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LE VERRE, matières et techniques Célestine Ousset [email protected] Novembre 2016

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LE VERRE, matières et techniques

Célestine Ousset

[email protected] Novembre 2016

I. Qu’est ce que le verre ? 1)  Le verre à l’état naturel 2)  Le verre artificiel

a)  Structure : l’état vitreux et le squelette siliceux b)  Le verre et la lumière c)  Composition chimique et proportions du mélange vitreux

II. Techniques de fabrication

1)  La fabrication du verre a)  Ateliers primaires et secondaires b)  La fabrication du verre à chaud c)  Le travail du verre à chaud 2)  Une grande variété de verres

a)  Un verre particulier : le cristal b)  Les opalines c)  Le verre à l’or d)  Le verre plat, verre à vitre e)  L’émail f)  La peinture sous verre

III. Quelques notions de conservation-restauration 1)  Altérations 2)  Restauration

I. Qu’est ce que le verre ?

1)  Le verre à l’état naturel

Il existe plusieurs types de « verres naturels », riches en silice :

•  Les obsidiennes, d’origine volcanique (vert foncé, gris, rouge ou noire).

Lot de nucléus d'obsidienne et de lames Europe, Néolithique. Musée d'Archéologie nationale. Saint-Germain en Laye

Photo (C) RMN-Grand Palais () / Tony Querrec

•  Le « cristal de roche » : variété monocristalline de Quartz la plus connue et la plus répandue. C est un minéral, dont l apparence est proche du verre.

Chimiquement très pur = grande transparence et incolore. Les gisements les plus connus sont au Brésil. Contrairement au verre le cristal de roche est un mauvais conducteur thermique, il ne se raye pas avec du quartz, il contient des impuretés et n’a pas la même densité.

Il est sculpté, gravé et taillé sous toutes ses formes : objets d’art, instruments divinatoires (boule de cristal), parures (bijouterie-joaillerie).

Restauration d’une intaille en cristal de roche représentant la chute de Phaéton, conservée au musée nat ional de la Renaissance à Ecouen (95), Rome, attribué à Giovanni Bernardi de Castelbolognese, vers 1533, Inv. E.CL.625, Fonds du Sommerard,

2)  Le verre artificiel La 1ère recette d’un mélange vitrifiable date du VIe s. av. J.-C. et est gravée sur une tablette en argile du roi assyrien Assurbanipal.

Silice, l élément formateur du réseau siliceux, structure de base : tétraèdres de SiO4

a)  L’état vitreux, le « squelette » siliceux

Ø  Transparent, homogène, isotrope (invariance des propriétés du milieu en fonction de la direction de propagation de la lumière).

Ø  Solide amorphe (non cristallin) = ordre

moléculaire pseudo-ordonné à grande distance.

Ø  un liquide solidifié, un liquide en surfusion, : Passe de l’état liquide désordonné à l’état solide sans cristalliser, grâce à un refroidissement rapide.

Une exfoliation importante de verre découvert en milieu marin, la « lèpre » du verre

§  Une structure en feuillets, exemple d’un verre altéré devenu opaque

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d) Le verre et la lumière

Un photon (la lumière) arrivant sur le verre peut être …

•  Absorbé (couleurs soustraites à la vue) = verre incolore

•  Réfléchi de manière diffuse (couleurs renvoyées, mate), ou de manière spéculaire (effet de brillance, éclat, et/ou effet miroir)

•  Transmis et dispersé : effet prisme ou arc-en-ciel = pampilles taillées des lustres

1899 Ignacio Zuloaga La Naine Mercedes musée d'Orsay

•  Transmis et réfracté : verre transparent = effet loupe sur forme concave

• Diffracté : interférence d'ondes = les verres irisés

Irisation volontaire La verrerie LOETZ (1836-1947), Autriche

Irisation d’un verre romain due à l’altération lamellaire du verre

•  Transmis et diffusé : effet opalescent, translucide

Attribuée à Bernard Perrot (1640 – 1709) - Aiguière en verre opaline agatisé - Ecouen, Musée National de la Renaissance

b) Composition chimique du verre

Le verre artificiel est obtenu par refroidissement d’un

mélange fondu de :

•  Vitrifiant (squelette) : silice SiO2 (Tf=1700°C) . Environ 74%.

