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1 PMI 30 mars 2018, HEGP, Paris Les 9 dossiers Vendredi 30 mars 2018 à l’HEGP Ne ratez pas cette grande mode ! Le dossier des services Un homme de 63 ans était adressé en consultation de médecine interne pour bilan d’altération de l’état général avec perte de poids évoluant depuis près d’un an. Ses principaux antécédents se résumaient en une cardiomyopathie ischémique avec double pontage aorto-coronarien en 2001 et un tabagisme actif évalué à 22 paquets-années. Il vivait seul, n’avait pas d’enfants ni d’animaux et était ancien responsable de péages à la retraite. Il ne rapportait aucun séjour à l’étranger récent. Il ne prenait aucun traitement. Le patient signalait un amaigrissement progressif de 17 kg depuis le milieu de l’année 2016, soit une perte pondérale involontaire de 20% de sa masse corporelle en un an. Dans le cadre du bilan diagnostique, son médecin traitant lui avait fait réaliser une échographie abdominale complétée par un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP), qui avaient retrouvé de nombreuses adénopathies mésentériques à centre nécrotique avec une taille maximale supérieure à 2 cm. Ses plaintes somatiques se résumaient à une asthénie et à des douleurs abdominales chroniques mal systématisées. Il ne rapportait pas de fièvre ni de sueurs nocturnes et n’avait aucun trouble du transit. L’examen physique ne retrouvait pas d’hépato-splénomégalie, ni de masse palpable. Il n’y avait pas d’adénopathies périphériques. Le reste de l’examen était strictement normal.

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Les 9 dossiers Vendredi 30 mars 2018 à l’HEGP

Ne ratez pas cette grande mode !

Le dossier des services

Un homme de 63 ans était adressé en consultation de médecine interne pour bilan d’altération

de l’état général avec perte de poids évoluant depuis près d’un an. Ses principaux antécédents

se résumaient en une cardiomyopathie ischémique avec double pontage aorto-coronarien en

2001 et un tabagisme actif évalué à 22 paquets-années. Il vivait seul, n’avait pas d’enfants ni

d’animaux et était ancien responsable de péages à la retraite. Il ne rapportait aucun séjour à

l’étranger récent. Il ne prenait aucun traitement.

Le patient signalait un amaigrissement progressif de 17 kg depuis le milieu de l’année 2016,

soit une perte pondérale involontaire de 20% de sa masse corporelle en un an. Dans le cadre

du bilan diagnostique, son médecin traitant lui avait fait réaliser une échographie abdominale

complétée par un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP), qui avaient retrouvé de

nombreuses adénopathies mésentériques à centre nécrotique avec une taille maximale

supérieure à 2 cm.

Ses plaintes somatiques se résumaient à une asthénie et à des douleurs abdominales

chroniques mal systématisées. Il ne rapportait pas de fièvre ni de sueurs nocturnes et n’avait

aucun trouble du transit. L’examen physique ne retrouvait pas d’hépato-splénomégalie, ni de

masse palpable. Il n’y avait pas d’adénopathies périphériques. Le reste de l’examen était

strictement normal.

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Le bilan biologique ne montrait pas de syndrome inflammatoire (CRP <4 mg/L). La

numération sanguine était la suivante : leucocytes 8 G/L sans anomalie de la formule,

hémoglobine 11 g/dL avec VGM à 105 fL, plaquettes 498 G/L. La biologie rénale et

hépatique étaient normale, tout comme la TSH. La calcémie corrigée était à 2,15 mmol/L.

L’électrophorèse des protéines sériques ne révélait pas d’anomalie en dehors d’une

hypoprotidémie à 58 g/L avec hypoalbuminémie à 30 g/L. Les LDH étaient à 145 UI/L (N :

120-246) et la b2-microglobuline à 3,18 mg/L (N : 1,09-2,53). Les sérologies pour le VIH, le

VHB et le VHC étaient négatives. Le bilan immunologique était normal à l’exception

d’anticorps antinucléaires positifs au 1/320e isolés (ANCA, anticorps anti-antigènes nucléaires

solubles, anticorps anti-ADN natif, sous-classes d’IgG, complément total et fractions C3/C4

normaux).

Un TEP-scanner était réalisé, et ne mettait pas en évidence de fixation pathologique au niveau

des adénopathies mésentériques mais un hypermétabolisme glucidique de l’intestin grêle dans

le flanc gauche. Un contrôle du scanner TAP à 5 mois complété par une entéro-IRM

retrouvaient une coulée gangliono-tumorale mésentérique para-médiane gauche de

5´7´13 cm, sans anomalie viscérale ni argument pour une maladie inflammatoire chronique

de l’intestin (figure 1).

Une gastroscopie et une coloscopie montraient un aspect macroscopique normal. Les biopsies

digestives ne mettaient pas en évidence de malignité, mais uniquement une discrète

augmentation du nombre de lymphocytes intra-épithéliaux. La PCR Tropheryma whipplei

était négative, que ce soit sur le matériel biopsique, dans la salive ou dans les selles. Une

biopsie sous échographie d’une adénopathie mésentérique retrouvait une nécrose d’origine

indéterminée avec fibrose discrètement inflammatoire péri-nécrotique. La coloration de Ziehl

était négative. Une cœlioscopie exploratrice était finalement réalisée en octobre 2017. Les

constatations peropératoires faisaient état d’un aspect tumoral infiltrant avec un écoulement

trouble séreux après la biopsie. Le nouvel examen anatomo-pathologique était en faveur d’une

adiponécrose circonscrite, sans malignité. Les immunomarquages ALK et IgG4 étaient

négatifs. La culture standard et mycobactérie restait négative.

