le traitement de l'information en période électorale

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Mesdames Messieurs, Le grand mérite de la rencontre d’aujourd’hui sous l’égide d’ERIS est de constituer un moment fort dans le dialogue que suscite l’utilisation que les uns et les autres font de l’information, bien souvent au mépris du public, qui en est le premier destinataire. Cela pose naturellement le problème de la liberté de faire l’information et celle de recevoir l’information. Il est des vérités qu’on ne peut plus occulter : on ne peut plus gouverner sans les médias. Et les médias, parce qu’ils nous informent contribuent à la formation de l’opinion publique. Ils font partie intégrante de la définition moderne de la démocratie. Le simple fait que nous recevions l’essentiel de notre information politique des médias et que ceux-ci relatent les évènements en les interprétants, nous rend dépendants d’eux, sans que nous en ayons conscience. C’est dans les colonnes des journaux, sur les antennes des radios et surtout sur les plateaux de télévision que se déroule désormais la vie politique, plutôt que dans les assemblées des Parlements ou les cénacles du militantisme partisan, pour le meilleur et pour le pire. C’est assez pour que le traitement de l’information en période électorale nous occupe et nous préoccupe encore durant cet atelier. S’il est vrai que le thème est frappé par l’usure du temps, il n’en continue pas moins d’épouser l’air du temps. Il épouse l’air du temps parce que la responsabilité sociétale des médias devient chaque jour un peu plus immense. C’est dire que les médias sont fondamentaux dans une démocratie, vieille ou jeune, même si le rôle qu’ils remplissent n’est pas toujours à la mesure de l’enjeu. Pourtant leur responsabilité sociétale est immense. Ils doivent aider la démocratie à exister. Nous sommes en face d’une contrainte forte, celle qui consiste à réhabiliter la profession de Journaliste. La Presse se trouve ainsi engagée dans une bataille de légitimité, surtout avec l’arrivée du numérique et d’internet. Le monde a besoin de vrais journalistes, qui réfléchissent, qui analysent, qui expliquent. Ne l’oublions jamais, le journalisme est un métier. Les libertés du journaliste ne doivent pas nuire au métier. Il est juste de reconnaître que : de « dérapage » en « dérive » les médias et les journalistes se décrédibilisent aux yeux des ivoiriens. Ceux-ci leur reprochent leur manque d’indépendance, leur goût du

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traitement de l’information en période électorale

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Mesdames Messieurs,Le grand mérite de la rencontre d’aujourd’hui sous l’égide d’ERIS

est de constituer un moment fort dans le dialogue que suscite l’utilisation que les uns et les autres font de l’information, bien souvent au mépris du public, qui en est le premier destinataire.

Cela pose naturellement le problème de la liberté de faire l’information et celle de recevoir l’information.

Il est des vérités qu’on ne peut plus occulter : on ne peut plus gouverner sans les médias. Et les médias, parce qu’ils nous informent contribuent à la formation de l’opinion publique. Ils font partie intégrante de la définition moderne de la démocratie.

Le simple fait que nous recevions l’essentiel de notre information politique des médias et que ceux-ci relatent les évènements en les interprétants, nous rend dépendants d’eux, sans que nous en ayons conscience.

C’est dans les colonnes des journaux, sur les antennes des radios et surtout sur les plateaux de télévision que se déroule désormais la vie politique, plutôt que dans les assemblées des Parlements ou les cénacles du militantisme partisan, pour le meilleur et pour le pire.

C’est assez pour que le traitement de l’information en période électorale nous occupe et nous préoccupe encore durant cet atelier.

S’il est vrai que le thème est frappé par l’usure du temps, il n’en continue pas moins d’épouser l’air du temps. Il épouse l’air du temps parce que la responsabilité sociétale des médias devient chaque jour un peu plus immense.

C’est dire que les médias sont fondamentaux dans une démocratie, vieille ou jeune, même si le rôle qu’ils remplissent n’est pas toujours à la mesure de l’enjeu.

Pourtant leur responsabilité sociétale est immense. Ils doivent aider la démocratie à exister.