•  Fondant (éléments alcalins) : abaisse la température de fusion de la silice (1710 ° C) et la viscosité du mélange (T<1000°C) : sodium, potassium, natron, cendres de végétaux. Environ 14 %.

•  Stabilisant (éléments alcalino-terreux) : limite l’altération par l’eau de la surface du verre: calcium, magnésium (sous forme d’oxydes). Environ 12 %.

La proportions des différents éléments dans le mélange vitreux joue un rôle déterminent sur sa durabilité.

Colorants Etat oxydé Etat semi-oxydé Réduit (état métal)

Oxyde de cobalt Bleu intense (CoO)

Oxyde de Cuivre Bleu turquoise (Cu2+) ion cuivrique

Rouge (Cu+) ion cuivreux

Aventurine (cuivre en paillettes)

Oxyde de Manganèse

Violet, mauve (Mn3+)

Incolore (Mn2+) = « savon du verrier »

Oxyde de cadmium Jaune (CdO) Rouge (CdSe)

Les colorants

Colorants Etat oxydé Etat semi-oxydé Réduit (état métal)

Oxyde de Fer Jaune (Fe3+)

Vert (Fe2+) Ambre (sulfure de Fer)

Oxyde de Nickel Brun, (NiO), Gris

Oxyde de Vanadium Jaune (V205)

Oxyde d’Argent Jaune (ionique) Ou polychrome (plasmon)

Oxyde d’Or Incolore Au2+ Incolore Au+ Rose ou rouge transparent (plasmon)

Colorants Etat oxydé Etat semi-oxydé Réduit (état métal)

Oxyde de Chrome Vert (Cr2O3)

Oxyde d’Uranium Jaune fluo (UO2)

Composition Chimique Rôle structurel

Substances vitrifiantes: 70% Silice (SiO2) sous forme de sable, quartz Oxyde de bore ( B2O3) et de phosphore (P2O5)

-aptitude à la vitrification -point de fusion élevé: 1710°C, donc matériau difficile à travailler

Eléments formateurs du squelette siliceux

Oxydes alcalins (R2O): 20 à 25% Li2O, Na20, K20, sous forme de carbonates, nitrates

-Fondants : abaissent le point de fusion de la silice (1050°C) -augmentent le pallier de travail du verre vers 700°C -diminuent la résistance chimique (instabilité solubilité et porosité augmentées)

Eléments modificateurs du squelette siliceux

Oxydes alcalino-terreux( RO): 5 à 10 % MgO, CaO, SrO, BaO Sous forme de carbonates (calcaire, dolomie)

-Stabilisants : corrigent les excès de l’alcalinité -augmentent la résistance chimique (solubilité diminuée) -augmentent la résistance mécanique et la dureté du verre -effet brillant

Oxyde d’aluminium (Al2O3) Oxyde de plomb (PbO)

-jouent un rôle formateur ou modificateur du squelette siliceux, selon excès ou défaut

Eléments amphotères ou intermédiaires

Oxydes et sels métalliques - Colorants (Co, Cu, Fe..) , décolorants (MnO2, savon du verrier), opacifiants (antimoine).

Eléments accessoires

a)   Un verre particulier : le cristal Inventé au 18e siècle en Angleterre, c’est un verre qui contient une proportion importante de plomb (jusqu’à 40%). Ce fondant abaisse la température de travail et allonge la période de malléabilité. Il se taille et se polit aisément à froid. Son indice de réfraction élevé lui donne un éclat particulier. Selon les normes européennes actuelles, l’appellation « cristal » est réservée aux verres : Contenant au moins 24% de plomb et un indice de réfraction au moins égal à 1,545 Depuis 1969, l'appellation « cristal » est protégée en Europe et dans de nombreux pays par des normes très strictes. Dénomination Oxydes métalliques Densité Indice de réfraction Cristal supérieur 30 % PbO ⩾ 30 % ⩾ 3,00 ⩾ 1,545 Cristal au plomb 24 % PbO ⩾ 24 % ⩾ 2,90 ⩾ 1,545 Cristallin ZnO, PbO, BaO, K2O ⩾ 10 % ⩾ 2,45 ⩾ 1,520 Verre sonore PbO, BaO, K2O ⩾ 10 % ⩾ 2,40 -- Il existe trois grands types de décors : la taille, le matage et la gravure.

