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Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 29 janvier 2008 — Volume 97 Numéro 15 • Le ciel n’a pas de limites depuis 1977. Tabaski! La chair que le Niger vénère... Un photoreportage en centrales La bibliothèque radicale p.2 Expositions hivernales pp.12-13

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La bibliothèque radicale p.2 Expositions hivernales pp.12-13 La chair que le Niger vénère... Un photoreportage en centrales Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 29 janvier 2008 — Volume 97 Numéro 15 • Le ciel n’a pas de limites depuis 1977.

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Le seul journal francophone de l’Université McGill • Le mardi 29 janvier 2008 — Volume 97 Numéro 15 • Le ciel n’a pas de limites depuis 1977.

Tabaski!La chair que le Niger vénère...

Un photoreportage en centrales

La bibliothèque radicale p.2

Expositions hivernales pp.12-13

Page 2: ledelit_20080129

www.inrs.caTéléphone : 418 654-2500 Sans frais : 1 877 326-5762

Une formation d’avenir

02xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Nouvelles

Louis St-AiméLe Délit

Mercredi soir dernier à la bibliothèque McLennan avait lieu le vernissage de

l’exposition Québec Alternative, pré-sentée conjointement par Media@McGill et la Division des livres rares et des collections spécialisées de la bibliothèque de l’Université McGill. Le matériel exposé provient directe-ment de la collection personnelle de Marc Raboy, professeur d’éthique, média et communication à McGill. «Ce n’est pas de la nostalgie. Ce n’est pas un regard sur un moment qui est disparu et oublié. [...] C’est de l’his-toire, mais ça porte avant tout sur le pouvoir de la communication», a-t-il expliqué lors du discours d’ouver-

ture, auquel ont assisté plusieurs membres de la presse radicale mon-tréalaise. Le docteur Raboy avait fait don de sa collection privée à la bi-bliothèque pour en permettre l’accès aux chercheurs contemporains et fu-turs. «Il y a [des revues] qui reflètent des moments historiques et d’autres qui traitent des enjeux qui sont en-core d’actualité», a-t-il précisé lors de son discours.

Un point de vue essentiel; un message optimiste

«Les médias et les médias al-ternatifs sont essentiels», a jugé Jonathan Sterne, professeur associé du Département de l’histoire de l’art et des études en communica-tion, au commencement de la soi-rée. Un propos qui trouve écho chez Marc Raboy: «Il y a là-dedans quel-que chose d’universel. [...] L’intérêt est que cela se passe maintenant à

l’échelle globale. Le message à retenir est que ‘vous pouvez communiquer’, a-t-il dit au Délit. Et les résultats sont durables». Il a cité en exemple la piè-ce d’exposition Birth Control Handbook publiée par le groupe Médecine Pour Tous il y a une quarantaine d’an-nées, à l’époque où cette informa-tion n’était pas disponible et où les consultations médicales n’étaient pas gratuites: «Aujourd’hui, on ne remet pas en question [la raison d’être de ces publications]. Ce qui a commen-cé en marge de la société est progres-sivement devenu normal».

Dans les deux présentoirs de verre qui abritent l’exposition étaient aussi mis en évidence des revues pé-riodiques, des calendriers activistes et d’autres publications portant des noms tels que Le temps fou, La vie en rose et Québécoises deboutte!.

Rompre avec la tradition?Le Délit a demandé à Allison

Flynn, membre du bureau des re-lations médiatiques de McGill, s’il n’était pas inhabituel dans cette uni-versité de réputation conservatrice de

manifester une telle reconnaissance envers des éléments contestataires de la société. «Tout à fait, a-t-elle ré-pondu en riant. Mais c’est une très bonne initiative visant à présenter les médias d’une autre génération. Même si on n’était pas impliqués dans l’organisation de l’événement, on tenait à le publiciser et à le faire connaître aux gens». La plupart des visiteurs interrogés mercredi soir se sont dits satisfaits de l’exposition. Au moins un curieux, cependant, en est sorti déçu: «Les présentations orales étaient intéressantes, mais l’exposi-

tion ‘est morte’. Les présentateurs ont rappelé que les gens doivent s’investir pour faire bouger les cho-ses. Alors c’est plutôt paradoxal de s’extasier sur ces revues radicales en-fermées dans de vieux pupitres. C’est bien que [les organisateurs] hiérar-chisent ces publications, mais l’expo-sition est trop pauvre», s’est lamenté au Délit ce visiteur qui a préféré de-meurer anonyme. x

L’exposition Québec Alternative est présentée jusqu’au 30 mars au 4e étage

de la Bibliothèque McLennan.

Des radicaux à McGillLa bibliothèque de McGill offre un regard sur les périodiques radicaux des années 1970.

Marc Raboy discute avec des invités lors du lancement de l’exposition. Éric Chevalier

campus

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03xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318

Rédactrice en chef [email protected]

Laurence [email protected] de section

Zoé Gagnon-PaquinSecrétaire de rédaction

Alexandre DuvalArts&[email protected] de section

Lawrence MonosonSecrétaire de rédaction

Pierre-Olivier BrodeurSociété[email protected]

Julie RousseauCoordonnateur de la production [email protected]

Mathieu MénardCoordonnateur [email protected]

Vincent BezaultCoordonnatrice de la [email protected]

Cynthia Cloutier MarengerCollaboration

Laurence Bich-Carrière, Maxime Bouchard, Amélie Gouin, Annie Li, Jimmy Lu, Louis Melançon, Maysa Pharès, Marilou Richard, Rosalie Bélanger-Rioux, Mathieu Rouy, Louis St-Aimé.

CouvertureLouis Melançon

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

Publicité et direction générale Boris Shedov

Gérance Pierre Bouillon

Photocomposition Mathieu Ménard

The McGill Daily • [email protected]

Drew NellesConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)

Sarah Colgrove, Jeremy Delman, Daniel Langer, Alexandre de Lorimier [[email protected]], Laurence Martin, Erika Meere, Drew Nelles, Max Reed, PJ Vogt.

[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

Lisez Le Délit en public! Mieux, venez encourager les déliites en direct

le lundi après-midi au Shatner B-24.

Gros plan sur Fraser Le TNM et Elizabeth : un coup de brushing

Deux nouvelles chroniques

Nouvelle mini-série très jazzy

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.

Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la repro-duction de ses articles originaux à condition d’en mentionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas nécessairement celles de l’Université McGill. L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les produits dont la publicité pa-raît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimerie Quebecor, Saint-Jean-sur-le-Richelieu (Québec).Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press (CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire francophone (CIPUF).

Volume 97 Numéro 15

4 & 10 147 16

Éditorial

Prendre un lecteur en flagrant Délit procure un sentiment d’accomplis-sement à nos journalistes. Lorsque

l’un d’entre nous aperçoit du coin de l’œil un Mcgillois lire sa page, il court le souffler à l’oreille de ses amis pour qu’ils viennent voir. Imaginez alors l’ampleur de sa réaction si ce même journaliste en venait à recevoir du courrier concernant un article qu’il aurait publié. (Ça s’apparenterait à obtenir un 4.0 de GPA –mais avec le vedettariat en plus).

Voilà donc qu’à mon plus grand bonheur un collaborateur a émis un commentaire sur mon éditorial du 15 janvier dernier, dans lequel il était question de «stages avec les petits enfants d’Afrique». Il voulait me parler de son expérience en Afrique du Sud et d’à quel point il en était sorti transformé. Même si ce lecteur du Délit était d’accord avec l’idée que son voyage n’avait pas changé la vie des gens là-bas, il tenait à me signaler l’impact positif qu’il avait eu sur la sienne: être ex-posé à des conditions de vie diffici-les, rencontrer des gens au bagage historique complètement différent, changer sa manière de voir le monde…

Changez…L’expérience dans des pays en voie de

développement étant très recherchée par les étudiants de McGill, j’ai pensé qu’il serait intéressant de développer la question. Après tout, combien avouent que leur séjour dans un village reculé du Mali, au Pérou ou en Inde a été ce qui les a le plus marqués à vie?

…«pour qu’un jour votre histoire soit écrite dans les livres»

Si les Mcgillois ont tellement à cœur d’aider ceux qui souffrent, pourquoi ne s’impliquent-ils pas au sein de leur com-munauté? Pourquoi aller au bout du monde pour voir la pauvreté «disponible» au coin

de leur rue? Parce que faire un stage dans un camp de réfugiés au Botswana fait par-tie des standards d’un étudiant universitaire. Tout comme on vous demande «d’avoir une bonne moyenne» et «d’être impliqué dans une association», on s’attendra à ce que vous ayez participé à un projet d’aide au développement international. Vous devenez «exportable» - j’adore quand on emploie un lexique commercial pour des êtres hu-

mains. Aujourd’hui, on vous valorise par vos «échanges», «voyages» et «déplacements». C’est une autre forme de déduction carté-sienne: j’ai un décalage horaire dans le corps donc je suis. L’international est vraiment ten-dance.

Je suis «branchée» sur le mondeD’ailleurs, la mode «je suis citoyen

du monde» ne s’arrête pas là. Pensez au coup de marketing de Brad Pitt et d’Ange-lina Jolie avec leur «famille tiers-monde». À Hollywood, pour être tendance, on doit choisir ses enfants adoptifs en fonction du PNB de leur pays d’origine; plus il est bas, mieux c’est. On comprend ainsi pourquoi l’adoption d’une petite fille chinoise, c’est tellement last season.

Vous me direz que ce n’est pas parce

qu’on ne travaille pas dans un centre pour personnes âgées à Laval-des-Rapides que nos intentions humanitaires ne sont pas no-bles. Certes. Mais ces stages à l’étranger sont souvent liés à une volonté égoïste: derrière l’obsession d’avoir un impact sur le monde se profile le désir de laisser sa trace sur celui-ci. Pour que l’on se rappelle de vous.

