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Solesmes, le millénaire - Les Amis des Monastères 164 - OCTOBRE 2010 - TRIMESTRIEL - 5 ©

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Page 1: Les Amis des Monastères · 2019-09-18 · personnalité du monde monastique, Dom André Louf, abbé émérite du Mont des Cats, décédé au cours de l’été. Nous offrons en son

Solesmes, le millénaire

-Les Amisdes Monastères

N° 164 - OCTOBRE 2010 - TRIMESTRIEL - 5 €

©

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SON BUT

– Subvenir aux besoins des communau-tés religieuses, contemplatives notam-ment, en leur apportant un concoursfinancier et des conseils d’ordre admi-nistratif, juridique, fiscal.

– Contribuer à la conservation du patri-moine religieux, culturel, artistique desmonastères.

SES MOYENS D’ACTION

– Recueillir pour les communautés tousdons, en argent ou en nature, confor-mément à la législation fiscale sur lesréductions d’impôts et les déductionsde charges.

– Recueillir donations et legs, en fran-chise des droits de succession (art.795-4 du code général des impôts).

SA REVUE

Publication trimestrielle présentant :– un éditorial de spiritualité ;– des études sur les ordres et les communau-

tés monastiques ;– des chroniques fiscales et juridiques ;– des annonces, recensions, échos.

POUR TOUS RENSEIGNEMENTS

« Fondation des Monastères » 83/85, rue Dutot

75015 ParisTél. 0145310202Fax 0145310210

E-mail : [email protected]

CCP 3041212 F LA SOURCE

La Fondation des Monastèresreconnue d’ut i l i t é publ ique (J .O. du 25 août 1974)

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SOMMAIREN° 164 – Octobre 2010

Solesmes, le millénaire

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4

Editorialpar Dom Philippe Dupont, abbé de Solesmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

Solesmes, une histoire millénairepar Dom Thierry Barbeau, moine de Solesmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

Dom Guéranger ou la « sainteté discrète »par Dom Jacques Guilmard, moine de Solesmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

L’abbaye Sainte-Cécile de Solesmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26

La Lituanie et le millénaire de Solesmespar Dom Gregory Casprini, moine de Palendriai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36

Chronique juridiqueQu’est-ce que l’intérêt général ? par Pierre Avignon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .42

Vie de la Fondation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

Vie des communautés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .50

In memoriam . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51André et Christophe MulliezDom André Louf

Notes de lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .56

Annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .63

Abonnez-vous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .64

Les Amis des MonastèresRevue trimestrielle

Les Amisdes Monastères

ISSN: 1250-5188

Dépôt légal :N° 10-305 - octobre 2010

Commission paritaire :N° 1012 G 82214 du 06 Décembre 2007

Directeur de la publication :Mère Marie-Chantal Geoffroy

Rédacteur en Chef :Pierre Avignon

Rédaction :Tél. : . . . . . . . . . . . . . . 0145310202Fax : . . . . . . . . . . . . . . 0145310210

Impression :Atelier Claire JoieMonastère des Clarisses38340 VoreppeTél. Mon. : . . . . . . . 0476502603Numéris : . . . . . . . . 0476508752Fax : . . . . . . . . . . . . . . 04765003 44E-mail : [email protected]

Solesmes© Photos

Dom Gérard Landron

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Ce numéro des Amis des Monastères s’ouvre sur le millénaire deSolesmes, célébré tout au long de l’année par la congrégation, et nousremercions le Père Abbé de Solesmes, Dom Philippe Dupont et DomThierry Barbeau de nous y introduire. C’est aussi l’occasion pour les lec-teurs de découvrir ou de redécouvrir la figure de Dom Guéranger, grâceà Dom Jacques Guilmard, de mieux connaître la discrète Abbaye SainteCécile, « l’autre » monastère de Solesmes, et de suivre, sous la plume defrère Gregory Casprini, l’aventure pleine d’espérance de la fondation del’Abbaye Saint Pierre, à Palendriai, en Lituanie.

Signée du rédacteur en chef, Pierre Avignon, la chronique juridiqueéclaire et illustre une notion-clé en matière de fiscalité associative, « l’in-térêt général », dont les contours, qui se restreignent, méritent d’êtreconnus, notamment de toute congrégation légalement reconnue déve-loppant une activité laïque dans le cadre supposé de l’intérêt général.

Les communautés seront, nous l’espérons, attentives à l’annonced’une session consacrée à la reconnaissance légale, en mars 2011.

Ceux et celles, très nombreux nous le savons, qui ont connu et appré-cié pendant les quinze dernières années le dévouement de MadameMarie-Laure Beauchesne, directeur de la Fondation depuis huit ans,seront heureux de la lire, alors qu’elle s’apprête à quitter son service,dans les prochaines semaines. Qu’elle trouve ici, déjà, l’expression de lareconnaissance la plus vive de tous ceux qui ont travaillé avec elle à laFondation, pour tout ce qu’elle y a apporté.

Dans ces pages, nous avons voulu rendre un court mais très sincèrehommage à deux véritables amis des monastères, disparus ces derniersmois, Messieurs André et Christophe Mulliez, et faire mémoire d’unepersonnalité du monde monastique, Dom André Louf, abbé émérite duMont des Cats, décédé au cours de l’été. Nous offrons en son souvenir ànos lecteurs, un texte de spiritualité, publié initialement en 1993 danscette revue.

Pour finir, alors que le film « Des hommes et des dieux » marquecette rentrée d’une manière inhabituelle, donnant au témoignage desfrères de Tibhirine un retentissement qui continue de questionner cha-cun, nous avons choisi de l’évoquer en toute intériorité en reproduisanten 4ème de couverture, un fulgurant poème de frère Christophe.

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AVANT-PROPOS

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Le monastère Saint-Pierre de Solesmes est mondialement connu,mais cette célébrité lui vient de Dom Guéranger qui, en 1833, a restauréce petit prieuré et fait revivre en France la vie bénédictine masculine sup-primée par la Révolution ; la réputation de Solesmes lui vient en particu-lier des travaux accomplis sur le chant grégorien depuis près de deuxsiècles ; mais il faut reconnaître que cette renommée ne donne pas unevéritable vision de la vie qui est menée à Solesmes. Comme tout monas-tère bénédictin, Solesmes suit la Règle de saint Benoît, et c’est parce queDom Guéranger y a perçu la primauté de l’office qu’il a voulu, à la suitede Cluny, donner tant d’importance à la liturgie et au chant sacré, toutcomme son admiration pour la Congrégation de Saint-Maur l’a incliné àencourager les travaux intellectuels pour lesquels il avait lui-même degrands attraits.

Toutefois Solesmes existait avant Dom Guéranger, puisque cetteannée 2010 marque le millénaire de sa fondation. Dépendant de l’ab-baye de la Couture du Mans, l'humble prieuré, placé sous le patronagede saint Pierre, tout comme l'abbaye fondatrice, a résisté, malgré lesmalheurs des temps, aux forces de destruction extérieures et intérieures ;il a même connu de grands prieurs qui ont eu, entre autres, le génie defaire exécuter les splendides ensembles sculptés des tombeaux du Sei-gneur et de la Vierge dans les deux bras du transept, témoins de l’in-tense vie spirituelle qui habitait le cœur de ces moines. Dom Guérangers’en est montré le digne successeur en mettant au service de l'Église sesdons intellectuels, notamment par ses mémoires sur l’ImmaculéeConception et sur l’infaillibilité pontificale, tout comme il a voulumettre la prière liturgique de l'Église à la portée des simples fidèles enécrivant pour eux son Année liturgique qui demeure, pour l'ensembledes fidèles, son maître-ouvrage.

Sur la fin de sa vie, et sur la demande de Cécile Bruyère, Dom Gué-ranger a fondé, à Solesmes, un monastère de moniales pour lequel il aréservé toute la tendresse de son cœur.

Que signifie, pour nous, la célébration d’un anniversaire, comme cemillénaire, qui s’inscrit dans celle du onzième centenaire de la fondationde Cluny ? Quand on met la main à la charrue, on ne regarde pas en

EDITORIAL

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arrière ; si on le fait, c'est pour tirer profit des leçons de l’histoire ; car,selon le mot de saint Paul, le chrétien doit rester tendu en avant pouratteindre le but. Le but d’un monastère n’est pas d’être célébré, ni d’êtreflorissant, mais de faire l’œuvre du Seigneur, d'être une maison de prièreet de permettre aux moines qui y habitent, tout comme aux fidèles qui levisitent, de tendre à l’union à Dieu.

Faire mémoire, c'est rendre grâces pour les merveilles accomplies parDieu dans l'histoire, c'est apprendre du passé à regarder le présentcomme un don de Dieu, c'est considérer l'avenir avec espérance. C'estaussi vivre de l'héritage reçu que l'on a appris à accueillir, à aimer et c'estle transmettre après l'avoir enrichi de notre propre histoire vécue dans lafidélité à la vocation monastique.

Au terme de ce premier millénaire, la greffe entée par Dom Guéran-ger sur le vieux tronc solesmien a vu pousser de nombreuses branches, etses rameaux se sont étendus sur trois continents. En ouvrant le secondmillénaire, les moines ne peuvent que chanter leur reconnaissance auSeigneur et vivre dans la confiance pour l'avenir qui appartient à Dieu.

+ fr. Philippe DupontAbbé de Solesmes

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Le 11 octobre 2009, aux pre-mières vêpres de la fête de laDédicace de l'église abbatiale, enprésence de Mgr Yves Le Saux,évêque du Mans, l'abbaye deSolesmes a solennellement ouvertune année jubilaire, préparatoireau millième anniversaire de safondation qui sera célébré le 12octobre 2010.

Le monastère de Solesmes, surles bords de la Sarthe, aux confinsdu Maine et de l’Anjou, fut eneffet créé au début du XIe siècle àl'initiative et sur les terres du sei-gneur Geof froy de Sablé. Lagrande abbaye Saint-Pierre de La

Couture, au Mans, à laquelle futconfié le nouvel établissement, yenvoya les premiers moines béné-dictins. Huit siècles durant,Solesmes restera en dépendancede l'abbaye mancelle dont il futun prieuré.

La charte de cette donationfut rédigée à l'occasion de ladédicace de la nouvelle église dumonastère qui eut lieu, sansdoute un 12 octobre, entre 1006et 1015. La date de 1010, rete-nue traditionnellement pour êtrecelle de la fondation, l'a été parsimple conjecture.

SOLESMES,UNE HISTOIRE MILLENAIRE

Vue de l'abbaye©

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Des bâtiments primitifs dumonastère, il reste le gros œuvrede l'église abbatiale : les piliers etles arcades qui faisaient commu-niquer la nef avec les bas-côtés,disparus au cours de la guerre deCent Ans et remplacés au XIXe

siècle par des chapelles latérales.Malgré les transformations suc-cessives qui l'ont défigurée, c'estbien l'église de Geoffroy de Sabléd'où s'élève la prière des moines,depuis mille ans. Et si le gisantqui est censé le représenter, dansle transept sud, est une œuvrebeaucoup plus tardive, le corpsdu fondateur repose toujours,avec des membres de sa famille etbeaucoup d'autres, moines et bienfaiteurs, dans le sol del'église qu'il avait fait édifier enl'honneur des saints apôtresPierre et Paul, « pour la rédemp-tion de son âme et de celle de sesparents, de ceux qui l'ont précédé etde ceux qui le suivront ».

Il n'est pas question ici derésumer, même à grands traits,l'histoire millénaire de Solesmes.Évoquons-en du moins lesgrandes étapes et ses principauxacteurs, ceux surtout du Solesmesrestauré depuis 1833.

Les deux premiers siècles del'histoire du monastère furentprospères. Les moines étendirentle défrichement sur la lande et la forêt, développèrent la culturede la vigne qui jadis faisait la

réputation de la vallée de laSarthe et fondèrent les villagesalentour, celui de Solesmes enpriorité. Au XIIe siècle probable-ment, le monastère s'enrichitd'une relique de la couronne duChrist, la Sainte Épine, conservéeencore de nos jours dans le trésordes reliques de l'abbaye et que lesmoines, chaque année, le lundide Pâques, offrent encore à lavénération des fidèles.

Au sortir de la guerre de CentAns, au cours de laquelle lemonastère fut par deux fois pilléet incendié, en 1370 et 1425,Solesmes connut une nouvellepériode faste de son histoire.Dans la chapelle méridionale dutransept de l’église, le prieurDom Guillaume Cheminart fitexécuter l'ensemble sculpté de laMise au tombeau du Christ,datée de 1496, qui est unemonumentale monstrance desti-née à recevoir l'insigne relique dela Sainte Épine.

Dom Jean Bougler et la « Belle-Chapelle » : un traité de théologiemariale dans la pierre.

Dans le bras nord du transept,faisant face à l'œuvre de Dom Cheminart, un de ses suc-cesseurs, Dom Jean Bougler, fitréaliser, entre 1530 et 1556, unensemble iconographique dedimension plus vaste encore, la

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« Belle-Chapelle » ou « Notre-Dame-la-Belle », qui témoigne dela plus profonde dévotion enversla Vierge Marie, où l'exubérancedu décor de la Renaissance se faitl'interprète des privilèges de laMère de Dieu, évoquant notam-ment de manière saisissante l'As-somption et l'ImmaculéeConception de Marie. Chef-d'œuvre de l'art français des XVe

et XVIe siècles, mais aussi véri-table théologie par l'image, les« Saints de Solesmes » firentlongtemps la célébrité du prieuréde Solesmes. Ils surprennent tou-jours les visiteurs.

Dom Jean Bougler est sansdoute le personnage le plusconnu du vieux Solesmes, del’histoire du prieuré avant la res-tauration monastique du XIXe

siècle1. Il en fut prieur de 1505jusqu’à sa mort en 1556, avec desinterruptions. Mais ce long prio-rat est dû à un accident de par-cours dans la vie et la carrière dece moine exceptionnel. En faisantaussi sculpter le portait de DomMichel Bureau dans la « Belle-Chapelle », Dom Bougler a vouluévoquer les relations privilégiéesqu’il avait eues avec celui qui futson abbé à La Couture et auquelil aurait dû succéder en 1518 si,

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1 Les lignes qui suivent sont empruntées au livre que nous avons publié, à l'occasion du Millénaire deSolesmes, avec des photos de frère Gérard Landron : Sub titulo Petri. Mille ans d'histoire à l'Abbaye deSolesmes, coll. Bibliotheca Vincentiana, Le Mans/Solesmes, ITF Éditeur/Éditions de Solesmes, 2009, p. 41-47.

La mise au tombeau du Seigneur

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au lendemain même de son élection, François Ier ne lui avaitarraché la crosse des mains auprofit de son propre candidat.C’était un rappel discret de cequ’avait été sa vie, de la tournurequ’avait prise son existence à lasuite de son éviction de la charged’abbé de La Couture et de sarelégation au prieuré de Solesmesoù il devait écrire dans la pierreune très belle page de son his-toire.

Les scènes sculptées de la« Belle-Chapelle » dont le pro-gramme est tout entier de Dom Bougler, comme un parfaitmiroir de sa théologie, del’enseigne ment de son maîtreJean Clichtove à l'Université deParis, sont une prédication silen-

cieuse, une catéchèse en images,mieux encore : une théologiefigurée, à l’iconographie livresqueet savante où les Pères de l’Égliseet les docteurs présentent desextraits de leurs écrits sur despages de livre ou des feuillets deparchemin. Cependant le langageici n’est pas encore celui de laréaction, de l’affirmation pure etsimple du dogme comme ce serale cas dans l’iconographie de laContre-Réforme. Les person-nages échangent, se parlent,interrogent, parfois avec véhé-mence. L’œuvre de Dom Bouglers’inscrit par faitement dans lecontexte de l’époque, faite d’unprofond renouvellement de lapensée. Son langage est celui dela discussion théologique.

Dom Jean Bougler meurt le 3 avril 1556. Avec son abbé DomMichel Bureau, il est pratiquement

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La Belle-Chapelle

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Dom Jean Bougler©

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le seul moine de l’ancienSolesmes à être inscrit aujour-d’hui au nécrologe de l’abbaye etdont la notice est lue en présencede la communauté, au jour anni-versaire de sa mort. Les moinesrestent encore très attachés à lafigure du grand prieur et, enreconnaissance pour l’œuvre debeauté qu’il leur a laissée, fontcélébrer une messe chaque annéepour le repos de son âme, ainsique l’avait souhaité Dom Gué-ranger.

