compromis soit la voie idéale pour parvenir à un tel objectif,
celui relatif à un traitement rapide des affaires. La possibilité des États parties à un différend de
recourir à des formations restreintes de chambre, leur offre de pouvoir confier le jugement de leurs
affaires à un nombre moins élevé de juges. Pourtant, il est facilement compréhensible qu’une
affaire réglée par un nombre réduit de juges puisse rapidement aboutir à une décision, que si elle
avait été soumise au jugement de quinze juges voire plus. Ce raisonnement bénéficie du soutien de
Robert Kolb, qui estime pour sa part que, « le nombre réduit de juges (…), limite le temps
nécessaire au maniement de l’instance et au délibéré »326.
Il convient toutefois de rappeler l’idée que les chambres, quoiqu’étant des formations
restreintes compte tenu du nombre réduit de leurs juges, ne devraient en aucun cas être distinguées
de la Cour dans sa formation plénière, surtout du point de vue des décisions qu’elles rendent. Cela
dit, les décisions rendues par les formations restreintes de chambres n’ont pas moins de valeur que
celles rendues par la Cour dans sa formation plénière. D’où, il existerait une réciprocité entre les
formations restreintes de Chambres et la Cour.
B- La réciprocité entre les formations restreintes de chambres et la Cour plénière
Si l’on en croit à l’article 9 du Statut de la Cour, relatif à la composition de celle-ci, « Dans
toute élection, les électeurs auront en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour, non
seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la
324 Olivier Corten et Pierre Klein, « L'efficacité de la justice internationale au regard des fonctions manifestes et latentes
du recours à la cour internationale de justice », dans, R. Ben Achour & S. Laghmani, dir., Justice et juridictions
internationales, Paris, Pedone, 2000 à la p 45. 325 C’est l’exemple du Différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (supra note 311). Cette affaire avait
dégénéré en des affrontements militaires entre les deux parties. Ce fut la raison du compromis négocié entre pour
pouvoir se prêter au règlement judiciaire de la CIJ. 326 Kolb, supra note 41 à la p 162.
71
représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde
». Cet article affirme que les juges appelés à trancher en droit international les affaires soumises à
la Cour, doivent relever de traditions juridiques différentes. Certains devraient de ce fait en
principe, être issus du droit de tradition civiliste ou romano-germanique, ou du droit du Common
law, tandis que d’autres devraient être ressortissant d’États qui relèvent du droit musulman ou du
droit coutumier. L’avantage d’une telle composition de la Cour pourrait résider dans l’idée de faire
passer au peigne fin les décisions de la Cour avant que celles-ci ne soient adoptées, dans la mesure
où chacun des juges aura eu à siéger dans la phase du traitement des affaires et devra voter les
décisions qui découleront de celles-ci.
De ce point de vue, le règlement des affaires par les chambres peut évidemment susciter
des interrogations sur la valeur des décisions qu’elles rendent. En effet, parce que composées de
juges en nombres réduits et choisis par les parties elles-mêmes, les chambres n’offrent pas la
possibilité de pouvoir représenter toutes les traditions juridiques du monde à travers les quinze
juges de la Cour plénière, censées faire passer au peigne fin leurs décisions. Toutefois, si cette
réalité devrait être vue comme une préoccupation, il n’en demeure pas moins qu’elle importe peu.
En effet, l’article 27 du Statut de la Cour offre une réponse à cette préoccupation. Il dispose que :
« Tout arrêt rendu par l'une des chambres prévues aux articles 26 et 29 sera considéré comme rendu
par la Cour ». Ainsi, ne devrait-il pas avoir de différence de degré ou de valeur entre les chambres
et la Cour dans sa formation plénière du point de vue de leurs décisions. Ainsi, devrait-on se
faire l’idée que, the «chambers may be regarded as the Court sitting in a particular formation»327.
Cela suppose que, d’une part, les arrêts issus des chambres de la Cour puissent aussi faire
objet de recours devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour une exécution forcée au même titre
que les arrêts rendus par la Cour plénière.328 D’autre part, les arrêts des chambres peuvent tout
comme ceux de la Cour plénière, susciter des recours en interprétation329 ou en révision330.
Aussi, convient-il de rappeler l’idée selon laquelle il n’y aurait pas de différence entre les
règles de procédure devant les chambres et la Cour plénière. C’est l’article 90 du Règlement de la
Cour de 1978, qui le confirme en ces termes : « La procédure devant les chambres prévues aux
327 Palchetti, supra note 306 à la p 476. 328 Supra note 1, art 94 au para 2. 329 Supra note 6, art 60. 330 Supra note 6, art 61.
72
articles 26 et 29 du Statut est, sous réserve des dispositions du Statut et du présent Règlement les
visant expressément, réglée conformément aux dispositions des titres I à III du présent Règlement
applicables en matière contentieuse devant la Cour ». Le titre I dont cet article fait cas, a trait surtout
au caractère secret des délibérations de la Cour ainsi qu’à sa composition, laquelle sous-entend
l’indépendance des juges, leur impartialité, leur égalité et la possibilité des parties à un différend
de le porté devant elle, de désigner des juges ad hoc au cas où il ne figurait pas parmi les juges de
la Cour, leurs ressortissants.331 Le titre III porte sur les règles applicables en matière contentieuse.
En clair, lorsqu’une affaire est portée devant la Cour plénière, ce sont les mêmes règles de
procédure qui s’appliquent que si elle devrait l’être devant une chambre. Cela traduit l’idée selon
laquelle rien n’interdirait aux parties dans une instance devant une chambre de pouvoir demander
par exemple l’indication de mesures conservatoires au cas où des intérêts imminents seraient en
jeu par le fait du différend, ou encore de pouvoir soulever des exceptions préliminaires.332Il n’y a
donc pas différence de procédure entre le recours devant la Cour plénière et le recours devant une
chambre de la Cour. Autrement dit, les règles applicables dans un recours devant une chambre ne
sont pas moins avantageuses que celles qui s’appliquent dans un recours devant la Cour plénière.
De ce fait, il n’y aurait donc pas de différence entre les chambres et la Cour plénière de
manière à pouvoir douter de la crédibilité des premières ou de la valeur de leurs décisions. Le
recours à ces chambres par l’effet du compromis de saisine ne devrait donc pas susciter des
préoccupations chez les États, et ce, au regard même de ses avantages tels que relatés ci-haut dans
le point (A). Parmi le rôle important des chambres, il y a lieu de reconnaître leur mérite d’avoir
rendu certains arrêts de grande portée et qui sont souvent évoqués compte tenu des principes qui y
ont été dégagés. C’est le cas de l’arrêt333 rendu par la chambre à laquelle le Burkina Faso et le Mali
ont eu recours pour connaitre du différend relatif à la délimitation de leur frontière commune.
C’est à cet arrêt que l’on doit l’activation du principe de l’uti possidetis relativement aux
règles portant sur les titres et les effectivités.334 Toutefois, il n’en demeure pas moins que ce
331 Art 1 à 21 du Règlement de la Cour de 1978. 332 Pour en savoir davantage sur le contenu du titre III du Règlement de la Cour de 1978, voir ses articles 22 à 101. 333Supra note 311. 334 Paolo Palchetti, « Article 27 », dans Andreas Zimmermann et al., dir., The Statute of the International Court of
Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 502 à la p 504. 335 F. Wooldridge, « Uti possidetis Doctrine », in Bernhardt Rudolf (dir.), Encyclopedia of Public International Law,
vol. IV (Q-Z), Elsevier, Amsterdam, 2000 aux pp 1259-1262.
73
principe de l’uti possidetis juris335, dont l’application a précisément pour conséquence le respect
des frontières héritées de la décolonisation, a été invoqué pour la première fois en Amérique
hispanique. Autrement dit, « c’est sur ce continent qu’on a assisté pour la première fois au
phénomène d’une décolonisation entrainant la formation d’une pluralité d’États souverains sur un
continent ayant antérieurement appartenu à une seule métropole »336, l’Espagne, en l’occurrence.
Ce principe337 est emprunté du droit romain en vertu duquel le droit de possession d’un
territoire est déterminé par l’état juridique de celui-ci à une date donnée338. C’est en effet un
principe général, qui a un lien étroit avec le phénomène de l’accession des États à l’indépendance.
Il vise à éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux États ne soient compromises par des
luttes fratricides nées de la contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance
administrative.339 Après avoir été dégagés et appliqués dans ce différend entre le Burkina et le Mali,
ces principes (l’uti possidetis, et les effectivités), continuent de faire l’objet d’une application
universelle à travers leurs invocations dans les différends territoriaux impliquant des États situés
sur d’autres continents.340 Cela dit, l’arrêt rendu le 22 décembre 1986 par la chambre a une portée
qui va très au-delà du cas d’espèce, mais aussi du cadre africain.
De ce qui précède, il ressort que le recours à la Cour par la voie de compromis, qui entraine
le jugement des affaires devant les chambres, est d’une grande importance dans le règlement
pacifique des différends internationaux. Cette importance s’amplifie encore au regard d’autres
types d’atouts qui bénéficient au traitement des affaires portées devant la Cour.
336 Supra note 311 à la p 565 au para 20. Voir notamment l’arrêt de la CIJ du 18 novembre 1960 dans l’affaire
Honduras/Nicaragua, dénommé « affaire de la sentence arbitrale rendue par le roi d'Espagne le 23 décembre 1906,
[1960] CIJ rec 192 ; aussi, la sentence Hughes du 23 janvier 1933 sur la frontière entre le Honduras et le Guatemala. 337 Principe né de la décolonisation de l'Amérique latine admettant la délimitation des frontières selon la situation
existant dans les anciennes provinces espagnoles. Pour une appréciation récente de cette pratique. Voir, Jean Marc
SOREL et Rostane Mehdi, « L'Uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique: essai de réactualisation »
(1994) 40 :1 AFDI 11 à la p 11. 338 Salmon, supra note 47 à la p 1123. 339 Supra note 311 à la p 565 au para 20 340 Par exemple, dans les affaires, Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie) : supra note
315 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée équatoriale
(intervenant)) : supra note 43.
74
Section 2 : Les atouts liés au règlement des différends portés à la Cour par la voie du
compromis
Le recours à la Cour par la voie de compromis est dans une grande mesure en lien avec
certains atouts dont les parties peuvent bénéficier, tant dans la phase réservée au traitement des
affaires que dans l’exécution des arrêts. C’est justement la raison pour laquelle certains États optent
pour cette voie de recours dans le cadre du règlement de leurs différends. Parlant d’atout, l’on fait
allusion au fonds d’affectation spéciale qui bénéfice dans une grande mesure aux affaires portées
devant la Cour par voie de compromis (paragraphe 1). Aussi, de tels différends portés devant la
Cour par la voie du compromis peuvent-elles être source d’une grande certitude quant à leur
dénouement, au regard de certaines garanties juridiques liées à l’acte même du compromis
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les atouts liés au bénéfice du fonds d’affectation spéciale au règlement
des différends portés devant la Cour par la voie de compromis
Après avoir dans un premier temps, exposé la définition et les conditions favorables liées
au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours devant la Cour par voie de
compromis (A), dans un second temps, l’objectif consistera pour nous d’établir les motifs liés au
bénéfice du fonds d’affectation aux États qui font recours à la Cour par voie de compromis (B).
A- Définition du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face aux
dépenses judiciaires
La justice internationale a un coût. Que ce soit au stade du recours des États à cette justice
ou de l’exécution des décisions qui pourraient résulter d’elle, des dépenses financières non moins
négligeables s’imposent souvent, et ce sont les parties elles-mêmes qui doivent s’en acquitter.
Compte tenu de cette réalité, il peut arriver que des États parties à un différend soient disposés à
porter devant cette justice le différend qui les opposent, mais pour des raisons liées à des coûts
financiers, ils s’y abstiennent. Dans un autre sens, les parties peuvent être financièrement capables
de supporter le coût que requiert la saisine de cette justice et le déroulement de tout le procès, mais
75
qu’elles ne soient pas en mesure de pouvoir exécuter la décision qui pourrait survenir en raison des
implications financières que cela comporterait.
Ce coût financier se justifie dans le fait pour les parties d’avoir recours à des spécialistes et
experts (conseillers, agents, avocats, etc.) qui les assisteront dans l’accomplissement des différentes
procédures nécessaires devant cette justice internationale, et qu’il faut payer en retour. Par ailleurs,
et dans le cas où l’exécution des décisions suppose certaines actions matérielles sur le terrain
comme le tracé de frontières, les travaux de cartographie ou de balisage ou de détermination du
sort de certaines étendues de terre ou de mer ou de bornage, la vérification de la fin d’hostilités, la
remise en état de droits acquis, le besoin de recours à des personnels et agents de terrain qui se
chargeront de telles missions et leur prise en charge financière, s’impose.341
Ce qui n’est pas toujours facile pour tous les États, compte tenu de leurs disponibilités
financières et leurs niveaux de développement économique, qui les obligent souvent à investir les
fonds à leur disposition dans d’autres objectifs qu’ils jugent prioritaires, que de les dépenser devant
une justice internationale. Ce peut être le cas de certains États en Afrique, dont les objectifs
prioritaires restent le développement de leurs secteurs agricoles, industriels, de la finance, du
commerce, de l’éducation, ou de la création d’emploi (lutte contre le chômage).342
Le coût de la justice internationale peut donc s’avérer une limite dans une certaine mesure
à son attractivité, surtout pour les États en voie de développement qui ne s’empêcheront pas de voir
d’un mauvais œil l’idée d’engager des frais importants pour bénéficier de son règlement, pendant
qu’ils font face à bien d’autres besoins plus primordiaux. Sur cette base, les États peuvent se
retrouver dans une incapacité financière d’aller devant la CIJ. D’ailleurs, tous les modes de
règlement (article 33, paragraphe 1, de la Charte), supposent en réalité des dépenses financières de
la part des États qui les choisissent. Ces dépenses peuvent être liées aux différents déplacements
ou émoluments des agents impliqués dans le mode de règlement choisi, en plus des frais que
l’exécution des décisions prises par ce mode de règlement pourra entraîner. Cette idée semble
s’accommoder avec le recours à la force armée auquel certains États (se sentant plus puissant sur
341 Daniel Vignes, « Aide au développement et assistance judiciaire pour le règlement des différends par la Cour
internationale de justice » (1989) 35 :1 AFDI 321 aux pp 321-322. 342 African Development Bank,OECD, United Nations Development Programme, «Perspectives économiques en
Afrique 2015 :Développement territorial et inclusion spatiale», Paris, OCDE, 2015, en ligne, < http://www.oecd-
ilibrary.org/sites/fa724c7c-fr/index.html?itemId=%2fcontent%2fsummary%2ffa724c7c-fr>.
76
le plan militaire), se livrent contre d’autres en violation de l’obligation343 faite par la Charte de
régler pacifiquement les différends interétatiques, pour couper court avec toute initiative de voir
un tiers régler leurs différends.
D’ailleurs, le paragraphe 4 du Statut344 du fonds d’affectation spéciale confirme cette
évidence en ces termes :
« Les frais que peuvent entraîner les procédures sont une considération qui, dans
certains cas, dissuade les États d’en appeler à la Cour. Dans l’arbitrage, les parties
supportent le coût des arbitres et du fonctionnement du tribunal (par exemple, les
activités du greffe). Les dépenses d’administration de la Cour sont prises en charge par
l’Organisation des Nations Unies. Toutefois, comme dans l’arbitrage, les parties
doivent rémunérer leurs conseils, défrayer, le cas échéant, leurs agents, experts et
témoins et supporter les coûts liés à la rédaction des mémoires et contre-mémoires, etc.
Le coût total peut être considérable. Aussi, les considérations de coût peuvent-elles
peser dans la décision de porter ou non un litige devant la Cour. Une aide financière
serait donc utile aux États qui n’ont pas les moyens nécessaires ».
C’est pour pallier à cette éventualité et pour améliorer la confiance des États dans le recours
à la CIJ, que l’Assemblée générale de l’ONU a contribué en 1989 à l’institution d’un fonds
d’affectation spéciale destiné à aider les États les plus démunis à faire face aux dépenses de justice
internationale. 345 L’objectif étant donc, d’éviter que le motif financier serve de justificatif au refus
des États de recourir à la CIJ.
La demande du fonds est adressée au Secrétaire général de l’ONU par l’État partie qui
souhaite en bénéficier. Dès lors que le Secrétaire général reçoit la demande, il constitue un comité
de trois experts qui se chargera de l’examiner. Par la suite, c’est ce comité qui recommande au
Secrétaire général le montant à allouer à l’État demandeur du fonds, au regard des dépenses.346
343 Cette obligation découle du paragraphe 4 de l’article 4 de la Charte de l’ONU qui stipule que « les Membres de
l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit
contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les
buts des Nations Unies ». 344 Statut révisé du Fonds, « Statut, règlement et principes révisés applicables au Fonds d’affectation spéciale du
Secrétaire général devant aider les États à soumettre leurs différends à la Cour internationale de Justice », en ligne :
<http://www.un.org/fr/aboutun/structure/statusrev.pdf>. 345 Ibid. 346 Le paragraphe 9 du Statut du fonds d’affectation stipule en effet que : « Une fois la demande d’aide financière jugée
recevable, le Secrétaire général constitue un comité d’experts composé de trois personnes présentant les plus hautes
qualités de magistrat et jouissant de la plus grande considération morale. Le Comité a pour tâche d’examiner la
demande présentée et de recommander au Secrétaire général le montant de l’aide financière à accorder, le montant de
l’avance à allouer en vertu des dispositions du paragraphe 13 du Statut, et la nature des dépenses susceptibles d’être
couvertes par l’aide : rédaction de mémoires, contre-mémoires et répliques; honoraires des conseils et défraiement, le
77
Dans tous les cas, c’est au Secrétaire général de l’ONU de décider en dernier ressort du montant à
allouer.
Le paragraphe 13 du Statut du fonds le précise en ces termes :
Sur la base de l’évaluation et des recommandations du Comité d’experts, le
Secrétaire général décide en dernier ressort de l’aide financière qui sera prélevée sur le
Fonds et du montant de l’avance qui sera alloué. Cette dernière ne peut dépasser 50 %
de l’aide financière octroyée. Les versements de l’avance et du paiement final du
montant octroyé sont faits au moyen d’un virement bancaire du Fonds d’affectation
spéciale du Secrétaire général. Le paiement final est effectué sur présentation de
justificatifs des dépenses effectives afférentes au montant total des coûts approuvés.
Les dépenses pouvant être couvertes par cette aide devant la Cour sont entre autres:
la rédaction des mémoires, des contre-mémoires et répliques; les honoraires des conseils, des
agents, des experts et témoins; les frais de recherche juridique; les coûts afférents à la procédure
orale en ce qui concerne les services d’interprétation pour les langues autres que le français et
l’anglais; les frais de production de documents techniques comme les cartographies et les coûts
afférents à l’exécution d’un arrêt de la Cour347.
Toutefois, le bénéfice du fonds d’affectation aux États n’est pas automatique. Le Statut du
fonds en question commande que les États litigants qui souhaitent bénéficier du soutien financier
des Nations Unies remplissent un certain nombre de conditions. C’est en cela que la marge de
manœuvre est grande chez les États qui soumettent leurs différends à la Cour par la voie de
compromis, pour tirer profiter de ce fonds. De tels États sont en effet, soumis à des conditions
moins rigoureuses.
B- Les motifs liés au bénéfice du fonds d’affectation aux États ayant fait recours à la
Cour par la voie de compromis
Aux termes du paragraphe 6 du Statut du fonds, on peut lire que :
cas échéant, des agents, experts et témoins; frais de recherche juridique; coûts afférents à la procédure orale (par
exemple services d’interprétation pour les langues autres que le français et l’anglais); frais de production de documents
techniques (par exemple reproduction de pièces cartographiques) et coûts afférents à l’exécution d’un arrêt de la Cour
(par exemple, démarcation de frontières).». 347 Supra note 344 au para 9.