Les voyages forment la jeunesseMais il y a plus.

Les expériences les plus marquantes ne sont pas, à mon avis, celles dans les villages reculés du tiers-monde. Oui, el-les sont difficiles: vous n’avez pas accès à l’eau potable, vous mangez des insectes et vous de-vez aller aux toilettes dehors. Mais vous savez que c’est temporaire. Vous êtes conscient que d’ici quelques semaines, vous aurez retrouvé tout votre confort matériel.

Et puis, vous êtes préparé à recevoir un choc. Pas comme lorsque vous êtes un Canadien qui démé-nage «simplement» aux

États-Unis ou un Québécois francophone qui va étudier à McGill… Là, le choc n’est pas assez grand pour vous autoriser à dire qu’il en est un, mais pourtant, vous n’avez pas l’impression de faire partie de votre nouvelle communauté. Vos «matantes» ne tremblent pas d’émôôtion comme si vous partiez pour Tombouctou, et pourtant al-ler étudier à McGill risque de pas mal plus «changer votre vie» que trois semaines chez les Zoulous. Vos valeurs seront tout autant remises en question, mais de façon durable. Sans même vous en rendre compte, vous al-lez vous adapter et être transformé.

Intéressé ou non à aller sauver le mon-de, continuez à nous bombarder de courrier. Les chances que nous ayons tous au journal la satisfaction d’un 4.0 de GPA sont somme toute assez limitées. x

Sur les stages en Afrique et autres séjours dans les villages reculés

international

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Un avare de classe internationale

Tomas Delgado, un homme d’affaires es-pagnol, a suscité le dégoût en Espagne la se-maine dernière après qu’il ait décidé d’inten-ter une poursuite de 29 300$ contre la famille d’un adolescent qu’il a tué en le frappant de plein fouet avec sa voiture. Enaitz Iriondo, âgé de 17 ans, se promenait à bicyclette dans la région de La Rioja, dans le nord du pays, au cours d’une nuit d’août 2004 lors-que Delgado l’a accroché avec son Audi A8. Puisque Iriondo ne portait pas de vêtements réfléchissants ni de casque lors de l’accident, les autorités n’ont pas cru bon déposer des charges criminelles contre l’homme d’affaires, même si ce dernier roulait à 160km/h dans une zone limitée à 90 km/h. Trois ans et demi après la tragédie, Delgado cherche à recevoir une compensation pour les réparations qu’il a dû effectuer sur son véhicule et pour la lo-cation d’une automobile de rechange: «Je suis aussi une victime dans toute cette histoire. On ne peut pas régler les problèmes du jeune homme, mais on peut régler mes problèmes» (Reuters).

Pas de chien dans l’autobus

Dani Graves et Tasha Maltby, un cou-ple gothique qui demeure dans la ville de Dewsbury, en Angleterre, se sont vu refuser l’accès à un autobus public la semaine der-nière parce que Maltby se promenait avec une laisse, que tenait son copain, autour du cou. Selon cette jeune femme de dix-neuf ans, lorsque le chauffeur a aperçu la chaîne, il leur a demandé de descendre et leur a en-suite dit: «Nous n’acceptons pas les gens étranges et les chiens dans l’autobus». Arriva Yorkshire, la compagnie qui gère le système d’autobus de la ville, a tenu à s’excuser pour les commentaires déplacés de son chauffeur. Un porte-parole a tenu à réitérer sa politique plus poliment: «Si un accident se produisait pendant qu’elle est attachée à une chaîne, cela pourrait être dangereux. Elle est la bienvenue dans nos autobus, mais nous lui demandons seulement d’enlever la laisse avant d’entrer». Maltby porte la laisse de son plein gré et se compare elle-même à un animal domestique: «Je vis une vie facile. Je ne cuisine pas, je ne fais pas le ménage et je ne vais nulle part sans Dani» (Reuters).

Insolite: une laisse au cou de Tomas Delgado

«Si TQS ferme, de quelle créativité serons-nous privés? Nous serons privés du Loft et d’Elvis Gratton. C’est comme être privé du choléra et de la pollution. Nous serons privés des pires films américains, de chiens qui mordent les couilles de leur maître, de femmes obèses qui s’écrasent sur un trampoline, de bébés qui régurgitent sur leur papa qui s’esclaffe de rire. Mais malgré le chien qui mordille son maître, il faudrait sauver TQS. Dieu que nous, gens de communication, sommes complaisants et protecteurs de nos intérêts! Nous protégeons nos emplois sans nous demander s’ils ont un sens, même si nous savons que nous défendons la bêtise et l’exploitation des préjugés.»

Ces commentaires très peu flatteurs envers le télédiffuseur québécois Télévision Quatre-Saisons (TQS) sont tirés d’un éditorial du jour-naliste québécois Gil Courtemanche, publié dans Le Devoir samedi dernier. Contrairement à la plu-part des acteurs du milieu culturel québécois, Courtemanche semble se réjouir de la précarité financière du réseau de télévision et souhaite que TQS disparaisse promptement de la scène mé-diatique québécoise.

Malgré le fait que le dévelop-peMent durable soit à la mode, certaines personnes s’interrogent sur la pertinence d’un tel événement. Je suis convaincue que plusieurs s’imaginent que le colloque est simplement une occasion pour une horde d’étudiants qui débarquent à Montréal de venir faire le party en répétant le slogan «le développement dura-ble, c’est une belle excuse pour manquer des cours». Quatre jours de fête à la suite desquels ils pourront se flatter d’avoir «fait quelque chose»... Détrompez-vous: cet événement vise à rendre durable le développement durable sur les campus!

Tout le monde a déjà entendu cette his-toire: des étudiants d’une institution universi-taire ont entrepris une initiative écologique, et se sont découragés avant même de lancer leur projet. Mais voilà qu’entre en jeu le Colloque québécois des Campus durables. L’événement va permettre aux étudiants impliqués dans des initiatives de développement durable de parta-ger leurs idées, leurs réussites, leurs échecs et les leçons qu’ils ont apprises en participant à plusieurs projets. Ces échanges vont leur per-mettre d’implanter de nouveaux systèmes qui ont fonctionné ailleurs ou d’améliorer certains moyens pour favoriser le développement dura-ble déjà mis en place sur leur propre campus.

À titre d’exemples: nous allons partici-per à des ateliers sur l’aménagement de pro-grammes de recyclage, de compostage et de réparation de vélos, à une table ronde avec des membres de la Coalition Jeunesse Sierra et des

représentants d’associations étudiantes sur l’aide que ces groupes peuvent apporter, à une conférence de Jutta Kill du Durban Group for Climate Justice sur les problématiques reliées à l’échange de crédits d’émission de carbone. Les organisateurs du Colloque québécois des Campus durables espèrent ainsi que les initia-tives mises en place par des étudiants puissent durer au-delà des quelques années de leur passage dans l’institution.

J’entends déjà les critiques: tout cela est bien beau, mais le colloque, lui, est-il durable? Étant moi-même la responsable du volet du-rabilité de l’événement, je ne peux que diffi-cilement discuter de cette question avec ob-jectivité! Soyez toutefois assurés d’une chose: je suis entourée, dans le comité organisateur, d’étudiants qui voient tout par la lunette du développement durable et qui agissent en conséquence. Je vais vous épargner la liste ex-haustive de mes tâches, car je souhaite plutôt terminer cette chronique par une double in-vitation.

D’abord je convie les lecteurs intéressés par le développement durable sur notre cam-pus à s’inscrire à notre colloque en visitant le www.ssmu.mcgill.ca/scd. Deuxièmement, plu-tôt que d’essayer de vous convaincre qu’il faut faire du développement durable une priorité sur les campus universitaires —je suis sûre que vous avez déjà entendu nos arguments une dizaine de fois— ou même de vous encoura-ger à inciter les dirigeants de votre institution à implanter le compostage dans les cafétérias

—ça ne risquerait pas de fonc-tionner—, je vous invite simplement à prendre des décisions durables. Pensez-y: ne pas poser un geste durable, c’est poser un geste qui n’est pas durable... Moi, ça fait longtemps que le développement «pas durable», je l’élimine de ma communauté! Si la durabilité d’un projet ne se mesure pas uniquement par son impact direct sur la communauté, mais également à sa capacité à mobiliser les acteurs et à mieux les outiller face aux enjeux du développement durable, ce troisième Colloque québécois des Campus durables devrait être un succès!

L’Université McGill sera l’hôte du troisième Colloque québécois des Campus durables, du jeudi 31 janvier au dimanche 3 février. Cet événement s’adresse à tous les étudiants intéressés par les enjeux sociaux, écologiques et économiques liés au dévelop-pement de leur institution postsecondaire. Rosalie est la responsable du caractère du-rable du colloque.

