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Caroline Gallez et Marianne Thébert sont membres du laboratoire de recherche Ville, Mobilité, Transport (Lvmt), à l’Ifsttar. Elles ont publié en décembre 2013 un rapport de recherche consacré aux contrats de développement territorial (Cdt) du Grand Paris : « Les contrats de développement territorial du Grand Paris : une négociation multi-échelles de l’articulation urbanisme-transport ? Le cas des Cdt Cœur Descartes et Boucles de la Marne. » Le rapport complet est disponible en ligne au format pdf sur le site : http://hal.archives-ouvertes.fr/ I NSTITUÉS et définis par la loi du 3 juin 2010 relative à l’aménagement du Grand Paris, les contrats de développe- ment territorial (Cdt) sont déter- minés conjointement entre le représentant de l’État dans la région d’une part et les établisse- ments publics de coopération intercommunale (Epci) d’autre part. Selon cette loi, les Cdt éta- blissent « les objectifs en matière d’urbanisme, de logements, de transports, de déplacements et de lutte contre l’étalement urbain, d’équipement commercial, de développement économique sportif et culturel, de protection des espaces naturels, agricoles et fores- tiers et des paysages et des res- sources naturelles ». Ils visent donc à définir les principales orientations d’aménagement des territoires du Grand Paris. Le Grand Paris Les enjeux des contrats de développement territorial CAROLINE GALLEZ ET MARIANNE THÉBERT Les après-midi 26 18 MARS 2014 1 Issu d’un accord entre le conseil régional de l’Île-de-France et l’État en date du 26 janvier 2011, le Grand Paris Express est un projet d’ex- tension des lignes de métro parisiennes. Quatre nouvelles lignes doivent être crées autour de Paris, deux lignes existantes étendues. Le dispositif contractuel accompagnant l’élaboration des Cdt vise en particulier une meilleure articulation entre transport et urbanisme, en concentrant le développement de programmes de logements autour des futures stations du Grand Paris Express 1 . Comment les acteurs locaux se sont-ils appropriés ce dispositif contractuel ? Quelles ont été les négociations opérées entre les représentants de l’État et les collectivités locales ? Comment les objectifs des Cdt s’articulent-ils avec d’autres pro- jets et programmes d’action, formulés à d’autres échelles ? Quelles contributions la démarche imposée par les Cdt peut- elle apporter à l’émergence d’une gouvernance territoriale fran- cilienne, qui passerait essentiellement par une plus grande intégration des intercommunalités existantes, voire un élargis- sement ou une création d’intercommunalités nouvelles ?

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Caroline Gallez et Marianne Thébert sont membres du laboratoire de recherche Ville, Mobilité, Transport(Lvmt), à l’Ifsttar.Elles ont publié en décembre 2013 un rapport de recherche consacré aux contrats de développement territorial(Cdt) du Grand Paris : « Les contrats de développement territorialdu Grand Paris : une négociation multi-échelles de l’articulation urbanisme-transport ? Le cas des Cdt Cœur Descartes et Boucles de la Marne. »Le rapport complet est disponible en ligne au format pdf sur le site :http://hal.archives-ouvertes.fr/

INSTITUÉS et définis par la loidu 3 juin 2010 relative àl’aménagement du Grand

Paris, les contrats de développe-ment territorial (Cdt) sont déter-minés conjointement entre lereprésentant de l’État dans larégion d’une part et les établisse-ments publics de coopérationintercommunale (Epci) d’autrepart. Selon cette loi, les Cdt éta-blissent « les objectifs en matièred’urbanisme, de logements, de

transports, de déplacements et delutte contre l’étalement urbain,d’équipement commercial, dedéveloppement économique sportif

et culturel, de protection desespaces naturels, agricoles et fores-tiers et des paysages et des res-sources naturelles ». Ils visentdonc à définir les principalesorientations d’aménagementdes territoires du Grand Paris.

Le Grand ParisLes enjeux des contrats de développement territorial

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1 Issu d’un accord entre le conseil régional del’Île-de-France et l’État en date du 26 janvier2011, le Grand Paris Express est un projet d’ex-tension des lignes de métro parisiennes. Quatrenouvelles lignes doivent être crées autour deParis, deux lignes existantes étendues.

Le dispositif contractuel accompagnant l’élaboration des Cdt

vise en particulier une meilleure articulation entre transport et

urbanisme, en concentrant le développement de programmes

de logements autour des futures stations du Grand Paris

Express1. Comment les acteurs locaux se sont-ils appropriés ce

dispositif contractuel ? Quelles ont été les négociations opérées

entre les représentants de l’État et les collectivités locales ?

Comment les objectifs des Cdt s’articulent-ils avec d’autres pro-

jets et programmes d’action, formulés à d’autres échelles ?

Quelles contributions la démarche imposée par les Cdt peut-

elle apporter à l’émergence d’une gouvernance territoriale fran-

cilienne, qui passerait essentiellement par une plus grande

intégration des intercommunalités existantes, voire un élargis-

sement ou une création d’intercommunalités nouvelles ?

