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Point de vue Électricité et télécom en Afrique : la convergence ?

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Page 1: Électricité et télécom en Afrique : la convergence · convergence participera également au développement de l’accès à l’électricité et au réseau télécom en zone rurale

Point de vue

Électricité et télécom en Afrique : la convergence ?

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Électricité et télécom en Afrique : la convergence ?

Table des matières

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Le secteur électrique africain, un déficit structurel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Les télécoms, booster de l’économie africaine et du développement du continent: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

La convergence « Telcos – Utilities », une situation gagnant-gagnant à multiples facettes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Les zones « offgrid » ou « bad grid », un espace de synergies entre énergéticiens et Télécoms . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Directeur de Publication : Jean-Michel Huet

Comité éditorial : Kévin Huard, Alexandre Buisson

Marketing & Communication : Morgan Delcambre, Paul Mazloum, Angélique Tourneux

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Introduction

L’électricité et les télécoms, deux secteurs aux dynamiques divergentes, sont au début d’une phase de convergence qui pourrait être la base d’un fort développement du continent .

La faiblesse dans le domaine de l’approvisionnement en électricité est un frein majeur au développement social et économique de l’Afrique, notamment de l’Afrique Subsaharienne . La problématique majeure se situe dans la rentabilité des distributeurs d’électricité, qui n’ont pas la capacité de maintenir, de développer et d’étendre leurs réseaux pour s’adapter à la démographie du continent et aux progrès technologiques . Ainsi, une très grande partie de la population a encore un accès limité à l’électricité, dû à une couverture du réseau et à une continuité d’approvisionnement très faibles . S’ajoutent à ce constat de grandes disparités entre les populations urbaines et rurales, ces dernières étant quasi délaissées dans la plupart des pays d’Afrique Subsaharienne .

Cependant, l’Afrique peut compter sur deux gigantesques réservoirs de développement . Le premier est son potentiel de production d’électricité verte, notamment via le solaire, qui reste encore largement sous exploité . Le deuxième est le développement du secteur des télécommunications, notamment le mobile, dont la couverture réseau s’est étendue bien au-delà du réseau électrique et qui est à l’origine des principaux développements sur le continent . En effet, ce secteur a étendu son

domaine d’application en développant des moyens de paiement et des services bancaires révolutionnaires ainsi que des solutions innovantes dans les secteurs du e-commerce, de la santé ou encore de l’agriculture . Poursuivant son développement, le secteur des télécommunications a commencé à s’impliquer dans le secteur de l’énergie pour trois raisons : le sous-dimensionnement du réseau électrique constitue un frein majeur au développement des infrastructures télécoms (antennes relais, fibre optique, « data centers »), l’énergie présente un domaine d’application prometteur aux services actuels du mobile (m-payment, media, data management . . .) et des perspectives de diversification de ses offres (compteurs intelligents, kits solaires individuels, écosystèmes électriques, « energy service delivery ») .

Ainsi la convergence du secteur des Télécoms et de l’électricité pourrait avoir un impact majeur sur le développement du continent, en premier lieu en améliorant la rentabilité des opérateurs électriques via la fourniture et la gestion de compteurs intelligents, mais aussi en diversifiant leurs sources de revenus via le développement d’une offre « electricity as a service » . Cette convergence participera également au développement de l’accès à l’électricité et au réseau télécom en zone rurale à travers des offres individuelles ou communautaires . Les synergies entre ces deux secteurs seront aussi un catalyseur pour les investissements dans les infrastructures télécoms haut débit et dans les capacités de production électrique .

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L’accès à l’électricité, un frein ma-jeur au développement du continent

L’électricité est un produit rare en Afrique . En effet, l’Afrique pointe à la dernière place mondiale des continents en termes de production, de consommation électrique mais aussi d’accès aux réseaux . Le continent représente moins de 5% de la consommation électrique mondiale alors qu’il s’agit du deuxième continent le plus peuplé : 16% de la population mondiale est africaine . La consommation moyenne par habitant est de l’ordre de 530kWh, soit 7 fois moins que celle de la France .

Il convient cependant de distinguer deux zones en Afrique . Tout d’abord, une zone émergente constituée de 6 pays (Afrique du Sud et pays d’Afrique du Nord) dont la population a un accès élevé à l’électricité (supérieur à 95%) et ayant une capacité de production d’environ 70 GW équivalente à l’Espagne . Cette zone génère à elle seule 80% de l’électricité du continent . Avec une production annuelle de 4200 kWh/habitant, la production de l’Afrique du Sud représente même 40% de la production électrique africaine . En comparaison, la France a une capacité plus de quatre fois supérieure avec plus de 16900 kWh/habitant . Pour produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement à l’énergie thermique (gaz, fioul, charbon), représentant 95% du mix énergétique .

Les autres pays constituent une zone en pénurie d’électricité qui accusent un profond retard dans le développement de leurs infrastructures . En effet, l’accès à l’électricité y est rarement au-dessus de 50% (7 pays sur 48), et souvent en dessous de 20% (12 pays), tandis que leur capacité de production électrique

est d’environ 35 GW, équivalente à la Pologne . La continuité d’approvisionnement y est souvent très sporadique, ce qui induit une consommation très faible : environ 200 kWh/habitant . Cette situation de sous-dimensionnement par rapport aux besoins nationaux est un frein majeur au développement des économies . Au Nigeria, environ 50% de la population a accès à l’électricité, mais pour seulement 3 heures par jour . En Guinée, le fournisseur national, la SNE, a été surnommé « Société de la Nuit Éternelle », au Cameroun, ENEO (Energy of Cameroon) a été rebaptisé « Énergie Noire et Obscure » . Ces interruptions électriques paralysent significativement l’activité économique et sont la caractéristique des zones dites « Bad Grid », qui constituent environ 80% des réseaux électriques de ces pays . Pour y faire face, la plupart des entreprises et des résidences disposent d’un générateur diesel pour pallier aux coupures . Pour produire leur électricité, ces pays ont recours majoritairement à de l’énergie hydraulique, représentant environ 60% du mix énergétique . 5 pays de la région des Grands Lacs sont même dépendants de cette ressource, qui constitue 90% de leur mix (Kenya, Éthiopie, Mozambique, Zambie et Centrafrique), ce qui crée sporadiquement des tensions avec les pays en aval (Égypte et Soudan notamment) .

Plus inquiétant, en plus d’avoir des niveaux de production et de consommation très faibles, la plupart des pays de cette zone n’arrivent pas à suivre leur rythme démographique . En 1990, 31% des africains avaient accès à un réseau électrique . Certes ils sont à présent 45% à en avoir l’accès, mais la population sans accès a augmenté de 200 millions entre 1990 et 2012, notamment en zone rurale .

Le secteur électrique africain, un déficit

structurel

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Pays à fort accès en électricité

5847

2624

2624

97%

Pays à accès moyen en électricité Pays à faible accès en électricité

Pays à très faible accès en électricité

901 648

130

394 252

58

429 336

56

59% 31%

12%

France

16 915

7 993

6 451

100%

Capacité électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab .)Production électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab .)Consommation électrique par heure par million d’habitants (GWh/million d’hab .)

Part de la population ayant accès au réseau électrique (% de la population)

Capacité, production, consommation et accès électrique en Afrique en 2015

Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint (2017)

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S’il existe des disparités entre pays, elles sont conséquentes entre les zones urbaines et rurales . En Afrique Subsaharienne, le retard en termes d’infrastructures électriques en zones urbaines, ainsi que la difficulté d’accès et la faible densité des zones rurales ont dissuadé les distributeurs électriques à développer leurs réseaux au-delà des grands centres urbains . Ainsi, quand les zones urbaines ont un taux d’électrification de 69%, seules 29% des régions rurales ont un accès . Pourtant la plupart des Africains (62%) vivent dans les zones rurales . Les disparités sont aussi très importantes entre populations riche et pauvre . En effet, les 20% des africains les plus riches ont un accès à l’électricité de 65%, contre 7% pour les 20% les plus pauvres .

Le raccordement de toute l’Afrique au réseau électrique avant 2030 nécessiterait la mobilisation de 830 milliards de dollars d’investissements selon les estimations (hors coûts d’augmentation des capacités de production) . L’extension du réseau a un coût élevé, à savoir entre 7000 et 15000 euros au kilomètre . Faute de solution globale, les habitants ont développé des solutions électriques autonomes, ne nécessitant pas un raccordement au réseau public . Ainsi, les générateurs électriques diesel sont omniprésents, notamment en milieu rural, même si des innovations basées sur les énergies renouvelables émergent .

Cependant, ces solutions alternatives d’alimentation électrique représentent un coût important pouvant atteindre 80c$/kWh pour un groupe électrogène . Dans les zones desservies par le réseau, le tarif résidentiel moyen s’élève à 13c$/kWh, soit un coût proche des pays de l’OCDE (14c€/kWh en France, soit 18c$/kWh) pour un niveau de vie quinze fois inférieur, et largement au-dessus de celui observé dans les régions en développement . Ainsi, les besoins inhérents au secteur électrique africain créent un espace ouvert à l’innovation, qu’elle soit technologique, sociale ou économique .

Un mix électrique en évolution, où les énergies vertes sont encore sous-exploitées

À l’instar de ce qu’a connu le marché de la téléphonie mobile, celui des énergies renouvelables offre un potentiel de marché attractif, notamment pour les acteurs privés . Actuellement, les énergies renouvelables représentent 20% de la production électrique du continent africain .

Pour autant, l’Afrique détient de très nombreuses ressources naturelles : l’eau, le vent et le soleil . Au vu du fort ensoleillement, l’énergie solaire peut notamment présenter une solution prometteuse . La production d’électricité au moyen de panneaux photovoltaïques est plus compétitive que l’utilisation d’un groupe électrogène sur une large part des zones rurales africaines .

Les pays du Maghreb donnent ainsi la priorité au développement de l’énergie solaire . En 2016, la première partie d’un gigantesque projet de centrale solaire (Noor I) est entrée en service au Maroc . Elle est destinée à devenir la plus grande centrale solaire du monde . Pour l’instant, la centrale présente une capacité de 160MW . Le projet, qui s’achèvera en 2020, devrait vraisemblablement offrir une capacité de 580MW, soit une production similaire à celle d’une petite centrale nucléaire . Néanmoins, l’énergie solaire représente toujours moins de 1% de la production électrique africaine totale tout comme l’éolien, la bioénergie ou le géothermique . La seule exception notable est l’énergie hydraulique fluviale qui permet de produire 16% de l’électricité du continent . Si la construction des barrages hydro-électriques est coûteuse, ces derniers ont l’avantage de délivrer une production électrique conséquente . L’Ouganda a ainsi investi

Evolution de la population ayant accès à l’électricité en Afrique (en millions d’habitants)

Sources : Banque Mondiale, BearingPoint

6

Urbain Rural800

700

600

500

400

300

200

100

1990 19902012 2012

Population sans accès

Population avec accès

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dans une centrale hydro-électrique à Bujagali via un partenariat public privé . Parmi les investisseurs, on compte des banques commerciales, la Banque Mondiale ou la Banque Européenne d’Investissement . Cet investissement majeur permet aujourd’hui au pays de satisfaire la moitié de la demande nationale . D’autres projets similaires, financés par la Banque Chinoise pour le Commerce Extérieur, ont ainsi vu le jour en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en Ouganda .

D’autre part, les pays dont la production électrique provient essentiellement de sources vertes sont ceux qui disposent de centrales hydrauliques . La forte capacité de production générée après chaque investissement permet de toucher une large population et donc de réduire le coût unitaire . En revanche, ces pays qui peuvent paraitre exemplaires au regard de la part de leur production provenant d’énergies renouvelables connaissent un réel déficit en capacité . En effet, le Mozambique, la Zambie, le Burundi ou l’Éthiopie produisent en moyenne plus de 95% de leur électricité via des énergies renouvelables et principalement grâce aux barrages . Cependant les taux d’accès à l’électricité de leurs populations sont très faibles : respectivement 20%, 22%, 7% et 27% .