Verte critique des campus Sauvons les arbresRosalie Bélanger-Rioux

04xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com Controverses

En troisvitesses

Citation de la semaine

en hausse

en baisse

au neutre

le tourisMe spatial

Vous êtes millionnaire et vous rêvez d’admirer la planète ter-re dans toutes ses rondeurs? Ne désespérez pas, car le mil-liardaire britannique Richard Branson a dévoilé la semaine dernière la maquette d’un vais-seau nommé SpaceShipTwo qui permettra à six passagers –qui veulent bien débourser 200 000 dollars– d’aller faire une promenade de 2h30 dans l’espace. Branson prévoit que les premiers vols commerciaux commenceront en 2009.

geneviève jeanson

L’ancienne cycliste québécoise Geneviève Jeanson a révélé en septembre dernier qu’elle avait commencé à se doper à partir de l’âge de 16 ans et qu’elle mettait officiellement fin à sa carrière dans le sport profes-sionnel. Étrangement, Jeanson, qui semblait fatiguée de devoir constamment répondre de ses actes devant les médias québé-cois, a accepté dernièrement de participer à un projet de film qui s’inspirera de sa vie person-nelle et traitera explicitement du problème du dopage dans le sport de compétition.

notre sécurité

Des fonctionnaires américains ont révélé samedi dernier à l’Associated Press qu’un satellite espion appartenant à leur gou-vernement allait s’écraser sur terre vers la fin février ou durant le mois de mars. Ces derniers, qui agissaient sous le couvert de l’anonymat, ont soutenu que l’agence spatiale américaine, la NASA, ne réussissait plus à contrôler l’engin d’environ 20 000 tonnes et qu’elle ne peut donc pas déterminer avec exac-titude l’endroit et le moment de la chute.

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05xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Controverses

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Les fraisÉtudiants et employés de McGill : 6,25$/jour; ou 5,75$/jour pour 3 jours et plus. Grand public : 7,60$/jour; ou 6,50$/jour pour 3 jours et plus. Inclus : boîte, texte gras et taxes (TPS et TVQ). Mini-mum 38$. Les annonces Objets trouvés sont gratuites.

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Zoé Gagnon-PaquinLe Délit

Lors d’un sondage du Globe and Mail sur la qualité des universités cana-diennes, réalisé auprès plus d’un mil-

lier d’étudiants, McGill s’est récemment vu attribuer la maigre note de C- pour la qualité de l’ensemble de ses services alimentaires. Cela n’a pas été une surprise pour certains, étant donné l’existence d’un groupe d’étu-diants travaillant à l’amélioration de ces ser-vices sur le campus.

Fait surprenant, McGill se situerait juste en dessous de la moyenne nationale en ce qui

a trait à la bouffe sur le campus: peu élevées en général, les notes sont particulièrement basses pour les universités de petite taille. Beaucoup d’entre elles ont touché le fond,

en obtenant le score de D pour la qualité de leurs services alimen-taires. En fait, à travers le Canada, seulement deux universités ont obtenu une note au-dessus de C+: Guelph, avec A- (!) et Western Ontario, avec B-.

Qu’est-ce qui nous différencie vraiment de Guelph et de Western Ontario? Pourquoi mange-t-on si mal dans les universités canadiennes? Un groupe de McGill organise présentement un

boycott d’un jour des services alimentaires pour sensibiliser les universitaires au dossier. La date reste à déterminer.

Le Délit prépare un dossier pour explo-rer le phénomène aux niveaux local et natio-nal.Si vous avez des idées, des informations, des expériences (agréables ou désagréables) avec les services alimentaires universitaires, des questions ou des opinions sur le sujet, écrivez-nous à [email protected], ça va nous aider! x

Les résultats complets du Globe and Mail sont disponibles en ligne au http://www.theglo-beandmail.com/education/

Mange-t-on vraiment mal sur le campus?

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06xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com Nouvelles

Annie LiLe Délit

L’unique député québécois du Nouveau Parti Démocratique (NPD), Thomas Mulcair, a visité McGill

jeudi dernier. Depuis sa victoire du 17 sep-tembre 2007 dans la circonscription fédérale d’Outremont, à Montréal, Mulcair, député libéral de 1994 à 2007, affiche ses nouvelles couleurs: le vert et l’orangé, la couleur offi-cielle du NPD.

VertMulcair s’est lancé, au début de son al-

locution, dans une courte histoire du déve-loppement de la conscience écologique, en faisant entre autres référence à la révolution industrielle, au livre-choc de Rachel Carson sur les dangers de la disparition des espèces, Silent Spring, publié en 1982, et au lobbying des compagnies de tabac. Il en a profité pour dénoncer «l’hypocrisie» du «déni scientifi-que» concernant les changements climati-ques, soutenu par le conservateur Institut économique de Montréal (IEDM).

Mulcair a surtout évoqué son expé-rience à la tête du ministère de l’Environne-ment du Québec, pour tenter de prouver la pureté de son dossier vert, en renvoyant par

exemple à son plan d’action visant à réduire l’utilisation de phosphore, responsable de la prolifération des cyanobactéries dans la baie Missisquoi, et à son opposition aux pro-jets de privatisation du Mont-Orford et de construction de la centrale du Suroît et du port méthanier Rabaska. Ces derniers sont réputés être les trois projets à l’impact envi-ronnemental le plus controversé récemment au Québec, à l’exception de ceux de l’indus-trie forestière.

Le politicien, diplômé de la Faculté de droit de McGill, a aussi entrepris de démon-trer sa connaissance des nombreux dossiers

environnementaux canadiens en évoquant les sables bitumineux de l’Alberta, la rivière Péribonka, la séquestration du carbone, les concentrations de mercure causées par les barrages hydroélectriques, les rivières incen-diées suite à des déversements de produits chimiques, le rapport Coulombe, «dévasta-teur», sur l’état des forêts, le développement de l’énergie éolienne et son impact sur les na-tions autochtones et les problèmes de l’étha-nol dans le dossier du transport en commun, questionnant au passage le développement des autoroutes plutôt que du TGV.

La mémoire longueSes devoirs faits, Mulcair a aligné des

phrases pimentées afin de faire ressortir sa singularité: «Les libéraux n’ont rien fait, les conservateurs ne font rien, le Bloc ne peut rien faire ». Ainsi, selon Mulcair, l’appui de Jean Chrétien au protocole de Kyoto n’était qu’un «signe de bonnes relations publi-ques», puisque l’ex-premier ministre n’avait proposé aucun plan et que les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont augmenté de 35 p. cent depuis 1990, le pire pourcen-tage au monde.

On se souviendra qu’entre 2003 et 2006 des prises de bec avaient eu lieu entre Mulcair et Stéphane Dion, tous deux minis-tres de l’Environnement au provincial et au fédéral respectivement. Mulcair réclamait l’argent d’Ottawa pour financer l’atteinte des objectifs de Kyoto pour le Québec. Peu tendre envers les conservateurs, le député a osé un jeu de mots en affirmant qu’«Harper pose avec les jeunes, mais […] ne pose pas de gestes» et en déplorant la réussite de leur «campagne de peur» pour empêcher l’ap-plication du protocole de Kyoto. Cette cam-pagne aurait été basée sur la propagation du fait que «le protocole détruira notre style de vie».

La mise à la porte de Mulcair par Charest a été l’occasion d’une autre dénonciation: «Quand on tue politiquement le ministre de l’Environnement, c’est tout le processus [environnemental] que l’on tue». Mulcair avait démissionné du Conseil des ministres après s’être fait rétrograder de son poste, en raison de ses positions proenvironnement, contraires à la ligne de parti du Parti libé-ral du Québec (la «vision économique» du PLQ).

Sur la réalité en politique, Mulcair a souligné le fait qu’Al Gore n’a pas signé le protocole de Kyoto alors qu’il était vice-pré-sident des États-Unis et qu’il faut se fier aux gestes posés et non aux paroles. Le politicien a ajouté qu’«il est absurde que l’on puisse encore se faire élire sans rien faire» et qu’il faut «penser à long terme».

OrangeSi certains dans les rangs du NPD étaient

sceptiques quant au saut de Mulcair du PLQ

au NPD, ils sont aujourd’hui convaincus de son allégeance à la gauche. «Je vais vous dire quelque chose de très impopulaire depuis l’ère de Thatcher et de Reagan: le gouverne-ment a encore un rôle à jouer aujourd’hui, assure Mulcair. Il faut ramener sur le devant de la scène le gouvernement ainsi que ses différentes manifestations; c’est une obli-gation envers les prochaines générations.» En résumé, «le [secteur] public peut faire les choses correctement».

L’orange verte: mûre Mulcair a mentionné à plusieurs repri-

ses son «meilleur modèle» («the best mo-del»), soit celui de l’ex-première ministre norvégienne Gro Brundtland, médecin qui a développé le concept du développement durable, prenant en compte tant des préoc-cupations environnementales que sociales et économiques.

Confronté par un étudiant militant du Parti Vert du Canada (PVC), Mulcair a ré-pliqué que ce dernier, qui n’a aucune expé-rience administrative, n’aura jamais de siè-ges tant que le système électoral ne sera pas proportionnel. Ce parti ne serait, selon lui, que l’expression d’un sentiment écologiste et n’offrirait rien de particulier sur les plans sociaux, culturels et économiques, contrai-rement au NPD.

En réponse à une question sur la dé-croissance économique et le lobbying, l’ex-ministre a assuré: «Nous comprenons qu’il y ait mathématiquement des limites à la croissance», pour ensuite donner le contre-exemple des Américains, qui comptent sur l’exploitation des sables bitumineux pour réduire leur dette, la plus élevée au monde.

Les priorités de Mulcair sur l’environne-ment tournent surtout autour de la question énergétique: l’exploitation du vent en par-tenariat avec les autochtones, l’hydrogène, l’hydroélectricité et l’éthanol. En tant que fervent fédéraliste, Mulcair s’est empressé de préciser que les Canadiens ont besoin d’un programme central, pas seulement de plans provinciaux.

«L’Afghanistan est une hypocrisie»Le lieutenant du NPD au Québec a dé-

fendu avec vigueur la position de son parti sur l’Afghanistan: «Nous avons une posi-tion, contrairement aux libéraux et alors que le Bloc a soutenu les conservateurs cet automne. Nous allons perdre la guerre, qui est de toute façon une hypocrisie, car nous poussons en fait le peuple afghan dans les bras des Talibans. Seul le NPD prône la paix [par le retrait des troupes], nous ne nous en-tendrons que grâce à un accord de paix et les Américains ne sont intéressés que par l’im-position de leur volonté au reste du monde, ainsi que par le pétrole».