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Le choix de l’instrument légis-latif pour la mise en œuvre deces orientations révèle unevolonté d’agir vite et affirme unretour en force de l’État quisouhaite imposer un cadre d’ac-tion à l’ensemble des collectivi-tés locales, dont la Région2.Malgré les réticences et lesoppositions qui s’expriment,en 2013, soit trois ans après levote de la loi, vingt-deux Cdtsont en cours d’élaboration enrégion Île-de-France.

Les Cdt ont pour but la mise enœuvre du développement éco-nomique, social et urbain des

territoires qui seront desservispar le Grand Paris Express etconstituent un outil de réalisa-tion du dessein métropolitain.L’analyse de leur mise en placepermet d’appréhender l’évolu-tion des modes d’action pu -blique locale appliqués à unterritoire certes particulier, l’Île-de-France, dans un contexte oùs’affrontent des visions mul-tiples et divergentes de l’intérêtgénéral (État, collectivités, amé-nageurs, etc.).

Ces contrats concernent 8 % duterritoire régional, 157 com-munes (12 % des communesfranciliennes), 4,4 millionsd’habitants (38 % de la popula-tion francilienne) et 2,1 mil-lions d’emplois (39 % des em -plois franciliens).

L’élaboration des Cdt constitueun lieu de confrontation devisions déployées par desacteurs intervenant à deséchelles différentes, portant desintérêts de niveaux différents.La coordination de ces acteursest extrêmement importantedans le contexte décentralisé del’action publique tel qu’il estmaintenant effectif en Île-de-France. L’arrivée du Grand ParisExpress agit en l’occurrencecomme un catalyseur pourouvrir des débats sur les ques-tions d’aménagement et réflé-chir au projet urbain. Elle peut,aussi, générer des conflits entreacteurs.

Afin d’étudier les questions sou-levées par la mise en œuvre de ladémarche des Cdt et l’évolutiondes modes d’action publique enÎle-de-France qu’elle induit,deux des quatre Cdt situés sur leterritoire de la ville nouvelle deMarne-la-Vallée ont été analy-sés : les Cdt Cœur Descartes etBoucles de la Marne. Treizeentretiens semi-directifs ont étéconduits entre 2011 et 2013, audébut de la démarche de Cdt,donc avant la loi de modernisa-tion de l’action publique terri-toriale et d’affirmation desmétropoles (Maptam) du27 janvier 2014, auprès devingt acteurs impliqués dansl’élaboration des deux Cdt étu-diés : des représentants des ser-vices de l’État [préfecture derégion, Direction régionale etinterdépartementale de l’équi-pement et de l’aménagement(Driea), Établissement publicd’aménagement de la Marne(Épamarne) et Société du GrandParis (Sgp)], des élus et cadrestechniques des six communesimpliquées, ainsi que descadres techniques des trois éta-blissements publics de coopéra-tion intercommunale (Epci)concernés.

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2 En l’absence d’accord entre l’État et les col-lectivités concernées, la loi prévoit que laSociété du Grand Paris (Sgp), maître d’ouvragedu futur métro, puisse agir en tant qu’aména-geur dans des zones circulaires d’un rayon dequatre cents mètres autour des gares.

Réseau du Grand Paris Express et Cdt en cours,novembre 2013.

En octobre 2013, vingt-deux contrats de développement territorial sont en coursd’élaboration, dont deux n’ont pas encore de périmètre défini. Douze territoires ont désormais validé leur Cdt et quatorze territoires ont signé un accord-cadre définissant les grandes orientations du projet. Certains territoires ont signé directement un Cdt sans passer par l’étape de l’accord-cadre, ce qui est le cas du Cdt Cœur Descartes étudié.

Source : rapport des auteures, décembre 2013.

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LES CDT Cœur Descartes etBoucles de la Marne auxquelss’est intéressée l’analyse sontsitués pour partie dans le péri-mètre de la ville nouvelle deMarne-la-Vallée. Ils font partied’un ensemble de quatre Cdtconstitutifs du territoire de pro-jet dit du « cluster3 de la villedurable » :– au cœur du cluster, la cité Des-

cartes accueille l’université deMarne-la-Vallée, plusieurs éco -les d’ingénieurs dont l’Écoledes ponts ParisTech, l’Écoled’architecture de Marne-la-Vallée, une trentaine de labo-ratoires de recherche ainsiqu’un parc d’entreprises. Lepérimètre du Cdt Cœur Des-

cartes englobe la totalité despérimètres des deux com-munes directement concer-nées : Champs-sur-Marne etNoisy-Champs;

– au sud-ouest, le Cdt Bouclesde la Marne s’est initialementconstitué autour des troiscommunes de Champigny-sur-Marne, Bry-sur-Marne etVilliers-sur-Marne qui se sontmobilisées pour demander lacréation d’une nouvelle sta-tion du métro du Grand Paris,dite gare des « trois com-munes » ; la commune deChennevières-sur-Marne s’estjointe tardivement à ladémarche, en mars 2012 ;

– au nord-est, les communes deChelles et de Vaires-sur-Marne forment le Cdt dit« Descartes nord » ;

– au nord-ouest, les six com-munes de Fontenay-sous-Bois,Nogent-sur-Marne, Rosny-sous- Bois, Le Perreux-sur-

Marne, Neuilly-sous-Bois etNeuilly-Plaisance forment leCdt dit « Descartes ouest ».