Nous sommes en face d’une contrainte forte, celle qui consiste à réhabiliter la profession de Journaliste. La Presse se trouve ainsi engagée dans une bataille de légitimité, surtout avec l’arrivée du numérique et d’internet.

Le monde a besoin de vrais journalistes, qui réfléchissent, qui analysent, qui expliquent.

Ne l’oublions jamais, le journalisme est un métier. Les libertés du journaliste ne doivent pas nuire au métier.

Il est juste de reconnaître que : de « dérapage » en « dérive » les médias et les journalistes se décrédibilisent aux yeux des ivoiriens.

Ceux-ci leur reprochent leur manque d’indépendance, leur goût du

superficiel et du sensationnalisme, leurs erreurs professionnelles.Il ne fait aucun doute que le mauvais journalisme a fait trop de

ravages dans notre société.Sortons du piège du politiquement correct qui consiste à servir des

informations tronquées et appauvrissantes.Il ne faut pas tolérer que la profession perde le respect de soi, qui

se conjugue avec la responsabilité.Le journaliste dont nous devons nous réclamer, s’inscrit dans une

longue tradition, indissociable de l’exigence démocratique.Son ambition est de fournir des informations d’intérêt public qui

nous sont nécessaires pour demeurer libres et autonomes, maîtres et acteurs de nos destins individuel et collectif.I - Pourquoi faut-il des médias libres pour des élections libres

De nombreuses enquêtes réalisées à travers le monde font apparaître notamment à l’occasion des campagnes électorales, que c’est à travers leur communication dans les médias, que les citoyens se font une idée des enjeux de la vie politique, des problèmes sur lesquels des oppositions politiques fondamentales se manifestent, des thèmes autour desquels s’organisent les compétitions électorales.

La presse est ainsi appelée à jouer un rôle permanent de médiation entre le système politique et l’ensemble des citoyens.

Au demeurant et sur cette base, l’exploitation des médias, tant en période normale qu’en période électorale ne saurait être réservée uniquement à la satisfaction de quelques uns.

Le débat électoral ne peut être porteur et mobilisateur que si les porte-paroles sont dignes d’intérêt. Disons-le tout net : tous ceux qui prennent part au « jeu médiatique » portent une responsabilité dans sa réussite ou dans son échec.

Il ne faut pas s’y tromper, le rendez-vous électoral est l’occasion pour le citoyen de repérer ce que sont les « points chauds du débat politique ».

Et c’est bien en fonction de ces « points chauds » et des positions prises à leur égard par les différentes forces politiques, que les citoyens arrêtent finalement leur comportement politique.

On le voit, la communication politique moderne tend ainsi à confier aux médias un rôle essentiel dans la sélection des enjeux, autour desquels doit tourner le débat de la société politique.

C’est pourquoi la presse donne de plus en plus le ton de la vie politique. Elle lui assure son rythme, elle en ponctue les moments clés

II - En cette période sensible que peut-on attendre de notre

pressePrimo : Un meilleur reflet de notre pluralisme démocratique

On peut reprocher beaucoup de choses à un journaliste, mais on ne peut pas lui pardonner le manquement à son devoir d’exactitude, ni d’enfreindre la règle du pluralisme, quelque soit l’organe d’information où il exerce ses talents.

Le pluralisme s’apprécie à plusieurs niveaux :- dans la succession des informations diffusées où la pluralité des

opinions doit être représentée le plus équitablement possible ;- dans la présentation individuelle de chaque évènement, où les

principales composantes doivent apparaître.Secundo : Le parti pris de neutralité

Nous savons que le concept de neutralité dans les médias ne fait pas l’unanimité. Le terme lui-même est controversé. Un journaliste neutre n’existe pas, dit-on souvent.

Pour autant, si le journaliste ne veut pas être confondu avec l’agent de propagande ou le publicitaire, il n’a d’autre choix que de traiter l’information avec un maximum de neutralité.

Pour ce faire, il faut informer sans commenter. Le commentaire ne ressort pas de la mission du journaliste, puisqu’il ajoute une opinion à un fait donné.

Le commentaire procède d’une idée, émane d’un corpus de valeurs, résulte d’un schéma de pensée, qui sont de l’ordre du témoignage et non des faits.

