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LES 37 PRATIQUES D’UN BODHISATTVA
Par Ngulchu Thogmé
Commentaire de Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoché
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LES 37 PRATIQUES D’UN BODHISATTVA Par Ngulchu Thogmé
Commentaire de Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoché
La structure de base de ce texte illustre le cheminement complet d’un bodhisattva en 43 strophes, c’est-‐à-‐dire une strophe pour chacune des 37 pratiques, 2 strophes au tout début et 4 à la fin. De façon traditionnelle, les 2 premières strophes expriment les hommages à la déité, personnification des qualités de l’éveil, et les raisons pour lesquelles ce texte a été écrit ainsi que l’engagement de l’auteur.
Le corps du texte est divisé en 3 parties ; la première explique les causes qui génèrent la bodhichitta (l’esprit d’éveil). L’entraînement de l’esprit d’un être de capacité supérieure est présenté dans la seconde partie du texte ; c’est le sujet principal qui explique comment engendrer la bodhichitta suprême. Dans cette partie, il y a 5 divisions principales qui donnent des conseils pour développer la bodhichitta et comment l’empêcher de dégénérer.
Premièrement, on doit réaliser l’égalité entre soi et autrui, et apprendre comment échanger son propre bonheur pour la souffrance d’autrui. Deuxièmement, le texte montre comment aborder toutes les situations de la vie mondaine, incluant les émotions conflictuelles et les vues erronées sur la voie, ou comment les intégrer dans notre propre pratique. La troisième division enseigne comment pratiquer les six perfections et la quatrième décrit comment travailler avec nos propres négativités et fautes. Finalement, il y a un résumé et une dédicace.
La troisième partie est la conclusion qui contient une récapitulation de l’objectif du texte, les raisons qui établissent son intégrité quant à la tradition des enseignements, la présentation d’une excuse pour les erreurs qui auraient pu s’être glissées et une dédicace.
En bref, Ngulchu Thogmé présente la structure entière du cheminement d’un bodhisattva : premièrement, la manière d'engendrer la bodhichitta dans notre
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courant d’esprit ; la manière de la maintenir, puis finalement comment développer pleinement cette bodhichitta jusqu’au niveau de l’éveil.
[Lorsque nous récitons les 37 pratiques comme pratique du dharma, il est recommandé de lire la strophe (a) sur la prosternation ainsi que tous les épilogues c à f (qui se trouvent après la pratique 37). Les commentaires de chacune des strophes doivent avoir été suffisamment lus pour apprendre et comprendre chaque pratique].
Aspiration de Khenpo Tsultrim Gyamtso Rinpoché
Puisse la vertu qui émerge du travail accompli à travers ce texte Contribuer à la libération et au bonheur de tous les êtres.
Commençons par développer une attitude d’éveil – l’état parfait de la bouddhéité que nous voulons atteindre pour le bien de tous les êtres en nombre aussi vaste que l’espace. Pour accomplir cet état, nous devons nous engager diligemment dans l’écoute, la réflexion et la méditation des enseignements authentiques. En général, la tradition du Mahayana contient deux types de pratiques : l’une qui purifie les obscurcissements de l’esprit ; l’autre qui développe la motivation réelle, la bonne attitude. La pratique consistant à purifier l’esprit des obscurcissements mentaux et des impuretés se fait par « les étapes progressives de la méditation sur la vacuité ». J’ai écrit un livre du même nom. Il s’agit des étapes progressives qui conduisent le méditant graduellement du relatif à l’ultime. Le présent texte concorde avec la dernière catégorie de pratique, celle qui développe la motivation.
Son titre traduit du tibétain est : Les Trente-sept pratiques du bodhisattva, un résumé de l’essence du cœur de la conduite d’un bodhisattva. Ce titre complet indique deux choses : premièrement que le texte est un condensé de tous les sutras du Mahayana ; dans ce texte on enseigne la conduite d’un bodhisattva. Deuxièmement, ce texte résume l’essence du cœur de la conduite d’un bodhisattva, pour lequel il y a trente-‐sept pratiques générales. En tibétain, le mot « pratique » signifie littéralement « intégrer l’expérience ». On peut donc intégrer directement les trente-‐sept pratiques à notre expérience.
Bien que Les Trente-sept pratiques d’un bodhisattva contiennent quelques strophes sur les étapes progressives de la méditation sur la vacuité, le texte explique principalement la méditation sur l’aspect relatif.
Le propos ici est d’aider notre motivation !
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Commencement du texte
(Les pratiques elles-‐mêmes sont écrites en gras italique et le commentaire qui suit chacune des strophes est en caractère normal.)
Hommage
La prosternation
NAMO LOKESHVARAYA !
Vous voyez que tous les phénomènes sont sans allée ni venue Et cependant vous oeuvrez uniquement pour le bien des êtres. Devant vous suprême Lama et protecteur Tchenrézi, Je me prosterne continuellement avec respect, par le corps, la parole et l'esprit. (a)
Namo Lokeshvaraya est une phrase sanskrite que nous utilisons en nous prosternant devant la déité tibétaine Tchenrézi, le Seigneur du monde. Tchenrézi (« vous ») est un être noble qui demeure sur les bhumis. Tchenrézi voit qu’au niveau absolu, aucun phénomène du samsara et du nirvana n’existe en sa propre essence. C’est pourquoi il réalise que les phénomènes ne surgissent ni ne cessent, ni ne vont et viennent. Bien que réalisant que les phénomènes n’ont pas de nature propre, Tchenrézi continue de travailler avec diligence pour le bien d’autrui. Il a abandonné l’attitude centrée sur lui-‐même et s’efforce pleinement de faire le bien des êtres.
Ngulchu Thogmé, l’auteur de ce texte, s’adresse à son maître par « suprême Lama » qu’il reconnaît comme étant inséparable du protecteur Tchenrézi. Il montre leur union en une même essence, en se prosternant continuellement devant son suprême Lama et protecteur Tchenrézi. Par « continuellement », Ngulchu Thogmé indique qu'à partir de maintenant jusqu’à ce qu’il atteigne l’éveil, par les trois portes du corps, de la parole et de l’esprit, il continuera sans cesse à se prosterner respectueusement.
Le bodhisattva Ngulchu Thogmé, qui a composé ce texte, était un être extraordinaire. Sa vie recèle d’histoires merveilleuses empreintes d’une grande bonté et de compassion. Je ne raconterai pas ici tous ces magnifiques épisodes, mais j’en choisirai un particulièrement significatif. Un jour qu’il faisait spécialement froid au Tibet et qu’il n’était encore qu’un petit garçon, les parents de Thogmé l’habillèrent chaudement et l’envoyèrent jouer dehors. Peu de temps après, ils virent leur fils dehors complètement nu. Répondant à leurs questions, Thogmé expliqua qu’il était arrivé devant une fourmilière et que les fourmis étaient en train de geler ; voulant les réchauffer et les protéger du froid, il couvrit la fourmilière de ses habits. Clairement, depuis son enfance, la bienveillance et la compassion de Thogmé étaient
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considérables, signe que dans une vie précédente il avait médité sur la bodhichitta. De même, si nous méditons énergiquement sur la bienveillance et la compassion dans cette vie-‐ci, nous pourrons nous aussi, dans une future vie, disposer des remarquables qualités de Thogmé dès notre tendre enfance.
Intention de l’auteur
Les parfaits Bouddhas, sources de bienfaits et de bonheur, Sont issus de l'accomplissement du Dharma authentique. Puisque cela dépend de la connaissance de la pratique, Les pratiques d'un bodhisattva seront exposées. (b)
Les bouddhas sont la source de bienfaits et de bonheur. Les bienfaits ont trait aux états temporaires du samsara. Pratiquer le dharma authentique nous aide temporairement, et nous empêche de renaître dans les mondes inférieurs, c’est-‐à-‐dire dans le monde des enfers, le monde des animaux, etc. En pratiquant le dharma, nous pouvons obtenir une précieuse renaissance humaine où nous pourrons à nouveau pratiquer le dharma.
Les bienfaits sont des conditions temporaires samsariques, tandis que le bonheur consiste en l’état ultime de libération et d’omniscience. Les bouddhas sont à l’origine des deux, notamment des bénéfices temporaires et du bonheur ultime.
Comment les bouddhas parfaits, source de tout bonheur et de tous bienfaits, naissent-‐ils ? De la pratique du dharma authentique. Pour nous aider à accomplir ce but, Thogmé a décrit les pratiques des bodhisattvas masculins et féminins.
Pratique 1
L’engagement
Possédant à présent un précieux corps humain, Ce grand navire, si difficile à obtenir, jour et nuit, sans relâche, Afin que tous les êtres et moi-même puissions franchir l'océan du samsara Écouter, réfléchir et méditer, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Ce précieux corps humain doté de ses huit libertés et de ses dix richesses est rare et difficile à obtenir. Tous les corps humains ne sont pas précieux, car ce ne sont pas tous les gens qui étudient le dharma. Un précieux corps humain signifie que l’on a une grande confiance dans le dharma, la sagesse qui permet d’analyser et de comprendre les enseignements du dharma, et la diligence et l’effort enthousiaste avec lequel nous les pratiquons. On compare le corps à un grand bateau capable de nous faire traverser de l’autre côté de l’océan du samsara, de l’autre côté de la
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souffrance de cette existence. Avec ce corps, nous pouvons atteindre la paix pour nous-‐mêmes et pour les autres, c’est ce qui est le plus important. Notre motivation est de faire traverser tous les êtres de l’autre côté de l’océan des trois mondes de l’existence.
Donc, nous promettons, jour et nuit, sans paresse ni distraction, que nous allons écouter, réfléchir et méditer sur le dharma authentique. Premièrement, nous écoutons, puis nous utilisons notre intelligence pour analyser ce que nous avons entendu – nous réfléchissons. Finalement, nous méditons sur ce que nous avons entendu et analysé. Voilà comment pratique un bodhisattva.
Dans le tibétain, on décrit « les libertés et les richesses » à propos du précieux corps humain, comme faisant référence aux huit libertés et aux dix richesses qui le composent. Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour expliquer ces facteurs, mais Jamgon Kongtrul Lodro Thayé les résume dans Le Flambeau de la certitude, et Gampopa en présente une explication détaillée dans Le Précieux Ornement de la libération.
Pratique 2
Se détacher de la passion, de l’agression et de l’ignorance
L'attachement envers les amis et les proches s'agite comme les flots, L'aversion envers les ennemis brûle comme le feu, L'obscurité de l'ignorance nous fait oublier ce qui est à adopter et à rejeter. Abandonner son pays d'attache, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Comme les vagues de l’océan qui se suivent l’une après l’autre, plus on est attiré par des amis, plus les passions augmentent. La base de cet attachement est que nous considérons les amis comme existant réellement. Lorsque le feu brûle, le combustible qui l’alimente se consume entièrement. De la même manière, l’aversion pour les ennemis est comme le feu qui consume notre esprit. Dans la saisie de l’attachement et de l’aversion, de la passion et de la haine, on oublie ce qui est à adopter et ce qui est à rejeter. On décrit cet oubli comme étant la noirceur de l’ignorance. Il y a deux façons d’abandonner son pays d’attache. L’une est de l’abandonner directement, juste faire sa valise et partir. L’autre est de renoncer à notre attachement au pays en ne le prenant pas comme existant réellement. Cette dernière façon est la plus importante. Le pays d’origine est appelé dans certains endroits le pays paternel, dans d’autres, le pays maternel. C’est le pays de notre naissance ou n’importe quel pays auquel nous sommes attachés. Ce n'est pas le pays comme tel qui nous lie, mais plutôt le fait de croire qu'il est réel. C’est pourquoi il est
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vraiment très important de savoir que le pays paternel, maternel ou pays natal n’existe pas réellement.
Gampopa est né dans un endroit appelé Dhagpo, où les circonstances pour sa pratique étaient si favorables qu’il y demeura, obtint de hautes réalisations et fut même nommé Dhagpo Rinpoché, ainsi était-‐il intimement lié à ce lieu. Bien que Gampopa resta là où il était né à cause des avantages pour sa pratique du dharma, il demeura sans attachement. Mais si notre pays d’origine ne nous offre pas les conditions favorables à la pratique du dharma, si c’est un endroit où sévissent disputes et conflits, alors il est conseillé de le quitter physiquement.
Pratique 3
S’en remettre à la solitude
Renoncer aux lieux néfastes et les émotions perturbatrices peu à peu diminuent, L'absence de distraction fait croître naturellement la pratique vertueuse, L'esprit clair fait naître la certitude envers le Dharma. S'en remettre à la solitude, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Les lieux néfastes sont des endroits où on ne peut pas du tout pratiquer le dharma, ou ce sont des lieux où les conditions défavorables font en sorte que l’on néglige la pratique. En renonçant à de tels endroits, les afflictions s’apaisent. Elles ne s’éliminent pas d’un seul coup, mais diminuent graduellement en commençant d’abord par les afflictions grossières, l’une après l’autre, ensuite par les plus subtiles. Lorsque vous êtes seuls dans un endroit isolé, les distractions causées par les objets extérieurs diminuent, alors que les activités vertueuses de la pratique du dharma authentique s’accroissent naturellement. La solitude clarifie l’esprit et aiguise la conscience. De cette clarté mentale naissent la certitude et la confiance profonde dans le dharma. Il est bon occasionnellement pour les bodhisattvas masculins et féminins de chercher la solitude.
Pour réduire les afflictions mentales, il est bénéfique autant pour le pratiquant débutant que pour le bodhisattva qui est encore un être ordinaire d’abandonner les lieux néfastes. Mais si on est un aryabodhisattva qui est entré au stade de bhumi, alors il n’est pas nécessaire d’abandonner les places négatives. Il est même préférable pour les bodhisattvas qui savent comment transformer les lieux néfastes en la voie, de rester dans de tels endroits.