Le périmètre du cluster de laville durable s’étend sur troisdépartements (Val-de-Marne,Seine-et-Marne et Seine-Saint-Denis).

À la demande du préfet derégion, l’élaboration d’unschéma de développement ter-ritorial (Sdt) a été engagée, dansle but d’assurer une mise encohérence des quatre Cdt. L’éla-boration du Sdt, pilotée par laDriea d’Île-de-France, a étéconfiée au groupement d’étu -des Acadie-Tvk.

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3 Le cluster se définit initialement comme unregroupement d’entreprises et d’institutionsau sein d’un même territoire faisant partied’un même secteur économique. Dans la loid’aménagement du Grand Paris sont systéma-tiquement définis comme clusters les pôles dedéveloppement périphériques des gares.

LES DEUX SITES ÉTUDIÉS

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Terrains d’étude et périmètre de Marne-la-Vallée

Source : rapport des auteures, décembre 2013.

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Le Cdt Cœur Descartes. Communes et Epci concernés

Source : Iau-Idf, 2012.

Communes (2) : Noisy-le-Grand et Champs-sur-Marne

Nombre d’habitants : 87200

Nombre de logements : 36200 / Objectif de construction (2030) : 12000

Nombre d’emplois : 37600

Avancement du Cdt : Signé le 9 septembre 2013

Gouvernance : Champs-sur-Marne est une commune située dans le périmètre d’intervention de l’Épamarne. Noisy-le-Grand était initialement situé dans ce même secteur 1 de la ville nouvelle mais en est sorti début 2012, la municipalité ayant souhaité mener son propre projet d’aménagement.

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Le Cdt Boucles de la Marne. Communes et Epci concernés

Source : Iau-Idf, 2013.

Communes (4) : Bry-sur-Marne, Villiers-sur-Marne, Champigny-sur-Marne et Chennevières-sur-Marne

Nombre d’habitants : 135613

Nombre de logements : 57372

Nombre d’emplois : 57 145

Avancement du Cdt : Un accord-cadre, étape intermédiaire avant la signature du Cdt, a été signé en mars 2012. La version finalisée devrait être mise en enquête publique dans le courant de l’année 2014.

Gouvernance : Bry-sur-Marne et Villiers-sur-Marne font partie du périmètre d’intervention de l’Épamarne. Ces deux communes ainsi que la commune de Champigny-sur-Marneappartiennent à l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien (Actep).

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LE CDT est un dispositif quel’on peut qualifier d’hybride etde sous tension, à travers lequels’opère un double mouvement :

1) d’un côté, les Cdt permettentde renforcer l’intervention del’État. Même si ce dernier n’apas les moyens d’intervenircomme il le voudrait dansl’aménagement de la région-capitale, il a l’ambition d’êtreun co-décideur stratégique et sedonne pour cela les moyens denégocier un certain nombre devues en matière d’aménage-ment et de développement éco-nomique ;

2) d’un autre côté, on observe,à l’occasion de la négociationdes Cdt, un mouvement d’accé-lération de la décentralisation,avec une montée en puissancede l’intercommunalité et uneappropriation des questionsterritoriales par les entités poli-tiques locales.

Bien que négociée et contrac-tuelle, la démarche Cdt n’en estpas moins imposée par la loi.Concrètement, cela signifieque, si une station du GrandParis Express est localisée surun territoire qui ne signe pas deCdt, la Société du Grand Parispeut se substituer aux com-munes pour aménager lesabords de la gare dans un rayonde quatre cents mètres.

Si certains élus locaux se sontengagés dans la démarchecontraints et forcés, un grandnombre voient dans les Cdtl’opportunité de définir unprojet de territoire en accordavec l’amélioration de l’acces-sibilité liée à l’arrivée du métroet d’en négocier le contenuavec l’État. Aujourd’hui, tous

les Cdt ont des périmètres quidépassent la zone des quatrecents mètres autour de la gareévoqués par la loi du 3 juin2010 et couvrent des terri-toires pluricommunaux. Cechoix montre que l’intérêt descommunes se porte sur l’élabo-ration d’un projet de territoireplus que sur l’aménagementd’un quartier de gare. En parti-culier, l’élargissement au péri-mètre intercommunal permetde déclarer d’intérêt métropo-litain un certain nombred’équipements autres que ceuxliés au logement ou à l’aména-gement propre des quartiers degare, donc d’inclure dans lesdébats des questions quidépassent très largement l’en-

jeu de densification de l’urba-nisation autour des quartiersde gare.

Dans certains cas, la localisationdes gares initialement prévuedans le schéma d’ensemble duGrand Paris Express a fait l’objetde négociations. Les communesde Bry-sur-Marne, Villiers-sur-Marne et Champigny-sur-Marne se sont par exemplealliées pour que la gare d’inter-connexion du Grand Paris et duRer E initialement prévue auPlessis-Trévise (une gare situéesur la commune de Villiers-sur-Marne) soit localisée à la fron-tière des trois communes, unezone qui présente un potentielfoncier important (lié auxemprises d’un ancien barreauautoroutier) et sur laquelle ellesélaborent un projet de dévelop-pement économique.