Mulcair vous conseille Pour un étudiant ou une étudiante qui

aurait trois heures de bénévolat par semai-ne à consacrer à la cause environnemen-tale, Mulcair propose de s’ intégrer à un groupe déjà structuré, comme Équiterre, ou Greenpeace ou à un groupe local agissant directement sur le campus. Plus particulière-ment, il recommande aux étudiants bien in-formés d’encourager McGill à se doter d’un vrai plan de développement durable. Allez le faire savoir à la principale, Heather Munroe-Blum! x

Mulcair recyclé en orange verteLe lieutenant québécois du NPD cause environnement et dénonce la guerre en Afghanistan.

national

«Nous allons perdre la guerre, qui est de toute façon une hypocrisie, car nous poussons en fait le peuple afghan dans les bras des Talibans.»

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07xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Nouvelles

Alexandre DuvalLe Délit

Graham Fraser, le commis-saire aux langues officielles du Canada, est venu à l’Uni-

versité McGill le vendredi 25 janvier dernier dans le cadre de la Francofête. Ancien journaliste au Toronto Star, reconnu à travers le pays pour sa connaissance pointue de la scène po-litique québécoise et pour sa maîtrise de la langue de Molière, Fraser a parlé du bilinguisme dans les institutions universitaires canadiennes.

Fraser a débuté son allocution en retraçant les combats linguisti-ques qui ont eu lieu sur le campus même de McGill et qui ont provo-qué des mouvements de revendica-tion similaires dans les autres ins-titutions postsecondaires à travers le Canada. Il s’est d’ailleurs réjoui des changements qui ont eu lieu dans l’administration de l’université au cours des 40 dernières années, changements qui permettent à pré-sent aux francophones de mieux s’intégrer à la communauté mc-gilloise. Fraser a particulièrement fait l’éloge de la Faculté de droit, dont le programme très reconnu requiert entre autres que ses étu-

diants soient bilingues au moment de leur admission.

La normalité du bilinguismeSuite à ce survol historique,

il a souligné l’importance d’ensei-gner les deux langues officielles, particulièrement à l’extérieur du Québec. En prenant la Faculté de droit de McGill comme modèle, il a expliqué: «Suivant la tradition, les universités anglophones conti-nuent de traiter le français comme une langue étrangère –une langue étrangère qui doit être enseignée dans le département de littérature pour former des enseignants au se-condaire. Donc, quarante ans après la politique sur les langues officiel-les, les universités laissent au gou-vernement fédéral la responsabilité de former ses propres employés. Cette manière de procéder est

aussi étrange que si la Faculté de génie de McGill décidait d’arrêter d’enseigner à ses étudiants com-ment utiliser les ordinateurs dans leur travail, sous prétexte que leur employeur peut aussi leur montrer comment se servir d’un ordina-teur», s’est-il étonné.

Le Québec s’invente des disputesInterrogé sur la prépondéran-

ce dans les médias québécois de la question de la protection de la langue française et sur le projet de loi d’identité québécoise proposé par Pauline Marois, qui rendrait la maîtrise du français nécessaire à l’obtention de la citoyenneté qué-bécoise, il a refusé de s’immiscer dans un débat qu’il considère de «niveau éminemment provincial».

Du même souffle, il a tenu à souligner l’apport de la communauté

anglophone au Québec. «La mino-rité anglophone s’est transformée d’une minorité plus ou moins uni-lingue à une communauté à presque 80 p. cent bilingue, a-t-il rappelé. Je trouve regrettable que cette réus-site et cet engagement dans la société québécoise n’aient pas été reconnus par les partis de l’Assemblée natio-nale. Au lieu d’applaudir à cette im-portante transformation, plusieurs Québécois ont tendance à traiter la minorité anglophone comme s’il n’y avait pas eu de changement depuis 30 ans. On entend des animateurs de radio parler de la minorité anglopho-ne comme des Ontariens. On entend des députés du Parti Québécois qui soutiennent que ce projet de loi est le seul moyen qu’on peut mettre en place pour préserver le français dans un contexte où le Québec fait partie du Canada.»

McGill ferait patte blanche?Les commissaires aux affai-

res francophones de l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM), David-Marc Newman et Amélie Gouin, ont cru bon rectifier certains des propos de Fraser en ce qui concerne la place du français à McGill. «Je pense que Monsieur Fraser a surestimé les efforts faits par l’Université McGill pour ac-commoder les francophones, a soutenu David Marc-Newman. McGill tient au fait qu’elle est une institution unilingue anglophone et, bien qu’elle offre des droits aux étudiants francophones, ces der-niers sont minimes. Par exemple, les départements rendent parfois la vie difficile à ceux qui souhai-tent écrire leurs travaux en fran-çais.»

Un bémol, seule une trentaine de curieux se sont pointés pour la conférence qui se déroulait au tribu-nal-école de la Faculté de droit, lais-sant ainsi plus de 80 sièges inoccu-pés. L’organisateur de l’événement, Hugues Doré-Bergeron, étudiant en droit et membre de la Commission des affaires francophones, a exprimé sa déception concernant le nombre de participants: «Nous pensions qu’il y aurait plus de gens qui viendraient puisque le commissaire joue un rôle très important au Canada».x

Un plaidoyer pour le bilinguismeGraham Fraser entretient Mcgill du rôle du français dans l’éducation postsecondaire canadienne.

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Graham FraserAmélie Gouin / Le Délit

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xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com08 09xle délit | 29 janvier 2008

www.delitfrancais.com

Tabaski!

Un photoreportage de Louis MelançonEnvoyé spécial du Délit au Niger

En décembre dernier, alors que Montréal recevait ses pre-miers flocons et que la frénésie de Noël s’emparait de la population, une fête d’une tout autre nature se préparait

sous le chaud soleil nigérien: la Tabaski. Célébrée deux mois et dix jours après le début du jeûne du Ramadan, cette fête mu-sulmane commémore le sacrifice fait par Abraham. Pour faire court, le Coran –tout comme la Bible– raconte qu’Abraham, mis à l’épreuve par Dieu, s’apprêtait à sacrifier son fils unique pour prouver sa foi lorsque l’ange Gabriel apparut soudainement pour l’arrêter et lui offrit un bélier pour remplacer son fils. La Tabaski est une occasion pour les croyants de remercier Dieu, mais c’est surtout la fête du partage et de la famille —l’équivalent du Noël chrétien, quoi!

1Quelques semaines avant la fête, les familles achètent au marché un, deux ou même dix moutons, selon leurs moyens. C’est chose facile au Niger, pays où l’élevage et

l’agriculture sont les principales activités économiques. C’est d’ailleurs du Niger que proviennent les moutons que sacrifient les populations musulmanes des pays voisins, comme le Burkina Faso et le Mali. Selon les recommandations du Coran, on ne choisit que des mâles en bonne santé, âgés de plus d’un an. Cette année, il était possible de se procurer un mouton pour l’équiva-lent d’environ 110 dollars canadiens, une somme considérable pour beaucoup de familles nigériennes. Une fois le ou les mou-tons achetés, ils sont gardés dans la cour de la famille jusqu’à la fête.

2Le grand jour arrivé, famille et amis se rassemblent d’abord autour d’un copieux déjeuner. Dans ma famille d’accueil, on se régale autour d’un délicieux plat de canard et de galettes de blé. On dis-

cute, on rit et surtout on prend des forces pour la dure journée de travail qui nous attend!

3Aussitôt le déjeuner terminé, les hommes du voisinage préparent un lieu de sacrifice commun, en plein milieu de la rue. Pendant que certains vont chercher les premiers moutons, d’autres s’affai-

rent à creuser un trou pour recueillir le sang.

4On attend avec fébrilité que l’Imam de la région procède au pre-mier sacrifice, en direct à la télévision, puis on exécute rapidement les autres. Dans mon cas, c’est un marabout, érudit et guide spi-

rituel de la famille, qui a sacrifié les premiers moutons du voisinage. On mentionne tout d’abord au nom de qui le mouton sera sacrifié –la mère de la famille, les enfants, etc.–, puis on égorge l’animal d’un coup sec avec un long couteau. Finalement, on dit «Dieu est grand» pour remer-cier le Seigneur. Une trentaine de moutons ont ainsi été sacrifiés devant chez moi ce matin-là.

Après avoir vidé les moutons de leurs organes, on plante deux longs pieux effilés dans les carcasses pour la cuisson. On les lave avec de l’eau, puis on les dispose autour d’un grand feu, où elles resteront toute la journée. Il ne fait aucun doute que la chair est fraîche; elle se contracte encore par endroits!

5Pendant que les hommes disposent la viande autour du feu, les femmes préparent les abats pour la cuisson. On vide l’estomac de son contenu, on tresse les boyaux et on cuit tout de suite le foie

sur les braises ardentes.

6C’est le lendemain matin que l’on découpe la viande en famille et qu’on la déguste avec du piment en poudre et de la moutarde. Tous se réjouissent de l’abondance de viande fraîche et du partage

de cette nourriture entre amis.