Au cours des deux dernierssiècles de l'Ancien Régime, lemonastère fit partie de la Congré-gation de Saint-Maur, à laquelle ils'affilia en 1664. Les bâtiments

conventuels furent entièrementreconstruits vers 1720 : c'est « lePrieuré », resté jusqu'à nos joursà peu près inchangé, bâtiments destyle classique, dans le prolonge-ment desquels sera édifiée, à la findu XIXe siècle, l'abbaye nouvelledont la façade bien connue sur-plombe la Sarthe en une sorte deburg moyenâgeux, évoquant à lafois le château des Papes d'Avi-gnon et le Mont-Saint-Michel.

En 1791, les derniers moinesmauristes quittaient le prieuré deSolesmes. Quarante-deux ansplus tard, en 1833, Dom ProsperGuéranger, avec quelques compa -gnons, y reprenait la vie monastique.En 1837, le monastère était érigé

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Prieuré reconstruit par les Mauristes

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en abbaye et en chef de Congré-gation, constituée elle-mêmehéritière des anciennes Congréga-tions bénédictines d'avant laRévolution, Cluny, Saints-Vanne-et-Hydulphe et Saint-Maur. Tou-jours à Solesmes, Dom Guéran-ger fondera, en 1867, unmonastère de femmes, l'abbayeSainte-Cécile, avec l’aide d’unegrande moniale, Mère CécileBruyère (1845-1909), qui endeviendra la première abbesse.

La haute figure de Dom Guéranger

La communauté actuelle deSolesmes doit son existence àDom Guéranger (1805-1875)qui l'a littéralement façonnéegrâce au charisme fondateur dontil fut porteur2. Dom Guérangerpeut être considéré à juste titrecomme le second fondateur deSolesmes. Cependant, ce dernieravait à cœur d'inscrire son projetmonastique dans la continuité dela grande tradition du mona-chisme bénédictin, riche déjà dedouze siècles d'expérience. « L'É-glise, heureusement, est immor-telle, et l'institution monastique,qui fait partie intégrante de l'É-glise, se renouvelle sans cesse avecelle3 », écrivait-il avec l'optimisme

habituel que lui donnait sa foivive. À Solesmes, Dom Guéran-ger souhaitait enraciner la nou-velle communauté qu'il avait fon-dée dans le passé multiséculairedu monastère et en assumer l'hé-ritage. Mais Dom Guéranger estbien la grande figure qui dominetoute l'histoire de Solesmes.

En s'établissant à Solesmes, en1833, avec quelques jeunesprêtres du diocèse du Manscomme lui, l'abbé Guéranger, quiétait encore prêtre séculier, sou-haitait fonder une maison deprière et d'étude. Plus largement,il était attentif à tout ce qui pou-vait redonner corps à la vie del'Église de son temps. Son intelli-gence profonde du mystère del'Église, qui relevait chez lui d'unvéritable charisme, lui fit alorscomprendre combien la viemonastique est essentielle à l'É-glise, qu'elle constitue une descomposantes de sa Traditionvivante. Son projet monastiqueest né de sa découverte du mys-tère de l'Église. Dom Guérangerfut gratifié pour ainsi dire d'undouble et inséparable charisme dethéologien de l'Église et de fon-dateur monastique4.

Tout en s'inspirant desmodèles antérieurs de Cluny et

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2 Nous reproduisons ici un article déjà publié dans France Catholique du 16 avril 2010 (n° 3208), p. 8-13.3 Dom Prosper Guéranger, Essai historique sur l'abbaye de Solesmes, Le Mans, Fleuriot, 1846, p. 88.4 Voir le volume au contenu très riche, Le Charisme de Dom Guéranger. Autour de la pensée du restaura-teur de Solesmes sur l'Église, la vie monastique et la liturgie, Actes des Journées d'Études, Solesmes, les4-8 avril 2005, dir. Dom Philippe Dupont, Solesmes, Éditions de Solesmes, 2008.`

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surtout de Saint-Maur, c'est unvéritable monachisme renouveléque Dom Guéranger proposa enson temps et qui aujourd'huiencore, nous le croyons, conservetoute son actualité. La visiond'un monachisme profondémentimmergé dans le mystère de l'É-glise où se conjuguent intime-ment vie monastique et vie ecclé-siale, un retour à l'authenticité dela Règle bénédictine – « c'est parla Règle de saint Benoît que nousserons bénédictins », aimait à direDom Guéranger – caractérisent lapensée monastique du premierabbé de Solesmes.

• Le théologien de la liturgie

C'est dans le même but de donner un souffle nouveau à la vie de l'Église, à travers laredécouverte et la réappropria-tion par les fidèles des richessesde sa Tradition toujours actuelle,que Dom Guéranger va œuvreren faveur du renouveau de laliturgie. L'abbé de Solesmes avaitpar faitement compris que lerenouveau de l'Église, parce qu'ilest avant tout intérieur - qu'il estcelui des cœurs - passait par lerenouveau de la liturgie. C'est cequ'exprimera si justement leconcile Vatican II qui fit de laréforme de la liturgie la conditionpremière de la réforme de l'É-glise.

Comme le dira aussi Vatican IIdans la constitution Sacrosanctumconcilium, la liturgie est, aux yeuxde Dom Guéranger, l'organeprincipal de la Tradition, la pro-clamation par excellence de la foi,la voix de l'Église en prière, danslaquelle l'Église exprime cequ'elle est au plus profond d'elle-même. La liturgie est le langagede l'Épouse du Christ qu'est l'É-glise, dont « la voix est toujoursmélodieuse, dont la parole vatoujours au cœur de l'Époux5 »,parce qu'elle est habitée par l'Es-prit Saint, qui est l'âme de l'É-glise, enseigne l'abbé deSolesmes. Théologien reconnu dela liturgie, c'est une véritablecatéchèse mystagogique queDom Guéranger propose auxfidèles dans ses célèbres volumesde L'Année liturgique, c'est-à-direun enseignement complet sur lesmystères du salut tiré de la célé-bration de ces mêmes mystèresdans la liturgie, autour des deuxgrands cycles de Pâques et deNoël. Un enseignement qui estaussi à la source de la plusauthentique spiritualité chré-tienne.

À propos de l'œuvre litur-gique de Dom Guéranger, DomLambert Beauduin écrira avecreconnaissance : « L'abbé deSolesmes fut l'homme d'unegrande et unique pensée. Il eut

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5 Dom Prosper Guéranger, L’Année liturgique. L’Avent liturgique, Le Mans, Fleuriot, 1841, Préface générale, p. VI.

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d'emblée comme l'intuition génialede sa mission et s'y consacra toutentier : rendre à notre tempsdépossédé tous les trésors disper-sés de la tradition millénaire duchristianisme, et avant tout lesrichesses ignorées de la piétéantique que l'Église conserveenfouies dans sa liturgie. Telle futl'étoile lumineuse qui le guidaprovidentiellement dans toutesses voies. Et ce grand idéal, ill'envisagea sous tous ses aspects :il fut le liturgiste de professiondans toutes les acceptions dumot. L'étude et l'amour de la tra-dition et des institutions litur-giques ; la valeur pastorale de L'Année liturgique et de sesenseignements si variés ; les fondements doctrinaux de ce lieuthéologique de première valeur ;les trésors d'ascèse et de mystiqueque les saisons liturgiques et la viedes saints nous apportent quoti-diennement. Bref, Dom Guéran-ger s'est d'emblée placé au centredu temple et en a contemplétoutes les parties et tous les élé-ments : c'est le l iturgisteinégalé6. »

Cependant, Dom LambertBeauduin n'avait pas vu en DomGuéranger le théologien de la litur-gie, ce qu'il fut aussi pourtant.

• Le théologien de l'Église

Pionnier du Mouvement litur-gique, Dom Guéranger l'est aussidu renouveau ecclésiologique denotre temps7. Ce qui est moinsconnu. Il l'est de façon indirecte,par les aspects ecclésiologiques durenouveau liturgique qu'il a sus-cité. Il a permis notamment laredécouverte d'une authentiquespiritualité de l'Église, par unretour aux voies traditionnelles dela prière, comme le soulignaitplus haut Dom Lambert Beau-duin. Toute la pensée et l'œuvrede l'abbé de Solesmes découlentd'une profonde réévaluation -avons-nous déjà dit -, de ce quele Père Humbert Clérissac appel-lera bien plus tard, en 1918, le« Mystère de l'Église », titre deson grand livre.

Théologien de l'Église, c'estce que fut avant tout Dom Gué-ranger qui chercha à ravivertoutes les potentialités dont estporteuse la Tradition de l'Églisepour la vie des fidèles par lerenouveau de la liturgie et dumonachisme. Ce double renou-veau se trouve comme « incarné »dans la fondation de Solesmes quifut, en définitive, « la grandeœuvre liturgique de Dom Gué-ranger », comme l'exprimait sijustement Dom Bernard Capelle8.

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6 Dom Lambert Beauduin, « Dom Marmion et la liturgie », La Vie spirituelle, t. 78, 1948, p. 33-45, ici p. 44-45. Comparant les deux grands moines que furent Dom Guéranger et Dom Marmion, l'auteurréserve à ce dernier le qualificatif de « théologien de la liturgie ».7 Voir à ce sujet le très bel essai de sœur Marie-Hélène Deloffre, Confesser l’Église. Introduction à l’ec-clésiologie de dom Guéranger, Solesmes, Éditions de Solesmes, 2006.8 Dom Bernard Capelle, « Dom Guéranger et l’esprit liturgique », Questions liturgiques et paroissiales, t. 22, 1937, p. 131-146, ici p. 142.

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Le lendemain de la mort deDom Guéranger, survenue le 30janvier 1875, un de ses moinesles plus éminents, le cardinalJean-Baptiste Pitra, pouvait direque l'abbé de Solesmes avait étéle théologien qui avait comprisl'Église mieux que personne. Sesdisciples et successeurs, commeDom Paul Delatte, troisièmeabbé de Solesmes, auront tou-jours à cœur de transmettre sonhéritage, faisant avant tout deSolesmes une maison de doctrine,de prière et de sainteté, ancréesolidement au cœur de l'Église.

Dom Paul Delatte,« docteur » de la vie monastique

On aurait peine à imagineraujourd’hui la façade de l’abbayesur la Sarthe sans la gigantesqueconstruction édifiée par DomDelatte, mais plus encore la vie monastique elle-même àSolesmes, sans l’empreinte pro-fonde que lui a laissée celui queles moines aimaient à appeler le« Grand Père Abbé ». À la suitede Dom Guéranger et de MèreCécile Bruyère, en prolongementde leur enseignement dont il aété le grand bénéficiaire, DomDelatte a grandement enrichi letrésor de la tradition propre àSolesmes, et plus largement de lagrande tradition du monachisme

bénédictin. Son abbatiat est assu-rément une des étapes les plusmarquantes de l'histoire deSolesmes9.

Né à Jeumont (Nord) le 27mars 1848, Olis-Henri Delattes’orienta très jeune vers le sacer-doce. Ordonné prêtre en 1872, ilfut d’abord vicaire à Roubaix,puis à Lille. En 1879, il devintprofesseur de philosophie à lanouvelle Université catholique deLille dont il fut l’un des fonda-teurs. Il fut aussi l’un des artisansdu renouveau thomiste. Au coursd’une première retraite qu’il fit àSolesmes en 1874, il s’ouvrit àDom Guéranger de ses désirs devie monastique. Mais ce n’estqu’en 1883 qu’il prend la déci-sion de rejoindre définitivementSolesmes où il fit profession le 21mars 1885. Il fut aussitôt chargéd’enseigner aux jeunes moines laphilosophie, la théologie dogma-tique, la théologie morale et ledroit canonique, pour ainsi dire latotalité du cursus des études. Puisle nouvel abbé de Solesmesdepuis la mort de Dom Guéran-ger, Dom Charles Couturier, lechoisit comme prieur en 1888.Enfin Dom Delatte succéda àDom Couturier comme abbé deSolesmes le 9 novembre 1890 etreçut la bénédiction abbatiale le 8décembre 1890.

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9 Voir Sub titulo Petri. Mille ans d'histoire à l'Abbaye de Solesmes, op. cit., p. 95-99.

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Dom Delatte a laissé un ensei-gnement doctrinal très riche.L’éloignement des relations, leretrait du monde et le silence pluseffectifs dus à l’exil de la commu-nauté de Solesmes à QuarrAbbey, sur l'î le de Wight, de 1901 à 1922, allaient lui permettre de façonner plus aisé-ment sa communauté. De leurcôté, les moines firent un plusgrand profit du pain de la doc-trine que le père abbé leur rom-pait quotidiennement.

C’est assurément dans sa fonc-tion d’enseignement que DomDelatte donna toute sa mesure.Ses écrits publiés témoignent dela profondeur de celui-ci. LeCommentaire sur les Évangiles et

surtout celui sur les Épîtres desaint Paul, qu’il donna à la com-munauté de 1896 à 1911 envi-ron, révèlent sa grande intelli-gence de l’Écriture Sainte,attestant d’un véritable charismede pénétration de la pensée del'Apôtre des gentils notamment.Ce qui fait la valeur et la richessede ses exposés, c’est qu’ils sontavant tout le fruit de sa proprecontemplation des mystères duChrist. Ils ont été publiés enquatre volumes, de 1923 à 1927,à la librairie Saint-Alphonse d'Es-schen, en Belgique, sous le titre :Les Épîtres de saint Paul, replacéesdans le milieu historique des Actesdes Apôtres et commentées par unmoine bénédictin de la Congréga-tion de France.

À l’intention des novices,Dom Delatte fit, dans les années1897-1899, des conférences surla Règle de saint Benoît. Et leCommentaire qu’il a laissé, misen forme par Dom AugustinSavaton et publié en 1913, estreconnu, aujourd'hui encore,pour être le meilleur qui ait étéimprimé à l’époque contempo-raine.

L’idéal monastique de DomDelatte se caractérise par sonabsolu. La profession du moineest une donation totale à Dieu,sans limite et sans restriction.

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Dom Paul Delatte

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À ce titre, elle réalise la perfectionde la vie chrétienne. C’était déjàune idée chère à Dom Guéran-ger, que Dom Delatte a dévelop-pée. Cet idéal monastique d’ap-partenance totale à Dieu n’estpour lui que la réalisation plé-nière de la filiation divine inaugu-rée au baptême : une dépendancefiliale vécue continuellement sousla conduite de l’Esprit Saint,selon le verset de saint Paul dansson Épître aux Romains souventcitée par Dom Delatte et quirésume toute sa spiritualité « QuiSpiritu Dei aguntur … Ceux quisont menés par l’Esprit de Dieusont fils de Dieu » (Rm 8, 14).Telle est bien aussi en substancela pensée de saint Benoît dans saRègle des moines.

La caractéristique du moine,c’est qu’il renonce absolument àtout pour être à Dieu seul. C’estbien l’un des sens du mot« moine ». Pour Dom Delatte, lavaleur suréminente de la viemonastique, qu’il proclame hautet fort, est dans cet absolu, dansce caractère total, plénier etexclusif, dans cette unité excluanttoute division.

Par ail leurs, Dom Delatteinsiste sur la dimension contem-plative de la vie monastique,beaucoup plus peut-être queDom Guéranger. L’organisation

même de la communauté béné-dictine, les divers éléments del’observance, les activités d’unchacun, tout doit conduire lemoine vers ce but. À la suite deses prédécesseurs, l’accent est misaussi sur le caractère familial de lavie des moines, sur l’autorité del’abbé et la perpétuité de sacharge, sur son rôle essentiel depère spirituel. Dom Delatteinsiste également sur la place cen-trale de la prière liturgique qui,avec la Lectio divina, constituel’occupation principale du moine.

Cet absolu, ce côté intransi-geant que pouvait revêtir l’ensei-gnement de l’abbé avait de quoiintimider certains de ses moines.Dom Delatte n’a pas toujoursréussi avec ses fils. Mais s’il était siexigeant, c’est qu’il voulait enfaire de véritables moines. L’en-seignement magistral qu’il don-nait, il savait aussi le monnayer,l’appliquer à chacun, avec toute lasollicitude et la simplicité dontétaient empreintes ses relationspersonnelles avec un chacun. Il semontrait proche et disponible auxsiens. Huysmans n’appelait-il pasDom Delatte « l’Abbé au grandcœur » ?

Les dernières années de la viede Dom Delatte, après sa démis-sion comme abbé en 1921, vinrentcomme confirmer la vérité et

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l’authenticité de son enseigne-ment monastique. Jusqu’à samort le 20 septembre 1937,Dom Delatte allait continuer devivre à Dieu simplement et pourDieu seul comme il avait tou-jours vécu. Il écrivait alors à sonami le docteur de Backer : « Jecrois que ce n’est que sur la fin desa vie qu’un moine arrive à goû-ter tout le charme de sa vocation.Tout lui semble chaque jour sivivant, si neuf, si étonnant degrandeur tranquille et de simpli-cité. En vérité, si cette vie n’exis-tait pas, il faudrait l’inventer ».