78
Le Fonds d’affectation spéciale (ci-après dénommé « le Fonds ») est créé par
le Secrétaire général conformément au Règlement financier et règles de gestion
financière de l’Organisation des Nations Unies et aux termes et conditions énoncés
dans les présents Statut, règlement et principes (ci-après dénommés « le Statut du Fonds
»). Il a pour objet de fournir aux États une aide financière pour les aider à couvrir les
dépenses engagées dans le cadre : a) D’un différend soumis à la Cour internationale de
Justice en vertu du paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour : i) Par la voie d’un
compromis conclu en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour; ii) Par
la voie d’une requête présentée en vertu des paragraphes 1 et 2 de l’article 36 du Statut
de la Cour, sous réserve que :a. Dans le cas où des exceptions préliminaires au sens de
l’article 79 du Règlement de la Cour ont été soulevées par l’une des parties, ou les
deux, ces exceptions ont été soit rejetées par la Cour, soit définitivement retirées par la
ou les parties concernées ; b. Dans le cas où aucune exception préliminaire n’a été
présentée, l’État qui sollicite l’aide financière s’engage auprès du Secrétaire général à
ne soulever aucune exception préliminaire au sens de l’article 79 du Règlement de la
Cour et à plaider l’affaire au fond ; cet engagement sera dûment notifié à la Cour par
le Secrétaire général ; b) De l’exécution d’un arrêt de la Cour internationale de Justice.
De cette stipulation, l’on retient que le bénéfice du fonds d’affectation se situe à deux
niveaux, à savoir d’une part pour engager une instance devant la Cour, et, d’autre part, pour faire
exécuter les décisions de la Cour. Par ailleurs, certains points de ce paragraphe 6 méritent une
attention particulière en ce qui concerne les États pouvant bénéficier de ce fonds et dans quelles
conditions. En principe, tous les États habilités à ester devant la Cour, peuvent bénéficier du soutien
financier des Nations Unies à travers ce fonds, dans le cadre d’un différend qui les oppose devant
la CIJ.348
Au titre des conditions de fond liées à l’attribution de ce fonds d’affectation spéciale, il
convient de savoir que celles-ci existent seulement au cas où le différend entre des États parties
aurait été porté devant la Cour par la voie de requête unilatérale. Cela dit, les États désirant
soumettre leur différend à la Cour par la voie de compromis ne seront soumis à aucune condition
s’ils souhaitent bénéficier de la couverture financière du fonds d’affectation spéciale, à moins d’en
faire la demande au Secrétaire général de l’ONU et en y joignant une copie de l’acte du compromis
conclu.349
En réalité, l’on peut déduire de la mise en œuvre de ce fonds qu’il vise à encourager les
États à soumettre leurs différends à la Cour par la voie de compromis, qui est censé protéger
348 Supra note 344 au para 8. 349 Ibid au point a.
79
davantage la compétence de celle-ci contre les incidents de procédure (exceptions d’incompétence
ou d’irrecevabilité). C’est pourquoi d’ailleurs, le communiqué de presse AG/1213 du 30 octobre
2001, du Secrétariat général de l’ONU, ne fait point mention du bénéfice de ce fonds aux États qui
font recours à la CIJ par la voie de requête unilatérale. Il ressort en effet, de ce communiqué que :
« Tout État partie au Statut de la Cour internationale de Justice et tout État non membre de l’ONU
qui satisfait aux conditions prescrites par la résolution 9 (1946) du Conseil de sécurité peut
bénéficier de l’aide de ce Fonds créé en 1989, pour les dépenses encourues à l’occasion du renvoi
d’un différend à la Cour en vertu d’un compromis, ou de l’exécution d’un arrêt pris par la Cour en
vertu de ce compromis. »350.
Le cas échéant et lorsque la saisine de la Cour intervient par la voie d’une requête unilatérale
d’un État partie à un différend, il faudrait distinguer deux cas. D’une part, au cas cet État partie
aurait demandé ce fonds pour la couverture de dépenses, il n’en bénéficiera que si les exceptions
préliminaires soulevées par le défendeur pour contester à la Cour sa compétence ont toutes été
rejetées à travers un arrêt. D’autre part, si aucune exception préliminaire n’a été soulevée dans le
cadre du différend, l’État partie qui sollicite le bénéfice du fonds d’affectation spéciale devra
s’assurer auprès du Secrétaire général de l’ONU de ne point lui-même en soulever et à s’engager à
plaider l’affaire au fond. C’est-à-dire qu’il devra obligatoirement comparaître.
Dans la mesure où l’introduction d’une instance devant la Cour par la voie de requête
unilatérale n’entraîne pas automatiquement le bénéfice du fonds d’affectation spéciale, comme il
en est du recours par la voie de compromis, ce doit être encore une occasion de témoigner des
atouts du compromis. La preuve en est que les États parties à des différends qui ont pu bénéficier
de ce fonds ont jusque-là été ceux ayant saisi la Cour par compromis.
C’est l’exemple de l’affaire du Différend frontalier entre le Bénin c Niger351. Dans ce
différend qui opposa le Bénin et le Niger et qui fut l’objet de leur saisine de la Cour par compromis
(signé le 15 juin 2001 et entrée en vigueur le 11 avril 2001 à Cotonou), le 3 mai 2002,352 ces deux
350 ONU, communiqué, AG/1213, « Le rôle central de la cour internationale de justice dans le règlement pacifique des
différends réaffirme a l’Assemblée générale » (30 octobre 2001), en ligne :
<http://www.un.org/press/fr/2001/AG1213.doc.htm>. 351 Supra note 310. 352 CIJ, communiqué, 2002/13, « Le Bénin et le Niger soumettent conjointement un différend frontalier
à la Cour internationale de Justice » (5 mai 2002), en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?pr=570&code=bn&p1=3&p2=3&p3=6&case=125&k=94>.
80
parties ont eu recours au fonds d’affectation. Les parties ont en effet signé une lettre conjointe le
12 novembre 2003, qui fut adressée au Secrétaire général de l’ONU dans l’optique de bénéficier
du fonds en question.353Le communiqué de presse SG/2087 L/3070 du Secrétariat général de l’ONU
du 3 juin 2004, indique que suite à leur différend, ces États (Bénin et Niger) ont sollicité l’octroi
d’une aide financière au titre du fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour prendre en
charge les dépenses judiciaires qui leur incombaient devant la Cour. Cette demande fut faite à la
fin de l’année 2003, après avoir au préalable saisi la Cour le 3 mai 2002, par la voie de
compromis354. Ainsi, un montant de 700 000 dollars US a-t-il été alloué aux deux États, soit
350 000 dollars à chacun d’eux.355
Cela dit, le fonds d’affectation contribue au règlement des différends devant la CIJ. Son
fonctionnement facilite le déroulement du processus de règlement. Par voie de conséquence, les
soucis financiers qui pourraient empêcher les États de comparaitre devant la Cour ou à accomplir
tous les actes de procédure, voire à s’interroger sur la charge du coût financier de l’exécution des
décisions, n’ont en principe plus de raison d’être par le jeu de fonds.
Bien avant l’institution du fonds d’affectation en 1989, le problème lié à la prise en charge
des dépenses judiciaires des États qui ne pouvaient le faire par leurs propres moyens, s’était posé
suite à l’arrêt rendu par la Cour sur le différend frontalier entre le Burkina Faso et le Mali, le 22
décembre 1986.356 En l’espèce, malgré leur engagement à se conformer à l’arrêt rendu, ces États
se trouvaient dans l’incapacité d’assumer la responsabilité financière de la prise en charge des
experts désignés pour procéder à la délimitation de leur frontière commune. Ainsi, en avaient-ils
appelé à la Cour, qui leur trouva un bailleur de fonds, à savoir le gouvernement helvétique qui prit
en charge les dépenses financières liées à la démarcation de leur frontière. 357
De ce fait, le recours des États à la Cour par la voie de compromis comporte un avantage
financier que la requête unilatérale est loin de pouvoir leur garantir. Cet avantage s’analyse en un
appui financier visant à alléger leurs dépenses judiciaires. Par ailleurs, le recours par la voie du
353 ONU, communiqué, SG/2087 « Le secrétaire général accorde 700 000 dollars au Bénin et au Niger pour les assister
à régler leur différend frontalier en le soumettant à la CIJ » (4 juin 2004), en ligne : <
https://www.un.org/law/trustfund/press_release/French.htm>. 354 Supra note 310 à la p 94 au para 1. 355 Supra note 353. 356 Supra note 311. 357 Supra note 341 à la p 322.
81
compromis entraine certaines garanties juridiques liées à l’acte même du compromis et qui
facilitent le dénouement des différends.
Paragraphe 2 : Les garanties juridiques liées à l’acte du compromis de saisine
Quoi que l’on dise du compromis, il n’en demeure pas moins que même s’il n’est pas exclu
que l’introduction d’une instance devant la Cour par son biais puisse confronter celle-ci à des
exceptions d’incompétence, il conserve de grandes garanties juridiques pouvant conduire à un
aboutissement des différends. Ces garanties sont la conséquence d’une part, de l’appartenance de
l’acte de compromis à la catégorie des traités (A), et d’autre part, le bénéfice des règles de bonne
foi et du pacta sunt servanda (B).
A- L’appartenance de l’acte du compromis à la catégorie des traités
Selon l’article 2, paragraphe 1.a), de la Convention de Vienne sur le droit des traités358,
«l’expression ‘traité’ s’entend d’un accord international conclu par écrit entre États et régi par le
droit international, qu’il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière.». Cette définition rappelle
trois points importants à même de faire ériger le compromis en un accord international ou un traité,
avec toutes les implications que cela comporte. D’abord, le traité symbolise un accord écrit. Ce qui
exclut la catégorie des accords verbaux. C’est une entente entre sujets de droit international (des
États) matérialisée à travers un acte et dont la preuve peut être constatée par le juge. Ensuite, le
traité est un accord entre États, ce qui lui concède le qualificatif « international ». Sur ce, les
relations entre individus et États ou entre particuliers et États ne sauraient aboutir à la conclusion
de traités, quoique ces relations soient d’importance internationale, à moins de recevoir
l’approbation d’un État en tant qu’autorité de tutelle. C’est le cas des accords de jumelage entre
des villes d’États différents. Enfin, le traité demeure régi du point de vue de sa procédure de
conclusion, de sa validation ou de son exécution, par le droit international. Il ne saurait de ce fait
dépendre d’aucun droit étatique en particulier.
358 Convention de Vienne sur le droit des traités, conclue le 23 mai 1969, 1155 RTNU 18232.
82
En plus d’être une base de compétence de la CIJ, le compromis est aussi un acte juridique.
Il est conclu par des États et traduit donc l’expression matérielle de leur volonté de s’en remettre à
la compétence de la Cour. C’est cet acte qui est d’ailleurs notifié à la Cour en tant que preuve de
leur acception de sa compétence dans le cas donné. La signature ou la conclusion d’un compromis
signifie en principe, l’existence d’un différend (juridique). L’acte du compromis est de ce fait, la
conséquence d’un tel différend. Sur ce, il ne saurait être procédé à la conclusion d’un compromis
devant prévoir la compétence de la CIJ pour un différend donné, avant même que celui-ci ne soit
né. Ainsi, convient-il de rappeler que : « Le compromis résulte d’une démarche pragmatique, qui
conduit les parties à s’intéresser à un présent litigieux »359.
D’un point de vue formel, le compromis s’apparente généralement à un traité bilatéral en
forme solennelle qui porte sur la compétence de la Cour. Il est de ce fait le fruit de la négociation360
entre des États parties à un différend né, qui trouvent nécessaire de le signer ou de le conclure pour
le notifier à la CIJ par la suite conformément au paragraphe 1361 de l’article 40 de son Statut en
guise de leur acceptation de sa compétence pour le cas d’espèce.
C’est l’exemple du compromis entre la Malaisie et le Singapour au sujet de leur différend
relatif à la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, notifié
conjointement à la Cour le 24 juillet 2003.362 Le paragraphe 1 du texte de ce compromis comporte
cette mention :
Au nom du Gouvernement de la Malaisie et du Gouvernement de la République
de Singapour, nous avons l'honneur de porter à votre connaissance que la Malaisie et
Singapour se sont entendus le 14 avril 1998 sur le texte du compromis visant à
soumettre à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la
souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge.
Conformément au paragraphe 1 de l'article 40 du Statut de la Cour, le Gouvernement
de la Malaisie et le Gouvernement de la République de Singapour ont le plaisir de vous
faire conjointement tenir: a). Un exemplaire original du compromis visant à soumettre
à la Cour le différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté : sur
359 Charles Jarrosson, « Le compromis, convention d’arbitrage d’avenir? », dans Mélanges en l'honneur du Professeur
Bernard Audit : les relations privées internationales, Issy-les-Moulineaux, Lextenso éditions, 2014 aux pp 472-473. 360 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 616. 361 Aux termes de ce paragraphe, « Les affaires sont portées devant la Cour, selon le cas, soit par notification du
compromis, soit par une requête, adressées au Greffier ; dans les deux cas, l'objet du différend et les parties doivent
être indiqués ». 362 Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le différend entre
la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge,
en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.
83
Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge, signé le 6 février 2003
à Putrajaya ; b) une copie certifiée conforme du procès-verbal d'échange des
instruments de ratification entre la Malaisie et Singapour, signé le 9 mai 2003 à
Putrajaya.
Par ailleurs, partant de la classification matérielle des traités, il est possible de ranger le
compromis parmi la catégorie des traités-contrats par opposition aux traités-loi.363 De ce fait, le
compromis s’apparenterait à un contrat synallagmatique, en ce sens qu’il comporte le plus souvent
un échange de droits et d’obligations réciproques entre les États qui le concluent.364 En termes de
droits, l’on en veut pour preuve, le paragraphe 1 de l’article VIII du texte du compromis entre le
Botswana et la Namibie, qui prévoit par exemple que : « Chacune des Parties peut exercer le droit
que lui confère le paragraphe 3 de l'article 31 du Statut de la Cour de procéder à la désignation d'un
juge de son choix ».365Le paragraphe 2 de l’article IX du même texte énumère comme obligation à
la charge des deux parties le fait qu’ « une fois que la Cour aura rendu son arrêt, les Parties
prendront, dans les meilleurs délais, les mesures nécessaires à son application.». À contrario, et
selon J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, le traité-loi est celui « dont la caractéristique est
d’apparaitre comme une véritable législation internationale qui a été élaborée par la Communauté
des États dans son ensemble » et qui « crée des situations légales dont le champ d’application est
susceptible de déborder le cercle étroit des États parties ».366
Dans la mesure où le compromis est un traité, en principe, tous les États peuvent le conclure
tant que cela leur paraîtrait la voie idéale pour en arriver au dénouement de leurs différends devant
la Cour. 367 L’élaboration d’un compromis obéit de ce fait aux mêmes normes que celles des autres
traités. Sur cette base, lorsque des États parties à un différend veulent le soumettre à la Cour par la
voie de compromis, chaque État devra être représenté par un plénipotentiaire, c’est-à-dire, une
personne choisie en tant que son représentant et qui est munie de pleins pouvoirs pour négocier
l’accord et engager l’État en question.368 Sont exemptés de la production de ces pleins pouvoirs les
363 Sur la distinction entre ces deux catégories de traités, voir, Francesco Ruffini, De la protection internationale des
droits sur les œuvres littéraires et artistiques, La Haye, Martinus Nijhoff Publishers, 1926, II, Recueil des cours de
l’Académie de droit international aux pp 473-474. 364 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 40-41. 365 Cour internationale de Justice, compromis entre le gouvernement de la république du Botswana et le gouvernement
de la République de Namibie visant à soumettre à la Cour internationale de justice le différend qui oppose les deux
États concernant la frontière autour de l'île de Kasikili/Sedudu et le statut juridique de cette île, en ligne : <
http://www.icj-cij.org/docket/files/98/7184.pdf>. 366 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 41-42. 367 Supra note 358, art 6. 368 Supra note 358, art 7 au para 1.
84
chefs d’État, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires étrangères, lesquels
apparaissent comme les négociateurs par excellence.369 Il en est de même des chefs de mission
diplomatique lorsqu’il s’agit l’adoption du texte d’un traité entre l’État accréditant et l’État
accréditaire.370
Du point de vue contexture, le compromis comporte généralement tout comme la plupart
des traités, un préambule et un dispositif. C’est le préambule qui contient l’énumération des parties
au différend ainsi que l’exposé de leurs motifs. C’est l’exemple du préambule du compromis de
saisine de la Cour, conclu par le Bénin et le Niger au sujet de leur différend frontalier, et qui fut
notifié le 3 mai 2003.371 Celui-ci annonce d’une part, les parties au différend par cette formule : «
Le Gouvernement de la République du Niger et le Gouvernement de la République du Bénin, ci-
après dénommés « les Parties ». D’autre part, l’exposé des motifs liés à la signature du compromis,
est quant à lui présenté comme suit : « Désireux de parvenir dans les meilleurs délais au règlement
du différend frontalier qui les oppose en se fondant sur les dispositions de la Charte ainsi que sur
les résolutions de l'Organisation de l'Unité Africaine et de soumettre la question de la délimitation
définitive de l'ensemble de leur frontière à la Cour Internationale de Justice, ci-après dénommée
«la Cour »372. Le dispositif, pour sa part, en tant que seconde partie du compromis, représente en
principe, le corps de l’acte. C’est la partie qui comporte les articles, voire, dans certains cas, des
annexes ou des protocoles additionnels.373
De ce point de vue, dans la mesure où la nature de l’acte du compromis est celle d’un traité,
il n’en demeure pas moins qu’il peut tirer profit des garanties juridiques liées à l’interprétation et à
l’application de tous les traités en général.
369 Supra note 358, art 7 au para 2.a. 370 Supra note 358 au para 2.b. 371 Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la République du Niger et
la République du Benin, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/125/7068.pdf>. 372 Ibid. 373 À titre de preuve, le compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la
République du Niger et la République du Benin, comporte dans son dispositif en plus des articles, le « Protocole
d'échange des instruments de ratification du compromis de saisine de la cour internationale de justice au sujet du
différend frontalier entre la République du Benin et la République du Niger, signe à Cotonou, le 15 juin 2001 ».
85
B- Les bénéfices des règles de bonne foi et du pacta sunt servanda au jugement des affaires
portées à la Cour par la voie de compromis de même qu’à l’exécution des décisions
issues de ces affaires
Les traités jouent un rôle fondamental dans l’histoire des relations interétatiques. C’est du
moins ce que rappelle le préambule de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des
traités374. Pour que rien ne puisse remettre en cause ce rôle qui est le leur, le droit international a
érigé un certain nombre de principes devant conduire les États à respecter leurs engagements
lorsqu’ils sont parties à des traités, et ce, indépendamment de leur volonté. Au nombre de ces
principes, figurent en bonne place la règle du pacta sunt servanda et la règle de bonne foi.
La règle du pacta sunt servanda a trait au « principe selon lequel les traités et, plus
généralement les contrats doivent être respectés par les parties qui les ont conclus »375. Autrement
dit, lorsqu’un État se donne de conclure un traité (un compromis par exemple), il agit en toute
légitimité et en toute souveraineté en principe. De ce fait, il devrait avoir eu à imaginer d’avance
toutes les implications que son engagement audit traité comporte. John H. Currie renchérit sur cette
définition en ces termes: « Pacta sunt servanda simply means that, once an international legal
subject has expressed its consents to be bound by a treaty and the treaty has come into force, the
treaty is binding on that subject and must be performed by it in good faith. In other words, even a
sovereign state cannot invoke its sovereignty to renege on its treaty obligations ».376 Le pacta sunt
servanda implique par conséquent l’obligation juridique qui consiste pour les États à respecter et à
exécuter leurs engagements internationaux matérialisés sous la forme de traités. Quant à la règle
de bonne foi, le Dictionnaire de droit international public le définit comme une « disposition
d´esprit de loyauté et d´honnêteté consistant en ce qu´un sujet de droit ne tente pas de minorer ses
obligations juridiques, quels qu´en soient l´origine et le fondement, ni d´accroitre indument, en
faisant valoir ses droits, les obligations d´un autre sujet de droit à son égard »377. Cela dit, en vertu
de la bonne foi, lorsque des États parties à un différend concluent un compromis de saisine de la
CIJ, ils doivent s’abstenir de tout acte qui pourrait réduire au néant son objectif ; cet objectif étant
de permettre à la Cour de contribuer au dénouement de leur différend.
374 Supra note 358. 375 Supra note 69. 376 John H. Currie, Public international law, Toronto, Irwin Law, 2008 à la p 153. 377 Supra note 33.
86
La distinction entre le principe du pacta sunt servanda et la bonne foi n’est souvent pas
nette, compte tenu de leur proximité. Ce qui entraine parfois des confusions dans le sens à donner
à chacun de ces principes.378 Si certains auteurs tentent de faire absorber le principe du pacta sunt
servanda par la bonne foi, d’autres pensent le contraire. Ainsi, trouvent-ils inutile l’idée d’exiger
des États qu’ils remplissent de bonne foi leurs obligations en vertu des traités qu’ils concluent parce
qu’on ne pourrait remplir de mauvaise foi une obligation. Dès lors, la bonne foi ne jouerait presque
pas de rôle éminent pour la survie des conventions, contrairement au principe du pacta sunt
servanda.379Peu importe dans tous les cas, le sens ou la portée que l’on viendrait à réserver à ces
principes, une chose demeure cependant certaine. C’est qu’ils constituent tous deux des principes
qui fondent la force obligatoire des traités et par voie de conséquence de l’acte du compromis de
saisine de la CIJ. En la matière, c’est l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités
(précité), qui s’érige en fondement juridique de ces deux principes. Selon cet article « tout traité en
vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ».