Il est certain que la neutralité exige de tout journaliste qu’il fasse taire ses convictions personnelles, ses propres sentiments, pour exposer les faits dans leur intégralité.

D’une manière générale, des expressions telles que :M. X a fait un faux pas …..M. Y a prouvé une fois de plus qu’il est le meilleur candidat par sa stupéfiante intelligence ;Ou Mme Z a commis une lourde faute en prenant telle décision …constituent des expressions qui nuisent à la qualité du travail

journalistique et donc à la crédibilité de leurs rédacteurs.

Tertio : Du souci de la transparence, au respect de la vie privéeGénéralement, l’on estime qu’à partir du moment où les aspects

favorables de la vie privée sont évoqués, au nom de quoi des « zones d’ombres » ou des périodes ambigües devraient-elles être occultées ?

Pour certains, l’évocation de la vie privée est dangereuse car on ne sait jusqu’où elle peut mener et à quelle dérive elle peut aboutir.

Pour d’autres, l’homme public ne peut être détaché de l’homme privé, parce qu’il est porteur de valeur qui l’engagent personnellement et publiquement.

Le débat d’idées s’en trouve brouillé.Nous devons comprendre cependant que chacun a droit au respect

de son image et de son intimité, comme le prévoient les textes règlementaires en vigueur.

La protection de l’ordre public constitue dans toute démocratie, une limite essentielle de la liberté d’expression.

Les limites du droit à l’information prennent également en compte le devoir de compétence.

Avant d’écrire un article ou de produire une émission, le journaliste doit sur le plan déontologique, tenir compte des limites de ses aptitudes et ses connaissances.

Il n’aborde ses sujets, qu’après avoir fait un minimum d’effort de recherche et d’enquête.

Mesdames Messieurs,Depuis la nuit des temps, le droit de la presse qu’elle soit imprimée

ou audiovisuelle nous renvoie à plusieurs interrogations.Le public, a-t-il oui ou non le droit d’être informé de tout ?Est-il sain et sage de tout lui dire ou faut-il l’en protéger ?C’est une question grave : celle à laquelle Jean-Paul Sartre a osé

répondre lorsque le rapport Khrouchtchev sur les crimes de Staline est publié en URSS d’alors : je cite :« Un peuple au-dessous d’un certain revenu, n’est pas en état d’entendre la vérité » fin de citation.

La libre expression doit-elle être totale ou tenue en laisse ?Face à un professionnel rigoureux, personne ne peut dire : « voilà

ce qu’il faut autoriser ou, au contraire, ce qu’il faut interdire ».Plus que jamais, en ces moments sensibles qui s’annoncent, notre

presse doit plus que par le passé, faire montre de responsabilité, en tournant le dos aux dérives, aux dérapages calculés, qui l’affaiblissent et qui lui font perdre chaque jour un peu plus sa légitimité.

Qu’on se le dise :On ne fait pas du bon journalisme en étant partisan.On devient et on demeure bon journaliste en étant indépendant

dans le traitement de l’information.Je suis de ceux, et ils sont nombreux, qui pensent que rien n’est

indispensable à la presse que l’indépendance.- Indépendance du Journaliste

- Indépendance du régulateur.En définitive, ce qui est en jeu, ce qui est mis en doute, c’est

l’honnêteté et l’indépendance de l’activité journalistique, la capacité à produire une information sérieuse pour le public, en résistant aux pressions du pouvoir et de l’argent.

Le mal ne vient ni de la loi, ni du code électoral. Le mal ne vient pas d’un manque de dons ou de qualités individuelles même si la formation et le renforcement des capacités doivent être pris en compte.

Le mal vient du fonctionnement d’un système – il vient de la dérive progressive d’un système d’information.

Il nous revient à tous d’y remédier avec vigueur, afin que partis politiques et Journalistes puissent jouer leur partition durant les prochaines élections.

Le public attend et nous observe, lui qui a sûrement des leçons de journalisme vrai à nous donner.

Il n’attend pas de nous autre chose que de jouir de sa liberté de savoir et de comprendre et cela amplifie notre responsabilité de journaliste professionnel et la rend redoutable.

Je vous remercie

Koné IbrahimJournaliste-enseignantConsultant