Dom Guéranger repose dansla crypte de l’église abbatiale deSolesmes. Son tombeau est creusédans le roc de marbre où est éga-lement inhumé le fondateur dumonastère au XIe siècle, Geoffroyde Sablé, parmi les bienfaiteurs etles moines qui se sont succédé ence lieu depuis mille ans, au milieu

des abbés de Solesmes, ses suc-cesseurs, Dom Couturier, DomDelatte, Dom Germain Cozien,Dom Jean Prou. La traditionpropre de Solesmes, héritée deDom Guéranger, qui avait lui-même recueilli des siècles passésce que le monachisme bénédictinavait de plus précieux, est aujour-d'hui vécue dans les trente-deuxmonastères de moines et demoniales que compte, sur troiscontinents, la Congrégation deSolesmes, aussi bien au prieuréSaint Benoît de Palendriai, enLituanie, à Saint-Joseph deSegueya, en Guinée, qu'à Notre-Dame de Clear Creek, aux Etats-Unis, érigé en abbaye depuisquelques mois, à mille ans de dis-tance avec la dédicace de l'égliseSaint-Pierre de Solesmes.

Fr. Thierry BarbeauMoine de Solesmes

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DOM GUERANGER OU LA « SAINTETE DISCRETE »

Le 21 décembre 2005, à l’évêché du Mans, s’est ouvert le procès debéatification de Dom Guéranger. Cette cérémonie débutait une nou-velle phase de l’histoire posthume du restaurateur de la vie bénédictineen France. Beaucoup de personnes, alors que Dom Guéranger vivait etdurant les années qui suivirent sa mort, voyaient en lui un ardent défen-seur de l’Église, un grand moine, un homme de doctrine n’hésitant pasà attaquer avec fermeté le naturalisme, le libéralisme et le jansénisme,sans oublier le gallicanisme. On voyait aussi un apôtre du culte marial ouun champion de l’infaillibilité pontificale, enfin et surtout un grand litur-giste. La monumentale biographie de Dom Guéranger publiée en 1909par Dom Delatte allait dans le même sens en mettant au premier planl’influence extérieure de l’Abbé de Solesmes. Peu à peu, on retintpresque exclusivement de Dom Guéranger qu’il avait été l’auteur de lafameuse Année liturgique et l’ancêtre du Mouvement liturgique. Puis,surtout en raison du renouveau engagé par le concile Vatican II, DomGuéranger fut généralement négligé ou même oublié.

Puisque, désormais, la cause de béatification de Dom Guéranger estouverte, ses fils mais aussi les moines en général sont incités à mieux leconnaître de l’intérieur. Puissent les extraits qui suivent le faire aimer etinciter à découvrir sa « sainteté discrète », celle que Dieu a forgée dansson Serviteur davantage par l’épreuve cachée aux yeux des hommes, quepar les œuvres et les écrits.

Père spirituel (lettre à Dom Piolin, le 29 mai 1843)

Je crains que la vue de vos faiblesses ne vous impressionne trop. Dieu estinfiniment plus miséricordieux et bon que vous n’êtes faible et indigent. Toutesles fois que la tristesse domine l’âme, de manière à produire l’ennui et l’hu-meur noire, ce n’est plus la componction qui est douce, calme et confiante.Qu’est-ce donc ? C’est un petit brin d’amour propre combiné avec les accidentsdu tempérament physique. Rien autre chose. Il faut donc secouer cela, ettâcher d’être gai. Il y a du courage dans la gaieté, comme dans toute autrechose ; aussi est-ce pour Dieu qu’il faut ainsi s’ébattre. « Réjouissez-vous tou-jours dans le Seigneur ; je vous le redis, réjouissez-vous. » Il faut démolir par lepied cette humeur noire qui n’est bonne ni pour ce monde, ni pour l’autre.

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Dom Gueranger

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Dans vos rapports avec Dieu, n’attendez rien des livres, mais tout de votrevolonté prévenue et secondée par la grâce. Les livres viennent ensuite ; ilsaident souvent ; souvent aussi ils embarrassent ; mais il faut bien comprendreque, en ce monde, le ciel de nos relations avec Dieu a, comme l’autre, ses petitset gros nuages, et parfois ses tempêtes. Dieu veille au milieu de tout cela, etpour être faible et distrait, notre cœur ne le quitte pas toujours. Il faut vivreen enfant, et bien se souvenir non seulement qu’on n’est obligé d’aller, maismême qu’on ne peut aller à Dieu qu’avec la mesure et le genre de grâce quinous sont donnés dans le moment. Si Dieu veut plus, qu’il donne plus. Maistâchez de vivre avec lui, sans effort de tête, mais en ami ; car sa conversationn’a point d’amertume.

La Vierge Marie

Si vous vouliez critiquer des paroles qui me seraient sorties du cœur enl’honneur de cette ineffable créature, vous me verriez soutenir mon direcomme un preux et loyal chevalier.

Que le genre humain connaît peu Marie ! Ceux même qui en parlent etqui la prient, quelle faible idée ils ont d’elle ! C’est là une de mes désolationsen ce monde.

[Voyons quelle idée Dom Guéranger avait de la Vierge Marie (extraitde l’Année liturgique). Il parle du Cénacle.]

Dans cet asile sacré du recueillement et de la paix, notre œil respectueuxcherche d’abord Marie, mère de Jésus, chef-d’œuvre de l’Esprit-Saint, Église duDieu vivant, de laquelle sortira demain, comme du sein d’une mère, par l’ac-tion du même Esprit, l’Église militante que cette nouvelle Ève représente etcontient en elle. N’a-t-elle pas droit à tous nos hommages en ce moment, cettecréature incomparable que nous avons vue associée à tous les mystères du Filsde Dieu, et qui bientôt va devenir le plus digne objet de la visite de l’Esprit-Saint ?

Nous vous saluons, ô Marie pleine de grâce, nous tous qui sommes encorerenfermés en vous, et goûtons l’allégresse dans votre sein maternel. En vainvotre humilité veut se soustraire aux honneurs qui demain vous attendent.Créature immaculée, temple du Saint-Esprit, il faut que ce divin Esprit voussoit communiqué d’une nouvelle manière ; car une nouvelle œuvre vousattend, et la terre doit vous posséder encore.

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De l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ(extrait de Notion sur la vie religieuse, ch. 7)

Comment l’homme n’aimerait-il pas le Dieu incarné ? Le Fils de Dieus’est montré à nous dans cet adorable état avec tant d’attraits que, pour nepas l’aimer, l’homme doit abdiquer sa nature ou se reconnaître pour un êtredépravé. Deux raisons, en effet, sollicitent notre amour envers nos semblables :le charme de leur personne et les bienfaits qu’ils ont répandus sur nous. Or est-il possible, en lisant et méditant les saints Évangiles, de n’être pas séduit par lecharme divin que répandent les paroles et les actions de Notre Seigneur ? Sinous le considérons enfant, quoi de plus attrayant que lui dans sa crèche oudans les bras de sa très pure mère ? Si nous le suivons dans sa vie d’homme,quoi de plus pénétrant que sa bonté, sa compassion pour les misères de l’huma-nité, sa patience, sa condescendance et cette douceur qui tempère si délicieuse-ment la gravité de sa personne, qu’elle attire autour de lui jusqu’aux petitsenfants ? Quoi de plus enchanteur que son enseignement où l’autorité d’unDieu se cache sous le langage le plus simple, où les vérités les plus fortes et lesplus sublimes arrivent au cœur des auditeurs en éclairant leurs esprits des plusvives lumières ? Quoi de plus touchant que sa prédilection pour les pécheurs,malades infortunés dont il est le médecin compatissant, brebis égarées dont ils’est fait le pasteur infatigable ? Quoi de plus émouvant enfin que cette séré-nité avec laquelle il s’avance vers cette mort qu’il est venu chercher, sansjamais protester contre l’ingratitude de ses ennemis.

Pour l’homme qui médite cette vie sublime, et les moines doivent l’appro-fondir sans cesse, il est impossible, s’il a le cœur droit, de ne pas se sentir touchéet bientôt captivé par l’amour de Celui qui l’a mené sur la terre.

Afin de fortifier dans leur âme cette charité et de l’accroître, les moines nenégligeront rien pour conserver en eux l’impression des charmes et des bien-faits du Fils de Dieu incarné. Ils en feront l’objet le plus ordinaire de leurspensées et de leurs affections, et pour cela ils travailleront à s’avancer toujoursplus dans l’intelligence du saint Évangile qui sera pour eux véritablement labonne nouvelle, puisqu’ils y apprendront l’art d’aimer Dieu en aimant leRédempteur divin.

L’Église Si l’on pouvait assigner une période, si courte fût-elle, durant laquelle l’É-

glise cesserait d’être sous l’influence de son divin Auteur, durant laquelle elleserait dépourvue de la direction du divin Esprit qu’il a épandu sur elle, c’enserait fait des promesses de Jésus Christ ; tout l’édifice de la foi chrétiennecroulerait par la base.

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Saint Pierre[Lorsqu’un pape est élu,] nul mortel ne l’investit de son pouvoir.

Le Christ lui-même a institué Pierre d’avance, quand il a dit : Tu es Pierre.Ces paroles ont été dites à Pierre tout entier, à Pierre qui vivra jusqu’à laconsommation des siècles. Telle est l’efficacité de ces divines paroles que leChrist a prononcées une fois pour tous les siècles à venir.

Dans l’angoisse de l’épreuve (lettre à Mme Hortense Thayer, le 24 octobre 1845)

La position de Solesmes, dans un pays où nos malheurs sont maintenantconnus, le moral de la communauté à maintenir, et en sus de tout, les devoirset les travaux ordinaires, c’est plus qu’il ne faut pour avoir succombé depuisun mois. Dieu ne m’abandonne pas cependant ; sa sainte volonté est toujoursaimable, qu’elle agisse avec justice ou qu’elle éprouve avec miséricorde. Si jepouvais sauver les maux d’autrui et le scandale des faibles, il ne resterait quele sacrifice de ma personne, cela est peu de chose. Nous autres moines, nous nedevons pas savoir ce qu’est la faveur, la gloire, l’honneur du monde, toute chosedont la recherche et l’affection est un désordre dans des personnes qui n’ontplus d’autre intérêt que Dieu sur la terre. Quand on en a usé, comme n’enn’usant pas, il n’est pas aussi dur qu’on le pense d’en être dépouillé. Les mauxde cette nature ont le grand avantage de n’être pas éternels et de durer toutau plus la vie d’un homme, car quand on est une fois au ciel qu’importe quesur la terre, les hommes vous louent ou vous blâment. Quand j’ai vu fondresur moi cette affreuse catastrophe, j’ai dû penser que le public m’en rendraitresponsable, que le peu de bien que j’ai fait faire était compromis, que ma car-rière était arrêtée. Tout cela peut être, mais ce n’est pas de ce côté, grâces àDieu, que sont mes inquiétudes. Dieu n’a jamais eu besoin d’un homme, et unhomme perdu il n’y a pas grande perte. Le malheur dans tout cela, l’uniquemalheur est de voir compromis un Ordre religieux tout entier d’abord, et parcontrecoup, tous les autres. C’est là ce qui me rend si amère la pensée d’avoirpu empêcher peut-être tant de maux, si j’avais su avoir plus de fermeté, plusde prudence, il faut bien que j’ajoute, si j’avais été plus homme de Dieu, carles saints font rarement de telles fautes.

[Dom Guéranger ajoutait en post-scriptum :] Vous aurez cette année età temps, au moins une partie du Temps de Noël, de l’Année liturgique. Jel’écris au milieu de toutes mes angoisses, et ce m’est du moins une consolation.[Parcourons donc encore son Année liturgique qui lui procurait des consola-tions au milieu de ses épreuves.]

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Extrait de la Préface générale de l’Année liturgiqueLa prière est pour l’homme le premier des biens. Elle est sa lumière, sa

nourriture, sa vie même, puisqu’elle le met en rapport avec Dieu, qui estlumière, nourriture et vie. Mais de nous-mêmes, nous ne savons pas priercomme il faut ; il est nécessaire que nous nous adressions à Jésus Christ, et quenous lui disions comme les Apôtres : Seigneur, enseignez-nous à prier. Lui seulpeut délier la langue des muets, rendre diserte la bouche des enfants, et il faitce prodige en envoyant son Esprit de grâce et de prières, qui prend plaisir àaider notre faiblesse, suppliant en nous par un gémissement inénarrable.

Heureux celui qui prie avec l’Église, qui associe ses vœux particuliers àceux de cette Épouse, chérie de l’Époux et toujours exaucée !

Pour l’homme de contemplation, la prière liturgique est tantôt le principe,tantôt le résultat des visites du Seigneur.

Ce que l’année liturgique opère dans l’Église en général, elle le répète dansl’âme de chaque fidèle attentif à recueillir le don de Dieu. Cette succession dessaisons mystiques assure au chrétien les moyens de cette vie surnaturelle, sanslaquelle toute autre vie n’est qu’une mort plus ou moins déguisée ; et il est desâmes tellement éprises de ce divin successif qui se déploie dans le cycle catho-lique, qu’elles arrivent à en ressentir physiquement les évolutions, la vie surna-turelle absorbant l’autre, et le calendrier de l’Église celui des astronomes.

Quelques mois après sa mort, un jeune moine de Solesmes, le PèreLamy écrivait (juillet 1875) :

Chez le Père Abbé, il y eut une unité bien rare et très belle, celle de chacundes instants de la vie. Il n’y avait pas en lui deux amours, mais un seul. Qu’ilparlât, qu’il priât, qu’il écrivît, c’était toujours à la fois le fidèle, le saint et lesavant qui agissait. N’est-ce pas là, le plus grand secret de sa force ? Ce moinequi a passé sa vie à écrire, la passait par là même en la présence de Dieu ; nulbesoin pour lui de chasser une pensés scientifique, pour s’occuper des pensées dela foi. Non, car il était tout entier saint et savant ; l’objet de sa science c’étaitpurement l’objet de sa foi. Qu’on lise tous ses écrits, qu’on examine tous sesactes, et qu’on dise si à un seul moment de sa vie il n’y a pas eu l’union par-faite entre la foi, la sainteté et la science dans cet « homme de la droite deDieu ».

Une telle plénitude avait développé en lui toutes les bonnes dispositions desa jeunesse. Le don de la contemplation, de la vue sereine et sûre des plushautes vérités, ce goût et cette ferveur des impressions religieuses qu’il conserva

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jusqu’à la fin, tout cela était une récompense accordée par Dieu à l’amant età l’imitateur de son Fils. Combien de fois les personnes du plus grand sens spi-rituel, n’ont-elles pas déclaré avoir respiré dans sa compagnie le parfum desplus courageuses et des plus belles vertus du christianisme.

Que dire de cette piété tendre et simple dans laquelle on trouvait « tout cequ’il y a de bénédictin dans la sainteté ». Que dire encore de cette tendresseineffable pour tous ceux qui l’entouraient, du charme de son sourire recon-naissant, de l’abandon avec lequel il était tout à tous, non seulement pour sesfils ou ses filles, mais jusque envers les petits enfants et les inconnus. Mgr Pie adit à quel point son ami était père, père à la façon des patriarches dans unealliance merveilleuse de la simplicité et de la grandeur.

Fr. Jacques GuilmardMoine de Solesmes

Sélection d’ouvrages relatifs à Dom Guéranger (publiés le plus souvent aux éditions de Solesmes)

• Dom Alphonse Guépin, Solesmes et Dom Guéranger, Le Mans, 1876 • Dom Paul Delatte, Dom Guéranger, abbé de Solesmes, Paris-Tours, 1902,

2 vol. rééd. Solesmes, 1981 • Dom Louis Soltner, Solesmes et Dom Guéranger, Solesmes, 1974 • Dom Guy-Marie Oury, Dom Guéranger, moine au cœur de l'Église,

Solesmes, 2001 • Soeur Marie-Hélène Deloffre, "Confesser l'Église" Introduction à l'ecclésiolo-

gie de dom Guéranger, Éditions de Solesmes 2006

Brève sélection d’ouvrages de Dom Guéranger• Institutions liturgiques (Le Mans/Paris, 3 vol., 1840-1851),

rééditées avec des compléments (Paris, 4 vol., 1878-1885)• L'Année liturgique, 1841-1866• Sainte Cécile et la société romaine aux deux premiers siècles, 1874, 2 vol.