Outre cette consécration conventionnelle, ces deux principes trouvent de même leur
fondement dans la jurisprudence. Ainsi, dans son arrêt du 20 décembre 1974 dans l’affaire des
Essais nucléaires, la CIJ soutient que :
L’un des principes de base qui président à la création et à l'exécution
d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui de la bonne foi. La
confiance réciproque est une condition inhérente de la coopération internationale,
surtout à une époque où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus
indispensable. Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même,
le caractère obligatoire d’un engagement international assumé par déclaration
unilatérale repose sur la bonne foi. Les États intéressés peuvent donc tenir compte des
déclarations unilatérales et tabler sur elles ; ils sont fondés à exiger que l'obligation
ainsi créée soit respectée380.
Sur ce, le fait que le principe du pacta sunt servanda et de la bonne foi puisse profiter
directement à l’acte du compromis, témoigne que le recours à la Cour par cet acte, soit
apparemment bénéfique au règlement des différends par rapport à la requête unilatérale. Cette
dernière résulte de la seule initiative d’un État demandeur devant la Cour. Elle n’est donc pas un
traité qui pourrait obliger l’État défendeur à accepter la compétence de la Cour, encore moins, à
378 Robert Kolb, La bonne foi en droit international public : contribution à l'étude des principes généraux de droit,
Paris, Presses universitaires de France, 2000 à la p 93. 379 Ibid à la p 94. 380 Supra note 259 à la p 268 au para 46.
87
comparaitre devant elle pour accomplir tous les actes de procédures (présentation de son contre-
mémoire exposant les faits, ses arguments ou conclusions). L’introduction d’instance par la voie
de requête unilatérale devant la CIJ, ne comporte donc aucune garantie juridique reposant sur un
principe préétabli en droit international vertu duquel, l’on pourrait d’avance être sûr de ce que la
Cour connaitrait effectivement de l’affaire à elle soumise.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le bilan du règlement des différends soumis à la
Cour par la voie de compromis apparait plus satisfaisant que celui des différends qui l’ont été par
requête unilatérale. Au regard des principes du pacta sunt servanda et de la bonne foi, les parties
sont tenues d’observer les dispositions d’un compromis de saisine de la Cour, de telle sorte qu’il
leur est presqu’impossible de pouvoir par la suite nuire au bon déroulement de toute la procédure
de règlement. Le cas échéant, ils engageraient leur responsabilité internationale, ce qui pourrait en
conséquence, les priver de certains intérêts au sein de la communauté internationale.381
Dans le cadre de leur différend frontalier, le Burkina Faso et le Mali avaient conclu un
compromis de saisine de la CIJ et qui lui fut notifié le 20 octobre 1983.382 Parmi les dispositions
de cet acte, l’article III.2.a) prévoyait que : «Sans préjuger aucune question relative à la charge de
la preuve, les Parties prient la chambre d’autoriser la procédure suivante au regard des pièces de
procédure écrite :a) un mémoire soumis par chacune des Parties au plus tard six mois après
l’adoption par la Cour de l’ordonnance constituant la chambre». Cette disposition comportait
l’obligation pour chacune des parties de comparaitre devant la chambre saisie de l’affaire. Pour
avoir signé ce compromis, aucune des parties ne devrait en principe refuser de comparaitre devant
la chambre saisie de l’affaire pour exposer ses conclusions et/ou ses droits, et ce, dans un délai de
six mois à compter de la date de la constitution de la chambre. Par ailleurs, l’article IV de ce même
381 L’idée consiste à dire que le compromis étant un accord international ou traité, sa violation par les États qui l’ont
conclu, compromet leurs intérêts au sein de la communauté internationale, comme il en est de même de tout État qui
ne respecte pas ses engagements internationaux et qui peut de ce fait, perdre des privilèges sur la scène internationale.
Ce fut le cas du Canada qui perdit son siège de membre non-permanent au Conseil de sécurité de l’ONU à l’issue d’un
vote le 12 octobre 2010, au sein de l’Assemblée générale de ladite organisation. Les raisons évoquées de cette perte
de siège du Canada, concerneraient son manquement à l’exécution de certaines de ses engagements internationaux, à
savoir : son manque de performance internationale sur la question des changements climatiques, la réduction de son
aide versée à certains États africains, les critiques de sa politique envers le droit des peuples autochtones, etc. Voir à
cet effet, la perte du vote du Canada à l’ONU: recul de sa renommée internationale en ligne :
<http://www.mondialisation.ca/la-perte-du-vote-du-canada-l-onu-recul-de-sa-renomm-e-internationale/21438>: 382 Cour internationale de Justice, Compromis entre le gouvernement de la République de Haute-Volta et le
gouvernement de la République du Mali visant à soumettre à une chambre de la cour internationale de justice le
différend frontalier entre les deux états, en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/files/69/10664.pdf>.
88
acte faisait état de ce que : «1. Les Parties acceptent, comme définitif et obligatoire pour elles-
mêmes, l’arrêt de la chambre, rendu en application du présent compromis. 2. Dans l’année suivant
cet arrêt, les Parties procèderont à la démarcation de la frontière ». Cette disposition mettait à la
charge des parties, l’obligation de ne point remettre en cause la décision que la chambre viendrait
à rendre à propos de l’affaire, et de l’exécuter. Raison pour laquelle, elles furent respectées en
principe par les parties, car aux termes de l’arrêt rendu, non seulement, aucune exception
d’incompétence ou d’irrecevabilité n’a été soulevée par l’une d’elles, encore qu’elles (les parties)
ont effectivement comparu devant la chambre pour assumer la charge de la preuve.383 Aussi, se
sont-elles conformées à l’arrêt rendu en la mettant en œuvre.384
383 Supra note 311. 384 Supra note 383.
89
Chapitre II : Les implications de la mise en œuvre du consensualisme sur le cours de
la procédure de règlement des différends à travers le recours des États à la Cour par
la voie du compromis
Le consensualisme entre les parties permet à la Cour de mieux exercer sa compétence dans
la procédure de règlement des différends étant donné qu’il symbolise l’acceptation de la
compétence de la Cour par chacune d’elles. Le lien qui existe entre ce consensualisme et la saisine
de Cour par compromis, fait en sorte que cette voie de recours soit le lieu de prédilection pour la
protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions d’incompétence (section
1), d’une part. Cette relation entre États parties à un différend et la saisine de la Cour par voie de
compromis regorge à bien d’autres avantages de telle sorte que les États gagneraient à privilégier
cette dernière voie par rapport à la requête unilatérale (section 2), d’autre part.
Section 1 : La protection de la compétence de la Cour contre la multitude des exceptions dans
la procédure de règlement par le fait du recours par la voie de compromis
Les exceptions de la Cour sont au nombre de deux, si l’on en croit au Dictionnaire de droit
international public385. Ce sont les exceptions préliminaires et les exceptions d’irrecevabilité. La
protection de la compétence de la Cour par le recours par la voie de compromis, a trait à la capacité
de cette voie de saisine à limiter d’une part, les exceptions préliminaires (paragraphe 1), et, d’autre
part, les exceptions d’irrecevabilité (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires
Parlant d’exceptions préliminaires, il y a lieu de savoir que celles-ci existent en termes de
trois catégories. Sur ce, la capacité du compromis à limiter les exceptions préliminaires, concerne
d’abord les exceptions ratione materiae (A), ensuite les exceptions ratione personae (B), et enfin
les exceptions ratione temporis (C).
385 Salmon, supra note 2 à la p 1198.
90
A- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione
materiae par le recours par la voie de compromis
Selon Jean Salmon, l’exception ratione materiae suppose « l’inexistence d’un différend
juridique actuel et de caractère international ».386 En sa qualité d’organe judiciaire principal des
Nations Unies, la CIJ n’est en charge que du règlement des différends juridiques qui oppose des
États en tant principaux sujets de droit international. Cela limite la compétence de la Cour en
principe à la catégorie des matières juridiques à l’exception des matières revêtues de toute autre
connotation et celles politiques surtout.
En cela, la partie qui introduit une instance devant la Cour devra se rendre à l’évidence de
la nature juridique du différend pour lequel elle souhaite voir la Cour trancher. Le cas échéant et
s’il apparaît que le différend relève d’autres catégories de matières (politiques par exemple), l’autre
partie pourra faire objection à la compétence de la Cour. Celle-ci n’étant habilitée qu’en vertu des
différends d’ordre juridique, il va sans dire qu’elle ne pourrait connaître de différends d’ordre
politique et que de tels différends pourront faire objet d’exceptions préliminaires que le défendeur
pourra soulever.
Toutefois, il n’en demeure pas moins que quand bien même que la compétence de la Cour
s’étendrait à tous les différends juridiques à caractère international, elle ne pourra connaître de tels
différends que dans la mesure où la base juridique de compétence ayant permis sa saisine se
réfèrerait à leur catégorie. En effet, en droit international, il y a différentes catégories de matières et
chaque matière comporte des démembrements dont chacun peut faire objet d’adoption de traité.
Par exemple, en DIH, on peut avoir des traités qui portent sur les violences sexuelles, ou sur la
protection des enfants en temps de guerre ou sur les enfants soldats ; en droit de la décolonisation,
on pourrait procéder à l’adoption de traité portant délimitation frontalière terrestre et maritime, etc.
C’est pourquoi, on a à titre de preuve, la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques387,
la Convention relative à l'esclavage388, le Traité sur les forces armées conventionnelles en
Europe389, etc. Même dans les hypothèses où le demandeur à l’instance entend fonder la
compétence de la Cour en vertu de déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la
386 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 387 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, conclue le 18 avril 1961 à Vienne, 500 RTNU n0 7310. 388 Convention relative à l'esclavage, conclu le 25 septembre 1926 à Genève, 60 RTSN n0 1414. 389 Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, conclu le 19 novembre 1990 à Paris, 2441 RTNU n0
44001.
91
Cour, il lui importe de savoir les catégories de matières visées par celles-ci. Certaines déclarations
excluent certaines catégories de matières particulières à l’exception d’autres. C’est le cas de la
déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, du Canada390, qui exclue les
«différends relatifs à des questions qui, d'après le droit international, relèvent exclusivement de la
juridiction du Canada».
Sur ce, lorsqu’un différend est soumis à la Cour, à moins que cela n’ait été que par
compromis, le demandeur devra indiquer dans sa requête la base de compétence en vertu de
laquelle, il croit pouvoir voir la Cour statuer.391 Lorsque la base de compétence est par exemple
une clause compromissoire insérée dans un traité, il faudrait que le traité en question et le différend
en cause relèvent de la même catégorie de matière en droit international. En cela, si le différend a
trait par exemple au crime de génocide relativement au DIH, il faudrait pour établir la compétence
de la Cour et éviter l’exception ratione materiae que le traité dont la clause prévoit la compétence
de la Cour, soit relatif au crime de génocide en lien avec le DIH.
Lorsque la compétence de la Cour devra découler de déclarations d’acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour, supposons que ce soit contre le Canada que le demandeur
introduit une l’instance. La Cour se heurterait inévitablement à l’exception ratione materiae, si le
différend en cause est en lien avec la sécurité intérieure ou la défense nationale du Canada, dans la
mesure où ces différentes matières font partie de celles qui ne sont pas prises en compte par la
déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faite par le Canada392. Cela dit, la
sécurité intérieure ou la défense nationale, tout comme les affaires étrangères et la justice, font
partie des matières qui relèvent des Ministères régaliens du Canada.393 Souvenons-nous en effet,
des affaires Essais nucléaires entre l’Australie et la France394 et entre la Nouvelle-Zélande et la
France395. En réalité, dans ces affaires, la France était fondée à évoquer l’incompétence de la Cour
390 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, faite le 10 mai 1994 à New York, 1776
RTNU n0 30941. 391 En effet, le paragraphe 2 de l’article 38 du Statut de la Cour porte que dans le cas où une instance est introduite
devant la Cour par la voie de requête : « La requête indique autant que possible les moyens de droit sur lesquels le
demandeur prétend fonder la compétence de la Cour ; elle indique en outre la nature précise de la demande et contient
un exposé succinct des faits et moyens sur lesquels cette demande repose. ». 392 Supra note 390. 393 Bol de culture, en ligne : < http://boldeculture.blogspot.ca/2011/04/quest-ce-quun-ministere-regalien.html>. 394 Supra note 259. 395 Supra note 258.
92
sous le motif que sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du 20 mai
1966 excluait les matières ayant trait à sa défense nationale.396 La France pouvait donc soulever
l’exception ratione materiae. Si la Cour ne lui a pas fait droit en cela, c’est certainement parce que
sa compétence pouvait résulter d’une autre base juridique de compétence à savoir, l'article 17397 de
l'Acte général pour le règlement pacifique des différends internationaux conclu à Genève le 26
septembre 1928 qui prévoyait la compétence de la CPJI en tant que devancière de la CIJ. La France
était partie à cet Acte, et quoique conclu à l’époque de la CPJI, en vertu de l’article 37 du Statut de
la CIJ, il demeurait toujours en vigueur et pouvait être invoqué comme fondement de la compétence
de cette Cour.
Dans l’éventualité d’une exception ratione materiae, tout comme les autres catégories
d’exceptions préliminaires, il appartiendra à la Cour de démontrer sa compétence en l’occurrence
à travers un arrêt sur les exceptions préliminaires en question. C’est de là qu’apparait aussi l’un des
inconvénients de l’introduction d’instance par la voie de requête unilatérale devant la Cour.
Premièrement, l’éventualité d’une ou des exception (s) préliminaire (s) aura pour effet de retarder
l’évolution rapide de la procédure de traitement du différend, car la Cour devra se donner tout le
temps nécessaire pour examiner la question des exceptions. En second lieu, dans l’hypothèse où la
Cour se déclare incompétente pour connaitre du différend au fond à l’issue de son arrêt sur les
exceptions préliminaires, l’instance introduite se terminera dès lors, et l’affaire sera radiée de son
rôle.398
Le recours à la Cour par la voie de compromis permet de protéger sa compétence contre
l’exception ratione materiae, en ce sens que d’une part, le compromis peut couvrir à la fois toutes
les matières du droit international, contrairement aux clauses compromissoires insérées dans des
traités qui sont souvent conclus par rapport à des domaines ou matières spécifiques du droit
international. Cela dit, quelle que soit la catégorie de matière à laquelle un différend juridique
international se réfère, des États peuvent conclure un compromis de saisine pour fonder la
compétence de la Cour. Mais, unilatéralement, un État partie à un différend, ne saurait porter celui-
ci devant la Cour sur le fondement de n’importe quelle clause compromissoire. Les clauses
compromissoires existent en effet dans des traités qui portent sur des matières spécifiques, d’où
396 Supra note 275. 397 Supra note 271. 398 Kolb, supra note 41 à la p 258.
93
une seule clause compromissoire ne pourrait servir de fondement à la compétence de la Cour pour
tous les différends juridiques internationaux. C’est aussi le cas des déclarations facultatives de
juridiction obligatoire de la Cour, qui ont parfois des effets spécifiques et visent de ce fait des
catégories particulières de matières pour ne pas pouvoir couvrir à la fois toutes les matières relatives
au droit international. D’autre part, il est très rare, voire impossible que des États concluent un
compromis de saisine de la Cour, pour le limiter ensuite par une exception ratione materiae.
L’expérience de la jurisprudence de la Cour prouve en réalité que cette exception ne joue souvent
que dans les hypothèses d’affaires introduites par la voie de requête unilatérale.399
Outre, la catégorie des exceptions ratione materiae, celle des exceptions ratione personae
a tout de même des effets limités en ce qui concerne la saisine de la Cour par la voie de compromis.
B- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione
personae par le recours par la voie de compromis
Seuls les États sont justiciables devant la CIJ. Le paragraphe 1 de l’Article 34 de son Statut
l’affirme en ces termes : « Seuls les États ont la qualité pour se présenter devant la Cour ». La
question reste à savoir ce que c’est qu’un État. Il semble que le terme « État » doive être compris
dans son sens objectif, si l’on s’en tient à la nature des entités qui ont souvent l’habitude d’ester
devant la Cour au niveau contentieux.
À ce sujet, c’est la Convention de Montevideo de 1933 sur les droits et les devoirs des États,
offre une définition du terme « État » en l’articulant autour de la réunion de trois éléments sine qua
non à travers son article premier qui porte que : « Un État en tant qu'entité du droit international
doit posséder les éléments suivants : une population permanente, un territoire défini, un
gouvernement, et la capacité d'entrer en relation directe avec les autres États ». Cela dit, pour être
partie devant la Cour, l’entité qui le souhaite doit avoir une population, un territoire et un pouvoir
politique, sans méconnaitre le critère de souveraineté : C’est la question du locus standi et c’est ce
sur quoi la CIJ se base pour attester la justiciabilité d’une entité. Une entité de ce genre, quand bien
399 Nous tirons notre raisonnement sur la base d’un constat réalisé sur l’ensemble des affaires portées devant la Cour
par la voie du compromis : supra note 187, aussi supra note 282.
94
même qu’elle ne serait pas membre de l’ONU pourra avoir accès à la Cour si toutefois elle est
partie à son Statut.
Toutefois, il ne suffit pas pour un État donné de pouvoir avoir accès à la Cour. Aussi, lui
incombe-t-il d’avoir en effet, consenti à la compétence de la Cour pour donner à celle-ci de pouvoir
se prononcer valablement sur le différend auquel il est partie. De ce point de vue, et dans
l’hypothèse d’une saisine unilatérale de la Cour, l’État qui en est à la base devra prouver la
compétence de la Cour soit au moyen d’une clause compromissoire, soit sur le fondement d’une
déclaration facultative de juridiction obligatoire, soit dans un dernier cas relatif au forum
prorogatum.
Si la compétence de la Cour a été établie par le demandeur sur le fondement d’une clause
compromissoire, cela doit supposer l’existence d’un traité auquel non seulement le demandeur,
mais aussi le défendeur seraient parties. L’exception ratione personae peut de ce fait, être évoquée
par le défendeur s’il avère que le traité contenant la clause compromissoire, est caduc ou bien s’il
se trouve que l’un des États parties (au différend) n’y est pas valablement partie (au traité).
Supposons par ailleurs que la compétence de la Cour ait été établie en vertu d’une
déclaration facultative de juridiction obligatoire. Les hypothèses de l’exception ratione personae,
sont d’autant plus perceptibles dans ce cas-ci au regard des réserves faites audites déclarations et
qui visent parfois à exclure certains États de la sphère de compétence de la Cour. Sur ce, il peut
arriver qu’État partie à un différend ne puisse pas le porter devant la Cour sur le fondement de sa
déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour dans la mesure où l’État défendeur aurait
pour sa part, formulé une réserve à sa déclaration de juridiction obligatoire pour soustraire de la
compétence de celle-ci une catégorie d’États à laquelle appartient le demandeur. C’est le cas du
Canada qui exclut les États du Commonwealth britannique de la sphère de compétence de la Cour
aux termes de sa déclaration de juridiction obligatoire dans tout différend entre lui et l’un
quelconque de ces États.400 Parmi ces États, figurent l’Australie, la Grande-Bretagne, l’Afrique du
Sud, etc.401 Sur ce, le Canada pourra soulever une exception ratione personae pour contester la
400 Supra note 390 401 Liste des États membres du Commonwealth, en ligne : < http://statistiques-mondiales.com/commonwealth.htm>.
95
compétence de la Cour dans une instance introduite devant elle par exemple par l’Australie, sur le
fondement de sa déclaration de juridiction obligatoire.
C’est ainsi qu’il ne devrait pas être étonnant de constater que des États soient limités d’un
point de vue ratione personae, dans la possibilité de saisir la Cour par le biais d’une requête
unilatérale. Selon le Dictionnaire de Droit international public, «l’incompétence ratione personae
est soulevée par un État s’il considère que l’autre partie n’a pas qualité pour agir devant la Cour»402.