2)   Une grande variété de verres

c)  Les verres à l’or Le verre à l’or ou Cranberry glass chez les anglos-saxons, Pourpre de Cassius en France, ou Rubino oro pour le verre de Murano. •  Coloration due à des agrégats d’atomes d’or nanoscopique (5 à 60 nm)

obtenue entre 600 à 700°C. Cette mise en vibration est l’effet Plasmon.

•  Si les cristaux d’or sont trop gros (recuisson à la flamme trop longue, ou dosage d’or initial trop fort), la couleur rouge-rose disparaît.

•  Concentration d’or dans le verre est comprise entre 0,005% et 0,07% (en masse).

Le diatret de Lycurgue, IVe siècle après J-C, British Museum, est le plus ancien et célèbre exemple de verre à l’or ou « rubis ». Mélange de verre, de nanoparticules métalliques d'or et d'argent (50 à 70 nm), avec des traces de cuivre.

b)  L’opaline, cristal d’opale •  CRISTAL D'OPALE ou OPALE ou OPALINE (début du siècle) : Se dit d’un verre ou d’un

cristal teinté rendu soit opaque d’une apparence laiteuse par l’adjonction d’oxyde d’étain, soit légèrement opalescent par la présence de cendres d’os ou de corne (phosphate de chaux).  

•  Les premières opalines de couleur, obtenues par l’adjonction d’oxyde d’étain et d’os calcinés au XVIe siècle à Venise.

•  Au XVIII ème siècle, en France des opalines sont produites à partir de 1782, palette des couleurs est limitée : le blanc  de lait était  la couleur la plus recherchée. Ces objets luxueux reçoivent souvent une monture de bronze doré.

•  Avec l’industrialisation, plus du cristal mais du verre blanc ,opaque, mat, nommé « pâte de riz » (mélange constitué de silice, potasse et chaux) . Fabrication en grande série. A partir de 1845 : « opaline de bazar » et « opaline de foire ».

Coupe en opaline. Epoque Napoléon III Opaline de foire de PORTIEUX OU VALLERYSTHAL

Salle des moules en fonte à Vallérysthal .

Les principaux sites de production en France : - Portieux dans le département des Vosges, - Vallérysthal, Meisenthal, Saint-Louis, tous trois dans celui de la Moselle, - Baccarat, Vannes-le-Châtel en Meurthe-et-Moselle, - Fains dans la Meuse, Bayel dans l’Aube, - Sars-Poteries dans le Nord, Vierzon dans le Cher, - Bercy à Paris, mais il en existait bien d’autres, généralement situés à proximité de forêts ( le bois fournissait l’énergie des fours ) et de terrains sablonneux D’autres pays produisaient aussi des opales comme : - la Belgique (Verrerie du Val-Saint-Lambert…), - l’Angleterre (Manufacture Sowerby, verrerie Davidson...), - l’Allemagne ( Verrerie de Fenne, Streit...), - les Etats-Unis (Westmoreland en Pennsylvanie, Fenton en Virginie et beaucoup d’autres.. .)

En Grande Bretagne et aux Etats Unis l’opale ou opaline de foire est désigné par le terme « Milk Glass ». La couleur blanche varie selon les verreries : • blanc savonneux des productions françaises ; • blanc laiteux des produits américains et anglo-saxons).

Crémier et coupe faisant partie d’un service de table ancien. Origine U.S.A. Manufacture inconnue.

