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LES 10E RENCONTRES D'AUTOMNE DU PREAC
PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE DE BIBRACTE
Histoire des arts et archéologie Le paysage à l’épreuve de l’archéologie
Nemours, 24‐26 novembre 2010
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Photo de couverture : le patio du musée de la Préhistoire d'Ile‐de‐France à Nemours © Musée de la Préhistoire d'Ile‐de‐France.
Histoire des arts et archéologie : le paysage à l’épreuve de l’archéologie Les 10e rencontres d'automne du PREAC Patrimoine archéologique de Bibracte Nemours, 24‐26 novembre 2010 Glux‐en‐Glenne : Bibracte, Centre archéologique européen, 2010, 41 pages. Directeur de la publication Vincent Guichard, directeur général de BIBRACTE EPCC Secrétariat d’édition Claire Robakowski Mise en page Patricia Lepaul Relecture Myriam Giudicelli
S'appuyant sur Bibracte, structure culturelle, le Pôle de Ressources pour l'Education Artistique et Culturelle (PREAC) "Patrimoine archéologique" fonde sa spécificité sur l'archéologie en tant que démarche transversale mais aussi sur la transmission des savoirs et l'éducation du regard. Ce PREAC est piloté par le rectorat de l'académie de Dijon et la Direction Régionales des Affaires Culturelles de Bourgogne. Il regroupe les compétences de trois partenaires : ‐ une entreprise culturelle : Bibracte EPCC (site naturel et archéologique, centre de recherche archéologique européen et musée), ‐ un centre de documentation : le CRDP Bourgogne (Centre régional de documentation pédagogique), ‐ un établissement de formation : l'IUFM (Institut universitaire de formation des maîtres) de Dijon. Les différentes actions du PREA "Patrimoine archéologique" s'articulent entre des rencontres permettant d'échanger des outils de médiation des musées d'archéologie et des actions de formation sous forme de colloque mais aussi la constitution et la diffusion de ressources.
BIBRACTE EPCC – Centre archéologique européen F – 58370 Glux‐en‐Glenne Téléphone : 33 (0) 3 86 78 69 00 Télécopie : 33 (0) 3 86 78 65 70 [email protected] www.bibracte.fr Copyright 2012 : BIBRACTE
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Auteurs
Conférenciers : Claude CHAZELLE Architecte paysagiste 7, avenue Max‐Dormoy 63000 Clermont‐Ferrand [email protected] Isabelle JOUFFROY‐BAPICOT Ingénieur de recherche, Palynologue UMR 6249, Laboratoire Chrono‐environnement Université de Franche‐Comté 16, route de Gray 25030 Besançon isabelle.jouffroy@univ‐fcomte.fr Sylvain QUERTELET Responsable du musée Musée départemental de Préhistoire 71960 Solutré‐Pouilly [email protected]
Animateurs des ateliers : Chloé ALBARET Médiatrice, association Arkéo Fabrik (Deux‐Sèvres) 8, rue du Pied‐des‐Vignes 79 800 Exoudun http://arkeofabrik.over‐blog.com/ Corinne MICHEL Coordinatrice culturelle, Centre Régional de Documentation sur l'Archéologie du Paysage (CRDAP) 14, rue de la Justice 19140 Uzerche www.archeologie‐paysage.org Jean‐Luc RIEU Responsable du service des publics Musée de la Préhistoire d’Ile‐de‐France 48, avenue Étienne Dailly 77140 Nemours www.musee‐prehistoire‐idf.fr
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SOMMAIRE Introduction ........................................................................................................................................................................................................................ 7 Claire ROBAKOWSKI ‐ Chargée de mission à Bibracte, coordonnatrice du PREAC « Patrimoine archéologique » Pour une histoire du couvert végétal, paysages hérités de l’Homme et du climat .................................................................................................................................... 15 Isabelle JOUFFROY‐BAPICOT ‐ Ingénieur de recherche, UMR 6249, Laboratoire Chrono‐environnement, Besançon La restitution visuelle des paysages de la Préhistoire ....................................................................................................... 17 Sylvain QUERTELET ‐ Responsable du Musée départemental de Préhistoire de Solutré Du paysage au paysage ....................................................................................................................................................................................... 27 Claude CHAZELLE ‐ Architecte paysagiste (résumé de la conférence présenté par Claire ROBAKOWSKI) Archéologie du paysage : une formation pluridisciplinaire ......................................................................................... 29 Corinne MICHEL ‐ Coordinatrice culturelle, Centre Régional de Documentation sur l'Archéologie du Paysage, Uzerche Environnement et Préhistoire, Approche pédagogique .................................................................................................. 33 Chloé ALBARET ‐ Médiatrice, association Arkéo Fabrik, Exoudun Construire un projet de médiation avec des partenaires issus d’autres champs disciplinaires : l’exemple de la technologie au collège, une nouvelle opportunité d’interdisciplinarité ................................................. 39 Jean‐Luc RIEU ‐ Responsable du service des publics au musée de la Préhistoire d’Ile‐de‐France, Nemours
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INTRODUCTION
Claire ROBAKOWSKI Enseignante en Lettres‐Histoire Chargée de mission à Bibracte, coordinatrice du PREAC « Patrimoine archéologique »
Les 10e Journées d’automne de Bibracte ont été accueillies par le musée départemental de Préhistoire d’Ile‐de‐France à Nemours du 22 au 24 novembre 2010. Cette session a prolongé une série de rencontres qui ont lieu depuis 2003 en France, au Luxembourg et en Belgique. Ces rencontres annuelles ou bisannuelles ont toutes eu pour thème principal l’archéologie, comme matière ou comme support pédagogique, ce qui a été décliné de différentes façons :
L’archéologie : une ressource sous‐exploitée ? (2003, Bibracte) Archéologie et transmission des savoirs (2004, Bibracte) Archéologie, histoire des mentalités et construction européenne (2005, Luxembourg) Le patrimoine archéologique : approche pluridisciplinaire pour une culture
scientifique (2007, Bibracte) Histoire des arts et archéologie : quelles spécificités et quelles
complémentarités ? (2008, Namur) Projet pédagogique et médiation en archéologie (2009, Bougon)
Depuis 2008, la réflexion est plus particulièrement orientée pour répondre aux nouvelles directives de l’enseignement de l’histoire des Arts, devenu obligatoire de l’école primaire au lycée. Ainsi, l’objectif, cette année, était de permettre des approches diachroniques et pluridisciplinaires liées à cet enseignement de l’histoire des arts. À cet effet, les réflexions se sont concentrées sur le thème : « Le paysage à l’épreuve de l’archéologie ». La restitution des paysages du passé est une thématique de la recherche archéologique qui s’est largement développée au cours des dernières décennies. Le paysage, c’est aussi la façon dont chacun perçoit son environnement en fonction de sa culture. Pour l’historien de l’art, il s’agit d’un genre pictural. Croiser ces différentes approches du paysage permet des actions pédagogiques qui touchent autant aux sciences naturelles qu’à l’histoire des arts. Pour travailler ce thème, le musée de Nemours a été un cadre parfaitement bien adapté. Construit dans un parc boisé et rocheux de six hectares du massif des Rochers Verts, le musée se trouve dans un paysage de pins, de mousses et de bruyères qui ressemble à l’environnement que connurent les hommes qui ont fréquenté le site il y a 12 000 ans. Le bâtiment comporte des jardins intérieurs présentant des espèces végétales qui correspondent aux différentes grandes périodes de la Préhistoire. L’architecture conçue par l’urbaniste Roland Simounet est une construction en béton brut inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 2002. Elle présente de très grandes baies vitrées qui, à la fois, ouvrent le regard sur le paysage et l’encadrent. Ainsi, nous tenons particulièrement à remercier Francis Saint‐Genez, conservateur du musée, Anne‐Sophie Leclerc, conservatrice du Patrimoine, et Jean‐Luc Rieu, chargé du service des publics, qui ont rendu possible ces rencontres dans ce lieu fortement symbolique quant à l’approche archéologique du paysage. Ces journées se sont organisées autour de trois temps forts. Tout d’abord, des conférences de spécialistes ont abordé la thématique sous plusieurs facettes. La première était la plus scientifique avec le discours d’une palynologue, la seconde donnait le regard du conservateur qui
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a pour fonction de présenter au grand public les paysages du passé. Pour finir, un paysagiste a abordé le concept du paysage sous sa forme la plus sensible. Ces trois aspects, même s’ils n’ont pas répondu à toutes les questions concernant un thème aussi vaste, ont permis de s’interroger et d’approcher des points de vue totalement différents montrant bien l’étendue de la thématique. Autant d’intervenants, autant de regards.
LES CONFERENCES (voir leur compte rendu détaillé, infra) Pour commencer, Isabelle Jouffroy‐Bapicot, ingénieur de recherche, UMR 6249 Chrono‐environnement, a présenté : « Pour une histoire du couvert végétal, paysages hérités de l’Homme et du climat ». Elle a expliqué les méthodes qui permettent d’identifier les vestiges paléo‐environnementaux ainsi que la démarche scientifique de la palynologie.
Ensuite, Sylvain Quertelet, responsable du musée départemental de Préhistoire de Solutré, a évoqué « La représentation visuelle des paysages de la Préhistoire ». Il a appuyé son discours sur de nombreuses représentations du XIXe siècle à aujourd’hui. Le paysage qui ne constituait pas le sujet proprement dit de la restitution était souvent dramatisé. L’imaginaire d’un environnement hostile était ainsi renforcé. Ce n’est que depuis les années 1970 que l’on s’attache à la reconstitution des paysages en s’appuyant sur les nouvelles découvertes de l’archéologie environnementale et des analyses archéobotaniques. Aujourd’hui, peintures, dioramas, maquettes et images virtuelles présentent un objectif pédagogique évident pour restituer le paysage et l’environnement des différentes périodes de la Préhistoire. Cependant toute reconstitution doit être accompagnée d’un discours pour bien comprendre qu’il s’agit d’une hypothèse construite à partir de données scientifiques. En outre, il faut avoir conscience que les hypothèses d’aujourd’hui seront remises en cause dans quelques années avec les recherches qui apporteront de nouvelles connaissances.