Le chemin à parcourir est encore long avant de voir une production électrique dominée par des ressources vertes d’autant que les plus gros producteurs d’Afrique sont aussi ceux dont la part provenant des énergies renouvelables est la plus faible . Parmi eux, la Libye, l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud tardent à passer à une production d’électricité majoritairement verte . Ils sont extrêmement dépendants des énergies fossiles et les énergies renouvelables n’offrent pas une puissance de production suffisante pour les remplacer à court terme . Néanmoins, nombre d’entre eux ont introduit les énergies renouvelables dans leurs objectifs de mix énergétique . En Afrique du Sud, la South African Renewable Council (SAREC) affirme que ces politiques ont permis la mobilisation de 14 milliards de dollars d’investissements étrangers ainsi que la création de 20 000 emplois durant la phase de construction . Toujours selon la SAREC, 35 000 emplois ont été créés pour l’exploitation de ces énergies durables .

Répartition de la production électrique en Afrique par type (2014)

Sources : Banque Mondiale, African Energy Outlook

7

83%

16%

1%

Énergies fossiles

Hydraulique fluvial

Hydraulique offshore

ÉolienSolaire

Bioénergie

Géothermique

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Les pays africains disposent de ressources naturelles à profusion qui leur offrent la possibilité de mettre en place un mix énergétique plus vert qu’il ne l’est actuellement . Pourtant, ils tardent à mettre en place un cadre légal favorable à l’adoption et au développement des énergies renouvelables . Néanmoins, certains pays font figure d’exceptions comme l’Afrique du Sud

qui met en œuvre des politiques vertes de grande ampleur et parvient à attirer les investisseurs étrangers qu’ils proviennent du secteur public ou du secteur privé . Un autre problème freine les investissements : la faible performance opérationnelle actuelle des producteurs et distributeurs d’électricité sur le continent .

Mix énergétique des pays d’Afrique en 2014

Sources : Banque Mondiale (2016), Africa Energy Outlook (2016), BearingPoint

Pays dont la part des énergies renouvelables dans la production est inférieure à 20%

Pays dont la part des énergies renouvelables dans la production est entre 20% et 80%

Pays dont la part des énergies renouvelables dans la production est supérieure à 80%

Dont : • hydraulique fluviale (79%) • éolien (16%) • solaire (5%)

Dont : • hydraulique fluviale (98%) • bioénergie (2%)

Dont : • hydraulique fluviale (91%) • géothermie (7%) • bioénergie (1%) • solaire (1%)

Énergies fossiles

Énergies renouvelables

Part des énergies renouvelables dans le mix énergétique (% de production électrique)

8

95% 50%10%

5%50% 90%

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Un déficit de performance opéra-tionnelle et financière des distribu-teurs électriques

Pour la majorité des Africains, les aléas du réseau électrique relèvent de la norme, tant les pannes et les coupures de courant se produisent régulièrement . Les fournisseurs d’électricité n’arrivent pas à s’aligner sur l’augmentation de la demande, phénomène accentué par un faible taux d’urbanisation de 4% . Les compagnies d’éléctricité peinent à inverser cette tendance tant les besoins en investissements sont importants et leur solidité financière est précaire . En effet, la problématique majeure est le déficit de rentabilité des opérateurs électriques africains, notamment dans le secteur de la distribution . Ce déficit, qui est en moyenne d’environ -80%, est dû à la fois à des coûts élevés (270 $/MWh) et à des revenus trop faibles (150 $/MWh) . Plusieurs facteurs dont l’impact est négatif sur les économies des pays concernés expliquent ce phénomène : des facteurs d’ordre technique et d’autres non techniques .

Les pertes non techniques sont les plus importantes . Elles concernent majoritairement la sous-tarification, le recouvrement des factures et la fraude . En effet, les tarifs électriques sont un des leviers les plus importants pour améliorer la rentabilité des distributeurs . En Afrique Subsaharienne, ils ne reflètent pas les coûts de fourniture de ce service . En moyenne, les tarifs moyens de vente de l’électricité en Afrique subsaharienne avoisinent 130 à 140 $/MWh . Ces prix de vente ne couvrent pas le coût de fourniture de l’électricité aux différents types de clients et sont en moyenne 40% inférieurs à ce qu’ils devraient être . Dans la plupart des pays, ils ne couvrent même pas les coûts d’investissement, ce

qui explique la situation financière des compagnies d’électricité . La résolution de ce problème nécessiterait de mettre en place des politiques tarifaires extrêmement élevées aux dépens des populations à faibles revenus .

La sous-tarification nous amène naturellement aux problématiques de comptage, de facturation et de recouvrement, avec des déficits à tous les niveaux . La couverture du réseau en compteur individuel est faible et peu d’opérateurs ont déjà eu recours à l’installation de compteurs prépayés à grande échelle . De plus, les relevés sont peu fiables du fait en particulier de l’installation très répandue de compteurs partagés (opposés aux compteurs individuels) . Cette technique permet de partager les frais élevés d’installation initiale au sein d’une résidence par exemple . Il n’est d’ailleurs pas étonnant de découvrir que le pays ayant le moins recours à ce procédé est le Sénégal . Le raccordement au réseau étant gratuit pour toute habitation se trouvant à moins de 40 mètres d’une ligne électrique, les ménages acceptent de s’équiper de leur propre compteur .

Le recours au partage des compteurs, à première vue moins coûteux, empêche la mise en place d’une segmentation client fine . Ainsi, les populations à faibles revenus ne peuvent pas bénéficier de tarifs subventionnés, car en partageant leur compteur ils deviennent inéligibles à toute aide . Disposer d’un compteur individuel permettrait ainsi d’appliquer une politique tarifaire plus équitable .

En plus de cet obstacle, les opérateurs de fourniture d’énergie électrique en Afrique doivent faire face à des difficultés de recouvrement . Environ 40 % des clients finaux en Afrique Subsaharienne ne payent pas leurs factures . Ce taux grimpe à plus de 55% pour les catégories les plus pauvres et s’établit toujours

Analyse comparative des coûts et des revenus des opérateurs électriques (en $/MWh)

Source : Banque Mondiale (2014), BearingPoint

OPEXCAPEX Moyenne des encaissements recouvrés

9

700

600

500

400

300

200

100

Libe

ria

Com

ore

Sier

ra L

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Gha

na

Moz

ambi

que

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tho

Zam

bie

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à 20% pour les catégories les plus aisées, suggérant un état de fait ancré dans les pratiques, mais s’expliquant également par l’incapacité des opérateurs à collecter efficacement les règlements, du fait d’une organisation déficiente et de l’absence de système bancaire structuré . Les taux de non-bancarisation en Afrique (autour de 60%) sont également un frein important au paiement .

Les actes d’incivilité s’ajoutent également aux problèmes de comptage, de relève ou de facturation . En effet, certains compteurs sont trafiqués, des raccordements illégaux au réseau et des vols sont parfois constatés . Les fraudes peuvent représenter jusqu’à 20% des pertes non techniques, et illustrent la faible automatisation du réseau, et donc le faible contrôle des opérateurs .

Aux pertes non-techniques s’ajoutent des pertes d’ordre technique . En effet, les infrastructures des réseaux électriques africains sont pour la plupart vieillissantes et peu entretenues . Ceci engendre d’importantes pertes énergétiques de l’ordre de 30% en moyenne, provenant des échauffements des conducteurs (« pertes cuivre »), des transformateurs (« pertes cuivre » et « pertes fer ») ou d’effets d’ionisation de l’air (« effet couronne ») .

D’autre part, le contrôle des réseaux est très rudimentaire, dû au manque d’interconnexions, mais aussi à la faiblesse d’automatisation du réseau, ce qui ne permet pas de répartir l’offre nationale là où le besoin apparaît . Ainsi, les opérateurs de seulement 40% des pays africains ont indiqué avoir mis en place des mécanismes de mesure des interruptions du système . Ils ne sont que 30% à disposer de statistiques sur la durée moyenne d’une coupure de courant, le nombre total d’heures de coupure ou le nombre d’interruptions du système (Banque Mondiale) .

Devant cette situation, de nombreux pays ont lancé des programmes de privatisation de plus ou moins grande échelle pour améliorer la performance de leur secteur électrique, en termes de capacité de production et de tarification . La moitié des pays (48%) ont ainsi, dérégulé le marché de la production en vendant les actifs publics ou en permettant à des acteurs privés, « Independant Power Producers » (IPPs), de construire leurs propres centrales . Dans ces cas-là, l’acteur historique public garde souvent la maîtrise de la production hydroélectrique tandis que la grande majorité des centrales thermiques est passée sous pavillon privé . Au Kenya par exemple, les « IPPs » sont à l’origine de plus de 30% de la production nationale . La plus importante d’entre elles, OrPower4, est une centrale géothermique située non loin de Nairobi et disposant d’une capacité de production de 150MW . Au Sénégal, le gouvernement s’est fixé l’objectif de couvrir 100% des zones rurales à l’horizon 2030 grâce à une augmentation de la capacité nationale via des « IPPs » .

Dans certains pays plus libéraux, comme le Nigeria, le secteur a été totalement privatisé dans les domaines de la distribution et de la production . Seule l’activité de transmission est restée dans le domaine public . Cependant, l’état des anciennes infrastructures publiques ainsi que la faiblesse financière des repreneurs ont retardé significativement l’impact du processus de privatisation sur le secteur .

En résumé, la situation des fournisseurs énergétiques en Afrique est complexe . Aux contraintes techniques liées à l’insuffisance et à la vétusté des équipements s’ajoutent des problèmes financiers dus notamment à des pratiques frauduleuses ou inadaptées . Les prix ne couvrent pas les coûts d’exploitation et les énergéticiens peinent à mettre en place des systèmes de facturation efficaces . Les fournisseurs d’électricité sont dans l’incapacité de financer

Source : Banque Mondiale (2016)

Typologie de pertes électriques des distributeurs en afrique

10

Sous tarification

Pertes de transport

et de distribution

Pertes sur le recouvrement

Sureffectifs

40%

30%

20%10%

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des projets pourtant nécessaires face à l’évolution du contexte économique africain et ne parviennent pas à satisfaire une demande toujours plus importante . . Majoritairement déficitaires, ces sociétés ne peuvent pas répondre aux besoins domestiques et les gouvernements se tournent vers des producteurs indépendants privés . L’enjeu est double puisqu’il s’agit d’améliorer la fourniture d’électricité pour les industries et les ménages mais aussi de privatiser une partie du secteur pour tirer les prix à la baisse . En tout état de cause, une grande partie de la population africaine ne dispose pas aujourd’hui d’un accès au réseau ou à un réseau de qualité et, aux vues du contexte qui prévaut sur le continent, il devient nécessaire de trouver des solutions pour soutenir les distributeurs d’électricité .

Source : BearignPoint (2016)

Niveau de privatisation des secteurs électriques en Afrique

11

Société publique intégrée

Société publique intégrée

+ IPPs

Société de distribution

sous concession privée + IPPs

Société de production

et de distribution privée

52%

38%

6%4%

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Un développement des télécoms à faire pâlir le secteur de l’électricité

Les télécoms en Afrique ont pris une importance significative dans l’économie de la plupart des pays . Le secteur est une source indéniable de croissance économique et de développement .

Le marché des télécoms en Afrique s’illustre essentiellement à travers les usages du mobile . Les coûts du réseau mobile sont, par rapport au réseau du fixe, moindres et les délais de déploiement plus courts . Aussi, le taux de pénétration en Afrique est-il passé de 2% pour le mobile en 2000 à 85% en 2015, tandis que la pénétration des lignes fixes stagnait (passage de 1,2% à 2%) . Le nombre de souscripteurs aux services mobile sur le continent Africain est passé de 52 millions en 2003 à 931 millions en 2015 . Les connexions internet sont, elles, passées de 13 à 293 millions sur la même période . La croissance du marché mobile a été trois fois plus importante que celle enregistrée au niveau mondial, et deux fois plus importante pour les connexions internet . De grands écarts existent selon les pays mais tous ont connu une nette progression . Une analyse comparative avec le taux d’accès

à l’électricité permet de comprendre l’écart qui sépare les deux industries . Là où le secteur électrique a difficilement suivi la croissance démographique, le secteur télécom a connu un véritable boom1 .