II.  Techniques de fabrication

•  Le four au cœur de la verrerie

Le four doit permettre d’obtenir un maximum de chaleur en consommant le moins d’énergie. Le mélange à base de sable se transforme alors en verre visqueux et homogène prêt à être façonné. Le mélange est d’abord porté à 1300° C pour obtenir la fusion des différents éléments. Puis la température augmente encore en faisant sortir par ébullition les bulles de gaz. Le verre est ramené à la température de 1100° C pour avoir une consistance idéale pour le façonnage. C’est autour du four, cœur de la verrerie, que s’organise le travail dans la halle.

La fabrication d’un objet en verre se décompose en 2 grandes étapes :

Ø  La fabrication à chaud de la fusion de la matière 1ère au façonnage.

Ø  Le travail à froid qui permet la finition et la réalisation de nombreux

décors à l’émail, à la gravure, …

Grande salle de fabrication des verreries Thouvenin à Vierzon en 1891. Source : Archives départementales du Cher.

1.   Le travail du verre à chaud Le travail du verre à chaud = palier situé entre 800° et 1150°

= viscosité idéale pour sa transformation.

Suivant les besoins, le verre va être transformé « à chaud » : soufflé à la canne, moulé-pressé, moulé, coulé, thermoformé, chauffé au chalumeau, etc... Le verre transformé est ensuite recuit. Recuisson : refroidissement lent et progressif, par paliers, selon une courbe déterminée à l'avance, destinée à annuler les tensions à l'intérieur du verre. Il estensuite taillé, gravé, sablé, collé, etc... suivant les techniques « à froid ».

Les verriers appellent «composition » le mélange introduit dans le four et « braise » ou « métal » le mélange en fusion.

§  Paliers de températures de travail du verre

•  Entre 1500 et 1200°C : Etat de surfusion liquide. Technique du coulage.

•  Entre 1200 et 900°C: Etat visqueux, début du travail du verre. Technique du cueillage.

•  Entre 900 et 650°C: Etat pâteux. Technique du soufflage dans un moule.

•  Entre 700 et 500°C: verre pouvant fluer sous l’effet de contraintes. Technique du recuit ou de la trempe.

•  Après 500°C: verre solide, état vitreux.

§  Repères chronologiques Ø  3000 avant J.-C. Perles de verre, colliers (Syrie, Égypte).

Ø  1700 avant J.-C. Texte relatif à la fabrication d'un verre (Mésopotamie).

Ø  1500 avant J.-C. Objet en verre creux par moulage autour d'un noyau de

Ø  sable.

Ø  Ier siècle avant J.-C. Invention du soufflage en bouche à la canne et fabrication

de vases utilitaires.

Ø  Ier siècle après J.-C. Premières feuilles de verre utilisées en vitrage (Pompéi).

Ø  XIe siècle verre plat par technique du manchon

Ø  Xe – XIIe siècle premiers vitraux non colorés puis colorés

Ø  1271 ordonnance protection verre Venise

Ø  1291 ordonnance Murano

Ø  XVe – XVIe siècle cristal de Venise (K) puis cristal Anglais (Pb)

Ø  XVIe siècle France : Henri IV et les concessions aux verriers

Ø  XVIIe siècle Découverte du cristal au plomb en Angleterre.

Ø  1665 Colbert : Saint Gobain

Ø  1688 laminage sur table (Fr)

Ø  Début du XXe siècle Fabrication du verre à vitre par étirage vertical. Fabrication

automatique de bouteilles.

Ø  1960 Découverte du procédé float-glass (Angleterre).

Le matériau vitreux existe depuis le Ve millénaire sous forme de glaçure en Mésopotamie. Les premiers objets entièrement en verre datent du IIIe millénaire et ont été réalisés selon la technique du moulage. On trouve surtout des perles opaques et colorées.

2.   Les premiers objets en verre : Ve - IIIe millénaire av. J.-C

Collier en verre Le décor des perles est obtenu par moulage. Des rosaces et motifs végétaux encadrent une figure féminine vêtue qui porte les mains à ses seins. Helladique récent III. H. 2,8 cm, L. 27 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. BJ652 © Photo RMN - Hervé Lewandowski

Le verre moulé sur noyau

•  Du IIIe millénaire av JC. en Mésopotamie (Syrie) au Ier siècle av JC. Seule technique pour fabriquer des objets en verre : Un noyau d’argile modelé suivant la forme intérieure de l’objet est fixé à l’extremité d’une tige métallique puis recouvert de pâte de verre étirée à chaud. Le noyau est ensuite dissout.