A ce stade, avec l’aide de confrères anatomo-pathologistes, un élément passé inaperçu à

l’imagerie allait confirmer le diagnostic.

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Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se répète… inlassablement.

Une femme, âgée de 32 ans, pensionnaire d’un foyer d’aide médicalisée, était hospitalisée en

neurologie le 5 juillet pour altération de l’état général avec troubles de la marche et de

l’élocution d’apparition progressive. Quatre mois auparavant, un bilan endocrinologique avait

été réalisé devant une aménorrhée évoluant depuis 1 an, associée à une prise de poids de 20

kg. Aucune cause n’avait été identifiée. Encore compréhensibles il y a un an, les

« grognements » habituels étaient devenus ininterprétables et il n’y avait plus de

communication depuis le mois de février. L’interrogatoire de l’entourage médical retrouvait

une récente dysphagie et une dysphonie dans les suites d’une laryngite aiguë.

L’électromyogramme n’avait révélé aucun signe de souffrance tronculaire plexique ou

radiculaire ni aucune anomalie de réponse aux différentes stimulations. Les antécédents

médicaux étaient marqués par une encéphalopathie congénitale et une double greffe cutanée

(thoracique et cervicale) après un accident domestique. Aucune intoxication tabagique ou

éthylique n’était rapportée. Le traitement habituel comprenait de l’hydrochlorothiazide-

spironolactone, de l’olanzapine, de la tropatépine, de l’oxazépam, de l’alprazolam et du

salbutamol. L’apparition des symptômes neurologiques coïncidait avec la récente introduction

de l’olanzapine, en relais de la rispéridone. Aucune autre thérapeutique n’avait récemment été

introduite et il n’y avait pas eu de contage infectieux récent.

L’examen physique initial trouvait des mouvements anormaux des quatre membres et

de la tête, fluctuants, ressemblant tantôt à des dyskinésies, tantôt à des myoclonies. Il

n’y avait pas de déficit moteur, de syndrome pyramidal ou de syndrome cérébelleux.

Les autres éléments notables étaient un strabisme divergent, une baisse du tonus

cervical avec une « tête tombante » et un ptosis bilatéral stable dans la journée. Il n’y

avait pas d’autre anomalie neurologique significative et en particulier pas de syndrome

méningé. L’auscultation cardio-pulmonaire était normale, il n’y avait pas de sans

signes fonctionnels digestifs, de lésions cutanées significatives, de douleur ou de

gonflement articulaire.

L’hémogramme mettait en évidence une hémoglobine à 9,4 g/dL avec un VGM à 76

fL, des leucocytes à 17 G/L, avec 13 G/L polynucléaires neutrophiles, des plaquettes à

560 G/L. La CRP était à 190 mg/L et la vitesse de sédimentation à 130 mm. Les

ASAT et ALAT étaient à 3 ´ N, les phosphatases alcalines à 1,5 ´ N et les gamma-GT

à 2 ´ N. Il n’y avait pas d’insuffisance rénale et la kaliémie était à 3,19 mmol/L.

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Le scanner thoraco-abdomino-pelvien montraient des adénomégalies médiastinales et

mésentériques d’aspect non spécifique. Les radiographies osseuses révélaient des

lésions compatibles avec des foyers fracturaires semi-récents. Le tracé électro-

encéphalographique était pauvre et l’IRM cérébrale normale. Une ponction lombaire

était réalisée sans difficulté malgré les mouvements anormaux : leucocytes à 7

éléments/mm3 avec une formule lymphocytaire, protéinorachie à 0,13 g/L,

glycorachie à 2,7 mmol/L (glycémie normale), examen direct et culture négatifs,

aucune cellule suspecte. Une myasthénie était éliminée par un test à la prostigmine

négatif et l’absence d’anticorps anti-acétylcholine.

Le syndrome inflammatoire régressait spontanément au bout d’une semaine avec une

CRP à 44 mg/L. Le 16 juillet, on notait une hyperthermie transitoire à 38,5°C. La

béta2 microglobuline, les LDH et les CPK étaient normales. L’électrophorèse des

protéines ne mettait pas en évidence d’anomalie des gammaglobulines, l’ECA était

normale (sans prise d’IEC) de même que la TSH, la recherche de protéinurie négative.

Les hémocultures étaient stériles, la sérologie VHC négative, la sérologie VHB en

faveur d’un profil vaccinal. Les sérologies Lyme, bartonellose et VIH étaient

négatives, les sérologie EBV et CMV en faveur d’une immunité ancienne. Le

Quantiféron® était négatif. La prolactine étaient normales. La recherche d’anticorps

anti-transglutaminase était négative. En immunofluorescence, les anticorps anti-

nucléaires étaient positifs à 1/160 mais sans spécificité (anticorps anti-ADN et anti-

ENA négatifs). La ferritinémie était normale.

Après un bref retour à son foyer, les investigations étaient poursuivies et la biopsie

ostéomédullaire montrait une moelle hyperplasique sans signe de lymphoprolifération.

Une fièvre apparaissait le 29 juillet après un épisode de vomissements. Dans

l’hypothèse d’une pneumopathie d’inhalation, la patiente recevait une première

antibiothérapie par amoxicilline-acide clavulanique puis en l’absence d’amélioration,

une association céfotaxime et métronidazole. La fièvre était contrôlée à 39°C le 2 août

mais la patiente était désormais bien éveillée et répondait aux ordres simples. Le tonus

cervical était également nettement amélioré. L’antibiothérapie était modifiée une

nouvelle fois le 7 août pour de la pipéracilline-tazobactam en raison de la persistance

de la fièvre. Le scanner de contrôle montrait une régression des adénomégalies

médiastinales et mésentériques. Quel(s) examen(s) complémentaire(s) auriez-vous

réalisé(s) ?