Certains bodhisattvas prennent naissance dans des lieux où les conditions pour la pratique du dharma ne sont pas très bonnes. Pour que le dharma soit prospère dans ces contrées, ils n’abandonnent pas leur pays natal. Par exemple, Marpa, le traducteur, a voyagé en Inde trois fois. La première fois, il étudia en Inde durant
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douze ans, la deuxième fois durant six ans et la troisième fois, trois ans, soit vingt-‐et-‐un ans en tout. Il fit cela pour propager le bouddhisme dans son pays natal, une activité qui concordait avec les prédictions de Naropa à propos de Marpa. Cette prédiction disait que Marpa retournerait à Lhodrad, le pays de sa naissance, dans le but de répandre le dharma. C’est exactement ce qui arriva : Marpa fit en sorte que le dharma fut entendu, analysé et médité dans son propre pays. D’autres bodhisattvas abandonnent leur pays et vont ailleurs dans le monde pour le bien des autres. Par exemple, l’étudiant de Milarepa, Rechungpa, naquit loin de Lhassa. Mais comme Jetsun Milarepa l’avait prédit, Rechungpa alla à Yarlung, près de Lhassa, et construisit un monastère appelé Lharo Dolgyi Gompa, où beaucoup de personnes étudièrent et pratiquèrent le dharma. Le chemin de Rechungpa était à l’opposé de celui de Marpa, dans le sens qu’il quitta son pays pour le bien des êtres. Certains bodhisattvas sont capables de pratiquer le dharma précisément parce qu’ils ont perdu leur pays et toutes leurs possessions au profit de leurs ennemis. C’est le cas du Seigneur des yogis, Milarepa, qui fut privé de tout. Ces circonstances douloureuses l’ont amené au dharma. C’est pourquoi il attribua toutes les grandes actions de bienveillance à ses ennemis, car grâce à eux, il devint un pratiquant du dharma.
D’un point de vue ultime, Milarepa réalisa l’équanimité des amis et ennemis. D’un point de vue relatif, il développa le pur amour et la compassion pour tous les êtres, pour les amis autant que pour les ennemis. Le résultat de sa bodhichitta fut que même les pires ennemis de Milarepa devinrent ses disciples. Nous devons également méditer sur la bienveillance et la compassion pour tous les êtres, sans distinction. Peut-‐être pourrons-‐nous développer la bodhichitta en cette vie, peut-‐être pas. Sinon, il y a une bonne chance pour qu’elle émerge dans une future vie.
Pratique 4
Abandonner l’attachement à cette vie
Parents et amis de longue date seront séparés, Les biens amassés avec peine seront abandonnés, La conscience, telle une invitée, quitte l'hôtel du corps. Renoncer à cette vie, telle est la pratique d'un bodhisattva.
La mort va nous séparer de tous nos amis et parents, peu importe que nous les connaissions de longue date, peu importe la profondeur de nos liens. Si quelqu’un demandait : pourquoi est-‐il nécessaire de renoncer à l’attachement à cette vie ? La mort inévitable en est la première raison. La deuxième raison est qu’au moment de la mort, quelle que soit l’étendue de nos richesses, ou à quel point on a travaillé si fort pour les accumuler, toutes les possessions matérielles, tous les biens,
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absolument tout devra être abandonné. La troisième raison est que ce corps est une sorte d’hôtel dans lequel, la conscience mentale, l’esprit, demeure temporairement. Lorsque nous mourons, la conscience s’en va et le corps est mis dans un cercueil, puis est enterré ou brûlé. C’est pourquoi il n’y a aucun avantage à s’attacher à ce corps.
Pour ces trois raisons, la pratique d’un bodhisattva est de renoncer mentalement à cette vie. Cette attitude ne veut pas dire de l’abandonner réellement. Cela suggère de développer une attitude de renoncement. En réalisant que cette vie est juste comme un rêve et une illusion, vous pouvez abandonner l’attachement à celle-‐ci.
Au Tibet, il y avait quatre manières de se défaire des cadavres humains. La première était conforme avec le Vajrayana. Le corps était brûlé et une puja du feu, ou une cérémonie, était pratiquée pour éliminer les obscurcissements négatifs. La deuxième tradition était de jeter le corps à l’eau et de l’offrir aux poissons comme un acte de générosité. La troisième tradition, originaire de Chine, était d’enterrer le corps aussi vite que possible de façon à purifier le lieu où la personne avait trépassé, de sorte que cet endroit ne puisse pas nuire aux personnes vivant là. Selon cette tradition, lorsque quelqu’un mourait, un expert d’enterrement était immédiatement appelé pour déterminer l’emplacement le plus propice pour l’enterrement. En consultant ce spécialiste et en suivant minutieusement ses instructions, la famille pensait en recevoir les bienfaits plutôt que les effets nuisibles. La quatrième méthode était d’offrir le corps en nourriture aux vautours. Ceci était fait pour le bien des vautours, car ces oiseaux ne tuent pas pour manger ; ils dépendent de la charogne pour leur survie. L’offrande du corps aux vautours était également regardée comme un acte de générosité.
L’un des plus grands charniers du Tibet était à Sera Gompa, près de Lhassa. Ce charnier était si bondé que tous les jours les vautours avaient des corps à manger. C’est toujours comme ça. Si vous avez l’opportunité de visiter le Tibet, allez à Sera Gompa, regardez comment le corps est coupé en partie et comment les vautours viennent manger. C’est une bonne occasion pour méditer sur l’impermanence.
Le charnier de Drikung était si célèbre que les Tibétains apportaient leurs morts depuis très loin pour être consommés par les vautours de Drikung. Avant que les routes ne soient construites, les parents endeuillés plaçaient le corps sur un yak et pouvaient voyager durant quinze jours, parfois plus longtemps encore, pour atteindre Drikung. Sans se soucier des difficultés, les enfants considéraient qu’ils avaient disposé du corps de leur parent de manière propice en l’offrant aux vautours de Drikung. Aujourd’hui, une route et l’accessibilité aux voitures rendent le voyage plus facile.
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Pratique 5
Abandonner les amitiés néfastes
Si sous l'influence d'un ami, les trois poisons s'accroissent, L'écoute, la réflexion et la méditation se détériorent, Et l'amour et la compassion disparaissent, Se défaire de cet ami néfaste, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Si vous êtes une personne spéciale possédant des moyens habiles, vous pouvez transformer tous les poisons mentaux et les afflictions sur la voie. Ils peuvent servir de base à votre pratique. Mais si vous êtes une personne ordinaire et fréquentez des amis néfastes, alors vos trois poisons augmenteront. C’est la première raison pour laquelle il faut abandonner les amitiés néfastes. La deuxième raison est d’empêcher que les activités de l’écoute, de la réflexion et de la méditation dégénèrent. Et la troisième raison est que même si vous avez développé la bienveillance et la compassion, l’influence d’un ami malveillant peut perturber ces qualités positives et vous empêcher de les pratiquer. Voilà les trois raisons pour abandonner les fréquentations négatives.
Pour clarifier ce qu’on entend par « personne ordinaire » et par « personne spéciale », utilisons une analogie : considérons le montant d’excréments émis par les habitants d’une grande ville. Les êtres ordinaires sont dégoûtés par les fosses septiques et veulent s’en débarrasser. C’est sale, ça pue, ça amène des maladies. Mais le fermier est un être spécial content d’obtenir ce que personne ne veut. Son habileté lui permet d’utiliser ces excréments pour fertiliser ses champs et les rendre plus productifs afin que la récolte soit abondante. Ainsi voyez-‐vous, il y a deux attitudes à avoir face aux excréments et face à ce qu’on peut en faire.
C’est la même chose avec les cinq afflictions. Alors qu’un être ordinaire doit se débarrasser des afflictions, l’individu habile peut les utiliser sur la voie et les transformer en cinq sagesses. Par exemple, le Vajrayana enseigne une pratique appelée « méditation de la claire lumière » qui transforme les afflictions de l’obscurité mentale en clarté tout en dormant. Avec cette pratique, un Mahasiddha indien nommé Lawapa réalisa le Mahamudra en méditant dans son sommeil pendant douze ans au bord d’une rue très passante. Voilà comment amener l’obscurité mentale sur la voie. Si vous êtes un habile dormeur, alors la méditation de la claire lumière est la pratique idéale pour vous.
Pratique 6
Faire confiance à un ami spirituel
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En s'en remettant à un guide spirituel nos fautes déclinent, Et nos vertus s'épanouissent comme la lune montante, Chérir cet ami authentique, Plus encore que notre propre corps, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Un « guide spirituel » est un ami spirituel. Si vous faites confiance à un ami spirituel que vous respectez profondément, et que vos fautes, afflictions, karma négatif, souffrances, etc. diminuent, alors c’est un signe qu’il faut continuer à faire confiance à cet ami. Les « vertus » mentionnées ici font référence aux qualités des bhumis et aux qualités de la voie. Elles font également référence aux qualités qui se développent par l’écoute, la réflexion et la méditation. Si de telles vertus s’accroissent comment la lune montante, c’est aussi un signe de confiance envers une telle personne.
Si vous voyez qu’à cause de la relation avec un authentique ami spirituel vos afflictions diminuent et vos bonnes qualités augmentent, vous devriez considérer cet ami comme étant encore plus précieux que votre corps. La manière de s’en remettre à un ami spirituel est à l’exemple de Naropa envers Tilopa et du grand yogi Milarepa envers Marpa. Naropa a dû surmonter vingt-‐quatre épreuves, dont douze petites et douze grandes. Lisez aussi la vie de Milarepa, elle montre à quel point il s’est appuyé sur les instructions de son maître.
Pratique 7
Chercher refuge
Les dieux mondains, étant eux-mêmes enfermés Dans la prison du samsara, qui peuvent-ils protéger ? Pour cette raison, prendre refuge en les Trois Joyaux Qui ne peuvent nous décevoir, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Les dieux mondains comme Brahma, Ishvara, et Vishnu sont eux-‐mêmes prisonniers du samsara, enchaînés par les afflictions, le karma et la souffrance. Donc, ils n’ont pas les capacités nécessaires pour protéger les êtres. Pour trouver refuge, nous devons nous tourner vers de vrais protecteurs. Seuls les trois rares et suprêmes Joyaux, c’est-‐à-‐dire le Bouddha, le Dharma et la Sangha, sont capables de nous offrir un refuge. Ils sont rares parce qu’il est difficile de les trouver dans ce monde. Ils sont suprêmes parce qu’il n’y a pas de plus haute protection qui puisse être trouvée. La protection offerte par les trois rares et suprêmes Joyaux ne trompe pas. Ce n’est pas le cas de certains refuges qui nous laissent croire qu’ils nous protègent, mais qu’en fin de compte, ils ne le font pas ; ou encore que nous pensons qu’ils assureront notre protection quand finalement ils ne le peuvent pas. Du fait
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que seuls le Bouddha, le Dharma et la Sangha offrent une protection sans faille, la pratique d’un bodhisattva consiste à prendre refuge dans ces Trois Joyaux.
Dans les textes bouddhistes, les qualités des trois rares et suprêmes Joyaux sont expliquées encore et encore en grand détail. Dans un texte sur les sept points vajra intitulé : Mahayana Uttaratantra Shastra1, les trois premiers points concernent les qualités du Bouddha, du Dharma et de la Sangha. Je vous suggère de lire ce texte plusieurs fois pour bien le comprendre. En bref, quelles sont les qualités des trois rares et suprêmes Joyaux ? Il y a principalement deux qualités du Bouddha – la perfection de l’abandon et la perfection de la réalisation. La qualité du Dharma est le remède contre les afflictions, la souffrance et les apparences confuses. La qualité de la Sangha est l’amitié. La Sangha est la communauté des pratiquants qui nous aident à pratiquer le Dharma, ce sont les amis qui nous accompagnent sur le chemin du Dharma. Voilà une brève explication de toutes les qualités. Si nous pensons que le Dharma est livresque, quelque chose d'extérieur à nous-‐mêmes, nous nous trompons. Le Dharma authentique est le processus qui permet à notre esprit de reconnaître la sagesse de la vacuité et de l’absence de soi. Une telle sagesse transcende toutes les apparences confuses et les afflictions. Voilà le Dharma véritable ! C’est comme reconnaître un rêve pour ce qu’il est ; ainsi lorsque nous sommes en train de rêver, nous ne souffrons pas d’être brûlés par le feu ou de nous noyer au fond de l’eau. Le Dharma est le remède pour transcender nos afflictions et nos souffrances actuelles, car il nous permet de réaliser la vacuité et l’absence de soi.
Il y a deux sortes de refuge : relatif et absolu. Le refuge relatif émerge quand nous voyons que le samsara est par nature souffrance ; ayant compris cela, nous développons une entière confiance. Nous avons peur du samsara et cherchons un refuge pour nous en éloigner. Et qui est capable de nous protéger ? Seuls les trois rares et suprêmes Joyaux ont cette capacité. Quoi qu’il en soit, si nous prenons refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha de cette manière, c’est le refuge relatif. Pourquoi ? Parce que c’est un refuge basé sur des concepts ; cela implique des pensées. Le refuge ultime, par contraste, est la réalisation de la vacuité, l’absence de soi des personnes et des phénomènes. Si nous réalisons la vacuité, nous réalisons le refuge ultime. Quand surgit le refuge ultime, toutes nos afflictions et nos souffrances se libèrent d’elles-‐mêmes.
Pratique 8
Abandonner les actions négatives
1 Traduit en français par François Chenique et publié par les éditions Dervy sous le titre : Le Message du futur Bouddha. Voir aussi la traduction française en ligne d’Étienne Loyon : www.khenpo.fr
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Les souffrances des royaumes inférieurs si difficiles à supporter Sont le fruit d'actions négatives, telles sont les paroles du Bouddha. Pour cette raison, éviter les actions négatives Même au prix de sa propre vie, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Les êtres du monde des enfers souffrent de la chaleur et du froid extrêmes. Les fantômes affamés souffrent de la faim et de la soif. Les animaux souffrent de la stupidité. La souffrance n’est pas la création des dieux ou des démons et n’émerge pas sans cause ni condition. La souffrance est la conséquence inévitable d’actions négatives. C’est pourquoi il est préférable de mourir plutôt que de commettre de telles actions. À un niveau plus profond, la souffrance des mondes inférieurs n’est que l’apparence confuse qui découle des tendances habituelles. C’est la même chose que la souffrance dans un rêve. C’est pourquoi le Mahayana et le Vajrayana affirment que la souffrance n’existe pas réellement.