La dernière conférence présentée par Claude Chazelle a ajouté le regard de cet architecte paysagiste sous l’angle : « Du paysage aux paysages ». À partir d’exemples très diversifiés allant du dessin à la peinture mais aussi à la photographie et au photomontage souvent humoristique, il a partagé ses réflexions et sa sensibilité sur le concept de paysage. Il a également retracé l’histoire du paysage dans l’art et donné les différentes définitions du paysage. Son intervention a aussi apporté des éléments de réflexion concernant la Convention européenne du paysage qui cherche à défendre un patrimoine naturel et culturel vivant.
LA BOURSE D’ECHANGE Le deuxième temps fort a été la bourse d’échange. Plusieurs intervenants de différentes structures ont présenté des outils pédagogiques, des ateliers thématiques, des expositions, des parcours de visites qui permettent d’étudier un paysage, un habitat ou un environnement.
ArkéoMédia présenté par Isabelle De Miranda, médiatrice en archéologie
L’association ArkéoMédia (www.arkeomedia.levillage.org/) a été créée en mars 2007. Elle a pour objectif de contribuer à une meilleure diffusion des connaissances et des méthodes de la recherche dans le domaine de l’archéologie et de rendre accessible à tous l’ensemble de ces savoirs. Pour cela, elle anime des ateliers scientifiques en milieu scolaire, en centre de loisirs, dans le cadre d’expositions, de rendez‐vous annuels
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(Journées Européennes du Patrimoine, Fête de la science…) et d’événements particuliers. Elle crée et organise des expositions et des événements pour des structures publiques et privées. Elle conçoit et fabrique des outils pédagogiques. Elle forme des médiateurs du patrimoine archéologique et propose ses conseils et son expertise pour la création et la mise en place d’actions de médiation en relation avec son domaine d’activité. Afin d’aborder le thème du paysage, Isabelle De Miranda a présenté un atelier sur la malacologie, c’est‐à‐dire l'étude des mollusques fossiles. Ces derniers sont très sensibles aux variations climatiques et donc aux changements d'environnement. Appliquée à l'archéologie, la malacologie permet d'acquérir des informations sur les paysages du passé et peut également apporter des informations chronologiques.
Le Préhistosite de Ramioul présenté par Marie Wera, responsable du service éducatif
Les collections du Préhistosite de Ramioul (www.ramioul.org), son centre de documentation et ses thématiques de prédilection concernent la Préhistoire, l’archéologie, la géologie, les sciences, la médiation, la pédagogie. Ce musée de site a pour objectif d'établir avec ses publics un dialogue à propos du passé afin qu'il serve de base de réflexion à la construction de la société de demain. L'objectif de médiation est de mener simultanément une éducation pour le patrimoine (protection, préservation, conservation) et une éducation par le patrimoine (savoir, savoir‐faire, savoir‐être).
Les moyens privilégiés par le Préhistosite sont : La pédagogie du geste : celle‐ci est bien résumée par un proverbe chinois
« J'entends, j'oublie. Je vois, je comprends. Je fais, je me souviens ! ». L'archéologie‐message : des objets archéologiques sont mis en lien par le
médiateur avec des enjeux de la société contemporaine. L’archéologie comportementale : tout le processus de médiation vise à faire
comprendre l'histoire de manière systémique, chaque objet‐témoin, chaque événement devant être envisagé simultanément dans ses composantes culturelles, sociales, économiques et environnementales.
Pour aborder la thématique du paysage à l’épreuve de l’archéologie, Marie Wera a présenté le catalogue de l’exposition « Néandertal, l’Européen » et la visite de sites dans l’esprit des lieux. Elle a également exposé les brochures éditées par l’équipe Nord Pas‐de‐Calais avec des paysages illustrés par Benoît Clarys et a terminé sa présentation par un dossier qui s’intitule « Pourquoi parler de développement durable au Préhistosite de Ramioul ».
Le Pôle d’Archéologie Interdépartemental Rhénan (PAIR) présenté par Agnès Isaac, chargée des relations avec les publics, et Amandine Lagny, médiatrice en patrimoine
Fruit d’un partenariat innovant entre les départements du Bas‐Rhin et du Haut‐Rhin, le Pôle d’Archéologie Interdépartemental Rhénan (www.pair‐archeologie.fr) a été créé en 2006 et témoigne de la volonté forte des deux collectivités de répondre efficacement à l’ensemble des enjeux actuels de l’archéologie, qu’ils soient patrimoniaux ou de nature à orienter l’aménagement du territoire.
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Parce que ce patrimoine appartient à tous et que sa connaissance mérite d’être partagée par le plus grand nombre d’entre nous, le PAIR a développé, en complément de ses nombreuses missions opérationnelles, des actions de valorisation et de médiation qui doivent permettre à nos concitoyens de s’approprier davantage la richesse de notre passé. À travers son statut de médiateur culturel, le PAIR exerce une mission de service public et, en étant acteur sur les territoires, il a pour vocation d’offrir à tous un accès à la culture archéologique, et à travers elle, au patrimoine. La programmation culturelle du PAIR a ainsi pour objectif de décliner une typologie d’actions et d’outils variée : visite de sites archéologiques, animations et ateliers, conférences, participation à des événements nationaux, mallettes pédagogiques et outils à emprunter. Afin de valoriser et de diffuser largement le résultat de ses recherches, le PAIR développe une collection éditoriale à destination du grand public mais également une politique d’expositions riche et polymorphe. Cette offre, loin d’être exhaustive, est en constante évolution. Chaque projet fait l’objet d’une médiation sur‐mesure, s’adaptant ainsi au plus près des attentes. Le PAIR, convaincu que l’accompagnement sur le long terme est garant de la cohérence et de la qualité de ses actions, tend à développer des relations pérennes avec ses publics. Ainsi l’action de médiation de l’établissement s’exerce sur la durée et non dans des activités ponctuelles. Agnès Isaac et Amandine Lagny ont présenté trois actions pédagogiques concernant plus particulièrement le paysage :
Bon pied, bon œil ! Un parcours dans Sélestat (support d’animation et dossier d’accompagnement). Pour connaître une ville, on peut lire des livres, écouter bien des légendes… Mais pourquoi ne pas simplement ouvrir l’œil et observer ? Il s’agit ici d’un parcours où le public adopte la démarche de l’archéologue du bâti.
Tous terrains : des paysages et des hommes. À partir des données d’un chantier de fouilles archéologiques, les participants réfléchissent à l’évolution et aux transformations d’un paysage en cherchant à comprendre comment les hommes ont occupé et exploité l’espace.
Villes, villages et quartiers à la conquête de leur passé. Il s’agit d’un carnet qui constitue un outil immédiatement utilisable pour tous ceux qui voudraient s’intéresser à l’archéologie, découvrir leur patrimoine en suivant la démarche de l’archéologue. Il aide à répondre à des questions concernant l’approche archéologique, à développer et à alimenter curiosité et connaissances, à réaliser quelques travaux simples, à mettre en œuvre des capacités de raisonnement et de mises en relation, à tisser des liens entre aujourd’hui et hier.
Archéomed présenté par Christiane Borg, professeur de Lettres classiques, coordonnatrice auprès de la Délégation académique à l’action culturelle d’Aix‐Marseille pour l’archéologie et secrétaire de l’Association Archéomed (Archéologie en milieu éducatif : archeomed.blog4ever.com)
Christiane Borg a présenté une mallette pédagogique qui a pour objectif de mettre à la disposition des enseignants et des élèves du matériel authentique, ainsi que trois activités permettant de comprendre la démarche de l’archéologue et d’apprendre à tirer des conclusions.
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Les trois activités pédagogiques proposées sont :
Reconnaissance des tessons. La villa gallo‐romaine. Les routes commerciales, grâce à la détermination de fragments d’amphores.
Chaque enseignant peut faire ces trois activités en classe et s’en tenir là, ou moduler l’utilisation de l’outil en choisissant telle ou telle activité comme point de départ d’un travail plus spécifique sur le terrain.
On peut proposer plusieurs pistes pédagogiques en rapport avec le paysage : Activité I : Après l’apprentissage de la reconnaissance des tessons, prospection de
surface sur un site authentique, grâce à laquelle un habitat ancien peut surgir d’un champ labouré.
Activité II : Les vestiges d’habitat gallo‐romains aident à reconstituer le paysage antique d’une région tout en apportant une réflexion sur la pérennité de certains sites : relation entre le paysage et le choix de l’emplacement des constructions (interdisciplinarité avec les Sciences de la Vie et de la Terre)
Activité III : Étude comparée de cartes (cadastre romain, table de Peutinger, carte régionale actuelle) (interdisciplinarité avec l’Histoire et la Géographie)
Activité IV : Observation du tracé des voies romaines locales et leur superposition avec les axes routiers actuels ainsi que leur relation avec les ports.
Archéosite de la Haute-Île (Conseil Général de la Seine-Saint-Denis) présenté par David Laporal, médiateur en archéologie
Situé à Neuilly‐sur‐Marne, entre le canal de Chelles et la Marne, l’archéosite de la Haute‐Île est un lieu de découverte et un outil de compréhension de l’histoire de la basse vallée de la Marne et de son occupation par les hommes depuis près de 10 000 ans. Les alluvions de cette rivière ont recouvert et conservé les traces de nombreux vestiges qui ont fait l’objet de fouilles archéologiques à l’occasion de l’élaboration du schéma d’aménagement du parc départemental de la Haute‐Île. Ces dernières ont mis au jour entre 1999 et 2006 de nombreuses traces d’occupation humaine remontant de la Préhistoire jusqu’à l’époque gallo‐romaine. La richesse archéologique du site a contribué à faire évoluer le projet d’aménagement du parc et aujourd’hui, la mise en place d’une fouille programmée dès l’été 2011 devrait sensiblement renforcer nos connaissances sur son passé (notamment mésolithique et néolithique). Depuis mars 2008, au‐delà des recherches scientifiques, la Haute‐Île est aussi, et avant tout, un lieu d’échange et d’apprentissage pour tous (scolaires, grand public, associations, centres de loisirs…). À travers son pôle mésolithique (et son pôle néolithique en cours d’élaboration) comprenant un parcours pédagogique dans les bois, ponctué de haltes dédiées à la découverte du climat, de la faune, de la flore et du mode de vie des Hommes de la forêt, c’est l’ensemble des relations entre l’homme et l’environnement qui est ainsi évoqué (taille du silex, allumage du feu, reconstitutions d’habitats…).