Ø  Objets de petites dimensions Ø  Pâte de verre opaque Ø  Au IIe millénaire, la technique se

développe en Egypte et en Gréce Ø  Couleur bleu dominante, imitation

lapis lazuli.

Oenochoé en verre avec décor de zigzags Technique du noyau. Italie, fin du VIe siècle- Ve siècle av. J.-C. H. 11,7 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. Cp8704 © Photo RMN - Hervé Lewandowski

Les verriers égyptiens inventent au Ve siècle av. J.-C. le verre mosaïque. Au IIIe siècle av. J.-C., l'Egypte joue un rôle important dans l'invention de la vaisselle en verre mosaïque. Les formes les plus courantes sont des vases ouverts, des assiettes à bords évasés, des bols coniques ou hémisphériques. Dès la fin de l'époque hellénistique, la production de verre mosaïque s'accroît. L'Italie est aussi producteur.

L'invention du verre mosaïque : Ve - IIIe siècle av. J.-C.

Coupe à décor mosaïqué Décor mosaïqué de spirales vertes et bleues et de carrés irréguliers blancs et jaunes. Italie, site de production incertain, 1ère moitié du Ier siècle av. J.-C. - début Ier siècle ap. J.-C. D. 11,7 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. S2472 © Photo RMN - Hervé Lewandowski

Alexandrie, centre de nouvelles inventions dans l'art du verre : Ve - IIIe siècle av. J.-C. Avec le nouveau centre culturel du Proche-Orient, Alexandrie, le savoir verrier se déplace. On y perfectionne le décor à l'émail, on y expérimente une dernière innovation technique : le verre sandwich or qui consiste à placer entre deux couches de verre une feuille d'or gravée. Alexandrie a également joué un rôle dans le développement de la technique des verres polychromes. C'est vraisemblablement aussi à Alexandrie qu'apparaît le verre reticelli : l'objet est constitué de fils de deux couleurs disposés dans un moule et qui s'enroulent en escargot à partir du fond de l'objet. La technique est représentée par des bols hémisphériques de grande taille. Vase en verre Technique reticelli. Un filet bleu a été utilisé pour la lèvre. Cyzique, Ier siècle ap. J.-C. H. 4,2 cm, D. 9,7 cm. Paris, musée du Louvre. Inv. MND763 © Photo RMN - Hervé Lewandowski

§  Verre soufflé à la volée, à la bouche et le travail au pontil :

-  Milieu du Ier s. av. J.-C. au Moyen Orient, attribuée

aux phéniciens -  Pièces de forme en creux -  Canne à souffler – Bloc de verre (paraison) soufflé -  Objet replacé dans un four à recuisson -  Eventuellement placé sur une tige de fer (pontil)

pour la décoration -  Outil en bois et en métal

3.  Le verre soufflé

Cueiller : action de prélever une masse de verre dans le four à l’aide d’une canne ou d’un pontil. Pontil : tube métallique plein, le pontil permet une mise en forme au « marbre » ou à l’aide de divers outils. Il sert aussi à la séparation de l’objet de la canne afin de percer et travailler le col, à rapporter des éléments de décor, des anses, un pied.

§  Verre soufflé dans un moule :

-  2ème 1/3 du Ier s. ap. J.-C.

-  Moule en terre cuite, pierre ou en plâtre

-  Paraison soufflé dans le moule

-  Pièces décorées, bouteilles carrées…

d)  Le verre plat ou verre à vitre Coulé sur table (c'est-à-dire versé et étendu sur une table de bois ou un lit de sable) à l'époque romaine. Le verre plat ou verre à vitre fut obtenu dès le XIIe siècle selon les deux techniques de soufflage suivantes : •  La technique du verre soufflé en manchon

(ou tableau, Vème-Xème siècle ap-JC) Le verrier souffle une bulle cylindrique dont il coupera les deux extrémités avant de la fendre sur toute sa longueur. Le cylindre ouvert est ensuite placé dans un four de recuisson pour être complètement déroulé et former une feuille à peu près rectangulaire.