Les États qui recourent à la Cour par la voie du compromis, échappent souvent et pour ne
pas dire dans presque tous les cas, à l’exception ratione personae, pour une bonne raison. D’une
part, la conclusion d’un compromis de saisine de la Cour suppose d’emblée que c’est des États qui
sont à la base et qu’en aucun cas cela ne pourrait être l’œuvre d’autres sujets de droit international,
au regard de l’article 34 paragraphe 1 du Statut de la Cour. Ainsi, dans l’hypothèse où une entité
qui ne serait pas un État, mais qui voudrait quand même être partie à un différend devant la Cour
par la voie de compromis, l’autre partie avec laquelle elle entend conclure le compromis, pourrait
facilement opposer son refus pour un tel compromis de saisine, en vertu du paragraphe 1 de l’article
précité. D’autre part, en plus d’être une voie de recours, le compromis sert aussi de fondement
juridique à la compétence de la Cour. Cela dit, l’acte de compromis notifié à la Cour en vue de sa
saisine, contient en principe l’expression du consentement de chaque partie au différend en cause.
De ce fait, aucune des parties ne pourra une fois, pendant l’instance, nier à l’autre sa qualité à
pouvoir agir devant la Cour sous prétexte qu’elle n’aurait pas consenti à la compétence de la Cour
de telle sorte qu’il y aurait une exception ratione personae à son encontre.
C’est au regard de ces considérations que dans la jurisprudence de la Cour, et selon les
analyses que nous avons nous-mêmes réalisées, il n’y a jusque-là pas eu de différend porté devant
elle par la voie de compromis et dans lequel l’une des parties aurait soulevé une exception ratione
personae pour contester la qualité de l’autre à pouvoir agir valablement devant la Cour. En clair,
les exceptions ratione personae sur lesquelles la Cour a eu à statuer, ont été l’œuvre du recours à
elle par la voie de requête unilatérale.403 Cette dernière voie est d’ailleurs loin de pouvoir protéger
la compétence de la Cour contre les exceptions préliminaires dans le sens où elle ne suppose pas
402 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 403 Nous déduisons ce raisonnement du constat réalisé sur l’ensemble des affaires portées devant la Cour par la voie de
compromis. De ce constat, il ressort qu’aucune de ces affaires n’a fait objet d’exception ratione personae. Voir, infra
note 474.
96
que les parties aient pu procéder à des concessions entre elles avant la saisine de la Cour. D’ailleurs,
le fait qu’un État A assigne un autre État B devant la Cour, laisse implicitement déduire qu’il n’y
aurait pas eu un accord entre les deux États, et que l’État A voudrait obliger l’État B à se présenter
devant la Cour contre son gré. C’est ce qui ouvre la voie à ce dernier, en tant que défendeur à
l’instance à vouloir contester la compétence de la Cour sur le motif de l’existence par exemple,
d’une exception ratione personae.
L’un des exemples d’application de l’exception ratione personae fut dans l’affaire Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis
d'Amérique)404, quoique la Cour n’ait pas fait droit aux États-Unis qui en furent auteur. Trois jours
avant l’introduction de cette instance par requête du Nicaragua, le 9 avril 1984, les États-Unis
avaient entendu modifier leur déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour du
14 aout 1946 par le moyen d’une notification adressée (le 6 avril 1984) au Secrétaire général de
l’ONU. 405 Cette notification avait en principe pour objet d’exclure «l'un quelconque des États de
1'Amérique centrale ou découlant d'évènements en Amérique centrale ou s'y rapportant» devant la
Cour, dans un différend avec les États-Unis.406 Pour la Cour, la notification en question était
assortie d’une clause de préavis de six mois407 et ne pouvait entrer en vigueur en principe que le 6
octobre 1984408, de telle sorte que le Nicaragua puisse bénéficier pendant ces six mois, du temps
nécessaire pour y faire objection s’il le souhaitait.409
En sus des exceptions ratione personae, dont il est presqu’impossible pour elles de pouvoir
prospérer à l’occasion d’instance introduite devant la Cour par la voie de compromis, la catégorie
des exceptions ratione temporis a tout de même moins de chance de pouvoir être évoquée par les
défendeurs pour contester à la Cour, sa compétence à pouvoir connaitre des différends devant elle
par cette même voie.
404 Supra note 80. 405 Supra note 80 à la p 419 au para 63. 406 Supra note 80 à la p 417 au para 57. 407 Supra note 80 à la p 419 au para 62. 408 Supra note 80 à la p 416 au para 54. 409 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 632.
97
C- La protection de la compétence de la Cour contre la catégorie des exceptions ratione
temporis par le recours par la voie de compromis
En rappel, lorsque le paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour porte que « la
compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les parties lui soumettront […] », l’idée
consiste à dire que la Cour ne serait pas compétente pour se prononcer sur un différend quoique lui
ayant été soumis, que si les États parties en cause ont tous consenti à sa compétence de façon
formelle. Dans l’affaire Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale
(Djibouti c France)410, la Cour elle-même n’a pas manqué de le signifier en ces termes : « La
compétence de la Cour est fondée sur le consentement des États dans les conditions fixées par ceux-
ci »411. À en croire à cette allégation de la Cour, les États peuvent sanctionner leur consentement à
sa compétence par le respect de certaines conditions dont la définition dépendrait de chacun d’eux.
C’est en cela, que certains États choisissent de subordonner la compétence de la Cour au respect
de certaines limites en termes de temps à partir duquel l’on pourrait valablement considérer leur
consentement à être liés à la compétence de la Cour. Lorsqu’une affaire se trouve de ce fait, portée
devant la Cour par un État demandeur en méconnaissance de telles limites temporelles, le
défendeur qui aurait subordonné la compétence de la Cour à de telles limites, pourrait évoquer une
exception préliminaire qui est en principe l’exception ratione temporis.
L’exception ratione temporis fait partie des catégories potentielles d’exceptions
préliminaires pouvant conduire à ce qu’un demandeur devant la CIJ soit débouté de sa demande
par le fait du défendeur. Jean Salmon le fait savoir dans sa définition sur les exceptions
préliminaires. Ainsi, dit-il que l’exception « ratione temporis peut être invoquée à raison de
l’expiration de la durée de validité d’un engagement unilatéral ou conventionnel ou encore parce
que les faits en cause auraient été accomplis avant l’engagement de juridiction obligatoire souscrit
par l’une des deux parties»412. Cette définition prend davantage en compte les bases juridiques de
la compétence de la Cour qui concernent la requête unilatérale. Ce sont les clauses
compromissoires insérées dans des traités, les déclarations facultatives de juridiction obligatoire de
la Cour. En effet, l’exception ratione temporis, en tant qu’exception préliminaire, est dans la
410 Supra note 143. 411 Supra note 143 à la p 203 au para 60. 412 Salmon, supra note 2 à la p 1198.
98
plupart du temps, l’œuvre du défendeur à l’instance qui la soulève pour dire que la Cour n’aurait
pas compétence pour connaitre de l’action introduite par le demandeur.
En clair, l’exception ratione temporis a moins de chance de pouvoir s’accommoder avec
l’hypothèse d’un compromis de saisine de la Cour. En principe l’acte de compromis de saisine
contient la définition de tous les aspects du différend qu’il vise à faire porter devant la Cour. Ces
aspects prennent en compte l’engagement des parties au regard de la notification de l’acte à la Cour
dans un délai fixé par les parties elles-mêmes, leur engagement à soumettre chacune à la Cour les
pièces de procédures (mémoire, contre-mémoire, etc.), également dans des délais prédéfinis par
elles-mêmes, etc. Par exemple, le Burkina Faso et le Niger avaient subordonné leur saisine de la
Cour dans le délai d’un mois après l’entrée en vigueur du compromis413 qu’ils avaient signé dans
le cadre de leur différend frontalier414. L’article 9 de l’acte du compromis indiquait que si la «
notification n’est pas effectuée conformément au paragraphe précédent [portant sur l’article 40 du
Statut] dans le délai d’un mois suivant l’entrée en vigueur du présent compromis, celui-ci sera
notifié au greffier de la Cour par la Partie la plus diligente ». Si l’affaire doit être portée devant la
Cour par la voie de compromis, il y a de ce fait plus de chance qu’elle le soit dans le délai prévu.
Au regard des principes du pacta sunt servanda et de la bonne foi, le compromis traduit une volonté
non équivoque et réciproque des parties de donner compétence à la Cour afin qu’elle puisse
connaitre de leur différend. En cela, il est possible de croire que le délai pour la notification du
compromis ne puisse jamais échapper à toutes les deux parties. Autrement dit, même si l’une
d’entre elles se révélait négligente par la suite, l’autre partie pourra veiller à ce que la Cour soit
effectivement saisie.
Ceci étant, l’exception ratione temporis porte sur la validité des bases juridiques de la
compétence de la Cour. Convenons-nous toutefois que ce sont ces bases juridiques qui constituent
la matérialisation du consentement des États à la compétence de la Cour. Pour que la Cour puisse
se prononcer sur une affaire donnée, il faut que la base juridique de compétence retenue soit valide.
Pour qu’elle soit valide, il faudrait se rendre à l’évidence que l’un quelconque des États parties au
413 Cour internationale de Justice, Compromis de saisine de la cour internationale de justice, au sujet du différend
frontalier entre le Burkina Faso et la république du Niger, en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/files/149/15986.pdf>. 414 Supra note 313.
99
différend n’ait pas limité la compétence de la Cour lors de sa manifestation de consentement,
seulement à des affaires postérieures à un tel consentement.
Cette exception joue davantage surtout lorsque, l’État demandeur entend fonder la
compétence de la Cour sur une clause compromissoire. Celle-ci suppose un traité ou une
Convention internationale en apparaissant comme sa stipulation qui formalise la compétence de la
Cour415. Or, l’article 28416 de la Convention de Vienne sur le droit des traités érige le principe de
la non-rétroactivité comme faisant partie du régime général de l’exécution des traités. Ceci étant,
la clause compromissoire ne pourra être évoquée par le demandeur à l’instance, comme fondement
de la compétence de la Cour que dans la mesure où le traité qui la contient serait entré en vigueur
antérieurement à la naissance du différend qui l’oppose. L’affaire Ambatielos (Grèce c Royaume-
Uni)417 constitue l’une des illustrations de ce principe de la non-rétroactivité des clauses
compromissoires. Ce différend fut introduit sur requête de la Grèce contre le Royaume-Uni à la
date du 9 avril 1951. Il mettait en cause un armateur grec, Nicolas Eustache Ambatielos. La
réclamation de la Grèce portait sur la violation des droits de son ressortissant, le sieur Ambatielos
à la suite de sa condamnation par des tribunaux britanniques à l’issue d’un contrat qu’il avait conclu
en 1919 avec le gouvernement du Royaume-Uni. L’objet de ce contrat reposait sur l'achat de neuf
bateaux à vapeur.418 La Grèce qui entendait fonder la compétence de la Cour sur un traité de 1926,
passé avec le gouvernement du Royaume-Uni, fut déboutée de sa demande de réclamation sur ce
point. La Cour décida que ledit traité de 1926 n'étant entré en vigueur qu'au mois de juillet 1926 ne
pourrait être appliqué à des évènements qui eurent lieu antérieurement à cette date419, soit à des
évènements ou des actes commis depuis 1919.
Les déclarations facultatives de juridiction obligatoire ne sont pas aussi en marge de la
limitation des exceptions ratione temporis. Dans leurs déclarations facultatives de juridiction
obligatoire, plusieurs États ont formellement limité leur consentement à la compétence de la Cour
415 C’est l’exemple de l’article IX de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, approuvée
et soumise à la signature et à la ratification ou à l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa résolution 260 A (III) du
9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951, conformément aux dispositions de l'article XIII. 416 Cet article stipule que : « À moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par ailleurs établie, les
dispositions d’un traité ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’entrée en vigueur
de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui avait cessé d’exister à cette date ». 417 Affaire Ambatielos (Grèce c Royaume-Uni), [1952] CIJ rec 28. 418Ibid à la p 30. 419 Supra note 417 aux pp 40 et 46.
100
qu’à des différends portant sur des faits postérieurs, c’est-à-dire des faits qui se seraient produits
après la date de signature ou d’entrée en vigueur desdites déclarations. C’est l’exemple de
l’Allemagne420, du Canda421, du Japon422, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord dont la déclaration est entrée en vigueur le 31 décembre 2014, mais qui limite la compétence
de la Cour aux différends nés à partir de l’année 1984423, etc.
Ce sont en réalité ces considérations qui font peser en faveur du compromis, une capacité
véritable à pouvoir limiter les effets des exceptions préliminaires sur le cours de la procédure de
règlement des affaires. Il n’en demeure pas moins que cette capacité du compromis peut de même
limiter les exceptions d’irrecevabilité dans leurs effets.
Paragraphe 2 : La capacité du compromis à limiter les exceptions d’irrecevabilité
Selon le Dictionnaire de droit international public, on appelle exception d’irrecevabilité un
« moyen de procédure tendant à obtenir que le juge compétent pour connaitre d’une affaire ne
procède pas à l’examen au fond pour le motif qu’une condition préalable à cet examen fait défaut
»424. Si les exceptions préliminaires ont pour objet de révéler l’incompétence du juge international
de telle sorte qu’il ne devrait avoir autre choix que de se dessaisir du différend qui lui fut porté, les
exceptions d’irrecevabilité pour leur part, traduisent généralement l’idée de la non-satisfaction
d’une condition préalable à la saisine du juge. De ce fait, le juge pourrait valablement connaitre du
différend dans le cas où le préalable aurait été accompli. Par exemple dans l’affaire Mavrommatis,
la CPJI affirmait, se rendre à l’évidence de « l’importance de la règle suivant laquelle ne doivent
être portées devant elle que des affaires qui ne sont pas susceptibles d’être réglées par des
négociations » 425. L’idée de l’exception d’irrecevabilité traduit de ce fait, une faute du demandeur
420 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, conclue le 1er mai 2008, 2515 RTNU n0
44914. 421 Supra note 390. 422 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice. New York, 15 septembre 1958, conclue le
15 septembre 1958, 312 RTNU n0 4517. 423 Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice, conformément au
paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, entrée en vigueur le 31 décembre 2014,
RTNU n0 52381. 424 Salmon, supra note 2 à la p 1198. 425 Supra note 16 à la p 15.
101
à l’instance en général, d’avoir manqué d’accomplir une condition préalable à la saisine de la
Cour.426Il appartiendra en retour à la Cour de l’examiner au même titre que les exceptions
préliminaires (s’il y a lieu). Elle pourra soit la rejeter au cas où elle ne serait pas fondée en droit.
Ainsi, l’instance poursuivra-t-elle son cours pour aboutir à un examen au fond.
La Cour pourrait dans une autre mesure, à la suite de l’examen des exceptions
d’irrecevabilité, mettre un terme à l’instance et radier l’affaire de son rôle, au cas où la ou les
conditions préalables à l’introduction de l’instance n’auraient pas été accomplies. Tout compte fait,
la distinction entre exception préliminaire et exception d’irrecevabilité n’est souvent pas très nette.
Parfois, des questions relatives à l’épuisement de négociations diplomatiques ont été assimilées à
des exceptions préliminaires.427 C’est à ce sujet que sir Gerald Fitzmaurice déclarait au titre de son
opinion individuelle dans l’affaire Cameroun septentrional (Cameroun c Royaume-Uni) 428 que :
Il se peut qu'une exception préliminaire donnée concerne et la compétence et la
recevabilité ; mais la distinction, le test réel, dépend, semble-t-il du point de savoir si
l'exception repose ou est fondée sur la clause ou les clauses juridictionnelles en vertu
desquelles on prétend établir la compétence. Si tel est le cas, l'exception porte
essentiellement sur la compétence. Si elle repose sur des considérations extérieures à
une clause juridictionnelle et ne mettant pas en jeu l'interprétation ou l'application d'une
telle disposition, il s'agira normalement d'une exception à la recevabilité de la
demande.429
En principe, la question des exceptions d’irrecevabilité ne pourrait se poser que dans les
hypothèses du recours à la Cour par la voie de la requête unilatérale. Pour cause, « lorsque la
compétence de la Cour est fondée sur des déclarations unilatérales ou sur une clause
compromissoire, l’État qui se voit attrait unilatéralement devant la Cour sur de telles bases soulève
fréquemment des exceptions »430. Elles sont donc en réalité, l’œuvre du défendeur à l’instance. Or,
l’instance dans laquelle on parle de défendeur est celle introduite par la voie de requête
unilatérale.431 Le défendeur, c’est en effet, celui contre qui une instance est engagée. Pourtant le
426 Pour plus de détails sur les exceptions d’irrecevabilité et les motifs de leur évocation au cours d’une instance, voir
Kolb, supra note 41 aux pp 227-230. 427 Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie (Belgique c Bulgarie) (1939), CPJI (sér A/B) n0 77 à la p 80. 428 Affaire du Cameroun septentrional (Cameroun c Royaume- Uni), [1963] CIJ rec 15. 429 Ibid, voir l’opinion individuelle de Gerald Fitzmaurice aux pp 102-103. 430 Philippe Couvreur, « Notes sur la Cour internationale de justice et la volonté des États », dans Pierre Argent, Les
limites du droit international : essais en l'honneur de Joe Verhoeven = The limits of international law : essays in
honour of Joe Verhoeven, Bruxelles, Bruylant, 2015 à la p 432 [Couvreur]. 431 Guillaume, supra note 48 à la p 149.
102
compromis témoigne d’un accord des parties impliquées dans le différend à aller devant la Cour.
Ainsi, l’expression « exception d’irrecevabilité » doit-elle être entendue comme une irrecevabilité
de la requête du demandeur recommandée par le défendeur à la Cour.
Le lien entre les exceptions d’irrecevabilité et le recours à la Cour par la voie de requête
unilatérale peut se démontrer si l’on part de la pratique de la jurisprudence que ce soit de la CPJI
ou de la CIJ. À cet effet, l’expérience permet de révéler que les affaires ayant fait objet de telles
exceptions, sont celles issues de saisines unilatérales de la Cour. Dans un premier temps, voyons-
en avec la CPJI432 dans la mesure où la CIJ a hérité d’elle. Il existait également deux voies de
saisine devant cette Cour dans la mesure où le contenu de l’article 40433 de son Statut ne différait
pas de celui de l’article 40 du Statut de la CIJ en tant que tel. Toutefois, c’est dans les cas de saisine
par la voie de la requête unilatérale que cette Cour se heurtait davantage aux hypothèses
d’exceptions d’irrecevabilité. L’on en veut pour preuve les affaires suivantes : affaire des
concessions Mavrommatis en Palestine434 ; affaire Losinger & Cie, S. A. (Exceptions
préliminaires)435, affaire Phosphates du Maroc (Exceptions préliminaires)436 ; affaire relative à
certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise437, affaire Usine de Chorzów (fond)438, etc.
L’affaire des concessions Mavrommatis, avait trait à une instance introduite devant la CPJI
sur requête du Gouvernement de la République hellénique (ou grecque), le 13 mai 1924 contre la
Grande Bretagne. Dans cette affaire, la Grèce prenait fait et cause pour son national, le sieur
Mavrommatis, dont les droits auraient été violés aux termes de contrats et accords qu’il aurait
passés avec les autorités ottomanes. La Grèce plaidait de ce fait, pour une réparation de ce préjudice
subi par le sieur Mavrommatis, par le gouvernement britannique, et réclamait ainsi la somme de
234.339 livres sterling.439 Toutefois, pour la Grande Bretagne, les conditions auxquelles l’exercice
432 Protocole de signature concernant le Statut de la Cour permanente de Justice internationale visé par l'article 14
du Pacte de la Société des Nations, conclu le 16 décembre 1920, 6 RTSN n0 170. 433 Selon l’article 40 du Statut de la CPJI, « Les affaires sont portes devant la Cour, selon le cas, soit par notification
du compromis, soit par une requête, adressée au Greffe ; dans les deux cas, l’objet du différend et les parties en cause
doivent être indiqués. […].». 434 Supra note 16. 435 Affaire Losinger & Cie, S. A. (Suisse c Yougoslavie) (1936), CPJI (sér A/B) n0 67 aux pp 15-24. 436 Affaire Phosphates du Maroc (Maroc c France) (1938), CPJI (sér A/B) n0 74 aux pp 16-23. 437 Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise (Allemagne c Pologne) (1925), CPJI (sér
A) n0 6 aux pp 26-27. 438 Affaire Usine de Chorzów (Allemagne c Pologne) (1928), CPJI (sér A) n0 17 à la p 51. 439 Supra note 16 à la p 7. 440 Supra note 16 aux pp 10-11.