Pratique 9
Rechercher un état de libération immuable
Le bonheur des trois mondes est comme la rosée sur un brin d'herbe, En un seul instant, il s'évanouit, S'efforcer d'atteindre l'état suprême de libération immuable, Telle est la pratique d'un bodhisattva.
La référence des trois mondes peut être interprétée comme étant le monde souterrain où demeurent les nagas, la terre où vivent les humains et les animaux, et le ciel où demeurent les dieux. De même, ce terme peut être compris comme englobant les trois mondes : celui du désir, de la forme et du sans-‐forme. Quelle que soit l’interprétation, la nature du bonheur dans tous ces mondes est temporaire. Que ce soit le bonheur des dieux ou des humains, il est aussi éphémère qu’une goutte de rosée sur un brin d’herbe. Il disparaît en un instant. Puisque ce bonheur est impermanent et toujours changeant, nous avons besoin de rechercher un bonheur immuable, ce qui dans le bouddhisme correspond à l’état permanent de la libération. Un bouddhiste pratique le dharma pour atteindre un résultat. S’il n’y a pas de résultat, pourquoi se donner tant de peine pour pratiquer ? Le dharma décrit trois types de résultats. Le premier est d’entrer dans les mondes où il y a du bonheur ou de vivre dans un état heureux. Le deuxième est l’accomplissement de la libération. Le dernier est l’atteinte de la bouddhéité.
Il y a ceux qui pratiquent le dharma pour éviter la souffrance des renaissances dans les mondes des enfers, des êtres affamés ou des animaux. La peur des royaumes inférieurs les motive à faire des efforts pour obtenir une renaissance
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favorable en tant que dieu, ou dans le royaume d’une déité où ils peuvent continuer à pratiquer le dharma. Les personnes de cette catégorie peuvent aussi rechercher les bienfaits de la longévité pour avoir plus de temps pour pratiquer ou pour accumuler les moyens afin de pratiquer aisément. La motivation des pratiquants qui suivent le dharma pour ces raisons est considérée comme inférieure, car les résultats recherchés sont temporaires.
Une personne motivée par le désir de la libération atteint son but en comprenant que le samsara n’a pas d’essence. Puisqu’il n’a pas d’essence, il peut être totalement abandonné. La libération est le plus haut niveau que recherchent les shravakas et les pratyekabouddhas ; ce sont les pratiquants du Shravakayana. Un pratiquant qui cherche la libération réalise un niveau moyen de motivation.
Celui qui recherche la bouddhéité est doté de la suprême motivation – le désir d’atteindre l’éveil complet et parfait pour le bien de tous les êtres. La bouddhéité émerge en tant que résultat de la pratique du Mahayana, par laquelle on coupe la racine de l’existence grâce à l’intelligence supérieure qui réalise la vacuité. La pratique du Mahayana libère le pratiquant du samsara, et la grande compassion qui y est générée motive le bodhisattva à demeurer dans l’existence pour le bien de tous les êtres. Ceci est l’attitude du Mahayana, c’est sa suprême motivation. Dans son texte Le précieux ornement de la libération2, Gampopa parle de ces trois sortes de motivation : inférieure, médiane et suprême.
Pratique 10
Développer la bodhichitta
Si les mères qui m'ont aimé depuis des temps sans commencement Souffrent à présent, à quoi bon être heureux ? Afin de libérer les myriades d'êtres, Engendrer l'esprit d'éveil, telle est la pratique d'un bodhisattva.
On dit dans le Mahayana que tous les êtres ont déjà été notre mère, notre père ou notre ami. Il n'existe aucun être sans exception qui n'a pas été en relation avec chacun d'entre nous au cours de toutes nos vies antérieures. La mère est le plus souvent citée comme exemple à cause de ses actes inconditionnels de bonté. Qu’y a-‐t-‐il de bon à atteindre la libération pour notre propre et unique bien si nos mères continuent de pleurer à cause de leur souffrance dans le samsara ?
C’est pourquoi il est très bénéfique de méditer en visualisant notre mère, comme la personne qui nous a témoigné le plus de bonté, puis méditer sur tous les êtres 2 Traduction française aux éditions Padmakara.
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comme étant nos mères. Le bodhisattva, masculin ou féminin, s’applique à développer l’attitude d’éveil du Mahayana et travaille pour libérer tous les êtres. Selon le Mahayana, on doit développer l’attitude d’éveil, la suprême bodhichitta. Jusqu’à ce que la bodhichitta puisse émerger dans notre esprit, il nous faut d’abord avoir longtemps médité sur celle-‐ci. Les chapitres sur la bienveillance et la compassion dans Le Précieux Ornement de la libération de Gampopa peuvent aider et servir de guide. Je vous conseille de lire ces chapitres encore et encore, de méditer sur ces enseignements et de les pratiquer pour faire naître l’attitude authentique du Mahayana.
Pratique 11
Échanger le bonheur pour la souffrance
Le désir d'un bonheur égoïste est source de toute souffrance, L'esprit altruiste donne naissance aux Bouddhas parfaits. Échanger entièrement son propre bonheur Contre la souffrance d'autrui, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Qu’elle soit reliée à notre corps, à nos possessions, à nos amis ou ennemis, toute la souffrance sans exception naît du désir d’avoir du bonheur pour soi-‐même. La racine du désir d’un bonheur personnel est l’attachement à l’ego. Mais d’où viennent les parfaits bouddhas ? Les bouddhas naissent de l’intention de faire le bien d’autrui. Cette intention est enracinée dans la compassion, et si quelqu’un possède une telle compassion, celui-‐ci peut devenir un parfait bouddha. L’intention d’un bodhisattva est d’être bénéfique à autrui en échangeant entièrement son bonheur pour la souffrance des autres êtres. Le texte dit : « échanger entièrement » ; cela signifie que ce n’est pas simplement murmurer du bout des lèvres « J’échange mon bonheur pour ta souffrance ». Ce n’est pas non plus seulement une pensée ou une intention. Vous devez réellement être capables d’accomplir cet échange. Ainsi vous devenez un vrai bodhisattva.
Comment développer cette habileté pour faire cet échange ? En commençant les visualisations selon les instructions de tonglen, c'est-‐à-‐dire la pratique du donner-‐et-‐recevoir. Premièrement, à l’expiration, visualisez que vous donnez votre bonheur sous forme d’une lumière blanche pour le bien de tous les êtres ; puis à l’inspiration, visualisez que vous prenez sur vous leur souffrance sous forme d’une fumée noire qui sera purifiée parfaitement lorsqu’elle entrera dans votre cœur. Cette visualisation nécessite un entraînement. Une fois que vous vous êtes familiarisés avec la pratique du tonglen, que vous avez pratiqué pendant longtemps et que vous avez atteint les niveaux d’un bodhisattva, alors vous serez tout à fait capables d’échanger votre propre bonheur pour la souffrance d’autrui.
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Dans le texte, La Bodhicharyavatara, La Marche vers l’Éveil3, Shantideva fait beaucoup de prières d’aspirations pour échanger son propre bonheur contre la souffrance d’autrui. Au chapitre 3 en particulier, il y a plusieurs de ces aspirations. Une ligne dit : « Puissé-je devenir un serviteur pour ceux qui ont besoin d’un serviteur. »
En récitant une prière d’aspiration, vous souhaitez venir en aide à ceux qui en ont besoin. Vous vous abandonnez dans le but d’aider autrui. Ici, Shantideva désire devenir un serviteur pour ceux qui nécessitent un serviteur. Il ne prie pas « Puissé-‐je devenir le patron et donner des ordres aux autres. » Dans une prière d’aspiration, vous ne souhaitez pas votre propre bien-‐être. Si vous ne lisez pas entièrement le texte de Shantideva, étudiez au moins le troisième chapitre encore et encore pour vous aider à développer l’attitude juste.
En général, le Mahayana peut être divisé en deux catégories de pratique : la méditation sur la vacuité, qui est un remède contre les apparences confuses et les tendances habituelles parce qu’elle coupe la racine du samsara ; et la méditation sur la bodhichitta, parce qu’elle montre comment se comporter dans la vie quotidienne au niveau du monde relatif dans le samsara. Les trente-‐sept pratiques de Ngulchu Thogmé offrent des instructions concises et claires pour les deux catégories de méditation que nous pouvons appliquer exactement comme il les enseigne.
Ces trente-‐sept pratiques d’un bodhisattva sont aussi importantes dans le Vajrayana que dans le Mahayana, parce que si vous les appliquez correctement, votre pratique du Vajrayana s’approfondira et vous pourrez œuvrer pour le bien de nombreux êtres.
Parce que Ngulchu Thogmé était un bodhisattva accompli, il composa ces strophes pour qu’un être ordinaire puisse les comprendre. Mais simplement les comprendre n’est pas suffisant. Vous devez être convaincus. Même la conviction est insuffisante. Les pratiques doivent être appliquées et mises en oeuvre. Les lire une fois et dire « Oh, c’est facile ! Je comprends tout, » puis les mettre de côté n’apportera aucun bienfait. Vous devez les lire sans cesse, les mémoriser et vous efforcer de les mettre en pratique.
Pratique 12
Réagir avec compassion au vol
Si, animé d'un puissant désir, l'on dérobait Tous mes biens, ou incitait quelqu'un d'autre à le faire,
3 Traduction française aux éditions Padmakara.
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Leur dédier mon corps, mes richesses et Toutes les vertus des trois temps, telle est la pratique d'un bodhisattva.
La pratique de la bodhichitta et l’acte de dédicace vous offrent l’opportunité d’être bienfaisants envers le voleur, tout en étant bienfaisants avec vous-‐mêmes. Ainsi, ces pratiques vous permettent d’accumuler des mérites et vous conduisent de plus en plus vers la bouddhéité. La bienveillance et la compassion sont donc vraiment importantes.
Si quelqu’un vole tous vos biens et toutes vos richesses ou incite quelqu’un d’autre à le faire, pourquoi devriez-‐vous tout dédier à cette personne ? La raison de cette apparente contradiction est que parfois, dans une vie antérieure, ce voleur était votre parent. Le Mahayana considère qu'il y a une multitude de vies, où chaque être a été à un certain moment donné votre parent. Dans une vie passée, ce voleur vous a démontré une grande bonté. La compréhension de ce processus nous encourage à la compassion pour ce voleur, ce qui signifie qu’on ne développe pas de colère. La compassion nous rend capables de patience de sorte que nous pouvons tout lui dédier. Sans la bodhichitta, nous devenons simplement en colère.
Il y a beaucoup d’histoires à propos de personnes qui viennent au dharma parce qu’elles ont été blessées par les autres. Milarepa en est un bon exemple. Quand il était très jeune, sa tante et son oncle volèrent toutes les richesses et les propriétés de sa famille. À cause de cette expérience douloureuse et d’autres qui suivirent, Milarepa entreprit la pratique du dharma et conséquemment, développa de la gratitude envers sa parenté. Comme Milarepa, les pratiquants du Mahayana devraient considérer ceux qui leur font du mal comme des amis utiles à leur pratique du dharma. Il est facile de comprendre cette pratique d’un bodhisattva, mais l’appliquer, c’est autre chose. Quand quelqu’un vole tout ce que nous possédons, nous devenons enragés. C’est très difficile de ne pas l’être. Jamais nous ne pouvons pratiquer le dharma en étant fâchés. Nous ne pourrons pas développer de compassion envers le voleur. Tant que nous n’agissons pas conformément aux enseignements de cette strophe, nous ne suivons pas la pratique d’un bodhisattva. Nous devons réellement nous demander si nous sommes capables de le faire.
Pratique 13
Réagir avec compassion aux blessures
Si quelqu'un me coupait la tête, Bien que je sois exempt de la moindre faute, Avec compassion, prendre sur moi Toutes ses fautes, telle est la pratique d'un bodhisattva.
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Vous n’avez commis aucune faute, pourtant quelqu’un essaie sérieusement de vous faire du tort. Se faire couper la tête est l’ultime acte de violence, parce que c’est la fin de votre vie. Comment générer de la compassion face à quelqu’un qui essaie de nous tuer ? Comment maîtriser notre rage ? C'est par la compréhension que cette personne n’a pas analysé ses actes avec une connaissance supérieure. Cette personne manque de sagesse, elle est ignorante, affligée et confuse. Cet état d’esprit ténébreux conduit inévitablement à des actions négatives qui créent du karma négatif pour cette personne qui souhaite nous blesser. Alors on doit penser : « Je vois à quel point cette personne est dans un état pitoyable, et je veux générer de la compassion envers elle. Dans une vie précédente, elle était mon père ou ma mère, maintenant elle est perdue dans une telle ignorance et une telle confusion qu’elle veut me tuer. » Une pensée comme celle-‐ci peut être très efficace pour nourrir la compassion. Lorsque la compassion est pleinement manifeste, nous sommes capables de prendre sur nous les actes négatifs de la personne voulant attenter à notre vie. Et sur la base d’une grande compassion, nous pouvons prendre sur nous tous les actes négatifs que cette personne a déjà commis. En pratiquant tonglen, nous absorbons toutes ses négativités et nous lui envoyons toutes nos qualités positives, l’ennemi devenant notre ami dharmique et bienfaiteur qui fait croître le vaste entrepôt de mérites nécessaire dont nous avons besoin pour atteindre la bouddhéité.
Le Bouddha lui-‐même offre beaucoup d’exemples inspirants. Dans ses multiples vies en tant que Bodhisattva, l’Éveillé a souvent été tué, mais il voyait ses morts comme une opportunité d’accumuler du mérite et de développer une profonde compassion pour la personne qui prenait sa vie. Il amassa ainsi de grands mérites et dans sa dernière incarnation, il atteignit l’éveil. Quand quelqu’un essaie physiquement de nous faire du mal, la pratique est de méditer sur la patience pour soi-‐même et d’avoir de la compassion pour notre ennemi. Imaginez un enfant qui aime énormément sa mère. Soudainement, la mère devient folle et commence à le battre parce qu’elle est émotionnellement perturbée. L’affection de l’enfant permet à celui-‐ci de répondre à sa mère avec patience et compassion, et l’aide aussi à trouver un remède.
