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This article was downloaded by: [Carnegie Mellon University] On: 09 November 2014, At: 03:29 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Studia Neophilologica Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/snec20 Le système morphologique du verbe en ancien français Henri van den Bussche a a Katholieke Universiteit, Departement Linguïstiek , BlijdeInkomststraat 21, B3000, Leuven Published online: 21 Jul 2008. To cite this article: Henri van den Bussche (1986) Le système morphologique du verbe en ancien français , Studia Neophilologica, 58:1, 107-114, DOI: 10.1080/00393278608587937 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/00393278608587937 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub- licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http:// www.tandfonline.com/page/terms-and-conditions

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Page 1: Le système morphologique du verbe en ancien français∗

This article was downloaded by: [Carnegie Mellon University]On: 09 November 2014, At: 03:29Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Studia NeophilologicaPublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/snec20

Le système morphologique duverbe en ancien françaisHenri van den Bussche aa Katholieke Universiteit, Departement Linguïstiek ,Blijde‐Inkomststraat 21, B‐3000, LeuvenPublished online: 21 Jul 2008.

To cite this article: Henri van den Bussche (1986) Le système morphologique du verbe enancien français , Studia Neophilologica, 58:1, 107-114, DOI: 10.1080/00393278608587937

To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/00393278608587937

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Studia Neophilologica 58:107-114, 1986

REVIEW ARTICLE

Le système morphologique du verbe en ancien français*

HENRI van den BUSSCHE

A propos de: N. Andrieux et E. Baumgartner, Manuel du français du moyen âge. 3.Systèmes morphologiques de l'ancien français. A. Le verbe. Bordeaux, Sobodi, 1983.

0. Traditionnellement, la morphologie du verbe telle qu'elle se présente en ancien françaisest étudiée dans une perspective historique, diachronique. On pensera à l'ouvrage de basede Fouché (1931), dont une édition revue a paru en 1967, mais également aux études plusrécentes que l'on retrouve entre autres dans La Chaussée (1977), Lanly (1977), Picoche(1979) ou Wolf & Hupka (1981). Dans cette perspective historique une forme donnée enancien français s'explique soit par les évolutions phonétiques qu'elle a subies dans lesétats de langue antérieurs, soit par une réfection analogique qui a substitué une formeapparemment plus régulière à la forme primitive, soit par un effet conjugué des deuxphénomènes précédents. Ainsi, l'ancien français amez ne fait que continuer - sous uneforme phonétique altérée - le latin amâtis, alors que le latin dormïtis ne semble pas avoirlaissé de traces1. L'ancien français ne possède que la forme dormez, forme qui s'expliquepar une extension analogique de la désinence -ez au détriment de la désinence primitive -izque l'on suppose pouvoir reconstruire dans la forme non attestée *dormiz. Même dans lesgrammaires descriptives (non diachroniques) de l'ancien français, la référence aux évolu-tions historiques est omniprésente2.

Depuis un certain temps, on voit néanmoins paraître des études consacrées entre autresà la morphologie verbale de l'ancien français, faites dans une perspective synchronique.Nous pensons entre autres aux ouvrages de Walker (1971), de Herslund (1976) ou Foley(1979). Ces trois études s'inscrivent toutefois dans le courant génératif transformationnel,qui tente généralement de réduire les irrégularités des formes concrètes à une régulariténon observable, car plus profonde et plus abstraite. Chose étrange, pour pouvoir expliquercertaines formes, ces mêmes études menées dans une perspective synchronique finissentpar retrouver toute une série d'éléments de la diachronie qu'elles avaient initialementdélaissée. Ainsi pour pouvoir rendre compte du traitement différent de la voyelle radicaledes verbes po-eir (pouvoir) et o-ir (ouïr) aux formes toniques (puez, puet, pueent; oz, ot,oeni), Herslund (1976: 54-6) est amené à poser deux espèces d'étymons /pod/ et /awd/auxquels s'appliquent les règles morphologiques qui ne sont rien d'autre que des évolu-tions phonétiques observées en diachronie. En effet, le hl se diphtongue en lud, alors quele /aw/ se monophtongue. De même, le lâl des formes sous-jacentes s'efface en positionintervocalique, mais forme une affriquée /ts/ en contact avec le /s/ final de la secondepersonne du singulier, d'où, en effet, puez et oz, et non *pues et *os. Cette interactioninévitable en grammaire generative transformationnelle entre la synchronie et la diach-ronie a même incité un Foley (1979: 2) a faire une étude « a-chronique » de la morphologieverbale, où les formes du latin, de l'ancien français ou du français moderne dérivent toutesd'un élément sous-jacent quasiment identique et où seules les règles morphologiques etdérivationnelles rendent compte des différences observables à la surface3.