103
de la compétence de la Cour devrait être subordonné, n’étaient pas réunies dans l'espèce, si bien
que la Cour devrait se dessaisir de l’instance.440 La Cour fit droit au défendeur en étant d’avis avec
lui sur l’exception en question, sans pour autant refuser de statuer au fond dans cette affaire.441
L’affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise avait été
introduite le 15 mai 1925 devant la CPJI sur requête de l’Allemagne contre la Pologne.442
L’Allemagne entendait obtenir de cette instance, la protection de certains de ses intérêts en Haute-
Silésie polonais. D’une part, ces intérêts étaient relatifs
à la reprise, par un délégué du Gouvernement polonais, de la gestion de l'exploitation
de l'usine d'azote à chaux sise à Chorzów, à la prise de possession par lui des biens
meubles et des brevets, licences, etc., de la société qui avait antérieurement assuré
l'exploitation de l'usine, ainsi qu'à la radiation aux registres fonciers de cette société
comme propriétaire de certains bienfonds à Chorzów et à l'inscription à leur place du
Trésor polonais.443
D’autre part, ces intérêts portaient sur l’expropriation de grands fonds à laquelle le
gouvernement de la République polonaise entendait se livrer auprès de leurs propriétaires. La
Pologne opposa une exception à l’exercice par la Cour de sa compétence sur trois motifs, dont l’un
avait trait à la recevabilité de la requête, selon la Cour. Se fondant sur ce motif, la Pologne estimait
que la requête de l’Allemagne était similaire à une requête relative à une demande d’avis
consultatif. Or, seulement le Conseil ou de l'Assemblée de la SDN étaient habilités à faire une
pareille demande devant la CPJI.444 Toutefois, à l’issue de son examen, la Cour rejeta cette
exception et décida de la poursuite de la procédure au fond.445
Par ailleurs, cette complicité entre exception d’irrecevabilité et introduction d’instance par
la voie de requête unilatérale, se démontre tout de même devant la CIJ, à travers des affaires dont
elle a été saisie par des États demandeurs. C’est l’exemple des affaires : Cameroun septentrional
(Cameroun c Royaume-Uni)446 ; Nottebohm (Liechtenstein c Guatemala)447 ; Droit de passage sur
441 Supra note 16 à la p 30. 442 Supra note 437 à la p 5. 443 Supra note 437. 444 Supra note 437 à la p 13. 445 Supra note 437 à la p 27. 446 Supra note 428 aux pp 33-36. 447 Affaire Nottebohm (Liechtenstein c Guatemala), [1955] CIJ rec 4 aux pp 10-12.
104
territoire indien (Portugal c Inde)448 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c États-Unis d'Amérique)449 ; Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria ; Guinée Équatoriale (intervenant))450, etc.
L’affaire relative au Droit de passage sur territoire indien (Portugal c Inde) fut introduite
devant la Cour sur requête du Portugal à la date du 22 décembre 1955, sur le fondement de la clause
facultative de juridiction obligatoire de la Cour, à laquelle chacune des parties avait souscrit.451 Le
Portugal entendait obtenir de la Cour qu’elle lui fasse droit sur son droit de passage entre son
territoire de Damão et ses territoires enclavés de Dadra et de Nagar-Aveli et entre ceux-ci. Ainsi,
soutenait-il que l’Inde s’y opposait.452 L’Inde estimait pour sa part que la Cour devrait en
l’occurrence se dessaisir de cette affaire pour un certain nombre de raisons. Parmi celles-ci figurait
le fait pour le Portugal d’avoir recouru à la Cour sans que les parties n’aient au préalable satisfait
à l’obligation des négociations diplomatiques.453 Pour la Cour, cette exigence des négociations
préalables aurait été remplie, faisant ainsi droit à la requête du Portugal plutôt que de la rejeter pour
satisfaire au vœu du défendeur.454
Comme développé plus haut, les exceptions d’irrecevabilité partagent avec les exceptions
préliminaires, l’inconvénient de paralyser le cours de la procédure de traitement des affaires devant
la Cour. Elles visent un dessaisissement de celle-ci des instances à elle soumises, et retardent
souvent des décisions au fond, devant pourtant mettre un terme aux différends. Ces différentes
hypothèses sont pour la plupart du temps dues à des saisines de la Cour par la voie de requête
unilatérale. Autrement dit, le compromis de saisine conserve une grande probabilité de mettre la
Cour à l’abri des exceptions d’irrecevabilité. En plus de cet atout, le compromis génère bien
d’autres avantages non moins négligeables dans le processus de règlement des différends devant la
Cour, par l’effet de la règle du consensualisme dont il fait la promotion. D’où l’idée de la renforcer.
448 Affaire du droit de passage sur territoire indien (Portugal c Inde), [1957] CIJ rec 125 aux pp 130-150. 449 Supra note 80 aux pp 438-441. 450 Supra note 170 aux pp 302-304. 451 Supra note 448 à la p 127. 452 Supra note 448 à la p 128. 453 Supra note 448 aux pp 130 et 148. 454 Supra note 448 à la p 149.
105
Section 2 : De la nécessité de renforcer le recours à la Cour par la voie du compromis
Le fait que la compétence de la Cour dépende du consentement des États renforce la
crédibilité du compromis de saisine pour garantir une véritable mise en œuvre de la règle du
consensualisme entre les États parties à un différend. Le recours par la voie du compromis
consolide donc davantage la crédibilité de la Cour (paragraphe 1). D’où il serait idéal de faire aux
États des propositions relatives à la voie du compromis de saisine tant que le règlement judiciaire
de la CIJ devrait être le mécanisme le plus sûr pour le dénouement de leurs différends (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les raisons justificatives de cette nécessité de renforcer la saisine de la
Cour par la voie de compromis
Le principe de l’indépendance des juges de la Cour est affirmé à l’article 2455 du Statut de
la Cour. Cela suppose que les juges ne devront recevoir d’injonction de la part de qui que ce soit,
encore non plus de leurs propres États quand bien même que leur élection dépendrait des
propositions de ces derniers.456 Quant à leur impartialité, l’article 20 du même texte en dispose
que : « Tout membre de la Cour doit, avant d'entrer en fonction, en séance publique, prendre
l'engagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience ».
L’impartialité sous-entend de façon précise, une « absence de parti pris, de préjugé et de conflit
d’intérêt chez un juge, un arbitre, un expert ou une personne en position analogue par rapport aux
parties se présentant devant lui ou par rapport à la question qu’il doit trancher »457.
L’indépendance et l’impartialité des juges sont de ce fait un socle qui contribue à la
construction de la crédibilité de la Cour, comme il en est d’ailleurs de toute juridiction en général.
Outre ces considérations, la confiance que la Cour pourrait susciter vis-à-vis des États semble
dépendre d’autres facteurs. Ceux-ci peuvent concerner : la capacité de la Cour à pouvoir
effectivement trancher un différend porté devant elle, avec comme finalité le dénouement (rapide)
dudit différend; la capacité de la Cour de se soustraire d’éventuelles remises en cause de sa
compétence à travers les différents types d’exceptions ; la capacité de la Cour de se défaire du
455 Selon cet article, « La Cour est un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les
personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice,
dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une
compétence notoire en matière de droit international ». 456 Supra note 6 art 4 et 5. 457 Salmon, supra note 2 à la p 562, sens D.
106
pouvoir des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, lié à l’usage de leur droit de
véto pour paralyser l’exécution de ses décisions, etc.
Si l’on part de ce constat, le compromis de saisine de la Cour, apparaîtrait comme le cadre
idéal qui peut contribuer à asseoir la crédibilité de la Cour. Par rapport à la requête unilatérale, le
recours à la Cour par la voie de compromis, offre davantage la possibilité à celle-ci d’échapper à
des objections à sa compétence ou à des exceptions d’irrecevabilité dues aux réserves. Par ces
réserves, les États écartent de la compétence de la Cour, soit des catégories de matières458, soit des
catégories d’États459 ou soit, des différends en raison de leurs dates de survenance460. Sur ce, on ne
devrait donc pas se satisfaire sur le simple fait d’un accroissement du nombre461 des déclarations
d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour ou même, encourager les États à accepter une
telle juridiction. C’est ce constat qui se dégage pourtant, souvent des discours des différents
Secrétaires généraux de l’ONU lors des anniversaires de la CIJ. Ceux-ci semblent mettre l’accent
sur l’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour, plutôt qu’à encourager les États à limiter
au maximum leur formulation de réserves lorsqu’ils acceptent une telle juridiction. Par exemple,
dans son discours lors du 70ème anniversaires de la CIJ, le Secrétaire général de l’ONU, en
l’occurrence, monsieur Ban Ki-moon, martelait ce même cri de cœur en ces termes : « (…)
J’appelle tous les États qui n’ont pas encore accepté la juridiction de la Cour à le faire ».462 C’est
le signe que la confiance des États à la CIJ n’est pas à son comble, sinon ils ne se donneraient pas
tous les moyens de contester sa compétence et prétendre que leurs différends devront être réglés à
travers d’autres mécanismes de règlement des différends.
De ce fait, si la crédibilité de la Cour dépend de la confiance que les États ont d’elle à
pouvoir effectivement connaitre des différends qu’ils lui soumettent,463 il n’en demeure pas moins
458 Ce sont ces réserves qui suscitent les exceptions préliminaires communément appelées exceptions ratione materiae.
Ainsi, dès lors qu’une affaire est portée devant la Cour sur le fondement d’une déclaration de juridiction obligatoire
ou d’une clause compromissoire, assorties d’une telle réserve à la compétence de la Cour, l’État défendeur pourra
soulever une exception préliminaire (ratione materiae) qui aura pour effet de dessaisir la Cour de ladite affaire. Pour
en savoir davantage, voir nos développements précédents sur les exceptions ratione materiae. 459 Voir notre dépècement sur les exceptions ratione personae. Ici, les réserves à la compétence de la Cour auront pour
effet de susciter les exceptions préliminaires de type ratione personae, visant à dessaisir la Cour des affaires portées
devant elle pour motif que le ou les demandeurs n’auraient pas qualité pour agir devant elle. 460 Voir nos développements précédents sur les exceptions ratione temporis. 461 Cour internationale de Justice, « Déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire », en ligne : <
http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&lang=fr>. 462 ONU, « Discours du Secrétaire général de l’ONU pour commémorer le #ICJ70 », En ligne : <
http://unric.org/fr/actualite/4006-discours-du-secretaire-general-de-lonu-pour-commemorer-le-icj70>. 463 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92.
107
que la voie du compromis de saisine soit celle qui puisse davantage la renforcer. Cela dit, dans la
mesure où les États qui concluent un compromis de saisine doivent avoir le sentiment d’être liés à
un traité qui doit donc être exécuté de bonne foi, de manière générale, il en découle que les
hypothèses de compromis de saisine peuvent renforcer davantage la confiance à la Cour en tant
que cadre de dénouement des différends.
Au-delà de ce constat, force est de savoir que les critiques souvent portées à l’encontre de
la Cour sont pour la plupart du temps relatives à son rôle joué dans le règlement d’affaires dont elle
a été saisie par la voie de requête unilatérale. C’est le cas avec l’idée même des négociations
préalables à la saisine de la Cour. Évoquée souvent dans les hypothèses de saisine de la Cour par
la voie de requête unilatérale par le défendeur, cette exigence commande que le demandeur doive
avoir épuisé la voie de négociation avant de se prêter au règlement judiciaire devant la Cour. Si la
Cour a parfois débouté des demandeurs à la suite de leurs recours pour n’avoir pas respecté cette
règle, il n’en demeure pas moins des affaires où elle ne semblait pas subordonner le recours à elle
à des négociations préalables. C’est l’exemple du Différend de la frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria464. Dans cette affaire (introduite par requête unilatérale), la
deuxième exception soulevée par le Nigeria, visait à ce que la Cour se déclare incompétente pour
connaître du différend pour motif que la condition de négociations préalables n’aurait pas été
accomplie avant sa saisine.465 La Cour rappela son précédent judiciaire dans l’affaire du Plateau
continental de la mer Egée (Grèce c Turquie)466, où elle affirma que : «La négociation et le
règlement judiciaire sont l'une et l'autre cités comme moyens de règlement pacifique des différends
à l'article 33 de la Charte des Nations Unies. La jurisprudence de la Cour fournit divers exemples
d'affaires dans lesquelles négociations et règlement judiciaire se sont poursuivis en même
temps»467. Elle ne fit donc pas droit au Nigeria.
Or, dans l’affaire de l’Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c Fédération de Russie)468, la Cour débouta
la Géorgie de sa demande contre la Fédération de Russie, au motif qu’elle ne s’était pas d’abord
464 Supra note 170 aux pp 302-304. 465 Supra note 170 aux pp 300-301. 466 Supra note 170 à la p 287 au para 19. 467 Plateau continental de la mer Égée (Grèce c Turquie), [1978] CIJ rec 3 à la p 12 au para 29. 468 Supra note 91. 469 Supra note 91 à la p 140 au para 183.
108
prêtée à des négociations avec le défendeur avant d’introduire sa requête.469 Cette condition des
négociations préalables ressort de l’article 22470 de la Convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale. Cette affaire a donné à assister à une sorte de
revirement jurisprudentiel de la Cour. Toutefois, quoique cet article 22 de la Convention,
subordonne la saisine de la Cour à des négociations préalables, rien dans le Statut de la Cour elle-
même ou dans la Charte de l’ONU ne prévoit une telle condition. Au contraire, les États parties à
un différend devraient être libres de recourir au mode de règlement de leur choix, à en croire à la
disposition du paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte. D’où, l’idée selon laquelle la situation des
États face aux différents mécanismes de règlement des différends doit-elle être perçue comme celle
d’une « personne qui aurait le devoir de se rendre dans un lieu déterminé mais qui aurait la faculté
de refuser d’emprunter chacun des chemins qui y conduisent »471.
Ainsi, le fait pour la Cour d’avoir débouté la Géorgie de sa demande dans le différend avec
la Fédération de la Russie, n’est-il pas exempt de critiques à bien des égards.472 La Cour ne serait
pas restée fidèle à sa jurisprudence antérieure (Plateau continental de la mer Égée (Grèce c
Turquie), [1978] CIJ rec 3 à la p 12 au para 29).
Cette inconstance ou attitude divergente de la Cour à pouvoir demeurer fidèle à un seul
point de vue, n’est pourtant pas loin d’être nuisible à la confiance des États en elle. Toutefois, cette
hypothèse reste liée aux hypothèses de saisines de la Cour par la voie de la requête unilatérale, car
c’est avec cette voie que la condition des négociations préalables est souvent évoquée par les
défendeurs (supra notes 465,469 et 470.). Par rapport à la requête unilatérale, le recours à la Cour
par la voie du compromis a l’air d’être plus propice pour une manifestation de sa crédibilité aux
États. Le compromis étant la voie idéale pour les États pour faire triompher le consensualisme entre
eux en guise leur acceptation de la compétence de la Cour, il aura le mérite de soustraire la Cour
de toutes sortes de préjugés que ces États pourraient avoir à son encontre, pour ternir son image et
ritualiser sa fonction. D’où l’idée selon laquelle, « la crédibilité de la Cour comme organe principal
470 Selon cet article, « tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l'interprétation ou l'application de
la présente Convention qui n'aura pas été réglé par voie de négociation ou au moyen des procédures expressément
prévues par ladite Convention sera porté, à la requête de toute partie au différend, devant la Cour internationale de
Justice pour qu'elle statue à son sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d'un autre mode de
règlement. ». 471 Hubert Thierry et al, droit international public, 4e éd, Paris, Montchrestien, 1984 à la p 572. 472 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 aux pp 619-620.
109
et comme moyen éminent de solution pacifique des différends est donc largement entre les mains
des États »473.
Paradoxalement, la voie du compromis de saisine qui renforce la compétence de la Cour en
lui évitant généralement les procédures d’exceptions préliminaires,474 apparaît moins usitée par les
États. Quoique l’on dise des atouts que cette voie de saisine renferme, il n’en demeure pas moins
une certaine réticence des États à y recourir. D’où, la nécessité de la renforcer. Il ressort en effet,
du décompte des affaires portées devant la Cour par la voie du compromis depuis le début de son
fonctionnement en 1946, que celles-ci sont au nombre de dix-sept475 jusqu’à ce jour. Or, pour la
seule période de 2009 à 2016, le nombre des affaires portées devant la Cour par la voie de la requête
unilatérale est de dix-neuf476.
473 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92. 474 Kolb, supra note 41 à la p 182. 475 Voir, Liste des procédures contentieuses par date d’introduction en ligne <http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. Ce sont : l’affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie), [1949] CIJ rec 244 : Notons que cette affaire a d’abord été portée devant la
Cour par la voie de la requête unilatérale le 22 mai 1947 par le Royaume Uni sur le fondement de l’article 36 de la
Charte de l’ONU (Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),
[1949] CIJ rec 15 aux pp 16-17). Après l’arrêt sur les exceptions préliminaires, les parties décidèrent de soumettre leur
différend à la Cour par la voie du compromis à la date du 25 mars 1948 ; l’affaire des Minquiers et Ecréhous (France
c Royaume-Uni), [1953] CIJ rec 17 ; l’affaire de la Souveraineté sur certaines parcelles frontalières (Belgique c Pays-
Bas), [1959] CIJ rec 209; l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c
Danemark), [1969] CIJ rec 3; l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c
Pays-Bas), [1969] CIJ rec 3 ; l’affaire du Plateau continental (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne), [1982] CIJ rec
18; l’affaire de la délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada c Etats-Unis
d'Amérique), [1984] CIJ rec 246 ; l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne c Malte), [1985] CIJ
rec 13 ; l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso c République du Mali), [1986] CIJ rec 554 ; l’affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras; Nicaragua (intervenant)), [1992] CIJ
rec 351; l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c Tchad), [1994] CIJ rec 6 ; l’affaire du Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c Slovaquie), [1997] CIJ rec 7 ; l’affaire du Différend Frontalier (Burkina Faso c
Niger), [2013] CIJ rec 44 ; l’affaire de la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South
Ledge (Malaisie c Singapour), [2008] CIJ rec 12 ; l’affaire de la Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie c Malaisie), [2002] CIJ rec 625 ; l’affaire de Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999] CIJ rec
1045 ; l’affaire du Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90. 476 Voir « Liste des procédures contentieuses par date d'introduction » en ligne <http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. Ce sont : l’affaire des Questions concernant l’obligation de
poursuivre ou d’extrader (Belgique c Sénégal), [2012] CIJ rec 422 ; l’affaire de Certaines questions en matière de
relations diplomatiques (Honduras c Brésil), Ordonnance du 12 mai 2010, [2010] CIJ rec 303 ; l’affaire de la
Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale (Belgique c Suisse), Ordonnance
du 4 février 2010, [2010] CIJ rec 8 ; l’affaire de la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c Japon ;
Nouvelle-Zélande (intervenant)), [2014] CIJ rec 226 ; l’affaire de Certaines activités menées par le Nicaragua dans
la région frontalière (Costa Rica c Nicaragua), [2015] CIJ rec 1 ; l’affaire de la Construction d'une route au Costa
Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c Costa Rica), [2015] CIJ rec 1 ; l’affaire de la Demande en interprétation
de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande),
[2013] CIJ rec 281 ; l’affaire de l’Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c Chili), [2015] CIJ
rec 1 ; l’affaire de la Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de
110
Mais comment pourrait-on procéder pour permettre un recours fréquent des États à la Cour
par la voie du compromis ? C’est à cette question que nous tenterons de répondre dans le second
paragraphe de cette section.
Paragraphe 2 : Des propositions relatives à un fréquent recours des États à la Cour
par la voie du compromis
Dans un premier temps, il s’agira de mettre en relief l’importance qui réside dans l’insertion
de l’idée du recours à la Cour par la voie du compromis dans les rapports annuels de la CIJ à
l’Assemblée générale des Nations Unies (A). Secundo, nous tenterons de montrer la manière dont
le Secrétariat général des Nations Unies pourrait procéder pour inciter les États à recourir à la Cour
par la voie du compromis (B).
A- De la prise en compte de l’importance de l’idée du recours à la Cour par la voie du
compromis dans les rapports annuels de la CIJ à l’Assemblée générale des Nations
Unies
En tant que l’un des organes principaux de l’ONU, la CIJ rend compte de son activité
chaque année à l’Assemblée générale. C’est ce que prévoit le paragraphe 2 de l’article 15 de la
Charte de cette Organisation en ces termes : « L'Assemblée générale reçoit et étudie les rapports
des autres organes de l'Organisation ». Quoique cela puisse apparaître comme un devoir à la charge
de la Cour dans une certaine mesure, on pourrait y déceler des avantages que cela lui concède.