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La couturière était pressée

Une femme, âgée de 16 ans, était adressée en médecine interne en juillet 2017 pour une fièvre

associée à un gonflement des lèvres et des paupières. Cette patiente née en France ne

présentait pas d’antécédents particuliers. Collégienne, elle vivait chez ses parents. On ne lui

connaissait pas d’antécédents allergiques et elle ne prenait aucun médicament.

Elle avait consulté aux urgences d’un autre hôpital en mars 2017 pour la découverte

d’adénopathies cervicales sans autre signe associé. Des examens complémentaires en ville

avait été pratiqués : sérologies EBV, parvovirus B19 (infections anciennes), CMV, VIH et

VHB négatives, anticorps anti-nucléaires (AAN) à 1/160 mouchetés avec anticorps anti-ENA

et anti-ADN natif négatifs. On notait l’existence d’une hypergammaglobulinémie polyclonale

à 24 g/L. La patiente était perdue de vue, les adénopathies régressaient spontanément en une à

deux semaines.

Le 19 juin 2017, elle constatait l’apparition d’un œdème palpébral bilatéral avec une quasi

impossibilité d’ouvrir les yeux. Divers traitements anti-histaminiques oraux et topiques pour

une suspicion de conjonctivite allergique restaient sans efficacité. Un traitement par

amoxicilline était prescrit du 26 au 30 juin. Le 30 juin, apparaissait un premier pic fébrile à

40°C. Un médecin prescrivait de la prednisolone, 60 mg, pris une seule fois le 1er juillet.

L’amoxicilline était remplacée le même jour par de l’amoxicilline-acide clavulanique. Le 02

juillet, apparaissaient un œdème labial et une chéilite. Le 03 juillet, une suspension orale

d’amphotéricine B et divers collyres étaient prescrits. L’ensemble de ces traitements se

révélait inefficace.

Elle consultait aux urgences le 06 juillet et était transférée en médecine interne. A son arrivée,

la température était à 38,3°C. Il existait un gonflement palpébral bilatéral, un œdème des

lèvres avec chéilite et de discrètes lésions érosives de la face interne des joues. On retrouvait

des adénopathies centimétriques jugulo-carotidiennes, sus claviculaires et sous mandibulaires.

Les autres aires ganglionnaires étaient libres et le reste de l’examen sans particularité. Le

bilan biologique retrouvait : leucocytes à 1600/mm3 (polynucléaires neutrophiles 53 %,

lymphocytes 40 % avec quelques lymphocytes hyperbasophiles au frottis), hémoglobine 10,9

g/dL, VGM 80,9 fL, plaquettes 97000/mm3, fibrinogène 3,5 g/L, ionogramme sanguin

normal, urée 2,1 mmol/L, créatinine 55 µmol/L, CRP 107 mg/L, procalcitonine 1,18 µg/L,

bilan hépatique normal, LDH 2593 U/L, ferritine 1992 µg/L, bilan phospho-calcique normal.

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Le TCA était allongé à 1,6 ´ N. L’électrophorèse des protéines plasmatiques retrouvait une

hypergammaglobulinémie à 20 g/L et une hyper alpha1-globulinémie à 2,9 g/L. Les

sérologies VIH, VHB, VHC restaient négatives ainsi que les PCR CMV, parvovirus B19 et

EBV. Le Quantiféron® et la recherche d’herpès sur écouvillons buccaux étaient négatifs.

L’enzyme de conversion était à 59 UI/L (N < 52) et l’étude complète du complément était

normale (C3, C4, CH50, absence de déficit du C1 inhibiteur antigène et fonctionnel).

L’immunophénotypage lymphocytaire ne retrouvait pas d’anomalie phénotypique. Les AAN,

anti-ENA, anti-ADN natif et les ANCA étaient négatifs. Les anticorps anticardiolipine étaient

positifs en IgM à 27 UMPL (N< 20). Un myélogramme montrait une moelle riche avec de

nombreux macrophages et des images d’hémophagocytose. Un scanner thoraco-abdomino-

pelvien ne retrouvait pas d’anomalies. Une biopsie labiale était non contributive. Une

consultation ophtalmologique retrouvait une hémorragie sous-conjonctivale bilatérale et une

dacryoadénite. Un examen permettait d’expliquer les œdèmes des lèvres et des paupières, 8

jours après son admission.

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Un pépé pédagogue

L’histoire était celle d’un grand-père de 71 ans, logisticien retraité, aimant les plaisirs simples

de la vie tels que la lecture ou bien siroter un bon bourbon (exogénose active d’environ 160 g

d’alcool par jour) en se délectant d’une gitane (tabagisme actif estimé à 80 paquets-année),

malgré ses nombreuses comorbidités, dont une cardiopathie ischémique sévère évoluant

depuis 1999, ayant nécessité un triple pontage aorto-coronarien en 2013, puis la pose d’un

défibrillateur implantable en 2015 devant une fraction d’éjection ventriculaire gauche à 30%

associée à un bloc de branche gauche. Celle-ci s’était compliquée d’une explantation du

boitier. Parmi ses autres antécédents, on retrouvait une hypertension artérielle, une

dyslipidémie et une insuffisance rénale chronique probablement d’origine vasculaire

(créatininémie de base aux alentours de 200 µmol/L sans anomalie du sédiment urinaire),

compliquée d’une anémie normocytaire arégénérative ayant justifié l’introduction récente

d’érythropoïétine.