1. De leur part, avec le livre qu'ils présentent, Andrieux & Baumgartner (1983: 7) ontvoulu « proposer une description raisonnée du système verbal dans une synchroniedéterminée, celle de l'ancien français dit classique, des xne et xme siècles ». Ce point devue « résolument synchronique » entend mettre en évidence « le fonctionnement dessystèmes morphologiques ». Cette étude ne fournit donc pas une liste se voulant exhaus-

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tive des formes verbales relevées en ancien français, mais entend découvrir la « dynami-que des formes ». Si les auteurs ont tout de même introduit une série de paragraphesconsacrés aux systèmes latin, roman ou gallo-roman, ce n'est que pour pouvoir dégagerdavantage la dynamique qui a transformé ces systèmes en celui qui est à l'ordre du jourdans le livre. En même temps, les auteurs ont jugé utile de jeter un coup d'œil sur lesévolutions qui ont donné naissance au moyen français dans la mesure où l'on en trouve des« germes » dans la période de l'ancien français.

On peut faire l'objection que l'ancien français défini comme la langue parlée (ou écrite?)aux xne et xme siècles dans une région aussi vaste (et mal délimitée) que le domaine d'oïlne peut constituer un objet d'étude homogène. Les auteurs ont toutefois essayé de faire lepartage entre les formes communes aux différentes régions et celles qui relèvent exclusive-ment d'un système morphologique dialectal, ce qui ne semble pas poser de problèmesinsurmontables. En effet, que l'on oppose les formes doi, dois et doit à devoir ou plutôt lesformes dei, deis et deit à deveir (formes normandes), on est toujours amené à opposer desformes dites fortes avec diphtongue et sans consonne labiale à la forme infinitive au radicalfaible en consonne labiale et sans diphtongue. Plus problématique, par contre, se révèleêtre l'existence à l'intérieur de la synchronie déterminée de plusieurs formes concurrentes.On relève en effet pour le verbe faire aussi bien la forme faz que la forme fai(s) à lapremière personne de l'indicatif présent; boire alterne avec bo'wre, nuisir avec nuire,coilleit avec coilli ou coillu. C'est ainsi que les auteurs en arrivent à distinguer des formesqui n'apparaissent guère qu'au xne siècle (p.e. faz ou nuisir) et des formes faisant leurpremière apparition seulement au cours du xme (p.e. fais). En ce sens, il faut bienadmettre que la « synchronie déterminée » comporte une diachronie interne et que le pointde vue des auteurs n'est pas aussi « résolument synchronique » qu'ils ne l'affirment. Cetteinteraction plutôt contradictoire - ou du moins paradoxale - entre la synchronie décritedans ce livre et la diachronie qui lui semble inhérente nous paraît à la fois le point faible del'ouvrage et son apport le plus intéressant. Cette interaction pose en effet le problème desavoir si une étude résolument synchronique de la morphologie - verbale ou autre - del'ancien français est vraiment possible. En tout cas, cette question constituera le fil rougedes réflexions que nous développerons ci-dessous, mais il nous faut d'abord présenterd'une façon quelque peu plus détaillée la structure de ce livre.