•  La technique du verre soufflé en plateau (ou cive) Le verrier souffle une bulle qu'il ouvrira à une extrémité pour obtenir, par un mouvement très rapide de rotation, un disque plat.

e)   L’émail

Email : Terme qui s’applique à différentes techniques pour fondre un verre entre 600 et 900 °C sur un support métallique. Il désigne aussi la matière vitreuse colorée (oxydes métalliques) ou non qui recouvre les artefacts en céramique. A cette matrice de verre, s’ajoutent des colorants et des opacifiants : - l’oxyde de cuivre donne du bleu, vert turquoise, du noir ou du rouge en réduction, - l’oxyde de cobalt du bleu, - l’oxyde de fer de l’ocre, du rouge, du brun ou du noir. - l’antimoine dans un milieu plombifère donne un jaune opaque. - L’oxyde d’étain en milieu plombifère donne également un blanc opaque. La température de fusion du verre est compatible avec le coefficient de dilatation du métal (or, argent ou cuivre).

a)  verre à la flamme (lampe, chalumeau), verre filé ou émaillé.

On utilise des baguettes de verre que l’on vient chauffer à la flamme d’un chalumeau. Le verre se ramollit à la chaleur, entre en fusion. Le verre ainsi malléable est étiré en fil (d’où le nom de verre filé) pour être déposé sur un mandrin (pour des perles à trous), sur du verre, du métal,…

Le travail à la lampe est généralement réalisé à partir de matière brute, qui se présente sous forme de tubes, de baguettes ou de pains (verre opaque contenant de l'oxyde d'étain ou de l'acide arsénieux) qui cuisent à une température maximum de 600°C. Seul un verre à basse température de fusion est compatible avec l'armature métallique des figurines.

Il y a trois types de travail à la lampe : - l'étirage qui produit des fils et filets servant au décor des pièces, - la fabrication de perles et les bijoux - la production des bibelots et figurine relève de la technique du modelage. L'étirage : à partir de tubes creux soufflés, assez minces pour devenir malléables par simple approche d'une lampe à huile en métal, posée sur une table dont la flamme est entretenue par un petit soufflet à double vent, activée par l’émailleur grâce à une pédale manœuvrée au pied.

•  Fondu puis trempé pour le faire éclater, l’émail est broyé dans un mortier puis appliqué sous forme de poudre humidifiée.

•  L’émail une fois sec est cuit en plusieurs chauffes. Le cuivre fond à 1083° C. La première couche de verre est cuite à une température inférieure, puis les autres couches à des températures décroissantes.

•  L’objet émaillé est chauffé uniformément :

-  sans dépasser le rouge sombre pour les émaux transparents -  jusqu’au rouge cerise pour les émaux opaques.

•  Le blanc peut être appliqué dès le début et subir plusieurs cuissons, alors que le rouge doit être appliqué en dernier car il a tendance à s’oxyder.

•  Les rehauts d’or interviennent en dernière cuisson entre 600 et 700°C. Les cuissons peuvent aller jusqu’à dix, voire plus pour un même objet.

•  Une fois cuit, l’émail peut être égalisé par lapidage (grès, tessons de terre cuite) pour enlever les excès débordant des cloisons ou des alvéoles. L’émail peut être poli ou maté.

•  Matage : technique moderne, effectué au jet de sable, à l’acide, ou avec un liquide nommé mate-émail. Les surfaces d’émail maté sont fragiles.