Lors de l’épisode actuel, le patient était initialement admis en cardiologie pour une

dyspnée secondaire à un énième épisode de décompensation cardiaque globale favorisé par

une anémie normocytaire à 6 g/dL sans saignement extériorisé. La prise en charge consistait

en un support transfusionnel, une déplétion par furosémide et la réalisation d’endoscopies

digestives retrouvant un saignement colique sur des angiodysplasies qui seront traitées par

laser argon. Devant une élévation de la créatininémie à 400 µmol/L, secondaire à un excès de

déplétion, le patient était transféré en soins intensifs de cardiologie à J3. On constatait alors

l’apparition d’un érythème bilatéral de cheville (photo n°1), fébrile, évoquant un érysipèle,

pour lequel un traitement par amoxicilline était débuté. Après 72h d’antibiothérapie, aucune

amélioration clinique n’était constatée et des nodules violacés, chauds et sensibles

apparaissaient sur les deux jambes (photo 2). L’antibiothérapie était élargie par céfotaxime et

métronidazole et le patient transféré en dermatologie.

A l’arrivée en dermatologie, le patient était altéré, fébrile à 38,4 °C. Outre les lésions

précédemment décrites, l’examen clinique mettait en évidence l’apparition de nodules

similaires sur les membres supérieurs, prédominant autour des coudes. L’examen

rhumatologique retrouvait des synovites du coude droit, du poignet droit, des deux genoux et

des deux chevilles. Le reste de l’examen révélait des télangiectasies du tronc, une loge de

défibrillateur non inflammatoire, l’absence de signe de surcharge et de souffle cardiaque, et

l’examen abdominal était sans particularité, notamment sans signe d’hypertension portale.

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Photos n° 1 (à gauche) et n°2 (à droite)

Le bilan biologique réalisé en urgence retrouvait un ionogramme sanguin normal, une

créatininémie à 177 µmol/L, une calcémie à 2,31 mmol/L, des protides à 66 g/L, une uricémie

à 284 µmol/L. Le bilan hépatique et les enzymes musculaires étainet normaux. Il existait un

syndrome inflammatoire avec une Protéine C-Réactive à 164 mg/L, accompagné d’une

hyperleucocytose (17,79 G/L) à prédominance de polynucléaires neutrophiles (PNN) (14,53

G/L). Après transfusion, l’hémoglobine était à 9,6 g/ et les plaquettes à 329 G/L. Les

hémocultures (y compris celles réalisées avant antibiothérapie) étaient en cours et la ponction

de genou retrouvait un liquide avec 50 éléments/mm3, sans cristaux, dont l’examen direct était

négatif. L’électrophorèse des protéines sériques retrouvait une albuminémie à 22 g/L avec des

alpha-1-globuline à 4,4 g/L. Le facteur rhumatoïde, les anticorps anti-peptides citrullinés et

anti-nucléaires étaient négatifs. Les anticorps anti-cytoplasme des PNN étaient à 1/40 en IFI

mais sans spécificité en ELISA. A ce stade, alors que s’achevait la 6ème journée

d’hospitalisation et que l’état clinique restait préoccupant, un prélèvement biologique simple

permettait de sortir de l’incertitude diagnostique sans attendre le résultat de l’histologie

cutanée.

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Le théorème de Pythagore face au lit

Une patiente de 35 ans était hospitalisée en médecine interne début novembre 2017 pour

anémie.

Dans ses antécédents, on notait un syndrome de Turner en mosaïque découvert lors d’un bilan

d’infertilité (projet de grossesse suivi en PMA), une notion d’otite, un léïomyome utérin opéré

en 2016 et une obésité ayant bénéficié d’une gastrectomie de type « sleeve » en 2015. Elle

n’avait aucune allergie connue. Dans ses antécédents familiaux, on retrouvait une anémie

chez trois sœurs (sans autre précision), de l’hypertension et un diabète de type 2 chez ses deux

parents.

Elle recevait un traitement par acide folique, poly-vitamines et oligo-éléments (AzincÒ),

estradiol per os, dexaméthasone, néomycine, thiomersal, polymyxine B (PolydexaÒ) en

instillation auriculaire.

Née au Burkina Faso, mariée avec un français, sans enfant, elle vivait en région parisienne

depuis 17 ans, où elle travaillait comme auxiliaire de vie. Issue d’une fratrie de cinq, elle

retournait souvent voir sa famille au Burkina Faso (rentré fin septembre 2017 de son dernier

voyage). Il n’existait aucune intoxication tabagique, éthylique, ni d’autre nature.

Mi-octobre 2017, la patiente présentait une anémie associée à une hyperthermie faisant porter

le diagnostic de premier accès palustre non compliquée à P. falciparum. Hospitalisée dans un

hôpital parisien, la parasitémie était à 2% à son admission. Elle était traitée par l’association

artéméther/luméfantrine (RiametÒ) per os. Devant la bonne évolution, la patiente rentrait à

domicile deux jours plus tard. Fin octobre, un épisode de cystite aiguë était traité par

ofloxacine per os. Début novembre, elle présentait des céphalées frontales associées à une

asthénie marquée, une dyspnée, un ictère conjonctival et des nausées sans vomissements. La

patiente ne rapportait ni fièvre, ni frissons. Un hémogramme révélait une anémie à 6 g/dL.

Elle était alors adressée aux urgences.

A son admission, la patiente était apyrétique. Son poids était de 105 kg pour 1,70 m (IMC :

36,3 kg/m²), la fréquence cardiaque à 73 battements par minute, la pression artérielle à

110/61 mm Hg, et la SpO2 à 100% sous O2 (2 L/mn). Elle était très asthénique, céphalalgique

et présentait une dyspnée d’effort. L’examen physique était sans particularité. Il n’existait pas

de syndrome méningé. Elle était adressée en médecine interne pour explorations et prise en

charge.