2. Comme le livre s'adresse entre autres à un public d'étudiants, on se réjouit de le voirs'ouvrir sur une bibliographie systématisée, où un nombre considérable d'études etd'ouvrages indispensables sont rassemblés. Le livre se termine sur une série d'appendices,contenant un « inventaire de morphèmes », une liste des formes verbales les plusreprésentatives pour les exposés du livre et quelques « notes terminologiques » indispen-sables aux non-initiés. L'étude même se divise en onze chapitres. Dans les deux premierschapitres, où ils présentent en fait leur méthode de travail, les auteurs exposent commenton peut établir, pour une forme verbale donnée, d'une part son morphème lexical, nommésa base (nous utiliserons désormais ce terme) et d'autre part les morphèmes marques depersonne. Une fois repérés ces deux éléments constitutifs, il est possible d'aborder l'étudedes règles qui engendrent les formes « terminales » à partir de l'adjonction de certainsmorphèmes spécifiques et des morphèmes marques de personne à la base requise, étudeque l'on retrouve dans les neuf chapitres restants où sont passés en revue tous les tempset/ou modes non composés (toutes les formes synthétiques) de la conjugaison de l'ancienfrançais.

3. Revenons au premier chapitre consacré aux problèmes que pose le repérage de la base(du morphème lexical). Comme on sait, le paradigme d'un verbe de l'ancien français peutprésenter un nombre étonnant de « radicaux » différents4. Ainsi, le verbe savoir possède àl'indicatif présent les formes suivantes : soi, ses, set, savons, savez, sevent. Il y aapparemment quatre radicaux, à savoir sai-, se-, sav- et sev-. Pour rendre compte de cesradicaux, les auteurs introduisent une distinction intéressante et opératoire entre ce qu'ilsappellent « variantes combinatoires » et « bases différentes ». Il apparaît en effet que

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certaines des variations que subit le radical sont parfaitement prévisibles. La variationentre les deux radicaux se- et sev- peut être réduite dans la mesure où l'on sait qu'uneséquence *sevt en ancien français est phonologiquement impossible. Les deux radicauxse- et sev- se révèlent être des « variantes combinatoires » d'une seule base sev-. La pertede la consonne NI ne relève alors plus de la morphologie mais plutôt de la phonologie quiinterdit l'apparition de la séquence /vt/ et efface la consonne labiale. De même une formevaut sera dérivée d'une base val-, cette base ayant une variante combinatoire prévisiblevau- devant consonne. Comme, en effet, la suite /l/+consonne est inconnue de l'ancienfrançais, le IV devant consonne est automatiquement vocalisé. Ces variations prévisiblesdoivent être distinguées d'une série de variations imprévisibles, variations irréductibles sesituant au niveau de la base même - et dès lors au niveau de la morphologie. Il semble eneffet nécessaire de poser l'existence de trois bases sai-, sav- et sev- pour pouvoir rendrecompte de toutes les formes citées du verbe savoir. Il faut également poser deux basesdifférentes pari- et paroi- pour pouvoir engendrer toutes les formes voulues du verbeparler. Le radical parou- du subjonctif (paroi, parons, parout, ...), par contre, se réduit àla base paroi-, parce que prévisible par les règles phonologiques.

Cette distinction que font les auteurs n'est généralement pas faite en diachronie oùparole, forme du verbe parler, continue phonétiquement le roman /parâwlat/, tout commela forme set continue le roman /sâpet/. Certes, un auteur comme La Chaussée (1977:128-77) distingue nettement les évolutions portant sur le radical même créant des« alternances radicales » des évolutions portant sur la « consonne finale du radical ». Maisdans cette seconde, on retrouve aussi bien les « variantes combinatoires » - p.e. vendo,vendûnt>vent, vendent, cf. La Chaussée (1977: 146) - que les « bases différentes » - p. e.*hatïo, *hatünt>haz, heent, cf. La Chaussée (1977: 147). Cette distinction n'est pas faitenon plus par Herslund (1976: 52-57), où l'apophonie que l'on relève dans les formes vueil,vuelent et volons ou dans les formes muir, muèrent et morons est analysée comme le refletnormal et prévisible de la voyelle radicale hl postulée en structure profonde. Pour cetauteur, il suffit donc de poser une base unique /vol/ ou /mod pour engendrer toutes lesformes citées, même les formes vueil et muir, dont l'apparente anomalie s'explique parl'adjonction en structure profonde d'un morphème /j/ propre à la première personne:/mDr+j/>/müejr/>mz///\ C'est donc une analyse generative transformationeile de ce typequ'Andrieux & Baumgartner (1983: 42) rejettent en postulant pour les verbes voleir etmorir au moins les trois bases respectives vueill-, vuel-, vol- et muir-, muer-, mor-.