Atelier proposé : Faune/Flore du Mésolithique Découverte de la faune et de la flore mésolithiques (observation,
caractérisation, reconnaissance…). Les variations de la faune et de la flore (étude des données archéologiques). Étudier les relations de l’Homme avec la flore et la faune à travers le temps
(prédation, domestication…).
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Observer son rapport quotidien à l’environnement dans une perspective de développement durable.
Atelier proposé : Évolution des paysages : une vallée en Seine‐Saint‐Denis Découvrir l’histoire géologique et climatique du fond de vallée de la Marne et
de son environnement. Comprendre l’aspect cyclique des changements climatiques et leur impact sur
l’environnement en général et les paysages en particulier. Comprendre le rôle de l’eau dans le modelage du paysage au fil du temps. Comprendre l’influence de l’Homme sur le paysage. Atelier proposé : L’habitat du nomade Découvrir les modes d’habitat nomades préhistoriques et subactuels. Étudier les données ethnologiques et archéologiques concernant les habitats
nomades. Découvrir et explorer les matériaux et les savoir‐faire traditionnels liés à
l’habitat (connaissances environnementales, etc.). Réfléchir sur les notions d’habitat et de maison.
LES ATELIERS DE MISE EN SITUATION
Enfin, ce sont les travaux en petits groupes qui ont constitué le troisième temps fort de la formation. Pour commencer, Philippe Thémiot, conseiller pédagogique en arts visuels à l’Inspection académique de la Nièvre, a animé un exposé sur « La rencontre sensible de l’œuvre d’art : éléments pour une méthodologie à l’école, au collège » afin de faire connaître l’ouvrage qu’il a coordonné : « Les arts visuels au quotidien », édité par le CRDP de Dijon. Il a débuté sa présentation en signalant que nous n’avons aucune trace de ce que ressentaient les gens du passé très lointain devant les paysages. Ultérieurement, les représentations de paysages dans l’art témoignent de ce ressenti. Ensuite, il a fait participer ses auditeurs à des exercices de mise en situation pour aborder de façon concrète la façon d’appréhender avec les élèves la rencontre avec les œuvres par une démarche active et sensible. Puis il a expliqué le fonctionnement de l’ouvrage qui comporte, outre des façons de solliciter les cinq sens pour découvrir une œuvre, des grilles de notions, de mots‐clés et de propositions d’activités autour de sept domaines : sculpture, installation, peinture, dessin, photographie, vitrail, architecture. Philippe Thémiot a suggéré d’expérimenter cet outil qui permet un transfert de la méthode à d’autres œuvres. Les participants se sont divisés ensuite en trois groupes pour travailler autour de différentes thématiques :
« Archéologie du paysage : une formation pluridisciplinaire », atelier animé par
Corinne Michel, Coordinatrice culturelle au Centre Régional de Documentation sur l'Archéologie du Paysage (CRDAP) à Uzerche en Corrèze ;
« Environnement et Préhistoire, approche pédagogique », atelier animé par Chloé
Albaret, Médiatrice, directrice d’Arkéo Fabrik à Exoudun (79) ; « Construire un projet de médiation avec des partenaires issus d’autres champs
disciplinaires : l’exemple de la technologie au collège, une nouvelle forme
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d’interdisciplinarité », atelier animé par Jean‐Luc Rieu, Responsable du service des publics, médiateur au musée de la Préhistoire d’Ile‐de‐France.
POUR TERMINER, UN BILAN DE LA FORMATION A ETE ANIME PAR ÉLOÏSE VIAL, RESPONSABLE DES ACTIONS EDUCATIVES A BIBRACTE. Plusieurs propositions de thématique ont été envisagées pour la prochaine formation. Parallèlement, l’organisation qui permet d’allier conférences, visites, bourses d’échange et travail en groupe, sera reconduite car elle satisfait l’ensemble des stagiaires, donne une certaine dynamique et permet les échanges entre tous les participants. Enfin, il a été suggéré de travailler en s’appuyant sur la méthode du livre « Les arts visuels au quotidien » pour une prochaine rencontre. D’autant plus que l’archéologie était absente des œuvres présentées dans cet ouvrage alors que des sites majeurs bourguignons pourraient être présentés pour des actions pédagogiques.
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POUR UNE HISTOIRE DU COUVERT VEGETAL, PAYSAGES HERITES DE L’HOMME ET DU CLIMAT
Isabelle JOUFFROY‐BAPICOT Ingénieur de recherche, UMR 6249, Laboratoire Chrono‐environnement, Besançon
Cette intervention avait pour but de montrer l’apport des archives naturelles pour documenter l’évolution des paysages passés jusqu’à l’époque actuelle et comprendre les mécanismes qui ont présidé à ces changements. La première partie de l’exposé présentait la palynologie, science qui étudie les grains de pollen et les spores contenus dans les sédiments pour reconstituer l’histoire du couvert végétal. Les grains de pollen produits par les plantes à fleurs et les spores émises par les mousses et fougères ne se conservent dans le temps que sous certaines conditions. Leur enveloppe extérieure, l’exine, est extrêmement résistante dès lors qu’elle n’est pas soumise à l’oxydation. Ce sont donc les contextes sédimentaires humides, organiques et anaérobies qui sont les plus à même d’offrir les conditions optimales de conservation. Les tourbières et les lacs sont particulièrement propices aux études paléoenvironnementales, car en plus des critères énoncés ci‐dessus, la formation de la tourbe, comme celle des sédiments lacustres permet de piéger et conserver les grains de pollen et spores apportés au cours du temps, de façon continue, en stratigraphie. La réalisation d’un carottage permet d’en extraire une colonne, ou carotte, sur laquelle on va procéder à l’analyse pollinique, avec un pas d’échantillonnage, adaptée à la séquence et aux objectifs visés. La chronologie des événements est établie sur la base de plusieurs datations 14C (ou radiocarbone) réparties tout le long de la carotte prélevée. Ces analyses vont permettre de reconstituer l’histoire du couvert végétal dans la longue durée ; une histoire conditionnée par celle des variations climatiques, puis, à partir du Néolithique (il y 7000 ans environ en Europe occidentale), sous la double influence du climat et des sociétés humaines. Pour en savoir plus :
Cubizolle (H.) – Paléoenvironnements. Paris : Armand Colin, 271 p. (Collection U Géographie). Evin (J.) et Oberlin (C.) – La méthode de datation par le radiocarbone. In : J. Evin, G.‐N. Lambert, L. Langouët,
P. Lanos et C. Oberlin (dir.), La datation. Paris : Errance, 2005, p. 75‐117. (Collection "Archéologiques"). Lézine (A.‐M.) – Le pollen ‐ Outil d'étude de l'environnement et du climat du Quaternaire. Paris : Vuibert/SGF,
2008, 128 p. (Interactions). Richard (H.) – La palynologie. In : La botanique, Paris : Errance, 1999, p. 9‐42. (Collection "Archéologiques")
La seconde partie de l’intervention était consacrée à la présentation d’une étude paléoécologique pluridisciplinaire récente, réalisée autour du site archéologique de Bibracte, en lien avec la problématique archéologique concernant l’histoire des activités minières et métallurgiques dans le Morvan. La démarche a consisté à rechercher, sur des carottes prélevées dans des tourbières du haut Morvan, la présence de micropolluants métalliques apportés par voie atmosphérique, par le biais de l’analyse géochimique des échantillons. Et sur les mêmes séquences, par le biais de l’analyse pollinique, à rechercher les traces de défrichements liés – au moins en partie – à l’exploitation des ressources forestières pour le travail métallurgique. La lecture de ces archives naturelles apporte des éléments de réponse précieux sur l’histoire, les origines et la chronologie des activités minières et métallurgiques dans le Morvan. Plusieurs phases d’activités métallurgiques, caractérisées par la présence de plomb d’origine anthropique dans la tourbe, et contemporaines de défrichements parfois drastiques, ont été mises en
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évidence de l’âge du Bronze (environ 1500 av. J.‐C.) à la période contemporaine. Elles montrent l’ancienneté de la métallurgie dans le Morvan. Outre l’intérêt purement archéologique, l’étude d’une tourbière proche de Bibracte (la tourbière du Port‐des‐Lamberts) a permis de dégager un diagnostic environnemental surprenant : plus de la moitié des apports anthropiques en plomb ont eu lieu avant le XVIIe siècle, et près d’un quart avant le début de notre ère. L’importance des activités industrielles de nos ancêtres est donc démontrée dans une région rurale comme le massif du Morvan qui fait partie aujourd’hui des moins industrialisées du territoire français. Pour en savoir plus :
Forel (B.), Jouffroy‐Bapicot (I.), Monna (F.), Petit (C.), Guillaumet (J.‐P.), Gabillot (M.), Mordant (C.) et Piningre
(J.‐F.) – Les Éduens, producteurs de métal et pollueurs. Dossiers d'Archéologie, 2006, 316 : 28‐29. (Autun, une capitale gallo‐romaine).
Gourault (C.) – Géologie et gîtes minéraux du Morvan. Autun : Société d’Histoire Naturelle d’Autun, 1999, 279 p.
Jouffroy‐Bapicot (I.), Monna (F.), Petit (C.), Gourault (C.) et Guillaumet (J.‐P.) – La lecture des archives naturelles. Une histoire de la métallurgie autour de Bibracte. L’Archéologue, 104, 2009, p. 40‐43.
Jouffroy‐Bapicot (I.), Forel (B.), Monna (F.) et Petit (C.) –. Paléométallurgie dans le Morvan : l’apport des analyses polliniques et géochimiques. In : H. Richard et D. Garcia (dir.), "Peuplement de l'Arc alpin". Tradition et innovation. 131e congrès national des Sociétés historiques et scientifiques, Grenoble, 24‐29 avril 2006, Paris : CTHS, 2008, p. 323‐334.