Le niveau de développement du marché du mobile est hétérogène entre les pays africains . En effet, alors que le taux de pénétration moyen en Afrique est de 85%, ce ratio est supérieur à 100% dans certains pays (l’Afrique du Sud, l’Afrique du Nord, le Gabon, et certains pays d’Afrique de l’Ouest) et inférieur à 50% dans d’autres (l’Erythrée, l’Éthiopie, le Niger, …) . Les marchés les moins pénétrés nécessitent des investissements lourds de la part des opérateurs pour l’extension du réseau . Un des facteurs clés expliquant la différence entre les niveaux de pénétration est le revenu par habitant . En effet, il existe une relation directe entre le revenu par habitant et le taux de pénétration mobile . Il y aurait donc un effet « richesse » sur la taille du marché adressable et sa dynamique . D’autres facteurs macro-économiques, comme la croissance du PIB ou encore le taux d’urbanisation, influent également sur l’adoption des usages de la téléphonie mais dans une moindre mesure .

1 À noter qu’une personne peut avoir plusieurs souscriptions mobiles

Les télécoms, booster de l’économie

africaine et du développement du

continent

12

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Comparatif de l’accès à l’électricité et au mobile en Afrique Subsaharienne

1 200

1 000

800

400

600

200

Milli

ons d

’hab

itant

s

Nombre de souscriptions mobileNombre de personnes ayant accès à l’électricité

Population totale

2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020

Pénétration du téléphone mobile en Afrique (2015)

Pénétration d’internet en Afrique (2015)

Pays > 100%

Pays > 35%

Pays > 80%

Pays > 20%

Pays < 80%

Pays < 20%

Pays < 50%

Pays < 10%

127%

83%

67%

41% Moy

enne

Afri

cain

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ine

Moy

enne

Mon

dial

e

Moy

enne

Mon

dial

e

45%

23%

14%

5%

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L’explication de cette croissance sans précédent sur le continent s’explique notamment par l’implication du secteur privé et l’absence relative du secteur public . Le graphique ci-dessus montre en effet que les secteurs tirés par les investissements privés (Télécoms, Production électrique, Gaz, Ports) sont bien plus attractifs que ceux tirés par le public (Eau, Santé, Distribution électrique) . Le secteur des Télécoms est le plus performant sur le continent, loin devant le secteur de la Distribution électrique, ou des « utilities » dans son ensemble, qui dépend encore beaucoup de financements publics . Résultat, les entreprises de télécommunication ont réalisé un EBIT de 28% en 2014 en Afrique, ce qui est bien au-dessus de la moyenne mondiale du secteur (18%) .

Une innovation technologique et marketing constante dans les télé-coms à l’opposé du secteur électrique

Alors que les opérateurs cherchent à améliorer leur pénétration du marché, ils recherchent également une croissance de leurs revenus via la diversification des services : services ICT, services financiers, applications mobile et publicité pour mobile .

Les services financiers illustrent le mieux le succès des Télécoms en Afrique et sont une véritable source d’innovation et de développement du continent, via notamment le modèle de facturation d’offre mobile en prépayé . Ce modèle est particulièrement adapté aux contraintes de ressources des ménages en Afrique . Ce mode de facturation permet à l’utilisateur de choisir le montant de ses communications sans aucun engagement (pay-as-you-go) via l’achat d’un volume de consommation à l’avance . En achetant une carte à gratter (communément appelée « scratch card »), il obtient un code qui lui permet d’utiliser des unités de communication jusqu’à l’épuisement de son crédit (principe du « top-up voucher ») .

Matrice d’attractivité sectorielle en Afrique

Sources : World Bank (PPA) (2016), Africa Economic Outlook (2016), BearingPoint (2017)

Profi

t Pot

entie

lFort

Faible

Retour sur investissementFaible Fort

Infrastructure sociale

Eau & Déchets

Rail

Aéroports

Ports

Distribution de gaz naturel

Distribution électrique

Télécommunication mobile

Production d’électricité

Forte dépendance aux financements publics

Faible dépendance aux financements publics

Participation privée dans les infrastructures en Afrique 2010-2015

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Ce système de paiement est à l’initiation d’un mouvement d’innovation de grande ampleur dans le secteur des télécommunications en Afrique . En effet, le « m-payment », ou paiement par mobile via des « m-wallet » (portefeuilles mobiles), a connu un développement à grande échelle dans la grande majorité des pays africains, et plus que partout ailleurs dans le monde . Ces innovations ont eu un impact significatif sur le développement des populations à faibles revenus, notamment en facilitant leur intégration :

• Économique : via des plateformes business, dont les plus connues sont dans le domaine de l’e-commerce ou de l’agriculture .

• Financière : grâce à l’accès à des produits financiers (comptes courants, comptes épargnes, emprunts…) et d’assurance .

• Sociale : via des plateformes d’assurance maladie et de consultation à distance par exemple .

Ce phénomène d’innovation propre à l’Afrique pourrait s’étendre au secteur électrique qui est un frein majeur au développement .

Le principal challenge du secteur des Télécoms : l’approvisionnement en électricité

Les très bonnes performances de l’industrie mobile en Afrique ne peuvent occulter les nombreux défis auxquels elle doit faire face - en termes d’infrastructure et opérationnels - pour faire fonctionner les réseaux mobiles de manière rentable . Au cours des dernières années, les autorités de réglementation ont imposé plusieurs cas de sanctions pour la mauvaise disponibilité des services et la détérioration du QoS (Quality of Service) . La majorité des événements d’indisponibilité du réseau sont essentiellement attribués à des défaillances dans l’alimentation électrique de l’équipement du site . En effet, l’utilisation des téléphones mobiles nécessite de l’énergie électrique d’une part pour charger les appareils, d’autre part pour alimenter les antennes relais, partie essentielle des réseaux de téléphonie mobile . Les antennes relais et l’infrastructure électrique constituent une grande part de l’investissement dans le déploiement des réseaux mobiles . Il a fallu faire face à certaines difficultés pour les mettre en place et les maintenir en Afrique .

Fourniture de services « Telcos »

VOICE DATA

Basic internet Prepaid cards Online media Bulk targeted SMSSMS

Mobile broadband Payment services Mobile Apps Joint ad platformMVNO

Very high speed Banking services

INTEGRATED SMART SOLUTIONS

Premium content Advertising agency

Data centers

Cloud infrastructure

MONEY

Service Diversification

MEDIA ADVERTISING

Customer interface (Retail network, client database, …)

Data Management & Analytics

Offe

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15

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La couverture lacunaire des réseaux d’électricité est un des principaux challenges dans l’exploitation des réseaux télécoms et ajoute un coût important aux opérations . L’Afrique a l’un des taux d’électrification les plus faibles dans le monde et les réseaux mobiles en Afrique ont aujourd’hui dépassé la portée des réseaux d’électricité . En outre, lorsque la connexion est possible, la fourniture d’électricité est très peu fiable avec des interruptions fréquentes et longues . En Afrique, le nombre de tours de télécommunication était estimé à 240 000 en 2014 et devrait croître de 85 000 d’ici 2020 . Parmi ces tours, seules 5% en 2014 étaient connectées à un réseau électrique fiable et 60% étaient alimentées en « offgrid », en très grande majorité par un groupe électrogène . Le reste est connecté à un réseau électrique non fiable, chaque tour disposant d’une alimentation secondaire . Ceci explique que 40% des OPEX liés au fonctionnement des réseaux Télécoms sont des coûts d’énergie .

Les opérateurs mobiles ont ainsi dû déployer une partie importante de leur infrastructure de tours dans des zones dépourvues de réseau électrique, qui sont parfois reculées et difficiles d’accès . Les faiblesses du réseau électrique sur le continent ont obligé les opérateurs mobiles à s’appuyer sur des sources d’alimentation alternatives telles que les générateurs diesel pour alimenter leurs réseaux, à la fois on et off-grid . Ainsi, la dépendance à l’égard des solutions à base de diesel a considérablement augmenté le coût des opérations pour leurs réseaux existants en raison du coût plus élevé du carburant, mais également de la maintenance régulière des équipements électriques et des générateurs diesel . En plus des défis liés à l’infrastructure, les MNOs sont également confrontés à de nombreuses difficultés, en particulier le vol de diesel, le vandalisme des équipements et la sécurité des sites .

Les faiblesses du réseau électrique et les complexités opérationnelles en Afrique ont eu un très fort impact sur l’OPEX des réseaux mobiles et donc sur le coût des services pour les utilisateurs finaux . Cela affecte significativement le retour sur investissement des opérateurs de la région et les empêche de déployer leurs réseaux dans les régions rurales et éloignées . Par conséquent, les défis infrastructurels pour les MNO en Afrique sont doubles : pouvoir alimenter leur réseau à moindre coût, et étendre efficacement la couverture du réseau à la population actuellement sans accès aux infrastructures de communications mobiles .

L’échec des distributeurs énergétiques à adresser ces populations reculées a constitué un frein majeur pour l’extension des réseaux télécoms au même titre que le manque d’infrastructures routières ou de bâtiments publics qui nuit à l’approvisionnement des tours . Cette situation a contraint les opérateurs télécoms à construire des centres autonomes, ce qui engendre des coûts de déploiement initiaux et des coûts d’exploitation et de maintenance supplémentaires . Il est aussi nécessaire de prévoir un niveau de sécurité physique plus élevé des équipements à cause de l’instabilité de certaines régions et du risque criminel .

Les solutions énergétiques alternatives et rentables, ainsi que la réduction des risques opérationnels auront un fort impact sur l’augmentation de la couverture des réseaux de télécommunication dans les pays d’Afrique . Ces challenges ont d’ailleurs des effets très visibles dans la structuration de la chaîne de valeur des télécommunications . En effet, les MNOs se désengagent progressivement de l’investissement et de la gestion de leurs tours, qu’ils transfèrent à des Towercos (Tower companies) . 2% des tours étaient opérées par des Towercos en

Évolution du nombre de tours télécoms en Afrique selon leur alimentation électrique

Off grid

Bad grid

On grid

Sources = IFC (2015), GSMA (2015)

16

2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

350 000

300 000

250 000

200 000

150 000

100 000

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2011, le taux est aujourd’hui de 18% et devrait atteindre 60% en 2020 . Des sociétés sont spécialisées dans la gestion de ces tours comme IHS, le leader des tours télécoms en Afrique, qui gère plus de 15500 infrastructures au Nigeria et plus de 23000 en Afrique . En août 2015, IHS Holding a racheté 555 tours à Etisalat Nigéria, un opérateur national . Autre acteur, America Towers Corporation a acheté pour plus de 1 milliard de dollars de tours soit plus de 4800 . L’impact majeur que nous pouvons anticiper, est la mutualisation des tours entre les différents MNOs (au lieu d’avoir une tour par MNO), le lancement d’activités complémentaires génératrices de revenus autour des tours (publicité, écosystèmes de services, …) et l’émergence d’acteurs majeurs africains (IHS, Helios Towers, Elios) ayant une vraie capacité d’investissement .

Cette faiblesse dans l’approvisionnement électrique est également un frein à la diversification des services des « Telcos », notamment au déploiement de services de téléchargement via des “data centers” ou de services cloud . La grande majorité des usagers, entreprises ou individuels, doivent actuellement se connecter aux centres de données en Europe et accepter ainsi la latence qui en découle . Ainsi, la vitesse de téléchargement et de chargement est 4 fois inférieure à la moyenne mondiale pour le fixe et 3 fois pour le mobile . Les « data centers » ont des besoins énergétiques très élevés, amplifiés dans les pays chauds . Les services cloud nécessitent une connectivité plus grande, ce qui signifie un approvisionnement en électricité fiable, une proximité avec le marché cible et une infrastructure haut débit (fibre optique par exemple) .

Les secteurs de l’électricité et des télécommunications suivent des tendances totalement opposées . Alors que l’accès à l’électricité est très faible et évolue très lentement, la pénétration des télécoms est très rapide et rattrape la moyenne mondiale . Les images que renvoient les deux secteurs sont également opposées : tandis que les télécoms sont le symbole du développement du continent et et de l’intégration des populations à faibles revenus (via les services « m-payment »), le secteur électrique est le principal frein au développement économique de l’Afrique et un vecteur fort d’inégalité (entre riches et pauvres et entre urbains et ruraux) .