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Le bourg de Solesmes abrite lesmoines de l’abbaye Saint-Pierre qui fêtecette année, par de nombreuses célébra-tions, le millénaire de son existence. Unsecond monastère, pour les moniales,s’y est implanté beaucoup plus tard surun coteau qui domine la Sarthe et quifut placé sous le patronage de la viergemartyre romaine sainte Cécile. Cesquelques pages retracent brièvementson histoire.

Fondation d’un second monastère à Solesmes

Le 16 novembre 1866, avant lespremières vêpres de la fête de sainteGertrude, dom Guéranger, une simplefeuille de papier en main, se présentait

dans une maison du bourg de Solesmes où quelques jeunes filles, postu-lantes à la vie monastique, s’étaient réunies. En effet, une trentaine d’an-nées après avoir restauré la vie monastique à l’abbaye Saint-Pierre, il entre-prenait sous la responsabilité de l’évêque du Mans, Mgr Charles Fillion,une œuvre analogue pour des moniales.

Malgré l’humilité du lieu, la séance se déroula dans une certaine solen-nité : Dom Guéranger venait « organiser la maison ». Il donna lecture desdispositions de la journée telles qu’elles devaient être maintenues par lacommunauté à partir de cette date, ajoutant quelques éclaircissements,indiquant l’horaire et l’essentiel de l’observance. Il remit le gouvernementdu monastère naissant à Sœur Cécile Bruyère, la plus jeune du petitgroupe, et distribua ensuite les autres emplois. Puis, on célébra les vêpres.Tout était simple dans ce début, tout était grave. Tandis que les construc-tions du futur monastère commençaient à s’élever en plein champ à la sor-tie du village, un germe tout de promesses était planté en terre. Il devien-drait un grand arbre sous la conduite du Père Abbé qui, selon sa propreexpression, s’instituait « maîtresse des novices ».

ABBAYE SAINTE-CECILE DE SOLESMES

Le clocher

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« Il est doux d’être à Dieu et de n’êtrequ’à lui. Son amour ne trouble point notrecœur, il l’établit au contraire dans la paix.L’âme alors rend un son plein et non pointce son faux et discordant qu’elle rendraits’il y restait du vide. Aimez-le donc tou-jours et de plus en plus, celui qui fera votrebonheur à jamais et qui ne vous demandepour cela que votre consentement. »

Dom Guéranger

Dom Guéranger « maîtresse des novices »

C’est avec une discrétion et une patience inlassables que Dom Guéran-ger se mit à l’œuvre, se faisant tout à toutes pour leur apprendre à consa-crer à Dieu aussi bien leur intelligence que leur cœur et leur inculquer l’es-prit liturgique et monastique qui imprégnerait leur vie en tous ses détails.

Chaque jour, il venait donner à ses filles « de magnifiques conférencesspirituelles dans lesquelles il laissait déborder son âme », et initier les postu-lantes à la célébration de l’office divin : il leur donnait toutes les précisionsnécessaires afin de leur apprendre à vivre de la liturgie. Lui-même exerçaitl’acolyte et l’hebdo madière. Souvent présent à matines, il invitait ensuite lespostulantes à s’asseoir et corrigeait, séance tenante, les erreurs et les inexac-titudes, afin qu'on ne prît aucune mauvaise habitude.

« C’est de l’enthousiasme qu’il fautapporter à l’office pour le bien dire.»

Dom Guéranger

Il commentait la sainte Règle avec un charme pénétrant. Il avait un donmerveilleux pour éveiller les intelligences sous forme de conversation.Jamais il n'établissait une observance sans en donner la raison. Lui-mêmeréglait les lectures du réfectoire, faisait rendre compte des études de cha-cune et exhortait à profiter de tout pour se développer et s'instruire. Rienn’échappait à sa vigilance, pas même le menu des repas et la qualité desobjets à l’usage de chacune.

Sur le plus petit détail, il donnait de sages indications d'après les plussûrs principes monastiques. Il veillait aussi aux santés, amenant graduelle-ment les sœurs aux abstinences et aux jeûnes de règle, exigeant avec une fermeté inflexible qu'on eût un sommeil suffisant. Les moniales deSainte-Cécile qui ont entendu dire plus tard que Dom Guéranger n'était

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pas un homme pratique ne pouvaient s'empêcher de sourire après êtrepassé par cette éducation.

À voir son zèle, son entrain, on aurait pu supposer que tous ces travauxétaient pleins de charmes pour lui. C'était vraiment la grâce paternelle quilui donnait la patience de balbutier ainsi avec ses filles tous les rudiments dela vie monastique.

Cérémonies de vêture et de profession, élection de la prieure

Le 13 août 1867, les postulantes s’installèrent dans le monastère défini-tif encore en chantier et, le lendemain, le père abbé donnait l’habit monas-tique aux sept premières novices. Tout en poursuivant leur formation, ilcomposait pour elles et avec elles les Déclarations selon lesquelles ellesauraient à vivre concrètement la Règle de saint Benoît. Celle-ci, en effet,laissant beaucoup de place à l’initiative de l’abbé, demande à être préciséeselon les circonstances de lieu et de temps.

Le 15 août 1868, les premières moniales de Sainte-Cécile émettaientleurs vœux perpétuels et recevaient la consécration des vierges remise enhonneur par Dom Guéranger pour la circonstance.

« La vraie consécration consiste à donner à Dieu la totalité des petites chosescomme des grandes, les moindres mouve-ments de l’âme comme les choses impor-tantes, c’est l’orientation générale de la viequi n’échappe en rien à Dieu. Que lavolonté de Dieu devienne en nous la loisouveraine. Que tout ce que le Seigneurdemande, désire, soit immédiatement obéi.C’est alors la vraie consécration, c’est l’envahi -ssement du Seigneur. »

Mère Cécile Bruyère

Le jour suivant, elles élisaient régulièrement leur première prieure, Mère Cécile Bruyère. L’abbé de Solesmes continuait à veiller sur la petitecommunauté et sur sa jeune prieure, derrière laquelle il s’effaçait progressi-vement afin de l’habituer au gouvernement.

Une abbesse pour Sainte-Cécile

Le concile du Vatican, ouvert le 8 décembre 1869, fut pour le père abbél’occasion de développer chez les moniales le sens catholique qu’il avaitvoulu leur communiquer dès le début, leur demandant de « mettre au-des-

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sus de tout leur beau titre de filles de l’église catholique. »

« Mon Credo m’est plus cher que tousles livres et me tiendrait lieu de tout. »

Mère Cécile Bruyère

La santé de l’abbé de Solesmes ne lui permit pas de se rendre à laconvocation du Concile comme l’aurait désiré Pie IX, mais ses travaux his-toriques jouèrent un rôle décisif dans les débats sur l’infaillibilité pontifi-cale. Mgr Fillion, qui participait au Concile, eut la pensée de demander auSaint-Père de bien vouloir manifester sa bienveillance envers Dom Guéran-ger en confirmant de son autorité suprême l’œuvre accomplie à Sainte-Cécile. C’est ainsi que l’évêque du Mans obtint la permission de conférer labénédiction abbatiale à la prieure de vingt-quatre ans, pour un monastèrequi n’était même pas encore élevé au rang d’abbaye et ne le serait qu’en1890 !

La guerre et l’invasion de la France ne permirent pas d’en profiter aussi-tôt, mais l’année suivante, le 14 juillet 18711, Mgr Fillion venait donner labénédiction abbatiale à Mère Cécile Bruyère. Quelques mois plus tard, le12 octobre, il consacrait l’église sous le titre de Sainte-Cécile. En mettantles moniales sous la protection de sainte Cécile, Dom Guéranger les établis-sait dans une étroite relation avec l’Église romaine et la chaire de Pierre, auservice desquelles lui-même avait dépensé ses forces ; il attestait ainsi qu’unlien vital unit les moniales bénédictines aux premières générations chré-tiennes et spécialement à cette jeune martyre qui s’entretenait sans cesseavec Dieu et portait toujours l’Evangile du Christ sur son cœur.

Dieu avait fait croître rapidement la jeune communauté. Le 30 janvier 1875, Dom Guéranger s’éteignait, ayant légué à sa fille spiri-tuelle le meilleur de lui-même. Mère Cécile Bruyère devait désormais gou-verner seule son monastère.

« Soyez toujours dans la joie; je ne veuxpas que mes filles soient tristes. Rappelez-vous souvent ces paroles de l’Apôtre : Dieuaime celui qui donne avec joie. Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur !

Il faut que mes petites filles soient Alleluia depuis les pieds jusqu’à la tête. »

Dom Guéranger

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1 A l'époque la fête nationale de la France était le 15 août

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La première abbesse de Sainte-Cécile

Jeanne-Henriette Bruyère, appelée plus souvent Jenny, naquit à Paris le12 octobre 1845. Une sœur la suivit quatre années plus tard. Son père,Léopard Bruyère, comme ses deux grands-pères, était architecte. En 1853,Monsieur et Madame Léopard Bruyère firent l’acquisition de la demeurede Coudreuse, près du village de Chantenay, à une quinzaine de kilomètresde Solesmes. Des circonstances fortuites les incitèrent à solliciter l’aide deDom Guéranger pour la préparation de leur fille aînée à sa première com-munion. La cérémonie se déroula le 28 mai 1857 dans l’église de Sablé.

Discernant chez cette enfant de onze ans une grande richesse humaineet une vie intérieure profonde, Dom Guéranger la guida patiemmentdurant les années suivantes, l’aidant à correspondre aux prévenances de lagrâce divine malgré un naturel farouche et indépendant. Un jour, elle luiconfia que depuis sa petite enfance elle percevait l’appel de Dieu à se consa-crer à lui. Le père abbé, connaissant la maturité précoce de sa fille spiri-tuelle, lui permit d’émettre après une année de probation le vœu de virgi-nité le jour même de ses seize ans, le 12 octobre 1861.

Toutefois Jenny qui fréquentait les offices liturgiques de l’abbaye Saint-Pierre sentait peu à peu naître en son cœur l’appel à mener une telle viemonastique : Dom Guéranger ne fonderait-il pas un monastère pour desmoniales ? Se sentant usé, il écarta longtemps cette suggestion. Cependantdes signes providentiels se manifestèrent : dans le Maine d’autres vocationsse dessinaient, ainsi qu’à Marseille pour des jeunes filles qui vivaient dans lamouvance de l’abbaye Sainte-Madeleine, seconde fondation de Solesmes.Dom Guéranger comprit qu’il lui fallait aller de l’avant : « Dans des condi-tions analogues aux vôtres, que de sœurs de toutes parts ! Que Dieu soit bénidu nord au midi, et de l’est à l’ouest ! », écrivit-il un jour à Jenny Bruyère.C’est ainsi que naquit et se développa une œuvre qui fut très chère à l’abbéde Solesmes, en proportion des soins attentifs qu’il lui prodigua jusqu’àson dernier souffle.

Rayonnement du monastère

À la mort du père abbé, Mère Cécile, forte dans la foi, assuma pleine-ment sa mission d’abbesse. Il serait difficile de dépeindre en quelqueslignes sa personnalité assez exceptionnelle. Douée d'une haute intelligence,d'une volonté énergique tempérée par une exquise sensibilité féminine, elleavait reçu une culture générale et artistique étendue. Ses dons naturelsavaient été merveilleusement épanouis par une vie théologale intense. Lesmoniales de Sainte-Cécile profitèrent largement de son enseignement qui,

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Mère Cécile Bruyère

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sous une forme très simple et toute spontanée, les initiait aux vérités lesplus hautes.

« L’Écriture sainte, c’est le Verbe deDieu, il faut s’en servir avec une âme bienpure. Si le Verbe divin est sur nos autels, Ilest aussi dans livres saints. Les saintes Écri-tures enveloppent le Fils éternel du Père etla parole écrite revêt le Verbe éternel ettoujours vibrant ».

Mère Cécile Bruyère

Mère Cécile a transmis son amour de l’Église et de la liturgie dans unpetit traité théologique et mystique : La Vie spirituelle et l’Oraison, d’aprèsla Sainte Écriture et la Tradition monastique. Il fut publié en 1886, traduiten différentes langues et souvent réédité jusqu’à nos jours.

Très vite, le jeune monastère exerça une grande attraction dans lemonde monastique : les abbayes de Notre-Dame de Consolation à Stan-brook en Grande Bretagne, de Sainte-Croix de Poitiers, de Saint-Nicolasde Verneuil, de Saint-Gabriel de Prague, adoptèrent les usages en vigueur àSainte-Cécile. Ce fut le cas aussi pour de jeunes fondations : le monastèrede Sainte-Scholastique de Dourgne dans le Tarn et surtout celui de Mare-dret en Belgique dont les premières postulantes vinrent se former à Sainte-Cécile entre 1889 et 1893.

Les vocations affluaient, provenant de tous les milieux, de toutes lesprovinces, et même de pays étrangers.

« Le ciel est une grande prairie diapréede toutes sortes de fleurs. La porte du cielest une porte battante qui va toujours. »

Dom Guéranger

Comme la communauté s’augmentait rapidement, Mère Cécile, en1889, dut envisager de fonder en Artois le monastère Notre-Dame deWisques et à peine dix ans plus tard celui de Saint-Michel de Kergonan enBretagne.

En 1893, de fausses accusations furent portées contre la premièreabbesse de Sainte-Cécile. Son honneur et l’œuvre à laquelle sa vie s’étaitdépensée étaient atteints. Mère Cécile, cependant, sut propager autour

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d’elle la paix qui ne cessait de l’habiter. Elle offrit largement son pardon,mais l’épreuve qui n’avait entamé ni sa foi ni son courage avait ébranlé défi-nitivement ses forces physiques.

« La sainteté, c’est l’oubli de soi soustoutes ses formes ; c’est cet oubli qui faitl’union. On passe dans celui qu’on aime ;on n’a plus que ses joies, ses goûts, ses senti-ments et ses pensées. »

Mère Cécile Bruyère

En 1901, la loi française sur les associations entravant le maintien d’unelibre vie monastique, Mère Cécile décida le transfert du monastère dansl’île de Wight en Angleterre : ce fut d’abord à Northwood, puis à Ryde.C’est alors qu’elle fut atteinte d’une paralysie dont l’évolution se révéla inexorable. Elle s’éteignit le 18 mars 1909, après quarante-deuxans de gouvernement. La Congrégation de Solesmes tout entière se recon-naît redevable à son égard, en raison de son rôle maternel et fondateurexercé tant par son enseignement que par sa prière et l’exemple de sa vie.

Savoir hériter

Mère Claire de Livron (1909-1928) succéda à Mère Cécile Bruyère,éclairant par son goût profond de l’Écriture Sainte et de la doctrine monas-tique l’intelligence spirituelle de chacune de ses moniales. Elle eut la joie deles ramener à Solesmes après vingt ans d’exil. Le quatrième abbé deSolesmes a pu dire qu’« elle se résumait elle-même dans son nom, tout deblancheur et de clarté ».

Sous l’abbatiat de Mère Madeleine Limozin (1928-1948), les profes-sions furent particulièrement nombreuses malgré la douloureuse épreuvede la seconde guerre mondiale, période durant laquelle l’abbaye accueillitdes moniales venant de régions envahies par l’ennemi. Mais après cesannées de privations où le poids des responsabilités avait pesé lourdementsur ses épaules, Mère Madeleine mourut d’une crise cardiaque le 18 avril1948.

Des événements importants marquèrent l’abbatiat de Mère GaudentieLimozin (1948-1981). En 1955, ce fut l’émission des vœux solennels ren-dus aux moniales par Pie XII et l’établissement de la clôture papale. Lesecond Concile du Vatican fut suivi et reçu avec le zèle empressé que DomGuéranger voulait voir briller en ses moniales pour tout ce qui touche lesintérêts et l’honneur de l’Église. Ce fut le temps de la révision des Déclara-

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tions et autres codes monastiques. La célébration du centenaire de la fon-dation de Sainte-Cécile en 1966 fut l’occasion de restaurer le cloître puis,en 1974, le sanctuaire de l’église. Se trouvant à la tête d’une communautéqui dépassait alors la centaine de moniales, Mère Gaudentie fut en mesured’apporter une aide fraternelle à d’autres monastères et de fonder au loin.Elle envoya d’abord au Sénégal onze moniales pour y établir, à partir de1967, un foyer de prière et de louange : c’est le monastère Saint-Jean-Bap-tiste de Keur-Guilaye. Puis en 1975, grâce à plusieurs vocations martini-quaises, elle donna vie au monastère Sainte-Marie-des-Anges à la Marti-nique. En 1981, sentant ses forces décliner, Mère Gaudentie jugea bon deprésenter sa démission au père abbé de Solesmes.