Monna (F.) – Un héritage de plomb. La Recherche, 340, 2001, p. 50‐54. Monna (F.), Petit (C.), Guillaumet (J.‐P.), Jouffroy‐Bapicot (I.), Blanchot (C.), Dominik (J.), Losno (R.), Richard
(H.), Lévêque (J.) et Château (C.) – 2004. History and environmental impact of mining activity in Celtic Aeduan territory recorded in a peat‐bog (Morvan – France). Environmental Science & Technology, 38 (3), 2004, p. 665‐673
Sites internet : http://www.bibracte.fr http://www.geopolis‐fr.com/musee‐histoire‐naturelle‐autun.html
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LA RESTITUTION VISUELLE DES PAYSAGES DE LA PREHISTOIRE
Sylvain QUERTELET Responsable du musée départemental de Préhistoire de Solutré (Saône‐et‐Loire)
En découvrant l’existence de l’homme préhistorique au XIXe siècle, on a cherché aussitôt à le représenter en s’attachant principalement à restituer son apparence physique et son mode de vie. Bien que présent dès les premières représentations, le paysage ou l’environnement de la Préhistoire devra attendre les années 1970 pour devenir un véritable champ d’étude et l’objet de toutes les attentions dans les tentatives de restitutions visuelles de la Préhistoire.
L’EVOLUTION DE LA PLACE DU PAYSAGE DANS LES REPRESENTATIONS DE LA PREHISTOIRE
Un village à l’époque du renne : Louis Figuier, L’homme primitif, 1873
Dès le XIXe siècle, la littérature de vulgarisation scientifique commence à diffuser une iconographie qui, même si elle ne reçut pas toujours l'aval des chercheurs, participa néanmoins à la construction d’un imaginaire de la Préhistoire. En 1870, le neuvième volume de la collection illustrée « Tableau de la nature » à l'usage de la jeunesse paraît sous le titre : « L'homme primitif ». Publié par la librairie Hachette, l’ouvrage donne une série de scènes de la vie primitive où l'homme préhistorique est représenté associé à un animal et parfois à un paysage ou un environnement. Dans la seconde moitié des années 1880, la librairie Flammarion crée la Bibliothèque Scientifique Populaire et en 1887 paraît le second volume de la collection intitulée « La création de l'homme et les premiers âges de l'humanité ». L’ouvrage, rédigé par Henri du Cleuziou, est illustré par de nombreuses reconstitutions de scènes de paysages des différentes ères géologiques ainsi que des scènes de la vie « primitive ». L'humanité préhistorique de
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Cleuziou est très proche de celle représentée dans « L'homme primitif ». Ces représentations de la Préhistoire s’appuient sur les données de l'archéologie et de la paléontologie disponibles alors, mais elles font également de nombreux emprunts à la mythologie ou à l’ethnographie.
Ernest Griset, Lake village, 1869‐1871
Parmi les tout premiers artistes à représenter la Préhistoire, on peut citer Ernest Griset (1844‐1907) qui est chargé par John Lubbock, entre 1869 et 1871, de réaliser un ensemble de dix‐neuf peintures pour illustrer les modes de vie de l’homme préhistorique. Ces illustrations sont parmi les premières reconstitutions de la vie préhistorique. Ces images reflètent les thèses darwinistes présentant l’évolution humaine où les hommes se seraient graduellement développés, passant d’un stade animal à celui de l’homme civilisé. Dans cette optique, on retrouve plusieurs scènes faisant apparaître l’homme préhistorique confronté à des bêtes sauvages et évoluant dans un environnement hostile.
Cette idée d’homme préhistorique luttant pour sa survie dans un environnement peuplé de prédateurs domine largement les premières représentations de la Préhistoire. On retrouve ainsi fréquemment des paysages chaotiques, des hommes préhistoriques confrontés à des catastrophes naturelles en tout genre : irruptions volcaniques, tremblements de terre…
Chromolithographie, fin XIXe siècle
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Cette nature impitoyable et hostile entretient le mythe de l’homme ayant réussi au cours de son évolution à se défaire de son état de nature. C’est aussi une vision progressiste de l’histoire, l’homme moderne se pensant comme le résultat d’une longue évolution marquée par le progrès au cours de laquelle l’homme réussit progressivement à maîtriser son environnement. Rien de surprenant alors à ce que l’environnement et le paysage de la Préhistoire soient le plus souvent représentés comme un milieu hostile et dangereux, ce qui vient renforcer la thèse de l’homme préhistorique luttant sans cesse pour sa survie. Même si elle évolue et se transforme, la vision « primitive » de l’environnement de la Préhistoire persiste tout au long du XXe siècle et peut encore s’observer aujourd’hui dans le cinéma ou la publicité montrant que cette représentation s’est inscrite durablement dans les consciences.
Jusque dans les années 1970, le paysage et l’environnement ne constituent pas un élément central de la représentation mais simplement un décor dans lequel prennent place le plus souvent des scènes de vie des hommes préhistoriques. Dans les représentations du site de Solutré, le paysage est même parfois déformé pour accréditer et amplifier l’hypothèse de la chasse à l’abîme. La première image montrant les chevaux précipités du haut de la roche de Solutré apparaît pour la première fois en 1870 dans l’ouvrage de Louis Figuier, « L’homme primitif ». Elle est ensuite reprise par de nombreux illustrateurs qui ne s’attachent pas véritablement à donner une image fidèle du paysage de la roche mais en modifient plutôt l’aspect pour rendre cette interprétation vraisemblable. La chasse à l’abîme à Solutré, gravure d’E. Bayard d’après un croquis d’A. Arcelin, 1870
C’est le cas notamment du peintre tchèque Zdenek Burian (1905‐1981), qui ouvre la voie à un genre qui se développera de plus en plus : l’illustration pédagogique de la Préhistoire pour les livres de vulgarisation à caractère scientifique. Son apport personnel a consisté à traiter tous les thèmes liés aux reconstitutions scientifiques. Il a réalisé une synthèse des principales connaissances dont il disposait, tout en continuant à véhiculer les « mythes » de la Préhistoire, ce qui a certainement constitué une des raisons de son grand succès. Contrairement à Cormon et Jamin, peintres encore empreints d’exotisme, Burian conduit jusqu’à terme les premières expériences des précurseurs. Il est le premier à appliquer les principes de base de la reconstitution en ayant recours notamment à la paléontologie animale et humaine, au paléo‐environnement et à l’ethno‐Préhistoire.
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Néandertaliens de Kotoucem (Moravie)
Quelle place occupe pour autant le paysage dans ses peintures ? Apparemment, Burian n’aimait pas les paysages concrets. Il ne portait prioritairement son attention que sur les hommes et les animaux, les paysages figurés n’étant que rarement identifiables et assez stéréotypés. Le plus souvent, il représente des scènes inspirées par des gisements sans références précises. Seuls quelques sites sont identifiables d’après les sépultures, les structures ou par des trouvailles caractéristiques. C’est le cas notamment du site de Predmosti, un campement gravettien situé en Moravie. Les toiles peintes par Burian sont identifiables par les roches saillantes non loin de la rivière qui caractérisent le paysage avoisinant le gisement archéologique. Lorsqu’il maîtrisait parfaitement un sujet, il peignait tout d’abord minutieusement l’arrière‐plan qu’il jugeait très important, paysage, végétation, puis terminait par la figure principale. Selon la lumière, l’objectif était de conférer à la scène un caractère magique et mystérieux ou de donner une impression d’insécurité dans un environnement non encore maîtrisé par l’homme. Il en est de même pour l’utilisation des couleurs souvent sombres pour accentuer la nature dramatique du contenu, et claires pour les scènes d’extérieur, les paysages, la nature. Les reconstitutions de paléo‐environnement sont certainement celles qui ont fait l’objet de la plus grande évolution depuis Burian. Ce sont les progrès d’investigation et d’analyse, concernant les végétaux fossiles, qui ont permis de reconstruire les environnements des gisements préhistoriques, durant leurs différentes périodes d’occupation grâce notamment à la palynologie (étude des pollens et identification des végétaux fossiles), à l’anthracologie (étude des charbons de bois) et à la paléo‐carpologie (étude des paléo‐semences, carporestes ou diaspores conservés dans les sédiments). À partir des années 1970, on commence donc à voir apparaître des reconstitutions visuelles ayant pour objectif principal de mettre en avant l’environnement et les paysages de la Préhistoire. Étroitement dépendantes des sciences naturelles, ces reconstitutions peuvent être considérées comme étant les résultats traduits graphiquement des étapes ponctuelles d’une recherche sur l’environnement d’un site.
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LES DIFFERENTS TYPES DE RESTITUTIONS VISUELLES À côté des dessins et peintures représentant les paysages de la Préhistoire, d’autres types de restitutions sont également proposés et utilisés pour la muséographie et la médiation :
Le diorama (dia : à travers, horama : la vision, la vue) est le plus souvent utilisé pour offrir aux visiteurs un ensemble de représentations de scènes de la vie quotidienne des hommes préhistoriques, le but étant de donner l'illusion d'un passé réel à travers une présentation qui se veut réaliste avec des hommes préhistoriques évoluant dans des saynètes reconstituées. Au musée de Tautavel, une salle présente six dioramas évoquant la reconstitution du contexte géologique, géographique, environnemental et climatique de la vie préhistorique aux abords de la Caune de l’Arago.
Diorama au Musée de Tautavel
Chaque diorama détermine un biotope défini, dans lequel viennent s’intégrer la faune, la flore ou encore une scène de la vie préhistorique. Tous ces dioramas sont accompagnés d’un jeu de lumière et d’une bande sonore. Le paysage n’est pas ici l’élément principal, il se situe dans le fond du diorama où une fresque peinte en trompe‐l'œil évoque le paysage de l’époque. Ce type de restitution constitue à la fois une réalisation scientifique, qui se base sur des données apportées par exemple par la géomorphologie ou la palynologie pour recréer un environnement, et une œuvre artistique, puisque l’on crée une mise en situation ou une mise en scène de personnages ou d’animaux restitués dans leur environnement. L’intérêt de la reconstitution est alors de donner une idée de ce qu'a pu être le passé, sans utiliser pour cela trop de mots.