• Le logement

Bien que le Grand Paris Expresssoit initialement né d’une straté-gie de compétitivité pour larégion Île-de-France, la construc-tion de logements, et notam-ment la territorialisation del’offre de logements (Tol),constitue une priorité pour lesservices de l’État. Sur les 70000logements par an prévus dansla loi relative au Grand Paris,l’objectif est d’en construire30 000 dans les territoiresconcernés par un Cdt. Pour l’État et ses établissementspublics présents sur le terri-toire, l’enjeu du financementdu réseau à travers la valorisa-tion foncière a, dans un pre-mier temps au moins, renforcél’objectif de production delogements à proximité des sta-

tions du Grand Paris. Selon sesreprésentants, l’effort supplé-mentaire de construction delogements demandé aux com-munes bénéficiant d’une amé-lioration de l’accessibilité liéeau métro constitue une contre-partie à l’implication de l’Étatdans le financement du réseau.

Pour les communes qui déve-loppent depuis plusieurs an -nées une politique de construc-tion de logements volontariste,comme Champigny-sur-Marneet Noisy-le-Grand, les objectifsde la Tol sont généralementsemblables à ceux affichés dansles programmes locaux de l’ha-bitat (Plh), et donc peu contes-tés sur le plan quantitatif. Il enva différemment pour les au -tres communes présentes ausein des deux Cdt étudiés, mais

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GENÈSE DE LA DÉMARCHE

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« OBJETS » ET ENJEUX DE LA DISCUSSION

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des discussions sur la réparti-tion des logements entre com-munes sont toutefois possibles,car l’objectif fixé par la Tol s’ap-plique aux Cdt dans leurensemble. Lors de la réalisationde cette enquête, aucune com-mune n’a montré de désaccordavec la Tol, sachant qu’il n’estpas prévu que sa non-applica-tion entraîne des sanctions. Enrevanche, certaines collectivitésne souhaitent pas dissocier lesnégociations sur la construc-tion de logements des négocia-tions sur l’activité économiqueet la réalisation du quartier degare. Elles demandent ainsi quel’État les aide à réaliser les équi-pements publics nécessaires àl’accueil de nouvelles popula-tions. Ce dernier ne s’est pasencore prononcé sur cette ques-tion.

En revanche, la part du loge-ment social reste un sujetpotentiellement conflictueldans la construction de cesnombreux logements. Champi-gny-sur-Marne, par exemple,veut réaliser 50 % de logementsocial afin que l’accessibilitégénérée par la gare profite àtoutes les catégories de popula-tion. À l’inverse, d’autres com-munes ne souhaitent pas queleur part de logement socialaugmente. La répartition spa-tiale de l’objectif global deconstruction de logement so -cial, objet de négociationsentre les communes mais quidoit être validée par l’État, estégalement susceptible de poserproblème.

• Le développementéconomique

L’ambition de l’État est de créerune forte densité d’habitatautour des gares. Les éluslocaux entendent, eux, cons -truire des logements en fonc-

tion de leur foncier et pas seu-lement autour de la gare,espace stratégique qu’ils sou-haitent réserver au développe-ment économique et à l’accueild’activités, se référant ainsi aux« effets structurants » de l’infra-structure de transport. Les élusexpriment leur volonté d’ins-crire la notion de cluster pro-mue par la loi d’aménagementdu Grand Paris dans le tissuéconomique local – les deuxCdt étudiés sont inscrits dans lecluster de la ville durable. Denombreuses communes misentsur des actions de formationafin que les emplois du clusterliés à la ville durable puissentbénéficier à la population lo -cale. Il est toutefois difficile detraduire cet objectif de déve -loppement économique enmoyens d’action concrets ausein des Cdt. Des objectifs entermes de taux d’emploi ou deratios emplois/actifs résidentssont déjà affichés, mais lesmoyens pour y parvenir restenttrès flous. Les différentes villesconcernées souhaitent que l’État les aide à mener des négo-ciations informelles et à fairedu lobbying auprès des entre-prises afin d’attirer de nou-veaux emplois au sein des péri-mètres de Cdt.

Si les stratégies en matière dedéveloppement économiquene sont pas clairement énon-cées dans l’accord-cadre et dansles Cdt, c’est également parceque la lecture des enjeux restepour le moment focalisée surl’échelle communale : Champi-gny-sur-Marne a des objectifsen matière de formation ; l’am-bition de Villiers-sur-Marne estd’avoir un équipement rayon-nant à l’échelle métropolitaine ;Bry-sur-Marne a une zone depetites et moyennes entreprises(Pme) artisanales qu’elle vou-drait restructurer et promou-voir.

Ce qui fait débat entre l’État etles communes, c’est d’abord lalogique de concentration/spé-cialisation attachée au cluster.Celles-ci ne souhaitent pasconcentrer les emplois sur unezone précise mais cherchent àcréer un rayonnement desemplois sur leur territoire com-munal. De plus, le cluster nepermet pas de neutraliser lesréflexes concurrentiels entrecommunes. Un moyen dedépasser cette concurrence estde créer une zone intercommu-nale sur laquelle les communespuissent établir des projets.C’est le cas à Bry-Villiers-Cham-pigny-Chennevières, avec leCdt Boucles de la Marne, quidispose d’importantes ressour -ces foncières liées aux frichesconstituées par l’ex-voie de des-serte orientale, initialementréservée à la construction d’uneautoroute, projet définitive-ment abandonné en 2007.Cette zone a permis aux com-munes de parvenir à deuxconsensus : le premier sur lalocalisation de la gare du GrandParis Express, le second sur larépartition de la constructionde logements.