Nous voudrions encore faire remarquer que cette distinction entre « variantes combina-toires » et « bases différentes », introduite dans la perspective synchronique, constitueégalement un mécanisme d'explication dans une perspective diachronique. En règlegénérale, c'est en effet l'alternance de plusieurs bases différentes que la langue tend àéliminer (parole>parle; faz>fais; muir>muer), alors que les « variantes combinatoires »se maintiennent aisément (maintien de vaut ou set, sait sans réintroduction - sinongraphique - du /l/ ou du NI )5.

4. Dans le second chapitre, les auteurs vont à la recherche des morphèmes marques depersonne. Afin d'illustrer la démarche des auteurs, nous approfondirons leurs réflexionsconcernant la marque de la troisième personne du pluriel qui, nous semble-t-il, font surgirune série d'objections. L'ancien français présente deux désinences -ent et -ont6. Cettedernière est limitée au futur, temps que nous laisserons de côté ici, et à quelques formesisolées comme ont, vont, font, sont ou estont. Selon les auteurs (1983: 64), deux hypothè-ses se présentent à priori; ou bien, il n'y a qu'un seul morphème, soit -nt avec l'apparitiond'un -e- dans certains cas, soit le morphème -ont, dont -ent constitute la variante atone (unmorphème avec deux allomorphes), ou bien, on admet qu'il existe plusieurs morphèmesindépendants. Les auteurs commentent ensuite les différents arguments qui se présentent.Comme -ent alterne avec -0, -s ou -t (dans viegnlvien, viens, vient, vienent), on est tenté deposer un morphème -ent. Les formes vont, sont, etc. pourraient alors s'interpréter commedérivant d'une structure sous-jacente du type vo-+-ent, so-+-ent, etc. où le morphème-ent se réduit à la variante -nt après voyelle. Mais cette analyse, convaincante à première

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vue, ne rend pas compte des formes prient (preiier), dient (dire) ou loent (her) où lemorphème -ent ne se réduit pas (*print, *dint, *lont). On pourrait admettre l'existenced'une base en /j/ pour les deux premiers verbes; /prijV et /dij/, d'où le maintien de -ent;/prijent/ et /dijent/. Pour le verbe her, par contre, les auteurs (1983: 66) admettent que labase se termine en dentale; /loô/, ce qui explique du même coup la seconde personne dusingulier du subjonctif loz (< /loô+s/). On peut toutefois se demander s'il est justifié deposer dans une analyse résolument synchronique une consonne historique qui n'apparaîtjamais telle quelle dans la synchronie envisagée. L'hypothèse selon laquelle les formesvont, sont, font, ont et estont sont engendrées sur les bases vo-, so-, fo-, o- et esto- n'estpas très solide non plus. On constate en effet que ces bases n'apparaissent nulle partailleurs dans le paradigme de ces verbes7. On se demande aussi si cette hypothèse décritvraiment la « dynamique des formes », soit les règles qui engendrent les formes« terminales ». A notre avis, il vaut mieux considérer ces formes comme des formes« lexicalisées »8, qui se soustraient à toute analyse. Ce point de vue est d'ailleursconforme avec une approche historique qui doit constater que sont, font, vont, etc. ne sontrien d'autre que l'aboutissement phonétique des étymons romans /aont/ (habent), /vaont/(vadünt), /fakont/ (facïûnt). Nous proposons une même analyse pour les formes étrangesdu type dimes, dites et faimes, faites. Plutôt que de chercher à les engendrer par une sériede règles complexes - les auteurs (1983: 95) font appel à une structure accentuelleparticulière pour ces formes - il faut les considérer comme des formes « figées » et nonengendrées par des règles morphologiques. Ce point de vue permet du même coupd'expliquer l'apparition, déjà dans la synchronie déterminée de l'ancien français, deformes à l'aspect plus régulier telles que dions, disons, diez, disez, faisons, faisez9. Dansla perspective des auteurs, l'apparition de ces formes nouvelles ne peut s'expliquer quepar une modification des règles morphologiques qui engendrent ces formes, alors que laperspective que nous proposons en rend compte d'une façon automatique : à côté desformes figées apparaissent les formes que des règles morphologiques déjà existantesengendrent10.