À partir de cet exemple, nous pouvons regarder quelqu’un qui essaie de nous nuire comme si c’était notre mère devenue folle, et notre attitude devrait aider. Ceux qui sont enclins à faire du tort, même à tuer, n’ont pas de contrôle sur leurs émotions. Possédés par la haine ou la rage, ils perdent le contrôle, frappent violemment ou même commettent un meurtre. Il y avait une fois un imprimeur de livres qui s’appelait Pharken Togden, ce qui signifie : « Celui qui a une grande réalisation ». En ce temps-‐là, les livres étaient imprimés grâce à des blocs de bois sur lesquels étaient gravées les lettres, et son nom devint « L’imprimeur doté d’une
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grande réalisation ». Il était un célèbre siddha avec beaucoup de qualités issues de la méditation. La façon dont Pharken Thogden vint à la pratique du dharma était plutôt inhabituelle. Un jour qu’il était en train de graver, sa mère fit une irruption inattendue et perturba sa concentration. Pharken Thogden devint si enragé qu’il perdit le contrôle et la frappa à la tête avec un bloc de bois jusqu’à ce qu’elle mourut. Recouvrant ses esprits et regardant avec horreur ce qu’il avait fait, il fut bouleversé et submergé par le chagrin.
Le remords de Pharken Thogden était si grand qu’il entreprit un long pèlerinage de toutes les places sacrées du Tibet, incluant le mont Kailash situé dans le Tibet oriental, très loin de sa maison ; c’était le plus loin qu’il put aller. Où qu’il allât, ce fils chagriné portait la tête de sa mère avec lui. Lama Pharken Togden endura beaucoup d’épreuves durant son pèlerinage. À la fin, il retourna à la maison et dédia le reste de sa vie à la pratique du dharma. Ainsi, il devint un être hautement réalisé possédant de multiples qualités particulières.
Cet exemple montre comment quelqu’un sans en avoir l’intention, peut perdre le contrôle, être emporté par la colère et commettre des actes terribles. Ainsi, les êtres qui font du mal aux autres n’ont pas de pouvoir sur eux-‐mêmes. À cause de l’ignorance, ils perdent le contrôle ; à cause de leur confusion, ils font du tort. En nous rappelant cela, nous développons une profonde compassion. Avez-‐vous déjà été si furieux que la colère vous a gardé éveillé et empêché de dormir au point de perturber votre esprit et de vous rendre malheureux le lendemain ? Peut-‐être ne pouviez-‐vous ni manger, ni vous concentrer, tellement vous vous sentiez irritable et accablé. Tout cela à cause de la colère. Maintenant, imaginez que la personne qui vous veut du mal ressente la même agitation : bouillonnante de colère, incapable de dormir, obsédée par la vengeance. À partir de votre propre expérience, vous pouvez être empathique et ressentir de la compassion pour quelqu’un dont la colère est la racine de sa souffrance. Dans L’Entraînement de l’esprit en sept points de Jamgon Kongtrul Lodro Thayé, on présente plusieurs méthodes sur la manière de prendre sur soi les actes négatifs d’autrui.
Pratique 14
Retourner des éloges pour les calomnies
Si quelqu'un répandait sur moi les pires calomnies, En les faisant résonner dans l'univers entier, L'esprit empli d'amour, décrire ses qualités en retour, Telle est la pratique d'un bodhisattva.
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Chacun de nous se pense très important. Lorsque quelqu’un blesse notre vanité en faisant circuler des mensonges peu élogieux à notre égard, nous le condamnons. Dans l’exemple de Thogmé, une personne injurieuse répand des infamies à travers l’univers entier. En tibétain le terme « univers entier » correspond à ce qu’on pourrait appeler le « tricosmos », ce qui signifie mille mondes puissance trois. Essayez d’imaginer mille univers, multipliés par mille, qui sont encore multipliés par mille. Cet espace est vraiment vaste ! Il y a d’innombrables tricosmos, un nombre vaste et incalculable de mondes. C’est pourquoi le texte utilise la métaphore d’un univers entier pour suggérer jusqu’à quel point les calomnies peuvent se répandre. Actuellement, par la télévision, la radio, les courriels et d’autres technologies, il est possible de faire circuler une rumeur scandaleuse à travers le globe. Mais c’est le plus loin qu’on peut aller.
Lorsque quelqu’un vous calomnie, que pouvez-‐vous faire ? La première réaction est de riposter, de dire à qui veut bien l’entendre à quel point cet individu est méprisable – ce qui n’est pas exactement la réponse d’un bodhisattva. Mais si, au lieu de réagir, vous pouvez faire l’éloge de cette personne avec amour et proclamer ses vertus, alors vous vous comportez comme un véritable bodhisattva.
Soyez également conscient qu’il est généralement préférable pour un pratiquant du dharma de rester dans l’ombre plutôt que d’être célèbre. Quand nous ne sommes pas trop connus, la fierté a moins l’occasion de prendre racine. Avoir moins de notoriété nous aide à développer l’aversion pour le samsara et nous mène au dharma. D’un autre côté, la célébrité et l’éminence peuvent générer tellement de fierté que notre conduite va en l’encontre du dharma. Nous commettons alors des actions négatives qui contredisent le chemin du Bouddha ou qui détruisent notre pratique. C’est important pour nous de savoir cela.
Si l’on pratique correctement, mais que nous pensons : « que je suis une bonne personne ! », « quelles belles qualités je possède ! », « que j’ai bon cœur ! », « que je suis chaleureux ou chaleureuse ! », toutes ces pensées sont de l’orgueil. Puis, lorsqu’une personne révèle à quel point on est quelqu’un de pitoyable, la surestimation de soi-‐même éclate au grand jour. C’est pourquoi notre diffamateur est en fait notre ami qui aide à dégonfler notre fierté, la véritable ennemie. Au lieu de nourrir la haine contre cette personne, il est plus approprié d’avoir de la gratitude.
Pratique 15
Réagir avec compassion à l’humiliation publique
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Au milieu d'une foule de gens, si quelqu'un Exposait mes défauts cachés et m'insultait, Considérer cette personne comme un maître spirituel Et m'incliner devant elle avec respect, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Cette strophe parle d’une personne abusive qui révèle publiquement nos fautes cachées et notre intimité. Comment réagir en tant que bodhisattva ? Une fois de plus, la première impulsion est d’user de représailles. Cependant, si nous réfrénons cette impulsion de façon à répondre objectivement à ces critiques, il se peut que nous réalisions qu’elles sont exactes ; que nous avons effectivement commis ces fautes. Les observer diminue notre fierté. En fait, notre agresseur nous donne une instruction comme le ferait un guru. Se faire pointer nos fautes nous amène à pratiquer l’humilité ; ce sont là des enseignements du dharma. Si nous avons un guru, il ou elle ne nous louange pas constamment. Ça ne ferait qu’accroître notre orgueil. Afin que nous demeurions humbles, le maître peut occasionnellement nous insulter ou même nous frapper. De même, nous pouvons considérer celui ou celle qui nous insulte publiquement au même titre qu’un ami spirituel, qu’un guru bienveillant qui réduit notre orgueil. Sur cette base, nous nous prosternons respectueusement devant cet individu. Si nous pouvons faire cela, nous nous conduisons comme un bodhisattva.
Au début de la vie de Milarepa, sa tante, son oncle ainsi que sa famille l’insultaient continuellement. Ces insultes l’ont aidé à développer un dégoût complet et à renoncer au samsara ; c’est ainsi qu’il put générer de la compassion envers sa cruelle parenté. Le renoncement et la compassion devinrent la pierre angulaire de l’immense force intérieure qui rendit le Jetsun capable de méditer pour le reste de sa vie. Un autre exemple concerne le traducteur, Vairochana et le grand pratiquant Namkhai Nyingpo, à l’époque où le Vajrayana était nouveau au Tibet. Lorsque les gens firent la connaissance de Vairochana et de Namkhai Nyingpo, ils jugèrent que tous deux étaient de dangereux pratiquants de magie noire, des hommes très mauvais. La rumeur se répandit si bien que tous deux durent s’exiler contre leur gré. Vairochana s’exila au Tibet oriental, là où les forêts sont si denses que personne ne peut survivre. Namkhai Nyingpo fut envoyé au loin dans le Sud, où les forêts sont aussi très épaisses et l’eau rare. Les deux pratiquants acceptèrent l’exil comme une opportunité de pratique solitaire, devinrent des méditants accomplis et atteignirent de hautes réalisations. Leurs histoires illustrent comment il est possible d’amener les mensonges perpétrés contre soi sur la voie du dharma.
Practice 16
Réagir avec compassion à l’ingratitude
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Si celui que j'ai choyé comme mon propre enfant Me considérait comme son ennemi, Comme une mère envers son enfant affligé par la maladie, Le chérir davantage, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Dans cet exemple, une mère chérit son enfant qu’elle nourrit depuis sa naissance. L’enfant devient malade, grincheux et pleure toute la nuit. Parce qu’elle chérit son enfant, elle ne perd pas son sang-‐froid. À la place, elle essaie de calmer et de soulager son bébé. En gardant cette analogie à l’esprit, imaginez que quelqu’un que nous avons aimé et nourri pendant plusieurs années se retourne contre nous sans aucune raison. Le défi d’un bodhisattva est de faire croître la compassion envers cette personne. Une réponse coléreuse n’est pas bénéfique et détruit l’activité d’un bodhisattva. Si quelqu’un qui nous est cher nous traite comme un ennemi et que nous pouvons encore pratiquer la bienveillance et la compassion, alors nous agissons comme un bodhisattva.
Rappelons-‐nous que la personne qui se conduit de manière si peu reconnaissante est incapable de voir notre bonté et nos bonnes intentions ; cela lui est impossible étant donné son état négatif. La situation ressemble au processus lorsqu’on observe une fleur. La lumière permet à l’individu de percevoir une fleur et d’en apprécier sa beauté. Sans lumière, la perception est impossible parce que les conditions ne sont pas réunies, les circonstances sont défavorables. Il en est de même lorsque quelqu’un qui nous est cher imagine que nous sommes son adversaire.
Un autre exemple est un enseignant soucieux qui désire que ses étudiants deviennent habiles et instruits. Cet enseignant impose un horaire exigeant qui demande de la discipline. Les étudiants doivent étudier diligemment, se conduire respectueusement dans la classe, etc. Alors les étudiants commencent à dire : « Oh, cet enseignant est terrible. Comme il nous fait souffrir ! On ne fait rien d’autre qu’étudier, étudier, et étudier encore. Il nous fait vraiment la vie dure. ! » Ils ne comprennent pas que ce travail va leur être bénéfique dans le futur. La colère et le ressentiment obscurcissent leur esprit et les circonstances négatives les aveuglent face aux qualités du professeur et de son enseignement. Ils perçoivent l’enseignant comme leur adversaire, même si celui-‐ci prend à cœur leur intérêt. Pour développer notre compassion, il suffit d’appliquer cet exemple aux individus dont les pensées négatives déforment leurs perceptions à notre égard.
Dans la lignée Shangpa Kagyu, il y avait une fois une très gentille dame qui n’était pas traitée convenablement. Cette dame, connue ultérieurement sous le nom de Sukhasiddhi, était mariée et mère de deux fils. La famille était très pauvre. Un jour, alors qu’elle était âgée de soixante ans, son mari et ses fils étaient sortis pour
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chercher de la nourriture. Il ne restait plus qu’un seul bol de riz à la maison. Alors qu’ils étaient loin de la maison, un mendiant mourant de faim frappa à sa porte et lui demanda à manger. Sa compassion était si grande, qu’aussitôt Sukhasiddhi fit cuire le riz et le donna au mendiant. Son mari et ses fils revinrent ce soir-‐là, épuisés et affamés. Ils n’avaient rien trouvé à manger et demandèrent à la mère de cuire le restant du riz. Lorsqu’elle leur dit qu’elle l’avait donné au mendiant, les hommes devinrent si enragés qu’ils la frappèrent, la tirèrent par les cheveux et la jetèrent hors de la maison en lui disant de ne pas revenir. Forcée d’abandonner son foyer et sa famille, elle rencontra de multiples difficultés. Sukhasiddhi rencontra alors un yogi accompli qui lui parla du dharma. Elle médita si bien que des siddhis apparurent, ce qui la transforma en une jeune fille de seize ans. Elle fut reconnue comme une grande yogini et obtint le corps d’arc-‐en-‐ciel à sa mort. Vous pouvez lire la biographie de Sukhasiddhi et étudier ses nombreux et profonds enseignements. En lisant la vie de Sukhasiddhi, on voit à quel point la colère de son mari et de ses fils l’aida sur la voie ; cet exemple illustre bien comment la colère des autres peut devenir bénéfique pour notre pratique du dharma. En bref, pour un bodhisattva doté d’une grande sagesse et d’une grande compassion, toutes les conditions, qu’elles soient négatives ou positives, peuvent être amenées sur la voie du dharma.
Pratique 17
Réagir avec compassion à la méchanceté
Si, poussée par l'orgueil, une personne Qui me soit inférieure ou égale, me traite avec mépris, Avec respect comme envers un maître, M'incliner devant elle, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Le mépris est un merveilleux remède contre l’orgueil. La louange fait l’effet opposé : au lieu de dégonfler l’orgueil, elle l’accroît. En fin de compte, lequel des deux est le plus bénéfique pour votre pratique ? Et pourquoi la louange suscite-‐t-‐elle la fierté, et le blâme, la frustration ? Pourquoi apprécions-‐nous la louange et rejetons-‐nous le blâme ? Lorsque nous analysons cette question avec notre intelligence, nous découvrons que tous deux, la louange et la frustration, sont des concepts qui découlent des pensées. Une fois que nous comprenons ce processus conceptuel, c’est facile de comprendre la vacuité.
Vous pouvez débuter comme un bon pratiquant du dharma, puis tout le monde commence à vous louanger. Le résultat ? Votre orgueil s’accroît. Vous ne voyez pas ce qui est en train d’arriver, donc vous n’employez pas de remède. Et puis ? Vous commencez à agir contre le dharma et à faire du tort aux autres. Mais lorsque les gens vous blâment et sont méprisables, alors naturellement votre orgueil est
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rabroué. En conséquence, le blâme est plus utile que la louange, et nous devons respecter ceux qui nous méprisent autant que nous vénérons notre guru.