Dans d’autres territoires, laconcurrence entre plusieurscommunes peut être impor-tante. C’est par exemple le casà Noisy-Champs (Cdt CœurDescartes). Ainsi, Noisy-le-Grand, qui possède un pôled’emplois très important aucentre de la commune, auraitsouhaité que celui-ci soit desservi par le Grand Paris. Orla gare de Noisy-Champs,située à l’intersection desdeux communes, desservirasurtout la cité Descartes (àChamps-sur-Marne). Par ail -leurs, cette même ville deNoisy-le-Grand a l’intention deconstruire un nombre impor-tant de logements, comme ins-crit dans son Plh, mais refuse

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que les objectifs de la Tolsoient réalisés uniquement surson territoire. Finalement, lasituation semble avoir étédébloquée : la présence d’unezone d’activité de Noisy-le-Grand située à côté de la gare,à l’intersection entre les deuxcommunes, a permis à la villede réclamer à l’État des inves-tissements en matière d’infra-structures et de désenclave-ment, et donc de voir sesambitions économiques enpartie satisfaites par l’investis-sement dans cette zone.

• L’accès à la gare

Face à la logique métropolitainedu réseau, les élus portent desintérêts plus locaux. Ils considè-rent que l’organisation du trajetde rabattement des populationsvers la gare4 et la réalisation del’interconnexion avec le Rer Esont des conditions non négo-ciables pour la poursuite de ladémarche Cdt. Ils veulent parailleurs que l’intermodalité soitadaptée aux contraintes locales :certains réclament des parkingsde rabattement, alors qued’autres n’en veulent pas aumotif que le réseau viaire estdéjà surchargé. Les élus com-munaux ont demandé à laRégion de s’associer aux négo-ciations, faisant valoir que cettedernière est un acteur indispen-sable pour réfléchir en amont àl’accessibilité de la gare et à l’ar-ticulation entre le réseaud’échelle métropolitaine et lesréseaux secondaires.

La question du transport estaussi l’occasion de faire la pro-motion des intercommunalités.En effet, celles dont les péri-

mètres ne correspondent pas àceux des Cdt (c’est par exemplele cas de Chennevières-sur-Marne, qui appartient à la com-munauté d’agglomération duHaut Val-de-Marne) sont inter-venues pour dire que la questionde l’accessibilité ne concernaitpas le seul périmètre du Cdt etqu’il était important de l’élargirafin d’organiser le rabattementet l’accessibilité de la gare. L’Ac-tep a saisi cette occasion pourpromouvoir son échelle territo-riale d’action, celle de l’Est pari-sien. Même si des divergences

existent concernant la questionde la mobilité (l’Épamarne, qui apiloté une étude de pré-faisabi-lité pour implanter un transporten commun en site propre surl’autoroute A4, envisageait uneliaison la plus directe possibleentre Paris et la ville de Marne-la-Vallée, alors que l’Actep sou-haite un maillage plus fin desterritoires afin d’être un atoutpour l’ensemble du territoire etnon pour quelques points d’en-trée du réseau), l’idée que l’Estparisien est un territoire oubliéstructure tous les discours.

DANS UN TERRITOIRE institution-nel aussi complexe que celui dela ville nouvelle de Marne-la-Vallée, il était important d’in-terroger la manière dont lesCdt permettaient aux acteursd’améliorer leur coopération,voire pouvaient servir de levier

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4 Le trajet de rabattement est le premier modede déplacement utilisé par l’usager qui est réa-lisé entre son lieu d’origine et le premier pôled’échange. Il peut être réalisé à pied, avec unvéhicule ou tout autre moyen individuel, ouen transports en commun.

UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE TRÈS MORCELÉE

Enchevêtrement des structures administratives et des périmètres du projet

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pour jouer sur la dynamiqueintercommunale et renforcerles coopérations.

L’absence de concordance entreles périmètres de l’intercommu-nalité et ceux des Cdt est ce quiapparaît en premier lieu.

Dans le Cdt Cœur Descartes, lacommune de Champs-sur-Marne est intégrée à ce qui estaujourd’hui la communautéd’agglomération du Val Mau-buée [qui était à l’origine lesyndicat d’agglomération nou-velle (San) du secteur 2 deMarne-la-Vallée]. Cette com-munauté d’agglomération a étécréée en 1984 au moment dudéveloppement du deuxièmesecteur de la ville nouvelle deMarne-la-Vallée. Elle regroupesix communes (86 000 habi-tants) situées en Seine-et-Marneet exerce trois compétencesoptionnelles (eau, assainisse-ment, culture/sport).