Un autre problème se pose concernant une série de formes dialectales. Si l'on admetavec les auteurs (1983: 109) que la variation faz, face (dialectalement fach, fache) versusfais, fait relève de l'existence de deux bases fac- (ou fach-) etfai-, il se pose un sérieuxproblème d'interprétation pour les formes dialectales du Nord en -ch et -ehe (parfois en -cou -ge à l'Ouest) telles que mèche (=mete), bâche (=bate) ou muerch, muerche (=muir,muire). Ces formes obligent à admettre que s'est développée à côté de la base unique met-,bat-, muer- ou muir- une seconde base du type mech-, bach- ou muerch-, évolution quisemble contraire aux tendances générales de réduction des bases alternantes. Andrieux &Baumgartner (1983: 111) proposent dès lors d'analyser l'élément -ch- comme un mor-phème marque du subjonctif (et éventuellement de la première personne de l'indicatifprésent) et qui s'ajoute à la base primitive met-, bat- ou muer- avec d'éventuelles variantescombinatoires (met-+-ch-+-e>meche). Cette solution qui vaut pour les verbes metre,batre ou morir (et d'autres) ne fonctionne pas pour le verbe faire ou le verbe plaire, où lavariation qui oppose fait h fach et piaist kplach se laisse mieux décrire en termes de basesdifférentes11. Quoi que l'on fasse, il semble indéniable qu'un élément (-ch-) faisantprimitivement partie de la base (face ou fache) en vienne à fonctionner comme unmorphème indépendant12. Ainsi une perspective diachronique à l'intérieur même de lasynchronie envisagée se révèle être nécessaire pour rendre compte du véritable fonction-nement des formes. Une étude transformationnelle ne pourrait pas résoudre ce problèmenon plus. Pour rendre compte des formes/ac/ie et muire, Herslund (1976: 54-56) posera unmorphème sous-jacent /j/. Certes, une forme comme bâche pourrait dériver de /batt+j +a/,mais la forme muerche reste inexplicable, /mor+j+a/ ne pouvant engendrer que la formemuire et non muerche.

5. Jusqu'à présent, nous n'avons envisagé que les bases et les morphèmes marques depersonne. Il existe également des morphèmes qui marquent un temps, un mode, une classede verbes, etc. C'est le sujet des neuf chapitres qui restent. A ce propos, les auteurs

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avancent en général des hypothèses intéressantes mais parfois peu vraisemblables et peuconvaincantes. Nous tenterons de le démontrer pour ce qui concerne la formation du futuret de l'infinitif et quelques problèmes apparentés.

Pour le futur, l'ancien français présente une série de formes assez différentes. Desformes telles que tondrai (tond-ons), saurai (sav-ons), partrai (part-ons), et même boudrai(boill-ons), sofrerai (sofr-ons) ou harai iha-ons) conduisent à poser l'existence d'unmorphème du futur -r- auquel s'ajoutent les morphèmes marques de personne. Le mor-phème du futur, lui, semble s'ajouter directement à une base également observable dans laformation d'autres formes, une base non accentuée. Cette formation peut évidemmententraîner des variantes combinatoires; la base boill- présente une variante combinatoireboud- devant le morphème -r-\ sofr- prend une voyelle -e- devant le même morphème. Lesverbes en -erl-ier, comme le verbe parler avec parlerai, connaissent une formationdifférente; la base y est augmentée d'un morphème -e- démarcateur d'une classe deverbes; parl-e-rai. Ce morphème fait néanmoins parfois défaut; les verbes doner et durerpouvant engendrer donrai et durrai. Il faut donc prévoir une règle qui efface la voyelle -e-en contact avec une liquide. Mais d'autres problèmes se présentent. L'ancien françaisconnaît aussi des formes du type enterrai à côté de entrerai, duerrai à côté de durerai oudurrai ou soferrai à côté de sofrerai. Les auteurs (1983: 146) proposent de rendre comptedes formes enterrai et duerrai, formes de verbes en -erlier, par une règle (facultative) quiprévoit une métathèse de -rer en -err-, mais, chose curieuse, la forme soferrai, elle, seraengendrée non par cette règle de métathèse, mais directement d'une base sofr-, avec« réalisation vocalique » (=-«•-) de la consonne finale, ce qui serait également le cas duparticipe passé soffen (où le -t est le morphème du participe passé). Cette analyse nousparaît invraisemblable dans la mesure où l'alternance plus ou moins libre des formessoferrai et sofrerai correspond exactement à celle des formes enterrai et entrerai, alorsque le participe sofert n'alterne généralement pas avec une forme du type *sofretu.