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L’hémogramme confirmait l’anémie à 5,1 g/dL (VGM 103,8 fL, réticulocytes 156 G/L), sans

atteinte des autres lignées. Le frottis sanguin était sans particularité, l’haptoglobine effondrée,

les LDH à 689 UI/L, le bilan hépatique était normal en dehors d’une bilirubinémie totale

36 µmol/L prédominant sur la libre (29 µmol/L). Le test diagnostique rapide du paludisme

(Palutop+4) était positif, mais la recherche de parasites sur le frottis et la goutte épaisse était

négative. Le test de Coombs était négatif. L’électrophorèse de l’hémoglobine était normale.

La sérologie parvovirus B19 était positive en IgG seulement.

L’évolution était marquée par une extrême lenteur de ré-ascension de l’hémoglobine et par

l’apparition de douleurs thoraciques avec un électrocardiogramme et un dosage des troponines

dans les normes. Une transfusion était envisagée pour améliorer la tolérance de l’anémie et

hâter la sortie pour rapprochement familial. Toutefois, la recherche d’agglutinines irrégulières

montrait une fixation aspécifique n’excluant pas l’existence d’un anticorps et le groupage

sanguin révélait un groupe rare. Dans ce contexte, il était décidé d’attendre un second avis du

centre de référence des groupages sanguins et des explorations secondaires. La patiente

réinterrogée réaffirmait l’absence de grossesse et de transfusion antérieure. La crise

réticulocytaire survenait à J7 suivie d’une augmentation de l’hémoglobine à J10 de son

hospitalisation avec parallèlement une diminution des stigmates biologiques d’hémolyse

(Figure 1). A sa sortie l’hémoglobine restait toutefois à 6,6 g/L.

A noter, au cours de son hospitalisation l’apparition d’un souffle cardiaque a priori

anorganique persistant, ne motivant pas d’échocardiographie transthoracique dans le

contexte ; une douleur du membre inférieur gauche avec gonalgie faisant réaliser une

échographie-Doppler veineuse des membres inférieurs, des radiographies des genoux, ainsi

qu’un dosage de l’acide urique qui se révélaient normaux.

Après deux semaines d’hospitalisation la patiente était transférée dans un hôpital parisien.

Elle était partie sans son diagnostic !

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Les IgG4 font un cou(p) tordu...

Un homme de 50 ans présentait une altération majeure de l’état général évoluant depuis 18

mois associée à une masse cervicale dure et douloureuse.

Il était célibataire et père d’un enfant, et au chômage depuis trois ans. Auparavant, il était

imprimeur, en contact avec l’encre, le papier, le métal, le vernis. Il rapportait une

toxicomanie, sevrée depuis 30 ans : codéine, injections intraveineuses d’héroïne et cocaïne

par voie nasale. Il existait un tabagisme actif estimé à 23 paquets-année. Son principal

antécédent était une infection par le virus de l’hépatite C découverte en 2017.

Il présentait depuis janvier 2016 une altération progressive de l’état général avec un

amaigrissement de 20 kg, sans anorexie, associée à l’apparition d’une tuméfaction cervicale

droite dure et douloureuse responsable d’un port de tête guindé et d’une déformation du cou,

avec parfois un écoulement séreux. Initialement s’y étaient associées des céphalées

transitoires et des douleurs fugaces au niveau du moignon des 2 bras. Il n’avait pas de sueurs

nocturnes, n’avait jamais eu de fièvre, mais il décrivait quelques épisodes de frissons. Il

signalait des régurgitations par le nez sans fausses routes.

Il était hospitalisé à plusieurs reprises dans différents services : médecine générale,

cancérologie, et service de pathologie infectieuse. L’examen clinique initial retrouvait une

masse cervicale douloureuse à la palpation et dure. Le reste de l’examen était sans

particularité.

Le bilan biologique retrouvait un syndrome inflammatoire marqué (CRP = 250 mg/L), avec

une hyperleucocytose à PNN.

Le TDM cervico-thoraco-abdomino-pelvien montrait un important épaississement des parties

molles pré vertébrales étendu au médiastin postérieur et moyen, associé à un aspect infiltré

des vertèbres C2 à D4, compatibles avec des lésions secondaires. A l’étage thoracique, on

observait des lésions nodulaires en lâcher de ballons (figure 1).

L’IRM retrouvait un hypersignal STIR et hypoT1 prenant le gadolinium de l’ensemble des

structures du rachis de C2 à D5. Il existait un hypersignal en plage de l’ensemble des plans

musculaires cervicaux, notamment à droite, associé à la présence d’une épidurite cervico-

dorsale étendue.

La ponction lombaire réalisée par la suite ne retrouvait pas de méningite ni

d’hyperprotéinorachie.

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Le TEP scanner montrait une volumineuse masse cervicale postérieure hétérogène, mal

limitée, intensément hypermétabolique (SUV max = 12,2). Les lésions pulmonaires et les

lésions osseuses fixaient faiblement. L’ensemble évoquait un sarcome.

La fibroscopie digestive était non contributive. La fibroscopie bronchique associée à des

biopsies bronchiques ne retrouvait pas d’argument pour une origine tumorale ni pour une

origine infectieuse à germes usuels ou à mycobactéries (culture et PCR BK négatives). De

nombreuses biopsies étaient réalisées.

La biopsie de la masse cervicale retrouvait la présence d’une pseudo tumeur inflammatoire

composée d’un infiltrat fibreux et inflammatoire polymorphe composés de PNN, de

plasmocytes à caractère polyclonal et d’histyocytes KP1 positifs, CD1a négatifs, pankératines

AE1/AE3 négatifs. Il n’y avait pas de cellules d’allure tumorale.

Une biopsie ganglionnaire cervicale retrouvait un infiltrat inflammatoire polymorphe avec des

plasmocytes, des macrophages, un aspect fibreux cicatriciel. On notait également sur les

différents prélèvements la présence de rares Propionibacterium, d’Actinomycetes, et de

quelques entérocoques considérés comme contamination. L’écoulement séreux intermittent

était stérile.