7La Tabaski, c’est surtout la fête du partage. Chaque famille divise sa viande en trois; une partie va aux pauvres, à ceux qui ne peuvent pas se permettre d’avoir de la viande à se mettre sous la dent, la

seconde est partagée avec les voisins et la troisième est gardée pour la fa-mille. Toute la journée, les plus pauvres viennent cogner à la porte pour recevoir une portion de viande et de jeunes enfants offrent des pièces de mouton en cadeau. x

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10xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Nouvelles

Il est de bon ton, avant de se lancer dans un sujet et de perdre son lecteur dans les méandres d’un bavardage obscur ou frivole, de définir son sujet. La ville en est un vaste. Grandes villes, petites villes, villes nou-velles, villes poubelles… il est déjà difficile de mener un discours sensé sur un sujet propre et frais comme le yogourt; qu’en serait-il pour cette chose insalubre et emberlificotée qu’est une ville? La tâche est d’autant plus difficile pour celui dont les pieds ont rarement foulé terres agrestes et frais pâturages. On est tenté de se dire que quiconque a toujours été un ur-bain, un pur, un vrai, serait bien en peine de vous définir ce qui fait de lui un être «urbain». Sans mentionner l’angoisse qu’inspirent aux citadins les paysages bucoliques où font dé-faut l’asphalte, les moteurs et le Starbucks du coin.

Comme je suis de ceux-là, je me lance dans une petite recherche, me disant qu’il suffit de mettre le mot entre les mains de Google pour être instruite de la chose. Nenni. Mes deux premières trouvailles prêtent à confusion. La première est la page Wikipédia consacrée à l’étalement urbain. Inutile de préciser le côté troublant de ce résul-tat, puisqu’il s’agit d’un phénomène destructeur d’urbanité que véritablement urbain. La deuxiè-me page à apparaître est celle d’un fabricant de mobilier soi-disant urbain, dont les produits re-lèvent plus de l’ameublement de jardin qu’autre

chose. À l’évidence, le concept est mal défini. «Tape donc ‘ville’», me direz-vous! Aussitôt

dit, aussitôt fait, et c’est avec une lueur d’espoir que je tombe sur la définition, toujours par Wikipédia (car le savoir public est précieux), du mot «ville»: «Une ville est une unité urbaine étendue et forte-ment peuplée (par opposition aux villages)». Eh bien! Nous voilà éclairés. Une ville est définie par ce qu’elle n’est pas, le village (mais le village alors, c’est quoi? –c’est pas une ville. –ah!). Surtout, elle est un fabuleux pléonasme. Car, de fait, si une ville est une entité urbaine, c’est qu’une ville est une entité de vil-le! Judicieux. Me voilà prête à écrire une chronique urbaine. Ou pas.

Pour faire simple, une ville réussie, grande ou petite, belle ou pas, ça vous prend aux tripes. Une banlieue pas. Même le très bétonné et inhu-main boulevard René-Lévesque doit, chez n’im-porte quel individu sain d’esprit, inspirer plus de surprise que les rues sans trottoirs et les maisons identiques de Pierrefonds. Laissons-nous aller à un petit plaisir et jargonnons dans la joie: la ville est un écosystème dominé par l’homme. Ça veut dire, grosso modo, que si un jour vos pas vous mè-nent dans un lieu où il y a plus de moutons que d’habitants et plus de foin que de béton, votre intuition vous dira poliment que vous êtes en pleine cambrousse, et vous la croirez.

La ville est objet de fascination. Les urbanis-tes la scrutent comme un objet scientifique. Une ville se planifie, avec des professionnels de la ville,

des spécialistes dont le prétendu génie est difficile à gober lorsqu’on regarde la première version de l’échangeur des Pins (et la seconde). Les artistes l’arpentent, la capturent, sur n’im-porte quel support, dans ses divers états, avec la même ardeur qui jadis inspirait (pour des raisons obscures) un peintre devant des nymphéas ou des étendues de blé. McGill a suivi la tendance en ouvrant l’année dernière son premier program-me de design urbain, domaine dont les contours sont encore plus flous que ceux de l’urbaniste, coincé entre l’ingénieur et le politicien, l’archi-tecte et l’investisseur. Et nous, citadins, nous la vivons, nous nous en plaignons, nous l’exaltons.

Pour résumer ce cheminement, cette chro-nique est désormais destinée à parler de la ville, qui est quelque chose d’urbain (une ville, quoi), qui n’est donc pas un village, où il y a beau-coup de gens et qui peut être un objet artistique, administratif, politique, planifié, négligé, et souvent fascinant. À suivre.

Flou non villageoisHabit de villeMaysa Pharès

Il attend votre courrier du coeur (sincère ou pas) avant le 7 février. Il vous répondra juste à temps pour la Saint-Valentin, dans le Délit du 12 février.

Cupidon s’amène au Délit, prêt

à conseiller les coeurs

meurtris et à rediriger

les agneaux égarés.

societe@delitfrancais.

com

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11xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.comArts&Culture

Cynthia Cloutier MarengerLe Délit

C’est bien connu: l’institu-tion —et peut-être l’être humain en général— aime

que les choses soient claires et fa-cilement dénommables, et les caté-gories respectées. Un roman doit être comme un roman, un essai comme un essai, un élève comme les autres élèves… Et quand «quel-que chose» sort du moule, on pousse les hauts cris; le scandale est à la porte. En voici pour preuve

—parmi tant d’autres— la polémi-que ayant entouré le prix Renaudot 2007, attribué à Chagrin d’école, de Daniel Pennac, «[même] pas un ro-man à proprement parler».

Ces propos d’André Brincourt, membre du jury ouvertement op-posé à l’œuvre de Pennac, en il-lustrent assez bien le «problème»: Chagrin d’école est un livre cancre. Non pas inintelligent, mais plutôt hors norme; du genre qui deman-de qu’on l’apprivoise. Ni une psy-chologie du cancre, un hommage aux enseignants, un pamphlet

contre les préjugés sociaux, un es-sai sur la consommation; ni sim-plement un autoportrait d’auteur ou la confession d’un amour de la littérature et de la langue françai-se, mais tout cela à la fois. Il s’avè-re plutôt être une vaste réflexion personnelle sur l’école et ceux qui l’habitent.

Sans être le sujet principal de son livre, Daniel Pennac se base sur son expérience de cancre d’abord, puis d’enseignant ensuite —eh! oui, l’un n’empêche pas l’autre—, pour proposer des solutions et ex-plications aux maux de tête que cause le mauvais élève à ses parents et à l’école de la République. Sur un ton ironique, sans se prendre jamais trop au sérieux —son cancre intérieur, avec qui il discute à l’oc-casion, veille au grain—, l’auteur tente à coups d’analyse grammati-cale de dédramatiser le cul-de-sac que sont devenus pour nombre de jeunes, incapables de s’adapter au système d’éducation, l’incompré-hension et l’échec scolaire.

L’ouvrage, qui grosso modo suit une trame narrative chronologique, est dans l’ensemble très intéres-sant. Chaque élément autobiogra-phique rapporté par Pennac trouve son écho dans le cadre plus vaste de sa réflexion, dont on suit par-faitement les méandres grâce à une structure en parties et chapitres appelant à la pause méditative. Les trois premières parties de l’ouvrage sont néanmoins les plus réussies. On y sent un tel amour de la lit-térature et de la langue, une telle envie de «sauver» les cancres de la désertion de leur estime de soi, qu’on se prend à y croire et que la passion que l’auteur et professeur parvient à transmettre à ses élèves nous envahit.

Bien que certaines des pistes de solution que Pennac propose puissent être jugées simplistes —la pratique régulière de la dictée et de la récitation, par exemple—, son expérience, son ouverture d’esprit et sa foi indéfectible en les jeunes empêchent qu’on les balaie du revers de la main. Surtout qu’el-les côtoient des observations fines sur l’angoisse paralysante qui saisit quiconque se bute à un cancre, fut-ce lui-même, et qu’elles s’accom-pagnent de moyens ludiques de démonter la logique des «j’y arrive-rai jamais!» et «il le fait exprès!».

Qu’on soit impliqué de près ou de loin dans le système scolaire, on trouvera son compte dans Chagrin d’école. Car si au départ on peut être désarçonné par son caractère hors norme, on ne peut manquer par la suite d’être séduit justement par son flirtage avec cette norme. Et heureusement, cette fois-ci, l’insti-tution s’est laissée charmer. x

Apprivoiser le cancreChagrin d’école, prix Renaudot 2007: la récompense d’un élève indiscipliné.

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littérature

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12xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Arts&Culture

Renouveau d’exposQui dit nouvelle année, dit nouvelles expositions. Le Délit vous propose une sélection d’œuvres présentement exposées dans divers lieux du centre-ville montréalais. Ludisme ou métaphysique, peinture ou robotique, la production s’avère variée.

Mathieu MénardLe Délit

Au premier abord, l’exposition de Robyn Moody a quelque chose de trompeur. Sa première œuvre, TARDIS, propose un voya-

ge dans le temps et l’espace somme toute assez lu-dique. Elle consiste en une table tournante, baptisée ainsi en hommage à l’émission Doctor Who. La ma-chine est modifiée de façon à ce que la tête de lec-ture saute constamment d’un endroit à l’autre sur le disque. Le «voyage musical» (rien n’ayant été laissé au hasard, il s’agit du disque The Planets, de Gustav Holst) devient décousu, mais amusant.

Cette création ne prépare nullement le visiteur

au choc viscéral qu’est Constellation. Subitement plongé dans le noir total, le spectateur se retrouve devant une galaxie de diodes électroluminescentes. La simplicité du dispositif n’arrive pas à expliquer l’impression de vertige qu’il provoque. Le regard ne parvient plus à trouver d’ancrage, les frontières de la pièce semblent avoir disparu.

Les photos ne font pas honneur à l’efficacité de l’installation –il s’agit d’une de ces créations dont il faut faire l’expérience soi-même.