Depuis 1981, la communauté est conduite par Mère Marie-Bernadettede Maigret. Elle donne à ses moniales une large orientation sur l’universa-lité de l’Église, puisant avec enthousiasme dans l’enseignement pontifical.Elle favorisa l’autonomie de sa fondation sénégalaise – désormais érigée enabbaye –, ainsi que la semi-autonomie du prieuré Sainte-Marie-des-Anges àla Martinique, sans les abandonner pour autant puisque ces deux monas-tères sont encore soutenus par l’envoi de moniales de Sainte-Cécile,notamment pour la formation des jeunes sœurs : œuvre de longue haleineque d’accompagner, dans la douleur et la joie des enfantements, la crois-sance de ces nouveaux foyers monastiques, et moyen bien concret de

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L’autel et la nef

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répondre jour après jour à la vocation missionnaire de toute vie consacréeexclusivement à Dieu ! À Sainte-Cécile aussi, le sérieux de la formation desjeunes et des moins jeunes a toujours été une priorité pour leur abbesse.Outre l’enseignement monastique et spirituel dispensé par elle, des coursdonnés par des moniales ou par des personnes de l’extérieur sous forme desessions bibliques et théologiques, entretiennent l’esprit de foi indispen-sable pour une authentique vie contemplative.

Un chemin de vie pour aujourd’hui

Désireuses d’être fidèles à l’héritage reçu de Dom Guéranger, aujour-d’hui comme hier, les moniales s’efforcent de vivre au cœur de l’Église enrecevant d’elle la lumière et la vie spirituelle, en s’unissant profondémentaux événements du diocèse et du monde. Elles savent que l’offrande deleur prière et de tout leur être dans le silence et le retrait du monde contri-bue à la mission de l’Église.

La célébration de la liturgie, rénovée selon les directives du ConcileVatican II, est l’expression privilégiée de leur service ecclésial. Elles lavivent dans la beauté du chant grégorien selon la disposition prévue par laRègle de saint Benoît.

« Je n’ai pas d’inquiétude : ma Mère,la sainte Église, c’est vous qui priez et quim’apprenez à prier.

Nous avons à nous accorder à l’officedivin et non accorder l’office divin à nosdispositions personnelles. Nous n’avons pasde liturgie particulière, mais celle de l’É-glise ».

Mère Cécile Bruyère

« Elles s’exercent à chercher Dieu dans le travail humble et pauvre, lerenoncement et l’obéissance, au sein d’une communauté fraternelle unie parle lien de la charité, sous la conduite maternelle d’une abbesse, certaines quede l’intimité avec le Christ découle une fécondité qui vient de Lui.

« De même que Marie, au Cénacle, parsa présence orante, conserva en son cœur lesorigines de l’Église, de même au cœuraimant et aux mains jointes des cloîtréesest confiée la marche de l’Église2. »

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2 Verbi Sponsa n°4, Instruction sur la vie contemplative et la clôture des moniales, CONGRÉGATION POURLES INSTITUTS DE VIE CONSACRÉE ET LES SOCIÉTÉS DE VIE APOSTOLIQUE

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À l'époque de la fondation dumonastère de Solesmes, la Litua-nie n'était pas encore une terrechrétienne. La première mentiondu nom de ce pays apparaît dansune chronique de 1009, un anavant la dédicace du l'églisemonastique de Solesmes. Lechroniqueur signale le martyre deSaint Brunon ou Boniface, moinebénédictin missionnaire, mis àmort «aux confins de la Russie etde la Lituanie», alors qu'il venaitannoncer le Christ aux païens decette région.

Le grand-duc de LituanieJogaila (Jagellon) devint roi dePologne en épousant la reinesainte Hedwige. Il s'engagea àembrasser la foi catholique avec lepeuple lituanien. La date tradi-tionnelle du baptême de la Litua-nie est 1387.

C'est de Tyniec, en Pologneaussi que vinrent les premiersmoines bénédictins. Ils s'établirentvers 1405 dans l'ancien manoirde Trakai, que leur attribua le grand-duc Vytautas. Cettenouvelle abbaye devait fleurir

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1 cf. Les Amis des Monastères n°126 avril 2001 p. 11-13 et n°152 octobre 2007 p. 34-38

Palendriai

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LA LITUANIE1 ET LE MILLENAIRE DE SOLESMES

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pendant plus de quatre cents ans.D'autres fondations pour moinesou pour moniales ont été faitesaux XVII-XVIIIe siècles.

Lorsqu'à la fin du XVIIIe

siècle les puissances limitrophes separ tagèrent le royaume dePologne-Lituanie, cette dernièrefut annexée à l'Empire Russe. Ala suite des révoltes qui ensan-glantèrent ces pays au cours duXIXe siècle, le tsar fit fermer tousles monastères masculins. Lesbénédictins de Trakai furent dis-persés en 1844.

Révoltes et répressions san-glantes coïncidèrent avec larenaissance de la nation litua-nienne. Prenant conscience deleurs racines culturelles, les intel-lectuels de Lituanie redécouvri-rent l'ancienne et vénérablelangue parlée par la populationdes campagnes. Ils l'élevèrent auniveau d'une langue littérairemoderne à partir de la fin duXIXe siècle. Mais ce n'est qu'avecla première période de restaura-tion d'un État Lituanien, de1918 à 1940, que la culture litua-nienne a pris son plein essor.

La guerre et l'annexion dupays par l'Union Soviétique mar-qua le début d'une nouvellepériode d'épreuves. L'Église futétroitement surveillée et répriméepar le pouvoir communiste. Mais

des prêtres et des religieuses, mal-gré leur petit nombre et leur peude moyens, ont continué à exer-cer leur ministère pastoral et àtransmettre la foi dans des condi-tions dif ficiles en bravant lesinterdictions de la police. Beau-coup ont payé leur audace par despersécutions : martyre, prison,camp de travaux forcés, déporta-tion. Peu à peu se développèrentdes actes de résistance religieusepacifique : formation de prêtresclandestins, diffusion d'une chro-nique pour informer le mondelibre des violations des libertésciviles et religieuses.

Dans les années qui ont pré-cédé ou immédiatement suivi larestauration de l'indépendance en1990, l'Église joua un rôleimportant, donnant une orienta-tion authentiquement chrétienneà la quête de liberté et de dignitéhumaines. Les séminaires se sontremplis, les ordres religieux ontrevécu ou sont sortis de la clan-destinité, et de nouvelles fonda-tions ont été entreprises. Deuxmonastères de bénédictines sesont reconstitués, à Vilnius et àKaunas.

C'est dans ce contexte histo-rique que la communauté deSolesmes a discerné un appel àfaire revivre une branche mascu-line de l'ordre bénédictin enLituanie. A partir de 1991, des

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groupes de choristes et sémina-ristes lituaniens commençaient à fréquenter l'abbaye, attirés parla spiritualité monastique, lechant grégorien et la liturgie.Quelques-uns de ces jeunes sontentrés au noviciat de Solesmes.Nous avons vite compris que leurvocation bénédictine aurait demeilleures chances de se dévelop-per si on pouvait fonder unmonastère dans leur propre pays.Nous avions des raisons d'espérerqu'en ce cas, d'autres candidatsseraient prêts à les y rejoindre.

Nous sommes donc partis aunombre de douze frères en 1998,pour nous établir à Palendriai, unbeau lieu, silencieux et isolé, loindes centres urbains. Dès le début,dans ce cadre, nous avons eu lajoie de vivre et travaillerensemble, célébrant l'office divin,comme nous le faisions àSolesmes, mais de façon adaptée ànotre nombre, et autant que pos-sible à la culture du pays.

Sans tarder nous avons amé-nagé et planté le terrain puisconstruit un monastère capabled'héberger une vingtaine demoines, et douze novices.

Si les bâtiments ont pu êtreconstruits rapidement, sans ren-contrer de grands obstacles, latâche qui consiste à enraciner lacommunauté dans le pays et à lafaire croître en nombre s'est avé-rée beaucoup plus lente et diffi-cile. Nous sommes ici depuisdouze ans. Sans compter les troispremiers frères lituaniens déjàentrés à Solesmes, qui ont faitpartie de l'équipe initiale, un seuldes jeunes entrés directement àPalendriai a persévéré jusqu'à laprofession solennelle. Pendantcette même période, le nombredes hôtes et des visiteurs a consi-dérablement augmenté, maisnous avons reçu relativement peude jeunes déjà en mesure de sedemander sérieusement s'i lsétaient appelés à la vie monas-tique. Jusqu'ici donc, les nom-breuses vocations qu'on avaitescomptées au début, ne se sontpas présentées.

On sait que la vocationdépend principalement de lagrâce et de la prière. Cependant,elle est normalement préparée parde multiples médiationshumaines: les familles, lesparoisses etc. Jusqu'à une époque

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L’église

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récente, dans ce pays, de nom-breux jeunes ont été orientés versles séminaires ou les ordres actifs.Mais dans la société actuelle, iln'y a presque rien qui puisse dis-poser des jeunes à se demanders'ils sont appelés à devenir moinesbénédictins.

Il est donc essentiel pour nousde nous faire mieux connaître etde réfléchir sur les moyens quipermettraient d'atteindre et demieux informer la jeunesse. Uneexposition sur notre monastère,comportant photos et textes à étérécemment mise au point à laporterie. Nous venons de lanceren plusieurs langues un site inter-net. Il faudrait sans doute aussifaciliter la venue au monastèred'un plus grand nombre dejeunes, pour qu'ils puissent nonseulement participer à la liturgieet écouter des conférences, maisfaire l'expérience d'un contactplus personnel avec les moines,aux moments de travaux ou de

récréations. Nous avons déjàconstaté que de tels contactsaident à dissiper des peurs et despréjugés. Il nous est arrivé plusd'une fois d'entendre un hôtes'exclamer, après avoir rencontréla communauté au cours d'unerecréation : « Je n'aurais jamaisimaginé que des moines, quiparaissent si distants et sérieux auchœur, savent si bien se détendre,rire et plaisanter ».

Nous serons sans doute appe-lés à poursuivre et à intensifier,selon la mesure de nos forces, letravail qui consiste à offrir auxpersonnes et aux groupes quiviennent nous voir une catéchèsesur les vérités de la foi, la liturgie,la vie spirituelle, et sur le sensauthentique de la vie monastique.Touchant ce dernier sujet, il fautpar fois corriger des faussesconceptions. On a constaté quelorsque nos hôtes lisent ou enten-dent des passages de la Règle desaint Benoît, ils les comprennent

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souvent en dehors de toute pers-pective historique, s'imaginant,par exemple, que des choses tellesque les «châtiments corporels»prescrits par Benoît au sixièmesiècle, se pratiquent encore cheznous. Les questions que posentnos visiteurs montrent aussi qu'ils sont enclins à considérerl'organisation et les usages de lavie monastique à travers lemodèle d'autoritarisme et decontrainte caractéristiques del'époque tsariste et de la périodesoviétique.

De nos jours, dans tous lespays, les jeunes sont fragiles,instables, désorientés. En Litua-nie, cette fragilité est renforcéetant par les séquelles de l'époquesoviétique, que par l'impact dumatérialisme pratique venu del'Occident. On est surtout frappépar la rareté actuelle des jeunes enLituanie. Ne trouvant pas dansleur pays les emplois et les salairesqu'ils attendent, les jeunes par-tent en masse chercher du travailà l'étranger.

Avec les Lituaniens qui sontentrés au monastère, nous avonsconstaté qu'il faut aller lentementdans les différentes étapes d'adap-tation et de formation à la viemonastique. Les jeunes ontpresque toujours besoin de com-bler des lacunes notables dansleur formation chrétienne et

humaine. Il faut souvent les aiderà guérir de blessures psycholo-giques enracinées dans leur passé.Nous avons appris enfin qu'il estimportant que les novices, dès ledébut, aient conscience d'avoirune part de responsabilité dansdes travaux qui contribuent à lasubsistance de la communauté.En ce moment nous travaillons àélargir les activités économiquesdu monastère : préparation demiel, de Palendriukiai, bonbons àbase de carottes, d'herbes médici-nales, pour la vente dans notremagasin, également élevage depo i s son s e t p r oduc t i on delégumes pour la communauté,éditions de livres liturgiques et despiritualité.

Le chemin qui est devant nousexige beaucoup de patience etd'endurance. Les forces phy-siques des premiers fondateursdiminuent. Deux d'entre eux ontdû regagner la maison-mère pourdes raisons de santé. A cause des problèmes de langue etd'adaptation culturelle, il n'estpas certain que notre commu-nauté puisse être renforcée parl'envoi de renforts, comme celapeut se faire dans les fondationsfrancophones. Par contre, c'estseulement maintenant que plu-sieurs d'entre nous arrivent à unemaitrise de la langue et une com-préhension de la mentalité du

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pays suffisantes pour répondre defaçon plus satisfaisante auxattentes de ceux qui viennent versnous. Rien de tout cela n'auraitété possible sans la contributionde nos frères lituaniens, qui ayantpu assumer les épreuves d'unelongue formation, arrivent àmaturité et peuvent donner leurpleine mesure. Cet été précisé-ment, nous avons eu l'ordinationsacerdotale de notre premierprêtre lituanien.

Nous vivons donc dans l'espé-rance. Nous ne savons pas siPalendriai durera mille anscomme Solesmes, ou quatre centsans comme Trakai. Aujourd'hui,malgré les épreuves, le Seigneur

nous montre de multiples façonsqu'il veut ici cette communauté,où des moines de nationalités etde cultures dif férentes viventensemble heureux dans l'unité etrayonnent de sa présence. Nouscroyons simplement que si Dieuveut que cet monastère perdure,il nous donnera les forces et lesmoyens de continuer le servicequ'il nous a confié, et qu'il feravenir, de ce pays ou mêmed'autres parties du monde, desfrères qui, fondés avec nous surl'espérance, chanteront leslouanges de Seigneur et témoi-gneront de son amour miséricor-dieux.

Fr. Gregory Casprini

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CHRONIQUE JURIDIQUEQU’EST-CE QUE L’INTERET GENERAL ?

La notion d’intérêt général est au cœur de la fiscalité des dons versésaux associations. En effet, tant les associations à but non lucratif que lescommunautés religieuses dès lors qu’elles sont reconnues ne peuventdélivrer des reçus fiscaux pour les versements des particuliers et desentreprises qu'au titre de leurs œuvres laïques d’intérêt général au sensdes articles 200-1 b et 238 bis1 du CGI. Or, comme on le sait, la déli-vrance de ces reçus fiscaux conditionne pour les donateurs le bénéficedes réductions d’impôt de 66% pour les particuliers et de 60 % pour lesentreprises.

Pendant longtemps, la notion d’intérêt général n’a pas donné lieu àdébat. Il était admis globalement qu'à partir du moment où une asso-ciation était constituée et sa création publiée au Journal Officiel ou unecommunauté religieuse avait obtenu sa reconnaissance, les activitéslaïques et non lucratives de ces structures en faisaient des oeuvres d'inté-rêt général car présentant presque nécessairement l'un ou l'autre descaractères suivants énumérés aux articles précités du CGI : caractère phi-lanthropique, éducatif, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ouconcourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense del’environnement naturel ou bien à la diffusion de la culture ou desconnaissances scientifiques françaises.

La situation a changé depuis quelques années. Tant les abus constatésdans ce secteur que la prise de conscience que le régime du mécénatconduisait par le biais des réductions d’impôt à faire financer l’activité deces organismes par le budget de l’Etat, ont conduit l’administration fis-cale à s'intéresser de près à cette question1. Elle a été notamment ame-née à étudier la situation au regard de ce critère d'intérêt général denombreuses associations qui l'ont interrogée.

Le propos de ces quelques lignes est d’éclairer les communautés reli-gieuses et les organismes qui délivrent des reçus fiscaux ou qui pour-raient en délivrer sur la position finalement assez restrictive de l'adminis-tration fiscale en la matière.

Le caractère philanthropique

Notion un peu ancienne perçue comme une démarche désintéressée àl’égard de ses semblables manifestant un dévouement effectif à l’égarddes souffrances des autres et un souci d’améliorer la condition humaine.Elle peut certes se confondre avec une action sociale et humanitaire mais1 C'est ainsi qu'un correspondant associatif a été institué dans chaque direction départementale des impôtschargé notamment de répondre aux questions posées par les associations.