Le patient était hospitalisé en juillet 2017 pour la réalisation d’une nouvelle biopsie sous

vidéothoracoscopie. Il pesait alors 61 kg pour 178 cm (IMC = 19,3 kg/m2). L’examen

clinique était superposable.

Le bilan biologique montrait la persistance d’un syndrome inflammatoire (CRP = 167 mg/L,

GB = 34 G/L, PNN = 14 G/L), une hyper gammaglobulinémie polyclonale. Le dosage

pondéral sanguin des sous classes d’IgG retrouvait une augmentation des IgG4 à 2,25 g/L (N

< 0,870 g/L). La sérologie VIH était négative. Le TB spot était positif. L’ARN du virus de

l’hépatite C était détectable, avec une réplication virale majeure (charge virale à 7 log copies).

L’échographie abdominale ne retrouvait pas de nodule de CHC. Le foie était augmenté de

volume, à 18 cm.

De nouveaux prélèvements étaient réalisés : une biopsie pulmonaire (Wedge) retrouvait de

multiples granulomes épithélioïdes et ponctuellement giganto-cellulaires sans nécrose

caséeuse et disséminés de type pseudo miliaire. On observait la présence de nombreux PN

éosinophiles au sein des granulomes, compatible avec une pneumopathie d’hypersensibilité. Il

n’y avait pas d’argument pour une atteinte tuberculeuse ou une mycobactérie atypique.

La biopsie de la masse cervicale montrait d’intenses remaniements fibro-inflammatoires

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mutilants, ponctués d’assez nombreuses structures nerveuses hyperplasiques non tumorales et

d’un infiltrat inflammatoire parfois regroupé en petits ilots lymphoïdes, avec alors d’assez

nombreux petits plasmocytes. L’ensemble des lames était adressé en relecture en histologie

dans un laboratoire de référence, qui confirmait à la coloration HES la présence de territoires

de fibrose comportant un infiltrat lympho-plasmocytaire, des thromboses vasculaires

oblitérantes et une hyperplasie veineuse. L’immunohistochimie révèlait une augmentation

globale du taux des IgG dont une grande partie était faite d’IgG4. On dénombrait 80

plasmocytes IgG4 par champ au fort grossissement dans les hots spots (N < 50).

Le diagnostic de maladie à IgG4 était posé et une corticothérapie per os est initiée à la dose de

50 mg par jour (0,8 mg/kg/j) avec une décroissance progressive par palier.

A un mois, on observait une réponse clinique partielle avec une amélioration franche de l’état

général, une prise de poids de 6 kg (poids = 67 kg, IMC = 21 kg/m2), une diminution des

douleurs et un assouplissement de la masse cervicale, un peu moins importante. Sur le plan

biologique, on observait une diminution partielle du syndrome inflammatoire (CRP = 90

mg/L). Les IgG4 étaient normalisées. On concluait à une réponse insuffisante, et

l’intensification thérapeutique par l’introduction d’un immunosuppresseur était discutée,

nécessitant au préalable un traitement antiviral pour l’hépatite C fortement réplicative.

L’évolution était finalement défavorable, avec une recrudescence douloureuse et l’apparition

d’une tuméfaction thoracique antérieure gauche. Le patient était alors à nouveau hospitalisé à

3 mois du début de la corticothérapie, et à 3 semaines du début du traitement antiviral. Le

bilan biologique retrouvait une majoration du syndrome inflammatoire (CRP = 242 mg/L).

Un nouveau scanner cervico-thoraco-abdomino-pelvien décrivait une nette progression de

l’infiltration des parties molles paravertébrales en cervical et thoracique haut, atteignant à

présent le canal médullaire en regard, ainsi que l’apparition d’une tuméfaction pectorale

gauche (figure 2).

Un geste donnait la solution...

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Un fossoyeur qui reste de marbre

Un homme de 63 ans était adressé à la consultation de médecine interne par son étiopathe

avec ce courrier laconique : « Cher confrère (sic), merci de trouver ce dont souffre ce patient

afin que je puisse soigner sa capsulite rétractile de l'épaule gauche. Bien cordialement. »

Cet aveyronnais avait exercé les professions de plâtrier, marbrier puis dernièrement fossoyeur,

activité stoppée du fait de douleurs diffuses étiquetées fibromyalgie.

Dans ses antécédents on notait l’absence de tabagisme, un diabète tardif (il y a 3 ans) sous

sitagliptine, une hypertension artérielle ancienne sous nicardipine, une péritonite sur

appendicite suppurée.

Ce patient dynamique se plaignait de douleurs effectivement diffuses, depuis au moins 30 ans,

qui avaient commencé au décours d'un érysipèle de la jambe gauche. Il s'était blessé avec un

éclat métallique en creusant une tombe, la plaie s'était vite infectée et il avait passé une

semaine à l'hôpital sous antibiotique.

Des douleurs s'étaient installées insidieusement par la suite et un an après son érysipèle, il

était hospitalisé en médecine interne. Il se plaignait d’une grosse fatigabilité à l'effort, d’une

asthénie inhabituelle.

Le bilan retrouvait alors des CPK normales, un ionogramme (dont calcémie et phosphorémie)

normal, une créatininémie normale, une CRP négative, une vitesse de sédimentation

augmentée à 88 mm, une protidémie à 82 g/L (normale 78 g/L) en rapport avec un pic

monoclonal IgG lambda à 11 g/L. Il n'y avait pas de protéinurie de Bence Jones le

myélogramme retrouvait 7% de plasmocytes non dystrophiques, le scanner pan rachidien et

les radiographies des os longs ne montraient pas de géodes.