Même un excellent étudiant doté d’un bon cœur et d’une bonne fortune peut succomber aux vues erronées. Par exemple, les dakinis prédirent que l’orgueil de Rechungpa, l’un des principaux disciples de Milarepa, serait un obstacle pour son développement spirituel. S’étant rendu deux fois en Inde, Rechungpa commença à penser : « Quel homme bien éduqué et grand érudit suis-‐je devenu ! ». Il se gonfla d’orgueil et s’imagina même l’égal de Milarepa. Ce dernier dompta l’orgueil de Rechungpa, et se mit à faire des miracles qui firent réaliser à son disciple à quel point son guru Milarepa était un yogi accompli. Vous pouvez lire des histoires de Rechungpa dans la biographie de Milarepa. De plus, Les Mille chants de Milarepa regorgent d’histoires de Rechungpa en montrant comment il a développé des vues erronées. L’une des principales est l’histoire de la corne de yak.
Pratique 18
Abandonner le découragement
Plongé dans la misère, sans cesse méprisé par les gens, Harcelé par les démons et affligé de maladies graves, Assumer la souffrance et les fautes de tous les êtres Sans ne jamais se décourager, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Vous ne possédez ni argent ni nourriture, et en plus de cette misère, vous vivez dans de pauvres conditions qui suscitent le mépris. Puis vous tombez malade. Au temps de Thogmé, vous auriez pu succomber à la lèpre, la plus incurable des maladies du Tibet de cette époque. (Aujourd’hui, la maladie est le cancer). Et par-‐dessus tout cela, votre esprit vous joue des tours et vous tourmente.
De telles difficultés se produisent dans nos vies et créent des souffrances intenses. Cependant, le texte nous dit ici que malgré tout, nous ne devons pas nous décourager. Non seulement nous devons endurer notre propre souffrance, mais nous devons aussi prendre sur nous la négativité et la souffrance de tout autre être en pratiquant tonglen. Ceci est la vraie pratique d’un bodhisattva. Si nous sommes sérieux à propos du dharma, alors la souffrance est préférable au bonheur. Le bonheur est une influence négative qui nous incite à ne pas pratiquer, alors que la souffrance est une amie qui toujours nous encourage à la pratique et aux études.
La nonne Phagmo Gelongma Palmo perdit ses bras à cause de la lèpre. Cette souffrance la motiva à pratiquer intensivement Chenrezi à mille bras. Après un certain temps, sa pratique la guérit de la lèpre. À la fin, elle atteignit les bhumis des bodhisattvas.
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Il n’y avait pas d’hôpital au Tibet pour soigner les maladies oculaires. Beaucoup de ceux qui sont devenus aveugles dévouèrent leur vie à la pratique du dharma, récitant le mantra de Mani. Il y a beaucoup d’histoires de gens qui recouvrèrent la vue après avoir pratiqué intensivement. La maladie était une aide qui les poussait sur la voie du dharma.
Au Tibet, lorsque les gens vieillissaient, ils restaient à la maison et récitaient le mantra de Mani toute la journée. Leur récitation était très bénéfique, car en pratiquant ainsi ils oubliaient toute leur souffrance. Même leurs enfants ne pensaient pas : « Oh, ces vieilles personnes restent là assises, ne faisant rien. » Ils appréciaient la pratique du dharma de leurs parents. Alors que les jeunes devaient travailler, les aînés passaient leur temps à réciter OM MANI PADME HUM ; c’était inspirant pour la famille entière et cela créait une atmosphère positive dans la maison.
Par les enseignements qui nous montrent comment transformer toutes les situations douloureuses, nous développons le courage mental. La lignée Kagyu fournit de nombreux exemples de ceux qui ont subi de grandes souffrances ou rencontré des circonstances défavorables, et qui ont tourné leur esprit vers le dharma. Gampopa, l’un des fondateurs des Kagyupas, renonça au samsara, se tourna vers le dharma et devint un grand siddha ; tout cela à cause de profondes douleurs qu’il a vécues dans sa vie. Il fut marié et eut un fils et une fille. D’abord son fils mourut, puis sa fille et ensuite sa femme. Parce qu’il perdit sa famille entière, Gampopa développa un tel renoncement inébranlable pour le samsara qu’il fit le vœu de consacrer le reste de sa vie au dharma. Par la suite, il devint le meilleur et le plus proche disciple de Milarepa et fut capable de faire le bien à un nombre infini d’êtres. Appelé Dakpo Rinpoché, selon le nom de son pays d’origine, Gampopa a fondé la lignée Dakpo Kagyu, qui se situe parmi les quatre grandes et huit petites lignées de la tradition Kagyu.
D’un autre côté, il y a toujours eu ceux qui ont pratiqué le dharma même sans avoir vécu d’expériences malheureuses ni rencontré de circonstances défavorables. C’est le signe qu’ils ont déjà été des pratiquants dans des vies précédentes et n’ont pas besoin maintenant de situations négatives pour les pousser sur le chemin. Ils manifestent une inclination naturelle à renoncer au samsara. Comme je l’ai mentionné auparavant, très jeune, Ngulchu Thogmé était déjà un grand pratiquant. Les yoginis, Machik Labdron et Yeshé Tsogyal, étaient aussi très avancées dès leur plus jeune âge. Dans leur enfance, ces trois individus avaient beaucoup de compassion et étaient des pratiquants engagés. Ils n'ont pas eu besoin de mauvaises circonstances pour les motiver, ce qui est un signe qu’ils avaient déjà été de grands pratiquants dans leurs vies précédentes.
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Pratique 19
Neutraliser l’arrogance
Bien qu'étant renommé, respecté de tous, Et aussi fortuné que le dieu de la richesse lui-même, Ne pas être arrogant mais concevoir la splendeur du samsara Comme dénuée d'essence, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Aujourd’hui, les journaux, la radio, la télévision peuvent rendre instantanément une personne célèbre dans le monde. Dans le passé, la célébrité était confinée au voisinage immédiat de la personne. Mais que ce soit à grande ou à petite échelle, la célébrité est impermanente : ça change, ça s’évanouit. En ce sens, Thogmé dit que la célébrité n’a pas d’essence. La richesse également n’a pas d’essence. Le texte parle ici de Vaishravana, le dieu de la richesse, qui est réputé être très riche et qui protège les richesses des autres. Mais même la richesse de Vaishravana est sans essence. Particulièrement de nos jours, les gens sont jugés selon leurs possessions. En plus, les riches ne sont pas heureux. La richesse est impermanente, sujette aux changements et est sans essence. Néanmoins les riches s’efforcent de maintenir et de faire progresser leur fortune. Donc, les riches souffrent. Alors que le riche souffre de la peur de la pauvreté, la vedette souffre de la peur d’être mise au rancart. Ces personnes éprouvent de la souffrance, bien qu’elles soient encore riches et célèbres, parce qu’elles ne reconnaissent pas que leur richesse et leur célébrité sont sans fondement, impermanentes et dénuées d’une véritable essence. L’Entraînement de l’esprit en sept points consacre un chapitre entier à l’impermanence.
Je ne parlerai pas davantage de cela, car c’est un phénomène directement observable. Regardez simplement les nouvelles à la télévision et voyez comment la célébrité et la notoriété se fanent, comment les riches perdent leurs fortunes et les pauvres deviennent riches. Tout autour de nous, l’impermanence est devenue beaucoup plus évidente que jamais. Les machines et la technologie font bouger les choses toujours de plus en plus vite. Les résultats ne sont pas toujours bénéfiques. Par exemple, dans le temps, il n’y avait pas une seule personne qui mourrait dans les airs. Maintenant, lorsqu’un avion prend feu et explose en vol, des centaines de personnes meurent instantanément. C’est le signe d’une impermanence accélérée. Même si vous reconnaissez facilement l’impermanence des phénomènes, vous devez toujours réfléchir en vue de l’appliquer dans votre propre vie.
Pratique 20
Maîtriser son esprit
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N'ayant point conquis ma colère, Tenter de vaincre les ennemis extérieurs multipliera seulement leur nombre. Muni de régiments d'amour et de compassion, Subjuguer mon propre esprit, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Généralement nous pensons que nous devons vaincre nos ennemis extérieurs. Si seulement nous pouvions nous en débarrasser, nous serions heureux, du moins c’est ce que nous pensons. Mais nous ne pouvons pas avoir le dessus sur tous nos adversaires, et quand nous essayons, leur nombre ne fait qu’augmenter. Au commencement nous en avons un, puis deux, puis des multitudes. Que faire alors ? La seule solution est d’apprivoiser notre colère, dompter notre esprit en pratiquant la bodhichitta. Armés de bienveillance et de compassion, naturellement, nous n’aurons plus d’ennemis extérieurs. Le grand Maître, le Bouddha, le Bhagavan, a dompté son esprit ; c’est pourquoi il l’a emporté contre les Maras qui essayaient de le distraire, alors qu’il était assis en méditation sous l’arbre de la bodhi à Bodhgaya. Le Bouddha était armé de la force du samadhi de la bienveillance, et les Maras ne pouvaient pas lui faire de mal. Le grand yogi Milarepa dompta l’ennemi de l’attachement à l’ego par la force de la sagesse qui réalise l’absence de soi. Et il conquit l’ennemi de la colère avec l’armée de la bodhichitta. Parce qu’il vainquit ses adversaires intérieurs de la saisie de l’ego et de la colère, il devint si habile, que même ses ennemis les plus acharnés devinrent ses disciples.
Pratique 21
Abandonner l’attachement aux plaisirs des sens
Les plaisirs sensoriels sont comme l'eau salée, Plus on en consomme, plus on en a soif. Renoncer immédiatement À tout ce qui fait naître l'attachement, telle est la pratique d'un bodhisattva.
En tibétain, le terme « pour le plaisir des sens » se rapporte spécifiquement à la beauté des formes, à la douceur des sons, aux odeurs attrayantes, aux saveurs délicieuses, aux objets agréables au toucher. Ce sont les cinq plaisirs des sens. Si vous les prenez comme étant réels, votre attachement envers eux et, par ce fait même, votre souffrance augmenteront. Comme de l’eau salée pour étancher la soif, plus vous en buvez, plus vous avez soif. De la même manière, il est nécessaire d’abandonner immédiatement tout ce qui fait naître l’attachement. Telle est la pratique d’un bodhisattva.
Il y a deux façons de renoncer aux objets des sens : l’un est de littéralement les abandonner, l’autre est d’abandonner notre attachement à ces objets. Milarepa
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abandonna tous les plaisirs des sens pour méditer en solitude. Il n’en avait pas besoin et ne les voulait pas. Marpa, d’un autre côté, abandonna seulement son attachement aux cinq plaisirs des sens. Il vécut une vie normale de maître de maison, jouissant de tous les plaisirs des sens. Bien qu’il exhaussait tous ses caprices, Marpa n’était attaché à rien, parce qu’il réalisait que tous les plaisirs sensoriels étaient un rêve, une illusion. Il était donc capable de renoncer complètement à leur attachement. En fait, Marpa mit les plaisirs sensoriels sur la voie, les utilisant en tant que pratique. Puis il y eut Gampopa, un moine. Gampopa décida d’adopter l’approche moitié-‐moitié. Il abandonna la moitié des objets sensoriels ; l’autre moitié, il comprit qu’elle était sans essence, pas plus qu’un rêve et qu’une illusion.
Pratique 22
Transcender les apparences dualistes
Tous les phénomènes apparents ne sont que notre propre esprit. De tout temps la vraie nature de l'esprit Est libre d'élaborations mentales. Sachant cela, Éviter de penser en termes de sujet et d'objet, telle est la pratique d'un bodhisattva.
La première phrase : « Tous les phénomènes apparents ne sont que notre propre esprit », s’accorde avec l’école de l’Esprit seul, qu’on appelle Chittamatra. Puis la phrase suivante : « La vraie nature de l’esprit est libre d’élaborations mentales » correspond à la deuxième école du Madhyamaka Rangtong, appelée Prasangika. Il y en a parmi vous qui ont peut-‐être étudié la vue et la méditation de ces écoles philosophiques. Sinon, ce n’est maintenant ni le moment ni l’endroit pour une profonde analyse. Bref, « les apparences duelles » font référence à ce qui est perçu et à celui qui perçoit. Le perçu est l’objet extérieur qui est perçu, et le percevant est l’esprit intérieur qui perçoit. L’objet perçu extérieur est simplement notre propre esprit, c’est-‐à-‐dire une apparence confuse et illusoire qui se manifeste à cause de nos tendances habituelles. C’est simplement comme un rêve dans lequel les objets semblent se manifester, quand en fait rien de ce qui apparaît n’a de véritable existence.
Si l’objet extérieur perçu n’est que l’apparence d’un rêve, alors que pouvons-‐nous dire à propos de l’esprit intérieur qui perçoit ? Le texte dit que l’esprit lui-‐même, qui est la vraie nature de l’esprit, transcende toutes les fabrications mentales et il en est ainsi depuis des temps sans commencement. Vous avez besoin de savoir cela. Si vous réalisez que les objets perçus n’existent pas réellement et que la nature véritable de l’esprit transcende toutes les fabrications mentales, vous pouvez
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abandonner l’attachement aux apparences dualistes. C’est à ce moment-‐là seulement que vous pourrez accomplir cette pratique d’un bodhisattva.