La commune de Chennevières-sur-Marne s’est, quant à elle,raccrochée très tardivement auCdt Boucles de la Marne, dufait de l’existence de l’ancienneemprise de la voie de desserteorientale, qui constitue mainte-nant l’élément fédérateur duprojet territorial des communesdu Cdt. Elle a été rattachée à lacommunauté d’agglomérationdu Haut Val-de-Marne en 2001alors que les élus s’y oppo-saient, contrainte par la loi dela majorité qualifiée appliquéepar le préfet. La communautéd’agglomération du Haut Val-

de-Marne existe depuis 2001 etregroupe sept communes(106 000 habitants) situéesdans le Val-de-Marne. Elleexerce six compétences option-nelles (assainissement, déchets,environnement, culture/ sport,voirie, stationnement).

La troisième association decollectivités, l’Actep, s’esttransformée en 2012 en syndi-cat mixte5 avec l’objectif depeser sur les orientationsd’aménagement et d’accroître

le taux d’emplois de l’Est pari-sien. Ce syndicat regroupequatorze communes situées enSeine-Saint-Denis et dans leVal-de-Marne, ainsi qu’unepartie des communes dudépartement du Val-de-Marne(463 000 habitants). Il financedes études importantes, parti-culièrement autour des projetsde transport, et mène desactions de lobbying pour porterces projets et accroître le déve-loppement économique duterritoire.

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5 Constitué en 2012, le syndicat mixte de l’Ac-tep existe sous forme d’association depuis 2000.6 Une Oin est une opération d’urbanismecomportant un intérêt dit majeur. Dans leszones définies comme Oin, c’est l’État, et nonles communes, qui a la maîtrise des politiquesd’urbanisme.7 Cette loi du du 12 juillet 1999 relative au ren-forcement et à la simplification de la coopéra-tion intercommunale a notamment permis dedévelopper les établissements publics decoopération intercommunale (Epci).

• Le Cdt Cœur Descartes

L’héritage de la ville nouvelleest particulièrement prégnantdans le Cdt Cœur Descartespuisque les deux communes duCdt ont fait l’objet d’opérationsd’aménagement majeures dansle cadre de l’opération d’intérêtnational (Oin)6. Noisy-le-Grandconstitue le pôle urbain le plusimportant de Marne-la-Valléeau moment de son développe-ment, avec notamment lecentre d’activités du Montd’Est, un centre commercialrégional et un quartier d’habi-tat très important. À Champs-sur-Marne, la Cité Descartesabrite sur une centaine d’hec-tares des centres de recherche,l’université de Marne-la-Valléeet des pépinières d’entreprises.

Les méthodes de développe-ment de la ville nouvelle ontfait l’objet de nombreuses cri-tiques par les acteurs locaux,notamment de la part de laville de Noisy-le-Grand qui, aumoment où commencent lesnégociations sur le Cdt, décidede reprendre en gestion seszones d’aménagement concerté

(Zac) concernées par l’Oin,auparavant portées par l’Épa-marne, établissement publicd’aménagement de la ville nou-velle.

Un autre fait important estl’implication du San du ValMaubuée, créé en 1984, quireprésente la commune deChamps-sur-Marne. À la diffé-rence des négociations inter -communales classiques, quirésultent de démarches de col - laboration volontaire de la partdes communes, le San a été misen place afin d’exercer lescompé tences d’aménagementet de fourniture de services col-lectifs liés au développementde l’urbanisation que les com-munes – qui ne sont, au débutde l’opération, que de petitsnoyaux urbains – ne peuventpas encore prendre en charge.

Dans un contexte d’évolutionrapide de l’organisation territo-riale et de montée en puissancedes intercommunalités issuesde la loi Chevènement7, les cri-tiques adressées à l’Épamarnese sont renforcées. L’établisse-ment public d’aménagement

ÉVOLUTION DE LA GOUVERNANCE : L’HÉRITAGE DE LA VILLE NOUVELLE

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est perçu par les représentantsdes communes de la ville nou-velle comme un « bras armé »de l’État, du fait de son organi-sation propre (sous tutelle del’État) et parce qu’il possèdeune grande partie du foncier.Pour les élus, le Cdt est l’occa-sion de « reprendre la main »politiquement, puisque c’estune procédure a priori négociéeentre l’État et les communes.

• Le Cdt Boucles de la Marne

Sur les quatre communes duCdt, seules Bry-sur-Marne etVilliers-sur-Marne appartien-nent au périmètre de la villenouvelle. La communauté d’ag-glomération du Haut Val-de-Marne impliquée dans le Cdtne représente que la communede Chennevières-sur-Marne,qui n’appartient pas au péri-mètre de la ville nouvelle. Lesélus de Bry-sur-Marne et de Villiers-sur-Marne perçoiventplus favorablement le rôle del’Épamarne du fait que leurscommunes ont connu peud’aménagements de type villenou velle. Ils ont par ailleurstoujours été impliqués dans sesinstances.

D’une manière générale, lesélus des deux Cdt exprimentun certain nombre d’attentesvis-à-vis de la puissance d’ex-pertise que représente l’Épa-marne. C’est notamment le casde ceux de Champigny-sur-Marne et de Chennevières-sur-Marne, villes situées hors dupérimètre de la ville nouvelle,qui espèrent profiter de ladynamique de développementet de la force d’expertise duCdt.