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peut être d'utilisation pratique lorsqu’un organisme ne peut totalementse retrouver dans une autre catégorie. Comme exemple de ce caractère,l’administration fiscale évoque les organismes qui luttent concrètementcontre les discriminations raciales, religieuses ou de nature homo-phobe…

Le caractère social ou familialIl n’existe pas non plus de définition textuelle de ce concept qui peut

être pris de manière très large et englober toute espèce d’activités. C’estpourquoi, dans les dossiers qu’elle examine, l’administration reconnaîtce caractère par un faisceau d’indices montrant dans quelles conditionsconcrètes cette activité est exercée à savoir contexte et objectif poursuivi,public bénéficiaire, nature des prestations fournies et conditions danslesquelles elles sont délivrées.

Néanmoins, elle retient toujours ce caractère lorsque l’action de l’or-ganisme a pour objet de venir en aide à des personnes en difficulté dufait de la réalisation d’un risque social comme l’exclusion, la vieillesse, lamaladie ou le chômage.

Cette liste des risques sociaux n’est certes pas exhaustive. Elle montrecependant que le risque ou la situation de difficulté que l’organismeprend en charge doivent être suffisamment définis et ne pas apparaîtrecomme liés à une activité fourre-tout qualifiée de sociale à défaut d’avoirpu lui trouver un autre caractère plus réglementaire. Cette activité nepeut non plus être une activité de lobbying ou de mise à dispositiond'une documentation.

Ainsi a été refusée cette qualité à une association de sauvegarde desretraites et au Centre Régional Information Jeunesse dans la mesure oùil n'exerçait aucune action concrète de nature éducative propre à favori-ser l'accès aux études ou l'insertion professionnelle des jeunes.

Plus inquiétant encore, l'administration vient de refuser aux associa-tions dépendant de l'Hospitalité Notre-Dame de Lourdes, le bénéficedu régime du mécénat au motif que ces associations n'agissaient paspour la protection de la santé publique ni pour secourir des personnes endifficulté du fait de la réalisation d'un risque social.

Le caractère éducatifPour que ce caractère soit reconnu, il faut que l’activité de l’associa-

tion favorise la transmission d’un savoir propre à assurer le développe-ment des capacités physiques, intellectuelles et morales des élèves. Il estnécessaire que ce savoir ait un caractère pédagogique affirmé et s’ob-tienne dans le cadre d’actions de formation très précises qui témoignentd’un lien affirmé entre l’éducateur et la personne bénéficiaire de la for-mation. A cet égard, la mise à disposition d’outils de formations tels quelivres, revues ou méthodes pédagogiques n’est pas considérée commecaractérisant une action éducative au sens fiscal du terme.

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Le régime du mécénat n’est pas reconnu aux établissements horscontrat sous prétexte qu’il n’est pas possible de reconnaître la caractèreéducatif d’un organisme dont les méthodes pédagogiques ne sont pasreconnues par le ministère de l’éducation. Cette position semble pour-tant aller à l’encontre de la philosophie utilisée pour les autres critèresqui consiste à ne pas se contenter d’une approche formelle ou purementinstitutionnelle pour examiner les conditions réelles de l’activité.

Le caractère humanitairePlus facile à définir puisqu’il vise des organismes qui viennent au

secours de personnes qui sont dans des situations de détresse ou demisère en leur procurant des ressources pour couvrir leurs besoins indis-pensables et en favorisant leur insertion ou leur promotion. Cette caté-gorie est aujourd’hui presque exclusivement utilisée par des associationsqui développent des activités à l’étranger. Les versements qui leur sontconsentis peuvent dans certaines conditions autoriser des réductionsd’impôt pour les donateurs français. Le caractère très à la mode de cetteactivité et la médiatisation des associations qui développent de tellesactions peuvent expliquer l'absence de réaction négative du fisc dans cedomaine.

Le caractère familialL'administration a refusé ce caractère à une association qui avait pour

but de promouvoir un projet global pour la famille dans une perspectivechrétienne et qui organisait en particulier des séjours de rencontre defiancés et des séminaires de formation. Elle a considéré qu'elle n'agissaitpas pour la défense des intérêts matériel et moraux de l'ensemble desfamilles au contraire des associations familiales qui exercent des actionsliées à la politique familiale menée par les pouvoirs publics.

Le caractère sportif Les organismes visés ici sont ceux qui sont destinés à promouvoir la

pratique du sport. Il s’agit essentiellement des clubs amateurs, les activi-tés des clubs professionnels étant par définition des activités lucrativesqui ne sont pas d’intérêt général. Il en va de même pour des associationsqui peuvent être membres de fédérations sportives et qui peuvent êtrecréées par des bénévoles pour organiser une compétition qui attire dessportifs professionnels.

Le caractère scientifique et la diffusion des connaissances scientifiquesfrançaises

Il s’agit d’abord des organismes effectuant des recherches ou dévelop-pant des activités tant dans le domaine des sciences exactes que dessciences humaines. Ce caractère est reconnu aux activités qui développentla rigueur, l’objectivité et dans lesquelles le calcul, l’observation, le raison-nement ont une place prépondérante et permettent de progresser dans laconnaissance des divers aspects de l’homme, de la société et de la nature.

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La difficulté est évidemment d’apprécier le caractère véritablementscientifique de la démarche, la qualité des publications qui en découlentcomme celle des intervenants ainsi que l’intérêt des sujets abordés pourla société. Il est estimé à cet égard que l’organisation de colloques, deséminaires ou de débats n’est pas à elle seule une activité à caractèrescientifique. Pour l'administration, c'est la qualité des publications quipermet de démontrer le mieux la vocation scientifique affirmée de l'or-ganisme.

Le caractère culturel et de mise en valeur du patrimoineIl s’applique aux associations qui se consacrent à titre prépondérant à

la création, à la diffusion et à la mise en valeur des œuvres de l’espritsous différentes formes et dans les domaines suivants : arts plastiques,musique, livres, littérature, cinéma, audiovisuel, patrimoine, musée… Ladéfense et la valorisation des langues régionales entrent dans cette défini-tion.

L’administration fiscale ne retient pas la culture définie trop large-ment comme l’ensemble des éléments matériels, gastronomiques, folklo-riques, voire spirituels et moraux qui caractérisent une société à unmoment donné. Elle a une conception plus classique de la culture.

En revanche, elle apprécie largement les actions en faveur de la sauve-garde et de la mise en valeur du patrimoine mobilier ou immobilier qu’ilsoit d’intérêt national, régional ou local. Il en est de même pour lesorganismes concourant à la diffusion de la culture et de la langue fran-çaise par des actions mises en œuvre à l’étranger. Sous réserve du respectdes règles de territorialité, les versements donnent droit aux réductionsprévues à condition que l’association française n’ait pas pour seul objet lacollecte des fonds.

Dans ce cadre, l'administration considère comme d'intérêt généraldes associations de soutien à des musées, qui assurent la promotion dumécénat culturel et plus généralement contribuent à la promotion de ladiversité culturelle et au rayonnement de la culture française et desvaleurs européennes.

La défense de l’environnement naturel Cette activité est appréciée aussi de manière large par les services fis-

caux. Elle peut concerner les domaines suivants : lutte contre les pollu-tions et les nuisances, prévention des risques naturels et technologiques,préservation de la faune, de la flore, des milieux et équilibres naturels,amélioration du cadre de vie notamment en zone rurale… Elle couvrede ce fait la lutte contre les changements climatiques et pour le dévelop-pement durable à condition toutefois que l’organisme ne soit pas unesimple couverture destinée par exemple à aider un agriculteur dans sonactivité professionnelle lucrative. Les actions menées par des groupes deriverains contre des projets d'urbanisme ou d'aménagement du territoire

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ne sont pas considérés comme d'intérêt général dans la mesure où ellesservent d'abord des intérêts particuliers et que l'action en faveur de l'en-vironnement n'est au mieux qu'indirecte.

Autres activitésDes associations qui viennent en aide à d'autres associations ou dont

l’objet est de développer le mécénat n’ont pas échappé à l’analyse del'administration. Celle-ci a estimé qu'une association fondée pour col-lecter des fonds reversés à des associations qui luttent contre certainesmaladies n’étaient pas d'intérêt général mais qu'en revanche les associa-tions bénéficiaires pouvaient présenter ce caractère. Elle a considéréqu'un organisme créé pour mettre en place une charte de déontologiepour des associations faisant appel à la générosité publique, pour favori-ser leurs échanges, les défendre en justice ou leur faire connaître lesattentes du public ou des donateurs n'était pas d'intérêt général dès lorsque ce comité n'agissait qu'au profit des intérêts directs de ses membres.

De cette analyse qui résume peu ou prou la doctrine administrativeactuelle, il ressort d’abord qu’en aucun cas, une activité religieuse nepeut être considérée comme d’intérêt général, sauf si elle est exercée parune association qui a le statut de cultuelle. Cette catégorie d’associationne fait pas partie de cette étude. Il ressort aussi de manière nette quel'administration, chaque fois qu'elle est saisie, donne une interprétationtrès restrictive et limitative des critères de l'intérêt général.

Si elles ne développent pas naturellement des activités susceptibles derentrer d’emblée dans le cadre prévu par la loi, les communautés monas-tiques ne doivent pas cependant considérer qu’à priori ce dispositif neleur est pas applicable, notamment chaque fois qu’elles s’adressent à unpublic en difficulté, qu’elles développent des actions concrètes en faveurde la valorisation d’un patrimoine intellectuel et culturel, qu’elles contri-buent à la formation humaine ou spirituelle du public ou qu’elles déve-loppent des initiatives en faveur du développement durable. Il est impor-tant de veiller à rester ouvert à un large public sans exclusive et derepérer dans le champ des activités possibles celles qui correspondent àdes préoccupations générales de la société et aux politiques des pouvoirspublics. Il est bien sûr évident qu'une activité consistant à fournir desprestations moyennant le paiement d'un prix ne peut être d'intérêtgénéral.

En tout état de cause, une telle réflexion sur les activités d'une com-munauté n'est pas inutile.

Pierre Avignon

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VIE DE LA FONDATIONChères soeurs et chers frères,

Avant de quitter la Fondation dans quelques jours, je voudrais vous remer-cier tous de ce que vous m’avez apporté durant ces années. Ce travail n’en apas été un pour moi car il avait un sens et ce contact quotidien avec vous tousa été un vrai bonheur.

Je reste émerveillée par la joie profonde qui habite chacun d’entre vousmalgré les difficultés de tous les jours. J’ai souvent été pleine d’admirationpour les cellérières ou les économes, qui, ayant fait voeu de pauvreté, se débat-tent néanmoins avec des soucis financiers tous les jours pour le bien de leurcommunauté.

Chaque rencontre avec un moine ou une moniale a été pour moi une leçonde vie. Et je suis heureuse, en ce moment que tous puissent avoir un aperçu dela vie monastique grâce à la lumineuse beauté du film retraçant la vie desmoines de Notre Dame de l’Atlas.

Au moment de partir pour me consacrer un peu plus à ma famille qui s’estmultipliée ces dernières années, je vais vous reparler une dernière fois de laFondation des Monastères.

Je voudrais rappeler ici, car c’est souvent une question qui m’a été posée,que la Fondation n’a pas d’adhérents et que tout Institut religieux ou Sociétéde vie apostolique peut faire appel à elle, que ce soit pour un secours financierou pour toute autre difficulté ou conseil. De par son nom et son histoire, laFondation connaît surtout les communautés contemplatives, mais ses statutslui permettent également d’aider et de conseiller les communautés apostoliqueset de recevoir dons et legs qui leur sont prioritairement affectés par les dona-teurs et testateurs.

Certains de nos donateurs se sont émus récemment d’échos dans la presselaissant entendre que certaines communautés manquaient réellement dustrict minimum. Certes il s’agit la plupart du temps d’une pauvreté libre-ment consentie, mais la Fondation se doit d’être là en priorité pour les com-munautés les plus démunies et elles ne doivent pas hésiter à faire appel à elle età appeler ou écrire à Marie-Christine Avignon, responsable des secours à laFondation, qui est d’une discrétion absolue.

L’action de la Fondation n’a pu se faire qu’avec l’aide des nombreuxdonateurs qui nous sont fidèles depuis des années. Et tout particulièrement

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ceux de nos bienfaiteurs qui laissent à la Fondation le choix des communautésà aider avec leurs dons, permettant ainsi au Conseil d’Administration devenir en aide aux communautés qui font appel à elle en urgence. Et il ne fautpas oublier dans vos prières les généreux testateurs qui, en laissant leur patri-moine à la Fondation, permettent aussi à celle-ci d’attribuer des secours plusimportants, particulièrement pour les travaux de restauration et de rénova-tion des abbayes et monastères qui sont à la charge des communautés. Enfin lefonds de solidarité bénéficie aussi de l’apport de beaucoup de communautésqui aident ainsi de façon discrète et fraternelle celles des communautés quibénéficient de dons moins importants. Les contacts avec tous ces généreux amisdes communautés ont été aussi pour moi source de joie.

La Fondation est avant tout une oeuvre de solidarité et de fraternité entretous, laïcs et religieux, et c’est ce qui a le plus compté pour moi.

La Fondation soutient aussi les communautés quand elles sont injustementtraitées et je suis heureuse que, juste avant mon départ, la Cour d’AppelAdministrative de Lyon, le 17 septembre dernier, ait donné raison à l’Abbayede Flavigny et à la Chartreuse des Portes dans leurs recours contre l’ADEME.Je regrette néanmoins que cette même Cour ait confirmé le jugement du tri-bunal administratif de Dijon qui affirmait que la Région était fondée àrefuser une subvention pour une chaudière à bois à une communauté reli-gieuse au prétexte que son activité était cultuelle. Les juristes de la Fondationanalyseront certainement ces arrêts dans une prochaine chronique juridique,mais d’ores et déjà, on peut regretter cette interprétation qui refuse auxcongrégations leur spécificité et ne considère pas le spirituel comme d’intérêtgénéral. La présence d’un monastère dans une région est d’évidence un atoutpour elle et on ne voit pas pourquoi les religieux ne pourraient bénéficier deson aide alors que par ailleurs ils versent aux collectivités locales des taxeslocales très importantes. Je suis sûre que la Fondation continuera à soutenirles communautés contre cette injustice.

On m’a souvent demandé comment fonctionnait le secrétariat de la Fon-dation et je termine en remerciant toute l’équipe qui s’est constituée ces der-nières années et qui travaille sous la direction de Pierre Avignon, notre secré-taire général : après Brigitte Estrangin, trop tôt disparue et dont nousgardons toutes ici le souvenir, j’ai travaillé en collaboration avec MadeleineTantardini que la plupart d’entre vous connaissent et savent la compétencejuridique et la rigueur. C’est elle qui prendra le relais dans quelques joursavec les responsables des différents services : Marie-Christine Avignon qui estresponsable des dons et des secours, Yolande Ponzio à la comptabilité, que je

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remercie tout particulièrement pour m’avoir déchargée en plus de son travailde tout ce qui était technique, informatique et logistique, Marie-MadeleineDuprey qui assure les relations avec les donateurs avec patience et le suivi de larevue avec sa grande culture, Laure Picault qui donne son dynamisme à lacommunication, et Agnès Larnaudie-Eiffel qui nous a rejointes il y a un anet qui a pris en charge le service des legs. Toutes, elles sont compétentes et pro-fessionnelles, mais elles considèrent leur travail plus comme une mission ou unservice et je suis sûre qu’elles garderont ce sens de l’accueil et cette écoute queBrigitte avait voulu. Le secrétariat travaille aussi en étroite collaborationavec Frère Michel, notre Trésorier, et Pierre Ancely, notre expert-comptable, etnous leurs sommes reconnaissantes de leur disponibilité et de leur écoute atten-tive à nos problèmes.

Les présidents et les présidentes de la Fondation qui se sont succédés depuis1995, Dom Michel Pascal, alors abbé de Ganagobie, Dom Robert Le Gall,ancien abbé de Kergonan, Mère Myriam Fontaine, abbesse de La Coudre etMère Marie-Chantal, Supérieure de La Visitation de Voiron, m’ont honoréede leur confiance et je les en remercie.

Je salue aussi les responsables de l’AIM et de l’Aide au Travail des Cloîtreset à la CORREF, Père Achille Mestre à qui je dois mes quelques notions dedroit canonique et qui reste présent dans nos coeurs à la Fondation. Je remer-cie Dom Luc de ces jolies poteries artisanales de la Pierre-Qui-Vire qu’il m’adonnées de la part de Monastic. Et j’embrasse Père Daniel, soeur Benoît etsoeur Marie-Luc, mes modèles de bonté et de générosité.

Vous m’avez souvent assurée de vos prières pour moi et ma famille et j’es-père que vous continuerez. J’ai été très touchée par les témoignages d’affectionde ceux et celles d’entre vous qui connaissent le problème de mon petit-fils. Vic-tor va aussi bien que possible pour le moment et je le confie à votre prière.