Cependant, les deux secteurs connaissent des difficultés opérationnelles importantes . Les distributeurs électriques sont largement déficitaires, dû notamment à la fraude, à une faible capacité de facturation et de collecte des paiements clients, à un réseau ancien et défectueux générant des pertes importantes et des pannes fréquentes, ainsi qu’à des prix trop bas . Dans ce contexte, la maintenance des réseaux de distribution est difficile et leur extension très lente .

Les difficultés opérationnelles des opérateurs télécoms sont, elles, très liées aux carences de l’approvisionnement électrique . Les réseaux télécoms reposent sur les antennes relais qui doivent être alimentées en électricité en permanence . Dans le contexte africain où l’approvisionnement est discontinu voir nul, elles sont alimentées par des groupes électrogènes, ce qui génère des coûts de carburant élevés et des difficultés liées à leur maintenance . Cela ralentit également l’expansion des réseaux des zones rurales du fait des difficultés d’accès et à l’insécurité des sites ainsi que le déploiement de nouveaux services basés sur une infrastructure haut débit . . .

Ainsi, l’apparition de services de télécommunication (mobile et internet) n’est pas possible sans un approvisionnement fiable en énergie, et la mise en place d’un réseau électrique fiable n’est pas possible sans système de gestion interconnecté via GSM (« smart meter », SCADA…). Nous percevons un nouvel espace de collaboration entre ces deux secteurs qui pourrait permettre à la population africaine de bénéficier d’un approvisionnement en électricité fiable et d’une généralisation et diversification des services de télécommunication.

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Smart system : une urgence pour les « Utilities », une opportunité pour les « Telcos »

Comme nous l’avons vu précédemment, d’énormes investissements sont nécessaires pour la remise en état et la modernisation des réseaux en Afrique, et ce sur plusieurs décennies . La mise en place de nouvelles technologies de réseaux électriques intelligents et de compteurs communicants pourraient permettre à l’Afrique de rattraper beaucoup plus rapidement son retard en la matière .

Parmi les bénéfices attendus, les Smart grids auront pour effet de rendre le réseau bidirectionnel, d’améliorer la gestion, la maintenance et la qualité de service, mais permettront aussi aux opérateurs de faire des économies, notamment au niveau des pertes techniques (~40% sur les réseaux en Afrique Subsaharienne) et non techniques (~20-40%) . Par ailleurs, les Smart grids contribueront à l’intégration des énergies

renouvelables et à l’amélioration de l’efficacité énergétique en Afrique .

Le compteur électrique intelligent, brique essentielle des « smart grids », laisse entrevoir des perspectives de développement importantes pour le continent à travers une convergence entre « Telcos » et énergéticiens . Ce dispositif permet de fournir des informations sur les consommations énergétiques en « temps quasi réel » et d’informer, par extension, de l’état du réseau . La technologie de communication utilisée, dite AMR (« Automated Meter Reading »), permet de transmettre les informations par différents canaux tels que CPL, GSM, Internet etc . Le compteur intelligent est en outre “programmable à distance”, c’est-à-dire qu’il permet de piloter le réseau par ordre télécommandé . On parle alors d’une méthode de gestion avancée du système des compteurs dite AMM (« Advanced Meter Management »), permettant une communication bidirectionnelle . C’est à dire qu’un compteurs pourra émettre des informations (consommation, sécurité, besoin de maintenance, . . .) et recevoir des consignes (changements de tarifs, de contrat, activation ou désactivation . . .) . Dans le contexte africain, où la croissance

La convergence « Telcos – Utilities »,

une situation gagnant-gagnant à multiples facettes

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urbaine est très élevée (+4%/an) et s’organise de façon non structurée, ces solutions offrent le support pour gérer un réseau électrique à distance, même pour les zones difficiles d’accès .

Un écosystème très évolutif de fournisseurs se partage les innovations dans ce domaine avec la présence des « utilities », des télécoms, des GAFA, d’équipementiers, de « retailers », d’acteurs du monde de la sécurité . Cependant en Afrique, les « Telcos » sont en avance sur les autres acteurs notamment grâce à leur implantation de proximité, leur réputation et leurs compétences locales . Ainsi, Orange, MTN et Safaricom ont déjà lancé leur propre produit de « smart metering » (électricité et eau) et se placent ainsi en fournisseurs de solutions et de services pour les « Utilities » .

Les smart meters : un besoin urgent pour les « Utilities »

Les compteurs intelligents participeraient à l’amélioration du réseau électrique et à la qualité du service offert aux consommateurs, en utilisant l’infrastructure, les services ou les solutions des « Telcos » . En effet, ces compteurs communicants permettent en premier lieu d’améliorer les revenus des distributeurs électriques en luttant en particulier contre la fraude et le vol grâce à un système d’alerte automatique . Le taux de fraude et de vol est très important en Afrique, et les opérateurs optent très souvent pour des raccordements multiples pour diminuer l’investissement et le risque de vol ou de casse du compteur, privant ainsi les consommateurs de certains avantages

tarifaires . Par exemple au Nigeria, la moitié des consommateurs sont dépourvus de compteurs et peu de ménages peuvent bénéficier du tarif social exceptionnellement bas pour les pauvres .

Les compteurs intelligents sont également le moyen d’améliorer le taux de recouvrement via la mise à disposition de solutions de mesure à distance et de facturation automatique . En effet, le relevé des compteurs peut se faire soit directement à partir d’une « data room » ou en faisant une tournée (à pied ou en voiture) à proximité des compteurs intelligents . Un logiciel de facturation ad hoc permettra d’éditer automatiquement les factures à partir des relevés, de la segmentation client et de la segmentation tarifaire des opérateurs électriques, puis de les envoyer par un canal approprié (email, sms, WhatsApp, …) . Ce système de recouvrement et de facturation peut être complété par une offre de paiement élargie . Ainsi des offres prépayées, qui conviennent bien à une population à faible budget, ont déjà vu le jour dans la plupart des pays africains (au moins sur des projets pilotes) . En partenariat avec les opérateurs Télécoms, ces offres de paiement peuvent aussi être élargies au « m-payement » . Les compteurs fournis par les « Telcos » sont d’ailleurs tous dotés d’une carte SIM leur permettant d’inclure automatiquement ce moyen de paiement . La présence de cette carte leur permettra d’étendre leur offre « m-payment » à d’autres services et leurs services financiers à d’autres segments de la population .

Les compteurs intelligents permettent aussi d’améliorer le service client en réduisant le délai d’intervention souvent très long en cas de panne, via une intervention à distance, mais également en en offrant un mode de tarification innovant adapté aux habitudes de

Paysage compétitif mondial sur le smart metering

Source: BearingPoint

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consommation des populations locales et à leur pouvoir d’achat (ex . : tranches horaires, tarification à l’usage . . .) . Les compteurs intelligents sont aussi une source d’optimisation de l’énergie pour les distributeurs via l’information de l’usager sur sa consommation en temps réel qui leur permet de le sensibiliser à une utilisation responsable de l’énergie . Une meilleure communication entre les distributeurs d’électricité et leurs clients, autour des problèmes récurrents tels que l’élimination de la charge et le « peak demand control », tout en étant apparemment simples, auraient un impact important sur l’expérience et la confiance client . Les « Telcos » possèdent des outils de communication simples (ex : SMS) pour permettre aux distributeurs d’électricité d’alerter leurs clients sur les coupures de courant et leur rappeler d’éteindre les appareils qui ne sont pas indispensables pendant un pic de demande .

Ces compteurs permettraient donc aux opérateurs de réaliser d’importantes économies, tout en offrant un meilleur service aux consommateurs en limitant les délestages, et en améliorant la connaissance de leurs besoins énergétiques et la réponse qui doit être apportée .

En Afrique, certains pays ont déjà démarré des projets de déploiement de compteurs intelligents ou travaillent sur des programmes de R&D . Dans la ville de Johannesburg, un contrat d’une valeur de 150 millions de dollars a été signé entre City Power, Itron et EDISON Power Group, concernant l’installation de compteurs intelligents de dernière génération et du système de comptage associé . L’ambition du projet est d’installer un compteur intelligent/prépayé par foyer ou entreprise d’ici 2018 pour répondre au défi de gestion des factures et des fraudes . Au Cameroun, l’ARSEL (Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité) a lancé un projet d’installation de compteurs intelligents dotés en particulier de la fonctionnalité de “prépayé” .

Pour venir à bout des problèmes de factures non conformes à la consommation, fraude et corruption, 1000 compteurs seront posés à Yaoundé durant la phase d’expérimentation et le projet sera ensuite élargi à l’ensemble des abonnés ENEO . Kenya Power a également déjà installé plus de 2 millions de compteurs prépayés et prévoit d’atteindre 4 millions d’ici 2020 pour couvrir la totalité de ses clients . Enfin un des marchés les plus attendus, celui du Nigeria, devrait également croître de façon conséquente avec la privatisation récente du secteur de l’électricité et le concours de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement .

Fournir des services de connectivité est au coeur de ce que les les opérateurs Télecoms peuvent offrir pour contribuer au développement du secteur de l’électricité . Ils pourront capitaliser sur la fourniture de compteurs intélligents et prépayés pour élargir leur offre, en proposant une gamme complète de services destinés aux opérateurs électriques .Les quatre principaux services qui pourront être proposés sont :

• Connectivité - connexion de l’infrastructure et des combinés individuels aux serveurs et aux bases de données centralisés ;

• Agrégation / analyse de données - fourniture de données sur l’état du réseau, analyse de données provenant de sources multiples pour une aide décisionnelle ;

• Livraison de services - fourniture d’informations sur la consommation en temps réel des personnes et des machines pour permettre une adaptation continue et une réaction aux évènements, utilisation du “m-payment” pour assurer un prépaiement ou un postpaiement ;

• Interface client - fourniture d’opérations de support client, telles que les applications mobiles ou la transmission de messages aux abonnés .

Pénétration des « smart meters » sur le marché résidentiel en Afrique

Source : Africa Renewable Energy and Access Program

20

Prepaid meters

Smart meters (AMI)

Others

2016

42%

61%

55%30%

9%

2020

3%

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Le cas du Zimbabwe

L’adoption du système des compteurs prépayés en 2012, puis des « smart meters » en 2017, par la Société de transmission et de distribution d’électricité du Zimbabwe (ZETDC), fait du Zimbabwe un des pays les plus avancés en Afrique sur ce sujet (avec l’Afrique du Sud) . ZETDC a installé 590 000 compteurs prépayés (90% de ses clients) qui ont eu un impact très important .

Tout d’abord, l’installation de compteurs prépayés a amélioré son chiffre d’affaires de 35% . L’indice de recouvrement pour les compteurs postpayés était d’environ 60%, après la migration vers les compteurs prépayés la collecte a augmenté à 140% (en incluant le remboursement de la dette existante) . En effet, le système prépayé a permis à ZETDC de collecter non seulement les factures courantes, mais aussi les montants impayés d’électricité consommée pendant la période postpayée . La société a récolté 123 millions de dollars de dettes long terme provenant des clients transférés au comptage prépayé, sur un montant total de 247 millions de dollars . De plus, les compteurs prépayés ont également permis une optimisation de la consommation d’énergie, avec une baisse de la consommation individuelle de 22% .

En capitalisant sur cette première expérience, ZETDC a lancé en 2017 un projet de 200m$ pour l’installation de 40 000 « smart meters », avec des objectifs ambitieux :

• Réduire de façon durable le pic de demande énergétique de 20% (par rapport à 2014) ;

• Atteindre un taux de disponibilité réseau de 100% pour servir toutes les charges critiques ;

• Améliorer l’efficacité du système (pertes techniques et non techniques) et l’utilisation des actifs pour atteindre un facteur de charge de 70% (vs . 50% aujourd’hui) ;

• Intégrer 800 MW d’énergies renouvelables au réseau ;

• Améliorer le taux de satisfaction client pour atteindre un niveau supérieur à 80% .