Autrement dit, c’est à travers ces rapports annuels que la Cour arrive à attirer l’attention du
200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Violations
alléguées de droits souverains et d'espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ
rec 1 ; l’affaire Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor‑Leste
c Australie), Ordonnance du 3 mars 2014, [2014] CIJ rec 147 ; l’affaire de la Délimitation maritime dans la mer des
Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c Nicaragua), Ordonnance du 1er avril 2014, [2014] CIJ rec 461; l’affaire
des Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le
désarmement nucléaire (Iles Marshall c Inde), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Obligations relatives à des négociations
concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c Pakistan),
[2016] CIJ rec 1 ; ; l’affaire des Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux
armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c Royaume-Uni), [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire de la
Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c Kenya), Ordonnance du 16 octobre 2014, [2014] CIJ rec
482; l’affaire du Différend concernant le statut et l'utilisation des eaux du Silala (Chili c Bolivie), Ordonnance du 1er
juillet 2016, [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire des Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France),
Ordonnance du 7 décembre 2016, [2016] CIJ rec 1 ; l’affaire Certains actifs iraniens (République islamique d'Iran c
États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 1er juillet 2016, [2016] CIJ rec 1.
111
Secrétariat général de l’ONU, mais aussi de l’ensemble des États membres sur des initiatives
devant profiter à son fonctionnement ou à son organisation interne. On peut le concevoir avec le
Rapport de la Cour internationale de Justice de l’année allant du 1er aout 2006 au 31 juillet
2007.477 Ce fut par exemple l’aubaine pour la Cour de pouvoir formuler des recommandations
visant à un accroissement de son budget. Il ressort du paragraphe 25 du Chapitre premier de ce
Rapport, entre autres que : « la Cour demande également la création d’un poste temporaire
d’indexeur/bibliographe pour la bibliothèque de la Cour et le reclassement du poste de chef de la
nouvelle structure envisagée dans le cadre d’une fusion du service de la bibliothèque et du service
des archives. ». Il en est de même du rapport de la Cour internationale de Justice 1er aout 2015-
31 juillet 2016. 478 Aux termes du paragraphe 34 dudit Rapport, le président de la Cour attirait
l’attention de l’Assemblée générale de l’ONU sur la nécessité d’associer l’institution (CIJ) dans
les prises de décisions budgétaires la concernant.
L’article 13 alinéa b) du Règlement intérieur479 de l’Assemblée générale de l’ONU
constitue de même un fondement juridique aux Rapports annuels de la CIJ. Il porte que l’ordre du
jour provisoire d'une session ordinaire de l’Assemblée comprend : « Les rapports du Conseil de
sécurité, du Conseil économique et social, du Conseil de tutelle, de la Cour internationale de
Justice, des organes subsidiaires de l'Assemblée générale et des institutions spécialisées (quand les
accords conclus avec celles-ci en prévoient la présentation) ». Il en découle l’importance accordée
aux questions qui touchent à la CIJ au sein de l’Assemblé générale. Dans la mesure où celle-ci reste
composée de tous les États membres de l’ONU, on pourrait déduire de la présentation des rapports
annuels de la Cour à l’Assemblée que tout semble être mis en œuvre pour que ces derniers ne soient
pas en marge du fonctionnement ou des préoccupations qui concernent cette haute juridiction. Dans
ce sens, c’est le lieu avec ces mécanismes de rapports annuels de pouvoir non seulement, renseigner
les États membres sur l’état d’évolution des activités de la Cour, mais aussi, leur faire des
suggestions sur d’éventuelles propositions qui pourraient aider à pallier ses difficultés.
Dans cette logique, on pourrait envisager d’inclure dans ces rapports l’importance pour les
États parties à un différend de pouvoir le soumettre à la Cour par la voie du compromis. Comme
477 CIJ, Rapport de la Cour internationale de Justice, Doc off AG NU, 62e sess, supp n0 4, Doc NU A/62/4 (2007) à la
p 6. 478 Assemblée générale, Documents officiels, Soixante-deuxième session Supplément nº 4 (A/71/4). 479 ONU, Règlement intérieur de l’assemblée générale, New York, ONU, 2008, A/520/Rev.17, en ligne : < http://www.un.org/fr/hq/dgacm/UploadedDocs/A.520.Rev.17.French.pdf>.
112
démontrer un peu plus haut, il y a tout un ensemble d’avantages à recourir à la Cour par cette voie
du compromis. En tant qu’accord matérialisant le consentement réciproque des États parties à un
différend de s’en remettre à la compétence de la Cour, le compromis épargne celle-ci dans une
grande mesure, de la multitude des exceptions préliminaires ou d’irrecevabilité qui pourraient
limiter son action. Cela est dû à la règle du consensualisme qui s’épanouit le plus mieux possible
dans les hypothèses de saisine de la Cour par la voie du compromis.
Loin de faire une proposition qui serait démunie de fondement juridique, nous nous referons
à la stipulation du paragraphe 9 de la Déclaration de Manille480 sur le règlement pacifique des
différends internationaux. Aux termes de ce paragraphe, « les États devraient envisager de conclure
des accords pour le règlement pacifique des différends entre eux. Ils devraient également inclure,
s’il y a lieu, dans les accords bilatéraux et les conventions multilatérales qu’ils concluront, des
dispositions efficaces pour le règlement des différends pouvant surgir de leur interprétation ou de
leur application ». Cette disposition pourrait à bien des égards avoir trait au compromis de saisine
de la Cour en ce sens que celui-ci est un accord bilatéral. De ce fait, elle pourrait servir de
fondement juridique pour inviter les États à opter davantage pour la voie du compromis de saisine
de la Cour. Aussi, semble-t-elle avoir une valeur coutumière de telle sorte que même si elle émane
d’une Déclaration, elle concède une valeur juridique contraignante pour les États.481
On aurait de ce fait, intérêt à ne pas occulter la nécessité pour les États de recourir à la Cour
par la voie du compromis. Ceci garantirait de même une augmentation de ce taux de recours. La
plupart des saisines de la Cour par les États se font presque par la voie de la requête unilatérale.
Pourtant cette voie représente moins de garanties pour un dénouement rapide et sûr des différends
internationaux. Quoi de plus intéressant pour le président de la Cour de le mentionner dans ses
Rapports annuels à l’Assemblée générale. Ce serait l’occasion pour les États membres de se rendre
à l’évidence du bénéfice qui découle de la voie du recours par compromis à la Cour. Ce bénéfice
se justifie à un double niveau. D’une part, il est relatif à la Cour elle-même, en ce sens que les États
auraient moins de marge de manœuvre pour remettre en cause sa compétence durant tout le
480 Déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends, Rés. AG 37/10, Doc. Off. AG NU, 68e
sess. plén., Doc. NU A/RES/37/10, (1982). 481 Pierre-Yves Chicot, « L’actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de contribution juridique
à la notion de paix durable », à la p 21, en ligne : < http://www.sqdi.org/wp-content/uploads/16.1_-_05_chicot.pdf> ;
voir aussi Constantin Economides, « La déclaration de Manille sur le règlement des différends internationaux » (1982)
28 :1 AFDI 613 à la p 627.
113
processus du règlement d’une affaire donnée à cause des règles du pacta sunt servanda et de la
bonne foi qui encadrent le compromis. D’autre part, c’est les États eux-mêmes qui pourront jouir
de ce bénéfice, car leurs consentements réciproques exprimés dans l’acte du compromis de saisine
de la Cour, favoriseraient leur acceptation de la décision de la Cour sur leur différend, et un
dénouement heureux dudit différend par voie de conséquent.
Cette idée d’insertion de l’importance du recours à la Cour par la voie du compromis dans
les rapports annuels de la CIJ aura l’avantage d’attirer l’attention du Secrétaire général de l’ONU
en vue d’une action de sa part. C’est ainsi qu’il serait davantage fondé à recommander aux États à
souvent opter pour la voie du compromis de saisine de la Cour.
B- Du rôle du Secrétariat général des Nations Unies à encourager les États à recourir à
la Cour par la voie du compromis
Le Secrétaire général de l’ONU apparait aux termes de l’article 97 de la Charte comme,
« le plus haut fonctionnaire de l'Organisation. ». Il est de ce fait, presqu’un « serviteur »482 au sein
des Nations Unies pour avoir et développer des initiatives qui doivent concourir au maintien de la
paix et de la sécurité internationales. Cette place de choix du Secrétaire général au sein des Nations
Unies s’explique par l’article 98 de la Charte de l’Organisation. Selon cet article, « le Secrétaire
général agit en cette qualité à toutes les réunions de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité,
du Conseil économique et social et du Conseil de tutelle. Il remplit toutes autres fonctions dont il
est chargé par ces organes. ». En réalité, cet article met en relief les attributions administratives du
Secrétaire général.483 Outre ces pouvoirs administratifs auxquels il est investi, il se trouve par
ailleurs doté de pouvoirs politiques. On le voit avec l’article 99 de la Charte de l’ONU. Selon cet
article, « le Secrétaire général peut attirer l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à
son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales. ».
Cette stipulation de l’article 99 semble être reprise, voire renforcée par l’article 6 du
Règlement intérieur provisoire du Conseil de sécurité. De cet article, l’on retient que « le Secrétaire
général porte immédiatement à la connaissance de tous les représentants au Conseil de sécurité
482 Boutros Boutros-Ghali, « Le Secrétaire général des Nations Unies : entre l'urgence et la durée », (1996) 61 : 2
Politique étrangère 407 à la p 407. 483 Jorge Cardona Llorens et Mariano J. Aznar Gomez, « Article 99 », dans Jean-Pierre Cot, Mathias Forteau et Alain
Pellet, dir., La Charte des Nations Unies : Commentaire article par article, Volume 2, (tomes 1 et 2), 3e éd., Paris,
Economica, 2005 à la p 2051.
114
toutes les communications émanant d’États, d’organes des Nations Unies ou du Secrétaire général
concernant une question à examiner par le Conseil de sécurité conformément aux dispositions de
la Charte ». En plus du seul fait de porter une situation susceptible de menacer la paix et la sécurité
internationales, il s’agit de permettre en réalité au Secrétaire général de bénéficier de l’appui de ce
Conseil dans l’exercice de ses fonctions. La Commission préparatoire disait de l’article 99 qu’il
« confère au Secrétaire général un droit tout à fait spécial, dépassant tous les pouvoirs qui n’ont
jamais été reconnus au chef d’une Organisation internationale » et que « la responsabilité qu’il
confère au Secrétaire général exigera de sa part l’exercice des plus hautes qualités de jugement
politique, de tact et d’intégrité ».484 Pour Michel Virally, cette responsabilité lui implique « un
devoir d'observer l'évolution de la conjoncture internationale, afin de déceler les dangers qu'elle
peut receler et les mesurer »485. Cet article 99 de la Charte de l’ONU est dans une grande mesure
le complément486 de l’article 35487 du même texte.
De ces articles qui précèdent, l’on aperçoit la grandeur de la responsabilité qui incombe au
Secrétaire général des Nations Unies dans le domaine du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. Ce qui suppose en même temps un élargissement de ses prérogatives en matière de
règlement des différends internationaux et qui lui permet du coup d’exercer une grande influence
sur le déroulement des activités de l’Organisation.488 C’est dans ce sens qu’il pourrait jouer un rôle
d’incitation à l’égard des États en les encourageant à conclure souvent des compromis pour la
soumission de leurs différends à la CIJ. Il ne s’agit pas de créer un nouveau rôle pour le Secrétaire
général ou de lui faire jouer un tel rôle. Ce serait au contraire, une façon pour lui de pouvoir
s’acquitter pleinement d’un rôle qui, à notre avis, demeure jusque-là latent de sa part.
484 Commission préparatoire, PC/20, 23 décembre 1945, chapitre VIII, section 2 au pp 86-87 au para 16. 485 Michel Virally, « Le rôle politique du Secrétaire général de l’ONU » (1958) 4 :1 AFDI 360 aux pp 369-370. 486 Jean-Pierre Cot, Mathias Forteau et Alain Pellet, supra note 483 à la p. 2055. 487 « 1. Tout Membre de l'Organisation peut attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur un
différend ou une situation de la nature visée dans l'article 34. 2. Un Etat qui n'est pas Membre de l'Organisation peut
attirer l'attention du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée générale sur tout différend auquel il est partie,
pourvu qu'il accepte préalablement, aux fins de ce différend, les obligations de règlement pacifique prévues dans la
présente Charte.3. Les actes de l’Assemblée générale relativement aux affaires portées à son attention en vertu du
présent Article sont soumis aux dispositions des Articles 11 et 12 ». 488 Watanabe-Kaye, Kanae, The Power of the United Nations Secretary-General, thèse de doctorat, Johns Hopkins
University, 2010 à la p 5.
115
Toutefois, la résolution489 45/51 de l’Assemblée générale de l’ONU semble accroître ce
rôle. Cette résolution porte sur la Déclaration sur la prévention et l’élimination des différends et
des situations qui peuvent menacer la paix et la sécurité internationales et sur le rôle de
l’Organisation des Nations Unies dans ce domaine. Il ressort du paragraphe 20 de cette
Déclaration que : « Le Secrétaire général devrait, si un État ou des États directement concernés par
un différend ou une situation s’adressent à lui, répondre rapidement en invitant instamment les
États à rechercher une solution ou un ajustement par les moyens pacifiques de leur choix
conforment à la Charte et en offrant ses bons offices ou d’autres moyens à sa disposition comme il
le juge approprié ». Dès lors, l’on peut opiner que le Secrétaire général puisse sur le fondement
juridique de cet article, souvent faire la suggestion à des États impliqués dans un différend, à opter
pour le règlement judiciaire de la CIJ via la voie du compromis de saisine.490
Il n’en demeure pas moins qu’il peut jouer ce rôle quoiqu’il n’ait pas été sollicité par les
États parties au différend. Si l’on en croit à l’article 21 de la même Déclaration, « le Secrétaire
général devrait envisager d’entrer en rapport avec les États directement concernés par un différend
ou une situation pour tenter d’empêcher que le différend ou la situation en question ne mette en
danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». C’est d’ailleurs la raison pour
laquelle Kofi Annan, estimait que : « Au sein du système des Nations Unies, les fonctions qui
incombent au Secrétaire général dans le domaine politique [incluent de] contribuer à la prévention,
à la maitrise et au règlement des conflits et notamment à la consolidation de la paix »491. Boutros
Boutros Ghali renchérit sur ce rôle préventif du Secrétaire général de l’ONU dans le domaine du
règlement des différends en disant que : « La diplomatie préventive peut être menée par le
Secrétaire général, agissant personnellement ou par l’intermédiaire de hauts fonctionnaires ou
489 ONU, Déclaration sur la prévention et l'élimination des différends et des situations qui peuvent menacer la paix et
la sécurité internationales et sur le rôle de l'ONU dans ce domaine, Doc off NU, 43e sess, supp n0 33, Doc NU
A/RES/43/51 (1988). 490 Cette initiative semble ne pas trop attirer l’attention du Secrétaire général de l’ONU dans la mesure où il s’en est
rarement acquitté, laissant ainsi les États eux-mêmes à recourir à la Cour par compromis. Or son intervention dans ce
domaine pourrait être capital surtout lorsque l’un des États parties à un différend semble être disposé à conclure un
compromis de saisine et que sa partie adverse à l’air de vouloir s’y opposer. L’un des exemples où il a pu jouer ce rôle
d’incitation à l’égard d’États litigants pour une saisine par compromis de la Cour, fut Différend frontalier entre le
Burkina Faso et le Mali ayant débouché à l’arrêt du 22 décembre 1986 : Voir, Hélène Sabalbal, « L’évolution des
fonctions du Secrétaire général de l’ONU », Mémoire de maitrise en droit (LLM), Université Laval, Québec, 2013 à
la p 56. 491 ONU, Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre des recommandations du comité spécial des opérations
de maintien de la paix et du Groupe d’étude sur les opérations de paix de l’Organisation des Nations Unies, Doc off
NU, 45e sess, Doc NU A/55/977 au para 229 (2001).
116
d’institutions ou de programmes spécialisés »492. Une implication du Secrétaire général par le biais
de cette diplomatie préventive pour la conclusion de compromis de saisine de la CIJ, lui permettrait
surtout d’éviter que les différends internationaux ne dégénèrent en des affrontements militaires qui
constituent une véritable menace contre la paix et la sécurité internationales. En d’autres termes,
ce rôle du Secrétaire général aura pour objet d’« éviter une rupture des conditions de paix »493.
Dans une autre mesure, le Secrétaire général pourrait promouvoir la conclusion des
compromis de saisine de la Cour par l’entremise de l’Assemblée générale. Il appartiendra en retour
à l’Assemblée de recommander aux États impliqués dans un différend donné et qui est susceptible
de constituer une menace contre la paix et la sécurité internationales, la voie du règlement judiciaire
de la CIJ par le mécanisme du compromis de saisine. Le paragraphe 3494 de l’article 36 de la Charte
de l’ONU explique la priorité qu’il convient de réserver au règlement judiciaire de la CIJ. Selon le
paragraphe 2 de l’article 12 de la Charte, « le Secrétaire général, avec l'assentiment du Conseil
de sécurité, porte à la connaissance de l'Assemblée générale, lors de chaque session, les affaires
relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales dont s'occupe le Conseil de
sécurité; il avise de même l'Assemblée générale ou, si l'Assemblée générale ne siège pas, les
Membres de l'Organisation, dès que le Conseil de sécurité cesse de s'occuper desdites affaires ».
Ainsi, rien n’empêche le Secrétaire général d’impliquer l’Assemblée générale dans un différend
donné tant qu’il reçoit l’aval du Conseil de sécurité. Le paragraphe 1495 de l’article 11 de Charte
est celui qui habilite l’Assemblée à pouvoir formuler des recommandations à l’égard des États. Ces
recommandations pourraient consister à encourager des États litigants à opter pour la voie du
compromis de saisine de la Cour, vu les bénéfices que cette voie regorge par rapport à la saisine
par requête unilatérale.
492 ONU, Agenda pour la paix, Doc off AG NU, 47e sess, Doc NU A/47/277 au para 23 (1992). 493 Ibid au para 57. 494 Ce paragraphe porte que : « En faisant les recommandations prévues au présent Article, le Conseil de sécurité doit
aussi tenir compte du fait que, d'une manière générale, les différends d'ordre juridique devraient être soumis par les
parties à la Cour internationale de Justice conformément aux dispositions du Statut de la Cour ». 495 Selon ce paragraphe, « L'Assemblée générale peut étudier les principes généraux de coopération pour le maintien
de la paix et de la sécurité internationales, y compris les principes régissant le désarmement et la réglementation des
armements, et faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de l'Organisation, soit au Conseil de
sécurité, soit aux Membres de l'Organisation et au Conseil de sécurité ».
117
Conclusion de la deuxième partie
Il ressort de cette seconde partie de notre analyse que le compromis qui sert de voie de
recours à la Cour, mais aussi de fondement de sa compétence, conserve la particularité de pouvoir
protéger l’exercice par elle de sa compétence durant la procédure de règlement des affaires. Cette
particularité s’explique par la nature même de l’acte du compromis que les parties à un différend,
notifient à la Cour en guise de leur consentement à sa compétence. Dans ce sens, le compromis est
un accord entre États et plus précisément un traité. C’est ainsi qu’il arrive à réduire au maximum
la liberté des parties qui le concluent, de pouvoir par la suite remettre en cause la compétence de la
Cour ou de pouvoir s’abstenir de comparaitre durant la procédure (phase écrite et phase orale), ou
même de se réserver de mettre en œuvre les décisions de la Cour. Les exceptions préliminaires ou
d’irrecevabilité sont de ce fait, loin de pouvoir prospérer dans les hypothèses de compromis de
saisine de la Cour. Cela n’est pas sans atout pour la Cour et pour les parties elles-mêmes. Pour ce
qui est de la Cour, elle pourra dans un minimum de temps, rendre des décisions au fond dans des
affaires à elle soumises d’autant plus que, d’une part, la non-évocation des exceptions la préserve
du devoir de rendre d’abord des arrêts portant sur ces exceptions avant d’en arriver aux arrêts au
fond. D’autre part, le jugement des affaires devant des formations restreintes de chambres, comme
il en est des cas de recours par la voie de compromis, s’apparente au règlement arbitral496, ce qui
permet un règlement rapide des affaires compte tenu du nombre réduit des juges de ces
chambres497. En ce qui concerne les atouts du compromis de saisine pour les parties et surtout pour
la victime, il y a de fortes raisons de croire à une exécution effective des décisions de la Cour en
sa faveur, car l’acte de compromis contient souvent l’engagement de chacune d’entre elles de se
conformer auxdites décisions de la Cour.