Une analyse également invraisemblable est proposée pour une série de problèmesconcernant les verbes en -ir. Les formes partrai (verbe en -ir non inchoatif) et fenirai(verbe en -ir dit inchoatif) font croire à l'existence des bases respectives part- et feni-,auxquelles s'ajoute le morphème -r-, et ceci d'autant plus que les bases part- et feni-constituent des bases opératoires dans la formation d'autres formes. Cependant, l'exis-tence des formes dormirai (verbe non inchoatif) et guerpirai (verbe mixte, tantôt inchoatif,tantôt non), et des variantes libres partirai (partrai) et boillirai (boudrai) mettent lesauteurs (1983: 144-5) dans l'embarras. Ces formes obligent à poser l'existence des basesdormi-, guerpi-, parti-, boilli-, bases que ces verbes ne posséderaient pas à d'autresformes; les participes respectifs dormi, guerpi, parti et boilli ou boillu sont en effetanalysés comme ayant les bases dorm-, guerp-, part- et boill-, augmentées du morphème -/(ou plus rarement -u). Les auteurs (1983: 145) se tirent de l'affaire en admettant que « cesformes de futur peuvent aussi bien provenir d'une extension analogique d'une finale -iraique d'une base en -i, analogique du type saisi- ». Nous croyons, par contre, que dansl'analyse de ces formes les auteurs procèdent d'une façon erronée. Cela se manifesteencore davantage au niveau de leur analyse de l'infinitif.

Selon les auteurs (1983: 217-8), les formes infinitives amer.fenir, partir, valoir, rendre,etc. suggèrent à première vue l'existence d'un morphème unique -r. Cette hypothèse leursemble néanmoins intenable, car il faudrait rendre compte de la variante -re, qui n'est paslimitée aux seules bases consonantiques (p.e. dire et non *dir, croire et non *croiru), etdu statut des éléments -e-, -i- ou -oi- qui s'intercalent entre la base am-, part- ou val- et lesoi-disant morphème -r. S'il est vrai que l'élément -e- (ou -te-) est un morphème démarca-teur de la classe de verbes en -er (ou -ier), qui apparaît également à d'autres formes - unemême analyse vaut pour le -i- des verbes inchoatifs en -ir -l'élément -oi- ne se retrouveplus jamais dans le paradigme des verbes en -oir-. La désinence -oir se révèle donc« indécomposable ». Le même problème se pose pour le verbe partir qui ne possède que labase part- et où la désinence -ir se révèle également « indécomposable ». On serait alors enprésence d'un morphème -ir pour le verbe partir et d'un morphème -r pour le verbe fenir,situation étrange qui incite les auteurs à admettre dès lors que l'infinitif fenir provient en