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Les challenges : un écart de compétences pour les énergéticiens et d’infrastructure pour les « Telcos »

Le compteur intelligent apparait donc comme une opportunité pour les distributeurs d’électricité africains de retrouver une rentabilité acceptable et ainsi, d’étendre leurs réseaux . Mais cette opportunité implique de relever de nombreux challenges nécessaires à sa mise en œuvre . Même si certains pays émergents d’Afrique ont déjà donné le feu vert pour des projets de compteurs intelligents, plusieurs aspects représentent des freins importants à leur généralisation . Côté « Telcos », les premières études ont démontré qu’une station de base GSM peut théoriquement supporter l’échange de données pour plusieurs dizaines de milliers de compteurs intelligents . Cependant, la faiblesse de l’infrastructure du réseau télécom africain nécessite des investissements supplémentaires pour pouvoir mettre en œuvre ces projets de déploiement de compteurs intelligents sur de larges zones .

Côté Distributeurs électriques, les nouveaux usages clients, les technologies « smart » et les nouveaux « business models » associés, ainsi que et le paysage concurrentiel en total évolution, aura un impact très important sur leurs métiers et leurs organisations . Le manque de maturité et de compétences sur les sujets « IT », mais aussi le manque de flexibilité de l’organisation sont des freins forts au déploiement de « smart meters » . En effet, ils vont devoir mettre en place et gérer un réseau fiable, robuste et sécurisé de façon durable . Ils devront également créer des « business models » innovants basés sur du « Data Analytics & Management » . De plus, la capacité d’investissement limitée des distributeurs d’électricité ralentit fortement l’expansion des compteurs intelligents . Les problématiques de compétences et d’investissement des « Utilities » pourraient représenter une opportunité pour les « Telcos » de prendre une place plus importante dans la chaîne de valeur, en assurant eux même la commercialisation et la gestion des compteurs . Le risque pour les « Utilities » est évidemment de voir la chaîne de valeur disruptée et de perdre l’interface client .

Besoin d’évolution des métiers des « Utilities »

De nouveaux usages clients Développement des usages mobiles (voice, data), de l’IoT, du m-payment

MARKETING & DÉVELOPPEMENT

FRONT OFFICE

BACK OFFICE

Innovation : Compétences R&D, compétences entrepreneuriales (ex: partenariats, rachat de startups), capacité à digitaliser le parcours client (continuité de l’information, instantanéité de l’interaction client)

Flexibilité : Capacité à modéliser des prix et des offres complexes (bundle d’offres)

Réactivité : Capacité à analyser des quantités importantes de données afin d’anticiper le besoin client et d’être au plus proche de ses attentes

Proactivité : Compétences commerciales élargies

Maitrise de l’offre : Connaissance précise et actualisée des offres et services, maitrise des fonctionnalités et usages des installations techniques par tous les représentants en contact avec le client

Polyvalence : Aisance avec les outils digitaux, capacité à interagir et collecter des données via tous les outils

Technique / SI : Compétences SI pour la refonte de l’ERP et la mise à jour des modes opératoires et des process (voire de l’organisation)

Des ruptures technologiques Développement des services SMART, Big Data & Data Analytics Équipements connectés et complexité électronique

De nouveaux business models Développement de la tarification à l’usage, du prépayé, de la production décentralisée et des équipements d’efficacité énergétique

Une privatisation du secteur et une évolution de la concurrence Nouveaux entrants : Telcos, NTIC, OEMs, …

NOUVELLES TENDANCES IMPACTS SUR LES MÉTIERS DES UTILITIES

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Chaîne de valeur de la distribution électrique

Mais l’écosystème autour des « smart meters » ne s’arrête pas aux « Telcos » et énergéticiens, mais inclut également les régulateurs et les clients . Les premiers vont devoir adopter une attitude à la fois stricte, notamment sur les problématiques de transfert et de sécurisation des données, et flexible sur les services associés aux compteurs intelligents (prépaiement, « m-payment », tarification, data management . . .) . Les premiers pilotes ont notamment montré que les problématiques liées au transfert des données restent un sujet incontournable et parfois bloquant (projet de Blairgowrie, Afrique du Sud) . Côté client, la confiance dans l’équipement et la gestion de la solution sera prépondérante . Ainsi, une communication adaptée vers les usagers, ainsi que le choix de partenaires de confiance seront souvent un facteur clé de succès .

Dans ce contexte, en se basant sur leurs compétences et solutions IT, leur flexibilité et leur réputation, les « Telcos » peuvent être bien plus que des fournisseurs de solutions pour les énergéticiens, ils peuvent également être prestataires de services sur les aspects opérabilité du réseau, facturation et paiement, ainsi que « data analytics & management » .

« Energy service delivery » : un terrain de jeu multi acteurs en devenir

L’interface client, notamment via les compteurs intelligents, sera un enjeu vital pour les « Utilities » à moyen - long terme (5-10 ans selon les pays) . En effet, les nouveaux usages clients vont permettre une diversification ou une extension des services des « Utilities », en passant de la fourniture simple d’électricité, à la consommation de services énergétiques (« electricity as a service ») : audit/conseil énergétique, internet fixe, télésurveillance, e-commerce dédié aux équipements électriques… Des « bundles » de services, sur le même modèle qu’en Europe ou aux US, pourraient voir le jour . Une différence majeure serait que les écosystèmes de fournisseurs pourraient être moins fragmentés en Afrique, notamment dû à l’absence de grands acteurs technologiques et à la présence prépondérante des « Telcos » qui pourraient s’imposer comme acteurs principaux de la chaîne de valeur de l’électricité .

Nos convictions sur le déploiement de « Smart Metering » in Africa

1. Gagner la confiance des consommateurs : un effort de communication est nécessaire pour convaincre les clients sur trois aspects clés : comprendre leurs droits en tant que consommateur, les avantages de l’installation d’un compteur intelligent et leur participation aux programmes de gestion de la demande

2. Construire un marché des services énergétiques innovant : les synergies avec le secteur des TIC seront fondamentales pour la promotion d’un marché des services énergétiques innovants

3. Protection des données sensibles : une évaluation de la nécessité d’une législation spécifique sur la protection des données et la sécurité

4. Gestion des données : les services publics et le secteur des TIC devront travailler ensemble et explorer les possibilités de gestion des données

5. Fonctions des compteurs intelligents : l’interopérabilité technique et commerciale des compteurs intelligents permettra aux gouvernements d’identifier des moyens de réaliser des économies d’échelle et d’assurer leur conformité

6. Évaluation économique à long terme des coûts et des avantages : une revue des paramètres utilisés et des hypothèses faites dans les déploiements nationaux aidera à affiner les choix technologiques

Aujourd’hui Utilities Utilities Utilities Utilities -

Marchés avec un distributeur mature Utilities Utilities Utilities Utilities Utilities

Distributeur non mature dans un marché dérégulé Utilities Utilities Utilities / Telcos Telcos Telcos D

emai

n

Control Systems (SCADA / DMS)

Distribution & Substation automation

Demand response Metering Home Energy

management

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L’infrastructure Télécoms, un besoin de croissance pour les « Telcos », une opportunité pour les « Utilities »

Pour les « Telcos », les partenariats avec les énergéticiens vont leur permettre de poursuivre le développement de nouvelles offres, notamment les offres data (cloud, haut débit), money (« m-payment », services bancaires), media (« mobile apps », contenus . . .), à travers l’installation de « data centers » et de la fibre optique sur le continent .

La fibre optique : le haut débit, une nouvelle source de revenus pour les « Utilities »

De nombreux pays ne disposent toujours pas d’un réseau de télécommunications haut débit . Environ 50% de la population d’Afrique Subsaharienne vit à moins de 25 km du réseau de fibre optique, mais la part de cette population avec un accès direct est encore marginale . Or, l’installation de la fibre optique est assez complémentaire de l’installation du réseau électrique . Étant donné que la plupart des distributeurs électriques africains disposent d’un réseau peu étendu, l’extension de la fibre optique peut être mise en œuvre en parallèle du déploiement du réseau optique . Ainsi, les « Utilities » ont un rôle clé à jouer dans la commercialisation des infrastructures, qu’il s’agisse de conduits, de poteaux ou des fibres elles-mêmes . Cela a été le cas dans dans plusieurs pays comme en Tanzanie (TANESCO), Afrique du Sud (Eskom) . . .

C’est également le cas au Kenya, où Kenya Power a installé depuis 2010 plus de 1 800 kilomètres de fibres optiques le long de ses lignes électriques à haute tension, traversant 24 des 47 comtés du Kenya, et cherche à présent à l’étendre à toutes les régions . Initialement, l’entreprise avait pour but d’utiliser la fibre pour la gestion de son propre réseau . Toutefois, l’entreprise n’utilisant pas toutes ses capacités, elle a décidé d’en louer une partie aux entreprises de télécommunications mobiles et aux fournisseurs de services Internet . Elle a gagné 2,1m€ de chiffre d’affaires en 2015 via cette activité, un chiffre qui devrait atteindre 8m€ en 2017 . Ses clients actuels comprennent Safaricom, Liquid Telecom, Jamii Telecommunications, Wananchi Group et Airtel .

Kenya Power ne compte pas s’arrêter là . Elle va établir une nouvelle filiale pour gérer ses activités de télécommunications incluant l’installation et la gestion d’un réseau de fibre optique dans tout le pays . Ainsi Kenya Power veut participer à la connexion de tous les foyers en même temps qu’elle leur distribue l’électricité . Un partenariat avec Safaricom permettra d’apporter les infrastructures complémentaires qui permettront de déployer un service de fourniture d’accès à l’internet . À terme, ce sont

12 000 maisons qui seront connectées par fibre optique et donc des dizaines de milliers de personnes qui auront un accès au haut débit stable . On imagine très bien que si ce projet réussit, il pourrait devenir une « Best Practice » et s’étendre à tout le pays voire aux autres régions d’Afrique .

Cependant, il semble que les opérateurs locaux de réseaux télécoms tels que Vodacom, MTN, Orange et CellC sont prêts à installer de la fibre optique supplémentaire, mais pas encore les distributeurs d’électricité . Dans le cas de fibre déjà existante déployée le long des réseaux électriques, les distributeurs électriques ont la crainte d’une interaction entre leurs usages opérationnels et les usages commerciaux . Ce challenge peut se régler en séparant les fibres « opérationnelles » et « commerciales » dès l’installation . Le gain serait important pour les « Utilities » étant donné qu’elles n’utilisent environ que 15 à 30% de leur capacité actuelle .

Dans le cas de nouvelle fibre à déployer, les « Utilities » se trouvent face à un problème de capacité d’investissement et préfèrent prioriser l’extension ou la maintenance de leur réseau électrique .

Les « data centers » : un moyen de sécuriser la construction de capacité électrique

L’Afrique est encore une terre quasi vierge de « data centers » . En effet, seulement 1% des serveurs internet sécurisés dans le monde se trouvent en Afrique . La grande majorité des usagers, entreprises ou individuels, doivent actuellement se connecter aux centres de données en Europe et accepter ainsi la latence qui en découle . En effet, la vitesse de téléchargement et de chargement est 4 fois inférieure à la moyenne mondiale pour le fixe et 3 fois pour le mobile . Ce manque de « data centers » limite également la capacité des « Telcos » à étoffer leur offre de services . En effet, les services cloud, mais aussi les offres media (contenu, mobile apps…) et « mobile advertising » sont encore faiblement développés sur le continent africain à cause de la faible vitesse de débit .