De dimension plus réduite, les maquettes permettent aussi de reconstituer divers
paysages et diverses scènes de la vie préhistorique. Les maquettes peuvent rendre compte en totalité ou en partie d'un site archéologique précis ou bien s'efforcer de restituer une activité particulière (chasse, activités artisanales ou rites funéraires) ce qui est souvent le cas, le paysage étant rarement le sujet principal. La maquette est surtout utilisée à des fins pédagogiques notamment pour des animations à
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destination des enfants pour comprendre l'évolution d’un paysage sur un territoire comme par exemple au Parc des Volcans d’Auvergne qui utilise une maquette évolutive permettant de reconstituer le paysage de différentes époques (glaciaire, paléolithique, néolithique, âge des Métaux, Moyen Âge jusqu'à aujourd'hui) à partir d'un relief type du Parc et de différents éléments à positionner. L’objectif est de faire comprendre et de reconstituer l'évolution du paysage local, à partir d'éléments concrets relevés au cours d'une lecture de paysage dans le cadre de l’animation.
Les reconstitutions virtuelles qui se développent largement offrent une capacité de
visualisation du paysage accessible au plus grand nombre. Au Préhistosite de Ramioul, par exemple, le visiteur est mis à l’épreuve des climats du passé de façon à lui faire percevoir l’adaptation de l’homme à son environnement. Un espace comprend trois boxes climatiques sous la forme de caisses en bois, dans lesquelles le visiteur pénètre. À l’intérieur, température, vent, humidité, images, sons et odeurs évoquent trois types climatiques que la région a connus durant la Préhistoire. Une manette permet de se déplacer dans une reconstitution virtuelle du paysage de Ramioul à l’époque concernée. L’objet‐témoin – une vraie colonne de glace rappelant une carotte glaciaire – ouvre sur des projections qui traitent de l’homme et son environnement, de la variété des paysages, des glaciations, de la diversité écologique des habitats actuels.
OBJECTIFS ET INTERETS DE LA RESTITUTION
Eric Guerrier, Grotte du Lazaret (Alpes‐Maritimes)
La restitution permet de faire découvrir l'homme dans son environnement pour que le visiteur acquière une meilleure compréhension du milieu préhistorique. Elle recrée un monde disparu avec ses paysages, ses animaux et ses hommes, permet de décrire les relations unissant les espèces à leur milieu et, ce faisant, de penser les espèces et leur milieu comme un tout.
Reconstituer un paysage de la Préhistoire permet également d'intégrer et de prendre en compte les différentes disciplines intervenant dans la restitution d’un milieu, notamment la géologie, la climatologie ou la botanique. L'intérêt, d’un point de vue muséographique et aussi pour la
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médiation, est finalement de montrer dans un espace restreint toutes les connaissances que l'on peut avoir sur un sujet donné, sans être obligé de tenir un discours trop long. Cela permet de concrétiser matériellement et visuellement le paysage et l’environnement des premiers hommes tels que les travaux scientifiques s'efforcent de le reconstituer. C’est également un moyen de transmettre une série d'informations scientifiques parfois complexes sous une forme attrayante et de rendre plus vivante une science que beaucoup considèrent comme difficile d’accès.
Pour autant, il ne faudrait pas voir la reconstitution comme un remède miracle pour mettre à la portée de tous la Préhistoire et surtout pour la rendre compréhensible. Quelles sont alors les limites de ces reconstitutions ?
LIMITES ET VALIDITE DE LA RESTITUTION On peut s’interroger tout d’abord sur le devenir des reconstitutions dans le temps. Vont‐elles résister aux évolutions de la science préhistorique ? La reconstitution peut vite se trouver dépassée suite à des découvertes, à des évolutions dans le domaine de l'archéologie. La reconstitution d’une scène ou d’un paysage de la Préhistoire semble être appelée à vieillir et à se démoder plus ou moins rapidement. Il importe de ne pas se faire trop d'illusions sur sa durée de vie, si on connaît les nuances qu'il faut apporter aux premières reconstitutions, on peut légitimement s'interroger sur les reconstitutions actuelles et leur devenir dans 20 ou 50 ans. Il est difficile par ailleurs de faire la part entre la restitution acceptable et la construction imaginaire. « Agréable à regarder, satisfaisante à l'esprit superficiel, convaincante et envahissante, la reconstitution risque de masquer la problématique essentielle de l'archéologie. Ce n’est de toute façon jamais une certitude, simplement une proposition, une approche pour tenter de matérialiser une réalité que l'archéologue ne saisit que partiellement » (Gouletquer, 1988). Cela nous amène aussi à nous interroger sur l’image que l’on transmet de la Préhistoire, toute reconstitution ne traduisant qu'un certain imaginaire. Elle est censée certes favoriser l'imaginaire de la Préhistoire en donnant une vision plus imagée au visiteur, mais en même temps elle impose une image précise. D’autre part, la reconstitution reproduit le plus souvent notre vision de la Préhistoire qui est « constituée chez chacun d'entre nous par une série d'images réflexes, faites d'une part de références scientifiques et d'imaginaire » (Gouletquer 1988). Les concessions que nous accordons à l'imagerie populaire sont parfois bien réelles même si elles nous paraissent souvent superficielles et sans conséquences.
Restituer un paysage, c’est parfois prendre le risque de tomber dans une archéologie fiction, un habillage d'objets et de lieux qui correspond à une vision stéréotypée de la préhistoire. L’archéologie mais aussi la muséologie obéissent en effet à des règles qui tendent à essayer de plaire. On peut être ainsi attiré dangereusement vers deux pôles contraires : « la tentation misérabiliste et la tentation hollywoodienne. Ou bien on se représente une scène préhistorique comme nécessairement frustre, misérable et primitive, ou bien l'on se la représente grandiose et très élaborée » (Agache, Bréart 1982).
L'image est souvent indispensable à la compréhension mais elle est limitative et sa représentation est transmise par une personne, donc forcément interprétée. La reconstitution présente au final un résultat, un produit fini et le visiteur, s’il n’est pas accompagné devant la reconstitution, n’a pas accès à tout le processus de recherche et de réflexion qui a permis son élaboration.
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La question est également de savoir s’il ne faudrait pas faire participer le public à l’élaboration des reconstitutions. Pour rendre vraiment ce procédé attrayant et compréhensible, ne faudrait‐il pas en effet faire intervenir le public au‐delà de la simple contemplation ?
D’autre part, un des problèmes de la Préhistoire est de faire percevoir l'évolution et la notion de temps. Les reconstitutions semblent pour la plupart justement aller à l'encontre de cette relativité du temps, puisqu'elles présentent en général un instantané, une situation donnée sans en indiquer l’ancienneté et l'évolution par rapport à d'autres situations. La reconstitution, si elle se réduit à une seule image, ne favorise pas la traduction de l'idée d'évolution du paysage.
QUEL DISCOURS TENIR DEVANT UNE RECONSTITUTION D’UN PAYSAGE ?
La vallée d’Eselsburger à l’époque magdalénienne, Wolfgang Tambour
Devant la reconstitution, le visiteur s’il n’est pas accompagné se retrouve seul, sans les explications de l’archéologue. Plus que tout, c'est l'encadrement et la médiation autour d’une reconstitution qui va être déterminante. Le visiteur doit pouvoir porter un jugement sur la
Reconstitution d’un paysage au Paléolithique moyen entre ‐60 000 et – 40 000, Eric Guerrier Les pentes de la montagne de l’Hortus dans le Languedoc à 3 époques différentes. 1 : Phase froide et humide avec un paysage forestier très mélangé (pins, bouleaux, chênaie mixte, graminées). 2 : Phase moins froide et humide avec une forêt de pins et de chênes plus dense, le bouleau disparaissant au profit d’espèces thermophiles comme les oliviers 3 : Phase froide et sèche avec de vastes étendues steppiques ponctuées de quelques bouquets de pins.
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pertinence de ce qui lui est proposé. Le rôle du médiateur va alors être d'éveiller l'intérêt, de susciter des réactions face à une connaissance, une méthode et des interprétations. Le médiateur peut ainsi, à partir de la reconstitution, apporter une réflexion critique quant aux choix successifs qui ont permis d'y aboutir. Quel discours tenir alors ? Dans la formulation que l’on va adopter ou la présentation écrite, le sens diffère selon que l’on va dire, par exemple :
Voilà la reconstitution d'un paysage tel qu'il était à l'origine. Voilà la reconstitution d'un paysage tel qu'il devait être à l'origine. Voilà la reconstitution d'un paysage tel que je pense qu'il devait être à l'origine.
Les reconstitutions permettent de tester des hypothèses, mais il faut bien avouer que, la plupart du temps, il n’est pas fait mention du caractère hypothétique des reconstitutions ni le fait qu’elles représentent une interprétation. Certaines questions doivent rester sans réponses, quitte à trouver des explications simples pour démontrer pourquoi. Que ce soit dans le discours du médiateur ou dans la présentation écrite, la reconstitution doit être accompagnée d’interrogations, la valeur éducative de l'archéologie provenant aussi bien de l’observation des faits et des données archéologiques que de l’incertitude de leur interprétation. La reconstitution d’un paysage est au final un véritable outil de communication, censé optimiser l'information disponible sur un sujet. Elle favorise la diffusion d'une information scientifique en présentant l'avantage d'être à la fois rigoureuse et en prise directe avec le public. L’intérêt éducatif est en général reconnu, la reconstitution présentant un véritable intérêt pédagogique permettant d’expliquer et de détailler un paysage dans sa diversité. Il importe pourtant de multiplier et surtout de diversifier le type de reconstitutions, pour ne pas réduire le sujet d’étude à une seule et unique image et pour exposer différentes possibilités d’interprétation.
Bibliographie
Agache (R.), Bréart (B.). — Revoir notre passé, de la fouille à la reconstitution archéologique. Bulletin de la Société de Préhistoire du Nord et de Picardie, 10, Amiens, 1982.
Andrieux (J.‐Y.), Aumasson (P.). — Mise en scène des choses, mise en scène des êtres. Rennes : PUR2, Le Chasse‐Marrée, Armen, 1991, p. 115‐125 (Arts de l'Ouest, Guide des musées du Grand Ouest).