A titre personnel, je serais toujours heureuse de vous aider si c’est possible etd’avoir de vos nouvelles.

A tous ceux qui sont devenus des amis au fil de nos discussions et de nosrencontres et qui ont eu la gentillesse de dire qu’ils regretteraient de ne plusme voir, je leur redis que j’ai bien l’intention dans les années qui viennent defaire un tour de France des monastères, ce que j’ai regretté de ne pas pouvoirfaire plus souvent ces dernières années ; car arrêter de travailler est aussi uneliberté retrouvée. Ce n’est qu’un au revoir.

Marie-Laure Beauchesne Directeur de la Fondation

[email protected]

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VIE DES COMMUNAUTÉS

LA RECONNAISSANCE LEGALE DES CONGREGATIONS

La Conférence des Religieux et Religieuses de France(CORREF)

en partenariat avec la Faculté de Droit canonique de Pariset la Fondation des Monastères

organisera le vendredi 11 mars 2011 une session d’études sur lethème :

Les questions actuelles autour de la reconnaissance légale des congrégations.

Seront notamment abordées les multiples questions juridiques etcanoniques, immobilières et fiscales qui se posent aux congrégationsreconnues. Le point sera également fait sur les avantages et les inconvé-nients de la reconnaissance légale.

Outre les Supérieur(e)s majeur(e)s, et les responsables de fédérations,cette session sera ouverte aux membres des instituts ou laïcs qu’ils dési-gneront, en particulier aux économes et cellérier(e)s, ainsi qu’aux éco-nomes diocésains et aux étudiants de la Faculté de droit canonique.

Les inscriptions seront ultérieurement prises par le secrétariat de laCORREF qui vous informera alors du lieu de la réunion sur Paris.

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Le 12 juin dernier, s’éteignait Christophe Mulliez, dans la force del’âge. Et le 4 juillet, son père, André, décédait à son tour. Ces deuxdisparitions ont été ressenties très vivement à la Fondation desMonastères.

André Mulliez, l’entrepreneur, était aussi le créateur de l’AssociationLe Maillon, dont son fils Christophe était le président, parmi tantd’autres activités.

Depuis des années, la Fondation des Monastères était en lien aveccette œuvre généreuse qui soutenait des projets à la fois porteurs desens, et qui « tenaient la route ».

Rigueur et générosité de cœur, amour des communautés, tel est lesouvenir qu’à travers le Maillon, mais aussi à l’occasion des contactsdirects avec Christophe, la Fondation des Monastères conservera deces deux grands chrétiens.

Que leur famille trouve ici l’assurance de la gratitude, de sympa-thie la plus profonde et de la prière de tous, administrateurs et colla-borateurs, moines et moniales, dans l’espérance de la Résurrection.

IN MEMORIAM

Christophe Mulliez († 12 juin 2010)

André Mulliez († 4 juillet 2010)

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Pour voir, il importe d’aimerLe mystère de Jésus mort et

réssuscité n’est visible qu’auxyeux de celui qui aime.

Déjà au calvaire, Jésus étaitentouré par celles et par ceux quil’aimaient. Ils sont trois : Jean, ledisciple que Jésus aimait, Marie,sa mère, et Marie-Madeleine.. Ilsont traversé la soirée et la nuit, ilssont venus à bout du désarroicausé par la capture de Jésus aujardin, des soupçons insistants dela servante qui fit chuter Pierre,des brutalités de la soldatesque lelong du cortère des comdamnés,pour aboutir là où ils se trouventmaintenant, au Calvaire, deboutsous la croix de Jésus. S’ils onttraversé tout cela, ce n’est plusmaintenant pour recevoir l’amourde Jésus, mais, au contraite, pourlui donner le leur, pour entourerde toute la tendresse humainepossible son agonie et sa mort.

Il y a d’abord Marie, sa mère,la femme qui jadis put l’en -velopper d’amour lorsqu’il étaitencore tout petit, dont la joie futde le blottir et comme de l’ense-velir dans la plus douce des ten-dresses maternelles. Celle aussiqui, dans quelques instants, lerecevra à nouveau sur ses genouxet contre son cœur, pour le ber-cer une dernière fois, ce mêmecorps, chair de sa chair, mais lebercer de ses larmes maintenantet de ses chants de douleur, envue du sommeil de la mort.

Il y a Marie-Madeleine ensuite,la pécheresse repentie, celle quiaimait tant Jésus qu’un beau jourtous ses péchés lui furent, sur-le-champ, pardonnés. Notre liturgielatine la confond – si heureuse-ment j’allais dire, avec l’autreMarie, celle de Béthanie, et dontJean se souvient à quel point c’estJésus qui l’aimait. Mais toutes les

Dom André LOUF (1929-2010) fut élu très jeune, en 1969, abbé duMont-des-Cats. Il laissa cette charge en 1997 pour vivre un vieux rêve de jeu-nesse, vivre la vie érémitique.

Deux mots pourraient résumer l’intuition spirituelle qui guida toute sa vieet qu’il transmit à travers de nombreux ouvrages : grâce et miséricorde. Pourlui-même, comme pour tous ceux qui ont tant appris à son école, ce fut bienplus que des mots : une vie nouvelle reçue dans la joie de l’Esprit.

Le texte ci-dessous a été initialement publié dans la revue les Amis desMonastères d’avril 1993 (n°94).

Dom André Louf

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deux, un jour, avaient reçu lafaveur de laver les pieds de Jésus,comme sa mère le lui avait faitjadis, et toutes les deux avaientosé essuyer ses pieds avec leurmagnifique chevelure, et lesoindre d’un parfum précieux. Al’amour de ces deux femmes,Jésus avait bien voulu confierd’avance le soin de sa sépulture àvenir, puisque c’est en vue decelle-ci, avait-il précisé, qu’ellesavaient procédé à une somp-tueuse onction.

Puis il y a Jean, ce mystérieuxdisciple spécialement aimé parJésus qui, à table, se trouvanttout contre lui, avait prix laliberté de se pencher en arrièrepour reposer un instant « contreson sein » comme le note l’auteurdu quatrième évangile, enempruntant les mêmes mots aveclesquels, dans son Prologue, ildécrit le Verbe pareillement blotti« contre le sein du Père » ; sym-bole très émouvant pour Jésus, àla fois de l’amour que de touteéternité il reçoit de son Père, etde l’amour qu’ici-bas il donne àses amis.

En sa dernière heure, seull’amour de ces trois l’a suivi,entourant d’infinie délicatesse cemoment où Jésus va glisser dansle sommeil, pour passer d’unamour à l’autre amour, des signes

fragiles d’ici-bas à la réalitééblouissante de l’au-delà maistoujours le même et uniqueamour. Avant de s’y abandonnercependant, il faut encore à Jésusesquisser un dernier gested’amour, le seul dont il estencore capable, suspendu à lacroix. « Jésus, voyant sa mère, etprès d’elle le disciple qu’il aimait,dit à sa mère : ‘Femme, voici tonfils. Puis il dit au disciple : ‘Voicita mère ». Désormais la fin peutvenir pour Jésus, qui est unaccomplissement. L’amour l’aépuisé, et il a épuisé tout amour.Le moment est venu où il peutse passer de cette humaine ten-dresse qui l’a si obstinémentaccompagné jusqu’à cette extré-mité : l’infinie douceur d’unemère, l’ardente passion de lapécheresse que l’amour a guérie,le tendre attachement du frère de prédilection. Il ne lui resteplus, avant de s’effacer et de s’en-dormir dans l’autre amour, danscelui d’au-delà, qu’à les détacherdoucement de lui, pour les don-ner l’un à l’aure, en signe d’adieuet d’éternel souvenir. Sa mèrereçoit un nouveau fils, qui fut filsde Jésus et le préféré. Le disciplereçoit une nouvelle mère de Jésuset l’unique.

Désormais, tout est accompli :les Ecritures d’abord, mais aussile long parcours de l’amour

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jusqu’au bout, l’amour que Jésusa donné, et l’amour qu’il a reçu.Il peut désormais incliner la têteet remettre son esprit à son Père.Dans un dernier souffle qui estaussi un baiser, le tout premierbaiser, et maintenant l’éternelbaiser de l’amour d’au-delà, duVerbe dans l’étreinte du Père.Depuis la mort de Jésus, qui futpour la première fois une mort enamour, toute mort est semblableà la sienne : une Pâque, c’est-à-dire : le passage d’un amour àl’autre, des signes à la réalité.Comme Jésus, se laisser bercerpar tant d’amour, et s’endormirdans la mort, ou dans l’amour –c’est tout un – contre le sein duPère.

A l’aube de Pâques, à nouveaunous retrouvons des cœurs quiaiment, et qui seuls pourrontcomprendre le message si inat-tendu : « Il est ressuscité d’entreles morts ». La mort n’est plus.La mort de Jésus fut sa victoiresur la mort, une fois pour toutes.Jésus est désormais Vivant, pourtoujours.

Victoire sur la mort, pourquoiet comment ? Simplement parcequ’elle fut une mort par amour.C’est à « cause de son amour defils » remarque l’auteur de laLettre aux Hébreux que lesgrands cris et les larmes offerts

par Jésus durant sa passion furentexaucés. A la vue de son enfantcrucifié par amour, les entraillesdu Père se sont retournées. Dieun’a pas pu résister. Comme l’avaitprédit le psalmiste : « Il ne pou-vait l’abandonner à la mort, nilaisser son bien-aimé voir la cor-ruption ». C’est bien l’amour quia brisé les portes de la mort, etqui a fait jaillir le Vivant d’untombeau.

Parce qu’elle fut le chef-d’œuvre de l’amour, Pâques n’estdirectement visible qu’aux yeuxde l’amour. C’est à des êtresproches de Jésus, qui l’avaientaimé ou qui étaient aimés par lui,que le message du Ressuscité estd’abord confié, comme s'il deve-nait trop fragile en d'autresmains. Ses premiers témoins nesont même pas les apôtres, ceuxqui deviendront plus tard "les"témoins attitrés de Jésus ressus-cité. Mais ils ne le furent pas auxtout premiers moments. Au-raient-ils reconnu Jésus ? Ou ima-giné voir un fantôme, commelors de la tempête sur le lac ? Detoute façon, les prémices de laRésurrection sont réservées àcelles et à ceux qui regardent avecleur cœur, et qui, pour cela,voient ce que les autres ne voientpas encore.

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Les saintes femmes d'abord, etparmi elles, Marie-Madeleine.Elles n'ont pas douté un seul ins-tant. Un apôtre, devant le tom-beau vide, aurait examiné leslieux et les circonstances, exigédes preuves. Elles, au contraire,ajoutent sur-le-champ crédit auxparoles de l'ange, et c'est déjàtremblantes d’émotion et toutesjoyeuses qu'elles courent trans-mettre le message aux apôtres,qui les reçoivent d'ailleurs fraî-chement avec ces "racontars defemme", comme note saint Luc.Une plus belle surprise encoreattend Marie-Madeleine. A l'ins-tant même où un inconnu. dansle jardin, prononce son prénom,"Marie", elle reconnaît Jésus. Aquoi ? Uniquement à cet accentde l'amour, et à son propre désirsoudain comblé. Et en effet, y a-t-il plus douce connivence entredeux êtres qui s'aiment que leurprénom, prononcé d'une certainefaçon unique et inimitable ? Etquelle preuve plus éclatante de saRésurrection pouvait attendrecelle qui l'aimait ? Son simplenom, prononcé avec toute ladouceur de l'amour, valait toutesles preuves.

Parmi les apôtres, un seul faitexception : quelqu'un qui a déjàcompris alors que tous les autresdoutent encore, qui reconnaît làoù ils ne voient encore rien :Jean, le disciple proche de Jésus.

Pour reconnaître Jésus, l'amour atoujours une longueur d'avance.Pierre était entré avant Jean dansle tombeau vide, le spectaclel'avait étonné, troublé, mais sansplus. Jean entra après lui : "il vitet il crut", dit l'Evangile, à l'ins-tant précis. De même, devantl'inconnu en train de frire despoissons sur la rive, après unenuit de pêche malheureuse, Jeandevance encore tous les autres.D'instinct il a deviné : "C’est leSeigneur".

L'amour fut premier à recon-naître Jésus ressuscité. C'estl'amour encore qui promit auxautres, et à nous tous, que nousle verrons à notre tour : "Allezannoncer à mes frères qu'ils doi-vent se rendre en Galilée - c'est-à-dire qu'ils retournent chez euxet à leur travail - c'est là qu'ils meverront". A l'amour de Marie-Madeleine, à l'amour de Jean,nous osons faire crédit, car seull'amour est digne de foi. Leuramour et le nôtre. Ce dernier, àpeine naissant peut-être, toujoursmenacé. Qu'importe, il est là,humblement, petitement. Etpour l'amour, peu est déjà beau-coup. Le doux nom de Jésus res-suscité, dans notre cœur et surnos lèvres, et notre prénom, mur-muré par lui à l'oreille de notrecœur, valent toutes les preuves.

† Fr. André Louf Abbé du Mont-des-Cats

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◗Pour qu’ils aient la vie en abondance. La vie religieuseJean-Claude LAVIGNE320 pages, Cerf 2010, 27 €.

L’auteur, dominicain, donc menant une vie conventuelle, a le privilèged’être à la jointure de la vie apostolique et de la vie monastique. Il parle ainsi,avec une égale justesse de ton, des deux. Son propos concerne tant les institutsmasculins que féminins et il sait faire ressortir les questions spécifiques relativesà ces derniers.

Le propos est introduit par des diagnostics sans complaisance et se terminepar un avenir qui se voit attribuer un point d’interrogation. Le témoignage sansconcession se veut réaliste, inscrit dans la réalité de l’aujourd’hui. Sa pointe estde cerner une vie religieuse en pleine transformation, en profonde mutation.Une clé très utile nous est fournie pour la comprendre à partir de la notiond’écart « cet espacement (qui) permet la naissance d’autres manières de vivre etde penser pour soi et pour les autres » (p. 80). Un écart qui n’est pas un fossémais qui crée un manque, un vide dans lequel Dieu se tient. Les formes en sontmultiples et les degrés divers. Ecart du désert pour fuir l’activisme ; écart de laconversion qui doit être permanente ; écart du mode de vie et des ambitionstemporelles ; écart des réseaux sociaux de communication… sauf à y recouriravec discernement. Voilà qui conduit à une véritable inversion des valeurs com-munes (p. 207). Après tout, le consacré n’est-il pas étymologiquement celui quise tient à distance du profane ? (p. 306). Cet écart, ou plutôt en utilisant le plu-riel, ces écarts doivent être comme la vallée fertilisée par l’eau vive du fleuve.Cela étant, on ne va pas au désert comme dans un refuge, mais bien pour enta-mer le labeur de la conversion qui est communion avec l’autre et avec Dieu.Des Pères de l’Eglise à Vatican II, on en a eu conscience. Le grand mérite du P.Lavigne est de relier toutes ces intuitions et de mettre des mots sur elles pourexpliciter, dans le monde d’aujourd’hui, la vie religieuse. Celle-ci est non seule-ment communion des personnes et des biens, mais aussi « mise en commun despoints de vue, des expériences, des visions d’avenir et des options » (p. 165).Pareil travail mené dans un institut religieux est comparable à celui effectuédans une école, l’Ecole du service du Seigneur comme l’écrivait saint Benoîtdans sa Règle. Voilà qui suppose humilité et patience, écoute de Dieu et desautres. Finalement le don de soi est une autre façon de dire la vie religieuse ; laformule a le mérite de représenter une offre audible par la société actuelle (p.290-293) : ce don se fait service de ceux qui n’ont pas une vie digne, service de

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NOTES DE LECTURE

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l’Eglise, service à l’écoute des quêtes spirituelles de nos contemporains. Telssont les fruits d’une vie en abondance, de cet écart fertile qu’il nous est proposéde vivre.

Voilà qui nous rappelle « l’art de vivre » auquel sont conviés les instituts reli-gieux, chacun selon son charisme propre. Mais in fine, cette vie religieuse a-t-elle un avenir ? La troisième partie tout à la fois l’affirme et pose la question.Parce que cette vie, notre vie, est en transformation, en chantier de réhabilita-tion (p. 307). De nouvelles expériences voient le jour : ici l’intercongrégation,là une disparition, ailleurs une naissance ou une fusion, souvent l’émergence del’interculturel. Tout cela participe de la vie et il est heureux que les religieux etreligieuses en soient des acteurs à part entière pour aider au réenchantement dumonde. Nous avons aimé la prudence et la modestie de l’auteur dans son inter-rogation presque finale qui renvoie chacun à son jugement : « Est-ce trop opti-miste de croire que la vie religieuse est plus que jamais un bon lieu pour vivre etaider à vivre ? Peut-être ! Peut-être pas ! » Cependant la parabole des talentsbrièvement commentée en conclusion montre l’inclination de l’auteur et nousrenvoie à notre responsabilité de religieux, de religieuse.