Pratique 23
Voir les objets agréables comme des arcs-en-ciel
Les objets agréables que l'on rencontre Sont comme des arcs-en-ciel en plein été. Ne pas les considérer réels malgré leur beauté Et renoncer à l'attachement, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Cette strophe utilise la forme de l’arc-‐en-‐ciel pour illustrer que, peu importe la beauté que prend une apparence, l’attachement à celle-‐ci doit être abandonné. Au-‐delà de ce que peuvent voir les yeux, cette première ligne « les objets agréables que l’on rencontre » inclut les quatre autres objets des sens : les sons agréables à l’oreille, les odeurs attrayantes pour le nez, les saveurs délicieuses pour la langue, et les objets doux au toucher. Les saisir comme étant réels doit également être abandonné. Tous les objets des sens sont comme des arcs-‐en-‐ciel qui, par leur beauté et leurs attraits, ne sont que de simples apparences sans essence. Si nous croyons le contraire, notre désir de s’approprier un objet désirable croîtra tout autant que notre souffrance. Une fois que l’on comprend que l’objet est vide d’essence, on peut en jouir sans attachement, sans souffrance. Qu’y a-‐t-‐il à abandonner ? Toutes les formes, sons, odeurs, saveurs et objets tactiles qui n’ont en fait pas de nature propre. Ils sont absolument vides d’essence. Donc, du point de vue de l’ultime, ils n’existent pas vraiment, bien qu’ils se manifestent comme de simples apparences. Cette apparente contradiction s’appelle apparence et vacuité inséparables. Pourquoi ne voyons-‐nous pas cette qualité universelle de l’inséparabilité des apparences et de la vacuité des phénomènes ? C’est parce que notre esprit est obscurci par l’idée que les phénomènes existent, et cette pensée recouvre leur vraie nature. Notre esprit est voilé par les concepts.
Toutes les apparences sont comme un rêve. Quand nous rêvons, les objets nous apparaissent clairement, mais lorsque nous analysons les apparences du rêve, nous voyons qu’elles n’existent pas en dehors de notre esprit. Malgré tout, elles se manifestent en tant qu’apparence et vacuité inséparables. Pendant que nous dormons, nous acceptons la réalité de nos rêves, car nous ne reconnaissons pas que nous sommes en train de rêver. Au réveil, nous comprenons que nos rêves n’étaient que des évènements mentaux, de simples apparences vues en rêve. Notre idée, ou concept, pensant que ces apparences étaient solides et réelles est erroné. Toutes les apparences de la vie sont comme ça : apparence et vacuité sont inséparables.
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Notre tâche est d’éliminer l’idée que les apparences existent vraiment et de nous libérer des obscurcissements conceptuels qui voilent la véritable manière d'être des choses. De cette façon, la nature vide des apparences se manifestera et notre vie deviendra détendue, ouverte et spacieuse. Sachant cela, notre jouissance des objets, peu importe l’objet désirable qui apparaît devant nous dans la vie éveillée, peut être sans souffrance, libre de toutes afflictions et émotions perturbatrices. Une fois que nous sommes capables de penser ainsi, c’est que nous avons réalisé la vingt-‐troisième pratique d’un bodhisattva.
Pratique 24
Voir les circonstances désagréables comme des illusions
Les diverses souffrances sont comme la mort d'un enfant en rêve, Croire à la réalité de ces apparences illusoires, quelle lassitude ! C'est pourquoi, percevoir la nature illusoire Des circonstances défavorables que l'on rencontre, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Chacune des diverses souffrances est similaire à l’expérience d’un enfant qui meurt en rêve. Nous avons tant de sortes de souffrances. Notre corps, nos possessions, nos ennemis, nos amis, nos parents, etc. peuvent tous nous causer du chagrin. Mais aucune de ces sources de douleur n'existe vraiment. Toutes sont des apparences illusoires, ce n’est rien d’autre que des rêves. Nous rêvons que nous avons donné naissance à un enfant qui est le centre de notre vie. L’enfant meurt ; nous sommes inconsolables. En réalité, il n’y a pas de raison de se lamenter, car personne n’est décédé. Nous avons éprouvé la mort en rêve. Notre douleur est un rêve, car la douleur émerge des apparences illusoires du rêve.
Toute souffrance est illusoire, comme la souffrance dans un rêve. Toutes les apparences sont illusoires et trompeuses, comme les apparences dans un rêve. La vie vous épuisera si vous ne reconnaissez pas cela. Donc, ne tenez pas les apparences illusoires comme étant réelles. Quels que soient les difficultés et les obstacles que vous rencontrez, reconnaissez qu’ils sont illusions.
Cependant, ce n’est pas suffisant de simplement penser « Oh, ce n’est qu’une illusion. » On doit être convaincu que c’est vraiment ça. Pour développer la conviction, analysez d’abord correctement pourquoi la situation et toutes les apparences sont illusoires. Ceci suppose d’appliquer à votre propre expérience les enseignements du Bouddha, c’est-‐à-‐dire que les apparences n’existent pas vraiment. Faites cela encore et encore. À la longue, vous développerez une ferme conviction que l’expérience de l’état de veille n’est pas différente de l’état de rêve. Puis, lorsque
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les circonstances difficiles surgiront, vous saurez qu’elles sont illusoires et vous serez capables de mettre en application la vraie pratique d’un bodhisattva.
[Les pratiques 25 à 30 parlent des six perfections, ou six paramitas.]
Pratique 25 – la première paramita
Donner généreusement
Si, afin d'atteindre l'éveil, il s'avère nécessaire d'offrir Jusqu'à son propre corps, que dire des biens extérieurs ! C'est pourquoi, pratiquer la générosité Sans attendre de rétribution ou de résultats, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Pourquoi la pratique de la générosité est-‐elle nécessaire ? Celui ou celle qui veut atteindre l’éveil doit être prêt(e) à faire l’ultime offrande de son corps tout comme l’a fait le Bouddha. Dans plusieurs de ses vies en tant que bodhisattva, le Maître donna son propre corps. Beaucoup d’autres bodhisattvas firent la même chose.
Si pour obtenir l’éveil, vous avez besoin d’être prêt à abandonner votre propre corps, alors quel besoin est-‐il de mentionner la simple offrande de vos possessions. C’est pourquoi, sans espoir d’être récompensé ou d’avoir un bénéfice karmique, vous devez donner généreusement et pratiquer tel un bodhisattva.
Pratique 26-‐ la deuxième paramita
Surveiller sa discipline
En l'absence de conduite éthique, réaliser son propre bien est impossible, Vouloir donc accomplir le bien d'autrui est une pure plaisanterie. Ainsi, tout en se détachant du cycle des existences, Maintenir sa conduite éthique, telle est la pratique d'un bodhisattva.
En général, il y a trois types de discipline : la première discipline consiste à abandonner toutes les fautes du corps, de la parole et de l’esprit. La deuxième porte sur l’accumulation de vertus. La troisième consiste à travailler pour le bien des êtres.
Ces disciplines sont appliquées aux trois véhicules comme suit : renoncer à nuire aux autres est la discipline du Shravakayana, agir pour le bien d’autrui est la discipline du Mahayana et développer l’habileté de voir toutes les apparences comme étant pures est la discipline du Vajrayana. Si, par manque de discipline, vous ne parvenez pas à accomplir la paix du nirvana qui se limite à votre propre personne, comment allez-‐vous être capables d’accomplir la bouddhéité pour le bien
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de tous les êtres ? La discipline pratiquée dans le but de s'assurer une renaissance favorable, par exemple, celle d'un dieu ou d'un humain, annulera tous les efforts faits en ce sens s'il reste le désir d'une existence mondaine. Les bodhisattvas, eux, pratiquent la discipline sans aucun attachement à l’existence mondaine.
Pratique 27-‐ la troisième paramita
Pratiquer la patience
Pour le bodhisattva qui aspire aux richesses de la vertu, Toute difficulté devient un trésor sans prix. Ainsi, cultiver la patience Sans ne jamais se mettre en colère, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Qu’est-‐ce que la patience ? La véritable définition de la patience est l’habileté mentale de demeurer imperturbable devant les conditions négatives. En ce qui a trait au dharma, cela veut dire être tolérant en face des difficultés. Les pratiquants devraient être capables de faire face à tous les obstacles qui surgissent lorsqu’ils pratiquent le dharma. Par exemple, les extrêmes de la chaleur ou du froid ne devraient pas influencer leur engagement à pratiquer. La paramita de la patience va plus loin : elle inclut le fait de ne pas être effrayé par la vacuité. La profonde nature des phénomènes est vacuité. En entendant parler de la vacuité, certaines personnes deviennent craintives. Elles pensent : « Si tout est vide, alors que puis-‐je faire ? Je suis si effrayée ! » Ainsi, la patience s’étend aussi à notre habileté à tolérer l’idée de la vacuité, c’est-‐à-‐dire la nature véritable de ce qui est.
Le Mahayanasutralankara décrit la patience comme ayant quatre qualités. La première est qu’elle pacifie la colère. La colère et la patience s’opposent de manière directe. Si vous êtes fâchés, vous n’êtes pas patients. Et si vous n’êtes pas patients, vous ne vous conduisez pas comme un bodhisattva. La deuxième qualité de la patience est qu’elle est dotée d’une sagesse primordiale non conceptuelle. Les bodhisattvas qui comprennent complètement ce point réalisent le non-‐soi des personnes et des phénomènes.
La troisième qualité de la patience, c’est qu’on en vient à aimer tous les êtres. Ce n’est pas le fait de dire : « Oh, j’aime tout le monde ! » Un bodhisattva, qui possède une patience inébranlable devant toute chose hostile ou blessante, porte une affection envers tous les êtres et peut apporter du bonheur partout. Cette habileté à procurer du bonheur à tous les êtres est un signe de perfection de la paramita de la patience.
Avec la perfection de la patience, qui est la quatrième qualité, on peut aider les autres à développer progressivement leur pratique du dharma. On appelle cette
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habileté : « faire progresser les êtres au moyen des trois véhicules. » En commençant avec le Shravakayana et en poursuivant avec le Mahayana et le Vajrayana, un bodhisattva guide les êtres tout au long de la voie, les aide à diminuer leurs afflictions et leurs souffrances, et leur permet d’accroître leur compassion et leur sagesse.
Milarepa avait de bonnes raisons d’être fâché contre sa tante qui lui avait tout volé. Mais en tant que pratiquant du dharma, il a exercé la patience. En fait, il a développé une patience totale. Après beaucoup d’années, Milarepa retourna chez lui, où il découvrit les ossements de sa mère et appris que sa sœur avait disparu. La maison familiale, malgré ses dommages, tenait encore debout et avait encore de la valeur. De plus, l’un de ses champs, bien que revenu à la nature sauvage, était fertile et avait aussi de la valeur. À cause de sa patience, Milarepa a pu donner à sa tante la maison et le champ, lui faisant ainsi plaisir, ce qui est la troisième qualité de la patience. En offrant toutes ses possessions à sa pire ennemie, Milarepa la rendit si heureuse qu’elle devint intéressée au dharma.
C’est ainsi qu’a surgi la quatrième qualité de la patience. Milarepa ne lui a pas dit : « Ma colère contre toi est justifiée, je ne vais donc pas t’enseigner le dharma. Tu es une mauvaise femme, tu es mon ennemie. » Au contraire, il donna des instructions à sa tante. La pratique de méditation de sa tante prit racine et se développa ; et à la fin elle devint une grande yogini. Ainsi la quatrième qualité de la patience, c’est l’habileté de faire fleurir le dharma chez les êtres et de les amener sur la voie.
Un autre incident dans la vie de Milarepa concerne un chasseur. Un jour, alors que celui-‐ci chassait, il surprit un daim et lança son chien féroce à sa poursuite. Le daim terrifié s’enfuit et arriva près de Milarepa qui méditait. Pour calmer sa frayeur, Milarepa lui chanta un chant, et le daim se coucha paisiblement à côté du Jetsun. Soudain le chien surgit. Frustré et enragé d’avoir perdu son gibier, il attaqua Milarepa. À nouveau, le Jetsun lui chanta un chant. Le chien fut pacifié et se coucha de l’autre côté du yogi. Finalement, le chasseur entra dans le décor. Voyant Milarepa flanqué d’un côté par le daim tranquille et de l’autre côté par le chien tout aussi tranquille, il cria : « Tu as utilisé de la magie noire pour calmer ces animaux ! » et il se prépara à tirer une flèche avec son arc sur Milarepa. Il repéra sa cible et alors qu’il s’apprêtait à tirer sa flèche, Milarepa l’interpella : « Arrête ! Tu auras encore assez de temps pour tirer ta flèche sur moi. D’abord, écoute mon chant. » Et ainsi il chanta un chant pour le chasseur, qui lui plut tellement, qu’il décida d’épargner la vie de Milarepa. Plus tard, il développa une grande confiance dans le dharma et devint un disciple de Milarepa.
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Cette histoire illustre les quatre qualités de la patience de Milarepa : pacifier la colère du chien et du chasseur est la première ; démontrer la sagesse non conceptuelle, la deuxième ; plaire au chasseur et apaiser sa colère par son chant est la troisième ; et inspirer la confiance du chasseur pour le dharma de manière à ce qu’il puisse recevoir de profondes instructions du Mahamudra et des six yogas de Naropa, est la quatrième qualité. C’est ainsi que la perfection de la patience de Milarepa, doué d’un esprit compatissant, transforma le potentiel d’un meurtrier en un disciple pratiquant le dharma. Quelle histoire inspirante en ce qui a trait à la vie de Milarepa !
Dans le Sutralankara, Maitreya décrit les quatre qualités de la patience comme suit :
La patience diminue tous les côtés opposés. Elle possède une sagesse primordiale non conceptuelle. Elle peut accomplir parfaitement tous les souhaits. Et elle fait progresser les êtres tout au long des trois véhicules.
Notez que les deux premières qualités nous concernent, et les deux suivantes concernent les autres et même nos ennemis que nous guidons vers le dharma en les aidant à améliorer leur pratique. En tant que pratiquant du Mahayana, rappelez-‐vous toujours que toute personne qui vous blesse démontre en fait une grande bonté ; et tout ce qui vous blesse devient un précieux trésor. C’est comme une personne pauvre qui creuse dans la terre et trouve de l’huile, de l’or, ou de l’argent et devient soudainement très riche. Du point de vue du Mahayana, peu importe la personne ou la chose qui nous heurte, c’est une opportunité de s’enrichir. Pourquoi ? Parce que pour obtenir une abondance de vertus on a besoin d’un antagoniste préjudiciable. Sans ennemi ou sans adversaire, comment pourrions-‐nous pratiquer la patience ? Le bodhisattva désire développer la vertu, le mérite, etc. Les ennemis sont en fait le préalable pour acquérir ces qualités, en cela, ils sont notre plus précieux trésor.