La peinture d’Angèle Verret a quelque chose de mystifiant. Si à première vue certaines de ses œuvres donnent l’impres-sion d’une abstraction monochrome, une observation plus

rapprochée met en lumière l’ingéniosité de son processus créatif. Travaillant à l’aérographe, elle applique successivement plusieurs couches, ne laissant pas à la matière le temps de sécher et de s’ap-pliquer sur la toile.

À partir de ce médium fluide, l’artiste laisse émerger des tex-tures extrêmement riches. Malgré la planéité des œuvres, elles par-viennent à évoquer autant de la terre ou de la fourrure que du tis-su. Les toiles de Verret forment en quelque sorte un trait d’union entre les effets des peintures classiques et les idées de la modernité artistique américaine (la planéité de la peinture affirmée par le cri-tique Clement Greenberg). De fait, elles ont de quoi plaire autant aux plasticiens qu’aux néophytes.

Dans la salle connexe, les photographies de Nikki Middlemiss s’intéressent à des phénomènes visuels qui pourraient autrement passer inaperçus. Avec Afterimage, l’artiste met en évidence les volutes et les textures qui apparaissent dans les nuages de fumée suivant l’éclatement de feux d’artifice. Les compositions tronquées des photographies et le flou général ont quelque chose d’un peu amateur. Néanmoins, les contrastes de couleur et les motifs émer-geant des images ont un attrait esthétique indéniable.

372, Sainte-Catherine Ouest, #314Jusqu’au 9 févrierAccès gratuit

Centre des arts actuels Skol

Robyn MoodyTARDIS/Constellation

Angèle Verret, Entre-làNikki Middlemiss, Afterimage

Galerie B-312

372, Sainte-Catherine Ouest, #403Jusqu’au 16 févrierAccès gratuit

Let it Talk, gracieuseté de l’artiste

Mystifier l’oeil avec de la fourrure à l’aérographe.

Gracieuseté de l’artiste

Les lancinantes traces d’un feu d’artifice.

installation

peinture / photographie

Guy L’Heureux

Voyager dans le temps avec ses oreilles.

arts visuels

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13xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Arts&Culture

La salle principale de la galerie Optica propose un parcours à travers des dizaines et des di-

zaines de petits formats réalisés par Yves Tessier au cours des dernières années. Ce dernier suggère d’abor-der les images comme autant d’ex-traits du quotidien, dans un esprit de simultanéité. À mi-chemin entre la peinture et le dessin, ces œuvres d’apparence simple proposent toutes sortes de trouvailles stylistiques. Les raccourcis employés pour représen-ter les personnages rappellent autant les créations de l’Égypte antique que l’illustration chinoise ou japonaise.

Les mises en scène de l’artiste proposent quelques thèmes récur-rents: badauds déambulant dans des arrière-plans abstraits, petits mo-ments du quotidien. Néanmoins,

force est d’admettre que la «si-

multanéité» de Tessier contient une quantité appréciable de femmes aus-si mélancoliques que dévêtues; elles partagent leur intimité avec un ani-mal de compagnie, un instrument de musique peut-être, ou même… un ballon de basket-ball (!).

Au fond de la galerie, dans la seconde salle d’exposition, Jessica Field persiste et signe avec d’autres robots «intelligents» tout aussi sym-pathiques que sa contribution à l’ex-position E-art l’automne dernier. À l’orée de la salle d’exposition, un tableau noir arborant un schéma fouillé s’attaque à l’éternelle ques-tion de l’intelligence humaine appli-quée à la robotique.

Les créatures robotiques créées à partir de cette modélisation combi-nent des fonctions précises (traçage et lecture de lignes, vocalisations

diverses, recherche de sources lumi-neuses) et une sorte d’autodétermi-nation un peu aléatoire. Dans leur quête de sources d’énergie, les ma-chines se retrouvent confrontées les unes aux autres.

Plaçant quelques-unes de ces créatures dans un environnement restreint, Field consigne ses obser-vations dans un style mi-naturaliste, mi-hégélien fort amusant à lire. La description anthropomorphique de ces créatures mécaniques ne les rend que plus attachantes. Pris au jeu, le spectateur est à son tour fasciné par le quotidien héroïque de ces petits robots, dont il peut admirer les car-casses dans des vivariums accompa-gnant les projections vidéo.

Les sculptures de José Luis Torres abordent la thématique du no-madisme de façon inventive. Les

pièces en contreplaqué, montées sur des roulettes, incorporent les dispositifs qui permettent de les transporter d’un en-droit à l’autre. Les sculptures semblent à la fois évoquer des matrices sculpturales, des lieux ou même des bâtiments.

Paradoxalement, l’emploi d’argile introduit des notions de permanence. Ce contraste est d’autant plus fort que les objets d’argile sont montés sur les murs, tels des tableaux, tandis que les objets sculpturaux correspondants demeurent à même le sol. Le résultat final est une

exposition ingénieuse, sans prétention, où l’exploration est à la fois intéressante et plaisante.

Dans la salle connexe, l’œuvre de Chantal Durand laisse déconfit. Entre le brun-beige lourd qui envahit le moindre centimètre carré de la pièce étroite, la lu-mière glauque et les dessins coulants, or-ganiques, mais incertains, on ne sait trop que penser. L’œuvre se veut une explora-tion critique de la corporalité. Toutefois, dans de telles conditions d’exposition, il est difficile de s’attarder suffisamment pour explorer le sujet au-delà de sa gran-de abstraction.

L’exposition Entrevoir, dans la salle principale de la galerie de l’UQAM, propose cinq duos

d’œuvres provenant d’artistes canadiens. Chaque paire s’envisage comme un îlot tant les créations sont isolées les unes des autres. L’exposition offre la rarissime opportunité (en dehors des expositions rétrospectives) de comparer des œuvres créées à plusieurs années d’intervalle: les deux pièces de Fernand Leduc, par exemple, ont vingt-trois ans de différence (1971 à 1994).

Vu le choix d’artistes hétéroclites, mieux vaut se concentrer sur les œuvres individuelles. Le détour en vaut la peine, ne serait-ce que pour admirer de nouveau Vivre sous plusieurs bannières, de Michel Goulet, présentée il y a quelques années

au Musée d’art contemporain. Ce mélan-ge de drapeaux de pays, d’attitudes et de sentiments fascine et divertit à la fois.

Dans l’autre salle d’exposition, il n’est pas très compliqué de déduire ce que Scott Duncan pense du capitalisme. À renfort de cartes, de photographies, d’enregistrements audio et vidéo, l’artiste observe comment ce régime socioécono-mique a créé son propre paysage, trans-formant la nature et influençant la faune. Pour compléter l’installation avec une touche ludique, un tronçon de route pla-cé dans un contenant de plexiglas divise le sol de la galerie.

Galerie de l’UQAMArtistes sélectionnés, EntreVoirScott Duncan, Haïr le capitalisme

1400, BerriJusqu’au 9 févrierAccès gratuit

CircaJosé Luis Torres, En tránsitoChantal Durand, monstres

372, Sainte-Catherine Ouest, #444Jusqu’au 16 févrierAccès gratuit

Optica Yves Tessier, Situations récentesJessica Field

372, Sainte-Catherine Ouest, #508Jusqu’au 23 févrierAccès gratuit

Guillaume Clermont

é La corporalité étouffante selon Chantal Durand.

José Luis Torres

ç Le nomadisme en sculpture mobile.

sculpture

Jessica Field, Species G: Line Reading Robot, 2007, 1ft x 1ft x 1ft, metal, electronics and software.Image reproduite avec l’aimable permission de l’artiste. gracieuseté de l’artiste

Le plus adorable des petits robots.

Scott Duncan, Crow 2 : Hatred of Capitalism, 2007© Scott Duncan

é Corbeaux et capitalisme.

Michel Goulet, Positions perplexes, 2004Acier, peinture acrylique et objets, 265 X 265 X 52 cmPhoto Richard-Max TremblayCollection Simon Blais, promesse de don à la Galerie de l’UQAM

ç Le formalisme ludique de Michel Goulet, de retour à la galerie de l’UQAM.

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Maxime BouchardLe Délit

Voici le premier d’une sé-rie de quatre articles s’in-téressant au jazz. Forme

musicale distincte, le jazz occupe depuis plus de soixante ans une place importante dans la culture montréalaise. Il peut cependant s’avérer difficile pour les néophy-tes de s’intéresser à ce style parfois brutal, parfois sans repère. Quels musiciens aller voir? Quels sont les principaux foyers de diffusion montréalais? Qui sont les artis-tes à surveiller en ce moment? Cet espace tentera de répondre à ces questions en regardant le jazz d’aujourd’hui et d’hier sous trois aspects, à savoir le jazz de New York, de Chicago et d’Europe. Ceci nous permettra de cerner les mouvements jazz d’aujourd’hui tout en indiquant les têtes d’affi-che se produisant régulièrement ou occasionnellement à Montréal. Afin d’y parvenir, il faut d’abord remonter à la source, sur les bords du Mississipi.

C’est en Nouvelle-Orléans que l’on situe généralement la naissance du jazz (on écri-vait jass jusque vers 1917). Étymologiquement, le mot pour-rait venir, par exemple, de chase (chasse, combat), de jason (1860, vitalité, énergie), de chasse (pas de danse glissé condamné par les Quakers), de jackass (argot noir: âne ou imbécile, musique d’im-béciles).

Il serait par contre faux de croire que ses origines provien-nent d’un seul et même endroit. Le jazz est plutôt une synthèse, un échange entre deux cultures: celle des populations noires des-cendant des esclaves africains et celle de l’Amérique du Nord. En ce sens, la matière composite du jazz est large. Dans ses racines, on retrouve indiscutablement les chants des plantations, les ne-gro-spirituals et les gospels-songs, chants religieux d’inspiration bi-blique et évangélique. À cela, on peut ajouter les minstrels, specta-cles-parades burlesques donnés par des Blancs grimés en noir et

dont l’existence remonte à avant la guerre de Sécession.