Ce livre, très juste dans son ton, mérite une large diffusion dans nos biblio-thèques monastiques ou religieuses, car il intéressera Supérieur(e)s et forma-teurs, profès et novices. Plus largement, il instruira tout aspirant à notre modede vie sur ce qui peut l’attendre ; quant au laïc, par-delà de trop nombreusesimages d’Epinal, il saisira quelque chose de profond sur la spécificité de la viereligieuse. Merci à notre frère dominicain pour ce témoignage existentiel !

A. M.

◗La voie spirituelle des Chartreux Tim PEETERS190 pages, Cerf 2010, 16 €

A plusieurs reprises, notre revue a présenté des documents sur les Chartreux.En voici un nouveau qui mérite le détour : ce livre est le fruit d’une thèse soute-nue par un jeune prêtre du diocèse de Malines-Bruxelles qui s’est beaucoupinvesti dans le sujet. Lectures, rencontres, séjours dans des monastères cartu-siens soutiennent et rendent très vivante sa présentation. Le résultat est une syn-thèse de qualité, d’un accès simple, destiné à nous faire comprendre l’essentield’une vie qui reste bien mystérieuse pour beaucoup.

Les laïcs, peut-être après avoir vu Le grand silence, comprendront mieux ladémarche initiée par saint Bruno et transmise par d’antiques usages : une vie àla fois solitaire et communautaire, de prière tant individuelle que collective,toute tissée du silence de l’ermitage. Le tout, dans une grande simplicité, undépouillement qui peut contraster avec d’autres formes de vie religieuse.

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Moines et moniales se verront, de leur côté, rappeler l’importance de la gra-tuité d’une vie consumée pour Dieu seul et qui n’échappe pas aux conflits, inté-rieurs surtout. Car habiter pour toujours avec Dieu c’est demeurer en perma-nence avec soi-même… puisque Dieu habite en nous. L’auteur décrit avecjustesse (p. 84 s.) trois cercles concentriques de plus en plus étroits qui entou-rent la vie du Chartreux pour l’établir dans cet entretien constant avec Dieu : ledésert, le monastère, l’ermitage. J’en ajouterai volontiers un quatrième : « lacellule du cœur », selon une forte formule de Jean-Paul II (exhortation Vitaconsecrata, 1996, n° 59). Savons-nous habiter la cellule de notre cœur, l’entre-tenir ? Nos frères Chartreux montrent à tous les contemplatifs l’utilité mais aussiles contraintes de cette garde. Il nous faut l’envisager sans idéalisme : le butn’est pas d’arriver à vivre sans pécher. Mais avec exigence : vivre sans tromperiesous le regard de Dieu.

Notre auteur a, semble-t-il, bien compris la voie spirituelle des Chartreux.L’aurait-il empruntée un jour ? En tout cas elle l’a fasciné, comme elle le faitpour nombre de contemporains.

A. M.

◗Paroles et exemples des anciens Recueil ascétique de Paul surnommé EVERGETINOSTraduit du grec par le Hieronimoine Nicolas (Molinier)4 volumes de 368 à 430 pages, Edition du Monastère Saint Antoine le Grandet du Monastère de Solan, 2009-2010, 28 € le volume

Evergetinos, surnom de son auteur, le moine Paul, fonda un monastèrenommé Evergetis (la Mère de Dieu Bienfaitrice) près de Constantinople au XIe

siècle. Pour la première fois la traduction en français de cet ouvrage va comblerl’attente des moines et des moniales catholiques et orthodoxes qui devaientavoir recours au texte grec (ou à une traduction anglaise datant de 2008). Ceslivres sont un florilège de la tradition spirituelle des Pères du monachisme, mis àla disposition des chercheurs de Dieu assoiffés des enseignements des Pères.Davantage centré sur la vie cénobitique et sur l’obéissance, c’est un parallèle dela Philocalie, qui, elle, expose davantage les effets et les moyens de la prière. Cetouvrage est devenu, comme la Philocalie, une sorte de bréviaire de toute la tra-dition spirituelle orthodoxe.

Chacun des tomes de cet ouvrage est composé de cinquante chapitres appe-lés « Propositions » qui « offrent à la réflexion du lecteur à peu près tous lesaspects du cheminement spirituel du moine (du chrétien) depuis la premièreconversion jusqu’à l’illumination dans la contemplation ». Chaque livre accom-pagne le moine au long de son chemin, depuis le novice appelé à la conversionet à l’humilité dans le premier tome. Le second et le troisième volume s’atta-chent davantage à la vie pratique, la vie en communauté dans la charité. Et lequatrième conduit à l’abandon à Dieu tout en renonçant à la quiétude de lacontemplation pour s’unir au Christ Serviteur pour le salut de tous. Ladeuxième partie de ce tome est donc pastorale.

S. B.

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◗Solesmes 1010-2010, La paix bénédictineNIAUSSAT Michel (texte), LECOURT Jean-François(photographies)189 pages avec CD Editions Libra Diffusio 2010, 39,90 €.

Parmi les nombreuses manifestations organisées pour le millénaire deSolesmes, il est bon d’évoquer le présent ouvrage qui, sans nul doute, permet-tra à un large public de se familiariser avec la riche histoire bénédictine et sonactualité pour le monde.

La réussite de ce projet est bien soulignée par Monsieur François Fillon, amidu monastère, qui écrit justement dans la préface : « Le lecteur goûtera la qua-lité de son texte, le charme de ses descriptions de la journée et du cadre de viedes bénédictins, la profondeur de ses réflexions sur ce qu’on appelle le mystèremonastique ».

A l’aide de photos dont la discrète beauté est toute en harmonie avec ladouce spiritualité qui se dégage du texte, l’auteur nous fait entrer dans le quoti-dien monastique et ses thèmes privilégiés : le lavement des mains, la solitude, ledépouillement, la recherche de la perfection ordonnés autour des grandesfigures de cette aventure, Saint Benoît et sa règle, mais aussi saint Odon, lesmauristes du Maine et plus près de nous Dom Guéranger.

Le lecteur sera émerveillé de découvrir l’église, le cloître, la bibliothèqueautour desquels s’ordonne la vie du monastère à travers la lectio divina, laprière, la vie fraternelle et le travail, sans compter l’inestimable chant grégorienindéfectiblement lié à ce lieu saint. Car comme il est écrit dans les dernièreslignes, Solesmes transpire la sainteté de ses centaines de moines qui ontentendu l’appel du patriarche des moines d’Occident : « Ecoute ô mon fils l’in-vitation du maître et incline l’oreille de ton cœur ! ».

P. A.

◗Les grandes heures de SolesmesNathalie DUPLAN, Valérie RAULIN254 pages, Presses de la Renaissance 2010, 18,90 €

Ce livre fort plaisant participe de plusieurs genres littéraires, sans jamaistomber dans l'inexactitude ou le raccourci facile. Il se présente comme unelongue lettre d'un moine vieillissant, serein, toujours curieux de la chosemonastique et aimablement disert (il est supposé être marseillais) pour en fairepartager les joies, à son frère « resté dans le monde » comme l'on dit, et qui n'ajamais pu, su ou voulu venir le visiter. Notre prolixe frère marseillais doit donctout lui expliquer de la vie monastique en général, de son histoire, de sa tradi-tion, du chant grégorien, de l'attachante personnalité de dom Guéranger, lerestaurateur de la vie bénédictine en France au XIXe siècle, à Solesmes même.L'histoire de 1010 à la Révolution française est traitée en trente pages. La partbelle est faite ensuite à l'histoire du monastère de Solesmes depuis qu'il est

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abbaye, c'est-à-dire depuis 1837. La longue lettre du frère, de 180 pages, estsuivie du texte de la Règle de saint Benoît, d'une Chronologie monastique etd'une courte bibliographie bien faite. On ne peut bien sûr que recommander celivre.

H. L.

◗Lacordaire et Lamennais (1822-1832). La route de la Chênaie(Coll. Histoire religieuse de la France)Anne PHILIBERT1128 pages, Cerf 2009, 89 €

Comme l’écrit le Fr. Michel Albaric, archiviste de la Province dominicainede France, dans la préface qu’il a donnée à cet ouvrage monumental : « Demême que le refus de toute tyrannie a été l’axe unifiant de l’existence deLamennais, la liberté a été l’axe spirituel de toute la vie de Lacordaire ».

Des historiens dominicains tels que les Pères Noble, Baron, Duval, ont toutau long du XXe siècle mis en lumière la figure tourmentée de Lacordaire, restau-rateur de l’Ordre des Prêcheurs en France en 1839-1840. Mais dix années déci-sives de sa vie restaient mal connues. Et pourtant, les années 1822-1832 sontcelles qui conduisent Lacordaire à sa maturité spirituelle et humaine. Né en1802, il a perdu la foi à douze ans, au lendemain de sa première communion,mais l’a retrouvée en 1823. C’est à ce moment qu’il fait la connaissance deLamennais et lit ses premiers livres. Sans tarder, il entre au Séminaire d’Issy –qu’il qualifiera plus tard de « lieu barbare » - et est ordonné prêtre en 1827. Auprintemps 1830, il rallie l’école mennaisienne. C’est alors que Lamennais fondeson journal L’Avenir, dont les positions divisent les catholiques. La crise qui enrésulte conduit à la suspension du journal et à un voyage à Rome des deux amis,qui se présentent comme des « pèlerins de la liberté » et espèrent l’appui deGrégoire XVI. Après la condamnation romaine, Lacordaire se sépare de Lamen-nais en 1832, meurtri par une année de lutte entre sa conscience personnelle etle génie de son ami, sans se douter que moins de dix ans plus tard il rétablira lesDominicains en France.

Cette longue et laborieuse « route de la Chênaie » - nom de la propriété deLamennais, proche de Dinard – aura été pour Lacordaire une école et une expé-rience de liberté. Le récit qu’en fait Anne Philibert est remarquablement docu-menté. Il demande parfois un effort d’attention pour ne pas s’égarer dans ledédale de deux biographies et de deux aventures intellectuelles et spirituelles.On ne trouvera que quelques mentions de Dom Guéranger, qui fit en 1829 laconnaissance de Lamennais, pour qui il avait une grande admiration, et qui écri-vit quelques articles pour L’Avenir, mais déclina l’invitation à prendre lui aussila route de La Chênaie : il prendrait bientôt la route de Solesmes.

Ph. R.

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◗Cluny. De l’abbaye à l’ordre clunisien. Xe-XVIIIe siècleOdon HUREL et Denyse RICHE330 pages, Armand Colin 2010, 24 €.

Il est heureux qu’à l’occasion du onzième centenaire de la fondation deCluny, deux historiens aient retracé l’exceptionnelle aventure de cette abbaye etde l’Ordre ou de l’Église dont elle est devenue rapidement Caput et Mater.

Denyse Riche, qui enseigne l’histoire médiévale à Lyon, suit cette aventuredes origines à la fin du XVe siècle. Elle ne craint pas de parler à plusieurs reprisesde l’Église clunisienne, comparable et quelque peu parallèle à l’Église romaine.Peu avant l’an mil, Cluny s’est procuré des reliques insignes des apôtres Pierreet Paul, le pèlerinage de Cluny vaut celui de Rome, un moine de Cluny devientpape (Urbain II) ; pour quelques décennies, la chrétienté est un monde à deuxtêtes : Rome et Cluny. Cette puissance de Cluny est due pour une large part àla vigueur et à longévité de cinq abbés, qui restent en charge pendant cinquanteou même soixante ans : Odon, Mayeul, Odilon, Hugues et Pierre le Vénérable,qui gouvernent l’abbaye et ses filiales de 927 à 1156. A cette date, l’abbaye està son apogée, avec plus de 300 moines et un millier de prieurés dépendants,mais elle va bientôt connaître des difficultés provoquées par une expansion troprapide, et bien analysées par D. Riche.

C’est donc un autre monde clunisien que, du XVIe siècle à la Révolution etau-delà, nous fait parcourir Odon Hurel, excellent connaisseur de l’histoiremonastique en Occident. En ces temps nouveaux, les moines et les monastèrespeinent à garder leur identité et leur unité : on se partage entre plusieurs obser-vances, on se rapproche plus ou moins des florissantes congrégations de Saint-Maur et de Saint-Vanne. Par ailleurs, des liens se tissent avec nombre de monas-tères féminins – entre autres Chelles, Faremoutiers ou Jouarre – auxquels toutun chapitre est consacré. La Révolution signa la fin de Cluny, où se trouvaientencore quarante moines. En 1835, on proposa à Dom Guéranger, qui venait derelever Solesmes, d’acquérir à Cluny un vaste bâtiment qui avait échappé à ladémolition ; il n’en avait ni les moyens ni sans doute le désir, mais il demanda etobtint de Rome que sa jeune congrégation soit reconnue comme héritière decelle de Cluny. Et est-ce un hasard si Taizé se trouve à 10 km de Cluny ?

Ph. R.

◗Prières de ClunyDom Thierry BARBEAU318 pages, Seuil 2010, 16 €.

Ce livre vient compléter la vaste fresque historique que nous venons de pré-senter. Sous la direction du P. Thierry Barbeau, lui-même historien, plusieursmoines de Solesmes ont traduit et présenté ces « prières de Cluny ». Sous cetitre large, on trouve des prières, liturgiques ou privées, employées à Cluny,

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mais aussi des homélies pour des fêtes, des hymnes en l’honneur des saints, desexhortations et méditations. Ces prières et louanges se répartissent en quatresections : elles s’adressent au Christ dans ses mystères, à la Vierge Marie, auxsaints, ou elles suivent le fil du temps, c’est-à-dire le déroulement des jours etdes heures. Nous avons particulièrement apprécié ces prières de la liturgie desheures, extraites d’un bréviaire clunisien d’été du XIe siècle, qui sans cesse seréfèrent à la lumière, et demandent à Dieu, « vraie lumière et créateur de lalumière, de repousser loin de nous les ténèbres des vices pour nous faire brillerde la lumière des vertus » (p. 267). Ces moines, qui vivent à la campagne etignorent la lumière électrique, sont très sensibles au déroulement des heures etdes saisons, sensibles également au déroulement de l’année liturgique qui lesramène régulièrement aux mystères du Christ et aux fêtes de la Vierge et dessaints. Il est certainement exact de dire que « la spiritualité des moines de Clunyest celle de la victoire du Christ » (p.108).

Ph. R.

◗Des Paraboles au MystèreSœur MARIE-BONIFACE60 pages, Librairie des Bénédictines de Vanves 2009, 20 €.

Il vaut la peine de faire connaître ce bel album, qui nourrit la contemplation.En 1954, Sœur Marie-Boniface, des Bénédictines de Vanves, est envoyée auVietnam avec quatre autres Sœurs pour s’occuper de la formation des jeunesfilles d’une ethnie montagnarde pas encore christianisée. Elle raconte les scènesde l’Évangile à ces catéchumènes, qui ensuite les dessinent, et en s’inspirant deleurs dessins elle élabore tout un Évangéliaire. Après vingt ans au Vietnam elleest expulsée, et passe neuf ans à Madagascar où elle continue à peindre. C’estune partie de ce travail accompli en deux cultures différentes qui figure dans cetalbum.

Les scènes évangéliques, appelées ici Mystères, sont précédées de sept Para-boles illustrées dans le même style : les personnages ont de longues mainsexpressives, des yeux grands ouverts auxquels rien n’échappe, des gestes amplesqui invitent à l’échange. A leur exemple, on ouvre de grands yeux, et oncontemple inlassablement : on contemple par exemple le Christ qui, plongédans le Jourdain pour être baptisé par Jean, serre dans ses bras cinq petits caté-chumènes tout joyeux. Les scènes reprises de l’Évangile sont accompagnées depoèmes, discrets et profonds, qu’elles ont inspirés au P. Michel Jondot, prêtrede Nanterre, qui a trouvé le ton juste. Voilà un album dont on ne se sépareraplus, mais que l’on voudra aussi offrir en cadeau.

Ph. R.

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RAPPEL À PROPOS DE NOS ANNONCES• Nos petites annonces étant un service gratuit, tout particulièrement

utile aux communautés, elles sont réservées à nos abonnés.• Le comité de rédaction se réserve la liberté, selon son expérience, de ne

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communautés sur la nécessité de veiller elles-mêmes aux références descandidats, la publication de l’annonce ne constituant pas une garantiesuffisante.

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Frère Chr is tophe Lebreton, moine martyr de T ibhir ine.