• Le Cdt Cœur Descartes

Les élus du périmètre de la villenouvelle expriment la volontéd’un retour au droit commun.Ils veulent se réapproprier lesdécisions politiques et dimi-nuer le rôle de l’Épamarne dansles affaires publiques locales.En particulier, ils ont souhaitéque le San du Val Maubuée setransforme en communautéd’agglomération afin que lescommunes lui délèguent cer-taines de leurs compétences,mettant ainsi fin à la logiqueinitiale selon laquelle le Sanredistribue aux communes sescompétences une fois qu’ellesse trouvent en capacité de lesassumer.

Pour les techniciens de la nou-velle communauté d’agglomé-ration, le Cdt est une occasionde tester le fonctionnement decette nouvelle dynamiqueintercommunale. Ce pen dant,le morcellement des périmètrescomplique le transfert des com-pétences de l’Epa vers une oudeux communautés d’agglomé-ration qui pourraient être encharge de ce périmètre.

Si la coopération entre ces deuxcommunes, Noisy-le-Grand etChamps-sur-Marne, qui n’avaientjamais travaillé ensemble, ad’abord été difficile, le Cdt aconstitué un moyen de construireun dialogue, notamment entreles représentants des servicestechniques. Pour l’heure, les élusde Noisy-le-Grand ne s’imagi-nent pas dans un prolongementde la communauté d’agglomé-ration du Val Maubuée maisn’excluent pas de se rapprocherà terme de Champs-sur-Marne.

L’élargissement du périmètre dela communauté d’aggloméra-tion du Val Maubuée suscite despositions divergentes des élus etdes techniciens. Les techniciensy sont favorables, cet élargisse-ment permettant d’incluretoutes les communes apparte-nant à l’ancien San, favorisantainsi une logique de coopéra-tion volontaire et renforçant lanormalisation de l’intercom-munalité. Les élus sont, quantà eux, beaucoup plus dans l’ex-pectative.

• Le Cdt Boucles de la Marne

Pour les techniciens de la com-munauté d’agglomération, leCdt est une véritable opportu-nité : il permet de dépasser lesblocages internes et de faireavancer les projets au nom desenjeux métropolitains. Lestechniciens sont égalementfavorables au schéma de déve-loppement territorial (Sdt),échelle supplémentaire englo-bant les quatre Cdt8, afin depermettre une mise en cohé-rence des développements éco-nomiques et territoriaux ainsiqu’une réflexion plus straté-gique sur l’élargissement dupérimètre de la communautéd’agglomération. Les élus sontun peu plus réservés : s’ils sontplutôt favorables à un rappro-chement qui renforcerait lescapacités de négociation descommunes, leur priorité estd’abord le renforcement del’Actep.

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LES EFFETS DES CDT SUR LA DYNAMIQUE INTERCOMMUNALE

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8 Cdt Descartes Nord ; Cdt Paris-Est ; CdtCœur Descartes ; Cdt Boucles de la Marne.

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À TRAVERS l’élaboration des Cdt,il est possible d’observer uneévolution des pratiques colla-boratives, et ce malgré uncontexte institutionnel com-plexe et un territoire morcelé.Les élus voient dans cettedémarche un moyen dedéfendre leurs intérêts et denégocier avec l’État. Les projetsde transport, porteurs de déve-loppement et d’emplois, sontbien sûr très fédérateurs. Lesquestions liées au projeturbain, parmi les plus délicates,sont pour l’heure un peu lais-sées de côté.

Malgré des points positifs, lesCdt soulèvent également cer-tains problèmes. En effet, lescalendriers de la démarchesemblent peu réalistes par rap-port à la nécessité de dévelop-per une réflexion stratégique etmulti-acteurs de l’aménage-ment, car le dispositif, initiale-ment centré sur les gares, estdevenu le support de projetsterritoriaux plus complexes. Lesélus veulent aller bien au-delàde l’aménagement des quartiersde gare et ne souhaitent pasconcentrer l’offre de logementsdans ce périmètre, qu’ils veu-lent en partie préserver pour ledéveloppement économique etainsi offrir aux entreprises uneproximité avec les futures sta-tions du Grand Paris. Ils pen-sent que le réseau de transportsuffira à attirer les entreprises,mais ces effets structurants nepourront fonctionner qu’àcondition qu’il y ait un en -semble de processus conver-gents supportant le développe-ment du territoire.

Par ailleurs, le Sdt se fait paral-lèlement aux Cdt alors que

leurs objectifs sont complète-ment différents : les Cdt ont deslogiques opérationnelles, cen-trées sur le projet, quand le Sdts’inscrit dans une réflexionstratégique de développementglobal menée à l’échelle du ter-ritoire.

De plus, les représentants de l’État n’ont pas toujours lesmêmes priorités que les élus, cequi est une source potentiellede conflits : le Conseil général apar exemple demandé à l’Étatde récupérer la totalité de l’em-prise de la voie de desserteorientale pour développer sontransport collectif en sitepropre (Tscp), mais n’a obtenuqu’une bande de cinquantemètres de large, l’État ayantbesoin de vendre le reste pourfinancer le réseau. Autreexemple, celui de Champigny-sur-Marne, commune commu-niste qui veut favoriser laconstruction de 50 % de loge-ment social près des stations de

métro, ce que ne souhaitent nil’État, qui considère qu’elle en adéjà suffisamment, ni la Sociétédu Grand Paris (Sgp), qui veutrécupérer des valeurs foncièresliées à la construction debureaux dans ces zones.