Cependant, même si les projets de « data centers » en Afrique représentent encore une infime partie du marché mondial, ils se multiplient à un rythme bien supérieur à la croissance mondiale . En effet, la croissance du nombre de serveurs africains a été de 20% par an sur les 3 dernières années, contre 6% pour la croissance mondiale (Banque Mondiale) . Pour le moment, les « Telcos » sont toujours les « drivers » du marché, mais ils pourraient voir arriver d’autres acteurs, comme les hébergeurs de données locaux (Teraco, Kooba, icolo .io) ou les GAFA . L’Afrique du Sud est le choix numéro 1 des investisseurs, Microsoft a d’ailleurs

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décidé d’y lancer 2 projets géants en 2017 (Johannesburg et Cape Town) . Cependant, d’autres projets ambitieux voient le jour en Zambie (75m€), Nigeria (40m€), Kenya…

Le principal défi pour la construction de « data centers » est le besoin d’un approvisionnement en énergie fiable et continu . Les « Telcos » ont donc commencé à mutualiser leurs sites « offgrid », en construisant leurs « data centers » à proximité des antennes relais . Maintenant, les « Tower companies » qui ont racheté ces sites continuent à vouloir optimiser leur consommation d’énergie de la même façon . Prenant en compte que le principal risque de coupure d’électricité provenait des réseaux de transmission et de distribution, les « Telcos » et les hébergeurs de données ont également utilisé des sites à proximité de centrales électriques existantes pour limiter leur risque .

Malgré la créativité des hébergeurs de données africains, le défi de l’alimentation électrique a un certain nombre de conséquences immédiates et à plus long terme . Tout d’abord, il déforme l’économie africaine en limitant la taille du « data center » moyen : la taille d’un « data center » est fonction du potentiel de la demande, mais aussi de la capacité à maintenir un niveau d’alimentation adéquat . Étant donné que l’approvisionnement

électrique est complexe et coûteux, les opérateurs utilisent la plus petite quantité d’espace qui permet de répondre à la demande . Ainsi, la taille moyenne des « data centers » africains est bien plus faible que la moyenne mondiale : 123 m$ vs . 387 m$ en moyenne pour les projets majeurs (supérieurs à 25m$) . C’est aussi une raison pour laquelle 55% des installations africaines sont polyvalentes .

Cependant, cette opportunité n’a pas été encore prise en compte par les producteurs d’énergie (IPPs ou producteurs nationaux) qui pourraient profiter de cette demande stable et continue pour minimiser les risques de construction de nouvelles centrales . Par exemple, en 2017, Teraco a lancé la construction du plus grand data center d’Afrique, avec un besoin en capacité électrique de 50 MW . Cette capacité pourrait être utilisée pour construire un projet électrique bien plus vaste autour du site . Les opérateurs de « data centers » (« Telcos » inclus) pourraient ainsi être des catalyseurs pour l’investissement dans de nouvelles capacités électriques et réduire l’écart entre l’offre et la demande en électricité .

Portefeuille de projets de data centers supérieurs à 25m$ (2016)

North America

Asia Pacific

Europe

2016

Project value (b$)

Number of projects (#)

45 109

51

19

22

4

54

14

20201 7

South America

Middle East & Africa

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Pour adresser les zones rurales, les opérateurs télécoms doivent faire preuve d’inventivité et mettre au point des solutions intégrées qui sortent parfois de leur domaine de compétence .

L’échec des distributeurs énergétiques à adresser ces populations reculées a constitué un frein majeur pour l’extension des réseaux télécoms au même titre que le manque d’infrastructures routières ou de bâtiments publics qui nuit à l’approvisionnement des tours . Cette situation a contraint les opérateurs télécoms à construire des antennes relais autonomes, ce qui engendre des coûts de déploiement initiaux et des coûts d’exploitation et de maintenance supplémentaires . Il est aussi nécessaire de prévoir un niveau de sécurité physique plus élevé des équipements à cause de l’instabilité de certaines régions et du risque criminel .

En outre, les régions rurales présentent une densité de population faible, or il est estimé que, pour être rentable, un site a besoin d’environ 3 000 utilisateurs actifs chaque jour . Il a ainsi fallu sélectionner des zones de 25km2 (zone de couverture moyenne des antennes relais) dans des régions à densité de population convenable pour s’assurer de la rentabilité de l’infrastructure . Enfin, le modèle économique se devait aussi d’évoluer car les

régions rurales sont généralement habitées par des populations à plus faible revenu que dans les zones urbaines . Ces populations ont un budget nettement inférieur à celui des populations urbaines . Au Malawi par exemple, le PIB moyen par habitant est 37 fois inférieur en zone rurale qu’en zone urbaine .

Malgré le risque financier, le nombre de tours télécoms en Afrique ne cesse d’augmenter . Si le marché est encore immature, on dénombre plus de 280 000 antennes relais en Afrique dont 60% sont « offgrid » et le tiers en zones « bad grid » . Depuis quelques années, on constate un désengagement des opérateurs téléphoniques dans la gestion du réseau . Ces derniers cèdent leurs tours ou en délèguent la gestion pour réduire les dépenses en immobilisation et en maintenance .

Les opérateurs se sont aussi penchés sur l’alimentation électrique de ces tours . Généralement les antennes relais sont alimentées par des groupes électrogènes permettant de produire de l’électricité au moyen de moteurs thermiques . Ces moteurs thermiques nécessitent un approvisionnement régulier en fuel, or les infrastructures routières sont souvent vétustes ou dégradées en région rurales et en outre cela rend les opérateurs

Les zones « offgrid » ou « bad grid », un

espace de synergies entre énergéticiens et

Télécoms

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très dépendants des prix du pétrole . De nombreuses initiatives, tel que « Green Power for Mobile » de la GSM Association, visent ainsi à développer les réseaux mobiles dans les zones rurales en déployant des infrastructures alimentées – totalement ou en partie – par les énergies renouvelables (solaire principalement) . L’objectif est double : réduire la facture diesel des opérateurs et faciliter la recharge des téléphones mobiles et donc leur usage . Ce dernier point est certainement le premier pas vers la création de véritables écosystèmes électriques « offgrid » en zone rurale autour du développement des Télécoms . Pour l’instant ces solutions prennent principalement deux formes : le mini-grid ou le SHS (solar home system) . Ces systèmes ont besoin de connectivité pour offrir leurs services . L’accès à l’électricité des usagers de ces solutions accroît la demande de service de télécommunication (internet mobile et services associés) . Cette convergence d’intérêts encourage les entreprises de télécommunication et les entreprises SHS à collaborer ensemble .

Les écosystèmes électriques, un codéveloppement des Télécoms et de l’électricité en zone « offgrid »

Dans un tel contexte, des solutions « mini-grid » qui permettent une électrification en dehors du réseau national se sont multipliées . En effet, certaines tours dont la capacité d’alimentation électrique est plus forte que le besoin se sont dotées de services électriques annexes à destination des communautés rurales : réfrigération, bar, « laptops » connectés à internet, recharge de batteries pour téléphone, lampe… Ces services créent les conditions du développement économique des zones rurales africaines et ouvrent ce marché immense (environ 800 millions d’individus) aux opérateurs télécoms .

Les mini-grids permettent d’alimenter plusieurs foyers (d’un village à plusieurs milliers d’habitants) en capitalisant sur différentes sources d’énergie : centrale thermique, hydraulique ou encore des panneaux photovoltaïques couplés à une batterie . La puissance de ces mini-réseaux varie de 5 kW à 1 MW et recouvre des usages différents allant de l’électrification légère à l’électrification industrielle . Ces dispositifs requièrent une installation conséquente assimilable à plus petite échelle à des dispositifs proches de ceux du réseau national .

Pour les populations, l’accès à l’électricité constitue un facteur d’attractivité pour plusieurs raisons . En premier lieu, l’éclairage a un impact économique important en améliorant la sécurité et en prolongeant la vie communautaire au-delà du coucher du soleil . L’accès à l’électricité est aussi une avancée sanitaire car il permet la préservation des aliments par réfrigération et la fourniture d’équipements médicaux de meilleure qualité . L’électricité se substitue également à des combustibles chers et engendrant des substances nocives (fumées des feux de bois par

exemple) pour l’usage domestique . Enfin, l’électricité améliore les habitudes de vie des populations à faible revenu et dispense les ménages, notamment les femmes, d’aller ramasser du bois et puiser de l’eau . . L’attractivité des populations a pu être mesurée sur des projets pilotes de « mini-grid », mettant ainsi en valeur un phénomène de grande ampleur : le nombre de commerces a doublé dans l’année de la mise en service et la croissance urbaine autour de ces écosystèmes électriques a parfois atteint 100% en 2 ans (ex : projets Schneider Electric au Nigeria) .

Du point de vue des opérateurs, ces sites permettent d’augmenter sensiblement le ROI des antennes relais . En premier lieu, les opérateurs peuvent diversifier leurs revenus en facturant leurs surplus de capacité électrique dans le cadre de services (recharge de batterie, accès à internet, réfrigération, bars…) ou à l’unité de consommation (au KWh) . Ils vont également réduire leurs coûts de maintenance en améliorant les infrastructures d’accès des zones (induit par la croissance de la population), la sécurité des installations via une plus forte implication des communautés et l’attractivité de profils techniques pour maintenir les équipements télécoms . De plus, l’accès à l’électricité, et aux services qui en découlent, renforce les effets positifs cités précédemment en densifiant considérablement la population et les commerces autour des antennes relais .

Orange, présent dans 16 pays africains, a par exemple déployé 1 300 antennes relais solaires dans les zones rurales et offre la possibilité aux populations de bénéficier de l’électricité en surplus pour recharger leurs téléphones, mais également de procurer une alimentation électrique pour des services de base (éclairage d’une école ou d’une maternité, réfrigération des médicaments…) .

L’intégration des communautés dans la conception et la gestion des projets mini-grid sera un facteur clé de succès pour les rendre « sustainable » . En effet, outre le fait de cibler avec plus de précisions les attentes et besoins des populations, elle va permettre de les impliquer dans la durabilité des installations et ainsi d’augmenter la sécurité et la maintenance des installations . Même si le « business model » peut varier sensiblement en fonction de la structure de coûts propre à chaque antenne relais, l’implication des communautés va passer par un engagement financier, pour le paiement des services (OPEX), mais aussi pour l’infrastructure (CAPEX) . En effet, les premiers projets pilotes ont démontré que la gratuité des équipements engendrait un taux de non utilisation d’environ 50%, caractérisé par la perte, la dégradation du matériel . Ainsi les « Telcos » vont devoir construire une compétence financière, notamment sur le « credit rating » de leur client, ou avoir recours à des partenariats avec des instituts financiers, comme des banques de microfinance . Étant donné que les prêts communautaires sont une des activités les plus importantes des banques de microcrédit en Afrique, des partenariats tripartites Telcos – Energéticiens – Banque de Microfinance feraient sens autour des projets d’écosystèmes électriques .

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Dans le futur, ces écosystèmes pourraient aussi accélérer la diffusion des solutions « m-payment » des opérateurs (paiement, épargne, prêt, micro assurance, santé…) . Le « m-payment » permettant une sécurité et une facilité des échanges financiers pour les opérateurs, ces derniers pourraient collecter des données et ainsi, mieux piloter la performance économique des zones de couverture de leurs antennes relais . Ces zones peuvent également devenir un relais de croissance pour les solutions de « smart metering », qui permettraient de gérer à distance ces écosystèmes qui seront implantés dans des régions reculées .

De plus, ces écosystèmes pourraient ne pas se limiter qu’aux communautés à proximité des antennes relais . En effet, ils faciliteraient la mise en place de systèmes de chargement et d’éclairage à destination de communautés plus éloignées . Nous verrons plus en détail dans le prochain chapitre les différents services et modèles potentiels .

Risques Solutions Installation requise

Manque d’infrastructures Infrastructures Autonomes Tour télécom avec groupe électrogène au diesel

Coût du carburant + problèmes d’approvisionnement

Énergie Solaire Tour télécom avec panneau solaire

Coût de maintenance et exploitation Déléguer la gestion Tours télécom gérées par une entreprise spécialisée

Manque de sécurité du site Impliquer les communautés Tour télécom avec implication de la communauté dans la gestion

Population cible à faible revenu et faible densité des régions

Densifier les zones autour des tours Écosystème électrique autour de la tour (fourniture de services électriques)

RoI des tours Identifier des sources de revenus complémentaires

Environnement autogéré par la communauté grâce à des solutions smart (m-payment etc .)