Toutefois, il serait bien sûr irréaliste de lier à la voie de la requête unilatérale toutes les
insuffisances qui peuvent être constatées dans le règlement des différends devant la CIJ et
d’épargner par là-même la voie du compromis de saisine. Nul doute que cette dernière voie puisse
de même occulter certaines limites face au rôle de la Cour de pouvoir dire le droit international
dans tous les cas qui lui sont soumis de manière impartiale et en toute indépendance. Cependant,
malgré la pertinence de ce fait, il n’en demeure pas moins que les limites qui peuvent indexer la
voie du compromis de saisine de la Cour, sont loin de pouvoir rétroagir sur le cours de la procédure
496 Kolb, supra note 41 à la p 161. 497 Kolb, supra note 41 à la p 162.
118
de règlement des affaires. Elles sont donc loin de pouvoir entraver le bon déroulement de la phase
du traitement des affaires encore moins, celle de la mise en œuvre des décisions de la Cour. En
d’autres termes, de telles limites ne seraient davantage que des jugements de valeur sur les
décisions de la Cour dans les affaires introduites par compromis, lesquels dédouanent souvent les
parties coupables des faits dommageables pour n’imputer qu’un partage des responsabilités à toutes
les parties en établissant un bénéfice des décisions à chacune d’elles. C’est ce genre de décisions
que le juge André Gros dénonce. Dit-il ainsi que, « dire qu’une bonne application du droit
international doit donner un résultat équitable est un truisme ».498 Ce fut le cas dans le différend
frontalier entre le Burkina Faso et le Mali (supra note 311.), dans lequel la zone contestée de 3000
km2 fut divisée par moitié aux termes de la décision de la chambre ad hoc (Ruzié, supra note 260
à la p 231.). C’est ce que certains auteurs qualifient de « jugement de Salomon », par référence au
jugement rendu par le roi Salomon tel que relaté dans la Bible sur le différend à lui soumis par
deux femmes au sujet d’un enfant dont chacune réclamait l’appartenance (Louis Segond, La Bible,
French Edition, 1910, 1 Rois 3 verset 16 à 28.), point de vue que nous ne partageons pas
personnellement. En clair, l’intention réel du roi Salomon n’était pas en réalité de vouloir que
l’enfant soit effectivement coupé en deux parties équitables pour réserver à chacune des femmes,
l’une de ces parties. Au contraire, ce n’était rien d’autre qu’une stratégie qui lui permettrait de
déceler celle qui était effectivement la mère de l’enfant. Il n’y aurait donc pas de ce point de vue,
identité entre un jugement de Salomon et une équité « partageante », quoique ce type de
jurisprudence de la Cour soit assez habile, voire sage au regard des réalités politiques des parties à
un différend soumis par compromis.
On pourrait donc déduire de ces limites dues au recours par compromis, une implication
des juges de la Cour. C’est à eux que revient la responsabilité de dire le droit en toute indépendance
et impartialité (supra note 6, art 2 et 20), dans tous les cas qui leur sont soumis par le biais de cette
voie, plutôt qu’à chercher à aboutir à des résultats équitables.499 Les États n’y ont donc presque
rien à voir avec de telles limites, comme dans les cas de recours par la voie de la requête unilatérale
(supra notes 42 et 53). D’où, le fait que nous ayons épargné la voie du compromis de saisine de
développements relatifs à ses limites.
498 Supra note 307, voir l’opinion dissidente de M. Gros dans cette affaire à la p 365 au para 8. 499 Supra note 307, voir l’opinion dissidente de M. Gros dans cette affaire notamment aux para 15-16, 22, 24, 29, 38,
42 et 47.
119
Conclusion générale
Depuis l’affaire Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
c Albanie)500, qui marque le début de ses activités en général, et de sa fonction contentieuse en
particulier,501 la CIJ a connu des périodes de vicissitudes dans son fonctionnement. Même si le taux
de recours des États se révèle actuellement élevé, il n’en demeure pas moins que cela ne fut pas le
cas durant certains intervalles de temps. Des analyses révèlent que la saisine de la Cour par les
États a été sanctionnée par des réticences à compter de ses décisions dans l’affaire susmentionnée
jusqu’aux années 1980.502 Ces réticences qui continuent sous une certaine manière de s'observer
dans l’attitude des États503, sont pour la plupart du temps dues à des accusations liées à la crédibilité
et à l’indépendance des juges de la Cour, relativement à des arrêts rendus dans des affaires dont on
aurait pensé que la Cour ait eu une partie prise en faveur de tel ou tel autre État partie.504 En cela,
plutôt que d’avoir recours à la Cour, les États jugent parfois nécessaire de soumettre leurs
différends à d’autres modes de règlement505. En sus de ce constat, il est un fait qui n’est pas des
moindres lorsqu’une affaire est portée devant la Cour. Ainsi, s’attend-on à ce que la Cour tranche
en droit le différend en question, qu’elle rende une décision sur le cas qui lui a été soumis506 et que
cette décision serve au dénouement du différend de par sa mise en œuvre.507 Sur ce point, il n’en
demeure pas moins des différends qui ont été portés devant la Cour et qui n’ont pas débouché à des
décisions, suite à leur radiation de son rôle.508 Dans d’autres cas, l’exécution des décisions de la
500 Introduite devant la Cour sur requête du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d’Irlande du Nord datant du 22
mai 1947. Supra note 46. 501 Pour en savoir sur cette réalité, voir : Cour internationale de Justice, « Liste des procédures contentieuses par date
d’introduction », en ligne : <http://www.icj-cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>. 502 Pour comprendre cette vicissitude dans le fonctionnement de la Cour et l’idée des réticences, voir : Kolb, supra
note 41 à la p 1190. 503 Cela est d’autant plus vrai que les réserves à la compétence de la Cour, formulées dans les déclarations de juridiction
obligatoire et dans les traités, ne cessent de croître. 504 Notamment à propos des affaires du Sud-Ouest africain de 1966. Voir, Georges Labrecque, Les différends
internationaux en Asie : règlement judiciaire, Paris, L'Harmattan, 2007 à la p 25. 505 Ces autres modes de règlement des différends internationaux sont relatés au paragraphe 1 de l’article 33 de la Charte
de l’ONU qui stipule que «Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de
la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête,
de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux,
ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix». 506 Supra note 6, art 38 au para 1. 507 Si l’on en croit au contenu du premier paragraphe de l’article 33 de la Charte de l’ONU, le recours des États à la
CIJ, sous-entend que celle-ci devra constituer une solution pour le règlement de leurs différends en vue de maintenir
un climat de paix et de sécurité entre eux. 508 C’est le cas des affaires, Certaines questions en matière de relations diplomatiques (Honduras c Brésil) ; Epandages
aériens d'herbicides (Équateur c Colombie) ; Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de
l'Organisation des Nations Unies (Commonwealth de Dominique c Suisse); Certaines procédures pénales engagées
120
Cour s’est parfois heurtée à des obstacles dus au refus ou à la négligence de la partie ayant
succombé devant la Cour.509
C’est sur ces considérations que notre analyse repose. De ce fait, c’est une analyse
descriptive et incitative sur les caractéristiques des voies érigées en faveur de la saisine de la CIJ
par les États qu’il conviendrait de se rappeler de cette étude. Descriptive, parce qu’elle n’a pas pour
ambition de se révéler constitutive de simples spéculations sur chacune des deux voies d’accès à
cette haute juridiction. Au contraire, elle se voudrait de pouvoir élucider de manière concrète les
implications qui s’attachent à l’idée de recourir à la Cour au contentieux. Notre analyse a par
ailleurs un caractère incitatif dans le sens où elle a aussi pour objet de pouvoir contribuer à un
recours fréquent des États à la Cour par la voie du compromis. On continue en effet de lier la
solution pour un rôle accru de la CIJ dans le règlement des différends entre États à une nécessaire
réforme de son Statut. Pourtant, nul n’est ignorant des lourdes procédures qu’une telle option
implique.510 Cette question de la réforme du Statut de la Cour, telle que suggérée, ne date pas
d’aujourd’hui.511 Elle serait donc résolue, à notre humble avis, tant que cela était possible. Habiliter
par exemple, la Cour à pouvoir connaitre d’un différend qui implique un État en tant qu’entité
souveraine du point de vue du droit international, sans qu’il ne soit nécessaire pour lui d’avoir au
préalable consenti à la compétence de celle-ci pourvu qu’il soit partie à son Statut,512 ne saurait que
porter atteinte au principe même de la souveraineté513. Une telle éventualité ne peut être qu’un
leurre, à moins d’une remise en cause de l’ordre juridique international existant.514 Ainsi, pourrait-
on être plus que pessimiste pour ne pas croire que cela soit une réalité dans «un avenir proche» 515.
Qu’à cela ne tienne, de cette analyse, il ressort l’idée selon laquelle, les dysfonctionnements
observés souvent dans l’exercice par la CIJ de sa compétence dans le règlement des différends qui
en France (République du Congo c France); Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique
du Congo c Rwanda) ; etc. 509 C’est l’exemple des affaires, Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973]
CIJ rec 135 et Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c États-Unis
d'Amérique) : Supra note 112 ; voir aussi Ruzié, supra note 260 à la p 236. 510 Pour comprendre sur ce point, voir aux articles 69 du Statut de la Cour et article 108 de la Charte de l’ONU. 511 Kolb, supra note 41 à la p 1257. 512 Bedjaoui, supra note 200, op. cit., à la p 52. 513 Supra note 121, art 2 au para 1. 514 Sur l’ordre juridique international, voir : Kristin Bartenstein, « De Stockholm à Copenhague : genèse et évolution
des responsabilités communes mais différenciées dans le droit international de l’environnement » (2011) 56 Revue de
droit de McGill / McGill Law Journal 179 à la p 179. 515 Kolb, supra note 41 à la p 1262.
121
lui sont soumis, sont dans une grande mesure, en lien étroit avec ses voies de saisine. Sur ce, les
modes de recours érigés par le droit international pour accéder à celle-ci, en sont pour quelque
chose non seulement, dans les difficultés qui entravent le cours de la procédure de règlement à
proprement parler des affaires devant elle, mais encore, dans les critiques en son encontre.
Toutefois, parmi ces deux voies de recours devant la Cour, celle du compromis semble à
bien des égards, se démarquer relativement à certaines garanties juridiques qu’elle offre. Comme,
pourrait-on le comprendre, le compromis qui sert d’une part, de voie de recours à la Cour, et d’autre
part, de fondement juridique à sa compétence, a la nature juridique d’un accord international, à
l’image de toute autre Convention internationale (supra, voir aux pages 82 à 85). À ce titre, il jouit
du bénéfice des règles relatives au régime général de l’exécution des traités, comme le prévoit la
Convention de Vienne sur le droit des traités.516 De ce fait, si un État peut se réserver le droit de
comparaître ou pas devant la Cour dès lors qu’il y est attrait par un autre État par le biais d’une
saisine par la voie de requête unilatérale, ou même de prendre lui-même l’initiative de recourir ou
pas à la Cour, aussi contre un autre État, dans l’hypothèse d’un compromis, ce droit de l’État perd
tout son sens. Les principes du pacta sunt servanda517 et de la bonne foi518 ont pour effet de diluer
la souveraineté des États qui épousent l’option du compromis de saisine, du moins en ce qui
concerne le seul cas de leur différend pendant devant la Cour. La conséquence d’une telle situation,
réside en ce que les stipulations du compromis seront évidemment exécutées et que la Cour pourra
effectivement trancher le différend qui lui aurait été porté, tout en espérant que l’exécution de sa
décision en l’espèce ne souffrirait d’aucune négligence ou refus d’une quelconque des parties, sous
peine de voir sa responsabilité internationale engagée.
Par ailleurs, le consensualisme, en tant que principe qui régit le règlement pacifique des
différends internationaux,519 s’épanouit mieux dans les cas de saisine de la Cour par la voie de
compromis. En clair, l’idée du compromis sous-entend l’accord des parties impliquées dans un
différend pour soumettre celui-ci à la compétence de la Cour. Cet accord témoigne de l’expression
de leur consentement, donc de leur adhésion à ce consensualisme. Dès lors, on pourrait en déduire
que le compromis est la voie apparemment la plus sûre et idéale pour porter un différend devant la
516 Supra note 358, art 26. 517 Supra note 69. 518 Supra note 33. 519 Bedjaoui, supra note 200 à la p 28.
122
Cour de telle manière qu’elle puisse exercer sa compétence sur toute la procédure de son règlement
sans se heurter à d’éventuelles exceptions d’incompétence ou d’irrecevabilité. Raison de plus, que
les conditions du bénéfice du fonds d’affectation spéciale destinée à aider les États à faire face aux
dépenses judiciaires devant la Cour, ont été revues à la baisse dans le cadre des compromis de
saisine. En cela, les avantages de cette voie de recours ne devraient plus être à démontrer.
Il y aurait de ce fait une possibilité de donner à la CIJ de pouvoir le plus mieux possible
s’acquitter de sa fonction de règlement des différends tout en arrivant à susciter une confiance
accrue en elle. Autrement dit, si la crédibilité de la Cour dépend des États,520 ce n’est pas en se
révélant méfiant d’elle qu’ils pourront la réaliser. Au contraire, c’est en croyant en sa juridiction,
en croyant à ce qu’elle puisse servir de cadre pour le dénouement de leurs différends juridiques ;
en un mot en lui faisant confiance. Dès lors, on n’aurait pas tort d’opiner que la crédibilité de la
Cour aurait davantage de chance à être prouvée dans les cas de compromis de saisine, dans la
mesure où cette voie traduirait une confiance des parties à un différend, à la Cour. Les États
gagneraient de ce fait, à privilégier la voie du compromis tant que la crédibilité de la Cour leur tient
à cœur.
Dans cette logique, il serait pour notre part, plus judicieux pour le Secrétaire général de
l’ONU, d’encourager les États à opter pour la voie du recours à la Cour par compromis, plutôt qu’à
ne les inciter qu’à accepter la juridiction obligatoire de celle-ci,521 dans la mesure où, même quand
ils l’acceptent, ils la sanctionnent de lourdes réserves522. Il en va de même des clauses
compromissoires. À propos de celles-ci, le président de la CIJ soulignait que :
Bien que le nombre de traités contenant des clauses compromissoires ait
augmenté, la compétence conférée par ces clauses n’est pas toujours aussi étendue
qu’elle pourrait l’être. Cela est dû au fait qu’un nombre croissant de réserves sont
formulées par les États lorsqu’ils signent des conventions internationales contenant des
clauses compromissoires. Ces réserves ont pris des formes multiples. Certaines
limitent la compétence de la Cour ratione temporis. D’autres limitent sa compétence
ratione materiae. D’autres encore tentent de limiter sa compétence ratione
personae.523
520 Bedjaoui, supra note 200 à la p 92. 521 Supra note 462. 522 J.- Maurice Arbour et Geneviève Parent, supra note 29 à la p 625. 523 Supra note 30 à la p 2.
123
L’apport du Secrétaire général de l’ONU dans ce domaine pourrait lui valoir de donner une
pulsion au taux de saisine de la Cour par compromis, d’autant plus que celui-ci demeure
éminemment très faible par rapport à celui de la requête unilatérale.524 Pourtant, et comme Christian
Tomuschat le confirme d’ailleurs que : « The legal literature is unanimously agreed on the
advantages inherent in seising the Court by way of compromis or special agreement »525.
524 Supra note 475 et 476. 525 Christian Tomuschat, «Article 36», dans Andreas Zimmermann, et al., dir., The Statute of the International Court
of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford, Oxford University Press, 2012, 633 à la p 662.
124
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conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice,
conclue le 1er mai 2008, 2515 RTNU 44914.
Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,
conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, conclue
le 10 mai 1994, 1776 RTNU 30941.
Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,
conformément au paragraphe 2 de l'Article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, New
York, 15 septembre 1958, conclue le 15 septembre 1958, 312 RTNU 4517.
126
Déclaration reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour internationale de Justice,
conformément au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour internationale de Justice, entrée
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[1949] CIJ rec 244.
Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),
[1949] CIJ rec 4.
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Affaire du détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c Albanie),
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Affaire du temple de Préah Vihéar (Cambodge c Thaïlande), [1962] CIJ rec 6.
Affaire Haya de la Torre (Colombie c Pérou), [1951] CIJ rec 71.
Affaire Losinger & Cie, S. A. (Suisse c Yougoslavie) (1936), CPJI (sér A/B) n0 67.
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Affaire relative à la juridiction territoriale de la Commission internationale de l’Oder (Allemagne
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d'Amérique), [1984] CIJ rec 246.
Délimitation maritime entre la Guinée-Bissau et le Sénégal, (Guinée-Bissau c Sénégal),
Ordonnance du 8 novembre 1995, [1995] CIJ rec 423.
131
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar et Bahreïn), [2001]
CIJ rec 40.
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c Bahreïn), [1995]
CIJ rec 6.
Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c Bahreïn), [1994]
CIJ rec 112.
Demande d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu par la Cour le 20
décembre 1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du
22 septembre 1995, [1995] CIJ rec 288.
Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres ressortissants
mexicains (Mexique c États-Unis d’Amérique) (Mexique c États-Unis d’Amérique), [2009] CIJ rec
3.
Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria
c Cameroun), [1999] CIJ rec 31.
Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de Préah Vihéar
(Cambodge c Thaïlande) (Cambodge c Thaïlande), [2013], CIJ rec 281.
Demande en révision de l'arrêt du 11 juillet 1996 en l'affaire relative à l'Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c
Yougoslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c Bosnie-Herzégovine), [2003] CIJ rec 7.
Demande en révision de l'arrêt du 11 septembre 1992 en l'affaire du Différend frontalier terrestre,
insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua (intervenant)) (El Salvador c
Honduras), [2003] CIJ rec 392.
Demande en révision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire du Plateau
continental (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c Jamahiriya arabe libyenne), [1985]
CIJ rec 192.
132
Différend frontalier (Bénin c Niger), [2005] CIJ rec 90.
Différend frontalier (Burkina Faso c Niger), [2013], CIJ rec 44.
Différend frontalier (Burkina Faso c République du Mali), [1986] CIJ rec 554.
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador c Honduras ; Nicaragua
(intervenant)), [1992] CIJ rec 351.
Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c Tchad), [1994] CIJ rec 6.
Elettronica Sicula S.P.A. (ELSI) (États-Unis d'Amérique c Italie), [1989] CIJ rec 15.
Essais nucléaires (Australie c France), [1974] CIJ rec 253.
Essais nucléaires (Australie c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 99.
Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), [1974] CIJ rec 457.
Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c France), Ordonnance du 22 juin 1973, [1973] CIJ rec 135.
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria Cameroun c Nigéria), [1998] CIJ
rec 275.
Île de Kasikili/Sedudu (Botswana c Namibie), [1999], CIJ rec 1045.
Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c France), Ordonnance du 7 décembre 2016,
[2016] CIJ rec 1 à la p 8.
Incident aérien du 3 juillet 1988 (République islamique d'Iran c États-Unis d'Amérique),
Ordonnance du 22 février 1996, [1996] CIJ rec 9.
Incident aérien du 10 aout 1999 (Pakistan c Inde), [2000] CIJ rec 12.
LaGrand (Allemagne c États-Unis d'Amérique), [2001] CIJ rec 466.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Allemagne), [2004] CIJ rec 720.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Belgique), [2004] CIJ rec 279.
133
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Canada), [2004] CIJ rec 429.
Licéité de l‘emploi de la force (Yougoslavie c Espagne), Ordonnance du 2 juin 1999, [1999] CIJ
rec 761.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c France), [2004] CIJ rec 575.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Italie), [2004] CIJ rec 86.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Pays-Bas), [2004] CIJ rec 1011.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Portugal), [2004] CIJ rec 1160.
Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c Royaume-Uni), [2004] CIJ rec 1307.
Licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c États-Unis d'Amérique), Ordonnance du 2 juin 1999,
[1999] CIJ rec 916.
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c Belgique), [2002] CIJ rec
3.
Obligation de négocier un accès à l'océan Pacifique (Bolivie c Chili), [2015], CIJ rec 2.
Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande
du Nord et États-Unis d'Amérique), [1954] CIJ rec 19.
Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à Téhéran (États-Unis d'Amérique c Iran),
[1980] CIJ rec 3.
Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c Danemark), [1969] CIJ
rec 3.
Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d'Allemagne c Pays-Bas), [1969] CIJ
rec 3.
Plateau continental de la mer Égée (Grèce c Turquie), [1978] CIJ rec 3.
Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne c Malte), [1985] CIJ rec 13.
Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie c Slovaquie), [1997] CIJ rec 7.
134
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c Sénégal), [2012] CIJ
rec 422.
Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de
200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c Colombie), [2016] CIJ rec 2.
Questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c États-Unis d'Amérique), [1998] CIJ
rec 115.
Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie c
Singapour), [2008], CIJ rec 12.
Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie c Malaisie), [2001] CIJ rec 575.
Statut vis-à-vis de l'État hôte d'un envoyé diplomatique auprès de l'Organisation des Nations Unies
(Commonwealth de Dominique c Suisse), Ordonnance du 9 juin 2006, [2006] CIJ rec 107.
Sud-Ouest africain, deuxième phase (Libéria c Afrique du Sud), [1966] CIJ rec 6.
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c Uruguay), [2010] CIJ rec 14.
III- Doctrine
III/1- Monographie
ALLAND, Denis, Manuel de droit international public, Paris : Presses universitaires de France,
2014, 279 p.
BEDJAOUI, Mohamed, Liber amicorum Jean-Pierre Cot : le procès international, Bruxelles,
Bruylant, 2009, 368 p.
BEDJAOUI, Mohammed, L'humanité en quête de paix et de développement (II) : cours général de
droit international public, La Haye, Académie de droit international de La Haye. Recueil des cours,
2006, 542 p.
135
BEDJAOUI, Mohamed, Droit international bilan et perspectives, Éditions A. Pedone, Tome 1 et
Tome 2, 1991, 1361 p.
BIAD, Abdelwahab, la Cour internationale de justice et le droit international humanitaire,
Bruxelles, Bruylant, 2001. 210 p.
CASSESE, Antonio, International law, Oxford: Oxford University Press, 2003, 530 p.
CORTEN, Olivier, Méthodologie du droit international public, Bruxelles, Éditions de
l’Université de Bruxelles, 2009, 291 p.
CURRIE, John H., Public international law, Toronto, Irwin Law, 2008, 619 p.
DAMROSCH, Lori Fisler, The International Court of Justice at a crossroads, Dobbs Ferry, N.Y.,
Transnational Pub., 1987, 511 p.
DECAUX, Emmanuel, Droit international public, Paris, Dalloz, 4è éd., 2004, 358 p.
DUBISSON, Michel, La Cour internationale de Justice, Paris, Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence, 1964, 463 p.
DUPUY, Pierre Marie, Droit international public, Paris, Dalloz, 10è éd., 2010, 916 p.
FASSBENDER, Bardo, The Oxford handbook of the history of international law, Oxford, Oxford
University Press, 2012, 1228 p.
FASSBENDER, Bardo, UN Security Council Reform and the Right of Veto: A constitutional
perspective, Hague; Boston, Kluwer Law International, 1998, 421 p.
FITZMAURICE, Gerald, The Law and Procedure of the International Court of Justice,
Cambridge, Grotius Publications, 1986, 904 p.
FOUCHER, Michel, Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique - Fayard, 1988, réédition
1994, 691 p.
GOY, Raymond, La cour internationale de justice et les droits de l'homme, Bruxelles : Bruylant,
2002, 222 p.
136
GRONDIN, Jean, l’herméneutique, Paris, PUF, 2011, 127 p.
GUILLAUME, Gilbert, La cour internationale de justice à l'aube du XXIème SIECLE, Paris,
édition A. Pedone, 2003, 331 p.
HEBIÉ, Mamadou, Souveraineté territoriale par traité, Paris, PUF, 2015, 708 p.
KOLB, Robert, La Cour internationale de justice, Paris, Pedone, 2013, 1356 p.
KOLB, Robert, Interprétation et création du droit international, Bruxelles, Bruylant, 2006, 959 p.
KOLB, Robert, La bonne foi en droit international public : contribution à l'étude des principes
généraux de droit, Paris, Presses universitaires de France, 2000, 756 p.
LABRECQUE, Georges, Les différends internationaux en Asie : règlement judiciaire, Paris,
L'Harmattan, 2007, 306 p.
LANG, Caroline, l’Affaire Nicaragua/Etats Unies devant la Cour internationale de justice, Paris,
LGDJ, 1990, 301 p.
NGUYEN, Quoc Dinh, Droit international public, 8è éd., Paris, L.G.D.J., Lextenso, 2009, 1709 p.
ROUSSEAU, Charles, Droit international public (tome v), Paris, Sirey, 1983, 504 p.
RUZIE, David, Droit international public, Paris, Dalloz, 18è édition, 2006, 287 p.
SALMON, Jean, Droit du pouvoir, pouvoir du droit : mélanges offerts à Jean Salmon, Bruxelles,
Bruylant, 2007, 1627 p.
SALMON, Jean, Droit international et argumentation, Bruxelles, Bruylant, 2014, 497 p.
SOCRATE, Politis Nicolas, La justice internationale, Paris : Hachette, 1924, 325 p.
VIRALLY, Michel, Le droit international en devenir, 1ère éd., Paris, PUF, 1990, 504 p.
III/2- Ouvrages collectifs
137
ARBOUR, J.-Maurice et PARENT Geneviève, Droit international public, 6e éd., Cowansville,
Québec, Yvon Blais, 2012, 1163 p.
AUDIT, Bernard et AVOUT, Louis, Mélanges en l'honneur du Professeur Bernard Audit : les
relations privées internationales, Issy-les-Moulineaux : Lextenso éditions, 2014, 735 p.
BASDEVANT, Jules, dir, Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey,
1960, 756 p.
COLLIARD, Claude-Albert et DUBOUIS, Louis, Institutions internationales, Paris, Dalloz, 1995,
532 p.
COMBACAU, Jean et SUR, Serge, Droit international public, 6è éd., Paris, Montchrestien, 2004,
809 p.
COT, Jean Pierre, FORTEAU, Mathias et PELLET Alain, dir., La Charte des Nations Unies :
commentaire article par article (tome 1 et 2), 3è éd., Paris, Economica, 2005, 3729 p.
DUPUY, Pierre-Marie et KERBRAT, Yann, Droit international public, Paris, Dalloz, 2014, 1000
p.
DALLIER, Patrick, FORTEAU, Mathias, DINH, Nguyen Quoc et PELLET, Alain, Droit
international public, 8è éd., Paris, LGDJ, 2009, 1722 p.
KAMGA, Maurice et MBENGUE, Makane Moïse, dir., Liber amicorum en l'honneur de Raymond
Ranjeva l'Afrique et le droit international : variations sur l'organisation internationale, édition
Pedone, 2013, 646 p.
NDIAYE, Tafsir Malick et WOLFRUM, Rüdiger, Law of the sea, environmental law and
settlement of disputes: liber amicorum Judge Thomas A. Mensah, Leiden ; Boston : Martinus
Nijhoff Publishers, 2007, 1186 p.
RUZIE, David et TEBOUL, Gérard, Droit international public, Paris, Dalloz, 20è éd., 2010, 332
p.
SALMON, Jean, dir., Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001. 1198
p.
138
SEGOND, Louis, La Bible, French Edition, 1910.
TAMS, Christian J. et SLOAN, James, The development of International Law by the International
Court of Justice, Oxford, University Press, 2013, 400 p.
VAUGHAN, Lowe et FITZMAURICE, Malgosia, Fifty years of the international Court of Justice,
Essays in honor of Sir Robert Jennings, Cambridge University Press, 1996, 640 p.
ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS
Christian J., dir., The Statute of the International Court of Justice: a commentary, 2è éd., Oxford,
Oxford University Press, 2012, 1745 p.
IV- Articles ou chapitres d’ouvrages collectifs
BARTENSTEIN, Kristin et LANDHEER-CIESLAK, Christelle, « Pour la recherche en droit :
quel(s) cadres théorique(s)? », dans FLÜCKIGER, Alexandre et TANQUEREL, Thierry, dir.,
L’évaluation de la recherche en droit. Enjeux et méthodes, Bruxelles, Bruylant, 2014, 83.
BEDJAOUI, Mohamed, « La ‘fabrication’ des arrêts de la Cour internationale de justice » dans
VIRALLY, Michel, dir., le droit international au service de la paix, de la justice et du
développement, Mélange Michel Virally, Paris, Pedone, 1991, 87.
BENNOUNA, Mohamed, « la Cour internationale de justice et son environnement politique » dans
KAMGA, Maurice et MBENGUE, Makane Moïse, dir., l’Afrique et le droit international :
variations sur l'organisation internationale, Liber amicorum en l'honneur de Raymond Ranjeva,
Paris, Pedone, 2013, 429.
CORTEN, Olivier et KLEIN, Pierre, « L'efficacité de la justice internationale au regard des
fonctions manifestes et latentes du recours à la cour internationale de justice », dans BEN
ACHOUR, Rafâa et LAGHMANI, Slim, dir., Justice et juridictions internationales, Paris, Pedone,
2000, 33.
COUVREUR, Philippe, « Notes sur la Cour internationale de justice et la volonté des États », dans
D’ARGENT, Pierre, dir., Les limites du droit international : essais en l'honneur de Joe Verhoeven
139
= The limits of international law : essays in honour of Joe Verhoeven, Bruxelles, Bruylant, 2015,
423.
COUVREUR, Philippe, « Développements récents concernant l’accès des organisations
intergouvernementales à la procédure contentieuse devant la Cour internationale de Justice », dans
YAKPO, Emile et Tahar, dir., Liber amicorum Mohamed Bedjaoui, Kluwer Law International, La
Haye, Boston, Londres, 1999, 293.
CUMYN Michelle et SAMSON, Mélanie, « La méthodologie juridique en quête d’identité », dans
AZZARIA, Georges, dir., Les cadres théoriques et le droit : Actes de la 2e Journée d’étude sur la
méthodologie et l’épistémologie juridique, Cowansville (Qc), Yvons Blais, 2013, 57.
DUPUY, Pierre-Marie, « Article 34 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,
OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International Court of
Justice: A Commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 554.
OELLERS-FRAHM, Karin « Article 92 UN Charter », dans ZIMMERMANN, Andreas,
TOMUSCHAT, Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of
the International Court of Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012,
163.
PALCHETTI, Paolo, « Article 26 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,
OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J. dir., The Statute of the International Court of
Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 474.
PALCHETTI, Paolo, « Article 27 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT, Christian,
OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International Court of
Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 502.
PELLET Alain, « Le renforcement du rôle de la Cour en tant qu’organe judiciaire principal des
Nations Unies » dans PECK, G. et LEE, R. S., dir., Increasing the Effectiveness of the International
Court of Justice -Proceedings of the ICJ/UNITAR Colloquium to Celebrate the 50th Anniversary
of the Court, The Hague, Kluwer/Unitar, 1997, 235.
140
RANJEVA, Raymond, « Le règlement des différends relatifs au nouveau droit de la mer », dans
DUPUY, René Jean, VIGNES, Daniel, dir., Traité du nouveau droit de la mer, Paris,
Economica/Bruylant, 1985, 1105.
TOMUSCHAT, Christian, « Article 36 », dans ZIMMERMANN, Andreas, TOMUSCHAT,
Christian, OELLERS-FRAHM, Karin et TAMS Christian J., dir., The Statute of the International
Court of Justice: a commentary, 2è ed., Oxford, Oxford University Press, 2012, 633.
V- Articles de périodiques
BARTENSTEIN, Kristin, « De Stockholm à Copenhague : genèse et évolution des responsabilités
communes, mais différenciées dans le droit international de l’environnement », (2011) 56 Revue
de droit de McGill / McGill Law Journal 177.
CHYCOT, Pierre Yves, « l'actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de
contribution juridique à la notion de paix durable », (2003) 16 :1 RQDI 5.
D’ARGENT, Pierre, « Des frontières et des peuples : l'affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigeria, arrêt sur le fond », (2002) 48 :1 AFDI 281.
DECAUX, Emmanuel, « Arrêt de la Chambre de la CIJ dans l’Affaire du différend frontalier
Burkina Faso contre Mali » (1986) 32 :1 AFDI 215.
DUPUY, René Jean, « La réforme du Règlement de la CIJ », (1972) 18 :1 AFDI 265.
EISEMANN, Pierre Michel, « Les effets de la non-comparution devant la Cour internationale de
Justice », (1973) 19 :1 AFDI 351.
FISCHER, Georges, « Les réactions devant l'arrêt de la Cour internationale de Justice concernant
le Sud-Ouest africain », (1966) 12 :1 AFDI 144.
Feydy, Julien, « La nouvelle déclaration française d'acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour internationale de Justice », (1966) 12 :1 AFDI 155.
141
Gharbi, Fakhri, « Le déclin des déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour
internationale de justice », (2002) 43 :3 Les Cahiers de droit 433.
GARCIA, Thierry, « Les mesures conservatoires rendues par la Cour Internationale de Justice, le
15 mars 1996, dans le différend frontalier entre le Cameroun et le Nigéria », (1996) 42 :1 AFDI
409.
GUILHAUDIS, Jean-François, « Remarques à propos des récents conflits territoriaux entre États
africains (Bande d'Aozou, Ogaden, Saillant de Kyaka) », (1979) 25 :1 AFDI 223.
GUILLAUME, Etienne, « L’emploi de la force devant la Cour internationale de justice », (2003)
AFRI 215.
HOMAYOUN, Barati, « Frontière terrestre et maritime (Cameroun c/ Nigéria), Exceptions
préliminaires, interprétation, intervention », (1999) 1 AFDI 371.
KOLB, Robert, « L'État X n'est pas membre des Nations Unies ; donc, il ne doit pas respecter le
droit international: variations sur un thème saugrenu », (2014) 3 Revue suisse de droit international
et européen 369.
LATTY, Franck, « La Cour internationale de justice face aux tiraillements du droit international :
les arrêts dans les affaires des Activités armées sur le territoire du Congo », (2005) 51:1 AFDI 205.
LEROY, Yann, « La notion d'effectivité du droit », (2011) 79 Droit et société 715.
MARTTI, Koskenniemi, « l'affaire du différend territorial », (1994), 40:1 AFDI 442.
PAILLARD, Emmanuel, « Affaire des activités armées sur le territoire du Congo (République
Démocratique du Congo c. Ouganda). Demande en indication de mesures conservatoires », (2000)
46 AFDI 242.
RUFFINI, Francesco, « De la protection internationale des droits sur les œuvres littéraires et
artistiques », (1926) 2 Recueil des cours de l’Académie de droit international, 387.
WECKEL, Philippe, « Les suites des décisions de la Cour international de Justice », (1996) 42 :1
AFDI, 428.
142
VI- Thèses et Mémoires
FRITZ, Robert Saint-Paul, L’exécutions des décisions de la Cour internationale de Justice :
Faiblesses et malentendus, Mémoire de Maitrise (LL.M), sous la direction d’Isabelle Duplessis,
Université de Montréal, Faculté de droit, direction des bibliothèques, 2006, 145 p.
SABALBAL, Hélène, L’évolution des fonctions du Secrétaire général de l’ONU, Mémoire de
Maitrise (LLM), Université Laval (Faculté de droit), 2013, 146 p.
TOE, Roland Melaine, Les États africains devant la Cour internationale de justice, Mémoire de
Master 2 recherche en Droit international, sous la direction de MBENGUE, Makane Moïse et la
codirection de SOMA, Abdoulaye, Ouagadougou, Centre d’Études et de Recherche sur le droit
International et les Droits de l’Homme (CERDIH), 2014, 102 p.
WATANABE-KAYE, Kanae. The Power of the United Nations Secretary-General, thèse de
doctorat, The Johns Hopkins University, 2010, 707 p.
VII- Sources électroniques
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Moreau Defarges Philippe, « De la SDN à l'ONU. », Pouvoirs 2/2004 (n° 109), p. 15-26, en ligne
: <www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-page-15.htm>.
Discours de S. Exc. M. Peter Tomka, président de la Cour internationale de Justice, devant la
Sixième Commission de l’Assemblée générale, le 1er novembre 2013, en ligne :< http://www.icj-
cij.org/presscom/files/5/17685.pdf>.
Discours de M. Hisashi Owada, Président de la Cour internationale de Justice, devant les
conseillers juridiques des États membres de l’Organisation des Nations Unies, « Introduction au
séminaire consacré à la compétence contentieuse de la Cour internationale de Justice » à la p 2, en
ligne : < http://www.icj-cij.org/presscom/files/6/16226.pdf>.
Jean-Pierre Mbelu, « Analyse et réflexion », en ligne :
<http://www.congoforum.be/fr/analysedetail.asp?id=159663>.
143
Conseil départemental d’accès au droit des Landes, « La Cour de cassation », en ligne : <
https://www.courdecassation.fr/>.
Cour internationale de justice, « Chambres et comités », en ligne : <www.icj-cij.org>.
Les chambres de la Cour, en ligne : <http://www.pedone.info/cij/12-CIJ-.pdf>.
RFI archive, « Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts », en ligne :
<http://www1.rfi.fr/actufr/articles/079/article_44919.asp>.
Cour internationale de Justice, « Membres de la Cour », en ligne : <http://www.icj-
cij.org/court/index.php?p1=1&p2=2&lang=fr>.
African Development Bank, OECD, United Nations Development Programme, « Perspectives
économiques en Afrique 2015 : Développement territorial et inclusion spatiale », Paris, OCDE,
2015, en ligne, < http://www.oecd-ilibrary.org/sites/fa724c7c-
fr/index.html?itemId=%2fcontent%2fsummary%2ffa724c7c-fr>.
Statut révisé du Fonds, « Statut, règlement et principes révisés applicables au Fonds d’affectation
spéciale du Secrétaire général devant aider les États à soumettre leurs différends à la Cour
internationale de Justice », en ligne : <http://www.un.org/fr/aboutun/structure/statusrev.pdf>.
Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le
différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, Middle Rocks et South Ledge, en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.
La perte du vote du Canada à l’ONU : recul de sa renommée internationale en ligne :
<http://www.mondialisation.ca/la-perte-du-vote-du-canada-l-onu-recul-de-sa-renomm-e-
internationale/21438>.
Cour internationale de Justice, compromis visant à soumettre à la Cour internationale de Justice le
différend entre la Malaisie et Singapour concernant la souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu
Puteh, Middle Rocks et South Ledge, en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/files/130/1784.pdf>.
144
Cour internationale de Justice, compromis entre le gouvernement de la république du Botswana et
le gouvernement de la République de Namibie visant à soumettre à la Cour internationale de justice
le différend qui oppose les deux États concernant la frontière autour de l'île de Kasikili/Sedudu et
le statut juridique de cette île, en ligne : < http://www.icj-cij.org/docket/files/98/7184.pdf>.
Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du différend frontalier entre la
République du Niger et la République du Benin, en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/files/125/7068.pdf>.
Cour internationale de Justice, Compromis entre le gouvernement de la République de Haute-Volta
et le gouvernement de la République du Mali visant à soumettre à une chambre de la cour
internationale de justice le différend frontalier entre les deux états, en ligne : <http://www.icj-
cij.org/docket/files/69/10664.pdf>.
Cour internationale de Justice, Compromis de saisine de la cour internationale de justice, au sujet
du différend frontalier entre le Burkina Faso et la république du Niger, en ligne : < http://www.icj-
cij.org/docket/files/149/15986.pdf>.
Bol de culture, en ligne : < http://boldeculture.blogspot.ca/2011/04/quest-ce-quun-ministere-
regalien.html>.
Liste des États membres du Commonwealth, en ligne : < http://statistiques-
mondiales.com/commonwealth.htm>.
Cour internationale de Justice, « Déclarations d'acceptation de la juridiction obligatoire », en ligne
: < http://www.icj-cij.org/jurisdiction/index.php?p1=5&p2=1&p3=3&lang=fr>.
ONU, « Discours du Secrétaire général de l’ONU pour commémorer le #ICJ70 », en ligne : <
http://unric.org/fr/actualite/4006-discours-du-secretaire-general-de-lonu-pour-commemorer-le-
icj70>.
Liste des procédures contentieuses par date d'introduction en ligne <http://www.icj-
cij.org/docket/index.php?p1=3&p2=3&lang=fr>.
145
Pierre-Yves Chicot, « L’actualité du principe du règlement pacifique des différends : essai de
contribution juridique à la notion de paix durable », à la p 21, en ligne : < http://www.sqdi.org/wp-
content/uploads/16.1_-_05_chicot.pdf>.
VIII- Autres documents
Manuel canadien de la référence juridique (McGill Guide), 8e éd, Toronto, Carswell, 2014.
MBENGUE, Makane Moïse, Cours de Règlement des différends internationaux, Master 2, Centre
d’Étude et de Recherche sur le Droit international et les droits de l’Homme (CERDIH), Été 2013,
Ouagadougou (Burkina Faso).