Les anti-inflammatoires soulageant un peu les douleurs le patient était adressé en

rhumatologie où le diagnostic de spondylarthropathie était initialement posé, devant un

marqueur HLA B27 positif, un flou de l’articulation sacro iliaque à la radiographie du bassin,

une distance doigt sol à 60 cm et des enthésites diffuses. À l'époque le bilan avait comporté

également une recherche d'anticorps anti-nucléaire, anti DNA, anti ECT, facteur rhumatoïde,

sérologie de Lyme, sérologies des hépatites B et C et sérologie VIH, recherches qui étaient

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toutes négatives. Seule était positive ancienne la sérologie de l'hépatite A. La lactacidémie

sous garrot n'était pas augmentée. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien était strictement

normal.

La sensibilité aux anti inflammatoires ayant été médiocre et courte, une corticothérapie était

essayée sans succès, et finalement devant l'échec d'un traitement bien mené par salazopyrine

le patient était confié au centre anti douleur. Les douleurs s'atténuant sous diazépam et

clonazépam, le diagnostic de fibromyalgie était retenu. Le patient était depuis surveillé par

son médecin généraliste. Son pic monoclonal était sur le dernier contrôle stable à 14 g/L, sans

protéinurie de Bence Jones, ni hypercalcémie, ni perturbation hématologique.

À l'examen il existait effectivement une raideur axiale importante, tous les points enthésiques

étaient sensibles, la percussion de la totalité du rachis et des os longs était douloureuse. Le

patient avait du mal à se hisser sur la pointe des pieds. Il se plaignait d'une dyspnée pour des

efforts modérés, sans oppression thoracique. Il avait depuis quelques années un syndrome de

Raynaud avec des doigts boudinés, une difficulté à fermer les poings. Son entourage avait

remarqué que sa voix était un peu plus soufflée, et qu'il entendait un peu moins bien. La

langue était épaisse avec l'empreinte des dents sur le côté. Il n'y avait aucun volume à la

palpation. La tension était à 17/8 aux deux bras. Les auscultations cardiaque et pulmonaire

étaient normales, il n'y avait pas de trouble du transit. Le patient était alors hospitalisé dans le

service.

L'électrocardiogramme était normal, l'ETT retrouvait un septum un peu brillant avec une

FEVG conservée, l'IRM cardiaque montrait une prise de contraste sous épicardique

relativement localisée dans le territoire inféro et latéro-basal du ventricule gauche, sans

remodelage ou altération de la fonction ventriculaire.

La scintigraphie osseuse était normale, sans fixation tibiale notamment. Le pet sc anner

montrait une hypercaptation diffuse des structures digestives, du grêle et du colon à mettre en

relation avec des interactions médicamenteuses par le traitement antidiabétique oral.

L'IRM de l'épaule gauche retrouvait une tendinopathie modérée du tendon du muscle sus-

épineux avec des plages en hypersignal T2, ainsi qu’une bursite sous acromiale.

L'audiogramme était en faveur d’une surdité de transmission très discrète bilatérale, le

scanner des rochers ne montrait pas d'otospongiose. L'endoscopie retrouvait une irritation des

cordes vocales secondaires à un reflux gastro œsophagien. Un nouveau myélogramme

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montrait toujours 7% de plasmocytes non dystrophiques et le caryotype médullaire était

normal. Les anticorps anti nucléaires étaient positifs à 1/160 de fluorescence mouchetée, les

anti DNA et les anti ECT étaient négatifs ainsi que le dot blot myosite. Il n'y avait pas de

déséquilibre des chaînes légères. La biopsie de glande salivaire était normale.

Un examen simple permettait de faire un diagnostic.

Avec le traitement le patient retrouvait le corps de ses vingt ans et l'IRM cardiaque se

normalisait. La prise en charge étiopathique fut alors possible.

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Une affreuse thymie pas typique Une femme âgée de 64 ans, consultait aux urgences pour douleurs épigastriques associées à

une altération de l’état général fébrile. Cette professeure d’anglais en pré-retraite, française

caucasienne originaire du département de l’Allier, sans antécédent notable, ne présentait pas

d’autre exposition qu’un tabagisme actif à 10 paquets-années.

Début octobre était rapidement survenu un tableau associant une asthénie fébrile (température

38,4°-38,6°C), et une douleur thoracique rétro-sternale en barre à type d’oppression

accompagnée de nausées, vomissements et sècheresse buccale. Le médecin de garde

ambulatoire, en présence d’un ECG normal, lui prescrivait de la morphine. L’échographie et

le scanner abdominal étaient sans particularité. Devant la persistance des troubles, elle

consultait aux urgences le premier novembre 2017. Il était alors constaté un amaigrissement

de 5 kg en un mois, sans autre anomalie clinique. Le bilan biologique de débrouillage mettait

en évidence une thrombopénie à 84 G/L, une cholestase anictérique à 5´N et un syndrome

inflammatoire (CRP à 271 mg/L).