Les principales techniques d’émaillage pouvant se combiner les unes aux autres sont : le cloisonnage, le champlevage, le bas-relief et la peinture. •  Le cloisonnage procède par adjonction de métal à la masse métallique donnée

•  Le champlevage procède par ablation

•  Le bas-relief par modification du relief à la surface de contact

•  La peinture, au contraire, par aplanissement de cette surface

Les objets décorés de surfaces émaillées au Moyen Age sont presque tous conçus pour un usage religieux : châsses, des croix, des crosses, des chefs reliquaires, des pyxides (et les autres pièces de forme) et des plaques de reliure.

Les émaux cloisonnés (émaux sertis)

•  Technique la plus ancienne, antérieure au Moyen Age, utilisée dans l’empire byzantin et, en Occident, durant le premier Moyen Age.

•  Les 1ers exemples au IIe siècle av. J.-C. en Géorgie. •  Byzance dès le VIe siècle puis en Europe. Elle décline à partir du XIe s.   Cette technique consiste à fixer par soudure de fines cloisons d’or, d’argent ou de

cuivre sur le support de métal, créant ainsi un réseau d’alvéoles qui maintiennent l’émail de façon précise à la place souhaitée. L’émaillage et la finition sont de même nature que pour la technique du champlevé.

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Email cloisonné byzantin du Retable de l’Autel de Saint Ambrose à Milan (850 après J-C, par l’orfèvre Volvinio).

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Dague émaillé du XVème siècle avant J-C, technique Cloisonné, Musée d’Athènes.

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Chimère chinoise en émail cloisonné du XVIIIe siècle, volée le1er mars 2015 au château de Fontainebleau.

1. De fines bandelettes de cuivre d'une épaisseur et d'une largeur différentes selon l'objet sont taillées, découpées puis collées.

2. Une pâte d'émail est sertie dans les alvéoles crées à l'aide d'un outil pareil à une plume.

3. Plusieurs cuissons sont nécessaires pour obtenir un résultat uniforme, tous les colorants n'ayant pas le même point de fusion .

4. L'ultime étape sera le polissage avec une pierre meulière et du charbon de bois .Le polissage amènera l'arasement de l'émail et des cloisons.

L’émail champlevé (de : « lever le champ ») Des cavités sont creusées dans l’épaisseur du métal selon le dessin prévu, à l’aide de burins et d’échoppes. L’émail en poudre humide y est déposé puis subit les cuissons lui permettant de se fixer au métal.

La couleur est ainsi cernée par le métal que l’outil a épargnées, d’où le nom de « taille d’épargne » qui s’applique également à cette technique.

Des ponçages successifs de plus en plus fins éliminent alors l’émail excédentaire et redonnent à la pièce le poli nécessaire.

Une dorure donne à la pièce son aspect définitif et la rend inaltérable. Le champlevé est la technique des émaux limousins du Moyen Age.

Châsse représentant le martyre de Thomas Becket, XIIe siècle, musée national du Moyen Âge.

Boucle de bronze champlevé romain, 3ème s. ap. J-C., (Vaison la Romaine), Musée des Antiquités Nationales (Saint Germain-en-Laye).

Creusement des cavités au burin et à l'échoppe

Pose des couleurs dans les cavités (émail en poudre lavé, utilisé humide)

Cuisson Polissage

f)  La peinture sous verre Les peintures sous verres : souvent appelées « fixés sous verre » ou « verres églomisés » (du nom de leur inventeur Glomy). Peinture à froid directement appliquée sur une plaque de verre (aquarelle, gouache et plus rarement peinture à l’huile).

Sainte-Anne, XVIIIe s. Musée national de la Renaissance, Ecouen.

Face Revers

Face, pertes d’écailles de peinture

Face, cassure, plomb. Revers, soulèvement de peinture.

Facteurs internes liés au verre :

Ø  Sa composition •  Qualité et nature des composants •  Rapport: - SiO2 / oxydes alcalins - SiO2 / oxydes alcalino-terreux - oxydes alcalins / oxydes alcalino-terreux Ø  Sa fabrication •  Passé thermique (recuit, montage, polissage à la flamme) •  Travail à froid (gravure..)