Le jazz apparaît ainsi comme une création collective prenant naissance un peu partout aux États-Unis, là où il y avait des populations noires. La Nouvelle-Orléans se distingue dû au fait qu’il s’agit, à la fin du XIXe siè-cle, d’une ville de brassages eth-niques. De nombreux musiciens blancs, noirs et métis de Français

et d’Espagnols s’y retrouvent pour former les premiers brass-bands se produisant au Congo Square. En tête, on retrouve Buddy Bolden, qui préconisait déjà la liberté rythmique, élément constitutif du jazz sur lequel les musiciens bâtiront leur style. On peut ajouter à cet élément le swing, le rag-time et le blues.

Les premiers grands du jazz (King Oliver, Sydney Bechet,

Louis Armstrong, Jelly Roll Morton, Duke Ellington) sont des musiciens ayant réussi la fusion parfaite de tous ses élé-ments, afin de créer une première mouture réellement moderne de cette forme musicale. Cependant, nous devrons attendre l’après-guerre de 1914-1918 avant de voir l’émergence de ces pion-niers. La prohibition, avec ses ca-barets clandestins, de même que l’apparition du disque feront en sorte que les premiers orchestres verront le jour. Ceux-ci entreront finalement dans la légende peu après 1929, année du krach.

Une fois la prohibition abo-lie, une ère de prospérité souffle sur l’Amérique. Les nombreux musiciens exilés en Europe re-viennent à la maison: c’est la folie du swing qui débute avec les big-bands. Le jazz est sur ses rails et est prêt à accueillir ses premiers dieux. Dieux qui, manifestement, inspirent encore toute une géné-ration d’artistes, de New York à Chicago en passant par Oslo.

Marilou RichardLe Délit

Sur la route de Compostelle, dans un Moyen Âge coloré et animé, des pèlerins mar-

chent, seuls ou en groupe, trimba-lant leurs espoirs et leurs peines. Un même désir les anime et les unit, parfois le temps d’une brève halte, parfois tout au long du che-min. La route longue et périlleuse, exigeante physiquement et men-talement, confronte les espoirs les plus naïfs des personnages à leur honte profonde et à une réa-lité cruelle. Après avoir été exposé dans toute sa vulnérabilité, l’espoir est tout de même permis, voire nécessaire. L’espoir de continuer, confiant, à mettre un pied devant l’autre, vers ce quelque chose de plus grand.

Avec Santiago, présentée au Théâtre d’Aujourd’hui et mise en scène par Philippe Soldevila, le Théâtre Sortie de Secours amorce

son «Cycle d’or», qui aborde la quête humaine intérieure. Soldevila s’associe à Hélène Robitaille, auteur et dramaturge, pour donner vie à un texte à la fois sincère et enchanteur, qui transporte le spec-tateur dans son imaginaire afin de faire, avec chaque personnage, l’ex-périence de sa quête.

Les pèlerins se veulent ar-chétypaux et très expressifs et sont rendus avec une belle justesse par tous les comédiens, même lorsqu’il s’agit de faire voir en un instant leur côté plus sombre. Le rythme est donné avec la marche imposée et la musique de Pascal Robitaille, qui l’accompagne.

Le décor simple et suggestif de Christian Fontaine, essentiellement constitué de paliers et d’éclairage, met en relief la place importante accordée à l’imaginaire et suffit à garder présent tout au long de la représentation le lien qui unit le sol, le marcheur, sa quête et la lumière. Les personnages sont ha-bilement concrétisés par les costu-mes d’époque d’Érica Schmitz, qui réussit à donner la touche finale

pour les matérialiser et les inscrire dans l’espace et le temps.

Un conte comme Santiago réussit à briser le schème auquel est habitué un public exposé à quantité de productions réalis-tes, révolutionnaires ou mélan-coliques. Dès les premiers mots de la pièce, tous les adultes assis dans la salle retrouvent une part de l’enfant en eux, en se laissant émerveiller et en s’abandonnant, malgré la réalité qui les guette, à l’imaginaire des espoirs permis. Seul hic, l’entracte est un brus-que retour à la réalité et souligne anachroniquement le revirement de perspectives, déjà brutal au deuxième acte.

Cela n’empêche pas Santiago d’être un vent de fraîcheur agréa-ble qui, tout en abordant un sujet aussi universel et fondamental que la quête de sens, présentée comme un parcours où «l’on met un pied devant l’autre», laisse au cœur l’empreinte de l’essentiel et de l’ab-solu. x

Et si on abordait les questions métaphysiques en commençant par «il était une fois?»

Conte pour adultes

Du Congo Square à la PlaCe DeS artS

SantiagoOù: Théâtre d’Aujourd’hui 3900, rue Saint-DenisQuand: Jusqu’au 2 févrierCombien: 23$ (étudiant)

Pèlerins en quête de sens dans Santiago.Louise Leblanc

14xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Arts&Culture

théâtre

musique - mini-série 1/4

Point de départ: Nouvelle-Orléans

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Scott Cortenbach / Le Délit

La semaine dernière, cet espace a accueilli quelques pensées sur l’autoréflexion et la mise en abyme en littérature. De fait, le temps paraît propice à la discussion d’un sujet ardu, confus, peut-être même effrayant. Il s’agit d’un mot qu’on souffle du bout des lèvres, ou avec une franche dose d’ironie: postmodernisme.

Ardu parce que ce mot est employé dans une variété de disciplines, avec des connota-tions différentes. En guise de point de dé-part, on pourrait affirmer qu’il s’agit d’une réaction vis-à-vis des préceptes du moder-nisme. Confus parce que la définition de ce qui est «moderne», elle aussi, varie selon la géographie et le moment. S’agit-il du mé-dium (de la peinture à la photographie), de la méthode (de la figuration à l’abstraction), du sujet (du mythe classique à la misérable réalité)? Effrayant parce que les œuvres sans repères apparents laissent à qui les contem-ple cette lancinante impression d’être un idiot flottant dans une mer d’érudits.

Si le bord de la falaise est terrifiant, il n’est pas nécessaire de chuter –seulement de prendre un peu de recul. Le postmoder-nisme est une réaction au projet du moder-nisme, à ses grandes idées. L’art moderne s’intéresse au progrès, à l’industrialisation, à la constante opposition entre le rationalisme et l’empirisme. Les courants se succèdent à grande vitesse, les motifs et les textures ré-pondent aux rythmes des machines, les créa-tions font autant écho aux écrits de Kant et de Jung qu’aux découvertes en optique et en physique.

En général, l’éveil du postmodernis-me en arts visuels est associé à quelques développements historiques. Le choc de la fin de la Seconde Guerre mondiale en est un. Il aura montré, plus qu’à tout autre moment, le danger des mythes historiques et le côté sombre du progrès. Le dévelop-pement des télécommunications en est un autre. Il évoque la possibilité d’interagir avec un plus grand éventail de cultures, mais il rappelle aussi que l’industrie n’a pas les mêmes répercussions aux quatre coins du monde.

Qui dit postmodernisme ne dit pas rejet du modernisme –seulement une réo-rientation du projet artistique. L’artiste voit ses congénères (et lui-même) de fa-çon contradictoire, capables des plus grands projets et de la pire cruauté. Ses œuvres se tournent vers l’extérieur. Elles attaquent la complexité de l’information qui assaille quotidiennement les sens, ain-si que l’explorent Matthew Ritchie et Julie Mehretu. Elles s’intéressent à revisiter l’histoire, à la façon de Kara Walker ou de Takashi Murakami. Elles s’engagent dans un examen critique de son propre métier, de ses assises (authenticité, unicité, exper-tise), comme avec Marcel Duchamp ou Maurizio Cattelan.

Dans cette optique, les productions de la modernité deviennent un «catalogue d’idées», duquel le créateur tire l’inspiration qui lui permettra d’inscrire un argumentaire dans l’œuvre elle-même. L’artiste fait le pari que non seulement les courants de la mo-

dernité, mais l’histoire de l’art elle-même, contiennent des approches stylistiques en-capsulant l’esprit d’une époque, d’un en-droit.

Cette approche historique de l’ana-lyse d’œuvres suppose donc une certaine connaissance de l’histoire de l’art. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, dans l’op-tique où le milieu contient son lot de per-sonnages (schizoïdes, fumistes, assassins et j’en passe) et de créations aux des-tins (volées, camouflées, négligées, oubliées…) plus abracadabrants les uns que les autres.