A l’arrivée dans le service de médecine interne, elle pesait 56,2 kg pour 1,60 m (IMC

22 kg/m²), pour un poids de base à 61 kg. La pression artérielle était à 87/68 mm Hg, le pouls

à 97 battements par minute, la SpO2 à 93% en air ambiant et température à 37°C. Ses plaintes

principales étaient une intense fatigue avec anorexie, nausées et épigastralgies. L’examen

physique était peu remarquable, sans foyer infectieux, ni organomégalie. L’hémogramme

initial ne retrouvait qu’une thrombopénie isolée à 80 G/L qui passait à 8 G/L en 10 jours, et

une anémie arégénérative normocytaire (hémoglobine à 7,9 g/dL). Le bilan biologique

montrait : une fonction rénale conservée, sans anomalie du sédiment, une cholestase

anictérique avec des gGT à 3 fois la normale et des phosphatases alcalines à 5 fois la normale

sans cytolyse, un syndrome inflammatoire (CRP à 334 mg/L) et une procalcitoninémie à

2,11 ng/L. Les prélèvements bactériologiques (hémocultures répétées, ECBU, sérologies de

bactéries atypiques (dont fièvre Q, dépistage de maladie Whipple selles et salive) et

virologiques (VIH, VHB, VHC, VHA, VHE, HHV-6, HHV-8, érythrovirus B19, CMV, EBV)

étaient négatifs. Le bilan immunologique retrouvait des anticorps anti-nucléaires à 1/160e

avec des anticorps anti-SSA, un C3/C4/CH50 à 0,57 / 0,06 g/L / <13,8 U/mL. Les IgG4

étaient normaux, la recherche d’ANCA et de facteurs rhumatoïdes était négatifs. Il n’existait

pas d’Ig monoclonale (gammaglobulines totales normales à 9,8 g/L). Le scanner thoracique

ne retrouvait aucun foyer infectieux, mais une augmentation globale et symétrique de la taille

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du thymus sans caractère suspect, une adénomégalie hilaire droite de 12 mm de petit axe

associée à une pleurésie bilatérale et une ascite débutante avec œdème péri-portal.

Une biopsie ostéo-médullaire et une biopsie cutanée ne montraient aucune anomalie. Dans les

10 jours qui suivaient l’admission, apparaissait une prise de poids de 5 kg, quasiment sans

aucune prise alimentaire. La répétition de l’examen clinique permettait de trouver un élément

qui amenait à confirmer le diagnostic. Quel est-il ?

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Mince ! 1 PL, 2 IRM et 3 biopsies pour rien ? Un homme, âgé de 53 ans, écrivain, était hospitalisé en médecine interne en avril pour des

troubles de la marche d’apparition récente. Marié, il avait 2 enfants et était très sportif. Son

seul antécédent était une mydriase gauche séquellaire d’un accident de squash. Il habitait en

Ile de France et n’avait pas fait de voyage récemment. Il présentait depuis 5 jours des douleurs

musculaires diffuses et des troubles de la marche, associés à des cervicalgies et des nausées. A

l’examen physique, il était apyrétique et n’avait pas de défaillance hémodynamique.

L’examen cardio-respiratoire et abdominal était normal. L’examen cutané retrouvait un ictère

cutanéomuqueux franc. Le patient était obnubilé et relativement désinhibé avec une

familiarité excessive, sans désorientation temporo-spatiale. Il ne pouvait plus marcher en

raison d’un déficit moteur sévère des quatre membres (force motrice à 2/5). Il n’avait pas de

trouble de la sensibilité. Ses réflexes ostéo-tendineux étaient normaux. Les paires crâniennes

étaient normales. L’examen ne retrouvait pas d’arthrite ou de synovite.

La numération formule sanguine était la suivante : 11 700/mm3 leucocytes dont 11 100/mm3

polynucléaires neutrophiles, absence d’éosinophiles, 230/mm3 lymphocytes, hémoglobine

10,5 g/dL, VGM 84 fL, plaquettes 62 000/mm3. Le TP et TCK étaient normaux. La biochimie

sanguine retrouvait : natrémie 134 mmol/L, kaliémie 3,8 mmol/L, CO2 total 25 mmol/L,

protides 54 g/L, calcémie 1,98 mmol/L, phosphorémie 1,81 mmol/L, glycémie 7,2 mmol/L et

albuminémie 21 g/L, créatininémie 823 µmol/L, urée 39 mmol/L. Le bilan hépatique

montrait : ASAT : 664 UI/L, ALAT : 296 UI/L, PAL : 72 UI/L, gamma-GT : 50 UI/L,

bilirubine totale : 238 µmol/L. Les CPK étaient à 11 000 UI/L, la CRP à 365 mg/L.

L’électrophorèse de protéines sériques retrouvait une hyper alpha1-, alpha 2- et béta-

globulinémies et des gammaglobulines à 4,2 g/L. La TSH était à 0,79 mUI/L. Le bilan

immunologique (anticorps antinucléaires, ANCA, facteur rhumatoïde, complément) était

normal. On mettait en évidence une cryoglobuline de type 2. Les sérologies VIH, VHB, VHC,

CMV, EBV étaient négatives. L’ECBU retrouvait une leucocyturie aseptique et une hématurie

microscopique. La protéinurie était à 600 mg/g de créatininurie. Le myélogramme retrouvait

une moelle riche, hypergranuleuse, avec présence de mégacaryocytes, sans anomalie

surajoutée et le caryotype était normal. L’IRM cérébrale retrouvait un aspect de leucopathie

vasculaire. La ponction lombaire était normale (4 éléments, protéinorachie : 0,51 g/L).

L’échographie abdominale et des voies urinaires était normale. L’IRM musculaire montrait

une inflammation musculaire diffuse prédominant au niveau des vastes médiaux et des

adducteurs avec hypersignal T2 et prise de gadolinium.

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Une biopsie rénale trans-jugulaire ne retrouvait pas d’atteinte glomérulaire mais une néphrite

interstitielle très œdémateuse et des cellules inflammatoires à prédominance de polynucléaires

neutrophiles dégranulés. Réalisée dans le même temps, la biopsie hépatique montrait une

inflammation portale à prédominance de polynucléaires non éosinophiles avec cholangite.

Une biopsie musculaire retrouvait plusieurs fibres musculaires nécrosées et un infiltrat

inflammatoire majeur, diffus, composé essentiellement de polynucléaires non éosinophiles

(figure). Un autre examen permettait de faire le diagnostic.