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Le schéma d’écosystèmes ruraux a été utilisé par les USA il y a 90 ans, alors que seulement 10% de la population rurale avait accès à l’électricité, via le « US Rural Electrification Act, 1936 » . Cette loi a conduit à la création de coopératives rurales pour développer le réseau de distribution . Aujourd’hui, 960 coopératives rurales existent encore . En Afrique, ces écosystèmes permettront aux distributeurs électriques de capitaliser sur une demande existante autour des antennes relais et d’étendre leur réseau à partir de ces points . Ils seront donc la base d’un mouvement d’électrification totale du continent .

Alliance Telecom-Énergéticiens sur l’inclusion énergétique à travers les Solar Home System (SHS)

Il semble peu probable que ces écosystèmes électriques centrés autour de tours télécoms puissent être une solution suffisante pour électrifier toute la population rurale africaine . Ils impliquent une certaine mobilité des ménages vers ce type d’installation et une puissance électrique importante des groupes électrogènes ou des solutions d’énergie renouvelable, qui, pour l’heure, reste limitée . De plus, ces services électriques viennent en support de l’activité première de ces antennes relais . Ils sont des compléments de revenus pour les opérateurs . La porte est ainsi ouverte aux énergéticiens pour offrir de nouvelles solutions, notamment via des kits individuels ou Solar Home System (SHS) .

Alors que les solutions mini-grid reposent sur la mutualisation de l’usage de l’énergie, les SHS renvoient aux solutions individuelles de production d’électricité (pour 1 foyer) . Cette catégorie intègre notamment les Pico-Lighting System (PLS) utilisés pour l’éclairage basique et les nano-grids (des installations pouvant électrifier quelques foyers) . Ces kits électriques sont des installations légères qui incluent généralement un panneau solaire, une batterie d’alimentation et une lampe et proposent différentes puissances électriques en fonction des usages (éclairage, TV, appareils connectés…) .

Pour les zones en attente d’un réseau, les solutions SHS représentent une solution temporaire . Pour les zones trop éloignées d’un réseau, elles représentent une solution durable . Enfin, pour les zones déjà raccordées au réseau, elles représentent un moyen fiable de pallier les défaillances du réseau et de sécuriser les besoins en électricité de base . Les opérateurs capitalisent également sur ces solutions qui augmentent la densité des zones et leur potentiel économique, s’inscrivant ainsi dans une logique de création de conditions d’un marché rentable .

L’enjeu majeur est l’accès à cette technologie . Un kit coûte environ 200 €, tandis qu’un habitant d’Afrique Subsaharienne gagne environ 1600 € par an . Il est ainsi nécessaire d’offrir des facilités de paiement à travers le microcrédit ou un échelonnement du règlement sur plusieurs années . Les distributeurs commencent également à réfléchir à faire évoluer leurs « business models » de la vente d’équipement vers la consommation à l’unité (kWh) via des comptes prépayés (« pay as you go »), en passant par

Évolution du revenu estimé des ventes de SHS (en milliards de dollars) Nombre d’unités de solutions SHS vendues en Afrique subsaharienne analysé par sous-région (données entre juillet et décembre 2015)

2015 2017 2020

0,7

1,5

3,1

Source: Bloomberg New Energy Finance Report and Lighting Global, Off- Grid Solar Market Trends Report, 2016 Source: al Solar Off-Grid Semi-Annual Market Report July – December 2015

Afrique subsaharienne

Afrique de l’Est

Afrique de l’Ouest

Sud de l’Afrique

Autres pays

2 220 991

1 620 817

220 685

125 903

253 586

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Agile Fractal Grid : le modèle US pour le développement d’Ecosystème rural

Dans certaines régions des États-Unis, la couverture haut débit n’est pas encore omniprésente . Ces “lacunes” de couverture sont généralement observées en zone rurale où la densité de population ne permet pas la duplication des business models classiques des opérateurs Télécoms . La nécessité d’une approche différente de ce problème est évidente .

Pour répondre aux besoins d’accès à internet des 42 millions de personnes vivant dans les zones rurales des États-Unis, Henning Schulzrinne, ancien directeur technique de la FCC (Federal Communications Commission), a déclaré : « nous ne pourrons jamais réaliser nos ambitions relatives à l’accès haut débit rural, jusqu’à ce qu’on comprenne comment partager l’infrastructure électrique déjà en place » . C’est de cette constatation qu’est né le concept de « Agile Fractal Grid » . L’internet haut débit n’est pas possible sans une alimentation électrique fiable . Et une alimentation électrique fiable n’est pas possible sans les services haut débit industriels de haute qualité . Nous assistons à un nouvel impératif commercial qui implique bien plus que des câbles parallèles allant dans toutes les directions .

Construire une infrastructure partagée supportant à la fois les flux électriques et internet haut débit en zone rurale nécessitera un lourd investissement . Il s’avère que le niveau de financement disponible pour les projets d’infrastructure aux US est élevé . Le sujet dans ce cas-ci est de trouver le bon business model pour rentabiliser l’investissement . La solution vient d’une combinaison de trois mouvements qu’accompagne BearingPoint :

1. Établir une coentreprise avec les coopératives électriques existantes pour créer les conditions d’une infrastructure partagée dans les régions rurales US, piloter par l’ « Agile Fractal Grid Corporation » .

2. Former un écosystème de services numériques basé sur une plate-forme dynamique, conçue pour fournir, orchestrer et monétiser une pléthore de services numériques XaaS (« X » as a service) . Dynamique dans le sens où le marché rassemble les quatre rôles de producteur, fournisseur, propriétaire et client dans un écosystème où les rôles sont interchangeables et où les besoins métier peuvent être rapidement traités par les entrepreneurs plutôt que par les informaticiens .

3. Créer une constellation d’incubateurs dans toutes les régions, un par coopérative au minimum, pour permettre à ceux qui vivent dans ces zones de créer leurs propres services en lien avec la plate-forme .

L’approche initiale de l’Agile Fractal Grid comporte trois domaines cibles :

• Systèmes de contrôle et gestion d’un marché de la distribution électrique

• Services de communication pour les opérateurs Télécoms

• Services communautaires : sécurité, hôpitaux, écoles et incubateurs

L’Agile Fractal Grid pourrait donc être un modèle pour le futur des écosystèmes électriques en zone rurale africaine afin de proposer des services liés à l’électricité et aux Télécoms et des services publics de base .

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le « leasing » ou la consommation au forfait… Comme pour les écosystèmes ruraux, ces nouveaux « business models » vont obliger les « Telcos » ou les énergéticiens à renforcer leurs compétences financières en interne ou via des partenariats .

Ainsi, le champ est ouvert pour ubériser la consommation électrique en Afrique, au moins dans l’espace rural ou périurbain (« off » et « bad grid ») . Et ce mouvement a déjà un impact important dans certains pays . En Afrique du Sud, la ville de Cape Town s’attend à vendre moins d’électricité en 2017 que sur les 10 dernières années, même si son économie et sa population ont connu une croissance importante . À Johannesburg, environ la moitié des compteurs prépayés de la ville affichent que les ménages auxquels ils appartiennent n’ont pas consommé d’électricité, chose que la ville a eu du mal à concevoir . L’ensemble des municipalités assistent en effet à une prolifération des panneaux solaires du fait en particulier des tarifs considérés élevés de l’électricité . A défaut de trouver un accord de partenariat (comme le rachat de l’électricité produite), des tandems Énergéticiens - Telcos et les distributeurs d’électricité historiques pourraient donc se retrouver en situation de concurrence, au moins sur le segment « bad grid » .

Le principal levier des opérateurs de téléphonie mobile reste leur base client, leur proximité client, ainsi que leurs compétences et solutions de gestion de données . Ainsi, Mobisol, un fournisseur de solutions solaires du Rwanda, estime que 20 % de ses clients commerciaux sont des utilisateurs nouvellement inscrits du service d’argent mobile de MTN Rwanda . En général, les « Telcos » jouent sur leur implantation déjà existante en proposant de s’occuper des aspects marketing commerciaux des projets auprès des clients et utilisateurs finaux et sont associés à des énergéticiens, qui s’occupent de la fourniture, de l’installation et de la maintenance de l’équipement électrique . Dans le cas de Mobisol, il s’agit d’une solution PAYG (« pay as you go ») . Le modèle est simple : un client paie pour un service avant de pouvoir l’utiliser et il est impossible de l’utiliser avant d’avoir payé . C’est par exemple le principe des cartes prépayées dans la téléphonie mobile où on achète des heures de communication et de data internet . Il ne reste qu’à envoyer un sms et le compte est rechargé . Ici, le principe est similaire, on paie par sms une certaine quantité d’énergie, une fois la limite de consommation atteinte, le matériel de production électrique cesse de fonctionner jusqu’au prochain rechargement du compte client .

Deux exemples de solutions Pay As You Go

Sources: GSM Association

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Depuis 2015, Orange et Engie développent une offre en « leasing » et se donnent pour ambition d’électrifier l’Afrique rurale . Cet engagement a été réaffirmé lors de la COP22 en 2016 à Marrakech au Maroc par les dirigeants des deux sociétés . Leur projet se base aussi sur le modèle prépayé . Grâce à des organisations locales et reconnues dans le secteur de l’énergie solaire, BBOXX et Fenix International, Engie fournit des kits solaires aux particuliers . Ces kits solaires doivent remplacer les équipements domestiques fonctionnant grâce à du combustible (lampes, piles . . .) qui génèrent des rejets toxiques et qui nécessitent un approvisionnement régulier . En effet, ces kits sont dotés de lampes LED mais permettent aussi de fournir de l’électricité à de petits équipements comme une radio ou une télévision . De son côté, Orange gèrera la partie commerciale et le paiement via « Orange Money » . Ce service, déjà très répandu en Afrique, permet de payer un loyer pour l’utilisation de l’équipement, les ménages n’ayant pas besoin d’en faire eux-mêmes l’acquisition . Il s’agit là d’une forme d’emprunt qui va leur permettre de régler les factures de consommation et d’étaler sur la durée le remboursement de l’équipement via une location avec option d’achat .

Dans certains pays, notamment au Mali, il existe déjà des installations solaires domestiques . Yeelen Kura y a vendu plus de 3500 installations allant de 80W à 340W . Dans ce modèle, les clients paient en espèce auprès d’agents dédiés . Il n’en demeure pas moins que la société teste actuellement des solutions de paiement mobile avec un essai pilote . Enfin, l’entreprise tente aussi de déterminer les zones où ces kits solaires peuvent être vendus sachant qu’elles doivent disposer d’une couverture du réseau de télécommunication suffisante .

Dans le futur, la généralisation de SHS pourrait également permettre de collecter différents types de données et d’envisager de nouvelles applications :

• Des données démographiques relatives à l’usager (genre, type d’habitation, composition du ménage, salaire, patrimoine, niveau d’endettement), qui pourraient permettre l’adaptation de l’offre et la vérification des informations relatives aux clients, comme l’analyse du risque crédit .

• Des données de paiement (nombre et fréquence de paiement, montant moyen des paiements, fréquence et période de prépaiement, retard et défaut de paiement), qui pourraient permettre la sécurisation des transactions, le ciblage pour des opérations marketing ou l’analyse de l’historique de paiement des emprunteurs .

• Des données de performance (utilisation et temps de chargement, état de la batterie, détection d’appareils, segmentation de l’utilisation, détection d’anomalies, géolocalisation), qui pourraient permettre la réduction des coûts et l’amélioration du service .

Les nouveaux business du secteur électrique, un terreau pour les solu-tions de financement innovantes

En plus des investissements lourds requis, l’approvisionnement en énergie comporte également de forts enjeux en termes de développement économique et social . Autant de facteurs qui expliquent pourquoi le secteur relève généralement de la compétence de l’État .

Depuis une dizaine d’années, on assiste cependant à une dérégulation et une organisation du cadre réglementaire qui contribue à stimuler l’offre et dynamiser le marché, notamment avec l’arrivée de startups sur le créneau des énergies renouvelables . Le développement d’outils de financement innovants doit accompagner ce mouvement .