Bernfeld (D.). — Le musée participé. Muséum International, 179, (vol. 45, n° 3). Paris : UNESCO, 1993, p. 50‐52. Delporte (H.). — Archéologie et réalité, essai d'approche épistémologique. Paris : Picard, 1984. Geoffroy (B.). — Quand la Préhistoire se met en scène, Archéologia, 268, 1991, p. 14‐19.
Gouletquer (P.). — La Préhistoire mise en scène. L'archéologie et son image. Juan‐les‐Pins : APDCA, Centre de
Recherches Archéologiques CNRS, 1988, p. 165‐183.
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DU PAYSAGE AU PAYSAGE
Claude CHAZELLE Architecte paysagiste
Claude Chazelle a présenté une réflexion sur la perception « Du paysage aux paysages ». Il a tout d’abord évoqué quelques jalons historiques du concept. Avec des exemples provenant de bandes dessinées, de peintures, de cartes postales et de photographies, Claude Chazelle a commencé par sensibiliser son auditoire en démontrant que « le paysage n’existe pas avant d’être un sentiment ». Différentes images du Pont du Gard (une peinture du XVIIIe siècle, une carte postale du XXe siècle, des photographies du XXIe siècle avec des touristes ou avec des échafaudages de restauration) lui ont permis d’expliquer que le paysage est toujours vu sous un filtre culturel. D’autre part, il a prouvé que même si son image change selon les évolutions culturelles, le paysage demeure. Dans la culture occidentale, on parle de paysage depuis le XVe siècle pour désigner les représentations de la nature qui étaient peintes en arrière‐plan de sujets religieux. Ces peintures étaient purement imaginaires et ne correspondaient pas à une réalité. Elles étaient symboliques, comme sur le tableau la Vierge du chancelier Rolin de Jan Van Eyck. Peu à peu, à partir de la Renaissance, le paysage devient un art à part entière. Après avoir indiqué différentes définitions du paysage (tirées du Larousse et d’un dictionnaire de géographie), Claude Chazelle a expliqué comment le paysage est devenu un patrimoine culturel et s’est interrogé sur la convention européenne du paysage. Sa réflexion s’est terminée sur le rapport entre le paysage et la médiation de l’art.
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ARCHEOLOGIE DU PAYSAGE : UNE FORMATION
PLURIDISCIPLINAIRE
Corinne MICHEL Coordinatrice culturelle, Centre Régional de Documentation sur l'Archéologie du Paysage (CRDAP), Uzerche (www.archeologie‐paysage.org)
Neuf participants à l’atelier
PRESENTATION DE L'ATELIER Après une présentation de l’association, de ses actions auprès des publics et de la méthode, les participants ont été mis en situation comme des élèves en participant à un atelier herbier.
OBJECTIFS PROPOSES Découvrir une méthode d'archéologie du paysage créée pour le Limousin mais applicable à tous les territoires. Comment réaliser des applications concrètes avec les scolaires autour du paysage (sorties sur le terrain et ateliers) ?
DEROULEMENT DE L'ATELIER
Présentation de l'association et de ses actions
Le Centre Régional de Documentation sur l’Archéologie du Paysage (CRDAP) est une association qui travaille depuis plus de 20 ans avec une méthode originale d'archéologie du paysage pluridisciplinaire appliquée pour la formation et l'information du public le plus large, et notamment les scolaires. Sa création remonte à 1988, date à laquelle elle s'installe à Uzerche. Née d'un partenariat entre la DRAC Limousin, l'Education nationale et la ville d'Uzerche, elle est encore soutenue aujourd'hui par ces collectivités, ainsi que par la Région Limousin.
Le CRDAP, c'est aussi un centre de documentation et une exposition permanente sur le thème de l'archéologie du paysage limousin. Les missions du CRDAP sont d'initier un large public à la lecture du paysage, d'expliquer la formation du paysage en faisant appel à une méthode et ainsi recevoir du public (classes du patrimoine, groupes, associations culturelles, centres de loisirs…). Le CRDAP propose des sorties sur le terrain et des ateliers : lecture du paysage en milieu urbain, en milieu rural, sites antiques (villa, sanctuaires…) et médiévaux (mottes castrales, abbatiales…). Les ateliers sont liés aux sorties sur le terrain, selon les thèmes : maquettes de paysage, herbiers, poterie, mosaïque, enluminure, vitrail, linogravure…
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Le service éducatif est assuré par une enseignante ayant obtenu trois heures supplémentaires. Les programmes sont élaborés en fonction du projet de l'enseignant. Nous pouvons nous déplacer aussi pour travailler dans l'école (par exemple, lecture de paysage dans l'environnement proche de l'école et un atelier, sur la journée). Nous proposons des formations pour les enseignants dans le cadre de stages du Plan Académique de Formation (PAF). Les participants enseignants ont fait remarquer que ces stages sont diffusés par académie, donc ne sont pas ouverts à tous. Ils regrettent ce cloisonnement. Les futurs enseignants de l'IUFM sont aussi un public privilégié mais, au vu de la réduction du nombre de postes et de la modification de leur formation, cela devient de plus en plus difficile.
Cette présentation des actions du CRDAP a donné lieu à des discussions avec les participants sur le fonctionnement d'une association subventionnée, sur les problèmes de communication que l'on peut rencontrer pour se faire connaître et faire venir les enseignants.
Présentation de la méthode pluridisciplinaire d'archéologie du paysage en Limousin
Au CRDAP, on ne fait pas de fouilles archéologiques mais on étudie les conséquences de l'action de l'Homme dans le paysage. En s'y installant, il l'a complètement modifié et cela dès la première agriculture. Concrètement, avec un public, nous essayons d'abord de poser la question : « Qu'est‐ce qu'un paysage ? », « de quoi est composé un paysage ? ». À partir de là, nous trions les éléments naturels (géologie, topographie…) et les éléments anthropiques (toponymie, botanique, urbanisation, agriculture, histoire et art…).
Pour illustrer cette méthode, nous avons évoqué les différentes sortes de roches que l'on trouve en Limousin, et comment l'Homme les a utilisées selon leur échelle de résistance, en architecture par exemple ou dans l'artisanat. Sur le terrain, il est possible de les observer (couleur), de les toucher (granulosité, dureté…).
La topographie permet d'établir un lien entre le relief et l'occupation humaine : pas de place pour le hasard. Sur un relief d'alvéole (unité paysagère du Limousin, sur roche dure), l'Homme circule sur la cloison, construit son habitat et met en culture le replat (versant sud, sud‐est ou sud‐ouest), trouve l'eau dans la mouillère et cela dès l'époque gauloise.
Schéma d'un alvéole ‐ (dans J.‐M. Desbordes, L'archéologie du paysage rural. AAHL, 1997)
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L'étude de la botanique permet de démontrer que les formes végétales naturelles ont quasiment disparu. Cependant, quelques notions sont fondamentales : La végétation climatique : lorsque l'Homme cesse d'intervenir, le paysage évolue
vers une formation végétale spontanée, le climax. En Limousin, on tend vers la chênaie, la hêtraie ou la forêt mixte chênaie‐hêtraie, selon l'altitude.
Distinction entre le chêne sessile et le chêne pédonculé. Le premier est implanté dans les plus anciens massifs forestiers, le second se développe sur les terrains cultivés par l'Homme.
La végétation rudérale indique la présence de l'Homme. Ces plantes sont des anomalies botaniques par rapport à leur milieu. Elles colonisent un lieu car la terre a été enrichie par l'Homme. Elles étaient aussi présentes dans les haies et ont été utilisées par l'Homme pour leurs vertus : fusain d'Europe (propriétés tinctoriales), cornouiller sanguin (huile pour savon et éclairage), aubépine (circulation sanguine), sureau noir (distillerie, confiture), géranium herbe à robert (antihémorragique), chélidoine (soigne les verrues), tamier « herbe aux femmes battues » au nom évocateur…
L'évocation de ces plantes permet aussi de rebondir sur la problématique des haies.
La petite pervenche (motte castrale d'Espartignac, Corrèze)
La toponymie permet de dater l'occupation du sol par l'Homme. Le passage d'une langue à l'autre se fait progressivement. Quelques repères : jusqu'à l'an Mil, le gaulois, le latin et le roman n'ont pas d'article défini ; après, le roman se scinde en deux dialectes d'oïl et d'oc, avec article défini. Concrètement, nous travaillons sur le cadastre napoléonien qui est un instantané du paysage au XIXe siècle (atlas et biens de sections). Cela nous permet d'étudier le paysage et la toponymie du lieu. Les origines des noms sont diverses : gauloises (par exemple Ussel/Uxellos, lieu élevé), gallo‐romaines (noms en AC, AT, ON, ANGE), se rapportant à la végétation (par exemple Bessines/du latin bettia, le bouleau), hydrotoponymes (par exemple Bournazel/du latin born, la source), sites fortifiés (par exemple Châlucet/du latin castrum, lieu fortifié), routes (par exemple Lestrade/du latin strata via, voie romaine), hagiotoponymie (par exemple Saint‐Etienne, Saint‐Georges…).
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Réalisation par chaque participant d'un herbier Matériel : un calame en bambou (sorte de plume taillée des deux côtés), encre de Chine, carnet réalisé en papier recyclé, papier Canson, plantes séchées.
Il s'agit pour chaque participant de réaliser un herbier de plantes rudérales, indicatrices de la présence humaine. Lors d'un atelier avec un public scolaire, les plantes ont déjà été vues sur le terrain et même récoltées. Nous expliquons ce qu'est un herbier, quel est le processus de séchage des plantes que l'on fournit. Un carnet est remis à chaque participant. Nous l'avons fabriqué au CRDAP avec du papier journal broyé dans l'eau. À l’aide d'un tamis format A4, nous récoltons la pâte à papier qui est ensuite déposée sur un tissu sur lequel elle va sécher. Les scolaires réalisent eux‐mêmes une page en papier recyclé qui sera utilisée pour un prochain carnet. Chacun s'entraîne à écrire au calame avec l'encre de Chine, puis inscrit son nom et la date à l'intérieur du carnet. Sur deux ou trois pages de papier Canson à la dimension du carnet, chaque participant écrit les noms des plantes qu'il a choisies parmi une liste, en français et en latin, en respectant la calligraphie demandée (lettres capitales et script).