Petite leçon d’histoireL’art sans dessus dessousMathieu Ménard

compilé avec intérêt par Lawrence Monoson et Pierre-Olivier Brodeur

Le Délit vous propose

santiagoThéâtre d’Aujourd’hui (cf. page 14)

Les JustesThéâtre Denise-Pelletier(cf. page 16)

LITTÉRATURE

À la recherche de la mort perdue

La traduction française (signée Geneviève Leibrich) du nouveau roman de l’écrivain portugais José Saramago sera disponible ce mois-ci au Québec. Intitulée Les Intermittences de la mort, la dernière œuvre du prix Nobel de littérature 1998 est, à l’image de L’Aveuglement (paru en 1997) et de La Lucidité (paru en 2005), un récit philosophique. Dans un pays ano-nyme, les gens cessent soudainement de mourir. L’euphorie des premiers temps devient vite panique devant les catastrophes qui s’accumulent: dispa-rition de l’Église, hôpitaux débordés, agonies interminables de malades prêts à mourir, disparition des compa-gnies d’assurance et de pompes funè-bres…Rapidement, mourir devient la principale préoccupation d’une popu-lation prisonnière de la vie éternelle.(Le Devoir)

Brèves culturelles: musique et littérature, le tout sur la toile

15xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

Arts&Culture

NOUVELLES TECHNOLOGIES

Une culture alternative sur le Web

Le site Ubu Web s’engage à diffuser des œuvres difficilement accessibles en les numérisant. Cette démarche aussi marginale qu’illégale s’avère très intéressante. Sur la page d’accueil, on est invité à écouter des chansons de Julian Schnabel, à voir une dizaine de films de Harun Farocki et à se connec-ter sur la radio d’Ubu. «Libérée des contraintes imposées par le profit ou des considérations purement maté-rielles concernant le produit et sa fa-brication, l’information devient litté-ralement «libre»: sur UbuWeb, nous fournissons de l’information et nous le faisons depuis 1996. Nous éditons en couleur pour quelques centimes seulement. Nous recevons des docu-ments le lundi matin et nous les pu-blions le lundi après-midi.»

www.ubu.com

MUSIQUE

À la rencontre d’une grande voix

Le Conseil québécois de la musique organise chaque année un gala qui récompense le travail d’une vingtaine d’interprètes, compositeurs, musico-logues, producteurs et diffuseurs qué-bécois. À la rencontre d’une grande voix, présenté au Centre d’arts Orford, permet de faire un tour d’horizon de la musique classique québécoise. Marie-Nicole Lemieux, contralto, remporte le prix du concert de l’année. La so-prano Marianne Fiset obtient le prix de la découverte de l’année. Véronique Lacroix, de l’Ensemble contemporain de Montréal repart avec le prix de la di-rectrice artistique. Le Quatuor Bozzini est primé pour son rayonnement à l’étranger. Le concert d’ouverture de Kent Nagano à l’Orchestre symphoni-que de Montréal, le 6 septembre 2006 est reconnu comme le concert de l’an-née. (Radio-Canada)

Vincent Bezault

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Cynthia Cloutier MarengerLe Délit

En 1601, Elizabeth 1ère, souveraine d’Angleterre, condamne à mort pour

haute trahison son amant, le comte d’Essex. La veille de l’exé-cution, William Shakespeare et sa troupe, les Hommes du Lord Chambellan, sont invités à dis-traire la reine en donnant une représentation dans l’un de ses châteaux. Le couvre-feu étant sonné, ils se voient dans l’obliga-tion d’y passer la nuit. Alors que chacun se défait de ses artifices et quitte son personnage, entre en scène celle qui toute sa vie en a joué un sans pouvoir s’en dépar-tir: Elizabeth, roi d’Angleterre.

Pièce sur l’identité, l’Elizabeth de René-Richard Cyr, malgré un sujet en or —quoi de plus fasci-nant en effet que ce monarque en qui l’homme et la femme se livrent un combat sans merci?—, peine à trouver la sienne. N’eut été de cette supplique adressée à Ned, acteur ne jouant jamais que des femmes, et déclamée par une reine déchirée entre son devoir et ses sentiments, le spectateur s’y se-rait perdu: « Enseignez-moi à être une femme et, en retour, je vous enseignerai à être un homme». Malheureusement, tant pour la souveraine que pour la pièce, la requête vient trop tard: la femme

se perd en même temps que meurt son amant et la représentation de-meure informe à force de s’abreu-ver à trop de sources.

Le problème vient-il du texte original, trop touffu, de la tra-duction, dont on sent parfois les ratés —«se tapait-on» vraiment quelqu’un au 17e siècle?—, de la mise en scène, dont les effets appuyés laissent perplexe plus qu’ils n’ajoutent au sens global, de la direction des acteurs, dont le jeu est inégal? Le résultat est une oscillation constante entre co-médie et drame, entre adaptation moderne (décor qui suggère plus qu’il ne représente, grande mobi-

lité des acteurs, effets brechtiens, accents québécois) et représen-tation traditionnelle (costumes d’époque, déclamation, fran-çais standard). Bien que la pièce bascule résolument du côté du drame traditionnel à partir de sa deuxième moitié, l’ambiguïté du début plonge le spectateur dans une obscurité qui, elle, ne se dis-sipera pas.

Au milieu de cette pénom-bre, Marie-Thérèse Fortin apparaît sans nul doute comme l’élément le plus positif. Son interprétation lumineuse de reine avant tout «Prince d’Europe» laisse insensi-blement place à une femme blessée

par les hommes, et par elle-même d’abord, pour s’achever sur un vé-ritable cri du cœur qui ne saurait laisser indifférent. Le jeu de Jean-François Casabonne, qui interprète Shakespeare, est quant à lui tout à fait juste. En toute sobriété, il par-vient à rendre crédible le person-nage du grand poète et à imposer sa présence aux côtés de la munifi-cence de la souveraine. On ne peut en dire autant de René-Richard Cyr, en Ned, qui y arrive difficile-ment. Son interprétation en dents de scie de cet homme nostalgique de son amour et sur le point de mourir convainc peu.

La finale, qui voit le lever du jour et l’exécution d’Essex, symbo-lisée par les sept coups de l’horloge et une lumière orangée cédant au jaune, sauve en partie la pièce en l’ouvrant sur un questionnement: est-il possible d’échapper au rôle qu’est notre vie? Le contre-jour créé par l’éclairage, qui découpe la silhouette des acteurs, semble four-nir une piste de réponse. Et si nous étions tous condamnés à vivre dans l’ombre de notre personnage? x

Mathieu RouyLe Délit

Ce qui s’est passé à New York en sep-tembre 2001 a fait trembler le mon-de et mis le mot «terrorisme» sur

toutes les lèvres. Qui n’a pas eu, depuis, une discussion sur le sujet, n’a pas exprimé son opinion sur ce moyen pour le moins radical de s’exprimer politiquement? La fin justi-fie-t-elle les moyens? Certaines causes sont plus nobles que d’autres. Jusqu’où peut-on aller pour se faire justice? André Melançon a décidé de proposer au public du Théâtre Denise-Pelletier la pièce Les Justes, un clas-sique d’Albert Camus qui, bien qu’écrite en 1949, pousse à la réflexion sur ces questions on ne peut plus actuelles.

Un homme s’adresse au public pendant que quelqu’un s’affaire, en arrière-plan, à la fabrication de ce qui semble être une bombe. Cette petite introduction, seul ajout au texte original, nous met en contexte. Nous som-mes en 1905, en Russie, alors que la sanglan-te répression du tsar va pousser les esprits révolutionnaires à entreprendre ce que l’his-toire retiendra comme l’ébauche ratée de la

révolution de 1917. Une véritable explosion, musique de circonstance et décors travaillés: l’entrée en matière dramatique est réussie. Le public épie une cellule terroriste qui finalise les préparatifs de l’assassinat du Grand-Duc Serge Alexandrovitch, l’oncle du tsar.

Kaliayev (Maxime Denommée) n’a pas pu lancer la bombe. Le jeune idéaliste ré-volutionnaire est assis là, au milieu de ses camarades, atterré. Il y avait des enfants. Ce n’était pas prévu. Les neveux et la femme du Grand-Duc étaient avec lui, dans la ca-lèche. Le groupe se questionne: la mort de ces enfants aurait-elle été justifiée? Faut-il, afin d’abolir le despotisme, ne reculer de-vant rien? S’ensuit un véritable duel entre Kaliayev et Stepan (Philippe Lambert). Ce dernier, qui incarne l’intransigeance motivée par une haine pour laquelle aucun sacrifice n’est trop grand s’il sert la révolution, accuse son «frère» de faiblesse. Le jeu des acteurs rend bien l’intention de l’auteur, alors que les personnages, bien qu’ils tentent de jus-tifier la violence, éprouvent des sentiments très humains.

La mise en scène d’André Melançon embrasse l’atmosphère de la pièce, celle de la clandestinité et de la peur. Décors et costumes nous font bien croire à l’époque.

Les coupoles de la place Rouge pointent à la fenêtre: nous sommes bien à Moscou. La musique, aux tonalités militaires, est judi-cieusement utilisée pour soutenir le texte. Bien qu’au début le jeu des acteurs puisse sembler inégal, il s’améliore au fur et à me-sure que la pièce progresse. Celle-ci est dé-coupée en cinq actes qui s’enchaînent en un véritable crescendo. L’occasion ratée va faire place à une autre et l’attentat, cette fois, sera mené à terme. Avec toutes les conséquences que cela implique.

Le pari est réussi. Si les textes de Camus semblent indémodables, celui-ci interpelle particulièrement dans un contexte où cer-tains justifient leurs actes terroristes par une cause plus grande qu’eux et où d’autres jus-tifient leurs actes à cause du terrorisme…x

André Melançon présente Les Justes, d’Albert Camus, un texte toujours aussi actuel.

La justice, à quel prix?

Elizabeth 1ère monte sur les planches du TNM dans une pièce de Timothy Findley, traduite par René-Daniel Dubois et mise en scène par René-Richard Cyr.

L’ombre d’une reine

Les JustesOù: Théâtre Denise-Pelletier 4353, rue Sainte-Catherine E.Quand: Jusqu’au 12 févrierCombien: 33, 50$

Elizabeth, roi d’AngleterreOù: Théâtre du Nouveau Monde 84, rue Sainet-Catherine E.Quand: Jusqu’au 9 février (supplémentaire le 12 février)Combien: 35$ (étudiant)

Les Justes donne lieu à de véritables duels idéologiques entre «frères» révolutionnaires.Robert Etcheverry

De gauche à droite: Jean-François Casabonne, René-Richard Cyr, Agathe Lanctôt et Marie-Thérèse Fortin.

Yves Renaud

16xle délit | 29 janvier 2008www.delitfrancais.com

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