Facteurs externes liés à l’environnement :

•  Eau, Humidité relative •  Gaz polluants dans l’atmosphère •  Microorganismes •  Température •  pH de l’eau •  Irradiation (IR, UV) •  Particules abrasives (poussière) •  Vibrations •  Traitement (nettoyage abusif…)

1)  Les altérations du verre

§  Etape finale de l’altération d’un verre « crizzlé », musée d’Epernay

Le crizzling concerne surtout les verres de la Renaissance dont la composition est instable

§  Les fêlures technologiques

Masse de verre importante et inclusions = formation de tensions internes non maîtrisées lors du recuit

§  Fêlures technologiques

Tensions créées au niveau des raccords à chaud des éléments rapportés (anses, becs…)

§  Nettoyage des lustres et luminaires (salon Barruol, Musée des Arts décoratifs – Paris)

2)   La restauration du verre, quelques exemples

§  Les différentes étapes d’un collage par infiltration

§  Les étapes du comblement de lacune sur un ensemble de verres gallo-romains provenant du site d’Alésia à Alise Sainte Reine

§  Comblement des lacunes (rôle structurel et/ou esthétique) : restitution de la partie absente en résine époxyde après moulage du motif original au silicone. Comblement fixe ou amovible.

•  Exemple de micro-fouille d’un verre mérovingien

Prélèvement en motte d’un sceau mérovingien (Isques) pour une microfouille en atelier.

•  Quand les maçons médiévaux avaient coutume de « mucher » le verre

© Cl. F. Dugué. Musées départementaux de la Seine Maritime

Le verre dit « des Augustins », Musée départemental des Antiquités de Rouen. retrouvé en 1949l ors de la démolition de l’église du couvent des Augustins de Rouen, édifice du XIVème s. endommagé durant la guerre. Ce verre apparut intact sur la crête d’un pan de mur : la logette qui l’abritait à l’intérieur du mur l’avait protégé de la destruction.

Les recherches de Philippe Lardin (Université de Rouen) éclairent l’histoire de ce verre. Les textes parlent de verre enfouy et deffouy, parfois de verre muché (caché), toujours aux mêmes dates. De Pâques à la Saint-Michel, les maçons avaient droit à une pause dans l’après-midi, mais la veille de la Saint-Michel, le jour baissant, cette pause était supprimée ; les ouvriers quittaient alors le chantier pour cacher le verre dans une paroi de l’édifice en construction, puis se réunissaient pour un souper en commun. A Pâques, ils ressortaient le verre et reprenaient la pause de l’après-midi. Le verre des Augustins n’est donc pas un calice à usage liturgique, mais bien un verre de la vie quotidienne, typique des verres à tige du XIVème siècle, comme on en retrouve des vestiges dans les fouilles

§  Manipulation des verres

�  Un objet, deux mains propres ou gantées (latex, nitrlie). Attention aux gants de coton qui glissent sur le verre.

�  Identifier les collages, les zones de faiblesse avant de saisir

�  Eviter les anses

�  En cas de soclage, préhension par le socle �  En cas de conditionnement dans des boîtes, fenêtres, systèmes de

préhension indirecte �  Panier capitonné, compartimenté �  En cas de bris, photographier et ramasser soigneusement tous les

fragments, même les plus petits

§  Exposition des verres

�  Lumière :

-  Verres sains non recollés : 300 lux

-  Verres altérés et/ou restaurés : 150 lux

-  Verres solarisés : pas plus de 75 microwatt/lumen

�  Attention aux vibrations et des surfaces glissantes.

�  Mettre les objets à bonne distance les uns des autres, éloigner les gros des petits.

�  S’assurer de la stabilité des objets exposés.

BibliographieverreCONSERVATION – RESTAURATION •  Archaelogical Evidence for Glassworking, Guidelines for Best Practice , 2011 – English Heritage :

http://www.english-heritage.org.uk/publications/glassworkingguidelines/ •  Tournié A. (2011), Analyse Raman sur site de verres et vitraux anciens : modélisation,

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Marie-Dominique Nenna Collectif Maison Orient Mediterraneen •  BRILL, R. « Crizzling - A Problem in Glass Conservation », Conservation in Archaeology and the

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