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fait defeni-+-ir avec réduction des deux voyelles identiques! Cela permet de considérer labase fe ni- comme une base « faible », non accentuée en structure profonde, et d'unifierl'analyse des verbes partir et fenir. On ferait donc l'inventaire de quatre morphèmesdistincts, à savoir -r (parl-e-r), -ir (part-ir, feni-ir), -re (rend-re, croi-re) et -oir (val-oir).Cela étant dit, nous proposons une tout autre analyse. Nous croyons que toute laconjugaison de l'ancien français repose sur le rôle que joue ce que nous nommerons lavoyelle d'élargissement. En admettant que tous les verbes réguliers présentent deux basesqui alternent dans les mêmes conditions, la plupart des problèmes s'effacent. Ainsi lesverbes porter et fenir présentent les deux bases respectives port- et port-é-, etfeniss- etfen-i-, tout comme le verbe partir présente les bases part- et part-i-. Cela suffit pourengendrer toutes les formes15. L'infinitif se forme à l'aide de la base élargie augmentée dumorphème -r; le participe passé est formé sur la même base élargie suivie d'un morphèmezéro : port-é, fen-i, part-i, de même que le futur où, en raison de la structure accentuelledifférente, le -e- s'assourdit : port-e-rai, et dans certains cas prévisibles s'efface : don-rai,et où le -/- s'efface facultativement, du moins dans certaines conditions, dans les verbesnon inchoatifs : fen-i-rai, part-i-rai ou part-rai, dorm-i-rai (et non *dorm-raî). La plupartdes autres verbes se caractérisent par l'existence de plus de deux bases, due à l'existencede plusieurs voyelles d'élargissement. Ainsi les verbes boillir, plaisir ou valoir présententune base non élargie boill-, plais- (parfois plac) ou val- et des bases élargies boill-i- et boill-u, val-oi- et val-u-, plais-i- et plu- (forme forte irrégulière). Pour ces verbes-là, l'absence devoyelle d'élargissement semble constituer la règle pour la formation du futur. Pour certainsverbes, enfin, la présence ou l'absence de voyelle d'élargissement est liée à l'apparitiond'une base « irrégulière » synthétique; ainsi pour le verbe plaire qui possède une base plu-ou le verbe covrir qui possède au participe passé une base propre covert-. Les auteurs(1983: 205) rejettent toutefois cette hypothèse, préférant considérer la forme covert commeengendrée à partir de la base covr- augmentée du morphème -/, selon les étapes suivantes :covr-+-t>cover-+t>covér+t>covert. Les auteurs (1983: 205-6) préfèrent cette analyseentre autres pour pouvoir maintenir une base unique covr- étant donné l'absence, en règlegénérale, d'une base spécifique au participe passé. Ici aussi, on peut se demander sil'apparition en ancien français, de formes du type covri ne prouve pas que le participepassé covert constitue une forme plutôt « figée » qu'engendrée par des règles compliquéesde morphologie. L'ancien français présente d'autres participes figés de ce type, tels queovert, sofert ou encore coilleit, maleëit. Dans une perspective diachronique ces formes neposent aucun problème; covert, coilleit ou maleëit continuent (plus ou moins) phonétique-ment les formes latines copërtum, collëctum ou maledïctumxb. Dans une perspectivesynchronique, leur caractère figé rend compte de l'apparition de formes engendrées par lesrègles qui engendrent d'autres participes telles que les formes covri, coilli ou coillu etmaleï.

6. Les réflexions critiques que nous avons développées ci-dessus ne devraient pas con-duire les lecteurs à sous-estimer l'intéreêr de cet ouvrage, qui s'est proposé une tâche biendifficile. Il est réjouissant de voir le système verbal de l'ancien français analysé ni dans uneperspective purement historique, qui n'arrive pas à rendre compte du véritable fonctionne-ment des formes, ni dans une certaine perspective transformationnelle qui ne fait queréintroduire la diachronie dans une structure sous-jacente, mais au contraire dans uneperspective qui tente de décrire le système morphologique selon la dynamique des formeset les règles qui les engendrent.

Malgré cela, l'ouvrage n'arrive pas à intégrer suffisamment les deux perspectives. D'unepart, il nous semble que la synchronie déterminée par les auteurs est pleine d'évolutionsinternes qui demandent une approche diachronique. Bien qu'ayant annoncé une approche« résolument synchronique », les auteurs terminent, d'autre part, chaque chapitre de leurlivre par une rapide revue des principales évolutions phonétiques et morphologiques àl'origine de ce que le chapitre vient d'étudier. Après avoir appris, par exemple, que lesparticipes coilleit et maleëit comportent un morphème -eit, le lecteur est invité à se rendrecompte de ce que ces formes dérivent en ligne directe des formes latines collëctum et

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maledïctum. C'est un peu comme si, après avoir esquissé une analyse synchronique de lamorphologie verbale de l'ancien français, les auteurs préfèrent en revenir aux certitudesdes seules explications historiques.