Pratique 28 – la quatrième paramita
Cultiver l’effort enthousiaste
Les shravakas et les pratyekabouddhas cherchent à accomplir leur intérêt personnel, Avec effort comme s'ils tentaient d'éteindre un feu sur leur tête. À leur instar, pratiquer l'effort enthousiaste, source de toute qualité, afin de faire le bien de tous les êtres, Telle est la pratique d'un bodhisattva.
Les shravakas et les pratyekabouddhas pratiquent pour leur propre libération ; ainsi ils ne prennent pas les vœux de bodhisattva ni ne développent une attitude
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d’éveil. Cependant, ils s’appliquent dans leur pratique avec autant d’effort que s’ils devaient éteindre un feu sur leur tête. Si votre tête était la proie des flammes, pouvez-‐vous imaginer à quelle vitesse vous laisseriez tout tomber pour éteindre le feu ? Il s’agit ici d’illustrer à quel point les shravakas et des pratyekabouddhas sont diligents et combien d’efforts ils mettent à pratiquer juste pour leur propre bénéfice.
Nous qui avons développé l’attitude d’éveil du Mahayana, nous devrions y mettre encore plus d’efforts. Nous devrions appliquer un effort enthousiaste, qui est la source des qualités positives pour le bien de tous les êtres. Voilà la pratique d’un bodhisattva. L’effort enthousiaste possède les quatre mêmes qualités que la patience. Pour mettre en application cette paramita selon la strophe de Maitreya, nous ne devons changer qu’une seule phrase :
L’effort enthousiaste diminue tous les côtés opposés. Il possède une sagesse primordiale non conceptuelle. Il peut accomplir parfaitement tous les souhaits. Et il fait progresser les êtres tout au long des trois véhicules.
Le joyeux effort surmonte son contraire, la paresse, et permet de nous engager avec enthousiasme dans le dharma. En utilisant la sagesse primordiale non conceptuelle dans la pratique de cette paramita, nous transcendons les concepts d’un sujet diligent, d’un objet de diligence, et d’une action diligente. En tant que modèle d’enthousiasme, Milarepa a plu à beaucoup d’êtres. En voyant sa diligence, ils développèrent la confiance en lui et dans le dharma ; la troisième qualité de l’effort joyeux est ainsi accomplie. Ayant gagné leur confiance, Milarepa leur donna des pratiques dharmiques et les aida à devenir des pratiquants matures. Aujourd’hui encore, son exemple nous inspire à suivre la voie. Nous lisons sa biographie, admirons sa diligence, et son exemple nous permet de progresser sur la voie. C’était un exemple de la quatrième qualité de l’effort enthousiaste.
Pratique 29 – la cinquième paramita
Atteindre la stabilité méditative
La vision supérieure reposant sur le calme mental Conquiert parfaitement les émotions perturbatrices. Sachant cela, cultiver le samadhi qui transcende Les quatre états méditatifs sans forme, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Parmi les trois mondes (du désir, de la forme et du sans forme), c’est le monde du sans forme qui est le plus élevé et qu’on atteint par le samadhi ou stabilité méditative. Le samadhi comporte quatre niveaux, notamment : l’espace infini, la conscience infinie, le néant complet (absolument rien) et le sommet de l’existence.
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Le plus élevé et le plus subtil de ces quatre niveaux, c’est le sommet de l’existence. Dans toutes les existences, dans tout le samsara, il n’y a pas d’état qui soit plus élevé. Mais peu importe la subtilité de ce sommet de l’existence, il n’en reste pas moins que cet état se situe dans les trois mondes. Pour conquérir les afflictions et transcender la souffrance, notre méditation doit aller au-‐delà de toutes les existences.
Transcender le samsara requiert une connaissance supérieure, la sagesse qui réalise le non-‐soi de tous les phénomènes. Comment se manifeste la connaissance supérieure ? Quand le vipashyana émerge de shamatha, les deux ne font plus qu’un. Cette union, connue sous le nom de samten, ou stabilité méditative, active la connaissance supérieure de notre samadhi. Cette cinquième paramita, samten, est la clé donnant accès à la sagesse qui réalise la vacuité. Par samten, nous conquerrons complètement les afflictions et les souffrances, et nous allons au-‐delà des quatre états du samadhi en transcendant toutes les existences. Nous sommes libérés du samsara. Par conséquent, la stabilité méditative est la pratique d’un bodhisattva. Voici les quatre qualités de la stabilité méditative selon Maitreya :
La méditation contemplative diminue tous les côtés opposés. Elle possède une sagesse primordiale non conceptuelle. Elle peut accomplir parfaitement tous les souhaits. Et elle fait progresser les êtres tout au long des trois véhicules.
Comment la stabilité méditative diminue-‐t-‐elle son contraire ? L’agitation et la torpeur, les opposés de samten, sont autant de fautes qui proportionnellement entravent notre méditation. Plus notre stabilité méditative est grande, moins ces fautes sont actives. En ce qui a trait à la méditation, la qualité de la sagesse primordiale non conceptuelle consiste au fait de ne pas considérer le méditant, l’objet de méditation et l’acte de méditer comme vraiment existant, car ils sont sans concept. De la stabilité méditative émerge la troisième qualité, celle d’accomplir tous les souhaits. Le méditant développe alors des qualités spéciales ainsi que la clairvoyance grâce auxquelles il peut accomplir des miracles pour plaire aux autres et les rendre heureux. Ces miracles inspirent les autres à faire confiance au dharma, stimulent leur intérêt pour la pratique et donnent aux bodhisattvas l’occasion de faire progresser les êtres à travers les trois véhicules, ce qui représente la quatrième qualité.
Milarepa avait atteint la perfection de la stabilité méditative. Il pouvait exaucer tous les souhaits et aider au développement des êtres tout au long des trois véhicules. Une fois, au cours de sa vie, trois grands érudits universitaires qui méprisaient Milarepa le mirent au défi lors d’un débat. Ces érudits pensaient que ce yogi manquait totalement de réalisation. Ayant accompli la cinquième paramita,
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c’est-‐à-‐dire la stabilité méditative, Milarepa pouvait faire des miracles. Il démontra ses habiletés à la grande surprise de ces érudits ; ceux-‐ci prirent conscience des qualités de Milarepa et devinrent heureux et joyeux. Ils apprirent de Milarepa ce qu’était le dharma authentique, puis développèrent la confiance en lui, et plus tard devinrent ses disciples. Grâce à Milarepa, ils progressèrent tout au long de la voie. Finalement, ils comptèrent parmi les meilleurs disciples de Milarepa. C’est ainsi qu’en accomplissant des miracles, Milarepa réalisa la troisième qualité, celle de faire plaisir aux êtres et de les rendre heureux. La quatrième qualité est celle qui consiste à faire progresser les êtres sur la voie. Voici le chant de Milarepa à propos des trois érudits :
Par sa connaissance et ses miracles, Milarepa combla les êtres de joie. Il amena même les érudits qui voulaient le vaincre dans les débats, À se développer par l’authentique mahamudra et les six yogas; C’est ainsi qu’ils devinrent ses principaux disciples. Comme c’est merveilleux !
Pratique 30 – la sixième paramita
Cultiver la connaissance supérieure non conceptuelle
En l'absence de la sagesse discriminante, les cinq paramitas Ne mèneront pas à l'état de parfait éveil. C'est pourquoi, cultiver la sagesse pourvue des moyens habiles, Et libre de la conceptualité des trois aspects, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Généralement, quand on pense à la connaissance, ce qui vient à l’esprit c’est la connaissance mondaine, celle qui nous rend capables de construire des automobiles, de fabriquer des ordinateurs ou de soigner des maladies. Ici, le texte parle d’une différente sorte de savoir, c’est-‐à-‐dire une connaissance supérieure qui transcende le monde. C’est la connaissance qui reconnaît l’absence de soi de l’individu et des phénomènes ; elle est en union avec les moyens habiles, c’est-‐à-‐dire la bienveillance et la compassion. Pour que la connaissance soit supérieure, elle doit transcender les concepts des trois sphères, c’est-‐à-‐dire quelqu’un qui pose une action, l’action elle-‐même et l’objet de l’action. Si nous avons mené à la perfection les cinq premières paramitas, mais que nous manquons de sagesse non conceptuelle en union avec la bodhichitta, il sera impossible d’atteindre l’éveil. On applique ici les quatre qualités de Maitreya à cette sixième paramita :
La connaissance supérieure diminue tous les côtés opposés. Elle possède une sagesse primordiale non conceptuelle. Elle peut accomplir parfaitement tous les souhaits. Et elle fait progresser les êtres tout au long des trois véhicules.
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La première qualité de cette connaissance supérieure diminue les vues fausses ou les vues erronées, telles que le déni des niveaux absolu et relatif de la réalité ; rejeter l’idée de vies passées et futures ; ou tenter de réfuter le karma, c’est-‐à-‐dire les causes et résultats. Ce sont des exemples de vues erronées et d’une mauvaise connaissance. Un autre type de vues fausses est d’utiliser les connaissances scientifiques pour nuire aux êtres.
Si nous avons perfectionné la connaissance supérieure, nous réalisons la nature véritable de notre esprit. Milarepa a dit : « Il n’y a pas de connaissance supérieure autre que celle de réaliser la nature véritable ». En d’autres mots, si nous réalisons la nature véritable, alors nous avons réalisé la paramita de la connaissance supérieure.
Pratique 31
Analyser ses illusions
Faute d'examiner mes propres erreurs, Il est possible qu'ayant l'aspect d'un pratiquant, j'agisse à l'encontre du Dharma. Ainsi, analyser sans cesse mes propres erreurs Et les éliminer, telle est la pratique d'un bodhisattva
Si vous désirez pratiquer correctement, il est nécessaire d’analyser votre confusion, vos illusions. Sinon, votre pratique ne sera qu’une façade, un masque derrière lequel vous agissez à l’encontre des enseignements.
Voici un épisode de la vie de Milarepa, en relation avec cette strophe. Un autre Geshé universitaire, du nom de Dalo, tenta de discréditer Milarepa en le défiant dans un débat public. Quand Dalo perdit le débat avec le Jetsun, cet érudit devint si enragé qu’il ramassa une main pleine de terre et la lança au visage de Milarepa. Voyant cet affront, son disciple Rechungpa perdit son calme et pensa : « Le dharma doit être respecté correctement. Un tel comportement n’est pas dharmique. Je dois défendre mon maître, mon guru. » Rechungpa, sans réfléchir, saisit un bâton et était sur le point de frapper Dalo quand Milarepa intervint : « Attends une minute ! Calme-‐toi et médite sur la patience ! » Et il chanta ce chant :
« Rechungpa, s’il te plaît, pratique la patience, sinon tu vas transgresser le dharma. »
Lorsqu’il entendit le chant de son guru, Rechungpa réalisa qu’il était en train de réagir à la colère et de briser ses vœux de bodhisattva. Vous pouvez voir que tous deux, l’érudit et le disciple, étaient eux-‐mêmes victimes d’illusions en pensant qu’ils pratiquaient le dharma, alors qu’ils étaient plutôt en train d’enfreindre les enseignements. L’érudit était un moine et pourtant il se mit en colère en lançant de
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la terre à Milarepa. Rechungpa était un yogi pratiquant et malgré cela, sous l’effet de la colère, il était prêt à frapper cet érudit avec un bâton. Les deux hommes montrèrent des façades de pratiquants dharmiques, mais à cause de leur propre méprise, ils violèrent leurs préceptes.
Cette histoire montre à quel point il est important de continuellement analyser votre corps, votre parole et votre esprit pour reconnaître les signes de confusion. Ayant analysé vos erreurs, vous devez y renoncer. Voilà ce qu’est la véritable pratique d’un bodhisattva. Étant victimes d’illusions, Dalo et Rechungpa n’ont pas bien analysé leur comportement et n’ont pas vu leur faute. Peut-‐être que la plupart des pratiquants qui vont à l’encontre du dharma sous l’effet de leur colère agissent ainsi parce qu’ils ne peuvent pas reconnaître ou analyser leur comportement. Sous l’influence de l’illusion, ils enfreignent les enseignements.
Quand le débat entre Dalo et Rechungpa eut lieu, tous les habitants de la vallée ainsi que les bienfaiteurs qui avaient été invités pour une grande fête et une puja furent témoins de la scène. Ils virent Dalo enragé, Rechungpa perdre son calme, et Milarepa demeurer serein et sourire alors même que Dalo lui jeta de la terre en pleine figure. Ainsi, leur certitude et leur confiance en Milarepa augmentèrent alors que leur respect pour Dalo et Rechungpa déclina.
Parmi les disciples de Milarepa, Gampopa était son disciple semblable au soleil et Rechungpa, tel que l’avait prédit le yidam Dorjé Phago (Vajrayogini), était son disciple semblable à la lune. Pourtant, même un proche disciple comme Rechungpa ne put contrôler sa colère. De la même façon, lorsque nous nous fâchons, nous devons être très prudents. La colère va évidemment surgir, mais lorsqu’elle émerge nous devons être très habiles dans notre façon de la voir et de la gérer.
Une autre histoire à propos des conséquences de la colère a trait au disciple principal de Patrul Rinpoché, Nyoksho Longtok. Un jour, Nyoksho Longtok et Patrul Rinpoché se mirent en route. Ils n’avaient pas fait un long chemin lorsque des voleurs les attaquèrent et saisirent tout ce qu’ils avaient emmené. Étant d’une grande force physique, Nyoksho Longtok leur donna des coups avec son bâton de marche. Patrul Rimpoché s’écria : « Arrête ! Arrête ! Médite sur la patience, médite sur la patience ! » Mais dans sa colère, le disciple fit la sourde oreille aux supplications de son guru.
Patrul Rinpoché lui répéta : « Sois patient, médite sur la patience ! » Mais Nyoksho Longtok continua à s’acharner sur les voleurs aussi fort qu’il le put. Il était si en colère alors qu’il battait les voleurs tout en les mettant en déroute, qu’il ne s’aperçut pas que Patrul Rinpoché était parti, le laissant seul.