La petite pervenche (motte castrale d'Espartignac, Corrèze)
CONCLUSION ET BILAN Les conditions de réalisation de cet atelier étaient idéales pour parler du paysage : grande salle, diaporama pour illustrer le propos et une vue imprenable de l'environnement immédiat du musée que l'on voyait à travers l'immense baie vitrée… Les participants se sont bien impliqués dans la réalisation des herbiers ; il s'agissait d'une véritable mise en situation. La première partie de présentation et des actions du CRDAP a amené des questionnements sur son fonctionnement et sur les difficultés rencontrées par les enseignants. La partie présentation de la méthode s'est faite sous la forme d'une conférence avec beaucoup d'illustrations. Le but de cet atelier était de comprendre comment fonctionne notre association, quelles sont ses activités de formation à l'archéologie du paysage, et quels sont ses publics.
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ENVIRONNEMENT ET PREHISTOIRE, APPROCHE PEDAGOGIQUE
Chloé ALBARET Médiatrice, association Arkéo Fabrik (Deux‐Sèvres) (http://arkeofabrik.over‐blog.com/)
Sept participants à l’atelier.
PRESENTATION À travers la présentation et l’utilisation d’une mallette pédagogique réalisée avec le CDDP de Tours et destinée à des élèves de niveau collège ou plus, nous proposons d’aborder avec les participants la reconstitution du paléoenvironnement entre les vallées de la Loire et de la Creuse. Après cette étude de cas et l’évaluation de l’outil présenté, nous espérons avoir quelques clés afin de réfléchir ensemble sur la médiation des paléoenvironnements, ses objectifs, ses méthodes et ses outils.
OBJECTIFS
Présenter un outil pédagogique adaptable, Initier les participants à l’évolution du climat au cours de la Préhistoire et son
influence sur les sociétés préhistoriques, Réfléchir sur les méthodes de médiation autour des paléoenvironnements (quels
outils, quels objectifs, pour quel public…).
DEROULEMENT
Présentation et historique de l’outil « Environnement et Préhistoire »
L’objectif de cet atelier dans le cadre des 10e Journées d’automne de Bibracte était de présenter un outil pédagogique sur le thème de l’environnement pendant la Préhistoire et de le tester dans sa version 3D avant de le finaliser. Il s’agit d’un des volets d’une mallette pédagogique conçue en 2004 à la demande du CDDP de Tours afin de permettre aux enseignants d’initier leurs élèves à la Préhistoire de leur département de manière interactive. Cet outil a pour objectif de sensibiliser des élèves avant un séjour de classe patrimoine au Grand‐Pressigny.
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Cette mallette contient quatre modules : Préhistoire et Arts, réalisé par Léna Dessein, conseillère pédagogique en arts
visuels, Isabelle Magnan, conseillère pédagogique en éducation musicale, et Joël Gabilleau, enseignant intervenant auprès de l'association EPSL (1),
Environnement et Préhistoire, réalisé par Chloé Albaret et Jérémie Vosges, animateurs de l'association EPSL,
L'anthropologie funéraire, réalisé par Aurélie Del Prête, animatrice de l'association PVCT (2),
Les modes opératoires, réalisé par Jean‐Claude Marquet, président de l'association PVCT.
Le module « Environnement et Préhistoire » qui nous intéresse ici a été conçu pour des collégiens dans l’objectif de les initier à la recherche des paléoenvironnements et à l’interdisciplinarité qu’ils requièrent. Ainsi, il propose d’étudier l’environnement de six sites tourangeaux (La Roche‐Cotard 45 000 BC, Les Maîtreaux 18 000 BC, Bénagu 14 000 BC, Le Couvent 9 000 BC, Les sables de Mareuil 4 700 BC et le Bec des Deux Eaux 3 200 BC) à travers l’anthracologie, la palynologie, l’archéozoologie (3) et l’archéologie. L’ensemble des éléments à décrire, comparer, identifier et interpréter se présentait sous forme d’illustrations papier. En 2010, les auteurs ont souhaité faire évoluer la mallette en introduisant de véritables objets (ossements, pollens, charbons et vestiges anthropiques). C’est cette seconde version de la mallette « Environnement et Préhistoire » qui a été présentée lors des journées d’automne de Bibracte au Musée de Nemours. L’outil présenté est composé de six boîtes contenant chacune une fiche du site qu’elle représente et les divers éléments à analyser : ossements, charbons, pollens ainsi que des fac‐similés du matériel archéologique retrouvé. Un dossier « archéozoologie », un dossier « anthracologie » et un dossier « palynologie » permettent à chaque groupe de comprendre la démarche propre à chaque discipline et contiennent une clé de détermination, un référentiel afin de pouvoir identifier les vestiges paléo‐environnementaux, ainsi que des informations relatives au biotope dans lequel ils évoluent. Des réglets et pieds à coulisse sont mis à disposition pour mesurer les ossements animaux et effectuer un rapport d’échelle. L’ensemble des éléments à identifier est à consigner sur une fiche de compte rendu. Enfin, un dossier « climats » traitant de ses mécanismes et de sa répartition actuelle permet de mettre une image sur l’environnement du site étudié. Cet outil étant destiné à être utilisé en autonomie par des groupes scolaires, il comporte également un dossier enseignant dans lequel figurent les intentions pédagogiques, le contenu de la mallette, son utilisation, une bibliographie ainsi que le corrigé des divers éléments à identifier, classés par sites. De plus, l’ouvrage de J. Renault‐Miskovsky (4) permettra à l’enseignant d’en savoir davantage tant sur les méthodes que sur les données paléo‐environnementales de la Préhistoire.
Utilisation de la mallette « Environnement et Préhistoire »
L’intention première de cette mallette est d’initier à la démarche scientifique, mais aussi à l’interdisciplinarité. Ainsi les utilisateurs doivent d’abord sélectionner les vestiges à partir desquels ils vont pouvoir travailler et tirer des informations. L’idéal étant que chaque groupe soit constitué au minimum d’un archéologue, d’un archéozoologue, d’un palynologue et d’un anthracologue. Lors de l’utilisation au PREAC, étant donné le nombre
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restreint de participants, il n’a pas été possible d’effectuer cette répartition, nous avons donc travaillé par équipe de deux personnes, soit quatre groupes au total. Après une brève présentation de l’outil et des consignes, les participants ont œuvré sur quatre sites. N’étant que deux par équipe, ces derniers ont, de manière très spontanée, travaillé systématiquement ensemble à la détermination de chaque élément. Il n’y a donc pas eu de répartition du travail, mais un vrai travail collectif. Ils ont d’abord pris connaissance du site et des clés de détermination, puis se sont attelés à l’identification des vestiges. Au terme d’une heure, ils avaient décrit, comparé et identifié les vestiges et en avaient obtenu les informations relatives à l’environnement. Un fragment de mandibule a toutefois posé un problème à l’une des équipes. Au regard du temps imparti, les groupes n’ont pas pu en déduire l’environnement du site et nous avons encore moins eu le temps d’organiser une synthèse collective afin que chaque groupe puisse présenter son site et son environnement, et voir comment le climat avait évolué au fil du temps. Ceci est possible dans la mesure où les sites sont localisés dans une zone géographique restreinte et qu’ils couvrent toute la période d’occupation préhistorique de la région de la Touraine, à savoir du Paléolithique moyen au Néolithique final. La présentation et l’utilisation de cette mallette dans le cadre du PREAC avaient pour but d’en faire l’analyse critique afin de faire évoluer cet outil. Nous avons donc privilégié cet objectif à celui de mener à terme son utilisation. Analyse critique de l’outil « Environnement et Préhistoire » et pistes pédagogiques
Il s’agit d’un outil qui peut sembler complexe au premier abord puisque les disciplines touchant aux paléoenvironnements et abordées ici sont spécialisées et peu connues du grand public. Pourtant, une fois entrés dans la phase de la détermination des vestiges, les participants se sont rapidement laissé prendre au jeu. Il serait donc important de revoir les consignes d’utilisation et de les concevoir comme des « règles du jeu » de manière à ce qu’elles soient plus attractives. Étant donné la spécificité des différentes disciplines abordées ici, il serait indispensable de prévoir au préalable une formation de l’enseignant d’environ deux heures sur l’outil afin qu’il se sente suffisamment à l’aise pour l’utiliser en classe. Par ailleurs, le travail proposé aux élèves nécessite des prérequis relevant de la notion de l’échelle du temps, du vocabulaire spécifique (palynologie, anthracologie, archéozoologie, mobilier, matériel lithique, habitat…) ainsi que de repères mathématiques de mesures et d’échelles. Il est possible de pallier certains de ces prérequis en insérant par exemple un lexique sur la fiche de compte rendu ou sur la fiche site, ainsi qu’une frise chronologique. Sur la fiche de compte rendu, il serait intéressant d’ajouter une colonne description afin que l’enseignant puisse apprécier le cheminement ayant permis à l’élève d’identifier tel ou tel vestige.
Cet outil étant une commande du CDDP de Tours, seuls des sites d’Indre‐et‐Loire y apparaissent. Pour une diffusion à large échelle, il serait possible de travailler sur des sites plus connus tels que Tautavel, Lascaux, Charavines… Cependant, dans ce cas de figure, il serait plus difficile d’avoir une lecture chronologique de l’évolution de l’environnement du fait de l’éloignement géographique de ces sites. On peut y remédier en ne prenant qu’un seul site où l’occupation a été constante pendant la Préhistoire. Ainsi, chaque boîte serait l’image de l’occupation du site à une période donnée.
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D’une manière générale, cette mallette est un outil intéressant pour aborder l’environnement et son évolution pendant la Préhistoire. Elle reste cependant destinée à des élèves de niveau collège. Elle peut être assez simplement adaptée pour un niveau lycée en incluant la notion de dénombrement de chacun des vestiges afin de pousser plus loin l’étude des sites : par exemple, les vestiges fauniques seraient représentés par 80 % de renne, 3 % de lagopède, 10 % de cheval et 7 % de bison. Il s’agirait alors de pousser la réflexion vers des notions de sélection des espèces chassées, quantification des charbons et pollens pour une restitution encore plus précise de l’environnement passé et de sa gestion par les hommes préhistoriques.