NOTES* Je voudrais remercier ici le Fonds National de la Recherche Scientifique de Belgique (N.F.W.O.)

auquel je suis associé en tant qu'Aspirant.1 Du moins en francien. Dans les dialectes de l'Est, on trouve quelques formes en -iz, cf. Fouché

(1967: 193).2 Ainsi Moignet (1973: 61-2), qui commente les formes somes ou ont en faisant allusion aux formes

latines ou romanes du type sumus et *awunt.3 Pour l'explication des formes faimes, dimes, etc. voir Foley (1979: 248-52).4 Le terme de « radical », que nous employons ici dans une acception intuitive, est le terme

consacré de la morphologie historique, qu'il convient de ne pas confondre avec le terme de « base ».5 Cette distinction n'est pas toujours aussi nette que cela! Peut-on considérer qu'en synchronie la

forme dieut comporte une variante combinatoire de la base duel-, comme le font les auteurs (1983:244), la vocalisation du l\l entraînant à son tour la différenciation de la diphtongue ou de latriphtongue qui en est issue? Notez: d lēre>doleir et d let>dieut, mais *v lēre>voleir et *v let->veut ( *vieut).

6 Il convient de ne pas confondre le terme de « désinence » avec celui de « morphème », unedésinence pouvant comporter plusieurs morphèmes.

7 Si l'on excepte le cas isolé du verbe estre; le radical so- de sont réapparaît dans somes.8 Nous reprenons cette idée à Vincent (1981).9 Cf. Fouché (1967: 119-20).

10 On expliquera dans la même perspective le maintien en français moderne des formes dites etfaites. En apprenant leur langue, les « petits Français » engendrent systématiquement les formesdisez et faisez, que la norme du bon usage leur interdit d'utiliser, en imposant dites et faites.

11 Sauf dans les cas où, par une évolution phonétique, fache passe á faiche, cf. Fouché (1967: 170-1).12 Ce n'est pas un phénomène isolé en morphologie historique. Dans la forme amez, la désinence -ez

comporte aussi bien le morphème flexionnel primitif -tis (ama-tis, dormi-tis) que la voyelle -a-élément constitutif du radical primitif (ama-re).

13 On relève exceptionnellement des formes du type sofret, sofreit, où il s'agit peut-être d'uneextension de la désinence -eit que l'on observe dans coilleit, beneëit, etc., cf. Fouché (1967: 367).

14 On se demande d'ailleurs pourquoi les auteurs ne font pas appel ici à la consonne /j/ ou laconsonne /δ/ en structure sous-jacente, ce qui permettrait de considérer les verbes dire (dij-+-r) etcroire (croiδ-+-r) comme des verbes en radical consonantique!

15 Il est vrai que la base « non élargie » du verbe fenir, la base feniss-, est une forme plus longue quela base « élargie », la forme fen-i-, mais les deux bases alternent dans les mêmes conditions que lesdeux bases port- et port-é- (parfois port-a-). Du même coup, on est en présence d'un mécanismed'explication pour rendre compte de l'extension du suffixe latin -sc- dans le paradigme du verbefenir. Il apparaît systématiquement et exclusivement dans les formes où les autres verbes deman-dent la base non élargie.

16 L'évolution est strictement phonétique pour les formes copërtum>covert et maled ctum>maleëit;la forme coilleit, par contre, ne représente pas entièrement coll ctum (>*collit).

BIBLIOGRAPHIEAndrieux, N. & Baumgartner, E. 1983. Manuel du français du moyen âge. 3. Systèmes morphologi-

ques de l'ancien français. A. Le verbe. Bordeaux.Foley, J. 1979. Theoretical Morphology of the French Verb. Amsterdam.Fouché, P. 1967. Morphologie historique du français. Le verbe. Paris.Herslund, M. 1976. « Structure phonologique de l'ancien français. Morphologie et phonologie du

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Walker, D. 1971. Old French Phonology and Morphology. San Diego.Wolf, L. & Hupka, W. 1981. Altfranzösische Entstehung und Characteristik. Eine Einführung.

Darmstadt.

Katholieke UniversiteitLeuvenDepartement LinguïstiekBlijde-Inkomststraat 21B-3000 Leuven

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