Or, aujourd’hui, les dispositifs de financements existants sont assez classiques . On distingue notamment les prêts concessionnels, (financements mobilisés par les pouvoirs publics auprès des bailleurs de fonds et des agences de crédit export) et les autres outils, tels que les prêts traditionnels et les subventions proposés par les acteurs du secteur privé . Fort de l’émergence de nombreux acteurs privés comme les startups et les initiatives communautaires ou associatives, les outils traditionnels de financement des projets ne sont plus les seuls instruments à envisager . En effet, ils ne sont pas forcément adaptés aux spécificités des projets et des structures qui les portent en termes de taille, de business model ou encore de pouvoir d’achat des bénéficiaires cibles . Ces facteurs ajoutent un niveau de complexité supplémentaire dans le paradigme de rentabilité des investissements sur des projets énergétiques .

Aujourd’hui de nouveaux modèles de financement émergent .

Les initiatives communautaires de projets SHS peuvent désormais mobiliser des financements participatifs : prêts (crowdlending) ou dons (crowdfundind) . Les acteurs du Private Equity (participation au capital pour des levées de fonds plus importantes) manifestent également un intérêt pour le financement de projets privés .

Le développement de cabinets spécialistes des levées de fonds dans le secteur des énergies renouvelables tels que Finergreen participent à cette véritable « mercantilisation » du financement des projets énergétiques (du conseil en fusion-acquisition à l’ingénierie financière) .

Les bailleurs de fonds innovent également en capitalisant sur les institutions bancaires locales . A l’instar de l’Agence Française de Développement, qui en 2014, a lancé « Sunref », une ligne de crédit verte de 30 millions d’euros au profit des banques pour

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appuyer les investissements d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables en Afrique de l’Ouest .

L’investissement dans les énergies n’est plus l’apanage d’acteurs extra-africains . Partout sur le continent des porteurs de projets et des producteurs d’énergies continentaux émergent . Ce mouvement bénéficie de la vision « d’États stratèges » du Sud

tels que le Maroc qui participent au développement de projets en Afrique . Ainsi, des alternatives financières africaines, pensées par et pour les Africains, dopent désormais la concurrence en matière d’investissement . Les aides publiques au développement, première source de financement, laissent une place grandissante aux IDE et à la mobilisation de la diaspora .

SUNREF : Illustration d’un outil d’un mécanisme de financement innovant

Le programme Sunref (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance) de l’AFD vise à faciliter la transition énergétique des entreprises en accompagnant leur recours aux énergies renouvelables .

« Il s’agit surtout d’aider le secteur privé en Afrique de l’Ouest à accroitre sa production tout en impulsant la culture de l’utilisation rationnelle de l’énergie dans les entreprises et en réduisant les factures énergétiques », explique Roger N’guessan, coordonnateur régional du programme .

Le principe est simple : Sunref s’adresse aux banques commerciales qui bénéficient de lignes de crédit et peuvent ensuite octroyer des financements (elles jouent le rôle d’intermédiaire) dans les différents pays . Les petites et moyennes entreprises porteuses de projets vivables d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables sont aussi éligibles aux financements Sunref . Biomasses, petites installations hydroélectriques, photovoltaïques, ou solaires, mais aussi des fermes éoliennes d’autoconsommation inférieure à 10 MW de puissance font partie des projets financés .

Sunref apporte aux banques traditionnelles l’assistance technique et la connaissance financière permettant d’évaluer des projets liés aux énergies renouvelables .

Sunref s’adresse aussi aux particuliers qui peuvent soumettre des projets d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables : mise en place d’un chauffe-eau solaire ou installation d’un bio-digesteur pour l’approvisionnement en gaz butane par exemple . Le financement maximum atteint 67 500 euros . Les durées de remboursement vont de 4 à 12 ans pour les projets d’énergies renouvelables et de 3 à 12 ans pour les projets d’efficacité énergétique .

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L’électricité et les télécoms, deux secteurs aux dynamiques divergentes, sont donc entrés dans une phase de convergence qui pourrait être la base d’un fort développement du continent .

Dans les zones déjà connectées au réseau, principalement urbaines, les télécoms sont en passe de devenir les principaux vecteurs de développement des distributeurs d’électricité . Le développement de compteurs prépayés et intelligents, associé aux offres de téléphonie mobile (prépaiement, m-paiement, « mobile banking »), vont pouvoir améliorer significativement la maîtrise des réseaux et les performances opérationnelles des opérateurs électriques . Les principaux axes d’amélioration seront le renforcement de l’interface client, notamment en termes de paiement, la gestion des réseaux à distances, la gestion des données réseaux et clients, ainsi que l’amélioration du service client . Sur les premiers projets de compteurs prépayés, les fournisseurs d’électricité ont assisté à une augmentation significative de leur chiffre d’affaires (35%), de leur recouvrement (de 60 à 100%) et une optimisation de la consommation d’énergie qui permet une meilleure qualité de service dans un contexte de sous capacité de production électrique .

De plus, l’implication des opérateurs télécoms va permettre une diversification des services des « Utilities » en passant de la fourniture simple d’électricité à la consommation de services énergétiques (« electricity as a service ») sur le même modèle qu’en Europe ou aux US . Cependant, la faiblesse de l’écosystème africain dans le domaine constitue une véritable opportunité pour les Telcos .

Les distributeurs électriques pourraient également être des « drivers » du développement des infrastructures télécoms . En effet, l’extension de la fibre optique en parallèle des réseaux électriques ou le développement du service de data centers très énergivores, sont de vraies opportunités de revenus pour les producteurs et distributeurs d’électriques et pourraient les aider à amortir leurs propres investissements .

Ces transformations vont nécessiter des changements profonds notamment chez les opérateurs électriques qui sont encore à 90% publics sur le continent . Les compétences marketing (business models, partenariats, parcours clients…), commerciale (qualité de service, réactivité, pilotage contractuel) et SI (digitalisation, analyse et monétisation des données) constitueront les principaux axes de développement .

Dans les zones faiblement ou non connectées aux réseaux, principalement rurales, la convergence des secteurs Télécom et Électrique prend principalement deux formes : le mini-grid et les solar home system (SHS) . Le concept de

mini-grid associé au domaine des télécommunication va permettre de diminuer fortement le coût de déploiement des réseaux télécoms via l’utilisation d’énergie verte (diminution des coûts liés au diesel) et la densification de la population (renforcement de l’accessibilité, de la sécurité), ainsi que de créer des revenus complémentaires à travers la fourniture de services électriques (batterie, pompe à eau, TV, accès internet, réfrigération…) et le développement des services mobiles (m-paiement, mobile banking…) . Les premiers projets pilotes ont montré des résultats impressionnants, avec un doublement du nombre de commerces lors de la première année et de la croissance urbaine dans les deux premières années de mise en service . Ces mini-grids pourraient ainsi constituer une base de raccordement au réseau dans le futur . L’implication des populations locales et et la pérennité des business models (notamment via des financements innovants) seront des facteurs clés de succès pour ces projets .

Le concept de SHS ou kit solaire résidentiel est une solution temporaire pour les zones en phase de raccordement, durable pour les zones peu denses et les zones « bad grids » . Le secteur est en fort développement (+35%/an), notamment en Afrique de l’Est . La proximité client ainsi que les compétences et solutions de gestion de données des Telcos constituent des atouts importants pour la commercialisation des SHS . En partenariat avec les énergéticiens, et parfois avec des organismes de microfinance, ils ont mis en place de multiples business models, de la vente d’équipement à la consommation à l’unité (kWh) via des comptes prépayés (« pay as you go »), en passant par le « leasing » ou la consommation au forfait . Comme pour les écosystèmes ruraux, ces nouveaux « business models » vont obliger les Telcos et les énergéticiens à renforcer leurs compétences financières en interne ou via des partenariats sur le « credit rating » . L’innovation du secteur est d’ailleurs au cœur du développement de startups et de nouveaux mécanismes de financement .

Dans le futur, la généralisation de SHS pourrait également permettre de collecter différents types de données (démographie, finance, usages) sur des populations encore faiblement connectées et d’envisager de nouvelles applications (développement de l’offre, ciblage marketing, réduction des coûts opérationnels…) .

L’espace de collaboration entre ces deux secteurs comprend ainsi de nombreuses opportunités qui pourraient conduire à une distribution généralisée et fiable de l’électricité ainsi qu’à une expansion et à une diversification des services de télécommunication .

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Orange Energy : illustration parfaite du partenariat « win-win » entre « Telcos » et Energéticiens

Le positionnement d’Orange en Afrique illustre parfaitement la convergence qu’il peut y avoir entre le monde des « Telcos » et des Energéticiens . Les synergies entre Orange et le monde de l’énergie peuvent se matérialiser sur plusieurs aspects : Orange consommateurs d’électricité, Orange fournisseur de solutions et de services à destination des énergéticiens, Orange producteur d’électricité en B2C .

La consommation d’électricité pour alimenter le réseau d’antennes est le premier lien entre Telcos et Energéticiens . Aujourd’hui, Orange a l’ambition d’opérer sa transition énergétique en diversifiant son mix énergétique vers plus d’énergie solaire . Cette ambition se matérialise tout d’abord par la solarisation des antennes télécoms en zone « offgrid » ou « bad grid », via des solutions hybrides basées sur du diesel et des panneaux solaires . Orange réfléchit a exploiter cette production d’électricité en zone « off grid », en développant des écosystèmes électriques autour de ses antennes, mais pour l’instant, l’opérateur télécom est toujours en réflexion sur le business model à adopter . Hormis les zones off et « bad grid », Orange a également comme ambition de couvrir la totalité de ses besoins énergétiques par la construction de fermes solaires connectées au réseau . Un premier projet en Jordanie, avec 5 fermes solaires de 34 MW, doit être la première étape vers une couverture totale des besoins de sa filiale locale à l’horizon 2020 .

Mais pour Orange, l’aspect le plus porteur de convergence est l’amélioration des performances opérationnelles des distributeurs électriques via la fourniture de solutions, et notamment, de compteurs communicants . Constatant les problématiques de rentabilité des distributeurs électriques en Afrique, en particuliers dues aux fraudes et aux faibles taux de recouvrement, Orange ambitionne de développer des solutions intégrées de comptage intelligent en mode SaaS, avec carte SIM, comprenant une gamme variable de services IoT (dont la solution de paiement Orange Money) . A terme, ces solutions de comptage intelligent pourraient être plus proches d’un smartphone que d’un compteur d’électricité basique . Cependant, la maturité des écosystèmes électrique en Afrique est en encore assez faible sur le sujet . En effet, malgré le lancement un peu partout sur le continent de projets pilotes sur les compteurs prépayés, les énergéticiens doivent encore opérer un changement profond de mentalité, de « business model », de process et de compétences IT pour mettre en place des solutions intelligentes qui soient robustes, fiables, sécurisées et durables . Afin de combler ces manques, les « Telcos » pourraient donc aussi devenir prestataires de service pour les énergéticiens pour opérationnaliser leurs solutions . Outre les énergéticiens eux-mêmes, les usagers et les Gouvernements devront s’habituer à ces nouveaux modes de fonctionnement pour en maximiser l’utilisation, notamment sur la question de la flexibilité tarifaire .

Le troisième aspect de la convergence se matérialise sur la production d’électricité « offgrid », via des « microgrid » ou des kits solaires individuels . Le kit solaire ou « solar home system » est l’offre la plus mature, mais le « business model » est encore à stabiliser autour de la commercialisation (« leasing », vente…), de la profondeur de services (TV, contenu…) et de partenariats, notamment financiers . Sur sa zone d’opération, Orange envisage un marché potentiel d’environ 3 Mds € (en se basant sur un ARTU de 5 à 15 €/mois) . L’offre « microgrid » est, elle, encore dans une phase de test à travers 3 pilotes en partenariat avec Engie en Côte d’Ivoire, Cameroun et Sénégal . Les offres « microgrid » sont en train de se structurer au niveau du continent, mais évoluent encore fortement au niveau des usages et du paysage fournisseurs . A terme, elles devraient se baser sur des solutions de paiement mobile et des compteurs intelligents afin de pouvoir contrôler les réseaux à distance . Cependant, ce marché a besoin d’être porté par des marques fortes pour instaurer de la confiance vis-à-vis des équipements, et des acteurs de proximité pour un accompagnement dans la durée . Ainsi les « Telcos » représentent des partenaires idéals pour accompagner les opérateurs électriques sur la gestion de ces réseaux .

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