Maintenant pour aborder l’environnement avec un public plus jeune, disposant donc de moins d’acquis en termes de savoirs, plusieurs pistes ont été proposées :
Pour comprendre l’architecture d’un paysage : les enfants forment un cercle et regardent vers l’extérieur. Chacun dessine ce qu’il voit en 10 minutes. Les enfants tournent et dessinent à nouveau en 5 minutes, puis en 1 minute. Ainsi ils prennent conscience qu’un paysage, c’est d’abord des lignes essentielles (les différents plans), puis des éléments constitutifs importants (une rivière, une colline, un immeuble…), puis des détails (un pylône électrique, un tracteur…).
Pour acquérir un vocabulaire commun : découper un cadre en papier que
l’enfant disposera où il le souhaite. L’enfant dessine ce qu’il voit à travers ce cadre dans un temps limité. Il doit ensuite décrire avec son propre champ lexical ce qu’il a dessiné. À cette occasion, l’enseignant introduira les termes de vocabulaire commun à acquérir (notion de plans, de ligne d’horizon…). Une fois que l’ensemble des élèves a adopté ce vocabulaire, l’enfant choisit un binôme, ils se placent dos à dos. L’un décrit le paysage, tandis que l’autre doit le dessiner. Très rapidement, les enfants comprennent l’importance du vocabulaire commun et le maîtrisent parfaitement.
Pour réaliser un plan en utilisant des codes : par petits groupes, les enfants
doivent dessiner le plan de leur classe ou de la salle dans laquelle ils se trouvent. Ils doivent se mettre d’accord sur les codes qu’ils vont utiliser au sein du groupe pour figurer une porte ou une table, et mesurer la pièce pour la dessiner au plus juste. Pour cela, ils utilisent leur pas comme toise. Tous n’ayant pas la même longueur de pas, et chaque groupe ayant choisi un code propre à lui, les plans ainsi obtenus sont souvent divergents. Cela permet de les initier à la cartographie.
Pour expliquer l’évolution du paysage au fil du temps : avec des tout petits, il
est parfois difficile de faire prendre conscience de l’évolution d’un paysage. En rapportant l’évolution à une année, et en faisant appel à leur propre connaissance de l’environnement, les enfants sont amenés à comprendre qu’un paysage n’est pas statique : les arbres n’ont pas de feuilles en hiver ; au printemps elles sont toutes petites ; en été, elles sont grandes et vertes, et en automne, elles deviennent rouges et tombent.
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CONCLUSION Cet atelier a permis aux participants de découvrir – en tant qu’utilisateurs – une mallette pédagogique sur le thème de l’environnement et de participer à son amélioration. S’il n’a pas été possible d’exploiter l’ensemble du potentiel qu’offre cette mallette, tant en termes de savoir, de savoir‐faire que de savoir‐être, pour des questions évidentes de temps, nous avons cependant commencé à réfléchir sur les différents moyens d’aborder ce thème avec un public plus jeune. Nous espérons que ces pistes aideront médiateurs et enseignants pour transmettre des connaissances de manière pédagogique et ludique. Notes
1. Association Education et Patrimoine en Sud‐Lochois ‐ Classes Patrimoine du Grand‐Pressigny. 2. Association Patrimoine Vivant en Claise Tourangelle – Extras scolaires du Grand‐Pressigny. 3. Anthracologie : étude des charbons de bois ; Palynologie : étude des pollens ; Archéozoologie : étude des restes fauniques. 4. Renault‐Miskovsky (J.) 1991. — L’environnement au temps de la Préhistoire. Paris : Editions Masson, 1991 (2° Edition, 200 p.).
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CONSTRUIRE UN PROJET DE MEDIATION AVEC DES PARTENAIRES
ISSUS D’AUTRES CHAMPS DISCIPLINAIRES : L’EXEMPLE DE LA TECHNOLOGIE AU COLLEGE, UNE NOUVELLE OPPORTUNITE D’INTERDISCIPLINARITE
Jean‐Luc RIEU Responsable du service des publics au musée de la Préhistoire d’Ile‐de‐France (www.musee‐prehistoire‐idf.fr)
Huit participants à l’atelier
PRESENTATION
Depuis la rentrée scolaire 2009, de nouveaux programmes de technologie en classe de 5e ont été mis en place, ayant pour thème général : Habitat et ouvrages. À partir d’une demande d’un professeur de technologie pour des classes de 5e, il s’agit de concevoir un projet pédagogique autour de la notion d’habitat, tenant compte des attentes de l’enseignant et des contraintes inhérentes au projet et des objectifs du musée.
OBJECTIFS
Elaborer des pistes de projets Faire une analyse critique d’un atelier maquettes d’habitats préhistoriques. Débattre autour du projet mené par le musée de Préhistoire de Nemours.
DEROULEMENT
Contactés par Jean‐François Fournier, professeur de technologie au collège Arthur Rimbaud de Nemours, établissement situé en face du musée de Préhistoire, nous avons construit un projet d’activités, en liaison avec les présentations et les collections du musée. Nous avons d’abord vu ensemble les approches spécifiques et les compétences attendues des élèves dans cette discipline. Ainsi, chaque niveau s’articule autour de six approches :
1 L’analyse et la conception de l’objet technique
La représentation des solutions techniques peut se faire sous forme de croquis ou de schémas à main levée.
2 Les matériaux utilisés
L’étude de nouveaux matériaux permet de découvrir de nouvelles propriétés, de nouvelles possibilités de transformation. Les matériaux métalliques, céramiques, organiques et composites sont abordés dans le contexte de l’étude d’un objet technique.
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3 Les énergies mises en œuvre 4 L’évolution des objets techniques
Cette approche a pour but d’amener l’élève à mieux appréhender les évolutions des habitats et ouvrages au cours du temps, en élargissant sa vision historique des productions et constructions réalisées par l’homme. Les investigations sur les objets techniques réels doivent permettre de bien percevoir qu’une solution est un compromis à un moment donné en fonction notamment de l’état des sciences et des techniques disponibles.
5 La communication et la gestion de l’information (informatique) 6 Le processus de réalisation d’un objet technique
L’approche « processus de réalisation » s’appuie sur un objet technique étudié et permet de répondre à la question : « comment est‐il réalisé ? ». Elle contribue ainsi à l’acquisition des connaissances et des capacités spécifiques à la fabrication et à l’assemblage de l’objet technique. Cette approche permet de réaliser un prototype ou une maquette.
Ces approches déclinent des compétences à faire acquérir aux élèves. Nous avons sélectionné parmi les compétences figurant dans le référentiel national un certain nombre de points à mettre en œuvre dans les activités :
1.1 identifier des fonctions assurées par un objet technique 1.2 identifier la solution technique retenue pour réaliser une fonction de service 1.9 traduire sous forme de croquis l’organisation structurelle d’un objet technique 2.4 identifier l’origine des matières premières et leurs disponibilités 3.4 identifier des solutions qui permettent de réduire les pertes énergétiques 4.1 identifier l’évolution des besoins 4.5 mettre en relation une tâche avec différents outils et machines utilisés aux cours des âges 6.5 participer à la réalisation d’une maquette d’un objet technique 6.6 transférer les données d’un plan sur une maquette ou dans la réalité
Lors de l’atelier, il avait été demandé aux participants de réfléchir à la mise en place d’un parcours de médiation autour de cette thématique particulière. Une des premières questions a été de s’informer sur ce qui se faisait dans les autres disciplines (Histoire, Arts plastiques, etc.) afin de donner du sens au projet et pour qu’il soit plus ambitieux. Le musée est perçu comme un lieu ressource afin de connaître les solutions adoptées par les hommes pour se loger. La question de l’époque et du lieu est primordiale. Doit‐on fixer une période, ou bien travailler de façon chronologique ? L’habitation doit répondre à des besoins fondamentaux de protection, mais elle est tributaire des moyens techniques connus à une période donnée, du milieu naturel dans lequel elle se situe et, par là même, des ressources naturelles disponibles. Elle est également le reflet social de ses occupants. Les activités mises en place par le musée de Préhistoire : Le collège se trouve à proximité immédiate du musée, facilitant l’accès des élèves. Des contraintes organisationnelles ont concerné la gestion du groupe et les horaires : nous avons eu la possibilité de travailler en demi‐groupe (en moyenne douze élèves à chaque fois) ; d’autre part la durée d’animation devait s’inscrire dans le temps consacré au cours, soit 1 h 20.
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L’ensemble des classes de 5e ont participé au projet, soit sept classes (dont deux de 5e SEGPA). Trois séances différentes ont été mises en place : la découverte des traces d’habitats préhistoriques par les archéologues en utilisant le module expérimental de fouilles du musée. Cette approche permet aux élèves d’être confrontés directement aux données de terrain des archéologues, de réfléchir aux structures d’habitats paléolithiques, aux matériaux présents (pierres de calage) mais aussi à ceux qui ont disparu (bois, peaux). Les plans dressés par m² sont exploités dans un second temps pour réaliser des maquettes d’habitat, en intégrant des plans d’habitats de périodes plus récentes : Néolithique et âge des Métaux. En plus de l’introduction de la dimension chronologique et du passage du mode de vie nomade à celui de sédentaire, de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies de construction sont évoqués : trous de poteau, clayonnage, torchis, choix de la couverture de la toiture, etc.
La dernière activité proposée est la réalisation grandeur nature dans le parc du musée d’un habitat de type paléolithique sous forme d’une tente conique et la participation à la construction d’un bâtiment, type maison de l’âge du Bronze, avec la mise en place du clayonnage, la fabrication et la pose du torchis. La provenance des matériaux, les choix d’implantation et les comparaisons avec des régions dans le monde où des techniques similaires sont encore employées sont abordés avec les élèves.
Au total ce sont 42 séances de 1 h 20 qui ont eu lieu au musée, en début d’année scolaire (de septembre aux vacances de Toussaint).
Le compte rendu des activités se trouve sur le site internet du collège : http://techno.rimbaud.free.fr/index.php à la rubrique 5e (objet 1, séance 1, 2 et 3).