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Lorsqu’il reprit ses esprits, il commença à chercher son maître. Après un long moment, le disciple trouva Patrul Rinpoché, qui refusa de le voir. Quand Nyoksho Longtok lui demanda pourquoi, Rinpoché répondit : « Je t’ai demandé de méditer sur la patience, mais tu ne m’as pas écouté, tu étais trop en colère. » Pendant plusieurs mois, Nyoksho Longtok ne fut pas autorisé à voir Patrul Rinpoché, parce que sous l’emprise de la colère, il n’avait pas prêté attention aux paroles de son maître. Il ne fut pas capable d’analyser sa colère et de la voir telle quelle. La même chose peut se produire pour n’importe qui d’entre nous si nous ne sommes pas attentifs et n’analysons pas notre colère quand elle surgit.
Lorsque les voleurs dérobèrent les possessions de Patrul Rinpoché et de Nyoksho Longtok, Rinpoché s’attendait à ce que lui et son étudiant dédient mentalement tous leurs biens aux voleurs et prient pour que le butin volé soit bénéfique pour eux et pour tous les êtres. L’incident aurait ainsi été une opportunité pour pratiquer les paramitas de la générosité et de la patience. Aveuglé par la colère, Nyoksho Longtok ne put entendre ce que lui disait son maître et c’est pourquoi il manqua cette occasion de pratiquer les paramitas. Dans le Mahayana, il y a une prière pour la perfection de la patience qui dit :
« Je prie pour que dans cette vie et dans toutes mes vies futures, Je sois capable de ne faire aucune erreur lorsque surgit la colère. Puissé-je être patient. »
Pratique 32
Ne pas critiquer les autres bodhisattvas
Sous l'emprise des émotions perturbatrices, Mentionner les fautes d'autres bodhisattvas me fera régresser. Ainsi, ne jamais évoquer les fautes de ceux Qui se sont engagés dans le mahayana, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Dans L’Entraînement de l’esprit en sept points, il y a un slogan qui invite le lecteur à penser que toutes les qualités positives appartiennent aux autres êtres et que toutes les fautes sont nôtres. Cela est l’attitude correcte. Généralement, la plupart des gens pensent justement le contraire : « Les autres ont toujours tort, et eux-‐mêmes ont toujours raison ! » Cette attitude doit être abandonnée. Patrul Rinpoché donne à ses étudiants les conseils suivants : d’abord, reconnaissez vos propres fautes ; puis, une fois que vous reconnaissez vos propres fautes chez quelqu’un d’autre, priez pour que le guru accorde ses bénédictions autant pour vous que pour les autres. C’est toujours bénéfique de reconnaître que la faute perçue en vous-‐même est plus grande qu’elle ne l’est chez autrui. Ainsi vous savez que cette personne n’est pas différente de vous.
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Pratique 33
Abandonner l’attachement à sa famille
Sous l'influence du désir de gloire et de richesse, des disputes s'élèvent, L'écoute, la réflexion et la méditation se détériorent. Ainsi, délaisser la demeure des amis, Des parents et bienfaiteurs, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Sous l’influence de désirer richesse et renommée, même un bodhisattva peut se disputer à propos de possessions et demander des considérations particulières. Préoccupés par de tels désirs, les activités ordinaires des bodhisattvas, tel que l’écoute, la réflexion et la méditation déclinent. Ce sont de bonnes raisons pour renoncer à l’attachement envers nos parents, amis et bienfaiteurs.
Pratique 34
Abandonner les mots durs
Les paroles dures troublent l'esprit d'autrui Et la conduite du bodhisattva se détériore. C'est pourquoi, renoncer aux paroles déplaisantes, Telle est la pratique d'un bodhisattva.
Pour deux raisons, il nous est conseillé d’abandonner les mots durs qui déplaisent aux autres. La première, c’est que notre conduite perturbe l’esprit des autres. Dans ce cas, vous pouvez vous remémorer certaines situations où une personne vous a parlé brutalement ou méchamment, ou vous a injustement blâmé. Vous avez été perturbé, frustré, déprimé. Peut-‐être que cette dureté vous a même fait pleurer. C’est pourquoi il est sage de se rappeler que les paroles dures et désagréables causent de la peine aux autres. La deuxième raison pour abandonner les paroles dures, c’est parce qu’elles compromettent la bonne conduite des bodhisattvas, qui est d’œuvrer pour le bien d’autrui. Perturber l’esprit d’autrui fait justement le contraire : cela cause de la souffrance. C’est ainsi que les paroles dures et déplaisantes contreviennent aux vœux d’un bodhisattva.
Pratique 35
Éliminer les afflictions mentales
Une fois les émotions perturbatrices devenues habitude, il sera difficile d'y remédier. L'être noble de l'attention et de la vigilance brandit le glaive de l'antidote Et tranche dès qu'elle survient toute émotion perturbatrice, Tel l'attachement, telle est la pratique d'un bodhisattva.
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Tant que nous prenons les choses comme réellement existantes, les afflictions mentales, comme l’attachement, la colère et la jalousie, continuent d’apparaître. Aussitôt qu’elles émergent un bodhisattva doit les éradiquer. Pourquoi est-‐ce aussi difficile de se battre contre les afflictions mentales ? À cause des habitudes. Nous avons réagi depuis si longtemps d’une certaine façon et nous sommes si accoutumés à nos afflictions mentales que nous ne décelons pas leur apparition. Même si nous connaissons l’antidote utile, nous ne sommes pas suffisamment attentifs et vigilants pour l’appliquer. Mais une personne vigilante et complètement attentive possède une panoplie de remèdes. « L’attention » se définit comme le fait de se rappeler en tout temps quelle conduite est à abandonner et quelle conduite est à adopter. « Complètement vigilant » signifie d’être constamment en alerte face aux afflictions dès qu’elles surgissent dans notre esprit. L’attention et la vigilance sont les armes qui tranchent les afflictions et travaillent comme des antidotes à nos habitudes.
Par exemple, vous êtes attentifs au fait que la patience doit être adoptée et que la colère doit être abandonnée. Ainsi, si vous êtes alertes et que vous notez que la colère est en train de surgir dans votre esprit, vous pouvez y remédier immédiatement en appliquant l’antidote de la patience. Il y a une analogie avec le verbe tibétain que l’on traduit par « niveler ». Ce terme est souvent utilisé dans la construction des routes : si vous construisez une route et apercevez une roche saillante, vous prendrez un marteau piqueur et la briserez afin que la route soit plate et égale. De la même manière, vous devez « aplanir » chaque affliction mentale qui surgit.
Pratique 36
Demeurer attentif et vigilant
En somme, en quelque circonstance que ce soit, Demeurer vigilant et continuellement attentif À son état d'esprit, tout en œuvrant pour le bien d'autrui, Telle est la pratique d'un bodhisattva.
Que vous soyez dans un monastère éloigné ou dans une ville, que vous soyez moine, nonne ou laïque, vous devez continuellement être vigilant et attentif à votre état d’esprit. Cela signifie que vous devez connaître votre intention réelle en tout temps, et savoir pourquoi vous faites telle chose et pour qui vous la faites.
« Cultiver continuellement la vigilance et l’attention » signifie qu’il faut agir autant pour le bien des autres que pour soi-‐même. Quand vous aidez les autres, vérifiez toujours votre motivation, car il se peut que vous travailliez pour le bien des
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autres pour les mauvaises raisons. C’est ainsi que cette strophe résume les trente-‐cinq pratiques qui précèdent.
Pratique 37
Dédier le mérite
Afin de dissiper la souffrance de myriades d'êtres, De par la sagesse dénuée des trois concepts Dédier tous les mérites issus de tels efforts À l'achèvement du parfait éveil, telle est la pratique d'un bodhisattva.
Comment un bodhisattva dédie-‐t-‐il les mérites ? Les bodhisattvas mettent en pratique la connaissance supérieure de la vacuité des trois sphères, ce qui signifie qu’un bodhisattva purifie le processus de dédicace en réalisant qu’il n’y a personne qui dédie les mérites, qu’il n’y a pas de mérites à dédicacer et que personne ne reçoit le mérite. Sujet, objet, action n’existent pas réellement. Voilà la signification de l’expression « libre de concepts des trois sphères ». Être libre de concepts et la connaissance supérieure sont intimement liés et ne peuvent être séparés : c’est la sagesse qui réalise la vacuité. Sans la compréhension de la véritable non-‐existence des trois sphères, il est plutôt difficile de comprendre comment dédier les mérites de cette façon. Imaginez un rêve dans lequel vous êtes assis devant un autel. Au moment précis de la dédicace, vous vous réveillez et réalisez que personne n’a dédié les mérites, qu’aucun mérite n’a été dédié, et que personne n’a reçu de mérites. Tout était un rêve. Voilà comment comprendre la pratique de la dédicace des mérites.
Épilogue A
S'en remettre aux écrits sacrés et aux enseignements oraux
Suivant l'enseignement des sutras et des tantras Et les paroles des maîtres authentiques J'ai composé ces trente-sept pratiques d'un bodhisattva Au bénéfice de ceux qui désirent adopter cette voie. (c)
Dans cette strophe Ngulchu Thogmé explique ce qu’il a composé et les raisons d'écrire un tel texte. Il exprime sa confiance en ce qui a trait aux enseignements sur les sutras, les tantras, les traités ainsi qu’aux instructions des maîtres authentiques. Traditionnellement, il est requis de le mentionner pour que tous comprennent que ces pratiques ne viennent pas de lui-‐même en tant qu'individu. Thogmé s’est basé sur les enseignements de grands maîtres qui l’ont précédé.
Le but de la composition de ces strophes était de résumer le très grand nombre de pratiques d’un bodhisattva en trente-‐sept pratiques, plus facilement accessibles,
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et cela afin d'aider ceux et celles qui sont entrés sur la voie du Mahayana et qui désirent s’y entraîner. Ainsi, Thogmé a fait en sorte que les pratiques soient plus faciles d’accès pour tous les êtres.
Épilogue B
Avoir confiance dans le fondement des pratiques
Du fait de mon intelligence faible et de mes connaissances modestes, Mon style ne plaira pas aux érudits. Mais puisqu'elles se fondent sur les paroles de maîtres authentiques et sur les sutras, J'estime que ces trente-sept pratiques d'un bodhisattva sont sans erreur. (d)
L’inclusion de ces lignes répond à la tradition tibétaine qui requiert aussi une strophe dans lequel l’auteur se diminue lui-‐même, afin de contrecarrer l’orgueil. Ici, Thogmé minimise son intelligence et son érudition et admet qu’il est possible que ses strophes déplaisent aux érudits. Cependant, parce que son travail se fonde sur les enseignements authentiques, il est convaincu que ces strophes sont sans erreur et sans confusion.
Épilogue C
Supplique aux maîtres authentiques
L'ampleur des vagues d'activité des bodhisattvas, Est au-delà du domaine de faibles intellects comme le mien. Aussi puissent les maîtres considérer avec indulgence Les contradictions, les inconsistances et autres erreurs. (e)
Dans la strophe précédente, Thogmé affirme que, parce qu’il s’est appuyé sur des sources qui sont sans erreur, il a confiance que ces pratiques sont aussi sans erreur. Maintenant, il reconnaît que des contradictions et des incohérences peuvent néanmoins s’être faufilées, étant donné ses capacités intellectuelles limitées. Si tel est le cas, il implore la patience de ses maîtres authentiques.
Par « contradictions », Thogmé veut dire qu’il faut enseigner la patience envers ses ennemis d’un côté, et leur conseiller de se battre de l’autre côté. Le terme « incohérence » fait référence à la possibilité que les strophes ne coulent peut-‐être pas de façon logique ou limpide, par exemple, une ligne peut discuter d’un sujet sans nécessairement avoir de relation avec ce qui suit à la ligne suivante.
Épilogue D
Dédicace et aspiration finales
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De par les vertus de cette composition Et celles de la bodhichitta relative et absolue, Puissent tous les êtres devenir l'égal du protecteur Tchenrézi Qui ne demeure ni dans l'extrême du samsara ni dans celui du nirvana. (f)
Tchenrézi ne demeure ni dans le cycle des existences et n’est ni attaché à l’état de paix. Pourquoi ne réside-‐t-‐il pas dans le samsara ? Tchenrézi réalise la vacuité qui coupe les racines de l’existence, c’est pourquoi il ne demeure pas dans le samsara. Et quelle est la cause qui libère Tchenrézi de l’attachement à la paix ? À cause de sa grande compassion, il renonce à son désir d'atteindre le nirvana juste pour lui-‐même. C’est pourquoi Thogmé prie pour que tous les êtres deviennent semblables à Tchenrézi.
L’auteur dédie à tous les êtres les mérites d’avoir composé ces pratiques. Il prie pour que, comme le protecteur Tchenrézi qui réside sur les bhumis des bodhisattvas, les êtres développent la bodhichitta absolue qui les libère des chaînes de l’existence, et la bodhichitta relative qui les libère de l’attachement à la paix.
Épilogue E
Endroit de composition
Pour son propre bénéfice et celui d'autrui, le moine Thogmé, savant dans les écritures et la logique a composé ceci dans la Précieuse Grotte de Mercure.
Chaque fois qu’il parle du dharma, l’auteur nous rappelle que ses mots s’accordent avec les écritures et la logique. En composant ces strophes, Thogmé agit pour son propre bien ainsi que pour celui des autres. C’est ainsi que son travail a accru sa sagesse et l’a aidé à parfaire les deux accumulations. Finalement, il nous dit qu’il a composé ce texte à Ngulchu Rinchen Puk, la Précieuse Grotte de Mercure (de l’eau argentée).
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Offrande imprimée spécialement à l’occasion du 80ème anniversaire de Khenpo Tsultrim Gyamtso Rimpoché
Losar 2014, Népal
projetsahleo.wordpress.com Copyright : PROJET SAHLÉ O
Qué-Can : BN # 89031 7589 R0001
Commentaire basé d’après une traduction orale de Suzanne Schefczyk, Taiwan 1993, traduit de l’anglais au français par Nicole Berbier en 2013. Un merci tout spécial à Hélène Leboeuf et à Diane Denis pour le soin et l’attention qu’elles ont donnés à la relecture de cette traduction.
© Texte racine de Claire Charasse et Chryssoula Zerbini, Kathmandou, Népal, avril 1994, révisé en juin 2010.