Le peu d’implication de laRégion et des départementsdans les Cdt pose problème –bien que la situation soit encours d’évolution –, alors quece sont ces collectivités qui pro-meuvent une version globaledes grands équilibres territo-riaux. Le risque serait en effetde favoriser un développementà deux vitesses, avec d’un côtédes communes bien desserviespar le réseau du Grand Paris etbénéficiant de son impact et,de l’autre côté, des communesrestant à l’écart de la dyna-mique. La Région est cepen-dant très attachée à la recon-naissance, dans le schémadirecteur de la région Île-de-France (Sdrif), de territoiresélargis qui paraissent plus perti-nents au regard de la questionde l’accessibilité des gares et dela diffusion de leurs effets au-delà des abords de celles-ci.

LE CDT est un instrument quicombine la norme et le projet,une sorte de contrat qui faitforce de loi ; mais il reste enmême temps une procédurequi se veut négociée. Ce dispo-sitif peut-il constituer un outilinnovant pour l’action pu -blique dans une métropolecomme l’Île-de-France où l’Étatcontinue d’avoir l’ambitiond’intervenir de manière fortemalgré le système décentralisé ?

En incitant à la discussionautour des objectifs deconstruction de logementsdéfinis par l’État, le Cdt peutfavoriser les processus de régu-lation publique territoriale. Ilfera probablement émergerdes débats autour des ques-tions de mixité sociale qui nesont pour l’instant pas prisesen compte dans les méthodesd’évaluation des projets detransport.

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AVANCÉES ET TENSIONS AUTOUR DE LA MISE EN ŒUVRE DES CDT

LE CDT, UN INSTRUMENT PERFORMANT POUR LA COORDINATIONURBANISME/TRANSPORT ?

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À ce stade de leur élaboration,les effets des Cdt restent incer-tains et l’on peut supposerqu’ils seront très différentsselon les territoires. Les ten-sions politiques autour del’émergence de la métropole duGrand Paris et le face à faceentre l’État et les communessont susceptibles de marginali-ser le rôle de la Région et desdépartements dans les Cdt. Cequi pose la question de leurintervention et de la capacité àréintégrer ces dispositifs dans lecadre d’autres réflexions.

Au travers des Cdt, l’État donnel’impression d’un retour enforce. Mais il s’agit, aux dires dela plupart des représentantslocaux, d’un État sans véritablevision stratégique. Or, dans unsystème institutionnel aussicomplexe et morcelé, unevision intégrative à l’échellerégionale apparaît indispen-sable, quitte à ce qu’elle soitdiscutée, contestée et négociéeavec les acteurs locaux. De plus,les retombées des Cdt restentincertaines en termes de struc-turation intercommunale, lanouvelle loi de décentralisationprévoyant une disparition desintercommunalités de petite

couronne. Dès lors, faut-ilstructurer la gouvernance par lebas en renforçant les intercom-munalités ou, au contraire,réimposer des visions plus des-cendantes ? La question n’estpas encore tranchée.

Enfin, il est important de souli-gner que ni les associations, niles habitants, ni les acteurs éco-nomiques n’ont été associés àl’élaboration des Cdt, ce quimontre que le chemin vers laparticipation citoyenne et lamodernisation de l’action pu -blique reste encore long. "

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• La Préfecture de l’Île-de-France

• L’Acsé

• Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis

• Les villes et EPCI de la Seine-Saint-Denis

• La Caisse des dépôts

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ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES DISPONIBLES À PROFESSION BANLIEUE

BÉCARD Laurent, BOISSELEAU Jean-Yves, FARZA Nathalie, GUI-GOU Brigitte, LÉONHARDT Frédéric et LIOTARD Martine,Les territoires : entre aménagement et politique de la ville,Profession Banlieue, coll. Les Cahiers, 2014.

BRETT-VISSET Flora, La métropole du Grand Paris : décryp-tage(s), Note rapide Territoires – IAU IDF, n° 644, mars 2014.

DUGUET Anca, Les Cdt à l’heure du Grand Paris : unedynamique en marche, Note rapide Territoires – IAU IDF, n° 650,mars 2014.

GRÉMONT Valérie, Le Grand Paris. Les conseils de développe-ment et la construction des métropoles , Profession Banlieue,coll. Les Après-midi, n° 27, septembre 2014.

GUIGOU Brigitte et LACOSTE Gérard, Le Grand Paris. La loiMaptam et ses conséquences sur la politique de la ville,Profession Banlieue, coll. Les Après-midi, n° 25, septembre 2014.

ORFEUIL Jean-Pierre et WIEL Marc, Grand Paris. Sortir des illu-sions, approfondir les ambitions, Scrineo, 2012.

Décret n° 2011-724 du 24 juin 2011 relatif aux contrats dedéveloppement territorial prévus par l’article 21 de la loin° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, ministèrede la Ville, 2011.

Les gares du Grand Paris Express, Urbanisme, n° 82, février 2012.Premier Avis sur le Grand Paris et la politique de la ville, Conseil

national des villes, 2012. "